la gazette des jockeys camouflÉs - n°9

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LA GAZETTE D E S J O C K E Y S C A M O U F L É S « La Gazette des Jockeys Camouflés » est un tabloïd mensuel de littérature installé dans les marges de la collection « Les Jockeys Camouflés » publié par Bãzãr édition. Parce que la poésie est inadmissible, le poème y tiendra une grande part avec des traductions inédites de poètes étrangers et des interventions d’auteurs contemporains. N U M É R O 9 - S E P T E M B R E 2 0 1 3 LA GAZETTE DES JOCKEYS CAMOUFLÉS EST ÉDITÉE PAR BÃZÃR ÉDITION - RÉDACTION : LILIANE GIRAUDON ET THOMAS DOUSTALY - CONCEPTION GRAPHIQUE : MARC-ANTOINE SERRA - TÉLÉCHARGEZ LA GAZETTE DES JOCKEYS CAMOUFLÉS SUR BAZAREDITION.COM LEZAMA LIMA SARAH KÉRYNA FABIENNE LETANG HUBERT COLAS

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« La Gazette des Jockeys Camouflés » est un tabloïd mensuel de littérature installé dans les marges de la collection « Les Jockeys Camouflés » publié par Bãzãr édition. Parce que la poésie est inadmissible, le poème y tiendra une grande part avec des traductions inédites de poètes étrangers et des interventions d’auteurs contemporains.

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Page 1: LA GAZETTE DES JOCKEYS CAMOUFLÉS - N°9

LA GAZETTEd E s j o c k E y s c A m o u f L é s

« La Gazette des Jockeys Camouflés » est un tabloïd mensuel de littérature installé dans les marges de la collection « Les Jockeys Camouflés » publié par Bãzãr édition.

Parce que la poésie est inadmissible, le poème y tiendra une grande part avec des traductions inédites de poètes étrangers et des interventions d’auteurs contemporains.

n u m é r o 9 - s E p T E m b r E 2 0 1 3

LA GAZETTE dEs jockEys cAmoufLés EsT édITéE pAr bÃZÃr édITIon - rédAcTIon : LILIAnE GIrAudon ET ThomAs dousTALy - concEpTIon GrAphIQuE : mArc-AnToInE sErrA - TéLéchArGEZ LA GAZETTE dEs jockEys cAmoufLés sur bAZArEdITIon.com

lezama lima

Sarah Kéryna

fabienne letang

hubert colaS

Page 2: LA GAZETTE DES JOCKEYS CAMOUFLÉS - N°9

B Ã Z Ã Re d i t i o n

collect ion “les Jockeys camouflés”

NÉcessaire et urgeNt est un manuel de questions (524) à poser aux fantômes, ceux des corps disparus. il aborde sous une forme quasi vocale le problème de la mémoire et de « la douleur au membre fantôme ».Pourquoi sont-ils restés sur place ?Pourquoi ne sont-ils pas partis ?Parce que c’était leur terre natale ?Qu’ils étaient nés dans ce pays ?Qu’ils voulaient s’y faire enterrer ?Qu’ils n’avaient nulle part où aller ?

La coNditioN des soies paru en 1982 aux Éditions de Minuit, enfin réédité, est un livre radicalement transgenre (récit et poésie et théâtre) ainsi que transformiste (y circulent personnages tout à la fois homme et femme, mort et vivant, jeune et vieux)… superbement scandaleux, ce livre renvoie à la splendeur des aurores boréales comme à la passion érotique des étoffes de clérambault…

un cahier de photographies d’arno gisinger articule ces deux textes non pas sous forme illustrative mais dans une fonction méditative d’arrêt sur image.

BÃZÃR

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aRno GisinGeRnécessaiRe et uRGent

suivi de la conDition Des soies

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NECESSAIRE_COVER.indd 1 04/03/13 19:38Annie ZAdek

images Arno gisinger Nécessaire et urgent suivi de La Condition des soies

ISBN : 978-2-9539327-2-0

20 euros

c o L L E c T I o n « L E s j o c k E y s c A m o u f L é s »

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Page 3: LA GAZETTE DES JOCKEYS CAMOUFLÉS - N°9

B Ã Z Ã Re d i t i o n

CATWALK

JE AN-JACQUES

V ITONL A R O C H E G A U S S E N

COLLECT ION « LES JOCKEyS CAmOUfLéS »

Catwalk est un faux roman-photo.légendes et personnages y circulent selon le principe

de l’errance. Seule la nuit, unité de temps, de lieu et d’espace est véritable.

