la transcription 1 - espe · la transcription des groupes consonantiques absorbent l’attention de...
TRANSCRIPT
1
IUFM DE BOURGOGNE
CONCOURS DE RECRUTEMENT : Professeur des écoles
LA TRANSCRIPTION :
ENTRE CONSCIENCE PHONOLOGIQUE ET ORTHOGRAPHE MORPHOLOGIQUE
PREVENTION ET REMEDIATION
Melle DE LA TOUR D’AUVERGNE Céline
ANNEE : 2004-2005 Directrice de mémoire : Mme NICOLLE
Dossier n°04STA00173
2
LA TRANSCRIPTION :
ENTRE CONSCIENCE PHONOLOGIQUE
ET ORTHOGRAPHE MORPHOLOGIQUE
PREVENTION ET REMEDIATION
3
COMMENT
S’EFFORCER, DES LES CYCLES DES APPRENTISSAGES PREMIERS ET
FONDAMENTAUX, DE PREVENIR UNE PROCEDURALISATION
INCORRECTE DE LA TRANSCRIPTION PHONEMOGRAPHIQUE SEL ON LE
CODE CONVENTIONNEL DE LA LANGUE FRANCAISE ET, EN CA S
D’ECHEC, COMMENT TENTER D’Y REMEDIER AU CYCLE DES
APPROFONDISSEMENTS ?
4
Transcription :
Codage de signes sonores (les phonèmes, unités élémentaires vocaliques ou consonantiques, dépourvues de sens)
en signes visuels (les graphèmes composés de une ou plusieurs lettres). Les graphèmes sont dits mono-, di- ou
trigrammiques selon qu’ils comportent une, deux ou trois lettres. L’écriture sous dictée est une transcription
phonémographique car elle part du phonème, c’est-à-dire du donné auditif, pour aboutir au graphème, c’est-à-
dire à une version visuelle de ce donné.
Conscience phonologique :
C’est la conscience que le continuum sonore du discours oral est constitué de ces unités élémentaires, dénuées de
sens, que sont les phonèmes voyelles et consonnes. Cette conscience n’émerge qu’après entraînement analytico-
synthétique, lorsque la personne humaine est mûre neurologiquement, entre quatre et huit ans, six ans étant l’âge
moyen. Donc la transcription graphémique succède théoriquement à la conscience phonologique
Principe alphabétique :
C’est la conscience, développée par l’apprentissage, qu’une unité sonore peut-être traduite par une unité
graphique, autrement dit qu’un phonème peut-être rendu visuellement par un graphème. Vice versa qu’une lettre
ou un groupe de lettres, autrement dit un graphème, traduit un phonème ou une unité élémentaire du discours
oral.
Orthographe morphologique :
C’est l’orthographe au sens courant du terme, elle se subdivise traditionnellement en orthographe d’usage ou
lexicale, selon une terminologie plus récente, et en orthographe grammaticale ou syntaxique.
Ex : soit le mot indestructible, cet adjectif est composé d’un morphème de base ou
morphème libre, d’un radical, dans la terminologie traditionnelle, -destruct-, et de deux morphèmes liés, le
préfixe -in- et le suffixe -ible-. A ces trois morphèmes peut s’ajouter un quatrième morphème, -s-, qui indique
le pluriel.
Ex : soit indestructibles, dans l’expression « ils sont indestructibles », il y aura respect
de l’orthographe morphologique si les quatre morphèmes sont écrits ainsi.
Il ne sera pas traité de l’orthographe entendue de la sorte
Procéduralisation :
On entend par procéduralisation, la transformation de connaissances acquises de façon explicite en
connaissances implicites et en savoir-faire. Un exemple familier de la procéduralisation en est l’apprentissage de
la conduite automobile. C’est par procéduralisation que, avec le concours de l’entraînement, des connaissances,
apprises sous forme explicite à l’école, peuvent se transformer en connaissances expertes, utilisables de façon
bien adaptée et automatisée chaque fois qu’elles sont requises par la nécessité.
5
SOMMAIRE
INTRODUCTION (pp 6 à 8) I] ANALYSE ET TYPOLOGIE DES ERREURS DE TRANSCRIPTIO NS DES
PHONEMES, DE SEGMENTATION LEXICALE ET D’ECRITURE (pp 9 à 32)
I.1 Erreurs phonologiques et/ou graphiques (pp 9 à 24)
a) Erreurs relatives à l’indistinction des consonnes sourdes et sonores (pp 10 à 16)
b) Erreurs relatives aux voyelles (pp 17 à 24)
I.2 Erreurs de segmentation lexicale (pp 24 à 26) I.3 Erreurs de transcription relevant de la dysgraphie (pp 27 à 31)
a) Télescopage des lettres (pp 27 à 28) b) Exagération des boucles des lettres (des fioritures complexifiantes selon A. VINTER)
« v »/ »b » et « r » causes d’ambiguïtés de lecture pour les récepteurs de l’écrit (pp 28 à 29)
c) Interférences mnésiques entre les tracés cursifs du « l » et du « h » (p 29) d) Liaisons inter-lettres à l’intérieur d’un mot (pp 29 à 31)
II] PROPOSITIONS D’UNE PART DE PREVENTION LORS DE L’APPRENTISSAGE DE LA TRANSCRIPTION AUX CYCLES I ET PRINCIPALEMENT II, D’AUTRE PART DE REMEDIATION AU C YCLE III (pp 32 à 41)
II.1. Remédiation au Cycle III (pp 32 à 33) II.2. Prévention aux cycles I et II des difficultés que peuvent normalement
rencontrer les élèves dans l’apprentissage de la formation et de la reconnaissance
de la forme des lettres (pp 33 à 34)
a) Prévention dans le domaine du tracé cursif de la forme des lettres et
de leur enchaînement à l’intérieur des mots. (pp 33 à 38)
b) Prévention dans la discrimination des formes grammiques (pp 38 à
39)
II.3. Prévention aux cycles I et II des difficultés que peuvent normalement
rencontrer les élèves dans l’apprentissage de la transcription de l’oral en écrit.(pp
40 à 41)
CONCLUSION (p 42)
ANNEXES (7) (pp43 à 85)
6
INTRODUCTION :
Mon premier stage de pratique accompagnée, dans un CM 1, m’a permis de constater
lors de l’effectuation de deux dictées1, par mes propres soins, et lors de la lecture de dictées
étalonnées2, réalisées dans le même cours par la maîtresse d’adaptation option E, que 8 élèves
sur 24, que nous appellerons A, B, C, D, E, F, G, H, de deuxième année de cycle III (soit un
pourcentage non négligeable d’environ 30%), commettaient encore des erreurs de
transcription des mots. Celles-ci relèvent soit d’une insuffisance soit d’habitudes viciées du
traitement phonémographique. Ce dernier portant sur des unités de taille variée (syllabe,
parties de syllabes) sous-tend la capacité à transcrire les mots dictés. J’ai alors retrouvé, avec
une amplitude moindre, les difficultés à écrire sous dictée dont j’avais été le témoin lors de
mon expérience, durant cinq années, dans une classe de CLIS 1 en qualité d’aide éducatrice.
La difficulté des élèves de CLIS m’apparaît fournir un effet de loupe sur la difficulté ordinaire
car il s’agit, à vrai dire, de difficultés pas plus graves mais dont les occurrences sont plus
nombreuses.
La CLasse d’Intégration Scolaire 1 (CLIS 1)
scolarise au sein des écoles élémentaires habituelles des enfants dont le Q.I. est égal ou inférieur à .70 c’est-à-
dire qui accèdent à la conscience phonologique, quand ça leur est possible, et à la transcription de l’oral en écrit
vers huit ou neuf ans seulement. Cette classe se distingue des autres CLIS, bien moins connues, qui scolarisent
des enfants atteints de handicap autre que mental.
Au CM 1, comme aux différents niveaux de la CLIS, j’ai constaté que ces erreurs
tenaient en général, soit à une incapacité, rare à vrai dire au cycle III, à procéder aux
segmentations, syllabiques et ensuite phonologiques, des mots dictés, soit, et alors c’est
encore fréquent en ce cycle terminal de l’école élémentaire, à coordonner ces analyses de la
parole dictée et la synthèse graphémique des correspondances écrites de celle-ci. En effet la
pensée, des enfants en difficulté orthographique, est plus rapide que l’écriture manuelle des
mots décomposés en ces unités élémentaires. Ainsi, l’enfant est en train de répéter [d, d, d]
pendant qu’il est en train d’écrire le [li] de [limonad] et peut finir par écrire «lide» ou encore
«limde».
D’autres difficultés tiennent également à une mémorisation soit déficiente soit viciée
des correspondances phonémographiques : on entend, par exemple, l’enfant dire [p, p, p]
quand on lui dicte [pãdã] mais il ne trouve pas dans sa représentation mentale la forme de la
lettre «p», hésitant entre les lettres «p» et «q». Cette indécision est d’ordre graphique, donc
1 J.CORUBLE, J.C. LUCAS et J. ROSA, C.L.R., 350 dictées, niveau CM, édition Hachette-éducation, 1990 2 SAVIGNY M. et al, BATELEM R : cycle II et première année du cycle III, E.A.P., 2001
7
visuelle, car ces deux graphèmes sont en effet peu contrastés dans leur forme, le critère
diacritique n’étant ici que de nature symétrique.
Diacritique : adj.(gr.diakrinein, distinguer) signe diacritique, signe qui donne à un caractère de l’alphabet une
valeur spéciale. (Petit Larousse). Ce peut-être une hampe plus longue h/n, l’orientation de l’accent é/è, de
l’ampoule b/d, de la boucle y/h.
Mais la faiblesse du contraste peut aussi, et d’ailleurs parfois simultanément, porter sur
les phonèmes [p] et [b]. "Prenons par exemple les sons (sic l’auteur) [pa] et [ba]. Le premier
est composé d’une consonne dite sourde, pour laquelle les cordes vocales vibrent après le
passage de l’air. Le second d’une consonne voisée (sonore), où les cordes vibrent cette fois
avant. Le passage du [pa] au [ba] constitue ainsi une sorte de continuum vis-à-vis des
vibrations. Mais nous ne percevons pas cette continuité : [pa] et [ba] sont perçus comme
faisant partie de deux catégories différentes." 3. Du moins, c’est le cas pour la plupart d’entre
nous. Mais est avancée l’hypothèse que ceux qui ont des difficultés de transcription, les
dyslexiques en étant la figure emblématique, seraient dans l’impossibilité d’établir une
frontière stable entre sourdes et sonores.
Les graphèmes
Ce sont des unités graphiques qui transcrivent les phonèmes. Ils sont écrits avec une seule ou plusieurs lettres, ils
sont donc mono- ou polygrammiques. Par exemple, le phonème [f] peut être rendu, en français écrit, par la lettre
(cf. en grec,“gramma”) «f» ou les polygrammes, ici, digrammes «ff» et «ph».
Les phonèmes
Ce sont les plus petites unités sonores en lesquelles il est possible de découper les mots. Ils n’ont pas de valeur
sémantique. Ils sont de deux natures : il y a les voyelles qui ont une existence sonore individuelle et les
consonnes dont l’existence sonore est conditionnée par leur articulation avec les premières. Voyelle se disait au
XVII ème siècle “voix” et consonne signifie “sonner avec”. Aussi est-il discutable, stricto sensu, de dire que [p-a]
fusionnent en [pa]. Les phonèmes consonantiques exigent de l’apprenant un travail d’abstraction qui demande
un certain stade de développement cognitif.
