l’attaque d’alger par charles quint en octobre 1541
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L’ATTAQUE D’ALGER PAR CHARLES QUINT EN
OCTOBRE 1541
Le 27 septembre 1538, à la Preveza, Andrea Doria à la tête de la flotte chrétienne a
rompu le combat devant Kheyr ed-Din Barberousse
dont les forces étaient pourtant deux fois moindre que les siennes. Dès lors la
Méditerranée se trouve placée sous la coupe des
ottomans de Soliman et des barbaresques de
Barberousse.
En 1539 et 1540 Charles
Quint négocie séparément avec Barberousse, dans l’espoir de neutraliser la
menace qu’Alger et ses raïs font peser sur le commerce
maritime de Méditerranée occidentale, il offre de lui
donner Bône, Tunis, La Goulette. Mais les français
informent le Sultan des négociations en cours et
celles-ci sont interrompues.
Dès lors, fort de son succès acquis à Tunis en 1535,
Charles Quint décide d’attaquer Alger et d’en finir avec la base opérationnelle de Barberousse. Il faut pour cela rassembler troupes et
navires. Comme à l’accoutumée les tractations entre les partenaires et les
problèmes logistiques retardent la constitution du
corps expéditionnaire. Septembre passé, Andrea Doria essaye de dissuader l’Empereur d’entreprendre l’opération à une date aussi
tardive. En effet la règle veut qu’aucune opération navale
d’envergure ne doit être entreprise entre septembre
et mars. Au cours d’une entrevue à Lucques le 16
septembre avec l’empereur, le Pape le met en garde : «
Vous commettriez une erreur en entreprenant une
expédition en Afrique au mois d’octobre….attendez le
printemps ». Mais avec obstination Charles Quint
poursuit son projet. Hormis
la France, toute la Méditerranée occidentale
sera de la partie. La préparation des forces en
Espagne est confiée à Hernan Cortes, le
conquérant du Mexique. Fernand de Gonzague, vice-
roi de Sicile et Pedro de Tolède, vice-roi de Naples se
voient confier les mêmes tâches en Italie. Deux cents
navires embarquent à Porto Venere les 6000 allemands
placés sous les ordres de Georges Frontispero et les
5000 italiens du Prince Colonna. Cent cinquante navires embarquent les espagnols à Naples et en
Sicile ; deux cents autres apportent d’Espagne,
artillerie, munitions et un millier d’hommes :
fantassins et cavaliers. Les galères de Gênes, de Sicile,
de Naples, de Monaco se joignent à la flotte ainsi que
quatre de l’ordre de Malte sous les ordres de Georg Shilling, Grand Prieur
d’Allemagne, portant leur nombre à 65 au total.
L’armée forte de 22 000 hommes est commandée par
le Duc d’Albes, la flotte comportant 450 navires et 65 galères manœuvrés par
11000 marins sous les ordres
de Andrea Doria, Charles assume le commandement
suprême.
Regroupée à Majorque, puis retardée par le mauvais temps, ce n’est que le 20
octobre que « l’Armada » se présente devant Alger. En
l’absence de Barberouse qui s’est rendu à Constantinople,
la ville est sous le commandement de Hasan
Agha son lieutenant. Au lever du jour, du haut de la
Casbah, ce dernier découvre la baie couverte de navires.
Bien que surpris par l’importance de la flotte
ennemie, il reste confiant et
croît en la victoire, en attendant l’arrivée de ses ennemis n’a-t-il pas eu le
temps de faire renforcer les fortifications de la ville. Le temps est calme, les navires
approchent de la côte et mouillent à l’est d’Alger
entre les embouchures des oueds El Khemiry et El
Harrach. Le 23 octobre, les premières troupes légères
embarquées sur les galères de Gènes et de Malte sont
mises à terre sous la protection de l’artillerie des
nefs. Dès que la plage est tenue, c’est au tour de l’infanterie lourde d’y
prendre pied : infanterie
espagnole, lansquenets allemands, régiments
italiens débarquent suivis des premiers éléments de cavalerie et de six pièces d’artillerie de campagne.