BÃZÃR

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JEAN-JACQUES VITON +

LA ROCHEGAUSSENCATW

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CATWALK-COVER.indd 1 06/03/13 09:48

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JeAn-JAcques Viton images LA rochegAussen

Catwalk

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TokonomA

L A G A Z E T T E d E s j o c k E y s c A m o u f L é s

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lezama limaJosé Lézama Lima (1910-1976) écrivain cubain (La Havane) considéré avec la publication de son roman Paradiso comme le Proust des Caraïbes était aussi un essayiste et un poète qu’on a classé comme un héritier de Gongora et de Mallarmé. Fondateur de la célèbre revue Origenes, après avoir été mis au pilori pour « activités contre révo-lutionnaires » un hommage posthume lui sera ren-du en 1993 dans le film cubain Fraise et chocolat de Juan Carlos Tablo.

Les poèmes ici traduits (par Henri Deluy, Liliane Giraudon et Jean-Jacques Viton) sont extraits de Fragmentos a su imàn et de Dador Poesia Completa (Letras Cubanas).

Le paviLLon du vide

Je vais avec une visdemander au murune sonorité sans couleur.une couleur recouverte d’un manteaumais je vacille et momentanémentaveugle, je peux à peine me plaindre.Soudain, je me souviens,avec les ongles je commence à ouvrirle tokonoma sur le mur.J’ai besoin d’un petit vide,Alors je commence à me réduirepour réapparaître à nouveaum’approcher et mettre le front à sa place.Un petit vide sur le mur.

Je suis dans un cafémultiplicateur de l’ennui.L’insistant daïquiri (1)

revient comme un visage inutilisablepour mourir, pour le printemps.Je parcours des mainsle revers de la veste qui me paraît froid.Je n’attends personneet insiste ; quelqu’un doit venir.Soudain, avec l’ongleje fais un petit creux sur la table.Alors j’ai le tokonoma, le vide,la compagnie insurmontable, la conversation au coin d’une rue d’Alexandrie.Je suis avec lui dans une rondede patineurs sur le Prado. (2)

J’étais un enfant qui respiraittoute la brume tenace du ciel,maintenant avec le vide, comme un chatqui enveloppe tout notre corpsd’un silence plein de lumières.

Avoir prés de ce qui nous entoureet prés de notre corpsl’idée fixe selon laquelle notre âmeet son enveloppe entrentdans un petit vide sur le murou dans un papier de soie gratté avec un ongle.Je commence à me réduireje suis un point qui disparaît et revientet pénètre tout entier dans le tokonoma.Je me fais invisibleet je retrouve mon corps à l’enversnageant sur une plage,entouré de bavards aux étendards de neige,de mathématiciens et de joueurs de ballonen train de décrire une glace au mamey (3).Le vide est plus petit qu’une carte à joueret peut être grand comme le ciel

mais nous pouvons le faire avec notre onglesur le rebord d’une tasse de caféou sur le ciel qui tombe sur notre épaule.

Le début s’unit au tokonoma,dans le vide un kangourou peut se cachersans perdre sa jubilation bondissante.L’apparition d’une grotteest mystérieuse et révèle son terrible.Se cacher là c’est trembler,les cors des chasseurs résonnentdans la forêt gelée.Mais le vide est apaisant,nous pouvons l’attirer avec un filet l’inaugurer dans l’insignifiance.Je gratte le mur avec l’ongle,la chaux tombecomme si c’était un morceau de la coquillede la tortue céleste.L’aridité dans le videserait-elle le premier et l’ultime chemin ?Je m’endors, dans le tokonomaje fais disparaître l’autre qui suit en marchant.

(1) Le daïquiri est un cocktail cubain à base de rhum et de citron vert(2) Le Prado est une avenue de La Havane(3) Le mamey est un fruit considéré comme l’abricot des Antilles(4) Baltazar Gracian (1601-1658) écrivain jésuite du siècle d’or auteur de L’homme de cou(5) Glaucos, roi légendaire de Corinthe, dévoré par ses chevaux pour avoir méprisée la puissance d’Aphrodite(6) Cronos, fils de Gaia et d’Ouranos, Cronos « aux pensées fourbes » castrera son père (Hésiode, La théogonie)(7) Aldebaran, étoile de première grandeur dans la constellation du taureau.(8) Brisque : jeu de cartes

