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INSTITUT de FORMATION en MASSAGE KINESITHERAPIE REEDUCATION de NANTES 54, rue de la Baugerie 44230 SAINT - SEBASTIEN SUR LOIRE Prise en charge d’une patiente opérée d’une hernie discale L5-S1 et présentant des troubles sensitivo- moteurs et des phénomènes algiques Paul ANGIN Année scolaire 2008-2009 DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES DES PAYS DE LA LOIRE M.A.N. 6, rue René Viviani 44062 NANTES Cedex 02

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Page 1: Prise en charge d’une patiente opérée d’une hernie discale ... · Les tremblements observés justifient l’examen de la force musculaire du MIG. Le testing donne les résultats

INSTITUT de FORMATION en MASSAGE KINESITHERAPIE REEDUCATION de NANTES

54, rue de la Baugerie 44230 SAINT - SEBASTIEN SUR LOIRE

Prise en charge d’une patiente opérée d’une hernie discale L5-S1 et présentant des troubles sensitivo-

moteurs et des phénomènes algiques

Paul ANGIN

Année scolaire 2008-2009

DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES DES PAYS DE LA LOIRE

M.A.N. 6, rue René Viviani 44062 NANTES Cedex 02

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Résumé

Ce travail écrit rend compte de la prise en charge d’une patiente âgée de 38 ans et hospitalisée au Centre Hospitalier de Maubreuil suite à une opération d’ablation de hernie discale L5-S1 dans un contexte de sciatique paralysante gauche. Elle présente des troubles sensitivo-moteurs, responsables d’une insuffisance de la fonction d’appui du membre inférieur gauche, et d’une incapacité à la marche. Les troubles psychologiques de type bipolaires et les douleurs sciatiques séquellaires dont elle souffre constituent les deux difficultés majeures de la prise en charge. A la fin de mon intervention la patiente est capable de marcher mais conserve une importante boiterie d’esquive d’appui résultant des phénomènes algiques à type d’allodynies apparus en milieu de prise en charge. Elle sera hospitalisée pendant sept semaines après la fin de mon stage et bénéficiera ensuite de séances de kinésithérapie chez un praticien libéral.

Mots clés

Hernie discale opérée

Parésies

Douleurs

Rééducation

Capacité de marche améliorée

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Sommaire

1. Introduction ...................................................................................................................... 1

2. 1er octobre 2008 : le début de la prise en charge ............................................................ 1 2.1. Prescription médicale................................................................................................... 1 2.2. Première impression .................................................................................................... 1

3. Présentation de la patiente et de sa pathologie .............................................................. 2 3.1. La patiente ................................................................................................................... 2 3.2. La pathologie ............................................................................................................... 2

3.2.1. Anamnèse et pathologie ....................................................................................... 2 3.2.2. Rappels d’anatomo-pathologie ............................................................................ 2

4. Analyse des problèmes ..................................................................................................... 3 4.1. Une boiterie d’esquive d’appui .................................................................................... 3 4.2. Des douleurs déprimantes ............................................................................................ 4 4.3. Une sensibilité de protection perturbée ....................................................................... 5

5. Bilan ................................................................................................................................... 5 5.1. Diagnostic .................................................................................................................... 5 5.2. Objectifs de la prise en charge ..................................................................................... 6 5.3. Moyens ........................................................................................................................ 6

6. Rééducation ....................................................................................................................... 6 6.1. Récupération neuro-motrice ........................................................................................ 6

6.1.1. En décharge .......................................................................................................... 6 6.1.2. En charge relative ................................................................................................ 9 6.1.3. En charge ........................................................................................................... 10

6.2. Diminution des phénomènes douloureux .................................................................. 10 6.2.1. Technique physique ............................................................................................ 10 6.2.2. Technique d’électrothérapie .............................................................................. 11 6.2.3. Technique d’étirements myo-fasciaux ................................................................ 11

6.3. Education de la patiente aux risques liés aux troubles sensitifs ................................ 12 6.4. Prévention secondaire ................................................................................................ 13 6.5. Rééducation sensitive ................................................................................................ 13

7. Résultats de la prise en charge ...................................................................................... 13

8. Discussion ........................................................................................................................ 14

9. Conclusion ....................................................................................................................... 15

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1. Introduction

Madame E, 38 ans, a été admise le 30 Septembre 2008 au Centre Hospitalier de Maubreuil pour une prise en charge, après chirurgie d’herniectomie et discectomie, des séquelles de sa sciatique paralysante gauche. La prise en charge débute au 8ème jour post-opératoire, le lendemain de son arrivée au Centre Hospitalier. L’objectif de cette rééducation, précisé dans la prescription médicale, est de retrouver une marche physiologique. La partie de la rééducation la plus importante est donc la facilitation de la récupération neuro-motrice. C’est sur celle-ci que j’insiste dans ce travail écrit, avec une notion de progression dans le degré de mise en charge sur le membre inférieur gauche. Les manifestations douloureuses sont prises en considération au sein du renforcement, mais font également l’objet de techniques antalgiques ciblées.

2. 1er octobre 2008 : le début de la prise en charge

2.1. Prescription médicale

La prescription médicale évoque les problèmes de faiblesse musculaire du membre inférieur gauche (MIG) et de reprise de la marche (prise en charge kinésithérapique biquotidienne qui comprend la réalisation d’un testing du MIG, la mobilisation du MIG, un renforcement musculaire, la verticalisation et la marche).

2.2. Première impression

Mme E entre en salle de rééducation en fauteuil roulant manuel. Elle est souriante et paraît motivée. D’après la prescription médicale, des troubles neurologiques (sensitivo-moteurs) sont à prévoir. Elle possède une orthèse des releveurs dont la mise en place est vérifiée avant chaque transfert car il y a méconnaissance du risque d’entorse. Elle passe seule de la position assise à debout, en s’aidant de ses membres supérieurs (MS) mais en esquivant l’appui sur son membre inférieur gauche. Les MS et le membre inférieur droit semblent donc intègres. En position bipodale, elle tient une posture décentrée de son axe corporel vers la droite. Quelques pas sont possibles pour aller s’asseoir sur la table d’examen. Ce déplacement s’effectue avec une boiterie d’esquive d’appui. Le passage à la position assise est précautionneux (elle se retient avec ses membres supérieurs). Le transfert assise-couchée est réalisé en passant par la position de décubitus latéral sans inclinaison rachidienne. Des mouvements globaux du MIG demandés indiquent que la faiblesse musculaire paraît diffuse. Mme E décrit également des douleurs pénibles dans le MIG avec un trajet postérieur, et qu’il existe des zones où ses sensations sont atténuées (manifestation des troubles sensitifs).

