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Lesedi #19 | Lettre d’information de l’IFAS Recherche | avril 2016 1 05| Dossier Namibie 05| La mission Human Origines in Namibia : à la recherche d’un nouveau berceau de l’Humanité - Laurent Bruxelles 11| Élements pour une anthropologie historique des Damara (Namibie) - Jonathan Benabou 18| Présentation des chercheurs nancés en 2016 Alice Aterianus-Owanga, Solène Baffi & Chloé Faux 23| Conférences & séminaires Les Steve Biko conférences en philosophie Cuba et l’Afrique George McCall Theal and South Africa’s past FISH - French Instute Seminars in Humanies 27| Publications L’Animal voyant : Art rupestre d’Afrique australe - Renaud Ego Photo : Point de vue sur la Valée de l'Hoarusib au niveau de Puros © Jonathan Benabou Lettre d’information Institut Français d’Afrique du Sud - Recherche

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Lettre d'information - Institut Français d'Afrique du Sud (IFAS-Recherche)

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Lesedi #19 | Lettre d’information de l’IFAS Recherche | avril 2016 1

05| Dossier Namibie 05| La mission Human Origines in Namibia : à la recherche d’un nouveau berceau de l’Humanité - Laurent

Bruxelles 11| Élements pour une anthropologie historique des Damara (Namibie) - Jonathan Benabou

18| Présentation des chercheurs nancés en 2016Alice Aterianus-Owanga, Solène Baffi & Chloé Faux

23| Conférences & séminaires Les Steve Biko conférences en philosophie

Cuba et l’Afrique

George McCall Theal and South Africa’s past

FISH - French Ins�tute Seminars in Humani�es

27| PublicationsL’Animal voyant : Art rupestre d’Afrique australe - Renaud Ego

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Lettre d’information Institut Français d’Afrique du Sud - Recherche

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2 Lesedi #19 | Lettre d’information de l’IFAS Recherche | avril 2016

Ÿ Adrien Delmas - Directeur Scientifique Ÿ Guillaume Porraz - Chargé de Recherches, CNRSŸ Werner Prinsloo - Graphisme, Site Web, Gestion InformatiqueŸ Camille Forite - Chargée de Projets Scientifiques Ÿ Dostin Lakika - Secrétaire à la Recherche

Les opinions et points de vues exprimés ici relèvent de la seule responsabilité de leurs auteurs.

Lesedi: terme sesotho qui signifie « connaissance »

L'Institut Français d'Afrique du Sud, créé en 1995 à Johannesburg, dépend du Ministère des Affaires Étrangères. Sa mission est d'assurer la présence culturelle française en Afrique du Sud, et de stimuler et soutenir les travaux universitaires et scientifiques français sur l'Afrique du Sud et l'Afrique australe

l'IFAS-Recherche (UMIFRE 25) est une Unité mixte de recherche CNRS-MAEE, et fait partie de l’USR 3336 « Afrique au sud du Sahara ». Sous l'autorité de son conseil scientifique, l'IFAS-Recherche participe à l'élaboration et la direction de programmes de recherche dans les différentes disciplines des sciences humaines et sociales, en partenariat avec des institutions universitaires ou d'autres organismes de recherche.

L'Institut offre une plate-forme logistique aux étudiants, stagiaires et chercheurs de passage, aide à la publication des résultats de recherche et organise des colloques et conférences.

http://www.facebook.com/IFASResearch

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Comment le monde a-t-il informé l'Afrique du Sud ? Si de précieux éléments de réponse à ce�e interroga�on sont peu à peu dévoilés,

notamment par toute une li�érature qui a démontré combien le pays cons�tuait la norme et non l'excep�on de l'histoire impériale moderne et contemporaine¹, une autre ques�on s'est imposée depuis peu, la ques�on inverse : comment l'Afrique du Sud a-t-elle informé le monde ? Elle s'est posée en filigrane du colloque sur les transforma�ons à l'œuvre dans les SHS en Afrique du Sud depuis 20 ans organisé en 2014. Mais elle se pose aussi pour des périodes plus anciennes. « A Luta Con�nua », le colloque organisé à l'Ifas en novembre 2015 pour les 40 ans des indépendances de l'Afrique lusophone sonne enfin comme la promesse d'une histoire transna�onale de la sous-région. Non seulement les rela�ons inter-impériales au moment des indépendances, entre Pretoria et Lisbonne, entre Londres et Luanda, méritent largement d'être reconsidérées, mais il est désormais évident que l'Afrique australe du second XX� siècle a fait converger bien des enjeux poli�ques, et au-delà, des enjeux culturels, à l'échelle mondiale. Les deux blocs de la guerre froide s'y affrontèrent ouvertement on le sait, mais les pays du Sud, ou le « Global South » pour reprendre une expression à la mode, ne s'y impliquaient pas moins. La Havane, Brasilia, Delhi, etc. : tous furent des acteurs directs de ce�e histoire de la décolonisa�on de l'Afrique australe qui n'abou�rait qu'avec les premières élec�ons démocra�ques en Afrique du Sud de 1994. Dans la con�nuité de ce�e rencontre, un certain nombres d'événements sur la « mise en concept » de l'apartheid sont organisés ce�e année, que vous retrouverez dans ce numéro de Lesedi à côté des autres moments forts de l'année à venir – chaire de philosophie Steve Biko avec les venues de grands noms de la philosophie contemporaine Robert Bernasconi, Chantal Mouffe, Gayatri Spivak et Alain Badiou ; une conférence sur l'engagement de la Cuba révolu�onnaire en Afrique ; une rencontre sur l'historien Georges McCall Theal et l'inven�on du passé de la région ; la commémora�on de la bataille

du bois de Delville en 1916 ; une conférence sur la généalogie du capital isme prémoderne, la conférence annuelle sur l'histoire africaine du livre et bien d'autres débats encore.

Revenons un instant à notre interroga�on : comment l'apartheid est-il devenu un concept poli�que de notre modernité, un concept qui a circulé aisément, d'un contexte à un autre, au point de devenir un co n c e pt p re s q u e d é s i n ca r n é , u n co n c e pt transposable ? L'histoire de ce�e mise en concept est périlleuse mais pas moins traçable. Les deux récits privilégiés qui relatent la chute de l'apartheid à par�r de 1990, celui interne, de la lu�e armée, et celui, externe, des sanc�ons interna�onales et du boyco� ne sont plus suffisants. Ils laissent dans l'ombre bien des connexions qui ont autant façonné l'Afrique du Sud que le reste du monde. L'Afrique du lendemain des indépendances, l'Amérique la�ne en proie aux dictatures militaires, la Caraïbe révolu�onnaire, mais aussi l'Inde ou la Chine, se sont ainsi posi�onnées face à la situa�on poli�que sud-africaine. Et celle-ci de faire converger bien des représenta�ons poli�ques et culturelles du second XX� siècle. Discours, idées, images, livres mais aussi individus, modèles et pra�ques : qu'est-ce qui a circulé entre le régime d'apartheid et les quatre con�nents, selon quelles voies et avec quels effets ? Sur quelles connaissances, décideurs poli�ques et diplomates, journalistes et universitaires, sociétés civi les et ac�vistes d'Amérique la�ne, d'Asie, ou d'Afrique se sont-ils r e p r é s e n t é l ' a p a r t h e i d ? C o m m e n t c e s représenta�ons de l'Afrique du Sud ont-elles pu se heurter ou au contraire s'accorder aux imaginaires poli�ques et raciaux na�onaux ? Dans quel contexte spécifique ont-elles pu être perçues comme an�-modèle ou, à l'inverse comme un modèle ? Symbole de la dernière fron�ère coloniale dans un monde postcolonial, l'image de l'Afrique du Sud a ainsi a�eint un certain universalisme qui s'est pleinement donné à voir dans l'émoi du monde au moment de la chute de l'apartheid.

éditorial

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L'étude systéma�que de cet « imaginaire de l'apartheid » en-dehors des fron�ères de l'Afrique du Sud perme�ra certainement de mieux expliquer l'isolement croissant du régime de Pretoria. Mais elle perme�ra surtout de retrouver des phénomènes de traduc�on, voire d'appropria�on de l'apartheid dans d'autres régions du monde, au Nord comme au Sud. Pensons à la législa�on ségréga�onniste aux États-Unis, au front colonial entre Pretoria et Paris au moment de la guerre d'Algérie, entre Pretoria et Lisbonne au moment des indépendances de l'Afrique lusophone ou encore à l'occupa�on des territoires pales�niens. Que ce soit pour le reprendre à son compte ou pour mieux dénoncer ces situa�ons, que ce soit de manière explicite ou non, la référence au régime sud-africain ne fut jamais trop éloignée, y compris d'ailleurs après sa chute. Loin de nous la volonté d'exhaus�vité, mais en complétant de la sorte les études des rela�ons interna�onales du régime de Pretoria par celle des références qu'elle a engendrées depuis la Seconde Guerre Mondiale, l'objec�f de ce�e rencontre sera, in fine, de retrouver, de réévaluer le rôle central joué par l'Afrique du Sud dans l'imaginaire poli�que mondial au XX� siècle.

De l'expérience �rée d'un désastre humain extraordinaire et qui a duré trop longtemps,

doit naître une société dont toute l'humanité sera fière. (…) L'unité spirituelle et physique que nous partageons tous avec ce�e patrie commune explique la profonde douleur que nous avons tous éprouvée dans nos cœurs lorsque notre pays se trouva déchiré par un conflit épouvantable, lorsque nous le vîmes rejeté, proscrit et isolé par les peuples du monde, précisément parce qu'il était devenu le foyer universel de l'idéologie pernicieuse et de la pra�que du racisme et de l'oppression raciale².

