jeune afrique n°2719 part 1

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SAHAM FINANCES 1 er groupe d'assurance panafricain et moyen-oriental

SAHAM FINANCES, une synergie panafricaine au service de la croissance.

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SAMEDI 16 FËVRIER

Un film et ses séquences

J' AI L'IMPRESSION que nous traversons une

zone de sables mouvants: tout bouge, rien n'est cristallisé.

Des événements inattendus, comme la renonciation par le chef de l'Église catholique à ses fonctions ou l'essai nucléaire nord-coréen; au Mali comme en 1\misie, une actualité si évolutive qu'elle en devient insaisissable.

Regardons d'aussi près que possible le fihn qui se déroule sous nos yeux et disséquons quelques-unes de ses séquences.

• 1) Le pape Benoît XVI a stupéfait les 1,2 milliard

de catholiques - dont il est le chef - et le monde en annonçant, le 11 février, que son âge et son état de santé le conduisaient à renoncer à sa fonction (avec effet au 28 février 2013).

Un pape ne démissionne pas. En revanche, il peut renoncer à sa charge. Mais depuis cinq siècles, si quelques-uns des prédécesseurs de Benoît XVI ont pu y songer, aucun n'a franchi le pas. C'est donc un acte de rupture qui, n'en doutons pas, fera date et servira d'exemple.

« J'ai pris cette décision, a déclaré Benoît XVI, de mon plein gré, en toute liberté, dans l'intérêt de l'Église, après de longues prières et un examen de conscience devant Dieu. »

Cet homme âgé de 86 ans, souverain de l'État du Vatican, a voulu, ainsi, laisser la place à un successeur plus jeune, que l'exercice du pouvoir n'a pas usé et qui soit« capable de réagir sans réflexes datés ».

D'autres souverains, qui ont reçu, eux aussi, le pouvoir en viager, vont avoir à se demander s'ils ne devraient pas en faire autant - et aussi bien! Et que peuvent encore arguer la dizaine de chefs d'État africains qui triturent les Constitutions qu'ils ont juré de respecter pour se faire octroyer autant de mandats qu'il faut pour mourir gra bataires au pouvoir?

• Grâce au geste raisonné de Benoit XVI, l'Église

catholique se donnera en mars un nouveau pape. Il sera plus jeune, élu à une majorité qualifiée (deux tiers des voix du collège des cardinaux). Et ce souverain

JE UNE AFRI QU E

aura la possibilité de renouveler le collège de ceux qui l'auront fait pape.

Le catholicisme aujourd'hui? Selon les statistiques du Vatican, ils étaient 1,196 milliard de fidèles dans le monde en 2010, en augmentation de 15 millions par rapport à l'année précédente.

Sur ces 15 millions, 6 millions, soit 40 %, viennent d'Afriqne, portant le nombre de catholiques africains à 186 millions, soit 18,3 % de la population du continent.

En Europe, le nombre des catholiques est en léger déclin; ils constituent 39,9 % de la population totale .

• 2) Le Mali a du chemin à faire: La « drôle de guerre» qui y a éclaté le 10 janvier

est dans son deuxième mois, et l'on parle déjà à son sujet de guérilla.

Prendra-t-elle de l'ampleur? Où en sera le pays dans six mois? Quel sera alors le niveau de sécurité ou d'insécurité

• dans le nord du pays, qu'il faut pacifier après l'avoir reconquis,

• dans le Sud, où la paix et la sécurité doivent être restaurées et maintenues?

Nul n'estassmé des bonnes réponses à ces questions. Ce dont on est presque sûr, en revanche, c'est que

les élections présidentielle et législatives espérées et annoncées pour juillet ne se tiendront, en réalité et au mieux, qu'en novembre prochain.

La campagne électorale qui les aura précédées et les scrutins eux-mêmes ne seront possibles et crédibles que si la République malienne a retrouvé, au Nord comme au Sud, des relations apaisées et sereines entre ses composantes sociales et politiques.

• Il faudra pour cela que ses autorités de transition

fassent montre de qualités que nous n'avons pas observées jusqu'ici. Il faudra, en outre, que les Nations unies se soient mises en branle plus vite qu'elles n'en ont l'habitude, que la France, la Cedeao et l'Union africaine, qui ont engagé leurs hommes, des moyens financiers et leur réputation, réussissent à nouer entre elles une parfaite coordination.

Et fassent un sans-faute.

N' 2719 . DU 17 AU 23 FËYRIER 2013

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Ce que je crois

On ne peut pas ne pas se dire qu'il est malheu­reusement peu probable que toutes ces conditions soient réunies.

On ne peut pas ne pas constater que ce pays est, pour l'heure, l'ombre de ce qu'il a été: ni ses forces armées, ni son personnel politique, ni sa société civile, ni son économie ne sont en état de bon fonctionnement.

• 3) La Tunisie ne change pas de pouvoir. À l'intérieur du pays comme à l'extérieur, on constate • une dérive qui a mené jusqu'à l'assassinat poli­

tique, phénomène que la Tunisie n'a guère connu depuis son indépendance, en 1956,

• un blocage politique entre le pouvoir et l'opposition, • un immobilisme gouvernemental et un désac­

cord persistant entre les trois partis qui y sont (inégalement) représentés.

I:assassinat de Chokri Belaïd perpétré le 6 février a créé un choc dans le pays et à l'extérieur; ses obsèques ont rassemblé etmobUisé les anti-islamistes: rejoints par les déçus de l'islamisme, ils forment désormais une majorité.

• Le seul homme politique qui a été entendu parce

que les propos qu'il a tenus ont été nets estle Premier ministre, Hamadi Jebali, qui se trouve être le secré­taire général du parti islamiste (Ennahdha). De ce qu'il a dit, j'ai retenu deux affirmations fortes:

• Ceux qui ont commis cet assassinat ne sont pas des amateurs. C'est tout un appareil qui est derrière avec une stratégie. Chokri Belaïd est la victime, mais la cible, ce n'est pas lui. La cible, c'est la Tunisie tout entière. Il faut s'attendre à des résultats très graves.

• Je ne seraijamais à l'origine d'une scission. Je ne par­tiraijamais avec un clan pour former un autre parti. Je reste le secrétaire général d'Ennahdha, je ne compte pas la quitter et, si je le fais, ce sera pour d'autres raisons. J'ai 62 ans, et il y a des moments où il faut savoir dire stop.

Je pense qu'il faut le croire, mais ce qu'il propose, s'il permet au pays de surmonter la crise, etau pou­voir en place de gagner du temps, ne résoudra pas les problèmes de la Tunisie. Tant s'en faut.

• Ayant réussi à accéder au pouvoir, les islamistes

tunisiens vont le garder. Sur la base d'un compromis qu'ils finiront par trouver entre leurs modérés et leurs rigoristes. Ni tout à fait unis ni complètement désunis, ces islamistes ont en commun le sentiment qu'il leur faut, coûte que coûte, conserver ce pouvoir qu'ils ont reçu ... comme un cadeau divin.

Tant qu'ils n'auront en face d'eux qu'un assemblage disparate d'oppositions, ettant que leurs alliés qui leur servent de porte-voix et de caution continueront à les servir, ils prévaudront.

Mais la Tunisie, hélas pour elle, n'aura pas à sa tête le pouvoir capable de lui faire épouser le XXI' siècle .•

Pour vous taire soume, gnllcer des dems ou réfléchir - , ici, chaque semaine, une sélection subjective, /a mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y .

.... Ëcrire, c'est inventer ce qu'on sait déjà. Françoise Sagan

~ Au théâtre, il se dit presque autant de bêtises dans la salle que sur la scène. Tout dépend de la longueur des entractes .

.... Un berger prudent ne mise pas sur un veau qui tète encore. Proverbe africain

... L'humour a toujours été contre le pouvoir, quel que soit le régime. coluche

~ un homme qui a réussi est un homme qui gagne plus d'argent que sa femme n'en dépense. Une femme qui a réussi est celle qui trouve un tel homme. Lana Turner

~ Qui a dit que les absents avaient toujours tort? Chez nous, on ne dit du bien des gens, on n'en écrit sur eux que lorsqu'ils ont disparu. Philippe Bouvard

N' 27 19 . DU 17 AU 23 FEVR IER 201 3

Robert Rocca

~ Le muezzin qui dit la prière en haut du minaret, c'est leur cloche à eux. Les Nouvelles Brèves de comptoir

~ Un défaut qui empêche les hommes d'agir, c'est de ne pas sentir de quoi ils sont capables. Jacques-Bénigne Bossuet

~ Si une femme est mal habillée, on remarque sa robe, mais si elle est impeccablement vêtue, c'est elle que l'on remarque. Coco Chanel

... Je suis rancunier en mal comme en bien : je n'oublie pas plus un coup de pied qu'un coup de main. GUy Bedos

III- le destin ne surprend jamais ceux de la race des bien-nés. Sur leur chemin, ce ne sont pas sur les cailloux de la déveine qu'ils butent, mais sur ceux de l'avantageuse chance. Ahmadou Kourouma

III> Internet: on ne sait pas ce qu'on y cherche, mais on trouve tout ce qu'on ne cherche pas. Anne Roumanoff

JEUNE A FRIQUE

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ACE Inauguration de la station d'accès du câble sous-marin ACE au Sénégal

Le 30 janvier 2013, le Groupe Sonatel a inauguré le bâtiment abritant le câble sous-marin Africa Coast to Europe (ACE) dont le lancement officiel a été célébré à Banjul le 19 décembre 2012 en présence de tous les opérateurs membres du

Consortium. L'inauguration a été présidée par le Ministre de la Communication, des Télécommuni·

cations et de l'économie numérique, Monsieur Cheikh Mamadou Abiboulaye Dièye, en présence de nombreux officiels et autorités du pays.

Le projet Ace est le fruit d'une réflexion stratégique entre Sonatel et France Télécom, qui a démarré en 2005 après une étude approfondie sur les besoins en connectivité internationale

à trés haut dét>t en zone Afrique Sub-saharienne et dont le premier accord MOU a été signé en novembre 2008 à Dakar,

Ce M l'occasion pour Sonatel, en tant que membre du Consortium ACE et opérateur de référence des télécom­munications dans la. sous-région de réaffinner son engagement à accompagner le Sénégal dans l'édification d'une société numérique à travers la promotion de services des Télécommunications efficaces et abordables, grâce à une politique d'investissement soutenue. Dés 1976, Sonatel a joué SOn rOle de pionnier en s'engageant dans la promotion et le développement des réseaux de câbles sous-mains qui permettent aujourd'hui au Sénégal de disposer d'une connectivité internationale parmi les meilleures en Afrique Sub-saharienne.

Quelques étapes Importantes: • 1977, mise en s8f\lice du câble sous-marin Antlnea en, reliant le Sénégal au Maroc . 1978, mise en service de Fraternité, reliant le Sénégal à la C6te d'Ivoire. • 1982, mise en service d'Ant lantis1 en, reliant le Sénégal au Brésil et au Portugal • Février 2000, mise en S9fVice d'Atlantis 2 en, rel.."t le Portugal, l'Espagne, le Sénégal, le Cap Vert, le Brésil et l'Argentine et marquant le démarrage de nouvelles générations de câb~s numériques de plus g'andes capacités et fiabilité, • Avril 2002, mise en service de SAT-3, reliant l'Europe, l'Afrique et l'Asie • 2012 le nouveau câble A!nca Coast to Europe (ACE)

Ce tout nouveau câble sous-marin relie 23 pays dont 16 africalns.ACE est le premier câble sous-marin à atterrir en République Démocratique du Congo, en Guinée Equatoriale, en Gambie, en Guinée, au Ubéria, en Mauritanie, en Namibie, à Sao Tome et Principe, au Sierra Léone. Il connectera également l'Angola, le Bénin, le Cameroun, la COte d'Ivoire, la France, le Gabon, le Ghana, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Portugal, le Sénégal, I-Afrique du Sud et l'Espagne [raneri!a), Le câble à fibre optique, long de 17 000 km, est composé de 4 segments avec 22 stations sous-marines. ACE est une première mondiale sur le pian technologie par l'utilisation pour la première fois de longueurs d'ondes à 40 gigabnslseconde at une capacné finale de 5,12 térabiVseconde, Il acheminera simullanément l'équivalent de 370 millions de communications té~phoniques ou 75 000 canaux lV et au Sénégal d'entrer dans l'ère des réseaux de future génération.

Aujourd'hui, ACE permettra ainsi de répondre aux besoins de nombreux pays et de sécuriser le trafic. Il perme"ra également aux opérateurs de développar des offres bundles (voix, vidéo, data), Par l' interconnexion avec d'aulres systèmes de câbles sous-marins, ACE offrira une excellente connectivité vers les réseaux de télécommunications en Europe, en Amérique et en Asie.

Cette prouesse technologique a été réalisée dans le strict respect des normes de qua~té internatio­nales, En effet, Sonatel, opérateur certifié OSE, Qualité, Sécurité Environnement sur la totalité de ses sites stratégiques a intégré à ce projet tOutes exigences environnementaJes et de qualité, conformes aux standards internationaux. Cette démarche signe l'engagement du Groupe au service de la qualité dans une démarche d'amélioration continue et au bénéfice de toutes les parties prenantes. Sonatel s'honore de la confiance des 23 pays du Consortium ACE, qui lui ont confié, trois postes de responsabi lités très importants : • Président du sous-comité investissements et accords • Vice-Président du Groupe Achat • Co Président du Groupe de travail commercial

De plus, en avril 201 1, suite à un appel d'offre, Sonatel a été déSigné Centre de Supervision International du Service. Le Sénégal devient ainsi le 2éme pays africain après l'Afrique du Sud et le 3ème pays au monde à assurer ce type de service innovant pour l'acheminement du trafIC Internet dans le monde. Le rôle principal du SNOC est de superviser tout le réseau de Penmarch en France à Cape Town en Afrique du Sud, par une prise en charge rapide et efficace des incidents, conformément aux procédures du Consortium ACE.

sonatel

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Téléréalité

Au KENY A, c'est une grande première, dont on espère qu 'elle essaimera W1 peu partout sur Je continent. Un débat télévisé entre candidats à une élection présidentielle, censée être un événement crucial

dans la vie d'un pays, est, chez nous, aussi rare qu'un sala­fisle llmisien ou égyptien tolérant. Celui qui a rélln i su r UIl plateau les huit prétendants - dont les deux favoris, Raila Odinga el Uhuru Kenyatta - qui s'affronteront lors du scrutin d1l4 mars prochain a suscité un engouemelll sans précédent. Reuansmis également enslreaming SlU YOllTube pour Wl e plus large dHfusion, nOLammemauprès de la diaspora] préparé en amont avec les internautes qui souhailaient soumettre leurs questions (près de 5000 en Loutt) et proposer les th èmes à aborder, un tel débat a marqué un grand pas en avant sur le chemin de la démocratie. Aucune question gênante éludée, et certainement pas le cas du fils de Tomo Kenyatta, premier président du pays, réclamé par la Cour pénale internationale (CPI), qui le soupçonne d'avoir orchestré les violences de la crise postélectorale de 2007 ...

fi faut se souvenir de ce qu'a pu représenter, pour les Ivoiriens, le débat entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouatlara, le 25 novemb re 2010. Ou] pour les Égyp tiens, celui enlre Amr Moussa] ex-secré­Lai re général de la Ligue arabe, eL l' islamiste Abdel Moneim Aboul Foutouh, le 10 mai 2012. Au-delà de l'aspect historique, et bien que cela n'ait pas empêché la Côte d'Ivoire de bascllJ er dans l'horreur, rli permis aIL'\( Égyptiens de voir s'affronter en direct les deux véritables finalistes du second Laur, il s'agit là d'un exercicelndispensable de transparence, mais aussi d'une vraie leçon d'humilité pour des personnalitésqllj n'y sont guère habituées. Débattre en public, sur un média lourd, accessible à presque tous, sans pouvoir éviter les questions qui fâchent (à moÎlls d'en assumer les évenrueUes conséquences électorales) n 'a rien à voir avec un grand meeting dans un stade acquis à sa cause. Il n 'est point non plus question ici de moyens finan­ciers ou humains, d'entregent médiatique favorable, de zélés thuriféraires qui parlent à votre place. Non, pas d'autre choix que de se mettre au diapason de ceux que J'on prétend vouloir diriger, répondre à leurs interrogations, expliquer sa vision et décliner un programme qui ne se contenterait pas d'égrener des slogans creux ou des promesses en l'air. C'est une arène où il fam ferrailler, convaincre] s'expliquer, séduire] argumerller.

La démocratie, que l'on dit en progrès en Afrique, ne peut se contenter d'opérations de vote plus transparentes, de listes é lectorales clarifiées et négociées entre partis, de commissions de surveillance ou d' institutiol1smoins dépendantes du pouvoir qu'hier. Ces débats ne régleraient pas tout, nauuellement. Mais ils feraient beaucoup pOlU, enfin, susciter l'intérêt des Africains pOlU la vie politique de lelu pays. Qui n'a rêvé de voir en découdre SlIrtm plateau télévisé Paul Biya et John Fm Ndi, Joseph Kabila et Étienne Tshisekedi, Macky SaU et Abdoulaye Wade ou, dans un style différenl, Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi? •

N' 2719 ' DU 17 AU 23 FËVRIE R 201 3

10 VATICAN FUMÉE BLANCHE POUR PAPE NOIR?

renonciation de Benoît XVI, le 11 féVrier, les paris reprennent de plus belle. Et si un Africain occupait le Siège de Saint-Pierre?

03 Ce que je crois Par Bécttrr Bert Yatrrned 08 Confidentiel

10 LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE

10 Vatican FUI née blanche pour pape nOir? 16 Tchad Ménage à tous les étages 17 Ghana Mahama dans un guêpier 18 RASD Comme neige au soleil 19 Cran A couteaux tirés 20 Stephen Keshi L:antlconformlste 21 Marie NDiaye « Ladivine » tragédie 22 Tour du monde

24 GRAND ANGLE

24 Tunisie Rached Ghannouchl, l'homme qUI a trahi la révolution

32 AFRIQUE SUBSAHARIENNE

32 Mali Chaos à Gao 37 Bénin Thomas Boni Yayi : ({ I:::n 2016, Bozizé et moi,

la Bible à la main»

JEUNE A FRiq UE

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DJIBOUTI DÉMOCRATIE SUR UN FIL Pour la première fois depuis l'Indépendance, l'opposition devrai t fa ire son entrée au Parlement à l'issue des législatives

du 22 février. La majorité présidentielle n'est pas menacée, mais elle pourrait

y laisser des plumes.

Le président Isma'il Omar Guelleh

39 Kenya prime time 40 Djibouti Démocratie sur un fil

44 MAGHREB & MOYEN·ORIENT

44 Libye Conf idences de kaddaf lStes 48 Iran· États-Unis Obama tranchera·t·il

le nœud gord ien ? 50 Algérie Le FLN orphelin

52 EUROPE. AMÉRIQUES. ASIE

52 France Nathalie, Anne, Rachida et les autres S6 Asie Renversement d'alliances 57 États-Unis Que les gros donateurs lèvent le doigt 1

58 Parcours David Baiot, ainsi soit-il

59 Brésil Grandeur et décadence

60 ÉCONOMIE

60 Finances publiques Au secours, la dette revient ! 64 Mines Frères ennemis du cuivre 65 Interview John Kanyoni, vice·président

de la Chambre des mines de RD congo

JEUNE AFRIQUE

Af";nlJ'~ et nulle li ailleurs D 84 LITTÉRATURE

INTERVIEW AVEC JOU MANA HADDAD

L'auteure libanaise dissèque le machisme des sociétés arabes et s'attaque aux religions, instruments de domination aux mains des hommes.

44 LIBYE CONFIDENCES DE KADDAFISTES

Cinq compagnons de route du « Frère Guide »

ont accepté de se confier au journaliste libanais Ghassan Charbel. Florilège.

66 Maroc Les aciéristes dans le rouge 68 Immobilier Une âme de bâtisseur

72 DOSSIER

ASSURANCES l'émergence d'une

classe moyenne ouvre de nouve lles

perspectives de croissance aux compagnies du

continent. Analyse des tactiques

gagnantes. spécial 8 pages

69 Private equity Il s' investit pour la Tunisie 70 Tunisie Amen Bank pied au plancher 71 Baromètre

72 DOSSIER

/2 Vie, santé, auto ... Des produits qui assurent

84 CULTURE & MEDIAS

84 Littérature Interview de Joumana Haddad, auteure libanaise

87 Musique Explosion de sons 88 Cinéma La fabriq ue à terror istes 89 La semaine culturelle de Jeune Afrique 90 Danse L'art du combat

96 VOUS & NOUS

96 Le courrier des lecteurs 98 Post·scriptum

N' 27 19 . DU 17 A U 23 FËVRIER 2013

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_______ COnfidentiel_

Â. Au ZEIDAN, LE CHEF DU GOUVERNEMENT LIBYEN sur le perron de l'Élysée, le 13 février. Il avait la veille reçu Sarkozy dans un grand hôtel parisien.

Libye-France Quand Ali rencontre Nicolas

POUR SA PREMIÈRE VISITE en France depuis qu'il est à la tête du gouvernement libyen, Ali zeidan a, dans la soirêe du 12 février, longuement reçu son «ami » Nicolas sarkozy dans sa suite de l'hôtel Sofitel, rue Boissy-d'Anglas, à cinq minutes à pied de l'Élysée (où, le lendemain, il a

rencontré le président Hollande dans le cadre de la visite officielle). C'est lui qui avait demandé à voir l'ancien président français, lequel est arrivé flanqué de Michel Gaudin, son chef de cabinet, et de l'écrivain Bernard-Henri Lévy. De son côté, Zeidan était aocompagné de Mansour Saif al-Nasr. l'ancien ambassadeur du Conseil national de transition (CNT) en France, aujourd'hui conseiller du gouvernement. Les deux hommes étaient déjà présents lors de la rencontre qui aboutit à la reconnaissance par la France dudit CNT, en mars 2011 . Dans un anglais moyen, sarkozy s'est enquis des dernières évolutions de la situation en Libye. « Il considère avec fierté le rôle qu'il a joué dans la chute de Kaddafi et, depuis la guerre du Mali, s'inquiète des critiques qui, rétrospectivement, pourraient étre adressées à son action », précise notre témoin . •

FRANCE UNE NOUVELLE « MADAME AFRIQUE» AU PS Depuis que Thomas Melon io a re joint I·É lysée, le Pa rti socialiste n'avait pas encore rem pl ac é so n resp onsab le d e la commissio n Afri qu e. Ce s e ra bi e nt ô t c hos e faite en la personne d'une femme : Ca pucine Ed oll , 37 ans, fille de coop érant, qui a grandi entre l'Algérie, la Mauritanie, le Sénégal el

la Zambie] avant de lravail-1er à la Banque mondiale

N' 27 19 . CoU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

e l au mini stè re fra nçais des AIrai res étrangères. EU e di rige au jourd'hui le cenlre Asie­Pacifjqu e - Afriqu e - Moye n­Ori ent à Sciences-Po Pa ris.

