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Séquence 6 Pistes Quels détails permettent de situer le personnage au XVIII e siècle ? Qui est Monsieur de Buffon ? Quels éléments du décor évoquent son activité ? Découvrir la critique sociale au XVIII e siècle La liberté de penser La liberté sociale La liberté des mœurs Contre les privilèges Vers l’égalité des femmes Pour l’égalité politique Le conte philosophique Les lettres fictives Le dialogue philosophique Les grands débats du XVIII e siècle Contexte historique Le temps des Lumières au cinéma : Ridicule, un film de P. Leconte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150 Repères littéraires Qu’est-ce que les Lumières ? . . . . . . . . . 152 Un combat pour la liberté Voltaire, L’affaire de La Barre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154 Condorcet, Réflexions sur l’esclavage . . . . . . . . . . . . . . . . . 156 Abbé Prévost, Manon Lescaut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 Un combat pour l’égalité Beaumarchais, Le Mariage de Figaro . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 Textes de Laclos, Condorcet, Voltaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162 J.-J. Rousseau, Discours sur l’inégalité . . . . . . . . . . . . . . . . 164 Contourner la censure Voltaire, Candide ou l’Optimisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166 Montesquieu, Lettres persanes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168 D. Diderot, Le Rêve de d’Alembert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170 Parcours d’oral Jeu de rôles Débattre dans un salon littéraire . . . . . . . 172 Bilan de séquence Synthèse La critique sociale au XVIII e siècle . . . . . . . 174 Vers le brevet Voltaire, L’Ingénu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174 Lectures coups de cœur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176 4 3 2 1 L’esprit des Lumières Principaux outils de la langue Les fonctions dans la phrase, p. 306-309 La structure de la phrase, p. 302-305 Les relations logiques, p. 336-339 Séquence 6 148

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Séquence 6

Pistes◗ Quels détails permettent

de situer le personnage au XVIIIe siècle ?

◗ Qui est Monsieur de Buffon ?Quels éléments du décorévoquent son activité ?

Découvrir la critique sociale au XVIIIe siècle

➜ La liberté de penser

➜ La liberté sociale

➜ La liberté des mœurs

➜ Contre les privilèges

➜ Vers l’égalité des femmes

➜ Pour l’égalité politique

➜ Le conte philosophique

➜ Les lettres fictives

➜ Le dialogue philosophique

Les grands débats du XVIIIe siècleContexte historique Le temps des Lumières au cinéma :Ridicule, un film de P. Leconte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150

Repères littéraires Qu’est-ce que les Lumières ? . . . . . . . . . 152

Un combat pour la libertéVoltaire, L’affaire de La Barre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154

Condorcet, Réflexions sur l’esclavage . . . . . . . . . . . . . . . . . 156

Abbé Prévost, Manon Lescaut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158

Un combat pour l’égalitéBeaumarchais, Le Mariage de Figaro . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160

Textes de Laclos, Condorcet, Voltaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

J.-J. Rousseau, Discours sur l’inégalité . . . . . . . . . . . . . . . . 164

Contourner la censureVoltaire, Candide ou l’Optimisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166

Montesquieu, Lettres persanes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168

D. Diderot, Le Rêve de d’Alembert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170

Parcours d’oralJeu de rôles Débattre dans un salon littéraire . . . . . . . 172

Bilan de séquenceSynthèse La critique sociale au XVIIIe siècle . . . . . . . 174

Vers le brevet Voltaire, L’Ingénu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174

Lectures coups de cœur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176

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L’esprit des Lumières

Principaux outils de la langueLes fonctions dans la phrase, p. 306-309La structure de la phrase, p. 302-305Les relations logiques, p. 336-339

Séquence 6148

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149L’esprit des Lumières

Carmontelle, Monsieur de Buffon, XVIIIe siècle, peinture sur papier, musée Condé, Chantilly, France

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Séquence 6150

historiqueCONTEXTE Ridicu

EXTRAIT 23e séquence (5’16 à 5’45)

Fin des années 1770, les marais de la Dombes, au nord de Lyon. Des paysansrongés par la fièvre ramassent des poissons dans la boue. Le jeune baronPonceludon de Malavoy arrive à cheval et semble peiné par l’état des paysans.Il raccompagne un enfant, fiévreux, sur son cheval et lui dit :

– Les hommes peuvent faire des miracles. Tu ne me crois pas, hein ? Maisje te fais une promesse : nous chasserons le mal des marais et il fera bonvivre ici.– Tu vas faire dire des messes ?– Non, non, pas de messes ! Nousconstruirons des digues et des canaux,nous planterons des arbres et noussèmerons. Le pays sera très beau unjour, tu verras…

Chez lui, le jeune baron rassemble ses affaires et ses plans et s’apprête à partir malgré l’opposition d’un prêtre :

– Tu ne partiras pas sans ma bénédiction. Ta mère s’inquiète de cevoyage, on dit tant de choses sur Versailles.– Dimanche, dans votre sermon, dites-leur d’espérer.– Je leur dis d’espérer en Dieu !– Versailles était entouré de marais putrides. M. Lenôtre en a fait desjardins par la volonté d’un homme.– Par la volonté d’un roi !– Je remuerai Versailles, bureau par bureau. Je verrai le roi s’il le fautet il m’entendra !– À genoux ! Le chapeau, voyons !– À bientôt.

LES LUMIÈRES

1 Les grands débats du XVIIIe siècle

Ridicule brosse le portrait de la sociétéfrançaise à la veille de la Révolution de 1789 : une noblesse de privilèges et un peuple pauvre. Ce film de PatriceLeconte expose ainsi les problèmes du XVIIIe siècle qui sont au cœur des écritsdes Lumières.

EXTRAIT 12e séquence (3’20 à 5’15)

5)

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Pistes

151L’esprit des Lumières

ule Le baron s’entretient avec le comte de Maurepas, ministre et principalconseiller de Louis XVI :

– … et là je rajouterai une écluse, nous aurions aussi un bassin pourrégler le débit en cas de masse d’eau.– Nul doute que Sa Majesté serait très intéressée par un tel ouvragehydrographique. Le roi est si friand des choses de la technique.– Faites aussi valoir que les fièvres déciment ses sujets de la Dombes.On le dit très sensible.– C’est sa faiblesse. C’est pourquoi je me garderai bien de parler devos plans à Sa Majesté. De même que je ne lui dis rien de ces projetsde tunnel sous la Manche, d’assèchement des Landes ou de voyagescartographiques aux Indes, projets peut-être fort utiles mais fortcoûteux.– Si l’ouvrage entier est trop cher, du moins pourrait-on assécher lesmarais.– Ce sont les finances du royaume qui s’assèchent ! J’ai la charge detenir les comptes. Vous n’ignorez sans doute pas la situation…– À quel prix comptez-vous la vie humaine ?– Elle passe après le destin de la France… sauf pour les philosophes !

Le baron est reçu par le responsable des ouvrages d’art militaires et des fortifications, mais sans succès. Puis, résolu, il demande au marquis de Bellegarde de l’introduire à Versailles.

À la cour de Versailles, le baron retrouve,attablés, le marquis de Bellegarde, madame deBlayac, un abbé et d’autres courtisans entrain de jouer aux dominos. L’abbé, méprisant,lui demande :

– Que sollicitez-vous à Versailles ?– La charge d’assainir les marais de la Dombes,un paradis pour les moustiques. La vie d’unpaysan n’y dépasse pas trente-cinq ans.– Pauvres gens. Comme un malheur nevient jamais seul, leur simple évocationprovoque l’ennui. (Rires des courtisans)– C’est que voyez-vous, monsieur, les paysansne nourrissent pas seulement les moustiques.Ils nourrissent aussi les aristocrates !

AU CINÉMA

Extrait 1◗ De quoi souffrent lespaysans de la Dombes ?◗ Quelle solution sembletraditionnellementproposée ?◗ Que propose le baron ?

Extrait 2◗ Pour le prêtre, de qui l’espoir deshommes dépend-il ?◗ Quel est, au contraire,le point de vue du baron ?

Extrait 3◗ À quels savoirs le baron fait-il appel pour résoudre les problèmes de la Dombes ?◗ Quelle est la position duministre par rapport aux sujetsdu roi ?

Extrait 4◗ Que représentent les paysanspour l’abbé ?◗ En quoi les propos de l’abbéet du baron illustrent-ils lasociété d’ordres de l’AncienRégime ? De quel ordre le baronse fait-il le défenseur ?

EXTRAIT 36e séquence (11’36 à 12’50)

EXTRAIT 49e séquence (14’40 à 17’25)

Le baron fait part de ses projets au marquis de Bellegarde. Celui-ci n’est guère optimiste mais ne décourage pas le baron.

Patrice Leconte, Ridicule, © Avant-Scène Cinéma, n° 521, avril 2003

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QU’EST-CE QUELES LUMIÈRES ?

1 Les grands débats du XVIIIe siècle

Séquence 6152

littéraires

L’officier dit : « Ne raisonnez pas,exécutez ! » Le percepteur : « Ne raisonnezpas, payez ! » Le prêtre : « Ne raisonnezpas, croyez ! ». Il y a partout limitation dela liberté.

Kant, Qu’est-ce que les Lumières ? (1784)

Les prêtres sont les ennemis de la raisonet les fauteurs de l’igno-rance. Ils sont trèsriches et très dange-reux. Ils infectent votrenation avec leurs mensonges. Ces orgueilleux et inutilesfainéants coûtent à l’État des sommes immenses pourbrailler dans un édifice et nous assourdir de leurs cloches.

