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J’irai danser à Bollywood Jeunes auteurs, jeunes acteurs Portfolio : Errances à la Défense Au cœur d’une manif’ sauvage

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Le numéro 10 VF

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Page 1: Le numéro 10 VF

• J’irai danser à Bollywood

• Jeunes auteurs, jeunes acteurs

• Portfolio : Errances à la Défense

Au cœur d’une manif’ sauvage

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Edito

rial

Il est loin le temps où Albert Londres et Ernest Hemingway nous emmenaient voyager et découvrir le monde. Aujourd’hui, nous n’avons plus le temps. Un court article et nous pensons connaître la situation géopolitique d’une région. Les médias ne peuvent plus se permettre d’envoyer plusieurs mois des journalistes à l’autre bout du monde, ou plutôt, le journaliste ne peut plus se permettre de ramener une information trois mois plus tard, trois mois trop tard. A LINTERVIEW.fr, peut-être parce que nous n’avons pas de publicité, pas d’organisme nous soutenant –entendre « nous

contrôlant »- nous écrivons ce que nous voulons, quand nous le voulons, et surtout, comme nous le souhaitons. Le reportage est notre ligne éditoriale, nous l’aimons et vous l’aimez. Nous pensons au plus profond de nous même que le lecteur doit se sentir impliqué dans l’enquête, dans notre voyage. C’est sur le terrain que nous obtenons nos informations, en buvant un rhum sous 40 degrés à Cuba ou dans une gare kosovare congelée autour d’un café. Ces informations sans l’ambiance n’ont pas la même saveur, n’ont pas la même vérité. Alors pourquoi ne pas vous emmener en voyage avec nous, vous décrire nos sensations ? Humblement, nous tentons de nous rapprocher de ce que Hunter Stockton Thompson baptisait le « journalisme gonzo». Sa philosophie est simple : quand il s’attaque à un sujet, le journaliste se fond dedans, vit la vie de ce sujet. Le « journaliste gonzo » se focalise essentiellement sur sa propre personne et sur les aventures auxquelles il est confronté. Certes, l’information est subjective, mais sur la liberté de ton, sur l’humour, sur l’analyse des émotions, nous offrons au lecteur un point de vue unique, à partir duquel il forgera son avis. A LINTERVIEW.fr nous nous sommes fondus dans le décor. En boîte de nuit au Kosovo pour parler de la jeunesse kosovare, un mois derrière une caisse de Macdo pour parler de ce job, cravacher le cul d’une vieille quinquagénaire pour parler du sadomasochisme. Encore dans ce numéro, nous sommes allés danser dans des studios indiens pour vous parler de Bollywood et avons suivit un groupe d’étudiants dans une « manif sauvage ». Vous trouverez aussi dans ce numéro une enquête sur les jeunes sportifs, un dossier sur des dramaturges en herbe... Allez, pour terminer cet édito, une petite citation de notre vénéré modèle : « Le reportage gonzo conjugue la vivacité de plume du reporter confirmé, l'acuité visuelle du photographe de guerre et les couilles du quarterback au moment du lancer ». Hunter Stockton Thompson.

Du gonzo à LINTERVIEW.fr ?

Par Louis Villers, directeur de la rédaction

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Sommaire Reportage

J’irai danser à Bollywood

Culture Est Société Jeunes auteurs, jeunes acteurs

p12

Jeunesse Les jeunes sportifs

Portfolio Errances à la Défense

Etats généraux de la presse jeune L’œil du dragon p37

En Une Au cœur d’une manif’ sauvage 8

Journal LINTERVIEW.fr / 32 rue de Montholon 75009 Paris / [email protected] / 06-65-35-56-99

Fondateur, directeur de la rédaction : Louis Villers / Directeur de publication : Jean Massiet / Rédacteur en chef : Alexandre Marchand. Rédactrice en chef de « Culture Est Société » Alice Beauquesne Journalistes : Nadège Abadie

(Photographies)/Nicolas Combalbert/Basile Scache/William Buzzy/Marie Camier/Baptiste Gapenne/Alan Kaval/Vanessa Ferrere/Margaux Bergey/Caroline Gorge/Maria Martin Guitierez/Raphael Miossec/ Mise en page : L.V.

Association LINTERVIEW.fr : Siège social : 32 rue de Montholon, 75009 Paris. Président : Louis Villers / Vice Président : Jean Massiet / Responsable financier : Alexandre Chavotier / Secrétaire : Alexandre Marchand

Photo de Une : Mika Hiironniemi

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J’irai danser à Bollywood

Quelques jours après les attaques terroristes de Bombay, et quelques semaines avant la sortie très

remarquée de Slumdog Millionnaire, notre journaliste est allé « danser » dans les studios de Bollywood

Textes et photos : Louis Villers

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« Non, non, non, tu n’es quand même pas très doué » me lance la jeune danseuse. « Oui, mais en même temps, si on m’avait prévenu que je danserai devant 500 personnes pour un film bollywoodien, j’y aurais peut-être réfléchi à deux fois… ». Je suis dans la périphérie de Bombay, dans un immense studio de cinéma, en face d’une star adulée dans toute l’Asie. Tout à Bombay transpire Bollywood. D’immenses affichent arborant le célèbre Salman Khan colorent les avenues, les télévisions partagent avec une bonne partie de la rue les insupportables musiques indiennes, des femmes vendent des affiches de film et des millions de DVD gravés s’échangent dans chaque ruelle. Impossible d’ignorer Bollywood à « Film city ». Le cinéma est partout, les acteur et actrices font la Une des magazines, tout le monde vous parle de Bollywood et pourtant, il me faut aller voir de plus près, j’ai un reportage a réaliser. Comme d’habitude, je n’ai pas eu le temps de préparer mon enquête, et je me retrouve dans cette ville monstre sans aucun contact, ce qui ne facilite pas les rencontres avec des acteurs ou des visites de studios. C’est la chance qui me donnera ma première piste. Premier jour, je cherche, sac sur le dos, un hôtel. « My friend ! My friend ! », « Qu’es-ce qu’il me veut lui ? Me demander de l’argent ? Me vendre un tam tam ? Me curer les oreilles ? Me proposer de la drogue ? ». « Bonjour, je suis Irman Giles, de l’Agency for foreign models, je recherche des figurants blancs pour un film demain ». L’occasion est trop belle. 11h00, le lendemain matin, une trentaine de « blancs » attendent devant un Macdonald’s le minibus qui nous conduira aux studios. Pour 500 roupies -7 euros-, nous avons accepté de passer une journée dans un studio en périphérie de Bombay. A coté de moi, Aviva, Israélienne et passionnée par Bollywood cours les tournages. Elle connaît par cœur l’histoire du cinéma indien :