Dès le lendemain le corps expéditionnaire se met en
marche vers l’ouest. Le plan initial des impériaux est
d’envelopper la ville par le sud, d’appuyer cet
encerclement terrestre par un bombardement naval
contre le port et les fortifications puis de donner
l’assaut aux trois portes: Bab Azoun, Porte Neuve,
Bab el-Oued. On s’assure du
promontoire de Koudyat-es-Saboun qui domine Alger
d’où Charles Quint observera et dirigera la
manœuvre, cette hauteur est connue depuis lors sous le
nom de « Fort l’Empereur ». En fin d’après midi les
troupes campent sous les remparts, mais le temps se met à l’orage et à la pluie ;
cette dernière tombera sans discontinuer pendant toute
la nuit, si bien que le 25 octobre au lever du jour les
troupes sont trempées, transies et fatiguées par le
harcèlement auquel elles ont été soumises de la part des
arabes. La garnison d’Alger
se trouve sous les ordres du Cheykh Sidi Said Cherif. El-Hadj Mami qui a reçu pour
mission de défendre la porte de Bab Azoun profite du piteux état des troupes
impériales pour faire une furieuse sortie. La pluie a neutralisé les arquebuses
car les mèches et la poudre étant mouillées, elles sont
désormais inutiles faces aux arbalètes de l’adversaire. Le
choc est terrible mais les chevaliers de Malte en
première ligne, épaulés par les italiens, résistent si bien que les algériens finissent par se replier dans la ville. Poursuivis, ils ferment la
porte de Bab Azoun et accablent les assaillant sous
une pluie de projectiles d’artillerie, d’arquebuses et
d’arbalètes.
Les chevaliers de Malte conduisent l’assaut, parmi
eux Nicolas Durand, chevalier de Villegagnon futur héros de la France
australe paye de sa personne, mais l’artillerie de siège n’a pas été débarquée, et l’artillerie de campagne
n’a aucun effet sur les fortifications.
On dit que Ponce de
Balaguer dit Savignac, porte étendard du Bailli Georges
Schilling, plante alors sa dague dans la porte en
criant « nous reviendrons… », avant qu’une nouvelle
sortie des assiégés ne bouscule les troupes
italiennes du prince Colonna, trois compagnies sont mises à mal. Les chevaliers tentent
de protéger la retraite : Villegagnon est blessé par
deux fois, Ponce de Balaguer tué, et seule l’intervention
des lansquenets avec l’Empereur à leur tête évite
la déroute.
Mais la journée est perdue,
les pertes italiennes sensibles et il faut se replier.
La pluie n’a toujours pas cessé, elle tombera pendant
près de 60 heures et un terrible vent de nord-est
souffle maintenant en tempête. Pendant que les
troupes combattent à terre, la situation en mer est devenue dramatique.
Mouillés devant une côte ouverte, les navires sont
sans protection contre les vents furieux et la mer qui
rapidement se creuse et devient énorme. Les galères les plus proches de terre ne
tiennent pas sur leurs grappins et 15 d’entre elles
sont jetées à la côte, les naufragés sont aussitôt
attaqués sur la plage par les troupes maures. Plus au large les vaisseaux et les
navires de transport chassent eux aussi sur leurs ancres, nombre d’entre eux
sont également drossés sur la plage, d’autres encore
abordent ceux dont les ancres ont mieux tenu et coulent au milieu de la
tourmente. L’estimation la plus basse des pertes
s’élèvent à 86 bâtiments dont 40 à 50 grands
vaisseaux.
Andrea Doria pour sauver l’essentiel de l’Armada
donne l’ordre d’appareillage, le 26 octobre ce qui reste de
la flotte va mouiller sous l’abri précaire du Cap
Matifou, les galères encore valides remorquant les nefs.
Pour les soldats à terre, privés de ravitaillement et
de secours, trempés, affamés, épuisés par le manque de
sommeil, souvent blessés, le moral est au plus bas ;
l’heure de la retraite a sonné et Charles Quint en donne le
signal le 27 octobre. Mais pour se réembarquer sur les vaisseaux et les transports
maintenant mouillés sous le cap Matifou il faut longer la côte en butte au harcèlement
permanent des troupes adverses et franchir les
oueds transformés par les pluies en torrents impétueux.
Hassan Agha choisi de rester avec la garnison
turque à l’abri des murs d’Alger, il laisse aux troupes
supplétives la charge d’attaquer l’armée impériale
en retraite. Celle-ci abandonne une grande
partie de ses bagages et de son artillerie de campagne sur place. La retraite sera
longue et difficile, elle durera trois jours. Deux
obstacles majeurs se trouvent sur leur chemin, le
premier est l’oued El Harrach dont le cours gonflé
par les pluies est devenu infranchissable à gué.
