identifier et inventorier le patrimoine culturel immatériel

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Patrimoine culturel immatériel Identifier et inventorier le patrimoine culturel immatériel

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Patrimoine culturel immatériel

Identifier et inventorier le patrimoine culturel immatériel

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Le patrimoine culturel immatériel revêt denombreuses formes. La Convention indique qu'il peut s'exprimer dans un certain nombre de domaines, notamment dans les suivants, dont la liste n'est pas limitative :

a. les traditions et expressions orales, ycompris la langue comme vecteur dupatrimoine culturel immatériel ;

b. les arts du spectacle ;

c. les pratiques sociales, rituels etévénements festifs ;

d. les connaissances et pratiques concernantla nature et l'univers ;

e. les savoir-faire liés à l'artisanat traditionnel.

Il va de soi que de nombreux éléments dupatrimoine culturel immatériel peuventappartenir à plusieurs de ces domaines.

Les objectifs principaux de la Convention sont la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel,le respect de celui-ci, la sensibilisation à sonimportance et la coopération et l'assistanceinternationales dans ces domaines. Les pays quiratifient la Convention (les « États parties »)

acceptent l'obligation de sauvegarder lepatrimoine culturel immatériel présent sur leurterritoire. Au niveau international, la Conventioncrée deux listes : la Liste du patrimoine culturelimmatériel nécessitant une sauvegarde urgenteet la Liste représentative du patrimoine culturelimmatériel de l'humanité. Ces listes sontdestinées à attirer l'attention sur les éléments du patrimoine culturel immatériel qui sontreprésentatifs de la créativité humaine et de ladiversité culturelle et, en particulier, sur ceux quinécessitent une sauvegarde urgente.

La Convention est centrée sur le rôle descommunautés et des groupes dans lasauvegarde du patrimoine culturel immatériel.Elle se préoccupe des processus et desconditions plutôt que des produits, mettantl'accent sur le patrimoine vivant pratiqué par la population, souvent collectivement, etcommuniqué par une expérience vivante. Elle traite du patrimoine que les communautéselles-mêmes jugent important, et s'efforce decontribuer à la promotion de la créativité et de la diversité, ainsi qu’au bien-être descommunautés, des groupes et de l'ensemble de la société.

La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatérieldéfinit ce dernier comme les pratiques, représentations, expressions,connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que lescommunautés, les groupes et les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturelimmatériel, transmis de génération en génération, est recréé enpermanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d'identité et de continuité, contribuant ainsi àpromouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine.

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LLL La tradition duthéâtre dansé Rabinal Achí,Guatemala

LL L’espace culturel de laplace Jemaa el-Fna,Maroc

L Les Babi de Bistritsa -polyphonie, danses etpratiques rituellesarchaïques de la région de Shoplouk,Bulgarie

K Le patrimoine oral et lesmanifestations culturellesdu peuple Zápara, Équateuret Pérou

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Sauvegarder sans figerPour rester vivant, le patrimoine culturel immatérieldoit être pertinent pour sa communauté, recréé enpermanence et transmis d'une génération à l'autre.Le risque existe que certains éléments dupatrimoine culturel immatériel puissent mourir oudisparaître faute d'aide, mais sauvegarder nesignifie pas pour autant fixer ou figer le patrimoineculturel immatériel sous quelque forme « pure » ou« originelle » que ce soit. La sauvegarde dupatrimoine culturel immatériel consiste à transférerles connaissances, les savoir-faire et lessignifications. La Convention insiste davantage surla transmission, ou communication, du patrimoinede génération en génération que sur la productionde manifestations concrètes telles que les danses,les chants, les instruments de musique oul’artisanat. Dans une large mesure, donc, toutemesure de sauvegarde s'inscrit dans la perspectivedu renforcement et de la consolidation desconditions diverses et variées, matérielles etimmatérielles, qui sont nécessaires à l'évolution etl'interprétation continues du patrimoine culturelimmatériel, ainsi qu'à sa transmission auxgénérations à venir.

Les mesures de sauvegarde destinées à faire ensorte que le patrimoine culturel immatériel puisseêtre transmis d'une génération à l'autre diffèrentconsidérablement de celles qu'exige la protectiondu patrimoine matériel (naturel ou culturel).Cependant, certains éléments du patrimoinematériel sont parfois associés au patrimoineculturel immatériel. C'est la raison pour laquelle laConvention évoque, dans sa définition dupatrimoine culturel immatériel, les instruments,objets, artefacts et espaces culturels qui lui sontassociés.

Cela signifie-t-il que le patrimoine immatériel doivetoujours être sauvegardé ou revitalisé, quel qu'ensoit le coût ? Comme un organisme vivant, il suitun cycle et certains de ses éléments ont donc deschances de disparaître, après avoir donnénaissance à d'autres formes d'expression. Il peut sefaire que certaines formes de patrimoine culturelimmatériel, malgré leur valeur économique, nesoient plus considérées comme pertinentes ou

signifiantes pour la communauté elle-même.Comme l'indique la Convention, seul le patrimoineculturel immatériel que les communautésreconnaissent comme leur et qui leur procure unsentiment d'identité et de continuité doit êtresauvegardé. Par « reconnaissance », la Conventionentend un processus formel ou, plus souvent,informel par lequel les communautésreconnaissent que des pratiques, desreprésentations, des expressions, desconnaissances et des savoir-faire spécifiques et, lecas échéant, les instruments, objets, artefacts etespaces culturels qui leur sont associés font partiede leur patrimoine culturel.

Les mesures de sauvegarde doivent toujours êtreélaborées et appliquées avec le consentement etla participation de la communauté elle-même.Dans certains cas, l'intervention publique visant àsauvegarder le patrimoine d'une communautépeut ne pas être souhaitable, car il peut fausser lavaleur qu'a ce patrimoine pour sa communauté.En outre, les mesures de sauvegarde doiventtoujours respecter les pratiques coutumièresrégissant l'accès à des aspects spécifiques de cepatrimoine, comme les manifestations dupatrimoine culturel immatériel sacré ou celles quisont considérées comme secrètes.