Enfin un graphème, une correspondance phonémographique, peut être échouée bien
qu’elle soit maîtrisée en certaines circonstances, car le mot présentant plusieurs difficultés, il
s’ensuit une surcharge cognitive onéreuse et donc épuisante de l’attention : par exemple, la
syllabe «ion» peut être réussie dans «lion» mais échouée dans «construction» où les groupes
consonantiques [str] et [kt] présentent des difficultés de transcription pour le non expert en
3 Article troubles de la cognition p111-112 par S. CASALIS maître de conférences à l’Université Lille III et A. PADIOLEAU, in Sciences et vie H.S n°222 de mars 2003, Les secrets de l’intelligence : comment votre cerveau produit ses connaissances.
8
écriture sous dictée. La transcription des groupes consonantiques absorbent l’attention de
l’apprenti au détriment de toute celle qu’exige la difficulté suivante.
Dans cette étude sera présenté en annexe un corpus de productions d’élèves de CM1, à
savoir de dictées contenant encore des erreurs de transcription. Dans une première partie, sera
tentée une analyse non seulement au point de vue de la correspondance phonémographique et
de la segmentation lexicale4 mais aussi au point de vue de la formation des lettres et de leurs
liaisons à l’intérieur des mots. Cette analyse conduira à une typologie desdites erreurs fondée
sur des caractéristiques évidentes ou des hypothèses hautement probables5. Enfin dans une
seconde partie, avant ladite annexe, seront tentées des propositions d’une part de prévention
lors de l’apprentissage de la transcription aux cycles I et principalement II, d’autre part de
remédiation au cycle III.
4 Donc l’orthographe grammaticale (marques de genre, de nombre et de personne) ne sera pas abordée dans la présente étude 5 hypothèses hautement probables : c’est-à-dire non vérifiées auprès des élèves concernés, parce que le stage terminé, je n’avais pas la possibilité de les confirmer ou de les infirmer. Hautement probables parce que confirmées par l’expérience de membres de RASED avec qui j’en ai discuté.
9
I] ANALYSE ET TYPOLOGIE DES ERREURS DE TRANSCRIPTIO NS
DES PHONEMES, DE SEGMENTATION LEXICALE ET D’ECRITUR E
Constitution du corpus de dictées placé en annexe 1 :
Trois textes (cf annexe 1) ont été dictés. D’une part, celui de la Batélem R a été dicté
par l’enseignante E du R.A.S.E.D. Elle intervient dans l’école où je faisais le stage de pratique
accompagnée. Il a été proposé aux seuls élèves en difficulté. D’autre part, les deux autres
textes ("La récréation"(1) et "La dictée"(2)6) ont été dictés à tous les enfants de la classe, par
mes soins, mais choisis par l’enseignante suppléant l’IMF. N’ont été retenues pour l’analyse
que les copies qui recelaient des erreurs de transcription phonémique, de segmentation
lexicale et d’écriture (de formation des lettres et de liaison entre elles).
I.1. Erreurs phonologiques et/ou graphiques
Quand il s’agit d’écriture, il n’est pas question d’erreurs sonores stricto sensu. Une
erreur d’écriture, c’est une lapalissade, est toujours graphique. Mais cette cacographie peut
avoir pour cause une erreur d’articulation phonique : soit la chanson « Colchiques dans les
prés ». Quand un enfant prononce cet énoncé [gǤǤǤǤlƚƚƚƚikdãletRe] pour [kǤlȓikdǤlȓikdǤlȓikdǤlȓikdãlepRe], s’il est
conduit à écrire ce membre de phrase, il est hautement probable qu’il transcrive sa
prononciation à lui et non celle correcte de celui qui le lui dicte. Il écrira donc «goljique dans
les trés». Ce phénomène est une assimilation : au lieu d’accommoder la transcription à la
prononciation objective, ou plutôt conventionnelle, il accommode la transcription à sa propre
prononciation, ou à ce qu’il croit avoir entendu. Ce phénomène d’assimilation est bien connu
à propos du fameux « infarctus » [ẼfaRktys] répété à l’envi « infractus » [ẼfRaktys] par une
fraction importante de la population.
Mais l’origine de l’erreur graphique peut venir d’autre chose que d’une articulation
cacophonique ou encore que d’une cause d’assimilation, à savoir d’une confusion entre deux
graphismes symétriques ou simplement d’une hésitation entre ceux-ci. La personne scripteur
peut avoir écrit « boule » pour « poule » non parce qu’elle prononce [bul] pour [pul] mais
parce qu’elle hésite entre les graphies de «p» et de «b» quand elle entend soit [p] soit [b]. Elle
peut encore écrire «q» pour «p» alors qu’elle ne confond nullement les phonèmes [k] et [p].
Mais le lecteur, le correcteur en l’occurrence, lira ce qu’il verra «qoule» qu’il prononcera
[kul] au lieu de «poule» que la personne aura eu l’intention d’écrire. Il y aura bien pour le
6 J.CORUBLE, J.C. LUCAS et J. ROSA, C.L.R., 350 dictées, niveau CM, édition Hachette-éducation, 1990
10
correcteur erreur phonétique objective bien que le sujet scripteur n’ait pas commis dans sa
représentation sonore une erreur. Donc l’erreur objective, c’est-à-dire ce qui est effectivement
écrit, peut correspondre à une erreur subjective qui, si elle persiste relève de l’orthophonie,
mais elle peut n’y point correspondre et donc ne relever que de l’orthographie donc d’une
mémorisation exacte de la figure des lettres. En effet, beaucoup de celles-ci ne se distinguent
que par leur orientation dans l’espace : «p/q», «p/b», «q/d», «d/b», «f/t», «y/h» etc. Ce genre
de confusion relève des praxies, c’est-à-dire des coordinations visuo-motrices, de la
perception de l’espace. Leur remédiation alors relève autant de l’ophtalmologie, de l’optique
et de la psychomotricité que de l’orthophonie.
La transcription est la conversion d’un code sonore en un code visuel avec
l’intervention de la main. Aussi n’est-il pas étonnant que les difficultés de transcription
puissent avoir pour cause non seulement des déficits d’ordre auditivo-linguistique mais aussi
des déficits d’ordre visuo-praxique : on écrit ce que l’on entend ou ce que l’on parle avec les
concours de l’œil et de la main. L’écriture est une praxie c’est-à-dire une coordination de
mouvements appris et non réflexes, réalisés de façon consciente et intentionnelle, tout du
moins tant qu’elle n’est pas procéduralisée, automatisée. Les enfants dyspraxiques, ou n’en
ayant que des tendances, éprouvent des difficultés dans les tracés des lettres peu contrastées
et/ou dans leur reconnaissance. On les remarque dès l’école maternelle lors des exercices
graphomoteurs et de coloriages7.
Voici un essai d’analyse des erreurs de transcription d’élèves de CM1, en début
d’année scolaire (environ 30% de la classe). Elles se rencontrent dans le corpus placé en
annexe 1. Elles sont catégorisées en fonction des consonnes et des voyelles qu’elles affectent.
a) Erreurs relatives à l’indistinction des consonnes sourdes et sonores
Les apico-dentales [t] (sourde)/ [d] (sonore)
Suite à la dictée : «…tandis que ma voisine griffonne », certaines productions
d’élèves de CM1 (B2, D2, F2) ont donné
7 Article p124-130 Gestes fragiles par M.P VERNIER, neuropsychologue, C.H.U. d’Amiens et Dr. P BERQUIN in Sciences et vie H.S n°222 de mars 2003, Les secrets de l’intelligence : comment votre cerveau produit ses connaissances.
11
amorce d’un « d » avec surcharge surcharge d’un « t » et d’un
d’un « t » inachevé (absence de la barre) « d »
confusion «t»/«d» (avec segmentation lexicale incorrecte)
Suite à celle « … ce moment de repos tant attendu… », une production (D1) a donné
[dy] transcrit « tu »
Suite à celle «…La voix du maître…dicte lentement », une production (F2) a donné
Surcharge du « t » et du « d »
Et enfin suite à celle «…elle sort tous les jours à midi moins cinq… » une production
(F Br1) a donné
[di] rendu par « ti »
Il s’agit d’erreurs relatives aux consonnes dentales [t] et [d], la première étant sourde
et la seconde étant sonore. Les élèves B, C, D, F plus qu’ils ne confondent lesdits phonèmes
peu contrastés, ce qui n’est toutefois pas exclu mais rare, hésitent à faire correspondre les
lettres «t» ou «d» du français écrit, chaque fois qu’ils rencontrent les phonèmes [t] ou [d].
Quand cette hésitation est tenace malgré les efforts de remédiation opérés en classe, elle
relève de l’orthophonie. En effet, même si actuellement, ces élèves ne confondent pas
auditivement et articulatoirement cette sourde et cette sonore, il se peut bien qu’ils
12
reproduisent au commencement du langage écrit ce qu’ils ont produit au début du langage
oral mais dont ils sont guéris. On peut se demander pédagogiquement, par prévention, pour ce
type d’élève, s’il ne faudrait pas programmer loin de l’autre dans le temps, l’apprentissage des
correspondances phonémographiques des consonnes sourdes et sonores.
Les bi-labiales [p] (sourde)/[b] (sonore)
En préambule, il est difficile de savoir dans quel registre gît la confusion. Elle peut se
situer aussi bien dans le registre sonore que dans le registre graphique. En effet, si du point de
vue sonore ces deux bi-labiales sont peu contrastées, leur écriture script l’est peu également,
elle ne diffère que par l’orientation de la hampe située au-dessus du corps d’écriture pour le
«b» et en dessous du corps d’écriture pour le «p». Les écritures cursives du «b»b»b»b» et du «p»«p»«p»«p» sont certes différenciées mais lorsque le sujet en difficulté orthographique s’apprête à les
tracer, persistent probablement en sa mémoire les tracés scripts moins différenciés. Cette
interférence des différentes représentations peut être à l’origine de l’hésitation quant au choix
d’une des deux lettres.
Suite à la dictée « … défiler dans mon esprit le bon accord… », une production (F2) a
donné :
Surcharge du « p » et du « b » en attaque, sans savoir lequel a été tracé en
dernier : signe évident d’une hésitation coûteuse en attention, pas forcément orale en
fonction de ce qui vient d’être écrit ci-dessus, avant l’exemple.
Suite à la dictée « … c’est le moment de bien observer les feux tricolores… », une
production de CM1 (F Br1) a donné :
Ici, il n’y a pas eu hésitation, car on entend bien le phonème [p] que
conventionnellement l’orthographe française transcrit par la lettre «b», le phonème [p]
peut avoir, en l’occurrence, la lettre «b» pour graphème.
13
Les labio-dentales [f] (sourde)/[v] (sonore) Certains élèves n’ayant pourtant pas l’accent germanique, hésitent entre les lettres «v»
et «f» lorsqu’ils doivent transcrire les phonèmes [v] et [f]. On ne voit guère ici que la
confusion puisse être d’ordre graphique, ils ne catégorisent probablement pas les fréquences
caractérisant pour la plupart d’entre nous les deux phonèmes (cf .article de CASALIS et
PADIOLEAU cité dans l’introduction p7)
Suite à la dictée «Je ferme les yeux espérant voir défiler… » une production de CM1
(F2) a donné pour « Je ferme », «je vaime » et pour « défiler », « déviller »
Outre le non rendu du groupe consonantique «rm» pour « je ferme » et la transcription
vicieuse de [ile] pour « défiler », le phonème [f] dans les deux cas a été transcrit sans
hésitation, par la lettre «v».
