l'opinion et la manipulation

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maCommunication Guide pratique : comment sauver l’opinion face à 20 techniques de manipulations ? NewDay

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maCommunication

Guide pratique : comment sauver l’opinion face à

20 techniques de manipulations ?

NewDay

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Comment sauver l’opinion face à … ?

La question qui alimente ce jour les cercles Améri-cains de réflexion est la suivante : Barack Obama

n’est-il pas aussi, voire d’abord, l’élu de Mo-

veOn.org ? MoveOn est une association dont l’action repose

sur deux postulats :

- le citoyen est toujours plus important que

l’élu. C’est le citoyen qui est à la base de tout. C’est lui qui fait et détient le pouvoir, pour que le citoyen puisse exercer convenable ment ses droits, c'est-à-dire se prononcer en totale connaissance de cause, il doit être «averti».

- le «citoyen averti» est à la démocratie ce que

le «consommateur averti» est à la consomma-

tion quotidienne. C’est celui qui sait déchiffrer les fausses promesses, poser les bonnes ques-tions, ne se laisse pas piéger par les annonces racoleuses…

Mais comment construire «un citoyen averti» ? A certains égards, la réponse peut paraître sim-

ple. Il s’agit d’abord de dénoncer les «complots

du concurrent». Il s’agit ensuite d’appliquer la

«publicité comparative».

En ce qui concerne la notion du «complot», l’axe consiste à dénoncer publiquement les comporte-ments qui portent atteinte à la considération des consommateurs ou des citoyens. Les premiers pratiquent alors le boycott des pro-duits désignés pour cibles. Les seconds votent contre des candidats ou contre des responsables qui ne respectent pas certaines valeurs.

Aux USA, cette logique crée une véritable dictatu-re du consommateur ou du citoyen et malheur à l’entreprise ou à l’élu qui entre dans le collimateur de groupes de pression qui organisent alors une clameur qui peut emporter presque tout sur son chemin. Cette clameur est d’autant plus redoutable qu’el-

le ne vise pas toujours à établir une stricte maté-

rialité des faits mais à convaincre que le vrai est

révélé.

En effet, une différence considérable est née

progressivement entre «l’objectivement proba-

ble » et « le subjectivement certain».

Dans une époque qui se dit scientifique, la place de ce que le groupe social croit vrai n’a probable-ment jamais été aussi grande. Le réel importe moins que ce qu’on croit qu’il

est.

Des campagnes habiles constituent souvent une structuration du corps social et le rendent ensuite quasi imperméable à des considérations plus ob-jectives. Certes, de nombreux repères techniques peuvent intervenir en politique. Il est ainsi possible de comparer :

- les déclarations et les actes, - les bonnes intentions et les votes, - les chiffres officiels et des statistiques d’au-

tres sources, - les résultats d’un Etat et ceux des voisins, - les résultats d’une période donnée et ceux

d’une période antérieure, …. Mais au-delà de tels repères chiffrés, quasi-scientifiques se sont profilés d’autres méthodes

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qui visent à structurer l’opinion sur des bases considérablement plus subjectives. Là débute

l’opération dite de manipulation. Aux Etats-Unis, une légende a entouré Karl Rove. Le Conseiller le plus proche du Président Bush a été au centre d’une réputation sulfureuse mais établissant aussi une incontestable efficacité. Cette réputation est née d’une succession de «coups tordus» prêtés à l’intéressé et souvent re-vendiqués par l’intéressé. Le premier d’entre eux aurait débuté à l’âge de 20 ans quand, dans l’Illi-nois, Karl Rove se présente comme un supporter d’un candidat démocrate, lui dérobe du papier à en tête et transforme chacune de ses réunions publiques en annonces de fêtes avec «filles et biè-re gratuite» distribuées aux marginaux et aux clo-chards. La fin de campagne du candidat démocra-te allait se transformer en «chemin de croix» le conduisant directement à l’échec contrairement aux pronostics initiaux. Karl Rove a été l’indiscutable maître d’œuvre des succès des campagnes de GW Bush dont les deux dernières campagnes présidentielles. Il a introduit comme règles majeures quatre

concepts.

Le premier est celui dit du «push polling». Il s’agit de poser des questions biaisées lors d’un sondage pour modifier les intentions de votes des élec-teurs. Le sondage ne porte pas seulement comme message le chiffre qui donne la photographie de l’électorat sur une question donnée mais c’est l’existence même du contenu de la question qui devient le message. Ainsi, en 1994, il commande un sondage qui, par-mi les questions, comporte la question suivante « voteriez-vous toujours pour Ann Richards pour le

poste de Gouverneur du Texas en sachant que son

équipe est entièrement composée de lesbiennes

?». Il transforme le sondage d’outil quasi-scientifique en instrument d’un message au

« hasard » d’une question. Il a reproduit méthodiquement ce système lors de la présidentielle de 2000 à l’occasion de la primai-re difficile contre McCain en demandant si «les

électeurs voteraient pour McCain si celui-ci s’était

rendu coupable de trahison durant sa guerre du

Vietnam». Il reproduira le même dispositif lors de la campa-gne de 2004 contre Kerry au moment où celui-ci caracole en tête des sondages. Le second repère majeur dans la technique de

Karl Rove, c’est la conviction que le vote à organi-

ser est le «vote contre» et non pas le «vote

pour». C’est cette logique qui place désormais les campagnes négatives républicaines en outils les plus élaborés et efficaces des campagnes électora-les.

Le troisième repère c’est de s’attaquer d’abord

aux qualités majeures de ses concurrents sans

respecter aucune précaution sur la vérité desdi-

tes attaques. Dès l’instant qu’un concurrent est doté d’un point fort, celui-ci fait l’objet d’un ma-traquage systématique pour au moins jeter le doute sur cette qualité «objective». Ainsi, l’été 2004, bien que titulaire des décorations militaires les plus prestigieuses attribuées après des enquêtes minutieuses, John Kerry fait l’objet d’une campagne mettant en cause la réalité de son engagement pendant la guerre du Vietnam. Rove aurait monté de toutes pièces à l’aide de mi-litants républicains rémunérés des déclarations fabriquées visant à attaquer Kerry sur sa qualité principale : son engagement pendant la guerre du Vietnam. Il s’en est suivi un matraquage de communication notamment par des campagnes web qui ont conduit à jeter le doute pendant un moment et conduire Kerry à mobiliser toute son énergie pour se justifier sur un point inconcevable en début de campagne. Il ne tournera la page que lorsque la

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chute de Kerry dans les sondages avait été amor-cée. Le quatrième repère majeur de Karl Rove réside

dans le dynamisme des dernières semaines de

campagne électorale. Il est persuadé que les élec-teurs ont la «mémoire courte» et qu’ils peuvent changer d’avis jusqu’au dernier moment. Les dernières semaines de campagne doivent donc être un vrai «feu d’artifice» et tout particu-lièrement les derniers jours avant le vote. Avec de tels repères, Rove a fait naître une nou-velle génération de communicants politiques. A voir certaines pratiques actuelles, n’est-il pas possible de déduire que Karl Rove a fait école ? Et si oui, quelles sont aujourd’hui les 20 techniques de manipulations qui méritent une attention parti-culière.

1) La technique du «vote rejet» Début août 2004, après la convention démocrate de Boston qui s’est tenue du 26 au 29 juillet 2004, l’écart entre George Bush et John Kerry est désor-mais très faible. C’est le moment choisi par le Président sortant pour engager une nouvelle étape de communica-tion dans sa campagne électorale.

Jusqu’en août 2004, Kerry, comme Mc Cain, incar-nait une figure emblématique de la guerre du Vietnam. Lors des primaires républicaines, après la victoire écrasante de Mc Cain dans le New Hamp-shire, George Bush avait déjà ouvert des hostilités de façon collatérale sur les états de service du Sé-nateur Mc Cain. Il s’agissait d’insinuer des doutes. En août 2004, une opération de toute autre enver-gure est engagée contre JF Kerry. Les Républicains font lever tous les tabous et conduisent une atta-

que en règle contre les états de service de JF Kerry lors de la guerre du Vietnam. C’est la 1ère fois que des attaques seront portées non seulement sur les points faibles d’un candidat mais sur les points forts de celui-ci afin que rien ne résiste à l’affron-tement. Cette technique est le résultat de l’apparition dans les équipes de campagne d’une nouvelle fonction : «opposition research». Une fonction nouvelle à part entière qui est offi-ciellement appelée «opposition research», «oppo» dans le jargon quotidien. Cette fonction consiste à passer au microscope tout ce qui pourrait nuire au concurrent dans sa vie. Tous les magazines, journaux, votes sont épluchés pour détecter les failles de l’adversaire, ses points manifestement faibles. Bien davantage, aucun point fort n’est désormais reconnu comme insur-montable ou incontestable. Selon certaines sources dignes de confiance, 40 personnes auraient travaillé dans une cellule de ce type pour chaque candidat à la dernière élection présidentielle américaine. Puis, toutes les informa-tions sont intégrées sur ordinateur. Le RNC ( Republican National Committee ) a même organisé un service interne de logistique qui cou-vre en permanence les principaux démocrates. Tout est classé par thème. Vous appuyez sur un mot et toutes les déclarations sortent avec leurs contradictions, leurs excès, les votes…Cette mé-thode a pris une telle importance que désormais Le premier service des «oppo» consiste à fouiller dans le passé de leur propre candidat pour identi-fier ses points faibles afin de prévenir et de s’orga-niser en conséquence. Ils effectuent ce travail avant même de s’occuper des candidats concur-rents. Les campagnes électorales deviennent des vrais lieux de guerre avec pour objectif quasi-

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déclaré : la destruction pure et simple de l’adver-saire. Cette «technique» connaît un développement ac-céléré avec la place désormais prise par Internet. Le circuit entre l’émetteur et le récepteur est tel-lement court que de telles «révélations» n’ont plus à être filtrées par un intermédiaire extérieur comme un journal. L’informatique offre des possibilités de stockage et de croisement d’informations qui démultiplient les possibilités d’une telle approche. Lors de l’élec-tion présidentielle de 1990, chaque membre in-fluent de l’état-major de campagne de Bill Clinton avait sur ordinateur une documentation classée par thème relative au Président sortant : promes-ses non tenues, financiers des campagnes, votes … Tout était ainsi réuni pour répondre sur l’instant à une initiative de leur concurrent. Cette approche rencontre une conjoncture d’au-tant plus porteuse que les programmes politiques ont perdu de leur importance. L’enjeu n’est plus d’analyser un programme mais de mieux connaî-tre une personnalité, son histoire, son tempéra-ment. L’enjeu n’est plus de croire dans l’opposition entre un candidat honnête et un opposant malhonnête. La malhonnêteté est partagée. Ce qui l’est moins c’est d’établir le degré de gravité. Par conséquent, cette première technique consis-te à détourner l’objet du vote pour mettre le focus sur de prétendues fautes d’un candidat et amener l’opinion à sanctionner ces «fautes». Le scrutin devient un «jugement démocratique» visant à écarter de la responsabilité un candidat sans considération pour son programme.

