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Physicians in Ancient EgyptTRANSCRIPT
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* Société internationale d’histoire de la médecine, 95120 Saint-Gratien, [email protected]
L e savoir médical égyptien s’est répandu grâce auxcontacts politiques et commerciaux qui menaientdes bords du Nil aux côtes du Levant, à l’ensemble
du monde grec, et à la Mésopotamie. Selon Hérodote,mais aussi selon les archives diplomatiques du temps, lesmonarques du Proche-Orient sollicitaient de Pharaon lesservices de médecins égyptiens à leur cour. Dès la fin duIIIe millénaire nous avons la preuve d’échanges commer-ciaux et médicaux avec la Crète minoenne ou Keftiou.1
Les médecins égyptiens et le monde helléniqueAux temps homériques, la médecine égyptienne est pré-éminente. La belle Hélène ne fait-elle pas usage « d’un
remède ingénieux dont la fille de Zeus avait eu le
cadeau de la femme de Thon, Polydamna d’Égypte.
Homère, dès le VIIIe siècle av. J.-C., décrit l’Égypte commela « terre féconde qui produit en abondance des dro-
gues… et où les médecins l’emportent en habilité sur
tous les autres hommes car ils sont les descendants de
Paeon » (le médecin des dieux de la mythologie grecque).2
Pour les Grecs, jusqu’au Ve siècle av. J.-C., le voyage enÉgypte était incontournable. « Les plus célèbres parmi
les savants ou les philosophes hellènes ont franchi la
mer pour chercher, auprès des prêtres, l’initiation à
de nouvelles sciences. Et s’ils n’y allèrent pas, leurs
biographes s’empressèrent d’ajouter aux épisodes
de leur vie ce voyage devenu aussi traditionnel que
nécessaire ».3
Hippocrate (460-377 av. J.-C.), fils et petit-fils de méde-cin, aurait, selon la légende, séjourné trois ans en Égypte,pour parfaire ses études de médecine. À Memphis, ilaurait eu accès aux papyrus conservés dans les per ânkh
ou maisons de vie, véritables bibliothèques préservéesdans les temples d’Imhotep et de Sérapis. Il aurait ainsienrichi ses connaissances en médecine et en l’art d’inter-préter les rêves.4
Des médecins égyptiens consultantsde notables étrangersDes personnages de haut rang venaient en Égypte pourconsulter les praticiens égyptiens les plus réputés.Parmi eux, Nebamon, scribe et médecin du roi Amen-hotep II (v. 1 400 av. J.-C.), relate sur les parois de satombe thébaine (T.T.17) la visite d’un prince syrien venului confier les problèmes de santé de son épouse souf-frante. Les soins prodigués furent appréciés et, pour l’honorer, le prince offrit à Nebamon de très riches présents portés par une multitude de ses serviteurs.5
Des médecins égyptiens dans les cours royales alliéesÉcrites en cunéiforme akkadien – la langue diplomatiquede l’époque –, des tablettes d’argile ont été découvertes àTell el-Amarna, en Moyenne-Égypte. Elles gisaient dansles ruines des archives royales de cette nouvelle capitale,édifiée en plein désert par Akhenaton. Pharaon quitte
Pendant les trois millénaires que dura la civilisation égyptienne, la notoriété de sa médecine et de ses médecins fut immense, jusqu’à ce que la médecine hippocratique la supplante peu à peu.
