nouvelles zones À bÂtir | bruit: zones 30 ...vlp-aspan | mai 2016 5 lors de la révision de la loi...
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MAI 2016
NOUVELLES ZONES À BÂTIR | BRUIT: ZONES 30 | AMINONA, PLAN DÉPASSÉ | ZOOM SUR ENTLEBUCH
VLP-ASPAN | Mai 20162
ÉDITORIAL
Une prise en main créative par la commune
Le travail sur le commentaire pratique de la LAT – qui devrait aboutir avec la publi-
cation du premier volume en été 2016 – a enrichi nos réflexions sur la LAT révisée,
que ce soit sur la question du prélèvement de la plus-value (INFORUM 4/2015), des
dispositions transitoires (INFORUM de février 2016) ou de la disponibilité des zones à
bâtir. La garantie de la disponibilité de nouvelles zones à bâtir exige plus que la simple
volonté du propriétaire de construire. Encore faut-il que cette volonté soit garantie juri-
diquement, notamment sur la base de projets concrets de construction. Pour les zones
à bâtir existantes, le mandat législatif donné aux cantons est clair: la loi cantonale doit
prévoir des mesures pour favoriser la disponibilité de ces zones (voir page 4).
Hormis ces mesures plutôt contraignantes, une politique foncière ac-
tive est primordiale. Elle permet souvent de faire bouger les choses
en amont dans le sens d’un développement vers l’intérieur de qualité.
L’exemple d’Entlebuch est à cet égard intéressant. Le développement
du centre du village y est porté autant par des groupements d’intérêts
publics et privés. Ceux-ci ont fondé une SA villageoise, qui donne des
impulsions favorables à un développement vers l’intérieur. (voir pages
20 et 25).
Pour développer vers l’intérieur, il faut parfois sortir des sentiers battus. Un récent
arrêt du Tribunal fédéral conclut que même sur une route de transit cantonale à forte
fréquentation, une limitation de vitesse à 30 km/h est imaginable et ne peut être refu-
sée d’entrée de cause. Si les valeurs limites d’immission sont dépassées, une limitation
de vitesse de 50 à 30 km/h doit être testée, afin d’examiner son impact potentiel (voir
p. 10).
Le développement vers l’intérieur exige de la créativité. Les communes peuvent
et doivent prendre leur avenir en main, par exemple en exigeant que les zones à bâtir
soient effectivement construites, ou en pratiquant une politique foncière active. Il ar-
rive aussi que des tests dégagent des pistes intéressantes, par exemple pour la gestion
du trafic ou une meilleure protection contre le bruit.
Christa Perregaux DuPasquier, vice-directrice VLP-ASPAN
ImpressumINFORUM VLP-ASPAN Magazine pour les membres de l’Association suisse pour l’amé nage ment national. Paraît en français et en allemand quatre fois par an et deux fois en italien.
Rédaction Lukas Bühlmann, Annemarie Straumann
Traduction Roxane Jacobi, Andrea Havez, Anne Huber
Photo de couvertureEntlebuch LU, route canto-nale (Annemarie Straumann)
Cartoon Jonas Brühwiler
Mise en page Ludwig Zeller
Impression galledia ag, 9442 Berneck
La reproduction des textes et des illustrations est autorisée moyennant indication de la source.
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SOMMAIRE
NOUVELLES ZONES À BÂTIR ......................... 4Avant une nouvelle mise en zone, la LAT exige que la
disponibilité du terrain concerné soit garantie juridi-
quement. Qu’est-ce que cela signifie dans la pratique?
Réponse à la page 4.
ZONES 30 – UNE MESURE CONTRE LE BRUIT ....10À l’avenir, en cas de dépassement des valeurs limites
d’immission, une réduction de vitesse devra être envi-
sagée, y compris sur les routes cantonales en traversée
des localités.
AMINONA, UN PLAN DE ZONE DÉPASSÉ ......15Le Tribunal fédéral a annulé un plan de quartier pré-
voyant un vaste complexe touristique dans un hameau
de montagne. Cet instrument se basait sur un plan de
zone dépassé.
AGENDA .......................................................19
ZOOM SUR .................................................. 20Entlebuch LU est en pleine mue et œuvre activement
à la revitalisation de son centre. Très actif, le Conseil
communal a pris le développement du village en main.
LA PAROLE À ............................................... 25Le projet initial de revitalisation du centre d’Entlebuch
– un bâtiment à utilisation mixte – a vu le jour grâce à
la création innovante d’une SA. Le président du Conseil
d’administration, Alfons Schmid, parle de la mission de
la société.
CARTOON .................................................... 28Aminona, un modèle pour l’avenir?
Dans ces pages
TERRITOIRE & ENVIRONNEMENT, MAI 2016
La jurisprudence du Tribunal fédéral en 2015
VLP-ASPAN suit en permanence la juris-
prudence relative aux questions d’aména-
gement du territoire et de protection de
l’environnement. Elle résume et répertorie
par mots-clés, dans son recueil de juris-
prudence, tous les arrêts
déterminants du Tribunal
fédéral, ainsi que les prin-
cipaux arrêts du Tribunal
administratif fédéral et
des tribunaux cantonaux.
Cette base de données,
auquel les abonné-e-s peuvent accéder par
Internet, compte aujourd'hui plus de 4700
entrées. Le présent Territoire & Environne-
ment résume les principaux arrêts rendus
par le Tribunal fédéral en 2015.
La jurisprudence du Tribunal fédéral en 2015.Aménagement du territoire et environnement
MAI 2016
VLP-ASPAN | Mai 20164
NOUVELLES ZONES À BÂTIR
La création de zones à bâtir:une exception
Samuel Kissling, juriste de VLP-ASPAN
La LAT révisée veut favoriser un développement de l’urbanisation vers l’intérieur et freiner l’extension du milieu bâti. Pour ce faire, elle soumet la création de nouvelles zones à bâtir à des exigences élevées. Il faut notamment que la disponibilité des terrains nou-vellement affectés à la zone à bâtir soit garantie juridiquement, c’est-à-dire que des constructions y soient réalisées dans un délai raisonnable. La création de zones à bâtir cessera donc d’être la règle pour devenir l’exception.
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Lors de la révision de la loi sur l'aménagement du terri-
toire LAT, les dispositions relatives aux zones à bâtir (art.
15 LAT) ont subi un important remaniement. La loi com-
porte, d’une part, des principes généraux auxquels doit
obéir tout terrain pour pouvoir faire partie de la zone à
bâtir (art. 15, al. 1 à 3 LAT). Ces principes ne s'appliquent
pas seulement aux nouvelles zones à bâtir, mais aussi
à celles qui existent déjà. Les zones à bâtir doivent ré-
pondre aux besoins prévisibles des quinze ans à venir
et ne pas être surdimensionnées, celles qui sont trop
grandes doivent donc être réduites. Il faut par ailleurs
coordonner l'emplacement et la dimension des zones à
bâtir au-delà des frontières communales et effectuer une
pesée globale des intérêts en présence, dans le cadre de
laquelle une importance particulière sera accordée au
maintien des surfaces d'assolement et à la préservation
de la nature et du paysage.
Outre ces principes généraux, la LAT révisée pré-
cise les conditions que doivent remplir les nouveaux
classements en zone à bâtir (art. 15, al. 4 LAT). Le terrain
concerné doit être propre à la construction. Il faudra
aussi qu’il soit probablement nécessaire à la construc-
tion, équipé et construit dans les quinze ans à venir. Au
préalable, il aura fallu épuiser toutes les réserves de
zones à bâtir, comme les brèches dans le tissu bâti et
les surfaces sous-exploitées. Le classement ne doit pas
provoquer le morcellement des terres cultivables, mais
des décennies, posent de gros problèmes aux communes,
qui manquent de terrains constructibles. Confrontées
à des demandes de terrain à bâtir, la plupart d'entre
elles réagissaient en étendant leur zone à bâtir, ce qui
renforçait le mitage du paysage. Les terres cultivables
disparaissaient, les paysages étaient détériorés et les
frais d'équipement augmentaient. Pour garantir une
utilisation mesurée du sol et une occupation rationnelle
du territoire (comme le veut la Constitution), il est in-
Pour construire le quartier de «Surenweidpark», la dernière zone agricole dans le périmètre d’urbanisation d’Oberkirch LU a dû être mise en zone. Pour ce faire, il a d’abord fallu présenter un concept de construction. Photo: Roger Brunner, Planteam S AG Luzern
respecter les consignes du plan directeur cantonal. En-
fin, la disponibilité de la nouvelle zone à bâtir doit être
garantie sur le plan juridique.