2) Installer une «machine à gagner les

élections» Avec le progrès des techniques, l’un des rêves d’organisateurs a été de substituer la modélisation à la spontanéité des programmes. Cette approche est née aux Etats-Unis. Mais elle a vite dépassé ce seul Etat. En mai 1997, au 1er éta-ge de la Millbank Tower, une tour défraîchie au bord de la Tamise, Tony Blair a installé le modèle «Excalibur». Ce modèle comprenait un program-me «rapid rebuttal » ( riposte rapide ) très directe-ment inspiré des techniques de la «war room» de Bill Clinton. En 30 minutes, ce programme infor-matique mettait en évidence toutes les contradic-tions d’un concurrent, ses votes défaillants… Mais surtout, au moment où l’Europe découvre un jeune premier ministre britannique qui vient de mettre un terme à un record historique de Gou-vernement conservateur, elle ignore que le modè-le qu’il a installé anticipe les conséquences électo-rales de sa moindre décision. Il est toujours souriant, apparaît frais et innocent. Sa victoire ne doit pour autant rien au hasard ou aux bonnes fées. Il l’a conquise à la force du poi-gnet en prenant le meilleur des avancées dans les techniques modernes de communication. Sa vic-toire est d’abord celle d’un remarquable profes-sionnel préparé comme «pour un débarquement » selon la formule en vogue à Londres à cette épo-que. A l’approche des élections, son parti «New La-bour» a installé Excalibur. C’est un super-ordinateur qui en 30 minutes met en évidence les contradictions des concurrents, les votes emblé-matiques, les déclarations enflammées… Derrière ce nom barbare figure surtout une méthode qui a intégré toutes les avancées en matière de commu-nication moderne. Voilà quelques unes des mesu-res adoptées à cette époque. Tout d’abord, grâce à la qualité de la démocratie

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britannique, un shadow cabinet a été constitué. Les secrétaires généraux des principales adminis-trations ont été autorisés à venir exposer les prin-cipaux dossiers et répondre aux questions. Sur cette base intégrant des contraintes légitimes de gouvernement, le programme a été construit en faisant appel aux productions de think tanks. Ces clubs de réflexion privés ont planché sur des sujets politiques très pointus. Le service communication a alors bâti le program-me du leader travailliste en «nourrissant la pres-se» en permanence. Cette «méthode Deaver» consiste à planifier l’information pour ne jamais se retrouver en position défensive face aux médias. Une matière choisie lui est ainsi donnée comme sujet quotidien de traitement. C’est l’inversion du système. Deuxième point majeur, dans cette ma-tière, tout repose sur l’image. L’image prime tou-jours. Quand il y a choc entre l’œil et l’oreille, les études montrent que l’œil l’emporte systémati-quement. Le spectateur retient ce qu’il a vu infini-ment plus que ce qu’il a entendu. Tout le profes-sionnalisme consiste à ce que l’image porte le bon message au bon moment pour les bonnes cibles. Chaque relais de la campagne dont les candidats aux législatives est équipé d’un pager et d’un fax. Chaque demi-journée, chacun d’entre eux reçoit les messages du jour à délivrer à la presse, aux op-posants… Sur le plan général, des sondages quasi-quotidiens garantissent la vérification en temps réel de l’op-portunité des actions conduites. La fonction de ce

dispositif est de «simuler» les conséquences élec-

torales de chaque annonce, chaque image, cha-

que message à partir d’un scénario bâti par éta-

pe. La fiabilité de cette simulation repose sur la dé-marche suivante : - intégrer informatiquement tous les éléments qui composent l’environnement d’une décision des électeurs, - identifier les conséquences cohérentes classi-

ques d’une annonce par corps électoral, - construire les évènements qui font le lien positif entre les deux premières données Ce modèle a été poussé à son extrême perfor-mance par R. Wirthlin, proche conseiller de Ronald Reagan. Les membres de l’équipe de Richard Wir-thlin ont indiqué ultérieurement que les enseigne-ments étaient donnés en moyenne en 47 se-condes après avoir questionné l’ordinateur. Leur méthode avait consisté à rassembler les informa-tions disponibles sur les comportements électo-raux de 480 catégories d’électeurs distinguées se-lon leur lieu de résidence, leur sexe, leur âge, leur catégorie socio-professionnelle, leur religion, leur pouvoir d’achat… Les conservateurs britanniques avaient installé un appareil performant ( un 80 000 ICL ME29 ) auquel les travaillistes ont attribué beaucoup de victoires de M. Thatcher. En 1997, les travaillistes ont rele-vé le défi. La « méthode Wirthlin » ne consiste pas à déter-

miner des intentions de votes mais des critères

de comportements électoraux. Cette différence permet d’explorer les stratégies et de déterminer les choix les plus efficaces. Les résultats permet-tent d’affiner la décision, de tester des comporte-ments, de vérifier sans cesse les conséquences de telle ou telle attitude. En 1984, DMI, agence de R. Wirthlin, avait emmagasiné un nombre considéra-ble de données résultats de 150 000 interviews d’américains répartis en 110 catégories et sous catégories d’électeurs. Cette méthode est celle qui a conduit à la victoire en mai 1997. Au pouvoir Tony Blair a appliqué les méthodes de «campagne permanente». Chaque fois que le responsable politique donne le sentiment de prendre un risque par une position «courageuse», il sait qu’il a l’opinion avec lui parce que les sondages lui ont garanti la pertinence posi-tive de sa position.

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C’est la mise en marché de l’opinion par seg-

ments de clientèles-cibles.

3) Le push polling Au départ de l’histoire des sondages, les repères sont simples : il s’agit d’améliorer la connaissance permanente de l’opinion tout en respectant quel-ques précautions techniques dont les précautions suivantes : a) La majorité ne fait pas toute l’opinion : au ré-sultat «59 % des électeurs pensent que… », il ne faut pas traduire les « électeurs pensent que… ». Le détail des chiffres est un enjeu majeur. C’est d ‘autant plus le cas que l’enquête est éloignée du jour du vote. b) L’intelligence des petits chiffres : les principaux enseignements d’une enquête résident plus dans les ventilations (politiques, catégories socio-professionnelles, géographiques…) et dans les croisements que dans les résultats bruts globaux. c) L’enquête est un polaroïd qui s’efface : photo-graphies de l’opinion à un moment précis, les chif-fres vivent un mouvement permanent. d) L’enquête permet d’abord de déterminer les

cibles. Une bonne communication consiste à s’a-dresser à des cibles. L’enquête est donc le point de passage préalable à toute communication bien organisée. Il importe de distinguer deux catégories d’enquê-tes : les enquêtes de repérage et celles de dépista-ge. Les premières visent à donner des repères précis pour la détermination de la stratégie de communi-cation, le planning, l’organisation des opérations. Les secondes consistent, sur une périodicité plus brève, à « prendre la température » de l’électorat (et surtout des électorats indécis) au fur et à me-

sure que l’échéance électorale approche. Pour les enquêtes dites de repérage, les objectifs d’informations à collecter sont clairs. Pour l’essen-tiel, ils sont au nombre de sept : 1) Qui sont les électeurs indécis qui feront sou-vent la décision (âges, sexes, localités, catégories socio-professionnelles, préférences partisa-nes,…) ? 2) Quels sont les thèmes porteurs (préoccupations majeures, rejets confirmés, atten-tes consensuelles,…) ? 3) Qui sont les «Pour» et les «Contre» le pouvoir en place ? 4) Sur quels comportements et à quels thèmes réagissent-ils (réflexes de mobilisation) ? 5) Quel est le profil perçu du candidat (notoriété, bonnes/mauvaises opinions, qualités, défauts,…) et les profils de ses concurrents ? 6) Quels sont les adhésions et les rejets face aux propositions éventuelles dans le cadre de votre programme ? 7) Quel est l’impact des médias auxquels il est possible de faire appel (profil des lecteurs des quotidiens, magazines et des auditeurs de ra-dios,…) ? En ce qui concerne les enquêtes dites de dépista-

ge, il s’agit d’enquêtes sur des échantillons plus réduits, qui ponctuent les mouvements des élec-torats au fur et à mesure du déroulement d’une campagne électorale. Ces informations doivent être disponibles très rapidement. L’objectif de ces enquêtes est unique : bien vérifier l’impact de la stratégie définie après le ou les sondage(s) de re-pérage. Au fur et à mesure de la remise des résultats de ces enquêtes des indicateurs décisifs sont à sur-

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veiller. - Le positionnement sur l’échelle Droite/Gauche

Même si ce clivage est désormais moindre dans la vie politique française, il ne peut être perdu de vue dans une logique de second tour. Quelle force politique domine ? Chaque force politique et son profil : âges, sexes, C.S.P., localités,… - Les préférences partisanes

En la matière, la question est simple : une étiquet-te politique est-elle un « plus » ou un frein ? - L’opinion publique et le pouvoir national

Chaque élection est « contaminée » par l’état de satisfaction ou d’insatisfaction du pouvoir national en exercice. Quels sont l’état d’insatisfaction et le degré de politisation du scrutin ? - Connaissance et perception des personnalités

en présence

Il s’agit de suivre l’évolution des points forts et des points faibles de chaque personnalité en présen-ce. - Les facteurs des comportements de vote

Dans ce domaine, l’enjeu consiste à identifier les relations entre les thèmes structurants quasi-permanents et les sujets d’actualité qui peuvent émerger pendant une campagne électorale. Le comportement zapping de l’électorat impose de suivre avec une attention plus soutenue ces évè-nements d’actualité. Ces enquêtes correspondent à une « logique ver-tueuse ». La 1ère vague consiste à disposer des données fiables pour adopter une politique. La seconde vague permet d’évaluer l’accueil effectué à cette politique. La troisième vague permet d’a-dapter les messages en fonction des résultats en-registrés et ainsi de suite. C’est un mécanisme permanent de feed back ou de dialogue entre un émetteur de messages et l’opinion publique. Cette logique vertueuse a été malmenée par trois

méthodes :

La place du vote utile : le sondage photogra-

phie l’opinion mais il la construit aussi tout particulièrement pour une partie de votes indécis qui vont se positionner par un ré-flexe légitimiste moutonnier. Leur candidat devient vite celui qui «peut gagner». Ils se détacheront de celui qui n’a «aucune chan-ce de gagner». Par conséquent, l’annonce du résultat de l’intention de vote structure l’intention de vote.

La question structure la réponse : cette struc-

turation peut être subtile. Dernièrement, une enquête d’opinion en France a installé en « opposant vedette » un leader d’extrê-me-gauche au prix de l’éclatement de l’of-fre socialiste en 6 candidats … Le même électorat se dispersait ouvrant un espace irréel politiquement à un candidat « marginal ». Le contenu même de la ques-tion induisait une réponse qui allait être ensuite montée en épingle.