D’après Diderot, Discours d’un philosophe à un roi (1774)

Naturellement, tous les hommesnaissent libres, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas soumis à la puissance

d’un maître, et que personne n’a sur eux un droit de propriété.

Encyclopédie (1751-1766)

Lorsque le pouvoir législatifest réuni au pouvoir exécutif,dans la ou les mêmes personnes, il n’y a pas de liberté : on peut craindreque le même monarque ou la même assemblée ne fassedes lois tyranniques pour les appliquer tyranniquement.

Montesquieu, De l’esprit des lois (1748)

La volonté générale peut

seule diriger les forces

de l’État. Le peuple

soumis aux lois en doit

être l’auteur. La

puissance législative

appartient au peuple,

et ne peut appartenir

qu’à lui.Jean-Jacques Rousseau,

Le Contrat social (1762)

REPÈRES

Le Commerce des esclaves au XVIIIe siècle

Portrait de Louis XVI

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153L’esprit des Lumières

Pistes◗ D’après ces extraits de textes philosophiques,quelles étaient les idées en débat au XVIIIe siècle ?◗ Classez les textes en fonction de ces idées etdonnez un titre à chaque ensemble.◗ Observez les illustration. Quelles idées expriméespar les philosophes chacune d’elles illustre-t-elle ?

Monsieur le Comte… Parce que vous êtes ungrand Seigneur, vous vous croyez un grand génie !….Noblesse, fortune, un rang, des places ; tout cela rendsi fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vousêtes donné la peine de naître et rien de plus.

Beaumarchais, Le Mariage de Figaro (1784)

Celui qui ne sait pas écrire, et qui ignore l’arithmétique,dépend réellement del’homme plus instruit auquel il est sans cesse obligé derecourir. Il n’est pas l’égal deceux à qui l’éducation a donnéces connaissances ; il ne peutpas exercer les mêmes droitsavec la même étendue et la même indépendance.

Condorcet, Premier Mémoire sur l’instruction publique (1791)

L’astrologie est l’art prétendu d’annoncerles événements moraux avant qu’ilsn’arrivent… comme si les astres avaientquelque autorité sur l’homme et qu’il enfût dirigé.

Encyclopédie (1751-1766)

Que les petites différences entre

les vêtements qui couvrent nos

corps, entre nos langages, entre nos

usages, entre nos lois, entre toutes

nos opinions, entre nos conditions…

ne soient pas des signaux de haine

et de persécution.

Voltaire, Traité sur la tolérance (1763)

L’homme n’est superstitieux que parcequ’il est craintif ; il ne craint que parcequ’il est ignorant.

D’Holbach, La Contagion sacrée (1768)

Paysanne du tiers-état portant une représentantedu clergé et une noble

Le déménagement du clergé après la Révolution française

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Il y avait dans Abbeville, petite cité de Picardie, une abbesse, fille d’unconseiller d’État très estimé ; c’est une dame aimable, de mœurs très

régulières, d’une humeur douce et enjouée, bienfaisante, et sage sanssuperstition.

Un habitant d’Abbeville, nommé Belleval, […] devint amoureuxde l’abbesse, qui ne le repoussa d’abord qu’avec sa douceur ordinaire, maisqui fut ensuite obligée de marquer son aversion1 et son mépris pour sesimportunités2 trop redoublées.

Elle fit venir chez elle dans ce temps-là, en 1764, le chevalier de LaBarre, son neveu […].

Le jeune La Barre prit vivement le parti de sa tante, et parla à cethomme avec une hauteur3 qui le révolta entièrement. Belleval résolut dese venger ; il sut que le chevalier de La Barre et le jeune d’Étallonde, filsdu président de l’élection, avaient passé depuis peu devant une proces-sion sans ôter leur chapeau : c’était au mois de juillet 1765. Il chercha dèsce moment à faire regarder cet oubli momentané des bienséances4 commeune insulte préméditée faite à la religion. Tandis qu’il ourdissait5 secrè-tement cette trame, il arriva malheureusement que, le 9 août de la mêmeannée, on s’aperçut que le crucifix de bois posé sur le pont neufd’Abbeville était endommagé […].

Le sieur Belleval, voyant les esprits échauffés, confondit malicieu-sement ensemble l’aventure du crucifix et celle de la procession.

« Mais, dit Belleval à ceux qu’il voulait faire parler, si vous n’êtespas sûrs que le chevalier de La Barre ait mutilé un crucifix en passantsur le pont, vous savez au moins que cette année, au mois de juillet,il a passé dans une rue avec deux de ses amis à trente pas d’une pro-

cession sans ôter son chapeau. Vous avez ouï dire qu’il a chanté unefois des chansons libertines ; vous êtes obligés de l’accuser sous peinede péché mortel. »

Relation6 de la mort du chevalier de La Barre,adressée par Voltaire à Monsieur le marquis de Beccaria7

2 Un combat pour la libertéLa liberté de penser

Voltaire (1694-1778)est un écrivain etphilosophe français.Son œuvre est uncombat pour latolérance et la libertéde penser.

Texte 1

Séquence 6154

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1. Aversion : dégoût. – 2. Importunités : avances inconvenantes. – 3. Avec une hauteur :avec une supériorité hautaine. – 4. Bienséances : attitudes conformes aux mœurs envigueur. – 5. Ourdissait : préparait, organisait secrètement. – 6. Relation : récit. –7. Marquis de Beccaria : juriste italien (1738-1794) qui, dans Des délits et des peines, pro-posa des réformes juridiques et un adoucissement des peines. Son ouvrage eut un grandretentissement en Europe.

Statue du Chevalier de

La Barre, bronze, Paris

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◗ Voltaire s’élève contre l’intolérancereligieuse. Les juges condamnent au nom de la société ceux qui portent atteinte à la religion dominante à cette époque en France : la religion catholique.

◗ Voltaire condamne aussi la justice quirecourt à la torture et punit de mort.

Expression8. Recherche Qui sont Sirven et Calas ? Quel est lepoint commun entre leur procès et celui du chevalierde La Barre ?9. Écriture Rédigez un court article pour dénoncer uneinjustice, un comportement qui vous scandalise, en vousappuyant sur un exemple puisé dans la presse quoti-dienne.Vous terminerez de la même façon que Voltaire enadaptant la formule : « Ce n’est pas dans le … siècleque cette aventure est arrivée mais dans le XXIe siècle. »

LecturePour commencer1. Qu’appelle-t-on l’intolérance ? Pouvez-vous endonner des exemples ?

L’exposé des faits2. De qui est-il question dans les deux textes ?Quelle accusation a été portée contre lui ? À quellepeine a-t-il été condamné ?3. Quelles personnes interviennent dans cette affaire ?Comment sont-elles présentées ? Quel jugement Voltaireporte-t-il sur elles ?

Une victime de l’intolérance4. Par qui le chevalier a-t-il été dénoncé ?Pour quelle raison ? Pourquoi avoir choisi ce motifd’accusation ?5. Quels exemples « d’insulte à la religion » Voltairecite-t-il ? Quelle menace Belleval brandit-il pourconvaincre les témoins d’accuser le chevalier ? Sur quelaspect de la religion Voltaire insiste-t-il ?6. Comment Voltaire montre-t-il la disproportionentre le « crime » et le châtiment inhumain réservé auChevalier ?

Pour conclure7. Que condamne simultanément Voltaire en prenantla défense du chevalier ?

155L’esprit des Lumières

Outils de la langueLes marques de la subjectivité, p. 370-373

Torture

Il faut pourtant dire un mot de la torture, autrement nommée question.C’est une étrange manière de questionner les hommes. […]

Lorsque le chevalier de La Barre, petit-fils d’un lieutenant généraldes armées, jeune homme de beaucoup d’esprit et d’une grande espérance,mais ayant toute l’étourderie d’une jeunesse effrénée, fut convaincu d’avoirchanté des chansons impies, et même d’avoir passé devant une proces-sion de capucins sans avoir ôté son chapeau, les juges d’Abbeville, genscomparables aux sénateurs romains, ordonnèrent, non seulement qu’onlui arrachât la langue, qu’on lui coupât la main, et qu’on brûlât son corpsà petit feu ; mais ils l’appliquèrent encore à la torture pour savoir préci-sément combien de chansons il avait chantées, et combien de processionsil avait vues passer, le chapeau sur la tête.

Ce n’est pas dans le XIIIe ou dans le XIVe siècle que cette aventure estarrivée, c’est dans le XVIIIe.

Dictionnaire philosophique, article « Torture » rédigé par Voltaire

Texte 2

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Séquence 6156

2 Un combat pour la liberté

Raisons dont on se sert pour excuser l’esclavage des Nègres1

On dit, pour excuser l’esclavage des Nègres achetés en Afrique, queces malheureux sont, ou des criminels condamnés au dernier

supplice, ou des prisonniers de guerre qui seraient mis à mort, s’ils n’étaientpas achetés par les Européens.

