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Réflexion sur l'autonomisation des projets locaux : Analyse de la dynamique du
Groupe d'Action Locale "Pays des Condruses"
Auteur : Doutrepont, Adrien
Promoteur(s) : Stassart, Pierre M
Faculté : Faculté des Sciences
Diplôme : Master en sciences et gestion de l'environnement, à finalité spécialisée en interfaces sociétés-environnements
Année académique : 2016-2017
URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/3194
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Faculté des Sciences
Département des Sciences et Gestion de l’Environnement
Unité SEED
Réflexion sur l’autonomisation des projets locaux
Analyse de la dynamique du Groupe d’Action Locale
« Pays des Condruses »
Mémoire présenté par Adrien Doutrepont
en vue de l’obtention du grade de Master en Sciences et Gestion de
l’Environnement, à finalité spécialisée Interfaces Sociétés-Environnement
Rédigé sous la direction de M. Pierre Stassart
Année académique 2016-2017
Comité de lecture : M. Jean-François Pêcheur, Mme. Marlène Feyereisen
« Penser global, agir local »
René Dubos, 1972
Remerciements
Je tiens à remercier l’ensemble des professeurs et assistants de l’équipe SEED pour leur
enseignement tout au long de cette dernière année d’études et plus particulièrement
M. Pierre Stassart, mon promoteur, pour ses conseils avisés.
Je tiens également à remercier mon amie Elodie Duckers et ma sœur Catherine pour le
temps passé à corriger ce mémoire et pour leur soutien durant la rédaction.
Un énorme merci à mes deux amies, Céline et Delphine, pour leur aide précieuse et les
séances de rédaction collectives.
Merci aux personnes qui ont été interviewées et sans lesquelles ce travail n’aurait pu
être réalisé.
Merci à Jean-François Pêcheur et aux membres du GAL du Pays des Condruses, pour
leur accueil et leur disponibilité.
Tables des matières
Introduction ............................................................................................................................. 1
Chapitre 1 : Objectifs de recherches et corpus théorique ............................................... 3
1.1. Objectifs de recherche ........................................................................................... 3
1.2. Méthodologie ......................................................................................................... 5
1.3. Source des données ............................................................................................... 8
1.4. Cadre de l’étude .................................................................................................. 10
Chapitre 2 : L’approche LEADER ...................................................................................... 11
2.1. Le programme LEADER .................................................................................... 11
Chapitre 3 : Projets étudiés : Ochain Energie et Point Vert ......................................... 19
3.1. Analyse de la dynamique du projet « Ochain Energie » ............................... 20
3.2. Analyse de la dynamique du projet « Point Vert » ........................................ 35
3.3. Conclusion de chapitre ....................................................................................... 48
Chapitre 4 : Analyse de la dynamique du GAL du Pays des Condruses ................. 50
4.1. Ochain Energie et Point Vert : ..............................................................................
deux innovations sociotechniques radicales ................................................... 50
4.2. Le GAL : un espace de protection active ......................................................... 51
4.3. Le GAL : animateur du territoire et coordinateur de réseau ........................ 53
4.4. Empowerment – Autonomisation .................................................................... 62
4.5. Conclusion de chapitre ....................................................................................... 66
Discussion : Ochain Energie et Point vert : deux projets bien différents ................ 68
Conclusion ............................................................................................................................. 72
Bibliographie et sources........................................................................................................ 74
Annexes ................................................................................................................................... 79
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
1
Introduction
Le sujet de mon mémoire de fin d’études s’inscrit dans ma volonté de comprendre
comment les citoyens peuvent participer au développement de leur territoire.
Agronome de formation, les territoires ruraux et notamment les synergies entre les
acteurs et la nature m’intéressent depuis de nombreuse années. Mon passage à
l’université de Liège en Sciences et Gestion de l’Environnement m’a permis
d’alimenter ma réflexion sur le rôle que peuvent avoir les espaces ruraux dans le
développement durable et les transitions écologiques. Plus précisément, la finalité
« Interface société Environnement » a éclairé ma vision du développement rural en y
ajoutant notamment les dimensions de la participation citoyenne et de la gouvernance
ascendante.
Afin de comprendre comment la société civile peut porter le développement rural, je
me suis intéressé aux organisations et institutions qui permettent cette participation
citoyenne. Les groupes d’action locale (GAL) me sont alors apparu comme étant de
bons exemples d’organisations permettant la participation des citoyens dans le
développement des territoires ruraux.
Ces groupes d’action locale sont mis en place par la Commission européenne
depuis 1991 dans le cadre des programmes d’initiative communautaire successifs
« LEADER », ou « Liaison entre Actions de Développement de l’Economie Rurale ».
L’approche Leader, à travers les groupes d’action local, offre aux citoyens la possibilité
de s’impliquer dans la définition des orientations du développement de leur territoire.
Les groupes d’action locale permettent également aux acteurs locaux de développer
des projets s’inscrivant dans le développent économique, social et environnemental du
territoire rural. Le cas d’étude pratique que j’ai choisi pour réaliser ce travail est le GAL
du Pays des Condruses.
Dans ce travail, nous allons tenter de comprendre comment, dans le cadre du
programme européen de développement rural « LEADER », le groupe d’action locale
« Pays des Condruses » peut mener à l’autonomisation de projets locaux ? Pour mener
cette analyse du GAL du Pays des Condruses, ce travail s’articulera en six parties.
Tout d’abord, le premier chapitre dressera les objectifs de recherche s’articulant autour
d’une question centrale. Cette partie décrira également la méthodologie utilisée lors
de l’étude de terrain, ainsi que les cadres théorique employés dans notre analyse.