L’échantillon impacte la réponse : là encore

en France, un quotidien national a lancé un sondage sur la base d’un échantillon repo-sant sur les 15 ans et plus … alors même que l’âge pour voter est de 18 ans. La place respective des échantillons peut impacter très sérieusement un résultat. De même, selon l’importance globale de l’échantillon, la marge technique d’erreur peut réduire à néant l’information liée à la réponse. Dans bon nombre de cas, tant qu’un écart 53/47 n’est pas creusé, la réalité de la victoire est longtemps très hypothétique.

4) Les campagnes par enjeu ou le

scrutin referendum L’exemple le plus efficace de campagne par enjeu a été les élections fédérales Canadiennes du 23 janvier 2006 qui ont été des élections riches de

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multiples enseignements sur les campagnes élec-torales dans des démocraties avancées. Une nouvelle majorité a pris corps en moins de

60 jours. Jusqu’à la mi-décembre 2005, tous les observateurs pronostiquaient la victoire facile du Parti Libéral c'est-à-dire la victoire du Premier Mi-nistre sortant. Une victoire tellement aisée que nombreux ont été les écrits sur l’inutilité même de cette campagne électorale. La période clef a été du 05 au 15 janvier 2006. De nouvelles révélations sur certains scandales ont terriblement fragilisé le pouvoir en place. Ce dernier n’est pas parvenu à inverser la tendance lors de deux débats publics télévisés. Le 15 janvier, des sondages donnaient corps à une nouvelle majorité. Cette nouvelle ten-dance devait connaître une légère érosion dans les derniers jours de campagne tout en conservant une avance significative. Les faits ont été les suivants. Commandites, scandale et corruption : ces trois mots ont dominé les débats de la campagne élec-torale fédérale canadienne 2006. Le scandale des commandites a été le thème uni-que de la campagne du Parti Conservateur. Ce scandale repose sur des liens entre le Parti Li-béral et une société Earnscliffe. David Herle et Elly Alboim, qui étaient au nombre des directeurs d’Earnscliffe, ont été les conseillers de campagne de Paul Martin, Premier Ministre sortant et leader du Parti Libéral, pendant les dix ans où il a tenté d’accéder à la direction du parti. Le 31 mars 2005, le député conservateur Dean Allison a fait inscrire une question demandant des renseignements sur les « subventions, contribu-tions et garanties de prêt » et les « contrats » en-tre le gouvernement du Canada et Earnscliffe. Dans sa réponse, le 26 septembre 2005, le gouver-nement Martin a fourni de l’information sur huit contrats entre Earnscliffe et le ministère des Fi-

nances au cours de la période visée par la vérifica-tion faite en 2003 par la vérificatrice générale (de 1999 à 2003). La valeur des plus petits contrats entre Earnscliffe et le ministère des Finances pendant la période visée par l’étude de la vérificatrice générale totali-se 78 524 $. Celle des contrats plus élevés atteint 769 865 $. Si ces chiffres sont exacts, ils signifient concrète-ment que, lorsqu’il était aux Finances, Paul Martin a rétribué Earnscliffe entre 78 524 $ et 769 865 $ pour des contrats sans prestation écrite défendant que les études donnaient lieu à des rapports ex-clusivement verbaux. Lorsque les travaux de la vérificatrice générale sur les commandites ont été renvoyés pour enquête au juge Gomery, Paul Martin a expressément ex-clu du mandat le chapitre du rapport de la vérifi-catrice générale consacré aux recherches sur l’opi-nion publique. Le juge John Gomery a procédé à son enquête. Dans son premier rapport, le commissaire note d’abord qu’il est convaincu que bon nombre de témoins qu'il a entendus lui ont menti. Mais au bout du compte, le commissaire en arrive néanmoins à la conclusion selon laquelle le Parti libéral du Canada (PLC) a reçu au moins 679 497 $ en contributions illégales de la part du publicitaire Jean Brault et de l'entrepreneur Jacques Corri-veau, ami intime de l'ex-premier ministre Jean Chrétien. Ce montant gonfle à 769 497 $ selon d’autres décomptes. En procédant à des décomptes complémentaires, il est même possible de déduire que le Parti Libé-ral a touché illégalement près de 880 000 $ grâce aux commandites. Le rapport d'enquête blâme donc M. Corriveau, l'ex-ministre provincial et organisateur libéral

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Marc-Yvan Côté (qui a reçu et distribué des som-mes obtenues de façon illicite), Benoît Corbeil et Michel Béliveau (anciens directeurs du PLC-Q), Jo-seph Morselli (un collecteur de fonds du parti) «pour leur inconduite», de même que l'institution du PLC-Q. Sur ces bases, s’est ouverte une nouvelle étape marquée par l’estimation effectuée par chaque parti. Ainsi, le Bloc québécois a convenu d'exiger la remise de 5,4 millions $ en se basant sur sa pro-pre évaluation des malversations. Le Parti Conservateur a axé toute sa campagne

sur ce scandale. Plus précisément, le Parti Conservateur s’est en-

gagé à : veiller à ce que toutes les recherches du gou-

vernement sur l’opinion publique soient automatiquement publiées six mois après la fin du projet et à interdire les rapports exclusivement verbaux,

commander un examen indépendant sur les

pratiques du gouvernement en matière de recherche sur l’opinion publique dont il est question au chapitre 5 du rapport publié par la vérificatrice générale en novembre 2003 pour voir si d’autres mesures s’impo-sent, par exemple un prolongement de l’enquête Gomery,

élargir le processus d’appel d’offres pour les

contrats gouvernementaux de publicité et de sondage pour empêcher les maisons qui sont proches du pouvoir de monopoliser les marchés de l’État.

Constatant combien ce sujet intéressait l’opinion

publique, le Parti Conservateur a fait un pas sup-

plémentaire en ouvrant le dossier plus général de

l’argent en politique.

Dans ce cadre, le Parti Conservateur s’est engagé

à :

limiter les dons de particuliers à des partis ou des candidats à un maximum de 1 000 $,

interdire toutes les contributions des sociétés,

des syndicats et des organisations à des partis politiques, à des circonscriptions et à des candidats,

interdire les dons en espèces à des partis poli-

tiques ou à des candidats de plus de 20 $,

étendre à 10 années la période au cours de laquelle les infractions à la Loi électorale pourront faire l’objet d’une enquête et de poursuites.

Le vote du 23 janvier 2006 a d’abord été un vote

moral. Le message passé par les électeurs cana-diens a été clair. En période de crise, il n’est pas possible de demander des obligations de résultats aux dirigeants. Mais au moment où la crise sévit pour chacun, les dirigeants doivent au moins être irréprochables quant à leur intégrité personnelle. En perdant ses ancrages idéologiques, l’électorat gagne en instabilité. Tout rebondissement majeur à un moment clef de la campagne peut désormais ancrer différemment les corps électoraux. Ce rebondissement en moins de 60 jours a mon-

tré que les campagnes sont maintenant des en-

jeux de profils et non pas de contenus. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Tout d’abord, le temps consacré à la politique par les citoyens est de moins en moins important. Par conséquent, la sélection des messages est plus redoutable que jamais. Ensuite, dans cette sélection, la perception émotionnelle prime sur l’analyse rationnelle. En-fin, comme l’avenir paraît imprévisible, les ci-toyens donnent la priorité à des traits de tempéra-ment plutôt qu’à des promesses sur le lendemain. Il faut noter que ce dernier point est empreint d’un certain bon sens. La vraie bataille devient celle du positionnement

culturel de l’élection. Cette étape consiste à ame-

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ner l’électorat sur le terrain du choix. Tout l’enjeu réside dans la finalisation de ce choix. L’élection n’est plus une sélection dans une large gamme de propositions. Mais elle devient une sorte de réfé-rendum sur un sujet initialement indéfini et que l’opinion va progressivement ériger en thème principal de l’élection. La campagne présidentielle de GW Bush en 2004, puis celle de T. Blair et celle de S. Harper sont des modèles de cette nouvelle technique de campa-gne. La phase pré-électorale est la période de dé-termination du sujet du choix. La campagne active devient la démonstration que l’un des candidats est la réponse à ce choix. Le rejet de l’autre candi-dat est aussi une forme de réponse à ce choix.

5) Le marketing de la compassion

La période actuelle est marquée par un profond divorce entre l'individualisme croissant et la tenta-tion de mettre en oeuvre une charité moderne qui solidarise face aux injustices les plus criantes. L’opinion est très sélective dans ses centres d’inté-rêts. Elle agit par pulsions. Mais une fois l’intérêt créé, sa mobilisation peut être très réactive et im-portante. Comment comprendre ce nouvel état d'esprit ? Un marketing de la compassion a vu le jour. Il ré-pond à des critères de plus en plus normalisés. Cette technique repose sur quatre phases très

différentes :

- l’ouverture de la bataille pour une nouvelle gé-

nérosité,

- la phase de croissance,

- la phase de maturité,

- la phase de déclin.

En France, les causes du tiers-monde, de la recher-che médicale, de l'environnement actuellement, ont largement supplanté en termes de rendement des thèmes plus anciens sur l'aide aux personnes âgées, les handicapés qui avaient été très en vo-gue auprès des donateurs au début des années 1970.

Ce marketing de la compassion est en réalité

marqué par cinq nouvelles caractéristiques.

Selon la mode du secteur concerné, il importe de

faire naître la crainte de «ne pas en être». C’est la première étape qui permet la mobilisation des personnalités. La charité a une bonne image et tous ceux qui de près ou de loin peuvent partici-per à une campagne largement médiatisée sont ou deviennent sympathiques, humains. C'est donc un nouveau champ de communication qui s'ouvre pour ces personnes avec une réhabilitation de leur fonction sociale. Les politiques dont les fonctions sont très malmenées y voient rapidement une re-valorisation facile.

Le second temps est celui de la concurrence qui

existe inéluctablement même sur le marché de la

générosité. Cette concurrence entraîne toujours des risques d'éviction des causes les moins dyna-miques et moins médiatisées. Le troisième temps est celui où la recherche des

fonds privés ne doit pas pour autant conduire à justifier ou à faciliter le désengagement de l'État. Il y a là un travail considérable de communication qui peut s’apparenter à la justification d’un «toujours plus» qui impose pour le moins le main-tien des dotations publiques. Le quatrième temps est celui de la professionnali-

sation des acteurs qui doivent progressivement veiller à ce que des structures très organisées suc-cèdent au militantisme, au bénévolat, au volonta-riat. Le dernier temps, une fois cette phase de maturi-

té atteinte, c'est que les financements privés des

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actions engagées ne connaissent pas des diffi-cultés ou pire encore des scandales de nature à démobiliser et accélérer la phase mort de l'action. Sous ces différents volets, on s'aperçoit alors, en termes de communication, que le don est devenu un produit qui, comme les autres, doit respecter un certain nombre de contraintes professionnel-les. La bataille pour la générosité a envahi l’écono-mie et la politique car c’est une bataille d’image dans un dernier domaine consensuel. La compassion est le levier d’une réhabilitation

accélérée de certaines institutions ou personnali-

tés. Les bateaux aux noms évocateurs vont se multiplier en oubliant que le coût de leur cons-truction puis de l’équipage permettraient de sau-ver des milliers de vie… Le marketing de la compassion échappe pour beaucoup aux règles de la raison. L’émotion est reine. Dans ces circonstances, la raison a souvent un combat perdu d’avance.