D’après ce raisonnement, quelques écrivains nous présentent latraite2 des Nègres comme étant presque un acte d’humanité. Mais nousobserverons :

1. Que ce fait n’est pas prouvé, et n’est pas même vraisemblable.Quoi, avant que les Européens achetassent des Nègres, les Africains égor-geaient tous leurs prisonniers ! Ils tuaient non seulement les femmesmariées, comme c’était, dit-on, autrefois l’usage chez une horde de voleursorientaux, mais même les filles non mariées, ce qui n’a jamais été rapportéd’aucun peuple. Quoi ! si nous n’allions pas chercher des Nègres enAfrique, les Africains tueraient les esclaves qu’ils destinent maintenant àêtre vendus. Chacun des deux partis aimerait mieux assommer ses pri-sonniers que de les échanger ! Pour croire des faits invraisemblables, il fautdes témoignages respectables, et nous n’avons ici que ceux des gensemployés au commerce des Nègres. Je n’ai jamais eu l’occasion de les fré-quenter, mais il y avait chez les Romains des hommes livrés au mêmecommerce, et leur nom est encore une injure.

2. En supposant qu’on sauve la vie du Nègre qu’on achète, on necommet pas moins un crime en l’achetant, si c’est pour le revendre oule réduire en esclavage. C’est précisément l’action d’un homme qui, aprèsavoir sauvé un malheureux poursuivi par des assassins, le volerait : ou biensi on suppose que les Européens ont déterminé les Africains à ne plus tuerleurs prisonniers, ce serait l’action d’un homme qui serait parvenu àdégoûter des brigands d’assassiner les passants, et les aurait engagés à secontenter de les voler avec lui. Dirait-on dans l’une ou dans l’autre de cessuppositions, que cet homme n’est pas un voleur ? Un homme qui, pouren sauver un autre de la mort, donnerait de son nécessaire3, serait sansdoute en droit d’exiger un dédommagement ; il pourrait acquérir un droitsur le bien et même sur le travail de celui qu’il a sauvé, en prélevant cepen-dant ce qui est nécessaire à la subsistance de l’obligé4 : mais il nepourrait sans injustice le réduire à l’esclavage. On peut acquérir des droitssur la propriété future d’un autre homme, mais jamais sur sa personne.Un homme peut avoir le droit d’en forcer un autre à travailler pour lui,mais non pas de le forcer à lui obéir.

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Condorcet(1743-1794) est unphilosophe français.Collaborateur del’Encyclopédie,Condorcet prend partà la révolutionfrançaise. Condamnéà mort sous la terreur,il se suicide avant sonexécution.

La liberté sociale

Texte

1. Nègres : du latin niger,nigrum : Noirs.

2. Traite : commerce desesclaves.

3. Nécessaire : bien dont on ne peut se passer.

4. Obligé : tenu par une obligation.

5. Fomentent : envenimer.

6. Intrigues : machinations.

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Pour conclure9. Quels principes et quelles valeurs humaines Condorcetréaffirme-t-il dans ses réflexions ? En quoi ses réflexionsillustrent-elles ce qu’est « l’esprit des Lumières » ?

LecturePour commencer1. Pensez-vous que l’esclavage existe encoreaujourd’hui ? Appuyez votre réponse par des exemples.

Le point de vue des esclavagistes2. Qui représente le « on » (l. 2) ?3. a. « Ces malheureux » (l. 2) : qui les désigne ainsi ?b. Comment sont-ils désignés par les autres ?c. Quelle différence de point de vue cela révèle-t-il ?4. Par quel raisonnement les partisans de l’esclavageconsidèrent-ils « la traite des nègres comme un acted’humanité » (l. 6) ?5. a. Qui reformule ce raisonnement ?b. Grammaire Observez le type de phrase utilisé : quelsentiment exprime-t-il ?

Le point de vue de Condorcet6. Grammaire a. Par quel mot de liaison Condorcetintroduit-il son désaccord ?b. Pourquoi utilise-t-il le pronom personnel « nous »(l. 6) ?c. À qui s’oppose « nous » ?7. Comment qualifie-t-il ces faits ? Pourquoi selon luine sont-ils pas crédibles ?8. De quoi accuse-t-il les esclavagistes ?

◗ Au XVIIIe siècle, la « traite des Noirs » est liéeau développement des grandes compagniescommerciales et à l’expansion coloniale despays européens vers le Nouveau Monde.

◗ Le pouvoir royal fournit une assise juridique à l’esclavage avec le Code noir rédigé parColbert et promulgué par Louis XIV en 1685. De nombreux philosophes des Lumièress’insurgent contre cette pratique dont Voltaire,Montesquieu, Rousseau et Condorcet.

157L’esprit des Lumières

Outils de la langueLes relations logiques, p. 336-339Les types de phrase et leurs visées, p. 352-353Les marques de la subjectivité, p. 370-373

3. L’excuse alléguée est d’autant moinslégitime, que c’est au contraire l’infâmecommerce des brigands d’Europe qui fait naîtreentre les Africains des guerres presque conti-nuelles, dont l’unique motif est le désir de fairedes prisonniers pour les vendre. Souvent lesEuropéens eux-mêmes fomentent5 ces guerrespar leur argent ou par leurs intrigues6 ; en sortequ’ils sont coupables, non seulement du crimede réduire des hommes à l’esclavage, maisencore de tous les meurtres commis en Afriquepour préparer ce crime. Ils ont l’art perfide d’ex-citer la cupidité et les passions des Africains,d’engager le père à livrer ses enfants, le frère àtrahir son frère, le prince à vendre ses sujets. Ilsont donné à ce malheureux peuple le goût des-tructeur des liqueurs fortes, ils lui ont commu-niqué ce poison qui, caché dans les forêts del’Amérique, est devenu, grâce à l’active aviditédes Européens, un des fléaux du globe ; et ilsosent encore parler d’humanité.

Condorcet, Réflexions sur l’esclavage des Nègres (1781)

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Jacques Grasset de Saint-Sauveur, Marchand d’esclaves sur l’île de Goréeau Sénégal, 1796, gravure, bibliothèque des Arts décoratifs, Paris

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Séquence 6158

2 Un combat pour la liberté

Le chevalier des Grieux tombe amoureux fou de Manon, jeune femme dénuée detout principe moral…

M’étant rendu à l’hôtellerie de Mademoiselle Manon vers la pointedu jour, je la trouvai qui m’attendait. Elle était à sa fenêtre, qui

donnait sur la rue, de sorte que, m’ayant aperçu, elle vint m’ouvrir elle-même. Nous sortîmes sans bruit. Elle n’avait point d’autre équipage queson linge, dont je me chargeai moi-même. La chaise1 était en état de partir ;nous nous éloignâmes aussitôt de la ville. […]

Nous nous hâtâmes tellement d’avancer que nous arrivâmes à Saint-Denis avant la nuit. J’avais couru à cheval à côté de la chaise, ce qui nenous avait guère permis de nous entretenir qu’en changeant de chevaux ;mais lorsque nous nous vîmes si proche de Paris, c’est-à-dire presque ensûreté, nous prîmes le temps de nous rafraîchir, n’ayant rien mangé depuisnotre départ d’Amiens. Quelque passionné que je fusse pour Manon, ellesut me persuader qu’elle ne l’était pas moins pour moi. Nous étions si peuréservés dans nos caresses, que nous n’avions pas la patience d’attendreque nous fussions seuls. Nos postillons et nos hôtes nous regardaient avecadmiration, et je remarquais qu’ils étaient surpris de voir deux enfantsde notre âge, qui paraissaient s’aimer jusqu’à la fureur. Nos projets demariage furent oubliés à Saint-Denis ; nous fraudâmes les droits de l’Église,et nous nous trouvâmes époux sans y avoir fait réflexion. Il est sûr que,du naturel tendre et constant dont je suis, j’étais heureux pour toute mavie, si Manon m’eût été fidèle.

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L’Abbé Prévost(1697-1763) est un ecclésiastique et écrivain français.Son roman ManonLescaut fut condamnéau feu par leParlement de Paris.

La liberté de mœurs

Extrait 1

Jean-Honoré Fragonard,Le Verrou, 1774,

huile sur toile, musée du Louvre, Paris

1. Chaise : voiture tirée par des chevaux.

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9. Grammaire « être ainsi occupée par le plaisir »(l. 10-11) : quelle est la construction verbale de cettephrase ? Comment celle-ci met-elle en valeur son occu-pation principale ?10. Quelle est la raison du malheur à venir du narra-teur ? Quelle en serait la cause ?

Pour conclure11. De quoi les héros se libèrent-ils ?

LecturePour commencer1. Pour vous, qu’est ce que la « liberté de mœurs » ?

Texte 1 : Une femme libre2. Qui est le narrateur ? Que savez-vous de lui ? Quelssentiments éprouve-t-il pour la jeune femme ?3. De quelles contraintes morales les amants se libè-rent-ils ? Justifiez votre réponse.4. Quelles réactions leur couple produit-il sur les gensqu’ils rencontrent ? Dans quelle mesure les choix de nar-ration permettent-ils de les nuancer ?5. Grammaire « j’étais heureux pour toute la vie, siManon m’eût été fidèle » (l. 20-21) : quelle est lafonction de la proposition introduite par « si » ? Qu’endéduisez-vous sur la suite de l’intrigue ?

Texte 2 : Une vie de plaisirs6. Par quels termes l’héroïne est-elle désignée ? Qu’enpensez-vous ?7. À quelle activité aime-t-elle passer son temps ?Justifiez.8. De quoi l’héroïne a-t-elle besoin pour satisfaire sonbien-être ?

◗ Au XVIIIe siècle, certains romanciers ont misen scène des personnages dénués demoralité, s’adonnant sans contraintes àleurs passions. Ces personnages vivent àl’écart de la norme sociale et morale,revendiquant la liberté individuelle.

