islam et culture mai 2012
TRANSCRIPT
Mahi TABET AOUL
ISLAM ET CULTURE
Edition BENMERABET
2010
wPPrreemmiièè
م 2010
Tous droits réservés
Dépôt légal : 3771
ISBN : 978-9961
Edition impression BENMERABETTél. : 05 55 43 71 96
Email : [email protected]
2
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èèrree EEddiittiioonn
10 -هـ1431Tous droits réservés
3771 - 2010
9961-9903-1-5
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Edition impression BENMERABET
: 05 55 43 71 96 [email protected]
3
OUVRAGES DE L’AUTEUR
• Développement durable au Maghreb : Contraintes
et Enjeux : édité par le HEI (Centre des Hautes
Études Internationales) Université de Laval - Québec
– Canada- Juillet 2010
• Société, environnement et santé. Co-auteur,
Cahiers du CRASC - Oran, Algérie - 2009.
• Adapter les agricultures au changement
climatique, Co-auteur, Mediterra, Chapitre 3,
Sciences PO, Plan Bleu et Ciheam - Paris, France –
2009.
• Communication nationale de l’Algérie, Co-auteur -
Convention Cadre des Nations Unies du Changement
climatique (CCNUCC) - 2003
• Note d’alerte n°48 du CIHEAM (Centre International
des Hautes Études Agricoles Méditerranéennes) Juin
2008
• Changement climatique et risques sur le Maghreb,
PNUD - Somigraf - Casablanca, Maroc - 1999.
4
• Développement durable et stratégie de
l’environnement, Office des presses universitaires -
Alger, Algérie, 1998.
• Ozone et réglementation - ARCE et IHFR, Oran,
Algérie, 1993.
• Pollution thermique, radioélectrique, bruits et
odeurs. ARCE et IHFR Oran, Algérie, 1993
• Environnement –Passé, Présent et Futur - Edition-
impression BenMerabet- Alger- Algérie 2011
• Islam et Environnement - Edition-Impression
BenMerabet- Alger- Algérie 2010
• Dictionnaire bilingue (français-anglais-français) sur
l’environnement - en voie d’édition.
5
REMERCIEMENTS
Merci à Dieu de m’avoir donné foi et force pour écrire.
Je remercie ceux et celles qui ont accepté de lire et de commenter le
contenu de ce livre et émis de nombreux avis et observations. Que
chacun trouve ici l’expression de ma profonde reconnaissance. Je
rends un hommage particulier à Wahida et Si Mohammed pour leur
assistance tout au long de la réalisation de cet ouvrage.
6
DEDICACES
Cet ouvrage est l’occasion d’honorer la mémoire des Chahids, mes
compagnons de jeunesse et mes frères de combat, morts à la fleur
de l’âge pour la liberté de l’Algérie : Bouchenak Kamel, Grari
Brahim et Tabet Aoul Touhami. Que Dieu leur accorde sa pleine
miséricorde.
Ma reconnaissance va à chaque membre de ma famille pour la
patience et l’appui apportés tout au long de ma carrière.
Cet ouvrage témoigne de mon profond attachement à la ville de
Tlemcen qui m’a vu naitre et grandir mais que j’ai du quitter à
l’âge de 20 ans. Cette belle ville m’a bercé de sa culture et apporté
le bonheur de la foi et du savoir. Ce n’est que justice si,
aujourd’hui, je lui apporte cette modestie contribution à l’occasion
de sa célébration, en 2011, comme capitale de la culture islamique.
7
SOMMAIRE
PRESENTATION DE L’OUVRAGE ______________________________ 8
1. INTRODUCTION _________________________________________ 10
2. DEFINITION DE LA CULTURE _______________________________ 29
3. DIVERSITE CULTURELLE ___________________________________ 47
5. PATRIMOINE CULTUREL ISLAMIQUE ________________________ 87
6. MOYEN AGE OU AGE D’OR DE L’ISLAM, MOYEN AGE OBSCUR DE
L’OCCIDENT ET CONTRIBUTION DE L’ISLAM A LA PENSEE HUMAINE 251
7. APPORT ISLAMIQUE A LA RENAISSANCE EN OCCIDENT _________ 270
8. COMPARAISON ENTRE CULTURE ISLAMIQUE ET CULTURE HUMANISTE
_________________________________________________________ 276
9. CONCLUSION ____________________________________________ 287
BIBLIOGRAPHIE ____________________________________________ 289
8
PRESENTATIONION DE L’OUVRAGE
Cet ouvrage est un ouvrage de synthèse qui vise trois objectifs :
• Le premier est de définir la culture et son rôle dans le
développement de la civilisation,
• Le second est d’offrir un manuel synthétique et didactique
pour l’éducation et la formation sur la culture islamique et son
apport au patrimoine universel à travers le « moyen âge d’or »
de l’Islam,
• Le troisième est de relater les témoignages de grands penseurs
occidentaux sur le rôle joué par la civilisation islamique dans
la genèse de la civilisation occidentale.
L’ouvrage aborde les différents piliers de la culture à travers l’éthique et
l’esthétique qui constituent les valeurs spirituelles d’une civilisation, les
ressources naturelles, l’environnement, le cadre de vie, le capital matériel
et technique qui servent à satisfaire les besoins sociaux et enfin
l’organisation socioéconomique et politique. Il précise le rôle de la culture
dans le développement durable. Après l’introduction sur la problématique
culturelle de notre époque, l’ouvrage aborde la question culturelle à quatre
niveaux :
9
• le premier porte sur la définition et les caractéristiques
fondamentales de la culture, son évolution, sa diffusion, les
subcultures, le processus d’acculturation, le concept de culture
populaire et la diversité culturelle,
• le second aborde le rôle de la culture et ses liens avec
l’idéologie, la langue, l’histoire, l’éducation, la science, la
politique, l’économie, les ressources naturelles et
l’environnement,
• le troisième concerne la culture islamique et son impact dans
les différents domaines,
• le quatrième décrit l’apport de la culture islamique au monde et
en particulier à l’Occident à travers le développement de la
pensée humaine, la pensée expérimentale et pratique, le
progrès scientifique, la philosophie rationaliste, le
développement socioéconomique et le rôle précurseur de
l’Islam dans la Renaissance de l’Occident; cette partie aborde
aussi la comparaison entre culture islamique et culture
humaniste.
10
1. INTRODUCTION
Chams Eddine El Babili1 « Un ouvrage nouveau doit
traiter exclusivement d’une des sept questions : une chose
nouvelle à créer, incomplète à achever, confuse à préciser,
prolixe à résumer, désordonnée à mettre en ordre, dispersée
à synthétiser ou erronée à rectifier ».
La culture est à la fois l’héritage des connaissances et pratiques
accumulées par les ancêtres et celles acquises par les générations
présentes. Si l’on ne profite pas de l’expérience du passé et qu’on
recommence chaque fois tout de nouveau en se repliant sur soi-même, il
n’y aurait jamais ni culture, ni civilisation. La culture est pour une
civilisation ce qu’est l’eau pour la terre. A une question sur la définition
de la culture, le général De Gaulle avait répondu que « c’était tout ». La
culture est la seule mesure valable du niveau de civilisation d’un pays et
de son potentiel scientifique, technique, économique et social et
organisationnel.
Toutes les grandes civilisations ont marqué leur passage par des
réalisations dans le domaine de la culture. A ce jour, on continue de parler
des civilisations Egyptienne, Grecque, Romaine, Carthaginoise, Inca,
Islamique, etc. Chacune se caractérisait par un type de croyance,
d’éthique, d’esthétique, de style de vie, d’organisation sociale,
d’architecture, d’arts, etc. Beaucoup de vestiges témoignent, encore de
1 Chams Eddine El Babili, mort en 1077 de l’Hégire, cité par Moulla El Mohibbi, Khoulassat El Athar, Fi Aciane El Kar El Hadi Achar T.IV P-41 Edition du Caire 1284 H
11
nos jours, de la splendeur et du rayonnement de ces civilisations.
On peut aussi parler de grands hommes ayant marqué l’histoire par leurs
œuvres, comme les Grecs: Thalès, Socrate, Hippocrate, Gorgias, des
Romains: Vitruve, les Musulmans: Jabir, Khawarizmi, El-Rhazy,
Avicenne, Averroès, Ibn Khaldoun, les Français: Descartes,
Montaigne, Montesquieu, Pascal, Rousseau, etc.
La culture est un ensemble de liens spirituels et sociaux, hérités ou acquis,
qui relient les hommes entre eux. C’est aussi la perception qu’ont les
hommes des éléments et phénomènes du milieu extérieur qui les
entourent. La culture repose sur les liens psychiques entre l’ego de
l’homme et le milieu extérieur qui l’entoure, entre l’homme et la société,
entre l’homme et la nature. L’anthropologie définit l’homme comme un
animal pensant que la religion a humanisé et civilisé.
Aujourd’hui, les puissants centres qui contrôlent l’économie mondiale,
considèrent que la culture des peuples est un frein sur le chemin de la
globalisation qui repose aujourd’hui sur le matérialisme basé sur le
développement des moyens de production et l’intensification de la
consommation. On tente d’uniformiser l’homme, selon un moule social
unique qui le rend assimilable par la machine économique et la machine
des loisirs. A l’heure actuelle, on ne veut plus de l’homme pensant mais
de l’homme pensé. Pour le canaliser, il faut agir sur son comportement,
son mode de vie et atténuer chez lui par un processus discret, le temps et
la liberté de réflexion en manipulant et en dissipant son esprit de façon
permanente.
La puissance économique se sert du développement vertigineux des
12
réseaux d’information et de communication pour véhiculer de nouvelles
valeurs et insérer l’homme dans le nouvel ordre mondial. Le but ultime à
atteindre est celui de dépouiller l’homme de son psychique pour qu’il
devienne une matière facile à usiner et même une marchandise d’un
nouveau genre. On tente, par des moyens divers, d’exacerber les instincts
primaires de l’homme par la banalisation et la libéralisation sexuelle.
On affirme que les religions ont longtemps maintenu, par leur
enseignement moral, l’homme dans une forme de privation et d’infériorité
l’empêchant de donner libre cours à sa vraie nature pour s’épanouir et
satisfaire ses désirs naturels. En Occident, après avoir libéré l’homme de
la contrainte du mariage en instituant le concubinage, voilà qu’on autorise
le mariage mono-sexuel. L’origine parentale n’est plus une exigence
sociale. Une véritable anarchie sociale s’installe et avec elle la
dégénérescence de l’espèce humaine. Avec ce système libertaire, de plus
en plus ouvert, on ne va pas s’arrêter là avec toutes les conséquences
néfastes sur l’équilibre psychique et biologique de l’homme de demain et
sur sa pérennité. La famille, qui constitue la cellule de base de toute
société, depuis des millénaires, se dilue pour ne plus être une référence et
un point d’ancrage au plan moral et social.
Au nom d’une pseudo-liberté ou de protection des enfants, on va jusqu’à
retirer et éloigner les enfants de la tutelle familiale. En encourageant
l’éclatement de l’unité familiale, on atomise ses membres qui deviennent
une proie facile à la manipulation tout en exacerbant le développement de
l’individualisme. Il s’agit là d’un processus qui détache l’homme de ses
racines et le dépouiller de son héritage historique. On doit tout effacer de
la mémoire de l’homme moderne pour qu’il devienne un réceptacle pour
13
de nouvelles valeurs conçues par l’homme et pour l’homme. Si Descartes
affirmait la puissance de l’homme sur la nature, le phénomène actuel de
globalisation repose sur la puissance de l’homme sur l’homme. On pense
à l’homme de demain, qui sortira des éprouvettes de laboratoires
spécialisés au moyen de manipulations génétiques qui permettront de
donner naissance à l’être idéal en vue de sa généralisation. Cette sélection
utilise la science génétique, bénéficie de gros moyens financiers et se fait
dans le secret absolu. On oublie, sur la base de cette même science, que le
phénomène d’uniformisation signifie le commencement de la
dégénérescence de la race humaine. Ce sont de nouveaux rapports de
maître à esclave qui sont mis en œuvre. On tente d’un côté d’animaliser
l’homme et d’un autre côté, d’utiliser la science et la technologie pour
asservir son esprit. P.T. De Chardin2 disait que la croissance de la
population mondiale et les ressources naturelles limitées de notre planète
conduisent au phénomène de compression humaine. A l’avenir, on sera de
plus en plus nombreux à vivre dans des espaces limités. Aujourd’hui près
de 60% de la population mondiale se concentre dans les zones littorales.
L’équilibre de la planète et la survie de l’humanité ne peuvent être assurés
que par une nouvelle éthique permettant une meilleure cohésion humaine
basée sur le renforcement des liens sociaux et spirituels entre les êtres
humains et avec leur environnement afin de les rendre solidaires dans des
espaces de plus en plus réduits.
Les tendances actuelles du développement économique et social se
2 Pierre Teilhard De chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Editions le Seuil -1956
14
trouvent à l’opposé de la vision de P.T. De Chardin. Les ambitions
politiques et le désir de puissance lié au leadership mondial tentent de
casser les liens entre les nations et hommes pour les asservir. Déjà
aujourd’hui, l’homme subit une véritable oppression technologique. Il
passe plus de temps à s’occuper de ses moyens de confort, de leur
entretien et de leur maintenance que de penser ou de réfléchir à sa propre
condition. L’encouragement au crédit bancaire et la spéculation,
enferment l’homme dans une spirale d’endettement sans fin, à l’origine
d’un stress aux conséquences néfastes comme le risque éventuel de perte
d’emploi ou de chômage.
La recherche d’une uniformisation de l’homme, d’une part, et le pouvoir
exorbitant d’une minorité, d’autre part, fragilisent l’équilibre de
l’humanité et mettent en péril son devenir. En effet, pour maintenir ses
privilèges et sa position dominante, la minorité favorisée (l’oligarchie
dominante) n’hésitera pas, au nom d’un pseudo-humanisme ou d’un droit
d’intervention humanitaire de circonstance qu’elle inventera et
conditionnera, à provoquer des conflits armés, des guerres et même des
génocides de façon permanente et dans de nouvelles régions
géographiques de la planète. Le but non avoué est de permettre l’entretien
et le financement permanent des complexes militaro-industriels qui
consomment et drainent le plus gros des investissements, des ressources
naturelles et des ressources financières du monde. Quand on se réfère à
l’histoire, on constate que le colonialisme a utilisé la puissance de sa
science et de sa technologie pour tenter d’uniformiser le monde sur la base
de ses propres valeurs. Ceci a entraîné la mort de dizaines de millions
d’êtres humains et la destruction à grande échelle de nombreux pays.
Aujourd’hui, certains Etats, grâce à leur puissance économique, tentent
15
encore de réitérer cette expérience douloureuse pour imposer un
néocolonialisme non déclaré ou un monopole industriel ou commercial
aux mains de puissants groupes financiers. Ce qui les amènera non
seulement à détruire le patrimoine culturel des peuples mais aussi une
partie de l’humanité qui refusera de s’y soumettre. Il est temps, avant qu’il
ne soit trop tard, de renforcer l’éthique, la cohésion et la solidarité entre
les peuples pour équilibrer les assauts d’une mondialisation sans visage.
Déjà dans les années 50, R. Garaudy, alors membre du parti communiste
français, prophétisait sur l’évolution de l’Occident à travers les lignes
suivantes publiées dans l’organe théorique ‘les Cahiers du
Communisme’: « Nous voyons aujourd’hui succéder au fascisme
(référence à la période hitlérienne) de nouvelles formes de division et de
nouvelles exclusives : ceux qui se font aujourd’hui les défenseurs du ‘bloc
occidental’ en diplomatie, de ‘la démocratie occidentale’ en politique, de
la ‘civilisation occidentale’ en morale, représentent les mêmes forces
sociales de réaction, d’agression, et de proie que les organisateurs de
‘l’ordre européen et occidental’ du fascisme, c’est à dire les trusts
capitalistes. Ce sont les mêmes qui dans le Proche Orient, pour des
raisons pétrolières et de pure stratégie militaire, s’efforcent de constituer
un ‘bloc oriental’. Grâce à ce bloc dirigé par eux, ils espèrent continuer à
pomper le pétrole et les surprofits, et aussi maintenir les divers peuples
arabes sous leur domination impérialiste. Dans les deux cas, l’objectif est
le même : la justification idéologique de la même politique d’exclusive. ».
G. Garaudy ajoutait : « Notre choix est fait : ni sur le plan diplomatique,
ni sur le plan politique, ni sur le plan intellectuel et moral, nous ne
voulons isoler ou séparer l’Occident ou l’Orient du reste du monde et sa
culture. Nous ne voulons pas faire de l’Occident ou de l’Orient une île ».
16
La Renaissance en Europe aux XVe et XVIe siècles amena une rénovation
littéraire, artistique et scientifique. Elle remit à l’honneur la culture
antique gréco-romaine tout en occultant l’apport de la culture islamique,
alors que celle-ci était une partie intégrante de la culture européenne,
notamment à travers des échanges scientifiques et culturels, très intenses
qui existaient depuis le XIe siècle. Ceci est d’autant plus regrettable, que
c’est grâce aux traductions arabes de savants musulmans, que les travaux
d’auteurs gréco-romains ont pu être conservés dans leur forme originale
au bénéfice de la postérité. C’est grâce à la civilisation arabe que les
conditions intellectuelles de la Renaissance ont été rendues possibles à
travers la résurrection de la culture antique et de l’hellénisme. Depuis
l’avènement de la Renaissance, l’un des aspects constant de la politique de
l’Occident a consisté à nier, sans cesse et de façon volontaire, le rôle joué
par la civilisation islamique dans l’avènement du monde moderne.
L’Occident a fait du moyen âge, période florissante de la civilisation
islamique, un âge obscur. Il s’agit là d’une conspiration du silence imposé
et d’une falsification systématique visant à nier des vérités historiques
solidement établis. Au cours de ce moyen âge, la civilisation islamique a
apporté une riche contribution au progrès de l’humanité dans tous les
domaines de la pensée, de la science et de la technique. Encore de nos
jours, une place dérisoire, sinon nulle est réservée à la civilisation
islamique au sein des programmes d’enseignement des écoles et
universités occidentales. On passe sous silence son rôle dans la
conservation et la réanimation des anciennes civilisations de
Mésopotamie, de Perse, d’Egypte, de Grèce et de Rome. De même, on a
fait table rase des découvertes, dans de nombreux domaines, réalisées par
les savants de l’Islam au cours de l’âge d’or (800 à 1100) où ils avaient
17
surpassé leurs prédécesseurs. Lorsque l’élève ou l’étudiant européen3 a la
curiosité de s’intéresser à l’Islam ou à la conquête arabe, il a l’impression,
à la lecture des manuels officiels, d’être en présence d’une énigme
indéchiffrable ou d’une phase de stagnation de l’évolution de la
civilisation humaine. Il ne dispose d’aucun moyen objectif pour
comprendre les fondements et les conséquences de la conquête islamique
qui, en quelques années, a unifié un territoire immense qui s’étendait de
l’Océan Atlantique à la mer de Chine. Cette conquête a fait franchir à
l’humanité une nouvelle étape historique en intégrant, à grande échelle et
pour la première fois dans l’histoire, des peuples et des cultures différents.
L’expansion islamique, contrairement à ce qu’on a raconté, n’a pas été
uniquement le fruit d’une supériorité militaire mais bien celui d’une
supériorité spirituelle, à travers une nouvelle civilisation qui apportait, aux
peuples conquis, plus de justice, de liberté et de bien-être moral et social.
Aujourd’hui, le développement scientifique et technique et les réseaux de
l’information concourent à l’ébauche d’une fédération universelle dans les
divers domaines de la vie internationale. La notion d’espace a été abolie et
il n’y a plus entre les peuples que la distance de leurs cultures. Au lieu de
rechercher la supériorité ou l’exclusion d’une culture par une autre, il
faudrait accepter les différences en les rendant complémentaires. Il a fallu
attendre le 18 mars 2007 pour voir l’UNESCO adopter la Charte sur la
diversité culturelle comme une source d’échanges, d’innovation, de
créativité et comme patrimoine commun de l’humanité devant être
reconnu au bénéfice des générations futures.
3 M. Bennabi.
18
C’est la conscience populaire fortifiée par la culture qui est le véritable
héritage et le patrimoine le plus précieux d’un peuple. Elle permet
d’assurer sa conservation et sa pérennité à travers l’histoire. Une
conception erronée, largement répandue dans les pays en développement,
particulièrement dans les pays anciennement colonisés, est de considérer
que le développement dépend uniquement de l’accumulation des
connaissances scientifiques et des moyens matériels pour sortir du sous-
développement. Pour réussir, cette accumulation doit être précédée d’une
pensée directrice, constructive et intégrative, qui doit s’élaborer à partir du
diagnostic de la situation présente et d’une vision à réaliser à moyen et
long terme. Cette pensée doit impliquer d’abord et avant tout l’homme en
amont et en aval de tout projet de développement : en amont, dans la
conception réaliste des priorités en fonction de ressources humaines et
matérielles disponibles et en aval par l’identification et la mise en œuvre
des conditions permettant à l’individu de s’approprier le savoir
traditionnel, les nouveaux savoirs et moyens scientifiques et techniques.
Les valeurs culturelles, propres aux peuples, sont le moteur et la source de
toute motivation. Elles doivent être prises en compte au côté de
l’accumulation scientifique et technique. La méconnaissance de ces
priorités et conditions a souvent conduit à l’échec du développement et à
l’avènement d’une société de classes où le pouvoir s’exerce par une
minorité de privilégiés au détriment d’une majorité. Ce qui a conduit à
une paupérisation généralisée des peuples. Citons la réflexion de J. Berque
sur les pays arabes « le pragmatisme et l’utilitarisme trop courts qui, par
réaction contre d’anciennes servitudes, règnent actuellement dans
certaines pédagogies arabes: c’est peut être le dernier piège de
l’impérialisme ».
19
Le fait de considérer le modèle occidental comme unique modèle de
référence pour assurer le développement a eu un impact ravageur sur les
cultures des pays en développement conduisant au déracinement de
l’homme et à l’émergence de nouveaux modes de vie et de
comportements nuisibles au maintien de l’équilibre au niveau des liens
familiaux et sociaux.
Aujourd’hui, même les pays développés ont compris que le
développement doit commencer au niveau local ou « terroir » qui repose
sur l’identité culturelle et les spécificités locales. On rejoint là la
problématique d'un développement endogène qui met en relief
l'importance de la notion d'espace vécu et de la culture commune à
l’origine de la cohésion des territoires. Ce sont les spécificités culturelles
(fondement des identités) qui valorisent l’histoire forgeant le territoire.
Chaque culture a des constantes universelles et des particularités propres à
chaque peuple. Quand on parle de culture, on ne doit pas penser à une
culture figée dans le temps. A l’instar de toute chose vivante, elle doit
pour se pérenniser, évoluer et s’enrichir sans cesse en assimilant de
nouvelles valeurs en fonction du perfectionnement des connaissances et
des méthodes d’organisation au niveau mondial.
Une culture doit aussi pouvoir se remettre en question en éliminant les
aspects négatifs qui freinent l’essor de la civilisation et empêchent le
développement dans sa globalité. La culture est à l’avant-garde du
développement socioéconomique. Pour assurer ce rôle, elle doit bénéficier
de la priorité pour sa diffusion au niveau des couches populaires et au
niveau des structures d’éducation et de formation. Ce rôle a été reconnu
par l’UNESCO et par le sommet mondial de Johannesburg (Rio +10) sur
20
l’environnement et le développement en 2002 en tant que quatrième pilier
du développement durable à côté des dimensions sociale, économique et
environnementale.
La version de la réalité, que nous construisons tous les jours, est un
produit à la fois de processus rationnels universels et non-universels, et
c’est parce que les processus rationnels ne sont pas tous universels, qu’on
a besoin d’un concept de rationalité divergente.
Beaucoup d’ouvrages ont été consacrés à la culture et à son rôle dans la
société. Aujourd’hui, l’humanité se trouve confrontée à de nouveaux défis
planétaires qui menacent son existence comme l’extension de la pauvreté
et du chômage, le déséquilibre social, l’insécurité publique, la destruction
de la couche d’ozone, le changement climatique, le danger des centrales
nucléaires, la dégradation de l’environnement et des ressources naturelles,
la désertification, les maladies réémergentes ou maladies anciennes
(paludisme, tuberculose, cholera, typhoid, les nouvelles maladies (sida,
stress, pathologies cardiovasculaires) appelées maladies émergentes,
l’exacerbation des maladies respiratoires provoquées par la pollution de
l’air, etc. Les mesures prises au niveau mondial, au cours de ces quarante
dernières années, se sont avérées inappropriées pour relever ces défis. On
prend conscience que seul le recours à des valeurs morales universelles,
de nouveaux comportements et de styles de vie peut infléchir les
tendances à la dégradation planétaire. Il s’agit de redécouvrir la culture
qui permettra à l’humanité de retrouver sa mémoire spirituelle et de
dégager les ressorts nécessaires à sa survie.
Pour beaucoup de gens, la culture se limite à des manifestations
extérieures telles que musique, chants, danses, cinéma, sports, peinture,
21
arts décoratifs, célébration d’événements particuliers, libération sexuelle,
etc. Elle est plus considérée comme une industrie de loisirs qu’une
représentation des valeurs morales qui caractérisent une société ou un
peuple et assurent son propre développement. Du matin au soir, sous
l’effet de la publicité, de la télévision, des médias, l’homme subit des
clichés et spots qui l’éblouissent et envahissent son esprit l’empêchant de
réfléchir ou de se situer de façon durable, dans l’espace et le temps.
L’homme est réduit à un morceau de paille qui vogue en surface au gré
des tourbillons tumultueux d’un fleuve déchaîné qui l’entraînent dans
toutes les directions. L’industrie audiovisuelle constitue un prisme
déformant qui tente de réunir, sous une même bannière, tous les peuples
de la planète. L’homme n’est plus qu’un objet qu’il faut domestiquer pour
en faire un vecteur de la globalisation économique et un récepteur docile
de ses produits. L’homme doit s’intégrer totalement et organiquement
dans un nouveau corps mondial. La seule et unique religion désirée est
celle d’un homme nouveau dont la seule aspiration est la satisfaction
primaire de ses instincts animaux et matériels, loin de toute nourriture
spirituelle. Après la laïcité, le matérialisme, le libéralisme, la
mondialisation économique prend le relais pour soumettre la planète
entière au service d’une puissante poignée d’oligarchies. La question est
de savoir si l’homme se laissera aveugler par le mythe de cette
globalisation au point de perdre sa prime nature spirituelle dont il tire sa
dignité, sa place à la tête des créatures de l’univers. L’animalité et la
matérialité ne pourront jamais compenser le déficit de spiritualité.
En Islam, c’est Dieu qui est le créateur de toutes les espèces vivantes qui
peuplent la terre. Il a doté l’homme d’intelligence et l’a désigné comme
22
son vicaire sur terre. Il lui a enseigné les lois du comportement individuel,
la nature des liens sociaux qui le rattachent à ses semblables et les
rapports qu’il doit entretenir avec les autres créatures de l’univers.
Quand on parle de culture islamique, on ne se réfère pas ici à ce qui se
passe aujourd’hui dans les sociétés musulmanes car il faut reconnaître que
les valeurs islamiques ne sont presque plus observées (à part les aspects
cultuels) et ne constituent plus la base de l’action humaine dans ces
sociétés qui ne se différencient d’ailleurs guère de celles de l’Occident.
Dans les sociétés musulmanes actuelles, la culture traditionnelle qui a
longtemps constitué une barrière contre l’invasion étrangère et le
colonialisme, est de plus en plus abandonnée et n’est plus de mise. Elle est
devenue centripète et ne joue plus aucun rôle actif dans le comportement
socioéconomique. Depuis plus de trois siècles déjà, le déclin de la
civilisation musulmane et la colonisation ont engendré des modes de vie
et de pensée calqués sur l’Occident. Après l’indépendance et au nom du
modernisme, on est passé de la colonisation du sol à celle de l’esprit. Les
musulmans ont presque oublié que l’Islam est une norme efficace de
conduite morale, sociale et économique. Les sociétés musulmanes ont
grand besoin de se réapproprier leur propre culture et de trouver des voies
pratiques pour l’adopter et la mettre en œuvre en s’inspirant des acquis
scientifiques et technique de notre temps. La culture islamique est une
source de motivation pour faire face aux problèmes actuels de
décomposition sociale, de dégradation environnementale et une source
d’orientation pour l’élaboration du contenu d’une culture universelle.
23
Bernard Shaw4 a ainsi porté son propre jugement sur l’Islam : « J'ai
toujours une estime pour l'Islam, parce qu'il est rempli d'une vitalité
merveilleuse. Elle est la seule religion qui me paraît contenir le pouvoir
d'assimiler la phase changeante de l'existence, pouvoir qui peut se rendre
si attachant à toute période ». En parlant du Prophète (SWS)5, il dit « Cet
homme merveilleux est, à mon avis, loin d'être un Antéchrist. Il doit être
appelé le sauveur de l'humanité. Je crois que si un homme, comme lui,
prenait la direction du monde moderne, il réussirait à résoudre ses
problèmes. J'ai prophétisé sur la foi de Mohammed qu'elle sera
acceptable à l'Europe de demain, comme elle a déjà commencé à devenir
acceptable à l'Europe d'aujourd'hui ». Lamartine avait écrit, de son côté :
« si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens et l'immensité des
résultats sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera comparer
humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mahomet ».
L’espèce humaine devenant de plus en plus nombreuse, les forces de
pression et de compression au sein des sociétés s’intensifient et exigent
l’établissement d’un ordre qui règle les rapports de plus en plus étroits
entre individus et communautés, entre riches et pauvres, entre gouvernants
et gouvernés dans un même pays et entre pays. Seule une culture de valeur
universelle peut permettre d’infléchir le comportement humain en vue
d’assurer les conditions d’équilibre de nos sociétés.
Aujourd’hui, on admet que les problèmes de paix, de justice sont
4 Bernard Shaw : The Genuine Islam, Singapour, 1963 5 SWS : Salla Allah Aleih Wa Sellem = Paix et salut de Dieu sur le Prophète Mohammed
24
interdépendants et doivent être envisagés de façon globale et intégrée.
Une culture universelle ne peut voir le jour que si les idéaux de paix, de
justice suivent et s’appliquent de façon honnête et solidaire au niveau
mondial.
En face de la crise actuelle de l’humanité, P. T. De Chardin6 avait posé la
question suivante : « faut-il être optimiste ou pessimiste et est-ce que
l’humanité a les moyens de remédier à cette crise ? » Toutes les religions
prêchent l’espoir et rejettent le désespoir. L’optimisme invite à la lutte
contre les désordres sociaux et les atteintes au patrimoine humain et
terrestre. L’homme, doté par Dieu de foi, de raison et héritier des savoirs à
travers la longue histoire humaine, est en mesure de trouver les ressources
et les solutions nécessaires pour satisfaire les besoins de l’humanité. Dans
sa réflexion sur le XXIe siècle, P.Lellouche disait7 « Jamais dans
l’histoire, l’humanité n’aura été à la fois unie et homogénéisée par le
capital, le commerce et, surtout par la révolution des télécommunications
et de l’information de masse et, cependant aussi divisée dans la
répartition des ressources économiques, de la puissance politique,
militaire et démographique ».
Le grand danger aujourd’hui se situe au niveau des trusts mondiaux qui
contrôlent l’information et réduisent la conscience humaine en
s’appropriant les moyens de production, de transmission et de diffusion de
cette information. Ils tentent d’imposer un mode de pensée uniforme. Ce
n’est plus l’ordre humanitaire et moral qui règle les rapports entre nations
6 Pierre Teilhard De Chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Éditions le Seuil -1956 7 Le nouveau monde : de l’ordre de Yalta au désordre des Nations Éditions Grasset 1992
25
mais l’ordre des intérêts économiques et de suprématie militaire. Au lieu
de mettre fin aux conflits en respectant les normes de justice et de droit,
on utilise la force militaire. On va jusqu’à ignorer le consensus mondial
qui a donné naissance à la société des Nations (ONU). Pire, on a créé un
nouveau concept de prévention, appelé principe de destruction ciblée, qui
vise à neutraliser tout foyer d’opposition jugé ou supposé dangereux pour
les intérêts des plus puissants et ce, quelque soit le lieu géographique dans
le monde. On est passé ainsi d’une morale humaniste à une morale
d’intérêts. C’est la loi du plus fort qui prévaut entraînant ainsi une
régression des valeurs de la civilisation humaine et une négation de ses
acquis historiques. Loin d’assurer la sécurité du monde, elle provoque des
réactions aussi dangereuses et aveugles qui n’épargnent plus personne.
Aux opérations ciblées, localisées et ponctuelles, répondent des opérations
diffuses et imprévisibles rendant le monde vulnérable et impossible à
sécuriser. Les grandes puissances consacrent des budgets colossaux pour
mettre en œuvre les moyens de dissuasion afin d’assurer une sécurité
utopique en lieu et place d’un monde mutuellement solidaire. Elles ne
peuvent rien contre l’immigration clandestine et le besoin de survie des
citoyens affamés du Sud.
En somme la lutte idéologique a pris une dimension mondiale où le
nouvel ordre de l’information se met progressivement en place
parallèlement à celui de la globalisation économique et militaire. Il
véhicule une culture nouvelle pour asservir la planète entière. Les
multinationales fixent, elles-mêmes, les conditions et les prix des
échanges commerciaux ou financiers avec le tiers monde qui est considéré
uniquement comme un centre périphérique. Tous les pays et en particulier
les pays islamiques se trouvent devant un dilemme : se soumettre au diktat
26
des multinationales appuyées par les complexes militaro-financiers et
devenir un marché pour leurs produits et services ou développer une
stratégie qui puisse leur permettre de réaliser leur indépendance
économique, de sauvegarder leur identité culturelle et d’assurer leur
autonomie. Pour relever le défi, les pays islamiques ont besoin de
renforcer à la fois la cohésion à l’intérieur de leur territoire et entre eux. A
cette fin, ils disposent déjà, grâce à l’Islam, d’une éthique universelle qui
concilie les aspirations individuelles avec celles de la communauté.
L’orientaliste J. Berque disait « la force des pays islamiques réside non
pas dans leurs pétrodollars mais dans le message culturel qui porte leur
conception de la vie et de l’homme ainsi que de l’organisation sociale ».
Après la fin de l’antagonisme Est-Ouest, le champ de confrontation des
idéologies s’est déplacé en direction du monde islamique. L’Occident
cherche par tous les moyens, y compris la guerre, à asseoir son hégémonie
sur les pays islamiques pour empêcher tout vœu d’indépendance réelle ou
d’union de leurs peuples. Il vise à les contrôler, à s’approprier ou utiliser à
bas prix leurs richesses, à limiter leur développement scientifique et
technique et même à orienter les valeurs culturelles dans le sens que
l’Occident désire. A ce jour, les velléités d’union entre les pays islamiques
restent lettre morte. L’UMA (Union du Maghreb Arabe), si elle existe sur
le papier, n’a pas encore amorcé son décollage. Les manipulations
étrangères, les séquelles léguées par le colonialisme, le chauvinisme né
d’un nationalisme mal compris et la forte dépendance économique et
financière vis à vis de l’Occident, ne leur ont pas permis de poser les
jalons élémentaires de leur union. Tout se passe comme si cette union
devrait obligatoirement transiter par le chemin de l’Occident qui aurait
27
toute latitude pour l’orienter dans le sens de ses propres intérêts. Pour
l’Occident, les pays islamiques doivent rester les pourvoyeurs d’énergie,
de matières premières et les récepteurs de produits et services que
l’Occident désire leur vendre. Seule une stratégie de développement basée
sur leur culture pourra permettre à ces pays d’assurer leur développement.
Au cours des dernières décennies, ces pays ont plus obéi au schéma
élaboré par les laboratoires de pensée occidentaux que défini des
stratégies et programmes viables de développement.
Le résultat, aujourd’hui, est leur dépendance de plus en plus grande vis-à-
vis de l’Occident pour assurer leurs besoins de consommation courante ou
le fonctionnement de leurs moyens de production devenus souvent
archaïques. Les technologies, que l’Occident exporte vers ces pays
constituent un lourd et coûteux fardeau pour leur économie et une
nouvelle forme d’asservissement, faute de savoir-faire et de supports
techniques autochtones. Il s’agit souvent de technologies non durables. On
peut citer la réflexion de R. Garaudy sur ces technologies : « La
technologie a été un outil de l’Occident dans sa tentative de détruire les
cultures du Tiers Monde ». C’est la culture d’un peuple qui est son bien le
plus précieux pour assurer son développement. Citons ici la réflexion de
M.Bennabi 8 sur la renaissance de l’Allemagne après la deuxième guerre
mondiale: « l’Allemagne vaincue et détruite, ses élites brisées et éloignées
de force vers la Russie ou les Etats Unis, n’a pas empêché ce pays de
retrouver sa puissance. C’est la preuve de la puissance de la culture de
l’Allemagne et non pas celle de ses savants. Ce qui a refait l’Allemagne,
8 M.Bennabi : Révolution Africaine du 10 Avril 1968
28
c’est l’esprit allemand : celui du berger, du laboureur, du métallo, du
docker, de l’employé, du pharmacien, du médecin, de l’artiste, du
professeur, etc. En un mot c’est la culture allemande, sans ambiguïté, ni
restriction sociale ou intellectuelle de sa signification, qui a refait le pays
de Goethe et de Bismarck ».
La guerre d’indépendance des pays colonisés constitue la preuve et la
certitude concernant le rôle joué par la culture des peuples dans le combat
pour leur libération du joug colonial. C’est cette culture qui a servi de
motivation aux peuples asservis pour les amener à consentir le sacrifice
suprême de leur vie pour arracher leur liberté. Dans ces pays, c’est la
conscience populaire qui a déclenché le combat pour la libération et non
pas les élites d’alors. M. Dib, en parlant de la guerre d’indépendance de
l’Algérie a dit : « Au cours de la guerre de libération, l’Algérie a montré
au monde qu’elle avait une culture, un nom, une histoire, une patrie, un
langage et une manière d’être demandant à être reconnus et compris ».
Au cours des siècles passés, l’Occident agissait par le colonialisme et
l’occupation des terres pour dominer et réprimer les cultures des peuples
sous sa domination. Aujourd’hui, il agit par l’économie et l’image afin de
véhiculer son message culturel qui envahit tous les pays au détriment des
cultures nationales. Les pays en développement, confrontés au pain
quotidien de leur peuple, considèrent la culture comme un luxe et une
priorité secondaire. Ils ne comprennent pas que c’est grâce à leur propre
culture purifiée des facteurs rétrogrades, qu’ils pourront retrouver leur
pain. Il est urgent pour ces pays de définir une politique de valorisation de
leur culture qui les aidera à retrouver les ressorts de base leur permettant
d’assurer le décollage socioéconomique. La culture est un tout
indissociable qui se reflète dans tous les domaines de la vie.
29
2. DEFINITION DE LA CULTURE
Malek Bennabi « La culture façonne l’homme qui observe
et s’observe lui-même d’abord. La culture est la recherche
de l’harmonie entre le monde des phénomènes qui entoure
l’homme et le monde intérieur de l’homme ».
Pour l'anthropologie9, la culture désigne l'ensemble des activités et des
comportements, aussi bien pratiques que symboliques, créés, transmis ou
transformés par l'espèce humaine. En ce sens, la culture s'oppose au
chaos. Les groupes, les classes, les institutions possèdent des cultures
propres, socialement marquées, selon des fonctions, des moyens
d'expression et des inégalités fondamentales. L'anthropologue britannique
Edward B. Tylor10 donna le premier une définition formelle du concept de
culture en 1871 dans son ouvrage « Primitive Culture ». Il utilisa ce terme
pour caractériser « Cet ensemble complexe comprenant les connaissances,
les croyances, l'art, la morale, la loi, les coutumes ainsi que toutes les
autres capacités et habitudes acquises par l'homme en tant que membre
de la société ». Depuis, les anthropologues ont proposé de nombreuses
variantes de cette définition, mais tous s'accordent à penser que la culture
est un comportement lié à l'apprentissage. Pendant longtemps,
l'anthropologie a pris aux États-Unis le nom d'anthropologie culturelle,
mais cette tradition s'est beaucoup transformée depuis les années 50. La
culture comprend, en droit, toutes les activités de la société humaine. La
culture est le mode de vie d’une société alors que la société est l’ensemble
organisé d’individus. M. Bennabi la définit ainsi : « La culture est le
9 Encyclopédie Yahoo 10 Edward B. Tylor : Primitive Culture. 1871.
regard qui permet à l’homme de se dominer,
son génie a créées, c’est-à-dire en un
Une société donnée, pour exister durablement
une symbiose à travers un système d’
éthique et les ressources matérielles qui lui sont indispensables pour
satisfaire ses propres besoins, réaliser son développement harmonieux et
assurer les bases saines pour son avenir à moyen et long terme.
Toynbee11résume le progrès réel de la civilisation dans "
simplification progressive": « le véritable progrès s'accomplit
civilisation détache une proportion importante de son énergie et de son
attention de l'aspect matériel et développe ainsi sa culture, sa capacité à
la compassion, son sens de la communauté et la force de la démocratie
Figure 1 : Concept de culture
11 Miller, G.T. Jr. 1994. Living in the Environment. Wadsworth Publishing.
CULTURE
DEFINITION
EVOLUTION
ACCULTURATION
CONCEPT POPULAIRE
30
regard qui permet à l’homme de se dominer, de dominer les choses que
dire en un mot se civiliser ».
pour exister durablement, doit réaliser un équilibre et
une symbiose à travers un système d’organisation entre les valeurs de son
éthique et les ressources matérielles qui lui sont indispensables pour
besoins, réaliser son développement harmonieux et
assurer les bases saines pour son avenir à moyen et long terme. Arnold
résume le progrès réel de la civilisation dans "la loi de
le véritable progrès s'accomplit lorsqu'une
civilisation détache une proportion importante de son énergie et de son
attention de l'aspect matériel et développe ainsi sa culture, sa capacité à
la compassion, son sens de la communauté et la force de la démocratie ».
: Concept de culture
Miller, G.T. Jr. 1994. Living in the Environment. 9h Edition. Belmont, California:
CULTURE
DEFINITION
SOURCES
CARACTERISTIQUES
EVOLUTION
31
2.1 LA CULTURE SELON M. BENNABI
Malek Bennabi définit la civilisation comme « l’ensemble
des conditions morales et matérielles qui permettent à une
société d’accorder à chacun des individus les garanties
sociales nécessaires à son développement ».
La civilisation a besoin, à l’origine, d’une culture qui la véhicule. Cette
culture crée l’ambiance générale dans laquelle immerge l’individu. Elle
détermine ses motivations, ses émotions et ses liens avec les personnes et
les choses. La culture se définit comme une ambiance constituée de règles
de conduite, de coutumes, de traditions et de goûts. Le train de la culture
a pour locomotive l’éthique qui tire trois wagons solidement amarrés l’un
à l’autre : l’esthétique, la logique pragmatique et la technique.
2.1.1 Éthique
L’éthique est un ensemble de valeurs morales et d’attitudes qui impriment
le comportement individuel et le mode de vie d’une société. Elle est
constituée par les liaisons nécessaires au sein du monde des personnes qui
forment une société donnée. Elle garantit la force de cohésion et
l’équilibre d’une société qui assurent son unité dans sa fonction et dans
son devenir.
Cette même éthique permet l’édification du monde des personnes sans
lequel on ne peut imaginer un monde des idées et un monde des choses
s’ils faisaient défaut. On comprend alors l’importance de l’éthique dans la
formation de la culture dans une société donnée. En matière d’éthique, la
réflexion nous impose de considérer deux types de valeurs chez l’homme :
sa valeur en tant qu’être humain et sa valeur en tant qu’être social.
Figure 2 : Composantes de la culture
La valeur humaine est une valeur in
nature (Fitra en Islam) comme un don à sa naissance et
circonstance et qu’aucun être humain ne pourraient rien y changer. C’est
le cas de la perception originelle et
valeur constitue le fonds de base inchangeable de l’homme.
management des ressources humaines
conduite.
La valeur sociale est acquise à travers la nature des relations que l’homme
entretient avec ses semblables et qui impriment
pratique. On peut ainsi parler de rapports sociaux dans une société
donnée. Cette valeur est changeable et façonnée par la société
langage des spécialistes du management des ressources
désigne cette valeur par attitudes et
CULTURE
ETHIQUE
TECHNIQUE
ESTHETIQUE
32
’être humain et sa valeur en tant qu’être social.
Figure 2 : Composantes de la culture
La valeur humaine est une valeur intrinsèque à l’homme dans sa prime
comme un don à sa naissance et qu’aucune
main ne pourraient rien y changer. C’est
originelle et individuelle du bien ou du mal. Cette
valeur constitue le fonds de base inchangeable de l’homme. En termes de
humaines, on qualifie cette valeur innée par
La valeur sociale est acquise à travers la nature des relations que l’homme
entretient avec ses semblables et qui impriment sa conduite sur le plan
pratique. On peut ainsi parler de rapports sociaux dans une société
changeable et façonnée par la société. Dans le
spécialistes du management des ressources humaines, on
par attitudes et comportement de l’individu.
CULTURE
ETHIQUE
LOGIQUE
PRAGMATIQUE
TECHNIQUE
33
En considérant ces deux types de valeurs, on comprend que c’est la valeur
sociale qui détermine l’efficacité de l’homme au sein de n’importe quelle
société. L’attitude de l’homme, face aux problèmes qui se posent à lui,
doit être définie par rapport au principe de l’éthique et est une condition
préalable et essentielle à tout acte. Les références éthiques peuvent être
d’origine religieuse (religions monothéistes ou polythéistes) ou
idéologique (laïcisme, matérialisme, libéralisme, globalisme). Elles sont
toutes à l’origine du droit et de la morale qui régissent les sociétés et qui
visent, tout au moins sur le plan formel, à assurer la paix, la justice et
l’équité sociale. Les différents types d’éthique se rejoignent sur un même
point en ce sens que chacune d’elles fixe des droits et des devoirs pour
l’homme. Les moyens et méthodes d’acquisition des connaissances
découlent en grande partie des valeurs éthiques.
2.1.2 Esthétique
Les relations sociales ne sont pas définies uniquement par le principe
éthique, l’esthétique les imprime d’un sceau particulier. Le goût inné
confère aux valeurs éthiques une certaine image au sein de laquelle les
considérations formelles interviennent. Si l’éthique est à la base de l’unité
sociale, l’esthétique sert à la valoriser au plan de la représentation externe
et exprime l’apparence exigée par l’organisation formelle qui touche au
comportement de l’homme dans sa façon de parler, de s’habiller et
d’adopter un style de vie spécifique à sa société. L’homme en général a
tendance à exprimer un fait à son entourage en recourant aux illustrations
que requiert le goût. L’esthétique confère aux choses une image conforme
au sentiment et au goût général, au niveau des formes et des couleurs. Si
l’éthique définit l’orientation générale de la société en fixant les
34
motivations et les finalités, l’esthétique façonne son image et prolonge les
volontés au-delà de la seule perception de l’utilité comme un facteur
important de l’efficacité au niveau des actions pratiques. A côté de la
réalité éthique chez l’individu, le goût esthétique ajoute d’autres facteurs
positifs de motivation, à même de tempérer l’application d’un principe
éthique rigoureux au niveau du comportement. Le goût esthétique est
considéré comme un élément dynamique de la culture.
2.1.3 Logique pragmatique
L’éthique comme l’esthétique relèvent du monde des idées. Cependant,
elles requièrent une logique pragmatique d’organisation pour leur
diffusion et leur transmission afin de toucher l’individu au niveau de son
comportement et la société à travers son style de vie. Cette logique doit
assurer les conditions fondamentales de l’efficacité au niveau individuel et
collectif. Elle doit prendre en compte le facteur temps de façon optimale
et utiliser les moyens pédagogiques appropriés pour assurer efficacement
la diffusion des idées. La logique pragmatique oriente les diverses formes
d’activités pour rendre optimale la production sociale. Cette logique
s’appuie sur un système d’organisation qui met en conformité
l’exploitation et la gestion des ressources naturelles et matérielles avec les
valeurs éthiques. Ce système englobe les domaines politique, juridique,
social et économique et orientent les règles de comportement de l’homme
en précisant les responsabilités individuelles et collectives. Ce système a
également pour but d’assurer la sécurité des biens et des personnes, de
faire respecter les droits et les devoirs à tous les niveaux de la société.
Dans les systèmes basés sur la religion, une grande partie des normes
d’organisation découle des prescriptions religieuses. Dans les systèmes
35
basés sur l’idéologie, ces normes sont souvent le résultat d’un consensus
entre les citoyens en fonction du rapport de forces qui existe entre les
différentes classes et à une époque donnée au sein d’une société.
2.1.4 Technique
On regroupe sous ce terme la science ou la technique. La science crée les
choses et permet leur compréhension. L’éthique, l’esthétique et la logique
pragmatique ne peuvent rien construire seuls en l’absence de moyens et
c’est la technique qui va les fournir. Ces moyens doivent servir l’homme
et non pas l’asservir au point de lui faire perdre son autonomie vis-à-vis
d’eux. Ainsi, l’action sociale est conditionnée par l’application des
théories et des moyens présentés par la science.
2.2 SOURCES DE LA CULTURE
Les quatre sources de la culture sont le monde des personnes, le monde
des idées, le monde des choses et le monde des phénomènes naturels.
2.2.1 Monde des personnes
Si on prend un cas courant dans la vie, on constate qu’une association
d’individus, comme par exemple une communauté, une société
commerciale ou industrielle, ne peut être viable et durable que si ses
membres partagent un certain nombre de valeurs morales (confiance,
solidarité, respect, partage). Elle ne peut être fondée uniquement sur
l’intérêt matériel. La définition d’un monde de personnes, en tant que
société, s’élabore à partir de l’analyse des éléments du passé avant de faire
intervenir les éléments de l’avenir. Les valeurs morales plongent leurs
racines dans l’éthique, qui remonte assez profondément dans l’histoire de
la société. C’est en ce sens que l’enseignement de l’histoire devient une
base de l’éthique sociale. Le lien intime de l’individu avec le monde des
personnes est d’origine culturelle et implique les facteurs historiq
Figure 3 : Sources de culture
2.2.2 Monde des idées
L’organisation d’une société, sa vie, sa dynamique ou bien son anarchie,
son apathie ou sa stagnation sont fonction du système d’idées propre
cette société, lequel constitue une part importante
d’une société. Les différentes étapes d
processus idéologique. L’importance des idées dans la vie d’une société
apparaît sous une double forme
stimulants de la vie sociale, soit au contraire comme agents pathogènes
rendant impossible ou aléatoire tout développement social. En d’autres
termes, les idées peuvent s’avérer positives pour propulser la société
chemin du progrès et de la civilisation ou négatives en
CULTURE
PERSONNES
CHOSES
NATURE
36
la société. C’est en ce sens que l’enseignement de l’histoire devient une
base de l’éthique sociale. Le lien intime de l’individu avec le monde des
personnes est d’origine culturelle et implique les facteurs historiques.
: Sources de culture
L’organisation d’une société, sa vie, sa dynamique ou bien son anarchie,
son apathie ou sa stagnation sont fonction du système d’idées propres à
constitue une part importante du matériel d’évolution
d’une société. Les différentes étapes d’évolution sont des phases de son
processus idéologique. L’importance des idées dans la vie d’une société
: elles peuvent agir soit comme des
sociale, soit au contraire comme agents pathogènes
nt impossible ou aléatoire tout développement social. En d’autres
les idées peuvent s’avérer positives pour propulser la société sur le
chemin du progrès et de la civilisation ou négatives entraînant la
CULTURE
PERSONNES
IDEES
CHOSES
37
destruction et la décadence. Le monde d’aujourd’hui est entré dans une
nouvelle ère où la majorité de ses problèmes ne peut être résolue que sur
la base de systèmes d’idées. Khrouchtchev disait « le succès économique
est le critère le plus fondé de la véracité des idées ». On entend souvent dire
que si les Arabes possèdent le pétrole, les Occidentaux possèdent des idées.
2.2.3 Monde des choses
Chaque société doit agir, sur le plan matériel, pour assurer le bien-être de
l’individu et de la collectivité. Elle doit utiliser et valoriser les ressources
naturelles disponibles qui constituent le support de la vie sur terre. On
regroupe avec les ressources naturelles, la protection et la sauvegarde de
l’homme (santé, hygiène) ainsi que l’environnement. L’homme,
l’environnement (qualité de l’air, de l’eau et du sol), les animaux, les
végétaux font partie des ressources naturelles. La différence entre les
diverses cultures se situe dans la façon de percevoir ces ressources, de les
utiliser et de se comporter vis-à-vis d’elles. L’interaction de l’homme avec
son environnement et les ressources naturelles est un processus
dynamique car, pour évoluer, l’homme modifie son milieu. Ce processus
doit se faire en préservant les ressources naturelles et en sauvegardant
l’environnement. La libération de l’homme des contraintes matérielles
d’ordre primaire lui permet de consacrer plus de temps à l’épanouissement
de son esprit. Toute chose se pose en termes de spiritualité et de
matérialité. La matérialité se manifeste à travers le langage objectif qui
intéresse l’artisan, le physicien, le chimiste, l’industriel ou le commerçant.
La spiritualité se traduit par un langage subjectif qui communique à l’âme
d’un enfant, d’un poète, d’un musicien, d’un inventeur, un message
mystérieux, mais riche de signification. Quand deux individus interprètent
38
de la même manière ce message, en dépit des différences sociales qui
peuvent exister entre eux, on en déduit qu’ils appartiennent à la même
culture. Une chose peut mourir quand elle se trouve coupée de son cadre
culturel habituel car, en dehors de ce cadre, son langage n’a pas de sens.
Considérons ce qui signifierait un avion qui atterrirait dans une foret dense
d’Amazonie12 pour une tribu restée au stade préhistoire. Il est évident que cet
avion (la chose) perd toute sa signification hors de son cadre culturel. Le
développement d’une société ne peut s’opérer uniquement par
l’accumulation de richesses et l’entassement des choses mais par un idéal
qui guide sa voie vers l’épanouissement de l’homme et de la société.
2.2.4 Monde des phénomènes naturels
Notre subjectivité joue un rôle capital dans la détermination d’une culture
et de son caractère, mais elle ne s’enrichit pas uniquement des personnes,
des idées et des choses. En effet, on a un perpétuel dialogue et échange
avec le milieu naturel (ressources naturelles et environnement) qui nous
transmet son message sous forme mystérieuse : les couleurs, les sons, les
odeurs, les mouvements, les ombres, les lumières, les formes. Ces
éléments naturels, eux-mêmes, sont captés par notre psychisme, dissous
dans notre subjectivité, assimilés par nous sous forme d’éléments
culturels, intégrés à notre être moral dans ses structures fondamentales. Ce
n’est pas sans motif que toutes les poésies et toutes les peintures célèbrent
les paysages, les levers et couchers du soleil, les nappes d’eau, les
ruisseaux, les chutes d’eau, la grâce d’un mouvement, la beauté des
formes, la légèreté d’un parfum, les nuances d’une couleur.
12 M. Bennabi
39
2-3 CARACTERISTIQUES FONDAMENTALES DE LA CULTURE
La culture présente trois caractéristiques fondamentales :
• elle a une relative indépendance vis-à-vis des individus qui la
vivent et la pratiquent bien qu’elle n’existe que par eux,
• elle prend vis-à-vis du groupe social l’aspect d’un modèle admis,
partagé, standardisé et contraignant à un certain degré,
• elle constitue l’ensemble des manières d’agir c’est-à-dire de se
comporter et de penser qui sont nécessaires dans un groupe donné.
La culture traduit dans ses caractéristiques courantes (mœurs, croyances
morales, etc..) la manière dont le corps social a résolu le problème
fondamental de son adaptation au monde physique ou monde tangible. La
culture est l’ensemble des stimulations, contraintes et modèles qui
conditionnent l’action de l’homme, contribuent à la construction de son
être et lui permettent un ancrage solide dans le réel.
2-4 EVOLUTION ET DIFFUSION DE LA CULTURE
L'évolution de la culture est étroitement liée au développement des
connaissances et au progrès, grâce auxquels l’humanité exploite son
milieu naturel de manière de plus en plus complexe. Au XIXe siècle, de
nombreux pionniers en matière d'anthropologie et de sociologie ont
avancé la théorie selon laquelle chaque culture passe par des étapes
spécifiques d'évolution. Aujourd'hui, cette théorie est remise en cause. Il
est évident qu'une société simple, isolée géographiquement du reste du
monde et composée de quelques centaines d'individus vivant dans la forêt
équatoriale amazonienne, ne pourrait seule mettre au point un système
40
d'agriculture irriguée ou fabriquer des automobiles. Ce n’est pas le cas du
Japon qui, ouvert aux échanges avec d’autres nations, a bénéficié du
transfert des connaissances et de leur apport. En moins d'un siècle, la
culture japonaise est passée d'une société agraire et féodale à l'une des
sociétés industrielles les plus avancées du monde. Ainsi, on peut déduire
que la culture humaine fonctionne par accrétion, accumulation et
assimilation, c'est-à-dire qu'elle peut se propager d'une société à l'autre
dans les limites imposées par l'environnement physique, selon son
aptitude à absorber de nouvelles idées, de nouvelles formes d’organisation
et de nouvelles technologies. La culture n’est pas figée dans le temps, non
seulement elle évolue selon sa logique propre, mais elle reste soumise à
l'ensemble des déterminants de l'histoire et des rapports avec les milieux
naturels et écologiques. Certains facteurs politiques, économiques,
techniques, environnementaux, voire démographiques, peuvent être à
l’origine et à un moment précis de crises et de transformations culturelles.
Aujourd’hui, avec la révolution et les autoroutes de l’information et de la
communication, les cultures se trouvent en confrontation directe. Ce qui
impose à celles qui veulent survivre de développer une stratégie offensive
au lieu d’une stratégie défensive qui les mettra, d’une manière ou d’une
autre, en position de faiblesse et d’infériorité. Pour assurer une
confrontation libre et démocratique des cultures et des idées, il est
indispensable de démocratiser, en premier lieu, ces autoroutes contrôlées
par les acteurs de la globalisation économique. Ce qui apparaît pour le
moment hypothétique, compte tenu de la main mise actuelle de ces
acteurs. La défense de la culture ne se différencie nullement de celle de
l’économie.
41
2-5 PROCESSUS D’ACCULTURATION
Le Larousse définit l’acculturation comme « l’adaptation forcée ou non à
une nouvelle culture matérielle, à de nouvelles croyances, à de nouveaux
comportements ». L’acculturation est le phénomène d’acquisition et
d’intériorisation de nouvelles valeurs par une culture donnée, compte tenu
des progrès scientifiques et techniques et du développement des méthodes
d’organisation. L’acculturation, dans sa dimension éthique, contribue au
renouveau de la culture en facilitant son adaptation temporelle et en
renforçant son rayonnement et sa diffusion à grande échelle. La culture
n’est pas un système figé de valeurs. Elle s’enrichit au contact d’autres
cultures par l’appropriation de valeurs, moyens et outils qui lui permettent
de mieux répondre aux besoins spirituels et socioéconomiques de
l’homme. L’amélioration constante des moyens d’information, de
communication et de transport a permis de renforcer considérablement les
échanges de toutes sortes entre nations. Tous les aspects d'une culture ne
se propagent pas avec la même rapidité, ni avec la même facilité. La
rencontre puis le contact conduisent à des phénomènes d'acculturation, de
sélection (réciproque ou non) d'éléments d'une culture par une autre, le
plus souvent voisines. Ces éléments culturels (nouvelles connaissances,
progrès techniques, mode d'organisation politique ou de gestion) peuvent
bien s'intégrer à la configuration culturelle qui les accueille.
L'acculturation fut d'abord conçue comme un phénomène d'échanges entre
institutions ou comme traits culturels équivalents. Cependant, les
anthropologues se sont rendus compte très vite de la nature profondément
inégalitaire de ces contacts: les dominations coloniales à la fois
économique et linguistique provoquèrent des acculturations forcées et
42
unilatérales souvent rejetées par les populations autochtones. La
destruction de groupes humains a entraîné des pertes culturelles
irréversibles et la disparition de patrimoines culturels originaux et
uniques. L'expansion européenne depuis le XVe siècle, en Amérique du
Nord et du Sud, en Afrique, en Asie et dans les archipels du Pacifique, fut
en un sens, un massacre et un génocide culturel. On qualifie cette
disparition humaine et matérielle des cultures dites «primitives» par le
terme d'ethnocide.
Les particularismes sociologiques et leur variabilité renvoient à un
ensemble de valeurs comme celles de l’appartenance religieuse, à des
profondeurs historiques, à des échelles démographiques et politiques, et
par conséquent, à des traditions où s'affrontent la culture comme forme ou
modèle et la culture comme fond ou matière. En ce sens, les cultures ne
sont ni des artefacts (des constructions) ni des machines bricolées (à
adaptation permanente). La culture est un instrument d'identification, de
valorisation et donc de transmission du patrimoine et de la tradition. Le
concept d’acculturation peut s’appliquer aussi bien à de nouveaux
éléments de culture qu’on désire introduire dans une société que de faire
revivre des valeurs du patrimoine culturel historique à même de servir de
motivation et de susciter une tension interne chez l’individu pour
l’appropriation des facteurs de développement global. Le concept
d’acculturation ne vise pas à manipuler les esprits d’un groupe social à des
fins immorales basées sur la haine d’un autre groupe social ou d’autres
nations comme ce fut le cas de la propagande fasciste hitlérienne (la
culture nazie prônait la supériorité de la race arienne sur les autres races
humaines) mais pour stimuler les individus afin de développer leurs
43
capacités morales naturelles et les amener à accepter et à consentir des
efforts dans le sens du bien commun et de l’humanité toute entière.
L’acculturation japonaise a permis d’injecter dans la culture ancestrale, les
méthodes, les comportements et les réflexes qui sont nécessaires pour
l’appropriation de nouveaux moyens de développement.