« C’est en 1886 qu’il naît, lorsque les frères Lumière diffusent 6 courts métrages. Dans les années 1920, quelques dizaines de films sont produits, mais ce n’est que dans les années 1950 qu’il connaît son âge d’or, avec des grands réalisateurs tels que Raj Kapoor ou Guru Dutt. Aujourd’hui, l’Inde est le pus grand producteur de film dans le monde avec un peu plus de mille films par an ». Voilà pour la théorie. La journée que je vais passer dans ce studio m’apprendra 100 fois plus de choses…par la pratique. Grosse surprise. Le bus nous dépose sur un terrain vague. Nous sommes à deux heures de route de Bombay, il n’y a rien autour a part des bidonvilles. Un immense cube de sacs poubelle et de taules s’élève au milieu de nulle part. De la musique en sort. Curieux, je vais y jeter un œil discret…encore plus grosse surprise. Dans ce cube de déchets se trouve une magnifique « fausse église », immense, belle, magistrale. Les décors ne sont pas les seuls à être parfaits, les figurants le doivent aussi et pour cela direction…le barbier, comme si dans 500 figurants, on allait voir ma barbe ! Une fois rasé, c’est le costume que j’essaie : un bel uniforme bleu de collégien, alors que la plupart en ont un rouge. Pendant que tous les figurants s’habillent,

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Un des studios, de l’extérieur, il ne restera en place que le temps du tournage.

Le même, de l’intérieur, le contraste est marquant.

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nous attendons, baignant dans ces vêtements de laine sous plus de 35 degrés. Une fois « déguisés », nous nous dirigeons vers cet immense chapiteau. Des baffles démesurées crachent des chants indiens pour tester le son. Des centaines de figurants sont déjà présents : les Africains de ce coté, les Asiatiques de l’autre, les Occidentaux un peu partout. Inquiet, je remarque que les porteurs de costumes bleus ne sont qu’une cinquantaine, tous assis sur de larges canapés au premier rang. Je n’ai pas le temps de me cacher, un technicien me prends le bras et m’y amène. Je le sens mal. Je suis entre une Iranienne et un Afghan. Derrière moi, debout, se trouvent deux Egyptiens et un Pakistanais. Tous semblent très impatients et n’attendent qu’une personne : Salman Khan. Quand je demande qui est cet homme, l’Iranienne s’insurge : « mais c’est Salman Khan, très beau, très grand, très riche, très connu ! ». Ses yeux brillent, sans cesse, elle me tapote le bras comme pour bien me faire comprendre que ce mec est un dieu vivant. Bollywood, qui touche la plupart des pays musulmans (Proche-Orient, Moyen-Orient, Pakistan, Inde…) est le cinéma le plus regardé au monde, ses stars sont adulées comme des dieux. Des cars entiers de fans les suivent sur les tournages, et certains, à l’image de cette Iranienne n’hésitent pas à faire le déplacement pour assister à une scène en présence de Salman Khan. Autant vous dire que ca ne me fait absolument rien, à moi, Français, de voir cet acteur débarquer. Pédant, insupportable, il ne daigne lancer un regard vers les centaines de figurants, il ne parle qu’avec le réalisateur et le danseur qui lui fait répéter les derniers mouvements. Le calme se fait, les dizaines de projecteurs semblent s’approcher de l’acteur, entouré d’une troupe de danseurs professionnels. « Action ! ». Une musique résonne dans le studio, rythmée et envoûtante, les acteurs dansent énergiquement. C’est fascinant. Un vrai spectacle dont on est le décor. Un spectacle d’une vingtaine de secondes, qui est répété inlassablement jusqu'à ce que le réalisateur juge la scène satisfaisante. Et cet abruti pense, à la troisième reprise, que les costumes bleus devraient danser avec l’acteur. Il faut m’imaginer, moi, incapable de danser trois pas en boîte, tournoyant autour de cet acteur en imitant les danseurs indiens… Les danses sont indispensables dans le cinéma indien. Elles ne sont pas moins irréalistes que celles des comédies musicales occidentales, sont mimées et chantées en playback par les acteurs. Dans chaque film 4 ou 5 danses sont exécutées, certains films en comptent jusqu’à vingt ! Deux actrices –connues en Inde- arrivent sur le plateau. Comme moi, elles portent un costume bleu, sont maquillées et coiffées parfaitement. Il est vrai que les Indiennes sont belles, mais ces

« Des cars entiers de fans les suivent sur les tournages, et certains, à l’image de cette Iranienne n’hésitent pas à faire le déplacement pour assister à une scène en présence de Salman Khan »

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Tous les figurants doivent être parfaits…

deux là le sont particulièrement. Elles s’apprêtent à jouer la scène dans laquelle Salman Khan les invite à danser, mais elles doivent refuser. Comme dans tous les films, le scénario relate une histoire d’amour mélodramatique, et dès les premières minutes du film, vous saurez exactement comment celui-ci se termine. Pas de surprise, une seule intrigue : la jeune fille qui ne veut pas se marier avec l’homme choisit par sa famille car, -oh, la pauvre-, elle en aime autre, mais qui devra finalement accepter la décision de son père, le tout dans un décor extrêmement kitsch. On se demande pourquoi le cinéma bollywoodien n’est pas regardé en Occident… Irrfan Khan, rencontré dans un café quelques jours plus tard, ne s’en étonne pas : « Bollywood est trop centré sur les mœurs régionales, il ne possède pas sa marque propre, contrairement aux films chinois qui s’exportent mieux. Heureusement, de plus en plus de films d’auteurs sont réalisés, ce qui change l’image classique du cinéma indien. Cependant, grâce à des films comme Slumdog Millionaire ou The Darjeeling Limited, je m’aperçois que les Occidentaux me reconnaissent dans la rue ». Le tournage dure jusqu’à 4 heures du matin. C’est le dernier jour et il faut absolument terminer les scènes. Bien sûr, personne ne se plaint,