Cette dernière condition est abordée de manière
plus détaillée ci-après. Elle constitue une nouveauté es-
sentielle par rapport au droit actuel et à la jurisprudence
du Tribunal fédéral.
Pourquoi certains terrains ne sont-ils pas disponibles?
Les biens-fonds qui se trouvent en zone à bâtir, mais
qui demeurent non construits durant des années, voire
VLP-ASPAN | Mai 20166
NOUVELLES ZONES À BÂTIR
dispensable que les terrains mis en zone à bâtir soient
construits dans le délai prévu.
Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles
les propriétaires de terrains à bâtir ne souhaitent pas
construire. La structure de la parcelle peut être défavo-
rable, une construction judicieuse n'étant envisageable
qu'après un remembrement. Il se peut aussi que le bien-
fonds soit mal situé, mal desservi ou pas prêt à être
construit pour d'autres raisons (p. ex. parce que soumis
à un plan d'affectation spécial qui se fait attendre).
Mais très souvent les parcelles qui restent libres de
constructions sont simplement thésaurisées. De nom-
breux propriétaires les utilisent comme placements,
espérant réaliser dans le futur des gains substantiels
grâce à une hausse des prix fonciers. Parfois aussi, ils
renoncent à construire pour garder la vue libre devant
chez eux ou tenir éloignés des voisins indésirables. En-
fin, il peut s'agir de communautés héréditaires qui ne
parviennent pas à s'entendre sur la vente des parcelles.
Que signifie «garantie de la disponibilité sur le plan juridique»?
Selon l’ancien droit, la disponibilité des terrains
constructibles était certes souhaitée, mais sa garantie
juridique ne constituait pas un critère décisif pour dé-
limiter une zone à bâtir. Cela a changé avec la révision
de la loi: un terrain ne peut être affecté en zone à bâtir
que si sa disponibilité est garantie juridiquement. Dès
que le propriétaire s'engage de manière contraignante à
construire sur sa parcelle, cet obstacle à la mise en zone
tombe. Mais qu’entend-on exactement par «garantie juri-
dique de la construction»?
Pour classer un terrain en zone à bâtir, il ne suffit pas
que le propriétaire ait exprimé sa volonté de construire.
Il faut prendre des mesures de nature juridique pour
que la parcelle soit réellement disponible et effective-
ment construite. Le plus souvent, il s'agira d'un accord
contractuel entre le propriétaire et la commune, qui rè-
glera concrètement la construction, le financement et les
Un cas de thésaurisation? À Birrwil AG, on trouve des terrains non construits et équipés entre les maisons, à proximité de la gare. Des coteaux entiers sont occupés par des constructions en terrasses. Photos: L. Bühlmann, VLP-ASPAN
«Il ne suffit pas que le propriétaire exprime sa volonté de construire. Les classements n’interviendront pratiquement plus que sur la base de projets bien élaborés.»
VLP-ASPAN | Mai 2016 7
Concepts de construction dans le canton de Lucerne
Certaines communes exigent déjà que des
concepts de construction soient établis
avant de procéder au classement d'un ter-
rain en zone à bâtir. Ce n'est pas seulement
pour assurer la sécurité de la planification
et du droit et pour garantir une construction
rapide des terrains, mais aussi pour amélio-
rer la transparence de l'aménagement local
à l'égard des citoyen(ne)s appelés à se pro-
noncer sur la mise en zone ou le changement
d'affectation de terrains. Dans un concept
de construction, les autorités communales déterminent à l’avance avec
le propriétaire concerné le type d’urbanisation visé (affectation, densité,
structure, équipement, espaces libres, etc.) et le fixe au moyen de pres-
criptions de zone et de construction spécialement adaptées au projet. Les
électeurs peuvent alors se prononcer en toute connaissance de cause.
Pour aider les communes, le canton de Lucerne a développé un outil de
travail intitulé «Ortsplanung mit Bebauungskonzepten (aménagement local
avec des concepts de construction)», qui explique toute la procédure en
détail et les aspects contraignants de la mise en œuvre.
https://rawi.lu.ch/themen/siedlungsentwicklung > Hilfsmittel
Article 15 LAT 1 Les zones à bâtir sont définies de telle manière qu'elles répondent aux
besoins prévisibles pour les quinze années suivantes.2 Les zones à bâtir surdimensionnées doivent être réduites.3 L'emplacement et la dimension des zones à bâtir doivent être coordon-
nés par-delà les frontières communales en respectant les buts et les
principes de l'aménagement du territoire. En particulier, il faut maintenir
les surfaces d'assolement et préserver la nature et le paysage.4 De nouveaux terrains peuvent être classés en zone à bâtir si les condi-
tions suivantes sont réunies:
a. ils sont propres à la construction;
b. ils seront probablement nécessaires à la construction dans les quinze
prochaines années même si toutes les possibilités d'utilisation des
zones à bâtir réservées ont été épuisées et ils seront équipés et
construits à cette échéance;
c. les terres cultivables ne sont pas morcelées;
d. leur disponibilité est garantie sur le plan juridique; et
e. ils permettent de mettre en œuvre le plan directeur.5 La Confédération et les cantons élaborent ensemble des directives
techniques relatives au classement de terrains en zone à bâtir, notam-
ment à la manière de calculer la surface répondant aux besoins.
délais. Le cas échéant, il faudra aussi clarifier certaines
questions juridiques avec le voisinage et s’entendre sur
d’éventuels droits de passage ou de construction rap-
prochée. Ces garanties juridiques présupposent que le
propriétaire et la commune aient une conception claire
de l’affectation future de la parcelle. Dès lors, les clas-
sements n’interviendront pratiquement plus que sur la
base de projets concrets.
Que faire si le propriétaire s’oppose à la mise en
zone de son terrain, alors que celle-ci est objectivement
justifiée? Dans ce cas, la commune devrait pouvoir ga-
rantir la disponibilité du terrain par le biais de mesures
juridiques, même sans le consentement du propriétaire.
Il peut s’agir, par exemple, d’un délai de construction
suivi de la possibilité d’exproprier. Le droit cantonal de-
vra prévoir la base légale nécessaire pour prendre de
telles mesures.
Certaines communes font aujourd’hui déjà dépendre
la mise en zone d’un terrain ou son changement d’af-
fectation de l’établissement par les propriétaires d’un
concept de construction. Le canton de Lucerne a élabo-
ré un excellent outil de travail à ce sujet (cf. encadré
«Concepts de construction dans le canton de Lucerne»).
Il mentionne dans son plan directeur, révisé partielle-
ment en 2015, qu'il faut autant que possible établir des
concepts de construction lors de mises en zone à bâtir,
et que c’est obligatoire pour les terrains d'un hectare et
plus. Pour les nouvelles zones à bâtir, la planification et la
réalisation de l'équipement et de la construction doivent
être assurées par le biais de contrats d'infrastructures
conclus entre les communes et les particuliers en vertu
de l'article 38, alinéa 2 de la loi sur l'aménagement et les
constructions (plan directeur du canton de Lucerne, par-
tie S1, p. 84). La pratique que le canton de Lucerne est en
train de mettre en place avec les concepts de construc-
tion est très prometteuse.
Zones à bâtir existantes: les cantons doivent créer les bases légales
Le nouvel article 15a LAT entend également améliorer
la disponibilité des terrains qui sont déjà en zone à bâtir.
Il oblige les cantons à prendre toutes les mesures néces-
saires pour assurer leur disponibilité. Cette disposition
ne concerne pas seulement les nouvelles mises en zone
à bâtir, mais aussi – et surtout – la mobilisation de ter-
rains déjà classés. Les cantons doivent créer les bases
légales nécessaires pour que les autorités compétentes
puissent imposer aux propriétaires un délai de construc-
tion et, en cas d'inexécution, imposer des sanctions sous
Raumentwicklung, Wirtschaftsförderung und Geoinformation (rawi)
Arbeitshilfe
Ortsplanungen mit Bebauungskonzepten
Juli 2011
VLP-ASPAN | Mai 20168
Référence bibliographique
Une analyse détaillée de toutes les conditions de mise
en zone à bâtir est fournie dans le nouveau Commentaire
pratique de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire,
dont le premier volume, consacré à la planification de l'af-
fectation, paraîtra cet été. À l'occasion de cette sortie de
presse, VLP-ASPAN organise le Congrès national «Déve-
loppement vers l'intérieur et droit» le 30 juin à Soleure.
Plus d'information sur: www.vlp-aspan.ch
Constructions dans le secteur de Münigen à Oberkirch LU. Un plan d’aménage-ment détaillé existait avant la mise en zone. Photo: Roger Brunner, Planteam S AG Luzern
la forme d'un droit d'achat ou de l'expropriation, ou du
déclassement d'un terrain situé en périphérie. Pour
autant toutefois que cette procédure soit dans l'intérêt
public. Pour assurer la construction de terrains nouvel-
lement classés en zone à bâtir, le législateur fédéral va
encore plus loin.