Inventaires : identifier pour sauvegarderLa Convention est un document permissif et lamajorité de ses articles est formulée en termes nonprescriptifs, laissant aux gouvernements unecertaine souplesse dans leur mise en œuvre.Cependant, dresser des inventaires est l'une desobligations spécifiques définies par la Conventionet par les Directives opérationnelles pour sa miseen œuvre.

Les inventaires font partie intégrante de lasauvegarde du patrimoine culturel immatériel, carils peuvent sensibiliser à ce dernier et àl'importance qu'il revêt pour les identitésindividuelles et collectives. Le processus consistantà inventorier le patrimoine culturel immatériel et àrendre ces inventaires accessibles au public peutégalement encourager la créativité et l'estime desoi chez les communautés et les individus qui sont

LLL L’espace culturel de laplace Jemaa el-Fna,Maroc

LL Le mystère d’Elche,Espagne

L L’espace culturel dudistrict de Boysun,Ouzbékistan

I Taquile et son art textile,Pérou

4 . PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

À l'inverse, la mise en place et la mise à jourd'inventaires est un processus continu qui nepeut jamais être achevé. Il n'est pas nécessaired'avoir terminé un inventaire pour commencer àrecevoir de l'assistance ou soumettre descandidatures pour les listes de la Convention.Cependant, les Directives opérationnelles pour lamise en œuvre de la Convention exigent qu'unÉtat partie soumettant un dossier de candidaturepour l’inscription sur la Liste de sauvegardeurgente ou sur la Liste représentative doitdémontrer que l'élément proposé fait déjà partied'un inventaire du patrimoine culturel immatérielprésent sur son territoire.

Du fait des grandes différences existantes entre lesÉtats en matière de population, de territoire et derépartition du patrimoine culturel immatériel, ainsique de la grande diversité de leurs structuresadministratives et politiques, la Convention laisse àchaque État partie une grande marge de libertépour élaborer les inventaires de la manière la mieuxadaptée à sa situation, permettant ainsi la prise encompte des conditions et préoccupations locales.

Parmi les mesures de sauvegarde énumérées dansla Convention, la recherche et la documentationsont probablement parmi les premières stratégiesque les États envisageront en vue de comprendre « ce qu'il y a », « qui le fait » et « pourquoi ils le font ».Les États peuvent souhaiter mettre en place descomités nationaux du patrimoine culturelimmatériel chargé de coordonner ce travail etcomprenant des institutions compétentes, deschercheurs et une représentation descommunautés, ce qui facilitera également lesinteractions entre les membres des communautéset les chercheurs.

Les États sont en mesure de choisir s'ils veulentcréer un inventaire unique et global ou une séried'inventaires de moindre ampleur et plus restreints.C'est la raison pour laquelle ni la Convention, ni lesDirectives opérationnelles ne parlent jamais d'« un inventaire national », mais plutôt d’« un ouplusieurs inventaires ». De la sorte, les États ne sontpas contraints de faire entrer tous les domaines outoutes les communautés dans un système unique.

la source des expressions et des pratiques de cepatrimoine. Les inventaires peuvent égalementfournir une base pour la formulation de plansconcrets de sauvegarde du patrimoine culturelimmatériel concerné.

En vertu de l'Article 11 de la Convention, chaqueÉtat partie doit prendre les mesures nécessairespour assurer la sauvegarde du patrimoine culturelimmatériel présent sur son territoire et associer lescommunautés, groupes et ONG pertinentes dansl'identification et la définition des éléments de ce patrimoine. L'identification est le processusconsistant à décrire un ou plusieurs élémentsspécifiques du patrimoine culturel immatériel dansleur contexte et à les distinguer des autres. Ceprocessus d'identification et de définition est ceque la Convention entend par « inventorier ». Elle souligne également que cela devrait se faire « en vue de la sauvegarde » – c’est-à-dire quel’inventaire n’est pas un exercice abstrait, mais utile. Si donc un certain nombre d’éléments dupatrimoine culturel immatériel ont déjà étéidentifiés, les États peuvent décider de commencerà mettre en œuvre des projets pilotes desauvegarde pour ces éléments.

Reconnaissant que les États adopteront différentesapproches de l’inventaire, la Convention poursuiten prévoyant que les États parties sont tenus dedresser un ou plusieurs inventaires du patrimoineimmatériel présent sur leur territoire et de lesmettre à jour régulièrement (Article 12). Alors queles Articles 11 et 12 sont plus prescriptifs que lesautres articles de la Convention, ils permettentcependant aux États parties assez de souplessepour déterminer la manière dont ils élaborerontleurs inventaires. Les États sont libres de créer leursinventaires de la manière qui leur convient.Cependant, les éléments du patrimoine immatérieldoivent être bien définis dans les inventaires afinde faciliter la mise en pratique des mesures desauvegarde.

Les États parties ne sont pas tenus d'avoir déjàdressé un ou plusieurs inventaires avant de ratifierla Convention, bien que bon nombre d'entre euxle fassent déjà depuis de nombreuses décennies.

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Ils peuvent également intégrer les registres etcatalogues existants. Un système comprenant demultiples inventaires peut être particulièrementattrayant pour des États fédéraux où laresponsabilité de la culture ne relève pas dugouvernement central, car il permet aux régionssous-nationales ou aux provinces de créer leurspropres inventaires.

Participation des dépositaires et despraticiens des traditionsMalgré la liberté laissée aux États dans la manièred'inventorier le patrimoine culturel immatériel, laConvention impose plusieurs conditions, dont laplus importante est celle qui exige la participationdes communautés.

