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DANIEL ROBIN LA REVELATION DU POINT OMEGA roman (téléchargement gratuit) Editions Les Confins - Collection spiritualité -

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LA REVELATION DU POINT OMEGA

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  • DANIEL ROBIN

    LA REVELATIONDU

    POINT OMEGA

    roman(tlchargement gratuit)

    EditionsLes Confins

    - Collection spiritualit -

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    Du mme auteur

    Mandalas Portes des Dieux Fiction, Collection Sciences & Fictions

    aux Editions Les Confins - 2000.

    OVNISDu secret officiel aux limites de la science

    Essai, Collection Enigmesaux Editions Les Confins - 2006.

    OVNI LE MYSTERE SUBSISTEEn collaboration avec

    Jean-Pierre Troadec, Laurent Merle, Bernard Jolivet.Essai, tmoignages, tude, Collection Enigmes

    aux Editions Les Confins - 2004.

    Pour commander nos ouvrages consultez le sitedes Editions Les Confins : www.lesconfins.com

    EditionsLes Confins

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    DANIEL ROBIN

    LA REVELATIONDU

    POINT OMEGA

    ROMAN

    EditionsLes Confins

    - Collection spiritualit -

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    EditionsLes Confins

    www.lesconfins.com26 B, rue Louis Loucheur

    69009 LyonE-mail : [email protected]

    _______________________________________________ Editions Les Confins - 2007.ISBN 2-9522230-0-9EAN 9782952223003

    Toute reproduction, mme partielle par quelque procdque ce soit est interdite sans autorisation pralable. Une copie parxrographie, photographie, support magntique, lectronique ou autre,constitue une contrefaon passible des peines prvues par la loi du 11mars 1957 et du 3 juillet 1995 sur la protection des droits dauteur.

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    A Pierre-Jean, qui m?a montr la route vers Omga.

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    SOMMAIRE

    CHAPITRE I - CEST ARRIVE UN MATIN DE NOVEMBRE .. 9

    CHAPITRE II - LA LUMIERE .... 25

    CHAPITRE III - REVUE DE VIE .... 47

    CHAPITRE IV - PIERRE-JEAN EST VIVANT ! ... 73

    CHAPITRE V - LA TERRE NEST PAS UN PARADIS .... 93

    CHAPITRE VI - TRANSMUTATION .. 119

    CHAPITRE VII - LE MONOLITHE .. 141

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    I

    CEST ARRIVE UN MATIN DE NOVEMBRE

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    Lundi 5 novembre 2001, il est six heures dumatin. La chambre coucher est plonge dans lobscurit.Seuls les chiffres rouges du radio-rveil se dtachent sur lefond de la nuit. Les chiffres veillent sur le dormeur qui napas conscience du temps qui passe. Fatigu, engourdi parle sommeil, Ren trouve cependant la force dassemblerquelques penses. Il rcapitule avec peine toutes les tapesde lpreuve pouvantable quil vient de traverser. Mais cequil ignore encore, cest que dans linvisible on soccupeactivement de son sort. Il ny a pas de tnbres qui neportent en elles un point de lumire invincible. Pourlinstant, il a du mal sortir de ses rves. Il se tourne et seretourne dans son lit en tirant les couvertures sur son corpsdnud et froid.

    Six heures et deux minutes. La logique deschiffres est implacable. Il faut se lever, il nest plus tempsde dormir. Les images phmres des songes se dispersentdans les dernires brumes de la nuit. Elles svanouissentvers les rivages des mondes subtils en ne laissant derrireelles que des traces incertaines.

    - Lve-toi, Ren !

    Eva le pousse lgrement dune main molle et fatigue.

    - Lve-toi, il est plus de six heures...

    Ren baille une dernire fois et se dcide enfin quitter son lit. Leau chaude de la douche le faitlentement sortir de sa lthargie. Il reste longtemps sous lesfins jets deau du pommeau de la douche. Chaque filetdeau vient, comme une petite main aimante et

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    bienfaitrice, caresser son visage chiffonn.

    - Pourquoi mon fils est-il mort si jeune ?

    Lancinante question qui agite sans cesse sonesprit. Cest elle qui tous les matins hante chaque neuronede son cerveau. Mme aujourdhui, aprs plus dun an, ilnarrive pas raliser que son fils nest plus l. Labsence,le vide laiss par ltre aim, il narrive pas laccepter, le combler. Cest arriv comme a, de faon si brutale, aubeau milieu dune jeunesse insouciante. Dans toute cettepriode de da vie, il ne peroit quune absurde conjonctionde circonstances quil ne parvient pas dmler, dchiffrer. Cauchemar dont on ne sort pas. Trou bantdans une existence qui se cherche et manque chaqueinstant de glisser dans labme.

    - Pourquoi l?tre que j?ai le plus aim sur cette terre,??tre qui tait mon plus fidle complice, est-il parti ?

    Les rponses ces douloureuses questions neviennent jamais. Aucune voix ne vient apaiser la souffrance.Trs vite le chagrin crispe son visage, dforme sa bouche, etmouille ses yeux. Il sanglote comme un enfant, ivre dedouleur. Cest comme une bouffe de souffrance qui montedans sa poitrine, puis envahit toute sa tte. Les spasmes semlent aux larmes, et la blessure devient insupportable. Celava durer entre cinq et dix minutes. Enfin, peu peu, leauchaude de la douche lave ses larmes et parvient apaiser sonesprit. Epuis et meurtri, les yeux rouges, Ren sort de ladouche et senroule dans son paisse serviette de bain.

    - Pourquoi lui..., pourquoi..., mon Dieu ?

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    Questions dun pre littralement crucifi .Questions qui, aujourdhui encore, nauront pas derponses. Sauf si, linimaginable arrivait.

    Cest un matin gris de novembre, un de cesmatins mornes qui ne semble porter aucun espoir, aucunepromesse de lumire. Dehors cest la nuit, le froid, lebrouillard et le givre. Dedans, cest la mlancolie,lincertitude, le dtachement, et la rsignation. Malgr lespreuves quil a vcues, malgr les apparences, malgr sesyeux tristes et vides de toute esprance, malgr lesbouffes de chagrin, les moments de nostalgie intense,Ren nest ni dsespr, ni dpressif. Il regarde la viecomme un mendiant lorgne la vitrine dun magasin deluxe : les attraits du monde ne sont plus pour lui.Dsormais, il peroit les charmes de la vie comme horsdatteinte. Ils sont imprenables, intouchables, lointains,inaccessibles, sans consistance. Mais alors que cettesituation est frustrante pour le mendiant, elle est presqueconfortable pour Ren. Le monde sloigne de lui, mais ilne cherche pas sen rapprocher. Entre eux il ny a plusque lpaisseur dure et transparente de linluctable, delinsurmontable. Cette paisseur est dure, parce quil nepeut briser ou dfaire la ralit de sa vie aujourdhui, elleest transparente, parce quil observe sans voile ce qui faitla substance des vnements. Il est la fois dans, et horsde tout. La vitre qui le spare du monde est aussi unpeu celle qui le sparait de son fils lorsquil tait enchambre strile pour les besoins de son traitement. Il fautsavoir, en effet, quune des phases du traitement de laleucmie du jeune adulte exige disoler le patient dans unmilieu strile en raison du taux extrmement faible de ses

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    globules blancs, on dit alors que le malade est en aplasie.Dun ct, son fils priv de toute dfense immunitairevivait seul dans un environnement protg, pur, vierge,presque sacr. Il tait devenu, par ncessit mdicale,inaccessible, intouchable, relgu hors des limites de la vieordinaire, tel un ermite dans sa cellule. De lautre ct dela vitre, il y avait le monde normal, profane, pollu, impur,souill et sale. Ctait le monde dans lequel vivait Ren ettous ceux qui simaginaient tre en bonne sant. Dunecertaine faon, depuis la mort de Pierre-Jean, Ren arussi mentalement traverser le mur de verre qui tait labarrire qui dlimitait leurs univers respectifs. Il estparvenu franchir la frontire interdite, et pntrer danslunivers de puret et de solitude de son fils.

    Le bol de caf brlant est vite aval. Ren estpress. Un rendez-vous est prvu 7h30 la librairiesitue place Bellecour. Il doit rceptionner une importantelivraison de livres neufs. Mme pas le temps de grignoterles habituelles crales aux fruits, car entre Brindas etLyon, il y a au moins quarante minutes de trajet.

    Brindas est un modeste bourg de lOuestlyonnais agripp sur les hauteurs dune douce colline.Cette situation leve lui donne malgr tout une certainemajest en dpit de linsignifiance architecturale de sesmaisons. Distant dune vingtaine de kilomtres delancienne cit du dieu Lug (Lugdunum, la ville du dieuLug, est lancien nom Romain du Lyon actuel), le clocherde lglise de Brindas domine les environs et offre laparticularit (somme toute banale) dtre flanqu, ausommet dun de ses cts, dune grosse pendule ronde.Cette pendule de village occupe une place part dans les

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    souvenirs de Ren car elle symbolise un temps rvolu.Chaque fois quil la regarde, elle agit comme une machine remonter le temps. Elle rveille en lui une chaneininterrompue dimages et de souvenirs ayant le pouvoirde le ramener des mois en arrire. Cest une sorte de porte temporelle qui le fait pntrer lintrieur dunmonde jamais perdu. Elle a la puissance presquemagique de raviver les moments bnis o, en compagniede son fils, il observait cette pendule travers le viseur deson tlescope. Ctait un temps heureux, un autre temps,une autre vie. En regardant la pendule, il se souvient qula tombe de la nuit, lt, Pierre-Jean et lui scrutaientlinfini de la vote cleste. Installs sur la piste du petitaroclub de Brindas, ils visaient la pendule du clocher delglise pour rgler le viseur de leur Clestron (pour lesamateurs dastronomie prcisons que le Clestron dontnous parlons est un tlescope de type Newton dundiamtre de 114 mm et dune focale de 910 mm). Lerglage du viseur est toujours une manipulation dlicate.De la russite de cette opration dpend la qualit desobservations astronomiques ultrieures. Cette modestependule dglise revt maintenant une importanceconsidrable en raison des souvenirs qui y sont attachs.Les gestes simples, les paroles anodines changes avecson fils, les attitudes, les sourires, les regards, lacomplicit inbranlable, la joie de partager le temps quipasse, tous ces dtails mergent de sa mmoire et formentune constellation dimages que Ren tente de maintenirvivantes le plus longtemps possible.

    Eva nest pas encore leve. Roul en boule, soncorps chaud est voluptueusement enfoui sous lescouvertures. Ren se penche vers elle, et dpose avec

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    tendresse un baiser sur son front, puis il lui glisse mi-voix dans loreille :

    - A ce soir ma chrie...

    - Bonne journe, rpond Eva.

    A peine a-t-elle prononc ces deux mots dunevoix tranante et lasse, quelle replonge avec dlectationdans son sommeil, telle une sirne qui se hte de rejoindreson ocan. Ren lui caresse les cheveux et quitte sans bruitla chambre.