Le concept d’acculturation se fait en deux étapes : une étape de génération
et de formulation des idées et une étape d’application des idées. Dans la
première étape, on fait appel à l’analyse du passé, de l’état actuel de la
société et des perspectives de son évolution future. Dans la seconde étape,
conséquence de la première, on identifie les voies et moyens les plus
appropriés et les moins coûteux pour assurer les conditions optimales de
réceptivité par l’individu et la société. Une culture ne vaut que par
l’acceptation volontaire et sans contrainte et son introjection par la
majorité des individus qui constituent la société. Ce qui suppose au
préalable une formation et une éducation au cours desquelles les idées
sont explicitées et communiquées de façon la plus honnête possible. Cette
phase peut être plus ou moins longue en fonction du degré de maturité et
de motivation des populations. Des évaluations objectives doivent se faire
au cours de la mise en œuvre de cette phase pour remédier aux
imperfections qui peuvent apparaître afin de corriger et d’accélérer le
processus d’acquisition culturelle.
Tout concept d’acculturation présente donc une étape spirituelle pour la
genèse des idées et une étape temporelle pour leur mise en œuvre
opérationnelle. Ce concept ne doit pas être considéré comme statique et
immuable dans le temps. Il doit être sans cesse actualisé en fonction de
l’évolution du monde et surtout dans sa phase temporelle en intégrant les
44
nouvelles connaissances à même d’améliorer l’application pratique des
idées et l’efficacité temporelle. Le concept d’acculturation procède lui-
même de l’évolution historique de l’humanité. Chaque civilisation a
commencé, à côté de nouvelles valeurs qu’elle apportait, par s’approprier
les connaissances et les valeurs déjà acquises par les civilisations qui l’ont
précédée. C’est grâce à ses propres valeurs et à cette acquisition que
chaque civilisation a été en mesure d’inventer et d’enfanter de nouvelles
valeurs et d’assurer le progrès sans cesse renouvelé de l’humanité dans
son ensemble. En somme, sur le plan temporel, le savoir de l’homme est
l’accumulation historique des savoirs des hommes qui l’ont précédé. On
peut étayer cela par beaucoup d’exemples dans l’histoire de l’humanité.
La civilisation romaine a bénéficié de l’héritage du savoir grecque, celle
de Carthage de celui de Rome et la civilisation islamique de ceux qui l’ont
précédée. L’acculturation, si elle est bien définie au niveau de sa
conception et de sa mise en œuvre, peut bénéficier du boom représenté par
les nouveaux moyens de l’information et de la communication pour sa
transmission et son acquisition par le plus grand nombre. Par le passé, le
savoir se transmettait par l’individu et mettait beaucoup de temps pour se
répandre à grande échelle. L’évolution était lente et localisée.
Aujourd’hui, grâce aux nouveaux moyens de diffusion, la transmission
des savoirs s’accélère de manière inconnue jusqu’alors et se fait par
plusieurs voies et par un grand nombre d’individus. Ce qui induit, en plus
de la diffusion des connaissances, une synergie des savoirs qui accélèrent
plus le développement global de l’humanité, sur tous les plans. Au niveau
de chaque pays, les gouvernants doivent s'appuyer sur les cultures locales
ancrées dans les réalités de leur milieu pour concevoir des stratégies
d’acculturation. La solution ne peut pas être atteinte par l'application d’un
45
enseignement théorique ou l’importation de programmes éducatifs de
l’extérieur mais par une éducation qui prend en compte la culture locale.
Ce qui peut être facilement accepté par l'individu, la communauté et le
pays. Il faut incorporer, selon les circonstances locales, des éléments
d’enseignement tirés des réalités locales. Il est grand temps que des
politiques "alternatives", fondées non pas seulement sur l'économie de
marché mais sur la culture, soient conçues et appliquées au monde réel.
2-6 CONCEPT DE CULTURE «POPULAIRE» 13
L’idée de culture populaire est une notion très récente. Elle est venue se
substituer à l’ancienne désignation de « folklore » et vise à effacer le
mépris vis-à-vis de toute réalité humaine à caractère oral ou social. Il est
légitime de s’interroger sur les raisons profondes qui ont amené la pensée
occidentale à réviser radicalement son attitude en passant du mépris de
son passé ancestral à un engouement particulier pour lui. Il apparaît que
ce recours au passé, dans le contexte de la civilisation occidentale, est
destiné à combler l’angoisse et le vide existentiels provoqués par l’échec
de la société de consommation. L’examen historique, au cours des six
siècles passés, montre que cette nouvelle valeur refuge de culture
populaire constitue l’effet transitoire d’une compensation psychologique.
Elle représente en somme une étape sur le trajet d’un drame qui a
commencé avec la rupture entre l’ordre spirituel et l’ordre matériel.
L’homme occidental, en rompant ses amarres culturelles, s’est vu emporté
13 H.Benaissa : Aperçu sur l’idée de culture populaire : El Moujahid 11-09-1989
46
par le torrent tumultueux du matérialisme. Aujourd’hui, par effet de
réaction à une évolution sans issue, il tente de s’accrocher aux racines de
ses ancêtres comme une bouée de sauvetage dans un passé qu’il a cherché
en vain à effacer de sa mémoire. La référence au peuple fait partie d’un
phénomène qui a commencé avec le XXe siècle. De fait, il n’y a
pratiquement pas d’expression humaine qui ne se réfère de façon explicite
ou ne fait allusion à la vie populaire. La référence au peuple est
essentiellement une perspective sociologique où l’évocation est associée à
une revendication de justice sociale qui est devenue l’élément essentiel de
la politique des Etats issus des révolutions sociales. Cette référence a
aussi servi d’étendard à certains mouvements nationaux pour réclamer
l’indépendance de leurs pays. La finalité de la justice sociale diffère selon
que la perspective existentielle visée est de nature spirituelle ou
matérialiste. Aussi, elle produira sur le moyen et le long terme des effets
différents. La simple insertion populaire dans une perspective sociale est
insuffisante pour lui donner automatiquement sa véritable raison d’être
dans l’ordre humain. Par conséquent, pour rendre légitime le « concept de
culture populaire », on doit contribuer à restituer à l’homme son équilibre
spirituel et matériel en tant que norme de vie. Il doit s’inscrire dans le
contexte historique et humain qui a consacré sa genèse.
47
3. DIVERSITE CULTURELLE
Les cultures humaines varient considérablement. Elles vont
des sociétés dites «primitives» (sans écriture) aux sociétés
les plus lettrées et les plus civilisées. Malgré la diversité des
cultures dans le monde, toutes les sociétés présentent
certains traits culturels universels reflétant les réponses
communes aux besoins de l'homme en tant qu'être social.
A côté d’une culture globale, peuvent en exister des cultures minoritaires
qui particularisent des groupes sociaux ou des communautés et se
distinguent par leurs origines ethniques. La valeur de la culture dominante
se mesure au degré d’intégration et de fusion à elle des cultures
minoritaires. En d’autres termes, elle peut remplacer progressivement les
cultures minoritaires dans la mesure où l’éthique qu’elle véhicule est
supérieure et répond mieux aux aspirations sociales. Cette supériorité
s’entend à la fois sur le plan de l’authenticité de l’éthique et sur le plan de
son efficacité opérationnelle.
La rencontre des cultures est source d’enrichissement : se reconnaître dans
nos différences est indispensable pour mieux vivre ensemble, en
particulier dans nos sociétés de plus en plus métissées. Parler de diversité
culturelle revient à s’interroger sur le sens de la « culture »; il faut réduire
peu à peu le fossé entre les cultures nationales pour aspirer à une culture
universelle. Il faut substituer à la confrontation des civilisations,
génératrice de conflits et développée pour des fins non avouées par
certains théoriciens de l’exclusion, le rapprochement pacifique des
cultures.
48
3.1 DEFINITION
L’Unesco définit la diversité culturelle comme « l’ensemble des traits
distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent
une société ou un groupe social ». Ainsi, la culture est rattachée à un
groupe humain, elle englobe son histoire, sa langue, son mode de vie, ses
traditions, etc. Si les institutions internationales se dotent aujourd’hui d’un
arsenal normatif et législatif pour promouvoir la diversité culturelle, c’est
que celle-ci constitue un « enjeu majeur pour le nouveau millénaire ».
3.2 DIVERSITE CULTURELLE DANS UNE SOCIETE DE
CLASSES
Dans les sociétés de classes, il peut y avoir autant de cultures que de
classes. Ce qui entraîne la compartimentation de la société en groupes
sociaux distincts dont les modes de vie et les intérêts sont différents. Cela
engendre des antagonismes à l’origine de ce qu’on appelle la lutte des
classes. L’équilibre social dépend alors du degré de leur cohabitation et
reste indispensable pour assurer la pérennité de la société. Les sociétés
actuelles l’ont compris à travers une meilleure cohésion sociale. On tente
de réaliser une juste répartition des richesses afin de réduire les fractures
sociales et les différences entre classes. Le but suprême d’une société est
l’aboutissement à une société sans classes, étape indispensable sur le
chemin menant à une culture nationale, partagée par tous.
3.3 DIVERSITE CULTURELLE ET DEVELOPPEMENT
DURABLE
Pour les peuples autochtones, il leur est de plus en plus difficile de
survivre et de préserver leur spécificité dans une économie mondialisée où
la possession des territoires et l’exploitation des ressources naturelles
priment le plus souvent sur leurs droits élémentaires. Ce sont des la
des savoirs traditionnels qui disparaissent et notamment un mode de vie
durable, respectueux et adapté à l’environnement.
Figure 4 : Diversité culturelle
D’autre part, des insuffisances ont été
œuvre du développement durable et de son agenda 21, conçus à une
échelle globale par des mécanismes multilatéraux (conventions de Rio
principes et protocoles internationaux
alors introduit, lors du sommet de Johann
développement durable, le facteur culturel
dimension du développement durable
DIVERSITE CULTURELLE
DEFINITION
MONDIALISATION
COHABITATION
RISQUE
49
la possession des territoires et l’exploitation des ressources naturelles
priment le plus souvent sur leurs droits élémentaires. Ce sont des langues,
des savoirs traditionnels qui disparaissent et notamment un mode de vie
durable, respectueux et adapté à l’environnement.
: Diversité culturelle
ont été constatées, en matière de mise en
ent durable et de son agenda 21, conçus à une
des mécanismes multilatéraux (conventions de Rio,
internationaux). La communauté internationale a
introduit, lors du sommet de Johannesburg de 2002 sur le
, le facteur culturel comme une quatrième
du développement durable à côté des dimensions sociale,
DIVERSITE CULTURELLE
DEFINITION
CLASSES
DEVELOPPEMENT
DURABLE
MONDIALISATION
50
économique et environnementale. Au concept « problèmes planétaires et
réponse globale » s’est substitué le concept « problèmes planétaires et
réponses locales ».Preuve donc que l’importance des spécificités locales
et culturelles prime dans le cadre du développement durable. L’Unesco
considère la diversité culturelle comme « une force motrice du
développement », un « atout indispensable pour atténuer la pauvreté et
parvenir au développement durable ».
3.4 DIVERSITE CULTURELLE ET MONDIALISATION
La culture est aussi un marché, objet d’enjeux commerciaux très
importants à l’échelle mondiale. On parle d’ailleurs « d’industrie
culturelle ». L’Unesco et de nombreuses associations luttent pour que la
culture et les biens culturels ne soient pas soumis aux règles du commerce
international, en tant que biens publics mondiaux. Les cultures
« minoritaires » sont de plus en plus menacées. Ce qui nous conduit à
lutter pour les préserver. Au-delà de ces constats, il convient de considérer
qu’une culture vivante, perpétuellement en mouvement, doit encourager la
diversité culturelle sans fermer la porte à une réflexion sur la modernité.
Si on « sanctuarise » les cultures, on les fige dans une tradition rétrograde.
Les valeurs « universelles » ne s’opposent pas à une modernité bien
comprise car elles garantissent les droits et la dignité de tous, au-delà des
rapports de puissance et de clivages culturels.
3.5 RISQUE DE LA DIVERSITE CULTURELLE
L’encouragement de la diversité culturelle peut conduire certains peuples
et minorités au repli identitaire. Sous prétexte de protéger la culture et
l’authenticité face aux effets pervers de la mondialisation ou au supposé
51
péril vert, blanc, jaune ou noir, on pourrait assister parfois au
développement de mouvements ultranationalistes, à des poussées de
xénophobie pouvant aller jusqu’à la purification ethnique et au génocide.
Les crises récentes dans le monde ont ébranlé les convictions de beaucoup
sur la coexistence pacifique et le dialogue des cultures. Certaines sociétés
ont montré à quel point l’esprit démocratique, loin d’être un principe
solidement ancré, était épidermique, voire pelliculaire. Comment vivre
ensemble dans la diversité? La question est cruciale et se pose avec une
brûlante acuité. Nombreux sont ceux qui s’interrogent aujourd’hui sur les
différents modèles de gestion de la pluralité dont chacun a montré ses
limites.
L’intégration à la française vise à imposer aux minorités la culture de la
République. Au lieu de s’ouvrir à la culture de ces minorités, on tente de
la nier au bénéfice de la culture majoritaire en se servant d’artifices
préfabriqués au nom de la défense des lois de la république, au nom d’une
laïcité mal comprise. Ce n’est pas le cas de certains pays anglo-saxons
comme l’Angleterre qui s’ouvre aux cultures minoritaires et accepte le
principe du communautarisme. La controverse reste vive en Europe où la
majorité des pays s’oppose au communautarisme, sous prétexte d’un
envahissement culturel. De nombreuses voix dénoncent le
communautarisme à l’instar du juriste suisse Bernard Wicht, qui affirme
que celui-ci « ne propose aucun vouloir-vivre-ensemble et conduit, en
dernière instance, à une certaine “balkanisation” des sociétés14». Cette
14 « La diversité culturelle : le sens d’une idée », Diversité culturelle et mondialisation, Paris, Editions Autrement, collection Mutations n°233, page 11.
52
attitude est pour le moins étrange dans des pays dits démocratiques qui
prétendent respecter les autres cultures et encourager la libre expression
des idées, surtout que ces pays affirment, tout haut, qu’ils sont
suffisamment immunisés contre l’influence d’une quelconque idéologie.
On peut alors se poser la question de savoir pourquoi ces pays ont peur de
la diffusion des autres cultures? Sinon d’eux-mêmes. Ce qui pose le
problème de l’acceptation de l’autre dans ces pays.
3.6 DIVERSITE CULTURELLE ET COHABITATION
Il s’agit de concevoir une autre manière de vivre ensemble qui puisse
transcender l’obligation de culture unique républicaine et le pseudo-risque
du communautarisme, en évitant les écueils de la naïveté et des
anathèmes?
Dominique Wolton, célèbre sociologue français, directeur de recherche au
CNRS (Centre national de la recherche scientifique français) et auteur,
notamment « de L’autre mondialisation » affirme que « La cohabitation
culturelle consiste à établir des règles permettant à chaque culture de se
protéger ». Est-elle finalement si éloignée du fameux modèle andalou du
XIIe siècle où juifs, chrétiens et musulmans coexistaient et vivaient en
parfaite harmonie, exemple unique pour l’époque ? Thierry Fabre souligne
ainsi : « Avec ses règles et ses limites, ses conflits et ses dominations, la
convivialité a bien eu lieu dans la civilisation d’al-Andalus », Il s’agit
bien d’une expérience susceptible d’éclairer les débats de notre temps où
53
se répand le paradigme d’Huntington, selon lequel « les fractures de
civilisation sont les lignes de front de l’avenir15».
A l’heure où la tentation du repli identitaire gagne du terrain, le grand
poète et essayiste mexicain Octavio Paz nous invite à emprunter un autre
chemin : « Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs,
souligne-t-il. A l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les
civilisations, de l’obsession de la pureté. Le drame des Aztèques, comme
celui des Incas, est né de leur isolement total: impréparés à confronter
d’autres normes que les leurs. Les civilisations précolombiennes se sont
volatilisées dès leur première rencontre avec l’étranger».
Dans le même esprit, Serge Gruzinski, directeur d’études à l’EHESS
(Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris) écrit : « Les
métissages ne sont jamais une panacée ». Ils expriment des combats
jamais gagnés et toujours recommencés. Mais ils fournissent le privilège
d’appartenir à plusieurs mondes en une seule vie.
15 L’héritage andalou, La Tour d’Aigues, Editions de l’aube, collection Monde en cours, 1995, page 7.
4. ROLE DE CULTURE
La culture se manifeste à travers les domaines qui lui servent de support
comme la langue, l’histoire,
l’environnement, l’économie, la politique
Figure 5 : Rôle de la culture
4.1 CULTURE ET IDEOLOGIE
D’après le Larousse
représentations cohérentes dans lesquelles un
sociale se reconnaît et dont elle se sert dans sa lutte contre
une autre classe pour imposer sa domination
ROLE DE LA
IDEOLOGIE
POLITIQUE
ECONOMIE
ENVIRONNEMENT
54
. ROLE DE CULTURE
La culture se manifeste à travers les domaines qui lui servent de support
, l’idéologie, l’éducation, la science,
l’environnement, l’économie, la politique.
: Rôle de la culture
IDEOLOGIE
Larousse « l’idéologie est un ensemble de
représentations cohérentes dans lesquelles une classe
sociale se reconnaît et dont elle se sert dans sa lutte contre
une autre classe pour imposer sa domination ».
ROLE DE LA CULTURE
IDEOLOGIE
LANGUE
HISTOIRE
EDUCATION
SCIENCE
55
On peut se poser la question de savoir s’il faut parler de culture sans parler
d’idéologie ou d’idéologie sans parler de culture. Si le concept de culture
est vieux comme l’histoire, il n’en est pas autant du concept de
l’idéologie. Les idéologies, en Occident, sont nées au XXe siècle avec
l’éclosion des connaissances scientifiques dans de multiples domaines de
la vie et l’influence des idées nouvelles sur la nature de la société humaine
et du rôle de l’individu. Ces idéologies sont nées également des
contradictions de l’église et des conflits d’autorité entre elle et l’Etat.
L’église, tout en restant une institution distincte, exerçait de façon directe
son influence sur l’Etat. Ces idéologies sont aussi le résultat de l’extension
du nationalisme, bien que celui ci ne soit pas né au XXe siècle. Elles
découlaient aussi de la prise de conscience croissante en faveur d’une
unité possible du genre humain. Il apparaît pour le moins une
contradiction entre deux idées maîtresses : le nationalisme et l’unité du
genre humain. Le nationalisme a abouti au désir d’expansion de certains
pays au détriment des autres par la colonisation. Cette vision a commencé
avec les premiers établissements humains de l’histoire. Dés qu’un groupe
humain s’appropriait un territoire, son objectif premier consistait à assurer
son extension au détriment des autres.
Chaque pays, dans le souci de l’unification du genre humain, agissait pour
soi tout en éprouvant le besoin de se rassembler autour d’une nouvelle
invention à savoir l’identité idéologique. Avant l‘apparition de l’idéologie,
les pays se différenciaient principalement sur une base culturelle
d’essence religieuse : chrétienne, judaïque, islamique, hindoue, djaïna,
bouddhiste, confucéenne, taoïste, shintoïste, etc. Bien que beaucoup de
religions prêchent la fraternité des hommes, l’unité de l’humanité n’a pu
56
se faire à cause principalement des idéologies. En effet, les idéologies
définissent les rapports sociaux en tant que rapports de force basés sur des
intérêts matériels, alors que la culture religieuse les définit en tant que
rapports moraux basés sur une éthique. Certaines nations et groupes
humains, unis par un sentiment d’appartenance à une identité culturelle
commune, se sont efforcés de conformer la réalité de leur existence
quotidienne avec leurs idéaux culturels.
Pour les démocraties libérales qui, historiquement, n’appliquaient que le
principe étroit purement politique, d’autodétermination, cela signifiait une
extension du concept aux aspects socioéconomiques de la vie.
Pour les sociétés marxistes, qui interprétaient l’humanité en termes de
marxisme, cela signifiait l’identification d’un peuple avec le processus
historique du matérialisme dialectique et l’unification des efforts de tous
en vue d’édifier une société socialiste.
Pour les nationalistes, comme Mussolini, il s’agissait de recréer la
grandeur d’un lointain passé : l’empire de Rome.
Pour Hitler et les Afrikaanders de l’Afrique du Sud, la race devenait un
concept de vocation nationale et une justification suffisante pour dominer
les autres peuples considérés comme inférieurs.
Chacune de ces idéologies a développé un modèle de culture et une
éducation pour lui servir de support pour son implantation et son
extension. Mais aucune de ces cultures ne pouvait s’ériger en culture
globale, car elles s’excluaient mutuellement. Ceux qui croyaient en une
religion unique liant leur vie spirituelle à leur vie politique, ont formé un
Etat conforme à leur conviction comme dans le cas du Pakistan.
Figure 6 : Idéologie
Des pays, comme le Japon, ont décidé d’incorporer les nouvelles
connaissances scientifiques et techniques et certaines coutumes
occidentales dans leurs structures sociales existantes. Tout en respectant
les valeurs fondamentales du peuple Japonais, la devise de l’Etat Japona
restait: « un esprit japonais et un savoir faire occidental
japonaise continuait à déterminer toutes les relations sociales, celles de
l’employeur avec ses ouvriers, du propriétaire de la terre avec ses paysans,
des vieux avec les jeunes, des maîtres avec leurs serviteurs, des supérieurs
avec leurs subalternes, dans chacune des hiérarchies familiale,
professionnelle, économique et sociale. En matière d’éducation, on a
cherché à inculquer aux enfants le sens de responsabilité, du devoir en
IDEOLOGIE
LIBERALISME
SUPREMATIE RACIALE
MARXISME
57
igure 6 : Idéologie
Japon, ont décidé d’incorporer les nouvelles
connaissances scientifiques et techniques et certaines coutumes
s structures sociales existantes. Tout en respectant
les valeurs fondamentales du peuple Japonais, la devise de l’Etat Japonais
un esprit japonais et un savoir faire occidental ». La tradition
japonaise continuait à déterminer toutes les relations sociales, celles de
l’employeur avec ses ouvriers, du propriétaire de la terre avec ses paysans,
, des maîtres avec leurs serviteurs, des supérieurs
avec leurs subalternes, dans chacune des hiérarchies familiale,
professionnelle, économique et sociale. En matière d’éducation, on a
cherché à inculquer aux enfants le sens de responsabilité, du devoir en se
IDEOLOGIE
LIBERALISME
NATIONALISME
SUPREMATIE RACIALE
58
basant sur le fondement des principes traditionnels qui consistent à
honorer le passé historique du Japon et l’éthique confucéenne. Le Japon
est un des rares, sinon l’unique pays qui a réussi, pendant un laps de temps
historique réduit, à dynamiser et à rénover sa culture traditionnelle en y
incorporant le savoir faire occidental tout en respectant son savoir être.
Les idéologies ont donné naissance à de nombreuses cultures qui ont
compartimenté le monde et rendu son unité pratiquement impossible.
4.2 LANGUE
Ibn Khaldoun disait « Les langues ne sont que
l’interprète du contenu de la conscience : c’est à dire des
significations qu’elle renferme ».
L'émergence du langage fut une étape décisive qui a permis l’expression
de la prodigieuse complexité de la culture humaine. Grâce à lui, les
hommes sont capables d'utiliser des symboles, c'est-à-dire d'octroyer et de
communiquer des significations par l'intermédiaire de signes phoniques et
par l'organisation de ces signes en phrases. S'ils reçoivent un
apprentissage, de nombreux animaux sont capables de réagir au langage,
mais uniquement en tant que signaux ou appels, non en tant que véritables
symboles. Toutes les cultures humaines ont pour fondement le langage.
Même les langages des peuples analphabètes possèdent un degré de
complexité suffisant pour transmettre la totalité d'une culture dans ses
éléments et ses connexions. Dans certaines civilisations, le langage ne
permet de nommer que les cinq premiers chiffres; pour les chiffres plus
élevés, on utilise le terme « beaucoup »; d'autres disposent d'un système
décimal leur permettant de compter jusqu'aux millions, milliards et même
davantage.
59
Le génie d’une langue est conditionné par les éléments que fournit le
milieu naturel à sa rhétorique particulière. La topographie et la nature des
lieux, le ciel, le climat, la faune, la flore sont des générateurs d’idées et
d’images qui sont le patrimoine particulier d’une langue à l’exclusion
d’une autre. Par conséquent, la critique interne d’une langue doit y
révéler, dans une grande mesure, ses rapports avec les données du milieu
naturel où elle est née.
La langue, d’une façon générale, est organisée pour véhiculer la pensée
d’une culture et d’une civilisation. Si la culture est le concepteur d’une
civilisation, la langue est son moyen de transmission. Une culture évolue
sans cesse et doit en permanence adapter la langue qui la véhicule. En
somme, la culture fait la langue mais la langue ne fait pas la culture.
La psychologie moderne montre que la langue ne constitue pas la source
de la logique mais au contraire elle est structurée par elle. Ceci contredit
les affirmations de Durkheim qui, se basant sur le fait que le langage
comporte une logique, extrapole en disant que la langue est le facteur
essentiel et même l’unique moyen d’apprentissage de la logique par un
individu donné, soumis à un type de culture. Pour étayer ceci, on peut
prendre l’exemple de la latinisation des caractères arabes par M.K.
Atatürk qui pensait que le retard culturel des Turcs était dû à la langue
arabe. Cependant, l’argument véritable n’était pas là, mais plutôt dans le
désir de rompre définitivement avec l’héritage arabe et islamique des
peuples voisins. M.K. Atatürk était un nationaliste qui attribuait la cause
de l’effritement de l’empire Ottoman uniquement à l’opposition des
peuples arabes en oubliant la part de responsabilité qui incombait aux
sultans Turcs eux-mêmes dans la gestion désastreuse de l’empire ottoman.
Pendant longtemps, la Turquie
musulmans, à vivre dans ses difficultés économiques et ses contradictions
sociales, à la recherche de l’appui financier et technique de l’Occident.
Elle cherche, aujourd’hui, à s’intégrer à
européen, non pas sur la base géographique mais culturelle. L’adhésion à
l’Union européenne est fortement contestée par de nombreux pays de
l’UE, tandis que celle de son adversaire de toujours
été depuis belle lurette. En somme, si la Turquie s’est latinisée, cela
signifie pas que les latins l’ont adoptée
Figure
4.2.1 Analyse historique des langues
Si l’on s’intéresse aux principales langues
par le passé, peut-on affirmer que le
fonction de sa propre structure? On peut répondre d’emblée
En effet, le Grec, le Latin et l’Arabe d’aujourd’hui sont les mêmes langues
qui rayonnaient hier, mais hier elles brillaient de mille éclats de
civilisation qu’elles véhiculaient. Aujourd’hui, elles valent ce que valent
LANGUEHISTORIQUE
60
a continué, à l’instar d’autres pays
sulmans, à vivre dans ses difficultés économiques et ses contradictions
sociales, à la recherche de l’appui financier et technique de l’Occident.
à s’intégrer à l’Occident, qui lui refuse le label
ographique mais culturelle. L’adhésion à
est fortement contestée par de nombreux pays de
tandis que celle de son adversaire de toujours, la Grèce voisine, l’a
été depuis belle lurette. En somme, si la Turquie s’est latinisée, cela ne
atins l’ont adoptée en lui ouvrant les portes.
Figure 7 : Langue
Analyse historique des langues
Si l’on s’intéresse aux principales langues, qui ont rayonné sur l’humanité
on affirmer que le rayonnement d’une langue est
propre structure? On peut répondre d’emblée par le non.
En effet, le Grec, le Latin et l’Arabe d’aujourd’hui sont les mêmes langues
qui rayonnaient hier, mais hier elles brillaient de mille éclats de la
. Aujourd’hui, elles valent ce que valent
RENAISSANCELANGUE
61
la Grèce, Rome et les pays arabes16. Elles se sont sous-développées au
même titre que les civilisations qui les véhiculaient. Citons l’analyse
judicieuse de R. Bénaissa : « Nous savons que trois langues se sont
imposées successivement à des aires variables avant l’époque moderne :
le Grec, le Latin et l’Arabe. Il est clair que leur diffusion n’a pas dépendu
de leur ‘’logique interne’’ mais des civilisations successives qu’elles ont
exprimées. Il est plus évident que leur extinction n’a pas été provoquée
par leur incapacité à forger des néologismes, elles étaient toutes à leur
apogée, mais par la décadence des civilisations qu’elles traduisaient.
C’est la décadence des groupements humains, qui à une phase de leur
évolution, ne réfléchissent plus, ne produisent plus et n’inventent plus
rien ».
Durant la domination coloniale, les peuples colonisés ont résisté à
l’assimilation linguistique comme un moyen de résistance culturelle. Une
des premières formes de combat contre le colonialisme fut celle de la
langue et de sa reconnaissance par les autorités coloniales. Malgré leur
appauvrissement matériel, les peuples colonisés cotisaient sur leurs
maigres revenus pour créer des écoles comme l’exemple des médersas en
Algérie et apprendre à leurs enfants la langue de leurs parents et ancêtres.
La colonisation, malgré ses moyens colossaux et ses cerveaux, n’a pas
réussi à briser la langue des autochtones. Sous la pression des peuples
sous sa domination, la colonisation fut souvent contrainte d’autoriser la
création d’écoles pour l’enseignement de langues autochtones, mais
revenait très tôt sur cette autorisation en emprisonnant les maîtres d’école.
16 M Bennabi : langue et culture
62
La langue, pour les autochtones comme pour les colonisateurs était un
enjeu stratégique. Pour le colonisé, c’était le moyen de conserver sa
propre identité et pour le colonisateur le moyen d’imposer sa culture et sa
domination.
4.2.2 Renaissance des langues
La renaissance d’une langue ne dépend pas du nombre de mots qui la
composent mais de la renaissance culturelle induite par la créativité et le
développement généralisé de l’ensemble des secteurs de la vie sociale.
Une même langue peut avoir un rayonnement différent suivant qu’elle
côtoie une civilisation plus forte ou plus faible. Par exemple, le Français
qui s’impose assez facilement comme une langue européenne, se trouve
bien relégué au Canada où il côtoie l’Anglais qui est soutenu par la toute
puissante Amérique : c’est à dire par les centaines de milliers de
publications produites par les milliers de maisons américaines d’édition.
Cela ne veut pas dire que l’Anglais soit meilleur dans l’absolu que le
Français, mais signifie simplement que l’Anglais prend l’espace de la
civilisation Anglo-saxonne. Ce qui explique que l’Anglais a pris de
l’extension ces dernières décades et qu’il ne cessera d’en prendre aussi
longtemps que la civilisation qu’il véhicule continuera à briller. Ceci est
aussi vrai pour l’économie que pour la politique. C’est le Canada et
surtout le Québec qui constituent le grand paradoxe de la langue française
par la création du plus grand nombre de nouveaux néologismes en
français en comparaison avec la France elle-même et les autres pays
francophones. La question qu’on peut se poser est de savoir pourquoi la
France est incapable de dynamiser la langue française au point où c’est le
Québec qui s’en charge? Le Québec francophone est confronté de plus
63
près à la culture Anglo-saxonne et se trouve à l’avant-garde de la lutte des
langues qui est synonyme de lutte des cultures. Pour défendre sa culture,
le Québec crée et assimile de nouveaux mots au français qu’il emprunte
parfois directement de l’Anglais dans un double but : enrichir la langue
française et contrebalancer l’évolution rapide de la langue anglaise. En
mars 1985, à l’occasion de la tenue du Haut Conseil Français de la
Francophonie, l’ancien Chef d’Etat Français, F. Mitterrand déclarait « La
francophonie doit changer de rythme et de temps » parce que le
« Français a tendance à être une langue paresseuse ». Il ajoute « il faut
maintenant mesurer les urgences, proposer et agir ». Le Président
Français citait l’exemple de la terminologie où les francophones sauf au
Canada ont notamment pris du retard. L’Allemagne fédérale dispose
d’une banque terminologique d’un million de mots alors que la France
réunit seulement 400.000 mots. Il faut également citer le Japon et la Chine
qui mènent une action sans relâche pour forger de nouveaux termes dans
leurs langues et traduisent, à cet effet, le maximum de livres étrangers. Ils
déploient de grands efforts dans les domaines scientifiques et techniques
pour améliorer le niveau de leurs connaissances et d’enrichir leurs langues
de termes nouveaux. Ce qu’on a pris pour habitude d’appeler « les
industries du langage ». Il faut rappeler que les langues comme le
Chinois, le Japonais sont des langues complexes et très anciennes qui ne
sauraient se mesurer à l’Arabe qui, sur le plan historique, est une langue
beaucoup plus jeune. Les Chinois et les Japonais n’ont pas hésité à
réinstaller leur langue chez eux, conscients que la langue exprime l’âme et
la culture de leur peuple et que sa renaissance est conditionnée par la
valorisation de la culture. En Israël, l’Hébreu a été ressuscité pour qu’il
représente une valeur culturelle. L’orientaliste Massignon disait que « les
64
langues sémitiques présentaient une double disposition : l’une qui leur a
permis de recevoir la révélation des écritures monothéistes et l’autre qui
a permis à ces langues de suivre et de conduire pendant des millénaires
toute la pensée de l’homme, notamment sa pensée scientifique ».
4.3 CULTURE ET HISTOIRE
P.T De Chardin17 « Avec la vie devenue réfléchie, Ce n’est
pas seulement encore une capacité inconnue d’invention qui est
apparue sur terre, mais ce sont aussi, corrélativement, deux
fonctions biologiques fondamentales, celles de multiplication et
de consommation »
L’histoire de la culture humaine est aussi vieille que celle de l’homme. La
culture, dont bénéficie l’humanité d’aujourd’hui, est l’accumulation à
travers l’histoire de tous les acquis culturaux obtenus de génération en
génération, chacune transmettant à l’autre son savoir et sa pensée. C’est
grâce à cette accumulation que l’homme se sert de l’expérience passée
pour envisager son devenir. Une culture ne peut effacer une autre que si
elle possède aux yeux de l’homme une valeur plus grande et répond mieux
à ses aspirations profondes. P.T De Chardin18 écrivait « L’épanouissement
de la conscience humaine est le thème essentiel de l’histoire. Rien n’est
plus essentiel que le développement et l’exercice conjugués des capacités
17 Pierre Teilhard De chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Editions le Seuil -1956 18 Pierre Teilhard De chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Editions le Seuil -1956
65
mentales de l’esprit et de l’imagination sources de culture et de grandeur
humaine. Les spécialistes de l’archéologie et de la paléontologie
s’accordent à affirmer que la naissance de l’intelligence humaine a été
brusque. De même, celle de la pensée s’est produite d’un seul pas et dès
ce moment, la voie de l’espèce humaine était tracée. Elle l’était par le
dynamisme même du pouvoir de réflexion, mais aussi, parce que
contrairement à l’animal qui est étroitement lié à son milieu, l’homme ne
peut survivre que s’il transforme son environnement et l’adapte à sa
propre mesure ». L’homme commence par tailler les pierres et allumer le
feu. C’est ainsi que peu à peu, il donne naissance à la civilisation.
Toutefois, là où la nature offre tout aux hommes, sans leur demander des
efforts en retour, l’humanité reste au même stade de développement et
stagne. Elle peut le demeurer pendant des millénaires. Ce qui est confirmé
par l’existence de nos jours de populations qui sont restées isolées dans
certaines îles ou forêts denses, là où elles trouvent tout ce dont elles ont
besoin (certaines peuplades d’Amazonie sont demeurées, jusqu’à nos
jours, au stade préhistorique). C’est le travail exigé, pour vaincre les
obstacles dressés par la nature, qui a fait naître la culture. Les premières
traces de la culture humaine se trouvent enregistrées dans l’art figuré et
l’art rupestre où l’homme est placé au cœur de la scène. Tout se passe
comme s’il prenait désormais conscience de lui-même et de sa situation
dans l’univers. L’homme a commencé, ainsi, à donner naissance à sa
dimension historique et culturelle en enregistrant, d’une certaine manière,
son présent, sa manière de vivre et son environnement. C’est ainsi, qu’est
née l’écriture idéographique en utilisant les symboles les plus communs et
les plus connus. L’espèce humaine s’étant multipliée au cours des
millénaires, le problème s’est posé à certains groupes sociaux de tirer
66
profit au maximum du territoire qu’ils occupaient et qu’ils ne pouvaient
guère quitter sans se heurter à des groupes voisins. L’homme a été ainsi
acculé, en quelque sorte, à se sédentariser, à devenir productif, à
compléter la cueillette et la chasse par la culture de plantes sélectionnées
et à élever les animaux domestiques. L'évidence archéologique suggère
que l’agriculture a commencé, en de nombreuses places et de façon plus
ou moins simultanée vers la fin du petit âge glaciaire, soit environ 9000
ans avant Jésus Christ. Le professeur Watson19 pense que l’agriculture n’a
connu son vrai développement qu’aux premiers temps de la civilisation
islamique dans les conditions des zones désertiques ou proches du désert :
« Il serait naturel de considérer que l’agriculture a été inventée dans ces
régions, puisque le sol pouvait être labouré avec peu d’effort et, si irrigué,
pouvait être hautement productif ». Ce passage de l’homme de l’âge de la
chasse à l’âge de l’agriculture n’a été rendu possible que grâce à
l’invention de nouvelles techniques du silex poli, du tissage, de la poterie
et surtout l’esquisse d’une vie communautaire et d’une socialisation.
Progressivement, des foyers de civilisation se sont allumés en même
temps. C’est de Sumer et d’Egypte que tout va partir : la naissance des
villes, l’écriture et la métallurgie. L’histoire de l’humanité se développa
dans le croissant fertile. Les grands fleuves ont été les lits de la culture. Le
Nil, l’Euphrate, le Tigre et les principaux fleuves de l’Inde et de la Chine
en sont des exemples. Les premières sociétés organisées se sont formées
sur leurs rives : la science, la littérature et l’art y virent le jour. Dans ces
19 book on Agricultural Innovation in the Early Islamic Human Interactions with the Environment from Ancient Times to Early Romantic: Paper Delivered at the National Endowment for the Humanities Institute on the Indian Ocean, July 2002 with a Few Updates Josephine A. McQuail Tennessee Technological University
67
régions, la terre était particulièrement riche, mais là ne réside pas la seule
raison de ce développement. Les hommes ont du apprendre à s’organiser
et à fournir un travail en commun pour arracher les fruits de la terre. Tout
comme les enfants qui commencent à apprendre, les peuples primitifs ont
d’abord « écrit » en exécutant de petits dessins qui devaient exprimer
leurs pensées. De l’écriture idéographique, se développa l’écriture
syllabique et les voyelles firent leur apparition un peu plus tard.
Désormais, disposant de l’écriture, du parchemin et de technique,
l’humanité va s’engager dans un développement sans fin. Tout en
continuant à faire des progrès dans l’agriculture, l’homme va
progressivement inventer l’industrie, les transports, les moyens de
communication, le commerce, l’architecture, la littérature, l’art, les
sciences et l’enseignement. Avec l’apparition des sociétés humaines
organisées, les empires d’abord, les monarchies ensuite, vont
successivement se constituer et se détruire. L’homme, poussé par son
instinct primaire de domination, va faire la guerre à l’homme, inventer
l’esclavage et la colonisation. Comme on le voit, le besoin de domination
de l’homme ne date pas d’aujourd’hui. C’est même une caractéristique
historique de la nature humaine. Au désir de coloniser l’espace qui lui
appartient, l’homme tente de s’emparer de l’espace du voisin, par la force
ou la ruse. Au fur du temps, l’homme a commencé à inverser l’évolution
naturelle de la culture qui est l’épanouissement de l’homme et de son bien
être par l’exploitation et l’avilissement de son prochain et parfois au nom
de cette même culture dont il a bénéficié et qui fait partie du patrimoine
commun universel. A côté de la culture qui est le fruit de l’histoire de
l’humanité, va se développer en parallèle l’inculture ou l’anti-culture, tout
au long de l’histoire. Désormais, la grandeur des uns va se faire au prix de
68
la décadence des autres et la culture humaine va évoluer selon le mode de
flux et de reflux. Après un progrès réalisé, survient une invasion qui brûle
les bibliothèques ou détruit les infrastructures laborieusement réalisées et
remet à zéro l’avancée opérée. Ce qui explique le retard historique de
l’humanité pour atteindre le niveau supérieur des valeurs humaines qui
font la culture universelle. A l’intérieur même de chaque civilisation, vont
agir simultanément les facteurs de progrès et de régression de la culture.
Si les premiers dominent, la civilisation se maintient et si les seconds
l’emportent c’est la décadence. Les civilisations et leurs cultures se
ressemblent. Elles naissent, grandissent et enfantent de nouvelles ou
régressent. L’homme, grâce à sa raison et son intelligence, arrive à
mémoriser les valeurs positives de la culture. C’est par le renforcement de
ces valeurs que l’homme a réussi à se civiliser, à travers la longue histoire
de l’humanité, malgré des périodes sombres qui l’ont jalonnée.
4.4 CULTURE ET EDUCATION
Bennabi20disait : « L’école, ce n’est pas seulement le lieu
où il y a des bancs, des écritoires et un tableau sur lequel on
écrit l’alphabet ou des équations : c’est le temple où une
conscience reçoit la révélation des valeurs qui constituent le
patrimoine humain »
20 M. Bennabi : Politique et culture
69
L’éducation est la socialisation des êtres appelés à nous succéder un jour.
Son but est de rendre apte les générations à venir par la transmission
d’une éthique culturelle et de techniques valables pour chaque lieu et
chaque époque. La question, qui se pose pour tout système d’éducation,
est comment faire pour que l’éducation ne soit ni en marge d’une époque,
ni en marge de l’homme par la non prise en charge de sa propre culture ?
L’éducation et la culture ont cessé depuis longtemps d’être indépendantes.
Si l’éducation se déroule selon un rythme et des besoins qui lui sont
propres, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle subit les stimulants de
l’ambiance extérieure. Parmi ces stimulants, on peut citer le fonds culturel
constitué par la famille et le milieu qui entoure l’école et tient
incontestablement la première place. La réussite éducative dépend de la
manière et des méthodes employées pour réaliser l’adaptation de l’école à
son milieu naturel.
L’éducation n’est pas seulement la transmission et la communication des
connaissances, comme c’est généralement le cas aujourd’hui, mais
également un acte de vie et un équilibre adéquat de l’être humain avec son
milieu. Eُlle transmet un savoir qui est à la base de la formation de la
personnalité et de la pensée de l’enfant. Ce qui pose la question du rapport
pédagogique entre l’enseignant et l’enfant et l’impérieuse nécessité de
disposer d’enseignants qualifiés en mesure de communiquer les
connaissances, de transmettre le savoir faire et surtout de développer le
savoir-être.
Si l’éducation concerne principalement l’école, la culture implique à la
fois l’école, la famille et le milieu. Aussi l’école ne peut transmettre
qu’une partie du patrimoine culturel. L’enjeu principal est de parvenir à
une intégration naturelle et à un équilibre solide entre ces trois
composantes pour éviter toute contradiction entre elles qui risque
d’exercer une influence négative sur l’individu.
En effet, on enseigne à l’homme que les gens sont bien intentionnés à son
égard, que se fier aux autres est une vertu et que se tenir sur ses gardes est
un défaut moral. Or les contradictions
enseignées par l’école et les tensions hostiles qui peuvent exister dans la
réalité sociale, risquent d’influer de manière décisive sur le comportement
de l’individu qui perdra confiance en lui
de nombreux exemples actuels dans les sociétés du tiers monde. On
proclame aux hommes qu’ils sont égaux devant la loi, mais dans la réalité,
il n’en est pas ainsi et il y a plusieurs poids et mesures. On interdit la
corruption, mais dans la vie de tous les jours, on se rend co
existe à divers niveaux de la société.
Figure 8 :
EDUCATION
ECOLE
FAMILLE
70
une intégration naturelle et à un équilibre solide entre ces trois
composantes pour éviter toute contradiction entre elles qui risque
rcer une influence négative sur l’individu.
En effet, on enseigne à l’homme que les gens sont bien intentionnés à son
égard, que se fier aux autres est une vertu et que se tenir sur ses gardes est
un défaut moral. Or les contradictions, entre les valeurs morales
enseignées par l’école et les tensions hostiles qui peuvent exister dans la
réalité sociale, risquent d’influer de manière décisive sur le comportement
de l’individu qui perdra confiance en lui-même et dans les autres. Il y a
actuels dans les sociétés du tiers monde. On
proclame aux hommes qu’ils sont égaux devant la loi, mais dans la réalité,
il n’en est pas ainsi et il y a plusieurs poids et mesures. On interdit la
corruption, mais dans la vie de tous les jours, on se rend compte qu’elle
existe à divers niveaux de la société.
Figure 8 : Éducation
EDUCATION
ECOLE
MILIEU
SOCIAL
71
On enseigne que le vol d’autrui est un acte de haute gravité, mais on
constate que s’est devenu un fait divers qui se déroule tous les jours sous
nos yeux. L’éducation peut être largement facilitée par la disponibilité
actuelle de moyens d’information et de communication. L’audiovisuel a
pénétré chaque foyer et chaque centre culturel. L’objectif de l’éducation
n’est pas d’imposer des valeurs de façon autoritaire mais de les faire
accepter par leur qualité et les bienfaits qu’elles apportent à l’individu et à
la société. Les méthodes d’éducation doivent être incitatives et sans cesse
évolutives. Elles doivent considérer la liberté de l’enfant comme étant le
pivot fondamental de la pédagogie en permettant le développement des
manifestations spontanées chez lui et leur prise en compte dans le
processus d’apprentissage. Ce qui suppose l’existence d’éducateurs
expérimentés dotés d’une certaine maturité intellectuelle pour reconnaître
à l’enfant un droit d’existence, un espace propre et une bonne convivialité.
Neil21 disait: « On ne peut éduquer ou enseigner qu’au delà de nos
complexes». Il n’y a pas d’action mécanique de la culture sur le social.
Une culture viable est une culture qui associe l’homme. Car celui-ci est
aussi un facteur d’évolution culturelle par son action sur les choses et la
manière de les valoriser par ses trouvailles et ses inventions. Si
l’éducation ne peut être figée par des méthodes et des règles immuables,
la culture non plus ne peut se prévaloir de normes statiques en ce sens
qu’elle doit être dynamique et adaptée à l’évolution historique. Il y a un va
et vient perpétuel entre l’éducation et la culture qui agissent l’une sur
l’autre. Le Japon a réussi son développement parce qu’il a su associer
21 Neil : libres enfants de Summerhill :Le matin n°357 du 10 janvier 1993
72
l’éducation à sa culture ancestrale. Il a considéré la science et la technique
comme un moyen et un savoir faire sans remettre en cause son savoir être
(personnalité) puisé dans sa propre culture. L’éducation doit préparer
l’homme à cette tension interne qui le conduit à s’approprier un savoir
faire tout en valorisant les valeurs morales de sa propre culture et en
consolidant son identité. L'éducation22 doit cesser d'être une activité à part,
largement didactique pour devenir un enseignement interactif fondé sur
l'expérience et la participation. C'est l'ensemble de l'éducation qui doit
changer la manière de vivre des citoyens en les préparant à réfléchir de
façon globale afin d'apprécier et de renforcer les liens entre eux et avec ce
qui les entoure. (Orr 1996)23 disait : « Une approche globale et
interdisciplinaire de l'éducation est de plus en plus difficile à réaliser à
l'ère de la spécialisation».
4.5 CULTURE ET SCIENCE
Mehdi Ben Barka disait « Un pays sans culture et sans
chercheurs ne mérite que l’esclavage ».
Les historiens fixent le début de la civilisation avec celui de l’acquisition
des connaissances qui ont permis à l’homme de se protéger contre les
22 Education à une sensibilisation culturelle pour le partage et la protection de l'eau : perspective islamique Dr. Hussein A. AMERY, Arts libéraux et études internationales, Colorado School of Mines,USA 23 Orr, D.W. 1996. Ecological literacy. In Thinking About the Environment. A. Cahn and R. O'Brien (eds.). Armonk, NY: M.E. Sharpe. p. 27- 234
73
facteurs négatifs du milieu extérieur et d’assurer ses besoins alimentaires
primaires. Ce qui a constitué une étape première importante qui lui a
permis d’atteindre une autonomie indispensable en tant que prélude à
l’organisation des activités. On peut vérifier cette analyse au sein de nos
sociétés actuelles. L’homme déshérité, manquant de moyens élémentaires
pour survivre, a pour seul et unique but de satisfaire ses besoins primaires.
Tant qu’il n’y arrive pas à s'auto-suffire, il ne peut pas de manière
naturelle et volontaire se socialiser avec ses semblables. Cependant, il
faut rappeler que l’homme a précédé la science, en ce sens, que c’est la
culture acquise d’une manière ou d’une autre par l’homme qui a permis
d’engendrer la science. Dés sa création, l’homme a été doté d’une capacité
mentale et émotionnelle qui a joué un rôle capital dans la formation de sa
culture et a donné forme et couleur à tous les aspects de la vie humaine.
L’homme, confronté au monde qui l’entoure, subit une tension interne. Ce
qui l’amène à vouloir le comprendre d’abord, à acquérir une certaine
perception et ensuite à l’intégrer à sa propre dimension selon ses capacités
innées. Cette tension est allée sans cesse grandissante au fur et à mesure
que ses connaissances se développaient et qu’il arrivait à maîtriser, de
façon progressive, une partie des éléments de son milieu. C’est grâce à
cette tension que la science est née. M. Bennabi disait au sujet de la
science et de la culture « la culture confère la science, le savoir être. La
culture est une richesse subjective qui se retrouve à tous les étages d’une
société. Elle confère le pouvoir sur les valeurs humaines qui créent une
civilisation. La culture engendre la science mais la science n’engendre
pas la culture. La science confère la connaissance, le savoir, le tour de
main selon le niveau social auquel se fait l’investigation. Elle confère le
pouvoir sur les valeurs technologiques qui créent les choses ». Il disait
74
aussi que la puissance d’un Etat se mesure plus à la force de sa culture
qu’à sa science. Les Etats Unis, la France et l’Angleterre n’ont pas vaincu
les peuples Vietnamien, Maghrébin et Indien avec leur science et leur
puissance militaire et ce sont les cultures Vietnamienne, Maghrébine et
Indienne qui ont été les plus fortes. Ainsi c’est la culture qui a la
suprématie sur la science. Jean Paul II a appelé à ce que les activités
scientifiques soient entreprises dans le cadre de l’éthique chrétienne et à
respecter les limites du lien entre la foi et la raison à travers l’Évangile de
la vie.
4.6 CULTURE ET POLITIQUE
F. Castro disait : « La politique ne doit pas se fonder sur le
calcul, sur l’intérêt national, sur la raison d’Etat mais sur
des principes moraux».
La politique se définit comme l’action de l’Etat. C’est une manière de
servir le peuple. Ce qui suppose qu’elle doit reposer sur une éthique
morale et des principes raisonnables et logiques. Elle doit avoir pour base
des droits et des devoirs. Si la culture est à la fois la science et la
conscience, la politique est l’instrument d’application de la culture. En
somme, la politique est l’application dans le domaine temporel des idées
de la culture. Pour qu’une politique soit réalisable et en même temps une
source de motivation pour le peuple, il faut que son action s’inscrive et se
confond avec les aspirations de l’individu pour devenir l’action de la
nation elle-même dans toute sa globalité. L’identification de l’action de
75
l’Etat avec l’action individuelle ne peut se réaliser que dans la conscience
de l’individu comme une émanation de la culture en ce sens que les
citoyens d’une même nation partagent en commun des convictions et des
intérêts qui définissent leur comportement. S’il y a un choc ou
contradictions entre les actions de l’Etat et la culture nationale, la
politique devient oppressive et ne peut pas réaliser le bien être de la
nation. Il se produit alors une coupure entre l’Etat et la nation et la
politique ne peut plus animer l’action de l’individu et promouvoir les
énergies sociales dans le sens de la réalisation des objectifs définis et
admis par la majorité des citoyens. La coupure morale entre l’Etat et la
nation est la source de toute régression et de toute décadence. Une
politique ne doit pas se limiter, au court terme, aux besoins et intérêts
immédiats, mais viser des objectifs à moyen et long terme pour assurer
l’union nécessaire et progressive entre l’action de l’Etat et celle de
l’individu sur une base durable qui assure la pérennité de l’Etat et la
sauvegarde des intérêts des individus à long terme. C’est ce qui se traduit
par le concept de développement durable qui doit assurer les besoins et
l’épanouissement des générations présentes et futures. A cette fin, l’Etat
doit élaborer et diffuser une stratégie de développement à moyen et long
terme en liaison avec l’ensemble des acteurs sociaux. Cette stratégie doit
servir comme un idéal à atteindre et une orientation vers laquelle tous les
citoyens doivent converger. Ceci est une condition pour entretenir la
motivation nécessaire à l’accomplissement des grandes tâches de la nation
vers le long terme. Un pays sans stratégie, c’est comme un bateau qui
vogue en mer, au gré du vent, sans savoir vers quel port il se dirige. L’idée
force d’une politique, susceptible d’affronter positivement l’épreuve du
temps, doit être basée sur une stratégie à moyen et long terme, car l’effort
76
orienté vers l’intérêt immédiat peut fléchir non pas seulement quand il est
déçu et que la déception engendre le repli, mais même quand il est
satisfait. L’homme ne peut évoluer vers des valeurs supérieures que s’il
est mu par des forces de tension interne qui le motivent et stimulent son
action. Quand une société atteint un stade supérieur de développement,
qui assure les besoins socioéconomiques de tous, elle tombe dans la
tiédeur, l’indifférence et la stagnation. Elle n’a plus de ressort pour
continuer à se mobiliser et agir. Seul l’effort soutenu par une forte
conviction peut traverser victorieusement les épreuves du temps. Le but
de la politique doit être en adéquation avec l’évolution naturelle de la
nation et avec les conditions ambiantes de l’évolution à l’échelle
planétaire. Une politique coupée de l’évolution universelle n’a aucune
chance d’être efficace et ne peut être qu’un danger pour la nation et
l’humanité. Quand on analyse les conditions de l’adéquation de la
politique avec le développement universel, on se rend compte que c’est le
problème de la culture qui se pose déjà. Quand on pousse encore plus loin,
cette adéquation aux exigences d’un ordre universel, c’est alors le
problème d’une culture universelle qui s’impose. La politique ne peut se
dissocier de la culture sous peine de perdre sa fonction nationale et sa
dimension universelle. M. Bennabi 24disait : « que Napoléon à Moscou,
lors de la campagne de Russie, c’est à dire dans les moments les plus
tragiques de sa vie, ne se penchait pas seulement sur les cartes d’état
major mais aussi sur le code civil à achever et sur le problème de
l’éclairage de la ville de Paris » ou encore : « Faire de la politique c’est
24 M. Bennabi : Politique et culture
77
modifier le cadre culturel dans le sens favorable au développement
harmonieux du génie d’une nation. Faire de la politique c’est aussi faire
de la culture. C’est dans la mesure où l’école retrouve sa signification
qu’elle pourra jouer son rôle culturel et par conséquent son rôle
politique ». La politique retrouvera alors sa dimension nationale et
universelle grâce à l’ouverture que lui donnera la culture sur les valeurs
que l’esprit humain a conquises à travers les millénaires de son histoire.
Aujourd’hui, la politique est devenue une culture du mensonge : la fin
justifiant les moyens. Lors des campagnes électorales, de nombreuses
promesses sont faites au peuple. Sitôt au pouvoir, les élus oublient leurs
engagements. Les politiques font dans le court terme (durée du mandat
électoral) et ne répondent aux urgences sociales que dans le souci
d’assurer leur statut politique et le maintien de leurs privilèges. Ils ne
s’engagent pas à expliquer et à convaincre les citoyens sur les questions
qui se posent sur le moyen ou le long terme, comme en cas de crise
économique où le sacrifice de certains acquis non essentiels doit être
accepté au bénéfice de l’intérêt général ou des communautés vulnérables.
4.7 CULTURE ET ECONOMIE
Malek Bennabi25 « L’économie suit ses propres voies qui ne sont
nécessairement ni celles du capitalisme ni celles du marxisme. A
son point de départ, une société jouit toujours du pouvoir social
représenté par l’homme, le sol et le temps dont elle dispose dans
tous les cas. Elle ne dispose pas toujours d’un pouvoir financier ».
Le développement économique n’est possible que s’il s’inscrit dans le
25 M. Bennabi : le mal nouveau : l’économisme
78
cadre de l’histoire humaine. Il doit se conformer aux valeurs culturelles
qui sont à la base de tout effort de redressement social fondé sur l’homme
et ayant pour finalité l’homme. Toute doctrine économique doit tenir
compte en premier lieu des intérêts vitaux et des motivations de l’individu
afin que le développement économique ne soit pas un domaine réservé
uniquement aux instances de l’Etat ou à une minorité qui ignore le peuple,
qui cherche à imposer son modèle ou ses choix économiques ou qui ne
vise que ses propres intérêts. L’économie doit épouser les contours de la
culture afin de provoquer l’effet d’entraînement indispensable pour sa
réussite. Malheureusement, dans les pays en voie de développement, on
continue à penser que par l’économie seule, on peut sortir du sous-
développement. Si les citoyens d’un pays ne sont pas partie prenante d’un
programme économique, aucune réussite ne peut être possible.
Un exemple du rôle de la culture dans l’économie est décrit par
M.Bennabi : « à la demande de l’Indonésie, le docteur Shaft, responsable
du miracle allemand, a tenté de transplanter le modèle économique de
l’Allemagne en Indonésie. Ce fut un échec total. Cet échec ne peut pas
être imputé au modèle lui-même puisqu’il avait réussi ailleurs mais aux
conditions psychologiques et culturelles différentes en Indonésie et en
Allemagne. Le problème est d’abord psychologique : l’économie n’a pas
encore pris dans la conscience des pays en voie de développement la
dimension et le pouvoir qu’elle a en Occident. Les raisons de ces
différences remontent au passé historique des peuples. Alors que
l’Occident entrait de plein pied dans la révolution économique et
scientifique, les pays en voie de développement subissait le joug de la
domination coloniale de cet Occident qui les a condamnés à la misère
79
économique, à la stagnation culturelle et à la destruction morale. Une fois
indépendants, ces pays n’avaient pas seulement à liquider le passif mais
les conséquences de leur stagnation à l’heure de l’accélération du
développement socioéconomique du monde ». Les pays en voie de
développement subissent, d’une part, l’handicap en matière de ressources
matérielles et financières indispensables pour assurer les bases de leur
progrès socioéconomique, et d’autre part, les complexes psychologiques
qui condamnent ces pays à une sorte d’infantilisme économique. Ces pays
ont longtemps pensé que la libération de la terre suffisait pour assurer leur
indépendance et leur essor économique. L’acculturation négative des
élites locales au contact de la culture coloniale les a amenées à adopter le
modèle hérité de la colonisation. Tout se passe comme si un nouveau
colonialisme autochtone s’est substitué au colonialisme étranger. Si la
terre a été libérée, l’esprit demeure sous l’emprise de l’héritage des
valeurs coloniales. A l’indépendance, on a fait table rase de la culture
locale et des savoirs traditionnels qui ont servi, pendant la nuit coloniale, à
sauvegarder l’identité populaire face à l’invasion culturelle coloniale et
qui ont joué un rôle essentiel dans la mobilisation en faveur de la lutte
pour la libération. Des expériences successives ont été entreprises après
l’indépendance. On a même pensé que ce sont les traditions ancrées dans
la conscience populaire qui étaient à l’origine des obstacles au
développement. On a commencé par importer des machines et donner une
formation purement technique aux hommes. Ca n’a pas marché. On a cru
trouver des solutions en inventant le concept des « usines clé en mains »
qui consistait à importer des usines complètes avec tous les moyens
périphériques qui leurs étaient nécessaires. Il ne restait à l’ouvrier ou au
technicien autochtone que d’appuyer sur des boutons (homme presse-
80
bouton) et obéir à un code de conduite ou mode d’emploi défini par le
vendeur. Cette solution a échoué à son tour. Ce qui prouve que la
disponibilité de l’outil de production ne suffit pas pour assurer les
conditions propices au décollage économique. C’est l’homme qui ne suit
pas parce qu’il n’est ni motivé, ni bien formé. Il ne possède pas cette
tension interne indispensable pour l’amener à s’approprier entièrement les
processus de fabrication ou de maîtrise technologique. La faillite se situe
au niveau de l’Etat-nation qui n’a pas su créer les conditions propices pour
susciter chez l’individu le sens de responsabilité et l’appropriation des
moyens de son propre développement. La seule solution vraie au
développement doit émaner d’une culture nationale (exemple du Japon
qui a su faire un mariage heureux entre sa culture représentant son savoir
être et l’acquisition des connaissances et techniques à travers le savoir
faire occidental) qui doit être au préalable purifiée des maux de l’inculture
ou de l’anti-culture véhiculés par certains agents locaux ou étrangers.
L’économie n’est pas un compte de recettes et dépenses, ni la loi de
l’offre et de la demande mais surtout une répartition juste et équitable des
richesses et des conditions nécessaires à l’équilibre social. L’économie
doit reposer sur des consciences motivées qui travaillent, fournissent des
efforts et perçoivent en retour une juste rémunération. Ce ne sont pas les
moyens perfectionnés qui assurent à eux seuls le développement mais
l’homme conscient et motivé qui en est la clé.
4.8 CULTURE, RESSOURCES NATURELLES ET ENVIRONNEMENT
Le Parlement26 des Religions de Chicago affirmait : « l’insistance exclusive
26 1Küng, H. and H. Schmidt, ed., A Global Ethic and Global Responsibilities: Two
81
sur les droits de l’homme peut conduire à des litiges et conflits préjudiciables à
l’environnement et aux ressources de la planète ».
On peut rappeler une vérité historique qui fait qu'une société ne peut se
développer sans modifier son environnement. Néanmoins, ces
modifications ne doivent pas dégrader cet environnement et l’hypothéquer
à l'avenir, soit par des destructions irréversibles ou une dilapidation
incontrôlée des ressources naturelles qui représentent le capital potentiel
et durable d'un pays en même temps qu’une partie du patrimoine
humanitaire tout entier. Afin de maîtriser les conséquences inhérentes à
ces transformations, on doit procéder à des ajustements en matière
d’organisation sociale. L'environnement est le reflet de la culture qui
varie d’un pays à un autre. Les connaissances accumulées par les
populations locales sont à l'origine de la sagesse locale dont la
caractéristique principale est son lien étroit avec l'expérience acquise. Ces
connaissances viennent parfois d'ailleurs ou sont empruntées à d'autres
cultures, mais elles ont fini par être adoptées petit à petit et devenir une
partie intégrante de la culture locale. Tout système de connaissances est
limité dans le temps et doit donc s'adapter aux situations nouvelles, ce qui
suppose des échanges entre la culture locale et les cultures extérieures.