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chaque employé sait que sa place vaut cher. Travailler à Bollywood représente un tel rêve dans le pays, que des milliers de personnes feraient tout pour être embauché dans un studio. Les producteurs le savent, et n’hésitent pas à se servir de cette abondante offre pour imposer des conditions de travail inhumaines. Chaque garçon rêve de devenir acteur, chaque fille espère un jour danser dans un film, mais rares sont ceux à pouvoir approcher ce milieu et n’imaginent pas la réalité de ce métier. Tous espèrent un jour devenir riche, ils sont aveuglés par certaines stars devenues milliardaires, alors que la plupart des acteurs et techniciens ne sont payés qu’une misère…avec plusieurs mois de retard. S’il est dur pour un Indien de trouver un rôle, il est en revanche plus facile pour un « blanc » d’en trouver un second. De nombreux acteurs, faute d’avoir pu percer dans le cinéma occidental se rabattent sur Bollywood, à l’image d’Harry, Australien : « il y a toujours des rôles de « blancs », notamment dans les films historiques évoquant l’époque coloniale, et pour de nombreux indiens, avoir des blancs dans un film prouve que celui-ci a un gros budget ». Idée détruite par Koel Purie (qui joue dans « Everybody Says I'm Fine! ») : « certaines histoires sont sensées se passer en France, en Angleterre ou en Suisse, or les réalisateurs recréent les décors dans des

Deux des actrices principales du film

« Les producteurs le savent, et

n’hésitent pas à se servir de cette abondante offre pour imposer des

conditions de travail

inhumaines »

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La pause dîner. Tous les techniciens et figurants indiens travaillent dans des conditions très difficiles

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Chaque diffusion anime tout le village

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studios et demandent à des touristes de venir figurer, souvent gratuitement ». Comme moi aujourd’hui, qui vient de finir épuisé une journée de tournage d’un film indien. Nous remontons tous dans un bus, à moitié endormis, tandis qu’Irman Giles nous remet notre billet de 500 roupies. Bollywood est partout. Quand un film sort, des cinémas ambulants parcourent les villages. Tout un peuple se rue dans les salles ou derrière les postes de télévision. Pour comprendre

Bollywood, nul besoin d’aller interviewer des producteurs ou des spécialistes. Des heures dans un studio, quelques films dans une salle de cinéma enfumée, des dizaines de cafés avec des indiens, quelques bières avec des acteurs et vous comprenez le fonctionnement, vous saisissez l’ambiance. Un monde de professionnalisme et de « système D », de gloire et d’espoirs, de succès et d’échecs, de richesse et de misère. Un monde ou tout s’oppose dans la démesure. Un monde à l’image de son pays : l’Inde.

Quand les indiens n’ont pas les moyens, les films sont visionnés dans la rue

« Un monde de professionnalisme et de « système D », de gloire et d’espoirs, de succès et d’échecs, de

richesse et de misère. Un monde ou tout s’oppose dans la démesure »

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Au cœur d’une manif’ sauvage Par Alexandre Marchand

Note : Ma présence dans la manifestation était celle d’un spectateur, je ne cautionne pas les actes ci-dessous. Les prénoms des participants ont été modifiés. Cet article n’a pas pour but de porter un jugement sur le mouvement étudiant, les faits relatés ci-après n’en représentent qu’une dérive marginale et non représentative.

« Tu veux voir quelque chose de vraiment dingue ? Ce soir il y a une manif’ de nuit à la Bibliothèque nationale de France [BNF], viens avec nous. T’as pas à participer mais c’est vraiment une truc de ouf’ ! ». N’ayant jamais mis les pieds dans une manifestation, je dois avouer qu’assister à l’expérience m’attirait. Révolutionnaire non, curieux oui. « Prends une écharpe et de quoi cacher ta tête. Si t’as des lunettes de piscine ou un truc dans le genre, prends-les aussi. A cause des lacrymos. ». Et moi qui, cinq minutes auparavant, pestais de n’avoir rien à faire de la soirée…La température est douce en ce mardi 7 mars 2009. La nuit est claire. Bouteilles de bières côtoient cigarettes et joints. La musique latino-rock jouée en live complète le décor. Entre 1 000 et 2 000 personnes sont ainsi regroupées sur le campus de Paris-VII pour cette « nuit des universités »

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organisée dans le cadre de la mobilisation sur le statut des enseignants-chercheurs. En cette fin de soirée, la plupart des étudiants sont disposés en petits groupes assis dans l’herbe à boire, à discuter, à rire, à fumer. La bonne humeur y est contagieuse. Dans l’assemblée, des étudiants de tous horizons se mélangent. On y croise notamment les bloqueurs de Sciences Po (majoritairement membres du syndicat Sud) venus ici directement après leur fait d’armes. Bref, un temps idéal pour la protestation. Dans la foule, les rumeurs courent : « Paraîtrait qu’il y aurait une manif’ sauvage de prévue à minuit », « à 23 heures », « il faut y aller maintenant », « des mecs de Paris-VII auraient prévu un itinéraire »…

Aux alentours de 23 heures, commence à retentir un cri : « grève générale, manif’ sauvage ! Grève générale, manif’ sauvage ! ». Au départ le fait d’une petite minorité, le cri de ralliement se répand vite. Une dizaine de minutes sont nécessaires à soulever un contingent suffisamment important pour envisager un départ. Près de six cent personnes se mettent donc en marche le long de la rive gauche de la Seine. Même si elle n’est peut-être pas totalement spontanée, cette manifestation n’en reste pas moins improvisée de façon flagrante. La confusion est totale. « Il faut aller en métro à Châtelet comme ça on pourra se disperser dans les rues quand les flics arriveront » lance une petite étudiante énergique. « Va mettre mille personnes dans le métro, c’est impossible » lui rit-on au nez. Ou bien « Chez Carla ! ». Ou encore : « A Bercy ! ». Autres variantes : « A l’Elysée », « A la Sorbonne »… En l’absence de tout mégaphone, le cortège suit

« Bref, un

temps idéal pour la

protestation »

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son cours de façon complètement illogique, sans leader. Dans la foule, aucune banderole politique, aucune revendication, seuls quelques slogans assez sommaires : « Sarko facho, le peuple aura ta peau », « A bas l’Etat, les flics et les patrons »,… Le côté politique se résumera à seulement une ou deux Internationale entonnées en chœur au début de l’évènement, sans grande conviction. Mais là encore je vais me faire taxer de porte-parole du « discours dominant ». Pour certaines personnes présentes, la manifestation n’avait pas besoin d’affirmer ses revendications : son aspect spontané suffisait à prouver son caractère hautement politique. Bien en voix, le cortège se déplace de façon sinueuse dans le 13ème arrondissement. Aucun policier à l’horizon. Bien que certains éléments se soient déjà masqués le visage, peu de dégâts ont été faits en ce début de manifestation. Le but est surtout de faire du bruit, beaucoup de bruit, le plus possible. Les barrières de chantier sont donc quelque peu maltraitées et les chants emplissent les rues vides sous l’œil plutôt amusé des riverains.