Les communautés étant celles qui créent lepatrimoine culturel et le maintiennent vivant, ellesoccupent une place privilégiée dans sasauvegarde. Les communautés qui pratiquent lepatrimoine culturel immatériel sont mieux placéesque quiconque pour l'identifier et le sauvegarder,et doivent donc être impliquées lorsque leurpatrimoine culturel immatériel est amené à êtreidentifié par le travail d’inventaire. La définition quedonne la Convention du patrimoine culturelimmatériel nous rappelle qu'il doit être reconnupar les communautés, groupes et individus dont ilrelève ; sans cette reconnaissance, personned'autre ne peut décider pour eux qu’uneexpression ou une pratique donnée est leurpatrimoine. Il est donc naturel que l'inventaire nepuisse se faire sans la participation descommunautés, des groupes ou des individus dontle patrimoine doit être identifié et défini. Parfois,bien entendu, des communautés peuvent ne pasavoir le pouvoir ou les moyens de le faire seules.Dans ce cas, l'État ou des agences, institutions ouorganisations peuvent s'employer à les aider àinventorier leur patrimoine vivant.

La documentation consiste à enregistrer lepatrimoine culturel immatériel, dans son étatactuel, sous une forme matérielle et à collecter lesdocuments qui s'y rapportent. La documentationsuppose souvent l'utilisation de différents moyenset formats d'enregistrement et les documents

recueillis sont souvent conservés dans deslibrairies, dans des archives ou sur des sites Web, oùils peuvent être consultés par les communautésconcernées et le grand public. Cependant, lescommunautés et les groupes ont également desformes traditionnelles de documentation, commeles livres de chants ou les textes sacrés, leséchantillons de tissage ou des recueils de motifs,ou encore les icônes et les images qui constituentdes enregistrements d’expressions et deconnaissances du patrimoine culturel immatériel.Les actions novatrices d'auto-documentationmenées par les communautés et les programmesde rapatriement ou de diffusion des documentsd'archives destinés à encourager une créativitécontinue sont des exemples de stratégies desauvegarde qui ont fait leurs preuves et sont deplus en plus employées.

L’Article 13(d)(ii) souligne également que les Étatsparties devraient toujours garder présentes à l'espritles pratiques coutumières en matière d'accès aupatrimoine immatériel. Dans certains cas, cela peutsupposer que certaines formes de patrimoineculturel immatériel ne devraient pas faire l'objetd'un inventaire ou que certains éléments dupatrimoine culturel immatériel figurant déjà dansdes inventaires ne devraient être rendus publicsque moyennant certaines restrictions. Plutôt que decréer une documentation détaillée sur desquestions sensibles, les communautés peuventdécider, par exemple, d’indiquer dans lesinventaires qui sont les gardiens de certains savoirs.Fournir des informations sur un élément dupatrimoine culturel immatériel dans un inventairerend plus facile l'accès à cet élément. Dans l'espritde la Convention, la volonté des communautés quirefusent d'intégrer un élément de leur patrimoineculturel immatériel dans un inventaire doit êtrerespectée.

Bien que certains États fassent déjà participerintensément les communautés de dépositaires dupatrimoine culturel immatériel, de nombreuxprojets d'inventaire ne prennent pas encore encompte les dispositions de la Convention relativesà l'implication des communautés. Souvent, ils ontété conçus par des organisations et des personnes

LLL Les fêtes indigènesdédiées aux morts, Mexique

LL Lakalaka, danses etdiscours chantés du Tonga

L Le mystère d’Elche,Espagne

6 . PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

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extérieures aux communautés et n’ont pas étécréés en vue d'assurer la viabilité du patrimoineculturel immatériel, comme l'exige la Convention.

Les États parties ont la responsabilité de prendre lesdispositions institutionnelles appropriées pourassocier les communautés au processusd'élaboration des inventaires. Ces dispositionspeuvent comprendre la création ou la désignationd'organes administratifs intersectoriels destinés àévaluer la législation, les institutions et les systèmestraditionnels de sauvegarde pertinents et déjàexistants, ainsi qu'à identifier les meilleurespratiques et les domaines susceptiblesd'amélioration. Ces organes seraient chargés dedresser les inventaires du patrimoine culturelimmatériel, de concevoir des politiques desauvegarde, d'élaborer des actions pour sensibiliserà l'importance du patrimoine culturel immatériel etencourager la participation publique à l'inventaireet à la sauvegarde de celui-ci. L'organe administratifdevrait également, si nécessaire, élaborer desmesures de sauvegarde appropriées pour lepatrimoine culturel immatériel inventorié. Les Étatsparties peuvent également souhaiter mettre enplace des organes consultatifs comprenant despraticiens et autres dépositaires de traditions, deschercheurs, des ONG, la société civile, desreprésentants locaux et d'autres personnesqualifiées, ainsi que des équipes locales de soutien

comprenant des représentants de la communauté,des praticiens de la culture et d’autres personnespossédant des compétences et des connaissancesspécifiques en matière de formation et derenforcement des capacités. Les méthodesd'inventaire du patrimoine culturel immatérielpeuvent être mises en œuvre par étapes et doiventreposer sur l'identification de tous les partenairespertinents et sur leur participation au processus. Lesconséquences éventuelles de l'inventaire, lesprocédures visant à assurer une relation éthiqueentre dépositaires et les pratiques coutumièresrégissant l'accès au patrimoine culturel immatérieldoivent également être identifiées.

L’inventaire doit être un processus descendant etascendant impliquant aussi bien les communautéslocales que les gouvernements et les ONG. Afin depermettre aux État parties de satisfaire l’exigencede participation des communautés, desprocédures devraient être mises en place pour :

� identifier convenablement les communautés oules groupes et leurs représentants ;

La documentation auprès de lacommunauté contribue à la viabilité dupatrimoine culturel immatériel desPhilippines

De 2003 à 2004, la communauté Subanen del’Ouest de Mindanao, aux Philippines, a entreprisun travail novateur de documentation de sessavoirs traditionnels relatifs aux plantes poussantsur son domaine ancestral. Pour la communauté,les plantes sont précieuses du fait de leurs usagesmédicinaux, agricoles, économiques et religieux.