Les fruits de la croissance économique, qu'a connue le monde ces
dernières décennies, n'ont pas touché de nombreuses couches sociales,
principalement dans les pays du Sud et surtout dans les zones rurales. Les
richesses sont demeurées essentiellement dans les villes alors que les
ressources naturelles, dans presque tous les pays, ont été ponctionnées de
Declarations (Munich, 1998), pp. 8-42
82
manière parfois irresponsable entraînant une grande dégradation de
l'environnement. Les couches sociales pauvres n'ont pas profité du
développement économique et ont été contraintes de supporter le coût de
la dégradation de l'environnement local. Cette situation a provoqué la
dilution de l'autorité de l'Etat, en même temps que le sens de
responsabilité et celui de l'appartenance culturelle. C'est parce qu'ils
souffrent le plus des conditions d'un environnement dégradé, que les
pauvres et les groupes marginalisés se soucient de leur environnement
naturel et de la qualité de la vie et ce, contrairement à ce que l'on peut
imaginer. Cela donne à penser que même des personnes, qui n'ont jamais
été à l'école, comprennent fort bien les problèmes de leur environnement
et le mode de gestion de systèmes viables des ressources, grâce à l’apport
de leur culture. Aujourd’hui, on parle de plus en plus de développement
durable local impliquant les autochtones et leur culture qui constitue le
ferment de solidarité et de cohésion au sein des « terroirs ».
Plus les systèmes de gestion communautaire se désagrègent, plus les
populations locales sont accusées de détruire leur environnement et moins
les collectivités locales sont à même de préserver leur environnement. Le
pouvoir central, n'étant pas à même de sauvegarder l'environnement, doit
en toute logique rendre aux collectivités le contrôle des ressources locales.
La communauté locale est l'unité sociale la plus adaptée par sa taille à la
gestion des ressources et le droit doit lui être reconnu. Si cette
communauté ressent que ce droit lui est garanti, alors elle ne se sentira
pas écartée et menacée quand elle entreprendra d'exploiter ou de protéger
ces ressources pour son propre développement et celui des générations
futures. De cette façon, elle sera de nouveau sensibilisée aux problèmes de
83
la conservation des ressources naturelles et de la protection de
l'environnement. A la lumière de cette nouvelle responsabilisation, les
communautés locales redécouvriront très vite les réflexes et connaissances
propres à leur culture et les enrichiront. Les communautés isolées qui
vivent dans un environnement donné, comme dans les oasis sahariennes
ou dans des îles isolées, s'efforcent de trouver ensemble les moyens de
partager équitablement les bienfaits qu’offre leur milieu naturel. Pour ce
faire, elles s'organisent sur le plan horizontal, ce qui empêche la
centralisation du pouvoir par une minorité. Ainsi pouvoir local et principe
d'équilibre constituent les bases de la régénération et de la sauvegarde des
ressources naturelles et de l'environnement et permettent à la créativité de
l’homme de reprendre son cours naturel et sa vigueur. Quand bien même
certaines populations ne seraient pas partie prenante de la protection de
l'environnement, elles représentent un potentiel immense d’amélioration
qui tient à la fois à leurs connaissances du milieu local et au fait qu'elles
en sont tributaires et attachées. L'éducation environnementale doit, pour
réussir, commencer par reconnaître ce potentiel. Si elle part de l'hypothèse
que c'est par ignorance que les pauvres dégradent ou détruisent leur
environnement, elle sera condamnée à tomber dans les pièges des modèles
conçus au sommet qui amènent certains éducateurs à concevoir des
programmes basés sur leurs propres systèmes de connaissances n'ayant
souvent aucun rapport avec la situation locale. Le problème de
l'environnement est indissociable des enjeux sociaux, culturels,
économiques et politiques. Les seules solutions susceptibles de donner des
résultats sont celles qui s’attaquent aux problèmes à la source et font appel
à toutes les couches sociales. Mais une participation aussi large n'est
possible que s'il y a une prise de conscience collective basée sur un
84
processus d'apprentissage qui ne peut se concevoir que si toutes les parties
concernées reconnaissent et admettent que chacune d'elles est à même
d'apporter une contribution partielle mais précieuse. A partir du moment
où les gens commencent à apprendre les uns des autres, un mouvement,
qui a sa propre dynamique, se met en branle. C'est pourquoi le processus
collectif d'apprentissage devrait être au cœur de l'éducation
environnementale. L’homme n’a pas que des droits à réclamer, mais aussi
des devoirs à assumer vis à vis de l’environnement et des ressources
naturelles. Le Parlement27 des Religions de Chicago, réuni en 1995, a
donné lieu à la « Déclaration Universelle des Responsabilités Humaines »
qui stipule: «L’initiative n’est pas seulement un moyen d’équilibrer les
droits de liberté avec le devoir de responsabilité, mais aussi un moyen de
réconcilier les idéologies, les croyances et les points de vue politiques qui
étaient considérés comme antagonistes par le passé ». On a vu plus haut
que la culture humaine présentait deux caractéristiques : une à caractère
universel partagée par l’humanité toute entière et une autre à caractère
local propre à certains peuples et nations. Les droits de l’homme peuvent
être considérés comme les prémices d’une éthique culturelle mondiale en
ce sens qu’ils bénéficient d’un consensus mondial. Mais à coté des droits
de l’homme, il faut bien des devoirs d’obligation pour l’homme pour
cadrer sa liberté d’action. Ces devoirs n’ont pas encore vu le jour au
niveau international et c’est la culture propre aux citoyens, plus que l’Etat,
qui sert à combler cette lacune et à réagir chaque fois qu’en son sein
27 1Küng, H. and H. Schmidt, ed., A Global Ethic and Global Responsibilities: Two Declarations (Munich, 1998), pp. 8-42
85
l’ordre social commun est mis en péril. Si les 18, 19 et 20ème siècles ont
permis la naissance, l’émergence et le renforcement des droits de
l’homme, le 21ème siècle sera celui du droit de l’environnement qui, lui
aussi, a une dimension universelle au même titre que les droits de
l’homme. Ces deux types de droits doivent être complémentaires afin de
pouvoir constituer les fondements d’une nouvelle culture universelle. Le
concept de développement durable, adopté au niveau mondial, doit viser
une exploitation des ressources naturelles non pas selon les besoins de
l’homme mais selon leur capacité défini par leur cycle naturel de
reproduction.
4.8.1 Culture et savoirs traditionnels
L’IDDRI (institut du développement durable et des
relations internationales) considère que « les savoirs
locaux permettent d’affirmer la personnalité culturelle des
nations et de disposer d’un outil de négociation ».
Les savoirs traditionnels sont, en droit de propriété intellectuelle ou
industrielle, l'ensemble des connaissances propres à certains pays ou
régions ou à une certaine communauté et transmises de génération en
génération. Ils ne constituent pas seulement une partie du patrimoine
culturel national mais aussi un moyen de négociation au niveau mondial
pour d’une part le faire reconnaitre par la communauté internationale en
tant que propriété appartenant au pays d’origine et d’autre part le protéger,
le conserver. Il faut, en même temps, bénéficier de l’accès, de la
valorisation et du partage équitable des avantages (APA) qui découlent de
leur utilisation au niveau mondial. En effet, la culture traditionnelle de
nombreux pays en développement fait l'objet d'une exploitation
86
commerciale sans que les populations autochtones n’en tirent les
bénéfices.
Le phénomène de mondialisation s’accompagne de la concentration des
activités au sein de puissants groupes qui tentent de s’accaparer la
propriété intellectuelle de ressources génétiques et des savoirs locaux qui
appartiennent aux pays pauvres, parfois au nom de la sécurité alimentaire
mondiale. Ainsi naissent des conflits et se développent le bio-piratage par
des procédés directs ou indirects.
Depuis quatre décennies, on constate au niveau international une
multiplicité de régimes juridiques et d’organisations qui tentent de
réglementer les droits et devoirs liés aux savoirs traditionnels et aux
ressources génétiques sans parvenir encore à un consensus acceptable par
tous les pays. Comme dans d’autres domaines et à l’instar des échanges
commerciaux internationaux, la vision diffère entre pays riches et pays
pauvres, compte tenu de l’intérêt que représentent ces ressources et
savoirs. Aucun objectif clair et cohérent n’est encore dégagé. On assiste
actuellement au moins à deux approches différentes : une par le commerce
et l’autre par les droits. Les conflits potentiels viennent de la confusion
entretenue entre propriété intellectuelle et patrimoine commun de
l’humanité et entre sécurité alimentaire et commerce international. On
tente de dépouiller les communautés locales de leur patrimoine culturel
pour le transférer au bénéfice des grandes sociétés multinationales
appartenant aux pays riches en accentuant ainsi la paupérisation des
communautés locales.
5. PATRIMOINE CULTUREL ISLAMIQUE
On va passer en revue les divers domaines que la civilisation musulmane a
imprégnés de son cachet au cours d’une histoire qui a duré plusieurs
siècles. Ce n’est pas le moyen âge obscur dont parle
période florissante et riche dans le
et de l’histoire humaine.
Figure 9 : Patrimoine culturel islamique
PATRIMONE CULTUREL
ISLAMIQUE
ECONOMIE
EDUCATIONPOLITIQUE
DROIT
DEMOCRATIE
ARCHITECTURE ET
URBANISATION
TRAVAIL
87
PATRIMOINE CULTUREL ISLAMIQUE
les divers domaines que la civilisation musulmane a
au cours d’une histoire qui a duré plusieurs
siècles. Ce n’est pas le moyen âge obscur dont parle en Occident mais une
dans le long cheminement du développement
: Patrimoine culturel islamique
PATRIMONE CULTUREL
ISLAMIQUE
ECONOMIE
ETHIQUE
LANGUE
HISTOIRE
ENVIRONNEMENT
SCIENCEEDUCATION
5.1 ETHIQUE ISLAMIQUE
R. Garaudy28, en parlant de l’éthique Islamique
message de l’Islam est celui de la transcendance et de l’unicité de
Dieu, de la communauté des hommes et de leur responsabilité
L’Islam signifie la soumission à
musulmans de garder la foi et la confiance en Allah, Dieu unique
s'engagent à lui obéir. Dans le Coran, l
d'Abraham, patriarche qui rompit avec le culte des idoles
être vénéré. Les prophètes et les saints sont des hommes comme les autres
et n’ont aucun pouvoir d’intercession auprès de Dieu.
intermédiaire ou intercesseur entre l’homme et
Figure 10 : Éthique islamique
L’homme a été doté d’un grand nombre de pouvoirs et de facultés, car
Dieu s’est montré généreux envers lui.
la sagesse, la volonté, les facultés de la
toucher, de la vue, du mouvement, de l’usage des mains, les passions de
l’amour, de la colère, de la peur, etc. Ces facultés lui ont été attribuées,
parce qu’il en a besoin et qu’elles lui sont indispensables.
28 R.Garaudy : pour un Islam du XXe siècle «
ETHIQUECORAN
88
parlant de l’éthique Islamique, disait : « Le premier
message de l’Islam est celui de la transcendance et de l’unicité de
la communauté des hommes et de leur responsabilité ».
soumission à Dieu. Ce qui implique pour les
la foi et la confiance en Allah, Dieu unique, qu'ils
s'engagent à lui obéir. Dans le Coran, l’Islam est défini comme la religion
d'Abraham, patriarche qui rompit avec le culte des idoles. Seul Dieu doit
. Les prophètes et les saints sont des hommes comme les autres
et n’ont aucun pouvoir d’intercession auprès de Dieu. Ce qui exclut tout
entre l’homme et Dieu.
Figure 10 : Éthique islamique
L’homme a été doté d’un grand nombre de pouvoirs et de facultés, car
Dieu s’est montré généreux envers lui. Il possède l’intelligence, la raison,
la sagesse, la volonté, les facultés de la vie, de la parole, du goût, du
mouvement, de l’usage des mains, les passions de
l’amour, de la colère, de la peur, etc. Ces facultés lui ont été attribuées,
et qu’elles lui sont indispensables. Sa vie et son
siècle « charte de Séville – 18-21 juillet 1985
SUNNAETHIQUE
89
succès dépendent de l’usage raisonné et convenable qu’il en fait pour
satisfaire ses besoins et ses désirs. Les pouvoirs que Dieu a conférés à
l’homme, s’ils ne sont pas utilisés à bon escient, se retourneront contre lui
et contre son bonheur véritable. Si Dieu a interdit des choses à l’homme,
ce n’est pas pour le punir mais pour lui assurer les meilleures conditions
d’une vie saine et équilibrée car Dieu est le meilleur connaisseur de la
nature humaine. Il a fourni à l’homme les moyens et ressources
nécessaires pour entretenir et faire fonctionner ses facultés. Le corps
humain est le premier et le principal instrument de l’homme dans la
réalisation de ses buts dans la vie. Il y a ensuite le monde dans lequel il
vit. Son environnement contient les moyens de toutes sortes qu’il utilise
pour arriver à ses fins. Il y a enfin ses semblables avec qui il est appelé à
coopérer pour construire une vie collective saine et prospère.
Les pouvoirs et les ressources conférés à l’homme doivent être utilisés
pour son bien et ceux d’autrui. Ils ne doivent pas servir pour nuire,
détruire ou faire du mal. C’est leur usage convenable qui les rend
bénéfiques. Même s’il peut en résulter quelque inconvénient, celui- ci ne
doit pas dépasser le minimum inévitable. Tout autre usage, qui aboutirait
au gaspillage et à la destruction, serait considéré comme mauvais,
contraire à la raison et nocif. Par exemple, si en faisant un travail on se
fait mal et on se blesse avec un outil, il s’agirait d’une utilisation
défectueuse de ce dernier et il en résulterait un mauvais usage des facultés
et un dommage qui ne nuit qu’à soi. Maintenant, si l’action de l’homme
porte atteinte aux autres, il s’agirait alors d’un mauvais usage des pouvoirs
que Dieu lui a conférés. Si on gaspille les ressources, les dégrade ou les
détruit, cela constitue une erreur. De tels agissements sont, de toute
évidence, irrationnels car la raison humaine elle
destruction et le mal doivent toujours être évités quand on exploite ces
ressources. L’Islam définit un code de conduite qui va de l’hygiène
personnelle au rapport de l’homme avec la nature. Il encourage le
développement de la connaissance et la recherche scientifiq
musulman est conçu à partir de deux sources : le Coran en tant que livre
de Dieu, révélé à son Prophète (SWS)
de base destiné à l’homme et la Sunna qui est la tradition du Prophète
(SWS)29 et qui traduit sa conduite pratique
Figure 11 : Sunna du Prophète
La Sunna regroupe l’ensemble des paroles du Prophète (SWS), la
description de ses actes, ses réactions aux actes de ses disciples tels que
rapportés par les divers témoignages de ses compagnons.
est la traduction opérationnelle et pratique
29 SWS : Salla Allah Aleih Wa Sellem = Paix et salut de Dieu sur le Prophète Mohammed
SUNNA
PAROLES
ACTES
90
évidence, irrationnels car la raison humaine elle-même suggère que la
et le mal doivent toujours être évités quand on exploite ces
L’Islam définit un code de conduite qui va de l’hygiène
personnelle au rapport de l’homme avec la nature. Il encourage le
développement de la connaissance et la recherche scientifique Le droit
musulman est conçu à partir de deux sources : le Coran en tant que livre
révélé à son Prophète (SWS) en tant qu’enseignement islamique
de base destiné à l’homme et la Sunna qui est la tradition du Prophète
uite pratique.
: Sunna du Prophète
La Sunna regroupe l’ensemble des paroles du Prophète (SWS), la
description de ses actes, ses réactions aux actes de ses disciples tels que
rapportés par les divers témoignages de ses compagnons. En fait, la Sunna
et pratique de la révélation. La prise en
: Salla Allah Aleih Wa Sellem = Paix et salut de Dieu sur le Prophète Mohammed
SUNNA
PAROLES
REACTIONS
91
compte de la Sunna, comme source de droit islamique, vient du fait que
c’est Dieu qui guide les faits, gestes et paroles des prophètes et qu’Il les
protège de toute déviation au cours de leur prophétie. C’est pourquoi Dieu
a ordonné d’obéir au Prophète (SWS) et de suivre son comportement.
Dieu dit : « Obéissez à Dieu et à son Messager30 » ou encore « Ce que le
messager vous apporte, prenez- le et ce dont il vous empêche, abstenez-
vous31 ». Si le Coran énonce des principes, c’est à travers les pratiques au
jour le jour du Prophète qu’on voit leur application ainsi que les mesures
et détails nécessaires. Si le Coran énonce les règles générales de l’Islam,
la Sunna les explicite et précise. Pour tenir compte de la loi d’évolution,
deux autres approches pour l’élaboration de la loi sont venues s’ajouter au
Coran et à la Sunna : le consensus (Ijma) entre les savants juristes et le
raisonnement par analogie (Kyas). La loi islamique (Fikh) a longtemps
évolué selon ce processus et deux nouveaux instruments sont venus
s’ajouter au cours du temps et qui peuvent servir utilement pour la
formulation, aujourd’hui, d’une loi de l’environnment et des ressources
naturelles dans le monde. Le premier de ces instruments est celui de
l’interprétation de la loi dans le contexte actuel (Ijtihad) et le second
concerne les coutumes et pratiques (‘urf wa adat). Le droit musulman s’est
développé et a évolué dans le temps pour définir les normes de
comportement du musulman conformément aux obligations divines. La
loi islamique accorde une grande importance à l’homme et à ses relations
avec le reste de la création. Elle a évolué en se basant sur trois principes
ل < �� > أ���ا ا � و أ���ا ا (Coran 4,58) 30 ا < ����� ��� �ل �"!و و �� ���آ�� > و �� أ#�آ� ا (Coran 59,7) 31
acceptés par les savants juristes, au cours des siècles passés
général de la communauté qui prévaut sur celui
l’allègement de la misère et la relativité en termes de bien et de mal. Cette
relativité consiste à éviter des grosses pertes pour
bénéfice, à ne pas consentir de gros sacrifices pour
à rechercher un meilleur bénéfice pa
un moindre mal pour éviter un plus grand.
Figure 12 : Islam
La première révélation du message de l’Islam est
Dieu qui est la certitude que Dieu est unique (Tawhid)
d’autres divinités que Dieu, ce serait le chaos
sans aucune comparaison avec toute réalité
l’intelligence humaine n’est pas à même de pouvoir cerner et délimiter
l’image réelle de Dieu. Il est précisé dans le Coran que Dieu voit tout,
�#$%& >آ�ن ���,� ءا �* إ) ا'
ISLAM
TRANSCENDANCE DIVINE
COMMUNAUTE
92
les savants juristes, au cours des siècles passés : l’intérêt
qui prévaut sur celui de l’individu,
et la relativité en termes de bien et de mal. Cette
relativité consiste à éviter des grosses pertes pour obtenir un petit
ne pas consentir de gros sacrifices pour soulager un plus petit,
bénéfice par rapport à un plus petit et à accepter
n moindre mal pour éviter un plus grand.
Figure 12 : Islam
La première révélation du message de l’Islam est la transcendance de
Dieu qui est la certitude que Dieu est unique (Tawhid)32 « S’il existait
que Dieu, ce serait le chaos ». Dieu en lui-même est
avec toute réalité humaine. Ce qui signifie que
l’intelligence humaine n’est pas à même de pouvoir cerner et délimiter
l’image réelle de Dieu. Il est précisé dans le Coran que Dieu voit tout,
> �#$%& آ�ن ���,� ءا �* إ) ا' (21,22) Coran 32
ISLAM
TRANSCENDANCE DIVINE
RESPONSABILITE
93
mais personne parmi les humains ne peut le voir.
La transcendance signifie également que Dieu est le créateur de toute
chose, et que l’homme ne se suffit pas à lui-même33 : « Que de bêtes sont
inaptes à se procurer leur nourriture ! C’est Dieu qui leur assure la
subsistance ainsi qu’à vous ».
Il découle, du principe de l’unicité de Dieu et de notre dépendance vis à
vis de Lui, le troisième aspect de la foi en la transcendance : la
reconnaissance de valeurs absolues au delà de l’intérêt égoïste
d’individus, de groupes ou de nations. L’Islam n’est pas une religion de
croyance aveugle. Les gens doivent être convaincus dans leur cœur et leur
esprit par l’évidence et la raison que le Coran est révélé par Dieu et que le
Prophète (SWS) est son messager. Le Coran affirme que l’homme est
libre de croire ou de ne pas croire34. Une fois convaincu, la foi du
musulman n’est plus un état émotionnel mais une solide fondation. Ainsi,
la foi peut avoir un impact sur sa vie, sa vision de la nature et ses attitudes
envers elle et marquer de façon effective son propre comportement. Le
Prophète (SWS) dit que la révélation divine est pour l’homme ce qu’est
l’eau pour la terre. On ne peut trouver une meilleure parabole. Si l’eau est
vitale pour la terre pour la faire fleurir, la révélation divine est la source
qui inspire et rend exemplaire le comportement de l’homme sur terre.
> �>و آ6.7 �6 دا4* ) #2,3 رز/�� ا' .�ز/�� و إ.�آ (29,60) Coran 33 >�,6 :�ء ��9;�6 و �6 :�ء �8�9&� < Coran (18, 29) 34
Figure 13 : Transcendance
La seconde révélation du message de l’Islam
la communauté (Oumma). Le principe de communauté est le contraire de
l’individualisme où l’homme (comme individu) est le centre et la mesure
de toute chose. Dans la perspective islamique de communauté, chaque
individu a conscience d’être personnellement responsable de
autres. L’humanité est une parce que Dieu, son créateur est Un. Tous les
hommes ont la même origine adamique
« C’est lui qui vous a créés d’un seul être
l’individualisme et recommande la solidari
aussi bien au niveau de l’exercice des rites religieux (prière, jeûne, hadj)
qui doivent se faire en groupe
(organisation, administration, législation, guerre, etc). Le Coran ne cesse
de recommander aux musulmans de rechercher le dialogue et le consensus
TRANSCENDANCE
DEPENDANCE HUMAINE
CREATION
94
Figure 13 : Transcendance
La seconde révélation du message de l’Islam, après la transcendance, est
(Oumma). Le principe de communauté est le contraire de
l’individualisme où l’homme (comme individu) est le centre et la mesure
de toute chose. Dans la perspective islamique de communauté, chaque
individu a conscience d’être personnellement responsable de tous les
ne parce que Dieu, son créateur est Un. Tous les
adamique et sont créés pour la même fin35 :
C’est lui qui vous a créés d’un seul être ». L’Islam combat
l’individualisme et recommande la solidarité et l’unité communautaire
aussi bien au niveau de l’exercice des rites religieux (prière, jeûne, hadj)
qu’au niveau des affaires courantes
(organisation, administration, législation, guerre, etc). Le Coran ne cesse
mander aux musulmans de rechercher le dialogue et le consensus
9?8� �6 �&< وا=$ة < @< (39, 6) Coran 35
TRANSCENDANCE
DEPENDANCE HUMAINE
VALEURS ABSOLUES
95
avant toute prise de décision, qu’il s’agisse de questions publiques ou
privées. Le Prophète (SWS), malgré sa qualité de Messager de Dieu,
consultait toujours ses compagnons et les représentants des groupes de
fidèles avant de prendre une quelconque décision. La base du droit
islamique repose sur le principe du consensus. Il a particulièrement insisté
sur l’importance des liens de solidarité communautaire : « celui, qui
s’éloigne de la communauté, ira en enfer ».
L’Islam affirme à la fois l’égalité originelle de tous les hommes tout en
reconnaissant la supériorité individuelle de certains par rapport à d’autres.
Il interdit toute ségrégation raciale basée sur la couleur ou la race, car
Adam est le père de tous les hommes. Dieu dit « Oh les gens! Nous vous
avons créés d’un mâle et d’une femelle et répartis en nations et en tribus
pour que vous fassiez connaissance entre vus. En vérité le plus noble
d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux. certes Dieu est Omniscient
et Informé36». Le Coran fixe les règles de vie sociale: pouvoir, richesses,
gestion des ressources naturelles, commerce, mariage, héritage, droit
pénal, droit international, guerre, etc.
L’Islam ordonne la mise en circulation des capitaux. Ainsi les pauvres
sont exempts d’impôt, tandis que les riches en sont redevables vis à vis
des besogneux. Il y a des lois qui empêchent l’accumulation des richesses
aux mains d’une minorité. Il y a tout un code qui régit le partage de
l’héritage entre descendants, ascendants et proches parents. L’Islam
(49,13) Coran36 > س إ���� ���ر�ا إن أآ��8� .7.�� ا 2B�C/ �4 و�: �@9?��آ� �6 ذآ� و أ�EF و ��9�Dآ ���$ ا' أ#?�آ<
96
restreint la capacité de léguer par testament en fixant des limites et les
héritiers légaux n’ont pas besoin de testament. L’Islam exige la loi du
talion dans les conflits humains pour éradiquer le crime. Lors de la preuve
judiciaire d’un crime intentionnel, le pouvoir public n’est pas investi du
droit de pardonner qui relève des parents de la victime. La condamnation
à mort d’un meurtrier vise à dissuader tout homme de tuer. L’Islam
affirme que le crime commis contre une personne est un crime qui est
commis contre toute l’humanité et toute réhabilitation d’un individu est
une réhabilitation de toute l’humanité. On condamne celui qui tue afin de
protéger la vie et assurer la sécurité qui est indispensable pour tous.
Cependant, l’Islam recommande des alternatives comme le pardon par la
victime qui est hautement apprécié par Dieu ou les compensations
matérielles qui sont uniquement du ressort des parties en conflit. L’Etat ne
doit pas se substituer aux victimes dans le domaine des lois énumérées et
explicitées dans le Coran. Au contraire, il doit aider les victimes à obtenir
leurs droits tels que définis par la législation islamique. L’Islam
subordonne la loi au respect de l’éthique. Le concept islamique est une
synthèse des deux aspects de la vie humaine qui, dans les traditions de
l’Occident, sont isolés en deux compartiments distincts. L’Islam est la
recherche de l’équilibre harmonieux entre le corps et l’esprit de l’homme.
L’Islam est cosmopolite dans ses buts. Il cherche à répandre et à défendre
le bien non pas seulement au niveau local ou national mais au niveau
mondial. Il vise à combattre le mal là où il se trouve. Dieu dit : « Qu’à
partir de vous, se forme une communauté prêchant le bien, ordonnant les
97
bons usages et proscrivant les mauvais !37» Le Prophète (SWS) a donné la
définition du bien et du mal comme suit : « Le bien est tout ce qui ne
trouble pas la sérénité de ton âme et de ton cœur. Le mal est ce qui te met
dans l’embarras avec toi-même, qui préoccupe ton cœur et que tu
n’aimerais pas que les gens sachent ». Il n’y a pas de péché originel en
Islam. L’homme doit agir pour son bien et celui d’autrui et s’abstenir de
faire du mal à lui-même ou à autrui. Le Prophète (SWS) a fixé une règle
universelle : « Ne portez préjudice ni à autrui ni à vous--mêmes38». Un
préjudice causé à nos semblables, même à leur insu, demeure à la charge
de celui qui l’a causé jusqu’à ce qu’il se dénonce lui-même à ses victimes,
procède à la réparation des torts et obtient d’elles un acquittement net et
conscient. Ainsi la violation du droit commun exige en plus de la
réparation matérielle causée, un remords, un repentir, un amendement
personnel et la recherche de la satisfaction divine. La sage prudence nous
conseille, avant d’entreprendre un acte, d’évaluer ses conséquences. En
Islam, nul n’est au dessus de la loi et il n’y a pas d’immunité qui protège
les dirigeants ou responsables de l’Etat à quelque niveau que ce soit.
La troisième révélation du message de l’Islam, c’est qu’après la
transcendance et la communauté, il y a la responsabilité. L’Islam est le
contraire du fatalisme et de la résignation. Il est un appel constant à la
résistance contre toute oppression parce qu’il exclut toute autre
soumission que celle à la volonté de Dieu. Ce qui rend l’homme
responsable de l’accomplissement de l’ordre divin sur terre.
>�8�, ن إ E ا "�� و .7��ون �4 ,��وف و .��ن �6 ا�8� أ�* .$��68 � >و (3,104) Coran 37 > ) I�ار و ) I�ار < 38
98
L’Islam est décrit comme un comportement de l’homme basé sur les
préceptes religieux. La foi doit se traduire nécessairement par des actes. Il
s’en suit, sur le plan de l’éthique, que l’intention humaine, à elle-seule, ne
suffit pas pour bien se comporter. Les bonnes intentions doivent se
transformer en actions et ne pas rester confinées uniquement au niveau de
la conscience individuelle. Pour étayer cette vision, le Prophète (SWS)
disait : «Celui d’entre vous qui constate un mal ou un faux qu’il le change
avec ses mains ; s’il ne le peut pas, qu’il le fasse par sa parole, s’il ne le
peut pas, qu’il le rejette avec son cœur et cette dernière attitude est
considérée comme le degré le plus bas de la foi ». L’Islam est plus tourné
vers autrui que vers soi-même. Le sens naturel et inné de l’homme, pour
son milieu naturel, explique les tendances du comportement humain qui
sont plus centrifuges que centripètes et dont la finalité est la recherche
d’un équilibre avec le milieu extérieur et le besoin essentiel de culture.
En Islam, chaque homme a deux vies, l’une terrestre qui commence à sa
naissance et finit avec sa mort et l’autre éternelle avec sa résurrection et
son jugement par Dieu. Pour guider l’homme dans sa vie terrestre, Dieu
lui a fixé des règles à suivre selon les prescriptions du Coran qui est la
révélation divine transmise à son dernier messager le Prophète Mohamed
(SWS). Les actions bonnes ou mauvaises de l’homme, ici bas, engagent
totalement sa responsabilité vis-à-vis des autres hommes et de Dieu. Il en
répondra le jour du jugement dernier. En Islam, les droits de l’homme
vont de paire avec l’obligation de responsabilité. Le Coran non seulement
recommande mais aussi cherche à convaincre. L’homme n’appartient pas
à lui-même mais à Dieu. Le but de l’homme sur terre est de croire en un
Dieu unique, de se conformer à l’éthique islamique dans toutes ses
99
dimensions et de plaire à Dieu. Le Prophète (SWS) explique l’importance
de la responsabilité de l’homme au niveau de ses actes que ce soit vis-à-
vis de lui- même ou des autres : « Celui qui institue en Islam une bonne
tradition, aura sa récompense et celle qui en découlera de sa pratique par
d’autres, sans que cela ne diminue en rien la leur. De même, celui qui
institue en Islam une mauvaise tradition, supportera le péché qui en
résultera et celui qui en découlera de sa pratique par d’autres, sans que
cela ne diminue en rien le leur » et « Celui qui montre la voie d’une bonne
action a l’égal salaire de celui qui l’accomplit ».
Selon la formule coranique, la devise de l’Islam est le bien être d’ici-bas
et celui de l’au-delà. Le Coran utilise souvent une formulation double :
croire et bien agir. L’Islam concilie les nécessités spirituelles et
matérielles de l’homme. Il préconise le juste milieu et rejette les
conceptions extrémistes et opposées des ultra-spiritualistes qui veulent
complètement renoncer au monde et des ultra-matérialistes qui veulent
s’accaparer, sans aucune limite, de toutes les richesses de ce monde.
L’Islam prône la modération en toute chose, interdit le gaspillage et
l’avarice. Dieu dit : « Ceux qui, lorsqu’ils dépensent, ne sont ni prodigues,
ni avares et il y a entre les deux (attitudes) un juste milieu39 ». Le
Prophète (SWS) a dit : « O fils d’Adam, si tu dépenses en aumône ce qui
excède tes besoins, cela te sera meilleur et si tu le gardes ce sera pour toi
un mal. On ne te reprochera pas ce que tu auras gardé pour tes besoins
réels. Quand tu dépenses, commence par ceux qui sont à ta charge » et
« A vraiment réussi celui qui a embrassé l’Islam, qui s’est contenté du
>J � .?��وا و آ�ن 6�4 ذ ا و ��%. � ا�� و ا !.6 إذا أ�&?ا / < (Coran 25,67) 39
100
nécessaire dans sa subsistance et à qui Dieu a inspiré le contentement
vis-à-vis de ce qu’Il lui a octroyé comme biens ».
Dieu n’admet aucun intermédiaire entre Lui et toute personne. Quand
l’homme veut demander quelque chose à Dieu, il doit s’adresser
directement à Lui sans aucune intercession, qu’elle soit d’origine humaine
ou autre. Même les personnages parmi les saints, comme les Prophètes, ne
sont que des guides et des messagers. C’est à l’individu de faire son
choix : il est moralement responsable et de façon directe devant Dieu. En
Islam, on ne doit pas abroger les lois établies par le Prophète (SWS), mais
on peut les interpréter et légiférer dans les cas où la loi du temps l’impose.
Le Droit islamique, appelé la Charia, comprend quatre domaines : les
devoirs envers Dieu que tout homme sur terre est obligé de remplir, les
devoirs de l’homme envers lui-même, les droits d’autrui sur lui et le droit
de l’environnement et des ressources naturelles que Dieu a mis à sa
disposition.
Malik ibn Anas (fondateur du rite Malékite) et Abu Hanifa (fondateur du
rite Hanafite) ont défini le principe de l’exercice du droit islamique
comme suit : un droit ne peut s’appliquer qu’à l’objet pour lequel il a été
conçu. L’exercice d’un droit est illégal lorsqu’il cause des torts excessifs
ou s’il est utilisé pour commettre un préjudice aux autres plutôt que le
bien. On rapporte que l’Imam Ali, beau-fils du Prophète (SWS) interrogea
un jour le Messager sur les mobiles qui motivent le comportement. Ce
dernier lui répondit : « la connaissance (ou savoir) est mon capital, la
raison (ou intellect) est à la base de ma religion, la recherche du bien est
ma monture, l’omniprésence de Dieu est mon camarade, la confiance est
mon trésor, le souci est mon compagnon, la science est mon arme, la
101
patience est mon manteau, le contentement est mon butin, la modestie (ou
humilité) est ma fierté, le renoncement aux plaisirs est mon métier, la
certitude est ma nourriture, la vérité est mon intercesseur, l’obéissance
est ma grandeur, la lutte est mon habitude et la fraîcheur de mon œil (la
chose la plus agréable) réside dans la prière ».
De manière synthétique, l’éthique islamique constitue une barrière contre
le désordre et l’anarchie provoqués par le mauvais comportement de
l’homme. Elle condamne la violence. Au lieu de répondre à la violence
par la violence, Dieu conseille à l’homme de s’en remettre d’abord à
Lui40, de rechercher les meilleurs moyens pour résoudre les conflits et de
ne recourir à la guerre que dans le cas de légitime défense ou comme
ultime solution. L’éthique implique l’adaptation réfléchie aux conditions
acquises de l’expérience et la conciliation des besoins de l’homme avec
les autres exigences de la moralité. Le Prophète (WSW) a résumé le
contenu de l’éthique islamique : « Dieu a établi des limites qu’il ne faut
pas franchir; Il a prescrit des devoirs qu’il ne faut pas négliger, Il a
institué des interdits qu’il ne faut pas violer et s’Il a passé sous silence
certaines choses, ce n’est pas par oubli mais par Miséricorde ». Ce qui
dénote la flexibilité de l’éthique islamique qui laisse à l’homme des
degrés de liberté, en dehors des obligations. En résumé, Dieu est la source
et le créateur du bien, de la vérité et de la beauté. Les humains sont les
représentants de Dieu sur terre. Les éléments de la création sont au
service de l’homme en tant que dons et signes divins et l’homme doit les
utiliser avec précaution et les protéger.
> K9@ �� �: 6� K9& ذ 4�ب ا�>/2 أ Coran (113, 1) 40
102
Dieu est juste et n’impose aucune contrainte à l’homme en dehors de ce
qu’Il considère comme nécessaire pour son propre bien. Toute chose doit
se faire avec modération à l’exception de ce qui est interdit. Il en découle
de ce qui précède, que l’Islam impose des devoirs religieux et sociaux qui
ont des implications éthiques et morales importantes sur l’organisation de
la vie sociale et ont pour but d’assister les musulmans dans la recherche
du progrès moral, de l’amélioration des relations entre les hommes et du
développement socioéconomique..
La morale islamique ne peut pas être imposée par une quelconque
autorité, mais doit émerger du fond du cœur de l’individu. L’Islam interdit
toute contrainte en religion. Maurice Bardèche41 symbolise l’éthique
islamique à travers cette réflexion : « Cette civilisation de l’Islam, à la
vérité, a l’odeur du printemps. …L’Islam apportait la vie. Il la trouvait
belle. Il ne condamne pas la création. Il ne reprend pas ce qu’il a donné.
Il ne dément pas le plan du monde par sa morale, il indique seulement
comment il faut s’en servir. Son Prophète ne dit pas que l’homme créé
animal doit avoir horreur de l’animal en lui, il apprend à l’homme à être
un animal supérieur aux autres, un animal juste, brave, généreux. Et il lui
suffit de se proclamer serviteur de Dieu et de s’engager à vivre selon
l’idéal de l’Islam, qui est l’ordre institué par Dieu, pour les hommes et
non contre les hommes ». L’éthique Islamique a un caractère universel et
elle est venue couronner et compléter pour toujours les enseignements
révélés par Dieu à ses Prophètes, depuis Adam jusqu’au Christ en passant
par Moïse. Il n’y aura plus de nouvelle religion après l’Islam et plus de
41 M. Bardèche : Histoire des femmes, stock
103
Prophète après Mohammed (SWS). L’Islam a été longtemps considéré
avec mépris par l’Occident et particulièrement par la hiérarchie
chrétienne. On a parlé du Coran comme un écrit que le Prophète (SWS)
aurait copié en se servant de la Bible et des Evangiles dans le but de
dénaturer et d’écarter toute révélation divine au Prophète (SWS).
Beaucoup d’auteurs, parmi les plus célèbres en Occident, ont versé dans la
fausse critique superficielle du Coran sans chercher à l’analyser ou à
procéder à un examen rationnel, critique et comparatif du contenu des
trois sources du monothéisme. Après une diffamation qui a duré des
siècles, les chrétiens ont fini par admettre qu’Allah, le Dieu des
musulmans, était le même que le Dieu des chrétiens. Pendant longtemps,
dans leurs écrits, ils refusaient de traduire Allah par Dieu. Le texte du
Vatican publié en 1970 a définitivement mis un terme à cette situation :
«Allah est le seul mot qu’ont les chrétiens de langue arabe pour dire
Dieu ». Un changement radical paraît se produire de nos jours à l’échelon
le plus élevé de la hiérarchie chrétienne. Le Concile du Vatican II invite à
écarter «l’image surannée héritée du passé ou défigurée par des préjugés
et des calomnies» que les chrétiens se faisaient de l’Islam. Le document
du Vatican s’attache à « reconnaître les injustices du passé dont l’Occident
d’éducation chrétienne s’est rendu coupable à l’égard des musulmans.» Il
critique les conceptions erronées des chrétiens sur le fatalisme, le juridisme
de l’Islam, le fanatisme, etc. Il faut reconnaître l’esprit d’ouverture de Paul
VI qui se déclarait lui-même «animé d’une foi profonde dans l’unification des
mondes islamique et chrétien qui adorent un seul Dieu».
104
5.2 LANGUE ARABE ET ECRITURE42 et 43
M. Bennabi, en parlant de la langue arabe, affirmait: « Il n’y a
pas eu pour la langue arabe une évolution progressive, mais
quelque chose comme une explosion révolutionnaire, aussi
soudaine que l’était le phénomène coranique ».
Avec l’avènement de l’Islam, la langue arabe qui n’avait exprimé jusque-
là que le génie des primitifs du désert, devait notablement s’enrichir pour
répondre aux exigences d’un esprit placé désormais et d’un seul coup
devant les problèmes métaphysique, juridique, social et même
scientifique44. Grâce à la révélation coranique, la langue arabe est passée
d’un seul coup d’un stade dialectal primitif à celui d’une langue
techniquement organisée pour véhiculer la pensée d’une nouvelle culture
et d’une nouvelle civilisation. Ce saut prodigieux est unique dans
l’histoire des langues et constitue un des miracles de la révélation
coranique. En effet, la plupart des langues connues dans l’histoire ont
évolué lentement et se sont perfectionnées de façon progressive. Ce n’est
pas le cas de la langue arabe qui a subi une véritable révolution avec la
révélation.
Le Coran, réfutant une certaine prétention émanant des Quraychites
mêmes accusant le Prophète (SWS) d'avoir reçu d'un jeune armurier
42 R.Garaudy : pour un Islam du XXe siècle « charte de Séville – 18-21 juillet 1985 43 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III deuxième partie chapitre II évolution des langues 44 M.Bennabi : le phénomène coranique –Imprimerie MB Paris 1976
105
gréco-romain l'enseignement de la Bible, mit un terme à ces médisances :
« Nous savons fort bien ce qu'ils disent : oui ! Quelqu’un le lui enseigne
tout simplement ! Or celui à qui ils l’imputent parle une langue étrangère
tandis que ce Coran est en langue arabe, bien claire45 ». Le Livre sacré
spécifie, dans une autre sourate « Nous n'avons envoyé de Messager
qu’avec la langue de son peuple, afin de les éclairer46 ».
A l’époque du Prophète (SWS), Abou Djehl, patron avéré des Mecquois
Quoreïchites, adversaires du Prophète (SWS), interrogea Walid Bnou
Moughaira, qui incarnait parmi ses pairs l’éloquence et l’orgueil littéraire
de son époque, sur le soi-disant « sortilège du Coran »’. Ce dernier
répondit : « je pense que rien ne lui (Coran) ressemble…Il est quelque
chose de trop élevée pour être atteinte ». Sous le rapport linguistique, le
Coran semble bien avoir apporté sa terminologie propre et l’avoir créée
d’une manière instantanée et originale. Ce phénomène a créé, au point de
vue littéraire comme au point de vue philologique, une nette démarcation
entre la langue de l’époque djahilienne et la langue arabo-islamique. Le
développement de la langue arabe et de son écriture devait répondre à
deux impératifs : celui de lire et de comprendre le Coran et le second
d’instaurer un lien culturel commun entre tous les musulmans. Trois faits
décisifs ont joué un rôle essentiel dans le développement de la culture
islamique : la fondation des écoles de grammaire, la constitution des
écoles de jurisprudence et la traduction des ouvrages grecs, perses, indous
et autres.
(Coran 16,103) 45 > ن�% %�ن ا !ي .39$ون إ �� أ�E,N وه!ا �P4 �,9�. �,ن إ� ?. �9� أ���� $? وQ�C� E4��<
> �� 6�C� ��> و �� أر���9 �6 ر�ل إ) 94%�ن / (Coran 14,4) 46
106
Très tôt, on éprouva la nécessité d’étudier la grammaire et d’analyser le
langage. Les deux sources utilisées étaient le Coran et les recueils de
poésie arabe. Il fallait aboutir à un consensus sur la lecture canonique du
Coran afin qu’il soit lu correctement par tous pour ne pas le dénaturer et
pour le comprendre de manière parfaite. La langue arabe est une
perfection aux plans de la grammaire et du vocabulaire. La conservation et
la pérennité du texte coranique firent que la langue arabe resta l’idiome de
la vie religieuse. La récitation du texte sacré créa « la musique parlée »
religieuse de l’Islam. Abd al Jalil47 écrit « il est incontestable, que de très
bonne heure, le souci de la pureté de la langue et de la codification de ses
lois s’empara fortement des esprits. Des éléments non arabes se
convertissent à l’Islam ; il leur fallait réciter le Coran et celui-ci devait
être préservé de toute altération ; puis arabes et non arabes avaient
besoin, pour bien comprendre ce Livre, de bien connaître la langue dans
laquelle il a été révélé. ».
Les sciences religieuses commencèrent avec le Coran. Le besoin de le
comprendre incita d’abord aux études linguistique, grammaticale,
historique et spéculative qui se développèrent peu à peu en sciences
indépendantes d’utilité générale. Le soin de conserver le Coran permit le
développement de l’écriture arabe, non pas seulement du point de vue de
la précision mais aussi de la beauté. Un des grands mérites du Coran est
d’avoir fixé le canon de la langue arabe. Avec sa ponctuation et sa
vocalisation, l’écriture arabe est sans doute l’écriture dont la précision
convient le mieux aux besoins d’une langue.
47 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III page 314
107
Le caractère universel de l’Islam nécessite la compréhension du Coran par
les non-arabes. Les premières traductions du Coran visaient avant tout
l’enseignement du Coran aux gens qui ne connaissaient pas la langue
arabe mais jamais à des fins liturgiques. On rencontre des traductions
même à l’époque du Prophète (SWS) : Salmân El Farisy se chargea de la
traduction du Coran en Perse. Ce phénomène de la traduction et de la
recherche en matière d’interprétation du Coran continue de nos jours sans
qu’on ne voit encore la fin. La raison est que chaque fois que la science
avance, elle incite à refaire une nouvelle lecture de certains versets en
s’appuyant sur les nouvelles découvertes scientifiques. Dans les offices,
c’était surtout la langue arabe qui était utilisée. Pour conserver l’intégrité
du texte coranique à travers les générations, on suivit la méthode ordonnée
par le Prophète (SWS) lui-même : à savoir rédiger par écrit et apprendre
par cœur; ces deux moyens étaient simultanément mis en œuvre pour que
chacun d’eux vienne en complément de l’autre en cas de défaillance. On
s’attela aussi à la conservation des paroles du Prophète (SWS) et des récits
de ce qu’il avait fait ou dit dans sa vie publique ou privée. La rédaction de
tels mémoires commença du vivant du Prophète(SWS). William Marçais48
écrivait «dés le milieu du VIIIe siècle, l’arabe se présente non seulement
comme paré des trésors de sa vieille et brillante poésie mais avec une
philologie, une historiographie, une langue juridique fixée, une technique
élaborée dans des bureaux et enfin une organisation scolaire. Ibn
Muqaffa avait en outre découvert dans la langue arabe des ressources
insoupçonnées. Aux phrases courtes et naïvement juxtaposées des anciens
48 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III page 314
108
prosateurs, il substituait une période articulée et nombreuse, portant,
avec une aisance relative et sans trop perdre l’équilibre, toute une charge
d’incidences ».
Luis Massignon49 disait : « Parmi les langues de civilisations, la langue
arabe a joué un rôle très original, dépendant de ses possibilités
congénitales d’expression des idées. Elle a été marquée par une religion
universaliste : l’Islam, d’une empreinte presque liturgique, son premier
livre en prose (et c’est la prose seule qui libère l’expression des idées des
contraintes magiques de la versification primitive) ayant été le Coran.».
La langue arabe fut, pendant des siècles, le moule universel dans lequel
les écrivains formuleront leurs idées religieuse, politique, sociale,
scientifique et littéraire. L’arabe a un double caractère : il est à la fois la
langue de l’apostolat religieux de l’Islam et la langue de transmission des
disciplines scientifiques. Le savant Bîrûni50 faisait la réflexion suivante
sur la langue arabe : « C’est dans la langue arabe que les sciences ont été
transmises, par traduction en provenance de toutes les parties du monde ;
elles y ont été embellies, s’insinuant dans les cœurs; et les beautés de cette
langue ont circulé avec elles dans nos artères et dans nos veines.».
L’Islam et la langue s’implantèrent simultanément pour assurer
l’unification culturelle des musulmans au sein du grand empire islamique.
Ce n’est pas, pour la culture en langue arabe, un mince titre de gloire que
d’avoir enregistré la contribution des diverses populations qui ont
cohabité dans l’immense empire islamique. Celui-ci a réussi la fusion des
49 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III page 314 50 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III page 317
109
races sur le plan intellectuel.
Ibn Khaldoun décrit l’importance de l’effort entrepris pour le maintien de
la langue arabe, le long des siècles : « Quand les peuples de races
étrangères tels que les Dailamites et ensuite les Seldjoukides, se furent
rendus maîtres de l’Orient, et que d’autres peuples non arabes, les
Zenatas et les Berbères, s’emparèrent du pouvoir en Occident, tous les
royaumes de l’Islam se trouvèrent sous la domination des étrangers. Cela
corrompit tellement la langue arabe qu’elle aurait tout à fait disparu si
les musulmans n’avaient travaillé à sa conservation par le zèle qu’ils
mirent à graver soigneusement dans leur mémoire le texte du Coran et
celui des traditions relatives au Prophète ».
Avec l’avènement de l’Islam, il fallait asseoir la langue par le
développement de l’écriture pour passer de l’oralité à l’écriture et pour le
développement de la nouvelle civilisation. C’est ainsi que l’une des
premières sourates du Coran a été : « Lis, car ton Seigneur, le Très Noble.
C’est Lui qui a enseigné par la plume : il a enseigné à l’homme ce qu’il
ignoraits51 »
L’expansion fulgurante de l’Islam ne peut s’expliquer sans une
organisation méthodique. Cependant, force est de considérer que
l’écriture, tout au moins dans les premiers temps de l’empire islamique,
n’a pas dû jouer un grand rôle dans cette expansion. Ce n’est sans doute
pas sans raison que les premiers versets coraniques révélés au Prophète
> �9�. � 9� ا�R%�ن �� � �9? �4 �9�> ا/�أ و رJ4 اTآ�م ا !ي Coran (96,3-4-5) 51
110
(SWS) portent sur l’importance de l’écriture52 et font l’éloge de la plume
comme support de l’organisation, moyen d’enseignement, de voie d’accès
à la science humaine voire de civilisation et de culture. L’ange Gabriel
montra au Prophète (SWS) un écrit céleste et lui demanda de le lire.
Mohammed (SWS) répondit qu’il ne savait pas lire. Alors l’ange Gabriel
le serra très fort par trois fois dans ses bras et lui ordonna de le lire de
nouveau. Ensuite, l’ange Gabriel lui récita le message qui devait rester
gravé dans la mémoire du Prophète (SWS). Ces versets montrent
l’importance accordée par Dieu à l’écriture qui est aussi une obligation
imposée au Prophète (SWS) en même temps que le point de départ de sa
mission divine. Du temps du Prophète (SWS), l’écriture n’était pas
répandue et l’homme, qui savait écrire, jouissait d’une très grande
considération. Certains auteurs affirment qu’il y a eu des néologismes
coraniques : notamment des termes araméens pour désigner des concepts
nouveaux spécifiquement monothéistes comme celui de « Malakut » ou
des noms propres comme « Jalut, Harut et Marut ».
D’après certaines traditions, on utilisait pour écrire des omoplates de
moutons ou des feuilles de palmiers qui résistaient le plus à l’épreuve du
temps. Le prophète (SWS) s’attela alors à répandre l’enseignement de
l’écriture. Après la victoire qui a suivi la bataille de Badr, il ordonna de
faire appel à certains prisonniers Quraychites lettrés qui acceptaient
volontairement d’enseigner l’écriture de la langue arabe comme prix de
rachat pour leur liberté. Le Coran précise bien que l’écriture existait bel et
>9�. � 9� ا�R%�ن �� � �9? �4 �9�� ا/�أ و رJ4 اTآ�م ا !ي < Coran (96,3-4-5) 52
111
bien du temps du Prophète (SWS)53. Dans l’ordre culturel, on assistait à
une double préoccupation : celle de la compréhension de la langue arabe
et celle de la connaissance de l’ancienne poésie. En toute vraisemblance,
l’écriture de certaines parties du Coran a commencé à l’époque même du
Prophète (SWS). Pendant longtemps la transmission orale a prévalu à côté
de la transmission écrite pour éviter les confusions ainsi que les erreurs
des copistes. Le premier papyrus bilingue gréco-arabe date de l’année 643
et le dernier de l’année 719. Il semble que le plus ancien document rédigé
en Arabe date de l’année 709.
Un historien arabe54écrivait vers l’année 760, soit plus d’un siècle après
l‘hégire : «Les savants de l’Islam commencèrent à constituer en recueil,
les traditions, la jurisprudence et les commentaires du Coran. On
rassembla et mit en corps des livres sur la philosophie arabe, la langue,
l’histoire, les grands jours des hommes. Avant ce temps, la plupart des
savants récitaient de mémoire ou transmettaient leur science à l’aide de
feuillets épars. L’étude fut ainsi facilitée et l’on n’eut plus autant besoin
d’apprendre par cœur». Il faut remarquer que ce n’est pas seulement sous
l’empire islamique que l’écriture a pris du temps pour se répandre à
grande échelle. La raison était la difficulté et la cherté du support de
l’écriture qui, pendant longtemps, est resté coûteux, fragmentaire et lourd
à manipuler. Lorsque les manufactures de papier furent créées et prirent
de l’essor, la langue classique tendit à s’imposer et les manuscrits se
multiplièrent d’une extrémité à l’autre de l’empire islamique. On se
8��4� .ا < U�8� و Cآ��� V,%� 2Dأ E > ا#U :�� ا !.6 أ��ا إذا #$ا.��� 4$.6 إ Coran (2,282) 53 54 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III pages 353-356
112
disputa à prix d’or les ouvrages calligraphiés par les copistes célèbres dont
la chronique a scrupuleusement conservé les noms. Les collections de
manuscrits furent nombreuses. Du vivant des écrivains, de nombreux
copistes étaient sollicités pour multiplier les exemplaires existants.
Certains ouvrages connurent une grande gloire et célébrité comme les
prairies d’or de Mas’ûdi et les bibliographies de Khallikân. Des hommes
de lettres s’attelèrent à rédiger eux-mêmes des résumés de leurs livres
pour mettre leurs écrits à la portée de toutes les bourses et accroître ainsi
le nombre de lecteurs. Progressivement, des bibliothèques virent le jour
dans la plupart des grandes villes de l’empire encouragées par les califes
successifs et elles réunissaient de précieux manuscrits. Les traducteurs
étaient couverts de présents d’or et les savants honorés. Les bibliothèques
avaient leurs propres copistes et relieurs. Les librairies étaient bien
achalandées et côtoyaient les mosquées dans chaque ville. Elles servaient
de lieux de réunion et d’échange aux savants et hommes de lettres. On
peut citer l’écrivain Djahiz qui demeurait à l’intérieur d’une de ces
librairies. On y trouvait aussi de véritables salons de lecture qui étaient
fréquentés par les gens cultivés.
5.3 HISTOIRE55
R Garaudy56 écrivait « Avant même la floraison de sa culture
propre, l’Islam a créé, du fait même de l’ampleur de ses conquêtes,
les conditions nécessaires à un renouveau de la civilisation, à
l’épanouissement d’une nouvelle jeunesse du monde ».
55 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985 56 R Garaudy : Contribution historique de la Civilisation Arabe. Cahiers du Communisme
113
Du VIIIe au XIe siècle, le monde musulman a connu son âge d'or au cours
duquel la connaissance avait progressé dans tous les domaines : médecine,
géographie, physique, chimie, astronomie, etc. La première raison
invoquée est la jonction historique entre les mondes méditerranéen et
oriental qui a été réalisée par la conquête islamique. Christophe Picard57
écrit à ce sujet « La première raison invoquée du dynamisme intellectuel
et scientifique arabo-musulman est généralement reliée à l'immense
territoire conquis de 632 à 751 par les Arabes, de l'Atlantique à
l'Himalaya. Pour la première fois, une seule entité associait durablement
deux grandes zones de civilisation qui, jusque là, sans s'ignorer
totalement, se tournaient le dos: le monde méditerranéen, riche de sa
tradition gréco-romaine et judéo-chrétienne, et le monde "orientaI",
centré sur la Mésopotamie et l'Iran perse, et largement perméable au très
riche patrimoine chinois et indien. Effectivement, en s'emparant
simultanément de plusieurs régions byzantines (Egypte et Syrie
médiévale) et de l'Empire perse sassanide, les premiers califes
s'approprièrent immédiatement l'héritage infiniment riche de ces deux
foyers de civilisation, au service de la nouvelle religion. Les souverains
musulmans, chargés de promouvoir l'Islam, entourés des plus brillants
esprits arabes et non arabes, musulmans et non musulmans,
sélectionnèrent les domaines de cet héritage qui pouvaient permettre à
l'islam de s'épanouir ».
Les Européens, malgré les preuves historiques établies par leurs propres
savants depuis le XVe siècle, ont nié l’apport de la civilisation islamique et
57 Christophe Picard : Le Monde musulman du XIe au XVe siècle (A. Colin, 2000)
114
continuent de considérer le moyen âge comme “l’Age obscur". Au cours
de cet « Age d’or de l’Islam», la civilisation se répandit avec une vitesse
fulgurante en Asie et en Chine dès les premières décades de son
avènement, puis progressivement en Indonésie et en Afrique. Au cours de
cet âge, la langue principale de la religion, des connaissances et de la
science était la langue arabe, que ce soit en territoire musulman ou dans le
reste du monde. Pour de nombreux peuples, que ce soit en Orient ou en
Occident, c’était la langue courante de travail et d’échange. De nos jours
encore, le monde occidental, continue d’accorder une importance
excessive à l’héritage gréco-romain, en faisant l’impasse historique sur la
contribution de la civilisation islamique au point d’ignorer qu’il a une
dette au moins équivalente envers le monde musulman.
La révélation coranique est venue relater, de façon chronologique et
synthétique, l’histoire des civilisations qui se sont succédées depuis
Adam. Cette révélation est l’aboutissement d’une longue chaîne de
révélations antérieures divines transmises à une chaîne de prophètes
depuis Adam jusqu’à l’apostolat du dernier d’entre eux : le Prophète
Mohammed (SWS). Dans le Coran, chaque époque et chaque peuple sont
marqués et identifiés par le sceau de leur prophète et portent parfois son
nom. Par exemple on parle du peuple de Noé, de Loth. Parfois, à des
époques données, il y a eu en même temps plusieurs prophètes : Moise et
Aaron, Marie et Jésus. Il y a eu aussi successivement plusieurs prophètes
comme Abraham, Ismaël et Isaac. La chaîne chronologique des prophètes,
telle qu’elle apparaît dans le Coran se déroule comme suit : Adam et Eve
(Adam et Haoua) - Noé (Nouh) - Abraham (Ibrahim), Ismaël (Ismaïl) -
Isaak (Ishâk) - Loth (lot) - Jacob (Ya’acoub) - Moise (Moussa) et Aaron
115
(Haroun) – Saül (Talut) – David (Daoud) – Salomon (Suleiman) – Elie
(Ilyas) – Elisée (Alyassa) – Job (Ayoub)– Jonas (Younès) – Henoch
(Idriss) – Dhou El Kifl – Alexandre le Grand (Dhou El Quarnaïn) – Jetro
(Cho’âib) – Houd – Salih – Lokman – Zacharie (Zakarya) – Jean Batiste
(Yahia) – Marie (Meriem) et Jésus(‘Isa) – Mohammed.
La race humaine est issue d’un seul homme : Adam. C’est Abraham qui le
premier donna le nom « musulman » à la communauté des croyants.
Ainsi, la paternité du mot Islam revient à Abraham et date déjà de son
époque. Tous les êtres humains, en ce monde, quelque soit leur lieu
géographique, la couleur de leur peau, leur langue, sont issus du couple
originel : Adam et Eve. Il en résulte, de façon logique, deux principes
universels : celui de l’unité de l’humanité et celui de l’égalité entre tous
les êtres humains. Au sujet de l’origine de l’homme, on peut citer l’aveu
du célèbre anthropologue français M. Boule : « dès le paléolithique (du
vivant peut-être de l’homme du Neandertal), il y avait des blancs, des
noirs, des jaunes, ces diverses races occupent déjà en gros, la place où
nous les voyons aujourd’hui. Ce n’est pas seulement le temps zoologique
humain, c’est l’humanité qui est préhistorique ! Dès que nous
commençons à pouvoir distinguer ses traits, nous l’apercevons fixée dans
sa distribution fondamentale. Si la simple’ mise en place’ de notre espèce
est déjà si lointaine, jusqu’où ne faudra –t’il pas reculer pour trouver le
centre temporel et spatial de son irradiation ? 58»
Adam, le premier homme sur terre, fut également le premier prophète
58 Pierre Teilhard De chardin- l’Apparition de l’Homme- tome 2 – Editions le Seuil -1956
116
auquel Dieu révéla Sa religion « l’Islam » et lui ordonna de la transmettre
à ses descendants, de leur enseigner que Dieu est Un, le Créateur, le
Soutien du monde et Seigneur de l’univers, que Lui seul doit être adoré et
obéi, que c’est à Lui qu’ils devront retourner un jour pour être jugés, qu’à
Lui seul, ils doivent demander secours et mener une vie pieuse afin de lui
plaire. S’ils vivaient ainsi, ils seraient bénis par Dieu et récompensés
comme ils le méritent par une vie éternelle au paradis. S’ils se
détournaient de Lui et désobéissaient, alors ils seraient perdants dans cette
vie comme dans l’autre et punis par un séjour éternel en enfer.
Les meilleurs, parmi les descendants d’Adam, suivirent le droit chemin
indiqué par leur père. D’autres abandonnèrent son enseignement et
dérivèrent graduellement vers des directions erronées et se mirent à adorer
le soleil, la lune, les étoiles, les arbres, les animaux et les fleuves. Certains
crurent que l’air, l’eau, le feu, la santé, les forces de la nature étaient les
attributs de diverses divinités et qu’il fallait les adorer pour se concilier
leur grâce. Cette conception de l’histoire des religions est diamétralement
opposée à la conception évolutionniste de la religion qui considère
l’adoration de la nature comme le premier stade dans le processus de
croyance. Les évolutionnistes s’arrêtent aux manifestations de l’adoration
de la nature dans les sociétés primitives dont des embryons existent de nos
jours dans les forets denses d’Amazonie, mais ne tentent pas d’explorer
les formes plus anciennes dont cette adoration n’est que la forme
corrompue et pervertie. Des études scientifiques récentes (W.Schmidt :
The Origin and Growth of Religions) confirment que l’adoration d’un
Dieu unique fut la forme la plus ancienne d’adoration et que toutes les
autres formes sont des déviations tardives de cette religion universelle.
117
Ainsi l’ignorance s’était propagée et de nombreuses formes de
polythéisme et d’idolâtrie firent leur apparition et les religions se
multiplièrent. Ainsi se formèrent plusieurs races et nations. Chacune
d’elles avait institué sa religion avec ses cultes et ses rites propres. On a
ainsi oublié progressivement Dieu le Seigneur, le Créateur de l’humanité
et de l’univers. Les mauvaises pratiques et les idées erronées se
répandirent et les hommes commencèrent à ne plus savoir discerner entre
le bien et le mal. Dès que le mal atteignait un certain de stade, Dieu
suscita des prophètes parmi chaque nation pour prêcher de nouveau
l’Islam. Ils rappelèrent alors à leur peuple la leçon qu’il avait oubliée. De
nouveau, il leur enseigna l’adoration du Dieu unique, mit fin à l’idolâtrie,
les débarrassa du culte des autres divinités et leur réapprit les bonnes
pratiques pour plaire à Dieu en leur transmettant les codes de
comportement révélés par Dieu pour vivre dans une société exemplaire.