Suite à la dictée « …griffonne sur la table le mot "africain "… », une production
appartenant à la même copie (F2) a donné
Ici, il y a hésitation entre les lettres «f» et «v» pour transcrire le phonème [f] . La
surcharge ne permet pas de savoir quelle a été la décision finale.
Les vélaires [k] (sourde)/[g] (sonore) Les confusions de transcription de ces deux consonnes peuvent relever bien sûr du
registre sonore mais aussi du registre graphique car, en script les lettres «g»g»g»g» et «q»q»q»q» sont peu
contrastées visuellement. Leur association graphémique à la lettre auxiliaire «u» dans le
graphème «ggggu» pour transcrire le phonème [gggg] avant les lettres «e» et «i» et dans le graphème
«qu» pour transcrire le phonème [k] renforce la confusion.
Suite à la dictée du passage «…quelle orthographe lui sied le mieux… » et d’un autre
passage « … la voix du maître puissante et grave… », F2, élève de CM1, a produit
successivement "aurtorafe auto crafe" et "craves". Dans une autre dictée de CM1, F Br1
« …les feux tricolores qui règlent la circulation… », la même personne F écrit "récle"
14
L’hésitation au sujet de la transcription du [gggg] est renforcée par les hésitations au sujet
de la transcription « rth » et « gr »des groupes consonantiques [Rt] et [gR], d’où l’élision du
« g » dans le premier essai et la segmentation vicieuse dans le deuxième.
Si la personne F hésite, comme on l’a constaté précédemment pour utiliser « d » ou
« t », « f » ou « v », elle semble se tromper systématiquement pour l’utilisation de la lettre
« c » à la place de la lettre « g ».
Les pré-palatales [ȓȓȓȓ] (sourde)/[ƚƚƚƚ] (sonore)
La substitution de [ȓȓȓȓ] à [ƚƚƚƚ] est fréquente au début de la parole. Mais quand elle persiste
après l’apprentissage de l’écriture sous dictée, elle relève de l’orthophonie. On la rencontre
dans la production H1 où le mot dicté « déjà » dans l’expression « …est déjà fini… » a été
transcrit "decha".
Outre l’aspect dysgraphique, indistinction cl/ch 8, il y a substitution du « ch » au « j ».
Les apico-alvéolaires [s] (sourde)/[z] (sonore) Cette catégorie de consonnes peut engendrer des confusions d’articulation au début du
langage oral et des confusions de transcription au début du langage écrit. Mais, en ce qui
concerne ce dernier cas, il peut y avoir interférence avec la méconnaissance des valeurs
sonores à attribuer à la lettre « s » selon la position (loi de position) qu’elle occupe entre deux
voyelles ou entre une voyelle et une consonne.
La dictée « …la voix du maître puissante et grave… » a donné une production F2
"pusante" et une production A2 "puisente"
8 L’indistinction graphique cl/ch est fréquente, selon les maîtres expérimentés, au début de l’apprentissage de l’écriture au CP. Le programme moteur, vicié à ce moment là, entraîne l’élève, à son corps défendant, à amorcer
la courbe du l au lieu de tracer la courbe finale en crochet double : " ȕȕȕȕ ". (esse à l’envers)
15
Le mot « puissante » accumule deux difficultés : on constate que la transcription du
[ччччi] a compliqué la tâche de la personne F, la personne A l’a résolue mais peut-être au
détriment de la transcription exacte de [s].
Les valeurs phonétiques contextuelles ou interpositionnelles des lettres « s, c, g »
s’apprennent aux cours élémentaires première et deuxième années. Mais on constate qu’en
début de CM1, elles posent encore problème. Soit la dictée « … le bon accord, la bonne
terminaison… », la production F2 donne :
Surcharge du « s » et du « t » pouvant s’expliquer
par le phénomène d’assimilation progressive : contamination de la dernière consonne [z] par
la première [t].
Soit la dictée F Br1 « …qui règlent la circulation… », la personne F écrit
"siculasion".
Ce mot cumule quatre difficultés : le «c» a deux valeurs phonétiques différentes, il y a
le groupe consonantique « rc » et le phonème [s] de la syllabe [sjõ] qui doit être rendu par la
lettre « t ».
Soit la dictée A Br1 « …en protégeant les nombreux piétons… », l’élève A écrit
"protègan"
Les lettres «c», «s», «t» et ici «g» ont plusieurs valeurs phoniques selon leur environnement
grammique (lois de position que l’on étudie surtout au CE1).
Les nasales [m] (bi-labiale)/[n] (apico-dentale)
Plus que d’une faiblesse de contraste sonore, la confusion relève du registre des
praxies. Il y a interférence entre le «n», écrit cursivement dont les modèles magistraux sont
16
couramment mal écrits, la première hampe commençant à la base du corps d’écriture et non
juste au milieu, et le «m» script. Ainsi les enfants ne savent jamais le nombre de "ponts" par
lequel se différencient ces deux lettres. A chaque fois qu’ils entendent [m], ils amorcent l’une
ou l’autre lettre et se reprennent, en surchargeant ou en barrant, s’ils doutent, ou se sont
aperçus de leur erreur.
Soit la dictée A Br1 « …la rue est déjà très animée… », l’élève A a produit
La présence des deux consonnes nasales dans le même mot est une source de difficulté
et du point de vue articulatoire et du point de vue écriture. Peut avoir lieu également le
phénomène d’assimilation régressive consistant en la contamination de la première consonne
nasale [n] par la seconde [m] .
Les groupes consonantiques
Ils donnent lieu à des difficultés de transcription, à l’âge où l’on apprend à écrire,
après avoir donné lieu à des difficultés d’articulation, à l’âge où surgit la parole. Il faut
préciser qu’il s’agit non des groupes constitués de deux mêmes consonnes mais des groupes
constitués de deux ou trois consonnes différentes. En général, les débutants, puis plus tard
ceux qui sont en difficulté, sautent une consonne sur les deux. La réalisation du groupe
consonantique est encore plus délicate lorsqu’il est précédé ou suivi d’autres segments du mot
difficiles à écrire.
Soit la dictée A Br1 « …Les voitures partent alors dans toutes les directions. C’est le
moment de bien observer les feux tricolores… », l’élève A, a produit successivement
"diretion " et "oberver"
L’élève a buté pour le premier mot sur le groupe consonantique [kt] qui sonorise le
« e » et pour le deuxième mot qui comprend deux groupes consonantiques sur le [ps] qui doit
être transcrit « bs ».
17
b) erreurs relatives aux voyelles
Problème du [ə] muet, appelé aussi [ə] caduc Soit la dictée D2 : « espérant voir défiler dans mon esprit le bon accord », l’élève D a
produit "le bonne acorde"
Pour ce qui est de "bonne" cet élève de début CM1 transcrit phonétiquement ce qu’il
entend en isolant l’épithète du nom qu’il qualifie. Pour écrire correctement cet adjectif, il ne
fallait pas l’isoler de son syntagme [ləbǤnakǤr]. Il n’a visiblement pas assimilé, lors des
leçons de lecture, le principe des liaisons qui fait que la consonne terminale d’un mot est
sonorisée, voisée par la voyelle initiale du mot suivant. Ce genre d’erreur est fréquent chez les
mauvais lecteurs. Quant à la lettre «e» ajoutée à la lettre «d» du mot « accord », elle est sans
doute attribuable à la confusion que font les mauvais lecteurs entre le nom des lettres et le son
du phonème qu’elle symbolise. L’élève ayant une image orthographique du mot se terminant
par la lettre «d», s’est répété en écrivant [də, də, də…]. Les élèves en difficulté ignorent
souvent que le «e» fermé, ou dit muet, fait "sonner" les consonnes terminales qui en français
sont en général muettes. La dictée du mot « accord » a pu susciter dans la représentation de
l’élève D l’image orthographique de l’impératif "accorde" dont l’occurrence est fréquente
dans les consignes des exercices orthographiques. Il est possible également d’émettre
l’hypothèse d’une mise au féminin du mot « accord » provoquée par la sonorité féminine de
l’épithète [bכn], transformation euphonique du [õ] en [כn] à cause du [a] de [akכR] . Mais
en général, les élèves en difficulté ne mettent pas de «e» muet quand c’est nécessaire, car en
écrivant la consonne finale, ils prononcent le phonème qu’en général elle symbolise.
On retrouve le même type d’erreur que pour "acorde" dans la production F2 "aterroje
le plafone" pour «…interroge le plafond… » et dans la production du même élève F1 "Que
saite court" pour «…Que c’est court… »
Le gallicisme « c’est » et sa forme à
l’imparfait « c’était » sont souvent confondus dans les copies des mauvais lecteurs avec le
démonstratif « cet(te) » d’où la transcription "saite".
18
Insertion "fautive" du «e» muet dans les groupes consonantiques
Soit la production H1 "il faut retourener" pour la dictée [RətuRne] et non [RətuRəne]
Les élèves en difficulté orthographique commettent fréquemment de telles insertions
parce qu’ils sonorisent les consonnes lorsqu’ils les écrivent.
Problème du [e] et du [εεεε ]
Soit les productions de deux élèves de CM1, E1 et D1, "il faut retourne", pour la dictée
« …il faut retourner…»
La flexion verbale [e] aurait dû, au moins, être transcrite «é» pour le rendu
phonologique même si c’est inexact grammaticalement. L’oubli des accents, chez les élèves
en difficulté orthographique est général. Ce ne sont pas des erreurs bénignes puisqu’un «e»
non accentué ne peut se lire en aucune façon [e] ou [εεεε ] sauf si la lettre «e» est sonorisée par
un groupe consonantique (cf "ett, ell, err.. "). Il faut que la transcription respecte au minimum
les règles de la phonétique du français.
En revanche, si les élèves en difficulté orthographique omettent souvent les accents
lorsqu’ils sont nécessaires, ils en tracent inutilement sur les «e» voisés par un groupe
consonantique. Cf. la production B2 "éspérant" pour la dictée «…Je ferme les yeux espérant
voir défiler…»
Confusion des nasales [ã]/[Õ]
La dictée par l’enseignante : « …Dans le car … » a provoqué chez l’élève A de CM1
la production "Donot le car".
19
Plusieurs hypothèses sont plausibles. Il peut y avoir une non perception du faible
contraste sonore [ã]/[Õ]. Mais il peut y avoir ambiguïté graphique à propos du tracé cursif des
lettres «a» et «o» pour lesquelles de mauvaises habitudes d’écriture sont contractées par les
élèves. L’appendice caudal de la lettre «o» rejoint "fautivement" la base de la lettre suivante
et prend ainsi l’allure du jambage droit de la lettre «a». L’inverse est également possible : la
"canne" de la lettre «a» peut se réduire à la "queue" de la lettre «o». Quant à la lettre «o»
après la lettre «n», elle peut être une métathèse du premier «o» ou une amorce du rond du
«d» qui suit surchargé d’un «t».
métathèse : n.f. (gr.metathesis, déplacement). Ling. Déplacement de voyelles, de consonnes
ou de syllabes à l’intérieur d’un mot. Petit Larousse.
Rq : La présence de la lettre terminale «d» surchargée de la lettre « t » peut s’expliquer par l’interférence de l’orthographe de la préposition "dans" avec l’orthographe du substantif "dent" ou encore avec la confusion sonore et orthographique de ladite préposition avec le pronom relatif "dont".