A entendre Mandela, l'universalité désirée, projetée et admirable du post-apartheid fut en fait reçue en héritage, de ce caractère « universellement rejeté » de l'apartheid. Il suffit alors – mais quel geste génial ! – de renverser les principes sur lesquels s'était construite la société pour passer du ban universel des na�ons à celui de modèle pas moins universel : non-racialisme, non-sexisme et égalitarisme, ou plutôt non-inégalitarisme. C'est encore à la lueur de ce phare que peuvent se dessiner, telles des ombres, les « désirs d'apartheid » qui naissent ici ou là, en Europe, au Moyen-Orient, partout finalement où des murs s'élèvent au sein même des sociétés.

Adrien DelmasDirecteur, IFAS- Recherche

� Voir notamment Keith Breckenridge, The Biometric State, Cambridge, Cambridge University Press, 2014. �� Discours d'inves�ture de 1994. Voir FX Fauvelle, Convoquer l'histoire, Paris, Alma, p. 70.

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La mission Human Origins in Namibia : à la recherche d'un nouveau berceau de l'Humanité

Membre de l’Inrap (Ins�tut na�onal de recherches archéologiques préven�ves), Laurent Bruxelles est géoarchéologue, géomorphologue et karstologue. Avec des chercheurs d’ins�tu�ons américaines, canadiennes, sud-africaines, et françaises, il a récemment publié un ar�cle dans Nature sur la data�on de Li�le Foot. En 2015, il est ob�ent la médaille de bronze du CNRS et est le lauréat du prix de la recherche en archéologie.

Introduc�on

Si l'origine africaine ne fait aujourd'hui plus débat, la localisa�on du berceau de l'humanité est une ques�on importante à laquelle de nombreuses équipes interna�onales essaient de répondre. L'Afrique de l'Est, avec la découverte des hominidés les plus anciens et les mieux datés, a fait longtemps office de favori. Une importante sédimenta�on couplée à une data�on aisée ont rapidement permis d'établir une séquence de référence sur près de quatre millions d'années, couvrant notamment le passage depuis les australopithèques jusqu'à l'Homo habilis, notre ancêtre. En effet, la présence de retombées volcaniques a fourni des repères chronologiques précis perme�ant de caler chaque étape de ce�e évolu�on. Depuis quelques années, les découvertes et surtout les data�ons récentes dans les karsts d'Afrique australe replacent l'Afrique du Sud dans une chronologie comparable. Sur ce�e base, une nouvelle mission financée par le Ministère des Affai res Et rangères et du Déve loppement Interna�onal a démarrée en 2015 et propose de rechercher de nouveaux indices de l'origine de l'Homme dans ce�e région d'Afrique.

1. Le ou les « berceaux de l'Humanité» ?

Depuis plusieurs années, nous travaillons dans un secteur d'Afrique du Sud bap�sé en 1999 par

l'UNESCO le « Berceau de l'Humanité ». Non pas parce que c'est ici que l'on trouve les fossiles les plus anciens, mais plutôt parce qu'ils sont extrêmement nombreux (plus de 2500, soit plus de la moi�é de tous les fossiles d'Hominidés anciens connus à ce jour) et parce qu'ils couvrent une période chronologique clé, entre -1 et -4 millions d'années, au cours de laquelle apparaît Homo habilis. En outre, les fossiles sont d'une qualité de préserva�on excep�onnelle, certains étant encore complets et en connexion anatomique comme l'australopithèque Li�le Foot. Ce�e préserva�on excep�onnelle est directement liée au milieu dans lequel ces fossiles ont été conservés : les gro�es. Quelque soit la période prise en compte, le karst a toujours été un milieu conservateur par excellence, que ce soit pour les traces d'occupa�ons préhistoriques, pour les première formes d'art ou même au cours des périodes historiques. Les cavités ont donc la par�cularité de pouvoir garder une mémoire quasi-intacte de ce qu'il se passait en surface. La principale difficulté réside ensuite dans la lecture et l'interpréta�on des remplissages kars�ques. Mais c'est là notre spécialité et nos résultats récents montrent tout le poten�el de ces cavités, à la fois pour la connaissance de l'évolu�on humaine mais aussi pour la compréhension des paléoenvironnements contemporains de ce�e évolu�on (Bruxelles et al., 2014a, Granger et al., 2015).

Il apparaît donc désormais que l'Afrique du Sud est

Laurent Bruxelles

dossiernamibie

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poten�ellement le berceau de l'Humanité, au même �tre que l'Afrique de l'Est. Mais il serait peut-être préférable de dire l'un des berceaux de l'Humanité. Car en effet, si l'on trouve des ves�ges d'Hominidés anciens en Afrique de l'Est et en Afrique du Sud, c'est surtout parce que les condi�ons de préserva�on y sont réunies. Il est fort probable qu'il y avait à l'origine beaucoup d'autres « berceaux » voire même qu'une grande par�e de l 'Afrique soit le berceau. Aujourd'hui, on ne retrouverait des fossiles que dans les secteurs dont les histoires géologique et géomorphologique se sont conjuguées pour préserver ces ves�ges dans de bonnes condi�ons. Partout ailleurs, les traces de nos premiers ancêtres ont complètement disparu, soit que les condi�ons de fossilisa�on ini�ales n'étaient pas réunies pour les piéger, soit que l'évolu�on géomorphologique locale ou régionale en ait effacé les traces.

2. Pourquoi les Aha Hills en Namibie ?

Si l'on considère qu'une grande par�e de l'Afrique est le berceau de l'Humanité mais que seuls quelques rares secteurs ont préservé ce�e informa�on jusqu'à nos jours, la découverte de nouvelles zones fossilifères doit prendre en compte deux paramètres :

Ÿ un milieu suscep�ble d'avoir piégé les fossiles dans les meilleures condi�ons possibles ;

Ÿ u n s e c t e u r d o n t l ' é v o l u � o n géomorphologique est compa�ble avec la préserva�on de forma�ons anciennes dans lesquelles les fossiles seraient suscep�bles d'être préservés.

Le karst étant notre spécialité, et sur la base des résultats récents de nos travaux de recherche dans les gro�es sud-africaines, nous avons recherché un autre massif kars�que pouvant répondre à ces condi�ons. La présence de ces roches calcaires est une condi�on sine qua non au développement de cavités de grande ampleur mais aussi à une évolu�on kars�que dont nous connaissons bien les caractéris�ques. Des gro�es et des gouffres ont donc pu cons�tuer des pièges naturels capables d'enregistrer à la fois des informa�ons pa léonto log iques mais auss i paléoenvironnementales (nature des sédiments détri�que, concré�ons de calcite, reste végétaux…). Il faut également, au point de vue géomorphologique, que ces gro�es existent déjà à l'époque qui nous

intéresse. Or, d'après nos connaissances de l'histoire géologique de l'Afrique australe, ces cavités sont très anciennes et préexistent largement. De même, en fonc�on de l'histoire géomorphologique, il faut que ces cavités n'aient pas été ultérieurement vidangées de leur remplissage. Fort de notre expérience dans les karsts sud-africains (Stra�ord et al., 2012, Bruxelles et al., 2014 a, b et c), nous avons donc choisi un secteur de collines peu élevées situées à l'extrême amont du réseau hydrographique : les Aha Hills (nord-est de la Namibie, à cheval sur la fron�ère avec le Botswana). Ce contexte de faible dynamique géologique et d'évolu�on morphologique lente est le plus favorable à la conserva�on des anciens remplissages kars�ques et donc à la préserva�on des fossiles.

En outre, les références bibl iographiques, essen�ellement sur la par�e botswanaise de ces karsts, confirment tout l'intérêt de ce secteur au point de vue paléontologique, paléoanthropologique et archéologique. Les travaux de Mar�n Pickford ont montré, sur la base de l'étude de la faune, la présence de dépôts plio-pléistocènes (Pickford et Mein, 1988 ; Pickford, 1990, Pickford et al, 1994). Dans le même massif que celui que nous comptons étudier, mais côté botswanais, des brèches correspondant à des remplissages de cavités décapités ont été trouvées dans les collines de !Ncumsa. Elles ont livré de la faune mais aussi des ou�ls de quartz et de quartzites, possiblement associés à la présence de restes d'Hominidés pendant le Plio-Pléistocène. En outre, dans les collines de Gcwihaba toutes proches, de la microfaune a été étudiée (Pickford et Mein, 1988). Son analyse a montré qu'elle est comparable à celle connue dans le site de Makapansgat, en Afrique du Sud, connu pour avoir livré de nombreux restes d'Hominidés dont des australopithèques parmi les plus anciens connus à ce jour en Afrique australe. Deux espèces de rongeurs en par�culier ressemblent très fortement à celles du site de Makapansgat et l'une d'elle a même été iden�fiée dans le membre 4 du site de Sterkfontein (Afrique du Sud) sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années. La corréla�on de la faune de ce site avec celle connue en Afrique de l'Est ainsi que la réalisa�on d'analyses paléomagné�ques situent ce remplissage entre 3 et 3,3 Ma. (Mc Fadden et al., 1979 ; Delson, 1984). Sur la base d'une réinterpréta�on de la séquence de Sterkfontein en 2002 (Berger et al, 2002), la fourche�e chronologique a été élargie par Williams et al. (2012) entre 1,5 et 3 Ma. Cependant, nos résultats

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récents (Bruxelles et al., 2014a, Granger et al, 2015) et nos travaux en cours sur le membre 4 de Sterkfontein reme�ent en cause les interpréta�ons de Berger et al. (2002) qui rajeunissent à 1,5 Ma la séquence de Sterkfontein et notamment du membre 4. Nous avons maintenant de solides arguments scien�fiques pour pouvoir affirmer que ces niveaux sont plus proches de 3 Ma. Enfin, lors de la reprise des études dans les !Ncumsa Hills (Williams et al., 2002), la découverte d'un crâne fossile de Papio par ce�e équipe donne une data�on supérieure ou égale à 317 +/6 114 ka, ce qui laisse le champ des possibles assez ouvert.