CHINAFRIQUE XI JINPING VOYAGE Trois m ois après son acces­sion au pouvoir, Xi Jinping, le nouveau président chinois, s'apprê te à entreprendre sa première tournée africaine. DeuxéLapes sont d'ores et déjà acquises: l'Afrique du Sud] e t

le Congo-BrazJ'..3ville où il est attendu les 29 el 30 mars pa r son homologue DenisSassou Nguesso.

VATICAN VISITE ANNULtE POUR PAUL BIYA La visi te qu e le prés id e n t cam erounais Paul Biya devait faire au Va tican le 28 février a été annulée. La vacance du siège apos tolique n e com­m ence certes que le 1 el m ars, m ais depuis sa ren on ciation, l'agenda de Benoit XVI a été

considérab le rnentaUégé. Biya, dont la dern ière visite remonte à!a béatification de ]ean-Paul Il, en mai 2011, va devoir attendre l'élection d'lm nouveau pape pour se rendre à Rome.

LE CHIFFRE

30 MILLIARDS DE DOLLARS Le montant des achats de médicaments en Afrique d'ici à 2016, selon IMS Health, un cabinet de conseil spécialisé dans la santé. Pendant cette période, la croissance du secteur pharmaceutique sur le continent devrait avoisiner 10,6 %.

FRANCE-TUNISIE LES HÉSITATIONS DE HOLLANDE La crise politique que traverse la Tunisie inquiète au plus haut point François Hollande, qlÛ, sous la p ression du Quai d'O r­say, a envisagé d'annuler sa visite à Tunis] les 13 e l14 mai, pour ne pas donne rl ' impres­sion de cauLio nner Wl pouvoir de plus en plus décrié. Il s'est fin alem e nt montré sensible aux argum ents d'Ade! Fekih, l'am bassad eu r de Tuni sie à Paris, qui lu i a expliqué qu·i! était important que la France m anUeste son sou tien à une popula tion inquiè te, quitte à prend re ses distances avec les respo nsabl es politi ques. La vis ite a don c été mainte­nu e. Après les décla ra tio ns embarrassantes de Ma nue l Valls, le mi rustre de l'Intérieur, qui avait dénoncé le;,;: fascisme is lam is te ,} ap rès J'assassinat de Chokri Belaïd, le président a par a iJI ew's demandé aux membres de so n gouvern e­m ent de m anifester la plus grande pruden ce d an s les propos qu' ils pourron t ê tre amenés à tenir sur la transition tunisienne. Des (~ élém ents de lan gage ,) leur ont m êm e été fournis.

JEU NE AFRIQU E

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__ ~P~nJitiI41JE~OflDmiErLlI/ture &5DLiÉt~é __________________ _

ALGÉRIE BISBillES

DIPLOMATIQUES N omm é a mbassad e ur d'Algérie à Bucarest en sep­tembre 2009, l-lamraoui Habib Ch awki (l-ll-lC) vient d 'ê tre rappelé. Grand patron d e la télévision publique, neuf années durant, il avait été débarqué sans ménagement en novembre 2008. Sa nomi ­nati o n en Roum ani e ava it ensuite su sci té les c ritiqu es virul e ntes de nombre ux dipl o mates, ul cérés par ce ,( recasage de co mpl aisance ».

Aujourd'hui , <.( c 'es lla fête au ministère », commen te per­fid ement l' un d 'entre eux. POUf symboJiqu e qu'il so it, ce départ s'inscrit dans un cadre plus large, pujsque les ambassadeurs en Éthiopie, au Nigeria, au Mozambique, en RD Congo, en Afrique du Sud el en Irak am également été rappelés. Un m ouvement diplomatique qui ÎllIervient sur fond de grève des person­nels du mi nistère des Affai res é trangères, qu i réclam ent davanLage de Lranspa re nce, l'a rrê t des nomin at io ns d e co mpl a isa nce e t la mi se à la re traite d 'o ffic e des diplo­mates attein t p a r la limite d'âge.

Maroc-Tunisie Les ingérences de l'ambassadeur AMBASSADEUR DU MAROC en Tunisie depuis 2006, Najib Zerouali Ouanti a été rappelé « immédiatement et définitivement n à Rabat, apprend-on de source bien infonnée dans la capitale marocaine. Décidée par la partie marocaine le 10 février, cette mesure sanctionne les « interférences non autorisées }) de l'ambassadeur dans la crise politique tunisienne. «( Najib Zerouali Ouariti s'est immiscé de façon inacceptable dans les affaires intérieures de la Tunisie sans V avoir été invité par qui que ce soit )), précise, sans plus de précisions, la même source, avant d'ajouter: «( et ce n'est pas la première maladresse à son actif. )) Ancien ministre d'Abderrahmane Voussoufi et de Driss Jettou, ce chirurgien de formation est membre du Rassemblement national des indépendants, de Salaheddine Mezouar. Il a fait ses adieux aux autorités tunisiennes dans la plus grande discrétion . Au regard de ce qui lui est reproché, sa calTière diplomatique semble terminée . •

MALI SANOGO DANS LE

COLLIMATEUR DE LA CPI

Un accord de coopération entre les autorités maliennes et la Cour pénale internationale (CPI) ayant été signé le 13 février, plusieurs enquêtes ont aussitôt été diligentées dans le nord du pays (crimes d'Aguelhok,

destruction des mausolées de Tombouctou. etc.). Mais la Cour se réserve parallèlement le droit d'entreprendre des investigations sur certains événements survenus pendant et après le putsch du 22 mars 2012, notamment les combats meurtriers (le 30 avril) entre Bérets verts du

capitaine sanogo et Bérets rouges, ainsi que les arrestations arbitraires et les tortures qui se sont ensuivies. Lors du dernier sommet de l'Union africaine à Addis-Abeba. le président Oioncounda Traoré a discrètement rencontré la procureure Fatou Bensouda. Il Nous répondrons favorablement à toutes les demandes de mandat d'arrêt que la CPI pourrait nous transmettre », commente l'un de ses conseillers.

MAROC LES FANTÔMES

DEGDIM IZIK Procès pénal ou procès poli­tique? Deux semaines après son ouverture d evant le tri­bunal militaire d e Rabat, le procès de vin gt-q uatre Sahraouis impliqués, selon l'accusation, dans le meurU·e de onze m embres des forces de l'ord re lors du démantèle­mentdu camp protestataire de Gdim Izik., en novembre2010, hésitai t encore en tre ces deux labels. Une chose esL sûre : les audiences, pubUqu es, se dé roulent dans un climat de liberté inimaginable au Maroc il y a encore peu de temps. Manifestations d e soutien aux accusés à l'extérieur du tribunal avec déploiement d e banderoles pro -Polisa­ri o, présence au tribunal de représenLants d'ONG é tran ­gères favorabl es aux Lhèses in dépe nd a nti sLes, sloga ns séparatistes sca nd és p ar les accusés eux-mêmes, e tc. Autant d e ~< ga ranti es d'un procès équitable », es time nt les sept observateurs d'un e association de juristes français dans un rapport en date du 11 févriet: Côté sahraoui, on continue de récuser le texte de loi qui donne compétence au tribunal militaire de juger en temps de paix des ac tes com­mis au préjudice des forces armées.

N' 2719. DU 17 AU 23 FËYRIER 2013

Page 10: Jeune afrique n°2719 part 1

La semaine de Jeune Afrique

VATICAN

Fumée blanche pour

Depuis la renonciation de Benoît XVI, le 11 février, les paris reprennent de plus belle. Et si un Africain occupait le siège de Saint-Pierre? la vitalité du catholicisme en Afrique et les indéniables qualités de ses cardinaux plaident en ce sens.

TSHITENGE LUBABU M.K.

a scène se passe au Vatican/le 5 oClobre 2009. Rapporteur général du synode des évêques africains, le cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson fail face à la presse. UnjournalisLe lui demandes/il esL possible qu'un jour l'Église caLho­

lique romaine soiL dirigée par un pape africain. ,( Pourquoi pas? répond leG hanéen avec aplomb. Tel est le défi de la foi: être capable de uanscende r certains préjugéscululIels, h.istoriquesou ethniques. [ ... ] Si, parune intervention providentieUe, Dieu fait ensorteque cela arrive, qu'il en soitaJors remercié.,>

Un pape africain, un Noir, sur le siège de Saint­Pierre ?Ce n'est pas la première fois que laquestion se pose. Ce fLIlle cas en 1978, lors du décès de Jean­Paulle\ Le prélat béninois Bernardin Cantin faisait partie des papabili. Mais le condave élit finaJement le Polonais Karol Wojtyla. À la mort de ce dernier, en 2005, les Africains repri re nt espoir: el si le tour du Nigérian Francis Armze était venu? Las, ce fut l'AlJemand Joseph Ratzinger qui fut élu.

Depuis l'arulOnce, le Il février, que Benoît XVI renonçait à son pontificat, les paris ont repris de plus belle. Et laquestion devientlancinante: l'heme de l'Afrique a-t-elle enfin sonné? Même si, à Rome, les préjugés ont la vie dure et même si les conser­vateurs, beaucoup plus nombreux qu 'on ne le croit, font de la résistance, on entrevoit beaucoup de signes encoluageants.

I1s se fondent en premier lieu sur le principe de l'lmiversalité de l'Église catholique romaine. L'époque de la colonisation de l'Afrique, où les missionnaires européens étaient les auxiliaires des gouvernements de lelus pays conquérants, faisant

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FÉVRIER 2013

N ombre de prêtres dans le monde:

412236 Entre 2009 et 2010

+ 761

- 905

Nombre de séminaristes

dans le monde:

partie de la célèbre ttilogie administration -re1igion­affaires, est totalement révolue. Hier imposé, le christianisme a fini par s'enraciner, s'africaniser. On ne peUL plus ru re - à moins de renier son message de fraternité e L d'amour - que le caùlOlicisme est l'apanage du seul Occident. Il appartient à tous ceux qui l'ont adopté, assimilé. La papauté ne peut donc plus res ter la chasse gardée de l'Italie et d'une p oign ée d'autres pays européens.

TAM-TAM. La vHalité du catholicisme africain plaide égalemen t en faveur d'un pape issu du continent. En perdition en Europe, qui connaît une grave crise des vocations, il ne cesse de progresser enAfrique - malgré la concurrence féroce que lui livrent les Églises évangéliques - et en Amérique latine. Alors que les Églises du Nord sonten quê le de fidèles le dimanche, elles sont plei nes à craquer au sud du Sahara, où l'on en construit davantage.

~ Etcette foi communicative es t vécue dans lajoie ~' etla bonn e hum eur, au son d ' instruments locaux

comme le tam-tam. LAfrique compte aujourd'hui que lque L86 mil­

118990 Entre2ooget2010: ~

g lions de catholiques, dont36 millions pour la seu le RDCongo, qui dépasse la Pologne (35 millions) et l'AUemagne (25 millions). Depuis quelques années, un phénomèn e inéd it a vu le jour: les pays eufO­

~ ~ péens, dont les paroisses manquent cruellement ~ de prêtres, font de plus en plus souvent appel à des ~ CL Africains. Cette évangélisation du Nord par le Sud ~ a séduit les fidèles, qui ont découvert une manière ~ différente, plus vivante, de se rapprocher de Dieu.

Peut-é LIe sera-ce grâce à ces" missionnaires )o} d'Lm nOllveaugenre que le caùlolicisme sera sauvé • ••

JEUNE AFRIQUE

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La semaine de J.A. 1 L'événement

le trio de tête des « papabili ))

Francis Arinze Robert Sarah Nigérian, 80 ans, Guinéen. 67 ans, créé cardinal en 1985 créé cardinal en 2010 par Jean-Pau/If par BenoÎt XVI

Peter Kodwo Appiah Turkson Ghanéen, 64 ans, créé cardinal en 2003

••• du naufrage sur le vieux continent. Plus dynamiques, les tglises africaines, matérielle­ment démunies mais spirituellement riches, se bâtissent sur une vraie solidarité, le partage et la tolérance. Un pape africain serait pour elles une juste récompense.

Plus: Il connaît Plus : Connarrtrès bien les par Jean-Paul fi

PROGRESSISTE, Pédophilie, malversations financières ou scandale Vatileaks - ces fuites orchestrées par le proche entourage du pape ... En Occident, d e nombreuses arraires ont ébranlé l'Église et terni son image. Celte perte de crédjbilité n'a pas atteinl l'Arrique. Au co ntraire, beaucoup de cardinaill arricai ns ont rail leurs preuves, que ce soil dans leurs archidiocèses ou au sein de la curie romain e. Même s'Us ne sont pas nombreux, ils ne passe­ront pas inaperçus lors du prochain conclave, qui doitse réunir entre le 15 et le 20 mars pour éUreJe successeur de BenoltXVI au plus tard le 3l. Ayant atteint la limite d'âge (80 ans), le cardinal Francis Arinze ne pourra participer au conclave et donc au vote, mais cette figure très appréciée à Rome comme en Afrique peut théoriquement être élue par ses pairs. Parmi les papabfli dont Je nom est souvent cité, le Camerounais Christian Tumi, connu pour ses critiques sans complaisance du pou­voir temporel dans son pays. Oule Congolais Laurent Monsengwo Pasinya, présenté co mme " intelJigent et capable d e se rrayer un pas­sage, même s'il lui manque l'expérience de la cu rie romain e» eldont l'implication dans les problèmes politiqu es de son pays depuis les années 1990 est bien connue. On parle aussi beaucoup du Ghanéen Peter Kodwo Appiah. Turkson . A 64 ans, ce prélat est considéré comme progress iste. Son discours es t fondé

parfaitement missions de l'Ëglise (a été Plus : S'est vu confier des les rouages de la curie secrétaire de la congré- postes clés au Vatican, puisqu'il réside à Rome gation pour l'évangélisa- dont la présidence du depuis 1984. tian des peuples, préside conseil pontifical Justice Il est préfet émérite le conseil pontifical Cor et Paix (qu'il occupe de la congrégation Unum, qui coordonne toujours). pour le culte divin l'action humanitaire de Moins: A projeté une vidéo et la discipline des l'Églisel. islamophobe sacrements depuis Moins: S'exprime peu au Vatican lors du synode 1008. sur les relations avec les sur l'évangélisation, Moins: autres religions et les en octobre 2012, Son âge avancé. non-croyants. suscitant une polérnique.

Par MARIE VlllACÈQUE

Odon Vallet*: « Rien n'est impossible au JEUNE AFRIQUE: A-t-on eu, dans le passè, des raisons d'espérer l'élection d'un pape africain?

ODON VALLET: Dans nombre de pays africains, les premiers prêtres ont é té ordonnés entre les deux guerres mon­djales, voire après la seconde. L'Église d'Afrique est donc relativement jeune et ne dispose pas des mêmes ressources intellectuelles que Jes diocèses ou archi­diocèses européens. Mais à la mort de Jean-Paul 1er

, en 1978,le cardinal béni­nois Bernardin Gantin [décédé en 2008] était déjà papabile. Rien n'est impossible au Saint-Esprit, et il n'y a pas le moindre racisme chez les cardinaux, qui, bien au

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FÉVRIER 2013

co ntraire, aimeraient, dans la mesure du possible, créer la surprise avec un pape non européen.

Est-ce envisageable? Dans la machine rie vaticane, a priori,

il n'existe aucun obstacle à la désignation d'un pape africain. Plusieurs cardinaux du continent, très qualifiés, ont occupé ou occupent une place éminente à la curie, comme Bernardin Gantin en matière de liturgie et aujourd'hui Peter Kodwo Appiall Turkson, chargé des dossiers Justice et Paix. Cependant, leurs pairs européens se méfient un peu de certains prélaLS du continent, fonemelll soupçonnés d'avoir

eu des enfants ou d'être impliqués dans des scandales finan ciers. Bien que ce ne soi t pas une " spéciaHté» africaine, c'est un point que l'on ne peut négliger. De la même façon, on se méfie de certains car­dinaux asiatiques, jugés soit trop proches du pouvoi r, soH trop en rupture avec celui­cL Le cardinal de Manille, par' exemple, a une imm ense influence politique aux Philippines.

Quel serait l'intérêt d'avoir un pape africain?

D'inverser le courant missionnaire, qui irait ainsi d'Afrique vers l'Eluope, où il y a d'ailleurs de plus en plus de prêtres

JEU NE AFRIQUE

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Â. DANS LE STADE DE L'AMITIÉ, à Cotonou, le 20 novembre 2011.

sur le réalisme et une certaine compréhension. Par exemple, il ne condamne pas l'usage du préservatif lorsque l'lm des deux partenaires es t séropositif. Et, s'agissant des homosexuels, il préconise le respect à leur égard sans pour autant approuver lern mod e de vie. Ceux qui le connaissent parl ent d'un h o mme ~< très humble, co mpétent, sympaÙlique, équilibré», dont le« charisme inspire la joie, l'espéran ce et la paix». Le cardjnal Turkso n a un e id ée bien précise sur la crise financière qui frappe le monde e t sur la manière de redistribuer les richesses de la planète. Il n'hésite pas, également, à dénoncer les OGM. Par aiUeurs,

1.9 milliard de catholiques

dansle rnonde,dont 2

sa m édiation a évité une crise politique au Ghana au lendemain des résultats très serrés des élections de 2008 opposant John At ta-Mills à Nana Akufo-Addo.

186 millions ~

(15,5% du total, avec une progression

de 6,14 millions en tre 2009 et 201 Dl

DÉFAVEUR. Autre personnalité très respectée et apte à exercer la mission papal e, le Guinéen Robe rt Sarah - mêm e si le fait que san pays compte moins de ca th oliqu es que de musul­man s p ourraiLjou er en sa défaveur lo rs d e J'élection. Le Sénégalais Th éodo re Adrien Sarr a lui aussi toutes ses chances ... et le même nandicap. L'un de ses collaborateurs le qual we d',( homme d'ouverture e t de dialogue, •••

saint-Esprit ... » africains. Cela signifierait que, désormais, l'Afriqu e éva ngélise l'Europe. Ce seraiL UIl intéressant retour de balancier. Cela dll, les cardinaux africains so nt généra­lement assez conservaterns: il n'y a pas à en attendre une quelconque révoJution, bien au contraire. Nommé cardinal en même temps que Joseph Ratzinger (lefiltUI Benoît XYl), en 1977, Bernardin Gantin était aussi romain, italien et latin que les cardlnallX italiens.

Compte tenu de la composition du collège électoral, l'élection se joue essentielle­ment en Europe ...

Les cardinaux européens forment à

JEUNE AF RI QU E

peu près la moitié du Sacré CoUège, et les Italiens un quarLà eux seuls. Durantles pré· cédentsconclaves, les Latino-Américainsse sODL montrésassezdlvisés. Audemeu rant, c'est moins le nombre de cardinaux d'un continent qui compte que les re lations qu'entretient un papabUe avec ses pairs. Pour être é lu, il faut être un nomme de consensus, ne pas susciter d'hostilité. Les Polonais n'étaient pas majoritaires au conclave, et pourtant Jean-Paul Il a été éltL

Quels sont les atouts et les faiblesses des Africains papabili?

Le Ghanéen Turkson vient d'un pays démocratique, pacifique et souvent cité en

exem pie, y co mpris par les francophones. Sa faibl esse : le Ghana ne pèse guère au sein du collège mondial des cardinaux. Quant à Francis Arinze, sa force, mais aussi sa faiblesse, c'est d'être un ressortissant du Nigeria, un État e n proie à des troubles interreUgi eux, où la défense des chrétiens contre l'islam pourrait entrer en lign e de compte. Il semble toutefois hors jeu en raison de son âge. • Propos recueillis par

ClARISSE JUOMPAN·YAKAM

~ Historien des religions, professetu àl\miversité Panthéon-Sorbonne. Derniers ouvrages parus : Dieu el les religions en 1 01 questions·réponses (éd. Albin Michel, 2012) et Chroniques du village planétaire (éd. Desclée de Brouwer. 2013).

N' 2719. DU 17 A U 23 FËYRIER 2013

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G La semaine de J.A. 1 L'événement

••• préoccupé par les vaJeurs de paix, qui a lancé un vaste chantier pour la modernisation dela vie pastoral e et se bat pour u ne société plus morale et plus droite ». Tous ont un grand avantage par rapport à leurs homologues occidentaux: leur double cllltlue, africaine et romaine. Certains sont originaires de pays où différentes religions cohabitent dans la plus grande tolérance.

Qll'tmAfricain soHélu ou non/ le prochain sou­verain pontife devra de loule urgence réparer lm

cenain nombre d'injustices qui affectent les ÉgUses catholiques du continent. Par exem ple, susciter la création d'un concile africain, demandé de longue date par les intéressés, et chargé de traiter les questions spécifiques aux Églises locales. Et créer plus de cardinaux en Afrique. Hn'es t pas normal, en effet, que de nombreuses villes italiennes, peu peuplées, en comptent davalllage que Kinshasa, qui n'en a qu'lm seul, malgré sa dizaine de millions d'habitallls . •

Arnaud Goma* : « L'Amérique a bien élu Obama! » JEUNE AFRIQUE: Comment avez·vous réagi à la renonciation de Benoît XVI?