A l’approche de la place d’Italie, les choses commencent à dégénérer. Les poubelles sont saccagées. Les grands conteneurs pleins de verre sont vidés par terre et leur contenu est recyclé de manière peu traditionnelle. Trois policiers passant par là essuient ainsi une pluie de projectiles de verre. Vaporisant du gaz lacrymogène à tout vent pour couvrir leur fuite, ils se réfugient dans la voiture qui démarre en trombe sous les insultes de la foule. « Je n’ai jamais vu autant de monde à une manif’ sauvage ! » s’exclame David avec une pointe d’enthousiasme. « C’est vrai que c’est pas mal mec, mais pendant le CPE il y en avait des encore plus grandes que ça ! » lui rétorque Pierre. Place d’Italie, poubelles et barrières sont déplacées de manière à gêner la circulation. Tout ce qui peut être arraché l’est, fleurs comprises… N’ayant rien de plus à se mettre sous la dent, la manifestation descend une grande artère en direction de la Seine. A chaque croisement le même cirque se répète. Certains veulent aller dans une direction alors que le reste veut partir de l’autre côté, les cris fusent des deux parties pour exhorter la foule à suivre dans le « bon » chemin alors que les bras s’agitent et les harangues s’élèvent. Le gagnant sera celui qui arrivera à attirer le plus de personnes derrière lui. Alors le reste du troupeau suivra. Le bazar le plus total, le plus anarchique.

Et la manifestation poursuit son chemin, imperturbablement, sous la lumière orangée des lampadaires parisiens. Au gré de la volonté des uns et des autres. Ile de la Cité, Hôtel de Ville,

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Châtelet, Porte du Faubourg Saint-Martin, Barbès. Au final, un bon paquet de kilomètres auront été parcourus durant les près de deux heures et demi de la marche. Contrairement à ce qu’ont relaté certains médias, outre l’incident précédemment relaté, un court accrochage avec un camion de police sur l’île de la Cité sera le seul contact avec les forces de l’ordre. Tout du moins en apparence. Car ce genre de manifestations sont réputées pour être noyautées par des policiers en civil et les Renseignements Généraux (RG). Plusieurs hommes équipés d’un téléobjectif photographient la foule tout le long du parcours. « Il m’a dit qu’il est photographe dans des boîtes. Il se fout de ma gueule, qu’est-ce qu’il fait là alors ? Je sais pas si c’est vrai, si c’est un RG ou un journaleux et je m’en tape. Ce que je sais c’est qu’il m’a pris en photo et j’aime pas du tout ça ! » s’emporte un jeune syndicaliste sous sa capuche avant de me lancer : « Cache ton visage !». « Mais j’ai rien fait moi ! ». L’argument « tu veux vraiment être fiché ? » l’emportant, je préfère m’exécuter et cacher mon visage sous une casquette et un chèche blanc. Les policiers en civil sont en réalité assez facile à repérer, à dessein d’ailleurs. Leur présence est censée refroidir les ardeurs des manifestants, ce qui n’empêche pas des casseurs d’opérer au sein de la manifestation. Plus compliqués à repérer sont les RG véritablement infiltrés. Normalement impossible de les distinguer d’un manifestant de base. Seulement des doutes. Comme pour ce petit brun au folklorique grand chapeau vert « Guinness » qui met une certaine ardeur à dégager les poubelles renversées au milieu de la rue…Plots, barrières, bris de verres et

« Le bazar le plus total, le plus anarchique »

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« Les dégâts sont surtout le fait d’une petite minorité »

panneaux jonchent la route après le passage du rouleau compresseur humain. Mais les dégâts sont surtout le fait d’une petite minorité qui prend un plaisir tout particulier à se défouler sur les agences bancaires et les MacDonald’s. Progressivement le cortège s’amenuise, l’excitation du début semble s’être évanouie. « Franchement ça sert à rien de continuer à marcher comme ça si on a aucun but ! » entend-on râler. Seuls quelques « Paris ! Debout ! Soulève-toi ! », comme pour commémorer ce jour anniversaire des canons de la Commune, résonnent encore mais de manière de plus en en plus éparse. Sur les six cents participants à la manifestation au départ, environ cent cinquante la finiront à Barbès pour assister à la mise à sac, comme un dernier sursaut de bestialité, d’une agence LCL. Cinq minutes après la dispersion de la manifestation, plusieurs voitures de police arriveront sur les lieux. Quatre personnes seront arrêtées. Les forces de l’ordre ont été suffisamment habiles pour suivre la manifestation tout en évitant l’affrontement violent, ce que la majorité des personnes présentes étaient venus chercher ici semble-t-il. A regarder en arrière, l’interrogation sur l’utilité de tout cela persiste toujours…

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Putain, 10 numéros !

Valérie Pécresse, répondant aux questions de LINTERVIEW.fr (premier numéro) : photo : Nadège Abadie

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Jeunes Auteurs

Acteurs A la fois

Culture Est Société

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Victor Dekyvere Rencontre

avec moi-même

L’AUTRE MOI-MEME : Cette pièce, c’est une histoire ? MOI-MEME : Oui. L’AUTRE MOI-MEME : C’est déjà ça. (Un temps.) Pourquoi cette histoire ? MOI-MEME : Je l’ai écrite pour celui qui, comme vous, voit une question tourner autour d’une existence à découvrir. Je l’ai écrite pour la partie de nous qui demeure inachevée. Elle vous ressemble… L’AUTRE MOI-MEME : Ca a l’air sacrément nul et compliqué ! C’est un spectacle de merde ? MOI-MEME : Oui, une sorte de spectacle de caca où les personnages cherchent l’absolu de leur appartenance à la vie. Une odeur tenace sur la chaussure de notre existence, une question qui raisonne inlassablement !

L’AUTRE MOI-MEME : (agacé). Quelle question ? On ne comprend rien ! De quelle question parlez-vous ? MOI-MEME : De l’accomplissement du destin. Dans cette pièce, le maquillage a coulé ! Les personnages vont évoluer dans un monde mélangé, mixte, un endroit hybride où la folie flirte avec la lumière ! Un voyage à l’abri du jeu mondain mais à l’épreuve d’eux-mêmes. L’AUTRE MOI-MEME : Comment résumeriez-vous votre pièce ? MOI-MEME : C’est un garçon qui va demander à un autre de le tuer, par amour. L’un aura besoin des coups du second pour

C’est la rencontre de Victor Dekyvère avec lui-même. Ils discutent d’une pièce que l’un de lui-même a écrite et montera du 3 au 5 avril à l’Essaion Théâtre à Paris. Une tragédie qui mêle l’amour à la mort.