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TokonomA

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antoine et CLéopâtre

Les galères, brascroisés sur le serpentet l’œil de la turquoise souilléepar des poussières de safran.Les eaux de soiecontemplent avec des yeux argentésles vermiceaux qui sillonnent les voilesde la trirème romaineavec une voluptuosité qui rayedoucement les trous de la flûte.La lumière se répartit jusqu’à être touchéepar la proue et la mouettetremble en recevant cette impulsioninespérée qui déplace et caresseles plumes solaires de l’oiseauintervertissant les couleurs du bûcher.La tiare glisse au niveau des eaux,pour y aimanter le sourire subdivisé des sardines.(chaque sardine une morsure dans la tiare)(chaque tiare dans les volcans de la lunese met à danser, vieux corsage de taffetas violet.)Le vent dilate les tuniquestandis que l’accordéon rythme les mouvements.Le serpent cherche les doigts pas la queue,l’index annelé dirige la morsure.Le sorcier indique le mollet,voudrait participer au banquetet ne plus lire dans les étoiles qui défont leurs lettres.Le messager effrayé par les eunuquesmurmure tout prés de la galère de soie.A la poupe, une bassine d’algues le cache.La nudité de Horusest égale à la mort.Les rames se brisent sur la tête des crocodiles,elle prépare les sauts du corsage tendu de violet.La galère s’arrête, un coup de cymbalesà l’attaque de chaque vague.Le serpent saute sur la dunette des musiciens.Nous disons galère de soieet fermons les yeux.La réminiscence millénaireagite de nouveau le serpent, alorsla queue se reconstruit.On voit le cloporte approcher la laitue.

mais nous pouvons le faire avec notre onglesur le rebord d’une tasse de caféou sur le ciel qui tombe sur notre épaule.

Le début s’unit au tokonoma,dans le vide un kangourou peut se cachersans perdre sa jubilation bondissante.L’apparition d’une grotteest mystérieuse et révèle son terrible.Se cacher là c’est trembler,les cors des chasseurs résonnentdans la forêt gelée.Mais le vide est apaisant,nous pouvons l’attirer avec un filet l’inaugurer dans l’insignifiance.Je gratte le mur avec l’ongle,la chaux tombecomme si c’était un morceau de la coquillede la tortue céleste.L’aridité dans le videserait-elle le premier et l’ultime chemin ?Je m’endors, dans le tokonomaje fais disparaître l’autre qui suit en marchant.

visite à BaLtazar GraCian (4)

C’est lui qui veut sortirEt lui toujours le plus surveillé ;L’anguille veut venirsifflée par le fermoir.Si elle ne rompt pas, si elle ne se cache passi personne ne la voit et ne ramassele bracelet, plectre de sable.Aussi profond que soit son silencele pelage de la hyène serait-illa hyène du mépris ?

La lettre celle du diablesans lire demeura en flammesse sauvant le dénommé Paul,filou, pot de chambre, chien d’eau.Ceux qui acceptèrent sans hésiterfurent trompés sans attendre.Ils ne rencontrèrent pas dans la brisece qui se cabre dans le chat.Sans papier et sans encrier,fantasme de l’imprimeur.

Frappant au milieu de la nuitSaint Jean se présenta au couvent :« ouvrez, je me suis échappé ».La fête de son grenadier,Gracian abandonne sa voiture,l’accent, la grâce non.La gravité de son ombre ;L’ombre et l’imprimeur,retirant de l’encrierla cendre comme un tapis.

Glaucos, (5) l’écumeuxdieu amateur d’anguillesimmortalise son boyaupas dans la mer, dans les ténèbressans colonne et sans filet.Arrive au Cronos (6) sourcilleuxl’anguille immortalisée,pas douçâtre mais maritime.Dans le goulet elle glisseet déjà on ne peut plus la rencontrer.

S’il voulait arrêter de donner des ordreset s’embrouiller dans l’amitié,avec Lastanosa il exsudaitson neveu et ses ordresen épigrammes et sonnets.Ténébreux devenu parfaitau fil de sa propre ombreil conspire et on ne le voit pas,ombre qui mieux dénombreLa nuit et son œil de bœuf.

Les mêmes ornements, succession d’une épéed’obsidienne, respirent comme la peau tambourinée.Ils interrogeaient avec la cornemuse d’Aldebaran (7), froidstellaire d’un écu dans l’auberge du retour.Il y a là poissons, boucliers, imprécations, chutes des corpsqui arrivaient grignotés comme le maïs, irréconciliables,mais son or de fourmi, fractions de tiares mélodieuses,surgissait comme une tour dans la masse de l’azur équestre.Petit sursaut, interminable enfant combattantbrumes de cuivre halluciné, il joue à une brisque (8)

dans le château avec bonnet d’évêque à chaque place.