159L’esprit des Lumières

Outils de la langueLe point de vue, p. 362-365Les relations logiques, p. 336-339Les marques de la subjectivité, p. 370-373

Manon était une créature d’un caractère extraordinaire. Jamais fillen’eut moins d’attachement qu’elle pour l’argent, mais elle ne

pouvait être tranquille un moment, avec la crainte d’en manquer. C’étaitdu plaisir et des passe-temps qu’il lui fallait. Elle n’eût jamais voulu toucherun sou, si l’on pouvait se divertir sans qu’il en coûte. Elle ne s’informaitpas même quel était le fonds de nos richesses, pourvu qu’elle pût passeragréablement la journée, de sorte que, n’étant ni excessivement livrée aujeu ni capable d’être éblouie par le faste des grandes dépenses, rien n’étaitplus facile que de la satisfaire, en lui faisant naître tous les jours des amu-sements de son goût. Mais c’était une chose si nécessaire pour elle, d’êtreainsi occupée par le plaisir, qu’il n’y avait pas le moindre fond à faire, sanscela, sur son humeur et sur ses inclinations. Quoiqu’elle m’aimât tendre-ment, et que je fusse le seul, comme elle en convenait volontiers, qui pûtlui faire goûter parfaitement les douceurs de l’amour, j’étais presque certainque sa tendresse ne tiendrait point contre de certaines craintes. Elle m’auraitpréféré à toute la terre avec une fortune médiocre ; mais je ne doutais nul-lement qu’elle ne m’abandonnât pour quelque nouveau B… lorsqu’il neme resterait que de la constance et de la fidélité à lui offrir.

Abbé Prévost, Manon Lescaut (1731)

Extrait 2

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À la suite d’un malentendu, Figaro croit que sa future femme Suzanne l’a trahi eta accepté un rendez-vous avec le Comte, leur maître, qui entend en faire sa maî-tresse.

Figaro, seul, se promenant dans l’obscurité, dit du ton le plus sombre – Ôfemme ! femme ! femme ! créature faible et décevante !…. nul animal crééne peut manquer à son instinct : le tien est-il donc de tromper ?… Aprèsm’avoir obstinément refusé quand je l’en pressais devant sa maîtresse ; àl’instant qu’elle me donne sa parole, au milieu même de la cérémonie…Il riait en lisant, le perfide ! et moi comme un benêt1... Non, monsieur leComte, vous ne l’aurez pas… vous ne l’aurez pas. Parce que vous êtes ungrand seigneur, vous vous croyez un grand génie !… Noblesse, fortune,un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant debiens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste,homme assez ordinaire ; tandis que moi, morbleu ! perdu dans la fouleobscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister2

seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes lesEspagnes : et vous voulez jouter… On vient… c’est elle… ce n’estpersonne. – La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métierde mari quoique je ne le sois qu’à moitié ! (Il s’assied sur un banc.) Est-ilrien de plus bizarre que ma destinée ? Fils de je ne sais pas qui, volé pardes bandits, élevé dans leurs mœurs, je m’en dégoûte et veux courir unecarrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J’apprends la chimie, la phar-macie, la chirurgie, et tout le crédit d’un grand seigneur peut à peine me

mettre à la main une lancette vétérinaire ! – Las d’attrister des bêtesmalades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corpsperdu dans le théâtre : me fussé-je mis une pierre au cou ! Jebroche3 une comédie dans les mœurs du sérail. Auteur

espagnol, je crois pouvoir yfronder Mahomet sansscrupule : à l’instant unenvoyé… de je ne sais où seplaint que j’offense dansmes vers la Sublime-Porte,la Perse, une partie de lapresqu’île de l’Inde, toutel’Égypte, les royaumes deBarca, de Tripoli, de Tunis,d’Alger et de Maroc : et voilà

ma comédie flambée,pour plaire aux princesmahométans, dont pas

un, je crois, ne sait lire, et

3 Un combat pour l’égalitéContre les privilèges

Beaumarchais(1732-1799) estauteur de théâtre.Après Le Barbier deSéville (1774), sapièce Le Mariage deFigaro, interdite parle roi pendant six ans,est finalement jouéeà La Comédie-Française en 1784 etlui apporte un énormesuccès.

Texte

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Le Réveil du Tiers État, juillet 1789, XVIIIe siècle, gravure colorisée, musée Carnavalet, Paris

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1. Benêt : idiot.

2. Subsister : survivre.

3. Je broche : j’écrisrapidement.

4. Avilir l’esprit : abaisser,humilier.

5. L’affreux recors :l’huissier.

◗ Cinq ans avant la Révolution, Figaro, le valet, s’attaque à l’ordre social figé de l’Ancien Régime, aux privilèges de lanoblesse fondés sur la naissance, non sur le mérite. Figaro est aussi le porte-parole de Beaumarchais, victime de la justicearbitraire des lettres de cachet du Roi, qui permettent d’emprisonner sansjugement, et de la censure, qui empêche les auteurs de s’exprimer librement.

Pour conclure9. Selon Figaro, sur quelles inégalités repose lasociété ? Qui sont les victimes de l’ordre social ?10. Quelles libertés Beaumarchais revendique-t-il,par l’intermédiaire de Figaro ?

LecturePour commencer1. Quels privilèges a aboli la révolution de 1789 ?Quels privilèges actuels mériteraient selon vous d’êtrecombattus ?

L’émotion de Figaro2. Quel sentiment anime Figaro ? Comment se traduit-il dans ses déplacements et dans ses paroles ?3. À qui s’adresse-t-il au début de la scène ?Ces personnages sont-ils présents ou absents ?Que leur reproche-t-il ?4. Grammaire À quel moment Figaro commence-t-ilà songer à haute voix et à faire le récit de sa vie ? Queltemps emploie-t-il ? Quelle est sa valeur ?

La révolte de Figaro5. Grammaire Pour quelle raison le Comte se sent-il autorisé à faire de Suzanne sa maîtresse ? Quelleconjonction de subordination exprime ce rapport ?6. Sur quels points Figaro se compare-t-il au Comte ?Au profit de qui cette comparaison tourne-t-elle ? Querevendique Figaro ?7. Quels apprentissages successifs Figaro a-t-il suivis ?Quelle intervention a été nécessaire pour lui permet-tre d’exercer son métier ?8. À quelle carrière, qui ne nécessitait pas de protec-tion, s’est-il ensuite consacré ? À quels nouveaux abusa-t-il été confronté ? Quels déboires lui ont valu ses dif-férents écrits ?

161L’esprit des Lumières

Outils de la langueLes valeurs des temps, p. 354-357Les relations logiques, p. 336-339

qui nous meurtrissent l’omoplate, en nous disant : chiens de chrétiens !– Ne pouvant avilir l’esprit4, on se venge en le maltraitant. — Mes jouescreusaient, mon terme était échu : je voyais de loin arriver l’affreux recors5,la plume fichée dans sa perruque : en frémissant je m’évertue. Il s’élèveune question sur la nature des richesses ; et, comme il n’est pas nécessairede tenir les choses pour en raisonner, n’ayant pas un sol, j’écris sur la valeurde l’argent et sur son produit net : sitôt je vois du fond d’un fiacre baisserpour moi le pont d’un château fort, à l’entrée duquel je laissai l’espéranceet la liberté. (Il se lève.) Que je voudrais bien tenir un de ces puissants dequatre jours, si légers sur le mal qu’ils ordonnent, quand une bonne disgrâcea cuvé son orgueil ! Je lui dirais… que les sottises imprimées n’ont d’im-portance qu’aux lieux où l’on en gêne le cours ; que sans la liberté deblâmer, il n’est point d’éloge flatteur ; et qu’il n’y a que les petits hommesqui redoutent les petits écrits. (Il se rassied.) Las de nourrir un obscur pen-sionnaire, on me met un jour dans la rue.

Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, V, 3 (1784)

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Séquence 6162

3 Un combat pour l’égalité

Ôfemmes ! Approchez et venez m’entendre.Que votre curiosité, dirigée une fois sur

des objets utiles, contemple les avantages quevous avait donnés la nature et que la société vousa ravis. Venez apprendre comment, nées com-pagnes de l’homme, vous êtes devenues sonesclave ; comment tombées dans cet état abject,vous êtes parvenues à vous y plaire, à le regardercomme votre état naturel ; comment enfin,dégradées de plus en plus par une longuehabitude de l’esclavage, vous en avez préféré lesvices avilissants mais commodes aux vertus pluspénibles d’un être libre et respectable.

Pierre Choderlos de Laclos, Traité des femmes et deleur éducation (1783)

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Vers l’égalité des femmes

Texte 1

1. Une et celle : ici,l’instruction.

2. En concurrence : par leshommes et par les femmes.

Texte 2

Texte 3

Madame du Châtelet a traduit pen-dant quinze ans l’ouvrage scientifi-que Principia mathematica, écrit enlatin par Newton. Elle y a ajouté un« Commentaire » très savant surl’œuvre de Newton.

L’instruction doit être la même pour les femmes et pour les hommes.Nous avons prouvé que l’éducation publique devait se borner à l’ins-

truction ; nous avons montré qu’il fallait en établir les degrés. Ainsi, rienne peut empêcher qu’elle ne soit la même pour les femmes et pour leshommes. En effet, toute instruction se bornant à établir des vérités, à endévelopper les preuves, on ne voit pas comment la différence des sexes enexigerait une1 dans le choix de ces vérités, ou dans la manière de les prouver.[…] S’il est quelque profession qui soit exclusivement réservée auxhommes, les femmes ne seraient point admises à l’instruction qu’elle peutexiger ; mais il serait absurde de les exclure de celle1 qui a pour objet lesprofessions qu’elles doivent exercer en concurrence2.

