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Lesedi #16 | Lettre de de l’information de l’IFAS Recherche | Septembre 2013 1 Lettre d’information Institut Français d’Afrique du Sud - Recherche |03| Dossier BRICS |03| Le 5 Forum Académique des BRICS : vers une vision de long terme et de partenariat avec l'Afrique ? - Carolina Milhorance de Castro |11| De l'importance d'une banque BRICS - Christopher Wood |12| Une nouvelle trilogie ? BRICS, infrastructures et développement sur le connent africain - Agathe Maupin |20| Actualités Affectaon à l'IFAS de Guillaume Porraz Boursiers longue durée à l’IFAS : projets de recherche |24| Conférences & seminaires The Arts and Cras of Literacy – Manuscript Cultures in Muslim Sub-Saharan Africa Conférence sur les élecons générales en Afrique du Sud Symposium de clôture du programme XenafPol Book History Seminars Global History Workshop FISH - French Instute Seminars in Humanies |27| Publications Les Voyages de l'écrit. Culture écrite et expansion européenne à l'époque moderne : essais sur la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales - Adrien Delmas Sounding the Cape. Music, Identy and Polics in South Africa - Denis-Constant Marn Photo: GCIS

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Lettre d'information - Institut Français d'Afrique du Sud (IFAS-Recherche)

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Lesedi #16 | Lettre de de l’information de l’IFAS Recherche | Septembre 2013 1

Lettre d’information Institut Français d’Afrique du Sud - Recherche

|03| Dossier BRICS

|03| Le 5��� Forum Académique des BRICS : vers une vision de long terme et de partenariat avec l'Afrique ?- Carolina Milhorance de Castro

|11| De l'importance d'une banque BRICS - Christopher Wood

|12| Une nouvelle trilogie ? BRICS, infrastructures et développement sur le con�nent africain- Agathe Maupin

|20| Actualités

Affecta�on à l'IFAS de Guillaume Porraz

Boursiers longue durée à l’IFAS : projets de recherche

|24| Conférences & seminaires

The Arts and Cra�s of Literacy – Manuscript Cultures in Muslim Sub-Saharan Africa

Conférence sur les élec�ons générales en Afrique du Sud

Symposium de clôture du programme XenafPol

Book History Seminars

Global History Workshop

FISH - French Ins�tute Seminars in Humani�es

|27| Publications

Les Voyages de l'écrit. Culture écrite et expansion européenne à l'époque moderne : essais sur la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales - Adrien Delmas

Sounding the Cape. Music, Iden�ty and Poli�cs in South Africa - Denis-Constant Mar�n

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2 Lesedi #16 | Lettre de de l’information de l’IFAS Recherche | Septembre 2013

Ÿ Adrien Delmas - Directeur Scientifique Ÿ Guillaume Porraz - Chargé de Recherches, CNRSŸ Laurent Chauvet - TraducteurŸ Werner Prinsloo - Graphisme, Site Web, Gestion InformatiqueŸ Victor Magnani - Chargé de projet Recherche / Communication Ÿ Dostin Lakika - Secrétaire à la Recherche

Les opinions et points de vues exprimés ici relèvent de la seule responsabilité de leurs auteurs.

Lesedi: terme sesotho qui signifie « connaissance »

L'Institut Français d'Afrique du Sud, créé en 1995 à Johannesburg, dépend du Ministère des Affaires Étrangères. Sa mission est d'assurer la présence culturelle française en Afrique du Sud, et de stimuler et soutenir les travaux universitaires et scientifiques français sur l'Afrique du Sud et l'Afrique australe

l'IFAS-Recherche (UMIFRE 25) est une Unité mixte de recherche CNRS-MAEE, et fait partie de l’USR 3336 « Afrique au sud du Sahara ». Sous l'autorité de son conseil scientifique, l'IFAS-Recherche participe à l'élaboration et la direction de programmes de recherche dans les différentes disciplines des sciences sociales et humaines, en partenariat avec des institutions universitaires ou d'autres organismes de recherche.

L'Institut offre une plate-forme logistique aux étudiants, stagiaires et chercheurs de passage, aide à la publication des résultats de recherche et organise des colloques et conférences.

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Lesedi #16 | Lettre de de l’information de l’IFAS Recherche | Septembre 2013 3

èmeLe 5 Forum Académique des BRICS : vers une vision de long terme et de partenariat avec l'Afrique ?

Doctorante en Science Poli�que à l'Université de Brasilia et au CIRAD. Ses recherches portent sur les coopéra�ons Brésil-Afrique et trilatérales dans le secteur rural. Elle a obtenu une maîtrise en affaires interna�onales (développement durable) de Sciences Po Paris, après avoir obtenu deux licences, une en rela�ons interna�onales à la PUC-Rio, et une autre en biologie / écologie à l'Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ). Elle a connu des expériences professionnelles auprès de l'Organisa�on de coopéra�on et de développement économiques (OCDE), l'Ins�tut du développement durable et des rela�ons interna�onales (IDDRI), la Fonda�on Oswaldo Cruz (FIOCRUZ), et le Fonds brésilien pour la biodiversité (FUNBIO).

L'affirma�on d'un groupe d'économies émergentes est l'un des phénomènes les plus marquants de l'histoire économique récente. La créa�on de «clubs diploma�ques»� entre les États comme les BRICS caractérise les évolu�ons actuelles de la sphère poli�que interna�onale. Ce groupe cons�tue un forum de pays industrialisés, de taille importante et à croissance rapide, ayant une influence significa�ve sur les ques�ons régionales et mondiales. Ils ont assumé une présence ac�ve dans plusieurs contextes mul�latéraux visant à promouvoir des changements norma�fs et opéra�onnels��. Cet effort est le résultat de concerta�ons ini�ées lors des sommets annuels des chefs d'Etat.

Le terme B R I Cs a été inventé en 2001 par l'économiste en chef de Goldman Sachs, dans un document in�tulé “Building Be�er Global Economic BRICs”. Il incluait alors le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine car l'Afrique du Sud n'a rejoint le groupe qu'en 2011. Le concept de « l'émergence » a été essen�ellement considéré comme un phénomène axé sur le marché qui reflète de profonds changements dans la structure de l'économie mondiale ainsi que le choix de la « bonne » poli�que économique. Il est considéré comme un phénomène mul�dimens ionnel , le produi t d 'é léments économiques, socio-poli�ques et iden�taires���. La permanence du groupe a légi�mé a posteriori sa cohérence conceptuelle��.

Le cinquième Sommet des BRICS s'est tenu les 26 et 27 Mars 2013 à Durban, en Afrique du Sud. La rencontre qui a réuni les chefs d'Etats des pays émergents (le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud) avait lieu pour la première fois sur le sol africain. Les leaders exprimaient leurs avis autour du thème « BRICS et Afrique - Partenariat pour le développement, l'intégra�on et l'industrialisa�on ». L'ordre du jour affichait des objec�fs ambi�eux : la promo�on du développement et la réforme des ins�tu�ons mul�latérales. La déclara�on finale de eThekwini a réaffirmé le compromis du groupe avec la p r o m o � o n d u d r o i t i n t e r n a � o n a l e t d u mul�latéralisme, ainsi que de la stabilité mondiale, le développement et la coopéra�on, fondés sur une approche inclusive. Le Sommet a réuni les leaders des pays qui représentent près de 40% de la popula�on mondiale, près de 30% de la surface des terres et qui produisent actuellement une par�e du PIB mondial (PPP) qui a augmenté de 16% en 2000 à près de 25% en 2010�.

Au cours du Sommet, l 'une des principales discussions a concerné le lancement officiel des négocia�ons pour la créa�on d'une banque de développement, afin de financer des infrastructures et l'industrialisa�on dans les BRICS et dans d'autres pays en développement, en par�culier sur le con�nent africain. Ce�e banque servira d'ins�tu�on financière partageant la façon dont les pays émergents considèrent le développement, mais ne

Carolina Milhorance de Castro

dossierBRICS

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sera pas vraiment un contrepoids à la Banque mondiale et au FMI. Les dirigeants ont également décidé de cons�tuer un filet de sécurité financière en créant un Fonds de réserve (Con�ngent Reserve Arrangement - CRA) entre les pays BRICS, des�né à an�ciper les pressions sur les liquidités à court terme et de renforcer la stabilité financière. Ce fonds d'urgence, avec une dota�on ini�ale de 100 milliards de dollars, comme convenu par les États membres, n'a pas été détaillé davantage. En outre, ils ont signé des accords de coopéra�on, y compris l'Accord mul�latéral sur la coopéra�on et le co-financement pour le développement durable, et l'Accord mul�latéral sur le cofinancement d'infrastructures en Afrique.

A ce�e occasion, le nouveau président chinois, XI Jinping, a par�cipé à Durban à sa première grande réunion mul�latérale avant d'entamer une longue tournée africaine. D'autres pays africains s'y sont également rendus, notamment lors du Dialogue entre les dirigeants des BRICS et d'Afrique, le 27 mars. Parmi les par�cipants invités à ce Dialogue, on peut citer les présidents de l'Union Africaine (UA), de la Commission de l'UA, du NEPAD et des leaders représentant les Communautés économiques régionales. Ces réunions concré�saient une voie de discussion entre les membres des BRICS et d'autres Etats en développement, ainsi que des organisa�ons régionales. Elles ont été précédées des forums entrepreneuriale et académique où, selon la diploma�e brésilienne, sont créées les condi�ons pour la coopéra�on et les affaires. Des résultats concrets sont issus de ces arènes, comme la créa�on d'un Conseil entrepreneurial des BRICS et d'un Conseil de Think Tanks. Ces réunions, notamment le Forum académique, visaient à formuler des recommanda�ons et une vision à long terme pour le sommet des chefs d'Etat.

Que disent les universitaires ?

Le Forum Académique des BRICS accueilli par la Durban University of Technology (D U T), le Department of Higher Educa�on and Training (DHET), le Department of Interna�onal Rela�ons and Coopera�on (DIRCO), et le Higher Educa�on South Africa (HESA), envisageait d'approfondir l'interac�on dans les milieux de la recherche et de formuler des recommanda�ons à présenter aux dirigeants lors du

sommet du 26-27 mars 2013. Les par�cipants étaient re g ro u p é s d a n s d e s t h i n k ta n k s l i é s a u x gouvernements des cinq pays et impliqués dans la formula�on de poli�ques publiques. Un nombre plus restreint d'organisa�ons de la société civile et d'autres ins�tu�ons de recherche ont intégré les déléga�ons non-officielles des pays. Ce dernier a également bénéficié de la présence solennelle des ministres sud-africains des Affaires étrangères, Mme Maite Nkoana-Mashabane, et de l'Educa�on supérieure, Dr B. E. Nzimande.

Les débats étaient organisés en sessions plénières suivies de discussions parallèles abordant cinq théma�ques : le rôle des BRICS dans l'économie mondiale, la réforme des ins�tu�ons de gouvernance globale, la coopéra�on avec l'Afrique, l'éduca�on et la recherche pour l'industrialisa�on des économies, ainsi que la théma�que de la paix et de la sécurité. La déclara�on finale – lue par le Dr Siphamandla Zondi, directeur de l'Ins�tute for Global Dialogue, et signée par les chefs de chaque déléga�on – n'a pas été rédigée sans difficulté, ce qui a démontré les différences de perspec�ves des déléga�ons présentes. Ce�e déclara�on s�pule que le forum a matérialisé les aspira�ons des pays à consolider les partenariats des uns avec les autres, mais aussi avec les marchés émergents et des pays en voie de développement, afin de renforcer les trajectoires de développement, promouvoir l' intégra�on et l'industrialisa�on. Les recommanda�ons, également partagées entre les théma�ques retenues, comprennent :

1 - Les BRICS et l ’économie globale: Les BRICS pourraient faciliter la coopéra�on dans le domaine du commerce, en par�culier pour les biens et les services. Ils devraient entreprendre des discussions sur la faisabilité de l'implanta�on d'accords commerciaux préféren�els entre eux ainsi que renforcer la coopéra�on financière en établissant une banque du développement des BRICS et en créant des mécanismes pour gérer la vola�lité du marché monétaire global.