    Depuis le dcs de son fils, Ren partage sa vieavec Eva. Sa nouvelle compagne est une jeune femme detrente deux ans quil a rencontr un soir chez un coupledamis lors dun dner mondain. Il avait accept cetteinvitation sans grande conviction. Il stait rendu chez cecouple, quil frquentait dailleurs de faon irrgulire,sans empressement, presque par politesse. Comme ilarrive souvent dans ce genre de situation, aprslenterrement de Pierre-Jean, tous ses amis, proches oulointains, voulaient le voir. Ces manifestations damitipartaient sans doute dun bon sentiment, mais Rennaspirait qu une seule chose : la solitude et lerecueillement. Il ne voulait vivre que dans le souvenir deson fils et ne pas tre distrait par dautres occupations. Cedner mondain ne lintressait donc pas, mais il acceptacependant dy aller. Peut-tre croyait-il faire plaisir sesamis en allant lencontre de ses inclinations les plusfortes. La vrit tait sans doute plus prosaque. Tout celantait dans le fond quune sorte de jeu de politessesdans lequel chacune des parties se sentait oblige de faire

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    un effort pour ne pas dplaire lautre. Ctait du moins lafaon dont il percevait les louables efforts de ses amispour le soutenir. Ctait aussi une priode de sa vie o ilne mangeait presque plus. Lui qui avait t un vraigourmand, plus quun gourmet, avait perdu lapptit. Lesplaisirs de la table le laissaient maintenant indiffrent. Cequi lexasprait le plus dans ces dners, ce ntait pas, bienvidemment, le repas en lui-mme, mais plutt lesconversations des invits qui gravitaient presque toujoursautour de largent et de tout ce que lon peut acheter etvendre pour faire de bonnes affaires . Chacun parlait deson train de vie, de ses voyages aux quatre coins dumonde, de ce quil avait chez lui, et de ce quil aimeraitbien possder sil en avait les moyens . Ds que lesconvives passrent table, Ren regrettait dj dtre venutant lambiance lui paraissait insupportable, touffante.Cest sans doute pour cette raison quil ne cessa pas desentretenir avec Eva, en seconde partie de soire, aprs ledessert. Il ne fit mme pas semblant de sintresser auxautres convives. Quoi quil en soit, lissu de ce morteldner, sans autre formalit, ils passrent la nuit ensemble.Lattirance physique fut immdiate, et aucun deux netenta dy rsister. Depuis, Eva sest installe partiellementchez Ren. Occupation partielle et provisoire, puisquellena laiss chez lui que quelques vtements et un nombrelimit dobjets personnels. Par prudence, par peur peut-tre de sengager plus avant, ou parce quelle pressent djque cette relation ne durera pas, Eva a dcid de conserverson appartement situ dans le centre de Lyon. Eva est unefemme intelligente, cultive, indpendante, qui travailledans une grande maison ddition parisienne qui possdedes bureaux dans une tour de la Part-Dieu. Ren naimepas ce quartier qui cherche imiter, sans lgance, les

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    rcents centres daffaires des mgapoles amricaines eteuropennes. Pour lui, tous ces gratte-ciels construits lahte ne font quenlaidir un peu plus chaque jour lamystrieuse cit du dieu Lug. Pourtant, il doit reconnatreque depuis quil connat Eva, et quil va la prendre envoiture la sortie de son bureau, il redoute moins decirculer dans les rues droites et sans me de la Part-Dieu.Ce nest pas quentre Eva et lui ce soit le grand amourcomme lon dit, mais la relation avec cette femme, qui estsrement plus physique que sentimentale, a empch Rendtre irrmdiablement dconnect du monde. Sans Eva,il aurait srement gliss, sans espoir de retour, dans lesmandres dun univers dfinitivement fig dans le pass.

    Quand Ren sort de son garage, la route est peine visible. Un pais brouillard recouvre la colline deBrindas. Sans mme prendre le temps de sassurer que lavoie est libre, il slance toute allure sur ladpartementale. Il est 7h, il ne lui reste que 30 minutespour tre lheure son rendez-vous. Ren roule vite. Laroute est mouille, grasse et glissante. La radio de borddiffuse en sourdine les nouvelles du jour. Dune voixmonocorde, le prsentateur fait le bilan des vnementsmondiaux les plus marquants : attentats terroristes Jrusalem, bombardements intensifs en Afghanistan parlaviation amricaine, menace de guerre bactriologiquedepuis la destruction des tours du World Trade Center New York, spectre de la famine pour les rfugis Afghans,manifestations des intgristes musulmans au Pakistan,progression de lpidmie de sida en Afrique, hausse duchmage, stagnation de la croissance conomique enEurope, etc..

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    Ren coute dabord dune oreille distraite.Puis, au fur et mesure que le prsentateur droule safuneste litanie de drames, de meurtres, de misres, et demenaces en tout genre, il ne peut sempcher debougonner en lui-mme ces quelques rflexions :

    - Mais o va l?humanit, bon sang...? L?humanit n?estpas encore sortie de la barbarie. Le chemin est encorelong avant que tous les hommes de cette Terre vivent enpaix. Cela prendra au bas mot mille ans, peut tre mmedix mille ans. En dpit de toute cette technologie dontnous sommes si fiers aujourd?hui, nous ne sommes pasplus volus que l?homme de Cro-magnon. Comment toutcela finira-t-il ?

    Ren nest pas dune nature pessimiste, mais ilfaut avouer que depuis les attentats de New York (le 11septembre 2001), lavenir de lhumanit sest brutalementassombri. Cest comme si nous tions entrs dans unenouvelle re de violence et de destruction. La mort peutdsormais frapper nimporte o, et nimporte quand, enplein c?ur de nos villes, avec une sauvagerieinimaginable. Dans nos vastes cits dites civilises, l onous imaginions tre le plus en scurit, l o nouspensions tre dfinitivement prservs de la barbarie, cestl, trange paradoxe, que nous risquons peut-tre le plusdtre confronts au dchanement dune violence quenous ne comprenons pas.

    - Le plus redoutable prdateur de l?homme, c?est l?hom-me. ??homme est un loup pour l?homme !

    Indign et furieux, Ren sexprime maintenant haute

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    voix. Il lance des invectives contre dinvisibles coupables.

    - Il faudrait que les peuples de la Terre soient dirigs pardes sages ou des saints si nous voulons sortir un jour de cechaos gnralis. Pendant combien de temps encoreallons-nous supporter et accepter sans broncher latyrannie des despotes, les ides microscopiques de nossoi-disant gants politiques, le joug des profiteursirresponsables, les scandales des arnaqueurs sansscrupule, et les mensonges des idologues ignares ? Lemonde doit changer, l?humanit doit voluer !

    Aprs le flot habituel des mauvaises nouvelles,la radio enchane sans transition sur une srie dannoncespublicitaires dbiles. Aprs lhorreur du monde, cest labtise et lignorance gnralise qui prend le relais.Horreur et ignorance semblent marcher main dans la main,comme des s?urs que rien ne pourrait sparer. Quandlune est l, lautre nest pas trs loin. Excd, Renappuie nerveusement sur la touche stop de sonautoradio. Seul, dsormais, le ronronnement sourd dumoteur est audible.

    - Bon sang, quel avenir pour l?humanit ? Quel avenir ?

    Cette dernire pense rsonne comme un cho dans soncerveau : Quel avenir ? Quel avenir ? Quel avenir ? .Puis elle saffaiblit au fil des kilomtres. Depuis ladisparition de son fils, Ren prouve des difficults vivredans ce monde. Il le regarde avec toute la distance dunprofond dtachement. Tant de choses lui sont devenuestrangres, absurdes, et incomprhensibles. Il prouve degrandes difficults grer et intgrer les contradictions

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    dans lesquelles il se dbat. Il a limpression dsagrable defaire le grand cart entre deux univers qui seraientincroyablement distants lun de lautre : son universintrieur tout entier lafft dun au-del idalis, et ladure ralit du monde extrieur. Il a pos un pied dans uneforme de ralit qui nest plus la ralit de la vie ordinaire,mais son autre pied y est, malgr tout, toujours attach.

    La route descend en pente douce vers le centrede lagglomration lyonnaise. A cette heure matinale peude vhicules circulent. Ren en profite pour acclrer. Ilsemble avoir oubli les malheurs du monde car son visageest soudain plus dtendu. Son regard est accroch laroute comme si ses penses taient entirement absorbespar le dfilement rgulier des lignes blanches. Peu peu,les maux qui affligent le monde ne sont plus pour lui quedes plaintes lointaines, de vagues rumeurs inconsistantesdont la force dcrot au fil des kilomtres. Cest facile endfinitive : vous arrtez la radio, et le monde nexiste plus.Aprs le bruit, le silence. Finis la guerre, la menacebactriologique, les attentats, les famines, les pidmies, etle chmage. Fini le vacarme et la fureur du monde. Finislavenir apocalyptique et les menaces en tous genres quidansent au-dessus de nos ttes. Comme par magie, tout estredevenu calme et paisible. Loin de toute cette vaineagitation vous avez enfin retrouv, sans faire de grosefforts en dfinitive, vos rassurantes habitudes. Denouveau vous pouvez savourer en toute quitude la douceinsouciance de la vie ordinaire, et le confort de la routine.Pourquoi se soucier de ce qui se passe lautre bout dumonde alors que tout est si simple ici ? Et puis, navons-nous pas nos propres malheurs ? Ren reprend le fil de sespenses :

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    - Le monde est trop vaste et trop compliqu pour que nouspuissions le changer, ou mme l?amliorer un petit peu.Nous sommes si faibles, si impuissants devant l?adversit.Que pouvons-nous esprer ? De quels moyens disposons-nous pour lutter contre la guerre, la misre, l?injustice, lahaine, la corruption, les pidmies, le terrorisme ? Quepuis-je faire ? Ai-je encore la force de lutter ?

    Les penses de Ren semblent se briser contreles maux du monde moderne comme le font les vaguesphmres de la houle contre des falaises de granit. Lalutte est ingale et vaine. Ren confesse son impuissance.De toute faon il ne veut plus se battre contre ce quil croittre des moulins vent . Il ne va pas changer le monde.Cest trop tard. Le monde va bien se dbrouiller sans lui.Les grandes ides gnrales sur le monde, qui drangent etnerves, cdent bientt le pas aux bonnes vieilles pensespersonnelles. Ces penses qui tournent sur elles-mmes enun tourbillon sans fin. Cest comme une bourrasqueternelle qui agite les mmes feuilles sches. Chez Ren,ces penses viennent se regrouper mcaniquement autourdune seule pense dominante. Mais est-ce encore unepense ? Attires plutt par lattraction irrsistible duneobsession si puissante, que toutes les autres pensesfinissent par tre broyes en son sein :

    - Pourquoi mon fils est-il mort ? Pourquoi lui ?

    Des bribes de souvenirs, dans lesquels il revoitPierre-Jean heureux et vivant, se bousculent sans ordredans sa tte. Des flashs mmoriels, illumins par le souriretendre et doux de son fils, blouissent furtivement sa nuit.

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    Ren murmure quelques phrases de dsillusions, puis sesmains glissent le long du volant dans une sorte dattitudede rsignation. Machinalement, il actionne les essuie-glaces qui chassent nergiquement la bruine accroche aupare-brise. Ren est perdu dans ses souvenirs. Il passedune ide une autre comme sil traversait une rivire ensautant dune pierre lautre. Peut-tre est-il impatientdarriver sur lautre rive avec lespoir dy trouver, enfin, lerepos de lesprit. Sous le capot, le moteur ronronnecomme un chat fidle et soumis. La grosse berline,confortable et sre, avale les kilomtres avec aisance, sanssourciller. Ce nest pas que Ren soit un passionn debelles carrosseries et de moteurs puissants, mais tantamen faire de longs trajets dans le cadre de saprofession, il a jug utile dinvestir dans un vhicule dequalit. Du moins est-ce la version quil sert ses amispour justifier la coquette somme quil a consenti engloutir dans cette voiture.