Confusion graphique et/ou sonore de la voyelle «o»/[o, ŦŦŦŦ] et de la syllabe «oi»/[wa]
Soit la production d’un élève de CM1 A2 « …ma vosine… » pour "ma voisine".
Une telle chute de la lettre «i» dans un digramme est fréquente de la part des élèves en
difficulté, surtout lorsque ceux-ci sont troublés par la transcription d’une semi-consonne, ici
[w] de [wa].
di-trigramme : (gr.gramma : lettre) combinaisons de deux-trois lettres ou graphèmes
représentant un phonème. Ex : le digramme «oi» pour les phonèmes [wa], le trigramme «ein»
pour le phonème [Ẽ].
Confusion des graphèmes peu différenciés «oi»/«ai»
A l’audition de la dictée : « …maître… » l’élève A (production A2) a écrit "moître"
20
Il est hautement probable que la personne A ne confond pas la syllabe sonore [wa] et
le phonème [εεεε ]. Il s’agit plus vraisemblablement d’une erreur d’écriture relative aux formes
cursives des lettres «o» et «a» (Cf.supra).
Ecriture de la syllabe [wẼ], «oin» réduite à l’écriture de la syllabe [wa], «oi»
Pour la dictée « … à midi moins cinq… » (Br1), l’élève F a écrit "moi 5"
Nous observons une chute de la lettre «n» susceptible de l’explication que nous avons
déjà fournie plus haut relativement à la graphie «oi» de "voisine" réduite à l’écriture «o». La
transcription de la semi-consonne [w] occasionne une surcharge cognitive dans le cerveau de
l’enfant.
Troubles occasionnés par la transcription de la semi-voyelle ou semi-consonne [ јјјј ]
associée à la voyelle [a] ou à la voyelle [εεεε ]
Lors de la dictée : «…Les maîtres surveillent…. », l’élève B a transcrit : "survaillen"
(production B1)
confondant la transcription de [εεεε j ] avec celle de [aj]. En fait, il y a une méconnaissance de la
graphie de l’unité [εεεε j ] mais plus vraisemblablement une mauvaise segmentation graphémique
du mot écrit. Il transcrit déjà le segment [syRvεεεε ] «survai-» (cf. le point de rupture entre le «i»
et les deux «ll» qui suivent) et ensuite le yod [j] par ces deux «ll».
Quant à l’élève A de CM1 , lorsqu’il écrit « …survellent … », il opère une sorte de
contraction, de télescopage, entre l’écriture du pronom personnel «elle» et l’écriture de la
syllabe [εεεε jjjj ]]]] «eille», les deux «ll» transcrivant le yod [j] et sonorisant en même temps le «e»
fermé en «e» ouvert. Comme l’élève précédent (B), il a segmenté le verbe de la manière
suivante : [syRvεεεε----jjjj ]. ]. ]. ]. Le point de rupture, entre «v» et «e», signale l’hésitation de l’élève.
21
Les graphies «ail…aill» et «eil…eill » étudiées lors du troisième trimestre du C.P. posent
longtemps problème à certains élèves.
Lecture des graphies «en» et «ent»
Dans la production B1, l’élève B a écrit : "survaillen" au lieu de " surveillent" dans la
phrase : «…Les maîtres surveillent… ».
La terminaison «en» d’un mot de la langue française se lit toujours [Ẽ] comme dans
«examen», «chien», etc. En revanche, la terminaison «ent» se lit [ə] lorsqu’elle est le
morphème caractérisant la troisième personne du pluriel d’un verbe conjugué, ou [ã]
lorsqu’elle est le graphème terminal d’un substantif : «sergent, gradient, expédient…». Il n’y
a donc pas d’erreur de phonétique dans les productions B2 et C2 qui transcrivent "afriquen" le
donné sonore [afrikẼ]. Ici, l’orthographe lexicale est méconnue. Par contre, les corrections
successives par l’élève B "affriquent" et "africent" (B2) sont "fautives" sur les plans
orthographique et phonétique puisqu’elles doivent se lire [afrikã] et [afrisã].
Confusion phonétique des voyelles [Ẽ]/[a]
Dans la production F2, l’élève F de CM1 a écrit "ateroje" le verbe « interroge » qui lui
a été dicté.
Si écoutant l’élève F, l’auditeur déporte son attention du sémantique sur le
phonologique, il s’aperçoit que l’élève articule effectivement le phonème [a] et non le
phonème [Ẽ]. Cette erreur articulatoire n’est pas rare lorsque l’on écoute attentivement les
productions orales de certains enfants et de certains adultes. Il s’agit donc ici d’un phénomène
d’assimilation déjà évoqué plus haut. Le transcripteur, qui lui aussi n’est attentif qu’au sens,
écrit, non ce qui a été objectivement articulé par celui ou celle qui dicte, mais le mot tel qu’il
22
le prononce lui-même. On peut penser aussi qu’il ne possède pas encore cette forme écrite
dans son lexique orthographique.
Confusion phonétique des voyelles peu contrastées [ŦŦŦŦ]/[ə]
Quand il a été dicté aux élèves A et E : «…La sonnerie retentit…», le premier a écrit
"sonri" (A1) et le second "seneri" (E1)
L’élève A transcrit le groupe sonore [ŦŦŦŦn] par la graphie «on», qui se lit en français [õõõõ],
alors qu’il se code, selon les règles de la phonétique du français soit par «on + voyelle»
(limonade, mais aussi bon accord cf.supra) soit par «onn + voyelle» (tonne). Quant à l’élève
E, il méconnaît la transcription par la lettre «o» de la voyelle orale postérieure ouverte [ŦŦŦŦ]. Il
code celle-ci par la lettre «e», transcription de la voyelle orale médiane ouverte [ə], qui est
très peu contrastée avec elle. La difficulté de rendre par écrit le phonème [ŦŦŦŦ] est fréquente
chez les élèves du cycle II et chez ceux en difficulté du cycle III. Ils n’ont pas remarqué que la
lettre «o» transcrivait deux phonèmes différents, à savoir le [ŦŦŦŦ] et le [o]. L’erreur inverse ,
transcription du phonème [ə] par la lettre «o» existe aussi. Cf la production G1 "ropot" puis
"raupot" suite à la dictée «…Ce moment de repos…».
Confusion graphique des séquences grammiques «ein»/ «ien»/ «ine»
Ces trois séquences contiennent exactement les mêmes lettres mais transcrivent des
phonèmes ou des groupes sonores différents selon l’ordre dans lequel elles se suivent : «ein»
transcrit [Ẽ], «ien» est l’écriture de [jẼ] et «ine» code la syllabe sonore [in]. Elles donnent
lieu chez les élèves en difficulté à de fréquentes métathèses. Ainsi, dans les productions E1 et
F1, pour le mot dicté «enfin» dans le membre de phrase «…d’autres enfin se racontent des
histoires…», l’élève E de CM1 a écrit "enfeien" ou "enfien" et l’élève F "enfine".
23
Ici, est diacritique l’ordre des lettres. Celui-ci est difficilement pris en compte par les enfants
qui ont des troubles spatio-temporels et/ou de la coordination visuo-motrice.
SOMMAIRE RECAPITULATIF DES CONFUSIONS GRAPHIQUES RE NCONTREES DANS LES
DICTEES DE CM1 REUNIES EN ANNEXE
Le donné, écrit par les élèves et lu par le correcteur, révèle, possiblement, des
confusions d’ordre phonétique. C’est pour cette raison que le tableau mentionne les couples
de phonèmes peu contrastés donnant lieu à des transcriptions erronées.
1. Consonnes opposées par leur articulation selon que celle-ci est ou n’est
pas accompagnée d’une vibration des cordes sonores
SOURDES
SONORES
[t]
[d]
apico-dentales
[p]
[b]
bilabiales
EXPLOSIVES OCCLUSIVES
[k]
[g]
vélaires
[f]
[v]
labio-dentales
SOUFFLEES
CONSTRICTIVES
[∫]
[Ɨ]
pré-palatales
[z]
apico-alvéolaires
[m]
bilabiale
NASALES
[s]
[n]
apico-dentale
24
2. Les groupes consonantiques formés de deux consonnes différentes
présentent une occasion d’erreur pour les élèves qui ont des difficultés de transcription. Ils
insèrent fréquemment la lettre « e » entre les deux consonnes. (cf. supra p13 la production H1
« retourener » pour le donné sonore [RətuRne])
3. Les erreurs relatives à la transcription des voyelles
Ont été rencontrées dans les dictées de CM1 des confusions de transcription pour les voyelles
- orales : [e] (demi-fermée antérieure) et [ε] (ouverte antérieure)
et [Ə] (médiane ouverte) (postérieure ouverte) [כ] - nasales : [õ] (postérieure ouverte) et [ã] (pharyngienne ouverte)
4. Les erreurs graphémiques
- «en» en rime transcrit le phonème [Ẽ]
- tandis que «ent» se lit [ã] ou [Ə]
- la graphie «ein» qui se lit [Ẽ], la graphie «ien» qui se lit [j Ẽ] et la graphie «ine»
qui se lit [in] donnent lieu à des métathèses de lettres.
- Certains élèves prononcent la voyelle nasale antérieure [Ẽ] comme la voyelle orale
antérieure [a] et la transcrivent donc par la lettre «a» (cf. production F2 p 16)
I.2. Erreurs de segmentation lexicale
Moins nombreuses sont les erreurs de transcriptions relevant de la segmentation
lexicale. En effet, on rencontre dans les productions écrites d’élèves en difficulté
d’apprentissage de la transcription phonémographique, des erreurs de ce type que l’on trouve
aussi dans les graffitis et les écrits d’adultes peu instruits. Une segmentation lexicale correcte
consiste en l’isolement des mots du discours oral qui lui ne les isole pas. En effet, le discours
oral est un continuum sonore. C’est l’apprentissage de la lecture et de l’écriture sous dictée
qui le brise en unités lexicales. A telle preuve que lorsque des collecteurs de patois demandent
à des personnes peu instruites dans la langue française écrite de traduire tel mot français en
patois, ils n’obtiennent aucune réponse car en fait, la dite personne interviewée n’est capable
de traduire que des unités plus vastes que le mot, des syntagmes entiers voire des phrases
entières. La non segmentation lexicale du discours oral est commune chez les tout petits
enfants qui disent par exemple «le navion» [lənavjỡ], «le nours» [lənurs]. Les enfants en
25
difficulté reproduisent, en quelque sorte, cette étape du début de l’oral lors de celle du début
de l’écrit. La segmentation incorrecte des mots écrits vient souvent, comme on le verra, de
l’incompréhension de l’élision euphonique de la voyelle du déterminant d’un mot
commençant par une voyelle : «lombre» pour «l’ombre» par exemple. Mais elle peut venir
aussi d’une difficulté sémantique : «lombre pointue des verpes pliés» pour «l’ombre pointue
des verts peupliers».
Ainsi sont relevables dans le corpus placé en annexe les erreurs suivantes :
- soit le membre de phrase dicté par l’enseignante «…Ce moment de repos tant
attendu… », divers élèves de CM1 (A, C, E, F et G) ont fourni les productions
suivantes :
Ces erreurs de segmentation relèvent probablement de déficits sémantique et
syntaxique. Que signifie le donné sonore [tãt at ãdy ] pour ces élèves et connaissent-ils, au
moins implicitement, la valeur adverbiale du quantitatif "tant" ? Il semble que l’élève C ne
comprend pas non plus la signification du participe passé "attendu" (production C1). Quant
aux élèves E et G, ils commettent, en plus, des erreurs de reduplication (ici, d’assimilation
progressive), c’est-à-dire de répétitions de syllabes et de phonèmes relatives aux dentales
occlusives [d/t].