Nous avons donc dans les Aha Hills le contenant (le karst), un contenu (des remplissages anciens pouvant couvrir la période chronologique souhaitée), une évolu�on géomorphologique lente, comparable à

celle que nous avons étudiée en Afrique du Sud et des indices paléontologiques qui couvrent la bonne période chronologique.

3. Méthodologie et premiers résultats

Dans le cadre de ce�e mission, il s'agit d'explorer un s e c t e u r q u a s i m e n t v i e rg e d e re c h e rc h e s paléontologiques et archéologiques. Quelques cavités sont connues mais il n'y a pas eu de p ro s p e c � o n systé m a� q u e et d ' é t u d e d e s remplissages kars�ques.Nous avons donc débuté par une première reconnaissance des indices kars�ques les plus évidents. Ceci nous a permis d'en déduire les caractéris�ques les plus courantes concernant la présence de cavités et leur histoire géologique.

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Visite de la Drotsky cave (Gcwihaba), dans les Aha Hills côté Botswana. Ce�e visite nous a permis d'évaluer le poten�el de ces collines et de savoir comment se présentent les cavités (Photo Laurent Bruxelles)

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Chaque indice kars�que de surface, chaque cavité, mais aussi tous les affleurements de brèche ou de calcite sont inventoriés, caractérisés et cartographiés. Plusieurs d'entre-nous étant spéléologue, nous visitons systéma�quement les gro�es et les gouffres afin d'en comprendre l'histoire mais aussi d'en étudier les remplissages, qu'ils soient fossilifères ou non.

Deux campagnes de terrain ont été réalisées en 2015. La première a eu lieu en octobre et consistait essen�ellement en une mission de reconnaissance. Il s'agissait de savoir si le terrain était accessible, mais aussi quelle était la réelle morphologie de ces collines que nous n'avions pu reconnaître qu'au travers d'images satellites et de modèles numériques de terrain. Ce�e première mission nous a rassuré à la fois sur la faisabilité de ces recherches mais aussi sur le poten�el : les collines sont bien cons�tuées de roches calcaires kars�fiées et suffisamment importantes pour abriter des gro�es et des paléokarsts. La seconde mission, en décembre 2015, a été consacrée à la prospec�on. Une série de colline a donc parcourue à pied, que ce soit en pied de versant, mais aussi sur les flancs et le sommet (photo 1). Tous les indices kars�ques ont été recherchés et relevés : calcite, brèche, entrée de cavité, poches de sédiments. Les varia�ons ponctuelles dans de la

densité de la végéta�on, qui traduisent souvent une humidité différente, peuvent traduire la présence de cavités. Elles sont systéma�quement reconnues. Pour savoir exactement comment se présentent les gro�es dans ce�e région et quel est leur poten�el, nous avons aussi visité la Drotsky cave (Gcwihaba), côté botswanais (photo 2). Des ves�ges de brèches ossifère ont pu être iden�fiés, aussi bien dans la gro�e qu'à l'extérieur.À ce stade, sur les quelques collines qui ont été en�èrement reconnues, nous n'avons pas trouvé de nouvelle gro�e. Quelques indices kars�ques ont cependant été iden�fiés et nous incitent à penser que nous trouverons des cavités ici aussi, comme c'est le cas juste de l'autre côté de la fron�ère avec le Botswana, à quelques kilomètres de là. Dans tous les cas, les Aha Hills cons�tuent le même massif de part et d'autres de la fron�ère, avec les mêmes caractéris�ques géologiques et géomorphologiques, et il n'y a évidemment aucune raison pour que l'on ne trouve pas de gro�es des deux côtés. En revanche, lors des prospec�ons, deux sites préhistoriques de surface ont été trouvés. D'après l'analyse du matériel lithique, il s'agirait d'une industrie ancienne correspondant au Middle Stone Age (photo 3). Aucun site n'était connu dans ce secteur et il révèle bien non seulement l'aspect précurseur de nos recherches dans ces collines mais également tout le poten�el

qu'elles recèlent.

Lorsque d'éventuels gisements p a l é o n t o l o g i q u e s s e r o n t d é c o u v e r t s , l e s d i ffé re n t s paléontologues de l 'équipe pourront donner une première es�ma�on de leur ancienneté. Ces données seront évidemment c o n f r o n t é e s à l ' h i s t o i r e géologique et géomorphologique de ces karsts. Au besoin, nous bénéficions de collabora�ons d é j à é t a b l i e s a v e c d e s laboratoires pouvant réaliser différents types de data�ons (CEREGE, PrimeLab, LSCE) et donc situer chronologiquement ces dépôts. Enfin, lorsque des r e m p l i s s a g e s k a r s � q u e s présenteront des caractéris�ques convergentes pouvant perme�re l a d é c o u v e r t e d e v e s� g e s

Quelques pièce d'industrie lithique appartenant à un site Middle Stone Age inédit découvert en décembre 2015 dans les Aha Hills (Photo Laurent Bruxelles)

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d'hominidés anciens, des demandes de sondages puis de fouille seront déposées. Mais ceci cons�tue une seconde étape dans nos recherches en Namibie.

4. Les perspec�ves de ce projet de recherche

L'objec�f de ce�e mission est ambi�eux mais les enjeux sont de taille. Nous sommes quasiment assurés de trouver des cavités et des forma�ons béchiques fossilifères comme c'est le cas à quelques kilomètres de là, au Botswana. Notre expérience dans les différentes discipl ines impliquées et la collabora�on avec plusieurs laboratoire de data�on (PrimeLab (Purdue University, Illinois), CEREGE (Aix-en-Provence), LSCE (Gif-sur-Yve�e) perme�ront de situer chronologiquement les découvertes et d'orienter rapidement la poursuite de nos recherches. L'objec�f est de découvrir de nouveaux sites à Hominidés et donc de compléter nos connaissances sur l'évolu�on humaine. A terme, il serait alors possible de montrer qu'ici aussi, nous sommes dans un « berceau de l'Humanité ». Mais notre approche n'a pas uniquement pour ambi�on d'iden�fier un nouveau berceau où l'on peut

documenter l'appari�on du genre Homo. Les découvertes que nous réaliserons perme�ront de démontrer que la no�on de « berceau », unique ou mul�ple, n'est qu'une percep�on biaisée par les condi�ons taphonomiques. Les différentes zones fossilifères ne correspondent en réalité qu'aux contextes géomorphologiques les plus favorables pour la préserva�on des ves�ges anciens. Partout ailleurs, l'érosion ou la sédimenta�on en ont effacé les traces. Des corréla�ons biochronologiques solides pourront alors être tentées entre la Namibie et l'Afrique du Sud et perme�ront peut-être de montrer que c'est l'Afrique, dans sa quasi-intégralité, qui est le berceau de l'Humanité. Les différents pièges géologiques ne correspondent en fait qu'à des morceaux du berceau de l'Humanité.

Enfin, sur la base des éléments de compréhension qui seront obtenus dans le cadre de ce�e mission, il sera possible d'iden�fier de nouveaux secteurs d'Afrique australe répondant aux caractéris�ques géologiques, géomorphologiques et paléoenvironnementales compa�bles avec la présence de ves�ges d'Hominidés. De nouveaux sites poten�els pourront ainsi être localisés et cons�tuer les prolongements de ce�e mission.

Remerciements :

Nous tenons à remercier le Ministère des Affaires Etrangères et du Développement Interna�onal pour sa confiance et son sou�en à ce�e mission. Nous remercions également l'Inrap pour son sou�en et son accompagnement dans la mise en place et le déroulement de ce programme de recherche.

Bibliographie :

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10 Lesedi #19 | Lettre d’information de l’IFAS Recherche | avril 2016

Studies, 14-18 juillet 2014, Université du Witwatersrand, Johannesburg, Afrique du Sud, Book of abstracts, p. 46-47.

BRUXELLES L., BRAGA J., MAIRE R., ORTEGA R., ROUDEAU S. et THACKERAY F. – 2014c. – Geomorphology and stra�graphy of the thKromdraai hominin site, Gauteng, South Africa: new excava�on and new results – 14 congress of the Pan African Archaeological

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Éléments pour une anthropologie historique des Damara (Namibie)

Jonathan Benabou est doctorant au MNHN et à l'EHESS. Ses recherches portent sur la dialec�que entre terres, iden�tés et autorité et sur l'effet spa�al et anthropologique de la ges�on communautaire des ressources naturelles dans les localités ouest namibiennes.

Jonathan Benabou

Introduc�on

Les rela�ons entre les États coloniaux et les popula�ons locales ont largement animé la forma�on des iden�tés contemporaines '(Amselle & MBokolo 1985  ; Vail 1989) et la formalisa�on des systèmes poli�ques locaux (Mamdani 1996). Ces tandems ainsi amplement construits se voient néanmoins associés à la no�on de tradi�on, el le-même inventée (Hobsbawm & Ranger 1983), réinventée et instrumentalisée au sein des États modernes (Anderson 1983 ; Friedman 2005).

En 1991, la Namibie, fraîchement affranchie des régimes coloniaux à l'origine des na�ves reserves (allemandes) et des bantoustans (sud-africain) organise la Na�onal Conference on Land Reform and the Land Ques�on (NCLRLQ GRN 1991b) ainsi que la Commission of Inquiry Into Ma�ers Rela�ng to Chiefs, Headmen and Other Tradi�onal or Tribal Leaders (Kazonguzi report, GRN 1991a), entre autres�. À l 'occasion de ces enquêtes, les groupes et groupements socio-culturels ethnolinguis�ques ou iden�taires namibiens présentent leurs histoires respec�ves et collec�ves et, en vue de leur reconnaissance par le gouvernement central, formulent de mul�ples documents qui les étayent��.