ARNAUD GOMA: Trois minutes avant le début d'un office que je m'apprêtais à célébrer, j'en ai été informé par deux SMS, que j'ai pris pour des canulars. J'ai d'ailleurs exhorté mes fidèles à ne pas accorder le moindre crédit à celte nuneur. Mais, à la fm de la messe, j'ai vu que l'informa Lion était diffusée SLU lOusles sites internet et les réseaux sociaux. J'en ai été uès retourné: la renonciation du pape était pour moi inimaginable.

~tait-ce vraiment une surprise? Je n'ai jamais renconLIé BenoÎLXVT, mais

je l'ai en revanche beaucoup lu. Avec le recul, je me rends compte qu'à plusieurs reprises il avait évoqué son départ. Par exemple, dans Lumière du monde, un Uvre-entretien avec le journal iste aUemand Peter Seewald, il afftrme de manière assez énigmatique qu'un pape qLLireconnaitrail en toute clarté ne plus pouvoir physique­ment, psychiquemenLeL spi riLuellement assu mer la charge de so n ministère a le droit et même le devoir de se retirer.

http:/Nfww,planete·partage,com/ Des Africains figurent panni les cardinaux capables de prendre la relève. Quelles seraient les conséquences de l'élection d'un pape africain?

Pour que cela soi t envisageab le, il faudrait que les cardinaux européens, majoritaires dans le coUège des électeurs, le veuillent bien. C'est donc une interces­sion, mais aussi Lm appel que je lance à l'Église d'Europe: l'Europe ne doit plus être l'unique berceau deI' Église. Le moment est venu de donner l'image d'une Église plus ouverte, plus universelle. Barack Obama a été élu aux ÉLaLS-Unis alors que rien ne

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FÉVRIER 2013

 LE PREMIER CURE NOIR de Paris.

le laissait présager. I..:élection d'un pape noir serail un signal fort de l'Église, qui prouverait que le monde chrétien est en phase avec l'évolution de l'humanité. Ce serait une rorme de reconnaissance envers la roi qui s'exprinlesi rOrLement en Arrique. Et ce serait aussi reconnaitreque la mission évangélisatr ice menée par l'Europe n'a pas été vaine. Mais les card inauxoseroll L­ils? Je prie pour cela, et à Dieu rien n'est impossible ...

Avez-vous un favori? J'ai un faible pOUI certains cardinaux:

le Guinéen Robert Sarah, tout comme le Nigérian Francis Arinze, connaît parfai­tement la machine vaticane, ce qui est unatoul. Le fait de compter des Africains parmi les cardinaux éligibles est déjà en soi Lme victoire, la preuve de l'intégration réussie de l'Afrique à Rome.

Vous semblez écarter l'Amérique du SUd ... Citer des Africains ne signifie pas écarter

l'Amérique du Sud ou l'Asie. Cela revient à soulign er que l'Afriqu e n'est pas le der­nie r de la classe. Il raut cependant res ter lucid e : ce so nt essen tieUement les non­Européens qui évoquent l'éventualité d 'u n pape venu d'ailleurs. L'arrivée d'un pape polonais rut une révoJution, ceUe d'un pape allemand, un coupde tonnerre. On poturait pouIsuhrre ce mouvement de fond. D'ailleurs, ce ne serai t qu 'un juste retour vers le passé: Pierre, le premier pape de J'Histoire, étai t un Ju if venu de Jérusalem. . Propos recueilliS par

CLARISSE JUOMPAN· YAKAM

~ Originaire du Congo-Brazzaville, le pèreGoma,

38 ans, est prêtre à laparoisseSainL-Denysde la

Chapelle, àParis. U esLl'auLeur d'Arnaud, premier

curé floir deParis (éd. Nouvelle Cité, 2013).

JEUN E AFRIQU E

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20 mars 2013

Journée internationale de

la Franco honie

www.20mars .francophonie .org

ORGANISATION INTERNATIONALE DE ~

la francophonie

Page 16: Jeune afrique n°2719 part 1

La semaine de J.A. 1 Décryptage

Tchad Ménage à tous les étages Dans une opération de nettoyage sans précédent, tous les membres de la police nationale ont été suspendus. Les deux ministres limogés par Idriss Déby Itno font-ils partie des victimes de cette purge?

... BACHARAu SOUlEVMAN (à g.), ministre de l'Administration du territoire, et AHMAT MAHAMAT BACHIR, ministre de la Sécurité publique, ont été remerciés le 14 revrier.

'" A ceux qui douLaiem encorede sa déterminalion dansJ'opé­ration de nettoyage visant la police nationaJe, Idriss Déby

lIno a envoyé un signaJ fort. Le 14 février, à la surprise géné ra le/le prés ident tcha­dien a remerciéAhmat Mahamat Bachu, ministre d e la Sécurité publique et de l'Immigration, et Bachar Ali Souleyman, minis tre de l'Administrati o n du terri ­toire et de la Déce ntra li sa tio n. Tous deux avaient p ourta nt é té reco nduHs, le 26 janvier, au se in du gouvern e ment du nouveau Premi er ministre, Joseph Djimrangar Dadn adji.

Pour le moment, aUCllil e raiso n olTi ­cieUe n'a é té dévoUée. OnHls été sanc­tionnés à la suite des graves irrégularités révé lées lors du récent passage au cdble des services poUci ers ? Tout porte à le croire. De fait, les deux ministres étai ent également officiers au sein de la police, Hachar Ali Sotùeyman en étalll même l'ancien directeur général. Un grade qu'ils aurai ent obtenu par ~~ reverse­ment », procédure très courante - mais illégale - pe rmeltan t de promouvoi r des civils. Deva nt la Co mmissio n nationale de co ntrô le des servic es de la police nationale (Conapol), chargée d'enquêter

24 FÉVRIER À Hollywood,

25 FÉVRIER

85~ cérémonie des Oscars. DeuxAfricains­Américains sont en lice: Denzel Washington et la jeune Ouvenzhané Wallis (9 ans).

N' 27 19 . DU 17 AU 23 FËVRIER 2013

Au musée du Quai Branly (Paris), jusqu 'au 19 mai, exposition « Le rire, l'horreur et la mort n. Des « affiches des vidéoclubs et imag es des morts au Ghana )) peintes sur des sacs de toile.

sur les con ditions de recru teme nt des policiers, ils n'auraient pas pu justifi er cet avancement

Depuis le 2 février, la police natio­nale es t suspendue. Les gendarmes,les agents municipaLLxe t la Garde nationale et nomade du Tchad assurent l'inté ­rim. Deux jours plus tôt] un meunre avait été commis au marché celllrai de N'Djamena pourlme banale histoire de crédit téléphonique. Des proches de la vic time s'étai ent vengés en assass in a nt le suspect... au sein même du corn mis­sariat. L'affaire a d éc len ché la co lè re d ' Id ri ss Déby Itn o, alors à Sarh (dans le sud du pays) pour une série d'inaugu­rations. Et celle de la popu lation, lassée de l' inco mp étence de polici ers qu'elle consid ère comme corrompus. Ces de r­niè res années, la poli ce a procédé à des rec rutem ents massHs, plus ou moins légaux, ce qui expliqu e sans doute le manque de qualification de ses agents.

AVANCEMENTS ILLÉGAUX. Le chef de l' État a donc accéléré la mise en place de la Conapol. Présidée par l'ex-direc teur général de l'Agence nationale de sécurité (les services de renseignements tcha­djens), elle a llil mois pour reme ttre son rapport au Prem ier mi rustre. Désormais, chaque poUcie r doit justifier de la léga­lité de son recrutement en présenta nt un a rrêté offici el, seul e condition pour espére r ré intég re r l' institutio n. À ce jour, au moins 2000 agents aurai ent é té contrôl és et des centaines d'avan ­cements illégaux révélés. Environ 6 000 de lems co llègues, affectés en provÎ11ce, doivent encore faire le déplacement à N'Djamena pour se faire eux aussi recen­ser. Ennovembre2011] lll1e réformesimi­laire avait été lancée au sein de l'armée tchadi enn e : beaucoup d e milita ires avaient a insi é té envoyés à la retraite. Les servic es d e la douan e pourraient ê tre les pro chains su r la li ste . •

JUSTINE SPIEGEL

25-28 FÉVRIER À Yaoundé, 37° assemblée générale de la Fédération des sociétés d'assurances de droit national africaines (Fanaf), sur le thèm e «( Assurances et risques sociaux )). On y attend 600 délégués de 42 pays.

JEUNE A FRIQUE

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Ghana Mahama dans un guêpier L'amitié qui lie le président ghanéen à un militant américain de la cause homosexuelle provoque un miniscandale.

DUS sommes extrê-< ( m e men t inqui ets de la relati on impie qui s'est nouée entre le

président de la république du Ghana el

AndrewSolomon, un ho mm equi milite p a rtoUl dans le mo nd e e n faveur d es droits des gays, des lesbienn es, des bi et des transsexuels » (LGBT). Contrairement à ce que laisse entendre cette phrase du quotidien Chanaiall Chronicle, Jotm Oramani Mahama n 'est pas soupçonné d'être lui-m ême homosexue l. Mais le simple fait qu'il soit ami avec un repré­sentant de cette communauté a suffi à provoquer lm petit scandal~ dans Wl pays où l'homosexualité est passible d'une peine de prison.

C'es t le quotidien Daily Guide qui a révélé l' ,( affaire) le 1 er février, en faisant sa une su r les relations entre le président et ce t activiste hom osexuel américain, auteur de plusi eurs livres et d'articles parus dans des journaux new-yo rkais parmi les plus prestigieux.

DÉMENTI. La première réaction, pour le moins maJadroite, de Mahama Ayariga, le ministre ghanéen de 1'1 nJormation, a été de nier l'ami tié e ntre les deux homm es.

Avec pour seul résultat de faire enfler la polémique. Car John Dramani Mahama avait évoqué Andrew Solomon dans ses mémoires (My FirstCoupd'Élal, paru en juillet 20L2t le mentionnant dans ses remerciements et faisant é tat d'un« fan ­tastique dîner» au domicile de l' i ntéressé - lequel est marié à un homme, avec qui il élève un en fant adopté. Le journa­liste américain, quj dit avoir rencontré Mahama ~< il Y a huit ans », avait d'ailleurs participé au lancem ent de l'ouvrage à New York.

Le ministre de l'Information a dû rectifier le tir e t reconnaître que ses premières déclarations n'étaient j( pas entièrement exactes ». i i Le présiden t m'a appelé pour s'excuser », a potusa pan indiqué Solomondans une tribune parue dans le New York Times le Il février. «J'espère qu'il profitera de cette occasion pou r jouer un rô le de leader régional en matière de défense des droits des LGBT», a-t-il ajouté.

~ Le président ne soutient pas l' homo­sexualisme [sic] e l ne prendra aucune mesure pour [le] promouvoir au Ghana», a cependant cru devoir préciser le ministre pour clore la polémiqu e . •

PIERRE BOISSElET

.Â. JOHN DRAMANI MAHAMA (à g.) avec Andrew Solomon (capture d'écran).

JE UNE AF RI QU E

JEUNEAFRIQUE.COM

~ VIDÉO Aurélien Agbénonci. coordonnateur humanitaire des Nations unies au Mali: (( Les frappes aériennes ont entraîné le déplacement de 35000 personnes. "

t!J EN IMAGES

Sa cellule, ses codétenus,

ses loisirs . .. Tout sur la vie de Laurent Gbagbo derrière les barreaux de la CPI.

III DIAPORAMA Un pape africain. c" est P088ible7

Vote. pour votre candidat parmi les prétendants du continent.

~ A LIRE AUSSI: ltats-Unis: l ' homme qui

a tué Ben Laden raconte .

N' 2719. DU 17 A U 23 FtvRIER 2013

Page 18: Jeune afrique n°2719 part 1

La semaine de J.A. 1 Décryptage

RASD Comme neige au soleil .... LE CAMP DE TINDOUF, en Algérie.

Le nombre des pays qui reconnaissent l'entité sahraouie ne cesse de fondre. La Barbade est le trente-deuxième État depuis 2000 à faire défection.

Dela Barbade] on connaissait les plages de sable blanc, bordées de coco tiers. Ça, c'était avant Rihanna. La chanteuse pop

sexy et provocante vient d 'ailleurs de sign er la dernière campagne de promotion touris­lique de ce micro-Étal desCaraJ'bes. Vuede l'autre côté d e l'Atlantique, la Barbade est surtolltdevenue,Je 12février; letrente-deu­>d ème pays depuis 2000 à geler ou à re tire r

ce qui provoque, deux ans plus tard, le retrait du Maroc. Habat table depuis sur l'approche bilatérale pOlU isoler la RASD.

Une stratégie patiente qui porte ses

sa recoill1aissance à la République arabe sahraouie d émocratique (RASD). Une petite victoire diplomatique pour le Maroc, qui a fait de la question du Sahara occidental la pierre de louche

Uepuis 1916, de son action internationale. fruits , puisque le nombre de

pays qui entre liennent des relations diplomatiques avec le Polisario a fortement dimi­nué. Aujourd 'hui] la RASD ne revenruque plus que 48 recon­

naissances, essentiellement en

82 pays ont reconnu la RAS D, à un moment ou à un autre.

Depuis la fin de la coloni­sation espagnole en 1975] le royaume revendique le terri ­toire et se Uvre à une véritabl e course d'influen ce contre les indépendantis tes qui, sous la ban-

Aujourd'hui, ils ne sont plus que 48

nière du Front po li sario, o nt proclamé un e répubUque sahraouie, reconnue par 74 États à la fin d es ann ées 1900. Surtout, en L982, la RASD fait son entrée dans Wrgardsation d e l'unlté afri caine (OUA),

Afrique (25 États) et dans la zone Amériqu e Latine-Caraïbes (l8 États).

LAlbaJue, qui était le dernier pays d'Europe à recon naître encore l'entité sahraouie, y a renoncé en 2004 . •

YOUSSEF AYT AKOIM

LE DESSIN DE LA SEMAINE Dilem • J..1.lger'[

SAiH1 VALéH1fH 20f5

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FÉVRIER 201 3

FAUT VRAiMENT

QUE: T 'ARRtTES LES SURGEl-ÉS, ÇA TE DONNE UNE HAl-EiNE

DE CHEVAl-J

SCANDALE UN EFFET BŒUF

EN FAIT de bœuf, il s'agissait de .. canasson. Dans treize pays d'Europe, un scandale alimentaire a éclaté depuis que les autorités sanitaires ont retrouvé de la viande chevaline dans des plats surgel és de plusieurs grandes marques estampillés (e bœuf n. Pis: des tests réalisés au Royaume-Uni ont révélé des traces de phénylbutazone, un anti-inflammatoire proscrit dans l'alimentation, dans six carcasses de cheval. Les associations de consommateurs préparent leurs plaintes. «( Vous reprendrez bien un peu de cheval? Heu ... de lasagnes, pardon! ))

JEU NE AFRIQU E

Page 19: Jeune afrique n°2719 part 1

Cran À couteaux tirés LE 9 FÉVRIER, plusieurs membres du Conseil représen tatif des associations noires de France (Cran) ont tenté, lors d'une rencontre en comité restreint, d 'élire lm nouveau président e t de congédier Louis-Georges Tin, pOUf tant élu à ce poste en 2011 pourtm mandat de LIais ans. Les" putschistes )), qui n'ont pas convoqué d'assemblée générale] ont néanmoins annoncé la nouvelle à l'AFP. Dénonçant « une imposture », Tin menace de porter plainte pOUf ,( faux elllsage de faux ,).

CeL imbroglio n'est pas un e première. Avec des prises de positio n qui ront régu lièrem ent le buzz, le Cran, créé en 2005 afin de lutter contre les discriminations, a gagn é en visibilité sur le pl an médiati co-poHtiqu e. Si bie n que les prétendants au très co nvoité poste suprême se livrent, depuis qu elques années, un e gu égu erre quasi ouverte. En 2009 déjà, une frac­tio n du mouvemen t attaquait en juslice Patrick Lozès, premier présid ent du Cran, pour sa gestion financi ère.

Tous les coups semblent donc permis. Ainsi, 1'(, élu » de ce mois-ci, Madeira DialJo, 53 ans, déclarait-il, le 12 février: (, Je suis le président du Cran, mais je ne suis pas prêt à communiquer pour le mom ent, car je ne veux pas entrer dans la polémjque. '.0>

Avant d'expliquer: « Ce n'est pas parce que le mandat de M. Tin était de trois ans qu 'il doit forcément aller au bout.;> Soit.. . •

HABY NIAKATE

Israël Sara la coquine LE 5 FÉV RIER, le Premier mini s tr e Benyamin Ne Lanyahou s'es t fai L voler la vedette à l'inaugurati o n de la nouve ll e Kn esset, le Parlemen t israélien. Par Sara, son épouse, vêtue d'tme petite rob e noire moulante, très courte au -dessus du genou et dont la fin e denteUe laissait largement apparaître sa car­nation de pêche et ses fonnes généreuses.

La tenu e de cette blonde eL opulenLe matrone, à qui

l'on prê te un e Lrop grande innu e nce sur son mari , a fait jaser bien au-delà des Lravées de l'Assembl ée. Les plus indulgents y onL vu une o ffense au bo n goût. Les re ligieux ultraorthodoxes, eux, ont é té outrés par cette irruption d' ind écence parmi les députés du «: peuple élu ».

Bref, la petite robe noire de Mme Nelanyahoua fait couler plus d'encre ce jour-là que les in lérêts vitaux d' Israël . •

LAURENT DE SAINT PERIER

"f' L'êPOUSE DE BENVAMIN NETANVAHOU, lors de l'inauguration du nouveau Parlement israélien, à Jérusalem, le 5 février.

ILS ONT DIT

cc Très doucement, le pays bouge, s 'ouvre.

Beaucoup de jeunes Saoudiens profitent

de la réalité virtuelle de Twitter, où ils peuvent échanger, parler et même s'aimer

comme ils ne pourront jamais le faire dans la vraie vie. » HAIFAA AL-MANSOUR

Réalisatrice saoudienne du film Wadjda

« La France combat au Mali ceux qu'elle a armés

en Libye_ » SERGUEY LAVROV

Ministre russe des Affaires étrangères

cc Grâce au tribunal, j'ai appris beaucoup de choses dans le domaine du pétrole.

C'était très édifiant. "

CHARLES PASQUA Ancien ministre français, lors du procès cc Pétrole contre nourriture •• (le parquet a requis sa relaxe le 12 février)

« J'ai fait des études, mais il n'y a pas d'études pour devenir

première dame_ J'essaie de faire de mon mieux. »

VALtRIE TRIERWEILER Compagne du président français

François Hollande

cc Une femme n'est

pas obligée d'afficher sa sensualité comme

des breloques autour de son cou. » SCARLETT .I0HANSSON Actrice américaine

N' 27 19 . DU 17 A U 23 FEVRIER 2D1 3

Page 20: Jeune afrique n°2719 part 1

t La semaine de J.A. 1 Les gens

stephen Keshi L'anticonformiste Sélectionneur du Nigeria, champion d'Afrique le 10 février, il n'hésite pas à mettre des stars au placard et milite pour que les équipes du continent soient entraînées de préférence par des Africains.

Il ne faut pas trop se fier à sa bouille toute ronde el à son regard parfois mélancolique. Stephen

Keshi dissimule rarement ses sentiments. Et ne s'embarrasse pas davantage de tournures djplomaUques, qu'il s'agisse de défendre ses idéaux, au ri sque d'agacer un e partie de sa corporation, ou d'annoncer sa démissjon au lendemain de lafmale de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) 2013, rem­portée face au Burkina (1-0) grâce à un but de Sunday Mba, l'une de ses trouvailles, déniché à Enugu Rangers ... Il es t finalement revenu sur sa décision quelques heures plus tard, après l'intervention du ministre des Sports. ,( J'ai recon­sidéré ma position el décidé de poursuivre m on LIavail >:,] a-L-il

sobrement expliqué.

prouve. ,( 11 es t très ouvert au dialogue, se souvient Jean-Paul Abalo, qui fUl son capitaine au Togo d'avril 2004 à février 2006, puis quelques sema ines en 2007. Il est à la fo is cool et rigoureux, c'es t un mélange d'entraîneur à l'ancienne etde coach moderne. En revanch e, c'es t lui qui décide. Il a une forte persorUlal ité et aime bie n tout contrôler.) Cédric Kanté, l'internationaJ malien, évoque un homme ,( certes autoritaire, qui sait s'imposer, mais aussi proche des joueurs '>.

Né à ( Lagos la dingue » il y a cmquanteetWl ans, Stephen Keshi a beau avoir fait l'essen­ti el de sa carrière de jou eur (Côte d'Ivoire, Belgique, France, t:tats-UrusetMalaisie) et de sélectionneur (Togo et

.... LORS DE LA FINALE de la CAN contre le Burkina, le 10 février.

BOULOT. Le sélectionneur des Super Eagles n ' hésite pas à utiliser les médias pour faire passer ses messages. En jan­vier 2012, il avait expliqué à L'Équipe Magazine que les en traîneurs blancs ,( vien nen t en Afrique lnous] voler [notre] b ouJot », visant à l]évidence Manuel Amoros e tDiruer Six, alors fraîch ement nommés au Bénin et au Togo malgré u n CV de coach pas assez étoffé à son goût <, Quand je l'ai croisé à Durban pour le tirage au sort

Mali) à l'étranger, il connaît trop bien son pays, turbulent etviolen t, pour feindre de s'étOlmer des réactions hostiles que sus­citent ses choix. Depuis sa nomination en novembre 2011] le Big Boss- son surnom du temps où il était l'un des meilleurs footbaUeu rs du Nigeria, et que le sacre de JoharUlesburg devrait pérenniser - s'est beau coup fait aUumer par la presse et l'opinion." Si l'équipe se rate, tout le pays te tombe dessus ", confiait-il au quotidjen fran çais L'Équipe le 5 févrie r. Son choix

NOMINATIONS

1 NAM~RYTRAORÉ GUINEE

d'écarter de sa liste défmitive pour la CAN Orange 20 l 3 quelques célébrités (Taye Taiwo et Peter UdemvJingie notamment) lui a valu une at taque en piqué de ses opposants, et surtoutd'Odemwingie, qui a déversé son fiel sur les réseaux sociaux.