2 - La réforme des ins�tu�ons de gouvernance globale:Les objec�fs du groupe sont la réforme des ins�tu�ons mul�latérales globales, en tentant notamment de les rendre plus démocra�ques,

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re p ré s e nta� ve s e t responsables. Ainsi, les B R I C S p o u r r a i e n t s ' effo rc e r d e fa i re entendre leur voix et p r o m o u v o i r l a représenta�on des économies émergentes et des pays en voie de développement dans d e s f o r u m s m u l � l a t é ra u x . L e s B R I C S d e v r a i e n t explorer ac�vement d e s p a r t e n a r i a t s i n n o v a n t s e t complémentaires pour un développement équitable et durable. Enfin, la créa�on d'un Forum parlementaire pourrait intensifier l'interac�on poli�que.

3 - La coopéra�on avec l ’Afrique: Les BRICS devraient reconnaître la valeur de la diversité et des expériences présentes dans les histoires respec�ves, de leur propre pays et des pays africains. Ceci inclurait la poursuite d'une coopéra�on approfondie avec l'Union africaine, prenant en compte les priorités africaines, en par�culier l'intégra�on régionale.

4 - La forma�on, la recherche et le développent de compétences pour l ’élabora�on d'économies industrialisées: Les BRICS devraient intensifier leur sou�en à la collabora�on académique. Ceci inclut la valorisa�on des langues locales et des pra�ques culturelles. Les BRICS pourraient envisager la créa�on d'une agence indépendante de nota�on des écoles et des universités dans leurs pays. Le Forum propose en outre l'établissement d'une banque de données primaires sur les cinq pays, ainsi qu'une plateforme numérique comprenant des informa�ons détaillées sur les chercheurs et les ins�tu�ons travaillant sur des ques�ons rela�ves aux BRICS.

5 - Paix et sécurité :Les BRICS devraient con�nuer de promouvoir la centralité des Na�ons Unies, et être plus ac�fs dans la promo�on de solu�ons pacifiques en cas de conflits.

Des préoccupa�ons communes de sécurité c o m m e l ' e a u , l ' a l i m e n t a � o n , l 'environnement, la santé et la prépara�on aux désastres doivent con�nuer d'être un point focal. Les BRICS d e v r a i e n t a u s s i promouvoir l 'usage pacifique de l'espace et u�liser leur puissance r e l a � v e d a n s l e s s i tua�ons de post-conflit, sous l'égide des N a � o n s U n i e s . C e p e n d a n t , l e s

par�cipants n'ont pas évoqué certaines ques�ons polémiques telles que la situa�on en Syrie.

Concrètement, la réunion des Think Tanks, qui s'est tenue les 8 et 9 Mars 2013, a contribué à l'établissement d'un Conseil de Think Tanks des BRICS avec le but d'avancer la coopéra�on dans la recherche, le partage de connaissances, la forma�on ainsi que le conseil poli�que. Ce Conseil, composé des ins�tu�ons leaders des déléga�ons, sera en charge de l'organisa�on des prochains forums académiques. Les fonc�ons et modalités addi�onnelles de coopéra�on seront élaborées lors d'une réunion qui se �endra en Octobre 2013. A l'excep�on de la Fonda�on Observer Research (ORF) en Inde, toutes les ins�tu�ons qui composent ce Conseil sont liées directement ou indirectement aux gouvernements des Etats : l'Ins�tut de recherche économique appliquée (IPEA, Brésil) ; le Comité na�onal de recherche sur les BRICS (BRICS/NRC, Russie) ; le Centre chinois pour les études interna�onales contemporaines (CCCWS, Chine) ; et le Conseil de recherche en sciences humaines (HSRC, Afrique du Sud).

Plutôt un club qu'un forum, la rencontre académique est parvenue à me�re d'accord les différents représentants sur des projets communs, notamment en ce qui concerne l'objec�f de réforme des ins�tu�ons mul�latérales et financières, sur l'intérêt à promouvoir davantage les interac�ons et à approfondir les connaissances entre les pays. En effet, un partage plus efficace d'informa�ons dans le

DURBANSOUTH AFRICA

2013

dossier BRICS

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groupe est vu comme un premier pas dans la possibilité de formula�ons de stratégies communes. Réformer les ins�tu�ons de Bre�on Woods (la Banque mondiale, le FMI et la Sociéte financière interna�onale) est considérée comme l'une des priorités du groupe. L'Organisa�on mondiale du commerce (OMC) est également mise à l'écart des préoccupa�ons des pays émergents��. Dans la Déclara�on de Delhi, le vœu d'une architecture financière interna�onale plus représenta�ve avait déjà été formulé. Dans ce contexte, le sou�en manifesté par les BRICS et les pays africains à l'élec�on du diplomate brésilien Roberto Azevêdo à la tête de l'organisa�on peut être considéré comme un résultat posi�f de ces réunions et coali�ons.

Enfin, la rela�on des BRICS avec l'Afrique, source d'une grande couverture média�que et de divergences d'opinions en termes de contribu�on pour l'actuelle transforma�on sociale et économique du con�nent, pose une série de ques�ons qui seront abordées dans les par�es suivantes.

Les BRICS et l'Afrique

Les termes du débat

L'intérêt commun quant à un approfondissement de l'engagement et de la coopéra�on avec d'autres pays du monde émergent et en développement, ainsi qu'avec les organisa�ons interna�onales et régionales, était prévu dans la Déclara�on de Sanya (2012) et a été évoqué lors de toutes les réunions, y compris lors du sommet des chefs d'Etats���. L'organisa�on du dialogue entre les dirigeants africains et les BRICS, sous le thème « Débloquer le poten�el de l'Afrique » a renforcé ces discours. A ce�e occasion, le président chinois Xi Jinping a affirmé que le système de gouvernance globale faiblirait sans la par�cipa�on de l'Afrique.

Ces déclara�ons et ini�a�ves de réunions ont été comparées par les médias avec la « ruée vers l'Afrique », lorsque les Européens ont colonisé le con�nent à la fin du XIXe siècle����. L'assaut sur les ma�ères premières et l'accaparement des terres faisaient par�es des ques�ons fréquemment posées lors de la couverture du Sommet de Durban��. Certains auteurs a�rent l'a�en�on sur l'idée que la

demande croissante de ma�ères premières, y compris alimentaires, des pays émergents exerce un effet de « retour des techniques » au profit du secteur ren�er. Néanmoins, on ne se fait guère d’illusions sur un possible traitement néocolonial de l'Afrique, étant donné le contexte économique actuel avec les prix élevés des ma�ères premières et un marché africain en plein essor�.

La présence chinoise est la plus controversée, en par�culier dans les médias, car la coopéra�on chinoise et ses pra�ques d'inves�ssements en Afrique ne sont pas considérées – par certains auteurs et dirigeants – comme conformes aux normes interna�onales de la transparence et de la bonne gouvernance��. Au point que la représentante du think tank China Centre for Contemporary World Studies a considéré qu'il existait une sorte de « sinophobie ». Néanmoins, ces ques�ons n'ont pas ou n'ont été que superficiellement traitées lors du forum académique. D'autres ques�ons comme les modèles de développement adoptés n'ont pas non plus été abordées.

Les sessions plénières et parallèles se sont limitées à une présenta�on des principales lignes d'ac�on de chaque pays dans le cadre de leur coopéra�on avec l'Afrique, en soulignant les aspects communs entre eux, comme les rela�ons historiques et la coopéra�on horizontale, mais pas nécessairement les lignes d'ac�ons conjointes des BRICS envers l'Afrique. Des divergences ont été mises en avant lors d'une interven�on provocatrice d'un représentant de la déléga�on brésilienne qui ques�onnait les raisons de cet intérêt soudain des BRICS pour l'Afrique. Cependant ni les défis, ni les cri�ques de ce�e rela�on n'ont été approfondis. Ils ont d'ailleurs été étouffés par les déclara�ons poli�ques, selon lesquelles les cri�ques contre le groupe des BRICS manquent d'apprécia�on sur l'importance de la mul�polar i té pour le bon fonc�onnement géopoli�que du système interna�onal.

Dans le domaine de la coopéra�on des BRICS avec les pays africains, le groupe n'a toujours pas ce que l'on pourrait appeler une poli�que africaine. Le principal point d'accord entre les déléga�ons porte sur la priorité de considérer l'Afrique comme un con�nent, même si ses voix et ses caractéris�ques sont assez diverses. Il s'agit ainsi de soutenir le processus

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d'intégra�on régionale notamment à travers l'Union Africaine. En conséquence, ce�e ins�tu�on est considérée comme l'un des plus importants interlocuteurs des BRICS sur le con�nent africain.

Les convergences d'un groupe hétérogène

Les déléga�ons académiques ainsi que celles des chefs d'Etat des BRICS étaient d'accord pour appuyer, dans le cadre du NEPAD, l'industrialisa�on des pays africains à travers la promo�on des inves�ssements, le partage de connaissances, le renforcement des capacités et la diversifica�on des importa�ons. Les déléga�ons académiques suggèrent également la promo�on du développement des infrastructures en Afrique avec des bénéfices mutuels pour les BRICS et les pays africains, à travers n o t a m m e n t d e s arrangements financiers préféren�els. En donnant la priorité aux infrastructures, les efforts déjà réalisés par l'Union Africaine ont été reconnus, par exemple dans les cas du Programme pour le développement des infrastructures en Afrique (PIDA), le Plan d'ac�on du N E P A D ( 2 0 1 0 - 2 0 1 5 ) , l'Ini�a�ve présiden�elle pour les infrastructures du NEPAD (PICI), ainsi que les M a s t e r p l a n s d e développement régional des infrastructures���. La possible créa�on d'une banque des BRICS aura dans cet aspect un rôle important, apportant du financement et des prêts concessionnels vers les déficits de financement des infrastructures����. Le rôle de l'Union africaine est également reconnu dans le domaine de la paix et de la sécurité régionale. Cet importance donné à l'agenda du NEPAD était également le résultat des efforts sud-africains de se placer en tant qu'intermediaire des BRICS avec le con�nent africain.

Il semble que ce programme soit principalement axé sur la réforme des ins�tu�ons financières interna�onales, plutôt que sur la défini�on d'un paradigme commun de coopéra�on et de développement des BRICS en direc�on du con�nent africain. En dépit des accords de circonstance lors de la réunion de Busan sur l'efficacité de l'aide (Novembre 2011), nous ne trouvons pas d'ac�on commune des BRICS dans ce domaine. Le Partenariat Mondial pour une Coopéra�on Efficace au service du Développement – incluant à la fois les coopéra�ons Nord-Sud et Sud-Sud – avait été considéré comme le principal résultat de ce Forum. Mais jusqu'à présent, les puissances émergentes ont été peu impliquées dans les négocia�ons, les BRICS étant apparemment plus intéressés par le G20 comme forum de discussion

sur le développement��� ⁺ ��. Cependant, les cinq pays émergents promeuvent des points similaires dans cet agenda :Ÿ Les principes de la Coopéra�on Sud-Sud qui

défendent les no�ons de “partenariats” pour le développement et l’appren�ssage au lieu de “dona�ons” ; les bénéfices mutuels au détriment des condi�onnalités poli�ques.

Ÿ L'importance des échanges commerciaux et

Photo: GCIS

dossier BRICS

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des inves�ssements directs étrangers comme éléments légi�mes du développement.

Ÿ Le partage d'expériences en poli�ques publiques avec les pays à bas revenus dans des domaines divers, qui vont de la santé à l'agriculture.

Le discours poli�que s'efforce de jus�fier le rassemblement, qui selon la ministre Nkoana-Mashabane, se compose d'un premier bloc d'histoire commune de lu�e contre la colonisa�on et le sous-

développement selon « l'esprit de Bandung »���; d'un second bloc de défis communs contre les inégalités, la pauvreté et le chômage ; et d'un troisième bloc dirigé par des intérêts par�culiers et qui travaille pour un vrai partenariat avec l'Afrique����. L'esprit de Bandung a été plusieurs fois évoqué dans les discours pendant les différentes interven�ons du Forum, même si ce�e iden�té n'inclut pas la Russie.