Le renom des médecins égyptiensdans le monde antique
par Bernard Ziskind *
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LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 64Novembre 20141326
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Thèbes et le puissant clergé d’Amon tombe en disgrâce.Aton, le disque solaire, devient le dieu unique de l’Égypteet Pharaon son seul prophète.Parmi ces tablettes, certaines témoignent de l’engoue-ment des princes alliés de l’Égypte pour ses médecins.L’une d’elles est adressée au pharaon lui-même pour luidemander l’envoi d’un médecin à la cour du Mitanni, poursoigner le prince Shama-Addas.6 Ce royaume situé dansla vallée du Haut-Tigre est alors un puissant allié de l’Égypte dans ses démêlées avec les Hittites. Pour renfor-cer cette alliance, Akhenaton épouse Kiya, princesse duMitanni, qui deviendra une grande épouse royale.Une supplique faite par Niqmad à Akhenaton est un autreexemple de cet engouement. Ce souverain d’Ougarit,riche cité-État du nord de la Syrie, lui écrit : « Mon maî-
tre, voudrais-tu envoyer deux pages de cour nubiens
et un médecin du palais ? Nous n’avons pas de méde-
cin ici ».7
La supériorité de la médecine égyptienne était alors telleque les médecins locaux se gardaient bien de traiter leurssouverains sans l’aval de leurs savants collègues desbords du Nil.En contrepartie, les cours étrangères participaient aubien-être de Pharaon. La statue de la déesse Ishtar, richeen magie, fut adressée par Toushratta, roi du Mitanni, àAménophis III vieillissant, afin « d’accorder longue vie
à Pharaon ».8
Les médecins de Pharaon et la puissance hittiteLes Hittites, maîtres de l’Anatolie, se heurtèrent à l’Égypte dès lors que l’ambition de ces deux puissancesse tourna vers les plaines de Syrie.9 La bataille de Qadesh(1275 av. J.-C.) voit s’opposer Ramsès II, en l’an 5 de son règne, au roi hittite Mouwatalli. Les faits nous sont connus, de sources égyptiennes, par le Poème de
Pentaour, une épopée à la gloire de Pharaon, que Ramsès II a fait graver sur les parois de ses sanctuaires(Abou Simbel, Louxor, Ramesseum), mais aussi par des textes hittites, de découverte plus récente. Ces deuxempires se disputaient depuis plusieurs siècles la supré-matie sur les pays du Levant. La bataille fut suffisammentincertaine pour conduire les belligérants à signer le célè-bre traité de paix égypto-hittite, dont la version égyp-tienne fut sacralisée par sa gravure sur les murs de Karnaket du Ramesseum. La version hittite est conservée aumusée archéologique d’Istanbul. Ce traité ouvrit dans la
région une longue période de stabilité. Il s’en suivit uneabondante correspondance diplomatique dont une partiea été retrouvée dans les ruines d’Hattousa, la capitale duroyaume hittite, en Anatolie centrale, sur le site actuel deBogâzköy. Plusieurs missives datées de l’an 40 du règnede Ramsès II font état de la demande de médecins égyp-tiens à Pharaon par le roi hittite Hattousil III. Ce souve-rain sollicite, dans l’une d’elles, un médecin pour traiter lastérilité de sa sœur. Seule la réponse embarrassée maistrès diplomatique de Pharaon à son « frère » le roi Hattou-sil III nous est connue : « Voyons maintenant, le cas de
Maranazi, la sœur de mon frère. Moi, le roi ton frère,
je la connais. A-t-elle 50 ans ? Pas du tout ! Elle en a
bien 60, à l’évidence !… Personne ne peut fabriquer
de médicaments lui permettant d’avoir des enfants.
Mais, naturellement, dans le cas où le dieu-soleil et le
dieu de l’orage le souhaitent… J’enverrai un bon
magicien et un médecin capables, et ils lui prépare-
ront quelques drogues pour la procréation. »
Dans une autre missive, le prince Kurunta, vassal d’Hattousil III, requiert, par le truchement de son suze-rain, l’intervention d’un médecin égyptien. Ramsès IIagrée à sa demande : « Alors, j’ai convoqué un scribe et
médecin, Pariamakku, pour préparer des plantes
pour Kurunta, roi du pays des Tarhuntas. Il réunit
toutes les plantes selon ce que vous m’avez écrit ».10
Les Hittites tenaient en haute estime l’art des Égyptiens à préparer les remèdes, comme en témoigne un autre
¿ Nebamon, médecin du pharaon Amenhotep II (vers 1 400 av. J.-C.),fastueusement honoré pour la consultation médicale de l’épouse d’unprince syrien (T.T.17).
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message mentionnant l’envoie par Ramsès II à Hattousil IIIde collyres à base de plantes pour les problèmes ophtal-miques dont il souffrait. Notons que, là, la présence dumédecin ne fut pas requise.