« Dis le prix d’une jarre de blé » demande concernant les bobards qui enveloppent une promesse assermentée,approche toi de l’oreille du trône, recourbe la corned’ivoire frappant l’oreille du daim parfait.Il revient au tapis mais le regard le renvoie vers les chiens.Il revient au tapis, ce n’est pas toujours la fuméedu milieu de la nuit qui t’offre la fuite.Les mains étreignent le daim d’artifice, favorisantle résultat de la déchirure qui lui coupeles oreilles pour l’isoler de son relief dans le vent.

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fabienne letang

L A G A Z E T T E d E s j o c k E y s c A m o u f L é s

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titre perdu

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fabienne letang

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07

« Je produis des œuvres qui entrent dans un processus de capture

immédiate d’une pensée, d’un propos ou d’une expression. Atta-

chée à la notion de schématisation, je pose des images qui ne sont

souvent que les traces d’un geste ou d’une volonté de dire ; des

images qui ne sont que rarement posées dans leur finitude mais

s’affirment comme ponctuations ou tentatives d’élucidation. Ces

traces empruntent les voies du dessin, de la photographie, de la

vidéo, de l’objet ou de l’action et sont vécues comme autant d’ac-

tions performatives et d’emprisonnement d’un mouvement ou d’un

percept. » Fabienne Létang est née en 1964. Elle vit et travaille à

Marseille où elle collabore aux éditions Al Dante.

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L A G A Z E T T E d E s j o c k E y s c A m o u f L é s

08 IL pLEuT commE IL y A QuATrE Ans

Comme un printemps après le froid.

Le linge propre, posé sur le canapé.

Pour conjurer le sort, j’épluche des pommes de terre.

Sylvie Germain dit que les vivants sont les tombeaux ouverts des morts.***Le temps des anémones.

Ton sourire sur la photo.

Des notes de piano, sur un fondu enchaîné.

Il faut beaucoup de silence pour arriver à faire une phrase.***

Trois cauchemars avec une histoire de clé.

Hier, au marché, la menthe, les asperges et les premières fraises ont remplacé les navets.

Télescopages.Superpositions.

La voix soprane des chants sacrés.***« Entre l’amour et le politique il n’y a qu’un pas, encore faut-il le franchir ».

Des lambeaux de famille, éclatés aux quatre coins de la terre.

Les roses écloses dans le jardin, en contrebas.

Cloches de l’église et ciel bleu.***

Un verre au soleil, quelque part près des fontaines.Elle me dit qu’en occident on ne marque pas le temps du deuil, alors que dans les pays du Maghreb, si, et en Afrique aussi :Un an en noir, un an en gris sombre, un an en gris clair, puis un an en blanc. Quatre ans. Elle me dit qu’il faut au mois quatre ans pour faire un deuil.(Dans les sociétés primitives, on refait une cérémonie quatre ans après, quand les affaires du mort sont réglées).***

Post-it, mots écrits sur la main, sur la porte du frigo, sur la porte d’entrée, agenda vérifié chaque jour, réveil et portable à sonner pour ne pas être en retard, pour ne pas oublier les rendez-vous, horaires des trains en très gros, papiers avec numéros de téléphone, adresses, listes des spectacles à voir, des lectures,litanie du pense-bête…***

Reprendre le train qui me menait jusqu’à lui.La ligne mer - et - rocher - et barres d’immeublesSainte-Victoire - en - plein - cadre et plus tard Durancevert - et - ocre et les champs.

L’horaire du samedila lenteur du voyageet le nom des garesqui précédait nos retrouvailles.

Retournerdans ce village à moins que ça n’en soit un autreoù il avait arrêté la Mercedesla blanche à l’époque mon père était à l’hôpital, il y a trois ans.

Sur les marches de l’église,le vent soufflait fort le ciel était gris.

Et, en contrebas, la vallée du Lubéron.

Il ne m’attendra plus jamaissur le quai de la gare.***

L’étymologie du mot « scrupule » vient du latin et veut dire « petits graviers ».Les scrupules sont les petits graviers que l’on a dans les chaussures.***

Fukushima :

Des habitants, sur les ruines de leur ancienne maison.

Le retour sur le lieu produit la reconstitution immédiate de la trace : Effacée/intacte.

Comédienne de formation, mises-en-espace de ses textes, seule, avec des comédien(ne)s, des musiciens, ou d’autres poètes (Les Cinq sans Edith). Vit et travaille à Marseille.Lectures à Marseille mais aussi à Paris, à Athènes, Martigues, Vitry, Bordeaux, Montpellier, Nantes (maison de la poésie en 2010).Dernière publication : D’un été l’autre, éditions Contre-pied, 2012.Anime des ateliers d’écriture en milieu scolaire et en bibliothèques.