    Une douce chaleur dissipe la bue des vitres.Elle fait oublier le froid vif qui rgne lextrieur. Unvirage un peu serr oblige Ren lever le pied delacclrateur. Soudain, dans une longue courbe bordedarbres centenaires, prs du lieu-dit baptis La pierreleve , un tracteur surgit devant lui. Nous verrons plustard que cette appellation de Pierre leve sinscrit danscette logique subtile et mystrieuse qui prside aux loisdes synchronicits. Lengin agricole qui fait obstacle nedpasse pas les 20 km/h. Le compteur de la berlineindique 70 km/h. Pour viter de percuter larrire delengin, Ren coupe la ligne blanche continue et se dportebrutalement sur la gauche. Il est conscient du danger, maisil nest pas question de sarrter au beau milieu de la

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    chausse, ni encore moins de faire marche arrire. A cetteheure-ci, pense-t-il, il a peu de chance de croiserquelquun venant en sens inverse. Donc, sans hsiter, ilacclre. Son but est de doubler le plus vite possible letracteur avec lespoir quil pourra ensuite se rabattre sansencombre. La man?uvre est risque, mais il na pas lechoix. Il se sent sr de lui. Soudain, cabr sur son volant,Ren pousse un violent cri de dtresse. Il voit arriver ensens inverse une camionnette roulant vive allure. Il lchelacclrateur et enfonce de toutes ses forces la pdale desfreins. Mais il comprend dj que le choc est invitable. Ilsait que cest trop tard pour tenter quoi que ce soit. Il ajuste le temps de lire une expression de stupeur sur levisage du conducteur de la camionnette, puis

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    II

    LA LUMIERE

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    ... Puis toute la scne se droule au ralenti.Ren observe lenchanement des vnements comme siltait devenu un observateur extrieur, tranger en quelquesorte ce qui lui arrivait. Il voit la camionnette grise quivient en sens inverse se rapprocher lentement de sonvhicule. Il voit le chauffeur, un gros monsieur moustachuavec une charpe rouge autour du cou, lcher le volant etlever les bras devant son visage pour se protger. Dans lemme temps, il voit les deux vhicules se dformer sousleffet du choc. Le pare-brise de la berline se scinde en unemyriade de petits cristaux qui se dispersent et volent entous sens dans lhabitacle. Lair bag, dissimul au centredu volant, se gonfle comme un ballon denfant, maisexplose immdiatement, sans doute crev par les clats deverre. Un accident de cette violence produit normalementtout un ensemble de bruits caractristiques, comme descouinements de freins, des crissements de pneus surlasphalte, des froissements de tle, etc.. Mais l rien,Ren ne peroit aucun son. Le silence est absolu, anormal,irrel, comme sil navait plus doreilles pour percevoir lesbruits extrieurs. Loin dtre paniqu ou paralys par lapeur, lesprit de Ren fonctionne au contraire avec unelucidit accrue. Etrangement, ses penses sont claires,nettes, dpourvues de la moindre parcelle dmotion. Il estmme capable de sinterroger sur la faon dontsenchanent les diffrentes phases de laccident. Ilnprouve aucune crainte car il pressent, sans quil puissese lexpliquer, quil y a une sorte de logique implacabledans cette srie dvnements. Aussi absurde que celapuisse paratre, cette collision accidentelle semble soudainfaire partie de lordre normal des choses. Il ny a rien danscette situation dramatique qui soit contraire lharmonienaturelle de lunivers. Tout est sa place, comme si les

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    pices dun vaste puzzle venaient semboter les unes dansles autres avec une incroyable prcision. Pas de trouble,pas dangoisse, pas daffolement, tout est bien. Tout nestquharmonie, paix, quitude, tranquillit, repos. Si dans laralit objective laccident se droule en une fraction deseconde seulement, pour Ren, le temps semble aucontraire suspendu. La dure est dilate, une seconde nestplus tout fait une seconde. Cest une entit temporellediffrente. Elle ne fait plus partie du temps tel que leconoit le sens commun. Cest un peu comme si le tempssaccordait une pause, une parenthse en quelque sorte,dans sa marche inexorable. Les sensations quprouveRen ne correspondent pas du tout ce quil sattendait enpareilles circonstances. Aucune douleur, par exemple, nevient briser la quitude qui sempare peu peu de sonesprit. Normalement, il aurait d encaisser le choc et sentirson corps se disloquer. Mais l, rien, pas la moindresensation qui ressemble une douleur physique, alorsquil dcouvre, sans saffoler, que le volant senfoncelentement dans son abdomen. Si le corps ne semble plustransmettre au cerveau les messages enregistrs par lesnerfs, par contre, la conscience est intacte et fonctionne plein rgime. Paradoxalement, loin de succomber au chocde laccident, la conscience est au mieux de sa forme, silon peut dire. Elle analyse chaque dtail avec un sang-froid surprenant. Toute la scne est contemple avec unregard dune implacable objectivit. Au fur et mesureque laccident slve dans la hirarchie des degrs degravit, une pense commence prendre forme danslesprit de Ren :

    - Je crois que je vais mourir maintenant, ??est le momentpour moi de partir.

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    Loin de gnrer une angoisse, qui on lecomprend serait dans des circonstances aussi tragiquestout fait lgitime, cette ide de mort imminente estaccepte sans sourciller. Pour lui, cest une pensenormale, ni plus ni moins dramatique quune quelconqueautre pense. Il est persuad que sa dernire heure estarrive, mais il envisage cette ventualit avec le mmecalme et la mme srnit que sil projetait simplement departir en voyage.

    - Mourir n?est rien, se dit-il. Mourir c?est tout bonnementpasser ??un tat d?existence un autre. Mourir n?estqu?un dplacement d?existence. Il n?y a pas de quoi enfaire un drame. Mourir signifie quitter l?existencecorporelle pour franchir les portes d?un nouveau monde.Mourir, c?est abandonner son enveloppe charnelleprissable et retrouver une vraie libert. Mourir, c?estlaisser derrire soi la Terre avec son cortge de misres etde servitudes, pour s?lever enfin vers des horizonsmeilleurs. Je sais qu?une autre vie m?attend.

    Alors quil tait absorb par ces paisiblespenses sur la mort, le corps de Ren est soudain secoupar des vibrations de fortes amplitudes. Une onde de choctraverse ses muscles, ses organes et ses os, comme siltait plac lpicentre dun tremblement de terre. Alinstant prcis o les vibrations semblent atteindre unparoxysme intolrable, Ren sent quil sort de son corpspar le sommet de son crne. Une fraction de seconde plustard, le spectacle qui soffre lui a compltement chang.Il surplombe dsormais laccident une vingtaine demtres de hauteur. Il est juste au-dessus des deuxvhicules qui se sont heurts avec une violence inoue.

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    Ren prend conscience quil nest plus dans son corps. Ilconstate avec tonnement que son moi pensant nest plusli son corps physique. Par un mcanisme encoremystrieux pour lui, il comprend que sa consciencefonctionne sans avoir besoin dun support physique. Seule,elle observe maintenant toute la scne comme le ferait unecamra extrieure. Cette nouvelle situation nest pas faitepour lui dplaire, car il sent natre en lui des possibilitsjusque-l insouponnes.

    - Cette fois je suis bien mort. Mon corps est en bas, broydans un amas de tles indescriptible. Pauvre corps,misrable corps, dont je me suis enfin dbarrass. Un jetde sang clabousse mon visage. Les os de mes jambes sontbriss plusieurs endroits. Ma rate n?est plus qu?unebouillie informe. Quelques-unes de mes ctes se sontplantes dans mes poumons. Pauvre guenille, tu n?es plusqu?une pave inutile. C?est sans regret que je t?abandonne ton sort. Je n?prouve aucune tristesse me dfaire decette assemblage prissable de cellules. Je suis heureux dene plus partager le sort de ce vhicule biologique danslequel j?tais prisonnier. Je suis libre maintenant.

    Toutes les traditions spirituelles et religieusesde lHumanit enseignent depuis des temps trs anciens,que le principe conscient de ltre humain est dune autrenature que sa partie corporelle. En fait lhomme est triple :corps, me, esprit. Quand lhomme meurt, lme et lespritse sparent du corps. Le corps prissable nest que lademeure temporaire de lme et de lesprit. Au moment dela mort, lme et lesprit dsertent le corps et chaquecomposant de ltre humain regagne sa sphre dorigine :le corps se dsagrge et retourne la terre, lme sjourne

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    dans le monde intermdiaire, et lesprit slve jusquauCiel. Ces enseignements traditionnels ne sont pas de puresspculations thoriques, ils sont, au contraire, lexpressionexacte de la ralit humaine et de sa destine.

    Pour Ren, ces anciennes vrits stupidementoccultes par nos prjugs modernes, par notre orgueil etnotre suffisance, ne sont pas de simples croyancesvhicules par des dogmes prims. Il vrifie aujourdhuiconcrtement, par lui-mme, et avec toutes ses facultsconscientes en veil, lexactitude de ces enseignements. Sesont, cet instant, des conditions dexistence radicalementnouvelles quil dcouvre avec merveillement. Hors ducorps, la conscience retrouve ses prrogatives originelles.Libre de la chair, la conscience nest plus entrave par lalourdeur de la matire. Elle est libre, lgre, heureuse,semblable un papillon enfin dbarrass de son troitechrysalide. Sma sma, le corps est un tombeau disaient les pythagoriciens, mais quand le corps sarrte devivre lme-esprit sort du tombeau et aborde une vienouvelle.

    Bien que la ralit soit la mme, les couleursque peroit Ren sont diffrentes. Elles sont toutesdevenues plus vives, mtallises par endroit, et ellesbrillent dune luminosit irrelle. Le monde semble plusvrai, plus dense quavant. Le ciel nest plus gris, mais il apris une belle couleur bleue, un bleu profond constell demyriades dtoiles laissant entrevoir linfini. Tout estdevenu plus beau, plus authentique, plus charg de vritet de sens. Ce qui paraissait terne il y a quelques minutes,sest miraculeusement mtamorphos en lumire. Librede son support corporel la conscience est gratifie dun

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    r-enchantement de la ralit. Le monde est le mme,mais la faon de le percevoir a chang du tout au tout.Ren comprend que ses sens terrestres ne lui faisaient pasvoir le monde tel quil est. Ils lui cachaient la plus grandepart de sa splendeur. Devant son regard bloui, la moindreparcelle de ralit prend tout coup un relief saisissant.Les arbres, les maisons, les pierres, lherbe, la moindrechose, le plus petit objet, les insectes, les myriades dtresvivants qui peuplent la Terre, bref tout ce qui existe ici-bas, est soudain magnifi. Ren ralise que :

    - Nos sens sont grossiers, ils ne nous fournissent qu?unevision limite des choses. Englus dans notre lourdecarapace de chair, nous percevons habituellement lemonde travers une espce de filtre, un peu comme sinous portions en permanence d?paisses lunettes de soleil.En fait, tout est beaucoup plus clair, plus vivant, et pluslumineux. Moi-mme je me sens lger, je suis ivre de tantde beaut, et d?harmonie. Je laisse derrire moi avec unprofond soulagement, le monde blafard, violent,inconsistant et terne de la ralit terrestre, et j?entreheureux dans une autre dimension de l?existence.