Nouvelles mises en zone: des exigences plus strictes
La condition fixée à l'article 15, alinéa 4, lettre d pour
classer des terrains en zone à bâtir, à savoir la garan-
tie juridique de leur disponibilité, est clairement plus
sévère que les mesures prévues à l'article 15a LAT («Dis-
ponibilité des terrains constructibles»), qui vaut pour les
terrains déjà en zone à bâtir. Dans la plupart des cas, ces
mesures n'assurent pas la disponibilité du sol d'une ma-
nière juridiquement contraignante. Elles ne s'appliquent
pas automatiquement, mais dépendent en général de
conditions supplémentaires. De plus, la décision d'exer-
cer les sanctions prévues est laissée à l'appréciation de
l'autorité compétente (formulation potestative), qui doit
en outre prouver qu'il existe un intérêt public. Dans le
cas de nouvelles mises en zone, l'intérêt public découle
des exigences strictes fixées par la LAT et les plans di-
recteurs cantonaux. Il doit y avoir une forte probabilité
que l'intérêt public à la mise en zone subsiste dans les
années à venir.
Il en va autrement en cas de thésaurisation sur le long
terme ou dans des communes ayant de vastes zones à
bâtir. Selon les circonstances, il n'y aura pas d'intérêt
public à la réalisation de constructions sur ces parcelles.
Par conséquent, il est important de prouver que cet inté-
rêt existe bel et bien.
Nouvelles mises en zone: à titre exceptionnel
Les cantons et les communes doivent donc traiter la
disponibilité des terrains constructibles différemment,
selon qu'il s'agit de zones à bâtir existantes ou nouvelles.
Le canton doit édicter des dispositions d'exécution pour
l'article 15a LAT, alors que l'article 15, alinéa 4, lettre d
est – comme les autres conditions de mise en zone –
directement applicable. Il suffit de conclure un accord
juridique entre le propriétaire et la commune. Si la ga-
rantie juridique de la disponibilité du terrain fait défaut,
celui-ci ne pourra pas être classé en zone à bâtir.
La LAT révisée soumet donc la création de zones à
bâtir à des exigences plus sévères. Bien que de nombreux
éléments existent déjà dans l'ancien droit et fassent par-
tie de la jurisprudence du Tribunal fédéral, le fait qu’ils
figurent désormais expressément dans la loi permettra
de mieux les prendre en compte dans la pratique. De
plus, quelques nouveautés ont été introduites, comme la
garantie juridique de la disponibilité du terrain concer-
né au moment de la mise en zone, sujet dont il a été ques-
tion ici. En outre, les terres agricoles ne pourront plus
qu'exceptionnellement être attribuées à la zone à bâtir,
et seulement si des motifs impérieux le justifient.
NOUVELLES ZONES À BÂTIR
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formalité des renseignements en matière d’amé-
nagement du territoire et de police des cons-
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Environnement, consacrés à un thème spécifique,
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loi fédérale sur l’aménagement du territoire. D’une
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VLP-ASPAN | Mai 201610
ZONES 30 – UNE MESURE CONTRE LE BRUIT
Octroi d’allègements uniquement en dernier ressort
Barbara Judjuriste VLP-ASPAN
Le Tribunal fédéral s’est prononcé à deux re-prises sur la question de l’assainissement du bruit à la Grabenstrasse, en ville de Zoug. En 2010, il a ordonné au canton de commander une analyse du trafic pour déterminer dans quelle mesure une limitation à 30 km/h de la vitesse autorisée permettrait de réduire l’exposition aux nuisances sonores des riverains. En 2016, les juges fédéraux ont constaté que l’analyse du trafic réalisée entretemps reposait sur une méthode de calcul obsolète. Pour mesurer l’efficacité d’une réduction de vitesse à 30 km/h à la Grabenstrasse, ils ont suggéré au canton de procéder à un essai prolongé, sur la base duquel il décidera d’introduire ou non une zone 30. Ce jugement revêt une importance natio-nale: désormais, les autorités ne peuvent plus écarter d’emblée une limitation de la vitesse autorisée sur des routes très fréquentées.
À Zoug, la route cantonale qui traverse la ville fait of-
fice d’axe de transit. En 2005, l’Office cantonal des ponts
et chaussées a noté que le bruit routier enregistré au
niveau des habitations situées le long de cette route
dépassait les valeurs limites légales autorisées. À la
Grabenstrasse – un tronçon de cet axe de transit – les
valeurs d’alarme ont été dépassées pour 19 immeubles,
et un dépassement des valeurs limites d’immission a été
relevé pour 29 autres bâtiments.
En janvier 2009 le canton a autorisé des «allége-
ments en cas d’assainissement». Le propriétaire de la
route (en l’occurrence le canton) est habilité à octroyer
exceptionnellement de tels allégements dans la mesure
où un assainissement entraînerait des frais dispropor-
tionnés ou restreindrait l’exploitation, ou si d’autres inté-
rêts prépondérants s’opposent à l’assainissement (art. 14
OPB). En cas d’allégement, un dépassement des valeurs
limites d’immission est autorisé et les riverains doivent
tolérer le bruit. À noter que si les valeurs d’alarme sont
dépassées, le propriétaire de la route est tenu de finan-
cer l’insonorisation des fenêtres (art. 15 et suivants OPB).
VLP-ASPAN | Mai 2016 11
Des riverains tenaces
Un riverain de la Grabenstrasse a estimé que le canton
devait faire davantage pour réduire le niveau sonore.
Il est allé jusqu’au Tribunal fédéral et a exigé un avis
de droit montrant dans quelle mesure une limitation de
vitesse pouvait réduire le bruit. Le 9 septembre 2010, la
Haute Cour a décidé que la direction cantonale des tra-
vaux devait procéder à l’expertise exigée, puis apprécier
si une réduction de la vitesse autorisée constituait une
solution adéquate pour respecter les valeurs limites.
Le canton de Zoug a commandé un avis de droit, qui
a conclu que la signalisation Zone 30 ne permettrait de
réduire le bruit que de 0,1 à 0,2 décibels [dB(A)], ce qui
est à peine perceptible sur le plan acoustique. Avec des
mesures supplémentaires de réorganisation de l’espace
routier (p. ex. installation d’un afficheur de vitesse pré-
ventif «Speedy»), une réduction du bruit de l’ordre de 0,3
à 0,8 dB(A) serait atteignable. Selon l’expertise, il s’agi-
rait également d’une amélioration à peine perceptible,
qui ne permettrait pas de respecter les valeurs limites
d’immission au niveau des bâtiments.
Fort de ce constat, le canton octroie en avril 2013 des
allégements pour 29 immeubles et commande l’installa-
tion de fenêtres insonorisées pour 18 bâtiments concer-
nés par le dépassement des valeurs d’alarme. En d’autres
termes, les habitants doivent tolérer le bruit. Quatre ri-
verains ne s’en tiennent pas là et saisissent à nouveau
le Tribunal fédéral pour exiger, cette fois, l’instauration
d’une zone 30, même si une telle mesure ne garantit pas
une réduction massive du bruit.
Prises de position de l’OFEV et du LEMP
Le 3 février 2016, le Tribunal fédéral accepte partielle-
ment ce deuxième recours et précise que l’octroi d’allé-
gements ayant pour conséquence d’exposer les riverains
pour une durée indéterminée à un niveau de bruit dom-
mageable pour la santé, n’entre en ligne de compte que
comme ultima ratio, lorsque toutes les autres mesures
d’assainissement possibles et raisonnables ont été épui-
sées. Ainsi, selon le Tribunal fédéral, les allégements en
cas d’assainissement ne doivent être octroyés qu’en tout
dernier ressort.
L’axe de transit qui traverse le centre de Zoug cause des nui-sances sonores. Photo: A. Straumann, VLP-ASPAN
VLP-ASPAN | Mai 201612
ZONES 30 – UNE MESURE CONTRE LE BRUIT
La Haute Cour met par ailleurs en doute la réduction de
bruit telle que calculée dans l’avis de droit cantonal, en
se basant sur les prises de position commandée à l’Of-
fice fédéral de l’environnement OFEV et au Laboratoire
fédéral d'essai des matériaux et de recherche LEMP. La
méthode de calcul adoptée dans l’expertise cantonale
n’est en effet plus actuelle (cf. encadré «Modèles de
calcul pour le bruit routier»). Les juges fédéraux font va-
loir qu’un essai limité dans le temps s’impose aussi long-
temps que subsiste l’incertitude quant à l’efficacité de la
limitation à 30 km/h pour réduire le bruit. Ils soulignent
que la durée de cet essai ne devrait pas être trop courte,
dans la mesure où l’expérience montre que le respect
des limitations de vitesse ne devient effectif qu’après
un certain temps. Le Tribunal fédéral ne relève aucune
raison majeure s’opposant à un tel essai – d’autant plus
qu’on peut le limiter aux heures de la nuit.
