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Quand la loi ne protègera plus nos enfants...

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Quand la loi ne protègera plus nos enfants... [email protected] La deuxième édition de la Nuit de la philosophie promet 375 ateliers. 02 xle délit | 7 mars 2006 local Benoît Auclair Le Délit ’Université du Québec à Montréal accueillera les 25 et 26 mars 2006 la Nuit de la philosophie, un événement gratuit et ouvert à tous, qu’ils soient étudiants ou enfants, citoyens philosophes Les personnes intéressées à en savoir plus sur l’événement peuvent consulter le www. nuitdelaphilo.com.

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Quand la loi ne protègera plus nos enfants...

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02xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com

Nouvelles

Benoît AuclairLe Délit

L’Université du Québec à Montréal accueillera les 25 et 26 mars 2006 la Nuit de la philosophie, un événement

gratuit et ouvert à tous, qu’ils soient étudiants ou enfants, citoyens philosophes

ou non. Avis aux sceptiques: le programme de l’événement propose de montrer que la philosophie n’est pas qu’une réflexion très profonde, lourde, voire épuisante.

Mus par la volonté «de sensibiliser un large public à la philosophie et de l’initier aux beautés de cette discipline», mais aussi de permettre à certains de la «redécouvrir», les organisateurs visent à «[soutenir le] développement de la diversité culturelle, appuyer la création de solidarités multilatérales entre les scientifiques et susciter la réflexion». En effet, l’événement comprendra des vidéoconférences en provenance de Ouagadougou, de Paris et de Port-au-Prince.

Simon Tremblay-Pepin, étudiant de

maîtrise en science politique à l’UQÀM et membre de l’organisation, résume l’idée de départ du projet à «trois étudiants en philosophie […] qui considéraient que cette discipline ne se pratiquait pas assez au Québec et qui ont cru qu’il était possible de faire traverser le message dans la population, d’attirer des gens à cette pratique.» Pour ce faire, l’édition 2006 passe de soixante-dix à plus d’une centaine d’activités. Parmi celles-ci, mentionnons Les Simpson rencontrent la philosophie, un spectacle de Masse Poésie, des débats à travers un jeu d’échec humain ainsi que de la création littéraire. Un atelier traitera même de la musique hip-hop et de sa culture. Vraiment, tout y est pour piquer la curiosité de chacun.

C’est un défi que d’intéresser les gens à la philosophie. Du moins est-ce la conclusion de Simon Tremblay-Pepin face à l’enthousiasme modéré de certains médias., Il souligne que le groupe a obtenu «réponse et visibilité de Radio-Canada, des média communautaires et étudiants, [de] Télé-Québec, mais que TQS, par exemple, et La Presse, n’ont pas répondu à l’appel jusqu’à présent concernant la conférence de presse tenue mercredi dernier.»

Et d’ajouter, «l’événement, toutefois, ne s’est pas encore déroulé.» x

Les personnes intéressées à en savoir plus sur l’événement peuvent consulter le www.nuitdelaphilo.com.

Rendez-vous des philosophes et oiseaux de nuitLa deuxième édition de la Nuit de la philosophie promet 375 ateliers.

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03xle délit | 28 février 2006www.delitfrancais.com

RÉDACTION3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 (514) 398-6784

Télécopieur : +1 (514) [email protected]

Rédacteur en chef [email protected]

David Drouin-LêChefs de pupitre–nouvelles [email protected]

Laurence Bich-CarrièreJean-Philippe Dallaire

Chef de pupitre–arts&culture [email protected]

Agnès BeaudryRédacteurs-reporters

Maysa PharèsMarc-André Séguin

Coordonnateur de la production [email protected]

Alexandre de LorimierCoordonnateur de la photographie

Mathieu MénardCoordonnateur de la correction

Pierre-Olivier BrodeurChef-illustrateur

Pierre MégarbaneCollaboration

Benoît Auclair, Émilie Beauchamp, Christopher Campbell-Duruflé, Arnaud Decroix, Lucille Hagège, Flora Lê, Christina Lemyre McCraw, David Pufahl, Clémence Repoux, Giacomo Zucchi

CouvertureMathieu Ménard (avec sincères excuses pour Kara Walker)

BUREAU PUBLICITAIRE3480 rue McTavish, bureau B•26

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 (514) 398-6790

Télécopieur : +1 (514) [email protected]

Publicité et direction générale Boris Shedov

Gérance Pierre Bouillon

Photocomposition Nathalie Fortune

The McGill Daily • [email protected]

Joshua Ginsberg

Conseil d’administration de la Société de publication du Daily (SPD)

David Drouin-Lê, Joshua Ginsberg, Rebecca Haber, Rishi Hargovan, Mimi Luse, Rachel Marcuse, Joël Thibert,

[email protected]

LE SEUL JOURNAL FRANCOPHONE DE L’UNIVERSITÉ MCGILL

Éditorial

Collaborez au Délit. Venez à notre réunion mardi 16h30 au local B•24 du Shatner.

David Drouin-LêLe Délit

La principale de McGill, Heather Munroe-Blum, n’a fait qu’une bouchée des questions des

intervenants lors de la troisième Assemblée publique annuelle de l’Université. Il faut néanmoins ajouter que le format de la rencontre n’était pas à l’avantage de l’assistance. Autopsie d’une pénible séance de relations publiques déguisée.

«De kossé?»S’inscrivant dans la politique officielle

d’ouverture, d’accessibilité et d’imputabilité de la principale, ces assemblées publiques constituent un moment où elle «convie étudiants, professeurs et membres du personnel à prendre part à une discussion ouverte portant sur des questions d’intérêt pour la communauté mcgilloise». Selon la principale intéressée, ces rencontres d’une heure constituaient une réponse aux critiques formulées contre son prédécesseur accusé «de se cacher derrière des portes closes».

Pour l’accessibilité, on repassera. En effet, la rencontre s’est déroulée à la résidence étudiante Douglas, un endroit difficile d’accès. Situés derrière le stade Molson, les lieux étaient mal indiqués et presque totalement inconnus en dehors du cercle restreint des étudiants habitant les résidences. À preuve, il nous a fallu une bonne dizaine de minutes ainsi que l’aide d’un étudiant américain en état d’ébriété afin de localiser ledit endroit alors que l’immeuble était juste à côté de nous. À l’évidence, le lieu était mal choisi: moins d’une cinquantaine de personnes se sont présentées. Voulait-on éviter une grande participation? Considérant la petitesse de la salle, nous sommes en droit de le croire.

De l’absence de contenuAvant d’amorcer la période de questions,

la principale a livré un discours vantant les mérites de McGill. Elle a aussi insisté sur le manque de financement dont McGill serait cruellement victime. Elle a réitéré sa profonde (et douteuse) conviction selon laquelle une augmentation substantielle des frais de scolarité réglerait le problème et améliorerait même l’accessibilité aux études et la réussite scolaire.

Les questions soulevées par l’auditoire portaient essentiellement sur les carences de certains services offerts aux étudiants et sur les problèmes d’espaces réservés aux organismes étudiants. À toutes ces interrogations, une seule réponse, au demeurant déjà formulée dans son discours introductif: nous faisons de notre mieux étant donné le sous-financement de l’Université. Les intervenants laissés sur leur faim étaient d’autant plus frustrés qu’ils ne pouvaient pas renchérir, se faisant systématiquement interrompre par le modérateur qui s’empressait de donner la parole à quelqu’un d’autre. Les étudiants ont du reste rapidement compris la futilité de l’exercice au terme duquel la principale n’a pris aucun engagement.

Une attaque en règleÀ la toute fin de l’Assemblée, répondant à

une question vaguement reliée aux journaux étudiants, la principale a profité de l’occasion pour se livrer à une attaque en règle contre ceux-ci. Elle a affirmé qu’elle «percevait une réalité différente de celle décrite dans les journaux lors [de ses] contacts avec les étudiants». Tout en reconnaissant leur liberté

d’expression, elle a ajouté sans ambage que «ce qui est écrit dans les journaux [étudiants] ne reflète pas la réalité». Mme Munroe-Blum a émis son hypothèse sur le pourquoi de ce décalage: «Interrogez-vous sur ce que les journaux étudiants veulent et sur la nature de leurs objectifs». Elle a finalement achevé son réquisitoire en mentionnant presque à regret que ceux-ci «font partie de la vie universitaire».

Le Délit ne versera malheureusement pas une larme, mais souhaiterait rappeler à la principale que le rôle de la presse étudiante n’est pas de reproduire intégralement les communiqués de presse émanant du service de relations publiques de l’Université.

En ce qui concerne la perception de la vie étudiante, Mme Munroe-Blum fait preuve d’arrogance en prétendant mieux la comprendre que la presse universitaire. Elle semble oublier que ses membres sillonnent le campus à longueur d’année et interagissent à temps plein avec sa population de par leur simple qualité d’étudiants.

Mais au fait, comment prend-elle le pouls de ses ouailles? Elle échange sa place avec une étudiante l’espace d’une journée et se livre annuellement à quatre de ces assemblées bidon dont la vacuité est aberrante. Nous reconnaissons qu’il serait irréaliste qu’elle occupe ses journées à communiquer avec les étudiants, mais de grâce, nous l’invitons fortement à faire preuve de davantage de retenue et à cesser de modestement prétendre détenir la Vérité au sujet des besoins des étudiants. x

Habile HeatherLa principale nous montre comment faire semblant d’être réceptif aux problème des étudiants.

campus

Revamper le bassin Peel

B-312: encore une foisBenoît XVI est votre ami dans la foi

Ducharme par les grenouillards

12107 13L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société de publication du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimerie Quebecor, Saint-Jean-sur-le-Richelieu (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP), du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF) et de la Presse universitaire indépendante du Québec (PUIQ).

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04xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com Controverses

Propre, propre, propre!

Vous en avez marre des toilettes publiques dont l’hygiène laisse à désirer? La compagnie Cintas, de Cincinnati, a décidé de faire sa part afin d’améliorer la propreté des lieux que certains sont parfois appelés à salir. Depuis 2001, la firme collabore au concours «America’s Best Restroom», dans le cadre duquel les sanitaires de plusieurs établissements sont mis en compétition les uns contre les autres afin de déterminer lesquels sont entretenus avec un style et une hygiène «exceptionnels». Le vote a lieu en ligne, et les internautes sont présentement invités à départager quel établissement, parmi un bistro du Michigan, une maison de fruits de mer du Rhode Island, un casino du New Jersey, un aéroport de l’Illinois et un restaurant de l’Ohio, se méritera le Toilet Bowl. (CNEWS/AP)

La Madone et le Messie

On le sait, la chanteuse Madonna s’est convertie au kabbalisme, religion très à la mode chez les stars ces temps-ci. Et il y a des agents d’immeuble qui vont en profiter. En effet, Madonna, rebaptisée Esther tant qu’à faire, vient d’annoncer qu’elle désire acheter une maison qu’elle transformera en centre d’études mystiques, à Rosh Pina, en Galilée, ville où le Messie devrait passer à la fin des temps. (AFP/Cyberpresse)

Savoir-vivre

Les habitants de Pékin seront prêts pour accueillir les Jeux olympiques de 2008. En effet, non seulement le gouvernement chinois s’assure-t-il de disposer d’infrastructures suffisantes pour assurer la bonne marche de l’évènement, mais il compte bien mettre les Pékinois au fait des manières dont il convient de faire preuve lorsqu’on accueille le monde: au programme, des cours pour apprendre comment cracher ou comme s’asseoir! Le tout, afin de donner au monde une bonne image de leur pays. Un effort auquel journaux, stations de radio, chaînes télévisées, fournisseurs de service Internet et opérateurs de téléphonie mobile sont appelés à contribuer. (CNEWS/AP)

Warren Buffett cite Pascal...