Sans nul doute, les méthodes d’enseignement et les codes de
comportement des divers prophètes différaient selon les besoins et le
niveau culturel des peuples auxquels ils étaient destinés. Les
enseignements, transmis à chaque peuple, étaient déterminés par la nature
et la gravité des maux qui l’affectaient et que Dieu désirait extirper. Si un
peuple n’avait atteint qu’un stade encore primitif de sa civilisation et de
son développement intellectuel, les lois et les principes qui
accompagnaient la prophétie étaient relativement simples. Ils se
modifiaient et s’amélioraient au fur et à mesure de l’évolution et de la
progression de la société. Les différences introduites permettaient une
adaptation temporelle, la nature innée ou Fitra de l’homme n’ayant pas
changé depuis que celui-ci a été créé par Dieu. Les enseignements de base
118
de toutes les religions n’ont pas changé au cours des temps : croyance en
l’unicité de Dieu, vie pieuse et vertueuse, croyance en une vie après la
mort avec son système juste de bonne récompense (entrée au paradis) ou
de châtiment (entrée en enfer). L’attitude des hommes envers leur
prophète n’a pas toujours été de nature pacifique. Souvent, ils le
maltraitèrent et refusèrent de l’écouter ou de suivre son enseignement.
Certains prophètes furent contraints à l’exil, d’autres ont été assassinés ou
encore ont subi l’indifférence de leur peuple. Il arrivait parfois que les
prophètes échouaient dans leur mission à cause de la désobéissance de
leurs peuples. Dieu se vengeait alors par un châtiment d’extermination
(cas du peuple de Noé). Seule une poignée de fidèles des prophètes était
épargnée pour permettre de relancer le peuplement de la terre.
Malgré l’opposition de leurs peuples, leur agressivité et leurs menaces, les
prophètes n’ont jamais cessé de prêcher la révélation divine jusqu’à leur
mort, même si seuls quelques fidèles les avait suivis. Leur détermination,
leur patience et leur combat finissaient souvent par triompher par le retour
de leur peuple au droit chemin et à la reconnaissance de Dieu. De
nombreuses nations acceptèrent de les suivre et de se convertir à leurs
messages. Les erreurs, nées le long des siècles de déviation, d’ignorance
et de mauvaises pratiques, étaient effacées et une nouvelle génération de
croyants naissait. Tant que les prophètes furent en vie, leur message fut
suivi et accepté. Une fois morts, les peuples revenaient progressivement à
leurs premières erreurs et altérèrent les enseignements des prophètes. Ils
adoptèrent de nouvelles formes d’adoration. Certains se mirent à adorer
ces messagers, en firent tantôt une incarnation de Dieu, tantôt les fils de
Dieu. Certains les associèrent même à Dieu dans la divinité. Bref,
119
l’homme finissait souvent par adorer ceux-là mêmes dont la mission
sacrée était de détruire les idoles. En entretenant l’amalgame entre
religion, coutume, ignorance, anecdotes sans fondements et des lois
inventées par eux-mêmes, les hommes pervertirent ainsi la religion
prêchée par leur dernier prophète. Si bien qu’après quelques siècles, leur
religion était devenue un ramassis de contes et de fiction qui avaient fini
par altérer le véritable message de leurs prophètes. On ne pouvait plus
discerner entre le vrai et le faux. Malgré toutes ces déviations, il est resté
quelques traces de la vérité à travers le combat millénaire entre le bien et
le mal chez l’homme. L’idée de Dieu, de la vie après la mort, des
principes moraux, est acceptée et assimilée par l’ensemble des peuples.
Dans l’histoire de l’homme et pendant longtemps, les peuples vivaient
séparés et isolés les uns des autres au point où chacun d’eux restait
confiné dans des limites géographiques bien distinctes, tant les possibilités
d’échange étaient faibles. Des prophètes apparurent alors dans chaque
nation et leur enseignement était conçu spécialement pour convenir à
chaque peuple et à chaque époque. Dans ces conditions, il était difficile de
propager une religion universelle avec un système commun de lois et de
règles pour la vie sur terre. D’ailleurs dans l’antiquité, les conditions des
peuples se différenciaient énormément les unes des autres. L’ignorance
était répandue et avait produit différentes formes d’aberrations morales et
de corruption de la foi. Pour éliminer de façon progressive ces déviations
qui existaient au sein de ces peuples et les arracher à l’ignorance, les
prophètes enseignaient la pratique de bons principes, d’une vie pieuse,
simple et honnête, le développement des arts et des métiers de la vie. Dieu
seul sait combien de temps, de millénaires s’écoulèrent ainsi à éduquer
120
l’homme et à le faire progresser aux plans mental, spirituel et moral. Avec
le développement et le progrès du commerce, du transport, de l’industrie
et des arts, des relations de plus en plus nombreuses commencèrent à
s’établir. Des itinéraires nouveaux sur terre et sur mer virent le jour et
couvrirent l’intérieur des continents et entre continents. Beaucoup de gens
apprirent à lire et à écrire et l’instruction se répandit. Les idées et le savoir
commencèrent à se diffuser et à se communiquer de pays en pays. De
grands conquérants apparurent, étendirent leurs emprises, constituèrent de
vastes empires et regroupèrent sous leur domination des peuples distincts
qui se rapprochèrent. Les différences se mirent à s’estomper
progressivement. De la sorte et grâce aux missions accomplies par les
prophètes à travers la longue marche historique de l’humanité, les peuples
ont été progressivement préparés à recevoir une religion universelle en
harmonie parfaite avec la nature humaine, à travers l’accumulation de ce
qu‘il y avait de bon dans les croyances et les sociétés antérieures et
communément acceptable par l’humanité toute entière.
En conséquence, les conditions se trouvaient réunies pour qu’une loi
unique fût révélée par Dieu préconisant un mode de vie universel,
répondant aux nombreux besoins humains, moraux, spirituels, sociaux,
culturels, politiques, économiques englobant à la fois les domaines
religieux et séculiers. Il y a plus de deux mille ans, l’humanité avait atteint
déjà un stade de développement mental qui aspirait à une religion
universelle. Le Bouddhisme, qui ne comprenait que quelques principes
moraux mais n’était pas un système de vie complet, prit naissance en Inde,
s’étendit jusqu’au Japon et la Mongolie, d’une part, et de l’Afghanistan à
Boukhara d’autre part. Ses missionnaires parcouraient le monde. Quelques
121
siècles plus tard, apparut la religion enseignée par Jésus-Christ qui ne fut
autre que l’Islam de Dieu. A sa mort, ses disciples et partisans la
réduisirent au Christianisme, religion destinée manifestement aux seuls
Israélites et répandue dans des contrées reculées comme la Perse, l’Asie
mineure, l’Europe et l’Afrique. Le besoin d’une religion véritable et
complète se faisait alors ressentir et à défaut, les hommes se retournèrent
vers celles qui existaient, toutes imparfaites qu’elles étaient. A un stade
aussi crucial de la civilisation, quand l’esprit humain lui-même exigeait
une religion universelle, un prophète fut suscité en Arabie pour tous les
peuples d’alors. La religion, qu’il fut chargé de répandre, était à nouveau
l’Islam comme du temps d’Abraham, de Moise et Jésus. Cette fois-ci, il
s’agissait d’une religion révélée sous forme d’un système complet et
achevé s’appliquant à tous les aspects de la vie spirituelle et matérielle de
l’homme. Ce messager, appelé Mohammed (SWS), fut envoyé pour la
race humaine toute entière. Sa mission consistait à sortir l’humanité de
l’obscurité dans laquelle elle était plongée pour la propulser vers la
lumière éternelle.
5.4 SCIENCES59
R. Garaudy : « La vision islamique de la science repose sur les
points suivants : Dieu est la source de toute connaissance et Dieu a
doté l’homme de savoir par le biais de deux sources : le savoir
révélé à l’homme par l’intermédiaire des prophètes et qui a le
statut de vérité absolue et le savoir acquis par l’homme en utilisant
ses capacités mentales et qui a le statut de vérité fonctionnelle ».
59 R.Garaudy : pour un Islam du XXe siècle « charte de Séville – 18-21 juillet 1985
122
Le problème du lien entre la science et la religion ne se pose pas en Islam.
Le savoir et la recherche du savoir sont une tâche sacrée et il n’y a pas de
distinction à faire entre le savoir révélé et la savoir tangible. En Islam, les
sciences profanes ont pour unique but la recherche du bien, la prévention
contre toutes sortes de dangers et la lutte contre l’ignorance, la pauvreté et
la maladie. Cependant le prophète (SWS) attire l’attention sur la science
destinée à d’autres buts que le bien humanitaire à travers un hadith célèbre
: « Parfois une science peut être une pure ignorance ». En effet, une
science sans éthique peut être fatale car elle peut servir à la destruction de
l’homme et de ses biens.
Le Coran affirme qu’à côté du savoir révélé, la connaissance scientifique
conduit aussi à la vérité. La réalité de la révélation ne peut être appréciée
sans l’usage de la science et de la raison. Il y a une parfaite harmonie entre
la science et la philosophie en Islam : d’un côté, la philosophie islamique,
dans toute sa richesse et sa diversité, a toujours baigné dans une
atmosphère religieuse et de l’autre côté, les sciences islamiques ont
toujours été cultivées à l’ombre de la philosophie islamique. Les savants
musulmans ont été aussi des leaders religieux et combinaient à bon escient
les deux aspects en leur personne. La toute première révélation faite au
Prophète (SWS) est l’ordre de lire et d’écrire qui fait l’éloge de la plume
comme instrument de base de la connaissance humaine. L’Islam insiste
sur l’effort de recherche de l’homme pour connaître les causes et les effets
de chaque phénomène : « Et qu’en vérité, l’homme ne récolte que le fruit
123
des efforts qu’il aura lui-même déployés60 ». En matière d’éducation
scientifique, le Coran exhorte les musulmans à chercher la science auprès
de ceux qui savent : «…interrogez les gens de rappel si vous ne savez
pas !61 ». Le croyant doit déployer des efforts tout en sollicitant l’appui de
Dieu pour acquérir le savoir : « O mon Seigneur, donne –mo encore plus
de savoir 62». Le Prophète (SWS) a montré l’importance des sciences en
Islam en disant « Recherchez la science même en Chine » ou «
Recherchez la science du berceau jusqu’à la tombe » et « L'encre des
savants est plus précieuse que le sang des martyrs ».
Si la croyance en Dieu exige la culture des sciences théologiques, tout le
reste implique la culture des sciences profanes. Pour développer la
science, les musulmans ont créé, dès le deuxième siècle de l’Hégire, des
fabriques de papier partout dans leur vaste empire. Les savants
musulmans ont commencé d’abord par assimiler les sciences de leur
époque pour ensuite apporter, grâce à l’impulsion de la culture islamique,
une contribution remarquable au patrimoine scientifique de l’humanité.
Cette contribution a couvert pratiquement tous les domaines des sciences
théologiques et profanes. C’est pourquoi le XVIe Congrès International
d'histoire des sciences, réuni à Bucarest en 1981, a reconnu que «La
science islamique est un héritage qui concerne toute l'humanité, son étude
ne doit pas être coupée de l'histoire générale des sciences au moyen âge».
La civilisation islamique63 a légué au monde moderne trois institutions
> E�� �� (ن إ�%�Y >� > و أن Coran (53,39) 60 ن < ,9�# ( �9ا أه2 ا !آ� ان آ��Z%� < Coran (16,43) 61
> �,9� Eزد� E4و/2 ر < Coran (20,114) 62 63 R.-Y. EBIED et M.-J.-L. YOUNG. –Écoles musulmanes et Universités européennes- Le
124
très importantes : l’hôpital, l’observatoire et l’université. Un bon nombre
d’appareils et d’instruments hérités des civilisations anciennes ont été
perfectionnés et d’autres inventés par les musulmans. C’est sous les
auspices des califes successeurs du Prophète (SWS) que l’observatoire
devint une institution permanente. Selon les documents parvenus jusqu’à
nous, le premier observatoire permanent a été établi par le calife Mamoun
(813 -832 après J.C) à Bagdad, sa capitale, aux environs de l’année 830.
La contribution la plus importante de la civilisation islamique à la
médecine est la création de nombreux hôpitaux. Elle a apporté tant de
soins à leur organisation, leur financement et leur entretien au point que
les traces sont encore visibles dans nos hôpitaux d’aujourd’hui.
L’université doit, en grande partie, son existence à la civilisation
islamique. Parmi les auteurs de manuels scientifiques, médicaux et
philosophiques, des savants musulmans occupent le premier plan. On peut
citer Avicenne, Averroès, Albategnius, Avempace, Avenzoar, Albucasis,
Arzachel et Alpetraguis. Il est certain que les universités européennes ont
utilisé ces manuels. Les plus grands centres intellectuels musulmans
fonctionnaient depuis bien plus d’un siècle, quand les premières
universités furent fondées en Europe. L'Université Zitouna, basée à
Montfleury (Tunis), fut pendant plus d'un millénaire située au sein de la
grande mosquée Zitouna. Selon l'historien Hassan Hosni Abdelwaheb, la
Zitouna serait le plus ancien établissement d'enseignement du monde
arabe puisqu'une médersa y est fondée dès 737. Le collège-mosquée d’Al-
monde de l’éducation
125
Qarawiyyin à Fès (Maroc) fut établi en 859, celui de Cordoba au début du
dixième siècle, le collège-mosquée d’Al-Azhar au Caire en 972 et la
Maison de la Sagesse dans la même ville au XIe siècle. En Europe, les
premiers centres d’éducation supérieure apparurent plus tard. Les
universités de Bologne, de Paris et de Montpellier n’existaient sûrement
pas avant le douzième siècle. Dans les universités islamiques, les
professeurs étaient plus libres dans leur enseignement que dans les
premières universités chrétiennes. Il n’est donc pas étonnant que chaque
professeur ait eu le droit de conférer ses «permis d’enseigner», alors qu’en
Europe ce droit était réservé au recteur. Mise à part cette différence, la
«Ijazah» et la «licentia docendi » étaient des instruments identiques de la
vie universitaire. Ces ressemblances entre les pratiques universitaires de
l’Islam et celles du monde chrétien s’expliquent par le rôle joué par
l’Espagne dans l’établissement de contacts entre l’un et l’autre. L’Espagne
islamique était un des grands centres académiques du Moyen Age et après
la prise de Tolède par les chrétiens (1085), ce pays devint la voie
principale par laquelle les fruits de la science islamique passaient à
l’Europe chrétienne. A Tolède, l’archevêque Raymond (mort en 1251)
fonda une école pour traduire les œuvres arabes en latin et les mettre ainsi
à la disposition du monde savant chrétien. Les trésors de la littérature
philosophique, scientifique et médicale arabe furent traduits en latin à
l’usage des professeurs et des étudiants chrétiens. Il ne fait pas de doute
qu’avec les livres, les étudiants chrétiens aient ramené de l’Espagne des
idées sur l’organisation des universités.
5.4.1 Sciences religieuses et philosophiques
L’aspect spéculatif de la foi, en matière de croyance et de dogme, fit
126
l’objet de discussions du vivant même du Prophète (SWS) pour faire
ensuite l’objet de sciences particulières comme Kalam (dogmatico-
scolastique) et Tassawuf (mystico-spiritualiste). Les polémiques
religieuses avec les non-musulmans ou même entre musulmans,
introduisirent de nouveaux éléments de l’étranger: on procéda à la
traduction d’ouvrages philosophiques grecs, indiens, etc.
Par la suite, apparurent de grands philosophes chez les musulmans doués
d’érudition et d’originalité. On peut citer Kindly Fâraby, Ibn Sina
(Avicenne), Ibn Rochd (Averroès) et autres. Certains ouvrages grecs, dont
les originaux avaient disparu, ont été conservés pour la postérité grâce aux
traductions arabes.
5.4.2 Sciences sociales
L’apport des savants musulmans aux sciences sociales a été important. Le
Coran est d’abord le premier livre écrit en langue arabe. Deux siècles plus
tard (VIIIe siècle de l’ère chrétienne), cette même langue de bédouins
illettrés se présentait comme une des langues les plus riches du monde,
mais aussi une langue internationale utilisée dans tous les domaines
scientifiques.
Grâce au caractère universel du message islamique, de l’esprit d’ouverture
et d’intégration lié à ce message, de nombreux savants de toutes races :
Arabes, Grecs, Persans, Turcs, Abyssins, Berbères, Indiens embrassèrent
l’Islam et contribuèrent au développement de la « science islamique ».
Ainsi se produisirent d’admirables synthèses résultat d’une forte synergie
qui s’est développée grâce au brassage de diverses littératures et sciences
d’alors.
Figure 14 : Sciences islamiques
5.4.3 Sciences médicales64
La civilisation musulmane a légué un riche
64 Médecine et biologie dans la civilisation de l'IslamSnes / Vuibert
SCIENCES
RELIGION
ASTRONOMIE
NATURE
MATHEMATIQUES
ARTS
127
: Sciences islamiques
a légué un riche héritage à l’Occident chrétien,
Médecine et biologie dans la civilisation de l'Islam Par Paul Mazliak coédition Adapt-
SCIENCES
RELIGION
SOCIETE
MEDECINE
HYGIENE
GEOGRAPHIE
ET COMMUNICATION
ASTRONOMIE
128
à travers les grands médecins-philosophes musulmans comme Averroès,
Avicenne et ses maîtres et disciples : Al-Tabari, Al-Razi, Al-Majusi, Al-
Zahrawid. C’est à partir de leurs travaux que les premiers biologistes de
l’époque moderne Vésale, Harvey, Tournefort ont posé les bases de
l’anatomie, de la physiologie et de la botanique. Les grands savants arabes
furent à la fois des concepteurs et des transmetteurs de civilisation,
dévoilant aux érudits d’Europe les trésors enfouis à Byzance, dans des
manuscrits grecs que personne ne lisait plus. Leur système médical s’est
développé en plusieurs coins de l’Empire musulman.
Lors du premier âge d’or de la civilisation musulmane (Xe et XIe siècles),
c’est à l’Est de l’Empire, en Iran principalement, que se firent connaître
les premiers grands médecins de l’Islam : Al-Razi (appelé Rhazès en
Occident), Al-Majusi (Haly Abbas), Ibn Sina (Avicenne) pour ne citer que
les plus importants.
Lors du second âge d’or (XIIe et XIIIe siècles), c’est à l’Ouest, en
Andalousie, qu’exercèrent les médecins les plus célèbres : Al-Tarjâli, Ibn
Rushd (Averroès), Ibn Zuhr (Avenzoar), Maimonide. Les médecins
d’Orient rédigèrent quelques traités en persan (vieil iranien) mais leurs
ouvrages principaux furent publiés en arabe comme langue savante, tout
comme le latin en Occident. C’est ainsi que les médecins d’Andalousie
publièrent leurs œuvres en arabe.
Avicenne et Averroès ont fait faire accomplir d’importants progrès à la
biologie en étudiant pour la première fois le fonctionnement du cerveau.
Avicenne (980-1037) émit l’hypothèse d’un réseau de localisations
cérébrales où s’effectuaient les opérations mentales, proposition hardie à
l’époque, mais largement confirmée au XXe siècle par les neurosciences.
129
De son côté, Averroès (1126-1198) échafauda une théorie de
l’intelligence, dans laquelle ce qu’il appelait des intelligibles, préfigure les
concepts modernes. La science des grands médecins de l’Islam fut,
pendant tout le Moyen âge et la période de la Renaissance, l’époque
classique jusqu’au XVIIe siècle en Orient comme en Occident, la science
médicale la plus avancée, basée sur des concepts théoriques et des
analyses rationnelles. S’appuyant sur un savoir accumulé depuis des
siècles mais aussi sur les meilleures observations cliniques disponibles à
leur époque, ces grands médecins étaient tous des médecins-philosophes
possédant un savoir encyclopédique en sciences naturelles (botanique,
minéralogie, sciences vétérinaires, chimie, astronomie).
5.4.4 Hygiène et Santé
L’Islam est une religion qui vise à promouvoir en priorité la solidarité
inter-individus. Les règles, qu’elle impose au comportement individuel,
ont pour but de préparer et d’insérer l’homme dans le cadre de cette
solidarité. En matière d’hygiène, l’Islam recommande aux niveaux
individuel, familial et collectif, des mesures qui visent à prémunir la
communauté contre les risques de maladies transmissibles. On comprend
facilement cette approche de l’Islam quand on sait que la prière se fait en
congrégation cinq fois par jour.
Aux premiers moments de la prophétie, Dieu a ordonné au Prophète
(SWS) de purifier ses habits65. Dans un célèbre hadith, le Prophète a
dit: « la propreté est la moitié de la foi » ou encore : « la propreté conduit
" ��[� J4��\ و< > Coran (74,4) 65
130
à la foi et la foi conduit au paradis ».
Le philosophe et sociologue britannique Spencer Herbert66 écrivait : au
cours d'un voyage, j'ai rencontré le célèbre professeur français, le docteur
Gréna à qui j'ai demandé les raisons de sa conversion et qui me répondit :
« J'ai lu attentivement les versets du Coran qui mentionnent les sciences
naturelles et l'hygiène, j'y ai trouvé les leçons que j'ai dû apprendre quand
j'allais à l'école ».
En Islam, la pureté spirituelle va de pair avec la pureté corporelle. La
purification intérieure, celle du cœur et de l'esprit suppose au préalable la
propreté et l’hygiène du corps qui relèvent de la prime nature de l'être
humain (Fitra). Le Prophète (SWS) a dit : « dix choses font partie de la
prédisposition naturelle de l’homme : se tailler les moustaches, garder la
barbe, se brosser les dents, se rincer les narines, se tailler les ongles, se
laver les articulations des doigts, s'enlever la pilosité des aisselles, se
raser la pilosité du pubis, utiliser l'eau après avoir fait ses besoins et se
rincer la bouche67 ».
La circoncision, objectif d’hygiène, est obligatoire pour l’enfant
musulman. Certains chercheurs contemporains ont montré que les
personnes circoncises sont moins vulnérables aux maladies vénériennes
que les autres.
Pour accomplir ses prières obligatoires et surérogatoires et s’adresser à
Dieu, il faut d’abord faire ses ablutions qui sont obligatoires : la petite
ablution (nettoyage partiel du corps) dans le cas normal et la grande
66 Spencer Herbert 1820-1903: Théorie de l’évolutionnisme. 67 Recueil des hadiths par Muslim
131
ablution (lavage entier du corps) après tout rapport sexuel. Sans ces
ablutions, les prières quotidiennes, la lecture du Coran et autres rites
sacrés sont frappés de nullité.
La petite ablution ou « woudou » doit se faire avant chaque prière et vise à
entretenir la propreté des membres du corps les plus exposés aux atteintes
extérieures, les parties qui assurent les activités quotidiennes, ainsi que la
peau qui assure la sécrétion de la sueur. Le Coran précise la petite ablution
comme suit : « Oh, les croyants ! Lorsque vous vous préparez pour
l’Office (prière), lavez vos visages et vos mains jusqu'aux coudes, et
passez les mains mouillées sur vos têtes ; et lavez-vous les pieds,
jusqu'aux chevilles68». Dans un hadith, le Prophète (SWS) symbolise le
rôle des cinq ablutions journalières à travers une belle métaphore en
s’adressant à ses compagnons: «Imaginez que l’un d’entre-vous ait une
rivière qui coule devant sa maison et où il se baigne cinq fois par jour.
Peut-il après cela, garder une souillure ? La prière est comme cette
rivière ». Le Coran ordonne la grande ablution comme suit : « et si vous
êtes pollués (par un acte sexuel) alors purifiez-vous bien……., Dieu
n’entend pas vous imposer aucune gène, mais Il veut vous purifier 69 ».
Le Prophète (SWS) a dit « les gens de ma communauté seront appelés le
jour de la résurrection tandis que leur visage et leurs membres seront
blancs sous l’effet des ablutions. Celui, qui d’entre-vous, peut étendre la
blancheur de son visage (c’est à dire dépasser dans les ablutions les
Coran (5,8) 68 � �.� أ.�< ]89Dوأر �ه8� و أ.$.8� إ E ا ,�ا�K وا�3%ا 4�ؤ�8Dا وا !.6 أ��ا إذا /,�� إ E ا a`ة ��_9%
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69
132
limites prescrites de son visage) qu’il le fasse70». L’'individu ne peut être
acceptable et respectable aux yeux de l'Islam, que s'il prend soin de son corps
grâce à la propreté et que sa nourriture et sa tenue générale échappent aux
souillures et à la contamination. Les diverses contraintes de la vie exigent de
l’homme un corps solide et résistant. Il est recommandé de garder les ongles
courts, de s’épiler régulièrement (ce qui diminue les risques d’infection et
facilite l’entretien des parties intimes, atténuant de même les problèmes de
transpiration). Au-delà, l’obligation de se laver, après s’être rendu aux
toilettes, nous rappelle cette constante pureté corporelle exigée par l’Islam.
Les principes hygiéniques touchent également aux fonctions organiques du
corps par l’intermédiaire du jeûne dont de nombreux médecins ont reconnu
les bienfaits pour la santé. De même en ce qui concerne la nourriture, nous
savons combien les interdits alimentaires (vin, alcool, viande non égorgée et
viande de porc) se justifient tant par les effets nocifs sur le corps que sur
l’esprit.
La première chose demandée à celui qui embrasse l’Islam n’est ni le
baptême ni un quelconque rite mais, après la proclamation de la «kalima»
(unicité de Dieu et acceptation de Mohammad (SAW)) comme ultime
Prophète), il doit accomplir la grande ablution ou «ghousl» et se raser les
parties intimes et les aisselles.
Le Prophète (SWS) recommande à chaque croyant de faire la grande
ablution le vendredi, jour du regroupement en congrégation des
musulmans pour la prière commune. Il doit en outre se nettoyer les dents,
se parfumer et porter des habits propres. Dieu dit : « O fils d’Adam,
70 Recueil des Hadiths de l’Imam Mohieddine El Annawawi
133
prenez votre parure, lors de chaque office (de prière)71 ». Le Prophète
(SWS) recommandait à ses compagnons de ne pas négliger leur personne,
de rester toujours propres et de porter des vêtements convenables. Il
prônait le juste milieu dans tout, y compris les habits : « Celui qui renonce
à de beaux vêtements par humilité, alors qu’il a les moyens d’en porter,
sera appelé par Allah le Jour de la résurrection, à la tête de la création et
sera grandement récompensé » ou « Mangez, donnez la charité et
habillez-vous sans extravagance ni vanité » ou encore « Dieu habillera de
disgrâce celui qui porte des vêtements par ostentation ». Dieu ordonne au
Prophète (SWS) : « Et tes vêtements, purifie 72» Le Prophète a aussi blâmé
le fait de porter des vêtements sales. Jâbir raconte que le Prophète, voyant
un jour un homme vêtu de vêtements sales, lui dit : « Cet homme ne
trouve-t-il donc pas de quoi laver ses vêtements?73 » Un compagnon du
Prophète Mâlik ibn Nadhla, raconte : j'étais assis en compagnie du
Prophète et j'avais sur moi des vêtements de mauvaise qualité ("ratth"). Le
Prophète me dit : "As-tu des biens ? - Oui, Messager de Dieu, je possède
des biens de toutes sortes. - Eh bien, Dieu qui t'a donné ces biens,
voudrait bien voir leur effet transparaître sur toi 74 ».
L'Islam recommande l’hygiène alimentaire. En plus de se laver les mains
avant et après les repas, il faut satisfaire, sans excès, ses propres besoins et
ne pas gaspiller la nourriture. Dieu dit : « Et mangez et buvez ; mais pas
d’excès ! Dieu n’aime pas les excessifs ». Dans un hadith célèbre, le
>$N%� 2آ $�� �>.� E�4 أدم @!وا ز.��8 Coran (7,31) 71 >��[� J4��\ و< Coran (74,4) 72
73 Recueil de hadiths d’Abou Daoud 74 Recueil de hadiths d’Abou Daoud
134
Prophète disait « nous sommes une communauté dont les membres
mangent quand ils ont faim et quand ils mangent, ils ne se gavent point »
ou encore, après avoir mangé, il faut se débarrasser des déchets des
aliments, de leurs traces et de leurs odeurs. L’Islam recommande
l’hygiène de la bouche et le nettoyage des dents. Le musulman ne doit pas
boire directement de la bouche d’une carafe ou d’une bouteille. Quand il
boit, il ne doit pas expirer ou souffler l’air à l’intérieur d’un récipient. De
même, il ne doit pas boire d’un seul trait mais de façon graduelle et
entrecoupée. Il doit aussi entretenir ses cheveux. Abu Qatâda rapporte ce
qui suit : « J'ai dit: ô Envoyé de Dieu! J’ai une chevelure abondante, dois-
je la peigner ! Il m'a dit : Oui, et honore-la !75».
Si L’Islam a interdit certaines choses comme le vin, l’alcool, la viande
non égorgée et la fornication, c’est pour assurer une protection contre bon
nombre de maladies graves. De même, quand le musulman tombe malade,
il doit tout faire pour se soigner jusqu'à guérison. L'Islam invite les gens à
chercher les remèdes efficaces aux maux qui les touchent. Le Prophète
(SWS) a dit : « Dieu n'a jamais fait exister un mal sans faire exister son
remède, aussi, soignez-vous et ne recourez pas dans vos soins à des
choses illicites76 ». L’Islam interdit de recourir au charlatanisme pour
rechercher la guérison.
En Islam, le programme journalier des prières règle l’hygiène de vie et
l’équilibre physique et moral du croyant, en plus de la propreté purement
corporelle : il doit se lever de bonne heure et éviter de veiller tard. Il
75 Recueil de Muslim 76 Recueil de Boukhari
135
travaille de l’aube jusqu’à la prière de la mi-journée, ce qui représente pas
moins de sept heures de temps par jour, en moyenne, durant l’année.
Ensuite, il se repose et fait un petit somme après le déjeuner. Après quoi,
il reprend ses activités selon les besoins de la communauté ou se consacre
aux activités religieuses ou collectives jusqu’à la dernière prière du jour
sans oublier de faire ses prières en congrégation à la mosquée.
La santé de l’homme ne dépend pas seulement de l’hygiène corporelle,
elle concerne également les lieux d’habitation où l’on passe une grande
partie de sa vie. L’habitat est aussi un lieu de prière et de recueillement
qui doit être propre. Toute forme de salissure doit être écartée pour ne pas
contaminer l’air, l’eau, le sol, l’espace où l’on vit, le lieu où l’on prépare
les aliments et les endroits où l’on sommeille. L’état de propreté de
l’habitation doit refléter celui de la pureté du croyant. L’eau utilisée pour
les ablutions doit être propre et exempte de toute impureté. On veille
particulièrement à l’endroit réservé à la prière et à la méditation. La
maison est aussi le lieu où les enfants reçoivent, en grande partie, leur
éducation. Il faut qu’ils y trouvent et apprennent tous les pratiques de
l’hygiène. Les parents et surtout la mère doivent initier les enfants à ces
pratiques et devenir eux-mêmes des symboles de référence en matière
d’hygiène. L’Islam recommande également la propreté du voisinage avec
les voisins mitoyens et les passants. Le prophète (SWS) a dit : « gardez
propre le devant de votre maison de façon à ne point offenser les
passants ». Ce qui couvre aussi bien les nuisances visuelles que les
nuisances matérielles. Il s’agit de ne pas gêner les passants et de respecter
la vie en communauté.
L‘hygiène ne concerne pas seulement le corps, mais également notre
136
environnement. Comme on l’a déjà dit, l’Islam est une religion basée sur
la solidarité de groupe et l’individu doit s’y insérer par son comportement.
Le croyant doit considérer, que toute atteinte à un membre de la
communauté, est une atteinte contre lui-même. A fortiori, il ne doit pas
être lui-même à l’origine d’une quelconque nuisance pour les autres. Ceci
s’applique en particulier dans le domaine de l’hygiène. Les lieux
communs publics de regroupement doivent bénéficier de la plus grande
attention en matière d’hygiène. Dans un souci de prévention et pour éviter
les contaminations ou transmissions de saleté par le milieu extérieur,
l’islam impose, pour chacune des cinq prières journalières, les ablutions,
premières mesures imposées aux croyants avant de pénétrer dans la
mosquée. Pour marquer le respect de l'Islam pour l'individu et le groupe, il
est interdit, pour celui qui a consommé de l'ail, de l'oignon, de pénétrer
dans la mosquée ou d'assister aux rassemblements et réunions parce que la
mauvaise odeur, qui peut émaner de lui, risque d’indisposer les autres
croyants. Cette interdiction s’applique aussi à ceux qui sont atteints de
maladies et qui dégagent de leurs bouches ou de leurs corps de mauvaises
odeurs. De telles règles d’hygiène constituent une protection de la santé
collective des croyants. L’observation de l’hygiène concerne aussi la voie
publique. Le Prophète (SWS) a dit « Chaque pas que le fidèle effectue
pour aller à la prière est une aumône et chaque saleté ou toute chose
gênante qu'il enlève du chemin est une aumône77». ou encore « le meilleur
de la foi est d’affirmer qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Lui et le minimum
de la foi est de débarrasser la voie publique des nuisances gênantes ».
77 Recueil de Boukhari
137
Parmi les moyens de prévention prescrits par l'Islam, il y a l'obligation de
faire ses besoins dans des endroits isolés et profonds afin d’éviter que les
excréments polluent l’eau ou souillent la voie publique ou les lieux
communs publics d'affluence. Le Prophète (SWS) a dit « Evitez de
commettre les trois grands péchés dont l’auteur est maudit : faire ses
besoins près des points d’eau, dans les chemins et dans les endroits
ombragés78». On rapporte qu’il a inclus aussi les arbres fruitiers. Ces
endroits sont des lieux vitaux qu’il convient de tenir propres parce qu’ils
sont fréquentés aussi bien par les gens que par les animaux. Pour la
sauvegarde de la qualité intrinsèque de l’eau, le Prophète (SWS) a interdit
d’uriner aussi bien dans l’eau stagnante que dans l’eau courante. Quand
une épidémie se déclare dans un lieu donné, il faut procéder au blocus et
empêcher quiconque d'y pénétrer ou d'en sortir jusqu'à éradication du
fléau. Le Prophète (SWS) a dit : « Lorsque vous apprenez l'apparition de
la peste dans un endroit, n’y pénétrez pas et lorsqu’elle survient dans un
endroit où vous vous trouvez n’en sortez pas79 " Cela ne signifie pas que
l'Islam ne compatit pas avec les habitants du pays touché par un fléau,
seulement, il recommande vivement d'y rester, car dans ces cas là,
beaucoup de gens désirent échapper pour épargner leur vie, mais ils
risquent ainsi d’exposer la communauté dans son ensemble à un danger
plus grand. Ce qui est conforme au critère de base : accepter un moindre
mal pour éviter un plus grand. A ce sujet, le Prophète (SWS) a dit : « A
tout croyant se trouvant dans un pays où il y a la peste, qu’il ne le quitte
pas et qu’il y reste avec sérénité et confiance en sachant qu’il ne subira
78 Recueil de Thirmidi 79 Recueil de Boukhari
138
que ce que Dieu aura décrété pour lui ; sa rétribution par Dieu sera égale
à celle du martyr80 ». L'Islam prescrit de se prémunir contre tout
phénomène de contagion. Le prophète (SWS) a dit : « Aucun malade
atteint de maladie contagieuse ne doit approcher une personne saine » ou
encore « fuis les lépreux comme tu fuis devant un lion81».
5.4.5 Géographie, topographie et communication
La pratique du pèlerinage, l’un des cinq piliers de l’Islam et les nécessités
du commerce s’ajoutèrent aux exigences de la vie administrative pour
poser le problème des communications à travers le vaste empire
musulman. Toutes les fois qu’un courrier partait pour une destination
quelconque, depuis le Turkestan jusqu’en Egypte, le calife Omar
l’annonçait dans la capitale afin que les correspondances et colis privés
puissent être remis dans les délais impartis pour être joints au courrier
officiel. Les directeurs des postes préparaient des répertoires routiers dont
la publication était toujours accompagnée de descriptions historico-
économiques plus ou moins détaillées de chaque endroit traversé et dont
les noms étaient classés par ordre alphabétique. C’était une façon
d’organiser, d’optimiser et d’assurer de façon pratique l’information
géographique et les communications. Cette géographie littéraire conduisit
à des études scientifiques. On traduisit en arabe la géographie de Ptolémée
tout comme les ouvrages indiens. Les récits des voyageurs enrichissaient,
sans cesse et chaque jour, les connaissances déjà acquises. L’origine
cosmopolite des différentes sources créa la synergie nécessaire pour les
80 Recueil de Boukhari 81 Recueil de Boukhari
139
applications pratiques. On connaît la réponse d’Abou Hanifa en l’an 767
de l’ère chrétienne à un Moutazalite qui lui demanda où se trouvait le
centre de la terre : « là même où tu assois ». Cette réponse ne vaut que
dans le cas d’une terre sphérique. Des mappemondes parmi les plus
anciennes des musulmans représentent la terre en cercle, comme par
exemple celle d’Ibn Hauqual dont la cartographie permet d’identifier
facilement tous les pays méditerranéens ou ceux du Proche-Orient. La
carte d’Idrîsi, préparée pour Roger de Sicile (1101-1154) étonne par sa
grande exactitude. Les cartes arabo-musulmanes placent le Sud en haut et
le Nord en bas. Les voyages maritimes nécessitaient l’emploi de tables de
longitudes et de latitudes ainsi que l’astrolabe et autres instruments de
navigation. Des milliers de pièces de monnaie musulmane ont été
découvertes dans des fouilles en Scandinavie, Finlande et en Russie. Ce
qui montre l’importance de l’activité commerciale des caravaniers
musulmans au cours du moyen âge. Ibn Majid, qui pilota Vasco Gama
jusqu’en Inde, évoque déjà la boussole comme un instrument bien connu.
Les marins musulmans étonnaient par leur habilité de navigation à voile
depuis Bassora en Irak jusqu’en Chine. Les mots amiral, arsenal,
mousson, douane, tarif, etc., sont tous d’origine arabe et témoignent
suffisamment de l’influence musulmane concernant les connaissances
géographiques terrestres et maritimes.
5.4.6 Astronomie
Selon lbn Sînâ (Avicenne), l’astronomie était une des quatre disciplines
fondamentales (arithmétique pure, géométrie, astronomie et musique) des
sciences mathématiques. Un grand nombre d’étoiles, de nos jours, sont
connues par leurs noms d’origine arabe : Aldébaran, Algénib, Algol,
140
Alcor, Wéga, Déneb, etc... Il en est de même de nombreux termes
astronomiques tels que Zénith, Azimut, Nadir, Almicantarat etc... Du
temps d’Al Mamoun, fils de Haroun El Rachid à l’observatoire du Mont
Kassiyoum près de Damas, les astronomes dressèrent les tables dites
«éprouvées» ou «Mamouniques».
Mohamed Ben Moussa entreprit de mesurer la circonférence de la terre,
avec un groupe d’astronomes, partant d’un même point. Un groupe se
dirigea vers le Nord et l’autre vers le Sud jusqu’à ce que le premier groupe
vit l’étoile polaire s’élever sensiblement et que le second la vit descendre
du même nombre de degrés. D’après la distance qui séparèrent ces deux
groupes, les observateurs calculèrent un degré du méridien et cela avec
une précision tout à fait étonnante. Le même Mohamed Ben Moussa, en
collaboration avec son frère Achmed, fabriqua une horloge de cuivre aux
dimensions gigantesques. Tandis qu’il observe les changements cycliques
des levers et couchers des étoiles les plus importantes, Achmed adapte les
calculs extrêmement compliqués de son frère à un appareil d’un
raffinement génial et d’une précision parfaite. Voici ce qu’en dit le
médecin Ibn Rabban At-Tabari : « Devant l’observatoire de Samarra, j’ai
vu un appareil construit par les frères Mohamed et Achmed Ben Moussa,
tous deux passionnés d’astronomie et de mécanique. Sur cet appareil en
forme de sphère sont représentés les constellations et les signes du
zodiaque. Il est mû par la force hydraulique. A l’instant où une étoile se
couche dans le ciel, son image disparaît sur l’appareil en descendant sous
une ligne circulaire qui représente l’horizon. L’étoile remonte t-elle dans
le ciel, son image réapparaît aussitôt sur l’appareil en dessus de la ligne
d’horizon ».
141
AI Farghani calcula les longitudes terrestres et fut le premier à découvrir
que le soleil et les planètes décrivaient des orbites en sens contraire du
mouvement diurne. Mais AI Khowaresmi, par de nouvelles recherches sur
l’apparition de la nouvelle lune, sur les éclipses de soleil et de lune et sur
les parallaxes, calcula aussi avec plus de précision l’obliquité de
l’écliptique et découvrit de nouvelles méthodes pour déterminer la latitude
d’un lieu.
C’est Ibn Rochd (Averroès) qui découvrit les taches solaires à la surface
du soleil. La réforme du calendrier par Omar khaiyâm dépasse de loin
celle du calendrier grégorien. Les bédouins arabes préislamiques, qui se
déplaçaient dans le désert et conduisaient des caravanes, avaient déjà
développé une observation astronomique très précise, non seulement pour
les voyages nocturnes mais aussi pour la prévision météorologique (pluie,
vent, etc..). Des dizaines de livres (Kitâb El Anwâ) renferment les
connaissances arabes sur ce point. Plus tard, on traduisit les ouvrages
sanscrits, grecs, etc. La confrontation des données divergentes exigea de
nouvelles observations, expériences et recherches. Des observatoires
virent le jour partout et sous le calife Mamoun, on mesura la circonférence
de la terre avec une bonne exactitude. On rédigea, de très bonne heure, des
ouvrages sur les flux et les reflux marins, l’aube, le crépuscule, l’arc-en-
ciel, le halo et surtout le mouvement du soleil et de la lune.
5.4.7 Sciences naturelles
Les savants musulmans ont très tôt développé les systèmes d’observation
des ressources naturelles et des expériences en évitant tout préjugé. La
méthode utilisée fut remarquable : on commença par un premier travail de
classification, par la préparation de dictionnaires où furent répertoriés les
142
termes techniques de la langue arabe. Avec une patience extraordinaire,
on dépouilla la poésie et la prose qui constituaient l’essentiel de
documents écrits et l’on releva (avec les citations utiles) chaque terme
technique qui fut en outre classé dans son lexique propre : anatomie,
zoologie, botanique, astronomie, minéralogie, etc. Chaque génération
révisa les travaux de la précédente pour y ajouter de nouveaux termes. Les
listes ainsi établies de termes portaient des observations littéraires ou
anecdotiques et s’avérèrent d’une grande utilité lorsque commença
l’œuvre de traduction. Rare fut le cas où il fallut faire appel à un mot
étranger en l’arabisant.
- Botanique
A l’exception des noms de certaines plantes, qui ne poussaient pas dans
l’empire musulman, il n’y avait pas un seul terme d’origine étrangère. On
trouva tout dans la langue arabe. L’encyclopédie botanique de Dînawarî
(an 895 de l’ère chrétienne), en six gros volumes, fut rédigée avant même
qu’on procéda à la traduction en arabe du premier livre grec sur la
botanique. Silberberg disait : « Après mille ans d’études, la botanique des
Grecs se résumait aux ouvrages de Dioscorides et de Théophraste, mais le
tout premier livre musulman de Dînawarî sur le sujet, les dépasse déjà de
loin en érudition et en ampleur ». Dînawarî a non seulement décrit
l’extérieur des plantes mais aussi leurs propriétés alimentaires,
médicinales et autres. Il les classifia et précisa leurs habitats.
Figure 15 : Sciences naturelles
- Zoologie
Dans la zoologie, l’observation de la vie des bêtes sauvages et des oiseaux
était une tendance naturelle chez le bédouin et un sujet de méditation, de
contemplation et d’inspiration poétique. Jâhiz (an 868 de l’ère c
a laissé un gros traité de vulgarisation sur la vie des animaux. Divers
traités ont été consacrés à la pêche.
- Minéralogie
La minéralogie attira l’attention des savants aussi bien dans un but
médical que pour connaître les pierres précieu
souverains et les riches. Les travaux de Bîrûni et autres sont encore
utilisables dans ce domaine. On avait aussi
SCIENCES NATURELLES
BOTANIQUE
MINERALOGIE
143
: Sciences naturelles
Dans la zoologie, l’observation de la vie des bêtes sauvages et des oiseaux
était une tendance naturelle chez le bédouin et un sujet de méditation, de
contemplation et d’inspiration poétique. Jâhiz (an 868 de l’ère chrétienne)
a laissé un gros traité de vulgarisation sur la vie des animaux. Divers
traités ont été consacrés à la pêche.
La minéralogie attira l’attention des savants aussi bien dans un but
médical que pour connaître les pierres précieuses très recherchées par les
souverains et les riches. Les travaux de Bîrûni et autres sont encore
utilisables dans ce domaine. On avait aussi beaucoup développé le
SCIENCES NATURELLES
BOTANIQUE
ZOOLOGIE
144
traitement des perles marines.
5.4.8 Chimie et physique
C’est le Coran qui a maintes fois incité les musulmans à réfléchir sur la
création de l’univers et à étudier comment les cieux et la terre obéissaient
à des lois d’équilibre perpétuel. Il n’y a pas de conflit entre foi, science et
raison. De très bonne heure, les musulmans ont développé l’étude de la
chimie et de la physique. On en attribue déjà à Khalid Ibn Yazid (an 704
de l’ère chrétienne), à Ja’far As Sâdiq (an 765 de l’ère chrétienne) des
ouvrages et à leur élève Jabir Ibn Hayân (an 776 de l’ère chrétienne) qui
est resté célèbre à travers les âges. Le trait caractéristique de leurs travaux
a été l’expérimentation objective au lieu et place de toute spéculation
subjective. Grâce à l’observation, ils accumulèrent une somme colossale
de faits. Sous leur influence, l’ancienne alchimie se transforme en science
exacte basée sur la démonstration. Déjà, Jabir connaissait les réactions
chimiques de calcination et de réduction. C’est lui qui développa les
méthodes d’évaporation, de sublimation et de cristallisation. Les savants
découvrirent les alcalis, l’alcool et la distillation des parfums. Ce sont des
générations, des siècles d’efforts et de patience qui furent nécessaires
avant d’atteindre le stade pratique des applications opérationnelles qui
permettrait à l’homme d’en tirer profit. Les traductions latines des
ouvrages de Jabîr et autres suffisent à prouver combien la science
moderne est redevable à l’œuvre des savants musulmans. Ibn Fîrnas (an
888 de l’ère chrétienne) inventa un appareil qui lui permit de voler sur une
grande distance. Il mourut au cours de l’un des essais en vol. On inventa
aussi des appareils mécaniques pour renflouer les bateaux coulés ou les
charges importantes.
145
En plein XIIIe siècle, Jalal Eddine Roumy, un des grands soufis
musulmans, enseignait « Que si l'on coupait un atome, on y trouverait un
noyau avec des planètes tournant autour ». Il a eu, d'ailleurs, la prescience
de l'énergie extraordinaire contenue dans ces atomes, annonçant qu'il
fallait faire très attention à ne pas provoquer un choc qui pourrait réduire
le monde en cendres82
- Optique
L’optique est l’un des domaines scientifiques le plus développé par les
savants musulmans. On possède le livre des rayons de Kindî qui date du
IXe siècle, déjà bien en avance sur la science grecque des miroirs à
incendie. AI Kindi introduisit, dans la géométrie, la détermination au
moyen du compas, calcula les poids spécifiques de divers liquides et
procéda à des expériences basées sur les lois de la gravitation et de la
chute des corps. Il introduisit la théorie de l’atome selon laquelle il
affirmait «les corps sont divisibles à l’infini sans qu’on puisse jamais
parvenir à quelque chose qui ne soit pas divisible».
Vint ensuite Ibn Al Haithem connu sous le nom d’Al-Hazen (an 965 de
l’ère chrétienne), qui est resté longtemps célèbre. lbn AI-Haïtham
découvrit que tous les corps célestes, y compris les étoiles fixes,
émettaient une lumière propre (bande spécifique de radiations, la lune
seule recevant sa luminosité du soleil, Voici ce qu’il disait « Ce n’est pas
un rayon partant de l’œil qui produit la vision. C’est au contraire l’objet
perçu qui envoie ses rayons vers l’œil, lequel les assimile par le
82 Eva de Vitray-Meyerovitch : Islam , l'autre visage, 1972
146
truchement de son corps transparent ». AI Hazen explora les divers
domaines de l’optique géométrique. Au cours d’une longue série
d’expériences méthodiques, il en vient à étudier tout ce que les sources de
lumière peuvent lui enseigner. Il est le premier à se servir pour ses
expériences d’une chambre noire (ancêtre de l’appareil photographique)
qui lui fournit la preuve de la trajectoire rectiligne du rayon lumineux et,
c’est à peine s’il ose en croire ses yeux, du renversement des images. AI
Hazen découvre également l’explication de la réfraction de la lumière à
son passage d’un milieu dans un autre, en passant par exemple de l’air
dans l’eau, découverte qui lui permet de calculer avec une étonnante
précision l’épaisseur de la troposphère qu’il évalue à quinze kilomètres
(mesures actuelles: 6 km au pôle, et 17 km à l’équateur). Il étudie les
causes du halo lunaire, de la formation du crépuscule et de l’arc-en-ciel. Il
applique ses connaissances à la fabrication d’instruments d’optique. Il
étudie et calcule la réflexion dans le miroir concave du segment sphérique
et de la section conique et découvre les lois de la projection lumineuse. Il
détermine le grossissement tant du miroir concave que de la loupe et
projette la première paire de lunettes.
5.4.9 Mathématiques
Les sciences mathématiques sont le domaine où les savants musulmans
ont le plus excellé et les ineffaçables traces de leurs travaux sont encore
vivantes de nos jours comme l’invention du zéro et des chiffres
élémentaires de la numération décimale qu’on continue d’appeler les
chiffres arabes. Les mots : algèbre, zéro, chiffres, etc. sont d’origine
arabe. Parmi les savants les plus célèbres en dehors de Jabir, on peut citer
Khawarizmi, Omar Khayam, Birouni au même titre qu’Euclide ou le
147
savant indien Siddantha, etc. La trigonométrie était inconnue des Grecs et
le mérite de sa découverte revient sans doute aux mathématiciens
musulmans.
5.5 ARTS
C’est le Coran, qui en premier lieu, est à l’origine du développement de
l’art chez les musulmans : la récitation liturgique du Coran créa la
musique, la conservation même du texte du Coran et donna naissance à la
calligraphie. La mosquée inspira l’architecture et l’art décoratif. Plus tard,
vinrent s’ajouter les besoins profanes liés à la sédentarisation, aux lieux
d’habitation et aux institutions publiques. Dans le domaine de l’art, les
musulmans apportèrent leur contribution en évitant certains traits nuisibles
et en prônant d’autres désirables. Dans son souci de garder l’équilibre
entre le corps et l’esprit, l’Islam enseigne la modération et la sobriété en
toute chose. Il guide les talents naturels vers le bon chemin et suscite chez
l’homme un tout harmonieux. Dans le recueil des hadîts de Mouslim, le
Prophète (SWS) dit : « Dieu est beau et aime la beauté » ou encore : « de
la beauté en toute chose ! ». Dieu parle souvent de la beauté dans de
nombreux versets du Coran : « Nous avons embelli de lampes le ciel le
plus proche (ciel de la terre83) » ou encore : « Oui, Nous nous sommes
attelés à embellir la terre, tout ce qui s’y trouve, afin d’éprouver qui
d’entre eux est le meilleur à l’œuvre84 ». On raconte un épisode particulier
de la vie du Prophète (SWS) : un jour, il vit que l’intérieur d’une tombe
n’était pas bien aplani, il ordonna sa rectification, en ajoutant toutefois
> $? > dز.�� �,�ء ا $��� �4�a,4و Coran (67,5) 83 > `,�9ه� أ.�� أ=6% C� �� �E9 اTرض ز.�* �� ��9�D إن < Coran (18,7) 84
148
que cela ne pouvait ni nuire ni faire du bien au mort, mais que c’était plus
agréable aux yeux des vivants. Le goût de l’art et l’esthétique sont des
facteurs innés chez l’homme. Comme pour tout autre don naturel, l’Islam
cherche le développement des talents artistiques mais avec mesure.
Rappelons que l’excès, même dans la mortification et les pratiques
spirituelles est défendu en Islam. Le premier minbar (chaire de prédication
dans la mosquée) peut être considéré comme l’une des premières
réalisations artistiques de l’Islam. Il a été conçu pour le Prophète (SWS) et
portait pour décoration deux boules symbolisant deux pommes. Les deux
jeunes petits fils du Prophète (SWS) s’en amusaient. Ce fut le début de la
sculpture du bois chez les musulmans. Plus tard, on enlumina les copies
du Coran et on apporta les plus grands soins à leur reliure. L’Islam
encourage l’essor artistique. Pour extirper toute germe d’idolâtrie chez les
premiers musulmans, l’islam avait interdit la figuration humaine ou
animale dans les œuvres d’art. En Islam, les arts non figuratifs ont connu
un essor étonnant. Le Coran lui-même recommande la recherche de la
grandeur dans la réalisation des mosquées : « dans les mosquées que Dieu
a permis d’élever afin que son nom y soit évoqué85 ». La mosquée
Sulaimania d’Istanbul, le mausolée Tâj Mahal d’Agra en Inde, le palais de
l’Alhambra en Espagne et autres monuments, ne le cèdent en rien à ceux
des autres civilisations, ni en architecture, ni en décoration artistique. La
calligraphie comme art est une spécialité musulmane. On l’utilise pour
l’écriture ou la réalisation de tableaux. On l’emploie sur les peintures ou
sculptures murales.
�4ت أذن ا' أن #��f و .!آ� ���� ا�,� < E� < Coran (24,36) 85
149
Un art particulier aux musulmans est la récitation du Coran. Non
accompagné d’instruments de musique, pas même écrit en vers, le Coran
se prête admirablement à la récitation. Dès l’époque du Prophète (SWS),
la langue arabe donne à sa prose une mélodie qui dépasse celles des vers
rythmés. Ceux qui écoutent l’appel du muezzin, répété du haut des
minarets cinq fois par jour, savent que cet appel a son propre charme. La
musique et le chant profane, sous le patronage des rois musulmans et des
riches, ont reçu un développement inégalable chez les musulmans.
Les théoriciens comme Farabi, les auteurs de Rasaîl Ikhwan Es Safa,
Avicenne et autres n’ont pas seulement laissé des monuments
scientifiques importants mais apporté d’appréciables corrections à la
musique grecque et indienne et innové dans le domaine de la composition
musicale. Ils employèrent des signes musicaux pour enregistrer la
musique et créèrent de nombreux instruments. Le choix de la mélodie, des
vers et des instruments, selon les besoins et les circonstances (joie,
tristesse, maladies) a fait l’objet d’études approfondies. A propos de la
poésie et des vers, le Prophète (SWS) disait : « Il est des vers pleins de
sagesse et des discours qui ont l’effet de magie ». Ce qui pousse le
musulman, dans sa façon de communiquer et dans son désir de transmettre
son message, à choisir les mots et les phrases les plus appropriés pour
sensibiliser et marquer profondément son interlocuteur. De son vivant, le
Prophète (SWS) s’entoura des meilleurs poètes de son époque, leur montra le
chemin à suivre et les limites à observer en faisant la part entre les bons et
mauvais côtés de ce talent naturel. Les œuvres poétiques musulmanes se
retrouvent dans toutes les langues et à toutes les époques. L’Arabe est maître
des lieux en poésie : témoins ces synonymes qu’il emploie : Bait signifie un
vers à deux hémistiches et aussi une tente, Misrâ : le flanc d’une tente et aussi
150
l’hémistiche ; Sabab : la corde de la tente et aussi le pied prosodique ;
Watad : le piquet de la tente ainsi que la partie du pied prosodique.
5.6 EDUCATION86
MM. R.Y. Ebied (études sémites) et M.J.L. Young (études
arabes)87 disaient : « La civilisation arabe est à l’origine de deux
au moins des grandes institutions modernes : l’hôpital et
l'observatoire. On lui doit, sans doute, une troisième:
l’Université ».
Il faut remarquer tout d’abord, qu’au cours du premier siècle de l’empire
islamique, l’enseignement public, tout au moins dans les premiers temps
et faute de disposer de supports appropriés à grande échelle, n’était pas
basé sur l’écriture à l’exception sans doute de quelques cercles privilégiés
qui avaient les moyens nécessaires ou dont les parents étaient des
personnalités lettrées. Les formules générales d’enseignement reposaient
essentiellement sur la mémoire à l’instar des rhapsodes et des lecteurs du
Coran. L’enfant apprenait à lire et à écrire. Il devait ensuite apprendre le
Coran par cœur puis le réciter en le psalmodiant selon des règles bien
établies. On transmettait également les traditions (hadîts) du Prophète
(SWS) dans un souci d’enseignement.
86 UNESCO ‘Histoire de l’humanité’ volume III pages 356-367 87 R.-Y. Ebied et M.-J.-L. Young : Écoles musulmanes et universités européennes -Le monde de l’éducation-
151
5.6.1 Enseignement primaire
L’enseignement se faisait dans des écoles. W. Marçais décrivait celles du
IXe siècle en Tunisie où les enfants apprenaient à lire, écrire, compter et
réciter le Coran et où ils commençaient l’étude de la grammaire : « Sur la
vie de ces écoles (les kuttâb), nous possédons un document fort curieux.
C’est un recueil de droit coutumier intitulé ‘Règles de conduite des
maîtres d’école’. Le contenu en remonte à Sahnûn lui-même au IXe
siècle ». On peut résumer ainsi les informations fournies par Sahnûn : les
élèves lisaient jusqu’au milieu de la matinée et la leçon d’écriture
remplissait en principe le reste de la journée. Ce travail était interrompu
par des récréations. Les révisions des matières étudiées se faisaient dans
l’après-midi du mardi et la matinée du jeudi. Le vendredi était jour de
repos. Les congés pour les fêtes du mois du Ramadan (Aid Al- Fitr)
étaient de trois jours et celles du grand sacrifice (Aid El Kébir) de trois à
cinq jours. Les frais de scolarité étaient réglés soit mensuellement, soit
annuellement. Les textes de lois existant permettaient aux juges de
trancher les différends éventuels entre parents et maîtres d’école, soit au
sujet des enfants eux-mêmes, soit en ce qui concerne le traitement des
enseignants. Les programmes d’enseignement concernaient
l’enseignement du Coran, l’enseignement religieux, la lecture et l’écriture,
l’histoire préislamique, l’histoire du Prophète (SWS) et de ses
compagnons, la poésie, la grammaire, la rédaction, le vocabulaire,
l’arithmétique et la calligraphie. Dans les mosquées, les étudiants ou
enfants étaient assis généralement sur une natte à même le sol, disposés en
anneau (halqa) autour du maître adossé à une colonne ou un pilier. Cette
disposition persiste encore de nos jours dans de nombreuses mosquées
152
dans le monde musulman. Lieux d’enseignement, les mosquées ont
disposé très tôt de bibliothèques contenant des livres de cours et des
ouvrages de consultation usuelle. Selon un témoignage d’Anas sur
l’enseignement au temps des quatre premiers califes, il est rapporté: « que
l’enfant copiait ce qui était à apprendre sur une ardoise, et l’ayant retenu,
l’essuyait avec un chiffon imbibé d’eau que chaque matin, à tour de rôle,
les élèves préparaient dans un seau qu’on vidait le soir dans un trou ».
Cette tradition subsiste de nos jours dans de nombreuses régions du
monde arabe.
5.6.2 Enseignement secondaire et supérieur
Pendant longtemps, il n’y avait pas de séparation nette entre les
enseignements secondaire et supérieur. Un programme rédigé par le
secrétaire Omeyyade Abd Al Hamid précisait : « Recherchez avec ardeur
la connaissance de tous les genres de littérature et tachez de vous rendre
savants dans les sciences religieuses en commençant par le Livre de Dieu
et par les prescriptions de la Loi divine. Cultivez la langue arabe, afin de
parler avec correction, travaillez ensuite à vous faire une belle écriture,
car c’est la preuve qui doit orner vos écrits : apprenez par cœur les
poèmes des Arabes; familiarisez-vous avec les nouvelles idées et les
expressions qu’elles renferment : lisez l‘histoire des Arabes et des Perses,
retenez dans votre mémoire les récits de leurs hauts faits ».
Grâce au répertoire (Fahras) élaboré par Nadîm, on possède une liste
d’ouvrages qu’on trouvait en librairie au marché de Baghdad. C’est le
tableau le plus achevé qui ait pu être dressé de la civilisation culturelle en
langue arabe depuis l’avènement de l’Islam. On prenait beaucoup de soin
à transcrire les recueils scientifiques et on les relisait attentivement pour
153
assurer l’exactitude des textes en les corrigeant sous la dictée de ceux qui
les connaissaient par cœur et en fixant l’orthographe des mots de façon
aussi précise que possible.
Ibn Khaldoun citait les grands centres culturels de l’Islam entre les VIIIe
et IXe siècles: « Nous pouvons parler de la haute prospérité dont
jouissaient Baghdad, Kairouan, Cordoue, Basra et Kufa, on y adoptait
divers systèmes technologiques pour la pratique de l’enseignement ; on
s’y occupait à résoudre les problèmes scientifiques et à cultiver les
sciences dans toutes leurs branches et l’on avait fini par l’emporter sur
les Anciens ».
5.7 TRAVAIL
Le travail n’est pas une valeur figée, mais changeante et diffère d’une
culture à l’autre. Si dans la culture islamique, le travail n’est pas méprisé,
c’est le contraire dans les civilisations hellénique et romaine où il a été
dévalorisé tout au long du Moyen Âge chrétien. En Islam, tous les
hommes doivent avoir des chances égales leur permettant d’accomplir des
travaux rétribués correspondant à leurs capacités. On doit écarter les
obstacles et éviter toute forme de discrimination en matière d’emploi.
En Islam, le travail est un acte de dévotion (‘ibâda) qui est considéré
comme une valeur sacrée au même titre que la prière et le jeune. L’Islam
défend la valeur du travail en tant qu’activité enrichissant l’esprit et la
personnalité et en même temps comme un acte de glorification de Dieu.