Cette simple première vision de la patiente permet de formuler une hypothèse quant au problème posé dans la prescription. Les troubles neuro-moteurs sont responsables de la boiterie à la marche, et les phénomènes algiques associés dont se plaint Mme E ne font qu’empirer cette incapacité de locomotion. Ces deux éléments concourent à des désavantages de mobilité et d’indépendance physique, qui ont une répercussion sur le moral de Mme E.

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3. Présentation de la patiente et de sa pathologie

3.1. La patiente

Mme E est âgée de 38 ans, est mariée et a quatre enfants âgés de 9 à 18 ans. Elle vit dans une maison à trois niveaux. Elle travaille en tant qu’infirmière scolaire dans les cycles primaires et secondaires. Ses deux principaux loisirs sont la natation synchronisée depuis deux ans, et la direction d’une chorale. L’organisation professionnelle de Mr E lui permet de s’occuper des enfants.

Mme E souffre de troubles bipolaires de type 2 (c’est-à-dire présentant des épisodes hypomaniaques et des épisodes dépressifs) diagnostiqués en octobre 2007, et pour lesquels elle est traitée par une prise biquotidienne de Depakote 500®. Elle souffre en outre de lombalgies chroniques apparues après sa première grossesse à l’âge de 20 ans.

3.2. La pathologie

3.2.1. Anamnèse et pathologie

Le vendredi 19 septembre 2008 au matin, Mme E monte dans sa voiture pour se rendre à son travail. Au moment où elle appuie sur la pédale d’embrayage, une douleur très vive et irradiante apparaît dans son membre inférieur gauche (MIG). Elle rentre chez elle et s’allonge, son mari est présent. Elle appelle son médecin référent. Avant son rendez-vous, elle se rend aux toilettes, la même douleur survient, et Mme E sent son membre inférieur gauche paralysé. A 13h30 son médecin la consulte à domicile. Sa douleur est cotée à 9.5/10 sur l’échelle numérique. Elle reçoit une injection d’Acupan® (antalgique). Elle contacte le SAMU à 18h30 et est hospitalisée le soir même. Un scanner rachidien est réalisé le lundi 22 septembre et met en évidence une volumineuse hernie discale postéro-médiale et latérale gauche au niveau du disque intervertébral L5/S1, ayant migré vers le haut.

Mme E est transférée dans le service de neurotraumatologie du CHU de Nantes le 22 septembre. L’examen clinique réalisé à son entrée révèle une parésie du pied gauche sur les racines L5 et S1, cotées à 3/5 au testing international. Est également mise en évidence une hypo-esthésie L5 et S1 gauche, ainsi que des douleurs reproduites par la manœuvre de Lasègue à 50° de flexion de hanche. Il n’existe pas d’anesthésie en selle, ni de trouble vésico-sphinctérien. Le réflexe ostéo-tendineux achilléen est aboli.

Mme E est opérée le mardi 23 septembre. Elle bénéficie d’une herniectomie/discectomie L5/S1 par voie d’abord postérieure longitudinale médiane en regard de ce disque. Son premier lever s’est effectué le jeudi 25 septembre, sans bas de contention, avec épisode d’hypotension orthostatique.

3.2.2. Rappels d’anatomo-pathologie

La hernie d’un disque intervertébral lombaire n’affecte en général pas le nerf qui passe au-dessus de ce disque [1]. Dans le cas de Mme E, la hernie discale L5/S1 comprime la racine S1

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et des fragments du disque ou du nucleus pulposus ont été libérés et ont migré vers le haut, comprimant de ce fait la racine L5 (Annexe1).

4. Analyse des difficultés

4.1. Une boiterie d’esquive d’appui

Mme E peut se lever seule. Une fois debout, son axe corporel est complètement déjeté sur sa droite avec une esquive d’appui à gauche. Il semble également important de noter l’attitude du MIG en rotation externe de hanche et valgus du pied (aspect de pied plat). Le déficit d’appui est quantifié sur plateforme stabilométrique (SATEL®). Les résultats donnent des appuis très asymétriques avec un centre de pression très excentré du côté droit. Spontanément : 12 kg à gauche contre 47 kg à droite. L’essai de recentrage actif du centre de pression se traduit par un tremblement du membre inférieur gauche (MIG), et l’appui maximal que tolère la patiente monte à 18 kg.

Les tremblements observés justifient l’examen de la force musculaire du MIG. Le testing donne les résultats recensés dans le tableau I. La faiblesse musculaire est globale, mais il y a une prédominance pour les muscles à innervation principale L5 et S1. Les résultats du testing sont toutefois probablement biaisés par les douleurs dont se plaint Mme E. A type de crampe, elles apparaissent lors des tests. Une amyotrophie quadricipitale est en lien avec cette perte de force. Elle est objectivée par une périmétrie comparative à 15 cm au dessus de la patella : 40 cm à gauche, 43 cm à droite.

Racines Muscle(s) Cotation au 01/10/08

L2 Psoas-iliaque 3 Rotateurs Externes de hanche 3 Adducteurs 3

L3 Quadriceps 3

L4

Petit Fessier 3 Semi-tendineux et semi-membraneux 3 Tibial Antérieur 2 Tibial Postérieur 3

L5

Tenseur du Fascia Lata (TFL) 2+ Moyen Fessier 2+ Long Fibulaire 2 Extenseur commun des orteils 3 Extenseur propre de l’hallux 4

S1

Grand Fessier 1+ Biceps fémoral 3 Triceps Sural 2 Court Fibulaire 2 Fléchisseur commun des orteils 2 Fléchisseur propre de l’hallux 4

Tableau I. Examen de la force musculaire du MIG selon les cotations du Testing International (En rouge : les muscles les plus déficitaires)

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Du fait du déficit d’appui, on observe une importante boiterie à la marche. L’aide du fauteuil roulant parait donc indispensable à ce jour.