Une étude met en évidence une réduction du bruit
Dans sa prise de position à l’attention du Tribunal fédé-
ral, l’OFEV – en tant qu’instance nationale compétente
en matière de protection de l’environnement – affirme
que la limitation de vitesse à 30 km/h réduit de manière
perceptible les immissions sonores durant la nuit. Sur la
base du modèle de calcul «sonRoad», on peut escompter
une réduction de 2 décibels (dbA) du bruit routier pour
un niveau d’évaluation Lr.
L’Office fédéral a par ailleurs fait référence à l’étude
publiée en 2015 sous le titre «Potentiel de réduction de
vitesse comme mesure de protection contre le bruit à
l’intérieur des localités». Pour cette étude, des mesures
ont été effectuées à quatre endroits différents dans les
cantons d’Argovie et de Zurich. Elles ont mis en évi-
dence une réduction importante des immissions sonores
– indépendamment du revêtement routier – lorsque la
Incommodés par le bruit, les habitants de la Grabenstrasse, à Zoug, ne se sont pas contentés des mesures d’assainissement proposées.
«À l’avenir, en cas de dépassement des valeurs limites d’immission, il conviendra d’examiner la possibilité de limiter la vitesse, y compris sur les routes cantonales en traversée des localités.»
VLP-ASPAN | Mai 2016 13
vitesse passait de 50 à 30 km/h. La baisse du niveau
moyen d’immissions (Leq) était de 4 dB(A) à 5 dB(A), et
celle du niveau maximal moyen (Lmax) de 6 dB(A) à 8
dB(A). Ces valeurs montrent que le bruit a été réduit de
moitié. La baisse du niveau maximal moyen est notable.
La nuit, le sommeil des riverains est perturbé essentiel-
lement par le passage isolé de véhicules, représenté par
les niveaux sonores Lmax. Le Tribunal fédéral en déduit
qu’il convient de tenir compte également de ces Lmax
dans le cadre de la pesée globale des intérêts en pré-
sence à effectuer en cas de réduction de vitesse.
Un arrêt qui fera référence
La limitation de vitesse est une mesure d’assainissement
du bruit peu coûteuse. En outre, elle améliore la sécurité
routière et la qualité de séjour dans l’espace public. La
nuit notamment, entre 22 h et 6 h du matin, lorsque les
usagers de la route réduisent (doivent réduire) leur vi-
tesse, la situation sonore s’améliore sensiblement. L’arrêt
du Tribunal fédéral aura pour conséquence qu’à l’avenir,
en cas de dépassement des valeurs limites d’immission,
une réduction de vitesse devra sérieusement être envi-
sagée, y compris sur les routes cantonales en traversée
des localités.
Un essai limité dans le temps – même réalisé de nuit – permettrait de savoir si une limitation de vitesse à 30 km/h, ici à la Grabenstrasse à Zoug, réduirait le bruit de manière perceptible.
Modèles de calcul du bruit routier
En Suisse, les immissions de bruit du trafic routier sont déterminées à par-
tir de modèles de calcul. L’analyse du trafic commandée par le canton de
Zoug reposait sur le modèle de calcul StL-86+, développé dans les années
80 par le Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche LFEM,
et légèrement modifié dans les années 90. Selon l’Office fédéral de l’en-
vironnement OFEV, le modèle de calcul StL-86+ n’est que partiellement
adapté pour constater l’incidence d’une réduction de vitesse de 50 à 30
km/h sur la situation sonore.
La raison en est simple: le bruit émis par le roulement des roues des véhi-
cules actuels est dominant par rapport au bruit de propulsion, notamment
à basse vitesse.
Sur mandat de l’OFEV, le LEMP a donc mis au point le modèle de calcul
sonRoad, publié en 2004. En couplant l’utilisation du modèle sonRoad
à celle du programme CNOSSOS, appliqué dans les pays de l’UE, il est
possible de calculer le bruit de propulsion et le bruit de roulement des
voitures de tourisme et des camions de manière plus précise qu’avec le
modèle StL-86+.
VLP-ASPAN | Mai 201614
L’introduction effective d’une limitation de vitesse sera
conditionnée à une pesée des intérêts au cas par cas (art.
14 OPB). Un essai limité dans le temps, comme l’appelle
de ses vœux le Tribunal fédéral, permet de rassembler
les informations nécessaires pour évaluer l’effet pro-
bable d’une telle mesure. En complément, des mesures
constructives – un nouvel agencement des cases de
stationnement ou la mise en place d’îlots médians –
peuvent contribuer à la réduction du bruit. En général,
les mesures de signalisation ou de marquage au sol ne
sont pas suffisantes pour garantir le respect de la vitesse
maximale autorisée.
Arrêts du Tribunal fédéral mentionnés
ATF 1C_45/2010 du 9 septembre 2010, Zoug «Verkehrs-
gutachten», dans RJ VLP-ASPAN n° 4004
ATF 1C_589/2014 du 3 février 2016, Zoug «Tempo 30»,
dans RJ VLP-ASPAN n° 5017
ZONES 30 – UNE MESURE CONTRE LE BRUIT
Les mesures effectuées dans deux cantons (AG et ZH) ont montré que le bruit – indépendamment du type de revêtement routier – diminue de moitié lorsqu’on passe de 50 à 30 km/h. En image: Zoug, Kolinplatz
Document de travail
La Commission fédérale pour la lutte contre le bruit CFLB
a publié un document de travail en août 2015. Cette
brochure informe les autorités sur la situation juridique,
l’efficience et l’utilité des zones 30 comme mesure de
protection contre le bruit et sert à la mise en œuvre de
l’Ordonnance sur la protection contre le bruit OPB. L’ins-
tauration d’une réduction générale de vitesse de 50 à 30
km/h implique une expertise préalable mettant en évi-
dence la nécessité et la proportionnalité de cette mesure.
Le rapport de la CFLB précise la marche à suivre pour
abaisser la vitesse maximale dans le cadre d’un projet
d’assainissement du bruit et dresse une liste des princi-
paux arrêts des tribunaux.
Vous trouverez la publication «La limitation à 30 km/h
comme mesure de protection contre le bruit – Document
de base : situation juridique, conséquences acoustiques
et effets pour la population» sous www.eklb.admin.ch >
Dokumentation > Berichte
VLP-ASPAN | Mai 2016 15
Deux organisations environnementales recourent avec succès contre le plan de quartier de la commune de Mollens VS, qui prévoit notamment la construction par un investisseur russe de cinq tours de huit à dix étages dans le hameau d’Aminona, sis en zone touristique. Le Tribunal fédéral a considéré que le plan de zones sur lequel se basait le plan de quartier liti-gieux devait faire l’objet d’un réexamen, au vu de l’adoption en mars 2012 de l’article constitutionnel sur les résidences secondaires (art. 75b Cst.) et de la LAT révisée entrée en vigueur en mai 2014. C’est la première fois que la réglementation sur les résidences secondaires a une influence aussi directe sur la planification d’affectation des communes.
PLAN DE ZONE DÉPASSÉ
Les tours d’Aminona contraires au droitSonia Blindjuriste, VLP-ASPAN
Les trois tours existantes du hameau d’Aminona en dessus de Crans-Montana. L’investisseur souhaite en construire cinq de plus et 35 chalets. Photo: ARE
VLP-ASPAN | Mai 201616
PLAN DE ZONE DÉPASSÉ
En février dernier, le Tribunal fédéral a mis un frein
au vaste projet financé par la société Aminona Luxu-
ry Resort and Village SA, qui envisage entre autres de
construire cinq nouvelles tours à proximité de trois ou-
vrages similaires datant des années 1970. Un plan de
quartier «Aminona-Ouest», élaboré par le conseil com-
munal de Mollens en 2010, prévoit que ces cinq tours
de huit à dix étages sont destinées – en tous cas sur le
papier – à accueillir des hôtels, des apparthôtels, de la
parahôtellerie et des commerces. En outre, un secteur
faisant office de place centrale doit être doté d’un par-
king souterrain d’environ 350 places et de commerces.