Il pleut comme il y a quatre ans est un texte inédit publié par épisodes sur le blog de Malwen Marin : L’académie des brouillons, de février à octobre 2012, dans la rubrique Textes à trous. Il est toujours en cours.

Sarah Kéryna

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09IL pLEuT commE IL y A QuATrE Ans

La fonction automatique de la mémoire agence avec préci-sion les réminiscences, et tisse à l’insu des connections d’avec le temps d’avant.

Les souvenirs sont des ersatz,dont la chambre d’écho est vide.***

« Un vers, un jour c’est la même chose, si tu nais en mou-vement ».

Ecrit Roxana Paez dans son poème « La China ».

Une marine accrochée au mur du salon en change la confi-guration.

Les premiers bourgeons de l’arbre de Judée.***

« Les oublis sont des trous dans les poches ».***

Printemps : premier temps.***

« Dans le Talmud, la question est plus importante que la réponse ».***

Les vélos rouillésles roseauxla rivièrela poussière et les trous dans la terreles carcasses de voituresles caravaneslui, d’un devenir gitandans le monde des marginauxcette place qu’il s’étaitqu’on lui avaitattribuéecachéavec les fumeurs de joints

que l’on croise le matin tôtla bière à la main

et les chiens.***

Euphoriede l’amourde la lutte

mêlés

pareils.

Dans l’amour

il y avait cela aussi:l’euphorie de la lutte. ***

Avant hier, il fut question d’exilés: ceux venus à Marseille, puis, dans un film, les indiens de Los-Angeles.

Dérive et perte.Déracinement.

Ma mère, entourée d’objets, recouverte d’objets.Qu’en savaient t-elles les bonnes femmes de la Mairie qui la sommaient de quitter son logement de fonction, qu’en sa-vaient t-ils les médecins, les gens qui n’avaient jamais mis les pieds chez elle qu’un pareil envahissement ne laissait aucune place à l’avenir ?***

Depuis le onzième siècle, la fête de Pâques tombe le premier dimanche qui suit la nouvelle lune, après l’équinoxe de prin-temps.***

Dimanche des Rameaux.La tasse en forme de poisson.Avril.

Mort du christ.

Sur un banc de la clinique au soleil,

- l’herbe était verte -

avec le frère un après-midi entierà attendrela sortie du bloc.

Vision furtive paupières collées, teint cireuxde son visage quasi méconnaissable.***

« Si nous achevons nos phrases, c’est pour des raisons non-structurelles. La phrase n’a pas de raison de finir.La structure interne du haïku est structurelle.Le haïku est bref, mais il n’est pas fini, il n’est pas fermé ».***

Le voir était vital,quelque soit le prix, j’y allais.Je faisais mon sac, le défaisais, le refaisais,j’oubliais des affaires.Je partais le rejoindre.Dans le train vers lui,lignes bringuebalantes,qui tanguaient,des mots vers la gare,vers la vie nouvelle qui me tendait les bras,dans l’attente,dans le temps flottant qui précédait nos retrouvaillesje m’embarquais avec lui,la soirée, la nuit,la matinée,l’après-midi. ***

Les crabes ne grandissent pas, ils muent.Ils se séparent de leur carapace, et un corps nouveau, plus grand et plus robuste sort de leur ancienne enveloppe.Ils s’accouchent d’eux mêmes, et créent des avatars qui se renforcent à chaque transformation.***

Fête du printemps et de la liberté«  Dans la Pâque juive, le pain levé représente l’asservisse-ment.Eliminer le levain, c’est éliminer le passé lié à l’esclavage.Dans le levain comme dans l’esclavage la moindre parcelle contamine tout. »***

La vision de la lampe de chevettrouvée ce matin au pied de mon litme rappellequ’il serait temps d’écrire les rêvesagitésdes deux dernières nuits.***

Pendant que dans le monde éclataient des émeutes de la faim et que le cours des céréales s’effondrait, ma mère, qui ne pouvait plus rien avaler, était gavée de force.***

En face du théâtre, l’église des dominicains.Une retraite aux flambeaux.Comme dans le rêve fait deux nuits avant : une fête, et de l’autre côté de la rue, une cour,  avec, autour d’un feu, l’office religieux.Dans un lieu, on danse.Dans l’autre, on prie.Et dans les deux, on chante.

Communion.

« Dans les cellules communistes, il y avait de grands mo-ments, des rassemblements, des spectacles, de l’éducation populaire, une ferveur. Ils ne pouvaient pas croire que le Goulag existait ».