6) L’image pour seul message La communication moderne est marquée par deux caractéristiques : - elle est visuelle, - elle est émotionnelle. Tout l’enjeu consiste à distinguer le contenu

émotionnel de la réaction émotionnelle. Ce qui importe, c’est bien entendu la réaction émotion-nelle c'est-à-dire la conséquence qui résulte du message visuel. Plus la réaction émotionnelle est forte plus l’im-pact du message est grand, efficace donc persua-sif. Cette logique donne naissance à un nouveau parti pris de communication. Parce qu’elle est émotionnelle, l’écriture visuelle

doit être sensuelle, valorisante, liée au plaisir, à l’utilité et au respect de la nature. L’écriture doit chercher l’intérêt mais aussi la curiosité. Cette communication dans le paysage politique Français ces dernières années a connu un succès majeur : le reportage TV sur le bain de Dominique de Villepin lors des journées des Jeunes UMP à la Baule en 2005. La naissance «grand public» de Dominique de Vil-lepin est intervenue à cette date. L’acte en lui-même n’est pas une nouveauté dans la politique française. 31 ans plus tôt, en pleine campagne électorale, VGE avait pris la même ini-tiative en conviant ou en acceptant des médias lors d’un bain de mer. Dans les années 80, Fran-çois Léotard s’est créé une étoile médiatique en gérant de façon habile le jogging quasi-quotidien, la participation aux marathons les plus prestigieux. Images d’autant plus fortes que la course a tou-jours été perçue comme un symbole de liberté. Ce type de vidéo est d’une efficacité redoutable. La curiosité, la sensualité, le plaisir : tout était ré-uni pour des images fortes en émotion et fortes en réaction émotionnelle à deux degrés. Le degré direct qui est le message premier de l’image : homme en forme qui prend soin de son corps. L’impact indirect qui est double tant à l’endroit d’un Président à cette époque hospitalisé (parallèle avec 1974) que de l’ensemble de la clas-se politique française peu caractérisée par des élus «sexy». Dominique de Villepin sortait d’un coup de la classe politique des notables aux for-mes arrondies, peu sportives, photographiés à ta-ble plus qu’à la sortie des … eaux.

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7) Le vidéo clip remplace les

programmes Le vidéo clip devient un outil permanent de com-munication. Sur les sites Internet, l’avenir est aux vidéos plus qu’aux discours en fichiers joints pdf. Une nouvelle étape de communication est née. Chaque acte va vivre un arbitrage préalable pour déterminer l’image forte porteuse du bon messa-ge. C’est donc une approche nouvelle quant aux décisions d’un responsable public ou d’un candi-dat. Il ne suffit plus seulement de penser au contenu de la décision ou du projet, aux mots forts, aux chiffres clefs. Il faut aussi, voire surtout, arbitrer :

- le lieu de l’annonce, - le look de l’élu ou du candidat ( costume ou

pas, cravate ou pas, couleurs dominan-tes…),

- l’entourage présent aux côtés de l’élu ou du candidat,

- les gestes majeurs, … Cette communication émotionnelle repose sur une succession d’images imprimées dans nos tê-tes. Si le pouvoir n’appartiendra pas aux plus «apparents», il appartiendra aux plus «reconnus». Les images symboliques tiennent lieu d’argu-

ments et de programmes. L’électeur ne se rap-

pellera plus d’un mot, encore moins d’un pro-

gramme mais d’une succession d’images.

Cette mode de l’image a donné naissance à une bibliothèque spécialisée : YouTube. En 2005, trois anciens employés de Paypal créent un site web offrant un service de partage pour le visionnage de clips vidéos. Ce site peut héberger n’importe quelle vidéo en utilisant des mots clefs.

En moins d’un an, YouTube s’est imposé comme l’un des sites communautaires leaders de partage de vidéos. Des chiffres donnent la vraie dimension de cette société qui a moins de 20 mois d’existence : • 100 millions de films sont visionnés chaque

jour, • cette base documentaire s’enrichit de 65 000 nouvelles vidéos chaque jour, L’un des tournants fut le spot vidéo de Nike diffu-

sé en août 2006 sous la forme d’une vidéo ama-

teur. Ce vrai film commercial maquillé en faux film amateur a fait l’objet dans de brefs délais de plus de 7 millions de consultations … battant ainsi bon nombre de scores de campagnes publicitaires offi-cielles onéreuses. Ce score surprenant montre aussi l’une des limites de cette information supposée authentique car venue des amateurs. Outre le vulgaire, des man-œuvres stupéfiantes peuvent affecter cette base documentaire. C’est ce dernier volet qui mérite une attention particulière. YouTube a su réunir trois qualités majeures pour susciter une forte fréquentation : • une logique communautaire. Ce n’est pas

une information officielle mais celle de chaque membre de cette « communauté des visiteurs » de ce site,

• incarner une source d’information différente des autres supports,

• l’information non-officielle, spontanée, celle de « tout un chacun ». Parce que cette informa-tion est spontanée, « non encadrée », elle est perçue comme plus vraie que celle qui est pas-sée au tamis des professionnels.

Par ces caractéristiques, YouTube a donné un style qui devrait être repris dans la blogosphère. Pendant des décennies, des supports d’informa-

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tions ont consacré une énergie considérable pour gagner leurs galons de « professionnels ». S’ils avaient imaginé qu’un jour parce que l’infor-mation deviendrait le fait de non professionnels, elle gagnerait en qualité et en audience ...

8) La bataille des commentaires

supplante la réalité des faits Des différences profondes existent historique-ment entre les médias Français et les médias Amé-ricains. Ces derniers ont une tradition bien plus globale d’indépendance. La diversité des supports est plus grande aux Etats Unis qu’en France. Mais surtout, les médias Américains se veulent plus attachés aux faits que les médias Français. La vérité des faits est ce qui compte le plus. D’où l’investigation auprès des témoins, des acteurs afin de défendre le droit de savoir qui est reconnu au public. Le «média d’opinion» a longtemps été considéré comme une hérésie au pays des résultats finan-ciers. Les règles étaient simples : - les médias à forte audience font partie d’un groupe chargé surtout de rapporter des dividen-des aux actionnaires, pour cela, il faut attirer beaucoup de publicités, - pour réussir, il importe d’attirer le lecteur en lui parlant d’abord des sujets qui concernent le com-mun des mortels : sports, crimes, faits et gestes des personnalités locales, extravagances des ve-dettes du cinéma principalement. Dans ce contexte, les informations politiques oc-cupent une place mineure parce qu’elles intéres-sent modérément les lecteurs.

Telles étaient les règles d’or du côté des médias. Quant à leurs partenaires privilégiés, les annon-ceurs, les repères étaient simples : la publicité doit être un investissement rentabilisé par l’accroisse-ment des ventes. Dans ce contexte général, il y avait aussi un autre facteur d’équilibre d’ailleurs peu souvent évoqué. Si les actionnaires étaient souvent du camp répu-blicain, les journalistes étaient souvent du camp démocrate. Chacun se «supporte» en ne provo-quant pas l’autre. Avec le 11 septembre 2001, ce paysage a beau-coup changé. La lutte contre le terrorisme, deve-nue la grande cause nationale, a considérable-ment modifié l’esprit d’investigation de la presse dans certains domaines de l’action publique fédé-rale. Alors que les médias sont toujours friands d’excitation, voire d’exagération qui font vendre les produits et attirent la clientèle ; là, ils se sont astreints à un sens nouveau des responsabilités. Dans un premier temps, dans des circonstances exceptionnelles, pouvoir fédéral et médias ont re-connu un «devoir d’interaction» qui se serait dis-socié de la manipulation et de la conspiration. La manipulation serait l’information reconnue comme instrumentalisée par le pouvoir fédéral. La conspiration serait l’information qui ne reconnais-sait pas la spécificité et la gravité des contraintes d’un pouvoir en guerre contre le terrorisme. Cette notion d’interaction était censée résumer le point d’équilibre de deux pouvoirs responsabilisés par un respect mutuel et surtout le respect d’une nation fragile. Mais voilà, il ressort progressivement que dans ce pays qui a un besoin permanent de «nouvelles», ce point d’équilibre aurait exagérément limité les pouvoirs des médias et leur obligation de ne pas passer sous silence ce qui est dangereux pour la

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démocratie américaine. Les révélations auraient été largement insuffisantes. Les médias traditionnels sont ainsi devenus les

victimes d’un grand contournement par la com-

munication en ligne. Une nouvelle information est née faite de proximité affichée mais surtout d’in-filtration, de révélations permanentes et du rejet généralisé d’un «politiquement correct» qui dis-créditerait les supports traditionnels dont la conni-vence aurait été révélée lors de la guerre d’Irak. Ce climat place actuellement les médias améri-cains dans une véritable tourmente au pays où ils ont été reconnus les premiers comme le quatriè-me pouvoir. La blogosphère Américaine donne le tournis aux

médias classiques. Ces derniers vont devoir révi-ser leurs méthodes et probablement investir en masse cette blogosphère pour l’intégrer car il leur devient difficile de lutter de face. La situation en France est différente. L’information en France est malade. Si cette maladie est quasi généralisée, elle frappe maintenant tout particu-lièrement la presse écrite quotidienne. Les ventes sont en forte et permanente régres-sion. Bien davantage, des maux profonds affectent l’uti-lité même de ces supports. Premier travers, la presse quotidienne, y compris

la presse régionale, est devenue davantage une

presse d’opinion que d’information. Elle a une coloration de plus en plus partisane. Elle s’intéres-se davantage à interpréter les faits qu’à en rappor-ter le détail. Elle donne ainsi une place très impor-tante au subjectif. Hier, seuls les éditoriaux étaient censés laisser une grande part à l’opinion. Aujourd’hui, presque cha-que article comporte tellement de commentaires subjectifs qu’un journal semble composé d’édito-

riaux généralisés. Cette approche est très «exclusive». Tous ceux qui ne se retrouvent pas dans cette in-terprétation généralisée décrochent rapidement. Bien davantage, ils se sentent agressés car ce n’est pas ce qu’ils attendent de ce produit d’informa-tion. Le journal quotidien devient un outil de rai-

sonnement alors qu’il devrait être d’abord l’outil

du droit du public de savoir. La priorité ne devrait pas être donnée à l’interpré-tation mais à la vérité des faits. Le journaliste, y compris le localier, est ainsi devenu un «intellectuel» qui conceptualise tout y compris la plus insignifiante foire locale alors qu’il devrait être d’abord un détective vigilant de la vérité des faits : chiffres sur les personnes présentes, compa-raison des fréquentations d’une année sur l’autre, détail des déclarations des personnalités comme du temps passé ... Par cette réalité éditoriale, la presse française montre qu’elle n’a toujours pas voulu couper le cordon avec l’Etat se situant toujours dans la logi-que historique de l’information en France. En effet, toute l’histoire de l’information en Fran-ce a été traditionnellement dominée par plusieurs traits caractéristiques : • avant 1945, les chaînes de radios privées

étaient autorisées à côté des chaînes publiques appartenant à l’Etat,

• de 1945 à 1982 a été appliqué le strict mo-nopole d’Etat sur les radios en dehors de radios privées qui couvraient le territoire français à condition de placer leurs émetteurs à l’étranger,

• pour l’audiovisuel, le monopole d’Etat était rigoureusement respecté. Pendant longtemps, le discours politique français exprimait officielle-ment que la télévision était un service d’intérêt public comme la Poste ou le téléphone, il faut attendre 1982 pour que le monopole d’Etat soit aboli,

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• pour la presse écrite, les groupes Lagardère et Dassault, très dépendants de marchés d’Etat sont devenus les premiers actionnaires de grou-pes de presse.