Des organisations environnementales aux aguets
Helvetia Nostra et Fondation suisse pour la protection et
l’aménagement du paysage FP font opposition au projet
de ce plan de quartier. Les autorités communales ayant
écarté les oppositions, les deux organisations saisissent
le Conseil d’Etat valaisan. Par décision du 28 mars 2013,
l’exécutif cantonal rejette les recours des opposantes et
homologue le plan de quartier, moyennant quelques mo-
difications de moindre importance. Le Tribunal cantonal
du Valais, saisi par les deux organisations, confirme ces
décisions et rejette les recours à leur encontre.
Sur ce, Helvetia Nostra et FP font recours devant le Tri-
bunal fédéral, qui reconnaît leur qualité pour recourir.
Les organisations de protection de la nature ont qualité
pour recourir lorsque l’on est en présence d’une tâche
fédérale et que l’objet du grief est une décision (autori-
sation de construire) et non un acte normatif (plan d’af-
fectation). Avec le nouvel article constitutionnel, la limi-
tation des résidences secondaires est devenue une tâche
fédérale, même si les cantons et les communes sont
chargés de sa mise en œuvre. Concernant la deuxième
condition, le plan de quartier litigieux ne constitue pas
en soi une décision. Les juges de Mon-Repos ont néan-
moins reconnu, contrairement à l’instance précédente,
qu’il revêtait un caractère décisionnel en raison de son
haut degré de détail et que les recourantes avaient donc
qualité pour former recours à son encontre.
Remise en cause de la légalité du plan de quartier
Agissant devant le Tribunal fédéral, les associations
recourantes font grief au plan de quartier attaqué de
prévoir une affectation qui autorise la création de rési-
dences secondaires, ce qui contrevient selon elles à l’ar-
ticle 75b Cst. Mollens fait partie des communes dont le
taux de résidences secondaires dépasse les 20%. Pour un
projet de grande ampleur comme celui en question ici,
entièrement dévolu à une affectation touristique, il est à
craindre qu’en fin de compte, et indépendamment de ce
qui peut être indiqué dans le règlement du plan de quar-
tier, on se retrouve dans les faits avec une augmentation
des résidences secondaires. Le Tribunal fédéral n’a donc
pas examiné en détail si les affectations prévues pou-
vaient être considérées comme de nouveaux logements
sans restriction d’utilisation (art. 8 de la loi sur les rési-
dences secondaires LRS), mais a remis en question la
légalité du plan de quartier en tant que tel.
Changement de circonstances
La LAT prévoit que « lorsque les circonstances se sont
sensiblement modifiée, les plans d’affectation feront l’ob-
jet des adaptations nécessaires » (art. 21 al. 2 LAT). Pour
savoir quand il y a lieu de procéder à une adaptation,
une pesée des intérêts s’impose. L’intérêt à la stabilité du
plan doit être mis en balance avec l’intérêt à l’adoption
d’un nouveau régime d’affectation.
Selon le Tribunal fédéral, l’adoption du nouvel article
constitutionnel sur les résidences secondaires (art. 75b
Cst.) peut constituer un changement de circonstances au
sens de l’article 21 alinéa 2 LAT. En effet, la commune
de Mollens dépasse déjà le quota de 20% fixé par la
Constitution. Les zones prévues pour la construction de
résidences secondaires sont manifestement surdimen-
sionnées et doivent être réexaminées. Un tel réexamen
doit se faire avec une vue d’ensemble sur le territoire
communal, il faudra donc évaluer si le secteur litigieux
d’Aminona-Ouest doit être pris en considération dans le
cadre de ce redimensionnement. C’est probablement le
cas en l’espèce, étant donné que les terrains en question
sont situés en périphérie du milieu bâti, ne sont que par-
tiellement construits et équipés, et qu’ils sont soumis à
l’obligation d’adopter un plan de quartier.
Mais il n’y a pas que l’article constitutionnel sur les
résidences secondaires qui influence la planification
d’affectation des communes à haut taux de résidences
secondaires. La LAT révisée, entrée en vigueur en 2014,
durcit les exigences relatives au dimensionnement des
«Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le principe de stabilité des plans ne vaut que pour les plans réputés conformes à la LAT»
VLP-ASPAN | Mai 2016 17
zones à bâtir. Cette révision constitue un véritable chan-
gement de paradigme en aménagement du territoire. Il y
a donc clairement eu un changement de circonstances.
Un plan qui date de quinze ans
Il faut donc examiner si le changement de circonstances
l’emporte sur l’intérêt de la propriétaire à la stabilité
du plan. Le plan général d’affectation de la commune
de Mollens, qui colloque en zone touristique le hameau
d’Aminona, date de 2000/2002, il est déjà ancien et de-
vrait donc être revu. De plus, étant donné l’obligation
d’adopter un plan de quartier pour le secteur d’Amino-
na-Ouest, aucune autorisation de construire ne peut être
délivrée en l’absence d’un plan de quartier en vigueur.
Autrement dit, le secteur visé n’est pas effectivement ni
inconditionnellement constructible, ce qui affaiblit les
intérêts de la propriétaire à la stabilité du plan.
En outre, contrairement à ce qui est avancé par l’ins-
tance précédente, le fait que le caractère constructible
du secteur litigieux ait été décidé de longue date par les
autorités communales et approuvé au niveau cantonal
ne s’oppose pas à un réexamen du plan d’affectation. Au
contraire, plus une planification est ancienne, plus elle
nécessite une révision. D’autant plus lorsque, comme
en l’espèce, elle est contraire au nouveau droit fédéral.
De jurisprudence constante, le principe de stabilité des
plans ne vaut que pour les plans réputés conformes à
la LAT
Respecter le nouveau cadre légal
Au vu de tous ces éléments, la Haute cour considère que
l’autorité cantonale ne pouvait pas faire abstraction du
nouveau cadre légal. Le seul élément de l’adoption de
l’art. 75b Cst. – intervenu le 11 mars 2012, soit avant
l’adoption du plan de quartier par le Conseil d’Etat le
28 mars 2013 – devait déjà conduire au réexamen d’en-
semble des besoins en zone à bâtir de la commune de
Mollens.
Le Tribunal fédéral note en outre que, bien que par-
tiellement bâties et équipées, les parcelles concernées
par le projet touristique ne constituent que de petits
îlots constructibles à l’échelle du territoire communal.
Le quartier d’Aminona est un hameau lui-même isolé
et il ne se dégage aucune cohésion manifeste de cette
zone constructible. Quatre des cinq tours prévues sont
implantées sur une vaste parcelle actuellement libre
de constructions. De plus, le quartier se situe dans une
zone de danger d’avalanche. Il n’est ainsi pas manifeste
Entre stabilité et adaptation des plans
L’aménagement du territoire, dont les plans d’affectation
sont un des instruments privilégiés, constitue un proces-
sus continu d’orientation des interventions humaines af-
fectant le territoire, qui ne doit pas être pensé dans une
optique statique, mais dynamique. Dans cette perspective,
les plans d’affectation ne peuvent évidemment figer pour
toujours une certaine image de l’utilisation du sol. Leur
adaptation est en tout cas indispensable pour assurer leur
conformité aux exigences légales et leur contribution à une
politique d’aménagement rationnelle.
Pour que les plans d'affectation puissent remplir leur fonc-
tion, il faut cependant également tenir compte des intérêts
privés et publics dont la protection nécessite une certaine
stabilité des plans, laquelle constitue un aspect du principe
plus général de sécurité du droit.
L’art. 21 al. 2 LAT est ainsi le résultat d’un compromis entre
ces deux exigences contradictoires: il pose le principe
de l’adaptation des plans d’affectation, mais subordonne
celle-ci à la condition que les circonstances se soient sen-
siblement modifiées et que des changements soient en
conséquence nécessaires. Cette disposition contient donc
à la fois une interdiction et un mandat: il n’est pas permis de
modifier un plan d’affectation si les conditions de l’art. 21
al. 2 LAT ne sont pas remplies, mais si elles le sont, il faut
procéder aux adaptations nécessaires.
Dans l'application de ce double principe, il résulte de la ju-
risprudence que plus un plan est récent et les modifications
envisagées importantes, ou encore plus ce plan est précis,
plus les motifs qui justifient la modification doivent être
impérieux.Extraits tirés du nouveau Commentaire LAT, remarques relatives à l’article 21,
par T. Tanquerel, à paraître en été 2016.
Art. 21 Force obligatoire et adaptation1 Les plans d’affectation ont force obligatoire pour chacun.2 Lorsque les circonstances se sont sensiblement modi-
fiées, les plans d’affectation feront l’objet des adaptations
nécessaires.