L'argument de Bandung présente le groupe comme produit de la guerre froide, avec l'idée poli�que propre aux situa�ons de sous-développement : des projets de développement a�achés avant tout à sor�r de la pauvreté, de la précarité et de la vulnérabilité, à surmonter l'héritage du colonialisme, à desserrer ou à briser les contraintes imposées par le système poli�que interna�onal, par ses ins�tu�ons et, plus encore, par le capitalisme mondial. Néanmoins, selon Andrew Hurrel�����, l'histoire du groupe ne se réduit pas à celle de la guerre froide. La no�on de Sud reste u�le pour appréhender la spécificité des iden�tés (aussi diverses soient-elles) des grands pays émergents, qui naviguent et se posi�onnent au sein de l'ordre capitaliste tel qu'il est – à la fois libéral et structuré par l'État – tout en acceptant l'essen�el des postulats et des valeurs de cet ordre mondial. « Nord » et « Sud » coexistent sur un même territoire des pays émergents, et la recombinaison d'idées et de poli�ques publiques anciennes et nouvelles empêche ces pays de se laisser purement et simplement absorber dans une version élargie du Grand Occident libéral.

Quelle vision de long terme ?

Malgré la défini�on d'une iden�té partagée et la formula�on de quelques objec�fs communs, les rela�ons économiques et poli�ques entre les BRICS

sont discon�nues. Par exemple, en dépit de l'importance chinoise dans le commerce intra-bloc, les autres pays réa l i sent peu d 'échanges commerciaux entre eux : ils entre�ennent davantage de rela�ons commerciales avec les pays du con�nent africain. Les entreprises chinoises, notamment dans l'extrac�on minière et aurifère et dans le domaine des télécommunica�ons, sont des concurrents redoutables pour les Sud-Africains���. La Russie est au sein des BRICS l'acteur le plus atypique vu qu'il ne s'agit pas d'un émergent à proprement parler mais d'une ancienne superpuissance désireuse de regagner une par�e du statut poli�que perdu. Le pays voit dans son statut de membre permanent du Conseil de sécurité un de ses principaux atouts, tandis que sur le plan économique et démographique sa posi�on demeure beaucoup plus faible��.

Ces pays possèdent des visions divergentes en ce qui concerne le rôle du groupe dans le système interna�onal. En outre, les membres des BRICS font face à des défis intérieurs importants en termes d ' inégal i tés soc ia les et de ra len�ssement économique, de ques�ons poli�ques et de problèmes environnementaux���. Ainsi, la vision de long-terme des think tanks �ent à l'idée qu'en dépit des divergences entre les membres du groupe, toute priorité définie en commun sera plus naturellement poursuivie si les BRICS me�ent en place un cadre cohérent et durable d'engagement con�nu. Dans un même temps, les mécanismes de formula�on poli�que devraient être dynamiques et inclusifs, la flexibilité ins�tu�onnelle étant l'idée centrale des BRICS. Dans ce contexte, le rôle des ins�tu�ons de recherche et des think tanks pivots est considéré comme crucial.

L'intérêt de transformer les BR ICS dans un mécanisme formel d'interac�on stratégique ne devrait pas forcer un processus ar�ficiel d'expansion et d'ins�tu�onnalisa�on. La priorité, pour une par�e des universitaires, devrait être la mise en place d'une base opéra�onnelle solide pour l'associa�on entre ses membres. Cela inclut les ins�tu�ons de partage d'expériences et de connaissances, la mise en place de banques de données et de programmes de forma�on conjoints, la créa�on de nouveaux canaux de communica�on et de plateformes académiques et de la société civile. En d'autres termes, des pays extrêmement hétérogènes en fonc�on de leurs visions, intérêts, caractéris�ques internes et inser�on

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interna�onale, formant un bloc de pouvoir, cherchent à se cons�tuer en tant que groupe à travers l ' a p p r o f o n d i s s e m e n t d e s é c h a n g e s . C e rassemblement de puissances très souvent concurrentes est ainsi animé par l'objec�f de réformer le système interna�onal visant à davantage de par�cipa�on de leur part.

Conclusion

Les pays émergents, qui ont gagné en cohérence en raison de leur rôle croissant dans l'économie mondiale, en par�culier en termes de changements axés sur les marchés, assument également une iden�té historique de périphérie du monde occidental, faisant face aux problèmes de la pauvreté, de l'inégalité et de la vulnérabilité. Ces pays veulent un statut, la reconnaissance et les moyens d'influer sur le système interna�onal en travaillant avec des groupes ou alliances et / ou par l'intermédiaire des ins�tu�ons mul�latérales. Le rassemblement BRICS est le résultat de ce�e logique, en étant devenu non seulement un groupement économique mais un groupe de pouvoir ayant l'inten�on d'influencer et de réformer l'architecture interna�onale.

Dans le cadre de son interac�on avec l'Afrique, ce bloc de pouvoir commence à en récolter les fruits : le plus récent exemple est sans doute l'élec�on du brésilien Roberto Azevedo à la tête de l'Organisa�on mondiale du commerce (même si Azevedo n'était pas le

candidat du groupe en début des négocia�ons). Cependant, à la différence de l'IBSA, un groupe un peu plus homogène et qui a déjà été capable de me�re en œuvre un plus grand nombre d'ini�a�ves concrètes, les BRICS sont plutôt d'accord sur quelques lignes directrices de coopéra�on sud-sud et sur la contribu�on au processus d'intégra�on régionale africaine. En outre, cela impliquerait deux puissances majeures comme la Chine et la Russie dans la configura�on du système interna�onal.

Même si le processus de négocia�on en cours demeure imprécis et vague, ce dernier élément pourrait être avancé dans le cadre de la mise en œuvre du projet de la banque de développement qui est considéré comme un moyen de faire avancer l'ins�tu�onnalisa�on des BRICS sous une logique fonc�onnelle. Pour le moment, les efforts sont concentrés sur l'approfondissement des interac�ons et des connaissances entre les différents pays composant le groupe des B R I C S. Le Forum académique a ini�é sa session de clôture avec une déclara�on du chef de la déléga�on russe, Dr Vyacheslay Nikonov, qui résume le statut du groupe : « BRICS is now a reality, not a virtuality. We become more and more real ». Les perspec�ves de coordina�ons poli�ques et économiques sont en construc�on et prêchent jusqu'à présent pour la flexibilité et l'autonomie de chaque pays, avançant uniquement sur les ques�ons relevant d'une base fonc�onnelle et sur lesquelles il y a accord.

dossier BRICS

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vers-une-nouvelle-ruee-vers-afrique-bresil-inde-chine-russie, 20/05/2013�� L e M o n d e , 2 0 1 3 , " C h i n a f r i q u e " , l e s q u e s � o n s q u i d é r a n g e n t , h � p : / / w w w. l e m o n d e . f r /a s i e -

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pacifique/ar�cle/2013/03/29/chinafrique-les-ques�ons-qui-derangent_3150304_3216.html, 20/05/2013� Boillot Jean-Joseph, « La montée de la « Chindiafrique » et le pionnier du développement A. O. Hirschman », Revue Tiers

Monde, 2011/4 n°208, p. 121-138. DOI : 10.3917/rtm.208.0121�� Lafargue François, « L'Afrique du Sud et la Chine » Un mariage de raison ?, Afrique contemporaine, 2012/2 n° 242, p. 11-28 ��� Voir à ce sujet l'ar�cle d'Agathe Maupin dans ce même numéro.���� Voir encadré.��� Eyben, R., Savage, L., 2013. Emerging and Submerging Powers: Imagined Geographies in the New Development Partnership at

the Busan Fourth High Level Forum. Journal of Development Studies 49, 457–469.�� In the case of the IBSA Forum, more concrete mechanisms have already been implemented, such as the IBSA Trust Fund and

the Project Allevia�on of Poverty and Hunger.��� Il fait référence à la conférence qui s'est tenue dans la ville du même nom en 1955, qui a été à l'origine du mouvement du Tiers

Monde (pays non alignés). Cela n'a jamais reposé sur des caractéris�ques économiques communes, mais était plutôt un projet poli�que fondé sur une expérience partagée de la marginalisa�on.

���� SAFPI, 2013, BRICS Academic Forum: speech by SA Foreign Minister,h�p://www.safpi.org/news/ar�cle/2013/brics-academic-forum-speech-sa-foreign-minister, 20/05/2013

����� Hurrel, 2012, Récits d'émergence : la fin du Tiers Monde ?, Cri�que interna�onale 2012/3 (N° 56)��� Lafargue François, « L'Afrique du Sud et la Chine » Un mariage de raison ?, Afrique contemporaine, 2012/2 n° 242, p. 11-28.�� Laïdi Zaki, « Les BRICS : un cartel d'ambi�ons souverainistes », Le Débat, 2011/5 n° 167, p. 50-59. ��� Vieira de Jesus, 2013, Os principais pontos na agenda da Cúpula de Durban, B R I C S Pol icy Center,

h�p://www.bricspolicycenter.org/homolog/arquivos/Cupuladedurban.pdf, 20/05/2013

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De l'importance d'une banque BRICS

Lors du sommet des BRICS qui s'est tenu à Durban en mars 2013, l'annonce de la créa�on d'une Banque de développement BRICS (BDB), visant à « mobiliser des ressources pour les projets d'infrastructures et de développement durable au sein des BRICS et autres économies émergentes », a suscité l'intérêt. Une banque BRICS perme�rait d'offrir d'autres sources de capital pour le développement aidant à surmonter le déficit en ma�ère d'infrastructures qui subsiste encore au sein des pays en développement, et des BRICS eux-mêmes. Mais plus encore, une telle banque perme�rait aux BRICS d'établir un certain niveau d'ins�tu�onnalisa�on. Jusqu'ici le groupe est principalement resté informel, organisant des sommets annuels, mais sans aucune capacité ins�tu�onnelle indépendante des cinq États membres. De ce fait, il manque au groupe un mécanisme indépendant à travers lequel ses membres pourraient transformer leurs déclara�ons annuelles en actes concrets, ce qui perme�rait d'éviter que les sommets ne soient qu'une rencontre où l'on y parle affaires ou, au mieux, un forum à collabora�on limitée entre les cinq membres, et n'ayant qu'une faible chance de se dis�nguer comme nouvel acteur mondial. Tout comme la Banque Mondiale et le FMI offrent au G20 la capacité de tourner leurs débats en ac�ons, une banque BRICS pourrait offrir à ses cinq membres un moyen d'ac�on similaire.

D'autres mo�va�ons suscitent également un vif débat, celles-ci viseraient à contester l'ordre économique mondial dominant, en offrant une alterna�ve aux ins�tu�ons de Bre�on Woods et en contestant le statut du Dollar américain comme principale monnaie de réserve mondiale – une offre et une remise en cause qui semblent peu probables. Alors que l'ampleur de la BDB reste incertaine, il est probable que ce�e banque soit financée à hauteur de 50 milliards de dollars de capital lors de son lancement, en plus de prêts financés par l'exploita�on du marché interna�onal des capitaux. Bien que considérable, une telle somme resterait tout de même très éloignée de la somme qui serait nécessaire à l'établissement d'une banque alterna�ve, et ne pourrait qu'être complémentaire aux ins�tu�ons financières interna�onales comme la Banque Mondiale. Il est possible que la BDB représente un défi pour les normes courantes de prêt, et notamment les principes de la condi�onnalité. Cela ne veut pas dire que les prêts BRICS seraient sans condi�on, mais il est possible que leurs condi�ons soient plus fermement ancrées dans les par�cularités des projets de développement concernés, évitant ainsi des exigences de gouvernance. Alors que ces préoccupa�ons autour de prêts moins responsables pourraient être soulevées, il reste encore des mo�va�ons suffisamment importantes pour se conformer aux normes de prêt interna�onales, afin de s'assurer l'accès aux fonds en provenance d'ins�tu�ons telles que la Banque Mondiale. Ces mo�va�ons constantes ainsi qu'une banque BRICS qui ne peut pas remplacer en�èrement le rôle que jouent ces ins�tu�ons, signifient que tout changement de norme sera probablement de faible impact, ne servant qu'à augmenter la pression concurren�elle sur les normes actuelles.