Depuis quand les philosophes font-ils (faire) de l’argent? Depuis que le milliardaire Warren Buffett les utilise. En effet, dans une lettre aux actionnaires de sa société d’investissement Berkshire Hathaway, il expliquait que les ouragans Katrina, Rita et Wilma lui avaient fait subir des pertes de 3,6 milliards. Et d’ajouter le pari de Pascal sur l’existence de Dieu: «Comme vous le savez, il a conclu que, comme il ne connaissait pas la réponse, son ratio gain sur perte personnel lui dictait de conclure par l’affirmative.» En conséquence, les primes ont été augmentées pour les contrats couvrant les grosses catastrophes naturelles. (LP/AFP).

Bizarre, bizarroïde et compagnie

La citation de la semaine

«Je crois qu’un Pakistan démocratique et prospère sera

un partenaire inébranlable pour l’Amérique, un voisin

paisible pour l’Inde et un vecteur de liberté et de

modération dans le monde arabe.»

- George W. Bush

Et c’est ainsi que, le 3 mars 2006, Bush fit grincer des dents tous ces Pakistanais qui détestent être assimilés aux arabes qu’ils ne sont pas. (CNN/PoliticalHumour).

Sans commentaireLaurence Bich-Carrière

LA SÉCURITÉ DU SHATNER

Les menaces des gardes de sécurité de l’édifice Shatner, c’est

du sérieux! Les membres de l’équipe du Daily l’ont appris

leurs dépends. Ceux qui avaient omis de s’inscrire à la liste

d’accès vingt-quatre heures de l’AÉUM mise en place pour contrer une vague de crimes

affectant l’édifice. Cinq éditeurs et un collaborateur ont été

expulsés manu militari vendredi soir dernier, aux environs de 1h30. Avec une morale sur la

bière en prime. (Daily)

En hausse

LES CHATS Bulletin de nouvelles de Radio-

Canada. Après l’indicatif dramatique, la présentatrice prend un ton sépulcral et

annonce: «C’est confirmé, un chat est mort». De la grippe aviaire, en Allemagne. Mais

bonté, annoncer la mort d’un chat comme si c’était celle du premier ministre! À quand des funérailles nationales? Surtout

que dans les nouvelles Google de dimanche, la tragédie féline était placée avant la mort d’enfants en Indonésie, qui avaient également succombé au virus H5N1. (SRC)

LA CALOTTE GLACIAIRE

Elle fondrait à une vitesse ahurissante, si l’on en croit la revue Science, qui impute la fonte au réchauffement de la planète. Plus précisément,

ce sont 150 km3 de glace par année que perdrait

l’Antarctique, soit l’équivalent d’un bloc d’un kilomètre de

haut et de large sur la distance entre Québec et Trois-Rivières. Cela dit, la calotte au complet

en compte 26 millions... (Cyberpresse)

En baisse

Au neutre

En trois vitesses

MCGILL, UNIVERSITÉ DE DÉBAUCHE! MCGILL, lieu d’orgie et de dépravation! McGill, le démon a élu domicile en tes vénérables murs fissurés de turpitudes, pour envoyer tes fils dans un Sodome sportif, vendre tes filles en photographique cuniculture (l’élevage de lapin, pour ceux que ça intéresse) et faire des usagers de la troisième toilette de l’AÉUM les esclaves d’un temple de libations bukowskiennes! Du moins c’est ce que je comprends quand ce guichetier d’âge mûr à qui j’achète ma passe d’autobus et qui remarque mon appartenance à la Vénérable Institution me dit, l’air gouailleur: «Vous oublierez pas de m’inviter à vos prochains partys d’école».

Non, mais vous avez fini de me bassiner avec ça? C’étaient d’abord huit pages de courriels pour me dire que la seule utilité des balais, c’est le ménage (à moins de s’appeler Mini-Fée et encore). Et voilà qu’après que quelques mauvais clichés soient venus montrer que le cliché de l’étudiant de gestion en fête ne s’applique pas qu’aux HEC, la très-haute direction décide de me proposer «de me sensibiliser à mon bien-être et à ma sécurité». Pendant qu’on y est, pourquoi pas des brigades d’enseignantes de pastorale qui viendront distiller des valeurs de tolérance et de politesse élémentaire, afin que les étudiants de McGill «en sort[ent] grandi[s] et profondément respectueu[x] de la dignité des personnes»?

C’est sûr qu’il y a un risque qu’encore une fois on comprenne «distiller l’amour» comme signifiant «boire» et «ôter tous les

vêtements nécessaires pour montrer le cœur qu’on vient de se faire tatouer sous la poche de jeans». Résultat, un carnaval un peu olé-olé dont ont filtré quelques photos montrant des soutiens-gorge qui volaient sans brûler et de l’alcool et de la friction qui n’étaient pas chastement séparés par un «à» (c’est de l’humour hermétique pour protéger les enfants).

Résumons: des étudiants boivent. Talk about non-news. Ça a fait la une d’un journal que ne lisent pas les mcgillois, les nouvelles du soir parce que ce ne sont pas toutes les heures qui ont vingt-deux minutes, et ça fait surtout des gorges chaudes. Ceux-là ne sont pas des pharisiens, ce sont des hypocrites et des saintes-nitouches.

Hein, quoi? Nos enfants «s’éthylisent»? Depuis quand la vodka a-t-elle remplacé la verveine dans les cinq à sept? Qui a jamais vu un post-adolescent se décrocher la mâchoire à la vue d’un balconnet bien garni (ou dégarni, selon l’heure)? Et comment Dany Laferrière aurait-il su qu’elles sentaient la poudre de bébé Johnson, ces filles de McGill («vénérable institution où la bourgeoisie place ses enfants pour leur apprendre la clarté, l’analyse et le doute scientifique»), si elles ne s’étaient pas parfois comportées comme des collégiennes en goguette, c’est-à-dire comme on le leur montre dans les annonces de bière?

Dors-tu content, saint Augustin, et ton hideux sourire voltige-t-il encor sur tes os décharnés?

Restent les courriels de l’administration, plus insidieux. Oh bien sûr, il est tout à fait

normal qu’elle se dissocie de ces beuveries fort peu académiques, et qu’elle les réprouve. Le contraire, même, eut été étonnant.

Ce qui m’embête, c’est qu’elle le fasse si tard. Parce que stratégiquement, ça ne valait pas exactement Austerlitz: on rappellera que dès que le Journal de Montréal a publié les photos, c’est-à-dire à la mi-février, l’administration a émis dans la journée un communiqué exprimant sa réprobation. Était-il nécessaire deux semaines plus tard, c’est-à-dire jeudi dernier, alors qu’était retombée la poussière (et le body glitter), de venir nous faire la morale par serveur interposé?

Pharisien: personne qui croit incarner la perfection et la vérité du moment qu’elle observe strictement un dogme, des rites et qui juge sévèrement autrui, condamne sa conduite sous couleur de lui rendre service.

Bigots bien-pensants! Fichez-moi la paix! Avec tout ce bruit pour rien, on n’entend plus les grenouilles coasser dans le bénitier.

Les pharisiens

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Participez au Délit!LE DÉLIT RENOUVELLE SON ÉQUIPE.

Présentez-vous dès maintenant pour les postes suivants:

Rédacteur en chefChef de pupitre−nouvellesChef de pupitre−culture

Rédacteur-reporterCoordonnateur de la production

Coordonnateur artistiqueCoordonnateur de la correction

Consultez les descriptions de tâches et les modalités complètes du vote sur

www.delitfrancais.com.

DÉPOSEZ VOTRE CANDIDATURE, CONTRE-SIGNÉE PAR DEUX MEMBRES DE LA RÉDACTION, DANS UNE DES ENVELOPPES PRÉVUES À CET EFFET À LA PORTE DU DÉLIT, SHATNER B•24.

LE VOTE AURA LIEU LE LUNDI 27 MARS À 19H30 DANS CE LOCAL

Vous devez être membre de la Société de publication du Daily et avoir participé au moins trois fois au journal au cours du semestre courant pour être éligible.

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Maysa PharèsLe Délit

C’est dans le cadre de la Journée internationale des femmes 2006 que l’Université Concordia

accueillait, les 3 et 4 mars derniers, le forum «Féminismes mondiaux et transformation sociale». Organisé conjointement par le Comité d’action et coordination des femmes de diverses origines et l’Institut Simone-de-Beauvoir de l’Université Concordia, l’événement rassemblait les représentantes d’organismes militant à travers le monde. Le programme se proposait de dresser le portrait des femmes en difficulté et d’envisager des perspectives d’actions collectives.

Un constat simple était au cœur de la réflexion: malgré les luttes passées et les progrès accomplis, les droits de la femme sont toujours négligés à travers le monde, plus particulièrement dans les pays en voie de développement. Le militantisme féministe doit se battre contre les traditions des sociétés patriarcales, mais lutte aussi contre des gouvernements qui, dans un contexte post-colonialiste qualifié par les panélistes d’«impérialiste», «féodal» et «néo-libéral», tirent un profit considérable de la vulnérabilité des femmes.

Un mouvement fragmenté mais un ennemi commun

«Le féminisme mondial est un slogan. Il n’y a pas un, mais plusieurs féminismes. C’est un mouvement pluriel», insiste Rita Acosta, du Mouvement contre le viol et l’inceste. Il est, selon elle, indispensable de comprendre la situation des femmes en différentes parties du monde. À l’image de cette complexité, le forum couvrait un vaste

éventail de problèmes chers aux militantes féministes. Qu’elles viennent de Palestine, du Guatemala, d’Haïti ou des Philippines, les conférencières (car il n’y avait guère d’hommes), défendaient certes des causes inscrites dans des contextes sociopolitiques distincts, mais leurs réquisitoires convergeaient tous vers la même nécessité de repenser la place et le rôle des femmes dans la société.

Sandra Moran, du Centre national des femmes du Guatemala, considère qu’il n’y a «qu’un seul système d’oppression, auquel on donne plusieurs noms: patriarcal, impérialiste, homophobe…» Elle souligne le besoin pour les femmes de se coaliser contre ce système dans son intégrité. Marilou Carillo, du Centre des femmes philippines de Vancouver, note que «le féminisme n’est pas au départ une question de sexe», mais prend sens dans le cadre de luttes politiques, qu’elles soient de libération nationale ou de réforme. Pour Mme Carillo, «c’est sur les femmes que retombe le poids du manque de soins, de logements et de nourriture». Par conséquent, partout où l’instabilité domine, la condition féminine est inévitablement précaire.