4.2. Des douleurs déprimantes

Depuis le 19/09/2008, jour de son hospitalisation, Mme E se plaint de douleurs sur le trajet radiculaire S1 à gauche. Celles-ci possèdent une origine ponctiforme en regard de l’articulation sacro-iliaque et en regard de la grande échancrure sciatique. Elles irradient distalement vers la face postéro-médiane de cuisse, postérieure de jambe, et passent en arrière de la malléole fibulaire. Elles viennent se terminer sur le bord externe du pied, en englobant les deux derniers rayons. Les douleurs centrales (proximales) sont constantes, à type de pincement, et peuvent réveiller la nuit. Elles sont donc mixtes, par déafférentation et par excès de nociception. Les douleurs périphériques (distales) sont à type d’élancements, de décharges électriques, et sont présentes très fréquemment. L’appui en est un facteur déclenchant. Elles sont donc neurogènes par déafférentation Les douleurs spontanées sont cotées sur l’Echelle Numérique (EN) à 5/10 pour la fesse et la face postérieure de cuisse, à 3/10 pour la partie podale du trajet S1, enfin à 1/10 à la face postérieure de jambe (Annexe 2). Elles apparaissent à 40° goniométrique pendant le test de Lasègue, hanche à 90° [2].

Mme E relate en outre des douleurs intermittentes, moins gênantes, sur la face latérale de cuisse et la face postéro-latérale de jambe, correspondant aux zones de type neuro-végétative véhiculées par les racines touchées [3]. Celles-ci sont spontanées, à type d’engourdissement et sont cotées à 3/10 sur l’EN. A l’examen sont également retrouvés des points de Valleix douloureux à la pression modérée : les points sacro-iliaque, fessier, fémoral supérieur et poplité. Il est à noter que les douleurs lombaires chroniques dont souffrait Mme E avant son intervention chirurgicale ne la gênent plus à ce jour.

Ces phénomènes algiques ont un impact psychologique important sur Mme E, et elle les décrit comme étant « cruels, insupportables et déprimants » (d’après le questionnaire de la douleur de Saint-Antoine, version HSF (Hôpital Sud Fribourgeois) [4]).

A propos du test de Lasègue, la part entre douleur par souffrance du nerf sciatique et douleur de raideur des ischio-jambiers reste inconnue. Mais le SLR (Straight Leg Raising), décrit comme étant plus spécifique de la raideur des ischio-jambiers [2], révèle une douleur apparaissant à 40° de flexion de hanche à gauche et n’apparaissant pas à droite avant 80°. Les ischio- jambiers gauches peuvent donc être considérés comme en partie responsables de cette restriction de mobilité. Les muscles droits fémoraux (distance talon-ischion : 8 cm des deux côtés) et le muscle triceps sural (tableau II) sont également retrouvés hypo-extensibles. Enfin, le mouvement d’adduction horizontale, mettant en tension les muscles pelvi-trochantériens [5], est douloureux à gauche.

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Angulation de cheville Position du genou Gauche Droite

Genou tendu 0° 30°

Genou fléchi 20° 35°

Tableau II. Hypo-extensibilité du triceps sural (la position du genou permet la distinction entre le muscle soléaire et les muscles gastrocnémiens)

4.3. Une sensibilité de protection perturbée

Mme E présente des troubles de la sensibilité de protection (voies spino-thalamiques). Une hypo-esthésie au tact et à la douleur est mise en évidence à l’examen par le test du piquer-toucher. Elle concerne tout le talon, se poursuit sur la face latérale du pied, en débordant sur la face dorsale des deux derniers rayons, et sur la plante du pied qu’elle englobe en quasi-totalité laissant la voûte plantaire interne normo-esthésiée. Mme E ne ressent pas de différence entre des stimuli chauds et froids. Ce déficit sensitif permet d’expliquer l’attitude du MIG en RE et valgus du genou. En effet, Mme E aplatit son pied pour en obtenir le maximum d’informations sensitives par le bord interne. Elle ne présente pas de déficit des sensations statesthésiques et kinesthésiques.

5. Bilan

Ce genre de pathologie et la personnalité de la patiente font que le bilan doit être itératif, tenant compte de l’évolution de l’état de Mme E, tant physique que psychologique et de la récupération des fonctions.

5.1. Diagnostic

Mme E a bénéficié d’une herniectomie-discectomie à l’étage L5/S1, mais la compression par la hernie et le geste chirurgical ont eu des conséquences sur son état général. Ses désavantages sont liés à l’hospitalisation ; il ya nécessité d’un arrêt de travail fixé à trois mois, c'est-à-dire jusqu’au 22 décembre, mais également d’une interruption de l’activité sportive (natation synchronisée) et des loisirs. En effet, Mme E ne peut déambuler seule, sans aide humaine ou matérielle, en raison d’une faiblesse musculaire importante de son membre inférieur gauche, la majorité de ses muscles recevant une cotation inférieure ou égale à 3. Cet affaiblissement est aggravé par des phénomènes algiques partant du niveau sacro-iliaque et empruntant le trajet radiculaire S1 habituel. A moindre mesure, Mme E se trouve gênée par des hypo-esthésies sur la plante du pied respectant la voûte interne. Ses souhaits sont de récupérer le maximum de force et de voir ses douleurs disparaître, son but étant de reprendre dès que possible son activité professionnelle, sportive, et ses loisirs.

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5.2. Objectifs de la prise en charge

A court terme les objectifs majeurs sont de favoriser la récupération neuro-motrice du MIG, de diminuer les phénomènes douloureux séquellaires, et de prévenir des risques liés aux troubles sensitifs plantaires.

A long terme il faudra évidemment adapter les objectifs aux évolutions. Cependant, quelques objectifs se dégagent : la rééducation de la marche sera primordiale, il sera également important de faciliter la normalisation des troubles sensitifs. Si la récupération neuro-motrice est complète, la rééducation s’orientera vers les besoins et les souhaits de Mme E avec un travail plus ciblé sur ses activités. Si la récupération est incomplète, il faudra améliorer le confort et les habitudes quotidiennes de Mme E, en fonction des séquelles et de la gêne subsistant.