À la veille de l'indépendance, Lau constatait « la nécessité et l'urgence absolue de collecter l'histoire

orale de la Namibie » et défendait que « without oral history, Namibian history cannot be wri�en » (Lau1986, pp.95, 96). Ainsi, les discours et documents historiques produits par les Damara contemporains, bien qu'immanquablement par�els et intéressés, c o n s � t u e n t - i l s d ' i m p o r t a n t s j a l o n s d e l'historiographie namibienne.

Vers une anthropologie historique des Damara

« The true history of the Damara speaking namibians is not yet completly ex�nct » (Chief’s Council for the Damara speaking Namibians addressees dans GRN1991b, p.7 du document 23)

Entre mémoire d 'une or ig ine lo inta ine et desideratum d'autochtonie, entre figures héroïques d'une histoire ancienne et légi�mité poli�que de personnalités contemporaines, les histoires produites par les Damara relatent de nombreuses variantes desquelles, au-delà de quelques marginales incohérences internes, se dégage un scénario général. Ce dernier, apprécié en rela�on avec des observa�ons de terrain, des archives et la li�érature scien�fique, cons�tue les fondements de ce texte qui n'a pas de préten�on historique, mais se présente de

,nature heuris�que ���,��.

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Des ethnicités damara labiles et peu structurées à l'ère précoloniale

«The Damaras really only came into existence with colonialism. » (Lau 1979, p.1)

Les Damara contemporains avancent être entrés en Namibie par le quart nord-est et, alors établis en un groupe unique, n'avoir que très progressivement avancés. L'arrivée par le nord de leurs actuels voisins bantous aurait grandement accéléré leur dispersion

eaux X V- X V I s ièc le. De même, la press ion grandissante sur la terre et les ressources accompagnant la venue des Nama par le sud (au XVII� siècle) aurait conduit les Damara, au moins en par�e, à se concentrer en des espaces circonscrits (inselberg, point d'eau, etc.). Ces évènements auraient ainsi induit l 'émergence et la consol ida�on de groupements damara largement iden�fiés et dénommés en rela�on à un espace donné.

Au fil des références à ce passé précolonial, les Damara contemporains assurent que leurs ancêtres étaient dirigés par des leaders puissants et fédérateurs. Divers récits relatent leurs exploits lors de conflits avec leurs voisins et leur rôle moteur dans leurs migra�ons illustrées figure 1.

Les noms de ces grandes figures et de leaders locaux, tous précédés du �tre de gaob (ou gao-aob), apparaissent en rela�on avec les groupements ou ǃhao� (ǃhaos au singulier) qu'ils menaient. L'étendue du pouvoir de certains gaob peut toutefois surpasser celle d'autres, et les rôles se voient rapidement r e d i s t r i b u é s s o u s l ' e ff e t d e f a c t e u r s environnementaux ou socio-économiques�. En outre, ces ǃhao� dont le nombre et les noms varient selon les sources et les considéra�ons – linguis�ques, géographiques, sociales ou poli�ques – mises en avant par l'auteur ou les informateurs peuvent s'englober l'une l'autre. Or, si ces inconstances peuvent être conséquentes de biais mul�ples, elles sont également le fait de changements dont est cons�tuée l'histoire, de fission et de fusion entre groupements, et témoignent du caractère éminemment labile de l'organisa�on sociale et locale des Damara.

Les Damara semblent ainsi représenter un groupe dis�nct de leurs actuels voisins. Toutefois, l'existence

d'une iden�té commune et d'une unité sociale est loin d'être évidente à l'ère précoloniale. Toutes sources réunies, on recense une cinquantaine de groupements ou sous-groupements qu'il ne faut donc pas appréhender de manière hiérarchique, dichotomique ou exclusive, mais de manière rela�ve et labile. De même, il convient d'envisager un système poli�que peu structuré dans lequel le locus et l'étendue du pouvoir sont circonstanciels.

Bureaucra�sa�on et ethnicité à l'ère coloniale : vers une unité sociale et poli�que

« They [les Headmen et Councillors] were

Figure 1 : Une généalogie des groupements damara et leur localisa�on ; vue présentée par les Damara lors de la NCLRLQ. Ici la dispersion des Damara prend racine dans la région de Gogabis. Si ce�e carte donne un bon aperçu de l'histoire anthropologique des Damara, elle n'est en rien exhaus�ve et ne représente que la vision de son auteur. De nombreuses références relatent une dispersion depuis la rivière Okavango (Kavango), la région d'Etosha (Tsumeb et Outjo), de Waterberg (Groo�ontein et Hereroland West) et de la rivière Omatako (qui s'écoule de la région d'Otjiwarongo au Kavago selon l'axe sud-ouest nord-est) ; les noms en capitales correspondent à d'anciennes limites administra�ves et perme�ent d'iden�fier de localiser les bantoustans.

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chief of the wards, they were not chief of the community » (entre�en avec anonyme-1, Khorixas 2013)

Alors que les poli�ques discriminatoires et socio-efoncières du XX siècle ont joué un rôle fondamental

dans l'unifica�on sociale et poli�que des Damara, les histoires anthropologiques qu'ils proposent n'accordent que quelques lignes sur leurs rela�ons aux régimes coloniaux��.

De mul�ples sources relatent qu'en 1894, Leutwein, gouverneur de l'Afrique du Sud-Ouest allemande (Namibie), a�ribue le �tre de König (roi) des Damara à Cornelius Goreseb qui réside alors dans la na�ve reserve d'Okombahe (Brown 1991, p.51  ; Fuller 1993, pp.56, 96  ; Rohde 1993, p.15  ; 1997, p.151). Toutefois, Cornélius apparaît indifféremment au sein d'une succession de leaders présentée par les Damara et illustrée figure 2, succession qui fait écho au témoignage de Judas Goreseb qui, au début du siècle dernier, rapportait que les Damara ont déplacé leur chief town » à Okombahe sous le leadership de son grand-oncle Abraham Seibeb, auquel succéda son père Cornelius Goreseb (Judas Goreseb dans Silvester & Gewald 2003, p.183).

I l appara î t toutefo is que le pouvoir s 'est progressivement centralisé et formalisé au cours du

eXX siècle ; ini�alement autour de Cornélius, de ses successeurs et de leur fratrie formant la royal house ; puis d'un sénat de dix membres, le Damara Tribal Execu�ve Commi�ee (DTEC) co-ins�tué en 1958 par David Goreseb (descendent de Cornelius) et l'administra�on sud-africaine. Enfin, dès la créa�on du Damaraland, le Damara Council (DC) administre le bantoustan depuis Welwitchia (aujourd'hui Khorixas). Ce dernier est épaulé d'un headmen et de trois councillors par wards (12 districts administra�fs) qui abritent des groupements damara issus de différentes régions du pays.

Parallèlement, les années 1930-1950, puis 1960, voient la consolida�on des catégories ethniques et sont marquées par l'émergence de groupes d'intérêt et de par�s poli�ques unitaristes et ethniques (et indépendan�stes). Le DC, préalablement établi en tant qu'administra�on intérimaire du Damaraland, sera en 1977 réitéré en un par� poli�que. Ce dernier dès lors présidé par Justus Garoeb – conseiller de David Goreseb qu'il supplantera en 1976 en qualité d'ac�ng king en l'absence d'héri�ers issus de la royal blood line – remportera ±80 % des suffrages au premier scru�n du Damaraland en 1980. Finalement, à la veille des premières élec�ons de la Namibie indépendante, le DC rejoint l'United Democra�c Front (UDF), une coali�on de par�s aux couleurs du drapeau damara (voir figure 3) également fondée et présidée par Justus Garoeb.

On observe ainsi un glissement d'un système peu structuré à des ins�tu�ons hiérarchisées largement pilotées par de jeunes damara instruits. Inves�s dans une poli�que des par�s, les bases d'un amalgame entre chefs coutumiers et leaders poli�ques sont dès lors posées. En outre, une rela�on de patronage confortant l'unifica�on des Damara s'instaure et l'ethnicité devient le support d'un clientélisme poli�que. Malgré quelques heurts, ce�e période cons�tue un golden age pour les Damara alors unis d'un point de vue poli�que ainsi qu'émancipés de leurs voisins et de leur statut de chou-daman���.

Par ailleurs, une relecture spa�alisée de l'histoire poli�que des Damara permet d'étayer ce�e conclusion. Tout d'abord, Leutwein, deux ans après avoir nommé Cornélius Goreseb à Okombahe (au sud-ouest d'Omaruru sur la figure 2), en fit de même

Figure 2 : Une succession de « tradi�onal leaders », « kings » ou « supreme leaders » (selon les sources) et leurs dates approxima�ves de naissance ; on remarque qu'au-delà du numéro 18, un cycle de 25 ans est suivi.