Deuxièm e Africain, après l'Égyptie n Mahmoud el-Gohary, à gagner la CAN en tant que jou eur (e n 1994) e t sélec­tionneur, Keshi aime bousculer les évi­dences. La mise au placard, sans doute temporaire, de quelques stars locales le

de laCAN, il m'a rut que ses propos avaient été déformés), explique Je sélectioTUleur des Éperviers. Pourtant] le 6 février dentier, en Afrique du Sud] Keshi a récidivé. « Le problème] si tu as la peau noire, c'est qu'au pays on va s' interroger sur ta capacité. Si tu es blan c, on va te laisser le temps de faire tes preuves », a-t-il lâché, avant d'ajou­ter qu'i 1 n'a« ri en co ntre les en train eurs blancs, qui sont formidabl es", àconrution qu '« ils aident le football africain » ... •

ALEXIS BILLEBAULT

IIBRAHIMTALBA MALLA CAMEROUN

Ce général a été nommé chef d'état~ajor intérimaire des armées. le 11 février. Il remplace Kéléfa Diallo

Le 15 février, l'ancien directeur général de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures a été nommé DG de la Société nationale - dont il était l'adjoint -, mort le même jour (avec d'autres

militaires guinéens) dans un crash aérien au Liberia.

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FÉVRIER 2013

de raffinage (SONARA).

JEUN E AFRIQUE

Page 21: Jeune afrique n°2719 part 1

Marie NDiaye « Ladivine » tragédie La romancière française fait sensation avec son nouveau livre, puissant et mystérieux.

L adiuine, son nouveau roman (éditions Gallimard), es t salué II nanimement par la presse. Selon la cri­tique, c'est peut-être le plus beau livre que Marie NDiaye, auteure notamment de Rosie Carpe (prix

Femina 2001) et de Trois Femmes puissantes (Go ncourt 2009) ail écrit. Une tragkomédie où se déploie le récit ample d 'une quête éperdu e des origines. <.( J'écris pour donner un sens à la vie et pour en ordonner le chaos »,

co nfie la romancière, venue à Paris pour participe r à la ca mpagne de lancement de son nouvel opus - elle vit à Berli n depuis 2007. «Le drame que je raconte dans Ladivine, expüque- L-eUe desa voix douce mais déterminée, naltd'lln me nsonge origin el e l de la transmission in é luctable de ce tte mal édiction de génération en génération. })

Les lecteurs rami li e rs de la prose ndiayenne retrouveront dans les pages de ce roman magistral et profond les obses­sions thématiques de l'auteure (famille, identité ... ) et celte « étrangeté inquiétante)) qui caractérise ses récits. Au cœlU du livre, trois femmes au destin tragique scrmantle mys tère de leur vie, désemparées par leur inaptitude au bonhelu. Un chien mystérieux veille, sans réussir à empêcher pour autant le malhellrde s'abattre sur elles.

Le drame dans lequel se déballent les protagonistes de Ladivine découle de leurs o rigines africaines. Non sans résonances autobiographiques pour l'auleure, issu e elle­même d'un couple mixte. Néeen 1967 d'une m ère française et d'un père sénégalais, Marie NDiaye a grandi en région parisjenne. Son père a quitté le foyer familial quand elle était encore bébé. C'est pOUf oublier la douleur de l'abandon e t sans doute aussi la grisaille de la banlieue que Marie s'est touIn ée très tôt vers la littéralllre.

l'envie d'écrire est venue de la découverte de Proust, de Joyce Carol Oates. Et, SlUtout, de cette expérience adoles­cente et quasi-mystique de l'impermanen ce des êtres e t des choses que Ndiaye aime à raconter: « J'ai co mpris tout d'Lm coup que seule l'écriture pe rm ettait de garder la lrace du moment présent si vite éva noui » . TIRTHANKAR CHANDA

..,. PRIX GONCOURT en 2009, elle vit à Berlin depuis six ans.

JEUN E AFR IQUE

EN HAUSSE

EN BAISSE

JONATHAN PITROIPA ~ Le footballeur burkinabè, 26 ans, qui joue pour le club français de Rennes, a été désigné meilleur joueur de la Coupe d'Afrique des nations le 10 février, malgré la défaite des Étalons en finale face au Nigeria.

NATALIE NOUGAYRÈDE

Cette journaliste française de 46 ans, Prix Albert-Londres 2005, a été choisie par les actionnaires du Monde pour devenir directrice du quotidien français. Elle devra aussi obtenir l'accord de la Société des rédacteurs du journal.

NADIR DENDOUNE

Le journaliste franco­algéro-australien de 40 ans, collaborateur occasionnel de Jeune Afrique, a été libéré le 14 février après vingt-trois jours de détention en Irak. On lui reprochait d'avoir photographié le siège des services secrets.

NICOLO POLLARI

~ex-chef du renseignement militaire italien a été condamné, le 12 février, à dix ans de prison pour sa participation à l'enlèvement d'un imam égyptien soupçonné de terrorisme. Le rapt avait été organisé à Milan en 2003 par les États-Unis.

COMMANDANT SÉKOU RESCO CAMARA

Mis en cause dans une enquête su r des arrestations arbitraires et des faits de torture perpétrés en octobre 2010, le puissant gouverneur de Conakry a été inculpé et entendu par la justice guinéenne le 14 février.

ÉTIENNE KABILA

Ce Congolais de 46 ans, qui se dit le fils aîné de feu Laurent­Désiré Kabila, a été arrêté en Afrique du Sud le 8 février. Il est accusé d'avoir préparé, avec 18 autres personnes~ un complot contre le ===0-.. président Joseph Kabila.

N" 27 19 , D l-' 17 A U 23 FÉV'!IER 20·. }

Page 22: Jeune afrique n°2719 part 1

t La semaine de J.A. 1 Tour du monde

ITALIE

Gestionnaires et histrions

Les élections législatives italiennes n'auront lieu que les 24 et 25 février, mais les ultimes sondages (leur publication est interdite pendant les quinze jours

précédant le scrutin) esquissent une tendance assez stupéfiante. La gauche unie derrière Pier Luigi Bersani reste en tête (environ 35 % des intentions de vote) mais, victime de plusieurs scandales, fléchit; la droite berlusconienne, qui multiplie les promesses les plus insensées (création de 4 millions d'emplois), suit une trajectoire inverse. Il y a deux mois, l'écart entre les deux coalitions oscillait entre 15 % et 20 %. Il avoisine aujourd'hui 4 %.

Bien que coachée par David Axelrod, l'ancien conseiller de Barack Obama, la coalition centriste dirigée par Mario Monti, le président du Conseil qui a partiellement sorti l'Italie de l'ornière où Berlusconi l'avait laissée, mène une campagne très agressive en complet décalage avec l'image de son leader et ne convainc pas l'électorat. Elle est même devancée dans les sondages (14 %, contre 15 %) par le mouvement Cinque Stelle (cinq étoiles) du comique tonitruant - et ancien présentateur télé - Beppe Grillo. Ce qui donne une idée du désarroi de l'électorat . •

..Â. SILVIO BERLUSCONI ET L'HUMORISTE BEPPE GflllO ~ en hausse dans les sondages.

THA ILANDE

Couvre-feu dans le Sud Q AP RÈS UNE SÉR IE d ' in ciden ts ~ sanglants qui, le 10 février, on t fait sep t m orts, le cO llvre -fe u a é té décré té par Yingluck Sh inawa tra, la Première ministre, dans les provinces m éridionales de Yala, Nara thi\.va t et Patlani, proches de la Malaisie. Depuis

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FÉVRIER 2013

2004, le co nfli t en tre Malais musu lmans indépendanti stes et Tha1s boudd h.istes a déjà fa it 5 500 victimes.

tTATS-UNIS

Cyberattaques

.. UN M PPORTCONFIDENTIELdela 9' direction du renseignement national tran smis à l'adminis LTa lion a été publié le 10 février par I1ze Wash ington POSl. Il

révè le que les systèmes informatiques de nombre d'institutio ns et entreprises améri caines (surtout dans les domaines de l'énergie, de la finance, de l'aérospatiale et de l'automobile) sont attaqués par de nombreux pays, au premier rang desquels la Chine - la Russie, Israël e t la France figuren t également dans le peloton de tête. Les dommages ainsi causés son t évalués à plusieurs dizaines de milliards de do llars.

COREE DU NORD

Même la Chine condamne 9 EN RÉUSSISSANT un troisième essai ~ nucléai re, le L2 février, la Co rée du Nord a déc lenché une vague unanime de co nd a mn ations internati o na les. Même la Cbine, son alli ée hi stori que, a manifesté sa {( forte opposition )). Après le lancement d'un missile à longue portée en décembre 201 2, celle miniaturisa tion réussie d'une bombe de fon e puissance (6 kiloto nnes, soit deux fois plus que lors du dernier essai, en 2009, e t presque la m a iLlé de la bombe de Hiroshima), qui de surcroî t fo ncti o nn e à l'uranium (e t non au pluto nium), démontre en tout cas le haut - e t d angereux - niveau des capaci tés nucléaires de la Co rée du No rd.

VENEZUELA

le bolivar dévalué Q L'OPÉRATION ÉTAIT ATTENDUE .. de pu is pl us ieurs m o is, ma is pe rso nn e ne pensait qu'e lle aurait li eu en l'absence de Hugo Châvez, toujou rs hospitalisé à Cuba. Pourtant, le 8 février, la valeur du boUvar par rap port au doUar a bel e t bi en é té dévaluée de 31,75 %. Nicolas Mad uro, le vice -présid ent, a justifié celle précipitation par les attaques «spécula tives)} et \< criminelles» do nt la monn aie na ti onale est ac tueUement l'o bje t.

BIRMANIE

Recensement avant libération?

COM M E LE PllÉS I DENT Th ein Sein s'y éta it engagé, en

novem bre 201 2, auprès de Barack Obam a, le go uvernem ent birman a, le 8 février, créé un comité chargé de

JEUN E AFRIQUE

Page 23: Jeune afrique n°2719 part 1

ARR ET SUR IMAGE James Reynolds. Amnesty International

ESTIt. FUi. LA (LlK!. ŒIU. œ CULŒ .JlNES. E.JE.O.JTJOO EN XOl. œa...w.oo NlCENTE EN 2Iltl.

,SE TE M/tC~ ..,lCl /lIGUR ~STCI' .1R1lA CCNTRA lA PEN~ !IIi !\U~Pl~ ~N FAoCUoooc:eON:4MIoIISoTWIII

PEINE DE MORT

Pouvez-vous digérer ça ?

~ SPECTACULAIRE CAMPAGNE D'AMNESTY INTERNATIONAL contre la peine de mort. l 'ONG a reconstitué ~ l'ultime repas de condamnés exécutés par erreur. celui·ci était destiné à un certain Claude Jones, tué par injection létale en 2000, au Texas, pour un meurtre qu'il n'avait pas commis. Des analyses ADN le démontreront dix ans plus tard. le gouverneur de l'État avait refusé de surseoir à son exécution. Il se nommait George W. Bush.

recenser les prisonn iers politiqu es a fin de les distingue r des crÎ111i ne ls de dro it com mun . Du co u p, 240 d étenu s " de con science ,> (a rtistes, journalistes] moines] în lellec lUels, e tc.) pourraient être libérés dès le milieu de cette ann ée. Leur no mbre Lo ta l osc ill e, se lo n les esLim ali o ns, entre 200 ell 300.

lE C HIFFRE

5.01 milliards d'euros

O LE MONTANT VERTIGINEUX des pertes du groupe automobile

français PSA Peugeot Citroën en 201 2. Selon Philippe Varin,le président du directoire du groupe, il

JE UNE AFRI QU E

reflète ~( la détérioration de l'environnement dans le secteur automobile en Europe )). 11 inclut toutefois de très importantes dépréciations d'actifs, ce qui conduit à relativiser sa gravité.

MEXIQUE

Superflic en fuite fi MINI STRE DE LA SÉC URIT É U pu blique de Fe lipe Ca lder6n (2006-20 12), Genaro Garda Lu na a qu itté le Mexique avant que l'opposant En rique Pefl a Nieto, élu à la préside nce le 1 er juillet 2012, ne pre nne ses fo nctions il ya dell)( m ois et demi. Accu sé de lien s avec les n a rco tra fiqu ant s e t so up ço nn é d e corruption, l'an cien chef de l'Agen ce fédéra le d'inves tiga tion (AFI) a jugé prudent de s'inslaller à Miami. Depuis qu' il a reconnu ê tre respon sable d u m ontage télévisé de l'arresta tion de la

Française Flo re nce Cassez, en 2005, la Co mm ission nati on ale des droi ts d e l' hom me a anno ncé so n intention d e porter plainte contre lui pour abus de pouvoir.

INDE

Tragique bousculade fî\. À ALLAHABA D, au co nflu enL des ~ tro is fl euvessacrés de l'Inde (Gange, Yamun a et Sarasvati ) se ti ent tous les douze ans la Kumbh Mela (littéralement : " la fête de la cruche »), qui est sans doute le plu s grand rassem blement re Ugieux - hin douiste, en l'occurrence - du monde. Des dizaines de milHon s d e pèlerins espèrent s'y laver de leurs péchés et se libérer du cycle des réincarna tions. Mais le 10 février, le s choses ont m al tourné. À J'issue d'une bousculade m onSlre à la gare ferroviaire, trellle-six personnes on t trouvé la m ort.

N' 27 19 . DU 17 A U 23 FËYRIER 2013

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N' 271 9 . ÙU 17 AU 23 FEVR ~ ~ 201 3

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41 Grand angle 1 Tunisie

• •• Et il yale vraj C hannouchi, qu i se sent plus musulman que ul1lisien, qui se bat pOUI une cause - un islam politique panarabe - dont il s'est abreuvé durant sa jeunesse cairote ou damascène, puis lors de son exil à Londres et de ses multiples séjours au Moyen -Orient. Un m élange de deux j{ légitimi­tés )): révolUlionnaire el religieuse. GamalAbdel Nasser/l'idole de ses premières amours politiques, cloné avec Hassan al-Balma, fondateur des Frères musulmans. L'homme n'est potutant pas atteint de troubles de la personnalité. Il a tout simplement adaptésa tactiqueàson environnement. Préréré le cheval de Troie au blitzkrieg pour parvenir à ses fins. Mais, heureusement pour les Tunisiens, lui - même n'a pas complètement resp ecté les pri nei pes qu ' il a tenté d'enseign er aux salaf1stes. Grisé par le succès éleclOraJ d'Ennahdha, U s'est mis en tête d'inftltrer tous les rouages de l't:tat, de placer ses ouailles partout, y corn pris dans les médias, de faire main basse sur les porte feuilles ministériels les plus importants (Intérieur, Justice, Affaires étrangères, etc.), considérant ses parte­naires politiques -le Congrès pour la République (CPR), qui tel un rémora arrimé à son squale s'entête à soutenir Ghannouchi, Ettakatol, plus réservé, ou Wafa - comme de simples cautions démocratiques, voire des supplétifs.

Ce que veulent les Tunisiens

doute, puis la peur dans J'esprit d'une grande partie de la popuJation. Tant mieux serait-on tenté de penser: s' il avait persévéré dans sa méthode d'illusionniste d e la politique qui nous vendait l'image d'un islamisme modéré et novateur, si ses troupes avaient pu produire une Constitution et gérer le pays, sans tout vouloir changer, en prônant le consensus, bref, s'il avait patienté jusqu'aux prochaines élections, capiLales, celles­là, il aurait été en position d'accaparer le pouvoir pour la prochaine décennie ... Sans parler de ses nombreux impairs, comme le refus de considérer l'opposant assassiné Chokri Belaïd comme un martyr, ou sa déclaration: .... Chokri BelaJ"d n'es t pas Bouazizi et je ne suis pas Ben Ali. Son sang ne suffira pas à impacter Ennahdha.» Comment comprendre cette absence d'empathie quand tout un pays est sous le choc? Parce que, chez Ghannouchi, tout est affaire de rapports de force. Pourquoi, sinon, e nvoyer ses partisans dans les ru es de Tunis, le le nd e main des obsèques du militant de gauche, pour une démonstration de force, par aillew's ratée?

'

71% d'entre eux soutiennent l'initiative du Premier ministre

- 43,5% .,

sont plutôt favorables à un gouvernement d'union nationale

'

49% pensent que Jebali doit démissionner d'Ennahdha, contre 46 % qui y sont opposés

Double erreur suatégique: d'une part, il a placé son parti, hégémonique, en situation difficile, car celui-ci se retrouve tenu pour responsable d es maux que traverse le pays. D'autre parL, à trop vouJoi r imposer ses vues, à laisser les salafistes ou les Ligues de protection de la révolution jouer les épouvantails e L développerune vé ritabl e culture de Ja vio le nce e n toute impunité, iJ a instillé le

'

52% estiment que Jebali a la capacité de piloter un gouvernement, contre 44% qui sont d'un avis contraire

SOURCE, TUN ISIE SONDAGE AVEC TBC PARTNERS. ENQuE TE MENËE LE 1 ~ËVRIER

VERROUILLAGE. Depuis son arrivée au pou­voir, dans l'ombre, Ghannouchi s'est évenué à ouvrir plusielus fronts. Une guérilla permanente. Ennahdha bloque des articles de la Constitution, refuse d'inscrire les droiLS universels dans la loi fondame ntale, tergiverse su r la charia ou le statu t des femmes, stigmatise l'opposition, rêve d'anéantir le parti quj a le venten poupe] Nida Tounes, fondé par l'ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi, s'en prend aux médias, aux laïcs, aux arUstes, instrumentallse le débat ide ntitaire e t utilise la

LA GRANDE MUETTE N'EN PENSE PAS MOINS

« C eux qui en appellent à ne reçoit pas d 'ordre et sait républicaines, n'explicitera interarmées, qui n'a pas pris l'intervention de ce qu'elle a à faire. Elle n'est pas son rôle dans l'opération sa retraite prévue en

l'armée seront poursuivis )), au service d'aucun parti du 14-Janvier, mais sa décembre 2012, est menace Mohamed Abbou. La politique )). popularité est incontestable. personnellement intervenu réaction épidermique du En première ligne depuis la Sur une vidéo, Raclled auprès de Moncef Marzouki secrétaire généra l du révolution, l'armée tunisienne Ghannouclli, cllef pour maintenir l'état Congrès pour la République est sur ses gardes. Elle doit d'Ennahdha, en entretien d'urgence et a établi une (CPR) est une réponse à composer avec une situation avec des sa lafistes, la désigne coopération étroite avec les Abdelkarim Zbidi , ministre de sécuritaire sous haute comme étant l'u n des forces de l'ordre et les la Défense, l' un des rares tension aux frontières, parer bastions à infiltrer pour services étrangers pour éviter indépendants du à toute tentative de assurer l'hégémonie tout dérapage. Sa présence gouvernement. Ce dernier, déstabilisation du pays et se islamiste. Pour lui, « l'armée au conseil des sages créé par sortant de sa réserve, était prémunir contre toute garde les frontières et, si on le chef du gouvernement, intervenu par téléphone sur instrumentalisation. Son en a besoin, elle accomplira Hamadi Jebali, est un signe NessmaTV pour asséner à savoir-faire en matière de sa mission )). Crainte, bien fort . Les deux hommes, que Hédi Ben Abbés, porte-parole gest ion de crise, acquis à qu'elle ne compte que lie une profonde estime, du CPR, qui venait d'affirmer travers de très nombreuses 35000 hommes et soit veulent rassurer les scènes que le président Moncef missions de maintien de la sous-équipée, l'armée, loyale nationale et internat iona le, Marzouki avait donné des paix avec les forces et patriote, s'est placée du mais également signifier que instructions à l'armée pour onusiennes, est plus que côté de la transition et vei ll e l'armée soutient l'initiative du encadrer les funé railles de jamais utile. La Grande au grain. Le général Rachid chef de l'exécutif . • Chokri Belaïd, que « l'armée Muette, garante des valeurs Ammar, chef d'état-major FRIDA DAHMANI

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FÉVR IER 2013 JEUNE AFRIQUE

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religion pour traiter de mécréants tous ceux qui s'opposent à lui . Quand ils ne sont pas quaUfiés de suppôts de Ben Ali... La violence, J'arrogance et l'autoritarisme se propagent. Même en interne, l'organisation méticuleusement mise en place par le cheikh tente de circonscrire toute velléité d'ouverture. Ainsi a- t-il imposé lm {~chaperon » à son Preliller ministre, par ailleurs secrétaire géné­ral de la formation] Hamadi Jebali. Lotfi ZilOllll] ministre conseiller chargé des Affaires politiques démissiollnaire] était les yeux el les oreilles de so n patron au palais de la Kasbah. Et ne s'en cachait même pas ! Les nombreux interlocuteurs du chef du gouvernemenl ne s'é tonnaient même plus de le voir débouler sans frapper dans le bureau de ce derni er, écouter les conversations sallS y être invité, fouilJ er sur le bureau pour parcourir dossiers ou mémos. L'auteur de ces lignes a vécu à deux rep rises cette scène surréaliste ... On peut ci ter aussi Sahbi Atti!!, chefdu groupe Enna hdha à l'Assemblée nationale constituante (ANC), qui applique aveuglément ses directives] ou Habib Kheder] rapporteur de la ConstilUlion, héraut du cheikh qui s'efforce d'enterrer chacun e des demandes de l'opposition .