Les discussions concernant le fait que la banque perme�rait de faciliter un changement dans les opéra�ons de change interna�onales, et qu'elle contribuerait à la consécra�on du statut du Renminbi chinois comme monnaie de réserve mondiale, sont également exagérées. La puissance économique chinoise rend probable le fait que le Yuan gagnera à l'avenir un statut de monnaie de réserve, mais de tels changements sont généralement lents. En effet, le Japon est resté la deuxième économie mondiale pendant plus de 40 ans, et pourtant le Yen joue encore aujourd'hui un rôle rela�vement mineur dans les réserves interna�onales de monnaies. Même les ambi�ons de la Chine restent modestes, en ce qui concerne leurs objec�fs à court terme quant à l'assurance d'un rôle plus important du Yuan dans le panier des monnaies qui sont à la base des Droits de �rage spéciaux du FMI. À ce stade, l'u�lisa�on de monnaies BRICS représenterait un geste symbolique fort, mais pour la plupart des transac�ons cela en viendrait encore à conver�r ces fonds en dollars américains ou en Droits de �rage spéciaux du FMI. Si une monnaie BRICS devait devenir une monnaie de réserve reconnue, la BDB s'en servirait certainement. Mais pour l'instant, il est plus probable que les BRICS se cantonneront dans l'u�lisa�on d'une norme interna�onale reconnue.

Christopher Wood est chercheur en diploma�e économique au sein du South African Ins�tute

of Interna�onal Affairs, et est spécialiste des ques�ons financières rela�ves aux BRICS.

dossier BRICS

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Une nouvelle trilogie ? BRICS, infrastructures et développement sur le continent africain

Agathe Maupin occupe un poste de chercheur au South African Institute of International Affairs (SAIIA) à Johannesburg et est également chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM) à Bordeaux. Elle a realisé une thèse, soutenue en 2010, sur les politiques de gestion de l'eau dans les bassins transfrontaliers de l'Afrique australe.

Agathe Maupin

La place croissante du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud sur la scène africaine p r é s e n t e d e n o u v e l l e s o p p o r t u n i t é s d e développement pour le con�nent, en par�culier en ce qui concerne ses infrastructures. Privilégiant les inves�ssements dans certains domaines plutôt que l'aide publique au développement, les BRICS me�ent en place de nouvelles formes de rela�on. Lors du dernier sommet des BRICS, ces derniers ont ainsi de nouveau affiché leur sou�en au PIDA. Quelles sont les infrastructures privilégiées et, à travers ces dernières, quels intérêts les BRICS défendent-ils sur le con�nent africain ?

Introduc�on

Pourquoi une future banque de développement s'est-elle retrouvée au cœur des débats lors du dernier sommet des BRICS, qui s'est déroulé en mars 2013 en Afrique du Sud, dans la ville de Durban ? Les BRICS ont déjà beaucoup inves� ces dernières années dans l'améliora�on et la mul�plica�on des infrastructures sur le con�nent africain en s'appuyant sur des accords et partenariats bi latéraux essen�ellement. Seulement voilà, l'heure de la coopéra�on trilatérale et des projets complexes et mul�latéraux a sonné.

Parce qu'il existe déjà de nombreux accords et projets bilatéraux, ainsi que des ins�tu�ons régionales, le besoin de cadres généraux, voire de normes, semble

se faire sen�r : la coopéra�on trilatérale (voire mul�latérale), qui se concentre généralement autour d'un projet, qu'il inclut des infrastructures ou non, pourrait être facilitée par une banque commune aux BRICS. En outre, la Commission de l'Union Africaine, en partenariat avec l'Agence de planifica�on et de coordina�on du NEPAD (NPCA), la Banque Africaine de Développement et la Commission Economique pour l'Afrique des Na�ons-Unies, en proposant un P r o g r a m m e p o u r l e D é v e l o p p e m e n t d e s Infrastructures en Afrique (PIDA), avait certes en tête l'intégra�on, le développement et la coopéra�on socio-économique du con�nent, mais également ses poten�els inves�sseurs. Le PIDA propose aux par�es prenantes africaines un cadre commun d'intégra�on pour les infrastructures à développer sur le con�nent. Son avant-propos précise ainsi que : « la mise en oeuvre de PIDA exigera de robustes structures de coordina�on et la mobilisa�on de toutes les sources de financement intéressées, tant publiques que privées. [...] Nous invitons les divers partenaires de développement de l'Afrique et le secteur privé à envisager de soutenir la réalisa�on de PIDA »� . Des projets prioritaires ont déjà été iden�fiés et beaucoup d'entre eux sont maintenant prêts à être financés et mis en œuvre, illustrant par là une opportunité pour les inves�ssements des BRICS dans les infrastructures du con�nent africain. L'expression de « partenaire de développement » employée par le

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rapport PIDA est loin d'être anodine : de l'aide aux partenaires du développement, l'appréhension de ce dernier a évolué depuis quelques années.

Les récentes avancées de la créa�on d'une agence sud-africaine de partenariat au développement (SADPA) en 2013 poussent à s'interroger : face à l'enjeu mondial qu'est devenu le développement, les BRICS vont-ils s'inspirer de USAID, DFID, EuropeAid, etc. ou esquisser une stratégie commune ? Au sein des BRICS, l'aide ou le partenariat au développement est plus ou moins récent, ciblé, planifié selon plusieurs critères. De surcroît, l'occasion d'inves�r dans les infrastructures du con�nent africain présentée par le PIDA ne cons�tue pas une remise en ques�on des stratégies précédentes (bilatérales et dans d'autres secteurs par exemple), mais plutôt une entrée pour un sou�en davantage partagé et intégré entre les acteurs du développement du con�nent.

Retour sur les débuts des BRICS et du développement : aide ou partenariat ?

Constat facile : les BRICS n'ont pas en commun leurs premières formes d'inves�ssements dans le développement du con�nent africain ! Si la Chine et la Russie ont joué du développement durant la Guerre Froide, le Brési l et l ' Inde, ancien pays en développement, aujourd'hui puissances émergentes, sont des inves�sseurs plus récents. Quant à l'Afrique du Sud, c'est seulement à par�r de la fin de l'apartheid, et donc au début des années 1990, que le pays a pu commencer à inves�r officiellement dans le développement du con�nent.

L'assistance chinoise dans les pays africains existe depuis le début des années 60 : plusieurs secteurs et pays ont bénéficié de ce�e aide précoce avec, par exemple, l'envoi d'experts chinois et de financements en Egypte (Canal de Suez), en Guinée (produc�on d'allume�es et de cigare�es), au Mali (canne à sucre et thé), en Tanzanie et Somalie (aide médicale). A par�r des années 1990, la Chine a véritablement commencé à inves�r sur le con�nent, avec aujourd'hui plus de 900 projets de développement d'infrastructures��. Les ressources financières chinoises pour l'aide étrangère sont essen�ellement de trois sortes : des subven�ons, des prêts sans intérêt, et des prêts concessionnels. Les deux

premiers proviennent des finances éta�ques, tandis que les prêts concessionnels sont fournis par la Banque Import-Export de Chine. Plusieurs ministères chinois sont impliqués, ceux des Affaires Etrangères, des Sciences et technologie et du Commerce. La coopéra�on privilégiée jusque-là par la Chine était davantage bilatérale mais l'ouverture d'un Forum sur la Coopéra�on sino-sud-africaine (FOCAC) en 2000 a marqué un tournant dans l'importance croissante du dialogue entre la Chine et l'ensemble du con�nent africain. Aujourd'hui premier partenaire commercial de l'Afrique, la Chine a annoncé en juin 2013 le l a n c e m e n t d e d e u x n o u v e a u x f o n d s d'inves�ssements supplémentaires dans le cadre du China-Africa Business Council (CABC) et du Fonds de développement sino-africain (CADFund). Les deux fonds devraient chacun réunir près d'un milliard de dollars et leur objec�f serait de s�muler les inves�ssements des entreprises chinoises (secteurs commercial et minier) en leur fournissant des capitaux. Enfin, la Chine envisage de franchir une étape supplémentaire en délocalisant également des entreprises sur le con�nent africain���.

La Russie a connu plusieurs phases, dans lesquelles les rela�ons sino-sovié�ques et interna�onales durant la Guerre Froide ont joué un rôle, avec l'avant et l'après 1989 et deux crises financières (1998 et 2008), entrecoupées de périodes d'essors récents. Jusqu'au début des années 1990, l'URSS a soutenu plusieurs par�s poli�ques en lu�e, puis leurs régimes ( e n E t h i o p i e , a u S o u d a n , e n Ré p u b l i q u e Démocra�que du Congo, au Zimbabwe, au Mozambique, en Angola, en Namibie, sans oublier l'ANC en Afrique du Sud), sans pour autant s'engager sur le plan économique, en-dehors de quelques importa�ons (cacao, café, bauxite du Ghana, de Côte d'Ivoire et du Nigeria). Plus récemment, après une décennie 1990-2000 marquée par peu d'échanges (sauf excep�on comme en Angola, Namibie et RDC dans le diamant et l'hydroélectricité au début des années 1990), la Russie a réinves� sur le con�nent : les importa�ons russes se concentrent toujours dans certains pays (Algérie, Egypte, Maroc, Guinée, Côte d'Ivoire et Afrique du Sud principalement) et les exporta�ons du con�nent vers la Russie concernent essen�ellement métaux (uranium, fer), fruits et oléagineux, et tabac. Le contexte énergé�que mondial actuel pousse aussi

dossier BRICS

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la Russie vers le poten�el africain en ma�ère de gaz et de pétrole. Par exemple, plusieurs compagnies russes ont ainsi déjà misé depuis le début des années 2000 sur le con�nent africain�� : Ÿ Lukoil au Ghana et en Côte d'Ivoire en 2010

(900 million de US $ dans la prospec�on de pétrole sous-marin) ;

Ÿ Gazprom en Algérie en 2006 (dans le cadre d'un contrat de développement et d'annula�on de de�e) suivi de la construc�on du pipeline Nigéria-Algérie (en partenariat avec la compagnie na�onale pétrolière nigériane) ;

Ÿ Norilsk Nickel, compagnie métallurgique, possède des réserves en Afrique du Sud, au Gabon, en Guinée et au Nigéria ;

Ÿ Rosatom est aussi en passe de construire les

premières usines nucléaires égyp�ennes et nigérianes�.