    Ren se demande comment un tel retournementde situation est possible. De lhorreur il a bascul dans laferie. Finalement, la mort nest pas cette chose effroyableet monstrueuse dont on nous rebat sans cesse les oreilles.La mort est au contraire la chose la plus merveilleuse quipuisse nous arriver. Vue de lextrieur lentre dans lamort est un spectacle pnible, terrible mme pour lestmoins qui assistent aux derniers instants dun tre cher.Vue de lintrieur, la ralit est diffrente, inimaginablepour les parents et amis qui accompagnent lagonisant

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    jusquau bout. La mort nest pas un spectre squelettiquearm dune faux qui dcapite sans la moindre compassionles misrables vivants. Comme le clamait trs justement lathanatologue (spcialiste de la mort) Elisabeth Kbler-Ross : La mort est un nouveau soleil (titre de lun deses ouvrages). De mme Stefan von Jankovich victimedun grave accident de la route, et qui a vu la mort de prs,a crit un livre extraordinaire au titre rvlateur : Lamort, ma plus belle exprience . La mort nest donc pasune fin, elle est au contraire un commencement. La mortest une seconde naissance. La mort est une nouvellenaissance de lme-esprit qui a achev son cycle terrestre.Cest une nouvelle tape dans le long processusdvolution de lme-esprit.

    Lune des proprits stupfiante de laconscience dsincarne est la facult quelle a de sedplacer instantanment dans lespace en franchissant tousles obstacles. En effet, ds que Ren focalise ses pensessur Eva, il est, comme par magie, instantanmenttransport dans la chambre de sa compagne. Il la voit,malgr lobscurit qui rgne dans la pice, allonge dansson lit, dormant poings ferms. Il a envie de la toucher,de caresser son visage, mais ds que sa main fait le gestede caresser, elle traverse sans rsistance son corps commesil ntait quun pur mirage. Brusquement, Eva sursauteet se retourne dans la direction de Ren. Elle pousse uncri, remonte les draps devant ses yeux comme pour seprotger dune vision terrifiante, et pose cette questionincongrue :

    - Ren, c?est toi ?

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    Qua-t-elle vu ? Ren ne comprend pas. Il nepeut pas tre dans la chambre de sa compagne puisquil estsur le point de mourir sur la route des kilomtres de l.Que sest-il pass ? Il na pas le temps de comprendre laraction dEva, car il se retrouve immdiatement sur leslieux de laccident. Changement de dcor. Maintenant ilsurvole la scne de laccident comme sil tait bord dunhlicoptre silencieux. Il virevolte en tous sens au-dessusdes lieux du drame. Il constate que les ambulances et lesvoitures de pompiers sont dj sur place. Il rgne unegrande agitation autour des vhicules accidents. Lessauveteurs courent dans tous les sens. Ils forment bienttun cercle autour des victimes prisonnires dun immondeenchevtrement de pices mcaniques, de plastique, dechairs, et de sang. Le tournoiement des gyrophares bleuset rouges renforce limpression de confusion et donne lascne un air de spectacle nocturne genre son etlumire , sauf que l, il ny a pas le son. Les secouristessont rapides et prcis dans leur faon dagir. Ils font, avecapplication, les gestes mdicaux rservs aux cas graves.Les scies circulaires employes pour extraire les victimesdes dcombres sont en action. Elles projettent danslespace de grandes gerbes dtincelles. Le spectacle estmagnifique se dit Ren. Mais il dcouvre aussi que lacamionnette grise et son vhicule ne sont plus quun tas detles informes dans lequel les corps sont peine visibles.Il est surpris, malgr tout, de voir sa belle voiture bleue,qui lui avait cot si cher, rduite en miette en si peu detemps.

    - Quelle boucherie ! sexclame Ren. Mais ce n?est plusmon problme. Je laisse mon corps aux ambulanciers,qu?ils en fassent ce qu?ils veulent. Mon corps ce n?est pas

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    moi. Je ne suis plus dedans. Ma vie sur Terre est termine.

    Malgr lextrme gravit de la situation, Renne semble plus concern par ce qui lui arrive. Il est endehors de laccident, comme sil tait dans la peau dunbadaud qui passait l, par hasard, cet endroit. Il estindiffrent au drame qui se droule devant ses yeux. Pourlui, cet accident cest presque un pass rvolu dont il neveut plus entendre parler. Il se sent bien, il est paisible, ilnprouve aucune douleur physique, aucune angoisse,aucune tristesse, aucun regret, et il na pas envie dechanger dtat. Il est lger, vaporeux. Il peut voler commeun oiseau. Il ne demande rien dautre que dtre ainsi, danscet tat, le plus longtemps possible.

    Alors quil commence peine goter auxdlices de cette nouvelle forme dexistence, Ren se sentsoudain projet dans une sorte de tunnel sombre, commesil tait aspir dans loeil dun cyclone. Impossible delutter contre la force qui lentrane dans ce puits sans fond.Sur le coup Ren panique. Il cherche par tous les moyens retarder les effets de ce puissant attracteur, mais rien nyfait. Il tombe inexorablement dans un abme aux paroisparsemes de points lumineux aussi tincelants que lestoiles qui brillent la nuit dans le dsert. Il se dplace une vitesse extraordinaire, inconcevable sur Terre. Il amme limpression quil dpasse la vitesse de la lumirequi est pourtant de 300000 kilomtres par seconde. Or surTerre, la vitesse de la lumire est rpute absolue, cest--dire que rien ne peut la surpasser. Mais pour Ren, lavitesse de la lumire nest rien en comparaison de lasienne, car il file dans le tunnel une allure folle. Cettevitesse est quelque chose dinimaginable. Elle procure une

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    sensation absolument prodigieuse et grisante. Il entend unsifflement qui ressemble au bruit du vent produit par lavitesse. Ce bruit du vent fait revivre soudain en lui dessouvenirs de son enfance. Il se revoit petit garon prenantle train avec ses parents pour partir en vacances. Il sesouvient lorsquil passait imprudemment sa tte lextrieur de la fentre du compartiment. Le vent sifflaitdans ses oreilles comme maintenant. La sensation devitesse est merveilleuse, enivrante, et la panique initialecde rapidement la place au plaisir de parcourir lespace une vitesse infinie. Mais Ren a limpression quil nestpas seul dans le tunnel. Il prouve la sensation trangedtre suivi. Il se retourne pour en avoir le coeur net. L,tout prs de lui, mais un peu en arrire, il discerne unelumire ayant grossirement la forme dun tre humain.Un visage se dessine au milieu de cette apparitionlumineuse qui file la mme vitesse que lui. En examinantplus attentivement les traits du visage, il se souvient que sesont ceux du chauffeur de la camionnette. Pourtantlexpression a chang. Ce nest plus lhorreur quil lit dansles yeux du gros bonhomme lcharpe rouge, mais uneindescriptible flicit.

    - Le chauffeur est-il mort ? se demande Ren.

    Dans la question se trouve aussi la rponse.Oui le chauffeur est bien dans le mme tat que lui, et ilsemble mme dcouvrir, avec une joie non dissimule, lespremiers stades du voyage dans lau-del. Le bravehomme la moustache est tellement fascin par sesnouvelles conditions dexistence, quil ne remarque mmepas la prsence lumineuse de son compagnon de route. Ilfile comme lui dans le tunnel, mais bientt il dpasse Ren

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    et disparat au loin. Lhomme la moustache nest plusalors quun point lumineux avec une trane blanchederrire lui, une sorte de comte qui se prcipite danslinfini de lespace.

    En regardant devant lui, Ren saperoit que lebout du tunnel est clair par une source lumineuse quiressemble une toile. Plus il avance dans le tunnel, plusltoile grandit. Maintenant, toute son attention est captepar ce mystrieux foyer de lumire. Plus il sen rapprocheet plus il est attir par lui. Un sentiment dexaltationinconnu jusque-l sempare de lui. Il prouve un bonheursi intense quil en devient presque insoutenable. Tout sontre est tendu vers la source de lumire. Il a limpressionde capter de vritables ondes damour qui semblentprovenir delle. Il sent nettement que ces ondes letraversent et gnrent en lui une sensation de bien-treindescriptible. Il sait au plus profond de lui que son but estdatteindre tout prix ltoile, comme si un instinctinfaillible le guidait vers elle. Plus rien dsormais necompte en dehors delle. Plus rien ne peut le distraire decet objectif. Ren approche de la fin du tunnel et ltoilesest transforme en un soleil ardent. La lumire qui sedgage de lastre est indescriptible. Elle est chaude maisne brle pas, elle est intense mais elle naveugle pas. Cestune superbe lumire blanche et dore qui na aucunquivalent terrestre. Cest une clart fantastique dunenettet inimaginable. Aucun peintre, ni aucun artificehumain daucune sorte, ne pourrait rendre la beaut et laclart de cette lumire. Ses rayons sont des manationssubtiles qui pntrent chaque atome de son tre avec unedlicieuse douceur. La majest et la puissance de cettelumire dpassent tout ce quun tre humain peut

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    concevoir. Elle est la chose la plus merveilleuse quilait t donne a Ren de contempler. Rien dans sa vienest comparable ce quil ressent en sa prsence. En luise mlent les motions et les sentiments les plus sublimesquun tre humain puisse prouver, mais avec uneintensit dcuple. Peu peu, il senfonce dans des vagues tincelantes qui lenveloppent et le portent versdes espaces inimaginables. Leffervescence intrieure necesse de crotre au fur et mesure de sa progression dansce nouvel univers. Il atteint les sommets de la batitude etde lextase. Une forme de bonheur impossible dcriresempare soudain de lui. Il est littralement ananti partant de grces et de dons damour. Il se sent aim pour lui-mme, pour ce quil est, et non pas pour ce quilreprsente ou ce quil possde. Pour la premire fois, il sesent vraiment exister. Il existe, dans le sens plein et absolude ce verbe. Toutes ses limitations sont effaces. Il estreconnu et accept tel quil est par la lumire. Maisparadoxalement, il a aussi limpression de ne plus exister,du moins sous son ancienne forme. Cest comme si il neformait plus quune seule et mme entit avec la lumire.Il devient elle, et elle devient lui. Son individualit est lafoi dissoute et exalte. Sa vritable nature, dans cetteabsence de lui-mme, est la lumire qui transporte uneinformation signifiante et apaisante. Cest alors que ceproduit une surprenante alchimie dans le creuset de saconscience. En elle se mlent les expriences opposes delanantissement de ltre et de sa plnitude. Cest la foisla mort de lgo minuscule, et le dvoilement de ltreprofond. Mais ces expriences ne sont opposes que pournous terriens, alors que dans la lumire elles cohabitentharmonieusement. Il ne reste plus de son tre quuneconscience claire qui sest affranchie de toutes les