Elles ne doivent point être exclues de celle1 qui est relativeaux sciences, parce qu’elles peuvent se rendre utilesà leurs progrès, soit en faisant des observations,soit en composant des livres élémentaires.

Condorcet, Premier Mémoire sur l’instruction publique

Cette traduction que les plus savants hommes de Francedevaient faire, et que les autres doivent étudier, une

dame l’a entreprise et achevée, à l’étonnement et à la gloirede son pays. Gabrielle Émilie de Breteuil, épouse du marquis

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Madame du Chatelat, XVIIIe siècle, huile sur toile, copie d’une toile de Quentin de La Tour

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Vocabulaire13. Quelle différence de sens faites-vous entre les mots« éducation » et « instruction » ?Employez chacun d’eux dans une phrase qui permet d’endistinguer les différences de sens.

Expression14. Écriture Quelle est la femme de notre époque pourlaquelle vous éprouvez une grande admiration ?Informez-vous précisément sur sa vie, son parcours, sesréussites ses combats… et écrivez son éloge à lamanière de Voltaire.Mettez en évidence ce qui la distingue particulièrement,ses qualités remarquables, et concluez en disantpourquoi elle vous intéresse ou vous touche.

LecturePour commencer1. Savez-vous depuis quand les jeunes filles reçoiventla même instruction que les garçons ? Depuis quand fré-quentent-ils les mêmes écoles ?

La femme au XVIIIe siècle2. Qui sont les auteurs de chacun des extraits de textesproposés ?Quelle image de la femme chacun d’eux propose-t-il ?3. À qui l’auteur du texte 1 s’adresse-t-il ? À quelsmodes et à quels temps les verbes de ce texte sont-ilsemployés ? Pourquoi ?4. Que revendique l’auteur du texte 2 ?5. De quoi témoigne celui du texte 3 ?6. Quel lien peut-on établir entre ces deux dernierstextes ?

Vers l’égalité7. Selon Laclos (texte 1), comment est née l’inégalitéentre les hommes et les femmes ?8. Relevez dans ce texte les termes qui s’opposent. Quelest l’effet recherché ?9. a. Quels arguments Condorcet (texte 2) développe-t-il pour réclamer une instruction égale pour leshommes et pour les femmes ?b. Quelle limite voit-il à cette égalité ?10. Dans la première phrase du texte 3, quelle oppo-sition Voltaire introduit-il ? Relevez les termes qui latraduisent.11. De quelles qualités Mme du Châtelet a-t-elle faitpreuve ?

Pour conclure12. À la lecture de ces trois extraits, quelles conquê-tes pensez-vous que les femmes du XVIIIe siècle ont dûentreprendre ?

◗ Au XVIIIe siècle, l’un des objectifs des philosophes a été la recherche de l’égalité entre hommes et femmes. Le rôle de la femme était souvent limité àcelui d’épouse et de mère, mais les idéesnouvelles ont permis à certaines d’accéder àl’instruction, de tenir des salons littéraires,de devenir des savantes reconnues dès leur époque.

163L’esprit des Lumières

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du Châtelet-Laumont […], est l’auteur de cette traduction, devenue néces-saire à tous ceux qui voudront acquérir ces profondes connaissances dontle monde est redevable au grand Newton. […]

Elle était jalouse de sa gloire […] C’est ce soin qu’elle avait de sa répu-tation qui la détermina, quelques jours avant sa mort, à déposer à laBibliothèque du Roi son livre tout écrit de sa main.

Elle joignit à ce goût pour la gloire une simplicité qui est souventle fruit des études sérieuses. Jamais femme ne fut si savante qu’elle, et jamaispersonne ne mérita moins qu’on dît d’elle : c’est une femme savante.

Voltaire, Éloge historique de Madame la marquise du Châtelet (1752)

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Séquence 6164

3 Un combat pour l’égalité

Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tantqu’ils se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou

des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps dediverses couleurs, à perfectionner ou à embellir leurs arcs et leursflèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheursou quelques grossiers instruments de musique, en un mot tant qu’ils nes’appliquèrent qu’à des ouvrages qu’un seul pouvait faire, et qu’à des artsqui n’avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres,sains, bons et heureux autant qu’ils pouvaient l’être par leur nature, etcontinuèrent à jouir entre eux des douceurs d’un commerce indépendant :mais dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre ; dèsqu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux,l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire etles vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroserde la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage etla misère germer et croître avec les moissons.

La métallurgie et l’agriculture furent les deux arts dont l’inventionproduisit cette grande révolution. […]

L’invention des autres arts fut donc nécessaire pour forcer le genrehumain de s’appliquer à celui de l’agriculture. Dès qu’il fallut deshommes pour fondre et forger le fer, il fallut d’autres hommes pour nourrirceux-là. Plus le nombre des ouvriers vint à se multiplier, moins il y eutde mains employées à fournir à la subsistance commune, sans qu’il y eûtmoins de bouches pour la consommer ; et comme il fallut aux uns desdenrées en échange de leur fer, les autres trouvèrent enfin le secret d’em-ployer le fer à la multiplication des denrées. De là naquirent d’un côté lelabourage et l’agriculture, et de l’autre l’art de travailler les métaux et d’enmultiplier les usages. […]

Les choses en cet état eussent pu demeurer égales, si les talentseussent été égaux, et que, par exemple, l’emploi du fer et la consomma-tion des denrées eussent toujours fait une balance exacte ; mais la pro-

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Jean-JacquesRousseau(1712-1778) est un écrivain etphilosophe genevois. Son œuvre contribueà transformer lesidées de son siècle.

Pour l’égalité politique

Texte intégral

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen,26 août 1789, 1791, peinture sur bois, musée Carnavalet, Paris.Les idées de Rousseau et des philosophes des Lumières ont inspiré ce texte.

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Vocabulaire9. a. Cherchez les antonymes des mots suivants(dans le texte ou hors du texte) :1. liberté – 2. travail – 3. misère – 4. douceur – 5. force – 6. naturel – 7. adroit – 8. sain – 9. bon –10. heureux – 11. meilleur – 12. beaucoup.b. Employez chacun d’eux dans une phrase qui metteson sens en évidence.

Expression10. Écriture Vous avez été témoin d’une situationd’inégalité. Racontez-en les circonstances et exprimezce que vous avez ressenti.

LecturePour commencer1. Quelles situations d’inégalité connaissez-vous ?

La naissance de l’inégalité2. D’après Rousseau, à quelle période de la vie de l’hu-manité les hommes connurent-ils les plus grandesliberté et égalité ? Sur quels passages du texte vousappuyez-vous pour le dire ?3. a. Pour quelles raisons cet état changea-t-il ?b. Grammaire Quel est le connecteur qui introduitce changement ? Quels sont les indicateurs temporelsqui situent ce changement dans le temps ?4. Quelles sont les conséquences de ce changement ?Relevez les mots qui traduisent leur aspect néfaste.

Le développement de l’inégalité5. a. Quelles activités (= « les arts » selon Rousseau)les hommes développèrent-ils ? Comment explique-t-ille lien entre ces activités ?b. Montrez par quels procédés ce lien est mis enévidence aux lignes 11 à 28.6. a. Comment s’explique le développement des inéga-lités ?b. « Les choses […] avait peine à vivre. » (l. 29 à 36) :relevez les termes qui s’opposent à « égales », « égaux »(l. 29-30), « également » (l. 35). Quel effet produit cetteaccumulation ?7. À la fin du texte, quel mot indique que les hommesont réussi à faire s’arrêter le développement de l’iné-galité ? Par quel moyen ?

Pour conclure8. Quelle société Rousseau semble-t-il regretter ?Pourquoi ? Qu’en pensez-vous ?

◗ Les inégalités dans la société du XVIIIe

siècle furent fortement dénoncées par lesphilosophes. Rousseau dans son Discourssur l’inégalité analyse la naissance et ledéveloppement de l’inégalité dans la sociétéhumaine. Dans le Contrat social, il proposel’établissement et la reconnaissance de loispour éviter l’accroissement de l’inégalité etde ses conséquences.

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Outils de la langueLes relations logiques, p. 336-339

portion que rien ne maintenait fut bientôt rompue ; le plus fort faisait plusd’ouvrage ; le plus adroit tirait meilleur parti du sien ; le plus ingénieuxtrouvait des moyens d’abréger le travail ; le laboureur avait plus besoinde fer, ou le forgeron plus besoin de blé, et en travaillant également, l’ungagnait beaucoup tandis que l’autre avait peine à vivre. C’est ainsi que l’iné-galité naturelle se déploie insensiblement avec celle de combinaison et queles différences des hommes, développées par celles des circonstances, serendent plus sensibles, plus permanentes dans leurs effets, et commen-cent à influer dans la même proportion sur le sort des particuliers. […]

Il suit de cet exposé que l’inégalité, étant presque nulle dans l’étatde nature, tire sa force et son accroissement du développement de nosfacultés et des progrès de l’esprit humain et devient enfin stable et légitimepar l’établissement de la propriété et des lois.

Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité entre les hommes (1755)

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Comment on fit un bel autodafé1 pour empêcher les tremblements de terre, etcomment Candide fut fessé.

Après les tremblements de terre qui avaient détruit les trois quartsde Lisbonne, les sages du pays n’avaient pas trouvé un moyen plus

efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un belautodafé ; il était décidé par l’université de Coïmbre2 que le spectacle dequelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie, est un secretinfaillible pour empêcher la terre de trembler.

On avait en conséquence saisi un Biscayen3 convaincu d’avoir épousésa commère4, et deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaientarraché le lard5, on vint lier6 après le dîner le docteur Pangloss et son discipleCandide, l’un pour avoir parlé, et l’autre pour avoir écouté avec un air d’ap-probation : tous deux furent menés séparément dans des appartementsd’une extrême fraîcheur, dans lesquels on n’était jamais incommodé dusoleil : huit jours après ils furent tous deux revêtus d’un san-benito7, et onorna leurs têtes de mitres8 de papier : la mitre et le san-benito de Candideétaient peints de flammes renversées, et de diables qui n’avaient ni queuesni griffes ; mais les diables de Pangloss portaient griffes et queues et lesflammes étaient bien droites. Ils marchèrent en procession ainsi vêtus, etentendirent un sermon très pathétique, suivi d’une belle musique en faux-

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4 Contourner la censureLe conte philosophique

Voltaire (1694-1778)Son œuvre contientles idées essentiellesdu XVIIIe siècle.L’ironie et l’humourqui caractérisent son écriture luipermettent decritiquer certainesidées et mœurs de son époque sansencourir lesinterdictions de la censure.

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Le Tremblement de terre de Lisbonne, gravure colorisée (XVIIIe siècle)

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◗ Le conte philosophique est un genrelittéraire grâce auquel Voltaire exprime defaçon vivante et ironique une critique de lasociété de son époque. Dans Candide oul’Optimisme, les aventures des différentspersonnages permettent à Voltaire dedénoncer, en particulier, la violence, lemanque d’esprit critique, l’intolérance.

Pour conclure8. Que dénonce Voltaire dans cet extrait ?9. Quels sont les procédés d’écriture au service de cettedénonciation ?

Vocabulaire10. « des appartements d’une extrême fraîcheur, danslesquels on n’était jamais incommodé du soleil » est uneantiphrase pour désigner la prison. À votre tour, trouvezdes antiphrases pour désigner la campagne, lamontagne, un centre commercial, les couloirs ducollège, la rentrée scolaire.

LecturePour commencer1. Que signifie le mot « censure » ? Existe-t-elle dansnotre pays à notre époque ? Dans quels domaines ?Pouvez-vous en donner des exemples ?

Des coupables2. a. Quel est le moyen imaginé à Lisbonne pourempêcher la terre de trembler à nouveau ?b. Qui prend cette décision ? Que symbolisent-ils dansla société ?3. Grammaire À quel temps le verbe « être » est-ilemployé (l. 5) ? Quelle est ici la valeur de ce temps ?Qu’ajoute-t-elle à ce qui est dit dans cette phrase ?4. Relevez les termes qui présentent l’autodafé commeun « spectacle » et « une grande cérémonie ». Pourquoila mort de ces hommes est-elle ainsi mise en scène ?

La critique sous l’ironie5. a. Lignes 11 à 13 (« tous deux… incommodé dusoleil ») : la présentation de ces lieux est-elle positive ?Sur quels termes vous appuyez-vous pour le dire ?b. En réalité, où Candide et Pangloss sont-ils emmenés ?Quel effet l’opposition entre le lieu et la façon dont ilest présenté produit-elle ?6. a. Quel adjectif choisiriez-vous pour caractériser lasituation dans laquelle se trouvent les prisonniers ?b. Quelle atmosphère cherchent à créer le sermon et lamusique ? Justifiez votre réponse.c. Quel effet produit le rapprochement entre l’horreurdu châtiment et ce qu’entendent les condamnés et lesspectateurs ?7. a. Comparez la dernière phrase (l. 22) avec lepremier paragraphe. Quelle est l’importance de l’infor-mation « le même jour » ?b. Quel jugement le lecteur est-il conduit à porter sur« les sages du pays » et « l’université de Coïmbre » ?

167L’esprit des Lumières

Outils de la langueLes valeurs des temps, p. 354-357

bourdon9. Candide fut fessé en cadence pendant qu’on chantait ; leBiscayen et les deux hommes qui n’avaient point voulu manger de lardfurent brûlés, et Pangloss fut pendu, quoique ce ne soit pas la coutume.Le même jour, la terre trembla de nouveau avec un fracas épouvantable.

Voltaire, Candide ou l’Optimisme (1759)

1. Autodafé : cérémonie au cours de laquelle on appliquait les jugements prononcés par l’Inquisition (ins-titution qui recherchait et poursuivait les croyances différentes de celles de la religion catholique). –2. Coïmbre : université du Portugal où se trouvait le siège célèbre d’un tribunal de l’Inquisition. –3. Biscayen : Basque espagnol. – 4. Sa commère : le mariage entre parrain (le compère) et marraine (la com-mère) était interdit par l’Église depuis le VIIe siècle. – 5. Le lard qui bardait le poulet : les Juifs (quel’Inquisition poursuivait) ne mangent pas de porc. – 6. Lier : enchaîner. – 7. San-benito : sorte de manteauample à longues manches dont on revêtait les accusés. – 8. Mitres : coiffures hautes et coniques. – 9. Faux-bourdon : chant à une voix accompagnée par l’orgue.

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Séquence 6168

4 Contourner la censure

Lettre XXIV

Rica à Ibben, à Smyrne

P aris est aussi grand qu’Ispahan : les maisons y sont si hautes, qu’onjugerait qu’elles ne sont habitées que par des astrologues1. Tu juges

bien qu’une ville bâtie en l’air, qui a six ou sept maisons les unes sur lesautres, est extrêmement peuplée ; et que, quand tout le monde estdescendu dans la rue, il s’y fait un bel embarras2.

Tu ne le croirais pas peut-être, depuis un mois que je suis ici, je n’yai encore vu marcher personne. Il n’y a pas de gens au monde qui tirentmieux partie de leur machine que les Français ; ils courent, ils volent : lesvoitures lentes d’Asie, le pas réglé de nos chameaux, les feraient tomberen syncope. Pour moi, qui ne suis point fait à ce train, et qui vais souventà pied sans changer d’allure, j’enrage quelquefois comme un chrétien :car encore passe qu’on m’éclabousse depuis les pieds jusqu’à la tête ; maisje ne puis pardonner les coups de coude que je reçois régulièrement etpériodiquement. Un homme qui vient après moi et qui me passe3 me faitfaire un demi-tour ; et un autre qui me croise de l’autre côté me remetsoudain où le premier m’avait pris ; et je n’ai pas fait cent pas, que je suisplus brisé que si j’avais fait dix lieues.

Ne crois pas que je puisse, quant à présent, te parler à fond desmœurs et des coutumes européennes : je n’en ai moi-même qu’une légèreidée, et je n’ai eu à peine que le temps de m’étonner.

Le roi de France est le plus puissant prince de l’Europe. Il n’a pointde mines d’or comme le roi d’Espagne son voisin ; mais il a plus de riches-ses que lui, parce qu’il les tire de la vanité de ses sujets4, plus inépuisableque les mines.

On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, n’ayantd’autres fonds que des titres d’honneur à vendre ; et, par un prodige del’orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, etses flottes équipées.

D’ailleurs ce roi est un grand magicien : il exerce son empire surl’esprit même de ses sujets ; il les fait penser comme il veut. S’il n’a qu’unmillion d’écus dans son trésor et qu’il en ait besoin de deux, il n’a qu’àleur persuader qu’un écu en vaut deux, et ils le croient. S’il a une guerredifficile à soutenir, et qu’il n’ait point d’argent, il n’a qu’à leur mettre dansla tête qu’un morceau de papier5 est de l’argent, et ils en sont aussitôtconvaincus. Il va même jusqu’à leur faire croire qu’il les guérit de toutessortes de maux en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu’ila sur les esprits.

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Montesquieu(1689 -1755) est unmagistrat et écrivainfrançais. Il estl’auteur de nombreuxmémoires, romans etessais parmi lesquels :Lettres persanes,L’Esprit des Lois.

Les lettres fictives

Texte

1. Astrologues : mages,devins.

2. Embarras : obstacle à la circulation.

3. Qui me passe : double.

4. Sujets : tous les habitantssoumis à une monarchie(opposé à citoyen).

5. Morceau de papier :allusion aux premiersbillets de banque.

Les Lettres Persanes forment un roman épistolaire dont les deux personnages,Uzbek et Rica, sont persans. Ils ont quitté la Perse pour se rendre à Paris et ydécouvrent les Parisiens, leurs opinions politiques et religieuses.

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Outils de la langueLe point de vue, p. 362-365

Pour conclure11. Diriez-vous de cette lettre qu’elle est amusante ouironique ? Justifiez votre réponse.12. À travers la description de Paris par un Persan, quecritique en réalité cette lettre ?13. Dans la société du XVIIIe siècle, quel intérêtprésente l’utilisation de la lettre fictive et le fait qu’ellesoit signée par des Persans ?

Expression14. Écriture Transposez la lettre de Rica aujourd’hui.Quels faits, événements, provoqueraient votre éton-nement ? votre critique ? Rédigez cette lettre à lapremière personne du singulier.