Travailler, c’est se réaliser hors de soi-même vis-à-vis de la société. Le
travail est un remède contre l’oisiveté qui génère toutes sortes de
154
déviations à l’origine de la corruption sociale. Il acquiert par là même
indéniablement un attribut thérapeutique. C’est par le travail qu’une
société assure sa marche vers le progrès et s’affranchit des tâches ingrates
de tous les jours. Le travail demeure le meilleur creuset dans lequel
coulent les volontés humaines. Il rapproche les esprits et unit les cœurs
dans un élan de solidarité. Il est à la fois un moyen pour l’homme
d’assurer sa subsistance, de défendre sa dignité et de s’affranchir de la
misère, source de dégradation humaine. Il a des valeurs et engage des
vertus, son importance spirituelle et métaphysique est inséparable de sa
haute signification morale.
En Islam, le travail implique l’ouvrier et le patron tous deux conscients de
l’omniprésence de Dieu. L’Islam prescrit à l’ouvrier de mettre toute sa
compétence et son ardeur pour réaliser son travail. Le prophète (SWS)
dit : « Dieu récompensera celui qui fait un travail et l’accomplit avec
perfection ». En exécutant son travail, le croyant sait qu’il est sous la
supervision de Dieu omniprésent en tout temps et en tout lieu. Le croyant
répondra devant de Dieu de toute négligence ou manquement à ses
obligations professionnelles. Ce n’est pas le patron qu’il doit craindre
mais Dieu qui enregistre le moindre de ses mouvements ou activités, ainsi
que la façon de le réaliser.
L’Islam prescrit au patron, en sa qualité de croyant, de respecter l’ouvrier
qui est son frère en religion. Il doit l’entourer de respect et de protection.
A ce titre, il ne doit pas, en aucune façon, transgresser les droits de
l’ouvrier. Le prophète (SWS) exhorte le patron « à verser à l’ouvrier
avant que ne sèche la sueur de son front »
Le patron comme l’ouvrier agissent sous l’œil vigilant de Dieu qui a placé
155
le patron et l’ouvrier sur le même pied d’égalité en tant que croyants en
les exhortant tous deux à être responsables et solidaires et à s’entraider
mutuellement au bénéfice de leur entreprise et par voie de conséquence
dans l’intérêt de la communauté. L’ouvrier doit préserver le bien de son
patron qui, à son tour, doit assurer une rétribution suffisante à son ouvrier
pour lui permettre de mener une vie pleine de dignité en le mettant à l’abri
du besoin, en protégeant sa santé et en améliorant les conditions de travail.
En conséquence, si l’ouvrier comme le patron appliquaient les
prescriptions islamiques dans leurs rapports de travail, ils n’auraient pas
besoin de faire appel à la loi, de constituer des syndicats ou de recourir à
une intervention quelconque des services de l’État.
A ce jour, le modèle qui caractérise les relations de travail dans la majeure
partie des pays musulmans est celui importé de l’occident. On oublie la
nécessité de l’adapter à la société musulmane où prévalent les valeurs
islamiques ancrées dans l’esprit et la culture propre du travailleur et qui
font sa fierté et sa motivation. L’Islam rejette l’exploitation capitaliste du
travailleur et l’asservissement communiste qui fait de l’ouvrier un
instrument du matérialisme et du totalitarisme. Il prend la défense des
travailleurs, en se fondant sur l’idéal de justice de l’islam, dans un esprit
d’entraide et de valorisation du travail. De ce point de vue, il a valeur
universelle.
En Islam, il est interdit de refuser de travailler et de compter sur la charité
quand on a la capacité physique et intellectuelle de travailler pour
subvenir à ses besoins et gagner son pain. Le musulman doit gagner sa vie
en exerçant une activité licite et honorer ses engagements en s’acquittant
pleinement de son travail. Le prophète (SWS) considère que tous les
156
métiers sont nobles et réprouve le mépris et le dédain que les uns et les
autres peuvent avoir pour certains travaux et activités. On rapporte qu’un
homme, se présentant devant le Prophète (SWS), hésita à tendre sa main
calleuse et endurcie par le travail de la terre pour empoigner celle du
Prophète (SWS) qui l’a saisie entre ses deux mains en le rassurant et en
disant que Dieu bénit et consacre cette main qui permet de ne pas vivre
aux dépens de la communauté. Un hadith enseigne bien que « celui qui
cherche à gagner sa vie en exerçant des activités licites pour éviter la
mendicité, nourrir sa famille et étendre sa générosité à son voisin,
rencontrera Dieu avec un visage radieux comme l’éclat de la pleine
lune ! ». Il encourage l’homme à travailler et à produire au lieu de
mendier. Le Coran considère la mendicité comme une chose abominable,
ce sera un motif de honte le jour de la résurrection pour celui qui pouvait
assurer sa subsistance au lieu de mendier. Le prophète (SWS) interdit
l’aumône au profit du riche ou du bien portant, car celui qui tend la main
sans être dans le besoin, est pareil à celui qui empoigne des braises. Celui
qui tend la main pour s’enrichir héritera d’une entaille au visage le jour de
la résurrection et avalera des braises de l’enfer. Le Prophète (SWS)
disait : « la main qui donne est plus méritoire que la main qui reçoit ». La
dignité de l’être humain réside dans le travail et le déshonneur consiste à
quémander l’assistance d’autrui : Le prophète (SWS) disait : « Mieux vaut
pour l’un d’entre vous de prendre une corde pour aller fagoter un fardeau
de bois qu’il portera sur son dos et vendra, que de tendre la main à
quelqu’un qui peut lui donner une aumône ou la lui refuser et ce afin que
Dieu lui épargne le déshonneur. »
Quand on parle de travail, on ne peut pas omettre de parler de l’esclavage
157
qui est une source de travail gratuit. Pour éviter l’asservissement de
l’homme par l’homme, l’Islam a été la première religion à rendre sa
dignité à l’esclave qui n’est plus une chose mais un frère et une sœur.
Ainsi disait le prophète (SWS) « Que nul d’entre vous ne dise : Voici mon
serviteur ou voici ma servante ! Mais qu’il dise : mon garçon et ma
fille ! ». Fort de cette sentence, Abû Hurayrah interpela un homme qui
était sur une monture tandis que son serviteur courait à pied derrière lui :
« Fais-le monter derrière toi, car il est ton frère et son âme est semblable
à la tienne ! ». L’Islam a encouragé l’abolition des sources de l’esclavage,
a appelé à libérer bénévolement et à affranchir les esclaves pour plaire à
Dieu. Dans les civilisations avant l’Islam, notamment gréco-romaine, les
esclaves étaient des objets qui n’avaient strictement aucun droit. Ils étaient
considérés comme des sous-humains qui croulaient sous le poids de leurs
corvées. Ils étaient frappés, tués, torturés sans que cela n’émeuve ou ne
gêne personne. L’Islam est venu interdire toutes ces mauvaises pratiques.
Le prophète (SWS) affirmait : « Quiconque tuera son esclave, nous le
tuerons. Quiconque rasera son esclave, nous le raserons. Quiconque
châtrera son esclave, nous le châtrerons »88. Pour encourager la libération
des esclaves, il incitait les maîtres de différentes manières et disait « Que
l’affranchissement des esclaves permettait l’expiation de certains
péchés ». L’Islam décrète que l’expiation de l’homicide involontaire
requiert le paiement d’un prix du sang à la famille de la victime et la
libération d’un esclave : « Quiconque tue par erreur un croyant, qu’il
affranchisse alors un esclave croyant et verse à sa famille le prix du
88 Rapporté le Musnad de l’Imâm Ahmad, dans les Sunan des Imâms Abû Dâwûd, An-Nasâ’î, At-Tirmidhî, Ibn Mâjah et Ad-Dârimî.
158
sang »89. Le Coran inclut les travailleurs et les esclaves parmi les
bénéficiaires de l’aumône légale (zakâh) et prescrit les mesures suivantes :
« Les aumônes sont destinées aux pauvres, aux nécessiteux, ceux qui y
travaillent, [...] et pour l’affranchissement des esclaves90 » Ainsi, il est
clairement établi que le trésor public doit utiliser l’aumône légale, entre
autres, à aider les esclaves désireux de s’affranchir du joug de leurs
maîtres, s’ils sont eux-mêmes incapables de l’obtenir par leurs propres
moyens ou économies. L'une des dernières recommandations que fit le
Prophète (SWS) sur son lit de mort, avant de quitter ce monde, portait
justement sur le respect et le bon traitement des esclaves.
L’islam a transformé la relation d’exploitation et d’humiliation en une
relation familiale et fraternelle. Le prophète (SWS) a dit : « Vos esclaves
sont vos frères. Quiconque dispose de l’un de ses frères doit le nourrir de
ce dont il se nourrit lui-même et l’habiller comme il s’habit lui-même. Ne
leur demandez pas ce qui dépasse leur capacité. Et si vous le faîte, alors
aidez-les »91. L’islam est venu affirmer qu’un maître n’a aucun mérite sur
son esclave parce qu’il est son maître. Le seul critère de mérite pour l’un
comme pour l’autre est désormais la piété : « Un Arabe n’a strictement
aucun mérite sur un non-Arabe, pas plus qu’un non-Arabe n’en a sur un
Arabe, ni un Noir sur un Blanc, ni un Blanc sur un Noir, si ce n’est par la
piété » 92. La différence entre le patron et l’ouvrier ne se mesure pas par la
Coran" ��3�.� ر/C* �;��* ود.* �%9,* إ V أه�Z �9و �6 /�2 �;��� @]" (5,92) 89�4� و �E ا �/�ب" ( 9,60)( 909/ *& ;, ����9 و ا 6�9��� Coran" إ�,� ا a$/�ت 9&?�اء و ا ,%�آ�6 و ا
91 Rapporté le Musnad de l’Imâm Ahmad, dans les Sunan des Imâms Abû Dâwûd, An-Nasâ’î, At-Tirmidhî, Ibn Mâjah et Ad-Dârimî. 91 rapporté par Al-Bukhârî, At-Tirmidhî et Ahmad, selon Abû Dharr 92 le Musnad de l’Imâm Ahmad
159
richesse ou la descendance mais par la piété. Parmi les principes
fondamentaux de l’Islam, on peut mentionner l’interdiction de l’usure (ou
ribâ), qui est matérialisée par le taux d’intérêt et cela afin d’abolir toute
exploitation indirecte de l’homme par l’homme. L’argent n’a aucune
valeur en soi dans la religion musulmane, il n’est qu’un moyen de
transaction pour des fins économiques (consommer, investir,…). Le
travail a donc une valeur centrale en Islam. Au même titre que l’usure et
la spéculation, il est interdit de tirer son revenu d’activités interdites par
l’Islam comme les jeux de hasard, les activités en relation avec la
production ou la vente d’alcool, la nourriture prohibée ou la
débauche,….Dans le mode de vie islamique traditionnel, le travail lui-
même n’était pas séparé de la vie normale et traduisait le rythme naturel
de la vie. La journée de travail d’un artisan, par exemple, commençait à
l’aube avec la première prière du jour et s’étendait jusqu’à la tombée de la
nuit. Les activités se déroulaient dans le bazar qui était le cœur de la
communauté et étaient entrecoupées de pauses « café » avec les parents et
amis, du repas à la maison, de la prière à la mosquée ou de périodes de
méditation. La succession dans le temps, d’activités distinctes,
traduisaient un style de vie social partagé entre divers aspects de la vie
quotidienne. Le travail s’inscrivait dans l’ordre naturel des choses, loin de
toute forme de stress et se réalisait dans le cadre d’une symbiose parfaite
entre les besoins matériels et spirituels.
5.8 POLITIQUE93
93 The Islamic Concept of Political order Source: "Islam and the Contemporary World" by
160
Chaque personne dans l’ordre politique islamique bénéficie des droits et
de la puissance liés à sa qualité de vicaire (Khalifa) de Dieu sur terre. En
Islam, le lien entre religion et l’Etat découle du fait que de nombreuses
responsabilités civiques relèvent de la religion. La définition de la société
(Oumma), du consensus (Ijmâa), de l’impôt (Zakat), de la vice-régence
(Khalifat) et des principes islamiques de l’économie, constitue la base de
la politique islamique. Les sociétés islamiques, dans leur mode de
gouverner, doivent s’y référer. On doit s’adapter à des degrés divers, aux
usages et coutumes (Al-urf) en vigueur dans ces sociétés. Le processus de
l’effort permanent (Ijtihad) à accomplir constitue un élément central de la
politique islamique. Le Coran commande aux musulmans de résister à
toute oppression et de porter assistance aux autres musulmans qui feraient
l’objet d’agression. La pratique de la foi islamique ne peut se concevoir
sans l’action qui peut être interprétée comme une activité politique.
Toutes les religions influencent les comportements politiques de ses
croyants et l’Islam n’est pas une exception.
5.8.1 But de l’Etat
Le Coran précise clairement que l’Etat islamique a pour finalité la défense
de l’unicité de Dieu (Tawhid) et de Sa Révélation (Risalat à son Prophète
(SWS). La vice régence (Khalifat) est l’établissement, la conservation et
le développement des valeurs prescrites par Dieu pour enrichir la vie
humaine et éloigner ou écarter ceux qui n’y croient pas et qui sont détestés
par Dieu. L’Etat islamique n’a pas pour but d’assurer l’administration
G.W.Choudhury Visiting Scholar, Columbia University
161
politique par un quelconque groupe social ou la défense des intérêts d’un
parti quelconque. L’Islam vise un idéal supérieur qui se situe bien avant
celui d’un Etat dont le but est seulement de gérer les moyens mis à sa
disposition. Le but ultime est d’encourager les qualités de pureté, bonté,
vertu, beauté, succès et prospérité que Dieu veut bien voir fleurir dans la
vie de l’homme tout en écartant toute forme d’exploitation ou d’injustice.
En plaçant cet idéal supérieur avant tout, l’Islam définit les bonnes et les
mauvaises vertus. L’Etat islamique doit élaborer ses programmes sociaux,
propres à chaque époque et à l’environnement. L’obligation permanente
en Islam est le respect des principes moraux et ce à toutes les étapes de la
vie. Il impose comme première obligation pour l’Etat de baser sa politique
sur la justice, la confiance et l’honnêteté. Il ne doit en aucune manière et
quelles que soient les circonstances, tolérer les fraudes, mensonges et
injustices pour des raisons politiques ou administratives. Dans les
relations entre gouvernants et gouvernés, entre un Etat et un autre, la
priorité doit être donnée à la confiance, l’honnêteté et la justice. Il impose
des obligations pour l’Etat, similaires à celles qu’il impose aux individus :
exécuter les contrats et obligations, avoir des normes consistantes et
vertueuses de comportement, se rappeler les obligations aussi bien que les
devoirs et ne pas oublier les droits des autres quand on attend d’eux qu’ils
remplissent les leurs, utiliser l’autorité pour imposer la justice et éliminer
le risque d’injustice, considérer la puissance comme une faveur de Dieu
qui doit être utilisée de belle manière car chacun doit répondre de ses
actions devant Dieu dans l’au-delà.
162
5.8.2 Fonction cultuelle94
La fonction cultuelle est une des raisons d’être de l’Etat islamique. Il
s’agit d’établir et de transmettre la parole de Dieu sur terre. Il est du
devoir de chaque musulman et de l’Etat, non seulement de se conformer à
la loi divine dans le comportement quotidien mais aussi de diffuser et de
faire connaître, à l’échelle universelle, le message islamique. Le principe
de base pour cette transmission est celui que donne le Coran : « Point de
contrainte en religion !95». Loin de permettre un laissez aller ou une
quelconque léthargie ou indifférence dans la réalisation de cette mission,
ce principe invite, au contraire à une lutte et un investissement
volontaires, perpétuels et désintéressés, basés essentiellement sur la
persuasion. Un des aspects du lien entre la fonction cultuelle et la fonction
d’Etat est le fait que le responsable local est d’abord celui qui dirige en
personne la prière commune à la mosquée, également lieu de concertation
entre musulmans sur les affaires courantes de l’Etat et de la société. Ce
qui fait du lien entre administrateurs et administrés, un lien direct,
permanent et naturel qui permet de résoudre, sur une base consensuelle et
rapide, tout litige qui peut se produire à n’importe quel moment et en
n’importe quel endroit. La mosquée assure de fait une décentralisation à
grande échelle des pouvoirs, tout en assurant sa fonction de va et vient
permanent entre les préoccupations terrestres et les exigences spirituelles.
A l’heure actuelle, compte tenu de la fracture sociale dans les pays
développés, on parle de plus en plus de décentralisation des pouvoirs et du
rapprochement de l’Etat de ses administrés.
94 M. Hamidullah : Initiation à l’Islam I I F S O > 6.$ > ) إآ�ا �E ا Coran (2,256)95
163
5.9 ECONOMIE96 97
L’Islam est un guide efficace aussi bien pour l’acquisition des biens
matériels nécessaires pour satisfaire les besoins de la vie que pour les
valeurs spirituelles indispensables à l’équilibre humain. Les activités
économiques ne sont pas considérées indépendamment des
préoccupations morales. L’acquisition de biens matériels doit se faire
selon les exigences de l’éthique, sinon un fossé se creuse entre la morale
et l’action. Si l’Islam définit les buts de la vie économique, il ne précise
pas en détail les méthodes de production et de distribution. Il laisse le soin
à l’homme de choisir et d’adapter ces méthodes en fonction de chaque
époque et du développement scientifique et technique. Il donne à la
pensée humaine la liberté de choisir les moyens pour satisfaire les besoins
de la société dans le cadre prescrit par la loi. L’acquisition des biens, de
façon honnête, est la seule voie pour assurer le progrès social. L’emploi
convenable de ces biens est un devoir.
Le Prophète (SWS) disait : « Béni soit un bien honnête aux mains d’un
homme honnête ». L’Islam condamne l’accumulation des richesses afin de
lutter contre l’exploitation des hommes, la corruption et l’extravagance.
Le droit de l’individu à acquérir des richesses est subordonné à l’intérêt de
la société. Ainsi l’homme n’a pas le droit de gagner sa vie ou de réaliser
un profit au détriment des intérêts moraux ou matériels de la communauté.
L’Islam bannit les transactions commerciales portant sur les marchandises
prohibées. Il est au plus près des réalités sociales quand il condamne le
96 M. Hamidullah : Initiation à l’Islam I I F S O 97 Eveil n°14 du 27 avril au 03 mai 1992
pouvoir de l’argent et l’excès des richesses.
Figure 16
Il prévoit des prélèvements obligatoires sur les biens privés quand les
circonstances l’exigent. Le Prophète (SWS)
a faim, personne n’a plus le droit de se réclamer de la propriété privée
Le Coran affirme à maintes reprises la nécessité pour l’homme de ne pas
mépriser son propre bien être physique et matériel :
98 Recueil des hadiths de Boukhari et Mouslim
ECONOMIE
HERITAGE
STATISTIQUES
ASSURANCES
BOISSONS
STATISTIQUES
164
pouvoir de l’argent et l’excès des richesses.
16 : Économie
prévoit des prélèvements obligatoires sur les biens privés quand les
circonstances l’exigent. Le Prophète (SWS)98 disait : «Quand l‘humanité
personne n’a plus le droit de se réclamer de la propriété privée ».
Le Coran affirme à maintes reprises la nécessité pour l’homme de ne pas
mépriser son propre bien être physique et matériel : « Et n’oublie pas ta
Recueil des hadiths de Boukhari et Mouslim
ECONOMIE
HERITAGE
RECETTES
TAXES
DEPENSES
JEUX
DE
HAZARDPRETS
165
part de bonheur dans ce monde99 », mais il assigne à cette nécessité sa
vraie place en imposant des contraintes et en mettant l’accent sur le lien
entre le corps et l’esprit : « Mais il est des gens qui disent : Seigneur !
Donnez-nous belle part ici-bas. Pour ceux-là, pas de part dans l’au-delà.
Et il est des gens qui disent : Seigneur ! Accorde nous belle part ici-ba,s,
belle part dans l’au-delà et préserve-nous de l’enfer. Ceux-là auront une
part de ce qu’ils auront mérité. Dieu est prompt dans Ses Compter100 ».
L’Islam encourage l’homme à explorer et à exploiter les ressources
naturelles. Il va de soi qu’il lui appartient de savoir comment profiter de
ce que Dieu a créé sur terre et d’en user de façon rationnelle avec un
regard sur l’avenir. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui le principe de
gestion durable développé par les Nations Unies. Le principe économique
islamique de base est la nécessité absolue de lutter contre la pauvreté, de
distribuer et de répartir les richesses entre tous les gens : « Afin que cette
(richesse) ne soit pas dans le cercle des seuls riches d’entre vous 101».
C’est à partir de ce principe fondamental que l’Islam a construit tout un
système économique. Aujourd’hui, dans les pays développés, on ne
s’intéresse pas seulement à s’attaquer à la pauvreté mais aussi à assurer
une meilleure répartition des richesses. Après avoir fait la distinction entre
le minimum nécessaire à l’homme et la pleine satisfaction souhaitable,
l’Islam définit les moyens à mettre en œuvre pour assurer un juste
équilibre entre les mesures coercitives (réglementation) et les mesures
> ���$ > و ) #�< �JC�a �6 ا Coran (28,77) 99 . �,6 ا ��س �6 .?ل ر��4 ءا#�� �E ا $��� و �� � �E اk@�ة �6 @`ق< Coran (2,200-202) 100
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>6�4 * 8ن دو. ( Eآ �> اT_���ء ��8 Coran (59,7) 101
166
incitatives de persuasion (à base de sensibilisation, de formation et
d’éducation).
Le Coran fait l’éloge sans limite des gens qui viennent en aide aux
nécessiteux. Le meilleur des hommes est celui qui fait des sacrifices et
préfère son prochain à lui-même. L’Islam interdit l’avarice et le
gaspillage. Un jour, le Prophète (SWS) sollicita ses compagnons pour
réunir des fonds importants pour une cause publique. L’un d’eux amena
une certaine somme. Le Prophète lui demanda ce qu’il a laissé de côté
pour sa famille, il répondit : « Je n’ai laissé à la maison que l’amour de
Dieu et de Son messager ». Il reçut alors les éloges les plus chaleureux du
Prophète (SWS). Un autre jour, une personne gravement malade à qui le
Prophète (SWS) rendit visite pour prendre de ses nouvelles, dit à ce
dernier : « O messager de Dieu, je suis un homme riche et je veux léguer
tous mes biens à la cause des pauvres ». Le Prophète (SWS) répondit :
« Non, il vaut mieux laisser à tes proches parents de quoi vivre
décemment plutôt que de les laisser mendier ». Il ne lui accorda non plus
de faire don des deux tiers de ses biens, ni même de la moitié. Il lui
concéda le tiers, et dit : « Bon ! Même le tiers c’est beaucoup ! ».
Un jour le Prophète (SWS) vit un de ses compagnons dans un état
d’apparence lamentable et lui demanda la raison. Ce dernier répondit : « O
messager de Dieu, des biens j’en ai ce qu’il me faut, mais je préfère les
donner aux pauvres au lieu de les dépenser pour ma personne ». Le Prophète
répondit : « Non, Dieu aime voir sur Son serviteur les traces de ce qu’il lui a
donné ». Comme on peut le penser, il n’y a pas de contradiction : chaque cas
est fonction du contexte. La charité doit rester dans des limites qui
sauvegardent l’intérêt du donateur, de sa famille et de la communauté.
167
L’Islam est la religion du juste milieu.
5.9.1 Héritage
La loi de l’héritage en Islam a pour objet la répartition la plus large des
biens du défunt entre ses ascendants et ses descendants, afin de ne pas
concentrer la richesse entre les mains d’une petite minorité même au
niveau des proches parents du défunt. Toute loi sur l’héritage doit
sauvegarder à la fois le droit de l’individu de disposer de ses biens et le
devoir de chacun de ne pas léser la société dont il fait partie. C’est ainsi
que l’Islam fixe deux dispositions fondamentales en rendant obligatoire la
répartition des biens du défunt entre ses proches parents et en restreignant
la capacité de les léguer par testament.
Les héritiers légaux n’ont pas besoin de testament : ils héritent
automatiquement, dans des conditions prescrites par la loi, des biens de
leur défunt parent. Le testament est admis uniquement en faveur de ceux
qui n’ont pas le droit d’hériter d’un défunt. Il y a égalité de partage de
l’héritage entre les parents de même degré : un fils cadet mineur reçoit la
même part qu’un fils aîné. La part du garçon est double de celle de la fille
Avant le partage de l’héritage, il faut défalquer les frais d’enterrement, les
dettes du défunt envers ses créanciers qui ont toujours priorité sur les
héritiers. On doit exécuter le testament laissé par le défunt dans la mesure
où son montant n’excède pas le tiers de cet héritage. On doit répartir le
reliquat entre les héritiers primaires qui héritent toujours : conjoint, père,
mère, fils, filles et héritiers secondaires. Lorsque le défunt n’a pas laissé
de proches parents, l’héritage revient aux frères, sœurs et parents du
défunt dont entre autres, les oncles, les tantes, les cousins et neveux. Ceci
montre l’importance en Islam des liens de sang et de famille qui est la
168
cellule de base.
Cependant de son vivant, une personne, en pleine possession de ses
capacités mentales, peut procéder par voie légale à la distribution de ses
biens entre ses descendants mais sur une base d’égalité totale en donnant
la même part au fils et à la fille
5.9.2 Recettes publiques
L’homme a certains devoirs comme membre d’une famille plus grande
qu’est la société et l’Etat dont il est citoyen. Dans le domaine économique,
l’individu paie les impôts que l’Etat redistribue dans l’intérêt de la
collectivité. Les tarifs d’impôts varient en fonction des catégories de
revenus. Il est intéressant de noter que le Coran a donné des directives
précises concernant les dépenses budgétaires mais n’a pas promulgué des
règles ou tarifs précis pour les recettes de l’Etat. Tout en respectant la
pratique du Prophète (SWS) et de ses successeurs immédiats, on peut
interpréter ce silence du Coran comme une liberté laissée à l’Etat pour lui
donner toute latitude de changer les règles selon les circonstances dans le
sens de l’intérêt réel du peuple. Du temps du Prophète (SWS), l’impôt
« Sadakat » ou Zakat se répartissait comme suit :
• au dessus d’un certain revenu minimum non imposable, le paysan
livrait un dixième de sa récolte,
• dans le commerce et les exploitations minières, on prélevait 2,5%
de la valeur des biens,
• pour les caravaniers étrangers et du temps du Prophète (SWS), le
droit de passage s’élevait à 10% de la valeur des biens transportés;
il faut noter que le calife Omar avait baissé cette taxe de moitié
169
pour certaines catégories de denrées arrivant à Médine; ce
précédent de haute autorité montre la possibilité d’entrevoir les
ajustements nécessaires en fonction des intérêts stratégiques de la
communauté dans son ensemble,
• les taxes sur les troupeaux (ovins, bovins, chameaux) du moins
ceux qui utilisent les pâturages des terres publiques, en tenant
compte d’un revenu minimum toujours exonéré d’impôt,
• les bêtes destinées aux transports, au labour et à l’irrigation étaient
exonérées d’impôt,
• les fonds épargnés, l’or et l’argent étaient taxés à 2,5% de leur
valeur; ce qui obligeait l’individu à faire fructifier ses biens et éviter
de les thésauriser.
5.9.3 Taxes exceptionnelles
Au temps du Prophète (SWS) et des califes orthodoxes, les recettes
normales « Sadakat » étaient les seules taxes gouvernementales à
caractère réglementaire. Plus tard et à l’occasion de situations et de
besoins exceptionnelles, les juristes ont admis la possibilité légale de lever
des impôts et charges supplémentaires pour renflouer les recettes de
l’Etat. C’était à l’occasion de diverses calamités et qu’on appelait
« Nawâ’ib ». Mais ces taxes avaient un caractère strictement provisoire et
répondaient à des exigences exceptionnelles. Elles cessaient de l’être dès
que la situation redevenait normale.
5.9.4 Assurances sociales
On n’assure que les risques graves qui varient selon les époques et les
milieux. A l’époque du Prophète (SWS), les gens vivaient près de la
170
nature et pratiquaient l’auto-médication et l’auto-habitation. Ils n’avaient
pas besoin d’assurance contre les maladies ou les incendies. Seul existait
le besoin réel d’assurance contre les risques de captivité ou l’assassinat.
Diverses dispositions étaient prises et faisaient l’objet de développement
et d’adaptation aux circonstances. Dans la constitution de la cité-Etat de
Médine, en l’an I de l’Hégire, on a appelé cette assurance « Ma’âquil » et
elle fonctionnait de la manière suivante : si quelqu’un était fait prisonnier
par l’ennemi, il fallait que l’Etat islamique paie une rançon pour obtenir sa
libération. De même dans le cas de torts corporels subis ou d’homicide, il
y avait des dommages à payer ou le prix du sang. Cela dépassait souvent
les capacités financières des individus concernés prisonniers ou criminels.
Le Prophète (SWS) instaura une assurance à base de mutualité : les
membres d’une tribu pouvaient compter sur le trésor de cette tribu auquel
chacun contribuait selon ses moyens. Si le trésor ne suffisait pas, les
autres tribus parentes ou voisines, venaient en aide suivant une hiérarchie
établie entre des unités qui constituaient un ensemble organisé et complet.
A Médine, il y avait déjà les tribus des Ansârites, originaires de la ville
elle-même. Le Prophète (SWS) ordonna aux immigrés qui venaient s’y
réfugier, originaires de différentes tribus de la Mecque ou d’autres
régions d’Arabie ou même d’Abyssinie de se grouper pour les besoins
d’assurance sociale, en nouvelle tribu appelée « Mouhâjiroun (réfugiés) ».
A l’époque du calife Omar, les assurances furent organisées en mutuelles
par métiers, administrations civiles ou militaires. Au besoin, le
gouvernement central ou provincial leur venait en aide. A une assurance
centralisée et de nature privée, l’Islam a préféré l’assurance à base de
mutualité pour renforcer la cohésion des groupes sociaux et développer le
processus d’entraide entre eux, grâce à des unités mutualistes
171
décentralisées et coordonnées. Ces unités pouvaient utiliser les fonds
mutualistes disponibles pour faire du commerce afin de valoriser ces
fonds en les injectant dans le circuit économique pour d’une part, éviter
leur dépréciation et d’autre part, contribuer aux activités
socioéconomiques. Dans la mesure où les fonds mutuels arrivaient à
couvrir les charges d’assurances, on pouvait arrêter les versements des
contributions et même parfois redistribuer les bénéfices réalisés aux
mutualistes eux-mêmes. Les mutuelles prenaient en charge tous les types
de risques : accident de transport, incendie, perte en transit. Parfois pour
certaines activités, l’Etat pouvait instituer une agence nationale
d’assurance. C’est le cas pour les envois des colis postaux. Il y a lieu de
préciser que les assurances capitalistes actuelles ne peuvent pas être
tolérées par l’Islam du fait que l’assuré ne participe pas aux bénéfices de
la compagnie d’assurance en proportion de ses propres versements. Ces
assurances sont une espèce de jeu de hasard interdit par l’Islam.
5.9.5 Dépenses de l’Etat
Le Coran a prescrit les principes qui régissent le budget de dépenses de
l’Etat islamique dans les termes suivants : « Rien d’autre en vérité : les
recettes de l’Etat sont pour les besogneux, les pauvres, ceux qui
travaillent, ceux dont les cœurs sont à gagner, l’affranchissement des
jougs (esclaves), ceux qui sont lourdement endettés, dans le sentier de
Dieu et pour les voyageurs démunis. Arrêt de Dieu ! Dieu est savant et
sage102». Ces huit titres de dépenses couvrent pratiquement tous les
Coran (9,60) 102 > ب�]]/� �4� و�[[E ا]]9/ *]]& ;, ���9[[� وا 6�9��]]� إ�,[[� ا a[[$/�ت 9&?[[�اء وا ,%[[�آ�6 وا��C@ ��9� > وا �nر��6 و� E�2�C ا' وا64 ا %m.�� 2�C* �6 ا' وا'
172
besoins d’une collectivité. Le terme « Sadaquât » traduit par « recettes
d’Etat » comprend l’ensemble des taxes payées par les musulmans à leur
Etat en temps normal : taxes sur l’agriculture, les mines, le commerce et
l’industrie, le bétail, les épargnes, etc. En sont exclus, les impôts
provisoires relatifs à des événements exceptionnels, les revenus prélevés
sur les non-musulmans sujets ou étrangers ainsi que toute contribution non
obligatoire.
- Foukharâ’ et Massaquin
Parmi les bénéficiaires des dépenses de l’Etat, les deux premières
catégories : Foukharâ’ et Massaquin (besogneux et pauvres) sont presque
synonymes et n’ont pas été interprétés par le Prophète (SWS). Ce qui a
provoqué des divergences d’opinion parmi les musulmans. D’après la
pratique du calife Omar, les Foukharâ’ sont les pauvres parmi les
musulmans, tandis que les Massaquin désigne les pauvres parmi les non
musulmans domiciliés en terre d’Islam : juifs, chrétiens, etc.
Le juriste Ech-Châfi’i a pensé que ces termes étaient tout à fait synonymes
et que Dieu, dans sa bonté, avait désigné les pauvres sous deux vocables
afin qu’on leur consacra davantage d’attention. D’après lui, on doit
réserver pour chacune des huit catégories citées, un huitième du budget de
dépenses de l’Etat. Ce qui fait d’après Ech-Châfi’i un quart du budget
pour les pauvres. Quoi qu’il en soit, le but premier des recettes de l’Etat
est de faire en sorte qu’aucun habitant en terre d’Islam ne manque de
moyens de première nécessité : nourriture, vêtement et logement.
Figure 17
. A la lumière de ce qui précède, on peut considérer
enfants orphelins, chômeurs, veuves, vieillards,
n’ont pas de ressources propres et dont la famille n’a pas les moyens de
subvenir à leurs besoins, peuvent être considérés comme Foukharâ’ et
Massaquin.
- Ceux qui travaillent
Cette catégorie concerne les
percepteurs, les comptables, ceux qui sont chargés des dépenses, de
l’apurement, du contrôle et ainsi de suite. Cette catégorie représente aussi
bien l’administration civile que militaire et diplomatique de l’Etat.
L’historien Balâdhurly a conservé dans son El
lequel le calife Omar demanda à son gouverneur de Syrie
DEPENSES
FOUKHARAS
ENDETTES
ENFANTS DU SENTIER DE
DIEU
ENFANTS
DE LA ROUTE
173
17 : Dépenses
. A la lumière de ce qui précède, on peut considérer aujourd’hui, que les
chômeurs, veuves, vieillards, malades, handicapés, qui
n’ont pas de ressources propres et dont la famille n’a pas les moyens de
peuvent être considérés comme Foukharâ’ et
Cette catégorie concerne les traitements des fonctionnaires: les
percepteurs, les comptables, ceux qui sont chargés des dépenses, de
l’apurement, du contrôle et ainsi de suite. Cette catégorie représente aussi
bien l’administration civile que militaire et diplomatique de l’Etat.
y a conservé dans son El-Ansâb un document dans
alife Omar demanda à son gouverneur de Syrie : « envoie chez
DEPENSES
FOUKHARAS
TRAVAILLEURS
COEURS A
GAGNER
AFFRANCHIS
174
nous à (Médine), un expert grec pour mettre en ordre les comptes de nos
revenus ». Il n’y a pas de meilleure autorité pour dire que non seulement
les non-musulmans peuvent être employés par l’administration de l’Etat
musulman mais aussi qu’ils peuvent bénéficier de salaires prélevés
uniquement sur les musulmans.
- Cœurs à gagner
La catégorie, de ceux dont les cœurs sont à gagner, concerne, on le
comprend facilement, les dépenses secrètes de l’Etat. Le juriste Abou
Ya’la Al Farrâ’ précise : « Quant à ceux dont les cœurs sont à gagner, ils
sont de quatre catégories : ceux dont les cœurs sont ralliés, afin qu’ils
aident les musulmans, ceux qui s’abstiennent de faire du mal aux
musulmans, ceux qu’on veut inviter à embrasser l’Islam, ceux par
l’intermédiaire desquels on invite leurs clans et leurs familles à se
convertir à l’Islam ». Il est licite de dépenser pour chacune de ces
catégories, qu’il s’agisse d’un musulman ou d’un polythéiste. On peut
considérer que l’action culturelle, pour faire connaître l’Islam en pays
étrangers, entre dans cette catégorie. La priorité sera donnée d’abord aux
pays voisins et amis.
- Affranchissement du joug (esclaves)
Considérant que tous les hommes sont égaux et pour prêcher l’égalité
humanitaire, l’Islam fait de liberté et de la lutte contre l’esclavage une des
obligations de l’Etat Islamique. Une part du budget est donc consacrée
aux droits à payer pour obtenir la libération des esclaves. On voit ainsi que
c’est la civilisation islamique qui a été la première à se pencher sur la
libéralisation des esclaves
175
- Endettés
Les personnes lourdement endettées et chargées d’obligations recevaient
une série diversifiée d’aides. On venait au secours des sinistrés, victimes
de calamités comme les sécheresses, les inondations, les tremblements de
terre, etc. Il ne s’agissait pas nécessairement de pauvres mais aussi de
gens aisés qui ne pouvaient pas supporter des charges au dessus de leur
capacité. Le calife Omar institua un compte spécial du trésor public pour
prêter des fonds sans intérêt à ceux qui temporairement en avaient besoin
pour relancer leurs activités après la survenue de calamités et qui,
toutefois, présentaient les garanties nécessaires de remboursement. Le
calife Omar, en personne, eu recours à ces fonds pour des besoins privés.
Il est arrivé aussi que le calife Omar autorise, pour des délais fixés, des
prêts sans intérêt aux commerçants et le trésor partageait avec eux les
bénéfices sur la base d’un pourcentage (prenant ainsi le risque en matière
de perte et profit). On peut considérer que le prêt par une personne aisée à
cette époque correspondrait à l’assurance sociale d’aujourd’hui. Si
quelqu’un se rendait responsable d’un homicide involontaire et qu’il
n’avait pas les moyens de payer le prix du sang, l’Etat lui venait en aide.
- Ceux du sentier de Dieu
Dans la terminologie islamique, il s’agit de la défense militaire qui
couvrait aussi bien le personnel que l’équipement de l’armée. Mais ce
type de dépenses concernait également les œuvres de bienfaisance, depuis
l’aide aux étudiants jusqu’aux institutions religieuses comme la
construction des lieux de culte.
- Voyageurs démunis
176
Il s’agit de voyageurs qu’ils soient commerçants, homme d’affaires ou
simples touristes. Les dépenses couvrent aussi la construction des
infrastructures de base comme les routes, les hôtels, les restaurants, les
services de sécurité et d’hygiène, entreprises de transport et en général
tout ce qui concerne les voyageurs en transit. Quand les conditions le
permettaient, une hospitalité de trois jours était offerte à chaque voyageur.
A notre époque, on peut inclure les autres structures d’intérêt public
comme les écoles, lycées, universités, logements, hôpitaux, ports,
aéroports, chemins de fer, autoroutes, forêts de protection, zones
protégées et divers types de réseaux communs : électricité, téléphone, eau
potable, eaux usées, etc. Signalons que le calife Omar avait organisé un
système de pensions pour tous les habitants du pays (selon Ibn Zanjuwaih
et autres, même les non-musulmans bénéficiaient de ces pensions).
L’enfant en bénéficiait dès sa naissance et l’adulte percevait le minimum
vital. Au début de la mise en œuvre de ce système, le calife Omar avait
établi un barème entre les différentes catégories de personnes : si le
minimum vital était représenté par une unité arbitraire donnée, la
catégorie la plus favorisée, représentée par les veuves du Prophète (SWS),
touchait 15 fois cette unité.
5.9.6 Jeux de hasard
L’Islam interdit les jeux de hasard : «…le jeu de hasard est l’œuvre du
diable103 ». La plupart des maux sociaux ont pour origine la mauvaise
répartition de la richesse nationale. Certains individus deviennent très
riches et les autres trop pauvres et surexploités par les riches. Dans les
>.... �%�, �,2 ا �P]�ن ....ا 6� >Dر < Coran (5,90) 103
177
jeux de hasard et les loteries, la tentation principale est le désir de gagner
facilement beaucoup d’argent. Or tout gain facile est mauvais pour la
société. Par exemple dans le cas des loteries, des millions de citoyens
jouent et ce sont des sommes énormes qui sont mises en jeu. A peine 1%
des joueurs gagne aux dépens des 99% qui jouent. En d’autres termes, on
enlève de l’argent à 99% de gens pour enrichir 1%. Ce qui est grave dans
le jeu, c’est l’idée persistante chez le joueur de gagner un jour et qui
l’amène parfois à se ruiner à force de miser continuellement des sommes
importantes dans le jeu, toujours à la recherche d’un gain hypothétique. Il
s’agit d’une véritable aliénation de l’individu qui consacre son énergie,
son argent et son temps à une occupation qui le dévie de la vie normale.
De plus le jeu du hasard crée chez le joueur un effet d’accoutumance à
l’instar du drogué vis-à-vis de sa dose quotidienne. Que les jeux soient
contrôlés par les organismes d’Etat ou par des sociétés privées, le résultat
est le même : c’est l’enrichissement d’une minorité au détriment d’une
majorité. L’Islam interdit les jeux de hasard, car il fait de l’effort humain
permanent la raison d’être de l’homme à la fois pour gagner sa vie et pour
participer pleinement et positivement aux activités sociales. Comme dans
les assurances capitalistes, le jeu de hasard est un risque unilatéral et doit
être interdit.
5.9.7 Prêt à intérêt
Toutes les religions ont interdit l’usure. Le trait distinctif de l’Islam est
qu’il a non seulement interdit ce genre de gain mais encore supprimé les
causes à l’origine de cette grande plaie de la société moderne. Personne ne
paie de bon gré l’intérêt de son emprunt. On le fait uniquement par ce
qu’on a besoin d’argent et qu’on n’en trouve pas sans l’obligation
178
d’intérêt. L’Islam fait la distinction entre le bénéfice commercial et le
profit provenant de l’usure : « Dieu a rendu licite le commerce et illicite
l’intérêt104 » ou encore : « Si vous ne renoncez pas à l’intérêt, alors
recevez l’annonce d’une guerre de la part de Dieu et Son messager, et si
vous vous repentez, alors à vous, reviennent vos capitaux (sans intérêt) et
point de remontrance à vous, ni vous ne serez lésés 105». La raison de
l’interdiction de l’intérêt est la même que celle qui concerne l’assurance
capitaliste et les jeux de hasard où le risque est toujours unilatéral : on
emprunte une certaine somme d’argent pour la faire fructifier et pour cela,
on signe, en contrepartie, des engagements garantis par les biens propres
de l’emprunteur comme la propriété immobilière. Dans le cas où les
circonstances sont défavorables et ne permettent pas de disposer
suffisamment d’argent pour couvrir les intérêts, ce sont alors les biens en
garantie qui vont servir au remboursement et l’emprunteur risque de se
retrouver sans biens et sans abri. Quant à celui qui prête de l’argent, il ne
participe pas au risque. C’est l’emprunteur seul qui subit les
conséquences. En Islam, l’Etat doit intervenir pour aider et assister des
gens qui sont parfois obligés de s’endetter de façon temporelle. Le trésor
public peut consentir des prêts sans intérêt qui complètent les aides
diverses provenant de la famille, de gens charitables et des organisations
mutualistes ou d’entraide.
Il existe en Islam le système de « Mudârabah » qui concernent les
> و أ=2 ا' ا f�C و =�م ر�4 < Coran (2,275) 104 Coran (2,279) 105 > ( �8 � رءوس أ�[[ا]]89� ��]]C# وأن � ا �[[7ذ�ا 34[[�ب �[[6 ا' ور�[[]]9�&# �]] �[[7ن
ن ,9o# (ن و,9o# <
179
emprunts commerciaux : on prête de l’argent et l’on participe au risque,
on peut gagner ou perdre. Dans ce cas, le risque est également partagé
entre le prêteur et l’emprunteur, Cependant, on doit prendre les
précautions nécessaires pour l’éviter. On doit préciser par écrit, dans toute
participation contractuelle, les conditions convenues entre le préteur et
l’emprunteur, quant aux engagements consentis par l’un et par l’autre et
en recherchant une juste rémunération de l’un et de l’autre en fonction du
capital et du travail effectif fournis par chacun d’eux. Le rôle des banques
peut être précisé à travers trois types d’activités : transfert de fonds, garde
et sécurisation des épargnes et investissement (ou prêt en vue de gagner de
l’argent). Les frais de fonctionnement de chaque banque seront tous à la
charge des clients et ce, quelque soit le type d’activités. Quand il s’agit de
prêt pour le commerce, l’industrie ou pour tout autre activité économique,
la banque doit participer aux risques de ses débiteurs aussi bien en termes
de gain que de perte. Dans le cas contraire, l’Islam interdit tout type de
transaction. En ce qui concerne la caisse d’épargne de l’Etat, elle doit
fonctionner comme une banque d’investissement et déclarer
publiquement, à la fin de chaque exercice annuel, le partage des
dividendes avec les représentants des clients sur une base consensuelle
préalablement définie après défalcation des frais de fonctionnement de la
caisse. Dans ce cas, non seulement l’Islam la considère comme licite mais
le public est aussi encouragé à placer ses épargnes dans les caisses de
l’Etat. Le principe de la participation mutuelle au risque doit être appliqué
dans tous les contrats commerciaux.
5.9.8 Boissons alcoolisées
L’Islam interdit les boissons alcoolisées pour deux raisons : la première
180
liée à la santé et la seconde découle du fait qu’une personne ivre ne se
contrôle pas et risque de dilapider son argent et ses biens ou commettre un
crime. Le Coran associe le danger des jeux de hasard à celui des boissons
alcoolisées : « Ils t’interrogent sur le vin et les jeux de hasard, dis-leur (ö
Prophète) dans les deux, il y a un grand pêché et quelques avantages pour
les gens. Mais le pêché l’emporte largement sur l’utilité qu’on en tire106».
Le Coran relègue le vin et les jeux de hasard au même niveau que
l’idolâtrie « Ho, les croyants, oui le vin, le jeu de hasard, les pierres
dressées .ne sont qu’une souillure diabolique107 ». On ne doit pas
consommer du vin et s’adonner aux jeux de hasard.
5.9.9 Statistiques économiques
Dans tout système économique, les statistiques sur les divers types
d’activités sont essentielles pour permettre à l’Etat de disposer d’un
tableau de bord qui l’aide à évaluer les ressources disponibles et à prendre
les mesures les plus appropriées en terme de gestion, de planification,
d’amélioration et de développement des ressources de l’Etat. Le Prophète
(SWS), ainsi que le signale Boukhâri, avait organisé un recensement de
tous les musulmans. Le calife Omar a procédé au recensement du bétail,
des arbres fruitiers et autres biens. Dans les provinces nouvellement
conquises, on dressait l’inventaire des terres cultivées. Dans un souci
d’équité, Le calife Omar invitait chaque année, après la collecte des
impôts, les représentants de la population des provinces, à lui faire part de
Coran (2,229) 106 >�9B�%.J 6]� �]C��9س و إ\,�,� أآ f���� و ��Cآ ��6 ا ",� و ا ,�%� /2 ���,� إ\ �,��&�<
Coran (5,90) 107 > ب�a�Tو ا �%�, �,2 ا �P]�ن ....أ.�� ا $.6 أ��ا إ�,� ا ",� و ا 6� >Dر <
181
leurs observations sur le comportement des percepteurs d’impôts pour
éviter tout excès ou injustice et tout type de corruption.
5.10. RESSOURCES NATUR ELLES ET ENVIRONNEMENT
Said Al-Nursi108 disait « un cœur sensible est capable de voir
l’emprunte divine de chaque créature, qui le pousse à la
transmettre aux autres »
Les lois de la nature peuvent être observées en la regardant avec une
certaine attention. Ce qui exige, cependant, beaucoup de temps et de
nombreuses générations humaines pour acquérir le savoir nécessaire. Et
même, malgré cela, le genre humain ne s’accordera pas toujours sur la
façon d’interpréter ces lois. La conscience humaine n’est pas fiable par
elle-même. Elle a besoin de connaissances bien supérieures et d’évidence
qui lui permettent de juger et de distinguer entre le bien et le mal. Le
Coran apporte ces connaissances et cette évidence en tant que guide clair
et complet, comme une lumière et un don de Dieu au service des êtres
humains. Il se décrit lui-même comme « une vérité » révélée et maintenue
pure et sans erreur par Dieu. Il recommande à l’homme de l’analyser et
d’en tirer la preuve par lui-même. Dans le Coran, il y a les lignes
directrices de toute chose et les juristes islamiques dans le monde n’ont
jamais cessé d’aborder les situations nouvelles qui se présentaient à eux
108 Sa'id Al-Nursi, al-Mathnawi al-'Arabi al-Nuri; Ihsan Qasim Al-Salihi, ed. 1988, p. 53.
182
pour élaborer les lois qui leur étaient nécessaires. Le Prophète (SWS)
disait qu’il n’y aurait jamais, au sein de la communauté islamique, une
unanimité pour faire le mal.
Toute éthique est en soi une limitation de la liberté d’action de l’homme
au cours de son existence. La liberté, telle que définie par les droits de
l’homme d’aujourd’hui, a abouti à une véritable dégradation de
l’environnement. Le monde a appris, que ce type de liberté poussé à
l’extrême, est à l’opposé de la liberté et des droits de respirer, de boire, de
manger et de jouir d’un environnement propre.
Comme la plupart des religions monothéistes, la révélation islamique s’est
déroulée dans un contexte désertique caractérisé par un environnement
aux contraintes physiques inhospitalières : nature ingrate, sols désertiques,
eau et végétation rares. Si l’espace géographique était vaste en lui-même,
la population se concentrait autour de quelques oasis où s’organisait une
vie collective et sociale. Ce n’est pas sans raison, que lorsqu’on parle des
religions monothéistes dans la littérature, on les qualifie de religions du
désert. Tout se passe comme si Dieu a voulu éprouver l’homme dans les
conditions de vie les plus dures et les plus extrêmes, tout en montrant,
qu’avec une bonne gouvernance, la vie peut être possible et viable. C’est
aussi pour montrer à l’homme que les valeurs spirituelles sont de loin plus
importantes que les richesses matérielles. Certains auteurs occidentaux
affirment qu’il n’y a pas d’éthique environnementale systématique en
Islam. Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter aux prescriptions du
Coran et aux directives du Prophète (SWS) relatives aux diverses
183
ressources naturelles de l’environnement. En effet, sur 6.000 versets du
Coran, près de 750109, soit le huitième est consacré à la nature et aux
phénomènes naturels. Ces versets exhortent les croyants à réfléchir sur la
nature, à étudier les relations entre les organismes vivants et leur
environnement, à faire bon usage de la raison et à maintenir l’équilibre et
les proportions dont Dieu a doté sa création. Les ressources de la planète
comme l’air, le sol, l’eau, les minéraux, les forets sont des dons divins
destinés à l’homme avec cependant certaines restrictions de nature
éthique. L’homme doit en user pour satisfaire ses besoins mais sans
perturber leur équilibre et sans compromettre leur disponibilité pour les
générations futures. Tout élément de la création est lié à tous les autres et
s’il se dégrade, il finira par affecter les autres. L’homme lui-même a été
créé de cette nature et se trouve entièrement dépendant d’elle. Ce qui
confirme l’essence et l’intérêt de la biodiversité qui représente aujourd’hui
un enjeu mondial (convention internationale sur la biodiversité de Rio -
Brésil en 1992).
Dans le monde d’aujourd’hui, certaines forces tentent de développer des
stratégies et moyens pour favoriser la séparation entre l’esprit et le corps.
La technologie représente un de ces moyens. Elle met la machine au
premier plan des nécessités quotidiennes et, par son développement, isole
l’homme de son milieu naturel et de sa propre nature. C’est une arme à
double tranchants, car si d’un côté, elle apporte la solution aux servitudes
de la vie de tous les jours, elle risque de réduire l’homme dépendant et
esclave, en l’asservissant et en l’amoindrissant pour le rendre tout à fait
109 Dr. Hasan Zillur Rahimm, editor of IQRA Northern California. 1991-USA
184
secondaire. Si la technologie n’est pas tempérée en dimension et en
équilibre, elle peut envahir la conscience spirituelle de l’homme. Dans le
Coran, Dieu dit : « Nous avons fait descendre le fer où se trouve une force
redoutable aussi bien que des avantages pour les gens110 ». Si le pouvoir
inhérent aux éléments naturels, que ce soit le fer, l’uranium ou le silicium,
est utilisé à des fins destructives plutôt que bénéfiques, il finira par
détruire la sensibilité de l’homme vis-à-vis des autres créatures. C’est
pour attirer l’attention de l’homme sur ce danger que le Coran insiste sur
l’aspect destructeur du fer quand il est mal utilisé. En Islam, le savoir, s’il
pousse l’homme à adopter une fausse attitude envers la création de Dieu,
ne peut pas être considéré comme valable ou moralement défendable. La
pensée rationnelle doit s’accompagner de valeurs éthiques et morales. Le
savoir consiste à glorifier Dieu et à assumer la responsabilité qu’il lui a
confiée.
Dans la Charia, l’environnement représente un des quatre domaines du
droit islamique. L'homme fait partie de l’univers dont les éléments sont à
la fois distincts en tant que créatures et complémentaires les unes aux
autres par les fonctions qu’elles remplissent au sein d’un ensemble global
et intégré111. Cependant, l'homme est une créature à part et occupe une
position supérieure parmi les autres créatures de l’univers. Les liens entre
l’homme et l’environnement, tels que définis dans le Coran, sont de deux
types : un lien d’usage au profit de l’homme pour satisfaire ses besoins et
un lien de considération, de contemplation et de méditation de l’univers.
��9س < f���� 3$.$ ��� 74س :$.$ و �� اpو أ� < Coran (57,25) 110 111 Abdulbar al Gain Vice-President of IUCN Jeddah Date : 1989G / 1409H Saudi Arabia.
L’homme est d’abord le vicaire de Dieu sur terre. A ce titre, il a
l’obligation de gérer les ressources naturelles de l’environnement comme
des créatures semblables à lui-même, même si elles l
doit en user de façon raisonnable, avec intelligence, sagesse et science
dont Dieu l’a pourvu et distingué par rapport aux autres créatures. Il doit
protéger et aménager l’espace terrestre en tant que lieu d’habitation
commun pour l’homme et les autres créatures. La perception de
l’environnement en Islam découle du fait que l
vivantes sont assujetties à l’ordre divin. Elles obéissent entièrement à
Dieu et ont un caractère sacré et toute atteinte, dont l’h
rendu responsable, est une offense envers Dieu. L’approche islamique de
l’environnement impose à l’homme de protéger et d’utiliser les créatures
avec précaution pour ne pas perturber leur fonctionnement
leur conservation durable. La conduite de l’homme vis à vis de
l’environnement est basée sur la foi, la science et la raison
Figure 18 : Environnement
ENVIRONNEMENT
CONSERVATION
AMENAGEMENT
185
L’homme est d’abord le vicaire de Dieu sur terre. A ce titre, il a
l’obligation de gérer les ressources naturelles de l’environnement comme
même, même si elles lui sont assujetties. Il
doit en user de façon raisonnable, avec intelligence, sagesse et science
dont Dieu l’a pourvu et distingué par rapport aux autres créatures. Il doit
protéger et aménager l’espace terrestre en tant que lieu d’habitation
’homme et les autres créatures. La perception de
l’environnement en Islam découle du fait que les créatures vivantes et non
vivantes sont assujetties à l’ordre divin. Elles obéissent entièrement à
Dieu et ont un caractère sacré et toute atteinte, dont l’homme se serait
rendu responsable, est une offense envers Dieu. L’approche islamique de
l’environnement impose à l’homme de protéger et d’utiliser les créatures
avec précaution pour ne pas perturber leur fonctionnement et pour assurer
ble. La conduite de l’homme vis à vis de
l’environnement est basée sur la foi, la science et la raison.
: Environnement
ENVIRONNEMENT
SIGNE DE
DIEU
USAGE
CONSERVATION
186
5.10.1 Environnement comme signe divin
L’environnement en Islam est perçu à travers les différents signes de la
création de Dieu : l’homme, les animaux, les plantes, les rivières, les
océans, le ciel, la terre, etc. Dieu dit : « Oui il y a dans les cieux et la
terre, des signes, certes, pour les croyants. Et dans votre propre création,
tout comme dans la multiplication des espèces animales, il y a des signes
pour les gens qui croient avec certitude. De même, dans l’alternance de la
nuit et du jour, et dans ce que Dieu fait descendre du ciel, de par l’eau
nourricière, par quoi il donne vie à la terre une fois morte, et dans le
déploiement des vents, il y a des signes pour les gens qui comprennent :
voilà des signes de Dieu . Nous te les récitons avec vérité112 ». Dans ces
versets, Dieu montre que la perception de ces signes, par l’homme, ne
peut s’acquérir qu’à deux conditions : la foi en Dieu et le savoir. Ainsi,
toute atteinte à ces signes est une atteinte à l’environnement. Si une
créature disparaît, c’est comme si l’un des signes de Dieu, témoignant de
sa grandeur, disparaît avec elle empêchant les générations futures de la
connaître et de la valoriser. En d’autres termes, ce serait une perte
irréversible pour le patrimoine humain tout entier. Tout se passe comme si
dans ces versets, il y a deux types d’enseignements pour comprendre
l’environnement : un enseignement théorique tiré de la lecture du Coran et
un enseignement pratique tiré de l’observation de l’univers. Cependant,
pour arriver à tirer partie de ces enseignements, une condition
fondamentale est nécessaire comme la possession de la foi qui rend le
Coran (45, 3-6) 112 >وات و�,% 9?8� و�� .qC �6 دا4* ءا.�ت إن �E ا@ E6 و����9,; اTرض k.�ت �9 ن وا@�`ف ا�/م .? وا ���ر و�� أ�pل ا' �6 ا %,�ء �6 رزق �7=�� �4 اTرض $�4 �#�� و 2
م .�?9ن ؛ J9# ءا.�ت ا'? 9ه� �t.�a# J�9 ا �.�ح ءا.�ت ��<
187
cœur transparent à même de découvrir les diverses significations de ces
signes. Une fois le cœur libéré de tout sentiment de rejet, l’homme est en
mesure d’apprécier à leur juste valeur ces signes, de raffermir sa foi et
d’en glorifier Dieu, leur créateur. Tous les signes de Dieu sont sacrés. Ils
célèbrent en toute obéissance et permanence sa gloire, sans que l’homme
ne puisse comprendre leurs prières. Dieu dit : « Les sept cieux et la terre,
et les créatures qui s’y trouvent, tous prient Dieu ! Il n’est chose aucune
qui ne proclame sa gloire, mais vous ne comprenez pas leur prière113 ». Il
y a beaucoup de versets qui mentionnent les signes de prière : « Et le
tonnerre rend hommage à Dieu, ainsi que les anges, par crainte de
Lui 114» Ou « N’as-tu pas vu qu’en vérité c’est Dieu qu’adorent tous ceux
qui sont dans le ciel et la terre et aussi les oiseaux qui volent ? Chacun a
appris son office et son propre hymne de louange et Dieu sait ce qu’ils
font115 » ou encore « Et Nous asservîmes les montagnes à prier Dieu en
compagnie de David, tout comme les oiseaux116». Ainsi, toutes les
créatures vivantes ou inertes, prient Dieu. Ce qui doit amener l’homme à
en faire autant par sa prière. L’équilibre de l’univers, la course régulière
de la terre et des astres et les ressources naturelles qui font la richesse de
la terre sont un signe de Dieu pour celui dont le cœur est doté de foi et de
raison. Chaque créature possède son propre sceau divin qui ne peut être
113 Coran (17,44) >وا�,]]% [[� ا dC]]%#رض تTوا fC]]% و�[[6 �[[��6 وإن �[[E]]: 6ء إ) .%[[dC 34,[[$ ا��3C%# ن�?&# ( 68 >و Coran (13,13) 114 > 6� *8B`, �$ 34,$ و ا� >�&�� @و .%dC ا Coran (24,41) 115 > �9� � �E� 6 ا %,�وات و اTرض و ا ]�� ا a&�ت آ2 /$ dC%. 'أن ا �# � أ
4,� .&�9ن ��9� u`#� و #%�3�C و ا'
>ا �CNل .%63C و ا ]�� دو�"��� �f داو و< Coran (21, 79) 116
188
imité.
L’importance donnée par Dieu à l’environnement se reflète dans des
versets consacrés à la description de l’environnement idéal du paradis
promis aux croyants qui se conforment aux commandements de Dieu. Le
Coran le décrit ainsi : «Et pour celui qui redoutait la puissance de son
Seigneur, il y aura deux jardins.aux branches fraîches…dans les deux,
deux sources courantes…dans les deux, un couple de tous fruits… partout
des belles aux regards chastes ; et deux jardins en deçà de ces deux là,
ombragés à force de verdure .; dans les deux, deux sources jaillissantes,
dans les deux, des fruits, et des dattiers, et de la grenade… partout des
houris bonnes et belles… ils seront accoudés sur des sièges verts et
merveilleux, joli 117». Cette description du paradis mentionne les éléments
de base de l’environnement : l’eau qui se trouve en abondance, les
ruisseaux qui coulent, la végétation à travers la verdure dense qui s’étend,
les jardins qui longent de part et d’autre les cours des ruisseaux, les arbres
de natures différentes, qui donnent des couples de fruits de toutes sortes,
la beauté symbolisée par la femme, un cadre merveilleux où se trouvent
de beaux salons verts pour le repos des croyants, etc. En fait, on voit à
travers cette description, l’idéal de l’homme symbolisé par un
environnement propre où l’eau, la végétation et le cadre de vie jouent un
Coran (55,45-76) 117 ���,[[� �[[6 آ[[2 ��آ�[[* زوD[[�ن ... ���,[[� ���[[�ن #N�.[[�ن .....ذو#[[� أ��[[�ن .....و ,[[6 @[[�ف �?[[�م ر��D �]]4[[�ن
�9� و ) �Dن ......C/ >6 ا��F,[. � ........ .. ن�[$اه,�� ...و�[6 دو��,[� ��D[�ن .. ....���u�/ 6�ات ا ]�ف �E9 ر�[�ف ........���6 @��ات =%�ن.......���,� ��آ�* و �"2 و ر��ن ........���,� ����ن ��m@��ن 6�Z8��
> ...@m� و �C?�ي =%�ن
189
rôle essentiel. L’environnement est, en plus d’une exigence exogène de
l’homme, une exigence endogène qui répond à sa nature biologique et
psychique.