La diversité botanique de la région décline du fait de la pression démographique et deschangements climatiques. Les anciens ontobservé qu'à mesure que la diversité botaniquese réduit, les connaissances relatives aux plantesdéclinent également. Ils ont également prisconscience du fait qu'à mesure que les jeunes

générations sont attirées vers la sociétéordinaire, les savoirs autochtones transmisoralement ne sont plus transmis à la générationsuivante et peuvent, à terme, disparaître àjamais.

Les responsables Subanen ont cherchéassistance auprès d'organisations spécialiséessusceptibles de leur fournir le savoir-fairenécessaire pour documenter eux-mêmes cesconnaissances autochtones, les expertsextérieurs agissant ici en qualité de facilitateurs.Les anciens de la communauté, des savantsanalphabètes, ont fourni l'information et lesmembres plus jeunes de la communauté,alphabètes, assuraient le travail dedocumentation.

La documentation ainsi produite a étéprésentée dans des modules multimédia et

dans des matériels éducatifs courants en anglaisavec traduction en Subanen. Ces matériels ontété officiellement enregistrés auprès del'administration publique chargée des droitsd'auteur, afin de garantir les droits de propriétéintellectuelle de la communauté. Le programmeéducatif de la communauté les utilise désormaispour enseigner leur culture aux écoliers ; ils sontégalement utilisés comme matériels scolairespour les adultes désireux d'apprendre à lire etécrire dans la langue de leurs ancêtres.

Cette « auto-documentation » s’est révélée êtreune manière efficace de préserver les savoirsbotaniques transmis oralement et de les mettre àla disposition des générations présentes etfutures, contribuant ainsi à la viabilité de cettepartie du patrimoine culturel immatériel desSubanen.

j Le Sema, cérémonieMevlevi , Turquie

I La musique traditionnelledu Morin Khuur,Mongolie

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� s’assurer que seul le patrimoine culturelimmatériel reconnu par les communautés ou lesgroupes soit inventorié ;

� s'assurer que le consentement libre, préalable etéclairé des communautés ou des groupes ait étéobtenu en vue de l'inventaire ;

� s'assurer du consentement des communautéslors de la participation de personnes qui n'ensont pas membres ;

� respecter les pratiques coutumières en matièred'accès au patrimoine culturel immatériel ;

� impliquer étroitement les autorités publiqueslocales ou régionales ;

� adopter et suivre un code éthique qui devraits’inspirer des leçons tirées des bonnes pratiquesdans le monde entier.

Dresser des inventairesBien des systèmes d'inventaire existants et presquetous les inventaires plus anciens n'ont pas été créésen vue de la sauvegarde, tel que l'entend laConvention de 2003. Certains inventaires ont été

créés par des chercheurs pour répondre à leurspropres besoins; d'autres, parmi les plus anciens, sont particulièrement problématiques, car ils ontété établis dans des situations coloniales ou dans lecadre de la construction nationale.

Tant l’Article 11 (b) que l’Article 12 de la Conventionsupposent que la totalité du patrimoine culturelimmatériel d’un pays soit couverte, car ils seréfèrent au patrimoine culturel immatériel présentsur le territoire de l’État partie. Les inventairesdevraient donc être aussi globaux et complets quepossible. Cependant, dans de nombreux cas, cettetâche peut se révéler presque impossible. Lesinventaires ne peuvent jamais être complétés oupleinement mis à jour à cause de l'immensechamp du patrimoine couvert par la Convention etdu fait que le patrimoine culturel immatérielconnaît des transformations et une évolutionconstantes.

Compte tenu de l'ampleur du patrimoineimmatériel devant être identifié et répertorié, il serasans doute nécessaire de fixer certaines priorités.En l'espèce, les éléments reconnus par les

Un projet de quatre ans pour enregistrer lestraditions vivantes de musique et de danseen Éthiopie : vers un inventaire intégral dupatrimoine culturel immatériel national.

Avec plus de 80 langues vivantes et descultures antiques nourries des influencesafricaine et moyen-orientale, l'Éthiopie est unpays d'une extraordinaire diversité. Forgée aucours d'une longue histoire de périodesd'isolement et d'échanges dues à un contextegéopolitique sans équivalent du pays, cettediversité se reflète abondamment dans lamusique et les danses du pays.

De fait, la musique éthiopienne est issue de traditions chrétienne-orthodoxe, judéo-éthiopienne et musulmane, ainsi que desexpressions polyphoniques et instrumentalesafricaines. Bien que principalement vocale, lamusique éthiopienne présente une variétéd'instruments dont certains dateraient du temps de l'Ancien Testament. Parmi les pluslargement répandus, on trouve les lyresbaganna et krar, le violon masenqo, lestambours kabaro et la flûte washint.

L’UNESCO a lancé un projet de quatre ansdestiné à recueillir et à inventorier lestraditions de musique et de danse dans toutel’Éthiopie. Première étape d’un inventairenational plus exhaustif englobant tous lesaspects du patrimoine culturel immatérieléthiopien, le projet visait à développer lescapacités locales et à documenter lespratiques et traditions vivantes.

Afin de garantir la poursuite du travail par les spécialistes éthiopiens, des coursd'ethnomusicologie ont été organisés àl'université d'Addis-Abeba et à l’École demusique Yared, en utilisant du matérielpédagogique conçu spécifiquement en anglais et en amharique. La formation à l'inventaire de la musique de la danse débuta en 2006 avec « Le paysage musicald'Addis-Abeba », une étude des différentestraditions éthiopiennes présentes dans la capitale. Les élèves ont rejoint ensuite des spécialistes européens qui travaillaient déjà sur le terrain pour étudier les traditions et les pratiques de différentesrégions.

Les activités consistaient notamment en un travail de recherche mené auprès des Maale du Sud de l’Éthiopie et en l'organisationde formations à l'emploi de matérield'enregistrement polyphonique multipiste,destinées au personnel du Musée du Sud-Omo et du Centre de recherche de la ville deJinka. Dans tout le pays, de nombreux centreset musées ont reçu des formations et deséquipements adaptés à leurs besoinsspécifiques.