En France, Internet ne remet pas encore fonda-mentalement en question cette tradition, cette logique. En effet, l’information via Internet touche encore peu les «électeurs indécis». Les analyses des internautes montrent que la fréquentation des sites est très clivante. Elle mobilise surtout les «pro» qui viennent chercher l’information qui les «rassure» et les «anti» qui viennent se documen-ter sur l’information de leurs opposants. Les indécis n’ont pas encore installé Internet com-me leur source d’informations au même titre que la presse traditionnelle. Par conséquent, cette presse traditionnelle oc-cupe une place croissante de «faiseur d’opinion» dans des conditions probablement sans précédent compte tenu de la diminution des titres et de la concentration des actionnariats. Cette presse vit de commentaires permanents et, par conséquent, structure l’opinion en permanen-ce dès l’instant que cette dernière ne prend pas le temps de se documenter par des sources différen-tes.

9) La logique nouvelle d’une annonce

par jour ou «comment faire

la météo» Il a fallu attendre fin 2007 pour que la France ou-vre le débat sur le nouveau rythme de communi-cation. Jean-Louis Missika (Le Monde 05/09/07) puis Alastair Campbell (Le Monde 17/09/07) ont exposé alors avec détails et conviction les enjeux de ce sujet. Ils ont manifestement des approches distinctes

sur les conditions et surtout les conséquences de

l’hyper-visibilité.

Au-delà des divergences, il y a un constat com-mun. La nouvelle ère de communication réside dans le fait de considérer l’opinion comme seul interlocuteur permanent. L’hyper-visibilité est devenue une nécessité. Elle est la seule façon de maintenir le lien avec un pu-blic de plus en plus exposé à des messages divers et de plus en plus exigeant. Alastair Campbell (ancien Conseiller de Tony Blair) rappelle l’expression d’usage «il faut faire la mé-

téo». L’enjeu consiste donc à préempter le terrain et à imposer aux autres d’y venir. Pour cela, une nouvelle méthode voit le jour aux US qui est celle de la communication par un mot. Il s’agit de prendre une marque ou le positionne-

ment d’un homme politique et de travailler son

pouvoir d’évocation par la technique de l’enton-

noir : les 100 mots, puis les 50, puis les 20 et le

mot clef qui résume tout.

C’est ce mot clef qu’il faut matraquer en perma-

nence pour que l’opinion le reçoive, l’enregistre,

l’accepte, se l’approprie.

Dans la journée, tout est zapping.

Pour échapper à cette érosion immédiate, le

message doit être percutant, concret, unique et

répété. Il doit être unique dans son évocation mais multi-ple dans ses applications. Parce qu’il est unique dans son évocation, il admet la répétition qui est la meilleure garantie de sa perception. Ainsi, dans la foulée immédiate de son élection, Nicolas Sarkozy a choisi l’action proche. Même quand il est en vacances aux USA, il demeure « l’action proche » : • il réagit aux évènements Français, • il élimine les distances en se déplaçant pour

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l’enterrement de Mr Lustiger, • les communiqués de presse sont quotidiens, • il conserve au moins un passage TV quoti-

dien, … C’est toujours le même pouvoir d’évocation appli-qué à des thèmes divers. Cette logique peut faire naître des dérapages. Obama se veut le «candidat des gens ordinaires». Pour montrer qu’il est ordinaire, son épouse mul-tiplie les confidences sur ses attitudes privées dans des conditions qui vont parfois au-delà du « politiquement correct ». La polémique enfle à cet instant. Elle se calme et il ne reste que le pou-voir d’évocation quand quelques jours plus tard l’opinion est passée à un autre sujet. Cette méthode ne résiste pas devant deux assas-sins : • les voix divergentes dans son propre camp qui imposent de démultiplier les messages donc de sortir de la logique de l’unicité, • l’erreur sur le message attendu par l’opi-nion. C’est une nouvelle technique de communication qui voit progressivement le jour. Elle porte en elle la surexposition donc le risque d’une usure accélé-rée. Mais dans l’attente d’en découvrir tous les aspects négatifs, pour l’instant elle s’installe com-me la clef du succès ; ce qui est loin d’être négli-geable… La logique de cette manipulation est d’in-verser la chaîne de l’information. C’est le respon-sable politique qui se lance dans une sorte de fuite en avant permanente en créant des informations et non plus en réagissant à des informations exté-rieures.

10) La stratégie relationnelle ou

communautaire Derrière Facebook, chacun perçoit bien que l’en-jeu de la démocratie moderne consiste à trouver

un nouvel équilibre pour s’éloigner de l’élitisme qui isole sans tomber dans le populisme qui ré-duit. 5 tendances durables se profilent :

- Nous passons de la high tech à la high com.

Nous passons de l’ère technologique à l’è-re communicante.

- Cette nouvelle ère sera relationnelle. La

communication réussie fait participer et adhérer.

- Cette stratégie relationnelle doit être une

pensée active. Cette formule montre le nouvel équilibre qu’il faut créer. Il ne s’agit pas seulement d’exprimer une aspiration mais de l’ancrer dans la mobilisation de chacun pour qu’elle devienne un objet de mission collective.

- Parce qu’elle est d’abord action, cette stra-

tégie relationnelle doit être en prise direc-

te avec «les gens». Cette relation alors vi-vante devient ensuite réalité.

- Cette stratégie relationnelle doit viser le

dépassement pour satisfaire une nouvelle

soif d’idéal. La crise actuelle est certes fi-nancière, économique, sociale, voire mê-me politique. Mais au-delà, elle est psycho-logique et matérielle. Elle est matérielle parce que l’immensité des défis montre qu’il n’est plus question de vivre mais de veiller à survivre. Elle est psychologique car il s’agit de définir une nouvelle morale de l’efficacité. Les idéologies semblent ne plus rien avoir à dire. Les partis politiques sont à la traîne. Qui va contribuer à définir une société qui va redevenir vivable ? C’est la question posée.

Dans cette redéfinition, il faut permettre à cha-

cun de participer activement tout en respectant

les droits à l’individualité.

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C’est avec cette exigence que des supports d’é-

changes comme Facebook ont trouvé leur légiti-

mité.

Le micro a changé de main. Les caméras se sont retournées. La parole est désormais dans l’opi-nion, dans la salle, sur Internet. Le fameux slogan «nous, c’est vous» est plus perti-nent que jamais. Il s’agit d’intégrer que ce sont

les citoyens qui font la pub du candidat. Cette évolution était d’ailleurs annoncée dans la publicité purement commerciale. L’une des plus belles campagnes de ce type fut celle de groupe prêt-à-porter Esprit au début des années 90. Les clients ont reçu un mailing leur demandant «que feriez-vous pour changer le monde ?». Les meilleures réponses sont ensuite apparues sur les affiches de la marque avec photos et noms des auteurs à l’appui. Un système de dialogue à l’état pur. Ce système a bien entendu des limites. C’est une souveraineté moderne des citoyens qui

leur est reconnue. Jusqu’alors, la souveraineté résidait surtout dans les choix du quotidien ordi-naire. Désormais, de nouvelles frontières sont possibles. Cette évolution est une nouvelle étape dans la

démocratie d’opinion.

Le «Prince» qui décide seul, rusé, qui sait se faire craindre car cela est plus sûr que d’être aimé … a fait son temps. La Raison d’Etat a aussi fait son temps. Cette «raison» qui a été longtemps composée d’une «morale» sans limite de l’efficacité et de l’utilité. Dans ce contexte, cette notion de «raison d’Etat» a aussi «fait son temps».

Sous ces deux volets, par la citoyenneté perma-nente et la transparence portées par des outils comme Facebook, il y a globalement une nouvelle donne. Mais cette nouvelle donne ne comporte pas que des aspects positifs. Parce que la logique est l’in-formation directe, elle n’est passée au tri d’aucu-ne expertise. Les emballements trouvent donc un terrain particulier. Ce n’est pas parce qu’une communauté affirme un chiffre ou une « révélation » que c’est vrai. La mul-tiplicité des sources d’informations augmente d’autant les facteurs de manipulations.

11) La disparition des intermédiaires

pour évoluer vers l’information en

direct permanent : Twitter Lors du premier trimestre 2009, le site Twitter a franchi le seuil des 19 millions de visiteurs uni-ques. Ce chiffre repose uniquement sur les visites direc-tes sur le site. Il ne recouvre donc pas les utilisa-tions par ceux qui font appel à Twitter par d’au-tres canaux techniques. Au rythme de croissance des derniers mois, ce chiffre devrait s’élever à plus de 50 millions de vi-siteurs uniques dès … fin 2009. Ces chiffres montrent à la fois l’ampleur du phéno-mène mais aussi son accélération. Twitter a débuté en mars 2006 à San Francisco au sein d’une start-up Odeo Inc. C’est un service de microblogging qui permet aux

utilisateurs de s’informer grâce à des messages

ultra courts de 140 caractères au maximum. En 2008, Barack Obama a beaucoup utilisé ce dis-

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positif pour envoyer des flashs d’informations. Que change Twitter ?

Trois changements majeurs sont portés par Twit-ter :

1) C’est d’abord un nouveau rythme de com-

munication et de campagne. La «campagne papier» reposait sur des sé-quences temps longues. Dans l’univers du courrier électronique, une petite heure suffit pour une campagne d’une très forte ampleur.

2) C’est l’érosion des intermédiaires, voire

des arbitres. Lorsqu’un candidat lançait à la télé ou sur une radio une attaque contre un concurrent, le journaliste veillait à offrir une réponse voire même tentait d’établir de lui-même une sorte de «vérité officiel-le». Ce filtrage est terminé. L’émetteur et le récepteur fonctionnent en direct. C’est un face à face virtuel qui comble le fossé entre l’émetteur et le récepteur.