DIVISION. Si les desseins de Channouchi sont désormais limpides, El1Jlahdha est plus que jamais divisée: une aiJe radkale, autou r de son présiden t, incarnée par les faucons comme Sada k Chou rou - qui avait menacé, en pl ein e ConstiUlante, de faire écarte ler les grévistes - ou Habib Ellouze, et un courant plus modéré, derri ère Jebali ou Abdelfattah Mourou (lire p. 30). Cette fracture épouse finalement les contours historiques d'lllle formation dont les m embres ont suivi des che­mins distinclS; les uns (Ghannouchi) ont passé lme grande partie de leur vie en exil à partir de la fin des années 1980, les autres (Jebali) sont restés en Tunisie] incarcérés dans les geôles de Ben Ali] brutalisés] voire lOrturés. Ces derniers]

JE UNE AFRI QU E

Â. LE PREMIER MINISTRE

HAMADI JEBALI (à dr.) ET

LE CHEF D'ÉTAT-MAJOR

RACHID AMMAR, deux hommes que lie une profonde estime.

paradoxaJem ent, ne semblent guère obnubilés par une Î11 extinguible soif de revanch e. Grâce à Ben Ali, qui les trimbalait de prison en prison, ils ont noué des relations, souvent étonnantes, pendant leur détention, ont tissé de nombreux réseaux en défendant d 'autres prisonniers. Us cOlm ais sent mieux leur pays eL sa socié té et sont nettement moins sensibles auxchanlS des sirènes wahhabites que leurs collègues exilés. La plupart d'entre eux se montrent donc plus réalistes eL plus patriotes. JebaJi trava ilJe pour la Tu njsie, pas pour un projet politique ou idéologique. Il pense sincèrement, par exemple, que {~ [notre] intérêt, c'es t l' Europe, pas le Qatar », co nLrairemenL à son ex- men Lor, donL le gendre, pourtanL ministre des Airai res étrangères, ne voyait aucun intérêt à nouer des reJations Î111portantes avec un e France qu ' il ne con naît pas e t préférait s'entretenir avec son ambassadeur à Doha plutôt qu 'avec celui de Paris, qu'il n'appelait presque jamais.

L.:assassinatdeChokri Belaïd etle coup de poker de Jebali permettront peut-être de crever un abcès

Grisé par le succès électoral. il s'est mis en tête d'infiltrer tous les rouages de l'État.

qui menaçait sérieusement la lransiti on et la stabilité du pays. À moyen lerme, il n'est aucun e au LIe solution que l' initiative du Premi er ministre, avec ou sa ns lui:

un gouve rnement de missi o n, débarrassé des querelles partisanes et composé de personnalités compéte ntes, avant des élections rapides. Face à Ennahdha, une société civiJe vigilante, 13 très puissante Union générale umisienne du travaiJ (UGTT), Je patronat, Jes partis d'opposition, enfm soudés, Jes femmes, les chômeurs, les régions défavorisées ... Rached Ghannouchi a-t-il compris que son principal ennemi, aujourd'hui, c'est Ja rue? Si, pour lui] Ennahdha au pouvoir représente lm signe de Dieu, iJ ne peut ignorer que la grâce, même divine, es t éphémère. Helueusement pour les Tunisiens] n'est pas Machiavel qui veut.. . •

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41 Grand angle 1 Tunisie

"'~t.'5ii,

L'électrochoc L'assassinat de Chokri Belaïd aura rompu le fragile équilibre sur lequel reposait la troïka, conduit l'opposition à serrer les rangs et suscité une forte mobilisation populaire contre la violence.

Dire que la situation est com­plexe et confuse en Tunisie est un eu phémisme. Pris dans 11 n capharnaüm sans précé­

denLI le pays est à cran. L'assassinat de Chokri 8elaïd, le 6 février 2013, a retenti co mme une déflagrati on. SOIl in cidence poUûque est cenaille, mais c'est surtout un révélateur. L'escalade de la vjoJence et une gestion socio-économique erronée et partisan e imposée par Ennahdha ont provoqué un profond maJaise dans tout le pays. Le 8 février, plusieurs dizaines de milliers de TWllsiens ont accompagné la dépouille du secrétaire général cl' El-Watad, Mouvement des patriotes démocrates (MDP), à sa dernière demeure. Il y avait de l'indignation dans cette mobilisation spollLanée eL exceptionnelle, mais aussi l'expression d'un ras-le-bol. Les ,( plus jamais ça» n'exigeaient pas uniquement l'arrêt de la violence politiqu e; ils signi­fiaient aussi le rejet d'un modèle promu par les islamistes.

Ben AcholU « je suis muslùman et arabe mais d'abord tunisien »n'a paséchappéà Hamadi Jebali, chef du gouvernement et secrétaire général d'En nahdha. En lançant l'initiative d'un gouvernement de techno­crates indépendants, il s'est démarqué de sa famille politique et des autres partis. ~ J'ai choisi le camp de mon pays », assène­t- il, paraphrasant l'auteur-compositeur libanais Marcel Khalifé. Il faUait oser, il l'a fa it. Mais cela ne suffit pas. ,( Une grave crise de confiance àJ'égard des institutions plombe le pays. Il faut d'urgence rétablir un lien social», analyse le politologue Larbi Chouikha.

 Le 8 février, plusieurs dizaines de milliers de Tunisiens ONT ACCOMPAGNÉ

FRONT DE SALUT PUBLIC. Depuis le 6 février, les choses se sont à la fois préci­pitées et ralenties. Le m emtre de Chokri Belaïd atua accéléré la recherche d'tme issue au blocage politique. Les partis de

lE lEADER DE GAUCHE A SA DERNIÈRE DEMEURE.

fond, la donne était toujours la m êm e: l'opposition contre la troïka gouverne­memale. Jusqu'à ce que Hamadi Jebali prenne la responsabilité de constituer un gouvernement de co mpétences apo­

Ce jour- là, au cimetière du Jellaz, autre chose s'est joué: les Tunisiennes et les Tunisiens, toutes classes et générations co nfondues, ont renou é avec leur tuni ­sianité, un hybride singulier de valeurs nationales et cuJtureUes sécuJaires que ni le colonialisme ni Ben AU n 'ont réussi à emamer. Cette donne spécifique et fédératrice qui fail dire au jluisle Yadh

« NOUS n'allons pas céder la place et leur laisser le gâteau », hurle Sihem Badi, ministre de la Femme.

litiques etsusciteun séisme. Il reprend ainsi la main en opposant les islamistes non pas aux laïcs, mais aux tech­nocrates. La troïka, compo­séed'Ennahelha, cl'Ettakatol

l'opposition ont saisi la baUe au bond. Dans les heures qui ont suivi l'assassi­nat, Us ont ms de côté leurs dissensions, noué des alliances et gagné une apparente unité. Vingt-huit partis et la société civile ont créé un front de salut public. Mais au

etdu Congrès pour la République (CPR), vole en éclats. L'entente cordiale e ntre des formations aux idéologies opposées est terminée. Chaque parti est confronté à sa réalité. Ettakatol soutiemle projet du chef de l'exécutif. Pour son leader,

DIPLOMATIE À DEUX TÊTES

« ce qui se passe au Mali doit servir de leçon

aux tenants de la légitimité. J) ~avertissement

de la chancelière allemande, Angela Merkel, n'a pas autant indisposé que la mise en garde de Manuel Valls, ministre de français de l'Intérieur, à propos de « la montée du fascisme islamique un peu partout J).

« Ingérence! J) s'est écrié un gouvernement tunisien que dérange surtout le le soutien

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aux démocrates » prôné par Valls à l'a nnonce de l'assassinat de Chokri Belaïd . Depuis l'attaque contre l'ambassade américaine, le 14 septembre 2012. la diplomatie tunisienne patine. Avec le reflux de la vague de sympathie pour la révolution, elle s'est tournée vers l'Est et a tenté de consolider ses relations avec l'Asie et le Moyen·Orient. Mais en pleine crise économique et rég ionale,

elle ne peut se passer d'alliés comme l'Europe et les États-Unis, de moins en moins conciliants avec l'islamisme. Hillary Clinton a bien assuré à Hamadi Jebali, chef de l'exécutif, que John Kerry, son successeur, serait un ami, mais au Congrès la Tunisie a vu sa cote baisser. C'est le soutien de John McCain qui lui a sauvé la mise, surtout après la libé ration, en décembre 2012, dJ\li Harzi, un des

principaux suspects dans l'attaque du 14 septembre. Dans la foulée, l'ami qatari a aussi pris ses distances, même s'il continue d'opérer en coulisses pour étendre son influence. La double gestion de la politique étrangère, par le président de la République et un ministre des Affaires étrangères aux compétences controversées, a achevé de brouiller l'image du pays . •

F.O.

JEU NE AFRIQUE

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I------t

... RÉUNION DE CRISE des chefs de la troïka avec les ministres de l'Intérieur et de la Justice, et de hauts responsables de la sécurité, le 7 février, au palais de Carthage.

MusLapha Ben Jaafar, fondateur du parti et président de l'Assembl ée nationale constituante CANe), c'est l'initiative de la derrlière chance.« Ça passe ou ça casse, mais nous ne voulons pas queça casse »,

aOirme le troisième homme fort du pou­voi r, qui renoue avec le groupe des démo­crates, safamWe poUtiqu e. Le CPRestaux abois, au bord de la crise de nerfs. (, Nous n'allons pas céder la place et leur laisser le gâteau }), hurle Sihem Badi, ministre de la Femme etde la Famille et membre du parti de MoncefMarzouki, président de la Hépublique. Avec lm programme électoral se réduisant à trois points - la réforme administrative, la chasse à la corruption et l'exclusion des anciens responsables du régime de Ben Ali -, le CPR n'a pas transformé l'essai. Ses perspectives sont

JE UNE AF RI QU E

d'amant plus sombres qu'une dissidence interne, menée par Abderraouf Ayadi, l'a déjà scindé en mai 2012. Mais Mohamed Abbou, son secrétaire général, n'entend pas céder; il aJUluJe la démission coUective des ministresdeso n groupe, annoncée le 9 révrier, et s'oppose à la gestion du pays par une équipe de technocrates. «: Ce sont Jes nommes poUtiques com péte nts qu i doivent être au pouvoir ,), dit-il. Du côté d'Ennahdha, ceJa ne va pas mieux. La décision unilatérale de J-Iamadi Jebali est un coup de Jarnac qu'elle ne peut vraiment dénoncer, puisque l'initiative es t dans l'intérêt national. Ennahdha est poussée dans ses retranchements; elle ne veut pas quitter le gouvernement, craignant d'êu·e exclue du jeu politique, mais persiste dans le déni. À ses yeux] ses ministres

sont compétents, et il n'est pas question d e céder les portefeuilles régaliens. En réalité, son bilan est calamiteux, son assise électorale a fondu, et, surtout, les masques sont tombés. Les religieux sont revan­chards, avides de pouvoir, de postes et de fonctions (plus de mille nominations dans la fonction publique). Pour l'ana­lys te politique Slaheddine lourchi, qui connaît le mouvement pour en avoir été proche, ,i Ennahdha doit quiller lepouvoir pour se refaire ,}, tanrns que Samir EtLaieb, p orte-parole du parti El-Massar, lançait aux islamistes:" La partie est terminée. Vous ne passerez plus!»

VOLONTÉ D'HÉGÉMONIE. Ellllahdhan'est cependant pas appelée à disparaître mais à être absorbée dans la machine démo­cratique. C'est ce qui préoccupe Rached Ghannoudu, présjdent de la formatjon islamiste. En moinsdevingt-quatreheures, il affirme Wle chose et son contraire. 11 assure soutenir Hamadi Jebali tout en disant qu'il lui faudra « composer avec la volonté du parti d'opter également pour une coalition nationale réunissant plu­sieurs formations politiques» et déclare que {( le Parlement et la m e feront tomber le gouvernement de Lech nocratesqueUes que soient sa légitimité et sa rorce ». La s tratégie d'En nahdha est celle du blocage. Depuis juiUet 2012, toutes les négociatio ns autour d'Wl remaniement ministériel et d'une reuiUe de route co nsensuelJe avec les autres acteurs politiques ont avorté. Pourtant, l' initiative lancée par l'Unjon générale tun isienne du travail (UGTT) en octobre 2012 avait le mérite de proposer une issue fédérant les partis politiques et la société civile.

De toute évidence, Ennahdha se vou­drait l'irliLiatrice principale des grandes décisions, mais elle en est incapable, car eUe n'a pas su franchir le pas entre militan­tisme et exercice du pouvoir sans dogme ni paranoïa. En s]allaquant systématiquemenL à tous ceux qui ne sont pas de son bord, eUe s'est isolée et paie aujomd'hui, parune fracture interne, son entêtement Elle se drape dans la légitimité des umes, mais cet argu ment tient de moins en moins face à la dérjve du pays. La récupération de la révolution traduit aussi une volonté d 'hégémonie et de division. <i Ennahdha es t le fer de lance de la révolution, elle dirige avec m érite le gouvernement de la révolution] et tous ceux qui s'y opposent sont des ennemis de la révolution, des contre-révolutionnaires '>, martèle Rached

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CI Grand a Tunisie

Gbannouchi. Le ton est do nn é. L'o ffensive de Jebali répond auss i à la nécessité de fmaliser rapidement la nouvelle Constitution. Car là aussi, les élus cf Ennahdha ont fait barrage pOllr adopter une loi fondamentale détachée de tolite idéologie.

L'implosion de la troïka et la création de nOllveauxgmllpes parlementaires devraient modifier les équilibres au sein de l'ANC, mais ses travaux en serom-ils accélé rés pour aUlant ? Ce qui est cer­Lain, c'est que la tentati ve de passage en force de Jebali va révéle r le poids réel de cette assembléesouveraine. Le CPR e t Ennahdha esû ment que l' initiative du chef de l'exécutif doit être soumise à l'approbation de l'ANC, aJors que les constitutionnalistes objectent que l'article 17 de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics permet de remanierun gouvernement sans son aval. Fort du soutien de ces experts, de l'opposition, des centrales patronales e t syndicales, lebali es t cependant confronté à cenaines conditions.

GUÊPIER. Un gouvernement de tech­nocrates, oui, mais avecla bénédiction des formations p olitiques. Le Front populaire, alliance de partis de gauche, rejette le projet. Il estim e que 1ebal i, en demeurant secrétaire général d'Ennah­dha, est forcém ent partisan. Du coup, le cbef du gouve rn ement mulliplie les consuJtations, alors que sa déci­sion laissait présager une app lication immédiate. Le conseil des sages dontil s'est en tou ré à titre consultatif n'est pas représentatif. Sa moyenne d'âge élevée et l'absence de femmes révèlentlUle lectlue uniforme el partielle du pays. C'est bi en là que le bât blesse. Pendant que les politiques palabrent, le pays se morcelle et la viole nce s' in sla lle avec une in strumentalisatio n politique de la rue. Un 'ttal affaibli laisse faire les miJices, e t les mi rustres d'Ennahdha s' improvisent tribuns et meneurs de manifestations.« Faire cesser etcrimi­naJiser la violence est un e urgence ,), rappelle la Ligue nm.isiennedes droits de l'honU11e (LTDH), tandis que sur les réseaux sociaux les islamistes conti­nuent d'inciter à lahaine. " Plus jamais pelll; c'est SlU, mais on fait a ttention, se disent les Tunisiens. Il n 'y a plus de temps à perdre, il faut sortir au plus vile de ce guêpier . •

FRIDA DAHMANI, à Tunis

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Abdelfattah Mourou « Ce nue fait Ennahdha est I!P:JJW\WI.p~ne~att~e,comJ... 1 d ' t-cOntraire a a emocra le» Le cofondateur et vice-président du mouvement islamiste ne mâche pas ses mots â l'égard de sa famille politique, qu'il tient pour responsable de la crise.

JEUNE AFRIQUE : Pourquoi la Tunisie en est~elle là ?

ABDELFATTAH MOU ROU : La division du pays en deux pôles - islamiste et laïc ­est dangereuse, ca r e ll e crée un cbaos politique. Pendant un an, Ennahdha, en tant qu e parti au pouvo ir, n'a cessé de te rgiverse r; elle a voulu in scrire la cha ri a dans la Co nstituti on, pui s s'est rétractée. EUe a récidjvé avec le régime parleme ntaire et le statut de la femme. Ell e a démontré son incap aci té à com­prendre les attentes dupeuple, qui neveut pas d'une mutation de ses fondam entaux mais des aménagements. Elle a sciem ­ment u'ainé les pieds sur la rédaction de la Constitution e l s'est montrée laxiste en laissant faire les Ligu es de protection de la révolution (LPR). Par so n silence, elle encourage la montéede la violence poli­tique. EUe gère de manjère catastrophique les affaires de l''ttat, accwnule les erreurs en vOlllantlmposerwle loi sur l'exclusion et se dresse contre toutes les formations po Utiques. C'est l'affron tement gén éral. Ce n'est pas tenabJe et c'est contraire à la démocratie.

Les responsables d'Ennahdha affichent leurs divergences, que faut-il en penser?

Ils ont tort de participer aux débats publics en se m ontrant aussi divisés. Ils affaiblissent le parti etse décrédibilisenl, d'autant que c'est lellr incompétence au sein du gouvernement qui est aussi

à l'origine de ce t te crise. Ennahdha n 'a cessé de s'isoler. Elle a refusé le dialogue avec les centrales syndicale et pau'onale, et ignore les demandes de la société civile. RésuJtat: ell e n e peut co mpter que su r une assise populaire quj se réduit comme peau de chagrin e t a perdu l'appui des intellectuels. Or la production de pensée es t nécessaire.

La priorité est-elle de mettre en place une nouvelle équipe gouvernementale ou d'arrêter la violence?

Seul un gouvernement fort peut conte­nir la violence. Au fond, la violence est W1

instmment pOlU parvenir à lm objectif; il faul lui substituer d'autres outils et stUlout mett re en place rap id ement des institu­tions.1l est inadmissible que nous n'ayons pas enco re de Constitutio n et que, face à l'arra iblissementde l''ttat, l'Assemblée nationa le co nstitua nte [ANC], p ou rta n t souverain e, n e réagisse pas.

Comment envisager une sortie de crise '1 La priorité est la Constitution . Il faut

mettre un point fmal à ce tte transiti on. Sans institutions, sans cadre juridique, le pays ne peut avancer. Dans cette étape cruciale et délicate, les partis devraient s'éloigner de l'action gouvernementale et laisser des compétences gérer les affaires courantes. C'es t l'orientation que je par­tage avec Hamadi Jebali . •

Propos recueillis à Tunis par F. O.

JEUNE AFRIQU E

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L'homme qui a trahi la révolution

'''fi1ln##'' Ces nahdhaouis qui ont dit non Ulcérés par toute une série de dérives et par l'ambition dévorante de Rached Ghannouchi, ils ont claqué la porte du parti.

SOUS la figur e tutélaire de so n père spirituel, Rached Ghannouchi, Ennahdha sem­blait avoir plusi eurs visages.

On devinait les co ntradicUon s intern es du mouvement que l'on pensaitliraiU é en tre un extrême philo-sa lafiste e t un cen tre prodémocrate, ou pratiquant opportunément un double langage pour balayer le spectre socio polltiqu e le plus large possible. Mais le bras de fer en tre lebali, Premier ministre et secrétaire général du parti, et Ghannouchi, son président, a révélé une IUlle intes tine pour J'autorité et des conflits de person­nalité qui dépassenlle débat d'idées et la stratégie politique.

Le 9 février, la démission de 1 ebali de son poste à la tête d'Ennahdha é tait annoncée sur la page Facebook du mou­vement, avant d'être rapidement efbcée. Le chef du gouvernement a lui-m ême imm édiatementdémenti l' information, laquelle n'en apas moins paru plausible. Militants, cadres e t mêmecofondateurs du parti ont en e ffet régu lièremen t fait défection, dénonçant dans le même mouvement les pratiques intern es du parti et ses agissements politiques. Décrivant ce qu'ils ont vécu de l'intérielu] les dissidents ont dévoilé l'inquié tante anatomie d'un mouvement aux usages fort peu démocratiques, parfois très éloi­gnés de la moral e islamique, etdo nt les méthodes rapp ell ent à bien des éga rd s celles du régim e déchu.

INTRIGUES. De rniè re e n date à avoir claqué la porte] au début de février, la députée Fattouma Attia. Entre les calculs politiques des é lus e t les intrigues pour la co nqu ête du pouvoir, la réalité d'un parti àla« discipline de fer » lui est appa­nIe en complète contradiction avec les idéaux proclamés. ,~Ennahdha ne veut pas combattre la corruption. Elle doit se retirer et dégager. Le parti a d'autres ambitions que la réalisation des attentes du peuple. ;> Accusation plus grave: des

JEUNE AF RI QUE

.. Demière défection en date, celle de la députée FATTOUMA ATTlA, qui refuse de tromper plus longtemps les électeurs.

person nalités du parti ne seraient pas plu s vertueuses que les membres du c lan déchu des Ben Ali: ,( Le secrétaire d'État de l'Agriculture, par exemple, a

Et elle-même s'est sentie flou ée par Ghannouchi: {~ Ses idées ne sont pas rassluantes, surtout en ce qui concerne les salafistes [ ... ]. C'est à se demander s'il n'est pas aussi salafiste qu'eux, ou alors] peut-éLIe veut-il les utiliser à des fins électoralistes.;>

Le 28 janvier] c'es t un autre ex- mili ­tant, Sahbi Amri] qui dénonçaH le père fondateur: « C'est Ghannouchi qui est responsable de la situation critique que connaît le pays e t no n Jebali. )} Selon lui, la stratégie d'affronlement bruta l avec l'ancien régime décidée par le président d'Ennahdhaaprofondément nui au parti, e t sa pratique du népotisme aura des effets tout aussi néfastes. Des déclarations qui font écho à celle d'un autre dissident, Kamel Hould, qui affirmait en août 20 12: « Ghannouchi souffre d'lm attachement pathologique au pouvoir. Tout comme il a poussé le mouvement islamiste vers la catastrophe il y a un quart de siècle [ ... ], il est en train de pousser aujourd'hui tout le pays vers la cataslfophe en s'accaparant le monopole de la décision.;) Ex-prisonnier poliUque de l'ancien régime, Houki avaiL remis sa démission après avoi r découvert l' impli ca ti o n de mili ces nahdhaoui es dans la répression des manifestatio ns du 9 avril 2012.

« MALADE n. Mensonge, népotisme, corruption, activités miliciennes: ce que ne cessent de dénoncer les ennemis du parti islamiste n'est pas contredit par ceux qui l'ont fréquenté avec assiduité. Omniprésente, la figure de Ghannouchi apparaît comme celle d'un maître absolu guidé parune dévorante ambition. Dans une inLerview croisée d'un autre déser­teur, Néjib Karouj, et d'un mysté ri eux <.( di rigeant historique ", publ iée le 20 sep­tembre 2012 par Le Maghreb, c'est le second qui fait les révélations les plus

inquiétantes : ~<. Nous savons,

Certaines méthodes et pratiques rappellent à bien des égards celles du régime déchu.

et nos frères aussi, qu e la mission de LotH Zitoun es t bel et bien d'espionner l-lamadi jebali [ ... ] et de tenir Hached Ghannouchi

délOluné au profit de son frère un projet d'élevage de poissons à Zarzis présenté par lm citoyen.;> Tromper plus longtemps les électeurs qui lui avaient donné leur confiance ne lui é tait plus supportable.

informé de tous ses faits e l gestes. ;> Et de qualifier lui aussi le leader d'Enna­hdha d' « animal politique ;), « malade ;) du pouvoir ... .