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avec Johannes Kruger qui se trouva ainsi à la tête des « bushman berg-Damara and other na�ves in the Groo�ontein area » (Silvester & Gewald 2003, p.190). Toutefois dès les années 1930-1950, les groupements damara présents dans le Centre, le Sud et l'Est de la Namibie , notamment dans les rég ions de Groo�ontein et de Gobabis, respec�vement men�onnés ci-devant et ci-après, se sont vus démunis de terre et ont émigré – souvent de force et au gré de la priva�sa�on des terres rendues aux mains des colons, de restric�on d'accès au parc na�onal d'Etosha, et de la créa�on de na�ves reserves a�ribuées à d'autres popula�ons namibiennes – vers les zones urbaines et les terres qui leurs étaient allouées, la na�ve reserve d'Okombahe et le Damaraland. En outre, les Damara Gobanin, qui résident dans la région de Gobabis, présentent une succession de chefs qui n'apparaissent pas figure 2, et ne compte ni Johanes Kruger, ni la lignée de Goreseb, ni Justus Garoeb���� témoignant d'une histoire poli�que autre. Enfin, l'ar�cle 4.2 de la customary law

des Damara ǃOe-ǂgân dont le siège se trouve à Okombahe rapporte que Cornélius Goreseb, leader de ce groupement, a unifié les Damara et que Davis Goreseb est le fondateur de la poli�que des par�s damara : 4.2 The following able and visionary Damara Kings

originated from the !Oeǂgân tradi�onal community:4.2.1 King Cornelius Goreseb (Damara

Unifier), 1880–19104.2.2 King Judas Goreseb, 1915–19234.2.3 King Hosea Goresb, 1923–19434.2.4 A c � n g K i n g T h e o d o r ! G a o s e b ,

1943–19534.2.5 King Dawid Goreseb (founder of

modern Damara poli�cs), 1953–1976

Ces considéra�ons posées, il apparaît que l'histoire poli�que de la na�ve reserve d'Okombahe et du Damaraland domine l'histoire poli�que des Damara.

Figure 3 : Chemises aux couleurs du drapeau damara. ǂNisa Damara, li�éralement traduit fièrement damara ; le vert et le bleu symbolisent deux frac�ons damara aux différends parfois sanglants dans les années 1930-1950 ainsi réunies sous le drapeau Damara et du DC, puis de l'UDF qui se dis�ngue du premier par la présence d'un poing fermé en lieu et place de la tête d'oryx ; photo prise au fes�val annuel du roi des Damara, Okombahe 2011

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Conclusion : de la Damara Royal House à la reconnaissance des autorités tradi�onnelles Damara

« Before, we were just Damara, but when this TA [tradi�onnal authority] story came in, everything just... boomed » (entre�en avec annonyme-2, Homoed, 2013)

Lors du processus de consulta�on na�onal engagé par la Namibie indépendante, les Damara men�onnent qu'ils sont actuellement cons�tués de 14 groupements traversés par de mul�ples lignées royales et dressent la liste des membres du Damara Chief Council ; témoignant ainsi de l'actualité d'une unité et d'une pluralité sociale et poli�que.

En 1998, Justus Garoeb s'élève à la tête de la première et alors unique AT damara, la Damara Royale House. Cependant, tant l'histoire poli�que des Damara que la reconnaissance des AT témoignent d'une complexité toute autre de sorte qu'en 2000 les chefs de 8 groupements damara cosignent un courrier que Justus Garoeb adresse au MRLGH en vue de la fission

de la Damara Royal House en 8 AT. La réorganisa�on des 14 groupements présentés en 1991 en 8 groupements incarnés par les AT post-2000 (au

enombre de 5 en 2002, 7 en 2007, et la 8 a�end toujours d'être proclamée) est le fruit de négocia�ons internes et externes décrites comme « a very long an bi�er struggle for recogni�on » (entre�en avec anonyme-3, Khorixas 2013) qui porte, tout du moins pour certains, encore son lot de laissés-pour-compte.In fine, ce�e première esquisse de l'histoire sociale et po l i�que des Damara permet un premier rapprochement entre histoire anthropologique et reconnaissance des AT lequel suggère que la reconnaissance des AT, accompagnant les processus de démocra�sa�on et de décentralisa�on engagés depuis l'indépendance, crée un espace dans lequel tradi�on, histoire et iden�té sont mobilisées et re n é go c i é e s d a n s u n e n c h evêt re m e nt d e revendica�ons et de contraintes territoriales et poli�ques, principalement. Elle offre un support pour étayer ce rapprochement et permet d'interroger le rôle des autorités tradi�onnelles, le statut et la représenta�on des groupes et groupements socio-culturels, ethnolinguis�ques ou iden�taires au sein de la Namibie indépendante.

� Ce processus de consulta�on est également alimenté par le Seminar on Ethnicity, Na�on Building and Democracy in Namibia et la Communal Land Administra�on, Second Na�onal Tradi�onal Authority Conference qui se sont respec�vement tenues en 1993 et 1996. En outre le Workshop on Tradi�onal Authori�es in the Nine�es - Democra�c Aspects of Tradi�onal Government in Southern Africa organisé à Windhoek en 1995 avait notamment pour objec�f de promouvoir les changements nécessaires à l'ins�tu�on d'autorités tradi�onnelles en Namibie en perme�ant aux gouvernements et aux leaders coutumiers de réfléchir et discuter au du rôle des seconds dans la gouvernance du pays (Englebronner-Kolff et al. 1998, p.v).

�� À la suite de ce processus de consulta�on, le pays adopte une approche mul�-culturaliste réalisée par la reconnaissance des « autorités tradi�onnelles » (AT) représentantes des « communautés tradi�onnelles » selon les termes du Tradi�onal Authori�es Act (GRN 1995 ; replacé par GRN 2000).

��� Les données mobilisées sont largement issues de documents récemment écrits – A historical perspec�ve on the Damara tradi�onal authori�es ; les customary law et des profile of the community des groupements Damara ; The cons�tu�on of the Damara people of Namibia pour ne men�onner que les plus conséquents – d'observa�on et d'entre�ens menée auprès d'anciens ou d'actuels leaders coutumiers, d'intellectuels Damara ainsi que des officiels du gouvernement. En outre, de mul�ples courriers, compte rendus de rencontres ou d'événements, contrats, etc. enrichissent le corpus de données.

�� Ce scénario général masque inévitablement certaines contres proposi�ons (ie. origine autochtone), toutefois celui-ci étant porté par les Damara contemporains, ou au moins certains d'entre eux, il demeure recevable et poli�quement correct. En outre, il s'accorde avec la li�érature scien�fique qui s'avère bien moins précise. On pense notamment aux quelques essais historiographiques disponibles (Lau 1979 ; Fuller 1993 ; Rohde 1993 ; Sullivan 1998 ; Inskeep 2003) qui commencent à dater au vue de récentes avancées en géné�que (Soodyall & Jenkins 1993 ; Wood et al. 2005 ; Soodyall et al. 2008 ; Pickrell et al. 2012 ; Barbieri et al. 2013 ; Barbieri et al. 2014) et linguis�que (Ehret 1982 ; Güldemann 2006 ; Ehret 2008 ; Haacke 2008 ; Haacke 2014), d'ailleurs en faveur d'un passé commun.

� À un moment m, les individus ou foyers alors bien munis sont approchés et élevés par ceux qui le sont moins, et c'est notamment au travers du rayonnement dans le cadre d'une norme de réciprocité – système à la base de l'économie des Damara dans lequel la valeur sociale du partage prévaut sur celle de l'accumula�on (Kuper 1996 ; Fuller 1993) – qu'un certain pres�ge s'acquiert.

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�� Le thème du struggle for independence, rela�vement étayé, fait figure d'excep�on.��� Chou-daman, li�éralement traduit excrément-personne était l'un des ethnonymes des Damara. Son origine est incertaine,

emais supposément liée à leur appauvrissement conséquent à d'intenses conflits à par�r du XVI siècle et aux mythes ethnographiques les présentant comme de misérables vassaux des Herero et des Nama, à la culture matérielle et l'organisa�on sociale plus louable au yeux des observateurs européens de l'époque. Voir aussi figure 3, ǂNisa Damara.

���� Les Gobanins sont les seuls à proposer une succession étendue sur plusieurs siècles à l'image de la figure 2. Néanmoins, la plupart des groupements des groupements damara listent leurs leaders. Cependant, celles-ci ne compte que 3, 4 voir 5 individus. Il y a peut-être la un témoignage de la consolida�on récente de ces groupements.

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Après quatre années de recherche, je viens de soutenir une thèse en géographie portant sur le rôle du train dans les processus de territorialisa�on en Afrique du Sud sur le temps long. J'ai cherché à montrer comment le train a été un marqueur de sépara�on aux différents échelons (interurbain et intra-urbain) du territoire sud-africain et quelle réadapta�on possible d'une infrastructure aussi lourde et inerte peut être opérée aujourd'hui. Ce travail s'inscrit en con�nuité des recherches que j'ai effectuée en Master 1 notamment, et Master 2 : au cours de séjours de terrain en 2010 et 2011 je m'étais intéressée, à ce�e époque, au système de transport en commun au Cap. Je m'étais alors rendue compte que ces transports – le bus, minibus et le train – étaient tout, sauf communs, car bien souvent réservé une catégorie socio-économique d'usagers spécifiques en situa�on de dépendance modale, les habitants des townships (Baffi, 2012).

Jusqu'à présent, les transports en commun hérités se s i tua ient en déca lage avec l 'évo lu�on de l'organisa�on des villes sud-africaines (Turok, 2001), tandis que les nouveaux réseaux construits (le BRT, ou le train rapide Gautrain à Johannesburg) ne répondent pas aux besoins des popula�ons cap�ves des transports. Les modes de transport récemment construits s'inscrivent dans le sillage des standards propres aux « global ci�es » (selon la formule popularisée par S. Sassen en 1991) au sein desquelles la compé��vité se manifeste par l'adop�on de modèles d'aménagement le plus souvent issus des pays du Nord. Pourtant, au tournant des années 2010, une nouvelle tendance semble se dégager en ma�ère de planifica�on, d'offre et de pra�que des transports : une autorité de transport métropolitaine a été créée (Transport for Cape Town, TCT), l'exploitant ferroviaire propose un service à des�na�on des classes moyennes et supérieures (le Business Express), et un véritable système de transport métropolitain se dessine.