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ridiculiser sa souffrance. Une histoire simple. L’AUTRE MOI-MEME : Un spectacle mauvais… Un de plus ! MOI-MEME : Absolument. Le spectacle est mauvais au sens où les personnages le sont. S’ils se sont oubliés dans la profusion des désirs de l’instant ou dans le gouffre de l’absence de Sens, le monde pourtant les attend. Une espérance aussi. Un prostitué, un violé : les défigurés s’unissent et chantent une mélodie entêtante et misérable sur le fil de leur destin. Qu’ils louent la lune ou le soleil importe peu, les ténèbres permettent au soleil ses rayons ! Que le soleil serait sombre dans une lueur infinie ! L’AUTRE MOI-MEME : Et si nous ne comprenions pas ? Si nous ne comprenions pas le sens de cette histoire mélangée ? Si nous assistions au spectacle en ne comprenant rien ? MOI-MEME : Vous n’aurez qu’à écouter la musique des mots. Vous rirez. Vous pouvez partir aussi. Le théâtre est un lieu de passage. Comme le monde. Comme cette discussion de vous à vous-même. Un passage. Une idée de mouvement. L’important est la qualité du passage, si vous partez faîtes-le savoir ! Jetez des tomates ! (Un temps.) Vous pensez que je plaide pour un théâtre d’initié ? L’AUTRE MOI-MEME : Oui. MOI-MEME : L’inverse de cela. Un popo populaire ! L’AUTRE MOI-MEME (agacé) : Mais qu’est-ce que le théâtre ? MOI-MEME : Faire du théâtre c’est affirmer par la parole le peu de liberté que l’homme possède face à la mort au moment même où le mouvement esthétique de la représentation décède. En gros, tu vas crever et en le disant tu célèbres la vie alors même que l’acte de dire est en péril par la proximité pressante de l’achèvement de la représentation. Le théâtre est la mise en scène de la sublime misère de l’homme et de l’espace de liberté qu’il possède. L’AUTRE MOI-MEME : Si vous deviez vous interviewer Victor, que vous poseriez-vous comme question ? MOI-MEME : « Plutôt brie ou chèvre ? » Plus d’infos : http://souvenirdufutur.fr

« Vous pouvez partir aussi. Le théâtre est un lieu de passage. Comme le monde.

Comme cette discussion de vous à vous-même. Un

passage. Une idée de mouvement.

L’important est la qualité du passage, si vous partez faîtes-le savoir ! Jetez des

tomates ! (Un temps.) Vous

pensez que je plaide pour un

théâtre d’initié ? »

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Kev Adams Passe ton bac, on rigolera plus tard

LINTERVIEW.fr : Est – ce que tu peux te présenter ? Kev Adams : Je m'appelle Kev Adams, j'ai 17 ans, j'ai monté mon spectacle qui s'appelle The Young Man Show que je joue au Pranzo tous les samedis soirs, en ce moment. Ca commence à prendre une belle ampleur! Quand j'étais petit, je voulais absolument devenir comédien, j'ai fais beaucoup de castings et j'ai vu que ça marchait pas trop des masses, donc je me suis dit « donne-toi ta chance ». J'ai commencé à écrire des sketchs, au début, ça n’a pas trop pris, j'avais 14, 15 ans. C'était un humour très communautariste ... Puis j'ai commencé à bosser avec des gens différents, et au fur et à mesure, c'était de mieux en mieux. Aujourd'hui, j'ai réussi à monter un spectacle qui dure cinquante minutes, qui commence à plaire, mais qui demande encore beaucoup de travail. J'ai des propositions à droite, à gauche, qui me plaisent, mais qui sont des grosses

propositions pour mon jeune âge. LITW : Peux tu nous parler des étapes de la création du spectacle : de l'idée originelle jusqu'à sa réalisation ? K. A. : Pour être franc avec toi, je ne me suis moi-même pas rendu compte de la façon dont j'en suis arrivé là : l'idée, le spectacle, c'est arrivé tellement vite et tellement naturellement... A la base, j'ai commencé à écrire des blagues tous les jours, quatre-cinq vannes et je me disais « ah, putain, c'est drôle ça! »... tout le temps, tout le temps, parfois dix dans une journée... Ce n’était pas encore structuré, j'avais un cahier de treize, ou quatorze pages écrites en tout petit, je savais que ça pouvait donner quelque chose. Et puis, j'ai rencontré Manu, mon manageur producteur en ce moment, il m'a dit « si tu as des idées, des trucs en lesquels tu crois, il va falloir que tu te lances ! ». J'ai ensuite rencontré un metteur en scène sur un tournage - on a tourné ensemble

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une série qui sort sur France 4 bientôt – et de fil en aiguille, on a commencé à bien bosser ensemble. Il m'a aidé à structurer mes textes. En grandissant, je l'ai fait de moi-même de plus en plus. « Ecoute, il va falloir que tu joues vraiment, si tu as envie de te lancer ». Un jour, le 3 novembre 2008, j'ai joué au Chinchman, qui est une scène ouverte. Je me suis lancé, dans le stress, on structure beaucoup plus, vite, différemment que lorsqu'on n’a pas d'objectif, on se dit « on verra, j'ai le temps d'y penser, je structurerai demain... » Tandis qu'à ce moment là, j'ai eu deux semaines pour structurer cinq minutes de scène, celle que je voulais le plus jouer, c'est venu tout seul! Petit à petit, j'ai structuré de plus en plus, le spectacle est venu naturellement. Au début, créer un spectacle me paraissait être une montagne ! En fait, il suffit d'écrire beaucoup, pendant, après... Puis ça roule tout seul ! LITW : Tu peux nous raconter le concept de ton spectacle, en quelques mots ? K. A. : Ca s'appelle The Young Man Show, le titre est très évocateur! Comme je suis encore un ado, j'ai 17 ans, je parle dans mon spectacle de l'adolescence, de tous les problèmes que les ados ont eu hier, ceux d'aujourd'hui, de demain... je parle des ados des années 80, je m'imagine les ados du futur. Je me rends compte que tous les ados ont les mêmes problèmes; les filles, les rapports avec les parents, tous ces trucs là... l'école, les profs (je joue d'ailleurs trois de mes profs: allemand, espagnol, techno). LITW : Comment est la vie d'un comédien qui a 17 ans ! Tu fais encore des études ? K. A. : Je suis au lycée, en terminale, je vais passer mon bac. Qu'est ce que c'est, la vie d'un comédien de 17 ans qui passe son bac ? C'est un bordel ! Un vrai bordel : je vais en cours la journée et le soir je joue. Récemment, avec les discussions avec les productions et les managers, qui commencent, c'est des journées non-stop : à huit heures le matin, on commence les cours, à cinq heures ils sont terminés, je pars direct en rendez-vous... Puis il faut se faire connaître, les interviews, les machins, je termine à minuit, une heure, jamais avant... Donc quatre heures de sommeil par nuit, et je me demande quand est-ce que je vais craquer. Je l'attends bientôt, le moment ! LITW : Est-ce que tu as d'autres projets en tête, un plan de carrière ? K. A. : En fait je laisse un peu mes idées sur la