« Les paradis perdus ».***

15 avril 2012

Depuis les canots, dans les eaux glacées, ils regardaient som-brer le paquebot. ***

Le palmier fané jaune

face à la mer.

Et des flaques après la pluie.

Le chien ronfle profondément.***

Et quand encore réveilléeau matinpar la voix de sa fillesur mon téléphone portabledéclenchant à distance une vidéo

comme par magie.***

Il y a quatre ans, dans cette même maison, au téléphone, près du meuble de l’ordinateur, le chat était blotti contre moi sur mes genoux, et le chien avait sa tête sur mes jambes : « Je te le dis maintenant pendant que je suis encore lucide, je ne veux pas souffrir. Et je ne veux pas mourir étouffée ». Je lui avais promis que je ferais en sorte pour que cela ne se produise pas. ***

Il suffit d’une routequi filedroitepar la vitre d’une voiturepour que revienne l’imagedes trajetsle poste alluméles fenêtres ouvertesc’était la libertél’amourla libertéensemble.***

- A cette heure où les îles deviennent blanches.***

Dans la zone irradiée de Tchernobyl, les fleurs des arbres ont perdu leur odeur.

Les pires choses se passent sans bruit.

Des habitants sont restés: « Les gens me demandent pour-quoi, c’est chez moi ici »

« Le passé est un pays étranger qui ne me quitte pas. »***

Le palmier mort a été élagué.

Horizon dégagé.

Il pleut, comme il y a quatre ans.

Le chat en boule dans le fauteuil.***

L’histoire de ce japonais qui avait appris le français à 19 ans, et pour qui cet apprentissage était à la fois une naissance et un abri, puisque « la langue est aussi un refuge ».***

Une pluiebattante.Les amis et la famille rassemblésautourdu troudans la terreen cercle,serrés.Après la lecture des textes,on jette des fleurs sur le cercueil.« I want you » de Bob Dylan.L’amie glisse une place de cinémadans ma poche.

Et un mot : « Pour plus tard ».

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L A G A Z E T T E d E s j o c k E y s c A m o u f L é s

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TROISIEME PARTIE

Les Jours passent et BLessent aveC une reGuLarite diGne d’une Œuvre

ERICIl court il rit elle se déchaine. Les autres le voient comme l’élément perturbateur de leur tranquillité. Il fait peur. Il rit. Il se déchaine à n’importe quelle moment. Les autres lui courent après. Ils font tout pour l’attraper. Il voudrait la couper en morceaux pour qu’il s’arrête. Que le diable qui les anime s’arrête. Là maintenant, il est là, tranquille et puis d’un coup il va se lever (et) courir dans tout les sens Crier Rire. Son visage – jouir – son visage clame une toute jouis-sance qu’il est difficile de mesurer là où il vous retourne. Vous entraine. Ils - les autres se précipitent, le chassent le ramènent se calment et puis cela recommence ou peut-être pas. Le calme revient toujours. N’est-ce pas… La crise passe. Tout se pose. Elle semble avoir disparu. On ne l’entend plus mais elle est là. Elle se tient prête. Lui, il vient de nouveau là avec les autres. Et la vie semble reprendre sa marche. Qu’avons nous entendu ? Est-il toujours possible de penser ? Est-il toujours possible de rêver ? Est-il toujours possible d’aimer ?

AXELLE FILDELes violences répondent aux violences, elles sont sans fin. Les morts d’hier ne sont pas encore enterrés que déjà d’autres corps arrivent pour se faire terrasser. L’air devient irrespi-rable. Autour du petit hôtel une immense fumée noire perce au milieu d’un ciel azur. Le dicton est ici contrarié car il n’y a pas de feu. Impossible de trouver le brasier. La fumée épaisse semble être comme le fantôme de la vie qui disparaît. Il est impossible de savoir ce qui se passe vraiment. Tous les prota-gonistes semblent s’être arrêtés. Le combat couve. Un silence sordide a pris la place des émois. La mort semble roder en tout corps. Des dizaines d’âmes se sont réunies à proximité de la corniche face au front de mer et attendent les secours. Des cris sortent de la foule « Nous ne mourrons pas nous mourrons pas ». Ils demandent réparation. « Ils » ce sont les morts. (Ce sont) Ces corps laissés sans vie.

CHŒur

ERICIls ont tous été surpris

LAURIEIls le savaient

AGATHEMais pourtant cela restait flou dans leur tête

ERICC’était là Il touche son cœur.

QUENTINMais ça restait flou

BAPTISTEÇa tirait dans tous les sens

QUENTIN2Ils ne pouvaient plus dire : « Qui fait quoi ? »

ALEXANDRAQui a fait quoi ?