Suite au sommet du G8 qui s'est tenu à Saint-Pétersbourg en 2006, la Russie a proposé à travers une note conceptuelle�� plusieurs éléments pour améliorer son assistance au développement interna�onal avec, par exemple, l'annula�on des de�es des pays africains pour un montant de 20 m i l l i a r d s d e d o l l a rs [ v i i ] . U n e a g e n c e d u gouvernement russe spécialisée dans la coopéra�on, le Rossitrudnichestvo����, a été mise en place en 2008 et est pourvue de missions à l'étranger, comme en Ethiopie. La lu�e contre les maladies infec�euses, contre la "pauvreté énergé�que" et le renforcement de l'éduca�on font par�r des secteurs ciblés par l'aide russe qui opère sous un certain nombre de

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ministères, notamment le ministère des Finances, le ministère des Affaires étrangères, le ministère du Développement économique, le ministère de l'Éduca�on et des Sciences, le Ministère de la Santé et enfin, EMERCOM. Bien que la créa�on d'une agence de développement (de type RusAID) ait été officiellement proposée depuis 2007, ce�e dernière n'existe toujours pas.La coopéra�on économique et technique indienne (ITEC) a été lancée en 1964 comme un programme d'aide faisant par�e du Ministère indien des Rela�ons Extérieures. Étant essen�ellement de nature bilatérale, ITEC a mis l'accent sur le renforcement des capacités, le transfert de technologie et le partage d'expériences. Des années 50 au début des années 90, l'Inde a surtout été un bénéficiaire de l'aide interna�onale. Le passage au statut de donneur est rela�vement récent, et a été marqué fin 2012 par l'annonce de l'arrêt de l'aide au développement de la Grande-Bretagne à l'Inde.Plus récemment, l'Inde a créé une administra�on du partenariat au développement (DPA). Le secteur de l'énergie arrive en tête des projets partenaires de développement conduit par le DPA, et les pays bénéficiaires de ce�e dernière décennie ont été pr inc ipa lement le Bhoutan , le Soudan et l'Afghanistan. L'Ethiopie, le Mali et le Ghana font également par�e des dix pays « les plus aidés » par l'Inde. L'aide indienne met l'accent sur la coopéra�on sud-sud, et favorise aussi les accords bilatéraux. En 2008, un premier Sommet d'un Forum Afrique-Inde a été mis en place à New-Delhi (IAFS I), suivi en 2011 d'un second Sommet qui s'est déroulé en Ethiopie sous le patronage de l'Union Africaine (IAFS II). Le PIDA a été évoqué dans le paragraphe du cadre de coopéra�on consacré aux infrastructures, à l'énergie et à l'environnement��. 19 ins�tu�ons devraient également être mise en place comme un Ins�tut Indo-Africain du Commerce Extérieur (IAIFT) en Ouganda, Informa�on et Technologie (IAIIT) au Ghana, spécialisé sur les diamants au Botswana et sur les ques�ons d 'Educa�on, de P lanning et d'Administra�on (IAIEPA) au Burundi. L ' Inde se posi�onne aujourd'hui dans une perspec�ve plus large de partenariat des Suds sur les ques�ons environnementales, technologiques, etc. dans un cadre intéressé assumé, celui de ses intérêts commerciaux.

L'histoire sud-africaine en fait un acteur récent sur la

scène de l'aide au développement. Ce�e dernière a sans doute davantage privilégié la coopéra�on trilatérale, voire mul�latérale depuis le début des années 90. Tout comme l'Inde, l'Afrique du Sud est à la fois bénéficiaire et donneur : la Grande-Bretagne a également annoncé l 'arrêt de son aide au développement dans le pays en 2015 et l'Union Européenne reconsidère actuellement son cadre de coopéra�on avec l'Afrique du Sud, partenaire stratégique depuis 2007. Les statuts intermédiaires indiens et sud-africains favorisent-ils un cadre coopéra�f davantage axé sur le partenariat plutôt que sur l'aide au développement ? Les déclara�ons et projets le laissent à penser, dans la mesure où l'accent est mis sur les bénéfices mutuels. Ainsi, les inves�ssements sud-africains dans le secteur énergé�que, notamment régional, incluent des bénéfices sud-africains comme la garan�e d'une s o u rc e d ' a p p ro v i s i o n n e m e nt é n e rgé � q u e supplémentaire à des tarifs négociés par exemple.

L'agence de coopéra�on brésilienne (ABC) propose depuis 1987 une aide technique mais pas uniquement : l'assistance brésilienne fonc�onne sur un modèle éclaté entre différents secteurs d'interven�on technique comprenant également l'aide d'urgence comme à Haï�. Le Brésil a ainsi mené plusieurs projets en Afghanistan (aide au recensement de la popula�on et aide agricole en 2009), ainsi que dans les pays lusophones africains comme l'Angola, la Guinée Bissau, le Mozambique et dans le secteur de la santé en Afrique du Sud. Le volume de l'aide brésilienne, en avoisinant le milliard de dollars, posi�onne aujourd'hui le pays à hauteur de la Chine (plus de 3 milliards) et de l'Inde (environ 2 milliards) en 2011.Tout comme celles de l'Inde et de l'Afrique du Sud, l 'exper�se et l 'assistance brésil iennes sont appréciées car perçues comme adaptées au contexte poli�que, économique et socio-environnemental des pays du con�nent africain. Egalement à la fois bénéficiaire et donneur, l'éclatement ins�tu�onnel de la coopéra�on brésilienne est néanmoins un frein à son expansion et à sa lisibilité. Ainsi, ABC n'est pas une agence d'aide à proprement parler et dépend du département du Ministère des Affaires Etrangères (connu sous le nom d'Itamaraty)�. De plus, de nombreuses compagnies brésiliennes inves�ssent sur le con�nent, sans pour

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autant être recensées comme aide, assistance ou partenaire de développement.Enfin, le Brésil, tout comme l'Afrique du Sud, favorise aujourd'hui la coopéra�on trilatérale, en u�lisant sa posi�on intermédiaire : par exemple, des projets d'aide au développement sont menés avec le Japon au Mozambique��.

Les BRICS ont ainsi progressivement mis en œuvre des formes de coopéra�on bilatérale, mais aussi mul�latérale, qui divergent des modèles d'aide au développement des lendemains de la seconde guerre mondiale. IBSA et BRICS cons�tuent des formes de collabora�on inter-gouvernementale innovantes dans la mesure où elles ouvrent des espaces de discussion sur les ques�ons de gouvernance, de modèles de développement, etc. entre des pays confrontés à un certain nombre de défis communs. Ces formes de collabora�on ont pavé le chemin des coopéra�ons sud-sud, axées sur des projets d'échange dans le commerce, les inves�ssements, l'humanitaire, etc. Néanmoins, la compé��on reste de mise, comme le soulignent les débats sur la concurrence entre la Chine et l'Inde, les a�ribu�ons de marché contestées, ainsi que l'analyse des partenariats entre l'Inde et l'Afrique du Sud par exemple, les deux pays ayant à cœur leurs intérêts commerciaux concurrents sur le con�nent africain���

Le PIDA : une opportunité à la hauteur des BRICS ?

Quelles sont les dynamiques insufflées par les BRICS en ma�ère de développement des infrastructures sur le con�nent africain ? Au-delà des projets, existe-t-il une réflexion made in BRICS sur le développement ? Les inves�ssements des BRICS sur le con�nent africain se sont surtout accrus au cours des dix dernières années, pour a�eindre presque 350 milliards de dollars par an. Par exemple, les échanges entre la Chine et le con�nent sont au moins 20 fois plus importants qu'au début des années 2000. Néanmoins, ces échanges demeurent ciblés : les infrastructures absorbent ainsi une par�e importante des fonds. Que ce soit les routes, le rail, les ports, les lignes de transmission, les barrages, les centrales, etc. chacune de ces infrastructures par�cipent au développement du con�nent et les BRICS ne s'y trompent pas. Leurs financements, prêts, etc. inc luent généralement leurs exper�ses et

expériences dans chacun de ces domaines. Les grandes infrastructures hydrauliques n'ont ainsi pas échappé à ces inves�ssements et le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud ne ratent aucune occasion : de Merowe au Soudan à Massingir au Mozambique, les exemples ne manquent pas !

L'infrastructure consomme en effet 60 % des 5 milliards de dollars de prêts et dons annuels de la Banque africaine de développement par exemple. Mais le déficit de financement des infrastructures en Afrique demeure massif. La BAD prévoit ainsi de lancer un programme de financement à des�na�on uniquement des infrastructures : un Fonds Africain pour les Infrastructures (AIF). Ce fonds combinerait les ressources souveraines et non souveraines, na�onales comme interna�onales, pour collecter les inves�ssements adéquats au développement des infrastructures du con�nent.

Le financement de grands projets d'infrastructure à forte rentabilité en Afrique sur les excédents considérables des BRICS est ainsi fortement d'actualité. De nombreux documents ont déjà mis en avant l'importance des infrastructures dans le développement, comme le Plan d'ac�on du G20 pour l ' I n f r a s t r u c t u r e , l e C o n s o r � u m p o u r l e s infrastructures en Afrique (ICA), le Fonds fiduciaire Europe-Afrique pour les infrastructures. PIDA synthé�se au sein d'un même programme toutes les ini�a�ves d'infrastructures con�nentales existantes ou précédentes comme les plans et cadres du NEPAD et les Schémas directeurs des infrastructures de l'UA. Le Programme d'Ac�ons Prioritaires (PAP) du PIDA met en avant une cinquantaine de projets urgents dans les secteurs de l'énergie, des transports, de l'eau et des Technologies de l'Informa�on et de la Communica�on ( T I C ) . Les projets ont été sélec�onnés d'après trois critères principaux :Ÿ leur admissibilité et intégra�on régionaleŸ leur faisabilité et état de prépara�onŸ leurs impacts sur le développement.

Des obliga�ons d'infrastructures, des garan�es de prêts, des taxes communautaires régionales font

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par�e des moyens de financement envisagés par le PIDA.

Parmi les projets du PIDA dans le secteur de l'énergie sont clairement privilégiés « les grands projets hydro-électriques et l'interconnexion des systèmes d'échange d'énergie » (CUA, 2012). Les grands barrages Millennium en Ethiopie����, Grand Inga en RDC, ainsi que des ouvrages plus modestes comme Lom Pangar au Cameroun font par�e des objec�fs à moyen terme (2025) et long terme (2040) du PIDA.La Chine et le Brésil sont des inves�sseurs i n co nto u r n a b l e s d a n s l e s i n f ra st r u c t u re s hydrauliques du con�nent, avec la présence de la compagnie brésilienne Camargo Correia dans le consor�um du barrage de Mphanda Nkuwa au Mozambique (40% de Hidroelectrica de Mphanda Nkuwa), dans le projet de barrage d'Inga III en République Démocra�que du Congo, où Sinohydro, compagnie chinoise, pourrait jouer un rôle majeur. Les infrastructures rou�ères ne sont pas en reste : par exemple, la compagnie brésilienne Vale a inves� dans les routes et lignes de chemin de fer du Mozambique. L'Inde et l'Afrique du Sud sont davantage présents dans les nouvelles technologies de communica�on et dans l'agrobusiness, comme en témoignent les ac�vités des groupes indien Bhar� Airtel au Tchad et sud-africain Vodacom en Afrique australe.

Infrastructures et développement con�nuent d'être présentés comme un couple nécessaire mais pas suffisant : quels rôles les BRICS ont-ils joué et sont-ils appelés à jouer ? Plusieurs approches cohabitent pour lier infrastructures et développement. Depuis 2011, les infrastructures ont fait l'objet de nouvelles s t r a t é g i e s . Tr è s f o r t e m e n t a s s o c i é e s a u développement, les banques d'aide à ce dernier ont fort à propos mis en commun une approche intégrée reposant sur un partenariat public-privé pour favoriser la solvabilité de ces projets régionaux. Les solu�ons décentralisées se mul�plient également, notamment les micro-projets, basées sur de pe�tes infrastructures, notamment dans les zones rurales ou les pays où un réseau d'électrifica�on centrale tarde à être développé.

« Complexe et mul�latéral »

D'autres éléments témoignent de l'importance

c r o i s s a n t e d e s i n v e s � s s e m e n t s d a n s l e s infrastructures sur le con�nent africain. Par exemple, l ' A ge n c e d e ga ra n� e d e s i nve s� s s e m e nt s mul�latéraux (MIGA), un groupe de la Banque Mondiale, concentre la moi�é de son ac�vité d'assurance entre les divers projets du con�nent africain. Les « assurés » de MIGA me�ent en œuvre des projets de développement des infrastructures qui correspondent au cahier des charges de la Banque Mondiale : complexe et mul�latéral. Complexe, car incluant des objec�fs divers, par exemple à la fois la produc�on d'hydro-électricité et l'irriga�on pour un barrage, ainsi que la reconstruc�on post-conflit, etc. La dimension mul�latérale requiert l'inclusion d'acteurs de différents pays, et favorise également la coopéra�on sud-sud, associant fortement les BRICS, notamment l'Afrique du Sud.