« On refait une interview dans dix ans, histoire

de voir comment ça

se passe ! »

vague, on me propose des plans de carrière, et justement, je suis perdu, je sais pas trop quoi faire, pas trop quoi choisir, j'essaye de faire au mieux. Donc, je me laisse guider, on verra, mon plan de carrière: le cinéma. C'est un peu le but de tout comédie : cartonner sur grand écran! J'espère juste faire un spectacle qui aura beaucoup de succès, et me lancer dans une carrière de comédien qui me prendra toute ma vie. Je me rends compte que je suis en train de tomber amoureux de la scène. J'estime que je vais faire encore pas mal de spectacles, du moins, je l'espère. Après, est-ce que je vais faire que de la scène, que du cinéma ? Je n'en sais rien ! On refait une interview dans dix ans, histoire de voir comment ça se passe ! Propos recueillis par Louis Villers / Alice Beauquesne

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Errances à la défense Photos : Antoine Genel Retrouvez son regard sur http://www.photogenique.fr/

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Les tours Gan et Ariane. Une architecture droite et austère : des lignes qui tendent toutes vers un point, c’est un but précis, c’est une visée indiscutable et inébranlable, c’est un chemin tracé sans alternative ni raccourci.

La cheminée Moretti. Une autre touche d’art et de couleurs parmi les gratte-ciels. Une œuvre d’art avec sa propre identité, en forme de

code barre coloré.

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La tour Gan. Par son âge, par sa hauteur, mais aussi par ses lignes, cette tour incarne une sorte d’immobilisme froid, une imposante symétrie. C’est un symbole d’ordre, construit alors que le monde était touché par la crise (1972-74).

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Le boulevard circulaire. Une veine de La Défense, où une forme d’humanité tente d’irriguer le quartier. Mais les deux bancs et les quelques buissons ne font pas illusion : ici la voiture domine, pas le flâneur.

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Cour Espace 21. Comme ici, dans cette cour, il y a peut-être partout dans ce quartier et au-dessus de tous, un Big Brother, une conscience dirigeant et guidant les vies professionnelles dans tous leurs aspects.

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Le bassin de Takis. Entre les gratte-ciels, entre tous ces sobres et froids bâtiments, existe tout de même une part de poésie et d’art, une part d’originalité et de mouvement. Un bout de désordre déconnecté de La Défense.

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Pierre Labat travaille actuellement avec l'équipe de football des Girondins de Bordeaux. Il s'occupe de la formation de jeunes, mais également du travail quotidien de certains joueurs. Lui-même ancien joueur, il est aujourd'hui un formateur reconnu en France. Zidane, Lizarazu, Dugarry ou plus récemment Gourcuff sont passés entre ses mains. Mais c'est lui qui décrit le mieux l'évolution de sa carrière: « Le Football a été ma passion,... La formation l'est devenue ».

LINTERVIEW.fr : Quelle est aujourd'hui votre relation avec les jeunes sportifs? Pierre Labat : Je suis en relation directe avec des jeunes de l'école de football des Girondins de Bordeaux. Ce sont des jeunes qui sont appelés à devenir professionnels. Je les côtoie régulièrement. J'en entraîne certains, je discute avec d'autres. Personnellement j'attache autant d'importance au côté mental qu'au côté physique ou technique. Pour moi le travail ne s'arrête pas au jeune, il faut travailler tout au long d'une carrière. LITW : Le mental vous tient à coeur. Dans les centres de formation c'est un aspect qui est travaillé avec les jeunes? P. L. : Il n'y a pas de règles. Personnellement je travaille ce point avec les jeunes. L'entraînement d'un sportif de haut niveau comprend quatre parties: la technique, la tactique, le physique, et le mental. Sans technique vous ne pouvez pas faire de tactique et le physique ne vous sert à rien. Sans mental, vous ne pouvez rien faire du tout. Un joueur a plus ou moins besoin, à courte ou moyenne échéance, d'un soutien mental. Ne serait-ce que si sa copine l'a quitté... ou pour tout autre problème ! Ma fonction implique un entraînement spécialisé dans le travail individuel ou en petit groupe.

LITW : Le côté psychologique c'est également la partie où l'on gère les comparaisons un peu trop hâtives? P. L. : Il faut avancer et arrêter de se comparer aux autres Les gens comparent Gourcuff à Zidane. Mais moi je leur répond: Gourcuff c'est du Gourcuff. Certes, il essaye de reproduire les gestes de Zidane en ajoutant certains détails. Tout comme Zidane avait un modèle. LITW : Vous parliez tout à l'heure de quatre parties dans la formation: la technique, la tactique, le physique et le mental. Ces quatre parties sont-elles indissociables?

Créateur de champion

« Il ne faut pas oublier que le diamant, ce n'est pas lui. Il a le rôle du joaillier »