Malgré les avancées juridiques et institutionnelles, il arrive cependant que la situation des femmes ne s’améliore pas en proportion. Rappelant les progrès accomplis au Guatemala depuis la signature des accords de paix en 1996, Mme Moran souligne que «la vie quotidienne des femmes n’a pas changé». Elles sont toujours soumises à des sévices, viols ou homicides et ne sont pas protégées.

Être femme travailleuse dans un pays du Sud

Évoquant les catastrophes survenues dans des usines américaines en Asie du Sud-Est, Mme Acosta rappelle que des milliers de femmes travailleuses périssent dans des incendies, parce que les issues de secours sont maintenues fermées pour éviter qu’elles ne volent ou n’en profitent pour se reposer. Filant la métaphore, Mme d’Acosta déclare

que «le processus par lequel les industries quittent l’Ouest pour s’établir dans le Tiers-monde fait que les issues de secours sont toujours fermées pour les femmes».

Ginette Apollon, présidente de la Commission nationale des femmes travailleuses d’Haïti, rappelle que «les femmes fournissent les deux tiers des heures de travail de la planète, et ne possèdent pourtant qu’un centième de la fortune mondiale». Soulignant qu’elle vient de la première république noire du monde, Mme Apollon note qu’il s’agit aussi du pays le plus pauvre du continent américain. «La pauvreté permet d’attaquer notre intégrité. Paupérisation et marginalisation empêchent les femmes, abandonnées à elles-mêmes, de jouir de leurs droits». Dénonçant un système obsolète, Mme Apollon souligne que «nos

lois sociales et du travail sont désuètes, incomplètes et inadaptées aux réalités actuelles». D’où la nécessité de refondre un système qui est selon elle le résultat de «la mauvaise application des politiques néo-libérales des gouvernements».

Unies dans leur combat, les militantes ont clamé le mot d’ordre de la solidarité internationale comme condition sine qua none de l’action effective. Une autre nécessité énoncée était la prise de conscience des femmes et leur éducation. Le plus important, pour Mme Carillo est le nombre: «Il nous faut grandir en nombre, parce que les gouvernements ont peur du pouvoir du peuple». L’insistance a aussi été mise sur la nécessité d’unifier et de relier les mouvements sociaux à l’échelle nationale et mondiale. x

06xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com

En 2006, les femmes n’ont pas fini de lutterLe forum «Féminismes mondiaux» appelle à la solidarité internationale.

Nouvelles

local

Si la femme travailleuse voit souvent ses droits bafoués, il s’avère parfois que ce soit le résultat direct de politiques gouvernementales. L’exemple le plus criant est celui des Philippines. Marilou Carillo, membre du Centre des femmes philippines de Vancouver, explique que «pour les femmes Philippines, rien n’a changé depuis l’ère coloniale. Nous vivons encore dans des conditions féodales parce que notre pouvoir économique en tant que nation n’a nullement changé».

Mme Carillo rappelle que la prostitution est au départ liée au militarisme ayant pris son essor pendant la guerre du Vietnam, au moment où les soldats américains établirent

des bases aux Philippines. «L’industrie du sexe s’est développée pour servir les troupes américaines. Le militarisme est aux racines de la propagation de la prostitution aux Philippines et de l’exportation de cette industrie».

Aujourd’hui, l’État philippin dispose d’une politique des travailleurs migrants qui favorise le départ de 3000 travailleurs par jour. Dix p. cent des Philippins sont à l’étranger. Parmi eux, soixante-dix p. cent sont des femmes, qui souvent se voient trafiquées dans le commerce sexuel. «Le gouvernement a intérêt à exporter les femmes parce qu’elles doivent dépenser des fortunes avant de pouvoir quitter le territoire, et une fois à l’étranger, elles renvoient au pays des milliers de dollars américains pour la survie de leurs familles». Si les gouvernements ont intérêt à faire

de l’exportation de main d’œuvre pour maintenir un PIB intéressant, les pays occidentaux y trouvent aussi leur compte en s’assurant une main d’œuvre bon marché à domicile.

Au Canada, ces femmes se trouvent reléguées à l’exécution de travaux domestiques. Mme Carillo explique que les études effectuées à ce jour démontrent un lien entre la prostitution et le Programme des aides familiaux résidants (programme national permettant aux particuliers d’employer un aide familial étranger, souvent par le biais d’agence). Quatre-vingt onze p. cent des travailleuses inscrites à ces programmes sont philippines. Cela permet (mais ne garantit pas) un accès plus rapide à la résidence permanente que les voies traditionnelles. Selon Louise Dionne, du Comité d’action contre le trafic humain

interne et international, le fait est que «même en situation légale, les femmes se retrouvent dans des réseaux criminels».

Une des pires situations de vulnérabilité, soulignée par Mme Dionne, est celle des femmes qui entrent avec un visa touristique et finissent clandestines à l’expiration. «Les employeurs savent cela et en profitent», note-t-elle. Elle invoque le manque de conventions internationales et la réticence du Canada à signer certains accords comme la Convention des travailleurs immigrants. Les pistes d’actions envisagées visent à sensibiliser les gens à la réalité du trafic et à contrecarrer le discours ambiant qui banalise la prostitution. L’organisation de comités de lobby est perçue comme une nécessité, afin d’avoir un accès direct aux députés. x

M.P.

Un exemple de trafic de femmes: les PhilippinesQuand l’État est le trafiquant.

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07xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com

Nouvelles

Alexandre de LorimierLe Délit

Depuis plus de vingt-cinq ans, les urbanistes travaillent à rendre aux Montréalais l’accès au fleuve

Saint-Laurent. La ville fait face à un problème majeur d’enclavement entre le bord du fleuve et l’autoroute Ville-Marie. L’enfouissement de cette dernière dans les années 1950 a permis de développer le Quartier international entre le Palais des congrès et le square Victoria. Cependant, l’autoroute Bonaventure, qui déverse des milliers de véhicules provenant de la Rive-Sud tous les matins, crée une barrière quasi impénétrable entre le centre-ville, le fleuve et les quartiers autour du bassin Peel.

Dans le cadre d’une série de conférences publiques sur le développement urbain, l’École d’urbanisme a invité Jacques Côté, président-directeur général de la Société du Havre de Montréal et Pierre Malo, urbaniste et ancien étudiant de l’École.

Créée en octobre 2002, la Société du Havre a pour mandat de présenter aux trois ordres de gouvernement un projet de réhabilitation urbaine à long terme du havre de Montréal, un territoire de dix kilomètres carrés qui comprend notamment le Vieux-Port, la Cité du Havre et Pointe-Saint-Charles. Un premier rapport a été présenté au grand public en avril 2004.

Quelques propositionsCommençons dans le Vieux-Port. La

Société prévoit régler les problèmes de congestion routière en installant un tramway qui utiliserait les voies du Canadien Pacifique. Monsieur Côté propose d’intégrer cette ligne au réseau de l’Agence métropolitaine de transport, qui comprend notamment un train léger sur rail le long de l’avenue du Parc. Le groupe de promotion du transport en commun Transport 2000 se dit intéressé par le projet. «Tôt ou tard, si on veut stopper l’étalement des banlieues, il faut développer les terrains disponibles en ville», affirme le président de l’association, Jean Léveillé.

De son côté, l’autoroute Bonaventure serait convertie en un boulevard urbain. L’espace récupéré à l’entrée de la ville entre le bassin Peel et la rue University pourrait être ajouté à la Cité multimédia et rétablirait le lien entre Griffintown à l’ouest et le faubourg des Récollets à l’est. Monsieur Malo, chargé du projet de l’autoroute, souligne le potentiel de développement immobilier du secteur, situé dans une zone stratégique entre le quartier des affaires et le havre. Pour la traverse du canal Lachine, l’urbaniste propose que la voie rapide soit enfouie sous le bassin Peel.

La Société propose par la suite de transformer le tracé actuel de l’autoroute Bonaventure, dans le Technoparc, en un espace vert linéaire traversé par une voie piétonne et une piste cyclable. Cette dernière complèterait un réseau qui longe déjà une bonne partie de l’île de Montréal, de Dorval

à Pointe-aux-Trembles. La contamination des sols du secteur, qui était un dépotoir jusqu’aux années cinquante, reste un sujet tabou pour l’administration municipale. En effet, celle-ci peine à trouver la volonté politique et le financement pour assainir les terrains.

Des nouvelles du casinoPlus controversé encore, la Société du

Havre propose l’implantation d’un centre récréotouristique au bord du bassin Peel afin de rentabiliser les travaux d’infrastructure. Monsieur Côté reste cependant prudent. «Le projet du casino est une option mais il pourrait y en avoir d’autres», explique-t-il, faisant référence au déménagement éventuel

du casino de Montréal. En effet, Loto-Québec et le Cirque du Soleil proposent d’aménager l’espace conjointement en un casino, un hôtel, une salle de spectacle et un port de plaisance.

Les opposants au projet se sont réunis en créant l’association Action-Gardien. Le groupe considère que le «déménagement du casino à proximité de zones résidentielles aurait des impacts sociaux, économiques et environnementaux très graves», tel que noté sur son site Internet Non Casino! Action-Gardien craint notamment l’augmentation du jeu compulsif dans l’arrondissement Sud-Ouest, un des quartiers défavorisés de la métropole. x

Récupérer le fleuveDe passage à l’Université, le PDG de la Société du Havre présente une nouvelle vision des rives du Saint-Laurent. Les organismes communautaires s’inquiètent du projet.

Christopher Campbell-DurufléLe Délit

La ville de Schefferville est située bien loin de Montréal. Cinq cents kilomètre au nord de Sept-Îles,

au bout de la ligne de train. Au-delà des frontières de notre imagination.

En 1983, la ville comptait quelque 5000 habitants dont la présence était due à la richesse de son sous-sol. Le minerai de fer avait attiré, en 1954, la Iron Ore Company of Canada (IOC), fondatrice et principale

employeuse des lieux. Les populations innues de la région, Naskapis et Montagnais, s’étaient également sédentarisées à cette occasion. En 1972, une réserve fut créée à Matimekosh-lac John pour les premiers, alors qu’en 1978 la Convention du Nord-Est québécois leur céda un important territoire pour fonder une réserve à Kawawachikamach.

Les travaux de construction de la réserve étaient en cours lorsque, en 1982, Brian Mulroney, vice-président de l’IOC, annonça la fermeture de la mine. La population allochtone de Schefferville est alors passée à près de 250 habitants, comme l’indique le site de la MRC de Canapiscau, dont la principale source de revenu est l’administration de pourvoiries pour la chasse et la pêche sportive. Quant aux 1400 Naskapis et Montagnais originaires du territoire, ils sont toujours là.

«Le retour à la vie traditionnelle se fait difficilement» déclarait diplomatiquement le chef Thaddée André en 1997 lors d’audiences tenues par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. Trois décennies ont modifié complètement l’économie des Innus,

qui étaient initialement autosuffisants par l’exploitation «des ressources fauniques du territoire et ce, à travers un cycle saisonnier bien défini et équilibré». La fermeture de la mine a laissé les Innus devant une économie de marché en panne, où malgré l’assistance des transferts fédéraux négociés pour l’occupation de leurs terres «l’on voit encore trop souvent les revenus de la communauté quitter la réserve» pour les supermarchés des villes voisines par exemple.