- A la dictée de «…Je ferme les yeux, espérant voir défiler dans mon esprit le bon
accord (sous-entendu grammatical)… », le passage en gras a été écrit diversement par les
élèves G, D et A de CM1 :
Les trois élèves n’ont pas assimilé le principe euphonique qui gouverne les liaisons.
L’élève G n’a en outre pas compris le sens du substantif "accord".
26
- Dans les productions D2 et G2, la locution conjonctive temporelle «tandis que» a
été écrite par les élèves D et G de la manière suivante :
Il y a donc méconnaissance du mot "tandis" et confusion en plus des dentales
occlusives sonores et sourdes [d/t]. L’élève G commet la reduplication de la syllabe "que".
- Les articles définis de genre féminin ou masculin, terminés par la voyelle «e» ou
«a», la préposition «de», les pronoms personnels réfléchis «me»/«te»/«se», les pronoms
personnels «je, le, la», le pronom démonstratif «cela» (parfois contracté en «ça») et les mots
«que» et «si» quelque soit leur nature grammaticale, perdent leur voyelle qui est remplacée
par une apostrophe quand ils précèdent un mot dont l’attaque est une voyelle. L’élision de
cette voyelle est un problème pour beaucoup d’enfants, ainsi que le démontrent les
productions suivantes des élèves F, G, H :
Il est à remarquer, en passant, que la transcription de «c’est» par «saite» s’explique en
ce qui concerne la finale «te» par le fait que l’élève F de CM1 confond la lettre «t» et le
phonème [t]
Si le plus souvent, comme on l’observe ci-dessus, l’élision n’est pas faite, on observe
quelquefois une segmentation non fondée comme dans le cas des productions H1 «…La
s’auneri retenti…», D1 «…Les maîtres s’urveille…» et F2 «…l’emdtement…».
27
I.3. Erreurs de transcription relevant de la dysgraphie La dysgraphie est une difficulté (en grec dus) à écrire (en grec graphein) due à une
maladresse constitutive. "Chez les enfants, au début de l’apprentissage scolaire, il s’agit le
plus souvent d’une dysgraphie d’évolution liée à une mauvaise organisation spatiale, à une
lenteur excessive et à une grande fatigabilité. L’écolier fait de grands efforts pour bien écrire
et au début, y parvient, mais il s’épuise rapidement, éprouve une douleur au poignet et
présente même des ébauches de crampe."9 Il confond souvent les graphèmes peu contrastés
dont nous avons donné une liste plus haut (cf.p 10) et ne respecte pas la place des lettres dans
les mots. Ses efforts ne sont pas récompensés car il est en général en butte aux reproches et
aux punitions de ses maîtres. Cette attitude obscurantiste, c’est-à-dire d’ignorance de la
science ou d’incrédulité à son égard, finit par décourager l’enfant qui se met à présenter des
perturbations émotionnelles et affectives. "Dysgraphie et dysorthographie d’évolution vont
souvent de pair. Elles constituent une gêne sérieuse pour l’enfant, dont la progression scolaire
est entravée car, rapidement, les difficultés s’étendent aux autres domaines d’étude. Il commet
alors des erreurs en notant l’énoncé d’un problème, inverse les chiffres ou oublie de décaler
les dizaines." (ibidem)
Le corpus des dictées, placé en annexe, offre de nombreux exemples de dysgraphies
au sujet desquels il est possible de faire les hypothèses explicatives qui précèderont ou
succèderont les exemples présentés ci-dessous.
a) Télescopage des lettres
Au sens figuré (Cf. Petit Larousse) télescoper signifie empiéter l’un sur l’autre,
s’interpénétrer. Les productions, réunies en annexe, offrent de nombreux exemples de
télescopage de lettres. Il s’agit surtout de "lovages" de lettres rondes «o, a» dans l’inflexion au
"sol", au "plancher" du corps d’écriture : les lettres «o, a» se blottissent dans la canne
renversée des lettres «m, n, l, d, t, h, p, r» dans leur forme cursive, comme le montrent les
exemples ci-dessous :
9 N.SILAMY, Dictionnaire de psychologie, Bordas, 1980
28
Pour le «e» de «moment» (D1), il s’agit plutôt d’un télescopage que d’un "lovage".
Quant au «i» du graphème «aî» de «maître» (A2), il s’agit soit d’une confusion des
graphèmes «oi» et «ai», la boucle à l’intérieur du rond le laisse supposer, mais il peut s’agir
aussi d’un télescopage de la canne renversée de la lettre «a» et du «i», cette hampe du «a»,
avec inflexion à la base du corps d’écriture, remplissant les deux fonctions.
Les deux exemples suivants : production F2 «craves» pour "grave", production F Br 1
«d’artiole» pour "d’article" montrent la fermeture excessive de la lettre «c». La production F2,
illisible hors contexte transcrit en fait l’infinitif «voir» que l’on pourrait lire « avoire » : la
première courbe de la forme cursive du «v», excessivement fermée, a l’allure d’un «a» cursif
dont la "canne" renversée se termine par une boucle. Enfin le «r» cursif terminal, suivi d’un
«e», ressemble à un «s» cursif surajouté à la jonction du «i» et du «e».
b) Exagération des boucles (des fioritures complexifiantes selon A. VINTER cf.
citation ultérieure) des lettres «v»/«b» et «r» causes d’ambiguïtés de lecture
pour les récepteurs de l’écrit :
Ainsi en est-il des productions suivantes :
La mauvaise formation des lettres peut passer inaperçue aux yeux du correcteur et du
lecteur instruit qui sont des lecteurs experts. En effet, leur lecture est guidée par le contexte
sémantique. Sous les erreurs objectives de graphies, ils décèlent l’intention et non la
réalisation. Qu’observe-t-on dans la production A1 de l’élève de CM1 : un «c», un «o» et
ensuite un «u», le groupe graphique «iv» ou un «w» ? En fait, il ne s’agit ni du mot "couves",
ni des pseudo-mots "coives" ou "cowes". Si l’on se reporte au fragment du texte dicté, le
lecteur expert lira [kur ], restituant les orthographes lexicales et grammaticales «courent» en
fonction du contexte. Mais il est douteux que le producteur de cet écrit puisse se relire
quelques jours après lorsqu’il aura oublié le sens du texte dicté.
29
Si pour l’enseignant(e) qui a dicté le texte, la production E1 (bas de p 28), de l’élève
de CM1, se lit "retourner", objectivement il est écrit "vetourner" si l’on est indulgent pour la
partie graphique située entre le «u» et le «n» qui n’est en rien un «r». Il est remarquable que
la plupart des «r» des productions ci-dessus présentées se réduisent à des festons ou des
créneaux. La boucle du «v» initial du mot « vendredi » est aussi volumineuse que celle du
«e» qui la suit. L’appendice caudal du «v» de « opservait » pénètre dans le rond du «a»
transformant ce dernier graphème en le graphème «ei», le point du «i» suivant, qui ressemble
d’ailleurs à un «e», étant situé entre la canne renversée du «a» et ce dernier.
L’élève F a télescopé le «b» et le «r» de «nombreux» qu’il a écrit "monlreuismonlreuismonlreuismonlreuis". Les liaisons de la lettre «r» avec les lettres «b» et «v» sont fréquemment télescopées, la
boucle du «r» interférant avec celle du «b» ou du «v» qui la précèdent.
c). Interférences mnésiques entre les tracés cursifs du "llll" et du "hhhh".
De nombreux élèves en difficulté, comme l’élève B de CM1, amorcent le tracé cursif
de la lettre "llll" lorsqu’ils doivent effectuer celui de la lettre "hhhh". Quand ils doivent produire le
graphème cursif «chchchch», ils commencent la graphie cursive du groupe consonantique «clclclcl».
Donc on peut l’expliquer par une mauvaise inhibition du programme moteur du tracé cursif
du «llll» lorsqu’a été entrepris l’apprentissage du tracé du "hhhh". En effet, dans sa partie bouclée
initiale, le tracé du"hhhh" démarre comme celui du «llll». Cette difficulté est le signe d’un déficit
de plasticité du stock des différents programmes moteurs qui permettent de tracer les lettres.
d) Les liaisons inter-lettres à l’intérieur d’un mot :
Des copies d’enfants de début CM1, en difficulté, montrent des mots dont le
continuum cursif présente des ruptures sous forme d’espace ou simplement de point marquant
un repos appuyé de l’instrument scripteur en des endroits où un arrêt ne s’impose pas. Dans
ce système d’écriture, le lever de la pointe du crayon ou du stylo n’est nécessaire que pour le
tracé cursif des lettres rondes («a, c, d, g, o et q»), la combinaison des autres lettres
30
s’effectuant de manière liée. Les ruptures "fautives" peuvent s’expliquer par trois raisons au
moins, un déficit de la motricité fine et des coordinations visuo-manuelles que l’on peut
ranger dans la classe des dysgraphies, une mauvaise maîtrise des correspondances phonémo-
graphiques et enfin une non maîtrise de l’orthographe lexicale anciennement appelée d’usage.
Il convient d’accorder de l’importance à la liaison du «y» cursif avec la lettre qui la
précède, notamment dans les graphies telles que : "ayayayay" " oyoyoyoy" "uyuyuyuy" dont les écritures
"ayayayay" "oyoyoyoy" "uyuyuyuy" sont confondues, par les élèves en difficulté, avec les séquences graphiques
"aijaijaijaij" "oijoijoijoij" et "uijuijuijuij". Si la forme "yyyy" a peu d’importance lorsqu’elle se trouve en attaque,
comme dans les productions ci-dessous, B2, G2 et D2, d’élèves de début de CM1, il vaut
mieux les habituer, même dans ce cas là, à la forme "yyyy" commençant par un crochet. Cette
dernière, quelle que soit sa place dans le mot, ne sera pas source de confusion.
En somme, les problèmes de transcription rencontrés, momentanément par la plupart
des élèves, et plus ou moins durablement par ceux en plus ou moins grande difficulté, tiennent
le plus souvent à au moins quatre raisons associées : de conscience phonologique,
d’articulation, de méconnaissance ou de maîtrise insuffisante du principe alphabétique, de non
recours à la voie indirecte (cf encadré au verso). Il est nécessaire de recourir à celle-ci, quand
il s’agit d’écrire ou de lire des mots n’appartenant pas au lexique orthographique stocké en
mémoire à long terme et quand surgissent des difficultés d’une part, de rappel en mémoire de
travail des connaissances acquises et d’autre part de discriminations auditive et/ou visuelle. Si
les différents savoirs auxquels ces raisons se rattachent ne sont pas procéduralisés,
automatisés, le lecteur ou le scripteur se trouve être en surcharge cognitive et donc incapable
de traiter simultanément tous les savoirs et savoir-faire que requièrent une lecture et une
écriture expertes. En gros, les difficultés de transcriptions relèvent de la précision auditive, de
31
la précision visuelle et de la précision manuelle. Prévention et remédiation doivent porter sur
ces trois domaines.