À l'issue du projet, une générationd'Éthiopiens a été formée à dresser l'inventaire du patrimoine culturel immatériel national en y intégrant d'autresdomaines, tout en sensibilisant les autoritéslocales et nationales à l'importance dupatrimoine culturel immatériel, contribuantainsi directement à la sauvegarde à long terme du patrimoine vivant de l'Éthiopie.

L Le Vimbuza, danse deguérison, Malawi

I Le carnaval deBarranquilla, Colombie

8 . PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

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communautés ou par leurs praticiens commeétant particulièrement représentatifs de leurpatrimoine culturel immatériel pourraient êtreinventoriés en premier. Il conviendra de ne pasoublier que la création d'inventaires représenteune mesure de sauvegarde. Dans la mesure dupossible, il importera donc d'évoquer la viabilitédes éléments inventoriés et de souligner lesmenaces pesant sur leur survie. C'est par exemplele cas des inventaires réalisés au Brésil et enColombie. Au Bhoutan, en Bulgarie et en Lituanie,le risque de disparition est utilisé comme critèred'inscription à l'inventaire.

Afin d'atteindre aussi vite que possible un certaindegré de représentativité dans les inventaires, lesÉtats souhaiteront peut-être commencer par yinclure des informations relativement brèves.Certains éléments peuvent bénéficier d’une plus grande attention que d’autres, mais il serapréférable, dans la mesure du possible, deprésenter chaque élément selon un mêmemodèle en renvoyant, le cas échéant, à desinformations détaillées disponibles ailleurs, plutôtque d'intégrer ces informations à l'inventaire.

Les inventaires doivent être mis à jourrégulièrement, comme l'indique l'Article 12 de laConvention. Cette mise à jour est vitale, comptetenu du fait que le patrimoine culturel immatérielest en constante évolution et que les menacesaffectant sa viabilité peuvent surgir trèsrapidement. De nombreux inventaires nationauxcomportent des éléments qui n'existent déjà plus,tandis que d'autres contiennent des informationssur des pratiques qui ont substantiellementchangé. Les États parties sont tenus de fournirpériodiquement des informations pertinentes surleurs inventaires, y compris sur le processus demise à jour régulière.

La Convention laisse explicitement aux Étatsparties le choix entre l’établissement d'un ou deplusieurs inventaires, mais elle reste silencieuse surles paramètres permettant de définir la portée dechacun de ces inventaires dans le cas d'un systèmemultiple. On peut imaginer des inventairesdistincts pour des domaines différents du

patrimoine culturel immatériel, pour descommunautés différentes ou pour des régions oudes thématiques différentes dans le cadre d'Étatsfédéraux. Quels que soient les acteurs impliquésdans l'élaboration des inventaires ou des parties deceux-ci, ce sont, en dernière analyse, les États –c’est-à-dire les États parties à la Convention – quisont responsables de la conception et de la miseen œuvre de leurs inventaires.

Si les États parties peuvent être encouragés, dans laréalisation de leurs inventaires, à suivre la définitiondu patrimoine culturel immatériel telle qu’établiepar la Convention, ils n’en sont pas obligés,notamment parce que les inventaires doivent êtreélaborés de la façon la mieux adaptée à la situationde l'État partie concerné. Cependant, si un Étatpartie propose l'inscription d'un élément sur laListe représentative ou sur la Liste de sauvegardeurgente, ou souhaite demander une assistancefinancière pour la sauvegarde de cet élément, ildevra démontrer que celui-ci rentre bien dans ladéfinition du patrimoine culturel immatériel telleque formulée à l'Article 2 de la Convention.

La plupart des inventaires comprendront unsystème de classification du patrimoine culturelimmatériel. Les domaines énumérés à l'Article 2.2de la Convention constitueraient un bon point dedépart : traditions et expressions orales, y comprisla langue comme vecteur du patrimoine culturelimmatériel, arts du spectacle, pratiques sociales,rituels et événements festifs, connaissances etpratiques concernant la nature et l'univers, etartisanat traditionnel. Comme on l'a déjà noté, laConvention montre clairement que ces domainesne sont pas exhaustifs et tout système declassification n'est qu'un outil contribuant àorganiser l'information dans le cadre d'uninventaire.

Certains systèmes d'inventaire, comme ceux del'Afrique du Sud, du Cap-Vert et de Maurice, suiventplus ou moins les domaines définis par laConvention de 2003. Dans d'autres États parties, lesvariantes sont nombreuses : certains, en particulieren Afrique et en Amérique latine, présentent leslangues comme un patrimoine culturel immatériel

10 . PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

L La musiqueShashmaqom, Ouzbékistanet Tadjikistan

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à part entière, et non pas seulement comme un « vecteur » de celui-ci, tandis que d'autres citentexplicitement « la musique et la danse », au lieud’employer le terme d’« arts du spectacle » ou qued'autres encore, par exemple, distinguent lamusique de la danse.

Cependant, de nombreuses catégoriesd'inventaires nationaux peuvent aisément trouverplace dans le cadre de l'un ou l'autre des domainesdéfinis par la Convention : la « médecinetraditionnelle » et les « systèmes de savoirsautochtones » peuvent être classés dans ledomaine des « connaissances concernant la nature » et des catégories telles que « sports » ou « jeux » et « organisation sociale » dans celui des « pratiques sociales ». Des thèmes tels que la « mythologie » et les noms de lieux, d'objets oud'animaux pourraient trouver place au titre des « expressions orales » et certaines cérémoniesreligieuses et les pèlerinages à celui des « rituels »ou « événements festifs ». D'autres catégories, tellesque les « mémoires et croyances », « informationsgénéalogiques » ou « traditions culinaires »peuvent aussi trouver leur place dans un ouplusieurs des domaines présentés à l’Article 2 de la Convention. Les divergences relatives auxdomaines reflètent souvent la différence despoints de vue sur le patrimoine culturel immatériel

des communautés dans les différentes parties dumonde, ce qui est parfaitement cohérent avecl'insistance de la Convention sur le fait que chaqueÉtat doit élaborer ses inventaires de façon adaptéeà sa situation propre. Ainsi, l'Algérie et Haïtipossèdent des catégories séparées pour despratiques religieuses particulières.