Pendant que les débris des navires jetés à la côte sont récupérés pour construire
un pont, il faut résister aux attaques incessantes. Les
chevaliers de Malte sont en première ligne, soixante
quinze d’entre eux y laisserons la vie. Le lieu de la bataille, près du pont des Fours, est une gorge étroite
qui fut nommée le "Tombeau des Chevaliers". La pluie ayant cessé les troupes finissent par franchir l’obstacle, mais avant
d’atteindre Matifou il faut aussi franchir l’oued El
Hamiz qui est sorti de son lit et dont les berges sont
marécageuses. Les cavaliers et les fantassins s’y
embourbent, mais la flotte
mouillée à peu de distance vient apporter son aide.
Toutefois entre Tafoura et Matifou, deux mille
cadavres jonchent le sol. Charles-Quint décide de
rembarquer. Mais la flotte a perdu de nombreux navires de transport. On laissera à
terre tous les chevaux, mais cela ne suffit pas il faut aussi laisser sur les plages plus de
huit mille hommes qui seront pris et finiront
comme esclaves. Pour finir Charles Quint ne ramena en Espagne que la moitié de ses
troupes.
A Alger dans l’allégresse générale, la victoire est
reçue comme un don de Dieu, et l’horrible tempête qui a eu raison des infidèles comme le résultat des prières des habitants et des dévotions
des marabouts. L’imaginaire populaire en restera à jamais marqué.
LE SIÈGE D'ALGER PAR CHARLES-QUINT, VU PAR
LES MUSULMANS
Dans le «bulletin trimestriel de Géographie et
d'Archéologie» de la Province d'Oran, tome X,
année 1890, page 171 figure une importante étude de M.
R. Basset «Documents musulmans sur le siège
d'Alger par Charles-Quint en 1541 ».
En ce qui concerne les sources musulmanes, d'après M. R. Basset :
« Celles connues jusqu'à présent sont au nombre de
quatre... La plus importante de toutes est celle désignée
parfois sous le nom de Manuscrit du Mehkeme. Il en existe deux copies à la
Bibliothèque-Musée d'Alger... Ce récit aurait été conservé
dans les archives de la mahkama d'Alger. Il est bien manifestement l’œuvre d'un témoin oculaire ; peut-être
même certaines partie, furent-elles empruntées au rapport que Hassan Agha
expédia à Constantinople. Le texte arabe, le seul qui nous
reste jusqu'à présent, fut traduit du turc ; une note du
manuscrit 1100, que j'ai suivi dans cette édition, dit à la fin du récit : j'ai écrit ceci
d'après un livre où se trouvent des relations en
langue étrangère ».
La flotte chrétienne apparut un mercredi, trois jours
avant la fin de Djoumada second, 948. Le jeudi, au
moment de l'as'r (vers trois heures de l'après-midi), elle jeta l'ancre dans la baie de
Tementfous (Matifou) en vue d'Alger. On rapporte qu'en
manœuvrant, un des pavillons tomba à la mer, ce que virent les Algériens, ils
reprirent confiance et
reconnurent qu'ils seraient victorieux de leurs ennemis.
Le débarquement de ceux-ci eut lieu le dimanche suivant,
un peu avant le déclin du soleil. Le roi d'Espagne
descendit à terre entouré de ses soldats, au nombre, dit-
on de 90.000. Les Musulmans voulurent les empêcher de débarquer,
mais les vaisseaux tirèrent contre eux depuis la mer et ils laissèrent le champ libre
aux ennemis qui purent descendre à terre. Ils passèrent la nuit (du
dimanche au lundi) près de
la ville dans un endroit appelé et H'ammah.
Il y avait un des principaux Turcs, du nom d'El-Hadj Bacha qui résolut d'aller
attaquer la nuit les Chrétiens. On lui ouvrit les portes de la ville, il prit un
étendard à la main et sortit avec une troupe nombreuse de musulmans. Cette sortie
eut lieu lorsqu'il restait encore un quart de la nuit.
Les infidèles ne s'en doutèrent pas, car la saison
était pluvieuse, et on était au mois d'octobre, dans les
jours qui marquent la fin de la campagne maritime d'été.
Les Musulmans jetèrent du désarroi parmi eux et firent
une décharge de fusils en une seule fois. Ils lancèrent
aussi des flèches ce qui causa un trouble
extraordinaire. Le roi s'éveilla en sursaut, appela les grands et les courtisans les plus familiers et leur dit
« Est-ce là ce que vous m'annonciez que les
Algériens ne tiendraient pas devant notre attaque ?