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P. L. : Oui et non. Ça vous permet de faire une sélection. Au départ, le commun des mortels voit un gars qui manie bien le ballon. A-t-il de l'avenir pour autant? Il a une base, du talent. C'est déjà bien. Sans talent on ne peut rien faire. Pour le football, ça implique la gestuelle, la vision du jeu et le talent créatif. Avec ces trois conditions, vous rentrez dans le football de haut niveau. Pour moi la technique est indispensable. Mais sans travail, ce n'est rien. Et alors sans mental vous êtes cramé! Vous avez besoin des qualités spécifiques pour se transcender. En plus de tous ça, il y cinq qualités à avoir: l'humilité, le courage, la volonté, la détermination et la persévérance. Mais elles ne sont utiles au joueur que s'il est bien dans sa peau. Qu'il est sécurisé. Il y a donc aussi l'importance de l'accompagnement. LITW : C'est une alchimie finalement? P. L. : Le talent est inné. Mais il faut travailler pour le faire évoluer. L'éducateur a un rôle important. Il ne doit pas perdre de vue deux mots: regarder et écouter. En regardant le joueur, vous savez ce qu'il sait faire et ce qu'il peut faire. Et en l'écoutant vous savez ce qu'il veut faire. C'est à dire: a-t-il un esprit suffisant? Est-ce qu'il ne se croie pas trop bon? LITW : L'environnement du jeune sportifs est donc également important? P. L. : Oui. Il est de plusieurs natures. L'environnement professionnel avec l'importance du coach. S'il veut faire briller le joueur pour lui même, il ne s'en sortira jamais. Il ne faut pas oublier que le diamant, ce n'est pas lui. Il a le rôle du joaillier. Il y a ensuite l'environnement familial qui est indispensable. Il faut savoir que 75% des jeunes qui réussissent à passer pro sont originaires d'un secteur étant à moins de 300km de l'endroit où ils partent se former. Certains éducateurs se plaignent de la place prises par les parents lors des matchs, mais il faut laisser le père ou la mère près du gamin. Il pourra toujours en avoir besoin. Enfin, il y a l'environnement amical avec les copains qui proposent de sortir et la copine. Je me suis toujours servit de la copine. Elles sont toujours plus mûres que les garçons et elles les aident à se stabiliser, à poursuivre leurs études. LITW : Les études? Pour un sportif de haut niveau c'est utile ? P. L. : Un sportif de haut niveau sans études, les ¾ du temps, il est foutu! Quelles que soit les études qu'ils décident de faire, je pense qu'il faut qu'ils les continuent. L'oisiveté n'a jamais été la mère d'un sportif de haut niveau. Le problème aujourd'hui, c'est que les jeunes trouvent des agents trop vite, voient arriver de l'argent trop vite. C'est une bêtise. Il faut que le joueur reste au maximum dans le club qui l'a formé. Car tant que le joueur est dans le club où il a été formé, il est considéré comme partie prenante et comme pièce maîtresse du puzzle de l'équipe. Alors que

s'il part, il va se retrouver comme concurrent pour les autres joueurs et non comme partenaire. LITW : Mais alors le problème n'est-il pas dans les clubs étranger qui viennent chercher très tôt les meilleurs joueurs? P. L. : Non pas du tout. C'est les agents le problème. Ils essayent tout le temps de faire une bonne affaire. Mais il ne faut pas se leurrer, ils ne viennent que pour l'argent. Eux aussi pensent avoir la science infuse. Ils pensent que le joueur va s'adapter etc... Mais non. Il faut appeler un chat, un chat. LITW : On entend rarement parler de dopage en France, existe-t-il dans les centres de formation? P. L. : J'ai beaucoup plus peur de la drogue avec les joints par exemple. Ici on fait la chasse aux joints. Des joueurs ont ruiné leur carrière à cause de ça. Ce qui est révoltant, c'est que parfois les éducateurs sont au courant mais ne font rien. Ça me démonte... Pour en revenir au dopage, il y en aura toujours mais les contrôles sont là pour éviter les débordements. Ce qu'il faut aussi, c'est une certaine aide pour les jeunes afin de leur dire ce qui est positif et ce qui ne l'est pas. LITW : Pour finir, avez-vous un message à faire passer ? P. L. : Je laisse tous les messages dans mon livre qui vient de sortir: « Mémoires d'un formateur passionné ». Je pense qu'il y a beaucoup de choses à en tirer sur les jeunes footballeurs. J'aimerais bien que dans le domaine sportif, il soit pris en compte deux choses: il faut se référer à quelqu'un dans la vie et ne pas ramener à soit ce que l'on fait mais le ramener aux autres. Tout ce que j'ai fait, ce n'était pas pour me mettre en valeur mais pour mettre en avant une manière de faire. Propos recueillis par Baptiste Gapenne et William Buzy

« J’ai beaucoup plus peur de la drogue que du dopage»

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Pierre Bernard: Né à Toulouse, il a commencé le rugby à l'âge de 4 ans. Champion de France minime avec Colomier, il a aussi porté le maillot du stade Toulousain. Il joue aujourd'hui à l'Aviron Bayonnais. Il est l'actuel numéro 10 de l'équipe de France des moins de 21 ans de Rugby. « Mon arrivée en équipe de France ? Un rêve mais aussi une suite logique puisque je suis sélectionné depuis l'âge de 16ans chez les équipes de jeunes. C'est beaucoup de travail mais de la chance aussi. » « C'est sûr, je fais moins de fêtes qu'un jeune lambda. Mais tout métier a des contraintes. » « Mieux pour la drague? Oui c'est vrai c'est un plus pour les sportifs. »

Ces jeunes sportifs, en quelques phrases

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Juliette Wahart: Vous n'avez jamais entendu parler d'elle? C'est normal. Cette nageuse tout juste âgée de 16 ans a encore le temps de se faire connaître. Sélectionnée en équipe de France jeune, il est fort possible qu'on entende parler d'elle dans les années à venir. « Je m'entraîne huit fois par semaine donc forcément je passe à côté de beaucoup de chose. Les sorties avec mes amis et les soirées par exemple. » « La popularité ne me fait pas peur, il faut juste rester humble et ne pas prendre la grosse tête. » « Tout le monde n'aime pas les grands sportifs. Je pense que c'est pour ça qu'il

y un grand fossé entre les sportifs et les jeunes en général. »

François Gabart: « Tombé dedans quand j'étais tout petit ». En voyageant avec ses parents en Atlantique durant un an à l'âge de sept ans, il a épousé le monde de la voile. Aujourd'hui, il navigue sur le Figaro Espoir Région Bretagne. Il a réalisé son rêve devenir marin professionnel. « C’est un rêve. Un rêve très fort que j’ai au fond de moi depuis longtemps et qui a commencé à me dévorer quand j’approchais de la fin de mes études à l’INSA de Lyon. La question était simple: travailler en tant que « ingénieur classique » ou continuer à vivre ma passion… J’ai choisi la seconde option…» « Si mon choix était clair, cela n’a pas été simple pour autant, loin de là. J’avais un rêve, des compétences… mais pas de bateau, ni de sponsor. J’ai donc ramé pendant 2 ans. » « Finalement tout le monde est un peu sportif. Mais quand on est pro on retient l’attrait pour la compétition, le dépassement de soi et la passion peut-être un peu plus. » « Mieux pour la drague ? Ce n’est pas à moi qu’il faut demander… Mais si tu me proposes de faire un test auprès d’étudiantes célibataires… je suis preneur… » « Il y a des soupçons de la part du grand public pour le dopage. Et j’avoue que je me posais aussi la question « mais comment font-ils pour ne pas dormir pendant tant de jours? ». Mais maintenant que je l’ai vécu et que j’ai enchaîné 4-5 jours en ne m’octroyant que quelques siestes de 20 minutes, je sais très bien que c’est possible, proprement. »

