partir des usages professionnels pour analyser les enjeux de l'e réputation - le cas de...
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L'e-réputation peut être considérée comme une construction instrumentalisée de la réputation. S’il dépend aujourd’hui à chacun de construire son e-réputation, de travailler sa visibilité pour exister ; pour les professionnels de la visibilité (référenceurs, webmarketers, communicants etc.), l’enjeu en devient crucial. Les pratiques professionnelles de Twitter ont connu une forte instrumentalisation afin de répondre aux objectifs de plus en plus précis de gestion de l'e-réputation. Partant de ce contexte, cet article analyse les modalités de construction de l'e-réputation sur Twitter. Un retour sur les questionnements sociologiques des approches de la réputation vise à préciser les spécificités d'une analyse de l'e-réputation. Puis, les résultats d'entretiens menés avec des professionnels de la visibilité en France permettent de distinguer plusieurs modalités de construction de l'e-réputation sur Twitter. Enfin, une série d'enjeux professionnels est étudiée en les intégrant à des processus sociotechniques en cours.TRANSCRIPT
Partir des usages professionnels pour
analyser les enjeux de l'e-réputation : le cas de Twitter
Jean-Claude DomengetMCF en sciences de l’information et de la communication
ELLIADD / OUN – Université de Franche-Comté
LLS/G-SICA - Annecy – 16 janvier 2014
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Introduction
L'e-réputation peut être considérée comme une construction instrumentalisée de la réputation, issue d'un ensemble d'évaluations, produit principalement à partir d'activités constituant la présence en ligne (Merzeau, 2009) et participant à la sociabilité en ligne (Beuscart, 2008).
Un enjeu professionnel pour les professionnels de la visibilité (référenceurs, webmarketeurs,communicants, CM etc.) modèle de référence de la relation-client et « capital de visibilité » (Heinich, 2012)
Une approche sociotechnique = partir des usages
Dispositifs qui agglomèrent à la fois des logiques de participation, des logiques de recommandation et des logiques de jugement.
Parmi les médias sociaux (Stenger et Coutant, dir., 2011), Twitter = outil de visibilité et de veille
Une « éthique en pratique » (Giffard, 2005)
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Questions et plan
En quoi les pratiques instrumentalisées de Twitter par des professionnels de la visibilité éclairent-elles les enjeux liés à l'e-réputation ?
1. Précisions terminologiques
Distinction des médias sociaux (le dispositif de Twitter)
De la réputation à l'e-réputation
2. Les modalités de construction de l'e-réputation sur Twitter
3. Enjeux professionnels (notamment éthiques) de l'e-réputation
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Précisions terminologiques
Médias sociaux / Réseaux sociaux / Réseaux socionumériques
● Médias sociaux = ensemble de dispositifs = blogs + microblogging + communautés en ligne + wikis + des sites de partage de contenus + RSN ou SNS + sites de réseautage
« Ces médias sont sociaux parce que la nature même de ce qui les constitue est faite du répertoire des interactions entre tous ces êtres singuliers, membres des multitudes, qui construisent, ce faisant, l’organisation du social » (Proulx et al., 2012 : 4).
● Réseaux sociaux (Mercklé, 2011) = systèmes de relations sociales entre les individus
● Réseaux socionumériques (SNS) = dispositifs qui « fondent leur attractivité essentiellement sur l’opportunité de retrouver ses « amis » et d’interagir avec eux par le biais de profils, de listes de contacts et d’applications à travers une grande variété d’activités » (Stenger et Coutant, 2011 : 13).
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Distinction des médias sociaux
Stenger, Coutant, 2011, 2013
« Trainer ensemble (Ito et al., 2008)Focalisation sur connaissances IRLÉchanges autour de thématiques
RéseautageFinalités stratégiquesÉchanges autour des caractéristiques des
participants
Communautés (intérêt, de pratiques)Focalisation sur le partage (expérience, compétence, avis)Échanges autour de thématiques précises
« Trainer ensemble (Ito et al., 2008)« Activités prétextes » (Lahire, 2004)« Expression de soi » (Allard et Blondiau, 2007)
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Analyser les usages de Twitter
Positionnement épistémologique
● Nécessaire prise de recul / positionnement stratégique et discours promotionnel
● Web temps réel ?● Microblogging ?
● Analyse du dispositif de Twitter● Dispositif asymétrique● Échanges entre pairs● Partage de contenus autour de centres d'intérêt et
logiques d'usage
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Cadre théorique
De la réputation à l'e-réputation
● Une définition minimale de la réputation « comme une représentation sociale partagée, provisoire et localisée, associée à un nom et issue d'évaluations sociales plus ou moins puissantes et formalisées » (Chauvin, 2013).
● cinq grandes questions sociologiques (Chauvin 2013) : ● l'idéologie de la réputation ;● le travail réputationnel ;● la question de la bonne et de la mauvaise réputation # des dispositifs de
classements, de votes etc. ;● les espaces et temporalités de la réputation ;● la circulation de la réputation entre entités.