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    limitations antrieures. Le petit moi mesquin est vu telquil est. Il occupe sa juste place, qui est plus que modeste,quand il est clair par la lumire dune conscienceaiguise. Comment dcrire avec des mots une telletransformation ? Cest une tche impossible. Seul celui quia vcu une telle exprience pourrait comprendre le senscach des mots, ce quil y a de plus profond dans chaquemot. Il faudrait presque un nouveau dictionnaire pourdfinir les mots amour, lumire, chaleur, beaut, calme,plnitude, vie, tre, conscience, pense, moi, univers,temps, espace, et beaucoup dautres mots que nousemployons tous les jours. Seul celui qui a vcu une telleexprience est pleinement conscient des insuffisances dulangage humain. Il sait que ce langage, quel quen soit laforme, le degr de subtilit et de complexit, estimpuissant restituer la richesse et lintensit de ce qui estprouv au c?ur de la lumire. Ren sait que la lumirenest pas de ce monde, il sait quelle est elle seule unmonde tout entier, et aussi la porte qui permet dy accder.Le seul mot capable de faire comprendre, et encore defaon trs approximative, la nature de la substance dontcette lumire est faite, est le mot amour. Amour, que nouscrivons avec un A majuscule pour le diffrencier delamour humain en gnral. De mme, nous faisons ladistinction entre la lumire ordinaire, visible par loeilhumain, et la Lumire, avec un L majuscule, visible parl ?il de lesprit. Ainsi, nous pouvons dire que laLumire est Amour. La Lumire est, si lon peutsexprimer ainsi, de lAmour ltat pur, sans mlange, niaucune trace de non-amour . Ren est tellementimprgn par cet Amour quil semble lui-mme devenirAmour. LAmour dont il sagit, ici, nest pas comparable celui qui peut lier ensemble deux tres humains. Si nous

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    considrons lamour entre une mre et son enfant, lamourentre un pre et son fils, lamour entre un homme et unefemme, lamour entre un frre et sa soeur, lamour entreles membres dune mme famille, lamour entre deuxamis, lamour entre un matre et son disciple, lamourentre une victime et son sauveur, et si on pouvait, par unprocd magique, unir en une seule gerbe toutes cesformes de lamour humain, et plus encore, si on multipliaitcette somme damour par mille ou mme par dix mille,nous naurions encore quune ple image de lAmourirradi par la Lumire. Mais comment pouvons-nouscomprendre cet Amour inconditionnel, nous autreshumains qui sommes habituellement si avares de nossentiments ? La Lumire est la source intarissable dunAmour sans faille, dun Amour absolu. Elle donne sansretenue toute la puissance de son Amour, et vous pouveztre sr quelle ne regarde pas la dpense.

    La Lumire nest pas seulement Amour, maisen Elle se trouve aussi la Vie, et quelle Vie ! Cette formede Vie est suprieure la vie biologique terrestre. Cest unmystre aussi profond que lAmour, car la Vie (avec un Vmajuscule) dont il sagit, est dune nature bien pluspuissante et clatante que ce que nous dsignonshabituellement par le mot vie. Cette Vie est peut-tremme la source ultime de toute vie sur Terre et danslUnivers. Tous les tres anims de lUnivers dpendraientdElle, seraient relis Elle. Dans la Lumire la mort estvaincue. Dans la Lumire la vie est amplifie, rgnre,magnifie. Elle est porte son degr le plus lev deperfection et de fcondit. Dans la Lumire seffectue unevritable renaissance de ltre humain. Cest une nouvelleexistence dans le monde de lesprit, une libration de ce

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    qui en lhomme est spirituel. Jean dit dans son Evangile(1.4 et 1.5) : En elle tait la vie, et la vie tait la lumiredes hommes. La lumire luit dans les tnbres, et leshommes ne lont point reue . Entendons par leshommes ne lont point reue , que les hommes ne sontpas capables de la concevoir, ni de la comprendre.

    Envelopp par la Lumire, Ren ne pense plus son existence terrestre. Tous les maux, tous les malheurs,toutes les preuves, tous les chagrins, tous les revers de savie passe se sont brusquement volatiliss. Tout le ctsombre de son existence terrestre ne parat plus avoirdimportance. Cette noirceur est devenue insignifiante auregard de sa nouvelle condition. Il baigne dsormais dansune quitude absolue, et le reste semble drisoire. Son seuldsir : vivre ternellement dans cette incomparableflicit. Dans la Lumire nexiste que la conscience, unepure conscience libre de toutes les entraves terrestres, etdans cet tat, la communication seffectue directement deconscience conscience. Dans ce type particulier decommunication le support matriel des mots est inexistant.Il ny a pas dcran ou dobstacle entre les penses desinterlocuteurs. Les penses circulent librement et elles sontimmdiatement comprises. Linformation est transmise defaon instantane, ce qui veut dire que dans la Lumire,les penses sont nettes, claires, non quivoques, nobles,pures, limpides, elles ne sont entaches daucune erreur, nidaucun mensonge. Lorsque nous parlons avec laLumire (mais le mot parler a-t-il encore un sens ici ? )la dissimulation est impossible car Elle sait dj tout denous. La Lumire est apaisante, rconfortante, douce,chaleureuse. Elle est gaie, et parfois, quand cela estncessaire, elle possde mme un solide sens de lhumour.

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    Dans la Lumire le temps et lespace nexistent plus. Entout cas, ils nont plus la mme signification que dansnotre monde matriel. On ne peut pas dire que lesvnements scoulent lentement ou rapidement, ilssenchanent simplement les uns aux autres selon desmodalits que nous ne pouvons pas concevoir. Les lois quigouvernent le monde matriel nont plus, dans la Lumire,la moindre efficacit. Ce sont dautres lois qui rgissentles rapports entre les forces de lUnivers lumineux. Ceslois nous ne les connaissons pas, et nous sommesincapables de nous reprsenter la ralit quellesfaonnent.

    Bien que pour Ren ces nouvelles conditionsdexistence naient rien voir avec celles de lexistenceterrestre, elles ne lui semblent pourtant pas totalementtrangres. Quelque chose dans sa conscience, uneimpression comparable un souvenir issu des couches lesplus profondes de sa mmoire, lui dit quil connat djcette fantastique ralit. Cest comme si dans un autretemps il avait connu la Lumire. Dans la Lumire Ren sesent chez lui . Il a limpression que la Lumire est savraie patrie , que son origine se trouve l et pas ailleurs.Cest un peu comme si il retrouvait un paradis perdu, quilrevenait dans son pays aprs un long exil. Cest unsentiment difficile dfinir, mais nanmoins, il le ressenttrs fort. Pour lui, il ny a pas de doute, la Lumire est sademeure naturelle. Elle est la matrice initiale o saconscience a t conue et enfante. Il est un enfant de laLumire, et mme dans un autre sens, un enfant deLumire. Entre sa conscience et la Lumire il ny a pasune diffrence de nature, mais de degr. La Lumire estConscience (avec un C majuscule), cest mme la

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    Conscience par excellence, la Conscience totale etabsolue. Entre la Lumire et la conscience de Ren, il y aune identit dessence qui rend possible une fusioncomplte de lune dans lAutre.

    Dans les conditions qui gouvernent notreexistence terrestre nous navons plus le souvenir de notreorigine spirituelle. Sur Terre nous souffrons damnsie etnous ignorons tout du temps qui prcde notre naissance.Cest ici quest lincomprhensible mystre de lacondition humaine. Qui pourra nous dire, en effet,pourquoi en arrivant dans ce monde nous navons plusconscience de notre vraie nature ? Pourquoi avons-nous buleau du fleuve Lth, comme lenseigne la traditiongrecque, avant de revtir notre habit dtre humain ?Seuls ceux qui ont russi saffranchir des limites de lavie ordinaire connaissent la rponse. Ces tres dexceptionsont des Eveills ou des Initis de haut rang. Ces tres horsdu commun se sont affranchis des illusions de notremonde. Ils sont parvenus, aprs beaucoup defforts, briser les chanes qui les retenaient dans leur prison dechair, et ils ont retrouv le souvenir de leur originespirituelle. Ces authentiques Initis sont parvenus rejoindre leur propre centre intrieur qui est en connexionavec tous les autres centres de lUnivers. Ils ont atteint lemystrieux Point Omga. Ils se sont fondus en lui. Enfin,nous pouvons dire quils sont entrs dans la Colonne deLumire , qui est lAxe cosmique reliant tous les plansdexistence entre eux. Laxe de leur tre ne faisant plusquun avec lAxe Cosmique. Se faisant, ils sont sortisdfinitivement du cycle de lexistence terrestre. Pour nous,se sont des Matres qui enseignent la voie de la libration,car pour la majorit des hommes lemprisonnement est la

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    rgle. Cependant, nous devons admettre que cette rgle apeut-tre aussi sa raison dtre. Cest une nigme, mais il ya srement l une ncessit. Ce nest pas une maldiction,cest seulement le prix payer pour progresser, au-del dela mort, dans de nouvelles conditions dexistence.

    La Lumire est Amour et Vie. La Lumire estlAmour et la Vie ports leur plus haut degr deperfection. Cest ainsi que la Lumire offre la consciencehumaine la possibilit de slever, de grandir. En ElleRen redcouvre toute lampleur de sa dimensionspirituelle. Dans la Lumire il est comme un petit enfantqui ne peut rien cacher ses parents. Tout son tre est mis nu. Il ne peut ni mentir, ni rien dissimuler. Ren le sait,mais il nest pas troubl. Il nest pas jug par la Lumire,mais Elle lui montre ce quil est, sans fioriture, sansmasque, sans dguisement. Elle lui parle , mais il seraitplus juste de dire quelle transmet directement saconscience des informations, une multitude dinformationssur ce quil est vraiment.

    - Voici ce que tu es Ren. Regarde, je te montre ce que tuas dans le coeur. Voici de quoi tu es fait. Voici ta vraienature, voici la vraie substance de ton tre, voici ta vraiepersonnalit. Observe bien tes faiblesses, tes qualits, ettes dfauts. Observe bien l?ensemble des composants quifont ta personnalit prsente. Regarde comment tout celaest agenc en toi, comment tout cela est organis avecsubtilit. Voici, je te montre les manifestations de tongosme et de ta gnrosit. Voici la beaut de ton tre,son clat, mais voici aussi sa laideur, et sa noirceur.Regarde Ren, et ne baisse pas les yeux car ceci est lavrit de ton tre.

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    Ensuite la Lumire interroge Ren sur la faon dont il amen sa vie :

    - Qu?as-tu fait de ta vie que tu puisses me montrer ? As-tusuffisamment aim les autres ? Qu?as-tu fait pour aiderton prochain ? As-tu mis profit ton existence terrestre ?Quels sont les fruits de cette existence que tu as memontrer ?