Des enquêtes liminaires menées auprès des usagers en 2014 m'ont amenée à suggérer que la diversifica�on de l'offre, portée par une gouvernance forte, s'accompagne d'une recomposi�on des p ra� q u e s d e m o b i l i té c i ta d i n e s . E l l e e s t par�culièrement visible dans le cas des usagers du Business Express et du BRT, ces modes de transport captant aujourd'hui une part importante d'individus qui fréquentaient peu ou pas du tout les transports en commun auparavant. Si jusqu'alors l'u�lisa�on des t r a n s p o r t s e n c o m m u n r é p o n d a i t presqu'exclusivement aux pra�ques des popula�ons cap�ves en maintenant l'exclusion socio-spa�ale héritée de l'apartheid, le tournant amorcé rappelle la voca�on des transports urbains comme vecteur de lien social auprès de l'ensemble des citadins. On peut alors considérer ces différents changements comme étant symptoma�ques de muta�ons plus profondes des logiques de produc�on urbaine. Je fais ici l'hypothèse que les transforma�ons récentes qui

Réseaux de transport et mobilités en Afrique du Sud : vers une normalisation des villes post-apartheid ?

Solène BafUniversité Paris I Panthéon-Sorbonne, UMR Géographie-Cités 8504

présentationchercheursdes

financés en 2016

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Lesedi #19 | Lettre d’information de l’IFAS Recherche | avril 2016 19

Le moyen mobile de la vision : Une ethnographie de l’itinérance de «blackness » au Cap

Chloé FauxEHESS - Paris

Formellement, dans les études sur la migra�on, la voie suivie est souvent privilégiée par rapport à son contenu; ce qui se passe entre les deux est subordonné. Comment pouvons-nous combler ce qui est sec�onné entre parenthèses - i�nérance, mouvement lui-même - avec densité? Une ethnographie de l'i�nérance nécessite la prise en compte de la façon dans laquelle « la biographie » et « la géographie » circulent autour et/ou fusionnent des itéra�ons différentes du « migrant» et du « cosmopolite », non seulement des figures administra�ves à discipliner par des régimes frontaliers concurrents, mais aussi des sujets incarnés qui affectent et qui sont affectés par leurs

environnements. Ils construisent leur propres géographies sensorielles sans que la géographie au sens « propre » du terme soit complètement démantelée.

Ma thèse vise à étudier l'i�nérance sous l'angle humain—figuré et incarné, en focalisant sur des convergences des i�néraires de « blackness » en Afrique du Sud, au Cap en par�culier, où plusieurs « pièges » de la « géographie » en tant que « force disciplinaire sur le sujet » (Rogoff 2010) sont à la fois mises en scène et mises en ques�on. Le Cap, la colonie du Cap à la base, a été la première colonie européenne en Afrique du Sud et sa construc�on

affectent la ville du Cap, aussi bien en termes de planifica�on que de pra�ques citadines, ne correspondent plus uniquement à la ges�on de l'héritage d'apartheid à travers l'adop�on de modèle urbains imposés par le haut mais témoignent de l'adop�on de nouveaux modèles de développement par la société sud-africaine, voire à la produc�on de modèles originaux.

La diversifica�on de l'offre de transport et le report modal d'une par�e de la popula�on motorisée vers les transports publics me semblent représenta�fs d'un processus de normalisa�on de la société urbaine sud-africaine. Dans ce cadre, j'ai recours notamment aux travaux de J. Robinson portant sur les « ordinary ci�es » (2002). La chercheuse sud-africaine propose de considérer les villes ordinaires comme autant d'espaces originaux où le fait urbain présente des caractéris�ques propres. Ce changement de paradigme revêt une accep�on supplémentaire en Afrique du Sud, où la normalisa�on induite par le modèle des villes ordinaires traduit le dépassement d'un héritage socio-spa�al à bien des égards anormal.

Appliquée au secteur des transports, la grille de lecture de la normalisa�on permet d'appréhender le passage d'un idéal où l'ensemble des individus exclus ont accès aux transports en commun, vers un idéal de ville où l'ensemble des citadins a accès aux transports en commun. C'est ce changement de concep�on et de pra�que de l'espace urbain sud-africain que je souhaite observer et analyser dans le cadre de mes recherches post-doctorales.

Références :

Baffi S. (2012). « Pra�que d'une métropole émergente par les usagers des transports en commun, le cas du Cap, Afrique du Sud ». EchoGéo, n° 21.

Robinson J. (2002). « Global and world ci�es : a view from off the map ». Interna�onal Journal of Urban and Regional Research, vol. 26, n° 3, pp. 531-554.

Sassen S. (1991). The Global City : New York, London, Tokyo. Princeton : Princeton University Press, 397 p.

Turok I. (2001). « Persistant polariza�on Post-apartheid ? Progress towards urban integra�on in Cape Town ». Urban Studies, vol. 38, n° 13, pp. 2349-2377.

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présentation des chercheurs

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comprend une série de migra�ons volontaires et fo rc ées . D es m o d es d e d o m in a� o n et d e discrimina�on ont abou� à la délimita�on formalisée et systéma�sée des différents ensembles de l'humanité. L'apartheid est ce que Stephen Collier appelle un « régime de vie » c'est-à-dire « une configura�on provisoire et située des éléments norma�fs, techniques et poli�ques qui sont mis en alignement dans des situa�ons qui présentent des problèmes éthiques - c'est-à-dire des situa�ons dans lesquelles la ques�on du «comment vivre» est posée » (Collier 2008: 23). « La vie nue » (cf Agamben 1998) a été imagée et imaginée par des moyens chroma�ques et épidermiques (cf. Fanon 2015), mais aussi discursif, par lequel le statut des «blancs onoraires » a été accordé aux Chinois et où les Indiens sont devenus « noirs », pour produire des configura�ons socio-poli�ques de la vie viable et re m p l a ça b l e / m a rg i n a l e . A u j o u rd ' h u i , c e s stra�fica�ons sont encore très visibles et sont encore aggravées par une nouvelle série de migra�ons des Sud-Africains blancs rapatriés, des Blancs de colonies africaines désormais « indépendantes », une diaspora renouvelée du sous-con�nent indien, les Africains noirs en provenance du reste du con�nent, les touristes, ceux qu'on appelle des « producteurs culturels », les « professionnels mobiles » et « intellectuels étrangers » du reste du monde.

Lors d'une enquête préliminaire financée par l'Ins�tut Français d'Afrique de Sud, Blade, un chauffeur de taxi du Congo-Brazzaville, m'a dit, en ce qui concerne la rela�on entre les Blancs et les Noirs : «Les Africains ont changé l'Afrique du Sud ». Il faisait allusion à la façon dont le présence de corps noirs « d'ailleurs», dans leurs ar�cula�ons différentes et différenciées, ouvrent une nouvelle pale�e de significa�ons et les ar�cula�ons de la "négritude" qui modifient les règles de la socialité. Qu'est-ce qu'une focalisa�on sur des « émergences » (Stewart, 2007) ou des itéra�ons de « blackness » en Afrique du Sud nous disent à propos du sens socio-culturel de l'appartenance, où « l'intégra�on » n'est plus seulement une ques�on purement poli�que ou légale, mais un rapport entre le corps et son environnement. L'enquête se déroulera parmi ceux qui sont traités de « migrants » - demandeurs d'asile somaliens, femmes de ménage malawiennes, des commerçants en provenance du Zimbabwe, et ceux qu'on appelle des « expatriés » - un citoyen belge avec un père congolais et une mère malgache, un touriste

américain, une anthropologue franco-américaine aux origines sierra-léonaises et gambiennes, parmi d'autres. Comment ces assemblages perturbent-ils ou convergent-ils avec une op�que « post -apartheid » de la transforma�on, à travers laquelle les hiérarchies des mobilités sociales et spa�ales en Afrique du Sud sont facilement (ou bien par réflexe) compris? «La pauvreté », « la vulnérabilité » et « la xénophobie » semblent être des catégories analy�ques surdéterminées et inextricablement liées (Williams 2015) – ainsi que l'alibi anthropologique « du culturel » (Morris 2007: 382) pour « lire » des mouvements des «Afr ica ins étrangers » - makwerekwere, provenant d'autres par�es du con�nent. Certes, il existe des paramètres définis par des agents de l 'État, suivant une « logique d'ensembles délimités » (Gua�ari 1995), mais ces paramètres sont affectés par les modes incarnés de l'accumula�on, de l'inven�on, et la traduc�on, qui par�cipent également à la structura�on de l'environnement, au niveau technique, écologique ou linguis�que.

Sources bibliographiques

AGAMBEN,G. Homo Sacer: le pouvoir souverain et la vie nue, Le Seuil, Paris, 1998

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Anthropologue, réalisatrice de documentaires et actuellement enseignante à l'université Lyon 2, Alice Aterianus-Owanga a consacré une large par�e de ses recherches aux construc�ons iden�taires en œuvre autour des musiques ou des danses urbaines en Afrique, en s'intéressant par�culièrement aux représenta�ons de l'africanité et aux panafricanismes qui se fabriquent dans le sillon du hip-hop. Elle a réalisé une thèse de doctorat en anthropologie (soutenue en décembre 2013 à l'université Lyon 2) qui traitait de l'appropria�on du rap au Gabon, et qui se basait sur une ethnographie de plusieurs années. Par la suite, elle a poursuivi des perspec�ves historiques ouvertes dans sa thèse, en réalisant une recherche postdoctorale d'une année au sein du Labex CAP et du LAHIC/IIAC (Paris). Elle a travaillé sur les patrimonialisa�ons des sociétés ini�a�ques induites par les créa�ons des musiciens gabonais dit « modernes » et par leurs circula�ons dans les marchés interna�onaux de la musique. Grâce à une alloca�on de l'APRAS (Associa�on pour la recherche en anthropologie sociale), elle a aussi consacré une par�e de son travail à l 'ambivalence entre marchandisa�on de l'africanité et élan panafricaniste qui s'observe dans les œuvres de ces musiciens de différentes périodes.