La prévention secondaire est un objectif global qui permet de prévenir les risques de récidive de la hernie discale [6].

5.3. Moyens

La récupération neuro-motrice a débuté sur table d’examen par des exercices musculaires analytiques, et des exercices suivant la méthode de Kabat. Elle s’est poursuivie en charge, d’abord partielle, en balnéothérapie et en salle, puis totale. La diminution des phénomènes douloureux a pu être effective par le biais de massages-frictions sur les points de Valleix douloureux, par l’électrothérapie antalgique de basse fréquence et par des étirements myo-fasciaux. Les risques liés aux troubles sensitifs ont été évoqués avec la patiente. La prévention secondaire est passée par une éducation à l’économie du rachis par l’apprentissage du verrouillage sélectif selon Troisier.

6. Rééducation

L’état psychologique de Mme E est toujours évalué afin d’apprécier le degré de travail qu’elle sera en capacité de fournir au cours de la séance. Ses douleurs sciatiques résiduelles sont également à prendre en compte dans l’adaptation des exercices et dans leur réalisation.

6.1. Récupération neuro-motrice

Elle s’est déroulée en suivant une mise en charge progressive selon les récupérations quotidiennes de la patiente.

6.1.1. En décharge

La méthode de Kabat prend ici une très bonne indication. Le choix des dessins cinétiques (DC) et des techniques sont fonction des muscles faibles [7] (Annexe 3).

Pour les muscles distaux, nous utilisons les différents DC avec un pivot cheville unique. Les fibulaires et les fléchisseurs sont renforcés dans la diagonale d’abaissement externe (A’B’) (fig. 1.a). Le muscle tibial antérieur est renforcé dans la diagonale d’élévation interne (B’A’)

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(fig. 1.b). Le tibial postérieur est renforcé dans la diagonale d’abaissement interne (C’D’). Les extenseurs sont renforcés dans la diagonale d’élévation externe (D’C’). La technique utilisée est l’inversion lente avec rebond. Ce sont des mouvements dans toute l’amplitude de la diagonale choisie, en aller-retour sans temps d’arrêt, avec augmentation de la vitesse d’exécution dans le mouvement aller, puis retour (action frénatrice réflexe de ce dernier mouvement). Cet exercice se fait en séries de 4 à 5 mouvements.

La diagonale d’abaissement externe (C’D’) avec double pivot, départ genou fléchi (intérêt : ne pas déclencher de douleur radiculaire à la flexion de hanche, genou tendu) est utilisée pour le travail des grand, moyen et petit fessiers, du TFL, des ischio-jambiers et quadriceps en co-contraction (même rôle que dans la marche [8]), du triceps sural, des long et court fibulaires, et des fléchisseurs des orteils. Les doigts de la main caudale du thérapeute appliquent une pression sur la face plantaire interne du pied et des orteils, et le pouce se place sur le bord externe du pied. Avec l’autre main le thérapeute vient chercher la face antérieure de jambe, et son avant-bras se plaque contre la face postéro-externe de cuisse (fig. 2). Le DC est d’abord montré passivement à la patiente, puis en actif aidé, puis la patiente le réalise activement. La technique des contractions répétées a été décrite pour des muscles cotés de 2 à 4 au TI. C’est une série de 5 à 8 contractions portant sur un groupe musculaire prédéfini, avec des progressions dans le sens de l’augmentation de la résistance et de la vitesse de contraction. Chaque contraction est précédée d’un réflexe myotatique qui se fait en flexion dorsale-supination-compression de cheville et/ou flexion-compression du genou, dépendant des muscles ciblés. Le commandement d’action (CA) est : « Allongez le pied, poussez… relâchez », la vitesse augmentant ce CA devient : « étendez, relâchez ». Par souci de stabilité du bassin (le but est d’éviter les douleurs d’apparition brutale et les mouvements de torsion lésionnels pour les disques intervertébraux), il est demandé à la patiente de réaliser le même DC avec le MID, en poussant contre le rembourrage de la table d’examen (fig. 3 a et b).

Figure 1 - a) diagonale A'B', b) diagonale B'A'

Figure 2 - Prises du thérapeute pour la diagonale C'D'

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Les muscles de la loge antéro-externe de jambe sont souvent dénommés « muscles releveurs du pied ». Cette dénomination est correcte mais incomplète. Au cours de la marche, ils possèdent quatre actions différentes [9] : ils sont d’abord freinateurs de l’abattée en appui taligrade, puis ils sont stabilisateurs du mât jambier en appui plantigrade, ils sont releveurs du

pied pendant la phase oscillante, enfin ils sont abaisseurs du talon, avant l’attaque de celui-ci au sol. Ces différents rôles seront pris en compte dans les différents exercices proposés.

Mme E est en position demi-assise, hanche fléchie à environ 45°, et genou fléchi à environ 90°. Le thérapeute saisit le segment jambier par sa main caudale avec le pouce au niveau des tendons des releveurs, et empaume la face supérieure du genou avec son autre main afin de stimuler l’action par le phénomène de pression positive à l’appui. Le premier exercice consiste à stimuler les muscles dans leur fonction d’abaisseurs de talon ; pour cela le pied de la patiente est posé à plat sur la table. La consigne est : « Vous devez planter votre talon le plus fort possible dans la table et reposer le pied doucement » (fig. 4). Le but de l’exercice est un travail

d’abord concentrique (1 seconde) puis excentrique (1 seconde) de ces muscles. L’exercice est répété une dizaine de fois avec un temps de repos d’environ 2 secondes entre chaque exercice.

Le deuxième exercice est le travail du rôle freinateur de

l’abatée (fig.5). Pour cela, le thérapeute enfonce le talon dans la table d’examen à vitesse lente dans un premier temps, puis de plus en plus rapidement. La consigne est : « Ne laissez pas votre pied claquer contre la table ». L’exercice est répété dix fois. En plus de l’accélération de la manœuvre, le thérapeute crée des feintes pour tromper la vigilance des muscles et l’anticipation de la patiente (travail sur un mode automatico-réflexe). Pour se faire, il amorce le mouvement et s’arrête avant de toucher la table.