    Encore une fois, la Lumire questionne, maiselle ne juge pas. Elle montre les valeurs essentielles de lavie. Elle enseigne des connaissances fondamentales en seservant, pour illustrer son enseignement, dexemplesconcrets et vivants tirs de la vie de llve. Et bien sr,tout cela se fait dans le respect absolu de la libert dellve, sans remontrance, ni ironie. La Lumire metlaccent sur ce qui compte vraiment dans tout ce que nousfaisons, disons, et pensons. Elle fait ressortir ce quil y aau fond du coeur de Ren, et Elle lui suggre de faire unpetit retour en arrire. Un petit retour en arrire nestpas la meilleure expression pour dcrire la rtrospectivegnrale laquelle Ren va assister. En fait, cest unvritable spectacle auquel il est convi. Cest toute savie qui dfile devant lui, en trois dimensions, en couleur,avec en prime tous les sentiments quil a prouv et ceuxprouvs par les protagonistes des situations danslesquelles il tait impliqu. Tout est l, tal devant lui, lemeilleur comme le pire, les dtails oublis, son enfanceheureuse, les grands tournants de sa vie, son mariage, sondivorce, la mort de son fils, et une multitude dautres faitsquil croyait sans importance mais qui prennent un reliefsaisissant. Tout semble avoir t soigneusement enregistr

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    en vue de cette fabuleuse rcapitulation, avec en arrireplan un enseignement magistral sur les mobiles et lesconsquences de ses actes. Au moment o semblesachever la comdie de son existence terrestre, le rideausouvre sur un autre spectacle, mais cette fois, cest unepice sans costume, sans maquillage, et sans artifice qui sejoue devant Ren.

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    III

    REVUE DE VIE

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    Il est impossible de dcrire avec des mots tousles vnements qui font la trame dune vie. Il faudrait desmilliers de volumes pour montrer la richesse et la diversitdes expriences qui se sont accumules jour aprs jourtout au long des annes. Une telle entreprise dpasserait debeaucoup les capacits et lnergie dun seul crivain, fut-il de lenvergure dun Balzac et dun Victor Hugo runis.Mais si nous admettons que certaines choses dpassentlargement les capacits du gnie humain, cela ne veut pasdire que ces mmes choses soient irralisables pardautres moyens. En fait, et bien que cette ide soitdifficile concevoir et accepter, tout ce que nousfaisons, disons, et pensons, est intgralement enregistr.Quelque part dans lUnivers, une sorte de machine incroyable enregistre tout. Et si nous disons tout , cest tout sans aucune restriction. Les moindres gestesaccomplis chaque jour, les plus petites penses que noussupposions dfinitivement oublies, tous les motsprononcs que nous estimions insignifiants et dont nousignorions limpact sur autrui, tout cela est fix dans les circuits , si je puis dire, dune mmoire prodigieuse,des milliards de fois plus puissante que la plus puissantede nos mmoires artificielles. Tout est conserv, inscrit, etconsign, dans cette mmoire intgrale, parfaite, etinfaillible. Si nous pouvons tirer quelque vanit de nosprouesses technologiques en matire de mmoireartificielle, ces prouesses ne peuvent cependant donnerquune faible ide des capacits de cette mystrieusemmoire. Nos mmoires artificielles sont lies desstructures matrielles qui vont des bandes magntiquesaux microprocesseurs, en passant par les puces de siliciumet les circuits intgrs. Mais la mmoire intgrale dontnous parlons, nest pas de ce monde. Elle semble lie, au

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    contraire, un ordre de ralit qui sest affranchi de toutsupport matriel. Cette mmoire nest pas une machine,dans le sens technique et technologique que ce terme adans le monde moderne, mais elle est, au contraire, tout cequil y a de plus naturel. Elle reprsente une des plusfantastiques possibilits de la dimension spirituelle deltre humain. Quon en juge : cette mmoire est enmesure de restituer la totalit dune vie humaine en unefraction de seconde, sans la moindre erreur, et dansnimporte quel sens, cest--dire de montrer soit lesvnements survenus depuis la naissance jusqu la mort,soit inversement, du dernier souffle, au cri primal. Bienquaucun tre humain ne soit capable de la concevoir, unetelle mmoire existe, quelque part, dans ltre humain. Etquand nous disons quelque part, cela ne veut pas direquelle occupe un espace dtermin et limit dans le corpshumain, une zone du cerveau par exemple. Cette mmoirenest pas matrielle. Elle semble exister en dehors delespace et du temps. Le problme, cest que nousdcouvrons les possibilits infinies de cette mmoireseulement linstant fatidique o nous sommes sur lepoint de passer dans lautre monde. Cest quand nousarrivons au terme de notre vie, que nous sommes invits la revoir et lexaminer en dtail. Cette ultimercapitulation est pour nous loccasion unique de saisir desvrits que nous ne pourrions assimiler dans les conditionsnormales de notre vie. Ce nest pas simplement la visionde notre existence qui soffre nous, un peu comme sinous tions au cinma, mais cest surtout sa significationqui est perue, et les valeurs dont elle est porteuse. Lesvnements vcus ne sont pas des clichs ou des imagesmuettes, mais au contraire, se sont de vritables leons ose juxtapose lesprit dans un contexte qui est universel,

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    et dont les dimensions sont infinies. Cest lors de cetterevue de vie que nous prenons conscience de limportancedu libre arbitre et de la volont. Cest au moment de cetteultime rcapitulation que nous mesurons pleinement lesconsquences de nos choix et de nos dcisions. La revuede vie est loccasion de faire le diagnostique de lensemblede notre vie, de faire en quelque sorte un vritable bilan devie, dans le sens presque mdical du terme. Et cestseulement lissue de cet examen, que nous pourronsapprcier ltat de notre sant spirituelle.

    Lors de cette revue de vie, Ren redcouvredes scnes dans lesquelles Pierre-Jean tait, ou est, prsent(dans la Lumire, le pass devient prsent, pour ne plusformer quune seule et mme exprience situe au-del dutemps). Normalement, son coeur devrait tressaillir de joie,ou il devrait, au contraire, seffondrer sous le poids delmotion. Mais curieusement, Ren reste calme. Ilobserve les vnements sans se dfaire de limmensequitude qui lhabite. Bien quil soit la fois spectateur etacteur, impliqu et distant, observateur impartial etparticipant actif, seule une lgre sensation divresse vienttroubler sa profonde quanimit. Le spectacle qui soffre lui est aussi rel que la vie ordinaire terrestre. Il est mmeplus rel en raison de la lumire trs particulire quiclaire toutes les scnes. Le plus incroyable dans cepanorama de vie cest le fait que Ren peroit nonseulement ce quil a vcu, mais quil ressente aussi toutesles motions prouves par les protagonistes dessituations. Limpression est fantastique car sa conscienceest capable de saisir un mme vnement sous des anglesdiffrents. Elle est en mesure dapprhender plusieurspoints de vue simultanment sans que cela gnre la

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    moindre confusion mentale. Ren ralise alors, avec unestupfaction mle deffroi, les implications de tous sesactes, paroles et penses. Il comprend que tout ce que nousfaisons, disons et pensons, a des rpercussions dontpersonne ici-bas ne souponne lampleur. Tout estimportant, car tout a des effets sur tout. Rien nest sparou isol, mais au contraire, tout est li, ou re-li , tout.LUnivers est une entit organique o chaque atome estdpendant et profondment uni tous les autres atomes.Dans ce sens, lUnivers nest pas une somme gigantesque(une pure addition) datomes spars et indiffrents les unsaux autres, au contraire, lUnivers est Un. Le plussurprenant est que les effets de nos actes, paroles, penses,et sentiments, ne se limitent pas seulement aux personneshumaines, mais stendent la nature toute entire. Aussiinvraisemblable que cela soit, mme nos motions,penses et paroles, imprgnent et influencent les plantes,les animaux, lair, la terre, la mer, et les nuages. Rencomprend que ce qui est lourd de consquences dans notrefaon dtre dans le monde, cest lambiance que nousfabriquons jour aprs jour partir de nos comportements,paroles et penses. Nous produisons, chacun notremanire, selon notre nature et nos penchants, une sorted atmosphre psycho-spirituelle qui conditionne ledroulement des processus biologiques et physiques denotre plante. Bien quune telle action paraisse trsmystrieuse, elle nen est pas moins relle. En tout cas,Ren ressent profondment lvidence de cette vrit, et ilen tire instantanment toutes les consquences.

    Encore une fois les mots se rvlentimpuissants rendre compte dune exprience de cettenature. Les mots suivent, en effet, un ordre linaire qui est

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    une succession de mots et de phrases qui servent fixer unvcu. Or si ce vcu ne sinscrit ni dans la temporalit, nidans des tats successifs, mais au contraire participe dunetotalit multidimensionnelle, quelle confiance pouvons-nous accorder au langage si nous voulons lutiliser commemoyen de transmission de la vrit ? Force est de constaterque les mots et les signes ne conviennent pas du tout pourtranscrire ce type dexprience. Nous verrons plus tard lesdifficults auxquelles Ren va se heurter pour tenterdexpliquer son entourage ce quil est en train de vivre.

    Ren nest pas seul dans ce voyage travers lepass. La Lumire est avec lui, et elle le guide danslvaluation multidimensionnelle de chaque situation. Lesscnes visionnes nont pas toutes la mme valeur. Lunedelle, par exemple, a marqu un tournant dcisif dans lavie de Ren. Bien quil nait jamais oubli cet vnement,il resurgit maintenant avec un relief tonnant et unesignification nouvelle. Ctait le jeudi 24 fvrier 2000,Ren est nouveau dans les couloirs de lhpital Lyon-Sud, dans le service des maladies du sang. Il est, ou il tait(de toute faon le temps na plus dimportance), environ18h. Avant de pntrer dans la chambre de son fils, ildevait accomplir une sorte de rituel de purificationayant pour but dliminer tout risque de contamination pardes germes apports de lextrieur. Pierre-Jean tait enaplasie totale, cest--dire que le taux de ses globulesblancs par millimtre cube tait presque nul. Les globulesblancs sont, comme chacun sait, des cellules du sangcharges de dfendre lorganisme contre les agentspathognes, ce sont, pour employer une mtaphoremilitaire, les soldats , ou les gardiens , du corpshumain. Leur mission consiste liminer de faon

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    impitoyable tout intrus indsirable (bactries, virus, etc..).Donc, le rituel en question obligeait dabord le visiteur se laver les mains avec un savon liquide marron. Puis, ilprvoyait une tenue spciale, compose dun bonnet quirecouvrait entirement les cheveux, dun masque en toilequi tait fix sur le nez et la bouche, de chaussettes enplastique qui dissimulaient les chaussures, et enfin, dunelarge blouse verte de chirurgien qui tombait jusquauxpieds. Ds que Ren eut franchi le sas de scurit (zone deprotection situe entre la chambre du malade et le couloir),Pierre-Jean lui fit immdiatement savoir quil avaitquelque chose lui confier :

    - Papa, j?ai des choses importantes te dire

    Cette simple phrase, avec lintonation de lavoix de Pierre-Jean, restera jamais grave dans sammoire.