Certains systèmes d'inventaires ne se limitent pasaux éléments du patrimoine culturel immatériel. Lesystème lituanien, par exemple, intègre deséléments matériels liés à des pratiques dupatrimoine culturel immatériel, aux dépositairesdes traditions ou aux archives, ainsi que plusieurséléments qui ne sont plus pratiqués. À l'inverse, enBelgique, on envisage d'intégrer dans le systèmede classification du patrimoine culturel immatérieldes éléments de la cyberculture et des pratiquesvirtuelles.

Une autre différence majeure entre les États tient àce que certains se limitent à inventorier lepatrimoine culturel immatériel autochtone ouoriginel, tandis que d’autres – la Belgique et lesÉtats-Unis, par exemple – prennent également encompte le patrimoine culturel immatériel descommunautés immigrées. De nombreux Étatsmulticulturels ne se cantonnent pas auxexpressions et aux pratiques de la culture la plus

IDENTIFIER ET INVENTORIER . 11

L Le patrimoine oralGèlèdé, Bénin, Nigeria etTogo

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K Les traditions des Marronsde Moore Town, Jamaïque

répandue, mais s'attachent plutôt à prendre encompte d'emblée le patrimoine culturelimmatériel des groupes minoritaires.

La diversité est grande également en ce quiconcerne le volume de la documentation et leniveau de détail des inventaires. Il ne semblematériellement ou financièrement pas possible defournir des informations détaillées sur toutes lesmanifestations du patrimoine culturel immatérielprésentes dans des pays où ce patrimoineprésente une immense variété. Près de la moitiédes systèmes en usage aujourd'hui présentent unedocumentation très étendue, tandis que d'autressont moins exhaustifs dans l'information qu'ilsfournissent sur les éléments répertoriés. Certains

prennent la forme de catalogues ou de registres,tandis que d'autres présentent des informationscomme une série d'entrées évoquant uneencyclopédie. Au Brésil, le système employéintègre les deux approches. À l'échelle nationale,les éléments figurent, à un certain niveau, sur un « Registre » et, à un autre niveau, dans un « Inventaire ». Au niveau national, unedocumentation abondante est fournie pour ces deux catégories, tandis que, dans les Étatsfédéraux, les inventaires ne comportent pas une telle masse de documentation.

Dans la plupart des pays, il n'existe pas dedispositions légales visant à protéger les droits de propriété des communautés, groupes depraticiens et dépositaires des traditions sur leurspratiques et expressions culturelles et socialestraditionnelles. Une certaine prudence doit doncs'imposer lors du traitement d'informationsaisément accessibles et susceptibles de faire l'objetd'applications commerciales. Faute de protectionjuridique appropriée, des étrangers peuvent utiliseret exploiter commercialement des informationstelles que les savoirs médicaux traditionnels, laconnaissance des ressources naturelles ou lestraditions musicales et orales. Les communautésdevant exprimer un consentement libre, préalableet éclairé avant l'inventaire de leur patrimoine, ellespeuvent limiter la quantité d'informations qu'ellessouhaitent fournir – voire ne fournir aucuneinformation – sur les éléments de leur patrimoineculturel immatériel. Les communautés peuvent

12 . PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

L La tradition du théâtredansé Cocolo, RépubliqueDominicaine

L’expérience bulgare en matièred’inventaires

En Bulgarie, au niveau national, le Ministère de laculture (Comité national pour le PCI) et l’Institutdu folklore de l’Académie des sciences deBulgarie (et son Centre national pour le PCI) sontresponsables de la sauvegarde, de l’inventaire etde la promotion du patrimoine culturelimmatériel. Un projet d'inventaire a été mené en2001 et 2002. L'inventaire, réalisé à deux niveaux– national, régional et local – selon les divisionsadministratives existantes, conjuguait le principeterritorial et une classification en fonction desorigines culturelles, car ces deux facteurscoïncidaient souvent. Les principaux critères de

l'inscription d'un élément à l'inventaire étaientl'authenticité (comprise comme uneappartenance stable au moins à deuxgénérations consécutives de la mêmecommunauté), la représentativité, la valeurartistique, la vitalité et l'enracinement dans latradition. Les domaines sélectionnés pour laclassification du patrimoine culturel immatérielétaient les rites et les fêtes traditionnels, le chantet la musique traditionnels, la danse et les jeuxd'enfants traditionnels, les contes traditionnels,l'artisanat traditionnel et la productiontraditionnelle d'objets ou de produits faitsmaison et la médecine traditionnelle. Unquestionnaire établi par des experts a étéenvoyé aux communautés en recourant à la

fois au canal administratif et au réseau deschitalishte (« centres culturelscommunautaires ») locaux, les donnéesrecueillies ont été analysées par les experts etune première version de l'inventaire a étéélaborée et mise en ligne pour commentaires.Après l’intégration des commentaires et desrecherches complémentaires sur le terrain, laversion finale de l'inventaire a été publiée enversion imprimée et sur l’Internet. Aujourd'hui,le réseau des chitalishte – unions citadinesbénévoles, est partialement financé par leministère de la Culture. Dans une certainemesure ce réseau assure la transmission dessavoirs et des savoir-faire dans le domaine dupatrimoine culturel immatériel.

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Texte publié avec l’aimable autorisation de M

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IDENTIFIER ET INVENTORIER . 13

L’expérience brésilienne en matièred’inventaires

L'expérience du Brésil en matière d'inventairesremonte à la création, dans les années 1930, del'Institut du patrimoine historique et artistique(IPHAN) et à l'application d’un texteadministratif dénommé Tombamento, destinéà la protection juridique du patrimoineculturel, meuble et immeuble. Le Tombamentoreposait sur les notions occidentalesd'authenticité et prévoyait notamment que lesbiens seraient préservés, dans la mesure dupossible, sous leur forme originale, ens'intéressant davantage aux objets qu'auxprocessus sociaux correspondants. Lorsque,dans les années 1970, le concept depatrimoine culturel a été élargi pours'appliquer également aux biens explicitementimmatériels, il est devenu évident que les biensculturels et vivants devaient être sauvegardéspar des moyens spécifiquement adaptés, cequi a abouti en 2000 à la création par décret duRegistre des biens culturels immatériels.