Figure 3 - a) position de départ de la diagonale C'D' b) position d'arrivée.

Figure 4 - Exercice de planter du talon sollicitant les 'releveurs'.

Figure 5 - Exercice de freination de l'abatée

3a 3b

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La fonction de releveurs du pied est renforcée par des exercices au sein de diagonales de Kabat, pivot cheville, décrits précédemment.

6.1.2. En charge relative

L'action la plus évidente de l'immersion est la diminution apparente du poids du corps. Le

poids apparent (Pa) d'un corps immergé est égal à la différence algébrique entre le poids réel

(P) et la poussée d'Archimède (FA) qu'il subit (Pa=P−FA) [10]. Une immersion xyphoïdienne (Pa = 0,4 x P) permet l’efficacité de la fonction de soutien postural du MIG de Mme E. C’est donc à ce niveau d’immersion que les exercices proposés sont débutés. La patiente est installée pied gauche sur une petite marche, le pied droit n’est pas en appui. Elle a la possibilité de prendre un appui de deux doigts sur la barrière, pour maintenir son équilibre. Le travail recherché est une succession de contractions excentriques et concentriques des muscles de la chaîne de soutien postural du MIG. La consigne est : « vous devez venir lentement toucher le sol avec votre pied droit, sans le poser, puis remonter le plus possible ». Le thérapeute réalise une poussée vers le bas et l’avant sur le dos de la patiente pour que le muscle grand fessier travaille (fig. 6). L’exercice est répété 10 fois et suivi d’un temps de repos actif (marche en immersion). Le travail de cette fonction d’appui se fait progressivement en immersion décroissante.

Des exercices de mise en charge sur le MIG sont également entrepris en salle. Les balances sont disposées entre les barres parallèles de manière à ce que la patiente soit en position de fente avant lors de l’exercice, respectant la position des membres inférieurs lors du transfert de charge. La consigne est : « Venez prendre appui à 15 kg sur la jambe gauche, puis revenez sur la jambe droite ». La mesure du poids par la balance sert de feed-back pour la patiente. En progression, il sera demandé à la patiente un appui plus conséquent sur le MIG (fig. 7). Le but pour elle est, dans un premier temps de réussir l’appui unipodal gauche, sans l’aide des membres supérieurs, puis de résister à la composante verticale de la force d’appui à l’attaque du talon au sol pendant la marche, variant de 110 à 120 % du poids du corps [8].

Figure 6 - Exercice sollicitant les muscles de la chaîne de soutien postural du MIG

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6.1.3. En charge

En milieu de prise en charge, les muscles les plus faibles ont également été sollicités dans leur physiologie de chaîne cinétique fermée (CCF). Mme E doit réaliser la séquence de marche demandée en luttant contre la poussée du thérapeute. Cette poussée s’effectue à partir du bassin. La direction de la poussée sera développée au cas par cas. Pour le moyen fessier, la séquence choisie est le moment où les orteils du pied droit décollent du sol, en rapport avec sa physiologie au cours de la marche. La poussée du thérapeute se fait vers le bas et légèrement vers l’arrière,

pour faciliter son rôle de rotateur pelvien (fig. 8).

En position de fente avant, le tibial antérieur sera sollicité en CCF par une poussée vers l’arrière et la gauche (par rapport à la patiente) ; le tibial postérieur par une poussée vers l’avant et la gauche (fig. 9) ; et les fibulaires par une poussée vers l’avant et la droite.

6.2. Diminution des phénomènes douloureux

6.2.1. Technique physique

Les points de Valleix sont des points situés le long d’un trajet nerveux (sciatique par exemple) [11]. Chez Mme E, les points sacro-iliaque, fessier, fémoral supérieur et poplité sont retrouvés douloureux (fig. 10). Des techniques de pressions statiques plus ou moins associées à des vibrations sont alors effectuées sur ces points.

Figure 7 - exercice de mise en charge sur le MIG avec feedback

Figure 8 - Travail du moyen fessier en CCF

Figure 9 - Travail du tibial postérieur en CCF

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6.2.2. Technique d’électrothérapie

En électrothérapie, les courants diadynamiques sont indiqués sur toute douleur aigüe accompagnée de réactions inflammatoires. Un courant ondulatoire biphasique à moyenne nulle dont la fréquence est de 100 Hz, et de modulation d’amplitude en longue période, sont donc utilisés. Ces modalités sont utilisées pour éviter le phénomène d’accoutumance. Deux électrodes de surface sont placées sur la patiente. La première se situe au niveau du point sacro-iliaque et la seconde au niveau du point fémoral supérieur [12,13].

L’électrothérapie ne sera pas faite sur des zones douloureuses et hypo-esthésiées pour ne pas créer d’activation afférente éphaptique [14].

6.2.3. Technique d’étirements myo-fasciaux

Sont entrepris des étirements des muscles retrouvés hypo-extensibles à l’examen de Mme E. La composante de tenu-relâché est parfois nécessaire pour réduire la tension active, ou contraction de défense, des muscles antagonistes au mouvement limité. Le principe neuro-physiologique réside alors dans le temps de relâchement musculaire plus important qui suit la contraction de ce muscle (période réfractaire). Le muscle hypo-extensible est toujours préalablement échauffé par des contractions successives augmentant la température corporelle locale et diminuant ainsi la visco-élasticité du muscle ou résistance passive à l’étirement [15]. Puis les segments sont placés dans le secteur articulaire limité. Le thérapeute maintient alors un étirement en tension passive du muscle ou groupe musculaire ciblé. La patiente doit ensuite effectuer une contraction isométrique de faible intensité de ce muscle pendant 2 à 4 secondes sur le temps inspiratoire, puis se relâcher en soufflant. Le thérapeute tient alors la position. Après obtention du relâchement complet, il essaie de gagner quelques degrés d’amplitude en fin d’expiration, c’est la phase d’étirement. Le thérapeute recommence ce cycle en repartant toujours de la position d’étirement maximal.