Voyez ce qu'ils font cette nuit ! » Les Musulmans rentrèrent dans la ville
après avoir tué beaucoup d'ennemis.
Le lundi, les Chrétiens se mirent en marche vers la
ville ayant avec eux le tyran, et s'approchèrent des
murailles, en bon ordre ; ils ressemblaient aux yeux des habitants, à des masses de fourmis noires remplissant la plaine. Il y avait parmi eux 4.000 cavaliers : on
commença à leur envoyer, de remparts, des coups de
canon, des balles et des flèches. Ce jour-là des
soldats turcs marchèrent au combat et montrèrent une
grande valeur entre autres : El H'adj Bacha, El H'adj
Mâmi, Khidr, El H'adj Bekir, qui livrèrent jusqu'à la nuit
une bataille acharnée. Les ennemis revinrent à Ras
Tafourah où ils établirent. leur campement. Ils
s'emparèrent de toutes les collines et se disposèrent à
attaquer la ville. Les canons des Musulmans firent des décharges et l'ennemi dut perdre l'espoir d'occuper Alger. Ils plantèrent leurs étendards déployés sur le
Koudiat es-Saboun (La colline du savon. Actuel Fort l'Empereur.) et songèrent à
attaquer Alger à cet endroit, mais les habitants faisaient des décharges de tous côtés
et les coups arrivaient fréquemment sur les
vaisseaux qui étaient en mer. Telle fut la journée du lundi, la première; où ils se mirent
en marche contre Alger.
Le mardi, Dieu Très Haut envoya, vers la fin de la nuit,
une tempête violente qui rompit les câbles des
navires ; ils dressèrent les mâts de peur de périr, mais
le vent ne cessa d'augmenter. L'amiral, qui se nommait
Andoria (André Doria) eut l'esprit troublé comme tous ceux qui étaient à bord des navires. L'ouragan violent envoyé par Dieu, poussa la flotte contre le rivage : les vaisseaux périrent sur les
rochers, les esclaves musulmans s'en évadèrent
et les gens d'Alger coururent exterminer les marins
chrétiens, jusqu'au dernier. Le tyran vit ses navires
submergés et détruits, sa puissance brisée, son éclat
éteint et l'abaissement qui le menaçait.
Alors les habitants, de la ville firent, de bonne heure,
le mardi, une sortie pour combattre les Chrétiens et
détruire leurs forces, reconnaissant que Dieu leur
donnait la victoire sur ses ennemis. Ils en vinrent aux mains et le combat fut livré
sur les collines. Les chefs de l'armée chrétienne allèrent
trouver le tyran et lui dirent : « Prince, debout, viens
combattre en personne, car le camp est sur le point d'être enlevé ». Alors, il
marcha à la bataille avec ses soldats. Les Musulmans reculèrent jusqu'à Ras
Tafourah tandis que les infidèles redoublaient leurs
efforts et les assaillaient comme des chiens. Les
nôtres reculèrent encore jusqu'à l'endroit appelé
Mel'ab et Korat (le jeu de Mail) puis au Quantarat el
Ofrân (le Pont des Fours). A cette vue, les troupes
chrétiennes s'entassèrent, pareilles à une mer qui
déborde, poussèrent de tous côtés des clameurs contre les
nôtres et les serrèrent de près. Les Musulmans se
retirèrent alors vers Sidi Abou't Toqat. Ils lancèrent à
ce moment de grands cris contre les infidèles et les
frappèrent à coups de pierres et de flèches. Ce jour-là la pluie tomba à torrents.
Les Musulmans reprirent courage, chargèrent les
Chrétiens de tous côtés et les repoussèrent jusqu'au camp.
Puis ils rentrèrent en ville.
Le mercredi, les ennemis reconnurent qu'ils devaient
renoncer à Alger et s'estimer heureux s'ils sauvaient leurs
vies. Les vaisseaux s'approchèrent du rivage, et
l'amiral Andoria (André Doria) débarqua plein de tristesse. Il alla trouver le tyran dans son camp et,
après l'avoir salué comme il convenait, il lui dit : « Prince,
n'ai-je pas déconseillé l'expédition d'Alger ? Vois-tu
le résultat que je t'avais prédit ? - A présent, viens
chercher ton salut, car si les gens des vaisseaux périssent sur le rivage, comment cette armée reviendra-t-elle dans
notre pays ? J'irai t'attendre à Tementfous ; hâte-toi de te
mettre en marche avec les soldats qui sont avec toi pour t'embarquer sur le
reste de la flotte et rentrer sain et sauf dans ton
royaume ».