C'est dans le cadre de ce�e démarche historique qu'elle a commencé à s'intéresser aux fes�vals

panafricains qui se sont tenus sur le con�nent après les indépendances, à la place qu'ils ont exercée pour la représenta�on de l'africanité dans les arts, et aux acteurs ou projets culturels qui se chargent aujourd'hui, en différents lieux, de construire une mémoire autour de ces événements. Parmi ceux-ci,

Archives panafricaines :Anthropologie historique du panafricanisme en Afrique du Sud

Alice Aterianus-OwangaUniversité Lyon II

présentation des chercheurs

COLLIER, S.J 2008. On Regimes of Living. In Global Assemblages: Technology, Poli�cs, and Ethics as Anthropological Problems. Eds. Collier, SJ and Ong, A. London: Wiley.

FANON F. 2015. Peau noire, masque blanc. Paris: Points essais.

MORRIS, R. 2007. Legacies of Derrida: Annual Review of Anthropology. 36: 355-389.

ROGOFF, I. 2010. Exhausted Geographies [Video fi l e ] . ( 2 0 1 0 , A u g u s t 2 3 ) . R e t r i e v e d f r o m h�ps://www.youtube.com/watch?v=PJOP9l0_nbI.

STEWART, K. 2007. Ordinary Affects. Durham: Duke University Press.

WILLIAMS, J. Poor Men with Money: On the Poli�cs of Not Studying the Poorest of the Poor in Urban South Africa. Cultural Anthropology. 56 (11): S24-S32

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d e s a s s o c i a� o n s s u d - a f r i ca i n e s o e u v re nt actuellement pour la mémoire et la diffusion de la pensée panafricaine, au travers de plateformes d'archives en ligne, de performances ar�s�ques, ou de rencontres culturelles. Inspirée par ces observa�ons, la nouvelle recherche d'Alice Aterianus-Owanga propose d'examiner les modalités de produc�on, d'expression et de réinven�on du panafricanisme qui s'élaborent au travers de plusieurs sites, acteurs et associa�ons culturelles sud-africaines contemporaines. Elle se penchera pour ce faire sur l'une des principales ins�tu�ons qui collecte et poursuit l'histoire panafricaine sur le con�nent : le projet Chimurenga, basé à Cape Town. Au travers d'une anthropologie des archives, elle examinera d'abord l'une des principales collec�ons du fonds d'archives de Chimurenga, celle collectée et mise en ligne à propos du Fes�val of Black Arts and Culture (FESTAC) de Lagos. Ce fes�val culturel tenu en 1977 marqua un tournant, à la fois pour la pensée panafricaine, la construc�on des États africains et la mise en place de marchés de l'art africain. En travaillant sur les archives de Chimurenga, il s'agira d'approfondir la connaissance de ce fes�val charnière

dans l'histoire du panafricanisme, et de comprendre l'usage des archives de cet événement.

D'autre part, sa recherche s'intéressera aux ac�ons culturelles et ar�s�ques qui sont actuellement développées autour de l'idée panafricaniste à Johannesburg et Cape Town. En suivant les ac�vités développées par des ar�stes et des fes�vals musicaux se revendiquant du panafricanisme, elle réfléchira aux héritages et réinven�ons de ce mouvement dans l'Afrique du Sud contemporaine.

Menée à par�r d'une démarche ethnographique et d'anthropologie historique, ce�e étude contribuera ainsi à la connaissance de ce mouvement poli�que, culturel et idéologique majeur que cons�tue le panafricanisme, elle améliorera la compréhension des images de l'africanité développées au travers des a r t s e t d e s fe s� va l s c u l t u re l s d e p u i s l e s indépendances, et elle éclairera les enjeux et orienta�ons que prend le projet panafricain dans le contexte sud-africain contemporain.

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conférences séminaires&

Les Steve Biko conférences en philosophie

L'objec�f de ce�e série de conférences est d'interroger la cri�que de la modernité du point de vue épistémique, telle que la vie et la pensée de Steve Biko la représentent et la symbolisent. Les six intervenants de la Chaire de Philosophie aborderont des thèmes directement liés à la situa�on poli�que et culturelle d’une société postcoloniale et postapartheid comme l'Afrique du Sud ; situa�on excep�onnelle qui apporte un éclairage sur les limites de la modernité.

Série de conférences organisé par le Centre pour la phénoménologie en Afrique du Sud, l'Ins�tut français d'Afrique du Sud, le Centre d'études indiennes en Afrique et avec le sou�en de la Fonda�on Steve Biko.

Ÿ Some Philosophical Reflec�ons on Why the Global Fight Against Racism Has FailedRobert Bernasconi, Penn State University

Discutants : Abraham Olivier, Université de Fort Hare; Zinhle Mncube, UJ

18 février 2016 - 13.00 – 16.00Madibeng Bdg., Université de Johannesburg

Ÿ Poli�cs and Passions: the Stakes of DemocracyChantal Mouffe, Université de Westminster

Discutants : Shireen Hassim, Wits; Peter Hudson, Wits

10 mars 2016 - 13.00 – 16.00Madibeng Bdg., Université de Johannesburg

Ÿ S�ll Hoping for a Revolu�onGayatri Chakravorty Spivak, Université de Columbia

Discutants : Achille Mbembe, Wits Ins�tute for Social and Economic Research; Srila Roy, Wits

21 juillet 2016 - 13.00 - 16.00Madibeng Bdg., Université de Johannesburg

Ÿ Title TBAAlain Badiou, ENS

Discutants : Catherine Botha, UJ; Rafael Winkler, UJ

14 novembre 2016 - 13.00 – 16.00Madibeng Bdg., Université de Johannesburg

East and South Africa from an Achaeological Perspec�ve 1�� séminaire archéologique bilatéral – 2016(USR 3336 : UMIFRE 24 de Nairobi, UMIFRE 25 de Johannesburg)

Early hominins, past interac�ons and current recons�tu�ons in the southern and eastern African cradles

22 avril 2016Ins�tut Français d’Afrique du Sud

Organisa�on : Jean-Philip Brugal (CNRS, IFRA Nairobi) & Guillaume Porraz (CNRS, IFAS Johannesburg)

The Steve Biko Lecturesin Philosophy2016

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Conférence Internationale

Cuba et l’AfriqueEngagements, circulations et représentationis raciales

23 – 24 mai 2016 The Ins�tute for Humani�es in Africa (HUMA), University of Cape Town, Republic of South Africa

En Septembre 2012, la 4ème rencontre « Solidarité africaine avec Cuba » se tenait à l'Union Africaine à Addis-Abeba, Ethiopie. 27 pays africains étaient r e p r é s e n t é s p a r d e s a m b a s s a d e u r s , d e s professionnels, des associa�ons et des militants, qui ont déba�u pendant deux jours avec une déléga�on cubaine au rythme de phrases telles « Viva Fidel ! », « Cuba estamos con�go ! ». Les délégués discutèrent des lu�es communes, des sanc�ons sur Cuba, du sort des « cinq cubains » retenus aux Etats-Unis, et du développement conjoint de Cuba et des pays

africains. De quoi ce�e mise en scène de la solidarité est-elle le reflet ? D'un interna�onalisme cubain qu'on pensait anachronique ? D'un panafricanisme n o u r r i a u c r e u s e t d u m a r x i s m e ? D ' u n développementalisme soutenu par des poli�ques de collabora�on ? De solidarités Sud-Sud renouvelées ? (Adams 1981, Adi 2014, Falk 1987, Gleijeses 1996). Il faudrait pour répondre revenir sur les histoires, les représenta�ons et les pra�ques qui ont accompagné, transformé ou influencé les rela�ons entre Cuba et l'Afrique. Ce�e première rencontre a comme objec�f de prendre l 'ampleur de ces engagements mul�formes entre Cuba et de nombreux pays en Afrique.

Les contours d'un « panafricanisme cubain »

Nos réflexes d'historiographies na�onales, pas moins prégnants dans l'Afrique des indépendances, et nos approches par aires culturelles semblent avoir empêché de considérer l'ampleur de l'engagement de Cuba en Afrique au 20ème siècle. Il s'agit donc, dans un premier temps, de me�re bout à bout les domaines concernés par ce�e « coopéra�on » aux mul�ples dimensions. Militaire, comme dans le cas excep�onnel de l'Angola, avec le débarquement de plusieurs dizaines de milliers de soldats cubains dans les années 70 et 80, qui modifia drama�quement, défini�vement, les rapports de forces en Afrique australe, de Luanda à Pretoria (voir Piero Gleijeses 2002 et 2013). Médicale, sur une grande par�e du territoire con�nental, que ce soit lors de crises par�culières ou, plus régulièrement, pour former des médecins locaux. Educa�ve donc, avec les forma�ons techniques, administra�ves, universitaires, sur place et souvent à la Havane, d'un grand nombre de jeunes et de professionnels. Culturelle aussi, si l'on entend par là la musique dès le début du 20ème siècle, la danse, le théâtre ou encore ces ballets fondés à l'aube de la révolu�on à Cuba (Hagedorn 2011) et après les

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indépendances en Afrique du l'Ouest (Djebbari 2012), et qui ont largement contribué aux processus de construc�on na�onale. Religieuse enfin, depuis que Cuba est revenue en force en tant que vecteur de tradi�onnalité yoruba, dans une rela�on ambivalente avec le Nigeria (Argyriadis et Capone, 2004, 2011, Gobin, 2014). Il ne s'agit pas tant de proposer un « chiffrage » de ces implica�ons que de fournir, par la mul�plica�on des études de cas, une première vue d'ensemble, transna�onale et con�nentale, de ce qui pourrait être appelé un « panafricanisme cubain ».