Figure 10 - Points de Valleix au membre inférieur [11]

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Pour l’étirement du triceps sural, Mme E est en position de décubitus dorsal, le genou gauche est en extension (car les muscles gastrocnémiens sont bi-articulaires). Le thérapeute saisit le talon par la main caudale en une prise englobante, son avant-bras étant en appui sur la face plantaire du pied pour lui donner un plus grand bras de levier et une meilleure efficacité. Il effectue une contre-prise sus-malléolaire de sa main crâniale poussant vers le bas et créant ainsi un couple de force. La position de départ est en flexion dorsale maximale (fig. 11).

Pour l’étirement des muscles ischio-jambiers, Mme E est en position de décubitus dorsal. Sa hanche est fléchie à 90° (muscles bi-articulaires). Le thérapeute saisit le segment jambier par sa main caudale (plus la prise est distale, plus grand est le bras de levier). Sa contre-prise est très large, entourant la cuisse par son membre supérieur crânial et visant à l’immobiliser. La position de départ de l’exercice est l’extension de genou maximale (fig.12).

Pour l’étirement des muscles droits fémoraux, Mme E est en position de procubitus, qui donne un accès aux deux côtés sans changement de position. Le thérapeute saisit le segment jambier par sa main caudale. De sa main crâniale, il effectue une contre-prise main à plat sur le sacrum, afin de limiter l’antéversion du bassin lors de la flexion du genou. La position de départ est la flexion maximale du genou.

6.3. Education de la patiente aux risques liés aux troubles sensitifs

La patiente devra surveiller plusieurs fois par jour les points d’appui sur les zones hypo-esthésiées. Au lit, elle devra faire attention au risque d’escarre talonnière. La chaussure gauche sera méticuleusement fouillée avant chaque mise, pour ne pas laisser d’éléments blessants ou irritants à l’intérieur.

Figure 11 – Etirement des muscles gastrocnémiens avec

tenu-relâché

Figure 12 – Etirement des muscles ischio-jambiers

avec tenu-relâché

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6.4. Prévention secondaire

Les notions d’économie du rachis dans la vie de tous les jours sont également abordées. Mme E a déjà des connaissances sur ce sujet mais il est bon de lui rappeler que le dos peut bouger. Le verrouillage sélectif (dans le temps et dans l’espace) est important. La progression effectuée suit l’axe pédagogique de la prophylaxie vertébrale selon le principe du verrouillage-déverrouillage [16]. Il se décompose en cinq points, comprendre la mécanique des éléments anatomiques en présence, voir sur le thérapeute, sentir sur elle-même, répéter avec le thérapeute, et intégrer le nouveau comportement vertébral. Ces différents points sont donc travaillés un par un avec Mme E, qui acquièrent rapidement les notions enseignées.

6.5. Rééducation sensitive

Le 12/10/2008, Mme E a commencé à ressentir des douleurs inhabituelles à l’appui du pied gauche au sol, avec une sensation de goudron ou de gravier sous le pied (allodynies). Le but recherché n’est pas de développer la récupération de la sensibilité algique, mais de créer des phénomènes d’habituation à la douleur. Il est alors entrepris une désensitization barométrique (fig. 13) à l’aide de séries de pressions plantaires à la limite du seuil douloureux (d’après le ressenti de la patiente). Le thérapeute applique ces pressions avec la pulpe du pouce pendant environ cinq minutes 3 fois par jour. Il est également conseillé à la patiente de participer activement à sa désensitization en lui faisant faire ces pressions 2 à 3 fois 5 minutes dans la journée. L’intérêt réside dans le dosage très précis de la pression qu’elle appliquera.

7. Résultats de la prise en charge

Au 16/10/2008, le renforcement musculaire est objectivé par un testing où tous les muscles sont cotés à 4 ou plus sauf le triceps sural coté à 2+ (Annexe 4). Seul le grand fessier n’a pu être testé dans les conditions décrites dans le testing international [17] en raison d’une douleur soudaine à l’extension de hanche en procubitus. La technique choisie est l’évaluation du pourcentage de force du muscle Grand Fessier gauche par rapport au droit, et la déduction d’une cotation correspondante [18]. Un système poids-poulies est alors réalisé en circuit mouflé (Annexe 5). La fonction d’appui du MIG s’est nettement améliorée, et on note que l’appui maximal sur plateforme stabilométrique est de 55 kg.

Figure 13 – Désensitization barométrique avec la pulpe du pouce

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Les douleurs se sont atténuées, puisque celles qui étaient les plus importantes sont passées de 5 à 3/10 à l’EN et l’angulation d’apparition des douleurs pendant le test de Lasègue est passée de 40° à 80°. Elles se sont également centralisées, ce qui constitue un bon pronostic de récupération [19]. Cependant, le 12/10, sont apparues des allodynies sur la plante du pied, phénomène invalidant et nécessitant une désensitization barométrique.

A ce jour, Mme E marche sans releveur, enlevé dès le 08/10, mais conserve une boiterie d’esquive d’appui compensée par l’utilisation de deux cannes anglaises. La cause principale de cette boiterie est maintenant l’existence des allodynies.

8. Discussion

Les difficultés rencontrées lors de la prise en charge de Mme E sont liées :

Aux troubles bipolaires : le changement d’humeur au cours des séances constituait parfois un frein à la rééducation. Mme E passait d’un état euphorique et dispersé (à la vue des récupérations objectives) à une tristesse profonde avec pleurs (en lien avec ses difficultés de réalisation des exercices). Les séances se faisaient donc en général à l’écart des autres patients, dans une pièce calme pour limiter au maximum la dispersion et favoriser la concentration de Mme E. L’écoute du thérapeute dans les phases mélancoliques est primordiale afin de faire adhérer la patiente au projet de rééducation.

Aux douleurs sciatiques résiduelles et leurs conséquences sur les principes de précaution à respecter lors des exercices. Les exercices ont donc été élaborés en tenant compte de ces séquelles algiques.