Alors le tyran quitta Alger et campa près de l'oued el
H'Arrach. La faim pressait les ennemis : ils mangèrent 400 chevaux et passèrent
cette nuit sous des torrents de pluie, tandis que les Arabes et les Kabyles
lançaient sur eux des balles et des pierres et les
attaquaient à l'improviste.
Le jeudi, le tyran, en examinant la rivière, s'aperçut qu'elle était
grossie par les pluies. Cette vue l'effraya : il consulta les chefs pour savoir comment il passerait sur l'autre rive. Ils
attachèrent les mâts des vaisseaux brisés et
passèrent ainsi. Quand ils furent de l'autre côté, les
cavaliers arabes fondirent sur eux avec de grands cris et en tuèrent une quantité
considérable. Le combat ne cessa que lorsqu'ils
arrivèrent à Tementfous. Le roi y demeura quelques
jours jusqu'à ce que l'agitation de la mer fut
calmée. Alors il s'embarqua sur les vaisseaux qui
restaient et s'en retourna dans son pays croyant à
peine à son salut. Il perdit un grand nombre de
vaisseaux de guerre et de transport, petits et grands, des galères et des galiotes,
de grands canons, et abandonna beaucoup de femmes et d'enfants qui
étaient venus avec lui ; il n'en échappa pas un seul. Leur nombre fut de 1.300.
Aucun cheval ne revint, les uns périrent dans le combat,
les autres furent mangés : bref, il laissa des richesses
incalculables aux Algé riens.
Fin de l'histoire de l'expédition de l'Empereur à
Alger.
Je l'ai écrite d'après un livre où se trouvent des récits en langue étrangère (turke).
LE MIRACLE DU BÂTON DE OUALI DADA (Le tombeau de ce saint se trouve dans
l'enceinte du sanctuaire de Sidi-Abd-er-Rahman ; il est
encore l'objet de la vénération des fidèles.)
Le souvenir de Ouali Dada, saint homme d'origine
turque et que sa titulature funéraire nous donne pour
un çoûfi (Équivalent musulman de moine, ermite. Le çoûfi se distinguait par le vêtement de laine (çoûf) qui
était le costume des mystiques, des ascètes et de ceux vivant en confrérie.),
est attaché à l'un des faits les plus marquants de l'Histoire d'Alger. Le 23 octobre 1541,
Charles-Quint, ayant débarqué ses troupes sur la
rive gauche de l'Harrach, s'était avancé à travers la
plaine et avait gravi la hauteur du Koudiat es-
Saboun d'où il menaçait Alger. L'armée, qui comptait des Espagnols, des Italiens,
des Allemands, et des
Français, était très forte. Les Algérois, dit-on, songeaient à capituler. C'est alors que
Ouali Dada, ayant parcouru la ville pour relever les
courages défaillants, entra dans la mer jusqu'à la
ceinture et, la frappant du bâton qu'il tenait à la main, souleva la terrible tempête...
On sait le reste. La pluie diluvienne et le vent glacé
paralysèrent les assiégeants, qui n'avaient pu être
ravitaillés. Les Algérois firent une sortie et
culbutèrent ceux qui étaient les plus voisins de la mer. C'étaient des Italiens, qui
refluèrent en désordre sur le gros de l'armée. Les chevaliers de Malte,
Villegaignon, Savignac et les autres, rétablirent la
situation. Cependant il fallait battre en retraite, se rembarquer au milieu de la tourmente, qui, après une accalmie, devenait d'heure en heure plus furieuse. Une
partie de la formidable armada, qui comptait plus
de cinq cents navires, se brisa sur la côte ou sombra
au large. Événement considérable. Le désastre de
Charles-Quint allait, pendant longtemps,
décourager l'Europe. Alger
réputée invincible, allait connaître une prospérité qu'elle n'aurait pas osé espérer jusque-là. Ouali
Dada put en voir les effets. Il mourut en 1554 et, pendant
ces treize années de sa vie on ne signale aucun fait notable.
Mais cela importe peu. Il avait eu son heure
historique. Ce que le peuple d'Alger rapportait de lui
pouvait lui mériter la vénération unanime, car, au
moment des plus grandes épreuves, il avait, avec son
bâton, fixé le destin de la cité.