VLP-ASPAN | Mai 201618
PLAN DE ZONE DÉPASSÉ
Réaliser l’équipement sur la base du plan révisé: Le cas de Sankt Niklaus VS
Quelques jours après l’arrêt Aminona, le Tribunal fédéral a confirmé sa po-
sition au sujet du nouveau cadre légal dans le cas d’un projet de construc-
tion d’une route d’accès à un secteur (Herbriggen) situé en marge du mi-
lieu bâti, mais colloqué en zone à bâtir. Les opposants au projet mis à
l’enquête en juillet 2013 ont recouru jusqu’à la Haute cour, au motif qu’il
portait atteinte aux articles 15 et 19 LAT. Selon eux, l’entrée en vigueur
de l’article 75b Cst. s’oppose à la construction de nouvelles résidences
secondaires dans la commune de Sankt Niklaus, qui dépasse clairement
le quota de 20%.
De plus, ils font valoir que la planification d’affectation est actuellement
en cours de révision et que cela aura une influence sur le secteur de Her-
briggen, qui est situé en périphérie du milieu bâti, n’est que partiellement
bâti et équipé, et dont la construction est soumise à plan de quartier. Le
service cantonal du développement territorial confirme que, pour remplir
les conditions de l’article 15 LAT, la commune devra fortement réduire sa
zone à bâtir, y compris dans le secteur en question.
Le Tribunal fédéral rappelle que le programme d’équipement, qui est un
instrument de mise en œuvre de la planification d’affectation, doit être ré-
examiné lorsque cette dernière subit une révision. Contrairement à l’ins-
tance précédente, il conclut que l’intérêt public à construire une route
d’accès ne peut être évalué que sur la base de la nouvelle planification
d’affectation, dont la révision est en cours.
Le plan d’affectation qui colloque Aminona en zone touristique date des années 2000 et 2002 et doit donc être revu. Photo : ARE
que les terrains concernés puissent demeurer construc-
tibles dans le cadre d’un éventuel redimensionnement
des zones à bâtir communales.
La portée de cet arrêt
Comme elle touche des intérêts financiers considérables
et un projet à grande visibilité médiatique, cette décision
marque particulièrement les esprits. Mais bien qu’elle
ait fait couler beaucoup d’encre, elle n’est pas surpre-
nante. Le Tribunal fédéral a toujours souligné que la sta-
bilité des plans ne vaut que pour les plans d’affectation
conformes au droit. On imagine mal comment justifier
le développement d’un secteur en se basant sur une pla-
nification d’affectation vieille d’une quinzaine d’années,
laquelle ne respecte pas les grands principes du droit.
Cet arrêt ne signifie toutefois pas la fin de tout grand
projet touristique dans les Alpes. Dans le cas d’espèce,
l’absence d’un plan de quartier en vigueur lors de l’en-
trée en vigueur de l’initiative sur les résidences secon-
daires et de la LAT révisée a été déterminante. Si la si-
tuation avait été différente, la question de la stabilité
des plans aurait été jugée autrement. Du reste, pour
l’instant, seul un volet du vaste projet de l’investisseur
russe doit être réexaminé à la lumière du nouveau droit.
L’arrêt concernant Aminona-Ouest constitue néanmoins
un signal clair à l’égard des communes dont les zones à
bâtir sont surdimensionnées: l’adoption de l’article 75b
Cst. et la LAT révisée représentent un changement de
paradigme important et nécessitent un réexamen global
du dimensionnement de leurs zones à bâtir. Un tel réexa-
men peut aussi être motivé par un projet d’équipement,
comme l’a jugé le Tribunal fédéral dans un autre arrêt
récent (voir encadré).
Arrêts dans le texte
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_568/2014 du 13 janvier 2016,
Mollens VS
Arrêt du Tribunal fédéral 1C_447/2015 du 21 janvier 2016,
Sankt Niklaus VS
VLP-ASPAN | Mai 2016 19
Séminaire et Assemblée générale ASPAN-SO
Valorisation des zones centres et des espaces gares: risques et opportunités
Delémont, jeudi 24 novembre 2016
Le séminaire, organisé en partenariat
avec la Ville de Delémont, sera suivi de
l’Assemblée générale ASPAN-SO. Le pro-
gramme de cette journée est en cours de
préparation.
Informations prochainement sur:
www.aspan-so.ch > Manifestations
Congrès et Assemblée générale VLP-ASPAN
Développement vers l’intérieur et droit
Soleure, 30 juin 2016
Cet été paraîtra le nouveau et premier
tome du Commentaire de la loi fédérale
sur l’aménagement du territoire, un ou-
vrage de référence pour le développe-
ment territorial suisse. Il a pour thème la
planification de l’affectation, clé de voûte
du développement vers l’intérieur. C’est
en fin de compte du plan d’affectation
que dépendra la réussite de la mise en
œuvre de la LAT révisée.
Lors du congrès, les éditeurs du Com-
mentaire – des professeurs et des ex-
perts en droit - aborderont les questions
juridiques en lien avec la compensation
de la plus-value, l’équipement, le rema-
niement de terrains à bâtir, pour ne citer
que ces thèmes. Le congrès sera précédé,
à 09h00, de l’Assemblée générale ordi-
naire de VLP-ASPAN. L’approbation des
rapports d’activités 2014 et 2015, des
comptes 2014 et 2015 et des budgets 2016
et 2017 sera à l’ordre du jour, ainsi que
l’élection de confirmation du comité.
Cours
Introduction à l’aménagement du territoire
SPÉCIAL CANTON DE NEUCHÂTEL: 8, 15 et 22 novembre 2016, à Neuchâtel SPÉCIAL CANTON DE VAUD: 10, 17 et 24 novembre 2016, à Lausanne
La nouvelle loi sur l’aménagement du
territoire exhorte la Confédération, les
cantons et les communes à favoriser
l’urbanisation vers l’intérieur et à privi-
légier la qualité. Les conseillères et les
conseillers communaux, de même que
les employé-e-s des services communaux
et cantonaux, ont à prendre des décisions
ayant des conséquences sur la cohabita-
tion, la qualité de vie, l’environnement et
les finances des communes. Notre cours
d’introduction leur donne les moyens
de prendre les bonnes décisions. Il leur
permet de se familiariser avec les instru-
ments et les acteurs de l’aménagement et
d’étoffer leurs connaissances par le biais
de cas concrets. Réservez ces dates dès
aujourd’hui.
Le calendrier de VLP-ASPAN
Inscription sous: www.vlp-aspan.ch > Formation
VLP-ASPAN | Mai 201620
SITES EN DIALOGUE
Zoom sur Entlebuch LU, revitalisation du centre du village
Annemarie StraumannJournaliste / Communication VLP-ASPAN
À Entlebuch, on s’active de toutes parts. C’est que le village construit son avenir! En effet, comme l’extension de l’urbanisation n’est plus à l’ordre du jour, la commune a entrepris de se développer vers l’intérieur du milieu bâti. Ce choix implique notamment l’acquisition de parcelles stratégiques, la démolition de vieilles bâtisses, la construction de nouveaux bâtiments, un assainissement routier adapté aux circonstances locales et l’aménagement d’un espace public, petit, mais dans lequel il fait bon s’attarder. Le premier pas de cette métamorphose a été la construction d’une nouvelle «maison des tireurs» (Schützenhaus), un bâtiment à affectation mixte (logement et artisanat). Un second projet est actuellement en cours: la transformation du secteur aux abords de la place du marché.
VLP-ASPAN | Mai 2016 21
Pour construire la nouvelle «maison des tireurs» (bâtiment blanc avec la droguerie), il a fallu démolir quatre vieilles maisons, dont la vieille droguerie et l’ancienne poste (en haut à gauche), ainsi que le vieux «grenier», ici dans les griffes du tracks (démolition en 2009).
Photos p. 20-27: A. Straumann, VLP-ASPAN; photos historiques: commune d’Entlebuch
Fiche signalétique d'EntlebuchLes atouts
- Un conseil communal et des particuliers engagés
- Un partenariat public-privé
- L’implication d’experts externes et de la protection du patrimoine
- Un concept pour l’espace routier et l’aménagement des places
- L’acquisition par la commune des biens-fonds stratégiques (politique
foncière active)
- La commission «Dorfkern Entlebuch»
- Une SA innovante «Entlebuch Dorf AG», en adéquation avec la straté-
gie communale de requalification du centre du village
- Une nouvelle «maison des tireurs» intégrée à l’unité du village
Le syndic Robert Vogel
VLP-ASPAN | Mai 201622
ENTLEBUCH LU, REVITALISATION DU CENTRE DU VILLAGE
Celui qui cherche le calme, ce printemps, ne le trouvera
pas à Entlebuch. Dans le village, c’est un bal de pelles
mécaniques, de camions et de marteaux-piqueurs. En
dépit de ce remue-ménage, le trafic continue à s’écouler
sur la route étroite qui serpente à travers le village. La
route cantonale K10 est le principal axe d’Entlebuch. Le
vacarme du chantier répond au vœu de la commune de
revitaliser le cœur du village: le vieux fera place au neuf
pour rendre le site plus attrayant. Le but est aussi de
faire en sorte que les habitants et les artisans se sentent
bien et que les touristes s’intéressent au village, situé à
la lisière de la réserve de biosphère de l’Unesco.