Mobilités et circula�ons

Il conviendrait d'interroger ce�e expérience cubaine depuis l'Afrique, et non seulement depuis Cuba. Ce�e autre perspec�ve croise les échelles et les espaces, elle s'a�ache à retracer les circula�ons des idées, des hommes et des biens entre Cuba et des sites et temporalités diverses en Afrique. Aussi, une a�en�on par�culière est donnée aux influences, aux traces, aux mémoires de Cuba en Afrique ainsi qu'aux mémoires d'Afrique à Cuba. Archives, acteurs et mémoires sont situés à La Havane ou San�ago, ainsi qu'à Porto Novo, Luanda, Zanzibar, Addis-Abeba, etc. Les histoires de vie, d'échanges, ou de transferts offrent une épaisseur sociale au cadre transna�onal ou atlan�que des interven�ons militaires, médicales, éduca�ves et culturelles. Ainsi les Cubains ayant par�cipé aux opéra�ons militaires en Afrique ; ou les Africains valorisant leur expérience cubaine une fois rentrés au pays. Les rela�ons entre Cuba et l'Afrique ont également laissé un patrimoine matériel : bâ�ments, monuments dont celui de l'ami�é Ethio-Cubaine (Addis-Abeba), cime�ères militaires, une iconographie (OSPAAAL), une li�érature et un savoir scien�fique. Autant de trajectoires et d'héritages qui perme�ent de cartographier les mobilités et les circula�ons fondatrices de la rela�on africano-cubaine.

La fabrique du monde post-racial

« L'apartheid, en réalité, fut universel, et il a duré plusieurs siècles »¹. Explicites à plus d'une reprise, les

propos des autorités cubaines, comme ici ceux de Fidel Castro devant le parlement sud-africain en 1998, ont désigné le racisme comme l'un, sinon le premier de leurs ennemis. Ce discours sur la race s'ancre d'abord dans la réalité sociale du Cuba révolu�onnaire (de la Fuente 2001), dans les tensions qui y naissent (Moore 2008, Rodriguez 2004, Nunez Gonzales 2011), puis dans le combat avec les Etats-Unis (Moore 1989). Il prend un relief par�culier lorsqu'on considère les représenta�ons précédant ou naissant des rela�ons entre Cuba et l'Afrique. L 'enchevêtrement du racial isme et de son dépassement, le non-racialisme, propre à la Cuba révolu�onnaire, avec ses réussites et ses échecs, représente une éthique et un impéra�f catégorique qui ont nourri et qui se sont nourri de l'engagement cubain en Afrique. Il s'agit aujourd'hui d'évaluer la charge idéologique des discours, et d'iden�fier les usages et les enjeux de la « race » dans les rela�ons entre Cuba et l'Afrique.

Interroger les mobilités, les rela�ons et le travail de la « race » entre Cuba et l'Afrique me�ent à jour une histoire atlan�que par excellence, à la fois forte de ses implanta�ons locales, et per�nente dans sa globalité.

Comité scien�fique Kali Argyriadis (URMIS, IRD) Belete Bezuneh Yehun (Addis Ababa University) Giulia Bonacci (URMIS, IRD) Adrien Delmas (IFAS) Piero Gleijeses (John Hopkins University) Shamil Jeppie (HUMA, University of Cape Town)Antonio Tomás (Stellenbosch University) Pablo Rodriguez Ruiz (Ins�tuto Cubano de Antropologia) Organisateurs URMIS (Unité de recherche Migra�ons et Société, UMR205) IFAS - Ins�tut français d'Afrique du Sud (UMIFRE 25, USR 3336)

conférences & séminaires

¹ Hedelberto López, Blanch, Cuba Pequeño gigante contra el Apartheid, Casa Editora Abril, Havana, 2008: 30.

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Workshop : George McCall Theal and South Africa’s past

27 mai 2016 University of Cape Town

Le travail de Georges Mac Theal a trop longtemps été c o n s i d é r é c o m m e é t a n t c o l o n i a l , r a c i s t e e t p a r conséquent, sans aucune valeur. Ce travail a pourtant été de première importance en termes de catégorisa�on et de représenta�on du Sud et du passé de l'Afrique australe.

Theal a défini les principales périodes de l'histoire de la région, périodes encore u�lisées aujourd'hui et, en écrivant une histoire na�onale, il a conçu un cadre géographique qu'il considérait per�nent sur un tel passé. Dans le contexte de ce�e époque, Theal fut un pionnier dans bien des champs, y compris celui l'histoire orale, l'étude des peintures rupestres et la publica�on de documents originaux. Sa trajectoire dans les archives de la colonie du Cap et d'Europe,

ainsi que la publica�on de ses nombreux volumes indiquent qu'il avait une vision élargie du passé de la région.

L'approche du centenaire de sa dispari�on est l'occasion de reconsidérer son héritage. Autour de trois probléma�ques, ce workshop entend explorer :

Ÿ Les ou�ls de Theal : comment a-t-il appréhendé des champs tels que l'histoire orale, l'art rupestre, la linguis�que et l'archéologie ? Quel est, au sens large, le contexte intellectuel de ces champs et de quelle manière s'inscrit son travail dans ce contexte ?

Ÿ Les résultats de Theal : quelles ont été ses stratégies de publ ica�on (col lec�on de documents, recueils, ouvrages scolaires, etc.) ? Comment est-il parvenu à donner de la cohérence à un projet de construc�on na�onale ?

Ÿ La récep�on de Theal : qui lit les travaux de Theal et quelle fut leur l'influence ?

Organisa�on : Adrien Delmas (IFAS) Chris Saunders (UCT )

French Ins�tute Seminars in Humani�es (FISH)

9 févrierŸ Thibault Dubarry: Pentecostalism and Democracy

in Kayamandi

16 mars Ÿ Robin Gastaldi: South Africa's military deployment

in the DRC: The priva�za�on of a Foreign Policy

6 avrilŸ Alicia Renard: Organisa�on, enjeux et mo�va�ons

du commerce informel d'ar�sanat en Afrique du Sud. Etude de cas à Port-Elizabeth

MaiŸ Solène Baffi: Réseaux et mobilités dans les espaces

périphériques de l'Afrique du Sud post-apartheid

1 juinŸ Frank Gerits: The Ideological Scramble in Africa:

How the Dream of African Development shaped a Con�nental Cold War (1945-1966)

Septembre Ÿ Isabelle Ndiaye : Nature de la poli�que urbaine,

nature de l'Etat : Logiques de légi�ma�on au Botswana

Ÿ Iolanda Vasile : O poder da escrita: (re)escrevendo as lutas de libertação em Angola (1945-1961) [The power of wri�ng: re(wri�ng) the libera�on struggles in Angola (1945-1961) ]

Ÿ Adelphine Bonneau : Characteriza�on and da�ng of rock art in southern Africa

OctobreŸ Gabrielle Hartmann: Censure musicale sous

l'apartheid

NovembreŸ Charlo�e Pelletan : Lu�e contre le Sida et défis de

l'innova�on pharmaceu�que en Afrique du Sud : vers une déclinaison inédite du principe d'accès universel aux an�rétroviraux

Ÿ Alice Aterianus : Anthropologie des archives et de la mémoire du panafricanisme en Afrique du Sud

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Lesedi #19 | Lettre d’information de l’IFAS Recherche | avril 2016 27

Pourquoi, dans la gro�e Chauvet ou dans celle de Lascaux, l'exigence de représenter les animaux a-t-elle été l'impulsion cruciale donnée à la naissance de l'art ? Et pourquoi ces derniers ont-ils régné si longtemps sur la figura�on ? Afin de répondre à ces ques�ons, Renaud Ego met en lumière l'efficacité singulière des images qui furent, pour les hommes, un moyen de nouer un contact avec le monde, mais plus encore, de le réfléchir et d'y agir. Il s'appuie sur l'un des plus beaux arts rupestres, celui des San d'Afrique australe, dont l'iconographie excep�onnelle de ce livre révèle la virtuosité et la splendeur. Pendant plusieurs milliers d'années, ces chasseurs et cueilleurs nomades ont peint ou gravé sur la roche de leurs abris la faune qui partageait leur vie. Certains animaux, telle la plus grande des an�lopes, l'Eland du Cap, y ont été l'objet d'un regard fasciné, comme si leurs corps aux formes et aux parures exubérantes avaient été la clé d'un savoir dont le si troublant silence des bêtes gardait le secret. C'est ce secret que les San ont cherché à leur dérober, dans un geste de capture, dénué de toute violence, mais paré du pres�ge de rendre visible ce qui se cachait. Ils devinrent ainsi cet animal voyant qui, possédant le don des images, allait s'ouvrir à un pouvoir visionnaire. Alors, dans l'inven�on d'un fabuleux bes�aire de créatures fantas�ques, comme dans la composi�on de scènes qui sont des pactes visuels passés avec les puissances ancestrales, ils accédèrent à la dimension spirituelle de leur pleine humanité. Plus qu'une incanta�on, leur art y est une ac�on visant à préserver l'intégrité d'une existence liée à l'harmonie du monde et de tous les êtres, réels ou imaginaires, qui le peuplent.

Renaud Ego est l'un des rares spécialistes français de l'art rupestre d'Afrique australe. L'inven�on du regard et la fabrique des images occupent aussi une place centrale dans son oeuvre de poète et d'écrivain, comme dans La Réalité n'a rien à voir et Une légende des yeux.

2015, Paris, Edi�ons Errance, 285p.ISBN: 978-2877725835

Renaud Ego :L’Animal voyant : Art rupeste d’Afrique australe

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