Ces impacts économiques ont des répercussions socioculturelles dramatiques. Ghislain Picard, chef régional pour l’Assemblée des Premières Nations, souligne qu’alors que la population canadienne se maintient dans les dix premiers pays au monde pour sa qualité de vie, les autochtones canadiens se classent quant à eux soixante-troisièmes. Les «neuf problèmes sociaux majeurs suivant [ont été répertoriés chez les autochtones du Nord]: l’abus d’alcool, des conditions de logement difficiles, un taux d’assistance sociale élevé, des problèmes de santé, le manque d’opportunités à des études plus poussées, un fréquence élevée

de problèmes d’ordre judiciaire, un stress social élevé dû au racisme, le problème des revendications territoriales et le manque de facilités récréatives et culturelles.»

Les non-autochtones ont raison de s’indigner des sommes considérables transférées en assistance sociale aux autochtones qui ne semblent pas améliorer la situation, car la sur-assistance est un fléau, affirme Picard. C’est que la société québécoise «est toujours en train de commencer par la fin», en laissant la problématique de l’identité autochtone en suspend pour appliquer des pansements à la situation.

Et Schefferville? Le site n’a pas été rebouché ni décontaminé depuis 1982. Comme l’affirmait Nadir André, de Matimekosh-Lac John, devant l’Assemblée nationale en 2003, «l’IOC à Schefferville nous aura laissé en héritage des montagnes de déchets miniers et des trous de mine béants au fond desquels pourrissent des épaves de pelles mécaniques, de concasseurs et des débris de toutes sortes, et surtout une blessure profonde non encore cicatrisée.» x

Essayer d’oublier SheffervilleOu comment la situation des Premières Nations rappelle des moments peu glorieux de l’histoire des «dominants».

national

local

Le boulevard Bonaventure deviendra la nouvelle porte d’entrée de la métropole.gracieuseté Société du Havre de Montréal

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08xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com 09xle délit | 7 mars 2006

www.delitfrancais.com

Le film Les Voleurs d’enfance de l’animateur Paul Arcand a mis au grand jour les failles du système québécois de protection de la jeunesse. La remise en question de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) a même eu des échos à l’Assemblée nationale, où la Commission des affaires sociales a entrepris, le 24 janvier

dernier, des consultations générales sur le projet de loi 125 qui cherchera à modifier cette dernière. Essentiellement, les propositions du gouvernement dans le cadre du projet de loi 125 cherchent à réduire la durée des placements provisoires en famille d’accueil, de manière à déployer rapidement un projet de vie stable pour les jeunes devant être retirés de leur milieu familial ou d’origine. Le projet de loi a été déposé à l’automne dernier.

Or, le projet dans son état actuel est loin de faire consensus. Depuis le début des consultations, plusieurs voix se sont élevées contre les modifications suggérées par le gouvernement Charest. Les opposants au projet de loi 125 affirment que ce dernier touchera durement les enfants pauvres et leurs parents.

Louise Chabot, première vice-présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) –qui représente 172 000 membres dont près de 125 000 travaillent dans le secteur public, majoritairement dans le domaine de l’éducation– a résumé les propositions de son organisme en commission parlementaire: «Pour la CSQ, il est clair qu’après vingt-cinq ans d’application, la LPJ mérite d’être révisée. Mais la simple révision de la loi, telle qu’elle est proposée par le projet de loi 125, ne suffit pas. Ce projet ne règle en rien le manque de ressources et les déficits que connaissent les services sociaux à la jeunesse depuis dix ans. Le gouvernement Charest doit saisir l’occasion pour donner un sérieux coup de barre en faveur d’un réengagement de l’État pour les services sociaux à la jeunesse, sinon ce sera un véritable rendez-vous manqué.»

Des motifs d’intervention modifiés

Le projet de loi 125 introduit entre autres

des modifications sur les motifs d’intervention de la Direction de la protection de la jeunesse, notamment autour de l’article 38 de la loi actuelle. Ce dernier traite des conditions où la sécurité et le développement d’un enfant sont considérés comme compromis. Alors que dans la pratique actuelle, la non-fréquentation scolaire et la fugue sont des motifs qui de façon explicite peuvent conduire à l’application de la LPJ, le nouveau projet de loi propose une limitation de l’utilisation de ces motifs comme signaux justifiant une intervention. Selon Mme Chabot, cette modification n’améliorera en rien les problèmes actuels. «De l’avis de la CSQ, ces changements proposés sont des resserrements inacceptables. Ils visent uniquement à réduire le nombre de cas soumis à la protection de la jeunesse et ils sont loin de répondre au bien et à l’intérêt des enfants et des adolescents», a-t-elle dit. Ces deux motifs étant généralement considérés comme les symptômes de problèmes plus graves chez les jeunes, il semble que leur élimination ne fera que mettre les principaux intéressés dans une situation encore plus difficile. «Éliminer l’absentéisme scolaire et la fugue comme motifs de signalement de la LPJ pourrait carrément conduire, dans plusieurs cas, vers une démission sociale envers la jeunesse en difficulté.»

De plus, une fois l’intervention permise, il faudra mieux les encadrer, a affirmé la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). En effet, la CDPDJ dénonce depuis longtemps les restrictions imposées à la liberté d’enfants placés dans les centres de réadaptation, un phénomène qu’a aussi souligné le film Les Voleurs d’enfance. «Des enquêtes de la Commission ont démontré qu’on empêchait souvent des enfants de participer à des activités, d’être en contact avec des pairs, d’aller en visite à l’extérieur, d’écouter de la musique ou de lire, voire même d’aller à l’école. Ces restrictions pouvaient s’échelonner sur de longues périodes de temps. Cela nous paraît inacceptable.» Cette idée a aussi été reprise par le Conseil permanent de la jeunesse, qui a lancé que «la réflexion sur la situation des jeunes en difficulté doit dépasser le cadre des travaux de la Commission […]. La discussion doit se poursuivre car, au-delà de la loi, une pratique est

Des voix s’élèvent sur le projet de loi 125 sur la protection de la jeunesse.

À LA RECHERCHE DES VOLEURS

D’ENFANCE ET DE SOLUTIONS

solidement ancrée. Pratique peu ou mal connue, laissant parfois de pénibles séquelles psychologiques chez les jeunes, pratique bien souvent occultée pas la loi du silence prévalant dans certains milieux.»

L’importance d’un projet de vie permanent

La ministre déléguée à la Protection de la jeunesse, Margaret Delisle, a expliqué l’automne dernier que l’objectif du projet de loi 125 est d’offrir aux enfants visés un milieu plus stable. Cet objectif s’est concrétisé par l’introduction d’un principe visant à élaborer, dès la prise en charge de l’enfant, un projet de vie permanent.

Or, la CSQ a proposé de porter la chose un peu plus loin. «La CSQ souhaite que le gouvernement fasse un pas de plus en proposant que le principe de la continuité des soins et de la stabilité des liens et des conditions de vie de l’enfant soit d’abord mentionné comme devant majoritairement guider toutes les décisions prises à l’égard de l’enfant en vertu de la LPJ. Il est grand temps de mettre fin aux fréquents allers-retours que vivent bon nombre «d’enfants yoyos»».

La problématique amenée par les groupes autochtones

Les groupes autochtones ont eux aussi lancé des critiques sur le projet de loi dans son état actuel, avec l’appui de la CDPDJ. Les Centres d’amitié autochtones du Québec et Femmes autochtones du Québec expliquent dans leur mémoire que «le gouvernement du Québec ne s’est jamais donné la peine de mettre en place une politique sociale adaptée aux différentes nations autochtones […] nous estimons que sortir l’enfant de son milieu ne fera que créer un choc pour celui-ci puisque pendant ce temps, il n’est pas dans sa famille, pas dans sa culture et loin de son mode de vie.» Le groupement demande davantage d’autonomie et de moyens afin de développer par lui-même des moyens pour protéger les jeunes autochtones qui soient adaptés à la réalité de ces différents groupes culturels.

La CDPDJ a elle aussi souligné le manque d’attention du projet de loi aux enjeux de la jeunesse autochtone. «Lors de ses enquêtes, la Commission a observé des lacunes importantes dans la qualité des services offerts aux jeunes autochtones, surtout dans les régions éloignées des centres urbains. Les modifications contenues au projet de loi 125 ne laissent entrevoir aucune amélioration à ce chapitre.»

Un débat plus profond

Enfin, l’importance de la lutte à la pauvreté est un élément clé dans les soumissions à la commission parlementaire. Ces dernières rappellent que la majorité des enfants sous la protection de la loi et leurs parents vivent dans la pauvreté (quarante-deux p.cent des familles de ces enfants gagnent moins de 12 000$ par année, selon une étude récente du Groupe de recherche sur les inadaptations sociales de l’enfance).

Cela explique pourquoi onze regroupements nationaux d’organismes communautaires québécois qui travaillent auprès des jeunes, des femmes et des familles, estiment qu’une réforme dans la LPJ ne sera efficace que si le gouvernement entreprend des modifications plus profondes dans son assistance auprès des familles plus démunies. C’est d’ailleurs ce que Carole Tremblay, porte-parole pour l’ensemble de ces regroupements, a soutenu devant la commission. «Pour arriver à améliorer le sort des enfants sous la protection de cette loi et combattre efficacement l’instabilité dont souffrent trop souvent ces jeunes, il faut d’abord que l’État s’oblige à mieux soutenir et assister les parents en difficulté qui sont souvent affectés par différents problèmes économiques et humains. Il faut que l’État soutienne aussi les organismes qui accompagnent les personnes en difficulté. Il faut adapter son approche selon la situation des personnes.» Elle conclut en soulignant qu’il est primordial «de prévenir ces drames humains par une lutte efficace à la pauvreté qui est malheureusement à l’origine de situations extrêmes et dramatiques pour un trop grand nombre de familles québécoises.» x

Par Marc-André Séguin

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10xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com

Nouvelles

Giacomo ZucchiLe Délit

Jeudi dernier, moins de deux mois avant le premier anniversaire de l’élection de

Benoît XVI, McGill recevait deux spécialistes des affaires religieuses pour faire le point sur ce qui s’est passé à Rome lors de la dernière année. Le cardinal Marc Ouellet, archevêque de Québec, et John Allen, journaliste au Vatican, voulaient faire comprendre dans quelle direction Benoît XVI semble diriger l’Église catholique. Le choix des intervenants a certainement contribué à remplir la salle, qui ne pouvait accommoder plus de 300 personnes.

Les deux conférenciersPrimat du Canada, le cardinal

Ouellet est sans doute l’autorité

la plus reconnue de l’Église canadienne. Appelé au cardinalat par Jean-Paul II en 2003, il a participé au conclave et a été qualifié dans les médias comme l’un des papabili. Au synode des évêques en octobre dernier, il a été choisi par le Pape pour être président de la Commission du message final. Mais si le cardinal Ouellet est déjà connu pour ses travaux au Vatican, il est aussi connu pour son amour profond pour la culture québécoise. Né à La Motte, près de Amos, Ouellet a entrepris ses études à l’Université Laval, puis à Montréal, avant d’étudier à Rome.