LAURENT DE SAINT PÉRIER

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" A

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La grande ville du Nord est tombée le 26 janvier. Vite, presque sans combats. Trop vite, sans doute, puisque les jihadistes ne sont pas loin et que les habitants vivent dans la crainte des attentats. L'euphorie de la libération aura été de courte durée.

RÉMI CARAYOL, envoyéspéciBJ

Photos. ÉMILIE RÉGNIER pou, JA

JEU NE AFRIQUE

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chaque jour son miracle à Gao. Le 11 février en fut un exemple. Tôt ce malin-là, dans la cour du co mmissariaLcemral, un bâti ­ment jaune rebapLisé« co mmis­sariat islamique») sous le règne

du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), sur la terrasse duquel le chef de la police, Aliou Mabamar, avait l'habitude de dormir à la beUe étoil e avant l'arrivée des Français, des dizaines d'homm es, de femmes et d 'enfan ts se bousculent pourvoir les stigmates des combats de la veille. Ils s'attardent sur le corps déchiqueté d'un jiharuste présmné.Ils observent l'impact des balles dans les murs. Mais combien se doutent que, sous letus pieds, se trouvent plusieurs mines artisanales déposées par les insurgés ? Ce n'est qu'en milieu de matinée que les soldats maliens

JEUNE AFRIQU E

...... Ci-contre PATROUILLE D' UN SOLDAT

NIGÉRIEN. Début février, ils étaient déjà plus de 500 sur le terrain. CI-dessus: cellule dans laquelle étaient pratiquées les amputations.

Afrique subsaharienne

évacuerom les curieux pour déminer la zone. Encore tille fois] Gao a échappé au pire.

Ce 11 févri e r] il y a des douilles partout. La veUle] des jihadistes (à peine plus d'une dizaine] selon l'armée fran çaise) on L affronté l'arm ée malie n ne e n pl ein cenLre-vilJe. Pendant plusieurs heures, Gao a vécu au rythm e des rarales et des explo­sions. Retranchés dan s le co mmissariat et da os les maisons jouxtant le marcbé principal, les co mbattants du Mujao ont rés isté aux assauts des miUtaires maUens.

CORPS EN LAMBEAUX. Par un autre miracle, on n e compte que quatre mOrlS et n euf blessés parmi les nombreux civils qui se trouvaient sur les lieux lo rsqu e les hos tilités o nt co mm en cé. Quant aux assaillants, on ne saura peut-être jamais co mbie n ont péri: dans la nuit, un Tigre françai s, redoutable héli coptè re de combat, a bo mbardé le s ite où ils s'é taie nt re tranchés, réduisalllieurs co rps e n lambeaux .

Depuis, ceux qui croyaient encore à un e pacifi­cation rapide de lazon econquise deux semaines plus tôt par les Français et les Maliens ont dû revoir leur jugement Le 13 février, une bombe arHsanaJe de 600 kg a enco re été désamorcée par le génie fran çais. Certes, Gao a été libéré le 26 janvier, mais la ville vit depuis comme une for teresse assiégée. En trois jours, entre le 8 et le la février, deux kamikazes se sont fait exploser à l'entrée de la ville] et deux autres ont été arrêtés avant qu'ils ne passent à l'acte. « C'est la psychose. Le Mujao est en train de nous imposer son agenda. Son •••

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subsaharienne

••• objectif est clair: terroriser la population ,), se désole un officier malien.

L'euphorie n'a jamais vraiment gagné Gao. Aux explosions de joie qui ont salué l'arrivée des Français ont succédé les interrogations] les doutes et enfin les craintes. Contrairement à Bamako] les drapeaux bleu-blanc-rouge floUant au vent sont rares, et les habitants observent avec circonspec­tion les convois des« Ubérateufs».lci , il n'y a pas de cris d'enfants à lagloire de François HoUande. ,( Les jihadistes ne sont pas loin el ils n'ont pasdiL leur dernier mot. Ils peu ven t reven i r », expUque Abdoulaye, un enseignant.« Les Français ont pris Gao, mais pas ses aJentours. La zone est truffée de poches jihadjstes ,), ajoute un bon connaisseur de larégion. Depuis plusi eurs années, ce diplomate de l'ombre se rend régulièrement dans le nord du

.À TROIS SEMAINES APRÈS

AVOIR UBERÉ LA VILLE,

les Français ont bien du mal à la sécuriser.

Mali. 11 est bien placé pour savoir qu'au sein du Mujao il n'y a pas que des Touaregs e t des Arabes, majs aussi des Songhaïs, des Peuls, des BeIJas ... " Pour eux, il

« Dans les villages, chaque famille a donné au moins un de ses membres au Mujao. »

es t plus facile de s'inn ltrer. » Si Gao cultive un islam mod é ré, il suffil de

traverser le fleuve Niger, avec en point de mire la dune de sable rose qui a longtemps été l'une des attractions tOllIistiques du coin, pow' se retrouver dans un autre monde. Dans les viUages de Kadji, Lobou ou Koïma, c'est un islam strict que l'on pratique depuis deux décennies. Un islam direc­tement importé d'Arabie saoudite, comparable à celui défendu par les lzalas au Niger. Ses adeptes, que l'on appelle ici les" wahhabites », n'on t pas attendu le Mujao pour appliquer la charia. Et ils sont, aux dires d 'Assarid Ag 1mbarcaollane, député de Gao, {, très solidaires les uns avec les

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ABDOULAYE, enseignant à Gao

autres 1>. " Dans ces villages, chaque famille a donné au moins un de ses membres au Mujao, continue Abdoulaye, l'enseignant. Aujourd'hui, il est évidelll qu'elles les cachent.»

C'est de ces villages qu'tme partie des assaillants du 10 février seraient venus. Les nuits précé­dentes, le ciel était noir. Les routes étajent bouclées, ~, Illais nous avons négHgé notre surveilJance sur le fl euve », ad Illet une sou rce sécuritaire. « Il fam raUsser tous ces villages », esûme le député Imbarcaouan e.

DIVERSION. Il faudra aussi s'occuper de l'axe Gao· Bourem, au nord. Les deux kamikazes qui ont activé leurceintw'e d'explosifs les 8 et 9 février, un jeune au teint clair etau visage d'adolescent et un colosse barbu, venaientde cette zone. Preuve de l'efficacité du Mujao, il semble que le deuxième atlelllat n'ait été qu'une diversion pour permettre à plusieurs combattants de franchir le check-point dans la confusion consécuûve à l'explosion.

Mais Gao n'est pas qu 'une vilJe assiégée. C'est aussi un e cité déchirée. On y trouve des jeunes « patriotes» (c'est le nom qu'ils se donnent) qui mènent la traque aux derniers jihadistes après avoir contesté les jougs successifs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), pre· mier occupant de Gao, et du Mujao. On y trouve aussi des combattants de Ganda Koye etde Ganda Izo, deux milices d 'autodéfense, etdes centaines de" patrouilleurs ,), ces volontaires qui ont assuré la sécluité de leurs quartiers quand les hommes du MNLA pillaient et violaient sans compter.

Gao a résisté, c'est indéniable. Résistance fron­tale, quand le Mujao a voulu interdire le football ou détruire le mausolée de Mohamed Askia, une prodigieuse pyramide en banco datant de 1495.

JEU NE AFRIQUE

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Ce jour-là (" au lende main de la destruction des mausolées à Tombouctou », se souvi ent Ibrahim Maïga, un artisan), les habitants de Gao se so nt massés au pied du monum e nt e t ont bravé les menaces. Un e autre fois, ils sont sortis dans la rue pour dire« non » aux amputations. Il y en a peut­être eu UJl e dizaine au total. PubUques au début, eUes n'étaient à la fin plus pratiquées qu'entre les quatre murs de la prison. « Le Mujao avai t bien compris que les gens é taient contre », suppute Moussa, un m embre de Ganda lzo.

Résistan ce passive aussi. Il était interdit de fmner? Tant pis, on aUumait quand m êm e une cigarette mais, quand des h ommes du Mujao passaient, on jetait le m égot. {~C'é tait invivable, se souviem Moussa. Les femmes devaient porter le

JE UNE AFRI QU E

.. En haut : arrestation d'un individu souPço~É o'hRE UN JIHADISTE,

le 10 février. Ci-dessus : SADOU

HAROUNA DIALlO,

le maire de la ville, redoute les amalgames qui ont fait fuir la plupart des Arabes.

hidjab. Pendant la prière du vendredi, il ne devait plus y avoir aucun e activité. Pour une cigarette, c'était 10 coups de chicote. Pour un "copinage'; 100 coups. ) Les châ timents se tenaient sur la place de l' Indépendan ce, rebap tisée « place de la Charia ) . Là où, aujotud'hui, des gamins jouent au fo ot mati n et so ir. Quant aux dignitaires reUgieux, ils 0 n t fait la sou rd e oreille aux sollicita tions des nouveaux maîtres. « Il s nous o nt demandé de les aid er à imp oser leu r chari a, e xpliqu e leur représenta nt, Alpha Issa Abdallah Maïga. Mais nou s leur avons répondu qu e ce n'était p as la nôtre, et que, s'i ls avaient chassé l' t tat de ce tte terre, ils ne pouvaie nt pas aUer à l'encontre de la population. »

De cet interminable obscurantism e, il reste des bâtiments adm ini stratifs dé truits, des banques saccagées, des hô tels pillés, des rues vidées (la ville ne compterait plus que 50000 habitants, contre 80000 début 2012). Il res te des taches de sa ng dans les petites pi èces qui servaie nt de geôles e t dont les guides improvisés nou s disent qu'il s'agit des reHquats de quelques mains coupées. Il res te des rumeurs aussi: ici, dans celte maison, se seraie nt u n jour trouvés les otages occidentaux et algériens détenus par les sa lafistes. Là, dans cette villa cossue, a vécu Mokhtar Belmokhtar, puissant é mir d'Al ·Qaïda au Maghreb islamiqu e (Aqmi). Plus loin, c'étai t l'Algérien Abdulhakim, le chef du Mujao à Gao ... Et puis, il y a ces pancartes, tantôt en arabe, tantôt en français, lettres blanches sur fond noir: ,~ L'application de la charia, c'est la route du bonhetu. » « Al-Ihtijab pour la bénédic tion d'Allah et la pureté des femmes. ;>

Personne n 'a encore jugé nécessaire de les effacer. Faut-il y voir tille simple négligence ou la peur d'êue vu? Alljourd'huiencore, les islamistes n 'am pas •••

N' 27 19 . DU 17 A U 23 FËYRIER 2013

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Afrique subsaharienne

••• que des ennemis au sein de la population. « Us sont là, parmi nous. Ils se terrent, bén éficient du soutien de leur famille '>, affirme Moussa, le jeune combattant de Ganda lzo. Il y a évidemment les suspects parfaits; montrés du doigt, la plupart des Arabes de la ville ont fui après l'intervention française. Le quartier où les plus riches d'entre eux habitaient] surnomméCocaïneCily pour des raisons évidentes] es t aujourd'hui une viJle fantôme. Ses habitants ont fuj , ses villas ont été pillées.

«Tous n'o nL pas aidé les islamistes, mais ils o nL peur des représailles », déplore le maire] Sadou Harouna Diallo, qui se bal co ntre« les a malga­mes ». Il rappeUe qu 'au sein du Mujao nombreux étaient les habitants de Gao.« Je l'ai dit et répété ces derniers mois: si l'on n'agit pas vite, ils auront le temps d'endoctrin er nos jeunes. Hélas, j'avais raison. C'est ce qui s'est passé.,)

ROCAMBOLESQUE. Sadou Harouna lJiallo. i\ lui setù, cet homme à l'allure débonnaire et au porte­feuille bien garrli, qui ne sort jamais sans so n feutre sur la tête e t se vante de posséder un Humme r à Bamako, est W1 co ncen tré des co n tradictio n s de la ville. Aux journalistes, il aime raco nter ses déboires del'annéeécoulée: son exHltraLion rocambolesque hrut jours après l'arrivée du MNLA; la destruction

 Des hommes DU

COLONel MALIEN ALHAJI

AG GAMOU, le 9 février.

LIRE AUSSI SUR LA ROUTE

DEGAO

de ses sept hôtels, de ses deux boîtes de nuit et de ses sociétés de transport par le Mujao. Mais U est un sujet qu ' iJ préfère ne pas évoquer: sesaccoin­tances supposées avec les trafiquants de drogue.

Sur le terrain, depuis qu'il est revenu en ville dans les bagages de l'année française, on le voit partout en train de coordOlmer la traque aux cach es d'armes. {<: Il faUl aller là, l'avons-nous vu ordonner à des soldats m aliens le Il février. Les habitallls rusent qu'lm homme n e sort jamais, sauf la nuit. C'est suspect. Il faut aller là aussi, je suis cenain qu'il y a des a rm es.» Mais quand les journalistes l'interrogent sur le cas de Baba Ould Cheikh, le ma ire du vill age vo is in de Tarkint, sou pço nné d'accointances avec le Mujao et de trafic de drogue (c 'est à Ta rkint qu 'un avio n d e la drogue s'é tait crashé en 2009), qui s'est prome né dans les rues de Gao quelques joursavantqu'ull mandat d'arrêt ne soit émis à son encontre, U élude. Est-ce parce que la rumeur veut qu'on a it aidé OuJd Ch eikh à disparaître ?

Dans ce contexte, la traque menée conjointement par les armées française, m alienne et nigérienne n 'est pas aisée. Une partie de la poptùation y parti­cipe sans états d'âme, en dénonçant des présumés jihadistes. Sans ces renseignements, la journée du Il février aurait pu être {<: beaucoup plus sanglante ,), selon l'aveu d 'un officier malien. Mais d'autres se taisent. Combien de planques d'armes, comme cene maison du quartier Château censée appa rtenir à Abdulhakim, dans laquelle so nt entreposés des engins explosifs improvisés, n'o nt pas enco re été découvertes? Combi en de jihadjstes se cachent avec la co mplicité de leurs voisins? « En dix mois, note un médecin a rrivé récem ment à Gao, les honunes du Mujao ont créé des liens étroits avec la population. Certains se sont mariés. Et puis, Us ont inondé la viUe de leu r argent »

Autre explication : personne àGao n'a oublié que la prise de contrôle du Mujao a d'abord été perçue comme tme bénédiction. Les jours précédents, les Touaregs du MNLA avaient fait régner la terreur, pillant les bâtiments, volant les habita nts, violant les femmes. En arrivant, le Mujao avait promis de mettre de l'o rd re - ce qui rut fait, avec les excès que l'on co nnaît "Cela, les gens ne l'ont pas oublié, rappelle notre médecin. Ici, le mal absolu, ce n'est pas le Mujao, c'es t le MNLA. " .

1 L'ÉPICENTRE DE LA GUERRE GAO EST AUJOURD'HUI l'épicentre domicile. C'est de là que partent les Français pensent le plus grand de la reco nquête du Nord . Une grande partie des troupes françaises (1500 éléments le 12 février, mais des renforts éta ient encore attendus) s'est installée sur la base improvisée et ultrasécurisée de l'aéroport . Les hé lico ptè res, auparavant positionnés à Sévaré, y ont éga lement élu

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FËVR1ER 201 3

soldats en direction du grand nord. Dans la ville, on trouve également un grand nombre de Maliens, dont les hommes du co lonel maj or Alhaji Ag Gam ou, estimés à environ 600, et des combattants du Groupe co mmando volontaires (dit « G-Shock ))), les forces spéciales malie nnes dont les

bien. Enfin, plus de 500 Nigériens patrouillent dans la ville et sa région. Ces trois forces participent à la sécurisation de Gao et des alentours. Le 11 février, les Français sont ainsi interve nus à la demande des Malie ns pour anéantir la contre-offensive des jihadistes. • R.C.

JEUNE A FRIQUE

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Afrique subsaharienne

mm Thomas Boni Yayi « En 2016, Bozizé et moi, la Bible à la main» Le chef de l'État l'assure: il ne cherchera pas à se maintenir au pouvoir, Ce qu'il veut maintenant, c'est tourner la page d'une année mouvementée ... et vivre sa foi.

L'année 20 12 flU] pour le président

Thomas Boni Yayi, une année co mpliqu ée. À peül e avait- il été no mmé à la tê te de l'Union

alricaine(UA) qu'U devait gérer l'élection - mouvementée - du nouveau présidenL de la Commission d e l'UA. Ce fuL ensuite la guerre au Mati, Ull e énième rébeUion en RD Congo puis en Centrafrique ... La politique béninoise ne lui a pas non plus laissé de répit, puisqu'en octobre dernjer l' homme d'affaires Patrice TaJon, dont il était autrefois proch e, était accusé d 'avoir voulu l'empoisonner ... Aujourd'hui, Boni Yayi a quitté la présidence de l'UA et affirme envisager son retrait de la vie poli­tique, en 201 G, avec sérénité. Rencontre avec un chef d'Étal qui, à 60 ans, dit avoir hâte d 'arpelller le monde « une bible à la main !> .

JE UNE AFRIQUE

JEUNE AFRIQUE : N'est-il pas gênant que la France, l'ancien colonisateur, soit en première ligne au Mali ?

THOMAS BONI YAYI: Ce n'es t pas la question: la lutte co ntre le te rrorism e est de la responsabilhé d e tous, etla Fran ce est intervenue à la demande des autorités malienn es. II fallait absolument stopper J'avancée des terroristes.

N'est-ce pas la preuve que l'Afrique a du mal à gérer ses propres crises?

Non. Ce n'est pas la bonne volonté qui nous a manqué, ce sont les moyens. Prenez l'exemple du Bénin: nous nous sommes engagés à envoyer 650 soldats au Mali [environ 250 sont déjà sur place, NDLR]. Mais co mment les équiper? Comment les lransporter sur le terrain? C'eslun problème que nous avons tous.

.... LORS DE SA VISITE A PARIS, le 7 février.

Faut·iI, en plus des soldats de la Misma, la mission de la Communauté écono· mique des ~tats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), envoyer des Casques bleus au Mali?

Cela pe rm eltrahsans douteUIl déblo­cage plus rapide de finan cements inter­natio naux et li ne meiUeure coordi nation des effo rts. Pour le moment, la France est très seule: elle a plus de 4000 miUtaires sur place, elle a dépensé près de 70 mil­lions d 'euros ... Ce n'est pas juste. Nous somm es tous concern és.

Que fait-on du capitaine Amadou Sanogo, l'ancien chef des putschistes du 21 mars, toujours très influent à Bamako?

Je fais partie de ceux qui pensent qu'il faul qu'il retourne dans sa caserne. Mieux,

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41 Afrique subsaharienne

qu'il aUle au front, là où on a besoin de soldats. C'est bien pOUI ça qu ' iJ a pris la tête d'un coup d 'État, non ?

Il semblerait qu'il se cherche à présent une porte de sortie honorable ...

Mais la porte es t là, grande ouverte! On m'a dit qu'U dirigeait le Comité mili­taire de suivi des réformes de l'année, bien. Mais pour ma part je pense qu'un militaire qui manqu e à ses devoirs doit être sanctionné; il y a des règles dans l'arm ée pour cela.

En tant que président de l'Union africaine (UA), vous avez rencontré votre homo­

logue centrafricain, françois Bozizé, fin décembre. alors qu'il étaitconfromé à une rébellion armée. Comment l'avez-vous convaincu de ne pas se représenter en 2016? En lui citam votre propre exemple?

... LE PRÉSIDENT BÉNINOIS (à dr.l et son homologue centrafricain, le 30 décembre, à Bangui.

Le prés ide nt Bozjzé es t un homm e mesuré. Lui et moi sommes tous les delLx évangéliques, et je lui ai parlé en tant que frère. Je lui ai conseillé de rassu­rer ses compatriotes et la communauté internationale quant à son intention de ne pas modifier la Constitution pour se représenter à la présidentielle. Et c'es t vrai que je lui ai dit qu'en 2016 je se rais heureux d'avoi run ami ancien chefd 'État prêt, co mm e moi , à prendre sa bible p our parcourir les contrées et prêcher l'Évangile.

cas de Patrice Talon, que vous accusez d'avoir voulu vous empoisonner et dont la justice béninoise réclame à la France l'extradition?

Non. Je suis allé parler de la stabilité du continent. Le sujet Patrice Talon est subsidiaire. Je n'en ai parlé ni au chef de l' État, ni au Premier ministre, ni au min istre des Affai res étrangères ... Je suis bien au-dessus de tout cela.

Mais vous portez de très graves accu­sations contre lui ...

__ Talon m'accuse d'avoir voulu soudoyer les députés. Mais ce ne sont pas des moutons! En quittant la présidence de l'UA, fin janvier, vous avez dénoncé la confusion qui règne à la tête de l'organisation. Aviez-vous des dissensions avec la pré­sidente de la Commission. Nkosazana Dlamini-Zuma?

Pas du tout. Mais on m'aco nfié la mai­son pendant Wl a n, e t j'ai pensé qu'au terme de ce mandat iJ é taitimportantde soumettre mes idées pour en amé Uorer le fonctionnement. Plusieurs choses ne marchent pas et nous devons revoir nos textes fondateurs pour les rendre pJus conformes aux défis qui nous attendent. Pour que l'on sache bien aussi com­m ent se répartissent les rôles au sein des organes directelus de l'organisation.

Vous avez été reçu par François Hollande, le 6 février. Avez·vous évoqué avec lui le

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Soyons clairs: Patrice Talon s'est réfugié en France parce qu' il fait l'objet de p oursuites pour malversa tion s au Bénin. Depuis la France, il es t e ntré en co ntact avec ma nièce, qu e je considère co m me ma mie IZoubérath Kora-Séké l, et mon méd eci n p erso nn e l [Ibrahim Marna Cissé; tous deux sont e n prison à Cotonou]. Il leur a promis 2 milliardsde F CFA [plus de 3 millions d'euros] pour m'empoisonner, ils ont avoué!