◗ Les lettres fictives écrites par des étrangers,fictifs eux aussi, sont utilisées au XVIIIe sièclepour créer une mise à distance qui permet decritiquer la société de façon divertissante.C’est ce qu’on appelle une satire.

169L’esprit des Lumières

Ce que je dis de ce prince ne doit pas t’éton-ner : il y a un autre magicien plus fort que lui, quin’est pas moins maître de son esprit qu’il l’est lui-même de celui des autres. Ce magicien s’appellele pape : tantôt il lui fait croire que trois ne sontqu’un ; que le pain qu’on mange n’est pas du pain,ou que le vin qu’on boit n’est pas du vin, et milleautres choses de cette espèce. […]

De Paris, le 4 de la lune de Rebiah,2, 1712 [juin]

Montesquieu, Lettres persanes (1721)

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Jean-Baptiste Seotin, Le Perse, 1707,gravure colorisée, bibliothèque desArts décoratifs, Paris

LecturePour commencer1. À quels indices reconnaissez vous une lettre ? Àvotre avis, est-ce une lettre réelle ou inventée ?Justifiez votre réponse.

Un Persan à Paris2. Avec quel regard Rica décrit-il la vie parisienne ?Quel est l’effet produit ?3. Quelles caractéristiques de la capitale et de ses habi-tants ont marqué Rica ? Justifiez votre réponse.4. Quelles comparaisons effectue-t-il avec son paysd’origine ? Dans quelles intentions ?5. Quelles réactions et quels sentiments Rica éprouve-t-il face au mode de vie français ? Quelles critiquesimplicites exprime-t-il ?6. Pourquoi dit-il « J’enrage quelquefois comme unchrétien » (l. 12). Quelle expression un Parisien aurait-il pu employer ?

Une critique des puissants7. Comment le roi est-il désigné ? Quelles critiques suc-cessives Montesquieu formule-t-il sur le pouvoir royalde l’époque ? Justifiez votre réponse.8. Quel est l’autre personnage visé ? Quelle institutionreprésente-t-il ?9. Qui manipule qui ? Dans quel ordre ? Qui est doncle plus grand responsable de cette situation ?10. Quel rite religieux est visé à la fin de l’extrait ?

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Séquence 6170

4 Contourner la censure

BordeuIl a raison ; les organes produisent les besoins, et réciproquement

les besoins produisent les organes.

Mademoiselle de LespinasseDocteur, délirez-vous aussi ?

BordeuPourquoi non ? J’ai vu deux moignons devenir à la longue deux bras.

Mademoiselle de LespinasseVous mentez.

BordeuIl est vrai ; mais au défaut de deux bras qui manquaient, j’ai vu deux

omoplates s’allonger, se mouvoir en pince, et devenir deux moignons.

Mademoiselle de LespinasseQuelle folie !

BordeuC’est un fait. Supposez une longue

suite de générations manchotes, supposezdes efforts continus, et vous verrez lesdeux côtés de cette pincette s’étendre,s’étendre de plus en plus, se croiser sur ledos, revenir par devant, peut-être sedigiter1 à leurs extrémités, et refaire desbras et des mains. La conformation ori-ginelle2 s’altère ou se perfectionne par lanécessité et les fonctions habituelles.Nous marchons si peu, nous travaillonssi peu et nous pensons tant, que je nedésespère pas que l’homme ne finisse parn’être qu’une tête.

Mademoiselle de LespinasseUne tête ! une tête ! c’est bien peu

de chose ; j’espère que la galanterieeffrénée3... Vous me faites venir desidées bien ridicules.

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Denis Diderot(1713-1784) est unécrivain et philosophefrançais. Avec sonami d’Alembert, il est à l’origine de la rédaction del’Encyclopédie.

Le dialogue philosophique

Texte

Planche d’anatomie de l’Encyclopédiede Diderot et d’Alembert, 1751-1772

Le rêve de d’Alembert est une conversation Mademoiselle de l’Espinasse, Bordeuet d’Alembert.

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11. Quel est le porte-parole des idées de Diderot ? Enquoi son métier est-il utile à l’auteur ?

Pour conclure12. À votre avis, pourquoi Diderot utilise-t-il le dialoguephilosophique pour exprimer des idées novatrices ?

Expression13. Oral Faites des recherches sur la théorie de l’évo-lution des espèces. Dans un discours argumentatif, vouschercherez à convaincre votre interlocuteur de son bien-fondé. Vous pourrez user de nombreux procédés pourle séduire, le divertir et faire passer vos arguments.

LecturePour commencer1. À quels indices reconnaissez-vous un dialogue dethéâtre ? Quelles peuvent être ses fonctions ?

La situation d’énonciation2. Qui parle ? À qui ? Dans quelle situation particulièrese trouve d’Alembert ?3. Sous quelle forme se présente le texte ? Justifiez.4. Montrez comment les personnages réagissent à cequi vient d’être dit, prennent en compte leur interlo-cuteur en analysant les débuts et les fins de répliques.

La théorie scientifique5. Grammaire Dans la dernière réplique de Bordeu,quelles sont les mode et temps utilisés ? Quelles sontleurs valeurs ? En quoi leur emploi explicite-t-il lafonction du médecin dans le dialogue ?6. Montrez que Bordeu utilise des exemples concretspour convaincre son interlocutrice du bien-fondé de sathéorie.7. Reformulez l’idée scientifique importante quecontient la dernière réplique de Bordeu. Relevez lechamp lexical qui illustre sa théorie.8. Grammaire « j’ai vu deux omoplates s’allonger, semouvoir en pince, et devenir deux moignons » (l. 6-7) : quels sont les sujets de « s’allonger », « semouvoir » et « devenir deux pinces » ? En quoi l’emploide cette construction illustre-t-elle la doctrine énoncéepar le médecin ?9. Grammaire Quels types de phrase emploie prin-cipalement Mlle de l’Espinasse ? Pour quelles raisons ?

Pour contourner la censure10. À une époque où les Français tiennent pour vraiesles textes bibliques, telles que la Création d’Adam, enquoi la théorie de Bordeu est-elle novatrice mais dan-gereuse pour celui qui l’émet ? Que risque ce dernier ?

◗ Le dialogue philosophique est un genrelittéraire dont l’aspect formel ressemble audialogue théâtral. Il permet de façon vivanted’aborder des questions de morale et deréfléchir sur les rapports entre la science et la religion. Les répliques successives des personnages aident Diderot à dénoncerceux qui, à son époque, s’opposent auxnouveaux savoirs.

171L’esprit des Lumières

Principaux outils de la langueLa phrase complexe, p. 302-305Les types de phrase et leurs visées, p. 352-353Les valeurs des temps, p. 354-357

1. Se digiter : se divisercomme les doigts de la main.

2. Conformation :disposition d’un corpsorganisé ou d’un organe.

3. Galanterie effrénée :disposition à se montrercourtois envers les femmes,à rechercher leurcompagnie et à leur plaire.

BordeuPaix.

D’AlembertJe suis donc tel, parce qu’il a fallu que je fusse tel. Changez le tout,

vous me changez nécessairement ; mais le tout change sans cesse…L’homme n’est qu’un effet commun, le monstre qu’un effet rare ; tous lesdeux également naturels, également nécessaires, également dans l’ordreuniversel et général… Et qu’est-ce qu’il y a d’étonnant à cela ?… Tous lesêtres circulent les uns dans les autres, par conséquent toutes les espèces…tout est en un flux perpétuel…

Denis Diderot, Le Rêve de d’Alembert (1769)

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JEU DE RÔLES

Séquence 6172

Parcours d’

Les salons au XVIIIe siècle

Au XVIIIe siècle, les salons tenus par des femmes sont nombreux : ceux deMadame du Deffand, de Mademoiselle de Lespinasse, de Madame Necker, deMadame Geoffrin sont restés célèbres.

Des écrivains, des philosophes, des scientifiques s’y réunissent et échan-gent des idées. L’art de la conversation s’y développe et, mondains et littérai-res au début, ces salons vont, par la suite, permettre des échanges politiques.

Le salon de Madame Geoffrin

Débattre dans un salon littéraire

Anicet Charles Lemonnier, Le Salon de Madame Geoffrin, 1812 (huile sur toile), musée du château de Malmaison, Rueil-Malmaison

Rousseau Voltaire D’Alembert Diderot

Buffon Mme Geoffrin Montesquieu

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ConseilsPour mener la conversation :– adressez-vous aux membres du salon en oubliant qu’ils sont aussi vos cama-rades de classe.– présentez clairement les idées et les points de vue de votre personnage.– défendez le point de vue de votre personnage en nuançant vos propos : nevous opposez pas brutalement mais essayez de reformuler pour être plusconvaincant.– écoutez ce que disent les autres.– avant de contredire un autre personnage, commencez par montrer que vousavez bien compris ce qu’il voulait dire en résumant son point de vue.– faites des concessions : « vous avez raison en partie », « mais », « ce n’est pasfaux », « cependant »…

Étape 1 La recherche◗ Individuellement, choisissez un des personnagescélèbres identifiés sur le tableau. Cherchez dans votremanuel, dans des ouvrages documentaires ou surInternet des informations sur sa vie, ses idées, ses tra-vaux.◗ Préparez une fiche contenant l’essentiel des informa-tions que vous avez retenues.◗ Mettez-vous par groupes de deux ou trois ayant choisile même personnage. Observez sa représentation sur letableau de Lemonnier : ses vêtements, son attitude, saplace dans le groupe. Faites son portrait.◗ Mettez en commun vos informations. Choisissez cequi caractérise votre personnage, ce qui vous paraîtessentiel et original dans ses idées.