En ce qui concerne les infrastructures de produc�on d'énergie, MIGA a récemment assuré contre le risque financier souverain de ne pas honorer ses obliga�ons les inves�ssements de la banque anglaise HSBC en Angola dans le cadre d'un projet de réhabilita�on et de développement de la sta�on de produc�on hydroélectrique de Cambambe sur la rivière Kwanza (d'une capacité à hauteur de 700 M W). Le gouvernement angolais prévoit à terme une augmenta�on de sa produc�on na�onale de 1500 à 5000 MW. Ce projet illustre d'autant plus la présence croissante des BRICS dans le développement des infrastructures en Afrique qu'il inclut l'entreprise de construc�on brésilienne Odebrecht comme principal constructeur, ainsi que les allemands Hydro GmBH et KG (groupe Voith) et les espagnols Elecnor pour les équipements mécaniques et électriques. Ce type de projet complexe, c'est-à-dire avec plusieurs objec�fs - i c i , l e d é v e l o p p e m e n t d e l a p r o d u c � o n hydroélectrique en Angola et l'accéléra�on de la reconstruc�on post-conflit - et mul�latéral, incluant plusieurs entreprises et acteurs interna�onaux, est de plus en plus mis en avant par les ins�tu�ons interna�onales comme la Banque Mondiale.

Outre les entreprises de construc�on, les inves�ssements des B R I C S sont également financiers. Ainsi, deux banques chinoise et sud-africaine, respec�vement la Banque Commerciale et Industrielle de Chine et CfC Stanbic ont inves� en 2012 dans un projet kenyan de produc�on d'énergie. La souscrip�on d'assurance auprès de MIGA garan�t une rupture de contrat. Le projet est bap�sé Triumph

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et consiste en la construc�on d'une sta�on de produc�on thermique fonc�onnant au pétrole (83MW). L'usine sera située à Kitengela, près de la rivière Athi, à environ 25 kilomètres de Nairobi. Triumph s'engage également à conclure un contrat d'achat d'électricité de 20 ans avec la Kenya Power and Ligh�ng Company (KPLC). Les objec�fs de ce projet sont d'augmenter la produc�on énergé�que du Kenya et, d'après MIGA, de diversifier ce�e dernière qui s'appuie sur l'hydroélectricité, menacée par les sécheresses…ainsi que de faciliter la coopéra�on sud-sud. Enfin, KPLC s'est engagé à faciliter l'émergence de trois IPP, des producteurs d'énergie indépendants (Gulf Power, Thika Power et Triumph Power) dans le cadre d'un programme plus large d'introduc�on de ces IPP mené par la Banque Mondiale au Kenya.

L'Afrique du Sud a déjà bien entamé ce processus d' inves�ssements dans les infrastructures, notamment dans son propre secteur énergé�que, ainsi qu'à l'échelle régionale. D'autres projets aujourd'hui achevés peuvent ainsi être cités, comme le premier projet de MIGA au Swaziland : MIGA a émis des garan�es contre les risques financiers, de guerre et trouble civil de 69,4 millions de dollars à la compagnie d'électricité de la République d'Afrique du Sud (Eskom) pour couvrir ses propres garan�es de prêt à la Banque européenne d'inves�ssement (BEI) et à la Banque japona ise de coopéra�on interna�onale pour leurs inves�ssements dans Motraco-Mozambique Transmission Company SARL (Motraco) qui comprenait la construc�on et inclut aujourd'hui l'exploita�on de lignes de transport d'électricité reliant l'Afrique du Sud, le Swaziland et le Mozambique, associant les fournisseurs publics d'électricité de ces trois pays, Eskom pour l'Afrique du Sud, Electricidade de Moçambique (EdM) et le Swaziland Electricity Board (SEB).

Un dernier exemple déjà men�onné, cité comme cas d'école de partenariat trilatéral voir mul�latéral autour des grandes infrastructures hydrauliques, est celui de Grand Inga en République Démocra�que du Congo, dont les travaux (qui commenceront par Inga I I I ) devraient débuter en 2015. En sus de l'inves�ssement poten�el de plusieurs compagnies, l'accord des ministères de l'énergie sud-africain et congolais sur les échanges énergé�ques entre les deux Etats, ainsi que le renforcement du rôle de la France (projet Grand Inga soumis et discuté à Paris) en

font effec�vement un modèle de complexité et de mul�latéralité.

Conclusion : Les BRICS ont bien de nombreuses cartes à jouer au poker du développement

Une place prépondérante est maintenant accordée aux BRICS dans de nombreux domaines sur l'agenda

èmemondial. Ce 5 sommet des BRICS a contribué à entériner l'associa�on de l'Afrique du Sud en décembre 2010 - et à souligner l'enthousiasme sud-africain, lié en par�e aux possibilités de renforcement des intérêts du pays - ainsi que la place croissante accordée au con�nent africain dans le calendrier des puissances émergentes.

Pourtant, d'autres configura�ons existent, comme les IBSA, une associa�on diploma�que composée par l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud depuis 2003, déjà dotée d'une banque d'aide au développement et à la démocra�e. Ce�e coali�on des grandes démocra�es émergentes du Sud repose sur des valeurs communes et ar�cule ses réflexions autour des ques�ons interna�onales, de la réforme du FMI et de la Banque mondiale, en passant par les changements clima�ques à travers des groupes de travail. Le fonds de développement IBSA, capitalisé par les trois pays, sou�ent aujourd'hui plus d'une dizaine de projets sur les t ro is con�nents . La future banque de développement BRICS, censée différer de celle des IBSA en termes de portée administra�ve et d'échelle, est mo�vée par une volonté similaire de mobiliser les ressources des pays émergents, qui a déjà donné lieu au fonds de développement I B S A . Le rôle d'incubateur des IBSA d'une part sur la coopéra�on des pays émergents et d'autre part dans l'u�lisa�on de ce rôle aux bénéfices de leurs citoyens n'a ainsi pas été négligeable���.

La rela�on entre démocra�e et développement devrait précisément se situer au cœur des réflexions en amont des projets d'infrastructures. Dans un monde qui oscille entre (mul�)polarités et où les ques�ons de gouvernance l'emportent souvent sur la durabilité, est-il encore possible de réfléchir avant d'inves�r, afin d’établir au lieu de se contenter de construire?

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� CUA (2012), Programme pour le Développement des Infrastructures en Afrique (PIDA), Interconnecter, Intégrer et Transformer un con�nent, CUA, NEPAD, BAfD, CEA, extrait de l'avant-propos.

�� China's Foreign Aid and Aid to Africa: overview, Li Xiaoyun, College of Humani�es and Development, China Agricultural University, Beijing, 2008. h�p://www.oecd.org/dataoecd/27/7/40378067.pdf

��� D'après le China Daily : h�p://www.chinadaily.com.cn/cndy/2013-06/13/content_16612923.htm �� AfDB (2011), Russia's economic engagement with Africa, Africa Economic Brief, vol.2, n°7� D'après le site de Rosatom :

h�p://www.rosatom.ru/en/presscentre/nuclear_industry/18a661004f5e053689e2fd7ea2a04c6d h�p://www.rosatom.ru/en/presscentre/Announcements/b08c7c004b7dd59cb851ff487a5dcd55

�� Concept on Russia's Par�cipa�on in Interna�onal Development Assistance (2007), disponible en ligne : h�p://www.minfin.ru/common/img/uploaded/library/2007/06/concept_eng.pdf ��� L'annula�on concerne notamment les de�es contractées auprès de l'ancienne Union sovié�que dans le cadre de l'Ini�a�ve

des pays pauvres très ende�és, ainsi que celles en cours de négocia�ons avec le Bénin, la Guinée, la Zambie, Madagascar, le Mozambique, la Tanzanie et l'Éthiopie.

���� Federal Agency for the Commonwealth of Independent States, Compatriots Living Abroad and Interna�onal Humanitarian Coopera�on

�� D'après les documents du second forum : h�p://www.indiaafricasummit.nic.in/sta�cfile/framework-fr.pdf � Cabral, L. et J. Weinstock (2010), « Brazil, an emerging aid player? », Briefing Paper, n°64, Overseas Development Ins�tute,

Londresème�� Lors d'une conférence en Afrique du Sud quelques jours avant la tenue du TICAD V (la 5 Conférence Interna�onal de Tokyo

sur le Développement en Afrique en juin 2013) la coopéra�on trilatérale, impliquant le Japon, le Brésil et le Mozambique dans les secteurs agricole et de la santé, a été évoquée comme un succès.

��� Sidiropoulos, E. (2011), « India and South Africa as Partners for Development in Africa? », Briefing Paper, Asia Programme and Africa Programme, Chatham House, The Royal ins�tute of Interna�onal Affairs, ASP/AFP BP 2011/01

���� Ce barrage d'une future capacité totale de 5250 MW est un véritable brûlot entre l'Egypte et l'Ethiopie dans le cadre du récent accord d'Entebbe sur le partage du bassin du Nil.

��� D'après Chris Alden (2013) pour Jeune Afrique Economie : h�p://economie.jeuneafrique.com/tribune/408-tribune-interna�onal/16230-les-ibsa-dans-un-monde-de-brics.html

dossier BRICS

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Affectation à l'Institut français d'Afrique du Sud de Guillaume Porraz, Chargé de Recherches, CNRS

L'Ifas se félicite de l'affecta�on de Guillaume Porraz, chargé de Recherche (CR2) à l'Ins�tut français d'Afrique du Sud. En accord avec son UMR actuelle (UMR 7041, ArScAn-AnTET), sa demande de mobilité s'inscrit dans la volonté de mener à bien un projet a rc h é o l o g i q u e a m b i � e u x et p o r te u r d ' u n rapprochement scien�fique prome�eur entre la France et l'Afrique du Sud.

Le patrimoine archéologique de l'Afrique du Sud est devenu l'objet de toutes les a�en�ons ces dernières années, notamment pour sa voca�on à répondre aux ques�ons d'évolu�on des sociétés humaines sur de très longues périodes. Les ins�tu�ons universitaires sud-africaines, en par�culier à la suite à la transi�on démocra�que du début des années 90, ont parfaitement réussi à trouver leur place au sein de ces chan�ers scien�fiques d'envergure qui a�rent des chercheurs du monde en�er. Le projet scien�fique de Guillaume Porraz s'inscrit au cœur de ces ques�ons par l'étude des transforma�ons techniques et culturelles à l'œuvre entre 200 000 et 50 000 (middle stone age). Ce projet s'est construit depuis 2006 dans une rela�on privilégiée avec les plus importants archéologues sud-africains présents dans les U n i v e rs i t é s d e C a p e To w n ( d é p a r t e m e n t d'archéologie) et du Witwatersrand (Ins�tute for Human Evolu�on). Il s'appuie sur des fouilles menées dans la région du Western Cape et souhaite les me�re au regard de celles à l'est de l'Afrique du Sud (Kwazulu Natal et le Mpumalanga).

Dans un tel cadre, son affecta�on à Johannesburg présente de véritables atouts pour l'Ins�tut français d'Afrique du Sud. Elle donnera une autre dimension à l'une des compétences scien�fiques de notre Ins�tut, compétence récente et ini�ée avec les mises à disposi�ons successives de Messieurs François-Xavier Fauvelle (2003-2006) et Jean-Loïc Le Quellec (2006-2009). La qualité de ses recherches et de ses publica�ons lui assurent une reconnaissance déjà acquise auprès de nos partenaires et ne pourra que renforcer nos l iens avec les Universités du

Witwatersrand et du Cap qui sont nos principaux interlocuteurs scien�fiques. Mieux que quiconque, il pourra par�ciper à l'encadrement de jeunes chercheurs en archéologie que ce soit ceux, nombreux, que nous accueillons à l'Ifas, ou ceux des universités sud-africaines. Lors des nombreux événements scien�fiques d'envergure d'ores et déjà programmés pour les années à venir, il perme�ra la présence du monde universitaire français. Enfin, le projet scien�fique de Guillaume Porraz porte une dimension régionale à laquelle nous sommes très sensibles. Par le travail de prospec�on qu'il entend mener en Afrique australe dans les années à venir, il ouvrira non seulement de nouveaux chan�ers archéologiques mais aussi de nouveaux partenariats ins�tu�onnels.