Au moyen d’une présentation Powerpoint, le syndic
de la commune, Robert Vogel, montre ce qui a déjà été
réalisé. La nouvelle «maison des tireurs» est un succès.
Le droguiste, au rez-de-chaussée, est satisfait. Un bureau
de géomatique propose ses services au premier étage (le
géomaticien a acheté tout l’étage). Quatre logements en
propriété occupent les deuxième et troisième étages.
Trois ont été achetés et le quatrième accueille un ins-
titut de beauté. Ce dernier appartient encore au maître
d’ouvrage, la SA Entlebuch Dorf, au même titre que la
droguerie. La maison dispose également d’un parking
souterrain.
Tremplin pour un nouveau départ
Pour que le nouveau bâtiment voie le jour, il a fallu un
important travail de réflexion, de planification et de per-
suasion. Il y a peu, cet emplacement clé dans le village
était occupé par quatre vieilles maisons appartenant à
différents propriétaires. Il s’agissait donc de convaincre
ces derniers que le site était idéal pour accueillir de
nouvelles constructions et que le moment était propice,
puisque le canton projetait d’élargir la route K10 située
juste devant. Le Conseil communal était convaincu que
la démolition des vieilles maisons, puis la construction
d’un nouveau bâtiment, donneraient de l’élan au déve-
loppement de tout le village.
Et effectivement, en 2016, les chantiers s’enchaînent.
L’hôtel «Drei Könige» rénove son aire de stationnement
et construit un parking souterrain. Sur la zone du res-
Entlebuch est en chantier: près de la place du marché, la route cantonale 10 est en cours d’assainissement. La place sera ulté-rieurement réaménagée et jouxtée par une construction moderne. La commune a acheté la maison jaune (au second plan), afin de permettre une nouvelle construction. Une zone de rencontre est prévue près de l’église (cf. illustration).
VLP-ASPAN | Mai 2016 23
taurant «Meienriesli», deux privés construisent deux
immeubles locatifs avec un parking souterrain com-
mun. Près de l’église, des travaux ont démarré afin de
construire une petite place verte avec une fontaine – la
commune y prévoit une zone de rencontre. La commune
envisage également de border la route d’une allée de
charmes et investit encore à d’autres niveaux afin de
rendre le village plus attrayant et vivant. Les barrières
le long de la route ont été conçues de façon homogène,
une ravissante rigole longe la rue et les parois anti-bruit
répondent à des critères esthétiques. Sur la place du
marché, qui fait depuis longtemps office de place de sta-
tionnement, du matériel de construction est entreposé:
le canton élargit enfin la route cantonale. La commune a
de grands projets pour la place du marché.
Un dynamisme né de la diversité des forces
La mutation a démarré en 2007. «Durant 40 ans, rien de
nouveau n’a été construit au centre du village», explique
le syndic Vogel. «On se cantonnait à construire en péri-
phérie». Dans le cœur du village, en revanche, les mai-
sons restaient inoccupées ou menaçaient de s’effondrer
– comme dans beaucoup d’autres communes de la région
de l’Ouest lucernois. C’est alors que l’association régio-
nale des communes RegioHER (Hinterland Entlebuch
Rottal) a décidé de s’atteler à la revitalisation du centre
du village. En 2007, la commune d’Entlebuch a procédé
à de nouvelles mises en zone, ce qui a poussé le can-
ton à exiger que des mesures soient également prises au
centre du village. Entlebuch a par conséquent participé,
en tant que commune-pilote, à un «projet-modèle» de l’Of-
fice fédéral du développement territorial ARE pour un
développement durable des villages. De cet engagement
est née la création d’une commission pour le centre du
village, dont la mission était de récolter toutes les idées
d’amélioration. De petites interventions ont été rapide-
ment réalisées, comme réaménager les vitrines vides et
égayer les murs de l’église avec des géraniums.
Le projet-modèle a permis de tirer deux conclusions:
1. L’assainissement de la route est une chance pour le dé-
veloppement du village. 2. Les principaux protagonistes
VLP-ASPAN | Mai 201624
d’un tel processus sont les propriétaires des biens-fonds.
Dès 2007, une heureuse synergie a vu le jour: le Conseil
communal souhaitait revitaliser le centre du village. Un
couple voulait entreprendre quelque chose au cœur du
village: propriétaires de l’ancienne «maison des tireurs»,
le couple prévoyait de la reconstruire, ou au moins de
l’assainir. Le Conseil communal et le couple de proprié-
taires ont obtenu le soutien d’un groupe d’intérêt formé
par des habitants d’Entlebuch soucieux de rendre leur
village plus attrayant (3e acteur). Le 4e acteur a été le
canton et son projet d’élargissement de la route canto-
nale, qui débouchait sur une nouvelle définition du plan
d’alignement. Ce dernier concernait directement les pro-
priétaires des quatre maisons du centre: le grenier, la
«maison des tireurs», la vieille droguerie et l’ancienne
poste.
Commune et privés fondent une SA
Afin que le tracé de la route élargie soit cohérent et
que les propriétaires des maisons soient acquis au pro-
jet de construction, la commune s’est entretenue avec
ces derniers. Son offre: sauf dans un cas qui incombe
au canton, elle acquière les anciennes maisons, les dé-
molit, regroupe les parcelles et les met à disposition de
nouveaux projets, en commençant par la reconstruction
de la «maison des tireurs». Les négociations ont pris du
temps, elles ont été intensives, mais ont débouché sur un
accord. Les propriétaires ont finalement été séduits par
l’image que, des cendres de leur vieille bâtisse, renaî-
trait un nouveau centre du village.
Dès 2009, la commune a entrepris d’acheter les biens-
fonds et les parcelles dans le village. Elle a aussi engagé
un urbaniste externe, qui a développé un «concept d’ex-
ploitation et d’aménagement de la route cantonale» et,
en 2010, sur mandat de la commune, a organisé des
journées sur le thème du développement du centre du
village. Dans un premier temps, plusieurs propriétaires
n’ont montré que peu d’intérêt pour une analyse de leur
maison, ce qui a conforté le Conseil communal dans son
intention de prendre le taureau par les cornes, explique
le syndic. «Nous devions essayer d’acquérir davantage
de biens-fonds et de les transformer». Le Conseil commu-
nal a mené de nombreux entretiens personnels. Finale-
ment, la perspective d’un prêt sans intérêt a pris forme
dans l’optique de dynamiser le développement régional.
La commune et certains habitants ont ensuite créé la SA
Entlebuch Dorf qui, grâce au prêt, a construit la nouvelle
«maison des tireurs» (cf. interview page 25).
Les quatre maisons qui bordaient la route cantonale
ont été détruites avec l’aval des anciens propriétaires et
de l’Assemblée communale. La nouvelle «maison des ti-
reurs» a été officiellement inaugurée en mars 2013.
Aujourd’hui, la commune est engagée dans un nou-
veau grand projet: le réaménagement d’un secteur élargi
aux abords de la place du marché. De nouvelles construc-
tions y sont prévues afin d’accueillir des logements, des
ateliers d’artisans et des espaces libres. Un grand distri-
buteur, intéressé par une location, a émis une déclara-
tion d’intention. Sur la place même du marché, un nou-
veau parking est prévu ainsi qu’une zone de rencontre.
La commune a fait l’acquisition des biens-fonds situés
autour de la place afin de garantir son réaménagement.
Entlebuch poursuit sa mue.
Plan schématique du centre du village d’Entlebuch
(graphique: J. Poux, VLP-ASPAN).
ENTLEBUCH LU, REVITALISATION DU CENTRE DU VILLAGE
VLP-ASPAN | Mai 2016 25
LA PAROLE À…
Alfons Schmid: «La SA ‘Entlebuch Dorf’ veut faire bouger les choses»
Monsieur Schmid, quel est votre lien avec Entlebuch?J’y habite et j’y travaille, ce qui explique mon intérêt
pour le développement du village. Je suis également CEO
d’une banque qui est partenaire de service de la bios-
phère d’Entlebuch et, naturellement, très intéressée à ce
que la région connaisse un développement positif.
Vous avez été membre du groupe d’intérêt qui a fait avancer le projet de la «maison des tireurs» (Schützen-haus). Comment êtes-vous arrivé là?Ce groupe d’intérêt existe depuis 2009. Autrefois, Entle-
buch était un village de passage avec des trottoirs étroits
et dangereux, des vitrines vides, des places de stationne-
ment inexistantes; beaucoup de maisons étaient inhabi-
tées mais personne ne voulait investir. Bref, un village
qui ne donnait pas envie d’y vivre.