N'en voulez-vous pas à patrice Talon parce qu'il aurait refusé de vous aider à tripatouiller la constitution afin de briguer un nouveau mandat?

C'est n'import e quoi! Les d éputés béninois qu' il m'accuse d'avoir voulu soudoyer n e sont pas des moutons. Aucune révision ne touchera aux quatre

prUlci pes hérités de la Conférence natio­nale : Ja laïcité, le régime démocratique, l'âge maximal des candidats et la limita­tion du nombre de mandats. En réalité, il s'agit d'une manœuvre d'intoxica tion. Patrice Talon essaie de m e discréditer, mais le fond du problème es t que ce monsieur voulait faire main basse sur l'économie du Bénin. Il a évincé tou s ses concurrents de la fili è re coton. Au port d e Co tonou, sa société Bénin Co ntrol SA gérait le contrôle, le scanning et le trac king des marchandi ses. Là e nco re, la famill e pOrLu a ire ne veul plus en entendre parl e r. En plus, la Direc tion d es marchés publics a cassé ce contrat après avoir constaté des irrégularités. Lorsque j'en ai discuté avec lui, tout ce qu ' il m'a dit est qu ' il vou lait ( sauvegar­der [ses] acquis ) ...

On doit donc vous croire: vous ne rem­pilerez pas en 2016 ...

Je l'a i dit à mes pairs africains lors de mon investiture en 20 Il.Je l'aidil à Barack Obama, à Nicolas Sarkozy, à François Hollande et mêm e au pap e ! li faudrait que je sois stupide pour me dédire après toutes ces déc larations! Et puis dix ans à la tête du Bénin, ce ne sont pas des vaca nces! Di eu nous a faits avec des limites! Je vous le dis : je compte les jours qui m e séparent d e la fin et je n'aspire qu'à une seule chose; être h eureux en m e rapprochant de mon Dieu. Le 5 avril 2016 à minuit, avec respect e t gratitude, je remercierai Je peuple béninois pour sa confiance et je partirai. .

Propos recueillis par MALIKA GROGA·BADA

JEUN E AF RIQUE

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'3M'ti

Prime time Gros succès pour le tout premier débat présidentiel jamais organisé dans le pays.

CI était une première dans

l'histoire du Kenya. Un sh ow à l'a méri ca ine, retransm is pa r plus de

quarante chaînes de télévis ion e t de sta ti o ns de rad io, e t suivi par plu­sieurs million s de p ersonn es ... Le 11 février au soir, les hu it candidats à J'élection présidentieUe du 4 mars ont débattu en direct, et ce fut, à en croire Linus Kaikai , l'un des deux journa­listes mod érateurs (qu i avaie nt été choisis via Facebook, Twitter et par SMS), un immense succès.

SlU le plateau pourtant, les inter­ventions -limitées dans le temps­ont été plutôt convenues. Ni incident ni déclarations enflammées. Tous les candidaLs ont promis que les vio lences postélectorales de la fin 2007 (près de 1 200 morts) ne se reproduiraient pas.

POIDS LOURDS. Parmi les favoris à la succession de Mwai Kibaki, deux poids lou rds de la scène p oUtique loca le: le Premier ministre Raila Odinga, 67 ans, et son vice-Premier ministre, Uhuru Ke nyatta, 51 ans. Mais ce derni e r (tout comme son colisti e r, WilUam Ru to) est accusé de crimes contre l'humanité pour son rôle dans les affrontements d'il y a cinq a ns. So n pro cès doit s'ouvrir le 10 avr il d eva nt la Cour pénal e inte rn atio nale (CPI), c'est­à-dire en plein p rocessus électo ral. Face aux caméras, Raila Odinga ne s'é ta it pas privé de faire remarquer que ~< gouverner par Skype depuis La Haye rallait] poser de sérieuses dHficu Ités ,).

Que lqu es jours plus tôt, la Fran ce e t la G rande -Bre tagn e avaient annoncé qu 'elles n'auIaient que des contacts limités avec un pré­sident inculpé par la CPI. Le ministre kényan des Affaires étrangères, Sam Ongeri, a réagi en faisant part de son « extrême mécontentement " . •

ANNE KAPPÈS·GRANGE

JE UNE AF RI QU E

CHARLES TAYLOR ON N'EST JAMAIS TROP PRUDENT

Emprisonné à La Haye pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité commis en Sierra Leone entre 1997 et 2003, Charles Taylor aurait décidé de se convertir au judaïsme. « Il veut devenir juif, a expliqué l'une de ses épouses à un joumaliste alors que s'ouvrait son procès en appel, fin janvier. Il veut suivre ce qui est, selon lui, la vraie religion. J) Cité par le quotidien israélien Haaretz, Victoria Taylor explique que, pour son époux, condamné en première instance à cinquante ans de prison l'année demière, tout a commencé quand il a été transféré à La Haye. C'est à ce moment-là, dit-elle, qu'il a su ce qu'il devait faire : (( Il veut tout savoir sur Dieu et sur la création. )} Mais à 65 ans, Charles Taylor sait aussi que mieux vaut ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Il a donc décidé de devenir juif ... tout en restant chrétien . Si, si . •

ZIMBABWE ÇA SE PRÉCISE

Après de longs mois d ' incertitude, on en sait un peu plus sur le calendrier électoral de 2013. Le référendum censé e ntériner la révis ion constitutionnelle sur laque lle se sont e ntendus le président Robert Mugabe et son Premier ministre , Morgan Tsvangirai , sera organisé le 16 mars. Lélection présidentielle aura, quant à elle, lieu en juillet et mettra un terme au fragile accord de partage du pouvoir qui avait été conclu après le scrutin de 2008.

AFRIQUE DU SUD FATALE SAINT·VALENTIN

C'est l'histoire d'un conte de fées qui finit mal, très mal. En août dernier, Oscar Pistorius était entré dans l'Histoire e n devenant le premier champion paralympique à

participer aux épreuves pour athlètes valides. Le 14 février à l'aube, dans sa luxueuse résidence de Pretoria, il a tiré sur sa fiancée, un célèbre mannequin, également présentatrice de télévision, qu ' il aurait prise pour un voleur. Il a été inculpé pour meurtre . La police a dit qu'elle s'opposera it à une libération sous caution en raison de précédentes ({ disputes familial es )).

IMMIGRATION PLUTÔT MOURIR .•.

Le 14 février, un jeune Ivoirien qui devait être expulsé d' Italie s'est imm olé par le feu à l'aéroport de Rome-Fiumicino. Selon une source policière, l'homme s'est aspergé d'essence après avoir montré aux douaniers le décret d'exp ulsion lui ordonnant de quitter le pays. Il a imm édiatem ent été hospitalisé dans un état grave.

N' 2719. DU 17 A U 23 FËYRIER 2013

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Démocratie sur

Pour la première fois depuis l'indépendance, l'opposition devrait faire son entrée au parlement à l'issue des législatives du 22 février, La majorité présidentielle

n'est pas véritablement menacée, mais elle pourrait tout de même y laisser des plumes.

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FÉVRIER 2013 JEU NE AFRIQUE

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FRANÇOIS SOUDAN, envoyé spécial

"'-

A l'écheU e de cette petite répub liqu e d'à peine 800000 habitants pour 23000 km2

, c'est un vrai séisme politique : le passage d 'une démocratie pastorale fond ée sur Lille représentation millimétrée des régions, des clans e t d es commu­nautés à une démocratie de type occidental où l'opposiüon pourra enfm accéder à l'Assemblée na tio­nale. Pour la première fois depuis

JEUNE AF RI QUE

 le PR~SlVENT ISM.AIL OPAAR

GuaLEH chez lui, le 2 février. Il partira, assure4-it en 2016.

JlTnnIU~ subsaharienne t

l'i nstauration du multipartisme à Djibouti en 1992, les législaLivesdu 22 févrjer vont en effel se dérou 1er dans le cad re d 'un scrutin de liste mixte avec une dose de propor­tionneU e suffisan te (20 %) pour mettre fIn au règne sans partage du parti au pouvoir, quitte à sacrifier au passage l'expression des com­posantes etlmiques minoritaires. Un inconvénient pOUf un avan­tage de taille : la monochromie de l'hémicycle n 'avait plus rien de politiquement correct aux yeux de l'extérieur] et l'opposition, qlÛ

avait pour habitude de s'abstenir à chaque é lection, a cette fois-ci décid é d 'y participer.

Rassemblée sous le labe l d e l'Union pour le salut national (USN), avec pour figmes de proue deux politiciens seplUagénaires - Aden Robleh Awaleh et Guedi Hared - et pour porte-parole le très actif Daher Ahmed Farah, Belgo­Djiboutien rentré début janvier de so n exil bruxellois, cette derni ère

La monochromie de l'hémicycle n'était plus politiquement correcte.

bénéficie d e l'appui d'un courant islamiste proche des Frères musul­mans égyptiens, le Mouvement pour le développement et la liberté (Model). D'apparition récente, le Madel a pour guide spiri[Uelun imam installé au Canada, le ch eikh Souleymane Bachir, et pour relais locaux des ulémas et enseignants arabisants formés au Yémen eten Arabie saoudHe. Selon nos infor­mations, so n soutien à l'USN se serail négocié au prix fort: un Li ers des candidats éligibl es sur les listes de l'oppositio n.

PRÉTENTIONS. Si elle semble assu­rée de pe rdre quelqu es plumes aux légis latives, la majorité prés i­dentielJ e sortante devrait pourtant conserver son stalUt. {~ La compo­sante arabo-islamiste peut sans doute amener des voix à l'o ppo­siLion elsurtout lui servir de force de frapp e au cas où ce tLe dernière déciderait de porter le débat dans la ru e, estime un diplomateeuropéen qui dit craindre un e proclamation an ticipée des résultats par l'USN. Mais e lle se beurte ra à un obs­tade cu lturel: pour la majorité des Djiboutiens,l'ancragefrancophone es t une garantie existenti elJ e par rapport à des voisins qui rêvent encore de les absorber. ;> Et qui, pOlU l'un d'entre eux au moins, ne s'en cach e guère: l'Érythrée, dont le président, lssayas Afewerki, vielll de récuser publiquement la média­tion du Qatar entre les deux pays,

N' 27 19. DU 17 A U 23 FËYRIER 2013

Page 42: Jeune afrique n°2719 part 1

t Afrique subsaharienne 1 Djibouti, démocratie sur le fil

continue en effet d'affirmer ses prétentions sur le nord de Djibouti.

« Contrairement à nos adver­saires, nous avons un bilan et nous avons un programme ", affirme le chefdel'État, lsmaï! Omar Guelleh (lOG), quise veut {~confiant ,'qllam aux résultats de ces législatives cruciales. Lors d'un emreLien avec JeuneAfriquelle 2 février, dans les jardins de sa résidence, au bord du

.,. Le président dela Commission électorale indépendante, ABOIISMA~l HERSI, lors d'une visite d'inspection

golfe de Tadjourah, l'ancien ch ef de la sécurité, au pouvoir depuis 1999, a réitéré sa promesse de ne pas se représenter à la prochaine présidentielle d'avril 201 G: <~ J'aurai alors 68 ans, et je pense avoir mérité le droit au repos, dit-il. Je me donne donc trois ans pOUf m'organiser. ,}

de développement avec la Chine et l'Inde, dont la réaJisation va bien au-delà de la fin de son propre mandatàla tête du pays,lOGveut rendre irréversible sa vision de l'avenir de Djibouti. Ni une vi1le­État comme Singapour ou Dubaï ni lllle ville-garnison dépendante de la location des bases française el américaine (67 millions de dol­lars par an, soit près de 50 mil­üons d'euros), mais un paysà part entière, en phase avec la globali­sation, qui n'oublie pas son hin­terland, si réduitsoit- il, etprofite à pl ein de sa situation géostraté­gique peu commune. « Il ram, pour me succéder, des gens honnêtes, sérieux et patriotes ,), expl ique- t­U en père de famiUe soucieux de préserver l'héritage. Confidence liminaire, prononcée à mi-voix: {( Oui, j'ai déjà identifié J'homme que je soutiendrai en 2016. Je ne vous dirai évidemment pas de qui il s'agit, c'est pOlU J'instant un sec rel e11lre cette personne el moi. Mais je suis sùr de mon choix. » C'est donc une évidence: au lendemain du 22 révrier, Djibouti entamera u n nouveau chapitre de son histoire avec pour coauteur une opposi­tion bien décidée à perturber ce schéma successoral. C'est dire si la bataille s'annonce rude. _

à la préfecture de Djibouti, le 5 fevrier.

SECRET. En concluant ces derniers mois de très importants contrats

EN ORDRE DE BATAILLE

l'opposition s'apprête L. enfin à faire son entrée au Parlement. Une première rendue possible par la nouvelle loi électorale et qui laisse présager d'inédites joutes verbales lors de la prochaine législature. Jusque-là, la quasi-totalité des élus appartenait à l'Union pour la majorité présidentielle (UMP), qui réunit le Rassemblement populaire pour le progrès (RPP du président Guelleh), le Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie (Frud, l'ex-rébellion alare), le Parti national démocratique (PND) et le

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FÉVRIER 2013

Parti populaire social­démocrate (PSD).

Encou ragée par cette innovation démocratique, l 'opposition participe en force au scrutin, avec une présence dans toutes les circonscriptions. Et pour faire face à la redoutable machine électorale qu'est l 'UMp, ses adversaires se sont regroupés au sein d'une coalition, l'Union pour le salut national (USN I, à laquelle seul le Centre des démocrates unifiés (COU d'Omar Elmi Khaireh), qui a décidé de faire cavalier seul, a refusé de participer. On y retrouve les principales figures de l'opposition:

Guedi Hared, qui a été directeur de cabinet du président Hassan Gouled Aptidon, Daher Ahmed Farah, de retour d'exil, et Abdourahman Mohamed Guelleh. Ce dernier est, depuis début 2012, le maire de Djibouti et la nouvelle coqueluche des détracteurs de la majorité. Les 170000 électeurs auront donc le choix entre les candidats de deux coalitions, l'UMP et l'USN, et ceux du CDU.

Entamée le 6 février, la campagne électorale bat son plein. Sans surprise, les meetings de l'UMP attirent plus de monde -la machine est bien rodée. Cependant,

l 'opposition ne semble pas manquer de souffle. Les charges contre la politique du gouvernement et la gestion des affaires publiques trouvent écho parmi les catégories les plus pauvres. Aux accusations de corruption et de clientélisme, l'UMP réplique en dénonçant les alliances dangereuses entre politique et religion. Certes, les meetings de l'opposition se font le plus souvent en présence de prédicateu rs au discours radical. Mais de là à imaginer l'opposition en train de faire le lit d'AI­Qaïda ... _

CHERIF OUAZANI

JEU NE AFRIQUE

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Petit pays, grandes promesses ... TERMINAL A CONTENEURS du port de Ooraleh.

Les investisseurs se pressent pour se positionner sur un marché attrayant, installé le long de l'une des routes maritimes les plus fréquentées au monde.

Bien décidé à jouer de ses atouts géographiques, Djibouti multiplie ces dentiers mois les projeLs sus­

ceptibles de doper son éco nantie duraIllla prochaine décennie, essentiellement dans les secteurs du transport e t de l'énergie. Confortablement installé les pieds dans J'eau, le JongdeJ'une des routes maritimes les plus fréquen tées au monde et aux portes d'lm marché éthiopien qui reste à désenclaver, le pays entend tenir son rô le de hub au cœur d'Wle régio n aussi propice aux échanges commerciaux que pauvre en infrasLructures. U p eUl pour cela co mpter sur l'aid e financi ère de nom­breux pays, conscienlS de son potentiel dans lasaus- région. A commencer par la Chin e: Exim Bank of China vafmancer à hautew' de 70 miWons de doUars un quai à l'exportation du sel du lac Assai et d'où

d evraient partir 4,5 millions de tonnes par an d ès 2016. Présente sur le dossier - toujours à l'étude - du futur terminal à gaz naturel liquéfié (GNL) de Diibouti pOlU 2]5 milliards d e dollars, la banque d'inves tissement chinoise fmance aussi, pour 4 millia rds d e d oUars, la rénovaLion de l'axe ferroviai re Djibouti - Addis-Abeba, qui devrait être achevée en 201 6. Associée à Ex..im Bankoflndia, elle co nLribue éga­Iement à la constructi o n de la lign e fe r­roviaire tirée entre le port de Tadjourah e t son hinterland , dont le colÎt es t estimé à3,8 miJliards d e dollars.

En matière de transport, c'est l'un d es rares projets qui a échappé aux Chinois] avec celui du futur pon à hydrocarbures confié à des inves tisseurs suisses] sans aUU'e précision pour l'ins tant.

Dansles sectetus del'eauet de l'énergie] les co ntributeurs sont plus variés. Après avoir an no ncé fin 2012 sa volontéde passer au Lout renouvelable d'ici à 2020, Djibou ti a décidé de meure en val eu rses ressources géoLh ermiquesen faisant appel au savoir­faire d e l'Island e puis du Mexique. La prem iè re centrale géothermjque sera pourtant chinoise, après la signature du

Des atouts, Djibouti en a beaucoup. Les Chinois, très présents, ne s'y sont pas trompés.

contrat en juille t 2012 avec le groupe Sinopec pour la construction d'unewlÎté de 300 MW dans la région du lac AssaI. L'Union européenne apporLe41 millio ns d'euros

SAVOIR-FAIRE. Financé à hauLeur de 67 million s de d ollars par les fonds de développemenLarabeetsaournen, le po rt en eau profonde de Tadjourah, donL les Lravaux onL d émarré e n décembre 2012, p erm ettra à partir de 2015 d'exporte r chaque année près de 8 millions de tonnes de potasse extra ites du nord de j'Éthiopie.

pou ria co nsLructio n avanL la fin de cette annéed'u ne usine de dessalement alimen­tée par des éo lie n nes qui p ou rraient bien ê Lre qatari es. Plusieu rs respo nsables des d eux pays se sont renco nLrés à Doba en janvie r pour renforcer leur coopé ration technologiqu e . •

OLIVIER CASLIN

Au delà de l'image ... nous rendons compte EUROPE

• BOUQUET AFRICAIN THEMA

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LIBYE

Confidences de

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Maghreb Moyen-Orient t • 1 5

Cinq compagnons de route du « Frère Guide» ont accepté de se confier au journaliste libanais Ghassan Charbel, qui a rassemblè ces entretiens dans un livre en arabe rècemment paru. Florilège.

YOUSSEF AïT AKDIM

n mégaloman e imbu de son importance, en réalité toutà fait mineure sur la scène interna­tionale, qui se donne licence de jeter la Charte des Nations unies à la tribune de l'Assem blée générale lors d'un discours interminable et grotesqueoüil demanda, parexemple, l'ouver­

Lure d'une nouvelle enquête sur l'assassinat de Jolm Fitzgerald Kennedy. Ou peUl-être lm sanguinaire quirecollvrait son sadisme d'Lm voile pseudo-intellectuel, convaincu d 'ê tre investi d'une grande mission el prompt à lraiter ses courageux opposants de« chiens errants ». Impulsif el arrogant] il aimait se créer des ennemis, partout eL à tout bout de champ. Aveuglé par les courtisans qui chantent sa louange à la demande, il affectait un goût pour les lettres. Ou alors seulement un aULodjdacte sans Laient, conune U existe des analphabèLes diplômés et des artistes raLés, obsédé par son image et auteur d'un Livre vert jamais pris au sérieux de son vivant, malgré les mi Ujons de copies déversées sur les cinq continents et dont on a retrouvé des stocks considérables après sa chute.

Alors, Kaddafi, un simple bouffon? «Attention, il tue )), aver­tissaitleune Afrique en juin 1980. Jusqu'à la fin de son règne de quarante-deux ans, Mouammar Kaddafi aentretenu sa propre légende. Celle d'un dictateur, cruel et délirant, menaçant de pourchasser les " rats ;> (les insurgés) zenga, zenga ( ( rue après rue ;}), dès le déclenchement de leur soulèvement. Ceux-là mêmes qui le débusqueronL dans une canalisaUon près de Syrte, le 20 oCLobre 2011, avant de le lyncher sous les caméras de leurs Léléphones portables.

Aujourd'hui en exil, voguantentre Le Caire, Amman, Rome et Paris, cinq compagnons de routedu ,( Frère Guide;}o otaccepté de se confier au journaliste libanajs Ghassan Charbel: Abdessalam Jalloud, membre du Conseil de commandement de la révolution (CCR), longtemps numéro deuxdu régime et chef des Comités révolutiomlaires; Abdelmonem el-Houni, membre du CCR, tour à tour chefdes renseign ements et min istre de n ntérieur et des Affaires étrangères i les dlplomates Abderrahmane Chalgham et Ali Abdessalam Troo, tous deux ex-ministres des Affaires étrangères; et enfin Nomi el-Mismari, chef du protocole. Publiés dans Al-Hayat, leurs entretiens avec Charbel ont été rassem­blés dans le livre Sous fa Lente de Kaddaji (les compagnons du colonel révèlent les secrets de son règne), qui vient de paraître aux éditions Riad El-Rayyes (Beyrouth).