John Allen est l’envoyé spécial du National Catholic Reporter et de CNN à Rome. On compte parmi ses nombreuses publications un ouvrage relatant l’arrivée de Benoît XVI à la fonction papale. Acclamé pour son objectivité, il a aussi écrit un livre sur la prélature de l’Opus Dei essayant de tracer la limite entre les préjugés et les vérités. Allen est aujourd’hui reconnu comme le journaliste qui a le plus d’influence dans la presse anglophone sur les reportages portant sur les événements à Rome.

Dieu est-il Amour ou Ordre?L’élection de Benoît XVI a

créé de fortes réactions, tout autant de la part de ceux qui en étaient enthousiasmés que de ceux qui en ont été profondément déçus. John Allen a indiqué que le cardinal Ratzinger était déjà un personnage connu avant de devenir pape. Ceci a certainement généré des attentes et aussi des préjugés. Plusieurs l’imaginaient comme le pape qui

serait élu pour pratiquer une discipline draconienne et diriger l’Église vers un traditionalisme suffocant. Et le fait qu’il n’a pas du tout pris cette direction a déçu plusieurs catholiques dits conservateurs: «Je pense qu’avec le temps, les gens ont compris que Ratzinger n’était pas là pour imposer ses idéologies mais pour pointer le doigt vers le Christ.» Allen poursuit: «quelques personnes déçues disaient «on pensait avoir Reagan et on s’est retrouvés avec Carter»». L’encyclique Deus Caritas Est (Dieu est Amour) a été rendue publique plus tard que certains ne s’y attendaient pour une simple raison: Benoît XVI l’a soumise à la congrégation de la Foi (menée par le cardinal Levada) pour une révision et a fait des corrections d’après les conseils qui lui ont été donnés. Il a ainsi démontré sa volonté d’être un pape qui valorise la collégialité avec les cardinaux et évêques de l’Église.

En même temps, John Allen souligne que Benoît XVI est capable de s’adresser à une Église qui appartient à la société actuelle sans pour autant réduire son sens profond. En effet, l’encyclique Deus Caritas Est est compréhensible et accessible pour tous. Alors que Jean-Paul II était un mystique, Allen dit que Ratzinger semble avoir gardé ses deux pieds sur terre. Lorsqu’il était encore cardinal, des journalistes lui avaient demandé s’il était d’accord avec l’affirmation de Jean-Paul II à l’effet que le troisième millénaire serait une ère d’union entre les chrétiens. Il répondit avec son humour et surtout son accent allemand: «Peut-être, mais moi je ne vois pas.»

Un pape moderne?Le cardinal Ouellet connaît

plutôt bien le présent pape. Il fait partie de la jeune génération d’une vague de théologiens inspirés par Hans Urs von Balthasar et Henri de Lubac, dont Ratzinger faisait

également partie. Ouellet a lui aussi souligné que Benoît XVI est un pape de la modernité. Il admire surtout sa capacité à atteindre le cœur des gens: «Je me rappelle lorsqu’il venait parler à des retraites, et plusieurs venaient avec des préjugés. À la fin de la rencontre, ce qu’il avait dit les fascinait.» Ouellet n’a pas manqué de mentionner le fait que Ratzinger est conscient de ne pas avoir le même charisme que Jean-Paul II, mais il ne cherche pas à concentrer son pontificat sur sa personnalité.

«Benoît XVI a un don exceptionnel pour communiquer.» Le cardinal Ouellet affirme qu’il entre en dialogue facilement. À la suite de la la fondation de nouveaux diocèses catholiques en Russie il y a quelques années, les relations entre le Vatican et les autorités orthodoxes s’étaient refroidies et le dialogue semblait être interrompu. C’est Ratzinger qui l’a relancé. Il n’a pas peur des débats et entre volontiers en discussion avec ses opposants. Il a écrit un livre conjointement avec Jürgen Habermas, un philosophe que l’on peut qualifier de «franchement à gauche», et a abordé le sujet des racines européennes dans un ouvrage avec le président du Sénat italien, Marcello Pera, un athée.

«On pensait qu’à Cologne, Benoît XVI viendrait punir l’Église allemande, souvent perçue comme rebelle. Ce n’était pas du tout le cas.» En effet, Allen et Ouellet ont tous les deux souligné que la discipline n’était pas l’objectif de ce pape, contrairement à ce que l’on voyait dans les caricatures des journaux.

Ce pape en est encore à ses débuts. En effet, il n’a pas encore complété une année de pontificat et il est difficile de prévoir ses prochaines actions. Mais d’après Allen et Ouellet, Benoît XVI s’est déjà montré positif et enthousiasmé, et on a de bonnes raisons de croire qu’il fera un bon pape. x

Benoît XVI: Panzercardinal, ou bon pape?L’archevêque de Québec et un journaliste du Vatican de passage à McGill.

international

Le journaliste John Allen et le cardinal Ouellet.Giacomo Zucchi

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11xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com

Nouvelles

Christina L. McCrawLe Délit

Le Parti libéral du Canada est à la recherche d’un chef. En effet, le parti qui nous avait habitué à des

courses à la chefferie prévisibles en surprend plusieurs, notamment depuis que certains candidats qu’on pressentait, Allan Rock,

John Manley, Frank McKenna et Brian Tobin, ont levé le nez sur l’occasion. Au sein du parti, on dit que cette course est de bon augure puisqu’elle marque une rupture avec l’atmosphère post-commandites. C’est dans ce climat imprévisible que l’aile jeunesse du Parti libéral se dit plus que jamais prête à faire entendre sa voix.

Plusieurs candidats en lice mais aucune partie gagnée d’avance

Dans la course, une liste imposante contenant les noms d’une douzaine de personnalités commence à se dresser. On y va de toutes les possibilités, de Ken Dryden (ancien gardien de but du Canadien de Montréal) à Sheila Copps (figure incrustée au Parti libéral à qui Paul Martin avait indirectement montré la porte), en passant par les rescapés québécois, Denis Coderre et Stéphane Dion. On parle de figures connues du Parti libéral, certes, mais aucun candidat ne semble gagner d’emblée. D’ailleurs, les éclaboussures ont déjà commencé avec les

pointes de Denis Coderre lancées sur la question linguistique.

Les jeunesAu quartier général des jeunes du Parti

libéral, section Québec, on se dit prêt à cette investiture. En effet, dans un communiqué de presse, la présidente du mouvement, Brigitte Legault, déclare fièrement que les jeunes pourraient représenter près de cinquante p. cent des voix lors du prochain congrès du Parti libéral, une proportion qui constitue «une première» dans l’histoire politique canadienne. Mme Legault n’a d’ailleurs pas attendu très longtemps pour afficher ses couleurs, s’étant déjà positionnée dans le camp de Belinda Stronach, dont le changement de camp avait tant fait parler à l’été 2005.

Stronach, la préférée?Cet appui en est un de taille pour la

candidate qui, selon le quotidien La Presse, aurait une longueur d’avance considérable,

notamment en ayant déjà une organisation sérieuse dans plusieurs provinces dont le Québec. La mise en candidature de Mme Stronach crée toutefois d’importants remous au sein du Parti libéral. On lui reproche, entre autres, le fait qu’elle soit unilingue dans un pays qui se veut bilingue. Ce à quoi la principale intéressée a répondu, par la voix de Richard Mimeau, son chef de campagne au Québec, qu’elle tenterait d’améliorer son français au cours des prochains mois. On se souvient par contre qu’elle avait fait la même promesse, deux ans auparavant, à la suite de sa défaite dans la course à la chefferie du parti conservateur.

Le Parti libéral entre donc dans une drôle de course où, de toute évidence, on ressassera de vieux débats. L’élément nouveau, par contre, est qu’on brasse ces questions à l’intérieur même du parti. Les jeunes libéraux auront bientôt, eux aussi, à se positionner. Il ne reste plus qu’à voir s’ils suivront leur présidente… x

Les jeunes libéraux prennent positionEt cette fois-ci, ils le font sans ôter leurs vêtements. C’est vrai que le sujet de la course à la chefferie du Parti libéral s’y porte moins...

national

Ploguesl «L’Égalité, acquise?», conférence pour la Journée internationale des femmes – mardi 7 mars 2006, à partir de 19h, studio-théâtre Alfred-Laliberté, pavillon Judith-Jasmin, local J-M400 de l’UQÀM (405, Ste-Catherine E.) –5$ sur réservation, 7$ à l’entrée. www.journeeinternationaledelafemme2006.blogspot.com– Parmi les invitées: Françoise David (Québec solidaire), Ariane Émond (La Vie en rose), Michèle Asselin (Fédération des femmes du Québec) et d’autres encore.

l Conférence sur les condamnations injustifiées organisée par Innocence McGill –mercredi 8 mars 2006, de 12h30 à 14h30, faculté de Droit (3644, Peel), Moot Court– Conférenciers: Me Bernard Grenier, anciennement juge à la Cour du Québec, Neil Barker, expert en tests polygraphiques et Stephen Bindman, expert en condamnations injustifiées du ministère de la Justice du Canada.

Une conférence passionnante, un concert électrisant, le baptême de votre cousin? [email protected]

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12xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com

Mathieu MénardLe Délit

Méfiez-vous du recyclage: une pile de photos abandonnées dans la

neige, entre les mains de Julie Doucet, devient le point de départ d’une série de gravures. Zur Erinnerung an Melek est la reconstitution d’une histoire à partir d’une poignée de documents (cartes postales, portraits) découverts au détour d’une promenade à Berlin.

Doucet s’attarde d’abord au visage récurrent de sa trouvaille, une certaine Melek, si on en croit l’endos d’une carte postale. L’entourage de Melek reprend aussi vie dans les différentes impressions, dans un style alliant traits affirmés et textures stylisées. Le résultat n’est pas sans rappeler une esthétique de bande dessinée américaine de la vieille école. Immortalisés sur papier, les individus prennent des expressions accentuées, modifiées. Une petite touche de malice par ci, un regard perçant par là: les photos subissent un travail d’interprétation intéressant.

La plupart des gravures demeurent en noir et blanc, accentuant le côté historique. Toutefois, une tache orangée, complètement dissociée du portrait, ajoute à l’occasion un peu de vie. Seule la série de portraits à l’entrée de la galerie, projet distinct de la même artiste, exhibe une palette de couleurs chaudes, rougeâtres. Ces illustrations, interprétant des

portraits obtenus par photomaton (difficile de ne pas songer à Amélie Poulain), confirment la maîtrise technique de Doucet.

Dans la grande salle de la galerie, Thomas Bégin explore un sujet complètement différent. Au premier abord, la pièce est complètement sombre. Les dispositifs placés contre les fenêtres, croisements entre ventilateurs et stroboscopes, attaquent le spectateur avec une série de points lumineux tournant et clignotant sans cesse. Si le cerveau n’a pas abdiqué et court-circuité, une exploration rapprochée s’impose.

De fait, les points lumineux ne sont pas simplement des projections de lumière, mais aussi des fenêtres permettant, pour une microseconde, d’apercevoir l’extérieur. Un point de vue rapproché permet aussi de constater «l’image» que produisent ces modules clignotants. Une vague lumineuse danse contre le plafond, tout aussi hypnotique que l’installation elle-même.