La stèle de BentreshDécouverte par Champollion en 1828 dans le temple deKhonsou à Karnak, cette stèle est actuellement conser-vée au musée du Louvre. Les faits qu’elle rapporte seseraient déroulés lors d’un séjour de Ramsès II au Levant.Le prince de Bakhtan offre en mariage au pharaon sa filleaînée, qui deviendra reine d’Égypte sous le nom de Néfé-rouré. Sa sœur cadette, la princesse Bentresh, souffraitd’un mal considéré comme incurable par les médecinslocaux.11 Une ambassade est dépêchée auprès de Pha-raon pour implorer une assistance médicale. Le scriberoyal et médecin Djehoutiemheb est délégué mais il ne peut que constater la gravité de l’état de santé de laprincesse : elle est la victime d’un génie malin rebelle aux médications habituelles. Seule l’intervention de« Khonsou qui gouverne dans Thèbes » serait suscep-tible de la sauver. La statue de ce dieu est envoyée par ses prêtres, dans sa barque sacrée. Elle mettra 1 an et 5 mois pour parvenir à Bakhtan. Sa présence se révélarapidement bénéfique car la princesse Bentresh recouvrala santé. Le succès fut si probant que le prince garda la statue chez lui plus de 3 ans jusqu’à ce qu’un rêve lepersuade de la relâcher en la dotant de nombreuxcadeaux pour le temple du dieu.Ce récit est un remarquable « faux historique » créé deuxsiècles plus tard par le clergé du dieu thébain Khonsou,vraisemblablement sous la XXIe ou la XXIIe dynastie.11 Son
but était de magnifier ce dieu et de rehausser son pres-tige ainsi que celui de son clergé. Cependant il existe desbases historiques à cette fiction : Ramsès II a bien épouséune princesse hittite, la grande épouse royale Maâthor-néférourê. À cette époque, un certain Djehoutiemhebexerce la médecine. La barque de Khonsou a bien étéenvoyée au roi Hattousil III pour soigner un de ses proches.12 Le Bakhtan sous-entend probablement leHatti, le royaume hittite, pour les auteurs de cette stèle.
Les médecins égyptiens et l’empire perseCyrus, le fondateur de l’empire perse achéménide, avaitbénéficié des soins d’un spécialiste des yeux que lui avaitadressé Amasis, dernier pharaon de la XXVIe dynastie.Selon Hérodote, ce médecin, fort mécontent d’avoir étéainsi expatrié loin de sa femme et de ses enfants, intriguacontre Amasis, suggérant à Cambyse, le fils de Cyrus, l’intérêt d’envahir l’Égypte. Amasis vaincu (526 av. J.-C.),Cambyse annexa l’Égypte, fondant la XXVIIe dynastie quidurera 120 ans (de 525 à 404 av. J.-C.). Toujours selonHérodote, le fils de Cambyse « Darius avait coutume
d’attacher à sa personne les médecins égyptiens les
plus réputés ».13 Mais il rapporte aussi, avec une certaineironie, un échec des médecins égyptiens à la cour dugrand roi. À la suite d’une chute de cheval, Darius se fitune entorse de cheville. « Le roi était persuadé depuis
longtemps qu’il était entouré des médecins égyptiens
les plus habiles dans l’art de guérir et il eut recours à
eux. Mais ils voulurent réduire l’entorse par la force,
et ne firent qu’aggraver ses souffrances. » Démocèdede Crotone, « médecin et de son temps le plus habile
√ Tablette en cunéiforme
akkadien. Archives
diplomatiquesd’Akhenaton
à Tell el-Amarna.
¬ Traité égypto-hittite, premier traité de paix entre deux grandes puissances (vers 1 283 av. J.-C.).Musée archéologique d’Istanbul.
√ Stèle de Bentresh, princesse de Bakhtan,
découverte par Champollion. Musée du Louvre.