Ce Registre permet de documenter et derendre publics les éléments du patrimoineculturel immatériel d'une manière qui tienne

compte des droits collectifs et individuelsassociés à ce patrimoine. Compte tenu de lanature dynamique du patrimoine culturelimmatériel, le Registre doit êtrepériodiquement révisé – au moins une foistous les dix ans. Les biens enregistrés sontdéclarés « Patrimoine culturel brésilien », cequi leur permet d’être promus et de recevoirun soutien financier destiné aux plans desauvegarde. Parallèlement au Registre, unProgramme national pour le patrimoineimmatériel a été créé en vue de préserver la diversité ethnique et culturelle du pays,intégrant l’Inventaire national des référencesculturelles. Une méthodologie d'inventaire aété élaborée par l’IPHAN pour cet Inventairenational, en vue d'identifier les biens culturelstant matériels qu’immatériels. Les biensculturels immatériels se divisent en quatrecatégories : « Célébrations », « Formesd’expression », « Artisanat ou savoirstraditionnels » et « Lieux ou espaces matériels ». La délimitation géographique des activités d'inventaire peut correspondre à un village, un district, une zone, un secteur urbain, une région géographiqueculturellement différenciée ou un ensemblede territoires.

L La fabrication des tissusd’écorce en Ouganda

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La méthode pour l’élaboration des inventairescomporte trois phases : (1) collectepréliminaire, (2) identification etdocumentation et (3) interprétation. Lesinventaires réalisés par l’IPHAN mettentl'accent sur les références culturelles despeuples autochtones, des citoyens et groupesafro-brésiliens vivant dans des noyaux urbainsprotégés, ainsi que des personnes vivant dansdes environnements urbains multiculturels. Unaccent particulier est mis sur les biens culturelsen péril.

Selon l’IPHAN, l’un des objectifs importants del'inventaire du patrimoine culturel immatérielest d'entretenir la diversité culturelle du paysdans un contexte marqué par des tendances àl'homogénéisation, et de contribuer, par lamise en œuvre de mécanismes de sauvegarde,à l'intégration sociale des dépositaires destraditions et à l'amélioration de leursconditions de vie. Depuis 2000, l’IPHAN afinalisé 48 inventaires contenant des référencesculturelles de tout le pays et 47 autres sontactuellement en cours. Seize biens culturelsont été recensés depuis 2002 et onze plansd’action sont en cours afin de garantir leurtransmission et leur continuité.

n'avoir pas toujours conscience de la valeurpotentielle que revêt pour d'autres leur patrimoine,de telle sorte que les responsables de l'inventairedoivent prendre soin de ne pas y faire figurer desinformations susceptibles de violer la vie privée oud'inciter à une exploitation injuste de la partd’acteurs extérieurs à la communauté.

Il n'y a pas d'ancienneté minimale pour que despratiques établies et transmises de génération engénération soient considérées comme deséléments du patrimoine culturel immatériel au titrede Convention. Certains États soumettent à uneexigence de ce genre l’inscription des éléments dupatrimoine à l’inventaire. La durée en est trèsvariable – de deux ou trois générations pourcertains États jusqu’à sept pour d’autres. Il estparfois difficile de définir depuis combien degénérations une tradition est pratiquée, enparticulier dans des communautés dont,traditionnellement, la première langue n'existaitpas sous forme écrite. La communauté devant

14 . PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

L’expérience vénézuélienne en matièred’inventaires

La Ley de Protección y Defensa del PatrimonioCultural (la loi vénézuélienne sur la protection et la défense du patrimoine culturel) de 1993décrétait la création d’un Instituto del PatrimonioCultural, l’IPC (Institut du patrimoine culturel,http://www.ipc.gob.ve), dont l'une des tâchesprincipales consiste à dresser l'inventaire dupatrimoine culturel vénézuélien. Au cours d'unepremière campagne d'inventaire, 610 biensculturels seulement ont été proclamés, dont 476 architecturaux (d'époque coloniale). L'Instituta pris conscience du fait que cette situation nereflétait pas la richesse et la variété du patrimoineculturel du pays et a ainsi décidé, en 2003,d'engager un nouveau projet d'inventaire quivisait à refléter toutes les formes de patrimoineculturel de toutes les municipalités du Venezuela.En 2005, 68 000 expressions du patrimoinematériel et immatériel avaient été enregistrées etle projet devait, à terme, compter environ 110 000expressions inventoriées.

Le nouvel inventaire avait pour but de refléter les manifestations culturelles ayant de la valeurpour les communautés elles-mêmes. Ce faisant, ilrejetait les principes appliqués jusqu'alors, quivoulaient que la valeur exceptionnelle d’unemanifestation soit définie par un spécialiste et quele patrimoine fasse l'objet d'une appropriation parl'ensemble de la société au moyen des politiquespubliques. L'objectif final du nouvel inventaireétait au contraire d'enregistrer toutes les activités,manifestations, produits ou expressions culturellesqui représentent et caractérisent socialementchaque communauté et chaque groupe

vénézuélien. Le critère de base de l'inventaireétait le caractère représentatif du patrimoineculturel matériel et immatériel pour lescommunautés et les groupes, prévoyantégalement d'inscrire les personnes possédantdes savoir-faire distinctifs qui symbolisent uneidentité collective.