La voie indirecte10 est la voie par laquelle s’opère le déchiffrement des mots dont on n’a pas mémorisé
l’image orthographique. On l’appelle aussi voie d’assemblage car dans ce cas les lettres sont assemblées pour
constituer des syllabes et ces dernières sont à leur tour assemblées pour former des mots. Lorsque le lecteur
dispose déjà dans sa mémoire, d’une image orthographique du mot, ce dernier est quasi instantanément reconnu,
à la fois visuellement, auditivement et sémantiquement. On dit alors que le mot es identifié par la voie directe ou
voie d’adressage. La personne qui identifie les mots de cette façon est entrée dans la lecture courante
10 cf. CNDP, Qu’apprend-on à l’école élémentaire, les nouveaux programmes, 2002 p75
32
II] PROPOSITIONS D’UNE PART DE PREVENTION LORS DE
L’APPRENTISSAGE DE LA TRANSCRIPTION AUX CYCLES I ET
PRINCIPALEMENT II, D’AUTRE PART DE REMEDIATION AU
CYCLE III
II.1 Remédiation au cycle III : Les évaluations nationales de CE2, les évaluations opérées par les membres des
R.A.S.E.D. et les dictées en annexe que j’ai effectuées moi-même, lors du stage de pratique
accompagnée dans un CM1 d’une école d’application, montrent que les objectifs de fin de
cycle II ne sont pas atteints en matière de transcription par une fraction non négligeable
d’élèves qui peut varier de 20 à 30%. C’est pour cela que les I.O de 2002 (pp 51 et 155)
prévoient des Programmes Personnalisés d’Aide et de Progrès (PPAP) destinés à remédier à
cette situation par une prise en charge qui est de la responsabilité des équipes d’école ou de
cycle, même lorsqu’un appui est demandé aux membres du Réseau d’Aide Spécialisé aux
Enfants en Difficulté (R.A.S.E.D.). Il s’agit alors de faire atteindre aux dits élèves les
compétences en écriture et en lecture qu’ils n’ont pas acquises pour des raisons personnelles
et/ou pédagogiques (absence de prévention ou insuffisance de celle-ci pour ce type d’élève au
regard de leur profil psycho-sociologique).
Puisque lors des deux stages en responsabilité, je n’ai pas eu à faire classe à des élèves
de cycle III, je ne peux parler que de manière livresque de la remédiation que le pédagogue
peut y effectuer. Une question se pose concernant les élèves qui n’ont pas encore acquis d’une
part, un traitement phonémographémique (transcription) et/ou graphémophonologique
(déchiffrement) efficace portant sur les unités de tailles variées que sont les syllabes et les
parties de syllabes et d’autre part, la reconnaissance de mots rencontrés à maintes reprises
(lecture courante et recours au lexique orthographique en mémoire à long terme). Elle peut se
formuler ainsi : faut-il réutiliser les méthodes qui ont échoué au cycle II ou en trouver de plus
efficaces parce que convenant à leur profil cognitif ? Alors il faut les trouver, ce qui demande
de l’expérience, du savoir théorique et de la créativité. La tâche se révèle très difficile.
Pour la part des élèves auprès de laquelle les méthodes courantes et efficaces
d’apprentissage de la lecture et de l’écriture n’auraient pas produit les résultats escomptés,
uniquement pour des raisons de retard de développement de certaines capacités analytico-
synthétiques, il est légitime de penser que la maturité étant accomplie à l’entrée du cycle III,
ces méthodes puissent être alors reprises avec succès. Il s’agira donc, dans le cadre des PPAP
d’aménager des temps de segmentations des énoncés écrits et oraux jusqu’à leurs constituants
33
les plus simples (I.O de 2002 pp73, 74 et sq) : segmentation du texte en mots, segmentation
des mots en syllabes et phonèmes, analyse du matériel graphique et synthèse des unités
identifiées, enfin analyse des irrégularités de l’orthographe du français (lois de position pour
les lettres «c, g, s, t…», morphèmes lexicaux par exemple «gt»du mot «doigt»).
Il se rencontre aussi des élèves, par ailleurs intelligents, pour lesquels d’une part, une
pédagogie individualisée au sein de la classe, spécialisée au sein du R.A.S.E.D. et d’autre part
une prise en charge orthophonique massive se montrent quasiment inopérantes. Ces élèves, il
faut y penser, la littérature médicale en fait mention, pourraient bien relever de l’aphasiologie.
En effet, la linguiste, médecin neurologue et aphasiologue Gisèle GELBERT11, fait
l’hypothèse, dans une perspective évolutionniste, que l’être humain est programmé non
seulement pour la langue orale mais aussi pour la langue écrite puisqu’il l’a inventée. Ainsi de
même que certains êtres humains sont dans une incapacité partielle ou totale d’une production
orale, d’autres seraient dans une incapacité également partielle ou totale de produire un
langage écrit. Elle dit vérifier cette hypothèse par son expérience clinique et rééducative de
ladite aphasie que certains appellent dysphasie. Le critère actuel d’une aphasie dans le seul
domaine de la production écrite serait une inefficacité quasi totale d’une rééducation
orthophonique. Les dysphasiques de l’écrit relèvent de procédures rééducatives encore trop
peu répandues dans les secteurs médical et paramédical.
Comme cela vient d’être évoqué ci-dessus, l’absence de stage en responsabilité au
cycle III, ne m’a pas permis de pratiquer une remédiation au sujet de la transcription lorsque
celle-ci est défectueuse. La brièveté des stages en cycle I et II m’a permis, en revanche, de
mettre en œuvre quelques mesures de préventions, à savoir dans les domaines du tracé du
continuum cursif des mots (forme des lettres et liaison entre elles), de la discrimination des
formes grammiques peu contrastées et enfin de la différenciation entre phonèmes peu
contrastés et leur correspondance graphémique.
II .2. Prévention aux cycles I et II des difficultés que peuvent
normalement rencontrer les élèves dans l’apprentissage de la
formation et de la reconnaissance de la forme des lettres
a) Prévention dans le domaine du tracé cursif de la forme des lettres et de leur enchaînement à l’intérieur des mots.
11 GELBERT G., Lire, c’est aussi écrire, éditions O. Jacob, 1998
34
Chargée d’une part, en stage de responsabilité 1, d’élèves des deux premières années
du cycle II et d’autre part, en stage de responsabilité 2, d’élèves des deux années du cycle I et
de première année de cycle II, j’ai tenté de mettre en œuvre dans les activités de graphisme
préparatoires à l’écriture et dans celles d’apprentissage de l’écriture, quelques principes
préventifs, la brièveté des stages ne m’ayant pas permis de les appliquer tous.
Domaine du coloriage J’ai compris très vite lors de ma fonction d’aide-éducatrice en CLIS que l’activité de
coloriage devait faire l’objet d’un apprentissage exigeant une présence didactique de
l’enseignant(e), de l’adulte. Elle ne peut être en aucune façon une activité de délestage. Il
s’agit de remplir de manière homogène par la couleur des surfaces dont il ne faut pas dépasser
les frontières. Cette activité de non débordement exige une maîtrise des gestes fins que
requiert l’écriture cursive contrainte dans le cadre des réglures sèyés des cahiers. Aussi lors de
mes stages R1 et R2, j’ai ménagé des temps d’enseignement de cette activité en montrant
comment il fallait faire et en verbalisant ce que je faisais. Je n’ai pas hésité comme la
chercheuse CNRS Liliane LURCAT12 le préconisait, il y a trois décennies déjà, à
accompagner leurs gestes c’est-à-dire à tenir leur main et à verbaliser ce que celle-ci, guidée
par la mienne, faisait.
Domaine du graphisme Lors de mes stages R1 et R2 je n’ai retenu des activités graphiques que celles
qu’impliquent la morphocinèse et la topocinèse de l’écriture cursive des langues qui utilisent
les caractères latins. Ces deux néologismes, définis dans l’encadré ci-après, indiquent bien
qu’un modèle d’écriture dans la marge d’un cahier recouvre en fait, deux modèles, un modèle
visuel, la forme (-morpho- & -topo-) et un modèle cinétique (-cinèse-). Pédagogiquement, il
est donc important de ne pas laisser seul l’élève en face du modèle écrit qui est statique, il est
absolument nécessaire de lui fournir le modèle cinétique par des exécutions magistrales de la
lettre ou du mot à reproduire : il faut que l’élève voit comment l’enseignant(e) s’y prend pour
écrire.
12 LURCAT L., l’activité graphique à l’école maternelle, ESF, 1980
35
Morphocinèse : (gr. morphê, forme, kinêsis, mouvement.) Selon Annie VINTER, la morphocinèse est
la génération des trajectoires qui contribuent à la formation des lettres .
Topocinèse : (gr. topos , espace, kinêsis, mouvement.) Selon le même professeur et chercheur, la
topocinèse, pour ce qui est de l’écriture latine cursive, désigne d’une part, la progression de l’enchaînement des
lettres dans un déplacement horizontal qui va de gauche à droite, et d’autre part, le déploiement de chaque lettre
dans la dimension verticale.
Donc, je me suis bornée à un apprentissage du tracé des ronds, en PS et MS (cf.
annexe 2) respectant la morphocinèse conventionnelle des « a et o ». La lettre «c»
constitue la forme mère des lettres comportant une ampoule ronde telle que «a, o, d, g,
q ». Aussi j’ai
contraint les élèves àtracer les ronds en commençant par un point comme le «c» et en
poursuivant le cercle dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Cette trajectoire va à
l’encontre du sens giratoire spontané du tracé des ronds par les élèves (cf. annexe 2 PS
contourner des formes rondes, MS tracer des ronds). Cette procédure est obligatoire si l’on
veut tracer les lettres, ci-dessus mentionnées, sans lever la pointe du stylo. En effet A.
VINTER déclare qu’« automatiser l’écriture va consister à minimiser le nombre d’unités
motrices requises pour former la trajectoire de façon à ce qu’une correspondance parfaite
existe entre le spatial (forme) et le cinématique (moteur) ».
Pour préparer à l’écriture des lettres :
a, n
d,
i ,
m, u
le tracé de festons arc en haut puis arc en bas a fait l’objet de
véritables leçons pour les MS et GS (Cf. annexe 3 MS graphisme et exercices de péécriture). Elle
consistaient à réaliser, tout en les verbalisant, ces tracés. D’amples gestes dans l’espace,
impliquant l’épaule, le bras, le coude (la proximalité), le poignet, la main et les doigts (la
distalité), ont précédé des gestes plus réduits, impliquant également proximalité et distalité.
Les tracés ont d’abord été effectués dans l’espace, ensuite, sur tableau avec une éponge
36
mouillée, puis avec une craie. Enfin le geste s’est réduit n’impliquant plus que la distalité
c’est-à-dire le poignet, la main et les doigts sur une feuille. J’ai veillé toujours, pour
minimiser le nombre d’unités motrices, à ce que les arcades soient tracées de manière
continue sans lever la pointe de l’instrument scripteur. J’ai verbalisé, en même temps, de la
manière qui suit : "Je monte, je tourne à droite, je descends, je monte sur le même trait que je
viens de tracer, je tourne à droite, je descends etc" pour les arcs en haut , "je
descends, je tourne à droite, je monte, je descends sur le même trait que je viens de tracer, je
tourne à droite etc" pour les arcs en bas .
Pour préparer à l’écriture des lettres «r et z» il m’a semblé utile d’entraîner les élèves
de GS à tracer des « méandres en bande »13 ou créneaux de château fort, bien que cet exercice
n’apparaisse pas dans les fichiers de graphisme. Cette bande est utilement modifiée pour
préparer au «r» en traçant les saillies supérieures avec deux angles droits et les saillies
inférieures à la façon des festons renversés (Cf. annexe 3 exercices de préécriture et
évaluation GS ).