    Avant de pouvoir expliquer son pre ces choses si importantes, ils furent longuement drangspar les infirmires qui sactivaient fbrilement pour mettreen place la nouvelle chimio de Pierre-Jean (il sagissaitdune chimiothrapie destine tuer les mauvais globulesblancs appels blastes). Vers 20h, le calme revint dans lachambre et il commena le rcit de lexprience quil avaitvcue la nuit dernire. Il nest pas possible de relater ici,en dtail, le contenu de cette merveilleuse exprience.Ctait, dirons-nous, une EMI (Exprience de MortImminente ou NDE en anglais) trs personnelle. Il suffitde savoir quelle fut non seulement une tape dcisivedans lvolution de la maladie dont souffrait Pierre-Jean,mais elle fut aussi le moteur dune profonde et irrversible

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    transformation intrieure. Plus tard, lui et son prebaptisrent cette exprience Le Grand Rve , et ce futaussi le titre de lopuscule quils crivirent ensemble pourtmoigner. Cependant, le plus important dans cette scnece nest pas simplement le fait de la revivre avec unetonnante sensation de ralit (ce qui en soi est dj trsmouvant), mais lessentiel cest le commentaire de laLumire qui accompagne la vision. Par une sorte detlpathie mystrieuse, la Lumire explique Renque Le Grand Rve a t une exprience cruciale pourson fils. Le Grand Rve lui a permis de vivre lesderniers mois de sa vie avec une grande srnit. Elle achass en lui toute peur de la mort. Cest la Lumire Elle-mme qui a provoqu cette exprience au moment prciso il en avait le plus besoin. Le Grand Rve a t enquelque sorte offert par la Lumire, parce quElle voulaitque la dernire tape de la vie de Pierre-Jean soit unexemple pour tous. Grce aux commentaires de laLumire, Ren comprend les implications contenues danslexprience de son fils. Il en saisit simultanment toutesles retombes et tous les fruits futurs, pour Pierre-Jean,pour lui, et peut-tre mme pour tous les hommes de cetteTerre. Lexprience du Grand Rve eut lieu dans lanuit du 23 au 24 fvrier 2000, et Pierre-Jean quitta notremonde le 21 aot 2000, 21h45. Ses dernires parolesfurent :

    - Je vous aime?

    Reprenant au commencement le fil de sa vie,Ren voit sa propre naissance. Il est la fois le bb quiest en train de natre, la maman qui le met au monde et lasage-femme qui laide sortir du ventre de sa mre. Il

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    occupe tour tour la position des trois acteurs de cettescne hallucinante, en mme temps quil prouve uneconscience aigu de lextrme importance de lacte denatre ou dapparatre en ce monde. La naissance est lepassage dun mode dexistence immatriel un modedexistence matriel. Cest linstant capital o lon passedun univers dans un autre, avec tout ce que cela impliquecomme effort dadaptation et de stress. La naissancehumaine marque le retour dans le monde matriel. Celasignifie que ltre qui nat va affronter, pour une nouvellefois, de nombreuses preuves tout au long de sa vie. Ilrevient sur Terre pour parfaire son apprentissage, pourconnatre de nouvelles expriences, et assimiler, sil lepeut, de nouvelles leons spirituelles qui lui seront peut-tre profitables. Tout dpendra de lui.

    Aprs sa naissance, suivent en ordrechronologique les scnes o Ren se voit bambin jouantdans le jardin de la minuscule maison familiale Argenteuil prs de Paris. Il voit sa mre et son preformant un couple de jeunes maris, heureux, radieux, etconfiants en lavenir malgr les difficults matrielles.Plus tard, il est sur les bancs de lcole lmentaire,coutant attentivement les leons de ses matres. Lesparoles et les visages de ces derniers sont aussi vrais que sitout cela se droulait aujourdhui mme. Cest comme sichaque vnement de ce lointain pass avait tbrusquement fig dans lternit et restitu tel quel, sans lamoindre altration. Ensuite, il dcouvre lenchanementdifficile de ses annes dadolescent. Annes tumultueuses,qui furent marques par de profonds remaniementsintrieurs. La Lumire semble samuser lorsque sontmontres les scnes dans lesquelles Ren se lance avec

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    maladresse la dcouverte du corps de ses petites amies.Les passions amoureuses de cette poque sont replaces leur juste place. Les dceptions sentimentales, quil avaitressenties comme des preuves insurmontables, sontperues comme des situations qui furent propices, en leurtemps, son dveloppement intrieur. Elles lui offrirent,sans quil en ait eu forcment conscience ce moment-l,lopportunit de progresser. Il comprend que toutes lessituations de la vie sont des occasions inespres, quisait les saisir, dapprendre et davancer sur le chemin delvolution spirituelle. En ce sens, la vie est une initiationpermanente. Ce qui autrefois tait peru par Ren commeun chec cuisant, lui apparat aujourdhui comme unegrande victoire spirituelle. Grce la Lumire, laperspective est radicalement change. Ce quil pensait trengatif se transforme en positif, et inversement. Les dsirscontraris, les envies, les pulsions inassouvies, lessparations cruelles, lindiffrence, les tromperies, ladsinvolture de ceux que lon aime, les refus auxdemandes rptes, les vexations, tout cela peut se rvlertrs profitable, si le point de vue est chang. Par unemystrieuse alchimie, ce que Ren pensait tre du poison , sest transform en un puissant lixir degurison. Cette opration alchimique est un secret qui estdissimul au centre mme de notre tre, cest--dire dansnotre coeur, qui est le vase naturel o seffectuent toutesles transmutations. Quand langle de vision est modifi,tout devient clair, tout devient lumineux. La perspectiveest soudain largie, la vie prend une signification nouvelle.Cest, au sens alchimique du terme, une compltetransmutation qui sopre. Quand lhomme souvreintrieurement le monde est transfigur.

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    Aprs les pisodes pleins denseignements deson adolescence, Ren voit dfiler ses annes de jeuneadulte. Passant trs rapidement sur la priode des tudesuniversitaires, qui ne semblent pas prsenter un grandintrt pour la Lumire, la revue de vie sattarde un peusur lentre de Ren dans la vie active. En ce qui concerneprcisment les tudes universitaires, la Lumire montre Ren que le savoir livresque nest pas la Connaissance. LaLumire insiste sur le fait que cest lexprience vcue quimarque ltre en profondeur, et que le savoir livresque netouche bien souvent que des zones relativementsuperficielles de ltre humain. La Connaissance relvedonc de ltre, plus que de lavoir ou du savoir. LaConnaissance est une vritable co-naissance , cest--dire quelle signifie natre avec la chose connue. Ellesuppose une harmonisation, voire mme une fusion, entrelobjet connu et le sujet connaissant. En cela, on peut direque la Connaissance se rapproche singulirement delAmour.

    Bien que ses tudes aient t plutt moyennes,Ren avait malgr tout une haute ide de lui-mme et desa valeur intellectuelle. Ambitieux, il chercha par tous lesmoyens se faire une place dans la socit. Son plus cherdsir tait davoir une situation comme lon dit.Largent, laisance matrielle, et la reconnaissance, taientdes mobiles puissants. Ses apptits de russite socialecommencrent par se concrtiser grce son mariage avecla fille dun notable lyonnais qui tait directeur dunepetite maison ddition vocation rgionale. Cette unionprovidentielle lui procura la fois laisance matrielledont il avait besoin, mais aussi un large rseau de relationsmondaines dans les milieux de la bourgeoisie lyonnaise. Il

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    assiste donc, en spectateur lucide ses propres noces avecLaure. Cest alors quil ralise avec un certain dgot pourlui-mme, quelle tait la valeur relle de ses sentimentspour sa future femme. Il se rend compte que sessentiments taient pour le moins ambigus, et fortementmls des motivations trs terre terre. Aprs quelquesmois de vie conjugale, il voit natre son fils, Pierre-Jean, le14 juin 1981. Il comprend quil navait pas, cettepoque, pleinement conscience de limportance de cetvnement, et que sa conduite navait pas toujours tcelle dun pre responsable et dun mari irrprochable.Quelle douleur pour lme de voir ses fautes en pleinelumire ! La blessure est dautant plus vive que cest lmeelle-mme qui se juge de faon impitoyable. Elle est alorsmortifie et crase par le poids de ses erreurs. Le plusterrible des tribunaux, en dfinitive, nest pas compos dejuges hautains et distants devant lesquels on comparatpour la premire fois. Non, le plus impitoyable tribunal estcelui de sa propre conscience avec laquelle nouscohabitons depuis notre naissance. La Lumire ne juge paslme. La Lumire ne fait que dvoiler ce qui est dansnotre me sans quil puisse y avoir la moindre possibilitde fuir cette ralit. Aucune excuse nest recevable, et ilnest pas question de se dtourner de ses responsabilits endisant, par exemple, quon ne savait pas. La leon de larevue de vie est que tous nos comportements, actes,penses, et paroles doivent tre assums jusquau bout.

    La priode qui suivit la naissance de Pierre-Jean ne fut pas trs glorieuse. Aprs les contraintes dunepaternit mal assume, Ren assiste ses dbuts dans lemonde de ldition aux cts de son beau-pre. Mais Renvise haut. Il ne se contente pas, en effet, daccomplir du

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    mieux quil peut son mtier dditeur, il se lance aussiavec frnsie dans lcriture, et parvient rdiger deuxromans. Malgr des efforts acharns, le succs attendu nevient pas. Lexcitation du dpart se change bientt en unsentiment damertume, teint dun cynisme dsabus.Cuisant chec : aucun de ses livres nest publi. Le comblede cette situation, cest que travaillant dans ldition, Rense rvle incapable de se faire accepter comme crivain.Mme son beau-pre ne veut pas prendre le risque depublier sa prose. Chaque refus dun diteur le plonge dansune rage folle, et dans un dsespoir qui le mine chaquejour davantage. Cest l que la Lumire intervient pour luimontrer lerreur de son enttement vouloir tre dit.Ren comprend que son orgueil lentranait dans une voieo, peu peu, il se dtruisait lui-mme, et dtriorait sesrelations avec les autres. La Lumire lui explique , ouplutt lui permet de comprendre, que cest son gosmequi fut la cause profonde de sa rupture avec Laure. Il voit,en effet, par un sombre matin de juin sa femme et son filsquitter le domicile conjugal. Il voit son divorce et tous cescombats ignobles par avocats interposs. Accabl deremords, Ren tente de reconstruire son couple, mais rienne fera revenir Laure. Peu aprs, il voit son fils grandir, etil ralise combien ses actes avaient t irrflchis, inspirspar de fausses valeurs. Sous le regard pntrant de laLumire tout est transform, tout est mtamorphos. Aveclaide de la Lumire lesprit dcouvre une dimensioninsouponne de lexistence humaine. Cest unervaluation complte de sa vie quil est convi. Ce queRen croyait tre des valeurs dignes dtre dfendues etrespectes, se rvlent ntre en dfinitive que de pitresmobiles pour prserver tout prix son confort matriel,son niveau de vie, ses relations, son pouvoir, ses biens, sa

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    tranquillit, et son aisance de bourgeois. Ici, dans laLumire, ce ne sont pas largent, les honneurs, lareconnaissance sociale, les succs mondains, le pouvoir, ladomination sur les autres, laisance matrielle, les normesrductrices de la raison, le conformisme ambiant de lasocit, et lattachement aux vaines habitudes quiprvalent, mais au contraire, se sont lamour, lacompassion, lamiti, la noblesse des sentiments,lauthenticit, lhumilit, lquit, la puret des intentions,le dsintressement, la loyaut, la simplicit, et laconnaissance, qui sont les valeurs essentielles. La Lumiremontre Ren ce que sont les vraies valeurs de la vie,celles qui devraient fonder nos comportements et nosrapports avec autrui. La Lumire insiste aussi sur le faitque lamour est la premire et la source de toutes lesautres valeurs. Aimer son prochain comme soi-mme estune priorit absolue qui doit surpasser toute autreconsidration dans nos relations avec nos semblables.