N' 2719. DU 17 A U 23 FËYRIER 2013

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reb

Ce qu'ils disent de lui

Ali Abdessalam Triki Ministre des Affaires étrangères, ministre des Affaires africaines, ambassadeur à paris, représentant permanent à l'ONU

" [LORS DE SO N DISCOURS à J'As­semblée gé nérale d e l'ONU e n sep­tembre 2009, NDLRJ, Kaddafi aprofité de sa présence à la tribu ne pOUI jete r la Charte des Nations uni es. Le secré­taire général Han Ki-moon semblait très déçu et voulaillui demander de mettre fin à so n discours. Je lui ai dit de prendre son mal en patience parceque je craignais ull e réac ti o n imprévisible de Kaddan. J'avais h o nte, au p o int de me couvrir le visage avec ma main. La ph oto est paru e dans la presse. r ... ] ,( La plupart du temps, il était juste dan s un autre mond e. Il était convaincu d'être u n e personnalité exception ­ne lle ayant pOUf mission de changer le monde. Il n 'avai t pas con scie nce des limites de la Libye, ni d es limites de sa personne. Quand un gouver­n ant de celte trempe remporte le plus modes te des succès, il se croit rapide­ment irrésistible. [ ... ] ,( Diplomate sous Kaddafi, c'é tait un métier de chien. U fallait constamment

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FÉVRIER 201 3

réparer le tort qu'il faisait par ses déclarations] ses sau tes d'humeur, ses mani es. [ ... ] ,( Il ne respecta it pas les usages di plo­matiqu es. Il m'a d e mandé un jour de tran s me LLre un message au roi Hassa n II] e n in s ista nt p our que je dise au roi qll'iJ es t "un réactio nnaire et li n co Llabo'; et d'autres accusations encore. Imaginez un peu la scène. Bien sûr, nous n e portion s pas ce genre de message dans ladiplomatie libyenne. Un autre jour, parce qu'iJ n'appré ­ciait pas le ton employé par Hosni Moubarak pour convoquer lme réu­nion urgente de la Ligue arabe, il a voulu lui répondre "nous ne sommes pas tes serviteurs': [ ... ] ,( Après la tenta Live de putsch conLIe lui en 1975, il a changé. Il ne faisait plus co nfian ce à pe rs o nn e. Il é tait obsédé par la con servation du pouvoi r et la lutte contre tout ce qui p ouvait le me nace r. 1 ... ]

« Au cou rs d'u n entre ti en au Krem lin , en pJein milieu d'une phrase, Kadd atl jette un œi l à sa montre et déclare que c'est l'h eure de la pri è re. La discus­sion s'arrête et Kaddafi prie sur place. C'étaitcertainement une pre mi ère au KremUn. [ ... ] « Le vide laissé par la mort d e Gamal Abdel Nasser encourageait les ambi­tions de ceux qui rêvaient de prendre sa place, dont Mou a mm a r Kadda ll et Sa ddam Hu ssein. Ces deux-là se haïssaient et se glissaient des p eaux de banane: Saddam arme Hissène Habré [penda nt la guerre Ubyo-tchadienneJ, Mouammarsoutient les Kurdes, reçoit 1 eurs 1 eaders, lalal Talabaniet Massoud Barzani. [ ... ] ,( Kaddafi a proposé une forte somme à Saddam pOUf que ce dernier lui Jivre Mohamed el-Megaryef [un des leaders de J'opposition d 'alors, aujourd'hui présid e nt du Pa rle m ent], ça n 'a pas abouti. Mais ça a march é avec Hassan Il, qui a remis Omar el-Mhichi, ancien compagnon de Kaddafi.ll a été transféré à Tripoli] où il a été exécmé.)o}

Abdessalam Jalloud Membre du CCR, Premier ministre, fondateur des Comités révolutionnaires

\( JE L'AI CONNU pour la première fois à Sebha, e n 1959. Nousétions emprisoIUlés pour notre partic ipation à des manifes­tations de lycéens. On nous a mis dans la même ce llule et nous avons partagé l'uniqu e couverture. Plus tard, c'es t lui qui m'a inscrit à l'académie mjlitaire. Il pensait déjà à la révolution. )}

Abdelmonem el-Houni Membre du Conseil de commandement de la révolution (CCR), ministre de l'Intérieur et des Affaires étrangères, représentant auprès de la Ligue arabe

« KADDAFI A lOTIO MARQUIO PAR SES ORIGINES. Il a grandi dans le désert de Syrte, dans Je besoin. Son père était un pasteur très pauvre. Il devait marcher dix kilomè tres par jour pOUf aIJer à l'éco le. Parfois, qu andil n'y avai t pas de transport, il dormait dans Wl€ mosquée. [ ... ]

,0; Il assurai t un salaire m ensuel à Moubarak e t à Ben Ali. Il a ach eté un avion au président égyptien, et il était reconnaissalll à Ben Ali d'avoir fermé la frontière occidentale vis-à-vis des oppo­sanLS libyens. )o}

JEUN E AF RIQUE

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Nouri el-Mismari Directeur du protocole, ministre d'État

« lA PROPOS DE I:IMAM MOUSSA SADRI J'ai reçu un appel de Abdallah Sen oussi, qui é tait à l'é poque officier dans les renseign ements militaires: il m'a donné trois passeporls en me demandant d'obte nir d es visas itali e ns pour des invités du gouver­nem ent. L'un d e ces passe­po rts éta it celui de Sadr. Ça a pri s du temps, Senoussi tré­pignait. J'ai co mpris plus la rd que l' ima m avait été enlevé et qu'on avai t essayé de ma quil­ler son voyage à Rome. [ ... ]

« Il é tait caractéri e l. Parfojs, il se réveiU aü et me disa it: "Ramè ne-moi le n èg re'; e n parlant d'un chef d 'État afri­cain. Et après J'entretien : "Le nègre est parti. Donnez-lui quelque chose:' [ ... ]

(i Quand il était en conflit avec sa femme Safia] il se reli­rait dans son blmker sous Bab el-Aziziya. Il y ava it so n harem, avec épb èbes et con cubines. Il y res tait UIl mois ou deux et on sava it a lors qu ' il plo n­geait dans le stupre et la fête. 1 ... ] Il prenait des aoa­boll sants, que lui rappor­tait SenoussLI ... ]

« Lors d'une pa rti e d e c h asse e n Roumanie, il a faittuerun des officiers libres, Salah Bou faroua, car il détenait des pre u ves que la m ère de Ka dd a fi é t a it juive. Deux diplo­mate s en poste à Rom e ont été exé­cutéspourJamême raison. [ .. . ]

ii Il é tait sadique avec les femmes. J'ai é té témoin de deux cas d'agres­sion contre une

JE UNE AFRIQUE

u niversitaire nigérian e e t contre l'épouse d'un homme d'affaires suisse. La première a reçu Lm "dédommagement" de 100000 do lla rs. l:auLre affaire a été couverte par Lill investissement avec1a société suisse. [ ... J

ii Bachir Saleh m'a raco nté que le préside nt gab o na is O ma r Bon go lui ava iL fa it écouter un e nregis tre me nt de communications télépho­niqu es enLre son épou se et Kaddafi. C'était une conversa­ti on galante. Bongo était très en colère. [ .. . ]

« Kadd a fi é tai t fé ru de livre s d ' hi sto ire et a do ra it surprendre ses interlocu­teurs étrangers en évoquant des détails peu connus. [ .. . ]

{i Qua nd Kan Anna n es t venu en Libye à propos de Lockerbie, il l'a rail a tlendre

Lille journée entière, Il l'a accu eilli sous un e te nte da ns le dése rt, j'a i vu qu 'An nan é ta it terro ri sé. »

Confidences de kaddafistes

Abderrahmane Chalgham Ministre des Affaires étrangères, représentant permanent à l'ONU

« KADDAFI ÉTAIT CON DESCENDANT avec les jeunes dirigeants arabes. Il appelait Mohammed VI "m on fils': Il faisa it la m ême chose avec Bachar al-Assad e t Abdallah Il de Jordanie. [ ... ]

Le s Êgyptien s tenten t une m édia tion elllre Kaddafi et le roi Abdallah d 'Arabie. Il s'emporte cOlllre le minis tre égyptien des Affaires é trangères Ahmed Abou Gh eit et le d irecteur des re nseign ements Omar Souleima ne : "Vo us êtes des agents des Saou diens qui vous achète nt Moi auss i j'a i de l'argent !" l ... ]

«l'ex-Premier ministreC houkri Ghanem a tenté de réfo r­me r les ins titu tion s, majs il est diffic ile de réfo rm er qua nd l'épouse Ubanaise de Hannibal [un des fil s de Kadda fi ] peut envoyer un Airbus de Tripoli à Beyrouth pour tran sporter un s imple ch.ien. »

1 L'AUTEUR, GHASSAN CHARBEL Journaliste et écrivain libanais, il a démarré sa carrière au se in du quotidie n libanai s de référence Annahar, avant de rejoindre l:Agence France-Presse, puis le journal panarabe à capitaux saoudiens Asharq AI-Awsat. Depuis 2004, il est directeur de la rédaction d'AI-Havat, l'autre grand quotidien panarabe. Il a publié de nombreux ouvrages d' entretiens avec des personnalités arabes, dont les Libanais Rafic Hariri, Walid Joumblatt, Michel Aoun, Nabih Berri, Samir Geagea. Charbel a également interviewé Khaled Mechaal , Georges Habach e et Carlos . •

Sous la tente de Kaddafi (les compagnons du colonel révèlent les secrets de son règne), Ghassan Charbe l, éd it ions Riad EI­Rayyes, Beyrouth, 2013

N' 27 19 . DU 17 A U 23 FEVRIER 20 13

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t Maghreb Moyen-Orient

IRAN· ÉTATS·UNIS

Obama tranchera-t-il le nœud gordien? En laissant ouverte la porte des négociations avec Téhéran, la Maison Blanche se donne les moyens de mettre fin à trente-quatre années d'hostilité ininterrompue. Encore faut-il qu'elle change d'approche.

Les négociations avec l'Iran sont réapparues sur l'agenda Îmerna­lion al. Après neuf mois d' inter­ruption des discussions, les cinq

membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne - le P5+ l - doivent se réuni r avec les 1 raniens le 25 févri e r au Kazakhstan. Quelles sont les perspectives de succès? En brer, eUes semblent dépendre davantage du cli­mat à \IVashingtoD qu'à Téhéran. Car si l'Iran manifeste sa volonté de négocier, les Ëtats-Unis n'ont pas montré plus de

hrj~~.~anetê-pàrtage~èè~1 NOUS CROYONS QU'IL Y A DUTEMPS ET DE LA MARGE

POUR LA DIPLOMATIE, SECONDÉE PAR UNE PRESSION ÉCONOMIQUE.

JOE DIDEN, vice-préSident des États-Unis, le 2 févner

Le 10 févrie r, à Téh éran, le prés ident Mahmoud Ahmadinejad a fail un impor­tant discours 011 il s'est adressé aux États­Unis. ,( Cessez de braquer votre canon sur la tempe de la nation iranienne et je viendrai moi-même négocier avec VOUS )), a-t-il déclaré. AUlllême mom ent, l'ambassadeur d'Iran à Paris affirmait à des fonctionnaires français que, si un accord était trouvé sur un programme de travail, l'Iran serait prêt à laisser les inspecteurs de l'Agence internationaJe de l'énergieatom.ique (AlEA) examiner le site de Parchin, un e instaUation de l'armée où auraient été elIectuées des rech erches nucl éaires militaires. Ahmadinejad a lui-même répété qu e l'Iran était prêt à cesser d'enrich.ir de J'uranium à 20 % si lacommunauté internationale acceptait de fournir ce minerai pour le réacteur de recherch e de Téhéran qui produit les isotopes nécessaires au traitement des cancéreux .

.. LORS DES FUNÉRAILLES de Mostafa Ahmadi-Roshan, un scientifique

iranien assassiné le 11 janvier 2012.

N' 27 19 . DU 17 AU 23 FËV R1ER 2013

Selù signe encourageant des États-Unis, le vice-président] joe Biden] a suggéré le 2 février à la conférence de Munich sur la sécurité que le tem ps était peut-éLIe venu d'engager des pourparlers bilatéraux entre 1'1 ran et son pays. Le min.istre iranien des Affaires é trangères, Ali Akbar Salehi, y avait répondu favorablem ent, tout en précisantquel'l ran chercherait à s]assurer que cette offre était bien (, authentique) et non ~(sournoise ). La voie vers un accord américano-iranien est sem ée d'obstacles, et la méfiance profonde entre les deux États n'en est pas le moins important. Les experts ne sont guère optimistes sur la possibilité de progrès imminents. ~lrall va pour sa part certainement ajourner toute décision stratégique majeure jusqu'à l'élection] en juin, d'un nouveau président pour suc­céder à Ahmadinejad. Elles Américains

doivent, de leur côté, garantir à leurs alliés arabes du Golfe qu'ils ne tomberont pas sous la domination iranienne el qu'ils continuerontà bénéflcier de la protection américaine.

OBSTACLES. L'État hébreu, proche allié des États-Unis, constitue Wl obstacle plus grand encore. Les Israéliens s]opposent fermement à tout arrangement quj per­mettrait à l'Iran d'en richJr de l'u ranium, mêm e au niveau très faibl e de 3,5 %. Refusant la moindre concurrence à son form.idabJe arsenal atomique, Tel-Aviv cherche depuis longtemps l'arrêt total du programme llucléaire de Téhéran. Il a ainsi assassiné plusieurs scientifiques iraniens et s'est joint aux États-Unis pour mener une guerre cybernétique C011lre les installations nucléaires de la

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République islamique. Son belliqueux Premier ministre, Benyamin Netanyahou, a pendant des années exercé des pres­sions sur Obama pour que soit détruit le programme nucléaire iranien et - mieux encore - pOUf qu'il abatte le régime islamique.

J'ESPÈRE QUE LES POURPARLERS SERONT PRODUCTIFS ET QUE

DES PROGRÈS CONCRETS SERONT RÉALISÉS ENVUE D'UNE SOLUTION NÉGOCIÉE.

CATHERINE ASHTON, chef de la dlplomatre européenne, le 5 févner

Face à de tels obstacJes, Wl€ prépara­tion minutieuse est indispensable pour que les Ëtats- Unis et l' Iran pu issent par­venir à un accord. Obama devra mobili­ser wllarge soutien domestique en cas de confrontation avec les cohortes des forc es pro-israéliennes en Amérique: des membres du Congrès qui défendent les intérêts de l'Élat hébreu quoi qu'il en cOÎlle, de puissanls lobbys comme

JEJ NE AFR IQUE

J'Aipac, des barons des médjas, de grands flnanciers juifs comme Sheldon Adelson, la phalange des stratèges néoconserva­tems des think tanks de droite, d'influents fonctionnaires et de nombreux autres acteurs acquis à IsraëL Le coût politique d'une telle audace pourrait êlre très élevé. Élu pour un second mandat, Obama jouit toutefois d'une liberté et d'une autorité plus étendues qu'auparavant.

Les 20 et 21 mars, le prés idem amé­ricain doit se rendre en Israël, ce qu'il n'avait pas fait au cours de son premier mandat. CetLe visite sera la première à l'étranger de son second mandat - tout

un symbole. La Maison Blanche aime­rait laisser enlendre qu 'e Ue annoncera u ne initiative majeure, que ce soit sur le conflit israé lo-paJes tini en ou sur J'Iran, mais Obama ne pourra éluder certaines questions. Il pourrait toutefois choisir de les évoqu er lors de ses entre ti ens pri­vés avec les dirigeants israéliens plutôt qu'en public. On s'attend à un message en deux volets: Israël ne doit plus tarder à accorder la souveraineté aux Palestiniens, aussi douloureux que cela puisse être, et devrait prendre garde à ne pas faire de l'Iran un ennemi éternel. Ces deux conflits risqu ent d'isoler Tel -Aviv sur la scène internationale et de menacer ses intérêts à long terme, sinon son existence même.

Durant son premier mandat, Obama a su résister aux pressions de Netanyahou, qui voulait l'amener à déclarer la guerre à J'Iran. Un demi-succès toutefois, puisque Obama n'a pu apaiser le bellicisme du Premier mlnistre israélien qu'en imposant à Téhéran un train de sanctions d'un e sévérité sans précédent. Celles-ci ont divisé par deux les exportations pétro­lières de l'Iran, provoqué l'effondrement de sa monnai e, entraîné une innation galopante, rompu ses liens avec les banques internationales et innigé de graves djfficu !tés à sa popuJation.

La qu estion clé aujourd'hui es t la suivante: quelles sont les intentions d'Obama? Cherche-t-illachute du régime islamique, comme Je souhaiterait Israël, ou veut-il simplement limiter ses ambi­tions nucléaires? S'i 1 vise le changement derégime, alors les sanctions devront être encore alourdies et prolongées indéfini­ment. Mais sUe but d'Obama est d'obtenir un accord avec les Iraniens, alors il doi t au moins accéder à certaines de leurs demandes, comme l'allègement des sanctions, l'acceptation du droit iranien, garanti par le traité de non-prolifération,

Maghreb Moyen-Orient t à enrichir de l'uranium à lUl faibl e degré à des fins pacifiques, la reconnaissance de ses intérêts sécuritaires, de la légitinuté du régime islamique né de la révolution de 1979 et de son rang de puissance régio­nale majeure.

AUDACE. Le P5+ 1 eSl si divisé qu'il est peu probable qu'il améliore substantiellement sa dernière et uès mince oUre, qui consis­tait à proposer quelques pièces détachées d'avion si l' Iran abandonnait son pro­gram me d'en richissement à 20 %, la carLe maîtresse des on jeu. C'est la paralysie des négociations avec le P5+ 1 qui a accrédité l'idée que des progrès pourraientvenir de pourparlers bilatéraux entre Américains e t Irani ens, et peut-être même d'un e rencontre au sommet entre le présid ent Obama et l'ayatollah Khamenei. POUf

qu'un tel sommet ait lieu et réussisse, les États-Unis devront changer d'approche. Le Guide suprême a fait clairementcom­prendre que l'Iran ne négocierait pas sous la menace d'une attaque. Des concessions seront nécessaires. Et, Stlftout,l'Iran veut être traité avec respect. Tel est le défi auquel Obama fait face.

Enfm, n'oublions pas qu'il n'y a jusqu'à présent pas la moindre preuve que 1'1 ran ait décidé de fabriquer des aImes nucléaires. Il n'a pas non plus développé de vecteur fiable pour atteindre Israël, concentrant ses efforts sur des nussil es de moyen ne portée. U est en outre dépourvu de capacité de seconde frappe. Comme le président Ahmadinejad l'a souligné pendant sa visite au Caire au début de févri er, l'1ran n'a pas l'intention d'attaquer Israël. Sa position est purement défensive.

CESSEZ DE BRAQUER VOTRE CANON SUR LATEMPE

DE LA NATION IRANIENNE ET JE VIENDRAI MOI-MÈME NÉGOCIER AVEC VOUS.

MAHMOUD AHMADINEJAD, président de la République Islam!que d'Iran, le 10 févner

Si Obama voulait agir avec audace et inspiration, il pourrait désamorcerun pro­blème tenace qui empoisonne la région depuis des années. Il est temps pOlU les États-Unis de faire revenir l'Iran dans la communauté des nations régionales et de mettre lm terme à lfellle-quatre années d'hostilité ininterrompue . •

PATRICK SEALE

N' 2719. DU 17 AU 23 FËYRlf R 2013

Page 50: Jeune afrique n°2719 part 1

.Â. OBSÈQUES O'ABOERRAZAK BOUHARA , le 11 fêvrier, à Alger.

""3id" Le FLN orphelin Avec la mort soudaine d'Abderrazak Bouhara, la perspective d'un secrétaire général consensuel pour diriger le premier parti du pays jusqu'à la tenue du prochain congrès semble s'éloigner.

Presse nti pour succéder à Abdelazjz Belkhadem, secrétaire général du Front de libération naUonale (FLN, ex-parti unique),

destitué le 31 janvier après un vote de défiance du Comité central, Abderrazak Bouhara, 79 ans, ancien coo rdonnateurde l'appareil du parti dans les a rmées 1980, est décédé dix jours plus tard, emporté par une crise ca rd jaque. Un scénario catastrophe pour la prem ière force pol itique du pays au lendemain de deux échéances éJectoraies qu'eUe a largementremportéesetà Wl an d'une présidentieUe (prévue en avril 20 14) cruciale pou r l'avenir de l'AJgérie.

La destitution de Belkhadem a été des plus démocratiques, le secrétaire général sortant ayant été battu de quatre voix( 160 contre 156)lorsd'lm vote à bulletin secret. La maj orité du Comité central a ensuite opté pour un successeur consensuel jusqu'à la tenue dul De congrès ordinaire,

N' 27 19 . C'U 17 AU 23 FÉVRIER 2013

prévu au second semestre 2013. Dans un parti éclaté en trois grandes tendances (voir }.A. n() 2713), Abderrazak Houhara était la seule personnalité répondalll à ce profil: an cien officier de l'Arm ée de libération natio nale (ALN), historien et jouissant d'Wl egrande expérience au sein du sérail, il aurait pu être ce fédérateur dont le FLN avait grandemenL besoin. Sa disparition a plongé le pani, direc­tion et militants, dans un grand désar­ro i, car l'option du candidat consensuel est définitivement enterrée. « Le FLN est aujourd'hui contraint de revenir au sandouq [l 'urn e, NDLH] pour se choisir un nouveau secrétaire général, déclare Abdelhamid SiAffif, m embre du Bureau politique, d'autant plus que nous venons d'adhérer à l'Internationale socialiste, une institution pointilleuse en matière de pratique démocratique. » SiAffif était ~ comptabilisé )i parmi les soutiens du

secrétaire général so rtant, le ca mp des « redresseurs » n'a pas Lardé à répliqu er. « Nous poursuivons nos concertations, a réagi AbdeLkrim Abada, ancien bras droit d'AJj Benflis, prédécesseu r de BeLkhadem, pour tenter de trouver une personna­lité qui puisse fédérer l'ensemble de la familJ e FLN. »

Le fon ctionnement du parti étant qua­siment gelé depuis le 31 janvier, cette quête de l'oiseau rare devra se faire lfès vite, soit avant la tenue de la prochaine session du Co mité central, dont la date devait être fixée lors d'un e réwlion du Bureau politiqu e, le 14 févri er. Deux options se présentent, toutes deux pleines d' in certitudes. L'un e découlerait d'une quête fructu euse du fam eux candidat de consensus, l'autre d'un e décision par la voie des urnes.

ANCIENNES FIGURES. Pour la pre­mi ère, le FLN devrait puiser dans ses réserves d'anciens dirigeants, parmi les­quels figurent Rabah GOlldjil, 78 ans, actuellement membre du Conseil de la nation (Sénal), ex-ministre de Chadli Bendjedid (c'est dire son ancienneté) et l'un des plus farouches opposants de Belkhadem, ou Abderrahmane Belaya t,

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