Bien sûr j’ai entraîné les élèves de MS et GS aux tracés couramment effectués dans
leurs classes, de guirlandes de cycloïdes avec boucles en haut et/ou en bas. Elles préparent à
l’écriture des « b ,e, f, g, h, j, k, l, y et z ». Travailler au tracé de ces guirlandes c’est
travailler à la composante morphocinétique de l’écriture. Mais il ne faut pas oublier aussi de
travailler à la composante topocinétique de celle-ci c’est-à-dire à l’effectuation des allers et
retours horizontaux sur la feuille. L’élève dans un premier temps, occupé uniquement par la
composante morphocinétique, trace une bande qui monte ou qui descend. Ce n’est que
lorsqu’il a bien intégré la forme des boucles, des festons et des méandres qu’il peut consacrer
son attention à la direction horizontale de la guirlande. Obliger précocement l’élève à tracer
ces motifs entre deux lignes horizontales complique plus qu’il ne la simplifie la tâche qui lui
est demandée. Je me suis aperçue, lors de ces stages, que ce n’est qu’une fois que l’élève
savait faire les boucles, les festons et les méandres qu’il pouvait les associer en une chaîne
continue horizontale. Que ce soit l’une ou l’autre des composantes cinétiques de l’écriture,
elles s’apprennent d’autant mieux par l’élève qu’à la démonstration magistrale, qu’au guidage
échéant du bras ou de la main de l’élève par l’enseignant(e) est associée une verbalisation de
ce qui se réalise ou va être réalisé. C’est cela que je me suis efforcée de faire lors des leçons
de graphisme, d’écriture et de copie au cycle I et II. 13 méandres en bandes : article et planche, ornements en bande (architecture) Petit Larousse illustré
37
Puisque, automatiser l’écriture consiste à minimiser le nombre d’unités motrices pour
former les trajectoires morpho et topocinétique, j’ai entraîné les élèves de GS à enchaîner,
sans lever la pointe de l’instrument scripteur, les quatre motifs déjà appris (ronds, festons,
méandres et cycloïdes) en des segments plus ou moins longs préfigurant ou figurant déjà des
mots écrits (cf. annexe 3 évaluations GS). Il est important de conduire les élèves lors de
l’enchaînement des ronds et des festons, à ne pas loger les ronds, les lover, dans la courbe des
festons, erreur graphique maintes fois analysée dans les dictées de CM1 placées en annexe.
Ne parvenant pas à corriger chez une élève de début CP, lors de mon stage R1, le programme
moteur présidant au lovage des « aaaa et o » dans l’arc renversé terminant certaines lettres de
l’alphabet notamment le « m, n» (cf. annexe 4 exemples de lovage au CP), j’ai tenté un système
d’écriture contrainte : tout ce qu’elle avait à écrire, date, titre, copie de mots étaient écrits par
mes soins en pointillés. Son travail consistait alors à repasser sur l’esquisse. Cette entreprise a
été couronnée de succès au terme de quelques jours mais je ne sais pas si la rectification dudit
programme moteur s’est prolongée dans le temps. Il est à remarquer que le tracé de pointillés
ne suffit pas, que la trajectoire qui doit être suivie doit être expliquée avant et pendant
l’exécution par l’élève.
Cet entraînement à un tracé continu, sans lever de la pointe du stylo, pour les
enchaînements des motifs préparatoires à l’écriture des lettres, doit être poursuivi du CP au
CM (puisque les chercheurs universitaires, cf. A. VINTER, conseillent de continuer cet
apprentissage jusqu’à la fin de l’école élémentaire) lors des leçons d’écriture et de copies.
Faire de ces exercices une activité de délestage c’est condamner les élèves à des montages de
programmes moteurs viciés et donc favoriser des troubles dysgraphiques irréductibles à partir
du cycle III.
L’automatisation de l’écriture, composante contribuant à l’automatisation de la
transcription et de l’orthographe, est favorisée, selon la recherche, par une simplification des
formes des lettres consistant à éviter les boucles ou fioritures qui complexifient le montage
des programmes moteurs (cf. I. 3 b) pp 28-29). La continuité de l’écriture cursive,
contrairement à un préjugé tenace, n’est pas facilitée par celles-ci. J’ai essayé moi-même, lors
du stage R1 dans une classe de GS/CP, avec mauvaise conscience, de corriger un
apprentissage effectué par l’enseignante que je remplaçais. Je venais de constater lors du stage
de pratique accompagnée dans une classe de CM1 les ambiguïtés orthographiques
qu’entraînaient les exagérations ou les déformations des fioritures et notamment des boucles,
dans les dictées que j’avais faites faire aux élèves (exemples cités I. 3 b) pp 28-29 et au verso
de cette présente page). Ces ambiguïtés orthographiques, je les avais également observées lors
de ma fonction d’Aide-Educatrice en CLIS 1. J’ai lutté notamment contre les boucles inutiles
38
à la continuité du tracé des « ». Les « » se transforment en
« », voire en « », les « » en « », les « » en quelque chose comme
« ».
Le non abandon des élèves, d’une part à la reproduction de modèles d’écriture et
d’autre part à l’exercice appelé copie, vise à ce que ceux-ci ne contractent pas de mauvaises
habitudes de tracé des lettres et de leurs liaisons entre elles à l’intérieur des mots. C’est un
apprentissage de longue haleine dont l’évolution, selon les recherches scientifiques d’A.
VINTER, continue entre le CE2 et le CM2. Ce constat commande que l’apprentissage doit
être poursuivi jusqu’au CM2.
Les exercices de tracé de la forme des lettres par l’entraînement à leur formation avec
le stylo peut sembler éloigné des apprentissages du déchiffrement et de la transcription,
voire n’avoir rien affaire avec eux. Or la recherche scientifique a prouvé qu’il y a des relations
efficientes et efficaces entre cet apprentissage manuel de la forme des lettres et la
reconnaissance de ces formes. (travaux de GENTAZ et Coll. 2003-04 cités par A. VINTER).
L’ écriture au clavier de l’ordinateur ou de la machine à écrire n’a pas du tout la même
efficience que l’écriture manuscrite. Il n’y a pas du tout équivalence selon les travaux de
VELAY et Coll. 2004 cités par A.VINTER. Donc la production de mouvements d’écriture
contribue à la reconnaissance des caractères écrits. Sachant que la reconnaissance des lettres
est essentielle à l’apprentissage de la lecture, on peut anticiper des liens entre apprentissage
de l’écriture et l’apprentissage de la lecture. Ainsi, la lecture tire des bénéfices de
l’entraînement à l’écriture . Ce dernier est bien une action préventive.
b) Prévention dans la discrimination des formes grammiques
Lors de mes stages j’ai exercé mes élèves à la discrimination visuelle avec des séries
constituées d’une forme cible à l’intérieur d’un carré, ce dernier étant suivi d’une bande de
39
carrés adjacents contenant chacun soit la lettre cible soit des distracteurs consistant en des
formes peu différentes de celle-ci (cf.annexe 5 les fiches de discrimination visuelle relatives à toutes les
confusions de formes dont il va être question ci-dessous ). Il s’agissait alors de reconnaître en la barrant, en
l’entourant ou la coloriant la forme cible. Cet exercice est couramment pratiqué dans les
écoles maternelles.
La confusion des lettres en caractère script « b, d, q, p » fait l’objet d’une attention
vigilante de la part des pédagogues et des manuels dont ils se servent. Mais il est peu ou
moins remarqué, que d’autres lettres peuvent être également l’objet de confusions. Il en est
ainsi du « f et du t » scripts, tracés qui ne diffèrent que par l’orientation. Se distinguent
également par l’orientation les « u et n » scripts. Leur confusion suffit à expliquer la
confusion des digrammes « on/ou », « an/au » et « eu/en ». La confusion, d’une part entre le
« n » et le « h » scripts, qui ne diffèrent que par une légère surélévation de la hampe verticale
gauche précédant l’arcade, et d’autre part entre le « b » et le « h » scripts, qui ne diffèrent que
par la fermeture à la base, quoique plus rare, se rencontre parfois. Les formes cursives du
« y/hy/hy/hy/h » ne diffèrent que par l’orientation. Les formes cursives du « f et du b » peuvent ne
point être discriminées quand la courbe terminale du « b » comme ici est trop refermée sous la
boucle supérieure (cf annexe 6 tracer de mots sans lever le stylo ). Les enchaînements des caractères
cursifs « v/rv/rv/rv/r » presque symétriques sont sources de confusion. En outre, le « rrrr » cursif est
fréquemment télescopé, dans les dictées, lors de son association au « b » et au « vvvv » cursifs,
les élèves écrivant par exemple « be, ba » quand ils devraient écrire « bre, bra ». Dans ce
dernier cas, la partie terminale de la courbe finale du « b et du vvvv » avec la boucle qui
l’achève est prise pour un « r » script minuscule. Il ne s’agit donc pas forcément de
l’escamotage du « r » dans le groupe consonantique. Il convient donc de prévoir des exercices
de discrimination du type « lr/brlr/brlr/brlr/br,, v/vrv/vrv/vrv/vr ».
40
II.3 Prévention aux cycles I et II des difficultés que peuvent normalement
rencontrer les élèves dans l’apprentissage de la transcription de l’oral en écrit
L’analyse des erreurs commises par les élèves de CM1 a montré qu’elles portent sur
des graphèmes isolés ou groupés, en syllabes simples , syllabes inverses (ar, il, os, uc…)
dyphtongues simples (au, en, ou…) ou composées (ail/aill, eil/eill, oi…). Elles sont souvent
durables pour les groupes consonantiques qui appartiennent à un mot multi-syllabiques
(construction…). Elles portent enfin sur l’ensemble du mot. Beaucoup de graphèmes peu
contrastés transcrivent respectivement des phonèmes peu contrastés, si bien qu’il est difficile
de savoir, quand il y a des confusions, si elles sont d’ordre auditif ou visuel. Aussi la
prévention doit elle porter et sur la discrimination auditive et sur la discrimination visuelle.
Un doute cependant demeure : faut-il apprendre à distinguer dans le même moment deux
phonèmes peu contrastés ? Pour distinguer, dans un autre domaine que ceux de l’ouïe et de
la vue, la différence de température, avec le toucher, existant entre deux volumes d’eau dans
deux récipients, il ne faut pas que la différence porte sur seulement quelques degrés, le
toucher ne sent, en l’occurrence, que la différence entre le tiède et le froid, ou entre le tiède et
le chaud, mais non pas entre deux états de la tiédeur. Or il est courant d’exercer les élèves lors
d’une même leçon, sur une même fiche à distinguer par exemple « boule » de « poule »,
« bombe » de « pompe ». N’est-ce pas ancrer, dans une perpétuelle incertitude, les élèves,
ayant de la difficulté à catégoriser les phonèmes [b]/[p] et les graphèmes «b»/«p».
J’ai moi-même évité, parfois de suivre l’usage pédagogique courant, lors des stages R1
(GS/CP)et R2 (PS, MS et GS) (Cf. annexe 7 , fiche sur la discrimination du phonème sourd [t],où les
élèves doivent entourer puis colorier des représentations dont la dénomination contient le dit phonème [t]. Le
phonème sonore [d] n’entre dans la composition lexique d’aucun distracteur). Mais n’ayant pas assez
d’expérience pour vérifier le bien fondé de ma crainte, j’ai aussi sacrifié à la pratique
pédagogique courante (Cf. annexe 7 , fiche sur la discrimination du phonème sourd [f] où j’ai dessiné le
référent de distracteurs commençant par la sonore [v] tels les mots valise et voiture qui ont été colorié par 3 GS
sur 5).