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Prenez la parole avant qu’on vous la donne : faîtes un journal ! Avec ou sans moyens, avec ou sans appui, mais toujours avec la rage et le plaisir de s’exprimer, les jeunes prennent la parole et créent des journaux dans les lieux de vie qui sont les leurs : au collège ou au lycée, mais aussi dans leur quartier ou leur ville. Spontanée ou plus réfléchie, cette presse originale reste encore confrontée à de nombreuses difficultés. Association indépendante de journalistes jeunes réunis pour défendre leur liberté d'expression, Jets d'encre veut apporter conseils et aide à ceux qui le souhaitent, favorise les échanges entre journaux via les événements et rencontres qu'elle met en place, et mène une réflexion déontologique avec son réseau autour de la « Charte des journalistes jeunes » et de la Carte de presse jeune qu'elle édite. Pour assurer sa représentativité, l’association est animée et dirigée par des jeunes de moins de 25 ans issus de la presse jeune. Association Jets d’encre 2bis, passage Ruelle 75018 Paris Tél. / Fax : 01.46.07.26.76 [email protected] www.jetsdencre.asso.fr www.festival-expresso.org

Etats généraux de la presse jeune en partenariat avec l’association

Jets d’encre.

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Etats généraux de la presse jeune

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LINTERVIEW.fr : Peux-tu te présenter? Marion Curtil : Je suis une élève de Première S au lycée Edouard Herriot à Lyon et la rédactrice en chef de l'Oeil Du Dragon cette année. Je m'implique beaucoup dans la vie du lycée et fait partie d'autres clubs que le journal comme l'association sportive ou le club police scientifique. Je fais aussi partie de comité au sein du lycée comme le CVL (Conseil de la Vie Lycéenne) et la MDL (Maison des Lycéens). LITW : Comment est né l'Oeil du Dragon? M.C. : L'Oeil du Dragon est né il y a une dizaine d'années. Un petit groupe de journalistes venus de deux anciens journaux du lycée "Herriot News" et "L'actu d'Edouard" se sont réunis pour former l'Oeil du Dragon. Le nom plutôt original vient d'une mosaïque à l'entrée du lycée représentant un dragon à l'oeil luisant. LITW : Quelle est la ligne éditoriale de l'Oeil du Dragon? M.C. : Je dirais que l'Oeil du Dragon est le reflet des rédacteurs le composant. Une vingtaine de rubriques existent allant de l'actualité, des réflexions diverses et des problèmes de société jusqu'aux textes lyriques, délires purs et simples et

billets d'humeur. Chacun écrit selon ses envies et ses aspirations du moment. Donc le journal est assez varié quant à son contenu. Ensuite, on essaie de plaire au lecteur donc les articles trop sérieux sont peu nombreux, les rédacteurs préférant faire passer leur message en légèreté et en usant par exemple d'ironie. Il y a aussi peut-être une chose spécifique à l'Oeil du Dragon, une partie des articles n'est pas écrite pour le lecteur mais pour l'équipe elle-même car le lecteur peut difficilement comprendre sans le contexte. Une rubrique est entièrement dédiée à ça. C'est "ODD' Centric". A chaque numéro, un sujet de dossier est voté. Il représente en général une dizaine de pages du numéro et est l'interprétation de chacun sur un thème large. Tous les points de vue sont acceptés et la diversité est même encouragée dans les limites des droits de la presse jeune. LITW : Quelle est la spécificité de l'Oeil du Dragon? M.C. : Je ne sais pas si on a une réelle spécificité ne connaissant pas d'autres journaux jeunes. Mais je sais que ça fait longtemps que le journal vit et

« Chacun écrit selon ses envies et ses aspirations du moment »

« Je pense que préserver ce journalisme jeune et son indépendance est très important »

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j'espère qu'il continuera ainsi. Pour écrire nous utilisons des pseudonymes et en général à la fin de l'année on ne connaît toujours pas les vrais prénoms de tous. L'équipe est plutôt large, un peu moins d'une trentaine cette année et les numéro font environ 60 à 80 pages. Nous formons une petite communauté au sein du lycée. Ce qui intéresse le plus les élèves qui achètent le journal est le quatrième de couverture où sont inscrites toutes les perles des professeurs sur les derniers mois. Nous avons donc des oreilles dans tous les cours pour pouvoir repérer les citations éventuelles. Outre ça, les lecteurs peuvent aussi nous adresser leurs articles, leur avis et leurs dessins. LITW : Comment se fait le journal? M.C. : Nous avons une réunion hebdomadaire ainsi qu'une mailing list pour faciliter la communication avec ceux qui ne peuvent pas venir. L'année dernière nous avons aussi créé un forum pour pouvoir parler plus librement que par mail et avoir un contact plus direct avec les quelques lecteurs qui viennent discuter avec nous. Une semaine avant la mise en page les articles sont rassemblés puis sur un samedi à 3/4 on les met bien en page: c'est la coordination. Ensuite je les emmène à l'imprimeur et quelques jours plus tard on les vend. Le journal est financé par la MDL et je m'occupe de la comptabilité de chaque numéro entre l'argent qui nous est allouée et l'argent des numéros vendus. On reste cependant toujours en déficit car on vend le numéro moins que ce que nous coûte l'impression. LITW : Pour toi qu'est-ce que le journalisme jeune? M.C. : Pour moi c'est la voix de la jeunesse, la voix de la future génération qui sous peu se retrouvera dans la vie active et politique. C'est aussi une façon de voir l'actualité d'un tout autre point de vue et d'attirer l'attention sur des choses que la presse ordinaire ne pointe pas. Je pense que préserver ce journalisme et surtout son indépendance est très important car c'est l'un moyen très efficace pour se faire entendre et pouvoir exposer son point de vue de manière réfléchie. C'est aussi une manière d'être actif à notre niveau dans la citoyenneté. Propos recueillis par Alexandre Marchand

« Ce qui intéresse le plus les élèves qui achètent le journal est le quatrième de couverture où sont inscrites toutes les perles des professeurs »

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