3) Les anciennes campagnes reposaient sur le

principe du message centralisé. Toute l’or-ganisation politique est basée sur ce princi-pe de la centralisation qui émet une infor-mation officielle unique. Avec Twitter, non

seulement l’information va très vite de

l’émetteur au récepteur mais surtout le

récepteur peut contribuer à alimenter l’in-

formation. Il l’alimente par deux canaux très importants. Il peut adapter son conte-nu et diffuser l’information avec son pro-pre commentaire. Il nourrit la liste des des-tinataires en donnant naissance à des cam-pagnes à la carte avec une démultiplication quasi inconcevable auparavant. La nouvelle campagne est une avalanche de messages enrichis par les contributions de la chaîne, que ces contributions concernent le conte-nu et/ou les destinataires.

Par ses caractéristiques, Twitter élimine tout inter-médiaire entre un émetteur et un récepteur. Cette information directe autorise donc beaucoup plus facilement les manipulations directes, volon-taires ou pas.

12) Le calendrier électoral qui change les

enjeux des élections

La vie publique Française paraît fâchée avec son calendrier électoral. Ainsi, il a fallu attendre l’été 2007 pour connaître la date définitive des élec-tions municipales et cantonales finalement déca-lées d’une année. Une fois ces élections fixées, des composantes po-litiques majeures ont transformé un scrutin local en premier test de l’exercice présidentiel. Ces exemples concrets montrent les troubles qui affectent le calendrier électoral Français perturbé dans son calendrier comme dans le sens des élec-tions. Au-delà des interrogations, il y a désormais un constat : la prééminence en faveur de l’élection présidentielle qui modifie tout le fonctionnement institutionnel habituel. Placer les élections législatives dans la foulée des é l e c t i o n s p r é s i d e n t i e l l e s r e v i e n t à «présidentialiser» l’élection parlementaire dans des conditions qui s’avèreront probablement ex-cessives et malsaines dans la durée. Le régime présidentiel américain comporte des renouvellements partiels des deux Chambres de nature à pondérer le seul calendrier présidentiel. Cette nouvelle donne est lourde de conséquences sur le terrain des élections législatives. Chaque candidat doit désormais examiner avec une atten-tion particulière la question suivante : où faire campagne ?

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Chaque candidat doit choisir le théâtre d’opéra-tion qu’il entend occuper. Son positionnement pendant l’élection présidentielle devient désor-mais un réel rendez-vous de pré-campagne. Doit-il s’engager derrière un perdant probable ? Dans ce cas, sa participation ne se transformera-t-elle pas en plongeoir et non pas en tremplin? Seconde interrogation nouvelle : la place accordée aux problèmes nationaux. Les élections législatives ont été longtemps un savant mélange de politique nationale et de politique locale. Le calendrier très raccourci entre l’élection présidentielle et le re-nouvellement de l’Assemblée Nationale «nationalise» le débat des législatives. Cette évolution fait naître une autre catégorie de problèmes stratégiques pour chaque candidat : doser la part qu’il accorde entre son engagement national et celle liée à son indépendance person-nelle. On assiste ainsi à deux profils très différents. D’une part, les acteurs du débat national lié à la présidentielle qui s’impliquent dans une équipe en acceptant tous les aléas. D’autre part, les féodaux locaux qui se tiennent à l’écart de ce débat pour personnaliser au maximum leur ancrage sur le ter-rain. Une coupure aussi marquée n’est pas saine pour le débat politique Français ainsi privé de profils complémentaires utiles à un choix de qualité. Dans la multiplication considérable des échelons territoriaux et le partage de plus en plus imbriqué des compétences, les citoyens Français tendent à ne reconnaître que deux qualités électives : celle du Président de la République, symbole du pou-voir national et celle du Maire, symbole du pou-voir de proximité. Parce que ces deux autorités politiques ont des identités fortes, ces deux élections ont un rythme propre. Pour les autres, à l’exemple caricatural des régio-nales et des cantonales, les élections sont impac-

tées par une multitude de considérations collaté-rales. Placées à une petite année des élections Présiden-tielles, les municipales ont constitué la première rencontre du nouveau pouvoir présidentiel avec le suffrage universel national. Elles ont perdu leur particularisme pour revenir à la case des élections de mars 1983 qui avaient été marquées par un profond climat de sanction contre le pouvoir so-cialiste. Dans toutes les hypothèses, ce calendrier a pro-duit des effets négatifs sérieux. Il présidentialise excessivement le scrutin législatif et de ce fait al-tère la fonction parlementaire déjà très dépossé-dée de prérogatives dans la Constitution de 1958. Il place un scrutin majeur (élections municipales) dans une logique de «réaction» qui est malsaine par rapport à la vocation de gestion de cet éche-lon. A ces reproches majeurs s’ajoute celui d’une refonte des échéances dans des délais aussi brefs ce qui ne constitue pas un gage de bonne qualité des équilibres institutionnels. Il est nécessaire que les élus traitent sérieusement ce calendrier électo-ral qui nuit dangereusement au bon équilibre des pouvoirs.

13) La religion qui prend le pas sur

la politique

La France est un pays profondément marqué par la religion catholique, même si la place de l’Eglise s’est considérablement réduite ces dernières dé-cennies. Quand on parle «d’amenuisement» de la place de la religion catholique encore faut-il avoir des repè-res précis. Au début des années 50, pour 42 % des person-nes, soit près d’un Français sur deux, la foi oc-cupait une place importante dans les décisions de la vie de tous les jours.

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Ce chiffre est passé à 38 %. C’est une diminution mais pas nécessairement une diminution aussi im-portante que la tendance que l’on croit pouvoir observer. Dans l’histoire Française, le vrai tournant est la vulgarisation de la philosophie des Lumières. Les partisans de la Révolution Française de 1789 voyaient dans l’Eglise catholique une alliée de la monarchie contre laquelle ils entendaient lutter. Par conséquent, lutter contre la monarchie et lut-ter contre l’Eglise constituaient deux combats identiques. D’où cette première conception de la République fondamentalement anti-cléricale. D’où aussi, à cette époque, l’image de l’institu-teur, gardien des valeurs républicaines, qui était supposé incarner dans chaque village de France le «concurrent» du curé. D’où enfin cette logique de laïcité qui porte une conception de l’Etat neutre devant laisser la reli-gion à l’extérieur des services publics. Cette approche a permis d’émanciper les reli-

gions minoritaires : le protestantisme et le judaïs-

me.

Dans cette logique, la religion relève du strict do-maine de la vie privée. Toute cette logique ne peut qu’être sérieusement ébranlée par l’émergence de l’islam qui est désor-mais la deuxième religion en France. C’est une émergence qui a connu une accélération considé-rable. En 1965, il y avait en France 4 mosquées constitu-tives officiellement de lieux de prières pour musul-mans. Il y a aujourd’hui officiellement plus de 900 imams et près de 2 000 lieux de prières… La France compte désormais plus de 5 millions de musulmans. Cette religion a des repères fonda-

mentaux qui structurellement sont peu compati-bles avec la laïcité de la société française. Les enquêtes montrent en effet que la très grande majorité des musulmans (87 %) pensent que l’i-slam ne peut être séparé des lois de la Républi-que. C’est un 1er signal d’alerte pour une concep-tion majeure dans l’organisation de la société Française. Mais surtout, cette tendance religieuse est très présente chez les jeunes. Les jeunes ont une ex-trême sensibilité à des combats internationaux de «leur religion». La guerre en Irak, le conflit israélo-palestinien, les attentats intégristes sont de réels centres d’intérêt et de mobilisation pour eux. Ce second élément constitue lui aussi un indicateur d’alerte important. C’est ce climat qui porte en lui une poussée indis-cutable et particulièrement préoccupante des ac-tes d’antisémitisme en France. Là aussi des repè-res chiffrés sont plus explicites que de longues dé-monstrations. En 1999, 9 actes de violence avaient été recensés dans ce cadre. La barrière des 100 actes de violen-ce a été franchie en 2000. Leur fréquence et leur gravité sont directement liées à l’évolution de la situation au Proche-Orient. Cette situation doit être regardée en face. Elle mérite une large et forte mobilisation collective. Elle traduit un échec de l’intégration républicai-

ne. Elle porte en elle une échelle de risques multi-ples et d’une profonde gravité. Notre Etat doit donc partir à la reconquête du

terrain perdu pour réaffirmer ses valeurs fonda-

trices dont la laïcité dans des circonstances nou-

velles qui interpellent tout pouvoir.

Toute radicalisation en la matière fait naître des

enjeux qui dépassent le débat politique classi-

que.

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14) La course aux célébrités :

le détournement de la fonction

Une campagne électorale a toujours été l'art de la transformation : transformation des mécontente-ments en votes d'espoir, transformation d'aspira-tions collectives diffuses en visions claires de so-ciété. La candidature est le premier acte déterminant de cette transformation. C'est un instant d'autant plus particulier que l'homme public n'est plus perçu pareillement se-lon qu'il est ou qu'il n'est pas publiquement candi-dat. Le challenger désigné gagne en notoriété, voire en crédibilité puisqu'il devient alors un potentiel déci-deur de premier plan. Le sortant perd une partie de sa légitimité, se ba-nalise puisqu'il devient un éventuel et potentiel sorti. S'ouvre alors une période pleine de rebondisse-ments, d'incertitudes pendant laquelle personne n'est à l'abri d'étonnantes surprises. Une fois candidat, l'homme public doit alors com-muniquer son message, poser les jalons de sa transformation. En la matière, la France a pris du retard. La publici-té politique connaît en effet des contraintes d'ar-rière-garde à l'exemple de l'interdiction des publi-cités télévisées. Avec des moyens limités quant aux supports auto-risés et par le plafonnement des financements, le candidat doit choisir les images qui porteront ses messages en créant si possible un véritable élec-trochoc.

Le rythme de communication, sa créativité, ses rebondissements traduisent la réalité de la vie des équipes en présence. C'est l'apparition en surface de la nature profon-de. Le style n'est pas une apparence. C'est l'apparition en surface de la nature profonde des êtres et des choses. Ce style doit permettre d'assurer la rencontre en-tre un individu, une équipe et un territoire. Le style, c'est l'arme qui va toucher l'attention des citoyens. Chaque jour, une personne est exposée en moyenne à 500 messages. Elle en perçoit de 30 à 80. Moins de 10 d'entre eux vont influencer son comportement. Ce premier point technique permet de ramener les enjeux à leur juste proportion. Si le style d'une campagne n'est pas incisif, il n'y

a aucune possibilité de s'introduire parmi ces 10

messages qui vont influencer un comportement.

Pour donner de la consistance à ces messages, l’un des moyens traditionnels réside dans l’organi-sation de visites de personnalités. Ces visites répondent à deux registres. D’une part, la recherche d’identification : qui se ressemble s’assemble. Par une présence forte à ses côtés, le candidat gagne en image de marque en partageant une partie de celle de son invité. D’autre part, l’électeur vote pour une destinée et pas pour la banalité.