    Aprs ses dboires conjugaux et sesdsillusions dcrivain, Ren vcut une priode trsinstable. Il multiplia les relations amoureuses sanslendemain, et pratiqua diverses activits professionnellessans rapport avec ldition. Il fit, par exemple, du porte porte pour une marque de produits cosmtiques, travaillacomme serveur dans un restaurant, vendit des lgumes surles marchs, organisa un trafic de meubles anciens deprovenance douteuse, et il fut mme un temps livreur depizzas domicile. Aprs plusieurs annes de cette vie aujour le jour, et sans doute lass de ne vivre quedexpdients, Ren dcida de rompre par tous les moyensla spirale infernale dans laquelle il se sentait entran.Cest alors que la Providence lui fit rencontrer un ami qui

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    possdait des conomies et qui cherchait un associ pourmonter une affaire. Aprs quelques hsitations, ils selancrent ensemble dans lachat dune librairie situe dansle centre de Lyon. Ce commerce se rvla rapidement trsflorissant, et si Ren navait plus envie dcrire de livre, lalibrairie lui permet au moins de vivre en leur compagnie.Avec le temps il sinstalla dans une existence confortableet se passionna pour son nouveau mtier. Tout aurait pusarrter l. La vie de Ren aurait pu suivre, enfin, uncours paisible. Mais ce ne fut pas le cas, et en pleineadolescence la sant de son fils dclina. A cette poque,Pierre-Jean tait toujours trs ple, fatigu, maigre, etsouvent soign pour toutes sortes daffections que lesmdecins narrivaient pas enrayer. Un jour, tout basculadfinitivement. En novembre 1998 Pierre-Jean tombagravement malade. Il fut admis lhpital, et les examensrvlrent quil souffrait dune forme de leucmieparticulirement agressive.

    Ren revoit alors toutes les scnes de cettepriode prouvante. Il voit son fils afflig dune mauvaisetoux que le mdecin de famille ne parvenait pas soigner.Cette toux se rvla tre en dfinitive le symptmeextrieur de la leucmie qui le rongeait dj, sans doute,depuis quelques mois. La priode allant de novembre 1998 avril 1999 fut terrible. Son fils manqua de mourir, etcest un miracle sil put survivre dans ltat dedlabrement physique o il tait. Les traitements destins lutter contre la leucmie furent longs et douloureux, maisPierre-Jean les supporta avec courage. Davril 1999, fvrier 2000, il vcut environ 10 mois de rmission. PourRen et Pierre-Jean, ce furent dix mois de bonheur intenseet de joies extrmes, dix mois pendant lesquels chaque

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    instant pass ensemble tait une sorte de concentr de vie.Mais le vendredi 4 fvrier 2000, vers midi, Pierre-Jeantlphona son pre. Il tait effondr car les rsultats deses dernires analyses de sang taient trs mauvais. Renvoit son fils sangloter au tlphone et lui annoncer quilvient de rechuter. Il prouve alors les mmes sentimentsque lui. Il ressent toutes les motions ngatives dont iltait la proie. Il ralise dans quel tat psychique effroyabletait son fils. Il comprend pourquoi, en apprenant quilavait rechut, Pierre-Jean voulait se suicider. La priodebienheureuse de la rmission tait dfinitivementtermine. Son fils fut nouveau hospitalis le lundi 14fvrier 2000.

    Pendant la revue de vie Ren replonge danslambiance lourde de ces jours sombres. Il voit son filssubir les sances de chimiothrapie, les ponctionslombaires, le milieu strile, les innombrables examensmdicaux, la peur, langoisse, et la douleur. Ren ressenten mme temps que Pierre-Jean tout ce quil avaitprouv, et il mesure pleinement le courage dont il avaitfait preuve pendant ces longs jours dangoisse. Malgr lapeur, la crainte, et le chagrin, qui treignaient tous lesmembres de la famille, Pierre-Jean ne se laissa jamais allerau dsespoir. Il sut affronter avec dignit cette nouvellepreuve.

    Cest alors que se produisit une sorte de miracle . Dans la nuit du 23 au 24 fvrier 2000, Pierre-Jean fit ce que nous avons appel Le Grand Rve ouune sorte trs particulire dexprience de mort imminente(EMI). Cette exprience extraordinaire a tout chang.Ren ne craignait pas de dire autour de lui, mme si cela

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    semblait alors incroyable, que :

    - Le Grand Rve a modifi notre point de vue. Il nous alev au-dessus des cruelles preuves que nous subissions.Il nous a permis d?largir notre champ de conscience. Il achang le sens de ce que nous vivions, et sans cetteexprience nous serions sans doute morts de chagrin.

    Dans la Lumire, Ren prend conscience delimmense porte du Grand Rve . Il sait aussi que cettemerveilleuse exprience est de mme nature que cellequil est en train de vivre. Dsormais tout sclaire. Toutse met en place selon une logique transcendante qui lieentre eux des vnements qui semblaient trangers les unsaux autres. Il a, grce cette logique, une vision globalede tous les instants successifs de sa vie. Cette vie est taledevant lui comme un formidable puzzle dont toutes lespices viennent semboter harmonieusement les unes dansles autres. Lenchanement des vnements nest plusconditionn par le droulement du temps mais par unesorte de causalit interne situe en dehors, ou au-dessus,de la dimension temporelle. Lutilit de cette visionsynthtique est de mettre en vidence la relation purementcausale qui assemble les faits entre eux, et de montrer lasubtilit des articulations qui maintiennent le tout en unensemble cohrent. Le temps tait mtamorphos enespace. Cest comme si lcoulement du fleuve temps stait fig dans la glace, et quil tait devenu brusquementsolide.

    La vision spatiale et tridimensionnelle du tempspossde une vertigineuse puissance denseignement. Cequi tait insaisissable, parce quimmerg dans les flots

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    tumultueux de la dure, devient tout coup vident. Cettevision spatiale permet une valuation directe et instantanede toutes les situations vcues, ainsi quune vision claire etdistincte des consquences des actes. Cependant, le plusincroyable, cest que Ren ne peroit pas seulement sonpass, mais il contemple aussi quelques scnes marquantesde sa vie future. Cest comme si sa vie ressemblait une route , et que du point dobservation o il se trouvait, iltait en mesure de voir le dbut et la fin de cette route ,cest--dire de voir simultanment le pass, le prsent etlavenir. Des pisodes de sa vie future dfilent devant lui.Il voit Eva, sa compagne, pleurer et lui annoncer quelleva le quitter. Il voit un homme mr, brun, lgant,intellectuellement brillant, excellent orateur, qui luidemande de le suivre, une nuit, vers une destinationmystrieuse. Ren ne peroit pas vraiment quel est le butde cet trange voyage. Il devine, cependant, quilcomporte une dimension extraordinaire quil ne peut pasencore comprendre. Il se voit aussi adhrer un groupedhommes et de femmes qui partagent les mmesproccupations et les mmes certitudes que lui. Larencontre avec cet homme exceptionnel et ladhsion cegroupe, semblent marquer une tape dcisive dans sa vie.Une vie nouvelle commence pour lui. Il voit aussi uneimmense pierre au milieu dune clairire. Des hommes etdes femmes appartenant toutes les poques de lhistoirede lHumanit, et toutes les traditions de la Terre sontrunis autour de cette pierre fabuleuse. La foule bigarre etsilencieuse est en adoration devant la pierre. La pierre est la fois une ralit et un symbole. Mais Ren pressent quecette pierre possde un pouvoir inimaginable et quecurieusement, elle est situe prs du ple nord terrestre. Lapierre est une sorte de demeure habite par lEsprit.

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    Cest aussi une porte qui permet de passer dun mondedans un autre. Poursuivant son exploration du temps versle futur, Ren voit, dans un pays inconnu recouvert deneige et de glace, des hommes trs beaux, de haute stature,qui possdent dimmenses connaissances dans tous lesdomaines. Ces hommes portent chacun une longue robeblanche faite dune seule pice avec une ceinture dore la taille. Un pendentif circulaire, sur lequel sont gravs dessymboles inconnus, orne leur poitrine. Le corps et levisage de ces hommes dgagent une subtile lumireblanche, une sorte daura, qui enveloppe leur silhouette.Leur regard est la fois doux et pntrant. Il comprendque ces hommes exceptionnels sont des sortes de guidesdont la mission est de montrer lHumanit le chemin suivre pour atteindre le but de lvolution spirituelle. Il entend la Lumire qui dsigne ces hommes commetant les Matres du Centre . Ces tres volus, cesEveills, sont spcialement missionns par les Gardiensde la Conscience pour orienter le cours de lvolutionhumaine dans un sens conforme aux impratifs dunespiritualit dont le domaine stend lUnivers tout entier.Ren ne comprend rien tout cela, mais il enregistre avecavidit toutes ces nouvelles penses. Ces tres fascinants,dun niveau de conscience trs suprieur au niveau humainordinaire, intercdent auprs de la Lumire afin quEllervle Ren lexistence dun point mystrieux situdans le futur. La perspective qui est ainsi offerte sonesprit est certes fantastique, mais Ren ne comprend pasvraiment ce que reprsente ce point . Ce point estprsent la fois comme un lieu terrestre sacr et secret,mais aussi comme un moment prcis de lhistoire delHumanit qui correspond linstant o convergeronttoutes les consciences humaines intgralement ralises.

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    Malgr tous ses efforts, Ren narrive pas dchiffrer lasignification du mystrieux point . Cest comme si il yavait un voile opaque qui recouvrait ce profond mystre.Tout ce quil sait cest que ce point est dsign par lalettre grecque W (omga). La Lumire lui rvlequ Omga est la fois ltape finale de lvolutionspirituelle de lespce humaine toute entire, mais aussi lebut de lvolution spirituelle de chaque tre humain toutes les poques. Encore une fois, Ren est incapable desaisir la porte exacte des concepts qui sont directementimplants dans son esprit. Quand nous disons que laLumire rvle , il faut plutt comprendre quElleinjecte en quelque sorte, des blocs de penses danslesprit de Ren. En essayant de percer le sens de ces blocs de penses, Ren comprend malgr toutqu Omga est un peu le paradis terrestre restauraprs la chute originelle dans le monde matriel. Maisil croit aussi comprendre que lmergence d Omga ne se fera pas avant plusieurs sicles. Il voit quelHumanit devra encore subir de nombreuses preuves etdes tribulations avant de pouvoir accder ce point . SilHumanit sentte dans ses errements actuels, desrieuses difficults risquent dentraver sa progressionvers Omga . Les principaux obstacles viss concernentla consommation frntique de biens matriels danslaquelle les pays riches se sont lancs depuis quelquesdizaines dannes. Cette qute insatiable de la richessematrielle saccompagne dune redoutable fascinationpour largent et la recherche du pouvoir. Lesprit decomptition qui rgle les relations entre les hommes de cespays dits civiliss, lgosme et lindividualisme quidictent leur conduite, le mpris quils ont pour les faibles,va entraner une grave dtrioration des liens sociaux

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    fondamentaux. Ce sera chacun pour soi , et les pirescrimes seront commis pour dfendre et prserver lesintrts de quelques individus trs puissants. Les famillesseront dchires, les gnrations seront en conflit, lesenfants assigneront leurs parents en justice et les parents