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Boursiers longue durée à l’IFAS : projets de recherche

Mon projet postdoctoral de six mois à l'IFAS va interroger la manière dont on se souvient, ou on oublie, la violence poli�que de la guerre civile dans le nord du Mozambique. Comment sont transmis les souvenirs de la guerre civile ? Quel usage fait-on de ces images du passé ? Voici quelques-unes des ques�ons auxquelles mes recherches tenteront de répondre.

Au Mozambique, les souvenirs de la guerre civile sont aujourd'hui condamnés à un oubli total à la fois dans le discours public et dans l e s m é m o i r e s d i s c u r s i v e s q u o � d i e n n e s . L'imposi�on de l'oubli, organisée par le par� au pouvoir, le FRELIMO, se réalise dans un contexte de transi�on importante pour le Mozambique qui était l'un des pays les plus pauvres du monde et qui est aujourd'hui

l'une des économies les plus dynamiques en Afrique. Ce�e croissance économique, alimentée par les récentes découvertes de ressources minérales, a renforcé la détermina�on du par� au pouvoir à promouvoir la centralisa�on poli�que, la stabilité sociale et la cohésion na�onale. Dans le cadre de ce processus, le FRELIMO a été rela�vement efficace dans le contrôle de l'histoire récente du pays et, en par�culier, pour taire le débat sur la guerre civile. Cependant, ce�e planifica�on éta�que de l'oubli n'est pas en accord avec la mémoire locale.

En m'appuyant sur la li�érature de l'anthropologie de la mémoire, qui a largement pris en compte les différences et les tensions entre le mémorialisme d'Etat et les souvenirs populaires, je vais tenter d'explorer la façon dont les espaces alterna�fs de mémoire contestent ce�e stratégie planificatrice de l'oubli.

Ce projet vise à développer l'un des principaux résultats de ma thèse de doctorat sur le rôle et l'importance de la guérison spirituelle dans la ville de Nampula, au nord du Mozambique, où a émergé un espace alterna�f de mémoire. Oubliée comme « Histoire » et absente dans les pra�ques de la mémoire discursive, la guerre civile est réapparue dans l'in�mité des maisons des guérisseurs spirituels, au cours de divina�ons et de séances de guérison. Les souvenirs de la guerre civile font violemment irrup�on dans la façon dont les guérisseurs et leurs pa�ents imaginent une guerre de sorcellerie s'emparant de leur vie dans les quar�ers.

En plus d'une contribu�on à l'étude de la mémoire et de la violence dans le domaine de l'anthropologie, ce projet vise à proposer une meilleure compréhension du contexte socio-poli�que actuel au Mozambique. Faisant suite aux débats au sein de l'anthropologie de la mémoire dans le contexte postcolonial, je cherche enfin à faire la lumière sur la façon dont le passé ou sa néga�on aide à résoudre le présent. Dans ce cas, je vais me concentrer sur la façon dont les souvenirs de la guerre civile peuvent devenir un puissant instrument de cri�que envers l'Etat et ses promesses non tenues. La sorcellerie et la guérison comme lieux de mémoire, d'une part, et le silence de l'Etat, d'autre part, cons�tuent les deux faces d'une même médaille. Tous deux parlent d'un présent caractérisé par la montée des inégalités sociales, économiques, les conflits et les tensions poten�elles. En outre, les images du passé et les lu�es à travers l'histoire con�nuent à être véhiculées dans la région pour établir la puissance ou le manque de puissance.

Au cours des six mois de bourse postdoctorale, je vais par�ciper à la vie de l'Ins�tut. Je vais également procéder à une étude de terrain dans les quar�ers de la ville de Nampula, la troisième plus grande ville du Mozambique, où la majorité de la popula�on a fui durant les années de guerre civile. En plus de l'u�lisa�on de mes données antérieures, je procéderai à des entre�ens avec les guérisseurs et ferai de l'observa�on par�cipante avec un certain nombre de guérisseurs au cours de leur divina�on et séances de guérison.

Daria Tren�ni SOAS / IFASRemembering, forge�ng the civil war: state memorialisa�on, witchcra� and the poli�cal imagina�on in northern Mozambique

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eLa fin du XIX siècle et le edébut du XX siècle voient

s ' a ff r a n c h i r l e s archéologues sud-africains des cadres chronoculturels européens, créant à leur t o u r , l e u r p r o p r e c h r o n o l o g i e d e l a

préhistoire établie sur des critères technologiques. Influencés par l'Abbé Breuil, ses voyages en Afrique australe et ses travaux, ainsi que par les bases méthodologiques des chronologies préhistoriques européennes, certains archéologues sud-africains, notamment Goodwin et Van Riet Lowe, me�ent en place l'actuelle chronologie tripar�te de la préhistoire sur le con�nent : le Early Stone Age (ESA), le Middle Stone Age (MSA) et le Late Stone Age (LSA) (Goodwin 1925).

Caractérisé par l'émergence des technologies lamellaires dans ce�e par�e du monde, le début du Late Stone Age marque un tournant vis-à-vis des périodes précédentes. Toutefois, il existe très peu de données rela�ves à cet important changement technologique dans la mesure où les recherches actuelles sont focalisées depuis une décennie sur l'émergence de la modernité comportementale et culturelle apparentée au Middle Stone Age (Mc Brearty & Brooks, 2001). De fait, le faible inves�ssement en termes de recherches quant à ce�e période engendre un manque de données conséquent ne nous perme�ant pas d'appréhender les raisons de l'émergence de ces technologies lamellaires dans la préhistoire sud-africaine et leurs implica�ons concernant d'autres changements contemporains importants (Redondo 2012).

Dans l'op�que d'appréhender ce phénomène, notre approche a pour objec�f de mener une étude approfondie sur le technocomplexe Robberg caractérisé par des industries lithiques de type lamellaire.

Interprété comme le premier technocomplexe du Late Stone Age avant la découverte des premières expressions d'un Early Late Stone Age (ELSA), le Robberg est, aujourd'hui, le premier technocomplexe du Late Stone Age à être caractérisé et défini par des industries lithiques de type lamellaire. Celles-ci sont marquées par la présence de nucléus à lamelles, de lamelles standardisées u�lisées brutes et de quelques ou�ls tels que des gra�oirs, racloirs, pièces à dos. Ce�e période semble donc marquer l'émergence des technologies lamellaires au cœur de la préhistoire sud-africaine, phénomène incontournable dans d'autres contextes, à l'instar du Paléolithique supérieur en Europe ou au Moyen-Orient, réclamant aussi une a�en�on par�culière dans ce�e par�e du globe.

A fi n d ' a p p r é h e n d e r c e s c h a n g e m e n t s technologiques, notre étude se base sur une réévalua�on de séries archéologiques du Robberg. Avec l'autorisa�on du Professeur Lyn Wadley (GAES, University of the Witwatersrand), nous avons pu commencer à réétudier les niveaux Robberg du site clé de Rose Co�age Cave (Free State, Afrique du Sud).

Les premières innova�ons technologiques, telles qu'elles sont décrites par les époux Deacon (1999), semblent apparaître en Afrique subsaharienne au cours du Middle Stone Age. Elles sont toutes considérées comme des phénomènes importants caractéris�ques de la modernité culturelle et comportementale a�estant de l'an�cipa�on des besoins des groupes humains préhistoriques. Ces changements technologiques ont permis le développement de l'armement grâce à la produc�on de pe�ts supports aux dimensions standardisées u�l isés comme projec�les. Récemment, la découverte de microlithes portant des résidus de mas�c et de colle sur le site de Border Cave semble poten�ellement indiquer l'u�lisa�on de l'arc et de flèches en Afrique australe dès le Early Late Stone Age (ELSA), compte tenu des dates associées à ce�e découverte (Villa et al. 2012).

Que dire à propos du Robberg ? Contrairement à la

Marina Redondo, Laboratoire TRACES – UMR 5608 Université de Toulouse II - Le Mirail / IFASL'émergence des technologies lamellaires dans la préhistoire sud-africaine : le statut du Robberg et ses industries lithiques.

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La majorité des études traitant du panafricanisme portent sur les cadres légi�mes du« poli�que », sur les ins�tu�ons et les discours ayant cherché à promouvoir ce�e idéologie. Leurs recherches se bornent souvent au cadre étroit des par�s et des ac�ons menées par les figures poli�ques et intellectuelles tout en postulant une rela�on immédiate existant entre les aspira�ons populaires et celles des élites africaines. L'ensemble de ces travaux passent sous silence l'existence d'un panafricanisme logé au cœur des cultures poli�ques populaires dont les développements témoignent pourtant de la complexité des modes de percevoir, de penser et de construire l'unité africaine. A l'opposé de ce vide historiographique, nombre d'analyses constatent l'importance et la diversité des détours empruntés par le langage informel au sein de la sphère publique ; l'anthropologue Denis-Constant Mar�n invite ainsi à chercher le « poli�que » sous le foisonnement des expressions culturelles, « là où les Africains ont appris à exprimer leurs réac�ons ». Dans ce�e perspec�ve, nous envisagerons les musiques, les danses et les fêtes animant les villes noires de l'Afrique colonisée comme les vecteurs populaires privilégiés du panafricanisme. Aussi, nous nous proposons de mener ce�e étude des cultures urbaines des années 1930 à 1960, à l'aune d'un quo�dien suscep�ble d'éclairer des dimensions sociales, des aspects culturels et des manifesta�ons poli�ques encore ignorés.

Afin d'interroger l'unité de ces cultures urbaines, il est en conséquence possible de réaliser une analyse transversale, et, ce, sur différentes échelles : la plus restreinte, celle des quar�ers noirs de Brazzaville et

de Léopoldville ainsi que celle de Sophiatown, principal centre de l'ac�vité culturelle et poli�que des Noirs sud-africains ; et, plus précisément, celle des bars, ces « ailleurs sociaux » où s'épanouissent les fes�vités.

Des années 1930 aux années 1960, les deux régions étudiées ont vu naître les genres musicaux qui ont rayonnés avec le plus d'intensité sur le con�nent. Schéma�quement : la rumba congolaise dominait la scène musicale de l'ensemble de l'Afrique centrale et d'une par�e de l'Afrique de l'Est alors que les variantes du jazz sud-africain (marabi et kwela en par�culier) cons�tuaient quant à eux les genres les plus populaires de l'Afrique australe. De plus, l'âge d'or de ces cultures musicales correspond à une époque de radical isa�on des mouvements d'émancipa�on africains. Analyser la créa�vité ar�s�que des classe populaires est, dans ce contexte, un excellent moyen d'accéder à l'expérience et aux prises de posi�on des colonisés qui ne lisent ni n'écrivent sur l'agita�on quo�dienne de leur ville. Dans les deux Congo, les années 1930 correspondent en effet à une étape décisive de la « marche vers l ' i n d é p e n d a n c e » a v e c , n o t a m m e n t , l e développement du syndicalisme. En Afrique du Sud, la résistance croissante des Blancs à l'urbanisa�on noire contraint la société des townships à un quo�dien extrêmement pénible ; à ce�e époque et ce jusqu'à sa destruc�on à la fin des années 1950, la communauté de Sophiatown cons�tue le symbole de la lu�e pour l'émancipa�on culturelle et poli�que des Noirs sud-africains. Notre étude s'achève sur les grands événements de 1960 ayant bouleversé les sociétés congolaises et marqué un tournant dans l'histoire des lu�es contre le racisme en Afrique du Sud (Indépendances du Congo belge et du Moyen-Congo, massacre de Sharpeville)

défini�on du technocomplexe, plus de 250 lamelles sont retouchées dans un des niveaux Robberg de Rose Co�age Cave. Nous nous interrogeons donc sur l e s c r i t è r e s p r o p r e s d e l a d é fi n i � o n d u technocomplexe. De plus, ce�e découverte remet en

cause le statut du Robberg au sein de la Préhistoire sud-africaine, ainsi que la significa�on des lamelles retouchées dans l'armement et leurs implica�ons en termes de changements technologiques et d'innova�ons techniques.