Le travail de terrain a débuté en 2004 avec lacollecte d'informations, à l'échelle municipale, à partir de questionnaires préexistants qui se sontrévélés être d'une efficacité limitée, car ils n'exprimaient pas le principe dereprésentativité et ne comportaient pas dequestions permettant de distinguer d'autresformes de patrimoine que les monuments ou lessites. De nouveaux questionnaires ont donc étéélaborés dans l'idée qu'une question conduirait àla suivante, en ménageant une souplessesuffisante pour compiler et réviser ultérieurementles informations recueillies. Le critère d'évaluationutilisé pour déterminer le caractère représentatifétait la nécessité de prouver l'évidence d’unevalorisation collective des biens culturels destinésà être enregistrés. Faute de cette évidence, leséléments étaient rejetés.

La collecte d'informations a été organisée par desemployés du secteur de la culture, des étudiants,des volontaires et par le réseau des enseignantslocaux, qui est l'un des réseaux publics les plusétendus du pays. Les communautés ont étéinformées de la portée et des objectifs du projetet du fait que seules les informations qu'ellesvoulaient communiquer seraient publiées dans leCatálogos del Patrimonio Cultural Venezolano, unesérie de plus de 200 volumes qui présente lesrésultats de l'inventaire dans 335 municipalités. Le

patrimoine culturel a été enregistré, pour chacunedes municipalités, sous cinq catégories : los Objetos(objets), lo Construido (patrimoine bâti), la CreaciónIndividual (création individuelle), la Tradición Oral(tradition orale) et las Manifestaciones Colectivas(manifestations collectives).

Une équipe de rédaction et d'édition a étéchargée de ramener l’information à une brèvedescription de chacun des éléments, pour desraisons pratiques liées à la publication del'inventaire. Le reste des informations écrites etaudiovisuelles figure sous forme numérique dansune banque de données centrale de l’IPC, en vued'être mis à la disposition du public par Internet etd'autres moyens. Il est également prévu depublier un CD contenant le patrimoine culturel dechaque région administrative vénézuélienne et unprojet de cartographie culturelle. L'inventaire estconsidéré comme un outil culturel et éducatifmajeur à utiliser dans le cadre des politiques dedéveloppement.

D'un point de vue juridique, le Tribunal Supremode Justicia (la Cour suprême vénézuélienne) adécrété que tout patrimoine culturel dûmentenregistré et publié dans l'inventaire fait l'objetd'une protection au titre de la Loi sur la protectionet la défense du patrimoine culturel. Lors del’allocation des ressources financières destinées àla sauvegarde du patrimoine culturel immatérielinventorié, priorité est donnée au patrimoineculturel menacé de disparition. Aujourd'hui, plusde 84 000 expressions culturelles ont étéinventoriées et plus de 160 Catálogos ont étépubliés et sont disponibles gratuitement danstoutes les institutions culturelles, sociales etéducatives de chaque municipalité.

décider elle-même ce qu'elle reconnaît commeétant son patrimoine culturel immatériel, le faitd'imposer de l'extérieur une limite uniforme dedurée semble contradictoire avec la Convention.

Il convient d'accorder une attention particulièreaux évolutions rapides causées par des facteursextérieurs et produisant des effets importants : sielles peuvent avoir leurs racines dans des élémentstraditionnels du patrimoine culturel immatériel,elles peuvent n'être pas toujours considéréescomme procédant d'une chaîne dedéveloppement ininterrompue. Certains systèmesd'inventaire n'intègrent pas les éléments revitalisés

après une telle interruption, tandis que d'autreschoisissent de les intégrer s'ils sont reconnus parune communauté comme étant son patrimoine.

Certains États séparent leurs inventaires enfonction des frontières administratives internes. Le Venezuela, par exemple, présenteséparément le patrimoine culturel de chacunede ces municipalités. Les États fédérauxstructurent souvent leurs inventaires parterritoire ; de fait, de nombreux États utilisent lesdivisions administratives comme principalprincipe de classification.

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Proposition de plan pour l’inventaired’éléments du patrimoine culturel immatériel

1. Identification de l’élément1.1. Nom de l'élément, tel qu'il est employé

par la communauté ou le groupeconcerné ;

1.2. Titre bref et aussi informatif que possible(avec indication du(des) domaine(s)) ;

1.3. Communauté(s) concernée(s) ;1.4. Localisation(s) physique(s) de l’élément ;1.5. Brève description.

2. Caractéristiques de l'élément2.1. Éléments matériels associés ;2.2. Éléments immatériels associés; 2.3. Langue(s), registre(s), niveau(x) de langue

impliqués ;2.4. Origine perçue.

3. Personnes et institutions associées àl'élément3.1. Praticien(s)/interprète(s) : nom(s), âge,

sexe, statut social et/ou catégorieprofessionnelle, etc. ;

3.2. Autres participants (par ex.dépositaires/gardiens) ;

3.3. Pratiques coutumières régissant l'accès àl'élément ou à certains aspects de celui-ci ;

3.3. Modes de transmission ;3.4. Organisations concernées (ONG et autres).

4. État de l’élément : viabilité4.1. Menaces pesant sur la pratique ;4.2. Menaces pesant sur la transmission ;4.3. Disponibilité des éléments matériels et

ressources associés ;4.4. Viabilité des éléments matériels et

immatériels associés;4.5. Mesures de sauvegarde existantes.

5. Collecte de données et inventaire5.1. Consentement et participation de la

communauté/du groupe à la collecte et àl’inventaire des données ;

5.2. Restrictions, s’il y a lieu, à l'utilisation des données inventoriées;

5.3. Personne(s) ressource(s) : nom et statutou appartenance ;

5.4. Date et lieu de collecte des données ;5.5. Date de saisie des données dans un

inventaire ;5.6. Entrée de l’inventaire compilée par ….

6. Références bibliographiques,discographiques, audiovisuelles, etarchivistiques

IDENTIFIER ET INVENTORIER . 15

K La mascarade Makishi,Zambie

K Lakalaka, danses etdiscours chantés du Tonga

K L’épopée Darangen desMaranao du lac Lanao,Philippines

L L’espace culturel dePalenque de San Basilio,Colombie

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Le patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautéset les groupes, et leur procure un sentiment d’identité et decontinuité, promouvant ainsi le respect de la diversité culturelleet la créativité humaine.

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