Étape 2 Les échanges◗ Chaque groupe choisit l’élève qui jouera le rôle d’undes personnages du tableau.◗ Comme dans le salon de Madame Geoffrin, les comé-diens s’installent en demi-cercle face au reste de laclasse.◗ Une des élèves jouera le rôle de Madame Geoffrin :c’est elle qui proposera le thème de la conversation (àpartir des idées des philosophes que vous avez décou-vertes lors de vos recherches), qui distribuera et relan-cera la parole.◗ Changez les comédiens à chaque nouveau débat.

Étape 3 S’évaluer◗ Notez par écrit ce que ce jeu de rôles vous a apporté comme connaissances nouvelles, les questionsqu’il vous a amené(e) à vous poser, l’éclairage plus précis qu’il vous a donné sur le XVIIIe siècle…◗ Notez également les difficultés et les réussites rencontrées lors de la tenue des débats.

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Séquence 6174

CHAP. IX. – Arrivée de l’Ingénu à Versailles. Sa réception à la cour.

L e Huron, tout étonné, le suit ; ils restent ensemble une demi-heuredans une petite antichambre. « Qu’est-ce donc que tout ceci ? dit

l’Ingénu ; est-ce que tout le monde est invisible dans ce pays-ci ? il est bienplus aisé de se battre en basse Bretagne contre des Anglais, que de ren-contrer à Versailles les gens à qui on a affaire. » […]

Enfin le patron parut. « Monsieur, lui dit l’Ingénu, si j’avais attendupour repousser les Anglais aussi longtemps que vous m’avez fait attendremon audience, ils ravageraient actuellement la basse Bretagne tout à leuraise. » Ces paroles frappèrent le commis. Il dit enfin au Breton. « Quedemandez-vous ? — Récompense, dit l’autre ; voici mes titres : il lui étalatous ses certificats. Le commis lut, et lui dit que probablement on lui accor-derait la permission d’acheter une lieutenance. « Moi ! que je donne del’argent pour avoir repoussé les Anglais ? que je paye le droit de me faire

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Bilan La critique sociale au XVIIIe siècle

Vers le

brevet

Le XVIIIe siècle a marqué durablement la vie intellectuelle en France et dans le monde.

◗ Les progrès scientifiques autour des théories de Newton (1642-1727), les travaux du naturaliste Buffon (1749- 1789) créent un véritable enthousiasme et sont à l’origine de l’Encyclopédie.

◗ L’Encyclopédie, conçue et réalisée principalement par Diderot et d’Alembert, est un ouvrage dont le but est de rassembler et de répandre les connaissances scientifiques et techniques de l’époque.L’objectif de ses concepteurs est de toucher un large public et de lui apporter des connaissances quipermettent le progrès de la civilisation.

◗ Les philosophes : Voltaire (1694-1778), Rousseau (1712-1778), Diderot (1713-1784), Montesquieu (1689-1755), Condorcet (1743-1794) combattent dans leurs ouvrages tout ce qui asservit l’homme dans les domaines politique, religieux, social. Pour eux, c’est le savoir apporté par l’instruction,l’éducation, qui peut conduire l’homme à aller vers le progrès.

◗ Le théâtre avec Beaumarchais (Le Mariage de Figaro), qui dénonce les inégalités sociales, le roman avec Laclos (Les Liaisons dangereuses), qui revendique la liberté, rejetant toute croyance et morale imposées, poursuivent le même but : libérer l’homme de tout ce qui l’empêche de penser et d’agir selon la raison.

◗ La censure intervient parfois, et certains auteurs sont conduits en prison (Voltaire, Diderot), mais des publications imprimées à l’étranger ou l’utilisation de genres particuliers (lettres fictives, conte et dialogue philosophique) permettent de la contourner.

◗ Les salons où se réunissent tous les « intellectuels » de cette époque sont des lieux de diffusion de leurs réflexions et de leurs théories. Les hôtesses de ces salons apportent une aide matérielle et un soutien à des auteurs qui en ont besoin. C’est le cas de Madame Geoffrin qui soutient Diderotlorsqu’il travaille à l’Encyclopédie, et de Madame d’Épinay qui aide Rousseau.

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tuer pour vous, pendant que vous donnez ici vos audiences tranquille-ment ? je crois que vous voulez rire. Je veux une compagnie de cavaleriepour rien ; je veux que le roi fasse sortir Mlle de Saint-Yves du couvent,et qu’il me la donne par mariage ; je veux parler au roi en faveur de cin-quante mille familles que je prétends lui rendre : en un mot je veux êtreutile ; qu’on m’emploie et qu’on m’avance. […]

Ce même jour, le révérend P. de La Chaise, confesseur de Louis XIV,avait reçu la lettre de son espion, qui accusait le Breton Kerkabon de favo-riser dans son cœur les huguenots, et de condamner la conduite desjésuites. M. de Louvois, de son côté, avait reçu une lettre de l’interrogantbailli, qui dépeignait l’Ingénu comme un garnement qui voulait brûlerles couvents et enlever les filles.

L’Ingénu, après s’être promené dans les jardins de Versailles, où ils’ennuya, après avoir soupé en Huron et en bas Breton, s’était couché dansla douce espérance de voir le roi le lendemain, d’obtenir Mlle de Saint-Yvesen mariage, d’avoir au moins une compagnie de cavalerie, et de faire cesserla persécution contre les huguenots. Il se berçait de ces flatteuses idées,quand la maréchaussée entra dans sa chambre. Elle se saisit d’abord deson fusil à deux coups et de son grand sabre.

On fit un inventaire de son argent comptant, et on le mena dans lechâteau que fit construire le roi Charles V, fils de Jean, II, auprès de la rueSaint-Antoine, à la porte des Tournelles.

Quel était en chemin l’étonnement de l’Ingénu ! je vous le laisse àpenser. Il crut d’abord que c’était un rêve.

Voltaire, L’Ingénu (1767)

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6. Quelle violence est faite à l’Ingénu à la fin dutexte ? La raison de son arrestation, la durée de sonincarcération lui sont-elles données ? Quels abusdénonce ici Voltaire ? Quelle comparaison le montre ?7. Étudiez les interventions directes et indirectes dunarrateur : quel parti prend-il ?

Réécriture8. Lignes 6 à 19 : transformez les paroles rapportéesdirectement en paroles rapportées indirectement defaçon à obtenir un dialogue entre le Huron et le commis.

Écriture9. L’ingénu parvient en payant son geôlier à faire sortirdeux lettres de prison, l’une adressée à sa fiancée,l’autre adressée au roi. Rédigez ces deux lettres danslesquelles il raconte sa mésaventure et fait part de sessentiments.

QuestionsL’art de critiquer1. a. Quelle est la « nationalité » de l’Ingénu ? Quelscomportements, quelles réflexions signalent ce statutd’étranger à la cour de Versailles ?b. Que met en valeur le surnom du héros, « l’Ingénu » ?Quel est l’intérêt de choisir un tel personnage pourhéros ?2. Que pensent les gens de la cour de l’Ingénu ?3. « Après s’être promené dans les jardins de Versaillesoù il s’ennuya » (l. 26-27) : quelle impression produitVersailles sur le Huron ? Quel est l’effet produit par cerapprochement ? Trouvez-en deux autres exemplesdans le texte.

La critique de la société4. Que vient demander le Huron au roi ? Quelles valeursdéfend-il ? Quelles récompenses obtient-il ?5. Quel sort a été fait à sa fiancée ? Pourquoi ?

175L’esprit des Lumières

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Jean-Baptiste de Panafieu, Sur les traces de Charles Darwin,

© Gallimard Jeunesse, ill. Vincent Desplanche

Naturaliste particartographier le monde,Darwin collecte, observe

puis élabore la théoriede l’évolution, base

des sciences naturellesdu XXe siècle.

Laure Bazire et Flore Talamon,

Les Enfants des Lumières,

tome 1 : Le Singe de Buffon,

coll. Histoire, © Éditions Nathan,

ill. Jean-Christophe Lerouge

1750. Pierre, un jeune

paysan, est chargé par

le scientifique Buffon

d’amener à Paris le

squelette d’un singe

qu’il étudiait. Mais en

route, on lui vole…

Qui est le coupable ?

Séquence 6176

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Déclaration universelle des droits de l’homme, illustrée par William Wilson,coll. album Dada, © Mango Jeunesse

Les 30 articles de ce textequi énonce les fondementsde la liberté, de la justiceet de la fraternité.

Jean-François Parot, L’Énigme des Blancs-Manteaux, © 2003, éditions Pocket Jeunesse,département de Univers Poche. Photos © S.Simpson/Getty images et collection Christophe L.

Paris, janvier 1761. Nicolas Le Floch apprend le métier de policier avec le lieutenant général de policede Louis XV, chargé desaffaires spéciales. Très vite, sa première enquêtecriminelle va le plonger au cœur d’une conspirationcontre la vie du roi.

Élisabeth Badinter, Les Passions d’Émilie,© Gallimard Jeunesse, ill. Jacqueline Duhême

Le récit de la vie exceptionnelled’Émilie du Châtelet, la première

femme scientifique en France, dontle rêve était de devenir l’égal de

l’homme dans les sciences.

177L’esprit des Lumières

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