AGNESIl y a eu ce moment où une voiture s’est arrêtée

AGATHEDes hommes à son bord

ALEXANDRADes déshérités

BAPTISTEMasqués cagoulés armés jusqu’aux dents de désir

AGNESIls ont vu un simple citoyen

AGATHEPistolet à la main

QUENTIN2J’ai besoin de me rassurer et d’assurer ma propre protection mentale

BAPTISTEVous avez apporté les pierres ?

QUENTINEt puis les pierres sont arrivées

AGATHEEt puis il y a eu un afflux massif de pistolets

AGNESCertains se sont tenus la tête entre les mains

ALEXANDRAD’autres ont regardé ébahis

BAPTISTELes yeux rougis par les larmes

QUENTIN2« On voulait juste voir ce qui se passait »

QUENTINEt puis les questions

BAPTISTECe mal au crâne incessant

AGNESCes nuits sans fin

AGATHEComment un tel déchainement a-t-il pu se produire ?

QUENTINPourquoi ?

BAPTISTELégitime défense ?

AGATHEPourquoi s’être laissé faire

QUENTIN2Où sont les grands principes du droit ?

LAURIEIls savaient

ERICIls savaient que cela allait mal tourner

BAPTISTELa responsabilité

QUENTINComme d’habitude

ERICLa responsabilité

ALEXANDRAPersonne

AGATHEMoi je crois que cela raconte comment certains restent pétri-fiés

AGNESN’osent plus répondre. N’osent plus bouger

ALEXANDRAN’osent plus aimer

AGATHEN’osent plus

ERICA la haine se rajoute la peur A la peur se rajoute la haine de la peur A la haine de la peur se rajoute la peur de la haine

ALEXANDRALes jours se rapprochent les uns des autres, enlevant toutes frontières. De moins en moins de temps pour vivre. De moins en moins de temps pour espérer être libre. Je suis rayée de la carte des amours. J’ai peur d’être malade. Je voudrais ouvrir mon cerveau comme un pot de yaourt, je voudrais prendre une petite cuillère, je voudrais me vider le crâne et je voudrais jeter le pot.

AGNESJe n’y arrive plus je n’y arrive plus

BAPTISTEOups… pas dormi une nuit de plus. Quelques verres et li-queurs. Cette incroyable carcasse qu’est mon crâne se met en marche et pulvérise toute logique. Deux hommes circulent en moi. Celui qui sait quelque chose, tout du moins qui voit venir près de lui l’ombre d’une aventure néfaste/funeste et l’autre déchirant toutes couvertures de protections et lais-sant son corps nu à toutes brisures.

QUENTIN 1Au premier whisky je rigole, au deuxième je dis n’importe quoi, au troisième je vomis, au quatrième je couche avec n’importe qui, au cinquième je ne sais plus.

no s IGnAL

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AGNESJe n’y arrive plus je n’y arrive plus je n’y arrive plus je n’y arrive plus je n’y arrive plus je n’y arrive plus je n’y arrive plus je n’y arrive plus je n’y arrive plus je n’y arrive plus…

*

FilmCHaMBre d’HoteL (4) int Jour

La vieille femme est toujours allongée nue sur le lit les yeux fermés. Jonathan est lui aussi toujours debout torse nu de-vant le lit. Derrière lui on aperçoit Thomas entrer sans un bruit dans la chambre. Il vient juste derrière Jonathan et répète à voix basse ses paroles.

JONATHAN…Je sais que tu m’attends et que le temps n’est pas encore venuQue dans cette marche ma lenteur est certaineMais nous écrivons le chemin qui guide nos pasNos paroles ouvrent la lumièreEt gravent à tout jamais l’empreinte de notre amourQu’importe le temps car je suis tout près de toiQu’importe la raison qui tente les diablesJe ne souffrirai plus aucun obstacle devant mon cœurDéjà le jour pénètre nos murs et bientôt en nos mainsS’épanouiront nos désirs, que tant de lunes en aient retardé le jourC’est un parjure que le soleil force à disparaitreLe crime a sa fin que tout amour oblige

ERICThomas l’étreint coupant tout souffle toute parole. Sa force est telle que, comme un animal blessé qui ne peut faire face à une puissance supérieure, (il) l’empoigne étouffant toute réaction. Jonathan incapable de riposte se laisse emporter.

QUENTIN 2 à Eric.Je ne te connais pasMais je te déteste…On voulait voir ce qui se passait.

BAPTISTEJuste voir ce qui se passait.

QUENTIN 2Oui c’est tout.