Charlo�e Grabli Forma�on doctorale - « Histoire et civilisa�ons » - EHESSL'unité des cultures urbaines dans l'Afrique colonisée. Histoire des pra�ques musicales et fes�ves à brazzaville, léopoldville et johannesburg des années 1930 à 1960

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24 Lesedi #16 | Lettre de de l’information de l’IFAS Recherche | Septembre 2013

Une conférence interna�onale organisée par:Ÿ Dr Dmitry BONDAREV (Centre for the Study of

Manuscript Cultures, University of Hamburg)Ÿ Dr Andrea BRIGAGLIA (CCI; Department of

Religious Studies, UCT)Ÿ Prof Shamil JEPPIE (Tombouctou Manuscripts

Project – HUMA, UCT)Ÿ Dr Mauro NOBILI (Post-doctoral Fellow, UCT)

L'Afrique a souffert, et souffre encore, de nombreux stéréotypes académiques. Pendant longtemps, le con�nent a été dépossédé de son passé par le postulat selon lequel il n'y avait pas d'histoire en Afrique avant l'arrivée des Européens (Hugh R. Tr e v o r - R o p e r 1 9 6 3 ) . A v e c l a l u � e p o u r l'indépendance dans les années 1950 et 1960, les historiens - locaux et étrangers - ont entrepris de rendre à l'Afrique son passé. Cependant, ils l'ont fait en développant une approche qui reposait presque exclusivement sur l'oralité (Vansina 1964). Au cours

des deux dernières décennies, la (re-) découverte de milliers de manuscrits dans les différentes régions du con�nent a contraint les chercheurs à abandonner l'équa�on Afrique = oralité et à légi�mement a�ribuer au con�nent l'état d'une civilisa�on de l'alphabé�sa�on écrite. Ce nouvel intérêt est confirmé par des publica�ons récentes telles que le travail encyclopédique The Arabic Literature of Africa (John O. Hunwick et al., 1995).

Ce�e conférence vise à recueillir des contribu�ons sur les différentes dimensions du manuscrit, à savoir les matériaux, les technologies, les pra�ques et les communautés impliquées dans la produc�on, la commercialisa�on, la circula�on, la préserva�on et la consomma�on. En faisant cela, la conférence s'inscrit à la suite du projet Tombouctou, qui a déjà construit un réseau étendu de collabora�ons sur le con�nent et au-delà, ce qui a conduit à des publica�ons per�nentes comme The meanings of Timbuktu (Shamil Jeppie & Bachir Diagne 2008). L'objet de la conférence sera les manuscrits islamiques produits en Afrique sub-saharienne, soit en arabe ou dans les langues locales écrits en alphabet arabe (Ajami). Avec le terme « islamique », la conférence se réfère aux manuscrits « qui [étaient] le p r o d u i t d ' u n e t r a d i � o n i n t e l l e c t u e l l e d e l'enseignement islamique...

Une telle documenta�on, il est vrai, n'a pas toujours été liée à des ques�ons religieuses. Mais dans la mesure où il a été généralement encadrée par la langue, la perspec�ve et le calendrier de l'Islam, ce�e connaissance peut être q u a l i fi é d e n a t u r e « i s l a m i q u e » ( L y d o n 2004) ».

The Arts and Crafts of Literacy –Manuscript Cultures in Muslim Sub-Saharan Africa

5-6 Septembre 2013 - Université du Cap

conférences séminaires&

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Lesedi #16 | Lettre de de l’information de l’IFAS Recherche | Septembre 2013 25

L'Ins�tut français d'Afrique du Sud en partenariat avec le South African Ins�tute of Interna�onal Affairs ( S A I I A ) et l ' Ins�tut f rançais des re la�ons interna�onales (Ifri) organise le 22 novembre à Paris une conférence sur les élec�ons générales de 2014 en Afrique du Sud. Cet événement entre dans le cadre des saisons croisées France-Afrique du Sud 2012 et 2013.

L'année 2014 marquera un tournant pour l'Afrique du Sud, avec l'organisa�on des 6èmes élec�ons générales depuis la fin de l'apartheid. Après deux décennies de liberté et de démocra�e, ce�e conférence donnera au public français un aperçu de la situa�on économique et poli�que de l'Afrique du Sud.

L'objec�f de ce�e conférence est de rassembler des responsables et des chercheurs des grandes universités et think tanks français et sud-africains afin de proposer un panorama de l'état de l'Afrique du Sud quelques mois avant les élec�ons générales. Ce�e conférence est également envisagée comme le point de départ d'un partenariat entre SAIIA et l'Ifri qui pourrait déboucher sur de prome�eurs projets communs.

Symposium de clôture du programme XenafPol

Decembre 2013 - King’s College, Cambridge

Le programme de recherche interna�onal XenAfPol, qui met l'accent sur les poli�ques d'exclusion xénophobe en Afrique s'appuie sur une équipe interdisciplinaire de quatorze chercheurs originaires de France, du Royaume-Uni, du Nigeria, du Kenya, d'Afrique du Sud et de RDC. Il est entré dans sa phase finale et un symposium sera organisé au King's College de Cambridge en décembre 2013. L'objec�f est de soume�re deux projets de numéros spéciaux à des revues scien�fiques, l'un sur les pra�ques quo�diennes de l'exclusion xénophobe, l'autre sur la fabrique des mobilisa�ons xénophobes violentes.

L'étude de plusieurs pays africains permet d'observer ces dynamiques car ils combinent, d'une part, une variété de mobilisa�on xénophobe et des histoires de contre-mobilisa�on et, d'autre part, un ensemble de caractéris�ques communes : clivages ethniques hérités du contexte colonial dans diverses sociétés, inégalités de plus en plus aigües, urbanisa�on rapide et chômage. S'appuyant sur des recherches

empiriques approfondies menées au cours des trois dernières années dans quatre pays (République démocra�que du Congo, le Kenya, le Nigeria et l'Afrique du Sud), l'objec�f sera d'offrir une analyse r e n o u v e l é e d e s n o � o n s d e xé n o p h o b i e , d'autochtonie et d'appartenance à l'Afrique. Les débats porteront sur la fabrica�on quo�dienne de différences et de points communs (tels que les techniques u�lisées, les répertoires mobilisés et les antécédents historiques). Ils proposeront des réflexions sur la sociologie des autorités qui prétendent avoir une légi�mité sur la produc�on de la différence au sein d'un espace spécifique, leurs groupes ou individus cibles, et sur les « exclus » afin de savoir s'ils se définissent comme tels et comment ils peuvent accepter, refuser ou se dépar�r de la « différence » qui leur est a�ribuée.

Conférence sur les élections générales en Afrique du Sud

22 Novembre 2013 - IFRI, Paris

conférences et séminaires

ACAFRICAN CENTRE for

MIGRATION & SOCIETY

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26 Lesedi #16 | Lettre de de l’information de l’IFAS Recherche | Septembre 2013

Book History Seminars

Ÿ Mercredi 14 août, Ins�tut Français d’Afrique du Sud, 14.00Mauro Nobili (UCT)Re-discovering the de Gironcourt collec�on of West African Arabic manuscripts

Ÿ Samedi 31 août, Market Theatre, Johannesburg, dans le cadre du M&G Literary Fes�valArchie Dick (UP) & Isabel Hofmeyr (Wits)

Ÿ 5-7 septembre, Université du CapThe Arts and Cra�s of Literacy: Manuscript Cultures in Sub-Saharan AfricaConférence Interna�onale

Ÿ Vendredi 20 septembre, Université du Cap, 14.00Ananya Kabir (King's College London) & Adrien Delmas (IFAS)Philological encounters in the early modern world

Ÿ Mercredi 2 octobre, Université de Pretoria, 14.00Beth Leroux (UP)The Cronje Report on Undesirable Literature and its views on crime fic�on

Ÿ Mercredi 9 octobre, Université de Pretoria, 14.00Lize Kriel (UP)A cultural produc�on of fields? Missionary periodicals and their conflic�ng construc�ons

of colonial encounters, with specific reference to Wesleyan and Lutheran publishing on the Transvaal in the 1890s

Global History Workshop

Ÿ Jeudi 17 octobre,Ins�tut Français de Recherche en Afrique,Nairobi, KenyaCarla Bocche� & Adrien DelmasAfrica and Global History: New Perspec�ves

FISH - French Ins�tute Seminars in Humani�es

Ÿ Mardi 6 août,History department seminar room (UJ), 15.00Edward CavanaghEmpire's Companies in Southern Africa: How the Verenigde Oost-Indische Compagnie got its Land

Ÿ Mercredi 28 août,Ins�tut Français d’Afrique du Sud, 14.00Charlo�e GrabliL'unité des cultures urbaines dans l'Afrique colonisée. Histoire des pra�ques musicales et fes�ves à Brazzaville, Léopoldville et Johannesburg des années 1930 à 1960

Ÿ Mercredi 11 septembre,Ins�tut Français d’Afrique du Sud, 14.00Gabrielle AngeyUn réseau turc en Afrique, le mouvement Gülen

Ÿ Novembre,Ins�tut Français d’Afrique du Sud, Silvia KamanovaTheology of the Afrikaner Reformed Churches, South African Theology and the Phenomenon of the South African Black Theology

Ÿ Décembre,Ins�tut Français d’Afrique du Sud, Daria Tren�niRemembering, forge�ng the civil war: state memorialisa�on, witchcra� and the poli�cal imagina�on in northern Mozambique

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Lesedi #16 | Lettre de de l’information de l’IFAS Recherche | Septembre 2013 27

Adrien Delmas : Les Voyages de l'écrit.Culture écrite et expansion européenne à l'époque moderne : essais sur la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales

Plus à son aise, jusqu'à présent, dans le cadre na�onal que dans le roulis marin de l'histoire globale, l'histoire du livre a négligé l'un des acteurs fondamentaux de la généralisa�on, à l'époque moderne, du recours à l'écrit. Les organisa�ons commerciales et coloniales par lesquelles s'opéra le désenclavement planétaire à par�r du XVIe siècle, que ce soient l'Estado da Índia portugais, la Carrera de Indias espagnole ou les Compagnies anglaise, hollandaise ou française des Indes, ont pourtant joué un rôle majeur dans la circula�on de l'écrit à l'échelle du monde. Faut-il faire du pont des navires et de la cabine du capitaine l'un des lieux, à l'instar de l'État, l'Église et l'Université, où se sont établies nos rela�ons modernes à la culture écrite ? Pour me�re au jour ce�e histoire commune entre l'histoire de la culture écrite et celle de l'expansion européenne, ce livre propose une série d'explora�ons autour des pra�ques scripturaires de la Verenigde Oos�ndische Compagnie (VOC), la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales fondée en 1602.

Adrien Delmas, Les Voyages de l'écrit. Culture écrite et expansion européenne à l'époque moderne essais sur la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales, Honoré Champion, No 8, 2013, 288 p.

Denis-Constant Mar�n : Sounding the Cape. Music, Iden�ty and Poli�cs in South Africa

Pendant plusieurs siècles, Le Cap a accueilli une grande variété de genres musicaux qui ont généralement été associés à des groupes de popula�ons spécifiques vivant dans et autour de la ville. Les styles musicaux et les genres produits dans la ville du Cap ont donc été a�ribués à une « iden�té » d'abord et avant tout sociale. Cet ouvrage tente de reme�re en ques�on la rela�on établie entre styles, genres musicaux et iden�tés sociales (et pseudo-raciales dans ce cas-ci). Dans Sounding the Cape, Denis-Constant Mar�n réécrit et examine à travers le prisme théorique de la créolisa�on, l'histoire de la musique au Cap, en déployant des ou�ls d'analyse empruntés aux études les plus récentes sur les configura�ons iden�taires. Il démontre que la créa�on musicale dans la ville mère, et en Afrique du Sud, a toujours été nourrie par des contacts, des échanges et des innova�ons quels que soient les efforts déployés par les pouvoirs racistes pour séparer et diviser les gens en fonc�on de leur origine.

Denis-Constant Mar�n, Sounding the Cape, Music, Iden�ty and Poli�cs in South Africa , Stellenbosch, African Minds, 2013, 472 p.

publications

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28 Lesedi #16 | Lettre de de l’information de l’IFAS Recherche | Septembre 2013

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