L’exercice d’étirement myo-fascial des muscles ischio-jambiers ressemble dans le positionnement du sujet à un étirement neuro-méningé du nerf sciatique. En effet, ce type d’étirement est décrit dans la littérature dans un but de diminution du risque de fibrose serrée. Mais une étude britannique réalisée sur 81 patients opérés de laminectomie et discectomie [20] ne donne pas de résultat encourageant quant aux techniques neuro-dynamiques.

Concernant le risque de récidive

L’exercice selon la méthode de Kabat, où la patiente réalise un abaissement externe dynamique gauche et un abaissement externe statique droit, avait un double but. Premièrement, il s’agissait d’éviter l’apparition d’une douleur brutale, qui eût été un frein à la rééducation et un facteur négatif d’un point de vue psychologique. Secondairement, il s’agissait d’éviter les contraintes sur l’étage lésé, ici en évitant les mouvements de torsion par rotation pelvienne droite. Ce second point vient s’inscrire dans la liste des principes de prévention secondaire et lutte contre la récidive.

Il est communément admis un chiffre de 0,5% de récidive vraie, c'est-à-dire au même étage, après cure de hernie discale de l’étage L5-S1 [21]. En effet ce disque s’enraidit plus précocement dans l’histoire de l’être humain, laissant la mobilité principale au disque sus-jacent. Il est probable que dans certaines conditions de dégénérescence discale rapide

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(…), la perte fonctionnelle du disque s’accompagne d’une augmentation des contraintes

sur les plateaux vertébraux. En l'absence du processus normal d'enraidissement, lié au

vieillissement du segment mobile intervertébral, ces modifications fonctionnelles du disque

provoquent, dans une première phase, une inflammation des plateaux vertébraux avec

hyper vascularisation et ossification réactionnelle (…). Secondairement l'enraidissement

progressif du disque et la diminution des sollicitations anormales sur les plateaux

vertébraux entraînent une diminution de leur état inflammatoire avec évolution vers un

aspect dégénératif stable [22].

Pour diminuer autant que faire se peut le risque de récidive, il faudrait donc favoriser l'enraidissement naturel du disque L5-S1, c'est-à-dire ne pas chercher à forcer sur l'assouplissement en post-opératoire proche, mais plutôt de favoriser l'utilisation économique du rachis par un travail au niveau des membres inférieurs et l'acquisition de notion d'hygiène lombaire et de mesure de protection vis à vis du rachis. Avec le recul, il pourrait être intéressant de réactualiser la méthode de verrouillage de Troisier.

La technique de stretching peut également être utilisée pour lutter contre le « syndrome du pyriforme ». Cependant, Busquet écrit que cette douleur qualifiée de syndrome du pyriforme serait en rapport avec une hypo-extensibilité des muscles longs (psoas et ischio-jambiers), et qu’il faudrait donc avant tout étirer ces muscles.

9. Conclusion

Mme E a été hospitalisée au Centre Hospitalier de Maubreuil pour la rééducation post-opératoire des séquelles de sa sciatique paralysante. Mon intervention au début de son hospitalisation a eu pour but de lui faire retrouver une marche physiologique en facilitant sa récupération neuro-motrice et en tenant compte du facteur algique. La rééducation mise en œuvre a ainsi suivi une progression dans le degré de mise en charge sur le membre inférieur gauche. Les résultats de cette phase de prise en charge sont un renforcement musculaire global du membre inférieur gauche avec récupération incomplète de sa fonction d’appui, une marche avec boiterie d’esquive d’appui, et une diminution nettes des phénomènes algiques. A court terme, la priorité est la poursuite de la récupération neuro-motrice, la normalisation des troubles sensitifs et l’acquisition d’une marche de plus en plus physiologique. A plus long terme, les objectifs seront adaptés au degré de récupération de Mme E. Le travail sur l’hygiène rachidienne est un point clé de la rééducation car il permet la diminution du risque de récidive [16].

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Références bibliographiques :

[1] FELTEN DL, JOZEFOWICZ RF. Relations anatomiques entre racines spinales et vertèbres. In : Atlas de neurosciences humaines de Netter, neuroanatomie, neurophysiologie. Traduit par KUBIS N. Masson, 2007. p 87.

[2] VIEL E, DANOWSKI G, BLANC Y, CHANUSSOT JC. Bilans articulaires goniométriques et cliniques : généralités. Encyclopédie Médico-chirurgicale. 26-008-A-10, 1990.

[3] NETTER FH. Atlas d’anatomie humaine, 3ème éd, traduit de l’anglais par Pierre Kamina. Masson, 2004. p 525.

[4] SPICHER C. Le questionnaire de la douleur Saint-Antoine version HSF. In : Manuel de

rééducation sensitive du corps humain. Paris : Médecine & Hygiène, 2003. p 196.

[5] DUFOUR M, PILLU M. Biomécanique fonctionnelle, membres, tête, tronc. Masson, 2006. p 131.

[6] CURRALADAS J. Enquête sur les récidives de lombosciatiques opérées. Kinésithérapie Scientifique, n°377, Paris, Masson, Avril 1998.p 7-10.

[7] VIEL E. La méthode de Kabat, 3ème éd. Paris : Masson, 1978. 142 p. Monographies de Bois Larris.

[8] PLAS F, VIEL E. La marche humaine, kinésiologie dynamique, biomécanique et pathomécanique. Paris : Masson, 1975.

[9] VIEL E. La marche humaine, la course et le saut. Paris : Masson, 2000. 267 p.

[10] KEMOUN G, DURLENT V, VEZIRIAN T, et al. Hydrokinésithérapie. Paris : EMC (Elsevier-Masson), Kinésithérapie – Médecine Physique – Réadaptation 26-140-A-10, 1998.

[11] BOUREAU F, WILLER JC. La douleur : exploration, traitement par neurostimulation, électro-acupuncture. Paris : Masson, 1979. 113 p.

[12] CREPON F, DOUBRERE JF, VANDERTHOMMEN M, et al. Electrothérapie-électrostimulation. Paris : EMC (Elsevier-Masson SAS), Kinésithérapie – Médecine Physique – Réadaptation 26-145-A-10, 2007.