Dans le cas, où mon hypothèse serait vérifiée, ne faudrait-il pas différer dans le temps
l’apprentissage des phonèmes et des graphèmes peu différenciés ? Cela poserait alors,
l’aménagement d’une progression de l’apprentissage de la transcription qui en tiendrait
compte.
Si l’on accorde crédit à l’article de S.CASALIS, maître de conférences à Lille III14, la
plupart des humains ont une perception catégorielle de la parole : ils distinguent les sourdes et
14 Sciences et Vie n°222 mars 2003 H.S.(Cf.bibliographie)
41
les sonores. Mais quelques uns, certains dyslexiques notamment, percevraient le continuum
vibratoire existant entre elles et seraient donc incapables d’établir une frontière par exemple
entre [ta] et [da]. Ils percevraient plus finement les différences entre des sons au sein d’une
même catégorie et auraient du mal à les regrouper. Donc en pensant à ces personnes, il ne
faut pas négliger dans l’apprentissage, par mesure préventive, la voie d’adressage ou voie
directe (cf. encadré p 31). Ils distingueront le mot « ver » du mot « fer » par le contexte
sémantique et apprendront l’attaque [v] ou [f] par la même voie que sont appris le graphème
« on » transcrivant le phonème [œ] de « monsieur » et le graphème « e » transcrivant le
phonème le [a] de « femme ».
Finalement, prévenir l’ancrage de mauvais programmes moteurs de
transcription , c’est conduire l’apprentissage de celle-ci, sur les trois ou quatre années de
maternelle et les deux premières années d’élémentaire, en prenant toutes les précautions
qu’indiquent les expériences professionnelle, collective et personnelle, mais aussi toutes les
avancées de ces dernières décennies, et surtout de ces dernières années, en psychologie
cognitive, en psycholinguistique et en neurosciences.
Compte tenu de la brièveté des stages, je n’ai pas pu mettre en œuvre toutes les
mesures de prévention dont j’ai été informée au cours de ma formation théorique et par mes
diverses lectures. Le développement de la conscience phonologique plus systématiquement
pratiqué que naguère (segmentation lexicale, segmentations syllabique et phonémique par
divers procédés : suppression, adjonction) entre dans l’arsenal des mesures préventives. Je me
suis efforcée de le pratiquer pendant les trois semaines de chaque stage. J’ai pratiqué
quotidiennement avec les CP (stage R1) des exercices d’analyse et de synthèse syllabique
et/ou phonémique, d’une part, du donné entendu lors des dictées, d’autre part, du donné lu
lors des séances de lecture, d’écriture et de copie qui faisaient l’objet de véritables leçons et
non de simple imitation. Je ne fais pas mention à nouveau de l’attention particulière que j’ai
accordée au montage des programmes moteurs présidant d’une part, à la morphocinèse des
lettres et d’autre part, à la topocinèse dirigeant leur enchaînement rectiligne et la
proportionnalité de leur taille les unes par rapport aux autres dans le sens de la verticalité.
42
CONCLUSION : Il serait bien prétentieux, au seuil de la carrière de Professeur des écoles, de
répondre, définitivement et exhaustivement, à la question inaugurale qui suit immédiatement
le titre de ce mémoire.
Mais d’une part, l’ensemble des observations que les cinq années d’Aide-
Educatrice auprès d’enseignant(e)s de CLIS 1 et d’autre part, l’analyse que les formations
théoriques et pratiques d’éducateur à l’IRTESS et de Professeur des écoles en candidat libre
puis à l’IUFM m’ont permis de faire, me disposent à envisager, dès le début de ma carrière,
des mesures pédagogiques et didactiques en vue d’éviter, le plus possible, aux élèves que
j’aurai à enseigner des difficultés de lecture et d’écriture à l’issue de la scolarité primaire.
Le savoir lire et écrire, les neurosciences nous le démontrent, consiste en un
montage de programmes moteurs qui ne peuvent pas s’organiser avant une certaine maturité
des systèmes nerveux central et périphérique. Il y a de grandes différences interindividuelles
dans l’avènement de cette maturité. La plupart des élèves sont mûrs pour la gestuelle de
l’écriture au cours de l’année de Moyenne Section (MS) et pour les apprentissages de la
lecture et de la transcription (ou écriture sous dictée) au cours de la septième année (CP).
Cette répartition, des élèves pour les apprentissages de l’écriture cursive et ensuite de la
correspondance phonémographique, suit une courbe en cloche.
Mais à L’extrémité gauche de cette courbe, sont situés des élèves incapables
d’apprendre ce que peut assimiler la majorité des élèves de leur âge. Si on les y force, malgré
tout, ils souffrent, se dégoûtent de l’école, et contractent de mauvaises habitudes motrices et
procédurales difficiles à réduire, lorsque les capacités à apprendre à lire et à écrire seront là.
On ne peut pourtant pas laisser ces élèves en jachère. Adapter, alors, l’enseignement à leurs
particularités développementales est une mesure capitale de prévention.
La politique des cycles a été prévue pour appliquer le même programme à tous,
mais à des rythmes différents, respectant ceux des différences développementales
individuelles. Ainsi, la programmation, d’une part de l’apprentissage de l’écriture cursive,
préparé par les exercices graphiques et le dessin et, d’autre part, celui de la conscience sonore,
musicale et phonologique tout le long des Cycles I et II, doit être en quelque façon tuilée en
fonction des particularités individuelles du développement de chaque élève. Si cela s’avère
nécessaire, cette programmation doit se poursuivre sur le cycle III afin que tous les élèves à
l’issue de l’école élémentaire sachent déchiffrer et transcrire avec aisance.
43
BIBLIOGRAPHIE DICTIONNAIRES et MANUELS DE LINGUISTIQUE
- Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation, coll. Nathan-Université, 1994,
- G .MOUNIN, Dictionnaire de la linguistique (T1), coll.science de l’éducation et de la formation, coll.
Nathan-Université, 1994,
- G.MOUNIN, La linguistique, Seghers, 1987
- DUCROT O., T. TODOROV, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, seuil, 1972,
- NEVEU F., Lexique des notions linguistiques, Nathan-Université, 2000,
- LEIF.J, DELAY J., GUILLARME, Psychologie et éducation : T 3 notions de psychométrie (Ch 5 : les
épreuves de connaissances scolaires p 100 à 109), F.NATHAND, 1971,
- ELUERD R., Pour aborder la linguistique (T1), coll. science de l’éducation, édition ESF, 1981
- MARCHAND F., Manuel de linguistique appliquée : T2 la phonétique et ses applications, Delagrave,
1975
OUVRAGES de PSYCHO-LINGUISTIQUE de la LECTURE et de L’ECRITURE
- O.N.L., CNDP, édition O.JACOB
■ ouvrage dirigé par J. MORAIS et G. ROBILLART, T1 Apprendre à lire au cycle des
apprentissages fondamentaux : analyses, réflexions et proposition (GS, CP,CE1), 1998
■ ouvrage dirigé par M. FAYOL, J. DAVID, D. DUBOIS, M. REMOND, T2 Maîtriser la
lecture : poursuivre l’apprentissage de la lecture de 8 à 11 ans, 2000
- GELBERT G., Lire, c’est aussi écrire, éditions O.JACOB, 1998
- J. MORAIS, L’art de lire, édition O.JACOB, 1994
- J.E. GOMBERT, Le développement métalinguistique, PUF, 1990
- M. FAYOL, J.E. GOMBERT, P. LECOCQ, L. SPRENGER-CHAROLLES, D. ZAGAR, Psychologie
cognitive de la lecture, PUF, 1992
- BOURCIER A., Traitement de la dyslexie, édition sociale française, 1968
- LURCAT L., L’activité graphique à l’école maternelle, éd. ESF, 1980
- DUMONT D., Le geste d’écriture : méthode d’apprentissage cycle 1 et 2, Hatier, 2000
REVUES SCIENTIFIQUES et MANUELS SUR LE LANGAGE, SES TROUBLES et
leur REMEDIATION
- VINTER A., L’apprentissage de l’écriture : un état de la question, conférence du 26 janvier 2005,
Universoité de Bourgogne-LEAD, CNRS 5022
- Science et vie, L’enfant et l’échec scolaire, article pp 32 à 36, L’échec en orthographe par E.BLED et
D. BERLION, n° H.S. 164 sept.1988
- Science et vie, Les secrets de l’intelligence, articles pp 108 à 113 Dyslexies plurielles par S. CASALIS
et A. PADIOLEAU , maîtres de conférence à l’université de Lille et pp 116 à 119 Remédier aux
problèmes de lecture et d’écriture par M. TOUZIN, orthophoniste, H.S n°222 Mars 2003
- Science et vie, Découvertes : du langage aux langues, H.S. n°227, juin 2004
- CASTEILLA A., L’écriture pour tous : apprentissage et rééducation de l’écriture, édition A.
Casteilla, 1982
LES NOUVEAUX PROGRAMMES, QU’APPREND-ON A L’ECOLE EL EMENTAIRE , cndp, 2002
44
ANNEXES
45
Annexe 1
46
Dictéés extraites du livre de J.CORUBLE, J.C. LUCAS et J. ROSA, C.L.R., 350 dictées, niveau CM,
édition Hachette-éducation, 1990
DICTEE 1 : LA RECREATION
Les portes des classes s’ouvrent une à une et la cour s’anime : c’est l’heure de la récréation.
Des enfants courent, d’autres jouent aux billes, d’autres enfin se racontent des histoires. Les
maîtres surveillent. La sonnerie retentit. Que c’est court ! Ce moment de repos tant attendu est
déjà fini et il faut retourner en classe.
DICTEE 2 : LA DICTEE
Le vendredi matin, nous faisons une dictée. Tout le monde se concentre. La voix du maître,
puissante et grave, dicte lentement.
Je ferme les yeux, espérant voir défiler dans mon esprit le bon accord, la bonne terminaison.
Marc, lui, interroge le plafond, tandis que ma voisine griffonne sur la table le mot « africain »
pour voir quelle orthographe lui sied le mieux.
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
Annexe 2
63
64
65
Annexe 3
66
67
68
69
70
71
Annexe 4
72
73
74
Annexe 5
75
76
77
78
79
80
Annexe 6
81
82
Annexe 7
83
84
85
86
LA TRANSCRIPTION ENTRE CONSCIENCE PHONOLOGIQUE
ET ORTHOGRAPHE MORPHOLOGIQUE
PREVENTION ET REMEDIATION
RESUME :
Il convient de consacrer une attention vigilante à l’apprentissage du passage du phonème au graphème. Ainsi, on peut penser que seront prévenues, d’une part, beaucoup d’erreurs d’écriture dues à un non-respect des conventions de l’orthographe française dans ce qu’elle a de phonétique, et d’autre part, d’erreurs dues à une malformation des lettres et de leur enchaînement à l’intérieur du mot. Cette vigilance préviendra également une remédiation souvent nécessaire mais toujours risquée car fréquemment incapable de détruire les mauvaise habitudes d’écriture. MOTS CLES : PHONEMES, GRAPHEMES, TRANSCRIPTION , FORMATION DES LETTRES , DYSGRAPHIE
Centre départemental de l’I.U.F.M. de Dijon
Classe prise en charge : CM1, GS-CP et PS-MS-GS