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Le renom des médecins égyptiens dans le monde antique
en son art », fut alors appelé au chevet du roi. Il réussit à le soulager « par des lénifiants, selon les recomman-
dations de la médecine grecque ». Darius, furieux d’avoir été si mal soigné, condamna les praticiens égyptiens au pal, mais Démocède, fort de sa nouvellenotoriété, intercéda en leur faveur et obtint pour eux laclémence du roi.14
Oudjahorresnet nous est connu par une statue naophore(c’est-à-dire qui porte une figure de temple), conservéeau musée du Vatican. Elle est recouverte d’inscriptionsautobiographiques. Haut fonctionnaire du pharaonPsammétique III, puis d’Amasis, il livre aux Perses laflotte égyptienne, dont il avait le commandement, lors del’invasion de l’Égypte par Cambyse. En reconnaissancedes services rendus, « Sa Majesté m’assigna la fonction
de Grand des médecins, et me fit vivre auprès d’elle
en qualité de compagnon et de directeur du palais »,peut-on lire sur sa statue. Après la mort de Cambyse
(522 av. J.-C.), son successeur, Darius, le charge de ren-dre à la médecine égyptienne son prestige et de restaurerla per ânkh de Saïs, un des centres du savoir de l’Égypte,qui est tombée en décadence après la chute de la dynas-tie saïte. Il accomplit sa mission avec zèle et veille parti-culièrement à l’enseignement de la médecine. Il place lesétudiants sous la direction de savants compétents, leuraccorde toutes les facilités pour leurs travaux selon lesdésirs de Darius : « Sa Majesté le fit car elle connaissait
l’importance de l’art de faire vivre tout malade et
pour faire durer le nom de tous les dieux. »15
ConclusionLa réputation des médecins égyptiens dans le mondeantique était à la hauteur du savoir dans l’art de guérirqu’ils avaient acquis en trois millénaires et transmis degénération en génération grâce à une écriture apparuevers 3 100 av. J.-C. Selon des sources écrites, les souve-rains du Proche- et du Moyen-Orient les sollicitaient àleur cour.Ces médecins entrèrent ainsi en contact avec les prati-ciens locaux qui diffusèrent la suprématie du savoirmédical égyptien dans le pourtour méditerranéen.C’est la médecine grecque, à son apogée au Ve siècle av. J.-C., qui supplantera peu à peu la prééminence des méde-cins égyptiens dans l’art de guérir leurs semblables.•
RÉFÉRENCES
1. Ziskind B. Les racines égyptiennes de la médecine grecque.
Rev Prat 2013;63:142-5.
2. L’Odyssée, IV, 229-32.
3. Sauneron S. Les prêtres de l’Ancienne Égypte. Paris: Le Seuil, 1957:111.
4. Martiny M. Hippocrate et la médecine. Paris: Fayard, 1964:63.
5. Lefebvre G. Essai sur la médecine égyptienne de l’époque pharaonique.
Paris: PUF, 1956.
6. Jonckeere F. Les médecins de l’Égypte pharaonique. Bruxelles:
Fondation égyptologique Reine Elisabeth, 1958:81.
7. Ghalioungui P. La médecine des pharaons. Paris: Robert Laffont, 1983:77.
8. Boulu G. Le médecin dans la civilisation de l’Égypte pharaonique.
Thèse de doctorat en médecine. Amiens, 1990.
9. Rachet G. Dictionnaire de la civilisation égyptienne. Paris: Larousse-Bordas, 1998.
10. Kitchen KA. Ramses II. Le pharaon triomphant. Monaco: Les Éditions du Rocher,
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11. Barbotin Ch, David E. L’ABCdaire de Ramsès II. Paris: Flammarion, 1997:42.
12. Morschauser SN. Using History: Reflexions on the Bentresh Stela. S.A.Z.;
1088, 15:203-22.
13. Hérodote, Thucydide, Œuvres complètes. Trad. D’Hérodote par Barguet A.
Paris : Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1964, III:130.
14. Halioua B. Ziskind B. La médecine au temps des pharaons.
Paris: Liana Levi, 2002:200.
15. Drioton E, Vandier J. L’Égypte. Paris: PUF, 1984.
¿ Oudjahorresnet, « Grand » des médecins de Cambyse et Darius(XXVIIe dynastie perse), grand rénovateur de « l’université » de Saïs, le « Robert de Sorbon » de l’époque. Musée du Vatican.
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