[13] GOUILLY P, PETITDANT B. ‘’lombalgies et sciatalgies’’ In : comprendre la kiné en rhumatologie. Paris : Masson. 2006

[14] FELTEN DL, JOZEFOWICZ RF. Les mécanismes de la douleur neuropathique et de la douleur continue sympathique. In : Atlas de neurosciences humaines de Netter,

neuroanatomie, neurophysiologie. Traduit par KUBIS N. Masson, 2007. p 219.

[15] ESNAULT M, VIEL E. Stretching, auto-entretien musculaire et articulaire. Paris : Masson, 1998. p XI-XIII.

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[16] TROISIER O, DORARD A, REDONT MJ. Education vertébrale, verrouillage, déverrouillage : pédagogie et techniques. Paris : Masson, 2002. Collection le point en rééducation. 138 p.

[17] HISLOP H, MONTGOMERY J. Le bilan musculaire de Daniels et Worthingham, technique de testing manuel. 6ème éd. Traduit par VIEL E. Paris : Masson, pour la traduction française, 2000. 437 p.

[18] KENDALL HO, KENDALL FP, WADSWORTH GE. Les muscles, bilan et étude fonctionnelle, 2ème éd. Paris : Maloine, 1981. p 11.

[19] GABOR S. Débat confraternel sur la lombalgie: Méthode McKenzie. Première journée de formation continue de kinésithérapie, la revue, Paris, 19-20 janvier 2007.

[20] SCRIMSHAW SV, MAHER CG. Randomized controlled trial of neural mobilization after spinal surgery. Spine, 15 décembre 2001, 26, 24, 2647-2652.

[22] CHATAIGNER H, ONIMUS M, POLETTE. La chirurgie des discopathies lombaires : Faut-il greffer le disque noir ?. Revue de chirurgie orthopédique 1998, 84, 583-589.

Sites internet consultés :

[21] COMMARMOND. Quand faut-il opérer une sciatique par hernie discale ?. [en ligne] disponible sur (http://www.jacquescommarmond.com/sciatique-et-lombalgie.html). (consulté le 08.10.2008).

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Annexe 1 :

Dans le cas de Mme E ; la hernie L5-S1 s’est exclue et a migrée vers le haut. Le schéma ci-dessous permet de comprendre le mécanisme de la hernie et la double atteinte radiculaire.

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Annexe 2 :

Cartographie de la douleur de Mme E au 01/10/2008

Face plantaire

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Annexe 3 :

Rappel sur les diagonales de Kabat

Diagonales B’ vers A’ (élévation

externe) et A’ vers B’ (abaissement interne).

Diagonales D’ vers C’ (élévation interne) et C’ vers D’ (abaissement

externe).

Physiologie musculaire

B’����A’ : TFL, petit fessier, droit fémoral, quadriceps, extenseur commun des orteils, intrinsèques du pied.

A’����B’ : grand fessier, pelvi-trochantériens, grand adducteur, ischio-jambiers, tibial postérieur, triceps sural, longs et courts fléchisseurs des orteils, intrinsèques du pied.

D’����C’ : psoas, pelvi-trochantériens, droit fémoral, adducteurs, quadriceps, tibial antérieur, extenseur propre de l’hallux, intrinsèques du pied.

C’����D’ : 3 fessiers, ischio-jambiers, long et court fibulaires, longs et courts fléchisseurs des orteils, intrinsèques du pied.

Position d’abaissement

Hanche : extension, adduction, rotation externe.

Genou : extension.

Cheville : flexion plantaire, adduction, supination.

Hanche : extension, abduction, rotation interne.

Genou : extension.

Cheville : flexion plantaire, abduction, pronation.

Position d’élévation

Hanche : flexion, abduction, rotation interne.

Genou : extension.

Cheville : flexion dorsale, abduction, pronation.

Hanche: flexion, adduction, rotation externe.

Genou: extension.

Cheville: flexion dorsale, adduction, supination.

Les prises sont à adapter selon le pivot choisi et selon le ou les groupes musculaires ciblés.

Les réflexes myotatiques sont des facilitations et portent donc sur le groupe musculaire faible ciblé.

Le commandement d’action doit être clair et bref, la dernière syllabe est accentuée et constitue le signal de départ.

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Annexe 4 :

Le but est d’évaluer le pourcentage de force du muscle Grand Fessier (GF) gauche par rapport au droit. Un système poids-poulies est alors réalisé (en circuit mouflé). Le poids des deux membres inférieurs étant considéré identique.

Procédé :

� Calculer le poids du MIG en trouvant l’équilibre d’un montage poids-poulie simple, dont la poulie se trouve à la verticale de l’extrémité distale du MIG (P = 4.35 kg)

� Evaluer la masse maximale que peut soulever le GF droit (MD = 35.5 - 4.35 = 31.15 kg), le test n’est validé que si la patiente arrive au moment de force.

� Evaluer la masse maximale que peut soulever le GF gauche (MG = 31.5 – 4.35 = 27.15 kg),

� Calcul du pourcentage (PG = (MGx100)/MD. = 87.2 %),

� Relation entre pourcentage de force et cotation au T.I. (87.2 % = 4) [17].

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Annexe 5 :

Ce tableau présente l’évolution des cotations musculaires entre le début (01/10/08) et la fin (16/10/08) de la prise en charge de Mme E. La majorité des muscles a retrouvé une force normale ou subnormale. Il est important de noter la faiblesse du triceps sural, d’innervation majoritaire S1 (surligné en rouge dans le tableau).

Racines Muscle(s) Cotation au 01/10/08

Cotation au 16/10/08

L2

Psoas-iliaque 3 5

Rotateurs Externes de hanche 3 4

Adducteurs 3 5

L3 Quadriceps 3 5

L4

Semi-tendineux et semi-membraneux 3 4

Petit Fessier 3 4

Tibial Antérieur 2 5

Tibial Postérieur 3 5

L5

Tenseur du Fascia Lata 2+ 4

Moyen Fessier 2+ 4

Long Fibulaire 2 5

Extenseur commun des orteils 3 5

Extenseur propre de l’hallux 4 5

S1

Grand Fessier 1+ 4

Biceps fémoral 3 4

Triceps Sural 2 2+

Court Fibulaire 2 5

Fléchisseur commun des orteils 2 5

Fléchisseur propre de l’hallux 4 5