Les propriétaires de l’ancienne «maison des tireurs»
avaient pourtant envie de faire quelque chose. Mais ils
ont vite compris que, seuls, ils auraient des difficultés à
mener à bien un projet de construction aussi ambitieux.
La vieille bâtisse était située à un emplacement clé du
village. Il était important que le projet soit en adéqua-
tion avec le concept d’exploitation et d’aménagement de
la route cantonale que la commune prévoyait de réaliser
en complément au projet d’assainissement du canton.
Plusieurs personnes ont reconnu le potentiel d’une nou-
velle maison et c’est ainsi qu’elles ont décidé de consti-
tuer le groupe d’intérêt «Développement du village»
(Dorfentwicklung). Parmi les membres de ce groupe fi-
guraient un représentant communal, trois représentants
de PME – dont moi – et l’architecte du projet privé d’alors
(Schützenhaus).
Puis s’est concrétisée l’opportunité d’obtenir des fonds pour le projet…Suite à la crise financière, et dans le cadre de ses me-
sures de stabilisation, la Confédération avait envisagé
de dégager des fonds du PNR en faveur de projets de
développement régionaux. Dans cette perspective, le
groupe et la commune ont déposé un projet commun au-
près du canton. C’est ainsi qu’ils ont obtenu un prêt de
1,5 million de francs, sans intérêt, pour le projet initial
de la «Maison des tireurs». Cet emprunt a été approuvé
en 2010 par le Parlement cantonal et remboursé de façon
échelonnée par la commune d’Entlebuch à la société En-
tlebuch Dorf nouvellement constituée.
Alfons Schmid est le président du Conseil d’administration
de la société Entlebuch Dorf et le directeur de la banque
Clientis d’Entlebuch (Clientis EB Entlebucher Bank). Il est l’un des
fondateurs de la société Entle-buch Dorf qui a pour objectif de
stimuler le développement du centre du village.
VLP-ASPAN | Mai 201626
LA PAROLE À…
Le groupe d’intérêt s’est donc mué en SA?Oui. Pour la soumission du projet NPR, il fallait un or-
ganisme responsable. Nous voulions que celui-ci puisse
«porter la casquette» d’autres projets de développement
du village, notamment ceux que la commune coordonne
par le biais de ses activités. Cela nécessitait une socié-
té anonyme. Notre SA est une société de droit privé. La
commune et la bourgeoisie sont au nombre des action-
naires, sans toutefois être majoritaires. La majorité est
en main privée: près de 15 actionnaires privés, dont la
plupart sont domiciliés à Entlebuch. La SA a formulé son
but dans ses statuts, à savoir dynamiser le centre de la
localité par des constructions contemporaines et partici-
per activement au développement du centre du village,
afin qu’il devienne un lieu de rencontre (cf. encadré «But
principal de la SA Dorf»).
Commune et particuliers sont représentés au sein de la SA. Dans quel but?Il nous paraissait important que les privés détiennent la
majorité des actions, afin que la SA puisse agir de façon
stratégiquement libre et indépendante. De même, il est
essentiel que la commune fasse partie de la SA et béné-
fice d’un large soutien de la population. L’assemblée com-
munale a alloué plusieurs tranches de 100’000 francs à
cette participation. Cinq représentants de la commune
et de la bourgeoisie siègent au Conseil d’administration.
Ainsi, la SA est constamment au fait des affaires cou-
rantes des autorités communales.
La SA poursuit-elle un but lucratif?Le profit passe au second plan. La SA n’a jamais eu pour
objectif d’engranger de gros bénéfices, mais de disposer
d’une situation financière saine, dédiée au développe-
ment du village. Jusqu’à ce jour, aucun dividende n’a pu
être versé. La nouvelle «maison des tireurs» propose des
propriétés par étage. Celles-ci avaient déjà trouvé pre-
neur lors de la construction. Aujourd’hui, la SA n’est pro-
priétaire que d’un appartement et nous louons la surface
commerciale du rez-de-chaussée à une droguerie. Les re-
cettes couvrent les frais courants. Notre capital propre
s’élève à 1,2 million de francs. Nous sommes mûrs pour
de nouveaux projets.
Le financement de la reconstruction de la maison des tireurs a donc bénéficié de deux sources: le prêt sans intérêt et l’apport de capital de la SA?C’est la commune qui a payé les frais inhérents à l’achat
et à la démolition du vieux bâtiment. Après avoir arrondi
les parcelles en question, elle a vendu à la SA chaque
parcelle nécessaire à la nouvelle construction, en ac-
cord avec l’assemblée communale. En qualité de maître
d’ouvrage, la SA a financé la nouvelle construction qui
s’élevait à 4,5 millions de francs. Les fonds nécessaires
provenaient, d’une part, du prêt sans intérêt et, d’autre
part, des actionnaires. Étant donné que nous avions déjà
vendu quelques unités de propriétés par étage avant
le début des travaux, nous n’avons pas eu besoin de
contracter d’autres crédits.
La nouvelle «Schützenhaus», construite en 2012/2013, complète et donne une touche de modernité au centre du village où prédominent les constructions anciennes. La maison en colombage rose «Rainhof», au centre, est protégée.
VLP-ASPAN | Mai 2016 27
avec le canton et les biens culturels lors de projets plus
importants. Elle est un tremplin intéressant proposé par
des privés, qui peut donner de l’élan au développement
du village.
Recommanderiez-vous la création de SA à d’autres communes?Oui. Sans un instrument tel que la SA, la nouvelle mai-
son des tireurs n’aurait probablement jamais vu le jour.
La SA et son projet initial ont «mis le feu aux poudres».
Aujourd’hui, le Conseil communal mène d’actives négo-
ciations avec des investisseurs. Une situation inimagi-
nable dix ans plus tôt!
Y a-t-il des désavantages?Derrière la SA se cachent beaucoup d’idéaux et de tra-
vail bénévole. Lors des projets complexes, la collabora-
tion entre les autorités, les institutions et les privés est
un travail de longue haleine et les tâches préliminaires
coûtent cher. Un privé ne s’en sort pas tout seul.
À quoi souhaiteriez-vous que ressemble Entlebuch dans 20 ans?À un village dans lequel il fait bon vivre et travailler.
À un village que l’on ne se contente pas de traverser,
mais dans lequel on a envie de s’arrêter pour se dé-
tendre, faire des achats et boire un café, pourquoi pas
sur la nouvelle zone de rencontre de la place du marché!
Prendre du bon temps, voilà ce que devrait inspirer le
lieu. Et toutes les conditions nécessaires sont réunies.
Interview: Annemarie Straumann, VLP-ASPAN
Quelles sont les affaires courantes de la SA?Nous nous consultons régulièrement, notamment avec le
Conseil communal en ce qui concerne la représentation
au sein de notre conseil d’administration. La SA réfléchit
aux possibilités que recèle le centre du village, au déve-
loppement des biens-fonds. Actuellement, nous sommes
également représentés dans le groupe de suivi du grand
projet de la place du marché. Nous participons aux ré-
flexions et apportons notre savoir-faire. Notre objectif
n’est pas de nous ingérer dans les affaires de la com-
mune, mais de soutenir proactivement le développement
du centre du village.
La SA prend-elle part à la recherche d’investisseurs?Non, la conduite du projet de la place du marché est du
ressort du Conseil communal. C’est lui qui recherche ac-
tivement des investisseurs et mène les entretiens.
La SA a-t-elle fait ses preuves en tant qu’outil pour le développement du village?Oui. La nouvelle maison des tireurs est un succès visible
de la revitalisation du centre du village. La SA Entle-
buch Dorf bénéficie d’un large soutien de la population
et affiche une situation financière saine. Elle incarne la
collaboration entre le secteur privé et les pouvoirs pu-
blics: particuliers et commune sont parvenus à créer un
réservoir de savoir-faire qui a pour mandat de «booster»
le développement du centre du village. Il ne fait aucun
doute que les projets de la SA sont en adéquation avec la
stratégie de la commune. La SA facilite la collaboration
But principal de la SA Entlebuch Dorf – Extrait du registre foncier
«Redynamisation du centre d’Entlebuch par le biais de
constructions et d’installations contemporaines; partici-
pation proactive au développement du centre de village,
afin qu’il devienne un lieu de rencontres; aide aux pro-
jets visant un développement durable du village d’Entle-
buch; participations; acquisition, hypothèque, aliénation
et administration de propriétés foncières; financements;
garanties et cautionnements pour des tiers.» [Traduction
libre]
Association suisse pour
l’aménagement national
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