5.10.2 Usage de l’environnement
La loi Islamique fixe les droits des ressources naturelles que Dieu a mis à
la disposition de l’homme pour assurer son bien être. Pour rappel, Dieu est
le créateur de l’univers et tout lui appartient. L’homme ne peut jouir que
de l’usufruit des créatures terrestres qui obéissent à la loi divine. Le
Prophète (SWS) précise que le droit d’usage des ressources vivantes et
non vivantes de la terre doit obéir à un principe de base : « le profit, qu’on
en tire, doit être supérieur au dommage qu’on en cause » (Hadith de
Tirmidhi). Ces ressources sont mises à la disposition de l’homme qui doit
en user sans abus ou mauvais usage. Le nombre de bienfaits, dont
bénéficie l’homme, est bien plus grand que ceux en faveur de
l’environnement. Il y a de nombreux versets dans le Coran qui
mentionnent cet aspect. Dieu dit : « Et Il vous a assujetti tout ce qui est
dans les cieux et tout ce qui est sur la terre, car tout est à Lui. Voilà bien
là des signes, vraiment, pour des gens qui réfléchissent118» ou « Ne voyez-
vous pas que Dieu vous a assujetti ce qui est dans les cieux, oui, et aussi
ce qui est sur la terre ? Et Il vous a prodigué Ses bienfaits, aussi bien
apparents que cachés119 » ou encore « Pour vous, Il a asservi la nuit , le
jour, le soleil et la lune. Et par Son commandement, sont assujetties les
م .�&8�ون <? 8� �� �E ا %,�وات و�� �E اTرض D,��� ��� إن �E ذ k J.�ت Coran (45, 13) 118 > و�"� Coran (31,20) 119 >E� ��وات و�,% 8� �� � E�� �E ا � #�وا أن ا' �"� 9[�8� ��,[� v[�ه�ة أ� wC]�رض وأTا
> ���4* و
190
étoiles. Voilà bien là des signes, vraiment, pour des gens qui réfléchissent 120 ».
La mise en lumière de l’aspect temporel des choses est de rappeler aux
gens la vie éternelle de l’au delà. Dieu dit : « Et Il a assujetti le soleil et la
lune, chacun poursuivant sa course vers un terme fixé d’avance. Il
administre tout, détaillant les signes. Peut être croirez-vous avec certitude
en la rencontre de votre Seigneur121 ». Il est souhaité qu’une fois les gens
conscients de la limitation de la vie sur terre, ils seront amenés à avoir un
comportement responsable et constructif. Le résultat anticipé ici est le
bénéfice en faveur de l’environnement du fait du bon comportement
humain. L’ordre cosmique, tout comme les phénomènes naturels, ont une
fin ultime. L’assujettissement des éléments de l’environnement est
mentionné dans de nombreuses sourates du Coran : « Et c’est Lui qui a
assujetti la mer afin que d’elle vous en mangiez une chair fraîche, et que
vous en sortiez la parure que vous revêtez ; et tu y vois les bateaux glisser
avec bruit et pour que vous vous mettiez en quête de sa Grâce. Peut-être
Lui en seriez –vous reconnaissant ?122 » ou « Dieu, c’est Lui qui a créé les
cieux et la terre, et qui a fait descendre l’eau ; puis, d’elle, Il a fait sortir
différents fruits, pour vous nourrir, Il a mis à votre service les vaisseaux
qui glissent sur la mer de par Sa permission. Et Il vous a assujetti les
Coran (16,12) 120 > 8� ا 2�9 و ا ���ر و ا م �%"�ات 74�� إن �[E ذ [J و �"� N� P,< و ا ?,� و ام .�?9ن ? > k.�ت
Coran (13, 2) 121 > �]89� و �"� ا P,< و ا ?,� آN. 2[�ي 2]DT�E,]% .[$4� اT�a&. �][2 اk.[�ت ن�/# � >94?�ء ر84
Coran (16, 14) 122 >9# *�9= ��� اD�"�%# 3,� ��.� و �7آ9ا ��� �3C ��� و و ه ا !ي �"� ا%Cا@� ��� و� J9& 89� #8P�ون #�ي ا� ا ��9m� 6 و n�C� <
191
fleuves123 ». Dieu a aussi assujetti les animaux à l’homme : « Et Il a fait
pour vous les vaisseaux et les bestiaux ,un moyen pour votre
transport1124». On voit à travers ces nombreux versets l’interconnexion
entre les biens dont Dieu a comblé l’homme pour jouir ici-bas et
l’obligation de rendre compte de l’usage terrestre de ces biens devant
Dieu après sa mort. Ce qui rend l’homme responsable de ses actes envers
la nature et l’oblige volontairement et à tout moment à réfléchir avant
d’agir.
5.10.3 Conservation de l’environnement
Dieu a créé l’homme sur terre pour une seule et unique raison : c’est celle
de l’adorer. Dieu dit : « Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour
qu’ils M’adorent 125». Toute action, que l’homme doit entreprendre, doit
se faire en conformité avec la vision islamique qui est de plaire d’abord et
avant tout à Dieu. En Islam, l’homme ne peut se désintéresser de
l’environnement dont les éléments adorent Dieu au même titre que lui-
même. Protéger l’environnement est un acte de foi qui reçoit récompense
par Dieu aussi bien dans la vie terrestre que celle de l’au-delà. Cependant
en Islam, l’homme doit adopter un juste milieu entre une protection
absolue de l’environnement qui l’empêcherait d’en tirer un quelconque
profit comme dans certaines religions qui font de certaines créatures
(animaux par exemple) des choses sacrées et un désintéressement total vis
à vis de cet environnement qui serait préjudiciable à toute l’humanité. Par
Coran (14,32) 123 > ات�],F ا' ا !ي @K9 ا %,�وات و اTرض و أ�pل �6 ا %,�ء �[�ء �[7@�ج 4[� �[6 ا8� ا���Tر �N�ي �E ا 3C� 74�� و �"� J9& 8� ا 8� و �"� >رز/�
8� �6 ا &J9 و ا���Tم �� < 2�DنوCآ�#< Coran (43,12) 124 >و �� @Q?9 ا 6N و ا�R< إ) ��C$ون< Coran (52, 56) 125
192
exemple, il ne s’agit pas de protéger chaque espèce du règne animal
jusqu’au point de mettre en danger la vie de l’homme. Il y a des situations
particulières comme le cas de la réalisation de services ou
d’infrastructures d’intérêt public. On rapporte que le Prophète (SWS) a dit
que : « Quelqu’un, qui a coupé une branche d’un arbre qui constituait un
danger sur le chemin des gens avait été récompensé par l’entrée au
paradis ». On peut également citer le cas, par exemple, où la population
des prédateurs devient trop importante au point de mettre en danger celle
des proies. On doit intervenir pour réduire le nombre des prédateurs pour
rétablir un équilibre entre les espèces et sauvegarder l’équilibre des
écosystèmes eux-mêmes. La position islamique est celle du juste milieu
entre le comportement humain qui ignore entièrement l’environnement et
celui qui le sacralise en totalité. La vision islamique vise à protéger
l’environnement contre les abus dangereux du comportement humain tout
en assurant un développement durable. Le prophète (SWS) a défini le
principe de conservation et de durabilité qui constitue un enjeu
contemporain comme suit : «Vivez dans ce monde comme si devriez y
rester éternellement et en même temps comme si vous deviez le quitter
demain pour l’au-delà ». Ce principe a pour but de préserver l’équilibre et
la pérennité des écosystèmes naturels grâce à l’engagement permanent de
l’homme tout au long de sa vie terrestre. Cet engagement est associé au
devoir spirituel de l’homme envers Dieu et consiste à inscrire les actes
humains dans le cadre des obligations islamiques qui sont basées sur la
recherche du bien et la lutte contre le mal. Le fait de penser à l’au-delà
rappelle à l’homme sa responsabilité entière qui découle de ses actes ici -
bas, non seulement vis-à-vis de lui-même mais aussi d’autrui, des autres
créatures vivantes et des ressources naturelles. Chaque fois que
193
l’environnement est en péril, quelque part dans le monde, le musulman
doit se sentir concerné et impliqué. Il ne doit pas adopter une attitude
neutre en adoptant une position de spectateur. Il nous met en garde contre
toute transgression de Son ordre « ne faites pas nuisance à la terre alors
qu’elle a été mise en ordre par Dieu». Ce verset incite l’homme à ne pas
dégrader, détériorer ou polluer les ressources naturelles. Ce qui suppose
l’action réfléchie de l’homme chaque fois qu’il désire entreprendre des
activités. Il doit évaluer objectivement les conséquences de ses actions.
Pour ce faire, il doit agir en amont de toute activité en se servant d’une
méthode d’analyse scientifique et raisonnée des impacts potentiels de son
action sur les ressources naturelles qu’il désire exploiter ou transformer.
Si l’homme ne possède pas le savoir nécessaire, il devra s’adresser aux
structures, centres spécialisés et personnes compétentes en mesure de
l’orienter et de lui apporter les informations objectives nécessaires.
L’homme doit assurer la pérennité de tous les écosystèmes terrestres pour
en bénéficier, sans empêcher ses semblables d’en faire autant. Ce qui pose
le problème de solidarité à l’intérieur et à l’extérieur des pays. L’intérêt
doit se situer au niveau collectif et non individuel. L’usage durable des
ressources est un droit humanitaire au niveau des générations présentes et
futures et impose le principe de précaution au niveau de chaque
utilisateur. La gestion de l’environnement ne doit pas se limiter aux
frontières nationales mais s’étendre à la planète toute entière. Ce qui pose
le problème de la conservation et du partage équitable des ressources
naturelles mondiales qui doivent profiter à tous et qui ne doivent pas être
dilapidées. Le musulman doit gérer durablement ces ressources au niveau
de sa propre société et conformément aux intérêts de l’humanité toute
entière. L’Islam rejette toute forme de gaspillage et d’excès de
194
consommation des ressources naturelles. Dieu dit : « Ne sois pas
prodigue. Les prodigues sont les frères de Satan126 » ou « O fils d’Adam!,
..Et mangez et buvez; mais pas d’excès ! Il n’aime pas les outranciers127 ».
L’Islam condamne le luxe et les dépenses extravagantes. Le gaspillage
constitue une injustice sociale, car il entraîne une perte de ressources qui
peuvent servir aux besoins de la communauté entière et particulièrement
aux pauvres. Le principe de durabilité, tel qu’il est défini aujourd’hui,
rejoint un hadith du Prophète (SWS): « Si le dernier jour du monde arrive
et que vous aviez l’intention de planter un palmier, vous devriez
absolument le faire avant ». Ce dernier hadith montre le degré de gravité
et d’importance lié au principe de conservation de la nature qui, même
dans une situation limite, la plus extrême de la fin du monde, doit
s’imposer à l’homme malgré sa frayeur et son désarroi devant cette fin.
Ce qui montre l’importance consacrée à l’environnement par le Prophète
(SWS).
5.10.4 Environnement et aménagement
L’homme doit aménager l’espace terrestre qui est le lieu d’activité et
d’habitation. On doit établir un mode de vie équilibré en évitant les excès
et en limitant les insuffisances. On ne doit pas envisager l’aménagement
uniquement au niveau de l’habitat. La population humaine doit s’étendre
au plan spatial et occuper les diverses régions de la planète.
L’aménagement inclut toute activité humaine positive qui permet à la vie
de prospérer sur terre sans porter atteinte aux autres créatures et aux
>آ��ا إ@ان ا 6����P ا ,C!ر.6إن . و ) #C!ر #C!.�ا< Coran (17,27) 126 > 6���%, ��$ آ 2�N%$ و آ9ا و :�4ا و ) #%��ا ا�� ) .U3 ا �>.� x V�4دم @!وا ز.��8 Coran (7,31) 127
195
ressources naturelles. Si une activité humaine s’éloigne de l’éthique
islamique, elle sera une source de dégradation environnementale et devra
être rejetée en termes d’aménagement. Le verset ci-après montre la
relation entre la création et le rôle positif que doit jouer l’humanité : « Et
aux Thamoud, leur frère Salih ! Lequel dit : O mon peuple adorez Dieu.
Point de Dieu, pour vous que Lui. De la terre, Il vous a créés, et là même
Il vous y a établis128 ». Dans ce verset, il y a un lien parfait entre la notion
de monothéisme et l’aménagement de la terre. Sayyid Qutub a commenté
ce verset comme suit « Et Salih leur rappela (le peuple de Thamoud) leur
origine à partir de la terre, la création de tout individu de matière
terrestre ou de ses composants qui constituent leurs corps. Bien qu’ils
soient créés de la terre et de ses éléments, Dieu les a désignés vicaires
pour l’y habiter! Il a voulu qu’ils soient vicaires comme espèces et
individus pour remplacer ceux qui sont venus avant eux!129 ». Ainsi
apparaît la nécessité de rendre la vie possible aux générations à venir. Le
Coran montre que toute tentative de réaliser l’aménagement de la terre et
sa prospérité, loin de la Révélation divine, conduira certainement à sa
dégradation. Dieu dit : « N’ont-ils pas voyagé sur la terre pour voir ce
qu’il est advenu de ceux d’avant eux, plus forts qu’eux en fait de
puissance, et qui savaient cultiver et peuplé la terre plus que ceux-ci ?
Des messagers à eux leur vinrent avec des preuves. Puis ce n’est pas Dieu
qui leur fit du tord, mais c’est eux quifurent injustes envers eux-mêmes130
Coran (11,61) 128 > 6 ا]� �8 �3 /[�ل .[� /[م ا�C[$وا ا' �[��]u �د أ@[�ه,\ V ه[ أ�P[7 آ[� �[6 اTرض , ' _�[� وإ >ا���,�آ� ����و
129 Sayyid Qutub, Fi Zilal al-Qur'an. 12th Edition (Dar al-Shuruq) Vol. 12, p. 1907. Coran (30, 9) 130 > ��9� آ[��ا أ:[$ �[��C]/ 6]� 6.!] � .%��وا �E اTرض ���o�وا آ�t آ�ن ��/C* ا أو
9,�� و 8[6 آ[��ا o� �4 ���Cت �,� آ�ن ا' ��,�وه� و�Dء#�� ر��9 �,� �Fوه� أآ�,�ة ة أ\�روا اTرض و/
196
». L’aménagement doit se faire dans les zones appropriées et les projets
doivent bénéficier à l’humanité et non la mettre en danger. Aujourd’hui
dans le monde, on constate que beaucoup de maladies touchent la
population parce qu’on a implanté des habitations près de sources
toxiques ou radioactives. On peut citer le cas de l’accident nucléaire de
Tchernobyl en Ukraine où l’on chiffre des malades par milliers et de celui
de l’usine de Bhopal en Inde qui a provoqué plus de trois mille morts et
prés de vingt mille blessés. Ce type de projets peut laisser des séquelles
durables sur plusieurs générations et sur les ressources naturelles de
l’environnement. Le système capitaliste encourage certaines industries
destructives sans aucun intérêt comme celles du tabac, qui polluent l’air,
détruisent la santé et entraînent des maladies, des morts et une mauvaise
utilisation des sols qui pourraient servir à d’autres activités bénéfiques
pour l’homme. A ce sujet, on peut citer le point de vue du Dr. Yusuf Al-
Qaradawi : Le tabac étant dangereux, aux plans physique, psychologique
et économique, la justification de son interdiction est similaire à l’exemple
donné par Dieu en décrivant la conduite du Prophète (SWS) vis à vis de
son peuple : « Il leur autorisa comme légal ce qui est bien (et pur) et leur
interdit ce qui est mauvais (et impur). Le comportement naturel de
l’homme, sa raison et son expérience confirment que le tabac doit être
interdit131 ».
5.11 DROIT
Dieu dit : « Nous avons prescrit aux enfants d’Israël :
ن ,9o. � > أ�&%�131 «5. Yusuf Al-Qaradwai, al-Sunnah Masdaran lil-Ma'rifati wal-Hadarah (Cairo: 1977, Dar al-Shuruq),
197
quiconque aura tué un être humain (non meurtrier ou non
coupable) sera considéré comme ayant tué l’humanité toute
entière et quiconque aura sauvé une vie, sera considéré
comme ayant sauvé l’humanité toute entière132 ».
Avant d’aborder la relation entre l’Islam et le droit, on va décrire les
sources du droit islamique : Coran et Sunna.
5.11.1 Coran et Charia133
La première source du droit islamique est le Coran en tant que révélation
divine dont chaque mot vient de Dieu qui précise que cette révélation est
l’aboutissement d’une longue chaîne de révélations antérieures divines
transmises à une chaîne de prophètes depuis Adam jusqu’à l’apostolat du
dernier d’entre eux : le prophète Mohammed (SWS). Dans le Coran, il est
inscrit que c’est Abraham qui, le premier, a employé le mot Islam pour
désigner la religion de Dieu. Les prophètes envoyés par Dieu, depuis
Adam, n’ont fait que transmettre le même message celui de l’Islam qui
consistait à croire en un Dieu unique avec tous ses attributs, au Jour du
jugement dernier, aux prophètes antérieurs et aux Livres révélés. Les
prophètes demandaient à leurs peuples de se soumettre à Dieu et de vivre
une vie conforme à sa Loi. C’est ce qui constitue la religion de l’Islam
commune à tous les enseignements propagés par les prophètes. la Charia
ou droit islamique est l’émanation des règles prescrites par Dieu. Elle
traduit, sous forme opérationnelle, le code détaillé de conduite personnel,
Coran (5, 32) 132 > �],�78� أو �%[�د >]&� �]�n4 �]%&� 2]�/ 6]� �]2 أ��B[�ا�إ E]�4 E9� ��Cآ� J و�6 أ2D ذ ���,D س�� >/�2 ا ��س D,��� و �6 أ=��ه� ��78,� أ=�� ا
133 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985
ou collectif ainsi que les canons décrivant les modes de culte
les critères de la morale et de la vie, les c
les lois qui permettent de distinguer entre le bien et le mal. Même si
chaque prophète enseignait la même religion, il apportait avec lui une
Charia qui subissait un amendement
adaptée aux conditions de son peuple et de son époque.
pour faire progresser la civilisation humaine
doter de valeurs et d’un mode d’organisation
Figure 19 : Droit
une réponse divine à l’adaptation historique en fonction de l’évolution
naturelle et progressive de l’humanité. Le processus de la prophétie
s’acheva avec l’envoi du dernier prophète Mohammed (SWS) qui apporta
le code définitif destiné à l’humanité toute entière, parvenue à un stade
supérieur de maturité. l’Islam, dans s
Dieu, tel que prêché à l’origine par
DROIT
CHARIA
FIKH
198
les canons décrivant les modes de culte. Elle précise
es critères de la morale et de la vie, les choses permises ou interdites et
les lois qui permettent de distinguer entre le bien et le mal. Même si
chaque prophète enseignait la même religion, il apportait avec lui une
Charia qui subissait un amendement, au fil du temps, pour être mieux
onditions de son peuple et de son époque. C’était nécessaire
pour faire progresser la civilisation humaine, à travers les âges, pour la
et d’un mode d’organisation solide et approprié. C’était
Figure 19 : Droit
ptation historique en fonction de l’évolution
de l’humanité. Le processus de la prophétie
du dernier prophète Mohammed (SWS) qui apporta
le code définitif destiné à l’humanité toute entière, parvenue à un stade
, dans son principe de base de l’unicité de
rêché à l’origine par le prophète Abraham, n’a subi aucun
DROIT
CHARIA
SUNNA
199
changement des principes propagés par les prophètes avant Mohammed
(SWS) mais les bases de la Charia ont été modifiées pour devenir unique,
universelle et éternelle jusqu’à la fin du monde. Ainsi, la révélation divine
est devenue définitive comme fruit d’un grand et long processus
historique de formation et de codification qui a commencé avec Adam,
continué avec Abraham et les différents prophètes et qui s’est achevé avec
la venue du prophète Mohammed ‘SWS).
5.11.2 Sunna et Charia
La sunna est le recueil des instructions données par le dernier Prophète
(SWS) et de ses mémoires conservées par ceux qui vécurent en sa
compagnie ou ceux à qui elles furent transmises par des témoins directs.
Ces textes durent subir une véritable analyse critique aussi bien au niveau
des sources que de leur conformité avec la révélation divine afin de
s’assurer de leur authenticité. Ils furent sélectionnés et mis sous forme de
livres comme les recueils élaborés par Boukhari, Muslim, Tirmidhi, Abou
Daoud, Nasâ’i et Ibn Mâjah.
5.11.3 Loi islamique : Fikh
Le Fikh est une loi détaillée, dérivée de la Charia qui est plus générale et
de la Sunna. Il porte sur les innombrables problèmes qui peuvent surgir
dans la vie individuelle, communautaire, nationale ou internationale. Il a
été compilé par des éminents théologiens. Il faut être reconnaissant envers
ces hommes sages, clairvoyants et instruits qui consacrèrent une grande
partie de leur vie à l’étude et à l’analyse du Coran et de la Sunna. Ils ont
ainsi facilité à tout musulman la tâche de conformer son comportement
aux exigences de la Charia. C’est grâce à ces théologiens que les
200
musulmans partout dans le monde, peuvent comprendre et suivre
facilement le contenu juridique de la Charia, alors que l’insuffisance de
leurs connaissances, en matière de religion, ne leur aurait jamais permis
d’interpréter correctement d’eux-mêmes, le Coran et la Sunna. Même si
de nombreux théologiens s’appliquèrent à l’élaboration du Fikh, seules
quatre écoles principales de la pensée juridique sont retenues aujourd’hui
au niveau du monde musulman. Ces écoles portent le nom de leur
concepteur Abou Hanifa Nu’mân Ibn Thâbit, Malik Ibn Anas El Asbahi,
Mohammed Ibn Idriss Ach-Cha’fi’i et Ahmed Ibn Hanbal. Ces fikhs
furent élaborés au cours des deux siècles qui ont suivi la mort du Prophète
(SWS). Les différences entre ces quatre écoles découlent de la complexité
des situations humaines et du fait que la vérité a de multiples facettes. Ce
qui montre aussi le degré de liberté dont jouit l’homme en Islam dans sa
recherche de la vérité en fonction de ses convictions intimes. Il faut
cependant préciser que ces différences ne portent pas sur les bases
fondamentales de l’Islam (Ouçouls El Din) énoncées dans le Coran mais
sur la façon d’interpréter et de fixer des voies à suivre (Fourou’h) pour
appliquer ces bases. Quand des personnes différentes se mettent à
interpréter un fait donné, chacun va le faire en fonction de ses convictions.
L’authenticité, qu’on accorde à ces différentes écoles de pensée, repose
sur l’intégrité et la force de l’argumentation reconnues à leurs fondateurs
respectifs et aux méthodes qu’ils adoptèrent pour élaborer leurs fikhs.
C’est pourquoi tous les musulmans, quelle que soit l’école à laquelle ils
appartiennent, considèrent ces quatre écoles comme correctes et
conformes au Coran et à la Sunna. Cependant, bien que l’authenticité des
quatre écoles du Fikh ne soit pas mise en doute, on ne peut en suivre
qu’une seule dans sa vie et ce, afin d’éliminer toute sorte d’opportunisme
201
dans la conduite du croyant. Il faut toutefois signaler le cas du groupe
d’Ahl El Hadith qui estime que seuls ceux, qui possèdent les facultés
nécessaires et ont une connaissance suffisante de la religion, peuvent
aborder directement l’interprétation du Coran et de la Sunna pour y puiser
des directives. Les autres croyants devraient suivre l’un parmi les guides
des quatre grandes écoles. Une autre école de pensée existe, celle des
chiites qui possède son propre Fikh
Le droit musulman commença comme une loi d’un Etat et permit à
l’empire musulman de régner de l’Atlantique au Pacifique. Ce n’est
nullement ce droit qui est à l’origine de la décadence de l’empire mais des
musulmans qui ont cessé de s’y conformer. Ce droit rationnel, logique et
vaste possède, grâce à ses nombreuses branches :« Fourou’ », les
capacités nécessaires à son développement et à son adaptation temporelle.
C’est l’effritement de cet empire de l’intérieur d’abord et sous les coups
de boutoir de l’extérieur ensuite qui a rendu possible la colonisation, la
domination, l’invasion culturelle étrangère et l’éloignement progressif des
musulmans de l’application du droit islamique. Il est pour le moins
affligeant de constater que la libération des Etats musulmans au XXe siècle
a consisté uniquement à libérer la terre sans poser les jalons de la
libération de l’esprit. Beaucoup de gens ont mené le combat
d’indépendance pour le droit d’exercer librement leur foi religieuse et leur
langue. Pratiquement tous les pays musulmans, devenus indépendants, ont
fait du développement économique leur priorité absolue sans donner
d’importance à leur culture qui, seule, pouvait motiver et responsabiliser
le citoyen pour assurer ce développement. Sous l’influence de l’extérieur,
presque la totalité d’entre eux se sont alignés, soit sur le modèle capitaliste
202
ou sur le modèle socialiste. En copiant l’ancien colonisateur, ces pays ont
cherché à adopter son style de vie et son modèle économique dans l’espoir
de connaître le même essor que lui. Ils n’avaient pas et n’ont toujours pas
encore compris que le développement repose d’abord sur la culture
nationale avant de reposer sur les moyens matériels ou technologiques
acquis à prix fort de l’étranger. Même si des pays se disent musulmans à
travers leur constitution, ils n’appliquent pas les règles islamiques en
dehors des pratiques cultuelles. Ce qui est à l’origine d’un dualisme entre
les obligations découlant de la foi religieuse et les pratiques de
gouvernance. Ce dualisme inhibe les capacités humaines et le sens
véritable d’appartenance. La religion se réduit à des pratiques
superficielles n’ayant pratiquement aucun impact sur le comportement du
citoyen musulman aux niveaux individuel et collectif. Comme partout
ailleurs, l’individualisme prime au détriment de la solidarité collective
prônée par l’Islam. Aujourd’hui, l’échec politique et économique des
Etats musulmans et leur dépendance totale de l’étranger pour leurs besoins
alimentaires et même pour la sauvegarde de leur souveraineté, posent de
façon cruciale le problème de leur devenir. Le Prophète (SWS) a dit dans
un célèbre hadith « que la réforme des Etats musulmans ne peut s’opérer
que s’ils adoptent les principes de bonne gouvernance qui ont prévalu au
cours de leur passé glorieux ».
203
- Comportement en Islam
Le Fikh traite des codes de conduite intérieure et extérieure de l’homme
dans l’accomplissement littéral de ses devoirs envers Dieu, envers soi-
même et envers autrui. Il règle nos prières qui exigent de notre part la
concentration nécessaire, notre dévotion, la pureté de nos âmes et l’effet
de la prière sur notre comportement. Il porte sur l’Ikhlass (convictions de
l’homme) qui mesure la profondeur de notre obéissance à Dieu et notre
sincérité envers Lui. et la Nya (mobiles et intentions)
Dans le cas de la prière, le code permet de juger seulement la conformité
des apparences extérieures aux exigences comme les ablutions, le moment
de la prière, l’orientation vers la Kabaa et le nombre de Raka’ate.
l’Ikhlass régle notre rapport à Dieu qui nous jugera selon notre
concentration, notre dévotion, la pureté de nos âmes et l’effet de la prière
sur notre morale et notre comportement.
Un fidèle qui suit les règles du Fikh en apparence mais sans conviction
profonde, est comme un homme beau en apparence mais sans caractère, ni
personnalité. A l’opposé, un croyant plein de conviction mais qui ne suit
pas les règles du Fikh, est comme un homme noble mais de mauvaise
apparence.
- Contenu du Fikh ( Droit en Islam )
Le Prophète (SWS) n’a pas seulement enseigné à ses fidèles les dogmes
théologiques mais aussi les lois dans les domaines de la vie courante,
individuelle, collective, temporelle et spirituelle. Il a créé, pour la
première fois, un Etat qu’il a administré, des armées qu’il a formées et
conduites, une diplomatie qu’il a élaborée et menée. S’il y avait des litiges
entre ses sujets, il les tranchait de par
a développées.
Figure 2
Il transforma les lois coutumières en une législation étatique faite de
règles toutes neuves grâce à la révélation divine. Pour préciser le contenu
de certaines lois ou pour parer au silence de la législation, les
jurisconsultes musulmans apportaient les réponses
méthode de déduction ou par analogie
progressivement au fur et à mesure que de nouveaux cas de jurisprudence
se posaient aux juges. C’était un droit vivant qui s’adaptait aux besoins au
cours du temps. Le droit islamique s’est
pays étrangers quand celles-ci ne s’opposaient pas à la législation définie
par le Prophète (SWS).
COMPORTEMENT
FAMILLE
SOCIETE
CREATURES
NON MUSULMANS
204
par la valeur et la richesse des lois qu’il
Figure 20 : Fikh
Il transforma les lois coutumières en une législation étatique faite de
toutes neuves grâce à la révélation divine. Pour préciser le contenu
de certaines lois ou pour parer au silence de la législation, les
jurisconsultes musulmans apportaient les réponses en s’appuyant sur la
analogie. Le droit islamique se renforça
progressivement au fur et à mesure que de nouveaux cas de jurisprudence
se posaient aux juges. C’était un droit vivant qui s’adaptait aux besoins au
Le droit islamique s’est enrichi des lois et coutumes des
ci ne s’opposaient pas à la législation définie
FIKH
COMPORTEMENT
CONTENU
DIEU
AUTRUI
FAMILLE
205
La loi islamique est une loi universelle, parce qu’elle ne fait aucune
discrimination entre les hommes, si ce n’est leur foi et leur religion. Il
suffit de faire le sermon qu’il y a un seul Dieu et que Mohammed (SWS)
est son prophète pour devenir musulman et jouir des mêmes droits que
tous les autres musulmans. L’Islam ne fait aucune distinction de race, de
pays, de couleur ou de langue. Son message s’adresse à l’humanité toute
entière. Les systèmes religieux et sociaux, les idéologies politiques et
culturelles qui font les différences entre les hommes, selon leur race et
leur nationalité, ne pourront jamais prétendre à l’universalité, pour une
raison bien simple qu’on ne peut changer de race ou de nationalité, que le
monde entier ne peut se concentrer pour devenir un seul pays et que la
couleur d’un noir, d’un jaune ou d’un blanc ne peut se modifier. De telles
idéologies et de tels systèmes sociaux sont voués à rester liés à une race,
un pays ou une communauté particulière et ne pourront jamais prétendre à
une dimension universelle.
L’Islam est éternel dans ses principes de base. Il n’est pas fondé sur les
coutumes ou des traditions d’un peuple en particulier et n’est pas destiné à
une époque donnée de l’histoire humaine. Il est fondé sur les principes
naturels selon lesquels l’homme fut créé par Dieu. Comme cette nature
reste la même à travers les siècles et en toutes circonstances, la loi divine
est éternelle. L’Islam consiste en un ensemble de droits et de devoirs et
tout être humain qui accepte cette religion doit s’y conformer.
Depuis la haute antiquité, les anciens ont tous eu leurs lois particulières
mais une science du droit, abstraite et distincte des lois ne semble pas
avoir été imaginée avant Ach-Châfi’i (767-820 de l’ère chrétienne).
L’ouvrage de ce juriste « Risâlah » désigne cette science par le nom
206
expressif de « Racines des lois », racines d’où poussent toutes les
branches des règles de comportement humain. Cette science, appelée
depuis lors « Ouçouls El Fikh » chez les musulmans, traite à la fois de
philosophie, du droit, des sources des règles et des principes de la
législation, de l’interprétation et de l’application des textes juridiques. Les
lois, les règles, elles-mêmes, sont pour lui les branches (Fourou’). Parmi
les notions fondamentales du droit, l’Islam introduit la notion du mobile,
de l’intention dans un acte (Niyat), notion basée sur un célèbre hadith du
Prophète (SWS) : « les actes ne valent que par leurs mobiles ».
Désormais, le tort intentionnel et le tort involontaire se seront plus traités
de la même façon par les tribunaux. L’Islam impose quatre sortes de
droits et devoirs :
• devoirs envers Dieu que tout homme est obligé de remplir,
• droits et devoirs de l’homme,
• devoirs envers la famille,
• devoirs envers d’autrui,
• droits envers l’environnement et les ressources naturelles.
La législation islamique (Charia) précise clairement chaque sorte de droit
et de devoir et la traite de façon détaillée. Elle met également en lumière
les moyens par lesquels les obligations, qui constituent le socle de la vie
islamique et de ses valeurs fondamentales, peuvent être remplies.
M.A.Draz134 résume le cadre global des droits et devoirs en Islam : « La
raison s’achève dans la foi et la foi se réfère à la raison, comment l’individu, tout
en assumant sa propre responsabilité, veille à la bonne marche de la moralité
134 Dr M.A.Draz : La morale du Coran 1983 Ed Fédala – Mohammédia- Maroc
commune, comment d’autre part, la société prend conscience à la f
transcendance, de son droit sacré par rapport à ses membres (sans toutefois
exiger de ces derniers des sacrifices inutiles ou fanatiques) et du devoir
impérieux qui lui incombe d’assurer aux déshérités un bien
leur éviter toute charge imméritée ».
Figure 21 : Droits et devoirs en Islam
- Devoirs de l’homme envers Dieu
L’Islam précise les rapports de l’homme avec Dieu son créateur.
Le premier devoir de l’homme, vis à vis de Dieu, est d’avoir foi en Lui
tout seul, de reconnaître Son autorité et de n
n’y a d’autre Dieu que Lui ». Dieu dit
tourner son visage vers l’Orient ou l’Occident mais croire en Dieu, au
135 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -19858B`, م اk@� وا� ا و 68 ا �C�x 6�6 �4' وا �< ا C� أن #* 6��C� >وا ��8ب وا
DROITS
ET
DEVOIRS
DIEU
AUTRUI
FAMILLE
207
commune, comment d’autre part, la société prend conscience à la fois de sa
transcendance, de son droit sacré par rapport à ses membres (sans toutefois
exiger de ces derniers des sacrifices inutiles ou fanatiques) et du devoir
impérieux qui lui incombe d’assurer aux déshérités un bien être convenable, de
Figure 21 : Droits et devoirs en Islam
Devoirs de l’homme envers Dieu135
L’Islam précise les rapports de l’homme avec Dieu son créateur.
Le premier devoir de l’homme, vis à vis de Dieu, est d’avoir foi en Lui
reconnaître Son autorité et de ne Lui associer personne « il
». Dieu dit136 : « La vertu, ce n’est point
tourner son visage vers l’Orient ou l’Occident mais croire en Dieu, au
1985 Coran (2,177) 136 >8B`, م اk@� وا� ا و 68 ا �C�x 6�6 �4' وا �< ا C� أن #
DROITS
ET
DEVOIRS
DIEU
HOMME
ENVIRONNEMENT ET
RESSOURCES
208
jour dernier, aux anges, aux Livres et aux Prophètes » ou137 « Croyez en
Dieu, à Son prophète (SWS), au Livre qu’il lui a révélé et aux Ecritures
qui l’ont précédé. Celui qui renie Dieu, ses anges, ses Livres, ses
Prophètes et le jour dernier, s’écarte à jamais (de la vérité) ».
Le second devoir du musulman, vis-à-vis de Dieu, est d’accepter de tout
cœur ses commandements, c’est-à-dire le code de conduite révélé à
l’homme. Dieu dit138 : « Si Nous leur avions prescrit de se tuer (de se faire
martyrs) ou de s’expatrier, peu d’entre eux l’auraient fait. Cependant,
s’ils avaient mis en pratique ces commandements, c’eût été meilleur pour
eux pour raffermir leur foi ». L’homme doit chercher à plaire à Dieu à
travers les prières impliquant le corps, l’esprit et l’âme. Il doit appliquer
ses devoirs en ayant foi dans le Prophète (SWS) et en l’acceptant comme
guide.
Le troisième devoir de l’homme envers Dieu est de lui obéir sans aucune
réserve, en se conformant scrupuleusement à Sa loi telle qu’elle découle
du Coran et de la Sunna.
Le quatrième devoir est d’adorer Dieu par l’observation des prières et
autres obligations.
Ces quatre devoirs ont la préséance sur tous les autres droits. Par exemple,
en respectant les heures de prière et en se conformant au jeûne, l’homme
doit sacrifier certains de ses droits personnels. Il doit faire des efforts et
Coran (4,136) 137 > 2]C/ 6]� لp]ي أ�!] ا 4[�' ور�[ � وا �8[�ب ا [!ي �[pل �V]9 ر�[ � وا �8[�ب ا��xم اI $?� �@T` ) ��4$ا و�6 .8&� ا' و �`��8B و� > آ��C و ر��9 و ا
Coran (4,66) 138 > 9 إ) /2�9 ���� و�� �� �ا �6 د.�ره� آD�@أو أ ���9� أن ا/�9ا أ�&8%� ��Cآ� و � �� و أ:$ #���CF ا��� ن �4 �8ن @��ا o�9ا �� .� <
209
accepter certaines privations pour plaire à Dieu et accomplir ses devoirs
envers Lui. Il doit se lever tôt le matin pour faire sa prière au détriment de
son sommeil et de son repos. Le jour, il doit interrompre ses activités au
moment des prières pour les accomplir. Au cours du mois de Ramadan
(mois du jeûne), il doit s’abstenir de manger de l’aurore du jour jusqu’au
crépuscule, endurer la faim et s’interdire tout rapport sexuel au cours du
jeûne. En payant annuellement les impôts (Zakat), il accepte de sacrifier
une petite partie de son capital financier, mais il prouve par là que son
amour pour Dieu est bien plus important que sa fortune ou sa personne.
Pour accomplir son pèlerinage, une fois dans sa vie, il doit renoncer à son
train de vie, supporter les peines et les charges du voyage. Pour la défense
de sa religion (Djihad), il doit sacrifier sa personne, son argent et tout ce
qu’il possède. Dans le cadre de l’accomplissement des prières et des
autres obligations, on doit nécessairement sacrifier plus ou moins des
droits ordinaires d’autrui et même nuire à ses propres intérêts en général.
En effet, on doit accepter que son ouvrier ou son serviteur puisse cesser
momentanément son travail pour faire sa prière. Un homme d’affaires doit
interrompre ses activités pour entreprendre son pèlerinage à la Mecque.
Aux fins d’équilibre et d’harmonie, Dieu a formulé sa Loi de façon à
limiter au minimum les contraintes et les sacrifices auxquels l’homme
peut être confronté. En effet, si par exemple, l’homme est malade ou s’il
ne trouve pas d’eau pour ses ablutions, il peut utiliser la voie sèche
(Tayammum). Si on est en voyage, on peut raccourcir les prières. Si on est
malade et qu’on ne peut pas prier debout, on peut accomplir ses prières en
position assise ou couchée. Même la récitation des textes coraniques
durant les prières est laissée à l’appréciation de l’individu. S’il est pressé,
il peut les raccourcir et s’il a le temps, il peut les allonger à sa
210
convenance. Dieu s’oppose à ce qu’on se prive de sommeil ou qu’on
sacrifie les droits des enfants et de la famille. En période de jeûne, si on
est malade ou en voyage, on peut interrompre temporairement le jeûne et
le reporter à une période ultérieure plus propice. Les femmes peuvent
reporter le jeûne en cas de grossesse, pendant leurs règles et quand elles
allaitent leurs bébés. Pour l’impôt annuel (Zakat), Dieu a fixé une limite
inférieure pour ne pas pénaliser lourdement l’homme. Même quand on
accomplit des actes de charité, il faut les faire avec modération et sans
excès. Le pèlerinage n’est obligatoire que pour ceux qui ont les moyens
matériels pour couvrir les frais de voyage et de séjour et qui sont
physiquement aptes à supporter les peines que cela entraîne. De plus pour
le pèlerinage, l’autorisation de la famille est une obligation essentielle, de
sorte que les parents âgés à charge du futur pèlerin ne soient pas laissés
pour compte durant son absence. L’Islam prône toujours le juste équilibre
entre les diverses activités de la vie qu’elles soient d’ordre spirituel ou
matériel.
Le plus grand sacrifice pour la cause de Dieu est le combat pour la
défense de la religion (Djihad). L’homme sacrifie sa vie et ses biens pour
la cause de Dieu. En Islam, le recours au Djihad est un moyen
exceptionnel, quand toutes les solutions pour l’éviter auraient été tentées.
Le but ultime du Djihad est le combat contre le mal et la défense du bien
pour empêcher que l’immoralité et le désordre ne se répandent sur terre.
Mais Dieu a interdit toute effusion de sang inutile et toute atteinte aux
vieillards, aux femmes, aux enfants, aux malades et blessés. Dieu ordonne
de se battre uniquement contre ceux qui combattent l’Islam. Il interdit de
provoquer des destructions inutiles, même sur un territoire ennemi et
211
recommande de traiter les vaincus avec justice et honneur. Il faut respecter
de façon absolue les accords passés avec l’ennemi et arrêter les combats
quand l’adversaire cesse le feu ou suspend les hostilités. Ainsi l’Islam
tente de réduire au minimum le fardeau des sacrifices en matière de vie,
de biens et de droits d’autrui et ce, dans le cadre de l’accomplissement des
obligations envers Dieu. L’Islam désire établir un équilibre entre les
nombreuses exigences de la vie humaine en adaptant les droits et les
obligations de manière à ce que la vie soit sans cesse valorisée et enrichie
par les mérites reconnus et les réalisations les plus élevées.
- Droits et devoirs personnels139
L’homme est souvent plus injuste et plus cruel envers lui-même qu’envers
autrui. Ce jugement peut surprendre, car comment un homme peut-il être
injuste envers lui-même, alors qu’on sait qu’il aime bien sa propre
personne au dessus de tout? Comment peut-il devenir son propre ennemi?
L’homme a de grandes faiblesses : quand il éprouve un grand désir, au
lieu de résister, il y succombe et en l’assouvissant, cause inconsciemment
de tort à lui-même et parfois beaucoup aux autres. Quelqu’un, qui
s’adonne à la boisson ou au tabac, sait pertinemment qu’il cause un tort
physique et psychique à son corps, mais malgré cela, il continue dans cette
voie aux dépens de sa santé, de sa réputation et de son argent. Une autre
personne est si gourmande que, dans ses excès de table, elle abîme sa
santé et met sa vie en péril. Quand quelqu’un s’adonne aux jeux du
hasard, il arrive qu’il perde tous ses biens, s’endette et parfois aboutit au
suicide. Un autre homme, dans un sens tout à fait opposé, s’épuise dans la
139 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985
212
recherche sans fin d’une ascension spirituelle : il réprime ses désirs, refuse
de satisfaire ses besoins élémentaires et ses exigences physiques
naturelles, s’oppose à son appétit, se dépouille de ses vêtements, quitte sa
maison et se retire loin du monde. Il rejette la vie en société et prend en
horreur toutes les formes et manifestations sociales. On voit à travers ces
exemples, que souvent l’homme a tendance à aller vers des
comportements extrêmes et à se perdre : soit en donnant libre cours à ses
instincts à l’instar d’un animal ou de les réprimer pour accéder à une
sainteté parfaite. L’Islam est la religion du juste milieu. Il prône le bien
être de l’homme et son but est de faire de l’homme un être équilibré. C’est
pourquoi la Charia affirme clairement : « Votre personne a des droits sur
vous ». Elle interdit l’usage de toute chose qui est nuisible à l’existence et
à l’intégrité physique, mentale ou morale de l’individu. Aussi, elle rend
illicite la consommation du sang, des drogues, de la viande de porc, des
oiseaux de proie ou des animaux venimeux, des cadavres, car toutes ces
choses ont des effets néfastes sur la santé humaine. A côté de ces
interdictions, nuisibles à la santé, l’Islam prescrit à l’homme l’usage de
tout ce qui est propre et sain et lui demande de ne pas priver son corps de
nourriture saine, car le corps de l’homme a un droit sur lui. L’Islam prône
la chasteté, la décence et la continence des regards, condamne la nudité et
ordonne à l’homme de se couvrir dignement. Dieu dit « Prescris aux
croyants de tenir leurs yeux baissés et de dominer leurs sens. Cela les
rendra plus purs. Dieu sait tout ce qu’ils font. Prescris aux croyantes de
tenir leurs yeux baissés et de dominer leurs sens, de ne laisser paraître de
leur charme que ce qu’elles ne peuvent pas dissimuler, de couvrir leurs
gorges (et poitrines) d’un voile, de ne laisser paraître leur charme qu’à
leurs époux, à leurs pères, aux pères de leurs époux, à leurs fils, à leur
213
beau-fils, à leurs frères, à leurs neveux, à leurs servantes, à leurs
esclaves, à leurs domestiques dépourvus de besoins sexuels et aux enfants
non initiés aux rapports charnels. Prescris-leur de ne pas frapper du pied
pour révéler leurs bijoux cachés ».
L’Islam exhorte l’homme à travailler pour gagner sa vie et désapprouve
fortement l’oisiveté et la paresse. L’esprit de la loi islamique incite
l’homme à utiliser, pour son confort et son bien être, les pouvoirs que
Dieu lui a conférés ainsi que les ressources naturelles qu’Il a mises à sa
disposition et selon les limites d’usage qu’Il a fixées. L’Islam n’incite pas
à réprimer les désirs sexuels et enjoint seulement à l’homme de les
contrôler et de chercher leur satisfaction dans le cadre légal du mariage.
Dieu dit140 : «Ne soit pas aveuglé par tes penchants, ils t’écarteront du
sentier de Dieu » ou141 « Ne suivez pas vos impulsions, de peur que vous
ne soyez pas équitables, si vous portez un mauvais témoignage ou si vous
refusez de témoigner, alors oui, Dieu demeure bien informé de ce vous
faites ». Il est interdit à l’homme la persécution et le reniement total de soi
et lui commande de jouir des plaisirs légitimes de la vie, de rester pieux et
ferme au milieu des problèmes et contingences de la vie. Pour accéder à
l’élévation spirituelle, la pureté morale, le rapprochement de Dieu et le
salut après la mort, il n’est pas nécessaire d’abandonner ce monde. Au
contraire, il faut supporter la mise à l’épreuve et patienter tout en suivant
la voie de Dieu, car le chemin du succès est de demeurer croyant et ferme
au milieu des complexités de la vie et non en dehors. Il est recommandé à
Coran (38,26) 140 >'2 ا�C� 6� J9m�� ى� >و ) #�fC اCoran (4,135) 141 >ا��C@ نا ��ن ا' آ�ن 9,�# �,4I��# وا أوا و أن 9# اء أن #�$� ا ا�C�# `�<
214
l’homme de maîtriser sa colère, de pardonner à ses semblables et de se
montrer généreux : « (Le paradis) est réservé aux vertueux, qui font
largesses dans la bonne et mauvaise fortune, et pour ceux qui dominent
leur colère et pardonnent à autrui, car Dieu aime les bienfaiteurs142».
L’homme doit se montrer toujours sincère quelque soit la situation dans
laquelle il se trouve : « Ho les croyants ! Craignez Dieu et joignes-vous à
ceux qui sont sincères 143 ou « Oh les croyants ! Craignez Dieu et soyez
droits dans vos propos144» ou encore « Ceux qui apportent la vérité et y
croient, voilà les pieux145 ». L’homme doit être modeste et souple en
toutes circonstances : « Les serviteurs du Miséricordieux sont ceux qui se
comportent humblement sur la terre146». L’endurance et la patience sont
deux caractères importants du croyant : «Et pour ton Seigneur, endure 147
». L’Islam recommande le juste milieu et la modération dans tout : « Les
serviteurs du Miséricordieux sont ceux qui, …se montrent, dans leurs
dépenses, ni prodigues, ni avares, mais tiennent un juste milieu148 ». Dieu
recommande l’usage modéré des bonnes choses et l’alimentation licite : «
Oh les croyants ! Ne vous interdisez pas les excellentes choses dont Dieu
vous a permis l’usage, mais évitez les excès, car Dieu n’aime pas les
prodigues. Nourrissez-vous des aliments licites et bons, que Dieu vous
accorde 149» ou encore « Fils d’Adam ! Prenez vos beaux habits, mangez
>9 �6 ا ��سأ�$ت 6���� ن �E ا %�اء وا m�اء وا v�8,�6 ا �n| وا?&�. 6.! >,�?�6 ا Coran (3,134) 142 ا �f ا �aد/�6 �.� أ.�< �>ا !.6 أ��ا ا#?ا ا' و آ Coran (9,119) 143
>ا !.6 أ��ا ا#?ا ا' و/9ا /) �$.$ا �.� أ.�< Coran (33,70) 144 ن و ا !ي �Dء �4 a$ق و u$ق �4< ?�, >أو JZ ه� ا Coran (39, 33) 145 >��ن �V9 اTرض هP,. 6.! >و��Cد ا �=,�ن ا Coran (25, 63) 146
>و �Cu�� J4�ا< Coran (74, 7) 147 ا�� ....و��Cد ا �=,�ن</ J � .?��وا و آ�ن 6�4 ذ ا و ��%. � >و ا !.6 إذا أ�&?ا Coran (25, 67) 148
8� و ) #��$وا إن ا' ) .U3 ا ,��$.6 و < 74.�� ا !.6 أ��ا ) 3#��ا ���Cت �� أ=2 ا'
215
et buvez, mais gardez-vous de tout excès. Dieu n’aime pas ceux qui
manquent de modération ». Dis-leur : « Qui peut défendre l’usage des
ornements que Dieu a produits pour ses serviteurs, et celui des aliments
purs qu’il leur accorde ? Dis-leur : ces biens sont dans ce monde, un droit
pour les fidèles et seront leur apanage dans l’autre150 ». Il faut savoir
écouter et prendre le bon conseil : « Annonce une bonne nouvelle à mes
serviteurs qui écoutent les paroles et suivent les plus belles d’entre-
elles151» L’Islam interdit le suicide et réaffirme que la vie n’appartient
qu’à Dieu. Elle est un dépôt que Dieu confie à l’homme, un certain temps,
pour qu’il en fasse le meilleur usage possible. La vie n’est pas faite pour
être gâchée et détruite de manière inconsidérée ou de façon volontaire.
Dieu dit : « Et ne vous exposez pas, de vos propres mains, à la
déperdition152» ou « N’attentez pas non plus à vos jours 153». L’homme ne
doit pas défigurer les créatures ou interférer, par un procédé ou un autre,
dans la création de Dieu. L’homme doit veiller à sa propreté et éviter toute
souillure morale ou physique : « Dieu aime ceux qui s’évertuent à se
purifier154». L’homme ne doit pas s’accaparer les biens d’autrui par la
force, la ruse ou l’injustice : « Ne dépouillez pas les richesses entre vous
illicitement, ne les confiez pas aux juges (en les corrompant ou en les
trompant), en vue de vous accaparer injustement une partie des biens
�C�� (`= �>آ9ا �,� رز/8 Coran (5, 87-88) 149 Coran (7,31-32) 150 > U]3. ( �]ا ا���[$ آ[ 2�N]%$ و آ9[ا و ا:[�4ا و ) #%[�� �.x V]�Cدم @[!وا ز.�[�8
ا �[E ا �3[�ة ا [$��� ا ,%���6 /2 �6 =�م ز.�* ا']��x 6.!]9 E]زق /2 ه� ا �E أ@�ج ��Cد و ا ]��Cت �6 ا *���? م ا. *a �@<
ن أ=%��< �C��� ل? 6 .%�,�ن ا.! ��Cد ا �PC�< Coran (39, 17-18) 151 >*89�� >و) 9#?ا 74.$آ� إ V ا Coran (2,195) 152
Coran (4, 29) 153 >� >و) #?�9ا أ�&8%Coran (9, 108) 154 >6.��[, >وا' .U3 ا
216
d’autrui, alors que vous savez (qu’elle ne vous appartient pas) 155».
Dieu, sachant bien qu’il peut exister des cas de force majeure et des
situations extrêmes et pour protéger la vie sacrée de l’homme, l’autorise à
passer outre certains interdits. Ainsi en période de famine, pour éviter de
succomber à la famine, l’homme peut consommer temporairement la
nourriture prohibée tant que la nécessité l’exige. Mais cette autorisation
doit cesser dès que les causes qui l’ont suscitée disparaissent. Dieu
dit : « (Dieu vous a expliqué en détail ce qu’il vous a interdit, sauf les cas
de force majeure156 » ou encore : « Il vous interdit de consommer la bête
morte, le sang, la viande de porc et ce sur quoi on a invoqué toute autre
divinité que Dieu, celui qui cède à la nécessité, sans être mu par
l’ambition, ni par la transgression, ne sera pas considéré comme avoir
commis un péché157». Un autre exemple est fourni par la suspension de la
sentence d’amputation de la main du voleur quand le vol a pour seul motif
la faim. Des cas sont cités aussi bien du temps du Prophète (SWS) que du
calife Omar Ibn El Khattab.
- Droits d’autrui158
L’Islam enjoint, d’un côté à l’homme de s’acquitter de ses droits et
devoirs et d’être juste envers lui-même et d’un autre côté, de ne pas
chercher à obtenir des droits en usurpant ceux d’autrui. Les lois de la
Coran (2,188) 155 > الا �4[� إ [E ا 83[�م �[7آ9ا ��.?[� �[6 أ�[ �4 ��C[2 و #[$ �8�]�4 �8 و) #[7آ9ا أ�[ان ,9�# �� و أ��\k�4 س�� >ا
Coran (6,119) 156 >#ر�[Iا ��إ) �8�9�8� �� =�م 2a� $/و� �� >إCoran (2,173) 157 >�9�3� ا "�p.� و�� أه2 �4 �n� ا' �,6 اI[]� _�[� إ�,� =�م 8� ا ,��* و ا $م و
��9� � > �4غ و ) ��د �` \158 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985
217
Charia ont pour finalité d’assurer l’équilibre entre les droits de l’individu
et les droits de la communauté pour éviter tout conflit risquant de surgir
entre les gens. Tous doivent coopérer et contribuer à faire régner la loi de
Dieu sur terre. L’Islam interdit le mensonge sous toutes ses formes car il
souille le menteur, nuit aux autres et constitue une menace pour la
société : « Evitez toute parole mensongère159». Il prohibe le vol, la
corruption, la fabrication de fausse monnaie, la tricherie, l’usure (intérêts),
car toute acquisition par ces moyens se fait au détriment d’autrui en
causant du tort. La médisance, les cancans, la calomnie et la diffamation
sont interdits. Il recommande d’user de beaucoup de circonspection, de
retenue et de modération dans ses propres jugements : « Oh croyants !,
évitez la plupart des soupçons, car il y a des soupçons qui sont des
péchés160 » ou encore « Ho croyants!, si un pervers vous apporte une
quelconque nouvelle, alors, vérifiez la, vous risqueriez de nuire à votre
prochain par ignorance, et qu’ensuite vous regretteriez votre tort161 ».
Dans le doute, il faut s’abstenir de porter un quelconque
jugement : « Abstiens toi de toute chose dont tu ne possèdes pas une
science certaine, l’ouïe, la vue, le cœur, sur tout cela, on sera
interrogé162». Le jeu, les loteries, la spéculation et les jeux de hasard sont
prohibés car, dans toutes ces choses, la personne qui gagne le fait aux
dépens de milliers d’autres perdants. Toutes les formes d’exploitation de
ا /ل ا pور < C��Dوا< Coran (22, 30) 159 ا آ�F�ا �6 ا 6m أن �4~ ا 6m أ\� �.�ء.�< C��Dا ا>ا !.6 أ�� Coran (49,12) 160
Coran (49,6) 161 >�.ء�.� V]9�3ا C]a�� *] ��N4 �]�ا /C�a# ا أن��C�� 7C�4 K��� �ا !.6 أ��ا إن �Dءآ�9� ��د��6�� ��<
Coran (17, 36) 162 > �]]��� ؛ أن ا %[[,f وا aC[[� وا &[[;اد آ[[2 أو J]]Z آ[[�ن ]]9� �]]4 J]] >�]] و) #?&[[ا �[[� >�%;و)
218
l’homme par l’homme sont interdites. Le monopole, la thésaurisation, le
marché noir, la spéculation foncière et toute forme d’enrichissement
individuel et social au détriment d’autrui sont prohibés.
Le meurtre, l’effusion du sang, l’incitation au désordre et la destruction
des biens sont considérés comme des crimes, car personne n’a le droit de
porter atteinte à la vie qui n’appartient qu’à Dieu seul, ni aux biens
d’autrui pour son seul profit ou désir personnel. Dieu dit : « Ne mettez pas
fin à la vie, que Dieu a rendue sacrée, à moins que ce ne soit en justice163»
L’adultère, la fornication et l’homosexualité sont strictement interdits car,
non seulement, elles pervertissent la morale et nuisent à la santé de celui
qui les pratique, mais aussi parce qu’elles sont un moyen de corruption et
d’immoralité de la société en provoquant des maladies vénériennes ou des
déficiences immunitaires (cas du Sida) qui ruinent la société sur le plan de
la santé publique et sur le plan financier par le coût exorbitant de la prise
en charge de ces maladies graves et contagieuses sur le budget de l’Etat.
De plus, elles mettent en péril le devenir du genre humain. L’Islam
considère ces comportements comme criminels car ils dégradent la santé,
affectent la moralité des générations futures, bouleversent les rapports
entre hommes et femmes, entre hommes et entre femmes et rompent la
trame naturelle et la structure culturelle et sociale de la communauté.
Ainsi, on devrait également parler du développement durable de l’espèce
humaine comme l’on parle aujourd’hui à grand bruit, au niveau mondial,
du développement durable en matière de biodiversité et d’économie pour
le grand bien des générations présentes et futures. Les restrictions
> K3 >و ) #?�9ا ا �&< ا �E =�م ا' إ) �4 Coran (6,151) 163
219
imposées par l’Islam visent à protéger les équilibres naturels et humains et
à empêcher l’homme de porter atteinte aux droits d’autrui et des autres
créatures. L’Islam ne veut pas que l’homme devienne égoïste et
égocentrique au point de violer les principes moraux pour assouvir les
désirs de son esprit et de son corps. La Charia règle la vie de telle sorte
que le bien être de chacun et de tous puisse être garanti. Pour asseoir le
bien être de l’humanité et le progrès de la civilisation, des règles
d’obligation collective doivent être appliquées. Dans une société prospère
et paisible, les gens doivent non seulement ne pas porter atteinte aux
droits d’autrui, mais aussi ne pas nuire à leurs intérêts. Ils sont encouragés
à coopérer entre eux et à nouer des relations fructueuses. Ils sont appelés à
mettre en place des institutions sociales en vue d’œuvrer pour le bien
commun et la réalisation d’une société humaine exemplaire. A cette fin, la
loi islamique a fixé des obligations au niveau familial et social.
- Droits de la famille164
La famille est le premier noyau de la vie humaine, car c’est en son sein
que se développent les relations entre l’homme, la femme et les enfants.
C’est là que se forment les traits de caractère fondamentaux de la
personnalité de l’enfant qui sera l’homme de demain. La famille est la
cellule de base de toute civilisation. Les règles islamiques concernant la
famille sont très explicites. Elles assignent à l’homme la responsabilité de
gagner sa vie, de subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants et de
les protéger contre les vicissitudes de la vie : « Les hommes sont chefs,
protecteurs et soutiens de leurs femmes à cause des qualités par lesquelles
164 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985
220
Dieu a élevé les uns par rapport aux autres, et parce qu’ils pourvoient
aux besoins de la famille 165». Elles prescrivent pour la femme le devoir de
diriger le ménage, d’élever et d’éduquer les enfants et de leur fournir ainsi
qu’au mari les meilleures conditions de bonheur et de confort : « Les
femmes ont autant de droits que de devoirs, selon les bons usages, mais
les hommes ont le pas sur elles166». Les parents doivent subvenir, jusqu’à
l’âge adulte, aux besoins des enfants quant à la nourriture, les vêtements,
le logement, l’éducation et à leurs besoins d’affectivité et de tendresse. En
Islam, l’épouse et l’enfant « sont la prunelle des yeux167 et la beauté de la
vie168 ». Le devoir des enfants est de respecter leurs parents, de leur obéir,
et une fois adultes, de s’occuper d’eux et de pourvoir à leurs besoins. Au
sujet de la famille, l’Islam a pris deux mesures :
• Le mari a reçu la position de chef de famille. Aucune institution ne
peut fonctionner sans un responsable à sa tête. Pour qu’une famille
soit viable, il faut que quelqu’un assure en son sein les besoins
d’ordre et de discipline. S’il n’y a personne pour diriger une
institution, il en résultera le chaos. De même, si chaque membre de
la famille agit à sa guise, ce sera le désordre. Si le mari agit
librement de son côté et la femme de l’autre, l’avenir des enfants
sera gâché : « (Epoux) traitez- vous de toutes choses après
concertation honnête169».
• La famille est le noyau de base de la civilisation et un modèle pour
> �� �E9 �4~ و 4,� أ�&?ا �6 أ�ا ��m�4 '2 اm� �,4 ء�%� >ا ��Dل /ا�ن �E9 ا Coran (4, 34) 165 > *D6��9 در�6��9 �4 ,��وف و �D�9ل �>و � 6�2F ا !ي Coran (2, 228) 166 �� �6 أزوا��D و ذر.��� < U6 ر��4 ه��>/�ة أ Coran (25,74) 167 >���$ ن ز.�* ا ��3ة ا�C >ا ,�ل و ا Coran (2, 228) 168
< Coran (65,6) 169 > وأ#,�وا 8��4� 4,��وف
221
la société en général.
Le chef de famille libère sa femme des contraintes diverses et matérielles
pour lui permettre de s’occuper du ménage et d’éduquer ses enfants.
L’Islam ne défend pas à la femme de travailler ou de sortir de la maison
par nécessité. Seulement, elle doit respecter certaines règles comme celui
de ne pas s’exhiber en exposant publiquement son corps ou ses seins,
même sous le couvert des habits. La mission essentielle de la femme est
de contribuer à l’épanouissement et à l’amélioration de la vie familiale.
Pour renforcer l’unité entre les membres de la famille, conserver des liens
mutuels étroits et sains et faire de chaque membre une source de soutien et
de solidarité pour les autres, l’Islam a prescrit certaines règles fondées sur
la sagesse et l’expérience.