Ainsi, Bégin souhaite surtout isoler le spectateur. L’espace d’exposition cloisonné, le ronronnement tranquille des moteurs, le sifflement de l’air engendré par la rotation des modules, les rebondissements hypnotiques de la lumière: tout s’agence pour faire oublier au spectateur où il se trouve et laisser libre cours aux réflexions vagabondes.

En fin de compte, cette exposition dichotomique tente de séduire le visiteur par deux approches fort différentes. La première s’appuie sur le mystère, sur une intimité transformée en narration. La seconde perturbe tranquillement les sens, transporte et fascine par ses inventions mécaniques. Vous laisserez-vous séduire à votre tour? x

Portraits narratifs et modules hyperactifs

Mystères reconstitués et installation pro-épilepsie vous attendent à la galerie B-312, avec les travaux de Julie Doucet et de Thomas Bégin.

arts visuels

Clémence RepouxLe Délit

Cette année, le festival d’art de McGill, auparavant connu sous le nom de Edufest, prend un nouveau nom, ARTifact, et un

nouveau look. Les organisateurs souhaitent relancer la popularité de ce festival, créé et produit entièrement par des élèves de McGill. Au programme, en plus de la fameuse compétition de vingt-quatre heures d’écriture du samedi 11 mars, la plupart des formes d’art sont représentées. Lundi, c’est la musique avec: Project M.U., Matt Stern dont l’album sort cet été, Gabe Nespoli, et The Machinists (avec Nikki Shaffeullah, Rafe Wolman, et Dave Machinist). Mardi, place à la danse et à la poésie, avec comme danseurs: Kimberly Beattie, Inertia Modern Dance Collective, Urban Dance Groove Project, Team Myron et Karissa Waldman. Les poètes sont les élèves du cours ENGL 464-Creative Writing: Poetry. Enfin, de mercredi à vendredi, c’est le théâtre qui est à l’honneur avec The Waste Land.

Cette année le projet de théâtre est particulièrement intéressant puisqu’il regroupe cinq pièces courtes ou extraits de pièces, de dix minutes chacun, écrits par différents étudiants de McGill. On découvre ainsi: A Red Ride écrit par Tasha Gordon Soloman, A Professor, A Lawyer and A Secretary écrit par Stefan Szipada,

Trumble Wintermeyer is a Fool par D.C. Knox, un extrait de Fragments of Us de Evan Placey, et A Tune Without Words écrit par Danny Wright.

Voici comment Liz Singh, la metteur en scène de Waste Land explique le concept: «The Waste Land is a story about what happens when we are driven into the darkest places in the human heart, the places where we are all alone [...] These characters are both driven apart and together by lies, deception and betrayal. Ultimately, it (life, the play, the waste land that is the human heart) isn’t as dark as it seems at first, so I hope that you can see what is light about all of this, and enjoy it». Je m’excuse de cette longue citation, anglaise de surcroît, mais je ne savais comment mieux décrire ce spectacle. Ce spectacle raconte la vie, les rencontres, les relations, l’amitié, l’amour, la confiance, la trahison, les apparences…tout, enfin.

Je tiens à saluer le travail remarquable de cette metteur en scène de talent, qui parvient à réunir des oeuvres d’auteurs différents dans un même spectacle, et y introduire un fil conducteur évident: celui des relations, de la vie, en fait. Je tiens aussi à souligner le talent et le travail impressionnants des quatre acteurs de ce spectacle, eux aussi étudiants à McGill comme vous et moi. Le métier d’acteur est terriblement difficile et demande un sacrifice incroyable de temps et d’énergie. Quand à ceux qui parviennent à l’exercer en sus de celui d’étudiant: chapeau. x

ARTifact, le festival d’art de McGillLe Théâtre Tuesday Night Café et le département d’Anglais de McGill présentent ARTifact, du 6 au 10 mars.

festival

Les oubliés reprennent vie en lignes et en texture avec En souvenir de Melek de Julie Doucet.Mathieu Ménard

Arts&Culture

ZUR ERINNERUNG AN MELEK – EN SOUVENIR DE MELEK & WE’RE LOOKING FOR YOUGalerie B-312, 372 Sainte-Catherine OuestJusqu’au 18 mars

We’re looking for you de Thomas Bégin: stimulants épileptiques.gracieuseté Galerie B-312

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13xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com

Arts&Culture

L’aventure du vinFlora Lê

Goûter ou déguster?

Pierre-Olivier BrodeurLe Délit

«Un texte tour à tour truculent, désopilant, sauvage ou sinistre, une verve insatiable, véritable courtepointe d’images,

qui oscille entre les hauteurs fécondes d’envolées poétiques et les bas-fonds d’une réalité écorchée», c’est ainsi que la troupe la Grenouille décrit sa prochaine pièce, Inès Pérée et Inat tendu, de Réjean Ducharme. Pour sa 16e année, la troupe voulait présenter un auteur québécois. «Habituellement, on présente des textes repris, adaptés ou des créations originales. Cette année, on voulait revenir à un auteur québécois», explique Francis Livernoche, metteur en scène de la pièce. «C’est sûr que ce n’est pas un texte facile, mais je tenais beaucoup à Réjean Ducharme», continue-t-il.

En effet, le texte ne se laisse pas saisir facilement, c’est plutôt lui qui vient saisir le spectateur, l’amenant dans un univers de quête de sens, autant au niveau langagier qu’au niveau identitaire, mnémonique ou affectif. Deux enfants errent de maison en maison à la recherche de quelqu’un qui voudra bien d’eux. Dans leur périple, ils rencontrent la vétérinaire Isalaide, le psychologue Escalope, Pierre-Pierre Pierre le gentleman-cambrioleur et plusieurs autres personnages, chacun pris dans sa propre quête. Texte complexe à jouer, mais dont la beauté poétique et l’humour grinçant ne peuvent que combler le public.

Les comédiens, d’après la répétition que j’ai vue, sont à la hauteur du texte. Élizabeth Naud incarne une Inès folle et loufoque sans tomber dans l’absurde, Louis Brun joue Inat avec une certaine fragilité. Ainsi, les deux rôles sont mis en contraste afin de faire ressortir toute leur spécificité. De même pour

Mylène Perrault (Isalaide) et Blaise Guillote (Escalope) qui, dans leur scènes communes, arrivent à exprimer toute la douleur de la vétérinaire, en opposition à la suffisance comblée du psychologue.

La mise en scène de Francis Livernoche est très dynamique, jouant beaucoup avec le décor, avec la présence d’éléments récurrents, car selon lui «on tourne en rond» dans cette pièce.

Dû à des problèmes avec le Player’s et le Gert’s, la pièce sera présentée au Théâtre Clown Express, 2019 rue Aylwin, ce qui inquiète le metteur en scène. «Même si la salle est meilleure [que celles envisagées précédemment], on a peur que le public de McGill ne se déplace pas», ce qui serait une grande déception pour la troupe, qui a mis tant d’énergie dans ce projet. «La Grenouille, c’est un mode de vie universitaire.»

Autre première cette année, la Grenouille a développé des liens avec le Réseau des francos, notamment lors de la semaine de la francophonie pendant laquelle la troupe a présenté des extraits de son spectacle. «C’est une bonne chose pour tous les francophones de McGill, parce que je pense qu’on gagne à se rassembler et à se consolider.»

Reste à savoir si le public suivra et s’il saisira l’opportunité qui lui est offerte de voir une pièce magnifique, présentée par une troupe passionnée. x

Réservez au [email protected].

Quête de sens à la GrenouilleLa troupe mcgilloise la Grenouille présente Inès Pérée et Inat tendu, de Réjean Ducharme, du 9 au 11 mars.

théâtre

Véronique Dauphinais

INÈS PÉRÉE ET INAT TENDUThéâtre Clown Express, 2019 AylwinDu 9 au 11 mars

Les effets visuels de la mise en scène viennent appuyer le talent des comédiens.gracieuseté Théâtre de la Grenouille

ÉVALUER LA COULEUR DU VIN est plus important qu’on le croit, notamment parce que notre appréciation visuelle d’un aliment affecte le goût qu’on en aura. Des études ont démontré qu’en faisant goûter à des sujets un vin sans en connaître la couleur, par le moyen de verres opaques, les sujets se trompaient sur la nature du vin trois fois sur dix!

De même, le goût n’est pas complet sans le secours du nez. En effet, la majorité de ce que l’on attribue au goût nous vient véritablement du nez, par rétro-olfaction. Comme la bouche ne perçoit que les quatre saveurs élémentaires, tous les arômes, du fruité au floral, ne peuvent être saisis que par nos papilles olfactives. Rappelez-vous votre dernier rhume qui vous a privé de goût pendant plusieurs jours: le fait d’être congestionné vous prive de la faculté de sentir et de percevoir les arômes par rétro-olfaction, ce qui donne l’impression de ne plus rien savourer.

Quatre saveurs élémentaires? Les saveurs perçues par la langue ont longtemps été limitées

au nombre de quatre, le sucré, salé, acide, amer, tel qu’énoncé par le grand épicurien et gastronome Brillat-Savarin. Mais cette théorie n’offre qu’une explication simplifiée de la véritable mécanique du goût, qui s’avère plutôt un processus complexe réparti sur toute la langue et même le palais. La «géographie du goût» où l’on admettait que chaque saveur était perçue par une partie spécifique de la langue laisse désormais sa place à un schéma où les entrecroisements sont permis. Autre chose intéressante, on aurait découvert un cinquième goût, l’umami, moins connu en Occident mais très présent en Asie. C’est au Japon que le chercheur Kikunae Ikeda a identifié en 1907 cette perception qui est associée au glutamate. C’est dire que le goût, même comme science, évolue.

Le discours de la dégustationQuand les professionnels du vin se mettent à déblatérer sur

le goût d’un vin en utilisant des mots comme «gouleyant», «rond» ou «nerveux», ils ne le font pas que pour impressionner. La difficulté principale du vin, c’est d’exprimer en mots les sensations qu’il procure. Cette difficulté est abordée par un vocabulaire très riche qui se rapporte soit à l’appréciation visuelle, olfactive ou gustative, dans le dernier cas, soit à la douceur, l’acidité, l’alcool ou l’astringence du vin. Cette dernière composante, cette sensation râpeuse sur la langue que procurent les tanins, est perçue aussi en bouche, mais c’est une sensation tactile de la langue. Tout comme l’effervescence, l’astringence est associée au toucher plutôt qu’au goût. Voici quelques mots pour vous y retrouver.

Alcool faible, léger, de corps moyen, plein, ample, généreux, chaleureux, capiteux, lourd, chaud

Acidité plat, mou, tendre, souple, frais, net, vif, nerveux, pointu, vert, acide

Douceur extra-sec, sec, demi-sec, demi-doux, doux, moelleux, liquoreux

Arstringence informe, gouleyant, coulant,rond, riche, charpenté, tannique, ferme, rude, rugueux, rêche, âpre, astringent.