L’opinion préfèrera toujours la tête d’affiche au

simple candidat qui affiche sa tête.

Par consé-quent, la

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Par conséquent, la présence de personnalités est une valeur ajoutée indiscutable. En réalité, compte tenu de la dévalorisation des personnalités politiques, la présence de célébrités sans rapport avec la politique est alors une vraie valeur ajoutée : sportifs, acteurs, écrivains… Ce qui est important c’est : - la forte notoriété de la célébrité en question, - l’examen de l’image de marque de cette célébri-té afin qu’elle complète efficacement l’image de marque du candidat. Là aussi, c’est une évolution à l’anglo-saxonne où la célébrité est censée engager sa « marque » pour attester de la crédibilité de l’engagement du candidat pour une action ou une valeur donnée et impacter l’opinion sur des bases souvent totale-ment extérieures à l’enjeu réel du scrutin.

15) Les audits : faire parler les chiffres

au-delà des faits

Un universitaire posait à ses étudiants la question simple suivante : «un savant a inventé un nouveau

moyen de communication entre les hommes,

agréable, utile et en même temps important élé-

ment de liberté. Mais le coût, le prix à payer est au

minimum de 85 000 morts par an dans le monde.

Faut-il l’interdire ?» «Oui» répondent unanimes les étudiants. Le pro-fesseur de leur indiquer : «vous venez de condam-

ner l’automobile». Il en est de même de l’usage des audits. C’est un sujet bien trop vaste et complexe pour graver rapidement un avis définitif dans le mar-bre. Une chose est certaine, c’est que la décentrali-

sation impose aux élus un mode de communica-

tion différent dans la gestion des finances publi-

ques.

Ce mode de gestion est actuellement aggravé

par la situation de crise économique et le débat

sur le pouvoir d’achat.

La politique d’évaluation des politiques publiques est un sujet très en retard en France. L’enjeu est double : - définir les finalités de l’évaluation, - clarifier l’objectivité de l’évaluation. Au niveau de l’Etat, l’évaluation des politiques pu-bliques est apparue dans les années 80 avec la création de comités ponctuels. En 1988, le comité d’évaluation des Universités a été institué. En 1990, le décret du 22 janvier 1990, établi sur la base du rapport Viveret, a mis en place un dispo-sitif ayant vocation à évaluer l’ensemble des poli-tiques publiques et comprenant un Comité Inter-ministériel de l’évaluation. Au niveau des collectivités locales, l’une des pre-mières collectivités à mettre en place ce dispositif fut le Conseil Général de l’Hérault. Ces dates récentes attestent d’un mouvement tardif lié à des facteurs importants. La France est habituée à une forte présence de contrôles. Le contrôle et l’audit d’évaluation ne respectent pas les mêmes principes. Le contrôle c’est la conformité d’une action à des règles précises. L’évaluation vise à analyser des effets d’une action et à en apprécier sa qualité. Une confusion est née entre ces deux notions différentes.

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Comme les contrôles portent un a priori de dé-fiance, les évaluations ont été freinées. Les contrôles débouchent parfois sur une sanction. Les évaluations ont, là aussi, vécu une assimila-tion avec la notion de « sanction politique » liée à la publication d’audits sévères pour une gestion. Pour toutes ces raisons, les audits ont perdu de leur image de marque technique pour devenir une sorte de règlements de comptes politiques derrière la supposée neutralité d’expertise. Cette confusion fait prendre du retard à l’évaluation des politiques publiques. L’évaluation, c’est d’abord une méthode de for-mulation des politiques. C’est ensuite une métho-de de définition de leurs mises en œuvre. C’est enfin, ultime étape, une évaluation des ef-fets des politiques ainsi conduites. Ce degré de contrôle montre la spécificité de l’é-valuation par rapport aux critères classiques de contrôles. L’évaluation impose la mise en place de tableaux de bord, de critères de suivi des dépenses, de cri-tères pour l’impact des «fruits de l’action». Sous cet angle, les audits d’évaluation s’éloignent donc considérablement de la logique de la sanc-tion. La crédibilité de l’audit d’évaluation repose d’abord sur la rigueur et la pertinence de la col-lecte et du traitement des informations adéqua-tes. C’est donc un jugement de valeur et non pas de conformité au regard de règles. Ces audits sont appelés à connaître un développe-ment important parce qu’ils portent en eux la dé-finition du sens d’une action publique et la défini-tion des moyens appropriés, méthode attendue par l’opinion publique avide du «gouverner mieux».

16) La mondialisation ou

comment passer le mistigri des mauvaises

nouvelles

L’actualité économique récente avec les démons-trations d’une mondialisation qui s’accélère a ins-tallé une perception permanente de mondialisa-tion. Il n’est plus question de résister à cette tendance. Il s’agit d’en comprendre les facteurs, les effets et de veiller à ce que cette évolution ne conduise pas à un développement anarchique destructeur de territoires ou d’équilibres humains. Sous ce der-

nier volet, la question qui retient l’attention de

chacun est la suivante : la mondialisation peut-

elle être humanisée ? La réponse à cette question repose sur la défini-tion des relations entre le pouvoir économique et l’ensemble des autres pouvoirs. S’il y a une mon-dialisation économique qui n’est pas accompa-gnée d’une harmonisation sociale internationale, il est probable que les entreprises joueront sur les différences sociales pour aller là où la rentabilité les conduit. Aujourd’hui, le défi principal réside dans le décala-ge qui existe entre d’un côté la vitesse de cons-truction de groupes économiques mondiaux et d’un autre côté la lenteur d’une réelle construc-tion internationale entre les Etats. Ce décalage fait la force de l’économie. Plus ce décalage demeure-ra ou même s’accentuera, plus la force de l’écono-mie impactera les réalités quotidiennes. Sous cet angle, la période actuelle ne peut que nous inquiéter. L’Union Européenne a œuvré en faveur d’une harmonisation économique. Mais elle a buté sur l’unité politique et sociale qui de-vait pour le moins accompagner cette harmonisa-tion économique. Les échecs des consultations populaires en 2005 sur le traité constitutionnel européen ont bloqué ce volet de la construction politique de l’Europe. Si bien qu’aujourd’hui le dé-calage préalablement exposé entre l’économique

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et le reste ne peut que s’aggraver alors même que les conditions d’origine sont relativement commu-nes, que penser d’une tentative d’harmonisation entre des territoires aux géographies encore plus lointaines, aux cultures encore plus distinctes ? Ce constat est souvent absent du débat politique. C’est dommage car ce constat est effectué par les citoyens qui attachent des conséquences majeu-res à cette situation. Trois conséquences majeures pratiques en résul-tent quant à l’état d’esprit de l’opinion publique : • la mondialisation est perçue comme une dé-

possession démocratique, • parce que cette dépossession démocratique

inquiète, la mondialisation est non pas res-sentie comme une avancée mais comme une menace généralisée,

• cette menace transforme en profondeur no-tre perception de l’avancée dans le temps qui n’est plus associée comme une marche vers le progrès mais comme une chute dans l’inconnu.

Cette nouvelle atmosphère intellectuelle est une caractéristique sans précédent. Elle engendre des sentiments nouveaux pour les-quels le choix serait simplement entre la nostalgie et la peur. Aucune avancée collective sérieuse ne peut être construite sur de tels socles psychologiques. Nous devons donner des réponses concrètes à ce défi. Les citoyens doivent retrouver la conviction qu’ils vont se réapproprier leur avenir. La mondialisation doit être l’affaire de tous. Elle doit devenir le cœur de nos débats internes et non pas une affaire « étrangère » lointaine. Ce rapport au progrès conditionne le retour d’un moral collectif positif qui modifiera notamment le

rapport à la réforme.

17) L’Etat spectacle ou l’émergence du

spectacle d’un triste Etat

Les deux dernières décennies ont vu naître et se développer en France un certain nombre de ten-dances nouvelles qui ont fondamentalement mo-difié les équilibres de notre vie politique. Tout d’abord, nous avons assisté à la généralisa-

tion d‘un catastrophisme permanent. Nous som-mes passés d’un pessimisme ambiant fort à un catastrophisme où la surenchère à la dramatisa-tion semble ne plus avoir de limite. Seconde tendance, l’émergence de «nouveaux

gourous» qui sévissent sans aucune humilité. Les prêtres ne sont plus des directeurs de conscience reconnus. Les intellectuels sont morts avec SAR-TRE, ARON. Les hommes politiques sont livrés aux jugements péremptoires et sans appel sur leurs «défauts indécrottables». Une nouvelle race de «maîtres à penser» est née. Ils animent des émissions de TV ou de radio, font du cinéma ou de la chanson et parfois même les deux et «eux savent». On ne sait pas trop pourquoi et à quel titre mais comme dans la présente période il vaut mieux croire que chercher à comprendre, chacun s’en remet docilement à leurs jugements sur tous les sujets dans tous les domaines… Ils éditent les nouvelles « tables de la loi » que tout responsable public doit en permanence res-pecter sous peine d’exclusion. Enfin dernière tendance, la nouvelle France dé-

boussolée qui s’en remet à la dérision avec dérai-

son. Il est bien clair que la société française a connu et connaît encore de profondes mutations. La crise dès 1973 n’avait pas excessivement

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inquiété. A cette époque, il ne faisait pas de doute que le pouvoir allait y remédier. En 1981, toujours malades, les Français ont décidé alors de changer de médecin. Après 23 ans de «frustrations», ils donnèrent libre cours à leur joie du Printemps 81. Plusieurs printemps après, les impôts étaient plus lourds, le chômage plus élevé, le franc plus bas. Pour beaucoup, le rêve était fini. Par le biais de l’alternance, les Français s’étaient enrichis d’une expérience nécessaire mais ils se sont appauvris d’un constat d’une gauche qui a failli. Depuis cette époque, c’est la fin de l’enthousias-me. Les différences entre droite et gauche se sont estompées en matière économique. Pendant les années au pouvoir, la gauche s’est ap-pliquée, au-delà ses réformes sociales, à démon-trer qu’elle était capable de gérer. De son côté, la droite s’efforce d’apparaître com-me le champion d’une sorte de libéralisme à visa-ge humain qui ne mettrait pas en cause les acquis sociaux et se donnerait comme priorité de créer des emplois dans un pays qui n’a pas cessé d’en perdre depuis quelques années. La montée des mécontentements a favorisé la for-te ascension des extrêmes. Et les promesses non-tenues, les décisions à contre-courant, la détério-ration des rapports entre les membres de la classe politique ont terni de façon durable l’image des partis et des hommes politiques. Dans un cadre aussi éloigné des repères habi-

tuels, il est facile de tout tourner en dérision avec

les refrains désormais connus de tous :

- face à une nouvelle proposition, il suffit de lais-ser tomber « et pourquoi ne l’avez-vous pas mise

en œuvre quand vous étiez au pouvoir ? », - face à un chiffre officiel, il suffit de laisser enten-

dre « vous en êtes sûr ? », - face à une promesse, il suffit de commenter

« vous dites cela aujourd’hui mais de-

main... ». Ces réactions ont sapé et sapent en permanence

la fiabilité et la crédibilité de tout débat public. Dans ce contexte, un nouvel «Etat spectacle» est

né.