Le mariage est interdit entre les personnes qui ont des liens directs de
parenté par naissance ou alliance. Le mariage est interdit entre mère et
fils, père et fille, second mari de la mère et belle fille, seconde épouse du
père et beau-fils, frère et sœur, frère et sœur de lait, oncle paternel ou
maternel et nièce, tante (sœur du père ou de la mère) et son neveu, belle-
mère et son gendre, beau-père et sa bru. Ces interdictions renforcent les
liens familiaux et rendent les relations entre parents absolument pures sur
le plan biologique et social. Ils peuvent ainsi vivre en bon terme sans
aucune contrainte ni conséquence héréditaire.
Quand il n’existe aucun des empêchements cités plus haut, en termes de
parenté, le mariage peut être contracté entre des membres de familles
proches. Une telle relation les rapprochera encore davantage. Les
mariages entre deux familles, librement associées et ayant les mêmes
222
habitudes, coutumes et traditions, sont généralement des mariages réussis.
Même à l’intérieur de familles apparentées, il y a des gens riches et des
gens pauvres. Selon le principe islamique, la famille d’un homme a en
principe un droit sur lui. Il doit régulièrement rendre visite aux membres
de la famille (Silat Er Rahim) avec une priorité pour les parents de
premier degré. : « Acquittez-vous envers vos proches de ce qui leur est
dû170 ». L’Islam recommande pour chaque croyant de respecter ce droit. Si
un parent s’appauvrit ou se trouve en difficulté, il incombe à ses parents
plus aisés de l’aider. Dans la répartition de l’impôt annuel et des autres
devoirs de charité, la priorité doit être donnée aux proches parents.
Les lois islamiques de l’héritage ont été formulées de façon à ce que les
biens laissés par le défunt ne puissent pas revenir à une seule personne. Ils
doivent être répartis entre de nombreux proches parents qui reçoivent
chacun une part, en fonction du degré de parenté et du sexe. Le fils, la
fille, la femme, le mari, le frère, la sœur, sont les parents les plus proches
et ils ont la priorité absolue en matière d’héritage : «Aux hommes, il
revient une part que laissent leurs ascendants ou leurs proches ;de même,
il revient aux femmes une part que laissent leurs ascendants ou leurs
proches. Que les biens laissés soient importants ou non, une part est ainsi
obligatoirement assignée171 ». Par conséquent, après la mort d’un homme,
ses biens sont distribués selon un système de répartition bien définie qui
écarte toute concentration de richesses. En matière d’héritage, l’Islam se
distingue de toutes les autres religions et des lois laïques par son mode
> �?= V4�? > �7ت ذا ا Coran (30, 38) 170 Coran (4, 7) 171 > 4ن و �9%�ء �U�a �,� #�ك ا�/Tان و ا$ ا 4ن �,� �D�9ل �U�a �,� #�ك ا�? ا $ان و ا
> آ�C�a� �F �&�و�I/2 ��� أو
223
unique de partage des biens laissés par le défunt.
- Droits sociaux172
En dehors de la famille, l’homme a des rapports avec ses amis, ses voisins
et les gens de son quartier, de son village ou de sa ville. L’Islam donne
une grande importance à ces rapports en exigeant de les entourer de
beaucoup d’honnêteté, de sincérité, de justice et de courtoisie. Il ordonne à
l’homme d’avoir des égards aux sentiments des autres, d’éviter
d’employer un langage indécent et injurieux, de s’entraider, de rendre
visite aux malades, de réconforter les malheureux, d’aider les nécessiteux
et les infirmes, de compatir avec ceux qui ont des difficultés, de s’occuper
des veuves et des orphelins, de nourrir les affamés, de vêtir ceux qui sont
dénudés et d’aider les chômeurs à trouver un emploi. L’Islam
recommande de ne pas gaspiller les biens et les richesses dans les
manifestations de luxe et les frivolités. Il interdit l’usage de la vaisselle en
or ou en argent, de vêtements coûteux. Il désapprouve ceux qui dépensent
leur argent dans des entreprises de prestige ou de luxe extravagant.
L’injonction de la Charia est fondée sur le principe qu’aucun homme n’a
le droit de gaspiller, pour sa satisfaction personnelle, une richesse qui
pourrait servir à faire vivre ses concitoyens, voire parfois des centaines ou
milliers de personnes. Il est cruel et injuste de constater que l’argent, qui
pourrait servir à nourrir un grand nombre de pauvres ou à créer des
activités pour eux, soit dilapidé dans des dépenses inutiles de décoration,
de prestige ou de feux d’artifice. L’Islam ne vise pas à priver l’homme de
ses richesses ou de ses possessions. Ce qu’il a gagné ou hérité constitue
172 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985
224
son entière propriété. L’Islam reconnaît le droit de propriété, d’en avoir
l’entière jouissance à condition d’en faire le meilleur usage possible. On
peut même, en fonction de sa richesse, avoir une excellente habitation, de
beaux vêtements et une vie des plus confortables. L’Islam veut que, dans
toutes ses activités, l’homme se montre modeste et humain. Il
désapprouve l’égoïsme, l’égocentrisme prétentieux qui néglige le bien être
d’autrui et donne naissance à un individualisme plein d’arrogance. Il veut
que la société humaine toute entière soit prospère et non pas seulement
une petite minorité de riches. Il veut inculquer, dans l’esprit du croyant,
une conscience sociale en suggérant une vie simple et frugale en évitant
d’inutiles ou de faux besoins. Tout en assurant les leurs, les croyants sont
appelés à ne pas perdre de vue les besoins et les exigences de leurs
proches parents, de leurs alliés, de leurs amis et associés, de leurs voisins
et de leur communauté toute entière : « Quelque charité que vous
exerciez, exercez-la au profit de vos parents, de l’orphelin, des pauvres
des voyageurs démunis et de l’étranger173 » ou « Si votre débiteur est dans
la gêne, accordez lui un délai jusqu’à ce qu’il revienne à meilleure
fortune ; si vous lui remettez définitivement la dette, ce sera pour vous un
acte plus méritoire174 ». L’Islam condamne la thésaurisation des richesses
à tous les niveaux. L’argent est fait pour circuler au sein de la société et
servir de support aux activités humaines. On ne doit pas le thésauriser
pour le stocker ou entretenir la spéculation financière: « Que ceux qui
thésaurisent les biens qu’ils tiennent de la générosité de Dieu, ne
s’imaginent pas que cela leur profitera. Loin de là, c’est un malheur pour
> 2�C% 6 @�� �99ا $.6 و اT/�ا6�4 و ا ����V و ا ,%�آ�6 و ا64 ا� �> /2 �� أ�&?� Coran (2, 215) 173 > �8 ا @�� /$a# ة و إن�%�� V > و إن آ�ن ذو �%�ة ��o�ة إ Coran (2,280) 174
225
eux. Au jour de la résurrection, ils porteront enroulés à leur cou, les biens
qu’ils auront amassés175 ».
Quant aux liens communautaires, toute personne, qui embrasse l’Islam,
entre non seulement au sein de la religion mais devient un membre à part
entière de la communauté islamique. La Charia a formulé, pour cette
fraternité plus large, des règles de conduite qui obligent les croyants à
s’entraider, à rechercher le bien, à proscrire le mal et à veiller à ce qu’il ne
s’infiltre pas dans leur société.
Outre les interdictions du mariage entre parents proches et afin de
préserver la vie morale de la nation et sauvegarder la saine évolution de la
société, la libre fréquentation et la mixité des deux sexes sont soumises à
certaines conditions. Quand les femmes sortent hors de leur foyer, elles
doivent porter une toilette simple et ne pas laisser apparaître
volontairement une partie quelconque de leur corps. Elles ne peuvent se
dévoiler qu’en cas de nécessité et remettre leur voile dès que cette
nécessité a disparu. Il est recommandé aux hommes comme aux femmes
de garder leurs yeux baissés et d’éviter les regards intentionnels. Si
quelqu’un, par hasard, porte ses yeux sur une femme, qui lui étrangère, il
doit aussitôt détourner son regard. C’est le devoir pour tous de veiller à la
moralité personnelle et d’écarter l’âme de toute impureté. En Islam, le
mariage est la seule forme légale autorisant les relations sexuelles.
Le croyant est exhorté à porter des vêtements qui recouvrent
convenablement son corps. Aucun homme ne doit exposer son corps des
ن �� 4"9ا �4< /[�� �� �: � 24 ه� ��@ 9ن 4,� أ#�ه� ا' ��9m� 6؛ ه"C. 6.! و ) .6C%3 ا *���? م ا. < Coran (3, 180) 175
226
genoux au nombril. La femme ne doit montrer aucune partie de son corps
sauf son visage et ses mains, à l’exception de son mari ou ses proches
parents. Ce qui signifie se couvrir (Satr). Eviter de s’exhiber constitue un
devoir religieux pour tout homme et toute femme. Grâce à ses
prescriptions, l’Islam vise à cultiver chez l’homme un profond sentiment
de modestie et de chasteté, à prévenir les tentations charnelles et à
éliminer toute forme d’impudeur et de corruption morale.
L’Islam considère les loisirs comme une nécessité aussi importante dans
la vie que l’air et l’eau, parce qu’ils stimulent l’activité de l’homme.
Cependant, il n’approuve pas les loisirs et les amusements qui stimulent
les passions sensuelles et sapent les bases de la morale. Après une
semaine de labeur ou après des travaux pénibles, il est tout à fait naturel
de prendre des moments de repos et de distraction. De tels loisirs
constituent un ferment régénérateur de l’activité humaine, dynamisent la
vie et développent l’esprit. Mais la détente, si elle doit rafraîchir et aviver
l’esprit, elle ne doit pas conduire à la dépravation des mœurs et à la
dépression. Les distractions absurdes, où des milliers de personnes
assistent à des scènes d’hystérie collective et d’immoralité, sont le
contraire d’une saine récréation. Ces scènes stimulent les sens et peuvent
avoir un effet désastreux sur la moralité.
- Droits des autres créatures176
Dieu a donné à l’homme une autorité sur d’innombrables créatures qui
sont toutes destinées à son bien être. Il a été doté du pouvoir de les
176 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985
227
exploiter et d’en user pour satisfaire ses besoins. Cette position supérieure
de l’homme est subordonnée à certaines réserves et limites imposées par
Dieu. L’Islam dit que toute créature a des droits sur l’homme qui ne doit
pas la gaspiller dans des entreprises stériles sans intérêt pour elle ou pour
la communauté humaine. L’homme ne doit pas lui faire du tort ou du mal
sans nécessité aucune. Lorsqu’il exploite une espèce animale ou végétale,
il devra éviter de la dégrader tout en cherchant à la préserver en utilisant
les meilleures méthodes ou les moins nuisibles.
- Droit international (avec les non musulmans)177
C’est l’Islam qui, le premier, a développé la science du droit international.
Au deuxième siècle de l’Hégire (VIIIe siècle de l’ère chrétienne), les
questions de la guerre relevaient du droit pénal. Le principe de base des
rapports internationaux de l’Islam relève du fondement de la
jurisprudence islamique : « Le musulman et le non-musulman sont égaux
quant aux souffrances d’ici-bas ». Dans l’Antiquité, les Grecs avaient bien
eu l’idée d’un droit international mais celui-ci régissait seulement les
rapports entre les cités grecques. Quant aux barbares, ils n’étaient nés,
disait Aristote, que pour servir d’esclaves aux Grecs. C’était donc de
l’arbitraire et non du droit. Les Romains reconnaissaient uniquement des
droits pour les étrangers considérés comme amis. Pour le reste du monde,
il n’y avait que de l’arbitraire qui variait selon les époques et les régnants.
On sait aussi à quel point, le droit juif voua à l’extermination les peuples
païens de Palestine comme les Amalécites d’origine arabe. Les étrangers
non juifs n’avaient le droit de vivre qu’en qualité d’esclaves. Quant à
177 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985
228
l’époque moderne, ce n’est qu’en 1856 que l’Occident réserva le bénéfice
d’un droit international aux seuls peuples chrétiens. Dans l’histoire du
droit international, ce sont les musulmans qui ont été les premiers et
jusqu’ici les seuls à admettre, sans discrimination de race et de religion, ni
réserve, le droit de l’étranger. Les règles du droit international couvrent
aussi bien les litiges avec les ressortissants étrangers se trouvant sur le
territoire musulman que ceux des territoires non-musulmans. Les premiers
traités d’alliance défensive datent de l’époque du Prophète (SWS) et
furent conclus avec des non-musulmans et scrupuleusement respectés.
Les étrangers séjournant en territoire musulman, sont assujettis à la
juridiction musulmane et non au droit islamique, car l’Islam tolère sur son
territoire la multiplicité des lois et pour chaque communauté l’autonomie
judiciaire. Un étranger est donc assujetti à la juridiction du tribunal
confessionnel qui lui est propre. S’il est chrétien, juif ou autre, et si la
partie en litige avec lui est aussi de même confession, peu importe que
cette partie en cause soit ou non sujet de l’Etat musulman, le cas est jugé
par le tribunal confessionnel, selon ses propres lois. En général, on ne fait
pas de distinction entre les juridictions civile et pénale. Il va de soi qu’en
cas de litige entre communautés différentes, des dispositions particulières
sont prises pour trancher les difficultés et c’est une espèce de droit
international privé qui régit ces cas. Mais il est toujours permis aux non-
musulmans de renoncer à ce privilège et de porter leurs conflits devant les
tribunaux musulmans à condition que les parties en conflit le requièrent
d’un commun accord. Dans ce cas, la loi islamique est appliquée. Le souci
d’égalité a poussé les juristes musulmans a admettre, que si un crime a été
commis, même contre un sujet musulman, en territoire étranger et par un
229
étranger et qu’ensuite cet étranger se rende volontairement et avec
l’autorisation nécessaire en territoire musulman, son cas ne peut pas être
jugé par le tribunal local qui n’est pas compétent pour connaître d’un acte
qui a eu lieu hors de sa juridiction. La loi islamique fait la distinction entre
le belligérant et le combattant. On ne permet pas de tuer les enfants, les
femmes, les vieillards, les malades et les religieux. Les dettes en faveur
des ressortissants de l’adversaire ne sont pas touchées par la déclaration
de guerre. Toute atteinte humaine ou destruction, au delà du strict
minimum nécessaire, est interdite. Les prisonniers doivent être bien traités
et leurs actes ne sont pas considérés comme crimes. Afin de réduire et de
limiter les tentations des soldats conquérants, le butin ne revient pas à
celui qui le capture mais au gouvernement islamique. L’Islam
recommande aux croyants d’être tolérants dans leurs rapports avec les
non-musulmans : « Rallie les hommes au culte de ton seigneur, par des
sages et persuasifs appels. Que tes discussions avec eux se déroulent sur
le ton le plus agréable178 ». L’Islam voue une considération particulière
aux gens appartenant aux autres religions monothéistes: « Ne discutez
avec les gens des Ecritures que de manière la plus courtoise, (sauf vis-à-
vis de ceux qui se montrent agressifs), Dites : nous croyons à ce qui nous
a été révélé et à ce qui vous a été révélé. Notre Dieu et le vôtre ne font
qu’un et nous Lui sommes soumis 179». On ne doit pas critiquer ou insulter
leurs chefs religieux et leurs saints, ni offenser leur religion, ni rechercher
inutilement des dissensions avec eux et de vivre ensemble en paix et en
Coran (16, 125) 178 >أ=%6 وادع إ Eه E� �4 �� �o* ا 3%�* و �Dد, �4 83,* و ا J42 ر�C� V < Coran (29, 46) 179 >�ا ���,9v 6.! ا أه2 ا ��8ب إ) �4 �E هE أ=%6 ؛ إ) ا ا أ��[� . و) #�Nد و /
8� وا=$ �4 !ي أ�pل إ ��� و ��� 8� و إ ��� و إ� ن . ا�pل إ,9%� � > و �63
230
bonne entente : « Ne blasphémez pas les divinités qu’ils invoquent en
dehors de Dieu, de peur qu’ils ne soient portés, dans leur ignorance, à
blasphémer Dieu. C’est ainsi que nous avons fait que chaque peuple soit
satisfait de son œuvre. Plus tard, ils retourneront tous à leur Seigneur, qui
leur montrera ce qu’ils avaient fait180 ». L’Islam affirme qu’il n’y a
aucune contrainte en religion et chaque homme est libre de croire ou de ne
pas croire : « Nulle contrainte en religion181 » ou encore « Prêche, tu n’es
qu’un avertisseur; tu n’as pas sur eux le pouvoir de despote 182». Si les
non-musulmans conservent une attitude conciliante envers les musulmans,
ne les agressent pas physiquement ou moralement, ne violent pas leurs
frontières ou leurs droits. Les musulmans doivent garder des relations
amicales et aimables avec eux et les traiter de façon équitable : « Dieu ne
vous interdit pas d’être bons et justes envers ceux qui ne vous combattent
pas pour votre religion et ne vous expulsent pas de vos demeures. Dieu
aime les justes183 » ou : « S’ils restent à l’écart, s’ils ne portent pas les
armes contre vous et vous offrent la paix, Dieu ne vous donne aucun droit
de les inquiéter184 » ou encore : « Et combattez dans le sentier de Dieu
ceux qui vous combattent et ne transgressez pas les limites, car Dieu
n’aime pas ceux qui les transgressent185 ». En aucune façon, les
musulmans ne doivent prendre l’initiative de la guerre : « Que la haine
Coran (6, 108) 180 > 2]8 9� ؛ آ[! J ز.�[� � ��n4 وا$�ن ا' C%�� '6 ذون ا�ن �$. 6.! ا اC%# ( وV �9� ؛ \� إ,�� 4,� آ��ا أ�* �ZC��� ���D�� � > ر�4
Coran (2, 256) 181 > 6.$ > ) إآ�ا �E اCoran (88, 21-22) 182 >�[�%,4 ���9� Q% >�!آ� إ�,� أ�Q �!آ�
Coran (60, 8) 183 >روه�C# أن �آ� �6 د.�رآD�". � 89#� �E ا $.6 و �?. � 6.! �) .���آ� ا' �6 ا � � إن ا�� >.U3 ا ,?%]�6 و#?%]ا إCoran (4, 90) 184 > `�C� ���9� �8 9%� �,� 2�D ا' 8� ا� ا إ? 9#آ� و أ�?. �9� �آ p�� > ��ن اCoran (2,190) 185 >.! > ان ا' ) .U3 ا ,��$.6. و ) #��$وا . 6 .?�9#آ�و /�9#ا � E�2�C ا' ا
231
que vous éprouvez contre de gens, pour vous avoir empêchés l’accès de
la Mosquée sacré, ne vous porte à les attaquer les premiers. Soyez plutôt
solidaires à faire le bien et à respecter la loi. Ne complotez pas pour faire
le mal et commettre l’injustice. Craignez Dieu. Son châtiment est
redoutable186 ».
L’Islam enseigne aux musulmans le sens supérieur de compréhension
humaine, de courtoisie, de noblesse et de modestie dans les relations
humaines ou dans les rapports avec les autres pays. Les mauvaises
manières comme l’oppression, l’agressivité et l’étroitesse d’esprit sont
contraires à l’esprit de l’Islam. Un musulman est venu au monde pour
représenter un symbole vivant de bonté, de noblesse et d’humanité. Il doit
gagner les cœurs des hommes par son caractère, son comportement moral
et social et par l’exemple qu’il donne aux autres. Il doit se conduire
comme un véritable ambassadeur de l’Islam.
5.12 DEMOCRATIE
Tous les individus ont la qualité de vicaire sur terre et toute personne ne
peut interdire à une autre l’exercice complet de ce droit. La vice-régence
signifie la "représentation divine". Les êtres humains, selon l’Islam, sont
les représentants de Dieu sur terre. Cette vice-régence, par la vertu du
droit et de la puissance qui lui sont conférés par Dieu, implique l’exercice
de cette autorité dans ce monde en respectant les règles prescrites par
Dieu. La gouvernance des affaires de l’Etat doit s’établir en accord avec
les vœux consensuels formulés par les individus. L’autorité de l’Etat est
Coran (5, 2) 186 > �C �6 ا ,%N$ ا 3�ام أن #��$وا و #��و�ا �E9 ا �8� :�7ن /م أن u$وآ���N. (و� و ا �$وان و ا#?ا ا' أن ا' :$.$ ا �?�ب \kا E9�ى و ) #��و�ا ?� >وا
232
uniquement une extension et une délégation de la puissance des individus
dont l’opinion est décisive dans la formation du gouvernement qui doit
agir en tenant compte de leurs avis et en se conformant à leurs vœux.
Quand le pouvoir politique a la confiance des individus, il exercera les
devoirs de vicaire de Dieu en leur nom. Quand il perd cette confiance, il
doit se retirer. Ainsi le système politique en Islam est un système
démocratique aussi parfait que possible. Dieu a demandé au prophète
(SWS) de consulter les musulmans avant toute prise de décision les
concernant sur les plans politique, économique et militaire. Sur cette base
démocratique de la Choura » que s’opérait la désignation des gouvernants
et ce, pendant une période de près de cinquante années (50 ans) allant de
la date de la constitution de l’Etat de Médine à la fin du règne des quatre
premiers califes (622-661). Les quatre premiers califes ont été tous élus
démocratiquement par les musulmans et la Choura était un des grands
principes de l’Islam avec l’émergence de l’opposition qui jouait un rôle de
contrepoids dans l’équilibre du pouvoir politique et était reconnue par le
pouvoir. Plus que çà, l’opposition constructive était encouragée par les
califes. Omar Ibn El Khettab disait « Il n’y aura point de bien en nous si
nous n’acceptons pas les bons conseils et il n’y aura point de bien en
vous, si vous vous absteniez d’en faire ».
La démocratie de l’Occident est basée sur le concept de la souveraineté
populaire, tandis que le système politique islamique repose sur le principe
de vice-régence populaire. Dans la démocratie occidentale, le peuple est
souverain, mais dans la démocratie islamique, la souveraineté appartient à
Dieu seul et le peuple est le vicaire de Dieu ou son représentant. Dans le
premier cas, le peuple établit ses propres droits. Dans le second, le peuple
suit les lois prescrites par Dieu à travers son Prophète (SWS). Dans l’un,
le gouvernement doit agir pour exaucer les vœux du pe
second, le gouvernement et le peuple doivent agi
conformer aux prescriptions divines. La démocratie de l’Ouest constitue
un type d’autorité absolue qui exerce son pouvoir de manière libre et non
contrôlée, alors que celle islamique est soumise à la loi divine et doit
s’exercer en accord avec les recommandations de
fixées par Lui pour le bénéfice et le bien être de la société toute entière.
5.12.1 Pouvoir exécutif et législatif
En Islam, si les pouvoirs exécutif et législatif sont séparés, ils ne le sont
que du point de vue fonctionnel, car tous les deux ont la Charia comme
référence commune réglementaire qui leur sert de code de conduite et à
laquelle ils doivent se référer en cas de conflit.
Figure 22
DEMOCRATIE
POUVOIR
EXECUTIF
POUVOIR JUDICIAIRE
EXEMPLE DE
MEDINE
233
suit les lois prescrites par Dieu à travers son Prophète (SWS). Dans l’un,
le gouvernement doit agir pour exaucer les vœux du peuple. Dans le
le gouvernement et le peuple doivent agir ensemble pour se
ux prescriptions divines. La démocratie de l’Ouest constitue
un type d’autorité absolue qui exerce son pouvoir de manière libre et non
contrôlée, alors que celle islamique est soumise à la loi divine et doit
s’exercer en accord avec les recommandations de Dieu dans les limites
fixées par Lui pour le bénéfice et le bien être de la société toute entière.
Pouvoir exécutif et législatif
En Islam, si les pouvoirs exécutif et législatif sont séparés, ils ne le sont
que du point de vue fonctionnel, car tous les deux ont la Charia comme
référence commune réglementaire qui leur sert de code de conduite et à
référer en cas de conflit.
22 : Démocratie
DEMOCRATIE
POUVOIR
EXECUTIF
POUVOIR
LEGISLATIF
POUVOIR JUDICIAIRE
234
- Pouvoir exécutif
Le rôle du pouvoir exécutif est sensiblement le même en Islam que dans
n’importe quel Etat du monde. La seule différence est la notion de
souveraineté qui appartient non pas au peuple mais à Dieu et qu’elle n’est
entre les mains de l’homme que comme dépôt de gestion pour le bien être
de tous sans exception.
La responsabilité de l’administration gouvernementale d’un Etat
islamique est confiée à un leader (Amir), qui correspond au président ou
premier ministre d’un Etat démocratique occidental. Toute personne
adulte, qui accepte les termes de la constitution nationale, est autorisée à
voter pour élire le leader. La condition de base, pour l’élection d’un
leader, est qu’il réunisse la confiance de la majorité du peuple sur la base
de la dimension de son savoir et de sa conformité aux valeurs spirituelles
de l’Islam. Il doit posséder les attributs concernant la foi et la crainte de
Dieu et posséder l’envergure nécessaire pour gouverner. Bref, il doit être
vertueux et capable d’exercer le pouvoir. Le chef de l’Etat doit consulter
sa communauté à l’instar du commandement de Dieu au Prophète
(SWS) : « O Prophète ! C’est par la grâce de Dieu que tu es si conciliant..
Si tu étais brut et d’un cœur endurci, ils se seraient détachés de toi. Sois
donc bienveillant à leur égard, implore la clémence de Dieu en leur
faveur et consulte- les dans les décisions187 ».
Le leader (Amir) garde son poste aussi longtemps qu’il a la confiance du
peuple et doit le quitter quand il la perd. Chaque citoyen doit rester
Coran (3, 159) 187 > *,=ر �,C6 ا�� ' t��]� J ا �6 =m&� ( U9? آ��o� Q _�9| ا � و � Q� ��Tا E� �� و:�وره��� <
235
discipliné, solidaire de la communauté et obéir aux ordres de l’Etat, tant
que ce dernier applique convenablement la Charia : « Croyants, obéissez à
Dieu, obéissez au Prophète (SWS) et à ceux d’entre-vous qui exercent
l’autorité. En cas de désaccord entre vous, sur quelque sujet que ce soit,
réferrez-vous en à Dieu et à son Apôtre, si vous croyez vraiment en Lui et
au jugement dernier. C’est là la démarche la plus sage qui conduit à
bonne fin188 » ou encore « Attachez-vous tous ferment au pacte de Dieu et
ne vous vous divisez pas189». Cependant, il a le droit de critiquer le leader
et son gouvernement sur une base objective conforme au Coran et à la
Sunna. L’Islam n’attache aucune importance à la forme extérieure du
gouvernement, pourvu qu’on se soucie du bien-être de l’homme et que la
loi divine soit appliquée. C’est ainsi que la question constitutionnelle
occupe une place secondaire car les fondements de l’Etat Islamique
découle des principes fondamentaux de la Charia. Il n’y aucune
préférence en Islam pour le choix du régime d’Etat : république,
monarchie, règne-conjoint (deux leaders) ou autres régimes. C’est à la
communauté islamique de choisir le régime qui lui convient.
- Pouvoir législatif
Le pouvoir législatif est subordonné au respect du Coran, parole de Dieu
et source de toute loi dans les domaines spirituels et temporels de la vie.
Un conseil consultatif (Majliss Choura), élu par le peuple, assiste et
oriente le leader (Amir). C’est une obligation pour le leader d’administrer
Coran (4, 59) 188 > E]� ���8� �[�ن #�[�ز�]� �]�Tا V ل و أو�� .7.�� ا !.6 أ��ا أ���ا ا' و أ���ا ا� م اT@� ذ J @�� و أ= :Eء ��دو إ V ا' و ر�� ن �4' و ا��;# � > %6 #7و.`إن آ��
Coran (3, 103) 189 > اا 2C34 ا' D,��� و ) #&�/,a�� > وا
236
le pays selon l’avis du conseil consultatif (Majliss Choura). L’Etat doit
mettre à la disposition de l’opinion publique tous les moyens pour assurer
la liberté d’expression. La législation, dans un Etat islamique, doit
respecter les limites prescrites par la Charia. Les injonctions de Dieu et de
son Prophète (SWS) doivent être acceptées et appliquées et il n’appartient
pas à un corps législatif quelconque de les altérer ou modifier ou
promulguer des lois contraires à leur esprit. Un large éventail existe pour
légiférer sur les questions qui ne sont pas couvertes par les prescriptions
spécifiques de la Charia et la législation a toute latitude de formuler des
avis à leur sujet. Cependant, une remarque s’impose concernant ces
questions, car il ne s’agit pas, comme le précise le prophète (SWS) dans
un hadith, d’une omission divine mais simplement d’une mansuétude de
Dieu qui a laissé à l’homme la latitude et le soin de trouver les solutions
les plus appropriées à ces questions.
- Pouvoir judiciaire
En Islam, le pouvoir judiciaire ne dépend pas du pouvoir exécutif. Il s’en
suit que le pouvoir judiciaire tire son autorité de la Charia et répond aux
obligations divines. Les juges seront effectivement désignés par le
gouvernement, mais une fois nommés, ils sont entièrement indépendants
et doivent administrer la justice de façon impartiale selon la loi
divine : « Dieu vous commande de restituer les dépôts à leurs
propriétaires et, quand vous êtes appelés à juger entre les gens, de le
faire avec équité. C’est là une noble mission que Dieu vous exhorte à
237
accomplir. Dieu est tout ouïe et toute vue 190». Tous les organes et
fonctionnaires du gouvernement sont soumis à l’autorité judiciaire : même
la plus haute autorité exécutive du gouvernement peut être appelée à
comparaître devant une cour de justice comme accusateur ou accusé. Les
gouverneurs et gouvernés sont soumis à la même loi et il n’y a pas de
discrimination entre eux en matière de position, de puissance ou de
privilège. L’Islam impose l’égalité et adhère à ce principe dans les
domaines politique, économique et social. Les minorités religieuses, qui
vivent dans un Etat islamique, jouissent de l’autonomie judiciaire. Chaque
communauté a le droit d’avoir ses propres tribunaux, ses propres juges et
ses propres lois dans le domaine civil comme dans le domaine pénal. Si
l’indépendance de la justice est un principe admis et non toujours appliqué
dans les démocraties occidentales, l’autonomie judiciaire des
communautés minoritaires n’existe que dans la démocratie islamique.
- Exemple de la communauté de Médine191
Le premier Etat musulman démocratique fut fondé et gouverné par le
Prophète (SWS). Ce fut la cité Etat de Médine qui était une confédération
de villages autonomes, habités par des musulmans, des juifs et des arabes
païens. La nature même de cet Etat exigeait une tolérance religieuse qui
fut reconnue dans l’élaboration de la première constitution dans l’histoire
de l’humanité. Cette constitution écrite a été conservée intégralement
jusqu’à nos jours et rédigée par le Prophète (SWS) en l’an 622 de l’ère
Coran (4,58) 190 > ل إن$� إن ا' .7��آ� أن #;دوا اT����ت Tه��9 و إذا =8,�� 6�4 ا ��س أن 83#,ا �48� �4 إنo�. �,�� 'ا ا��a4 ���,� ا' آ�ن <
191 R.Garaudy : pour un Islam du XXième siècle « charte de Séville – 18-21 juillet 1985
238
chrétienne. Elle comportait cinquante deux clauses et proclama, pour la
première fois dans l'histoire de l’humanité, la liberté confessionnelle, le
respect des diverses religions cohabitant dans la Cité, le concept politique
de la Nation, la fixation des frontières, la détermination de la
responsabilité sécuritaire commune, la solidarité sociale (assurance
sociale), la justice, les droits et devoirs du chef de l’Etat et des sujets, la
répartition des charges budgétaires, les institutions et enfin le régime
législatif reconnu de tous. M. Muqtedar Khan192 note que les idées
progressistes de tolérance et de compassion étaient l'essence même de
l'Islam : « A l'époque du prophète Mohammed, Médine était une "ville
vertueuse ». La ville était démocratique, multiethnique et
multiconfessionnelle. Les décisions étaient prises conformément à la
Choura, avec le consentement des non-musulmans. Les habitants étaient
traités avec respect. Ils menaient une vie conforme à l'éthique et la
politique cherchait à encourager le bien.
Le Prophète (SWS) a créé, à Médine, une communauté de type
radicalement nouveau, non plus fondée sur le sang et la race, ni sur la
possession d’un territoire, ni sur des rapports de force ou de marché, ni
même sur une histoire; en un mot sur rien qui découle du passé et qui soit
un héritage donné, mais une communauté fondée exclusivement sur la foi,
sur cette réponse inconditionnelle à l’appel de Dieu, dont Abraham a
donné l’exemple éternel. Une telle communauté est ouverte à tous, sans
considération d’origine. Rien n’est plus contraire à l’esprit de cette
192 M. Muqtedar Khan, directeur des études internationales et président du département de sciences politiques à Adrian College (Michigan)
239
« Oumma musulmane » que l’idée occidentale du « nationalisme » c’est à
dire d’un l’Etat justifié par une mythologie raciale, historique ou
culturelle, tendant à faire de la « nation » une fin en soi, en contradiction
avec l’unité humaine qui est une émanation du « Tawhid » et clé de voûte
de toute la vision islamique du monde. De même, le principe de
concertation coranique « Choura » exige, en tout domaine et à tous les
niveaux, que les membres de la communauté soient consultés pour
participer, sous le regard de Dieu, à l’élaboration et à l’application des
décisions dont dépend leur destin. Ce principe exclut à la fois tout
despotisme d’un homme, d’une classe ou d’un parti, comme toute forme
de démocratie purement statistique, déléguée et aliénée. En Islam, Dieu
créateur de l’homme est le mieux habilité pour lui fixer les lois qui lui
conviennent et lui assurent le bonheur et le succès aussi bien sur terre que
dans l’au-delà. En Islam, l’homme a l’entière responsabilité de ses propres
actes, il peut croire ou ne pas croire. S’il croit, alors il doit obéir aux lois
divines. En revanche, dans une législation laïque, la personne humaine
rejette toute révélation divine et se remet à elle-même pour faire les lois et
se gouverner. Contrairement à ce qu’affirment les laïques, le musulman
accepte la liberté de l’autre et forme avec lui un consensus de vie garanti
par les lois islamiques. L’Islam affirme bien qu’il n’y a aucune contrainte
en religion. On peut citer pour preuve les nombreuses communautés
chrétiennes et juives qui ont vécu pendant des siècles et qui continuent à
vivre à l’intérieur des Etats musulmans. Les minorités non musulmanes
ont le droit d’avoir leurs propres lois et leurs propres tribunaux. La seule
limite, que l’Islam impose aux sujets non musulmans vivant dans les Etats
musulmans, est de respecter l’Islam et de ne pas mener, en leur sein, des
actions de prosélytisme contre l’Islam.
240
La deuxième constitution moderne, instituée en tant qu'ensemble de lois
fondamentales déterminant la nature, la forme et toute la structuration de
l'Etat, est la Constitution française de 1789.
5.13 ARCHITECTURE193
Gulzar Haider « L’architecture nécessite le respect pour
la tradition et la culture comme les métaphores
traditionnelles, les allégories et symboles, sans quoi
l’architecture islamique ne pourrait pas encourager
l’expression entière de soi et l’identité, ni assurer l’unité
profonde de la Oumma (société musulmane) »
Il y a de nombreux monuments historiques qui témoignent de la grandeur
et de la splendeur de l’architecture et de l’organisation urbaine de l’âge
d’or de l’Islam. Il faut rappeler que la civilisation islamique est une
civilisation urbaine. Les formes géométriques dans l’art islamique
symbolisent l’archétype du monde. L’architecture traditionnelle et
l’urbanisation islamiques n’ont jamais été conçues dans un esprit de
défiance de la puissance humaine vis-à-vis de la nature. Dans les déserts
chauds, les voies d’accès étaient étroites pour empêcher le soleil du jour
de dissiper rapidement l’air frais de la nuit. Les tours de vent, situées à la
partie supérieure des maisons, captaient la brise fraîche pour ventiler les
maisons. Même l’architecture religieuse symbolisait l’harmonie avec la
193 Gulzar Haider, 'Islam and Habitat: a Conceptual Formulation of an Islamic City', The Touch of Midas, op. cit.
241
nature. La lumière et l’air pénétraient de façon naturelle à l’intérieur des
mosquées. Les cours des mosquées possédaient toutes une fontaine d’eau,
en plein air, destinée aux ablutions des fidèles et étaient emplies d’oiseaux
qui volaient et gazouillaient au dessus des croyants aux moments
solennels de la prière. Les constructions chauffées par le soleil, les
moulins à vent et les pompes éoliennes étaient des exemples d’utilisation
propre de l’énergie naturelle et renouvelable et représentaient des
technologies adaptées à leur environnement. Au Moyen Orient et
particulièrement en Perse, les musulmans ont perfectionné le système de
conduites d’eau (qanats), construit des canaux souterrains pour transporter
à longue distance et stocker l’eau afin de réduire son évaporation
superficielle et la protéger. Beaucoup de ces canaux fonctionnent encore
de nos jours. Gulzar Haider a développé la formulation conceptuelle de la
cité islamique et les principes de base de l'environnement islamique.
Qu’est-ce qu’on entend par architecture islamique et environnement
islamique? Cette question a été chaudement débattue, au sein des cercles
intellectuels musulmans, non pas seulement à cause de structures hideuses
dressées un peu partout dans le monde musulman à qui on a attribué le
label islamique, mais parce qu‘elles sont à l’origine d’une aliénation de
l’environnement.
- Aliénation de l’architecture islamique
$En abordant la nature islamique de l’architecture et de l’environnement,
on s’est surtout attaché aux formes et aux structures. Une mosquée est une
mosquée parce qu’elle a un minaret et un dôme, de belles mosaïques et
une belle calligraphie à l’intérieur. La forme géométrique de l’architecture
islamique, par exemple, a été conçue comme une fin en soi : arches,
méthode géométrique basée sur les formes circulaires et ainsi de suite.
242
Des aéroports, universités et même des villes ont été construits selon ces
règles, sans aucun cachet profond islamique et ce de l’aveu même de ceux
qui les utilisent. L’usage des formes et structures de l’architecture
islamique n’est qu’une fausse illusion. Il a été propagé largement par les
architectes, les planificateurs et consultants de l’Ouest, sans mentionner
ceux dont la pensée est dominée par la logique du linéaire et des formes
extérieures. Le fait, que certains d’entre eux construisent des mosquées,
des universités islamiques et postulent pour des concours ou prix
d’architecture islamique, représente une atteinte culturelle qui s’ajoute au
préjudice historique occasionné.
- Fondement de l’architecture islamique
Ce qui est vraiment islamique, dans l’architecture et l’environnement,
c’est avant tout l’atmosphère créée qui permet à l’homme de se rappeler
Dieu, de motiver son comportement selon la Charia et la Sunna et de
l’aider à promouvoir les valeurs tirées des concepts coraniques de base.
Une telle atmosphère crée une ambiance de vie dynamique ressentie et
vécue par les croyants. Elle n’est pas le résultat de formes extérieures,
même si celles-ci sont nécessaires. Elle est créée par la totalité du
système qui produit l’environnement: le principe du projet, la
méthodologie architecturale, les matériaux utilisés dans la construction,
les formes et structures des bâtiments et leurs relations avec
l’environnement naturel et les attitudes, la motivation et la vision des
personnes impliquées dans le système. L’environnement islamique ne
peut pas devenir une réalité contemporaine si l’on se base sur les
principes, les méthodologies et les technologies de construction à l’origine
243
de dystonie urbaine en Occident et son prolongement visible dans les
villes musulmanes. Ce système, comme Alison Raven194 l’affirme avec
force dans son ouvrage sur la refonte des villes (Remaking Cities), est une
faillite complète. On doit revoir et recréer les principes, les méthodologies
et les technologies de construction qui devront combiner et produire une
atmosphère qui est reconnue constamment et instinctivement comme
islamique. La cité islamique doit être une cité d’équilibre, de confiance et
de responsabilité : il s’agit d’assurer la liberté individuelle dans les limites
de la responsabilité collective en ayant à l’esprit qu’on doit rendre compte
de cette responsabilité envers Dieu. Ceci doit se faire conformément aux
normes de la Charia : « l'environnement islamique doit être la structure de
support de la Charia qui en est sa source ». Il faut rechercher l’équilibre
toujours délicat entre les droits de la collectivité et ceux de l’individu de
manière qu’il n’y ait pas d’antagonisme entre eux. Un tel environnement
produira la sécurité et la protection plus par la responsabilité sociale et
l’implication mutuelle que par des mesures coercitives de contrôle. Les
principes d’action, sont basés sur la sensibilité environnementale,
l’intégrité morphologique et la clarté symbolique.
5.13.1 Sensibilité environnementale
Elle implique que le projet d’un environnement islamique doit montrer du
respect pour la topographie naturelle en tenant compte de la topographie
du sol, des surfaces d’eau, des forets et du climat auquel il doit répondre
de la même manière que la dune est façonnée par l’action du vent. Ce
194 Alison Raven, Remaking Cities, Croom Helm, London, 1980.
projet ne doit pas causer de stress psychologique mais assurer un équilibre
entre ce qui est organique et ce qui est inerte (approche connue
aujourd’hui sous l’appellation d’approche écosystémique).
Figure 23
Il doit être sensible à la nature des outils et des matériaux utilisés. La
technologie n’est pas exempte de valeur et nécessite une stricte discipline
en matière de sélection, de développement et de mise en œuvre
pas servir de moyen d’aliénation.
5.13.2 Intégrité morphologique
Elle se rattache à l’intégration optimale
et qualité, au respect de l’intimité publique et privée et
l’échelle humaine à l’intérieur à la fois du système social et
l’environnement physique. De plus, elle dicte l’intégrité spatiale où la
forme suit l’espace et l’espace est adapté à la fonction. Elle doit
ARCHITECTURE
ENIVIRONNEMENT
SYMBOLISME
244
projet ne doit pas causer de stress psychologique mais assurer un équilibre
entre ce qui est organique et ce qui est inerte (approche connue
aujourd’hui sous l’appellation d’approche écosystémique).
: Architecture
Il doit être sensible à la nature des outils et des matériaux utilisés. La
technologie n’est pas exempte de valeur et nécessite une stricte discipline
en matière de sélection, de développement et de mise en œuvre, pour ne
Intégrité morphologique
se rattache à l’intégration optimale des dimensions, formes, échelles
respect de l’intimité publique et privée et à l’appréciation de
l’échelle humaine à l’intérieur à la fois du système social et de
l’environnement physique. De plus, elle dicte l’intégrité spatiale où la
forme suit l’espace et l’espace est adapté à la fonction. Elle doit assurer
ARCHITECTURE
ENIVIRONNEMENT
MORPHOLOGIE
245
une continuité étroite entre le fond et la forme. L’environnement
islamique, une fois délimité au plan physique, doit exprimer une
continuité infinie. L’intégrité morphologique dicte l’architecture
islamique qui doit achever son intégration et son ultime sens de l’unité et
des buts à travers la recherche des fonctions mutuelles, le sens, les
symboles, la géométrie, la gravité, l’énergie, la lumière, l’eau, les
mouvements et les liens différenciés et intégrés entre ces éléments et le
global et vice-versa.
5.13.3 Clarté symbolique
Elle nécessite le respect pour la culture (métaphores traditionnelles,
allégories et symboles) sans quoi l’architecture islamique ne pourra pas
encourager l’expression entière de soi et l’identité, ni assurer l’unité
profonde de la Oumma. Elle nécessite la création d’un langage des
éléments ainsi que l’exploration de leurs règles de composition pour
réaliser une syntaxe environnementale avec une signification sociale. Elle
constitue un grand enjeu pour la création d’un environnement qui soit une
expression réelle de la vie islamique. La mise en œuvre de ces principes
nécessite la recherche et le développement de nouvelles méthodologies et
technologies de construction ainsi que la redécouverte et la
réappropriation des techniques traditionnelles et des arts.
5.13 URBANISATION 195
La morphogénèse des cités islamiques et les tissus urbains comme les
Médinas, Casbahs, Ksours, répondaient principalement aux conditions
195 Gulzar Haider, 'Islam and Habitat: a Conceptual Formulation of an Islamic City', The Touch of Midas,op.cit.
246
physiques et climatiques du milieu de vie, aux réalités socioéconomiques
et aux besoins de sécurité qui prévalaient à l’époque.
Les cités présentaient une similitude frappante au niveau des paysages
urbains au sein du territoire islamique. Ce qui pose la question de savoir à
quoi est due cette unicité qui permet d’identifier facilement ces tissus
urbains ? Le facteur essentiel, qui a conduit à cette similitude, ne peut être
que le fruit d’une vision globale et d’une réglementation juridique
appliquées simultanément à l’ensemble des villes et régissant les normes
d’organisation et la gestion de l’espace urbain. On trouve des traces de
cette réglementation dans le manuscrit d’Ibn El-Imam du IXe siècle, qui
est un recueil de décisions émanant de juristes malékites sur diverses
questions de droit pratique se rapportant principalement à l’espace urbain
et aux rapports des propriétaires d’immeubles voisins entre eux et avec les
services de voirie. Ce manuscrit a été traduit en 1900 par le professeur
Barbier196. Il existe un autre manuscrit celui de Mohammed Ibn Ibrahim
El-Lakhmi197 qui se trouve à la bibliothèque générale de Rabat (Maroc) et
qui a été élaboré au XIVe siècle. Ce manuscrit porte sur la réglementation
de la construction. Il existe aussi l’ouvrage du juge Bourhan Eddine
Ibrahim Ibn Farhur El Maléki198, élaboré au XIVe siècle sous le titre de
guide des gouverneurs.
Baber Johansen199 a analysé l’espace urbain émanant de juristes hanifites
196 Barber : revue algérienne et tunisienne de législation et de jurisprudence 197 Mohammed Ibn Ibrahim El-Lakhmi : Kitab El-L’Ian Bi Ahkam El-Bounian (livre de la réglementation des constructions) 198 Bourhan Eddine Ibrahim Ibn Farhur El Maléki Tabsirat El Houkkam : guide des gouverneurs 199 Baber Johansen : The embracing town and its mosques : Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée , 1981
247
comme Chaibani, Abi Yusuf, Mas’ud Al Kachani. Il apparaît, à travers
ces divers documents, que le souci majeur, en amont de l’aménagement,
était celui de la gestion administrative urbaine.
Robert Brunshwing200 témoignait clairement de cette approche
juridique : «Il n’est point d’étude sérieuse d’urbanisme, sur le passé ou le
présent, qui n’ait à tenir compte de rapports juridiques, à envisager des
questions de droit…, l’urbanisme musulman du moyen âge n’échappe pas
à cette règle ». On va passer en revue les institutions urbaines et les
règlements juridiques201 qui assuraient la gestion de l’espace urbain à
savoir la Hisba, les Waqfs et la Chefa’a.
5.13.1 Hisba
Cette institution comprenait dans ses attributions la gestion urbaine. A sa
tête se trouvait un responsable en la personne du Mohtasib dont les
fonctions étaient l’entretien et la propreté des voies publiques, le respect
des normes de construction, l’organisation des activités urbaines pour
éviter les nuisances aux habitants par la fixation et la localisation des lieux
professionnels comme les ateliers, fours, forges, etc. Les corps de métiers
étaient regroupés géographiquement par type d’activités : contrôle des
corporations de métiers, contrôle des équipements et services publics qui
assurent les services de l’eau, les transports urbains, la protection et le
maintien des réserves foncières urbaines destinées à l’extension urbaine et
aux besoins des services publics, l’exécution d’expropriation pour utilité
200 Robert Brunshwing : Urbanisme médiéval et droit musulman , Revue des Etudes islamiques 1947 201 H. Abdelmalek : Influence de la Charia sur la gestion de l’espace urbain, journal l’éveil –20-21 Juin 1992
publique ordonnée par la justice et l’application des décisions de justice
relatives aux questions de voisinage.
Figure 24
5.13.2 Wafq
Le Wafq jouait un grand rôle dans le développement urbain
projets d’aménagement de grande envergure, de l’édification et de
l’entretien des infrastructures publi
de santé, des écoles, des medersas
fonction d’assistance sociale. A.Raymon
donnait une certitude de permanence pour l’opération envisagée, dans la
mesure où il assurait la continuité des revenus nécessaires à l’entretien
des monuments édifiés, en organisant avec précision la collecte des fonds
nécessaires et leur répartition entre les œuvres d’intérêt religieux ou
d’utilité publique, et en lui donnant un caractère intangible et perpétuel
URBANISATION
HISBA
CHEFAA
248
publique ordonnée par la justice et l’application des décisions de justice
relatives aux questions de voisinage.
: Urbanisation
Le Wafq jouait un grand rôle dans le développement urbain à travers les
d’aménagement de grande envergure, de l’édification et de
publiques comme la construction des centres
medersas et mosquées. Il assurait aussi la
ance sociale. A.Raymon faisait cette réflexion : «Le Wafq
donnait une certitude de permanence pour l’opération envisagée, dans la
mesure où il assurait la continuité des revenus nécessaires à l’entretien
des monuments édifiés, en organisant avec précision la collecte des fonds
saires et leur répartition entre les œuvres d’intérêt religieux ou
d’utilité publique, et en lui donnant un caractère intangible et perpétuel ».
URBANISATION
HISBA
WAFQ
249
Une réglementation urbaine202régissait la cité islamique et ne présentait
pas une délimitation précise entre l’espace public et privé, mais donnait la
priorité à l’espace public. Au niveau du tissu urbain, il y avait différents
degrés d’accessibilité à l’espace non bâti, avec une hiérarchisation de son
usufruit. Ce qui se traduisait par un schéma arborescent allant de la plus
grande voie fréquentée à la fois par les habitants et les passagers jusqu’à
l’impasse qui ne desservait plus que les riverains locaux. Des dispositions
juridiques fixaient les responsabilités en matière de copropriété et
d’entretien du patrimoine immobilier et régissaient les rapports de
mitoyenneté et les questions relatives au vis-à-vis. Les charges
administratives liées aux servitudes urbaines, comme la sécurité,
l’approvisionnement de la population, incombaient à la fois à l’Etat et aux
habitants. En ce qui concerne l’assainissement urbain, le droit coutumier a
constitué le fondement juridique pour désigner à qui doit incomber, par
exemple, la charge du curage des fosses sceptiques, l’entretien du réseau
d’égout, le branchement au niveau des impasses. Le droit de jouissance
des réseaux était subordonné à l’obligation de leur réfection.
5.13.3 Chefa’a
La Chefa’a était un droit privé qui avait d’importantes répercussions sur
l’espace urbain. Il s’agissait d’un droit de préemption qui donnait la
priorité en matière d’acquisition de terrain ou de propriété immobilière
aux habitants voisins les plus proches de leurs lieux. L’organisation des
cités islamiques, en quartiers plus ou moins fermés, était maintenue par ce
202 H. Abdelmalek : Influence de la Charia sur la gestion de l’espace urbain, journal l’éveil –20-21 Juin 1992
250
droit pour assurer la pérennité d’un équilibre social et d’un paysage
homogène et représentatif. Le but était la recherche d’un consentement
préalable des habitants pour tout nouvel arrivant dans le quartier. Ce qui
facilitait grandement son intégration sociale et le maintien de la
coordination sociale nécessaire à la vie en commun. Il faut rappeler que
les quartiers étaient considérés comme des circonscriptions élémentaires
organisées de la ville et les concertations sur l’utilisation de l’espace
urbain étaient assurées par un cheikh qui jouissait du respect collectif et
jouait le rôle connu aujourd’hui sous le nom de médiateur. En fait, la ville
était gérée par ses propres représentants et le principe de gestion de
proximité s’appliquait pleinement.
251
6. MOYEN AGE OU AGE D’OR DE L’ISLAM203, MOYEN AGE
OBSCUR DE L’OCCIDENT ET CONTRIBUTION DE L’ISLAM
A LA PENSEE HUMAINE204205
Stanwood Cobb, fondateur de Progressive Education Association
a écrit : « L’Islam fût le créateur virtuel de la Renaissance en
Europe 206».
Arthur Léonard a fait cette réflexion : « L’Islam a en fait
accompli une tâche immense. Il a laissé une trace indélébile dans
les pages de l’histoire humaine, qui ne pourra être pleinement
évaluée qu’au fur et à mesure du développement humain.».
Le prophète (SWS) a infléchi la pensée humaine de son penchant pour la
superstition, le surnaturel, l’inexplicable et l’orienta vers une approche
rationnelle de la réalité et vers une vie terrestre vertueuse et équilibrée.
Dans un monde où les événements surnaturels étaient des miracles
nécessaires pour faire la preuve de la véracité d’une mission religieuse, il
inspira le désir de preuve rationnelle et la foi comme seuls critères de
vérité. Il ouvrit les yeux de ceux qui étaient accoutumés, jusque là, à
rechercher des signes de divinités multiples dans l’occurrence des
phénomènes naturels. A la place de spéculations sans fondements, il
conduisit les hommes dans la voie de la compréhension rationnelle et du
raisonnement sain sur la base de l’observation, de l’expérience et de la
203 R Garaudy : Contribution historique de la Civilisation Arabe. Cahiers du Communisme 204 A.A Maudoudi : comprendre l’Islam -1985 205 M. Hamidullah : Initiation à l’Islam I I F S O 206 Cité par Robert.L. Gullik Jr dans « Mohammad the Educator »
252
recherche. Il a défini clairement les limites et les fonctions de la
perception sensorielle, de la raison et de l’intuition. Il souligna les
rapports entre les valeurs spirituelles et matérielles et harmonisa la foi
avec le savoir et l’action. Il créa l’esprit scientifique à l’aide de la religion
et élabora la perception du sentiment religieux sur la base de la foi en un
Dieu unique et omniprésent. Le Prophète (SWS) combattit l’idolâtrie, le
polythéisme sous toutes ses formes et donna naissance à une foi si ferme
en l’unicité de Dieu, que même les religions, entièrement basées sur la
superstition et l’idolâtrie adoptèrent progressivement l’approche
monothéiste. Il changea et précisa les conceptions fondamentales de la
morale et de la spiritualité. Il montra à l’homme sa vraie valeur et sa juste
position dans ce monde. A ceux qui croyaient que seuls l’ascétisme et la
mortification constituaient le critère de la pureté morale et spirituelle, que
la pureté ne pouvait être atteinte que par le renoncement à la vie terrestre
sans tenir compte des besoins physiques et en soumettant le corps à toutes
sortes de privations et de tortures, il montra que la voie de l’ascension
spirituelle, de la libération morale et du salut devraient passer par une
participation active et concrète aux affaires pratiques de ce monde et non
pas en dehors d’elles en décidant de s’isoler sur les plans physique ou
moral.
A ceux qui reconnaissaient seulement un Dieu incarné ou un fils de Dieu
comme leur précepteur moral ou spirituel, il expliqua que des êtres
humains comme eux, qui ne cherchaient pas à être adorés par d’autres, ne
pouvaient être considérés à titre de divinité ou d’intercesseur.
A ceux qui considéraient comme leurs dieux des personnages puissants et
les adoraient en tant que tels, il leur fit comprendre que ces faux dieux
253
étaient de simples êtres humains comme eux et rien de plus.
Il précisa que personne ne pouvait réclamer la sainteté, l’autorité et la
souveraineté comme un don de naissance et que personne ne naissait
intouchable, esclave ou serf. Il enseigna les notions de l’unité de
l’humanité, de l’égalité des humains, de la démocratie véritable et de la
liberté réelle. Si l’on quitte le domaine de la pensée et qu’on aborde le
domaine pratique, il existe d’innombrables traces d’orientation du
Prophète (SWS) dans les lois et les coutumes du monde. Il précisa les
principes qui lui doivent leur origine et prévalent dans le monde
d’aujourd’hui comme la bonne conduite, la culture et la civilisation, la
pureté de pensée et d’action. Les lois sociales qu’il a développées se sont
implantées profondément dans les structures humaines et ce processus se
poursuit jusqu’à nos jours. Les principes fondamentaux d’économie, qu’il
a enseignés, sont présents dans nombre de concepts socioéconomiques
développés au cours des siècles qui ont suivi l’avènement de son message
et il en sera vraisemblablement de même dans le futur. Les lois qu’il a
formulées ont amené de profonds bouleversements dans les théories
politiques du monde et continuent d’exercer leur influence de nos jours.
Les principes fondamentaux de droit et de justice, qui portent la marque
de son message, ont influencé, à un degré remarquable, l’administration
de la justice et forment un guide toujours valable pour une justice future.
Le Prophète (SWS) fut le premier à élaborer un cadre humain rationnel
pour les rapports internationaux et les lois en temps de paix et en temps de
guerre. Auparavant, l’idée n’avait effleuré personne qu’il pût exister un
code de l’éthique militaire et que les relations internationales puissent être
254
basées sur des lois207.
L’apport scientifique des musulmans à l’histoire est capital sur deux
points essentiels : l’authentification des documents d’une part et la
collection et la conservation des détails les plus variés d’autre part. Né en
pleine lumière des temps historiques et riche des enseignements
antérieurs, à la suite d’une longue série de révélations divines à travers
l’histoire, l‘Islam n’avait pas besoin de créer des légendes et de miracles
pour convaincre et drainer des adeptes. La révélation elle-même relatait
l’histoire détaillée et lointaine des peuples qui avaient jadis peuplé la terre
et son but était de donner une leçon à l’humanité pour l’amener à éviter de
refaire les mêmes erreurs et pour conforter les prophètes dans leur mission
vis-à-vis de leurs peuples. L’humanité, parvenue à un stade supérieur
d’intelligence et de raison, pouvait par elle-même juger de la valeur
universelle de la nouvelle révélation divine transmise par le Prophète
Mohammed (SWS). C’est pourquoi Dieu, qui a créé l’homme et veillé à
son évolution à travers les millénaires, a fait de la révélation islamique
Son dernier message à l’humanité.
Dans l’analyse de l’histoire des peuples anciens relatée par le Coran et
complétée par la Sunna, les musulmans accordaient à chaque récit la
valeur qu’il méritait, mais pour l’histoire courante de l’Islam lui-même, il
fallait concevoir et mettre en œuvre des moyens efficaces de contrôle pour
assurer la véracité et l’intégrité des faits et informations au cours du
temps. Jadis, on se servait beaucoup de l’attestation de témoins devant les
tribunaux judiciaires. Cette même méthode a été utilisée par les
207 Al-Jihad–Fi –Islam de A.A Maudoudi
255
musulmans dans le domaine de l’histoire et, pour chaque récit rapporté sur
le Prophète (SWS) ou ses compagnons, on exigeait le témoignage. Au
cours de la première génération qui a suivi le Prophète (SWS), on se
contentait d’un témoin digne de confiance, ayant assisté à l’événement
considéré. Durant la deuxième génération, il devenait obligatoire de citer
au moins deux sources crédibles. Au cours de la troisième génération, on
exigeait trois sources et ainsi de suite. Cette démarche a permis de veiller
à l’authenticité de la chaîne des sources successives de transmission en
citant des références bibliographiques qui précisaient non seulement le
profil des témoins individuels mais aussi les noms de leurs maîtres et leurs
principaux élèves. Ce genre de témoignage a été appliqué non seulement à
la vie du Prophète (SWS) mais aussi à toutes les branches scientifiques du
savoir, transmises d’une génération à une autre. L’enregistrement des faits
concernait également les anecdotes qui, en dehors de leur rôle
d’amusement et de passe-temps, constituaient une partie importante du
patrimoine culturel et permettaient une éducation populaire civique et
morale.
Il faut rappeler une spécificité du monde islamique : ce sont surtout les
grands parents qui jouent le rôle de la transmission orale, au sein de la
famille musulmane, des connaissances et en particulier sur l’histoire. Tout
en divertissant les enfants et les petits enfants, par les belles histoires
tirées du patrimoine historique de l’Islam, ils développent l’éveil de
l’esprit et transmettent le savoir. Etant plus disponibles que le père et la
mère, les grands parents contribuent beaucoup à la formation des enfants.
Ils jouent successivement le rôle de conteur, d’interprétateur et
d’éducateur. Ce qui explique le grand attachement des enfants à leurs
256
grands parents à travers l’intérêt et la curiosité qu’ils portent à leur riche
enseignement et à leur affection. Ces grands parents représentent en
somme une mémoire vive qui se transmet de génération en génération et
une référence pour les jeunes enfants. Ce rôle explique, outre le principe
de solidarité et de cohésion de la cellule de base familiale, l’importance du
respect donné par Dieu aux gens âgés en faisant obligation aux enfants de
prendre soin de leurs parents et de les prendre en charge, au cours de leur
vieillesse, en leur apportant l’aide spirituelle et matérielle. On peut dire
que les liens familiaux sont le liant de base de la civilisation islamique.
Les dictionnaires bibliographiques sont une caractéristique de la littérature
des musulmans. On les rédigea selon les métiers, selon les villes ou
régions, selon les siècles, etc. On attachait une importance particulière aux
tables généalogiques en restituant avec beaucoup d’exactitude et de soin la
longue chaîne parentale de plusieurs milliers de personnes. Ce qui facilita
beaucoup la tache du chercheur qui voulait remontait à l’origine des
événements. Le musulman se soucie de l’histoire, de ses racines
généalogiques et la considère comme une nécessité d’ordre naturel.
Quant à la méthodologie historique proprement dite, elle avait un
caractère universel. Par exemple, Tabarî, l’un des plus anciens historiens
musulmans, non seulement commence ses chroniques et volumineuses
annales avec la création de l’univers, l’histoire d’Adam mais il parle
également de toutes les races connues de lui, selon les possibilités de son
époque. Cette tache a été poursuivie avec acharnement et de façon
intensive par ses successeurs : Mas’oudi, Misawaih, Sâid El Andalousi,
Rachid Eddin Khan et autres. Il est important de souligner que ces
historiens, à commencer par Tabarî, entament leurs ouvrages par une
257
discussion sur la notion de temps. Ibn Khaldoun poussera très loin les
études historiques, sociologiques et philosophiques dans ses célèbres
prolégomènes à l’histoire universelle.
Au cours du premier siècle de l’Hégire, deux branches de l’histoire
s’étaient développées : l’histoire islamique (commençant par la vie du
Prophète (SWS) et continuant par celle des califes) et l’histoire non-
islamique tant de l’Arabie préislamique que des pays étrangers comme le
royaume de Perse, l’empire de Byzance, etc. Par la suite, ces deux
branches fusionnèrent comme dans le cas des écrits de Rachid Eddin
Khan composés simultanément en langues arabe et persane et qui parlent
des prophètes, des califes, des papes, des rois de Rome, de Chine, de
l’Inde, de la Mongolie, etc.