L’équilibre du vinUne fois le vin décortiqué en ses saveurs élémentaires, vous

pouvez évaluer si celui-ci est bien équilibré. C’est cette qualité qui distingue un bon vin d’un mauvais, puisque l’idéal recherché est une balance parfaite de ses composantes. Plus précisément, dans les blancs, la richesse en alcool et la teneur en sucre doivent être tempérées par une bonne acidité, sinon le vin est soit trop acidulé soit trop mou et lourdaud. Dans les rouges, l’acidité s’allie à l’astringence pour équilibrer l’alcool.

Vous voilà muni du vocabulaire nécessaire pour exprimer vos impressions gustatives. Souvenez-vous qu’aucune saveur n’existe objectivement. Moult tentatives d’extraire les composés chimiques qui font les saveurs et les arômes des vins ont échoué. Les saveurs n’existent que parce que nous les percevons. Chacun est donc libre de délivrer le vin de ses secrets.

La semaine prochaine: la Bourgogne. Questions et commentaires? [email protected]

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14xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com

Arts&Culture

Arnaud DecroixLe Délit

La mois de mars met singulièrement Michel Tremblay à l’honneur. Si le Théâtre du Nouveau Monde remonte

Hosanna, créée en 1973, le Théâtre du Rideau Vert se prépare à présenter Bonbons assortis. Cette dernière pièce d’inspiration autobiographique rejoint la trame d’Encore une fois, si vous permettez, qui prend présentement l’affiche au Théâtre d’Aujourd’hui. Auteur prolifique, Michel Tremblay est avantageusement comparé par Robert Lepage à un Molière québécois. Depuis le succès initial des Belles-sœurs en 1968, le dramaturge a créé près d’une trentaine de pièces de théâtre, auxquelles s’ajoutent plus de vingt traductions et adaptations, une douzaine de romans, sept scénarios de films, plusieurs recueils de nouvelles, et même

des comédies musicales, un livret d’opéra, des contes et des chansons. Dans Encore une fois, si vous permettez, Michel Tremblay se replonge dans les souvenirs de son enfance et de son adolescence, au milieu des années 1950-1960 dans le quartier du Plateau Mont-Royal, dont il a magnifié le quotidien dans ses fameuses chroniques. La pièce se présente comme un savoureux dialogue entre une mère et son fils.

Créée en 1998, Encore une fois, si vous permettez a fait l’objet d’une nouvelle mise en scène au printemps 2002 avant d’être présentée près de 150 fois à travers le Canada et d’obtenir notamment le Masque de la production «Régions» l’année suivante. La réussite de cette pièce tient beaucoup au

jeu de la truculente Louison Danis, dont la performance est absolument remarquable. Celle qui incarne la maman Bougon dans la série télévisée de François Avard prend un plaisir évident à jouer le rôle de Rhéauna Rathier, la mère de Michel Tremblay. La comédienne avoue même qu’elle aimerait continuer à évoluer dans ce rôle le plus longtemps possible. En ouverture, après que le narrateur eut énoncé, sous une forme subtile et amusante, ce que la pièce ne serait pas, récusant au passage tous les grands classiques, la mère de l’auteur occupe tout l’espace. Michel Tremblay rend alors le plus bel hommage que l’on puisse donner à une mère et reconnaît qu’avant même de connaître le théâtre, la fréquentation

d’un personnage aussi théâtral, qui ne manque pas de faire penser à la mama italienne, a grandement œuvré à sa vocation. Excessive, Louison Danis donne à voir une mère tour à tour volubile, attentionnée, enjouée et sensible. Personnage aux mille facettes, cette maman est d’abord habitée par l’amour, dont le fils se fait le témoin émerveillé avant de le propager à son tour à travers ses œuvres futures. Derrière la simplicité du quotidien narré, c’est une relation charnelle, intense et touchante qui nous est retracée pendant près de deux heures. La compagnie de cette femme imposante, qui fait partie de ces êtres rares qui ont le don de changer le monde par la vision intense qu’ils en ont et la puissance de leur volonté inébranlable, donne une bouffée d’air frais aux spectateurs enthousiastes.

Daniel Simard, alter ego théâtral de Michel Tremblay sur les planches, a la délicate tâche de donner la réplique à Louison Danis. Si son personnage ne paraît qu’avoir un rôle nécessairement effacé face à cette mère omniprésente, les expressions et mimiques candides de ce quadragénaire parviennent pourtant à rendre incroyablement crédible son personnage d’enfant puis de jeune homme. Les prestations de ces deux acteurs sont présentées dans un décor dépouillé mais intelligemment mis en valeur, souligné par les délicats jeux de lumières d’André Rioux. Cette mise en scène de Louise Laprade, à laquelle Michel Tremblay a porté un regard attentif comme il le fait pour chacune des pièces dont il a la paternité, est donc une totale réussite! x

Une saison tremblaisienneLe Théâtre d’Aujourd’hui participe à l’apothéose de l’œuvre de Michel Tremblay.

théâtre

Daniel Simard et Louison Danis dans un chef-d’œuvre de Michel Tremblay.Jean Albert

Émilie BeauchampLe Délit

Dans la thématique du TNM, peu nous surprend de nos jours. Ce théâtre enfile classiques après

classiques, que ce soit du Shakespeare, du Molière, ou encore, dans ce cas, du Michel Tremblay. Toutes des pièces interprétées par de grands noms du milieu artistique. Cette fois, c’est Benoît Brière qui prête son corps, que dis-je, son âme, à Hosanna.

Hosanna, ou encore Claude, en licence civile, est l’une des plus populaires et fameuses drag-queens de Montréal. Hosanna, qui en a bavé de coups et d’injures depuis sa tendre enfance, est partie de St-Eustache et se retrouve maintenant reine déchue du milieu social gai de Montréal. Son amant, Cuirette, la regarde lentement se désagréger et tente

de la consoler malgré sa trahison envers Hosanna. Pendant presque deux heures, les deux amants se déchirent et s’aiment encore davantage, alors que le chemin de leurs réussites et de leurs échecs nous est dessiné.

Hosanna n’est pas seulement une réflexion sur l’homosexualité et le travestisme. C’est aussi une fenêtre sur l’atmosphère artistique des années soixante-dix, alors que Michel Tremblay écorchait encore les oreilles vierges de la société québécoise avec ses textes choquants et avant-gardistes. C’est ce milieu exigu du début des fofolles et du quartier gai de Montréal qu’aborde Hosanna.

Hosanna elle-même, mâle à l’âme féminine, grandit dans cet univers et s’habille en Élizabeth Taylor telle que dans son célèbre film Cléopâtre. Idolâtrant cette super-femme, elle rêve qu’un jour elle aussi pourra faire son entrée dans Rome (ou Montréal pour être réaliste!) et être acclamée de tous, et surtout de toutes, du milieu gai. Bref, elle rêve de réussite, elle rêve d’être aimée! Mais c’est alors qu’elle comprend que pour être aimée il lui faut s’aimer elle-même avant tout…

Derrière son nom de jeune fille et son maquillage flamboyant, ses brillants à paupière et son parfum cheap à cinquante cennes, on découvre lentement la face cachée de sa conscience. Qui est réellement Hosanna après le démaquillant et sans les talons hauts? Elle-même ne le sait plus. Drag-queen ou coiffeur sur la Plaza St-Hubert, maîtresse ou conjointe, homme ou femme, Claude ou

Hosanna… Cuirette, ou Raymond, lui aussi se demande combien il lui en coûte de vivre sous des paravents et des sobriquets, lui qui se sent aussi faux et cheap que son surnom qui lui colle à la peau.

Michel Tremblay a réussi un miracle artistique, qui est de créer et réussir une pièce dans laquelle seulement deux acteurs dialoguent et monologuent, et ce durant presque deux heures, tout en gardant l’attention des spectateurs jusqu’au dernier mot du texte. Ajouter du génie à la merveille, et vous voyez un Benoît Brière transformé, méconnaissable et pourtant au sommet de son acte, merveilleux à voir et à entendre, époustouflant sous les répliques de trente

lignes consécutives qui s’enfilent sans arrêt. Du grand art. Du vrai talent. Comptant aussi Normand D’Amour, qui prête ses traits à Cuirette, l’illusion est parfaite: ce sont deux hommes amoureux et passionnés que l’on voit sur scène. La mise en scène de Serge Denoncourt est impeccable, avec effets d’éclairage et de scène intelligents et efficaces.

En résumé, Hosanna est encore plus impressionnante que ce que l’on avait prédit. Une pièce qui touche non seulement l’identité personnelle de tous et chacun, mais aussi qui explore la complexité de l’humanité et de la sexualité en cette époque que l’on croit contemporaine. x

Hosanna au plus haut des cieux!Benoît Brière et Normand D’Amour nous amènent au septième ciel dans Hosanna.

théâtre

Hosanna de Michel Tremblay reflète les conflits d’identité et de sexualité d’Hosanna et de Cuirette, deux fameuses de la scène gaie montréalaise dans les années soixante-dix.Yves Renaud

ENCORE UNE FOIS, SI VOUS LE PERMETTEZThéâtre d’Aujourd’hui, 3900 Saint-DenisJusqu’au 25 mars

HOSANNAThéâtre du Nouveau Monde, 84 rue Sainte-Catherine OuestJusqu’au 25 mars

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15xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com

Arts&Culture

David PufahlLe Délit

Il existe un type de scénarios qui a été utilisé des dizaines de fois sous différentes variantes: le récit

initiatique. En général, le héros est une jeune personne qui a certaines difficultés dans la vie et qui devient un adulte responsable à la fin du film grâce à un ou plusieurs bons samaritains qui lui enseigneront quelques leçons sur la vie. Des exemples typiques sont The Karate Kid, Good Will Hunting et Almost Famous. Le film Kamataki de Claude Gagnon, le grand gagnant du Festival des films du monde de l’an dernier, suit ce modèle jusqu’au bout. Heureusement, la mise en scène discrète, l’atmosphère relaxante et le jeu sensible des acteurs compensent ce manque d’imagination dans le scénario.

Après la mort de son père japonais, Ken-Antoine (Matt Smiley) tente de se tuer en se jetant dans le fleuve Saint-Laurent. Il survit à cette tentative de suicide et sa mère l’envoie au Japon afin de lui changer les idées. Il logera chez son oncle Takuma (Tatsuya Fuji), un vieux potier traditionnel à qui il n’avait jamais parlé auparavant. Au début de ce voyage, Ken-Antoine est arrogant et blasé par la vie. Peu à peu, il deviendra un homme meilleur au contact de son oncle excentrique et de son entourage qui sont en plein travail. En effet, un «kamataki», c’est-à-dire la cuisson des pots dans un four ancestral pour une

dizaine de jours, est en cours.Étant donné que l’intrigue est

vraiment prévisible, on a tendance à s’attarder sur les petits détails surprenants du film. Si vous ne connaissez pas grand-chose à la culture japonaise, vous serez bien servi. Assister à des mœurs et coutumes qui sont quelque peu différentes des nôtres m’a fasciné. Vu que l’action se passe en campagne reculée, il n’y a aucune trace d’occidentalisation. On ne trouve aucun point de repère et cette désorientation est une véritable bouffée d’air frais. C’est encore plus déroutant que Lost in Translation, un autre film se passant au Japon.