Ses terrains sont : - la compassion. Il ne s’agit pas tant de lutter contre les drames permanents mais surtout de les accompagner avec l’émotion intense, - l’humanitaire. Plus le pays est éloigné et incon-nu, plus l’ambition parait grande et mériter le res-pect, - la tolérance. Dans ce domaine, la règle du jeu est simple. Il faut dire en permanence que « tout ce vaut ». Malheur au premier qui cherchera à réta-blir des hiérarchies,

- l’association d‘images avec les « nouveaux maî-

tres à penser ». Partant du principe de la sagesse populaire qui dit « qui se ressemble s’assemble » être aux côtés des « nouveaux gourous » est un formidable laisser passer pour la popularité. Cet Etat spectacle est de plus en plus un triste spectacle d’Etat. Sa dernière illustration est l’en-gouement national pour des mesures de défense de l’environnement qui n’ont manifestement au-cun poids à l’échelle de la planète.

18) le politiquement correct ou

le mimétisme de la pensée

La vie politique française n'a jamais été caractéri-sée par une grande tolérance. L’influence de la religion catholique et les racines latines expliquent une vie politique souvent en-flammée.

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Chaque fois que la tolérance a gagné en importan-ce en installant de larges zones d’accords dans la vie politique française ce fut l'effet de la raison compte tenu de la gravité des circonstances et non pas le produit du sentiment initial immédiat de l’opinion et encore moins de sa tradition. La contestation et le conflit sont des données de

fond de la société française et ce depuis les origi-

nes. Bien davantage, culturellement, l'opinion Françai-se a tendance à considérer que le caractère conflictuel de la vie politique ferait partie de la qualité de cette vie politique. Avec cet état d’esprit, tout est organisé pour faire émerger le conflit. Il n’est pas rare de voir les ac-teurs de la vie politique Française exagérer l’am-pleur véritable des conflits voire même parfois chercher à les faire naître alors qu’initialement les oppositions n’allaient pas de soi. Tout paraît donc organisé sur le principe selon

lequel le conflit est naturel en politique et à l’op-

posé l'absence de conflit ne serait qu’astuce ou

exception rarissime.

Sur ce terrain pourtant «défavorable», le politi-quement correct s’est installé. Par conséquent, le vrai enjeu consiste à identifier

où est aujourd'hui la réalité des zones de clivages

au sein même de l’opinion publique.

Le politiquement correct c’est une forme de-consensus artificiel qui marque l'adhésion large-ment répandue dans un groupe social en faveur d’un ensemble de valeurs relatives aux modalités d'organisation de la vie en collectivité. Quel est aujourd’hui le langage du citoyen sur les questions qui font son quotidien ? L’heure du citoyen est à la mise en œuvre de 4 règles :

- la recherche de l’écart entre l’intention et l’ac-tion. La coupure entre le citoyen et la vie publique fait qu’il recherche désormais le véritable message derrière l’expression brute. Tout est maintenant affaire de décodage. - L’acceptation de principe d’une large adhésion à des valeurs communes. - La recherche de réponses «à portée de main». Derrière cette formule, c’est l’immédiat qui peut réellement entrer dans les faits. - Le rejet des solutions qui ne reposent pas sur le dialogue, l’écoute, le respect des citoyens. Dès l’instant que ces règles sont respectées, une certaine forme de consensus est susceptible d’ê-tre approchée.

Le politiquement correct devient une forme de facilité de prêt à penser qui a constamment gagné du terrain ces dernières années.

19 ) la logique de marque commerciale

appliquée à la politique

La société moderne est celle de l’image. En politique, ce constat s’accompagne d’une autre réalité. La communication est engagée par des passionnés de la politique qui s’adressent à des personnes pour lesquelles la vie politique est seu-lement «un mal nécessaire». En conséquence, il ne faut pas croire que de nom-breuses heures seront consacrées aux messages électoraux. Quelques rares minutes seront dispo-nibles. Ce sont ces rares minutes qui comptent. Dans ces minutes, il importe d’abord de capter l’attention puis bâtir un pouvoir d’évocation cohé-rent, efficace.

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Ce pouvoir d’évocation est aujourd’hui marqué par la personnalisation. S’agissant du phénomène de la personnalisation : à un moment précis, une personnalité doit incar-ner la voie souhaitée par la majorité. Il importe alors de créer et de gérer son « Capital-Nom ». Un homme politique doit aujourd’hui considérer

que son nom est sa principales enseigne. Le rejet des partis politiques est tel que le prétendant vi-sant loin et haut doit d’abord se faire un nom. Comme une enseigne, son nom, pour être très mobilisateur, doit remplir quatre qualités essen-tielles : - être spécifique, - avoir une forte puissance d’évocation, - viser à une certaine durée, - être cohérent dans les « associations-valeurs ». Cette construction doit être en adéquation avec les attentes de l’opinion. Or, ces attentes évoluent beaucoup et rapidement. Parmi tous les changements profonds intervenus, trois comportements nouveaux dont les consé-quences sont considérables : - On vote pour soi, pas pour un candidat. La «nouvelle génération» des électeurs a une appro-che citoyenne voisine de celle de la consommation courante. Il s’agit de détecter les mesures qui per-mettront d’améliorer son sort individuel. On vote pour une star pas pour un responsable

politique. Le star système a frappé la vie politique Française. Il s’agit de représenter des valeurs au-delà des fonctions. Les fonctions ramènent à l’ac-tion concrète. Les valeurs vont au-delà. Elles sont le sens d’une destinée. On vote pour un gagnant. Pas pour un perdant.

Le dernier exemple le plus caricatural au sein pourtant d’un «électorat conceptuel», c’est le vo-te du 16 novembre au sein du Parti Socialiste. Le

score de S. Royal n’aurait jamais été le même sans les sondages la plaçant aussi largement en tête et indiquant qu’elle était la seule à gagner le second tour. Cette réalité est désormais perçue si large-ment qu’elle détourne pour partie la vocation des sondages instrumentalisés comme «témoins scientifiques» de la victoire. Dans cette logique, le story telling est devenu une technique à part entière. Il s’agit de créer une « histoire » qui est le récit organisé d’une vie, d’un programme, d’une campagne. Certains y voient l’industrie la plus élaborée du mensonge. La mise en histoire donne prise à une réécriture souvent très imaginative.

20) L’installation de la notoriété comme

point de passage du succès Une élection est la plus imprévisible des consulta-tions. Et pourtant, progressivement, une équation s’est dégagée. Une élection serait :

E = N + P + C + X. N, c’est la notoriété. L’opinion ne vote pas pour un candidat qu’elle ne connaît pas. La notoriété ne fait pas l’élection mais l’élection est hors d’attein-te d’un inconnu. P, c’est la popularité. La popularité doit accompa-gner la notoriété. En France, la popularité repose sur un positionne-ment dans l’une des 4 cases suivantes : - le Héros qui se détache du lot, - le Séducteur qui répond à la mode du moment, - le Juste qui incarne le point d’équilibre d’une so-ciété, - le Savant qui apporte une réponse technique de confiance aux problèmes posés.

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Charles de Gaulle, François Mitterrand ont été des Héros. Valéry Giscard d’Estaing, Nicolas Sarkozy appar-tiennent à la catégorie des Séducteurs. Jacques Chirac n’est parvenu à être élu que lors-qu’il est devenu le Juste qui pouvait être le rem-part contre les fractures sociales. Raymond Barre, Edouard Balladur, Jacques Delors … ont été des Savants. Leurs échecs montrent la voie étroite de cette catégorie. A chaque niveau, un candidat doit se positionner sur l’une de ces cases. C, c’est la conjoncture qui rythme les modes. L’é-lection n’est pas un rendez-vous en dehors du temps. Bien au contraire, c’est un rendez-vous avec un calendrier qui vit et qui impose des cycles différents de profils souhaités. X, c’est les capacités à remplir pour une élection

donnée. C’est la part de variable appliquée aux spécificités de la fonction en jeu. Dans la longue marche vers une élection, chaque étape impose ses actes fondamentaux. Le candidat de la Séduction doit aller vers un «rêve collectif». Il doit être le moteur du change-ment d’une société, permettre de construire ce rêve collectif. Le candidat qui se veut Juste doit choisir des actes liés à un magistère moral. Le candidat qui se veut Héros doit travailler le pas-sage de l’image à l’imagination. Il doit s’identifier à de nouveaux modèles. Cette approche fait la différence entre les

«campagnes statues» et les «campagnes sta-

tuts».

Les premières ne bougent pas. La notoriété et l’i-

mage de marque sont supposées acquises. Il faut juste veiller à ce que la campagne n’altère pas la seconde. Ces campagnes de «postures» seront de plus en plus difficiles à conduire car les nouveaux médias refusent la passivité et font vivre la participation. Par conséquent, les «postures» vivent mal la contestation. Elles n’acceptent pas la participa-tion. Les «campagnes statuts» sont les campagnes d’a-venir. Elles portent une identité à laquelle on sou-haite s’associer. Ce sont les campagnes commu-nautaires des temps modernes. Le plus belle cam-pagne statut fut celle de Barack Obama en 2008. Son site Internet avait pour fonctionnalités majeu-res celle de l’appropriation par chacun. Le candi-dat fut présent sur tous les réseaux sociaux : Fa-cebbok, Twitter, Myspace … Une nouvelle équation est née replaçant le ci-toyen au centre de toutes les préoccupations. L’a-venir va appartenir au contrat psychologique re-posant sur la loyauté conditionnelle. Les ancrages militants solides sont entièrement érodés. L’élection est le moment d’une rencontre entre une offre politique et une demande majoritaire. Le leader respecte son contrat. Il bénéficie du sou-tien. Il rompt son contrat, le citoyen se sent alors dégagé de tout sentiment de soutien sans avoir le sentiment qu’une appartenance ait été brisée car dans son esprit cette appartenance n’est jamais intervenue. Il y avait une opportunité lors du vote. Elle a été prise. Le citoyen va passer à une autre opportunité sans état d’âme ni sentiment culpabi-lisateur d’infidélité mais au contraire de maturité par l’autonomie de ses choix. Cet état d’esprit crée un terrain particulier pour accueillir les tech-niques de manipulation puisque le zapping est ins-tallé et justifie des évolutions brutales en fonction de simples mouvements d’humeur.

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Le mot de l’équipe de rédaction

La chasse au neuf est ouverte. Un autre univers émerge porteur de nouveaux défis de conte-

nus, de supports, d’images. Nos guides pratiques se veulent un outil de réflexions, de connais-

sances, d’ouverture sur des choix en souhaitant que, pour cette vie publique qui est entre deux

âmes, ils permettent d’avoir l’esprit clair pour bien décider.

Denis BONZY

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