L’éminent écrivain anglais, Robert Briffault, rendant un vibrant hommage
aux enseignements du Prophète Mohammed (SWS), écrit : «L'idée de
liberté pour tous les êtres humains, de la fraternité humaine, de l'égalité
de tous les hommes devant la loi du gouvernement démocratique, par le
truchement de la consultation et du suffrage universel, les idées qui
inspirèrent la Révolution française et la Déclaration des Droits de
l'homme, qui avaient structuré la Constitution Américaine et enflammé la
lutte pour l'indépendance, dans les pays de l'Amérique latine; Tous ces
concepts - affirme-t-il - ne furent pas les inventions de l'Occident; ils
trouvèrent leur inspiration et leur source ultime dans le Coran Sacré.
C'est la quintessence - ajoute-t-il - de ce que l'intelligentsia de l'Europe
médiévale avait appris de l'Islam, pendant des siècles, au sein des sociétés
diverses qui s'étaient développées en Europe, dans le sillage des
Croisades, et, en imitation des associations de la grande famille de
258
l'Islam. Il était hautement probable que, sans les Arabes, la civilisation
européenne moderne, n'aurait jamais vu le jour; et il est absolument
certain que, sans eux, la civilisation occidentale n'aurait, guère, emprunté
ce cachet, qui lui a insufflé le pouvoir et la faculté de transcender toutes
les phases de l'évolution208 ».
Le premier siècle de l’Islam a été un siècle de conquête et de diffusion de
la religion islamique. Au VIIe siècle, Michel le Syrien apporte un fort
témoignage sur la situation de l’Eglise en Syrie au moment de la conquête
islamique. Après avoir rappelé les rigueurs romaines qu’eurent à subir les
Jacobites qui n’acceptèrent pas l’union d’Héraclius, il écrit : «…le Dieu
des vengeances ….voyant la méchanceté des Romains qui, partout où ils
dominaient, pillaient cruellement nos églises et nos monastères et nous
condamnaient sans pitié, amena du Sud les fils d’Ismaël, pour nous
délivrer d’eux…Ce ne fut pas un léger avantage pour nous d’être délivrés
de la cruauté des Romains, de leur méchanceté, de leur colère, de leur
cruelle jalousie et de nous retrouver en repos.».
La deuxième période qui a commencé en 750 et qui est allée jusqu’à l’an
900 correspond principalement à une phase d’assimilation des
connaissances anciennes. C’est l’âge des traductions avec l’avènement de
la fabrication, à partir du coton, du papier à l’époque d’Haroun Al Rachid
(mort en 809). Avant la fin du IXe siècle, Aristote, Galien, Platon,
Ptolémée et Archimède étaient traduits en Arabe. De 813 à 833, à une
époque où l’Europe ne savait plus lire, le calife Al Mamoun fonde à
Bagdad, avec des légions de traducteurs, une bibliothèque immense, la
208 Robert Briffault Hundred Great Muslim
259
« Maison de la Sagesse » grâce à laquelle les découvertes de l’Hellénisme
deviennent accessibles à tous les lecteurs du Coran. Plus tard, le calife El
Hakem de Cordoue, possède déjà 400.000 volumes. Le roi de France,
Charles le Sage, réunira à peine 600 volumes 400 ans plus tard. Le point
culminant de cette période d’assimilation a été l’œuvre d’Al Kindi (né
vers 850). Reprenant la vision du monde d’Aristote, il constitua la plus
grande « encyclopédie » que le monde ait jamais connue avant la
« Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin » (écrite trois siècles plus
tard). L’œuvre d’Al Kindi, traduite en latin par Gérard de Crémone, sera
pour plusieurs siècles la base de l’éducation de l’Occident. La culture
musulmane annonce ainsi l’ aspect « humaniste » de la Renaissance avec
la résurrection du passé. Elle apparaît déjà comme un relais ou trait
d’union entre la culture arabe et la civilisation moderne. La conquête
arabe a régénéré l’Occident en lui restituant toute la science hellénique
que l’Europe a laissé perdre et était incapable de retrouver par elle-même.
6.1 PENSEE EXPERIMENTALE ET PRATIQUE
La civilisation islamique a assimilé le passé et a réussi, grâce aux
transformations socioéconomiques qu’elle a engendrées, à transmettre les
acquis historiques du passé de l’humanité à la civilisation moderne. Les
merveilleuses découvertes scientifiques et techniques de la période
hellénistique des IIe et IIIe siècles de notre ère n’avaient pas réussi à
transformer le monde pour des raisons économique et sociale : l’extension
de l’esclavage avait empêché la technique scientifique de bouleverser
l’ordre économique. L’exploitation d’une forte population d’esclaves,
acquis à des prix dérisoires, était plus avantageuse que la mise en œuvre
de machines. La culture hellénique avait ainsi avorté et n’avait pas pu
donner naissance à une nouvelle civilisation.
Figure 25 : Moyen âge ou âge d’or
La civilisation islamique, en balayant le régime féodal et ses hiérarchies
parasitaires, en fondant un empire immense où la liberté des échanges à
grande échelle et des idées était totale, a fait faire à l’économie et aux
sciences un bond considérable en raison de buts pratiques et utilitaires
qu’elle leur a assignés. En détruisant le cloisonn
l’économie, en instituant une loi écrite et une administration régulière, la
conquête islamique a permis le brassage des choses, des hommes et des
idées indispensables aux grandes périodes créatrices de l’humanité. Les
découvertes scientifiques et techniques de la période helléniste ont trouvé
dans la nouvelle civilisation les conditions propices à leur application. La
civilisation antique, qui était sclérosée à Byzance
dessus du nouvel empire islamique.
MOYEN ÂGE
ÂGE D'OR
PENSEE
DEVELOPPEMENT
DROIT
260
de machines. La culture hellénique avait ainsi avorté et n’avait pas pu
donner naissance à une nouvelle civilisation.
: Moyen âge ou âge d’or
en balayant le régime féodal et ses hiérarchies
en fondant un empire immense où la liberté des échanges à
grande échelle et des idées était totale, a fait faire à l’économie et aux
sciences un bond considérable en raison de buts pratiques et utilitaires
. En détruisant le cloisonnement féodal de
l’économie, en instituant une loi écrite et une administration régulière, la
conquête islamique a permis le brassage des choses, des hommes et des
idées indispensables aux grandes périodes créatrices de l’humanité. Les
ques et techniques de la période helléniste ont trouvé
dans la nouvelle civilisation les conditions propices à leur application. La
sclérosée à Byzance, reprit ainsi son envol au
dessus du nouvel empire islamique.
MOYEN ÂGE
OU
ÂGE D'OR
PENSEE
SCIENCES
PHILOSOPHIE
261
6.2 DEVELOPPEMNT DES SCIENCES
Pour les musulmans qui sillonnaient les déserts, les terres et les mers, la
géographie et surtout la géographie astronomique étaient une nécessité
vitale. Ils construisirent les premiers grands observatoires du monde, ceux
de Samarkand, de Bagdad, de Damas, du Caire et de Cordoue. Ils étaient
les premiers à mesurer le degré du méridien, à calculer exactement
l’obliquité de l’écliptique et la précession des équinoxes. L’astrolabe,
inventé par Ptolémée, est reconstruit vers 770 par Al Fazari et largement
perfectionné aux siècles suivants. El Khawarizmi, en traduisant Ptolémée
vers 834, construit une conception cohérente des latitudes et des
longitudes. Tout en établissant pratiquement les itinéraires pour
l’administration de l’empire islamique, les géographes et astronomes
arabes maintiennent vivante l’idée de la sphéricité de la terre que niaient
les théologiens de la Chrétienté. Ce progrès théorique, lié à une supériorité
technique, dont ne parlent d’ailleurs ni Lefebvre-Des-Nouettes, ni La
Roncière dans leur histoire de navigation, assura aux musulmans une
hégémonie absolue dans toute la Méditerranée. Ibn Khaldoun écrit sur
cette époque : « Les Chrétiens ne purent plus faire flotter une planche en
Méditerranée ».
Le moine Gerbert, qui fut pape en 999 sous le nom de Sylvestre II, passa
pour avoir trafiqué avec le diable lorsqu’il revient dans la Chrétienté,
après un stage consacré à la science astronomique à l’université
musulmane de Cordoue.
El Khawarizmi retrouva, vers 835-844, la méthode de résolution des
équations de second degré que connaissaient les Grecs.
262
Le mathématicien Omar Khayyam (mort en 1123) réussit à résoudre les
équations du 3e degré avec la même méthode qu’emploiera Descartes cinq
siècles plus tard, posant ainsi les fondements de la géométrie analytique.
En géométrie, Thabit Ibn Qurra dépasse Euclide et en trigonométrie, c’est
Abul Wafa et non Copernic qui découvrit la sécante.
El Farabi découvre les logarithmes en étudiant les intervalles musicaux et
Ibn Sina (Avicenne) étudie les quantités infinies.
En chimie comme certains noms le rappellent (alcali, alcool, alambic,
élixir, etc. ), les musulmans apportent à l’Occident les méthodes de
distillation, sublimation, cristallisation, congélation et des produits
nouveaux comme le potassium, l’ammoniac, l’acide nitrique, l’eau régale
et le sublimé corrosif.
En médecine, Al Rhazi (Rhazès, 865-925) fut l’un des plus grands
médecins de tous les temps qui, unissant l’esprit d’observation et l’esprit
expérimental, établit un classement méthodique et systématique des
maladies. L’encyclopédie médicale, qu’il écrivit, fut traduite en latin par
Farragui sur ordre de Charles Ier d’Anjou et sera rééditée 40 fois de suite
en Angleterre de 1498 à 1866. En pleine renaissance de l’Occident, elle
sera rééditée à Vienne en 1520 et à Francfort en 1588. Bref, pendant un
millénaire jusqu’à Claude Bernard, la médecine musulmane a orienté la
médecine de tous les peuples du monde. C’est grâce aux médecins
musulmans venus d’Espagne que la Faculté de Montpellier doit son
premier prestige. Dès 1153, la célébrité des médecins de Montpellier,
disciples des musulmans, est attestée par Saint Bernard. Il faut rappeler
que Rabelais a été étudiant de cette université.
263
Les nécessités de négoce et de la comptabilité amenèrent les Musulmans
comme autrefois les Phéniciens, à bouleverser l’arithmétique : la
découverte des chiffres arabes et l’invention du zéro sur lesquels repose
tout le système de la numération décimale. Ainsi fut accomplie la
deuxième révolution des mathématiques de l’histoire depuis les
Phéniciens. L’Europe ne connut ces inventions que par les Arabes et 250
ans après eux au XIIe siècle. Vers le milieu du Xe siècle, les musulmans
(dont les premiers chantiers de construction navale avaient été ouverts à
Tunis à la fin du VIIe siècle) ont atteint les abords de Canton en Chine
(peut-être la Corée et le Japon). Un demi-millénaire plus tard en 1498,
quand Vasco de Gama atteindra Mélinde sur la côte orientale de l’Afrique,
c’est un pilote musulman qui lui enseignera la route de l’Inde. C’est un
musulman, Ahmed Ibn Mahjid qui a écrit un traité sur la navigation
maritime dans l’Océan Indien, la Mer rouge, le Golfe Persique et la Mer
de Chine. Ce traité servit de base aux Portugais pour les études de
navigation sous Henri le Navigateur. C’est un calife qui eut le premier
l’idée du percement de l’isthme de Suez et qui n’y renonça que pour des
raisons stratégiques de défense et de sécurité.
6.3 PHILOSOPHIE RATIONALISTE
Les musulmans développèrent la philosophie rationaliste et l’esprit
critique d’analyse. L’esprit, qui caractérise cette philosophie, était orienté
vers les problèmes quotidiens des hommes (à une époque où la Chrétienté
était plongée dans la mystique et la scolastique, quand ce n’était pas dans
l’ignorance).
Ibn Sina (Avicenne, 980-1037), médecin et philosophe et après lui Ibn
Rochd (Averroès, 1126-1198), grand philosophe de Cordoue juriste et
264
physicien, ont postulé cinq siècles avant Descartes, le droit de soumettre
tout sauf les dogmes révélés par Dieu au jugement de la raison. Ils ne sont
pas, comme le fera croire, pour des siècles, le commentateur nordique
Siger de Brabant, les apôtres de l’incroyance mais les véritables pionniers
de l’esprit critique et du rationalisme moderne en restant de vrais croyants.
Dante le comprenait bien, lui dont la pensée était toute imprégnée de la
pensée musulmane et qui rend à Averroès un si bel hommage au chant IV
de l’Enfer. Roger Bacon209, le penseur le plus grand et le plus libre de
l’Occident au XIIIe siècle, leur rendait cet hommage célèbre « La
philosophie est tirée de l’Arabe et aucun latin ne pourra comprendre
comme il convient la sagesse de l’Ecriture Sainte et de la philosophie s’il
ne connaissait pas les langues dont elles sont traduites ». Ainsi la religion
musulmane et la langue arabe seules étaient nées dans la péninsule
d’Arabie mais les arts, les sciences et la philosophie naquirent de l’Empire
musulman, lorsque les musulmans passèrent des tentes en poils de chèvre
et de chameaux aux palais de marbre et des raids de guerriers du désert à
la domination impériale des califes. Le monde était tiré de sa torpeur. Les
pensées anciennes et les institutions mortes ressuscitèrent ou rajeunirent.
Les mondes morts de Mésopotamie et d’Egypte, de Perse et d’Hellénisme
refleurirent et l’humanité put reprendre sa marche victorieuse dans le
courant perpétuel de l’histoire. La philosophie de la civilisation islamique
n’enseigne pas l’évasion, ni le détachement du monde réel. Son idéologie
ne fut pas à l’origine professée par des esclaves mais par des conquérants.
209 Metalogicus IV, 6
6.4 DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL
Les institutions apportées par l’Islam
caractéristiques d’une civilisation marchande par opposition à une société
féodale. Quand on parle de civilisation marchande
le plan historique où cette civilisation a permis de
socioéconomique fermé et compartimenté par la féodalité à un système
ouvert à grande échelle qui a permis
subsistance à une économie d’échanges
globe unifiés par l’empire musulman. Le système des impôts, le régime de
propriété et l’organisation communale en témoignent.
Figure 26 : Développement en Islam
6.4.1 Système des impôts
Les impôts en Occident, au cours du
l’exploitation des terres. Avec l’Islam
d’impôts sur les biens personnels et les revenus à travers la Za
Occident, c’est après les croisades
type d’impôts a été institué sur les personnes et les revenus
sous Louis VII en 1146 et 1165, et en Angleterre
DEVELOPPEMEN
COMMUNES
265
NT ECONOMIQUE ET SOCIAL
Les institutions apportées par l’Islam, au sein du grand empire, sont
caractéristiques d’une civilisation marchande par opposition à une société
. Quand on parle de civilisation marchande, c’est pour se placer sur
le plan historique où cette civilisation a permis de substituer à un système
socioéconomique fermé et compartimenté par la féodalité à un système
ouvert à grande échelle qui a permis de passer de l’économie locale de
subsistance à une économie d’échanges couvrant de larges territoires du
globe unifiés par l’empire musulman. Le système des impôts, le régime de
propriété et l’organisation communale en témoignent.
Développement en Islam
au cours du moyen âge, portèrent uniquement sur
l’Islam, apparaît le nouveau système
les biens personnels et les revenus à travers la Zakat. En
après les croisades et par imitation des musulmans, que ce
sur les personnes et les revenus : en France,
et en Angleterre, sous Henri II en 1166.
DEVELOPPEMENT
IMPÔTS
PROPRIETE
266
6.4.2 Régime de la propriété
La sunna fournit la règle d’or du régime de la terre « Dieu dit que ne peut
être propriétaire de la terre que celui qui l’exploite personnellement » et
encore « personne ne doit porter le fardeau d’un autre ». Il est dit aussi
« que celui qui vivifie une terre en devient le propriétaire ». Charles
Gide210reconnaît « Le législateur musulman n’admet la propriété
individuelle que sur les terres qui ont fait l’objet d’un travail effectif ». Ce
principe, que seul le travail fonde la propriété, est si bien respecté par
l’Islam que la conquête engendrant l’acquisition de la propriété n’a pas été
admise en droit musulman. Ce principe a supprimé celui des Romains
basé sur le droit d’en user et d’en abuser. Un corollaire de cette
conception de la propriété, est le respect de la notion de base du travail à
une époque où l’Europe chrétienne privilégiait la contemplation ou les
armes et réservait aux serfs les charges liées au travail. La loi musulmane
favorisait toute activité pratique, tenait en grande estime le travail,
l’agriculture, le commerce et demandait à l’homme de vivre du travail de
ses mains et condamnait ceux qui vivaient du travail des autres.
6.4.3 Organisation communale
Le système des corporations de métiers, que l’Europe connaîtra avec
plusieurs siècles de retard, apparaît au IXe siècle dans les
compagnonnages des Carmâtes. Le régime des « communes », qui
n’apparaît en Europe qu’après les croisades, existe depuis longtemps dans
le monde musulman avec ses institutions caractéristiques. Dans les cités
210 Cours d’économie politique – tome II page 236
267
commerçantes de l’Islam, c’est le « Muhtasib » (prévôt des marchands)
qui contrôle l’activité économique et garantit l’ordre moral. Le régime
politique des cités marchandes de l’antiquité réapparaît en Occident grâce
aux musulmans assurant, par Byzance, le relais de la civilisation. Ce n’est
pas par la conjugaison des hasards, qu’en Espagne, où l’influence de
l’Islam a été la plus profonde, qu’apparaît avec les Cortès, le premier
parlement de l’Europe comme le symbole de la démocratie des temps
modernes. C’est dans les villes espagnoles que se sont constitués les
modèles de la vie municipale avec des budgets autonomes et des
magistratures électives, en même temps que se développaient une
agriculture scientifique, des réseaux hydrologiques, de puissantes
industries de tissus, de métaux et de cuir et la plus belle marine de
l’Europe : celle qui redécouvrira l’Amérique.
6.5 DEVELOPPEMENT DU DROIT
Dans le domaine du droit, on peut considérer que les musulmans ont été
les pères et les véritables précurseurs du droit civil, pénal et
particulièrement du droit international des temps modernes. Tirant ses
sources du Coran et grâce à la richesse et la vaste étendue du message
islamique qui couvrait de nombreux domaines du droit, la science
juridique s’est développée de très bonne heure chez les musulmans. Ce
sont eux qui, les premiers au monde, ont pensé à une science abstraite du
droit, toute distincte du régime général des lois. Toutes les civilisations
anciennes avaient des lois plus ou moins développées et codifiées. Mais
une science, qui eût parlé de la philosophie et des sources de la loi, de la
méthode de législation, d’interprétation et d’application, n’avait jamais
effleuré l’esprit des juristes avant les musulmans. C’est à partir du
268
deuxième siècle de l’Hégire, qu’apparurent les premiers ouvrages arabes
dans ce domaine, sous le nom de « Coucoulas El Fikh ».
Le droit international, dans l’antiquité, n’était ni un droit et encore moins
un droit international. Il faisait partie de la politique et était un domaine
réservé à la simple discrétion des hommes d’Etat. Son application ne
concernait qu’un nombre restreint d’Etats considérés comme pays amis,
habités par des gens de même race, de même religion et de même langue.
Les musulmans furent les premiers à lui donner une place de choix dans le
système juridique, créant le double volet des droits et des devoirs. Depuis
longtemps, les règles du droit international font l’objet d’un chapitre
particulier dans les codes et traités du droit musulman. Le plus ancien
traité répertorié est le « Majmou’ » de Zaid Ibn ‘Ally élaboré en l’an 120
de l’Hégire (737 de l’ère chrétienne) qui comprend un volet consacré au
droit international. Les Musulmans ont fait, de cette branche du droit, une
science indépendante : des monographies sur le sujet, sous le titre
générique « Syar » ont vu le jour vers le milieu du premier siècle de
l’Hégire. La première et importante caractéristique de ce droit
international est la non discrimination entre les divers étrangers comme ce
fut le cas avant l’Islam. Faisant abstraction des rapports entre Etats
musulmans (Arabes ou non), il ne traite que des relations avec les Etats
non-musulmans du monde entier (l’Islam devant en principe former une
seule communauté islamique). Un autre apport du droit musulman est sa
contribution à la jurisprudence comparée : l’apparition de nombreuses
écoles du droit musulman avait nécessité ce genre d’étude pour dégager
les raisons des différences et les effets de chacune d’elles sur un point
juridique quelconque. La construction écrite de la structure d’Etat est
aussi une importante innovation et a constitué la naissance de ce qu’on
269
appelle la constitution sur laquelle repose aujourd’hui la plupart des Etats
du monde. La première constitution mondiale concernait la cité-Etat de
Médine et a été élaborée et rédigée par le Prophète (SWS). Cette
constitution élaborée en l’an 622 de l’ère chrétienne, qui nous est
parvenue jusqu’à nos jours, comprend cinquante-deux (52) articles et
précise les droits et les devoirs respectifs du chef, des organes de l’Etat et
des citoyens et couvre les affaires administratives, législatives, juridiques
et militaires. Dans le domaine du droit proprement dit, les codes sont
apparus au VIIIe siècle de l’ère chrétienne. On divisait les matières en trois
parties : le culte, les rapports contractuels de toutes sortes et les pénalités.
Par sa conception simple et compréhensive de la vie, le droit musulman ne
fait pas de séparation entre la mosquée et la cité. La doctrine de l’Etat ou
le droit constitutionnel faisait lui-même partie intégrante du culte. Le
dirigeant ou le responsable local était lui-même le dirigeant de l’office de
la prière. Le fisc et les finances faisaient aussi partie du culte, puisque le
Prophète (SWS) les avait déclarés un parmi les quatre piliers de l’Islam.
Le droit international faisait partie des pénalités, la guerre étant considérée
sur le même plan que l’action contre les pillards, les pirates et autres
contrevenants aux lois et traités. Il faut mentionner que beaucoup
d’auteurs occidentaux, qui ont étudié le droit musulman comme le docteur
Santalina et le professeur Lake Olmann211, ont demandé la prise en
compte du droit musulman comme une source importante du droit
international. Le Congrès international tenu à la Haye en 1932, a retenu la
législation islamique comme l’une des quatre sources du droit comparé.
211 Les droits de l’homme en Islam par le Professeur Iyane THIAM –J- E M du 05 Avril 1990
270
7. APPORT ISLAMIQUE A LA RENAISSANCE EN OCCIDENT212
L’historien Robert Briffault reconnaît dans son livre ‘‘ The
Making of Humanity ’’ : « Il est fort probable, que sans les
Arabes, la civilisation européenne n’aurait jamais acquis ce
caractère qui lui a permis de transcender toutes phases antérieures
d’évolution. Car, bien qu’il n’y ait pas un seul aspect du
développement humain, dans lequel l’influence décisive de la
culture de l’Islam ne soit pas évidente ; nulle part, elle n’est plus
claire et importante que dans la genèse de cette puissance qui
constitue la force suprême caractéristique du monde moderne et la
source suprême de sa victoire: les sciences naturelles et l’esprit
scientifique. Ce que nous pouvons appeler science a résulté en
Europe d’un nouvel esprit de recherche, de nouvelles méthodes
d’investigation, d’expérimentation, de l’observation et de la mesure
du développement des mathématiques sous une forme inconnue des
grecs. Cet esprit et cette méthode furent introduits, dans le monde
européen par les Arabes213 ».
Au sortir du Moyen âge, l’Orient n’a pas été seulement l’éducateur de
l’Europe en présentant les modèles de ces hommes complets comme Al
Buruni (973-1068), médecin, astronome, mathématicien, physicien,
géographe, historien, dont l’universalité caractérise les civilisations à leur
apogée. En donnant à l’Europe des modèles de système d’éducation, les
académies musulmanes avec leurs bibliothèques, leurs facultés, leurs
plans d’étude, leurs disciplines, leurs grades universitaires, leurs étudiants
212 R Garaudy : Contribution historique de la Civilisation Arabe. Cahiers du Communisme 213 R. Briffaut :The Making of Humanity
271
étrangers groupés en nations, ont d’abord essaimé dans l’Europe
musulmane: à Salerne en Sicile, à Cordoue en Espagne puis dans l’Europe
chrétienne qui a suivi et imité ces modèles avec ses universités de
Bologne, de Paris, de Montpellier, d’Oxford, au XIIIe siècle. Les pensées
qui naquirent dans les cités de l’Islam anticipèrent déjà sur le siècle de la
Renaissance. La figure la plus connue est celle d’Ibn Khaldoun à la fois
savant et artiste, homme de guerre, philosophe qui, par l’universalité de
son génie, est déjà en plein XIVe siècle (1332 - 1406) semblable aux
génies de la Renaissance. Devant cet homme le plus grand qui soit, né à
Tunis où il y fit ses études, le plus féroce des conquérants Tamerlan
s’arrêta, saisi de respect et d’admiration et le laissa quitter Damas avec ses
compagnons en l’an 1400. En lisant les «Prolégomènes» d’Ibn Khaldoun,
un occidental trouve, en plein XIVe siècle, le précurseur de Machiavel, de
Descartes et de Montesquieu, de trois siècles d’humanisme, lorsqu'Ibn
Khaldoun pose sous une forme concrète et scientifique le problème
politique : comment s’établit la souveraineté ? Quelle est l’origine des
dynasties ? Comment se fonde une dynastie ? Ibn Khaldoun atteint une
maîtrise et une profondeur de pensée qui n’a pas été dépassée au XVIe
siècle dans le « Prince » de Machiavel. En établissant les règles d’une
histoire scientifique et d’une sociologie, il égale et dépasse « l’Esprit des
lois » de Montesquieu. Il définit d’abord la critique historique à une
époque où l’Europe ne connaissait que des chroniqueurs. Ibn Khaldoun
disait « le but poursuivi est d’établir une règle sure pour distinguer, dans
les récits, la vérité de l’erreur. Un instrument qui permette d’apprécier les
faits avec exactitude, tel est le but que nous nous sommes proposés ». Le
ton des « Prolégomènes » évoque sans aucun doute le « Discours de la
Méthode » de Descartes. Alors que l’histoire était demeurée purement
272
narrative et descriptive jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, Ibn Khaldoun
concevait une histoire explicative et causale : « m’introduisant par la
porte des causes générales, dans l’étude des faits particuliers, j’embrasse,
dans un récit compréhensif, l’histoire du genre humain. J’assigne aux
événements politiques leurs causes et leurs origines ». Conscient de
l’originalité de sa méthode, Ibn Khaldoun fondait une science nouvelle :
« les discours dans lesquels nous allons traiter cette matière, formeront
une science nouvelle qui sera aussi remarquable par l’originalité de ses
vues que par l’étude de son utilité. Nous l’avons découverte à force de
recherches et à la suite de profondes méditations ». Ibn Khaldoun ne
fonde pas seulement une philosophie de l’histoire mais il inaugure
l’histoire scientifique. L’observation domine chez lui le raisonnement
abstrait. Il note l’influence de l’habitat et de l’économie sur la vie des
nations. Il étudie le mécanisme des sociétés, fondées sur l’entraide
économique et la division du travail. Il classe les peuples et les formes
sociales selon le mode de production économique. Il donne cette lucide
définition du matérialisme historique : «les différences, qu’on remarque
dans les usages et les idées des divers peuples, dépendent de la manière
dont chacun d’eux pourvoit à sa subsistance».
Le Prophète de l’Islam (SWS) fut un pionnier des temps modernes. Il est
un guide pour les musulmans mais aussi pour ceux qui dénient son
autorité de prophète et qui ne se rendent pas compte que ses directives
continuent d’influencer leurs propres pensées, leurs actions et l’esprit des
temps modernes. Des auteurs occidentaux ont commencé à parler de la
contribution islamique au progrès de l’humanité. John Davenport
note : « Il faut reconnaître que toute la connaissance en matière de
273
physique, d’astronomie, de philosophie, de mathématiques, qui s’épanouit
en Europe depuis le Xe siècle, provenait à l’origine des écoles arabes et
les Sarrazins d’Espagne peuvent être considérés comme les pères de la
philosophie européenne214».
Le philosophe anglais Bertrand Russel écrit : « La suprématie de l’Orient
n’était pas seulement militaire, la science, la philosophie, la poésie et les
arts s’épanouissaient tous dans le monde musulman à une époque où
l’Europe était plongée dans la barbarie. Les Européens, avec une
insularité impardonnable, appelle cette époque ‘‘Ere des ténèbres’’ mais
seule l’Europe était dans les ténèbres, seule l’Europe chrétienne, car
l’Espagne, qui était musulmane, possédait une culture brillante215».
Anatole France disait dans « La Vie en fleur » : «Mr Dubois demande une
fois à Mme Rosière quel était le jour le plus funeste de l’histoire ? Mme
Rosière ne le savait pas. C’est, lui dit M. Dubois, le jour de la bataille de
Poitiers, quand en 732, la science, l’art et la civilisation arabes reculèrent
devant la barbarie franque ». Il faut préciser 216 qu’à Poitiers, il n’y a pas
eu de recul musulman. Il s’agissait d’une simple escarmouche au retour
d’un raid arabe sur St Martin de Tours. Allant du Nord au Sud et
retournant en Espagne, le ‘Commando’ d’Abderrahmane se heurta à
Charles Martel qui eut la chance d’être secouru par Eudes de Gascogne.
Sans le renfort de son vassal, Charles n’aurait pas été Martel. Ce jour- là,
la France a perdu ses chances historiques de bénéficier de la civilisation
214 Cité par A.Karim dans « L’islam’s contribution to Science and Civilisation » , 215 Pakistan Quaterly, vol IV n° 3 216 R Garaudy : Contribution historique de la Civilisation Arabe. Cahiers du Communisme
274
arabe, de mettre fin au chaos féodal et de faire son unité nationale. Ce sont
quelques siècles de perdus pour la France et l’humanité. L’un des grands
écrivains d’Espagne, Blasco Ibanez217 témoigne pour son pays : « En
Espagne, la régénération n’est pas venue du Nord, avec les hordes
barbares ; elle est venue du Midi, avec les Arabes conquérants. C’était
une expédition civilisatrice beaucoup plus qu’une conquête. Par là
s’introduisait chez nous cette culture, jeune, robuste, alerte, aux progrès
étonnamment rapides, qui, à peine née, triomphait. Cette civilisation
s’était assimilée le meilleur du Judaïsme et de la science byzantine et qui,
au surplus, apportait avec elle la grande tradition hindoue, les reliques de
la Perse et beaucoup de choses empruntées à la Chine mystérieuse.
C’était l’Orient pénétrant en Europe, non comme les Darius et les Xerxès,
par la Grèce qui les repoussait afin de sauver sa liberté, mais par l’autre
extrémité, par l’Espagne qui, esclave des rois théologiens et d’évêques
belliqueux, recevait à bras ouverts ses envahisseurs…..En deux années,
ceux-ci s’emparèrent de ce que l’on mit sept siècles à leur reprendre. Ce
n’était pas une invasion qui s’imposait par les armes ; c’était une société
nouvelle qui poussait de tous cotés ses vigoureuses racines. Le principe de
la liberté de conscience, pierre angulaire sur laquelle repose la vraie
grandeur des nations, leur était cher. Dans les villes où ils étaient les
maîtres, ils acceptaient l’église du chrétien et la synagogue du Juif. Du
VIIIe au XVe siècle, se construira et se développera la plus belle et la plus
opulente civilisation qu’il y ait eu en Europe durant le moyen âge. Tandis
que les peuples du Nord se décimaient par des guerres religieuses et se
217 Blasco Ibanez : Dans l’ombre de la cathédrale p.201-204
275
comportaient en tribus barbares, la population de l’Espagne s’élevait à
plus de trente millions d’habitants et, dans cette multitude d’hommes, se
confondaient et s’agitaient toutes les races et toutes les croyances, avec
une variété infinie d’où résultaient les plus puissantes pulsations
sociales…Dans ce fécond amalgame de peuples et de races coexistaient
toutes les idées, toutes les coutumes, toutes les découvertes accomplies
jusqu’alors sur la terre, tous les arts, toutes les sciences, toutes les
industries, toutes les inventions, toutes les disciplines anciennes ; et du
choc de ces éléments divers, jaillissaient de nouvelles découvertes et de
nouvelles énergies créatrices. La soie, le coton, le café, le citron,
l’orange, la grenade arrivaient de l’Orient avec ces étrangers comme
aussi les tapis, les tissus, les tulles, les métaux damasquinés et la poudre.
Avec eux encore, la numération décimale, l’algèbre, l’alchimie, la chimie,
la médecine, la cosmologie et la poésie rimée. Les philosophes grecs, près
de disparaître dans l’oubli, trouvaient le salut en suivant l’Arabe dans ses
conquêtes. Aristote régnait à l’Université de Cordoue ».
8. COMPARAISON ENTRE CULTURE ISLAMIQUE ET
CULTURE HUMANISTE
On peut se poser la question de savoir comment la culture islamique
d’origine divine se distingue de la culture humaniste
considérant les droits de l’homme. On a décrit précédemment l
comme un ensemble de liens spirituels et sociaux, hérités ou
relient les hommes entre eux. C’est aussi la perception qu’ont les hommes
des éléments du milieu qui les entourent. Pour analyser l’écart entre
l’approche culturelle dans le monde d’aujourd’hui et celle de l’Islam, on
va procéder à une analyse comparative en faisant abstraction, de la
pseudo-culture, qui prévaut dans les pays dits
toute erreur de jugement sur la vraie culture
Figure 27 : Cultures islamique et humaniste
ISLAM
HUMANISME
ORGANISATION
VALEURS
276
OMPARAISON ENTRE CULTURE ISLAMIQUE ET
uestion de savoir comment la culture islamique
se distingue de la culture humaniste d’origine humaine en
droits de l’homme. On a décrit précédemment la culture
comme un ensemble de liens spirituels et sociaux, hérités ou acquis, qui
relient les hommes entre eux. C’est aussi la perception qu’ont les hommes
des éléments du milieu qui les entourent. Pour analyser l’écart entre
l’approche culturelle dans le monde d’aujourd’hui et celle de l’Islam, on
comparative en faisant abstraction, de la
qui prévaut dans les pays dits islamiques afin d’éviter
jugement sur la vraie culture islamique.
Figure 27 : Cultures islamique et humaniste
ISLAMET
HUMANISME
ORGANISATION
GESTION ET
RESSOURCES
277
8.1 COMPARAISON DES VALEURS
En se basant uniquement sur l’homme, à travers la puissance de sa
science et de sa technologie, l’Occident tente d’imposer, à tous, une
monoculture qu’il pense idoine pour accompagner la globalisation
économique planétaire. C’est une culture basée sur l’approche tangible.
Elle se traduit par ce qu’on appelle aujourd’hui la culture de masse basée
sur l’information et la communication. On compte aujourd’hui, des
centaines, voire des milliers de programmes télévisés qui couvrent
pratiquement tous les domaines de la vie sociale. Tous les jours, on pense
et on invente de nouvelles formes de pseudo-culture, qui portent sur
l’exacerbation des sens, désirs et instincts primaires chez l‘homme, toutes
aussi éphémères les unes que les autres dans une démarche perpétuelle à
la recherche de nouvelles exaltations et excitations à distiller. Le but est
d’occuper et de distraire en permanence le plus grand nombre de
personnes pour ne pas leur laisser un temps de répit qui leur permettrait de
réfléchir sur eux-mêmes ou sur ce qui les entoure ou se situer
consciemment et positivement dans l’espace et le temps.
De nombreuses sectes ont vu le jour et tentent d’entraîner avec elles le
plus grand nombre d’adeptes. A défaut d’une seule religion, ces sectes
créent leurs propres dieux et leurs propres religions : les nouveaux
gourous s’attribuent des pouvoirs mystérieux exorbitants et tentent de
s’imposer à des gens qui ont perdu le bonheur et la joie de vivre et qui
sont en quête de nouvelles valeurs spirituelles ou de valeurs perdues. Ce
phénomène touche de plus en plus des gens cultivés à la recherche d’un
idéal spirituel plus que les autres catégories de la population. Ce qui
prouve, d’une certaine façon, le désarroi des élites occidentales et la crise
278
spirituelle de l’Occident. Certaines sectes sont même parvenues à
convaincre leurs adeptes de se donner la mort pour accéder à un bonheur
supposé. L’Occident se trouve piégé par son propre labyrinthe
économique et tente d’occulter le spirituel ancré profondément dans le
génome humain. Occuper les citoyens devient la priorité des priorités des
Etats nations qui investissent des sommes colossales dans les moyens
audiovisuels et médias. L’argument souvent avancé est la défense de la
culture nationale. On entend même parler de l’invasion culturelle de
l’Europe par la culture américaine. On procède même par ce qu’on appelle
aujourd’hui les statistiques, l’audience de telle ou telle chaîne de
télévision qui se traduit par le nombre de personnes qui suivent les
programmes de diffusion. C’est par dizaine de millions que se chiffre le
nombre de téléspectateurs. On assiste à un véritable bombardement, vingt
quatre heures sur vingt quatre, d’images et de discours qui violent parfois
ce qui reste de la conscience humaine. Même, la conscience humaniste ou
la conscience « des droits de l’homme » qui a caractérisé l’Occident et a
marqué de son empreinte, pendant des siècles (siècles de lumière)
l’histoire de l’humanité, tend à s’essouffler sous la pression du
matérialisme, de la spéculation de toutes sortes (promesses illusoires,
spéculations et manipulations financières,..) et de la libération soi-disant
totale de l’homme. Même les guerres n’émeuvent plus les valeurs et la
conscience occidentales. Pour calmer tant soit peu les choses, l’ONU et
son conseil de sécurité ont inventé le droit d’ingérence humanitaire pour
sauver de l’extermination des populations entières au sein même de
279
l’Occident (cas de l’ex Yougoslavie). L’UNESCO218 tente de réhabiliter
les cultures anciennes, mais faute de moyens et de volonté chez les pays
concernés, les résultats sont plus que mitigés. Le concept de la culture se
limite à des manifestations purement folkloriques sans lendemain.
L’Islam propose une vision globale et universelle de la culture qui ne
saurait se limiter à des pays islamiques. C’est une approche qui englobe à
la fois le domaine spirituel et le domaine tangible. La doctrine islamique
de la culture découle d’un célèbre hadith du Prophète (SWS) qui dit :
« agissez dans votre vie terrestre comme si vous devriez vivre
éternellement et agissez pour votre post-vie comme si vous devriez mourir
demain ». De ce hadith, on peut dégager deux principes le premier
concerne les activités et actions qui doivent se dérouler dans le cadre du
développement durable en assurant l’équilibre des sociétés humaines et en
sauvegardant les ressources naturelles de l’environnement pour satisfaire
le besoins matériel de l’homme à long terme et le second concerne la
responsabilité spirituelle de l’homme qui doit subordonner ses activités et
actions au respect du code de conduite morale tel que défini par l’Islam. Il
y a interdépendance entre les deux principes. Au cours de son existence
terrestre, l’homme doit agir, sur le plan matériel, pour assurer son bien
être, celui de la collectivité. Il doit défendre la justice, l’équité sociale et
protéger, conserver et valoriser les richesses naturelles qui constituent le
support naturel de la vie sur terre. On peut dire que sur le plan tangible, la
culture humaniste et la culture islamique se rejoignent sur les droits de
l’homme, mais avec certaines réserves principalement au niveau de la
218 Plan Arabia de l’UNESCO
280
limitation du droit de propriété et la prédominance des droits collectifs sur
les droits individuels en Islam. L’Islam se différencie par l’apport spirituel
ou le droit de responsabilité qui précise les devoirs vis-à-vis des hommes,
de la collectivité, de l’environnement et des ressources naturelles. Le
hadith cité plus haut, mentionne la responsabilité permanente qui engage
le croyant à se préparer chaque jour à quitter le monde terrestre pour le
monde de la post-vie. Ceci a pour but d’une part d’amener l’homme à se
remémorer à tout instant l’omniprésence divine et d’autre part d’engager
sa responsabilité dans les actes de tous les jours. Si la culture humaniste
des droits de l’homme vise une culture qui s’applique aux gouvernements
et aux organisations nationales et internationales, la culture islamique
adjoint les droits de responsabilité à tous les niveaux en commençant par
l’homme qui constitue le premier maillon de la chaîne sociale. L’homme
doit bénéficier de droits mais en contrepartie il a des devoirs envers lui-
même, envers autrui et envers son milieu. La culture laïque qui prévaut
dans la plupart des pays du monde repose sur deux critères : exigence
purement morale et sens pratique. La culture islamique se différencie de la
morale laïque par l’ajout de deux critères : le premier impliquant la foi en
un Dieu législateur dont l’autorité sublime est indispensable à toute
décision d’origine humaine et le second la sollicitation de l’appui de Dieu
pour toute action. Il y a trois raisons qui conditionnent la morale
islamique : le respect des prescriptions divines (droits de succession et
l’héritage, droits fiscaux, organisation, fonctionnement bancaire), la
considération de l’omniprésence divine dans les actes de tous les jours
(autocontrôle individuel), le comportement et la perspective des mesures
de sanction divine (responsabilité individuelle : châtiment ou
récompense).
281
8.2 COMPARAISON EN MATIERE DE GESTION DES
RESSOURCES
La culture actuelle de l’Occident ne fixe aucune limite à la consommation.
Plus que cela, elle l’encourage. Devant la crise économique d’aujourd’hui,
le seul remède des uns et d’autres, quelque soit leur orientation politique,
c’est d’encourager la consommation pour relancer la production, obtenir
la croissance économique et créer de nouveaux emplois. Il s’agit d’un
cercle infernal qui a pour conséquence la surconsommation, la production
de plus en plus grande de déchets, une utilisation massive de ressources
naturelles, leur épuisement et la dégradation de plus en plus importante de
l’environnement. La culture humaniste actuelle met en avant la science et
la technologie au service du bonheur matériel. La recherche du confort
matériel est une course sans fin de sorte qu’on met plus de temps à
chercher le repos qu’à en jouir. L’homme est conduit, malgré lui, à
s’investir constamment dans l’entretien des moyens de confort de plus en
plus sophistiqués. Ce qui constitue un gaspillage d’argent et de temps. Ce
confort qui n’est qu’un simple moyen se transforme en une finalité ultime.
Pris dans le tourbillon du pouvoir, les gouvernants n’ont d’autre
alternative que de satisfaire les appétits grandissants de leurs administrés
en biens matériels. Aucun gouvernement, aujourd’hui, n’est en mesure de
renoncer à l’idéologie de la consommation, faute d’une idéologie
spirituelle à même de motiver et de faire adhérer les citoyens à une
nouvelle éthique de production et de consommation. La recherche effrénée
du bonheur matériel peut être considérée comme une déviation de la
conscience contemporaine qui nous ramène de plus en plus à une vie
primaire animale où l’instinct domine l’homme au lieu et place de la raison.
282
En Islam, l’effort de la science et de la technologie est de permettre de
mieux connaître les signes naturels (créatures de l’univers) de Dieu et de
libérer l’homme des contraintes matérielles d’ordre primaire pour l’aider à
consacrer plus de temps à l’épanouissement de son esprit, au renforcement
de sa foi et à son rapprochement de Dieu. L’Islam est la religion de la
modération sur tous les plans : consommation, possession de biens
matériels. Sur le plan de l’alimentation, il enseigne l’abstinence
périodique (le jeûne) et la lutte contre toute forme de gaspillage. Le
Prophète (SWS) disait : « Nous sommes une nation dont les membres
mangent quand ils ont faim et quand ils mangent, ils doivent éviter de se
gaver ». Il exhorte l’homme à équilibrer les besoins (la nourriture, l’eau et
l’air) nécessaires au bon fonctionnement de son organisme : « on doit
réserver un tiers de la capacité de l’organisme à la nourriture, un tiers
pour l’eau et un tiers pour l’air ». Le Prophète (SWS) recommande de
vider les plats en mangeant pour éviter de jeter ou de gaspiller la
nourriture. L’Islam rejette tout excès de consommation des ressources
naturelles. Dieu dit : « Ne sois pas prodigue. Les prodigues sont les frères
de Satan219 » ou « O fils d’Adam, prenez votre parure, lors de chaque
office (prière). Et mangez et buvez en évitant tout excès ! Il n’aime pas les
outranciers220 ». L’Islam limite le luxe et les dépenses extravagantes. Le
Prophète (SWS) recommande de ne pas porter des habits fastueux et de ne
pas multiplier l’acquisition des biens, car cela détourne le croyant de ses
devoirs et l’empêche de penser à l’au-delà. En Islam, le fait de manger et
Coran (17,27) 219 >ا�.!C# ر!C# ( 6 . و����P >إن ا ,C!ر.6 آ��ا إ@ان اCoran (7,31) 220 > U]3. ( �]ا ا���[$ آ[ 2�N]%$ و آ9[ا و :[�4ا و ) #%[�� �.� x V]�4دم @[!وا ز.�[�8
6���%, >ا
283
de posséder des biens est un don et un bienfait de Dieu. Les biens de
l’homme sont un prêt que Dieu met à sa disposition. L’homme doit être
reconnaissant envers Dieu et se conformer aux obligations liées à ses
biens comme la taxe annuelle (Zakat).
8.3 COMPARAISON DES SYSTEMES D’ORGANISATION
La civilisation actuelle a élaboré des conventions internationales sur les
droits de l’homme, non pas pour forcer les pays à les appliquer mais plus
pour les inciter à se mobiliser. Certaines de ces conventions qui datent de
1789 ne sont pas toujours appliquées à ce jour. Elles n’ont pas un
caractère d’obligation ou de coercition mais plutôt un rôle d’incitation. Ce
sont généralement des vœux et non des réalités. C’est ce qu’on appelle
aujourd’hui le « droit mou » ou « soft law ». Le caractère universel des
conventions est consacré uniquement par l’adhésion formelle et volontaire
d’une majorité des pays. A l’heure actuelle, il y a des raisons objectives
qui peuvent expliquer l’absence d’obligation au niveau mondial. La plus
importante de ces raisons est la recherche des causes historiques de
l’appauvrissement d’une bonne partie de l’humanité qui incombe presque
totalement aux pays développés. La dégradation est le résultat de
l’industrialisation qui a permis à de nombreux pays riches d’assurer leur
développement socio-économique actuel au détriment des pays
anciennement colonisés ou par des échanges déséquilibrés avec eux.
Même aujourd’hui, on estime que les pays riches qui comptent vingt cinq
pour cent (25%) de la population mondiale consomment soixante quinze
pour cent (75%) des ressources naturelles de la planète. Le reste du monde
trois fois plus peuplé partage seulement vingt cinq pour cent (25%) du
284
restant des ressources. L’application des conventions se fait à deux
vitesses : une démarche propre aux pays riches et une autre pour les pays
pauvres. Au lieu d’adopter un processus d’évaluation historique de la
décadence d’une partie de l’humanité (paupérisation de nombreux peuples
de la planète) pour situer les responsabilités de chaque pays, à travers la
politique d’extermination coloniale. Les pays riches tentent d’ailleurs,
avec un certain succès, de faire oublier leur responsabilité historique en
imposant une vision égoïste du droit international avantageux pour eux au
détriment des pays pauvres. Tout se passe comme si la dégradation de
l’humanité date d’aujourd’hui et qu’il convient de la prendre en charge de
la même façon par tous les pays, qu’ils soient riches ou pauvres. La
logique d’approche rationnelle, souvent adoptée par les pays avancés,
aurait du être choisie pour procéder à l’évaluation du coût historique de la
paupérisation d’une partie de l’humanité et l’élaboration d’un bilan
quantitatif des passifs et des actifs, pays par pays, sur une base
consensuelle acceptable au niveau mondial et de trouver des mécanismes
de compensation financière et technologique pour aider les pays pauvres à
procéder à la mise à niveau de leurs moyens de production et réduire les
causes de leur appauvrissement et de leur retard historique. Ce
déséquilibre des rapports internationaux est un handicap et une menace
pour les pays en développement, qui, pour faire face à leur besoin, sont
entièrement tributaires des pays riches pour l’acquisition aussi bien des
biens de consommation que des moyens technologiques et financiers. La
globalisation économique, menée par les pays développés, à travers les
organisations internationales comme l’OMC (Organisation Mondiale du
Commerce), le partenariat multilatéral ou bilatéral avec l’UE (Union
Européenne), tente d’imposer des contraintes en matière d’échange aux
285
pays pauvres, comme préalable à l’établissement de tout accord de
coopération. Le constat actuel montre que les pays riches deviennent plus
riches et les pays pauvres plus pauvres. Ce qui fait que les rapports
internationaux sont de plus en plus déséquilibrés et inégaux entraînant une
injustice imposée aux pays pauvres qui n’ont d’autres issues que de
s’appauvrir et de s’endetter encore plus. Dans la civilisation actuelle, les
droits de l’homme ne s’appliquent que dans les pays riches qui mangent à
leur faim, car les pays pauvres sont plus préoccupés par la satisfaction de
leurs besoins primaires alimentaires.
L’Islam, dans son approche relative des droits universels est en avance par
rapport aux droits de l’homme sur trois points essentiels :
• Le premier est le caractère universel de l’Islam basé sur la défense
du bien et la lutte contre le mal, quelque soit le lieu géographique.
• Le second concerne la notion de droit de propriété qui est un droit
relatif : le droit de posséder un bien se limite à l’usufruit de ce bien
et ce droit disparaît avec l’arrêt de son exploitation ou lorsque celle-
ci cause un préjudice supérieur au profit qui en est tiré ou un risque
mettant en danger l’homme ou ses ressources. Tout sur terre,
appartient à Dieu et l’homme n’a que la jouissance temporaire des
biens terrestres, conditionnée par les obligations morales
islamiques. La législation islamique est moins prisonnière que la
législation actuelle en matière de droit de propriété privée.
• le troisième est relatif à la prédominance de l’intérêt collectif sur
l’intérêt individuel ; ce qui subordonne l’exercice de toute activité
humaine à la préservation du bien commun.
D’après un hadith du Prophète (SWS), les humains partagent en commun
286
l’eau, les terres et l’énergie. Ces considérations peuvent servir à définir
des principes mondiaux sur la répartition et le partage des ressources
vitales pour tous. Aujourd’hui, par exemple, les besoins en eau des pays
augmentent sous l’effet de la démographie et des besoins d’irrigation des
terres pour la production de denrées alimentaires. Certains pays
limitrophes partagent des voies d’eau communes. Sous l’emprise des
besoins, ceux, situés en amont de ces voies, veulent détourner à leur profit
une grande partie des ressources en eau dont certaines servent aussi à la
production de l’énergie hydroélectrique. On peut définir, dans le cadre
mondial de coopération et de complémentarité, des critères basés sur le
partage des ressources en prenant comme éléments d’analyse : la
démographie, la capacité productive des terres et le potentiel
hydroélectrique de chaque pays. Ce genre de coopération
permettra d’éviter des conflits futurs qui risquent de provoquer la guerre
des ressources, de protéger l’environnement dans chacun des pays en
étudiant et en optimisant les potentialités propres à chacun et de limiter la
surexploitation des ressources. Le colloque, tenu en 1972 à Ryad (Arabie
Saoudite) avec la participation d'éminents jurisconsultes du monde entier,
a exprimé unanimement toute son admiration pour le Droit musulman (la
Charia) et les principes islamiques sur les Droits de l'homme. Son
président Mac Bread, professeur à l'Université de Dublin, ex-ministre des
Affaires étrangères d'Irlande, a tenu à souligner « La prééminence des
Principes Coraniques sur la Déclaration Internationale des Droits de
l'Homme ».
287
9. CONCLUSION
Un peuple, qui renie son passé, abandonne ses propres valeurs et perd sa
foi, est un peuple sans avenir. La magnifique floraison de la culture et de
la civilisation islamique du VIIIe au XVe siècle apporte le démenti le plus
cinglant aux prétendus « doctrines racistes » qui ont fait du moyen âge
d’or de la civilisation islamique un « moyen âge obscur » pour dévaloriser
ou s’approprier, sans aucune reconnaissance, l’héritage laissé par la
civilisation islamique. Le passé glorieux de la civilisation islamique et le
prodigieux essor des peuples islamiques d’Asie prouvent d’une manière
incontestable, que les musulmans ont contribué et contribuent
puissamment, avec tous les autres peuples de la terre, au progrès de
l’humanité. Cependant, les pays musulmans doivent se débarrasser des
mythes générés par une décadence qui a duré plusieurs siècles. Ils ont
besoin d’une élite qui doit reprendre la pensée coranique, non pas comme
un précieux document archéologique mais comme une pensée vivante,
actuelle et en perpétuel devenir qui doit imprimer l’action. En
redéfinissant leur voie, sur la base de leur propre culture, ils ne doivent
pas s’enfermer sur eux-mêmes et s’isoler. Ils doivent davantage s’ouvrir
aux autres pays en établissant des rapports de coopération et de respect
réciproque. Cependant, ils doivent développer une stratégie de
développement à long terme, en s’appuyant sur les valeurs islamiques,
tout en prônant la coopération pacifique au niveau international. Ces
valeurs portent en elles-mêmes un potentiel suffisant de conviction pour
être transmises et comprises par tous et utilisées pour répondre aux
différents besoins de l’homme. On termine cet ouvrage par cette réflexion
288
de L. Weiss221 : « Toute communauté qui cesse de se prendre en charge,
abdique le droit à l’existence culturelle propre, bien plus elle perd tout
droit à demeurer une communauté. Cependant, si les musulmans imitent,
comme ils n’ont aucun besoin de le faire, les formes de vie de l’Occident,
ses manières d’être, ses mœurs et ses concepts sociaux, ils n’y gagneront
pas. Car ce que l’Occident peut leur donner, ne serait pas supérieur à ce
que leur a offert leur propre culture et à ce que leur recommande leur
propre foi. Si les musulmans gardent la tête froide, et acceptent le progrès
comme un moyen non pas comme un but en soi, ils pourront non
seulement préserver leur liberté intérieure mais aussi transmettre à
l’homme occidental le secret perdu de la douceur de vivre ».
221 Islam et décolonisation culturelle –Mosquée de Béni Messous- Imprimerie Sarri El Biar Alger
289
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UNESCO : Histoire de l’humanité : volume III deuxième partie chapitre II
évolution des langues, Plan Arabia
295
TABLE DES MATIERES
PRESENTATION DE L’OUVRAGE _________________ 8
1. INTRODUCTION ___________________________________ 10
2. DEFINITION DE LA CULTURE ___________________ 29
2.1.1 Éthique _______________________________ 31
2.1.2 Esthétique _____________________________ 33
2.1.3 Logique pragmatique ____________________ 34
2.1.4 Technique _____________________________ 35
2.2 SOURCES DE LA CULTURE _____________________ 35
2.2.1 Monde des personnes ____________________ 35
2.2.2 Monde des idées ________________________ 36
2.2.3 Monde des choses _______________________ 37
2.2.4 Monde des phénomènes naturels ___________ 38
2-3 CARACTERISTIQUES FONDAMENTALES DE LA
CULTURE ___________________________________________ 39
2-4 EVOLUTION ET DIFFUSION DE LA CULTURE _ 39
2-5 PROCESSUS D’ACCULTURATION ____________ 41
2-6 CONCEPT DE CULTURE «POPULAIRE» _______ 45
3. DIVERSITE CULTURELLE ________________________ 47
296
3.1 DEFINITION _____________________________________ 48
3.2 DIVERSITE CULTURELLE DANS UNE SOCIETE
DE CLASSES ________________________________________ 48
3.3 DIVERSITE CULTURELLE ET DEVELOPPEMENT
DURABLE ___________________________________________ 48
3.4 DIVERSITE CULTURELLE ET MONDIALISATION 50
3.5 RISQUE DE LA DIVERSITE CULTURELLE _____ 50
3.6 DIVERSITE CULTURELLE ET COHABITATION 52
4.1 CULTURE ET IDEOLOGIE_______________________ 54
4.2 LANGUE ________________________________________ 58
4.2.1 Analyse historique des langues ____________ 60
4.2.2 Renaissance des langues _________________ 62
4.3 CULTURE ET HISTOIRE ________________________ 64
4.4 CULTURE ET EDUCATION _____________________ 68
4.5 CULTURE ET SCIENCE _________________________ 72
4.6 CULTURE ET POLITIQUE ______________________ 74
4.7 CULTURE ET ECONOMIE ______________________ 77
4.8 CULTURE, RESSOURCES NATURELLES ET
ENVIRONNEMENT _________________________________ 80
5. PATRIMOINE CULTUREL ISLAMIQUE _________ 87
297
5.1 ETHIQUE ISLAMIQUE __________________________ 88
5.2 LANGUE ARABE ET ECRITURE ________________ 104
5.3 HISTOIRE ________________________________________ 112
5.4 SCIENCES _______________________________________ 121
5.4.1 Sciences religieuses et philosophiques _______ 125
5.4.2 Sciences sociales ________________________ 126
5.4.3 Sciences médicales ______________________ 127
5.4.4 Hygiène et Santé ________________________ 129
5.4.5 Géographie, topographie et communication __ 138
5.4.6 Astronomie ____________________________ 139
5.4.7 Sciences naturelles ______________________ 141
5.4.8 Chimie et physique ______________________ 144
5.4.9 Mathématiques _________________________ 146
5.5 ARTS _____________________________________________ 147
5.6 EDUCATION _____________________________________ 150
5.6.1 Enseignement primaire ___________________ 151
5.6.2 Enseignement secondaire et supérieur _______ 152
5.7 TRAVAIL ________________________________________ 153
5.8 POLITIQUE ______________________________________ 159
298
5.8.1 But de l’Etat ___________________________ 160
5.8.2 Fonction cultuelle _______________________ 162
5.9 ECONOMIE______________________________________ 163
5.9.1 Héritage_______________________________ 167
5.9.3 Taxes exceptionnelles ____________________ 169
5.9.4 Assurances sociales _____________________ 169
5.9.5 Dépenses de l’Etat_______________________ 171
5.9.6 Jeux de hasard _________________________ 176
5.9.7 Prêt à intérêt ___________________________ 177
5.9.8 Boissons alcoolisées _____________________ 179
5.9.9 Statistiques économiques _________________ 180
5.10. RESSOURCES NATUR ELLES ET ENVIRONNEMENT
______________________________________________________ 181
5.10.1 Environnement comme signe divin _________ 186
5.10.2 Usage de l’environnement ________________ 189
5.10.3 Conservation de l’environnement __________ 191
5.10.4 Environnement et aménagement ___________ 194
5.11 DROIT __________________________________________ 196
5.11.1 Charia _______________________________ 197
299
5.11.2 Sunna ________________________________ 199
5.11.3 Loi islamique : Fikh ____________________ 199
5.12 DEMOCRATIE __________________________________ 231
5.12.1 Pouvoir exécutif et législatif ______________ 233
5.13 ARCHITECTURE _______________________________ 240
5.13.1 Sensibilité environnementale _____________ 243
5.13.2 Intégrité morphologique _________________ 244
5.13.3 Clarté symbolique ______________________ 245
5.13 URBANISATION _______________________________ 245
5.13.1 Hisba ________________________________ 247
5.13.2 Wafq ________________________________ 248
5.13.3 Chefa’a ______________________________ 249
6. MOYEN AGE OU AGE D’OR DE L’ISLAM, MOYEN
AGE OBSCUR DE L’OCCIDENT ET CONTRIBUTION DE
L’ISLAM A LA PENSEE HUMAINE _________________ 251
6.1 PENSEE EXPERIMENTALE ET PRATIQUE ___ 259
6.2 DEVELOPPEMNT DES SCIENCES ______________ 261
6.3 PHILOSOPHIE RATIONALISTE _________________ 263
6.4 DEVELOPPEMNT ECONOMIQUE ET SOCIAL _ 265
300
6.4.1 Système des impôts ______________________ 265
6.4.2 Régime de la propriété ___________________ 266
6.4.3 Organisation communale _________________ 266
6.5 DEVELOPPEMENT DU DROIT __________________ 267
7. APPORT ISLAMIQUE A LA RENAISSANCE EN
OCCIDENT ____________________________________________ 270
8. COMPARAISON ENTRE CULTURE ISLAMIQUE ET
CULTURE HUMANISTE _____________________________ 276
8.1 COMPARAISON DES VALEURS _______________ 277
8.2 COMPARAISON EN MATIERE DE GESTION DES
RESSOURCES _______________________________________ 281
8.3 COMPARAISON DES SYSTEMES D’ORGANISATION
______________________________________________________ 283
9. CONCLUSION ______________________________________ 287
BIBLIOGRAPHIE _____________________________________ 289
301
B I O G R A P H I E D E L’A U T E U R
Monsieur TABET-AOUL MAHI est diplômé des Universités de
Strasbourg et de Paris-Sorbonne. Il est ingénieur des
Télécommunications (E.N.S.T-Paris) et de la Météorologie (E.N.M-
Paris). Il s’est spécialisé dans le domaine de l’atmosphère
(Universités de Fort-Collins et Miami USA). L'auteur a été le
premier directeur de l'Institut Hydrométéorologique de Formation et
de Recherches d’Oran. Il a participé à de nombreuses rencontres
internationales, notamment en qualité d'expert invité au colloque sur
la Planète Terres (Paris- 1989) et aux Conférences des parties de la
Convention Cadre sur le Changement Climatique (2001-2006). Mr
TABET-AOUL Mahi est membre du groupe intergouvernemental
sur l’évolution du climat (IPCC/GIEC) et est l'auteur de plusieurs
communications scientifiques. Il a présidé des groupes de travail de
l’Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM). Professeur
associé à l’université de Laval (Québec-Canada) en 2008, il est co-
auteur de la publication Méditerra 2009 (Sciences Po, Plan Bleu et
Ciheam-Paris). Il est chercheur au CRASC et coordonnateur de la
revue « Société-environnement et Santé ».
302
PRESENTATION DE L’OUVRAGE
L’ouvrage aborde la culture à travers l’éthique et l’esthétique qui
constituent les valeurs spirituelles d’une civilisation Il précise le
rôle de la culture dans le développement durable ainsi que la
contribution du patrimoine culturel islamique au monde
d’aujourd’hui, Il traite la question culturelle à travers quatre volets :
• la définition et les caractéristiques fondamentales de la culture,
son évolution, sa diffusion, les subcultures, le processus
d’acculturation, le concept de «culture populaire» et la diversité
culturelle,
• le rôle de la culture et ses liens avec l’idéologie, la langue,
l’histoire, l’éducation, la science, la politique, l’économie et
l’environnement,
• la culture islamique et son impact dans les différents domaines,
• l’apport de la culture islamique au monde et à l’Occident à
travers le développement de la pensée humaine, la méthode
expérimentale et pratique, le progrès scientifique, la philosophie
rationaliste, le développement socioéconomique et le rôle
précurseur de l’Islam dans la Renaissance de l’Occident ainsi
que la comparaison entre cultures islamique et humaniste.