La mise en scène de Claude Gagnon est la plus calme que j’aie vue depuis longtemps. La caméra ne bouge jamais et les personnages entrent et sortent du cadre quand ils le veulent. C’est comme si on s’asseyait devant eux sans bouger pendant une minute, on déplace la caméra à un autre endroit et on s’assoie de nouveau. Pourtant, on ne se sent pas comme dans une pièce de théâtre. C’est comme si on était vraiment avec eux, mais qu’ils ne nous voyaient pas. C’est presque plus efficace que la téléréalité.

Tatsuya Fuji, que je ne connaissais pas avant de voir ce film, est un acteur très connu dans son pays natal. Il a donné une performance touchante qui m’a encouragé à me renseigner sur ses films précédents. Bien que lui et les autres personnages japonais parlent un anglais approximatif, cela n’enlève rien à leur talent. D’un autre

côté, Matt Smiley ne m’a pas paru un grand expert dans l’art de transmettre ses émotions. Il est encore jeune et il lui reste beaucoup de croûtes à manger.

En fin de compte, on reconnaît un bon scénario quand on choisit une histoire connue et que l’auteur se l’approprie afin de la rendre unique en son genre. Dans ce cas-ci, Kamataki réussit son pari. Claude Gagnon et ses acteurs transforment le film. En ignorant la prévisibilité du scénario, vous ferez un voyage relaxant qui en vaut la peine. x

Un potier de la vieille écoleKamataki, un film de Claude Gagnon, sort enfin à Montréal.

cinéma

Ken-Antoine (Matt Smiley) reprend du poil de la bête.Monku Araya

Êtes-vous une vache?

Théâtre

La Société savoyarde de McGill présente Princess Ida or Castle Adamant, une opérette de Gilbert et Sullivan du 8 au 11 mars à 20h dans la salle Moyse Hall du pavillon des Arts. Les billets sont à 12$ pour les étudiants. Réservations: www.mcgillsavoy.ca ou (514) 398-3001 poste 09632.

Cinéma

Le club de cinéma de McGill présente le film iranien Taste of Cherry (1997) de Abbas Kiarostami. Le visionnement aura lieu aujourd’hui à 19h30 dans le pavillon des Études culturelles (3475 Peel) et coûte 2$. Pour plus d’information: www.ssmu.ca/scn.

Lectures publiques

Nasrin Rahimieh (Université McMaster) présentera une lecture intitulée «The Revolution in Persian Literature» le mardi 14 mars à 16h dans le pavillon Morrice, salle 328 au 4e étage.

Musique

L’école de musique Schulich présente l’ensemble Musica Camerata dans un concert intitulé «The Music of Russia: Rachmaninoff, Schnittke, Medtner» le samedi 11 mars à 20h au Redpath Hall. Les billets coûtent 25$, 17$ pour les étudiants. Pour plus d’information: www.

camerata.ca.Joe Sullivan Big Band jouera des morceaux

de son nouveau CD le samedi 11 mars à 20h au nouveau pavillon de Musique, salle Tanna Schulich. Les billets sont à 10$ pour les étudiants. Pour plus d’information: (514) 398-4547.

Semaine Verte

Johanne Breton (Bio-Ferme Laval) et Judith Colombo (Ferme des Trois-Pierres) présenteront une conférence intitulée «Social Re-insertion and Education On Farms As an Alternative Way To Make a Living From Agriculture» dans le cadre de la série Agriculture For the Future: Making Sustainable Agriculture Economically Viable. Elle aura lieu le mardi 7 mars, de 19h à 21h, dans le pavillon Raymond (21111 Lakeshore), salle R2-046. Pour plus d’information: (514) 457-7795.

Dr. William Ruddiman (University of Virginia) donnera une conférence intitulée «CO2 Feedback and Ice-Age Cycles» le mercredi 8 mars, de 14h à 15h, dans le New Residence Building (3625 Parc), salle A. Pour plus d’information: (514) 398-3759.

Yves Gagnon, auteur, conférencier et jardinier de renom, dirigera un séminaire intitulé «Les Jardins du Grand Portage: une entreprise semencière et agro-touristique diversifiée» le mardi 14 mars, de 19h à 21h, dans le pavillon Raymond (21111 Lakeshore), salle R2-046.

kulturkalender compilé avec amour par Lucille Hagège

VOUS AVEZ PEUT-ÊTRE REMARQUÉ, DANS le numéro précédent du Délit, une petite publicité coincée dans le bas de la page 9, du type «autopromotion pour remplir un petit vide de mise-en-page », qui vous invitait à participer à la section création du dernier numéro de l’année. Notre chère chef de pupitre culture, Agnès, a en effet décidé de consacrer la section culture du dernier numéro à vos œuvres, projet louable certes, mais qui dépend entièrement d’un facteur incontrôlable: vous.

Nul besoin de vous expliquer en quoi votre participation est primordiale à ce projet, ni pourquoi il en est tributaire: pas de section création sans création. Or, vous, cher lecteur qui tenez ce journal entre vos mains, allez-vous participer? Allez-vous partager votre verve, vos élans créatifs avec le reste de l’université? Collaborerez-vous à ce grandiose projet?

Si je me fie aux activités de ce genre que j’ai eu l’occasion de diriger, la réponse est «non». Il semble en effet que rien n’est plus timide qu’un étudiant universitaire aux tendances littéraires: il écrit, certes, mais sans en parler, ne publie jamais, ou rarement, accumulant dans ses fonds de tiroirs des piles de poèmes et de nouvelles. Or, la question qu’il convient de se poser est: «peut-on considérer comme littéraire une activité d’écriture dirigée vers ses fonds de tiroirs?» Et la réponse qu’il convient de donner est: «non».

Car la littérature est avant tout une forme de communication qui ne prend son sens que chez le récepteur du message. C’est lui qui donne un sens au texte, c’est dans lui que ce dernier réagit, que les procédés stylistiques sont mis en branle, que le signe se déploie, que la rhétorique agit, que les images résonnent, que la poésie éclate! Car le texte littéraire n’a en fait aucune valeur en soit: «Beauty is in the eye of the beholder», comme le dit le proverbe.

J’en reviens donc à vous, cher lecteur, vous qui avez sans doute des penchants littéraires (sinon pourquoi liriez-vous mes «rêveries», qu’il serait sans doute plus juste de rebaptiser «délires» ou «radotages»), qui rêvez d’écrire, qui le faites peut-être déjà, participerez-vous? Prendrez-vous la place qui vous revient dans la communauté francophone de McGill? Saisirez-vous cette chance qui vous est offerte d’exprimer votre parole, de lui donner enfin vie?

Ou déciderez-vous, sous couvert d’une humilité mal placée, d’un fallacieux manque de temps ou d’idées, de vous taire, de regarder passer le train en ruminant vos désirs d’écriture? La réponse, cher lecteur, vous appartient.

Si vous vous décidez enfin à participer au CAHIER CRÉATION, écrivez à [email protected].

Les rêveries du lecteur solitairePierre-Olivier Brodeur

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16xle délit | 7 mars 2006www.delitfrancais.com

Arts&Culture

La formation montréalaise de rock absurde surprend avec ce Trompe-l’œil. Dès l’intro, savamment

intitulée «Jus de canneberges», on flotte entre les voix en harmonie qui lancent les cinquante minutes de festivités. «Montréal -40˚C», le simple qui tourne autant sur les radios universitaires que commerciales, enchaîne rapidement avec le côté ludique du groupe accompagné de Pierre Lapointe.

La voix de Julien Mineau s’enchevêtre à des échanges musclés entre les instruments. Les paroles sont tout simplement exquises. Comme par exemple : «Pour controller ma sensibilité/J’ai couvert mon cœur d’une pâte filo/Qui me protège de toi/Et de ta libido.» Pour les plus virils, l’abrasion ne manquera pas sur cette nouvelle offrande «malajubienne». «Casse cou» débute de façon trompeuse sur un riff lugubre, avant de vous emporter dans un tourbillon tumultueux.

Toutefois, la perle de l’album est sans conteste la cinquième piste, «Monogamie». À plusieurs reprise, les musiciens

parviennent à changer de cadence, le tout sans perdre le fil. Le groupe montre son aisance magistrale à la composition en passant de complexes mélodies à des séquences mono-instrumentales simples en un tour de main. Les claviers de Thomas Augustin rappellent vaguement le rock

clownesque de Mike Patton, schizophrène mélodique par excellence.

On se délecte également de la participation de Loco Locass à «La Russe» et des influences brit pop sur «Étienne d’août», un croisement original entre Mogwai et Coldplay.

Un chef-d’œuvre à part entière, Trompe-l’œil confirme la vague pop rock locale qui ne cesse de déferler depuis quelques années. Après The Arcade Fire chez nos confrères anglophones, Malajube n’aura aucun mal à exporter ses mélodies et faire goûter au monde entier le rock ludique à la sauce québécoise. Parlant d’exportation, le groupe parcourra la Scandinavie cette année. À nous le monde! (Dare To Care, www.malajube.com)

Alexandre de Lorimier

MALAJUBETrompe-l’oeil

nous sommes les ac/dc du cd/bd

Une prestation graphique. Un régal pour les yeux! Le Psaume 3 des «Anges» propose un dessin fin et

pimpant, un peu trop rond pour être vraiment coquin, mais avec une tournure et une patine très unies sans que l’on perde du détail. Le travail de la couleur, des ombres et des ambiances rouge et noir est remarquable: nous sommes en Enfer, indéniablement. Dans les premiers tomes –que les lecteurs de séries se rassurent, chacun des volumes est relativement indépendant des autres–, le dessin suivait une technique de coloriage direct sans encrage, ce qui suppose beaucoup plus de précision, technique à laquelle Boiscommun avait déjà fait appel pour certaines planches de «Trolls». Avec le troisième tome, Boiscommun relaie Dieter à la barre au scénario, continue au dessin et relègue les couleurs à Christelle Moulart, qui maîtrise la technique de façon phénoménale: difficile de discerner la transition!

Par contre, côté scénario, c’est beaucoup plus maigre. Si la chute est mignonne, le reste

de l’histoire demeure très cliché et très mince: Om et Jéliel, anges pas parfaitement angéliques («saleté d’emplumés», dirions-nous du côté des Enfers), reçoivent de Bouddha, qui remplace Dieu pour l’occasion, la mission d’aller contrer les plans du diabolique (c’est normal, c’est un démon) Azazel. Ils auront besoin de l’aide de Yésod, démon malin

mais pas démoniaque et un peu paranoïaque (mais c’est parce que sa douce moitié est jalouse) et de La Grippe, démon laborantin. Autrement dit, Bien contre Mal et ça s’arrête à peu près là. Puisqu’on nous annonce la «fin du premier cycle», on ne peut qu’espérer que Boiscommun s’adjoigne à nouveau un scénariste aux intrigues plus étoffées (comme dans le charmant premier tome qui se déroulait dans Notre-Dame-de-

Paris), histoire que le lecteur puisse se mettre la dent sur autre chose que des prouesses chromatiques...

En bref, du petit fantastique léger, scénaristiquement trop gringalet pour pouvoir passer de «mignonnet» à «drôle», mais graphiquement impeccable. (Humanoïdes associés)

Laurence Bich-Carrière

OLIVIER G. BOISCOMMUNPsaume 3«Anges»