BAPTISTEJuste voir ce qui se passait.

QUENTIN 2On voulait juste prendre des photos.

QUENTIN 1Pour le souvenir.

QUENTIN 2Oui pour un souvenir.

BAPTISTEJuste prendre des photos

QUENTIN 2Oui juste çà. Venir prendre des photos. Et puis l’ambiance était bonne. Tout était à son maximum. J’ai participé. Et puis d’un coup d’un seul. J’étais furieux tout comme les autres. Je sais pas ce qui se passait. Et puis j’ai pris une pierre. Pour commencer. J’ai pris une petite pierre. Et puis j’ai bien senti. Venir le plaisir. (Oui.) Le plaisir montait montait. Je sais pas d’où ça sortait mais ça montait. Et puis j’ai ramassé une autre pierre. Une grosse. Et puis je me suis mis à la jeter. Sur ce corps. Là. Après qui tous nous en avions. Et puis J’ai jeté des pierres des pierres des pierres des cailloux des cail-loux sur sa tête. Sur son corps. Sur son sexe. Sur ses bras. Sur ses jambes. Sur son torse. Sur sa tête. Sur sa tête. Sur sa tête. Sa tête. Sa tête.

BAPTISTEC’est après que…

QUENTIN 1Nous avons compris qu’…

BAPTISTEQu’il n’avait rien avoir avec tout ça

QUENTIN 1C’était un simple citoyen tout ce qu’il y a de plus normal

QUENTIN 2Tout ce qu’il y a de plus normal

AXELLE FILDEAu moins 30 morts aujourd’hui, Non 34 non je me trompe 37 oui oh mais non je sais plus calculer. 30 plus les… et les autres de ce matin ça fait 45. Je recommence 7 plus 4 plus les 6 plus 9 plus 5 plus 2 plus j’oublie personne ça fait ah je sais plus compter. Axelle. 7 + 4 : 11 + 6 : 17 + 9 : 26 +5 :…31 + 2 : 33 ça c’est pour ce matin. 33 + les 4 + 3 + 6 + et le petit dernier. 47. 47. 47. 47. 47. 47.

Les diX CoMMandeMents

THOMASLes dix commandements

Il compte avec ses doigts le bras levé. Au bout de cinq il changera de bras tout en gardant l’autre formant ainsi une croix.

SUICIDE SUICIDE

SUICIDE SUICIDE SUICIDE SUICIDE SUICIDE SUICIDESUICIDE SUICIDE

*

FilmeXterieur Jour rue MarseiLLe

Camille sort du café et se faufile dans la rue. Elle n’a pas vu Thomas qui la suit. Elle sent sa présence et s’arrête d’un coup.

CAMILLEAh c’est toi

THOMASBah oui

CAMILLEÇa va ?

THOMASOui oui et toi ?

CAMILLEOui enfin non

THOMASQu’est ce qu’y a ?

CAMILLEDes histoires de filles

THOMASCa n’a rien à voir avec moi

CAMILLENon non

THOMASBah ça va alors

CAMILLESi tu le dis

THOMASCamille…

Elle le regarde sans rien dire car la voix qu’il avait semblait au delà de lui-même.

THOMASJe peux te demander quelque chose ?

CAMILLEC’est quoi ?

THOMASJe voudrais que tu me touchesComme tu touches Jonathan

CAMILLET’es malade

THOMASEuh…Bah non

(…)

no s IGnAL Il est auteur, metteur en scène et scénographe. Avec sa compagnie, Diphtong Cie, il monte ses propres textes (Temporairement épuisé, Nomades, La Brûlure, La Croix des oiseaux, Sans faim… publiés chez Actes Sud-Papiers et dernièrement No Signal [?Help], en col-laboration avec le cinéaste Jean-Jacques Jauffret). En écho à son travail d’auteur, Hubert Colas explore notamment les langues de Witold Gombrowicz, Christine Angot, Sarah Kane, Martin Crimp, So-nia Chiambretto (CHTO Trilogie et GRATTE-CIEL, sa dernière créa-tion dans le cadre de Marseille-Provence 2013), Rainald Goetz… Il traduit et met en scène Hamlet de Shakespeare présenté au 59ème Festival d’Avignon. En 2001, Hubert Colas crée Montévidéo, centre de créations dédié aux écritures contemporaines, qu’il codirige avec Jean-Marc Montera à Marseille. En 2002, il crée Actoral, festival inter-national des arts et des écritures contemporaines, qui interroge et explore la richesse des écritures d’aujourd’hui dans tous les champs artistiques (danse, théâtre, performance, arts visuels etc…).

hubert colaS

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