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Méthodologie
Entretiens avec des pros de la visibilité
● Une relecture d'une enquête de terrain / impératif de visibilité et enjeux éthiques (Domenget, 2012)
● Des professionnels de la visibilité
● Recrutement de proches en proches / « petits mondes »
● Des usagers très connectés / rarement présents – Twitter au cœur de leur présence / outil de valorisation de leur blog etc.
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Résultats (1)
Travail réputationnel, diversité de pratiques, public visé
● Pratiques de veille, partage de cette veille, curation, participation voire recommandation etc.
Ex : le Live Tweet comme moment privilégié de création d'une réputation
● Le travail réputationnel et la question du public visé
« J'ai un canevas de Tweets »« Il existe des heures pour tweeter »
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Résultats (2)
Instrumentalisation et construction de l'e-réputation
– Culture professionnelle du marketing (massification, efficacité, ROI)
Ex : Automatisation des messages dans la phase d'entrée en relation
Ex : Massification des abonnements / désabonnements
Ex : Croyance d'efficacité # ROI pour d'autres « Social Media Tools »
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Résultats (3)
Nouvelles formes de circulation de la réputation, « petits mondes » et poids des classements
● L'e-réputation est très transitive
Ex « Je blogue [et je tweete] pendant mon temps de travail. En échange, j'apporte de la visibilité à la société, des prospects ».
● « Petits mondes » et dispositifs de recommandation, classements, votes
Ex : « On fonctionne tous avec nos groupes et nos centres d'intérêt. On est en circuit fermé quand même... ».
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Résultats (4)
Auto-réflexivité, persistance de l'idéologie de la réputation et reconnaissance des compétences professionnelles
● La force de convictions des chiffres
● Persistance de l'idéologie de la réputation
● Employabilité
Ex : « Mon employeur m'a recruté pour mes compétences et ma visibilité ».
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Discussion (1)
Twitter : « visibilité phare » et e-réputation
● Le format du « phare » (Cardon, 2008)
● Une injonction à la présence
Ex : « Moi j'y suis parce que tout le monde y est ».
● Twitter en tant que système de recommandation
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Discussion (2)
Efficacité d'une construction de l'e-réputation et dimensions éthiques
● Des méthodes connues
● Deux conceptions d'une éthique de l'e-réputation Logiques d'usages stratégique # authentique
● Au delà de la nétiquette, une éthique en pratique
● Du côté de la personne : maîtrise de la vie privée● Du côté humain : risque d'addiction et COS● Du côté de la société : éthique du journalisme
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Discussion (3)
L' « expert » comme figure de proue du « paysage réputationnel » (Origgi, 2007)
● Se singulariser, acquérir un nom
● Renouveau de la quête d'expertise
Essor de ces « dispositifs communicationnels qui l'exposent publiquement » (Léglise et Garric, 2012 : 2).
● Question de l'instance d'évaluation
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Conclusion
Pour une éthique des médias sociaux
● Prendre en compte la diversité des traditions, professions ayant des éthiques propres
● Ce n'est une liste de bonnes pratiques
● Une éthique en pratique basée sur la vérification des sources d'information, correspondant au type de relation créé, aux valeurs des usagers
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Références
DOMENGET, J-C. et A. COUTANT., 2014, « Partir des usages pour analyser les systèmes de recommandation : le cas des médias sociaux », in G. Chartron, I. Saleh et G. Kembellec, dir., Les systèmes de recommandation, Paris, Hermès Science (à paraître).
DOMENGET, J-C., 2014, « Les figures de l'usager de Twitter », in N. Pignard-Cheynel, coord., Public(s) et pratiques médiatiques, Questions de communication, Metz (à paraître)
DOMENGET, J-C., 2014, « Construire son e-réputation sur Twitter. Les pratiques instrumentalisées de professionnels de la visibilité », Colloque Toulouse (à paraître).
DOMENGET, J-C., 2013, « La fragilité des usages numériques : une approche temporaliste de la formation des usages », Les cahiers du numérique, vol. 9/2, p. 47-75.
DOMENGET J-C., 2013, « La visibilité sur Twitter : un enjeu professionnel », in N. PLISSIER et G. GALLEZOT, coord., Twitter. Un monde en tout petit ?, Paris, L'Harmattan, p. 179-194.
DOMENGET J-C, 2012, « De l’impératif de visibilité aux enjeux éthiques. Les usages de Twitter par des professionnels du Web », in S. Proulx, M. Millette, et L. Heaton, dir., Médias sociaux : enjeux pour la communication, Québec, PUQ, p. 217-232.
STENGER T. et A. COUTANT, 2013, « Médias sociaux : clarification et cartographie - Pour une approche sociotechnique », Décisions Marketing, n° 70, pp. 107-117.
STENGER T. et A. COUTANT, dir., 2011, « Ces réseaux numériques dits sociaux », Hermès, n° 59, pp. 9-164.
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Jean-Claude DOMENGET - Equipe Objets et Usages Numériques (OUN)
Laboratoire ELLIADD - Université de Franche-Comté