Ensuite, dans le second chapitre, nous replacerons le GAL du Pays des Condruses dans
le contexte européen et wallon. Notamment, les caractéristiques de l’approche
LEADER, ainsi que la traduction qu’en fait la Wallonie y seront décrites.
Le troisième chapitre sera consacré à la description de la dynamique des projets « Point
Vert » et « Ochain Energie » qui évoluent sur le territoire du Pays des Condruses. Cette
analyse aura comme objectif de comprendre comment ces projets peuvent
s’autonomiser. Pour ce faire, nous mobiliserons la théorie de l’acteur-réseau (ANT).
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Le quatrième chapitre se concentrera sur la description de la dynamique du GAL du
Pays des Condruses, à l’aide de la théorie de la Gestion Stratégique de Niche (GSN).
Cette analyse nous permettra de comprendre comment ce GAL peut favoriser le
développement et l’autonomisation des deux projets étudiés dans le chapitre 3.
Ensuite, dans la discussion, nous tenterons de comprendre dans quelle mesure le GAL
du Pays des Condruses est capable de porter ces deux projets, de leur conception à
leur autonomisation. Pour ce faire, nous identifierons et mettrons en perspective les
caractéristiques spécifiques des projets « Point Vert » et « Ochain Energie ».
Enfin, nous conclurons en synthétisant les apprentissages que cette étude nous a
permis de faire. Aussi, nous aborderons certaines limites que nous avons pu identifier
à posteriori de ce travail.
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1.Chapitre 1 : Objectifs de recherches et corpus théorique
1.1. Objectifs de recherche
L’approche LEADER, ou « Liaison Entre Actions de Développement de l’Economie
Rurale », lorsqu’elle fut appliquée dès 1991 par la Commission européenne à travers le
programme d’initiative communautaire « LEADER I », représentait une méthodologie
relativement novatrice. En effet, cette approche propose la mise en place d’outils
institutionnels, organisationnels et financiers, afin de favoriser les partenariats au
niveau sous régional entre les secteurs privés et publics et la société civile. Ces
partenariats se font à travers les Groupes d’Action Locale (GAL), composés des acteurs
locaux représentatifs du territoire. Aujourd’hui, LEADER en est à sa cinquième
génération de programme, avec le programme LEADER/DLAL1 2014-2020.
A l’heure actuelle, le développement durable et local est une trajectoire de plus en
plus empruntée par les acteurs de la société civile. En effet, nous observons depuis
plusieurs années, l’émergence d’initiatives citoyennes et locales, partout en Wallonie.
Ces projets locaux peuvent prendre diverses formes et traiter de thèmes variés, allant
de la coopérative citoyenne d’énergie à la coopérative de production agricole locale,
en passant par la création de magasins de produits locaux ou encore par la création de
nouvelles filières de production et de distribution de denrées alimentaires produites
localement, etc. Cette émulsion de projets ne compte cependant pas que des réussites
car il est possible que certaines initiatives n’arrivent pas à maturité. Dans ce contexte,
un enjeu identifié est celui de la viabilité des initiatives locales. Il s’agit dès lors de
comprendre comment des initiatives peuvent arriver à maturité à travers une certaine
autonomisation. C’est de cers quoi tend le présent travail, au travers d’une part, l’étude
des dynamiques de deux projets locaux développés dans le cadre du GAL du Pays des
Condruses et d’autre part, l’étude de la dynamique propre au groupe d’action locale.
La méthodologie de l’acteur-réseau sera mobilisée afin de tenter de déterminer
comment et à travers quoi les deux projets observés acquièrent une relative
autonomie ? Ensuite, nous complèterons notre analyse avec la méthodologie de la
« gestion stratégique de niche » afin de tenter de comprendre comment le GAL, en tant
que niche, favorise-t-il le processus d’autonomisation des projets ?
Nous proposons la question de recherche suivante :
« Dans le cadre du programme européen de développement rural « LEADER »,
comment le groupe d’action locale « Pays des Condruses » peut-il mener à
l’autonomisation de projets locaux ? »
1 DLAL : Développement Local mené par les Acteurs Locaux
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
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Afin de répondre à cette question, nous organisons notre recherche à travers deux
objectifs :
1. Observer la dynamique des projets d’espace-test « Point Vert » et de
biométhanisation à Ochain.
2. Observer la dynamique d’accompagnement de projets du Groupe d’Action
Locale du Pays des Condruses.
Ces objectifs vont nous permettre de répondre à ces trois sous-questions, qui
composent notre question de recherche :
a. Comment et à travers quoi les deux projets observés acquièrent une relative
autonomie ? (méthodologie de l’acteur-réseau)
b. Le GAL est-il une niche d’innovation sociotechnique ?
c. Comment favorise-t-il le processus d’autonomisation des projets ?
(méthodologie de la gestion stratégique de niche)
1.1.1. Précision sur la notion d’autonomisation
Le concept d’autonomisation étant central dans ce travail, il importe de le définir
afin de clarifier sa compréhension.
La notion d’autonomie s’oppose à celle d’hétéronomie, qui signifie « le fait de recevoir
sa loi du dehors au lieu de la tirer de soi-même »[1]. L’autonomie peut alors être interprétée
comme « la capacité à concevoir et produire ses propres règles »[2]. Cependant, il ne faut
pas omettre que cette capacité s’inscrit dans un environnement, un régime avec ses
propres règles et contraintes [2].
Par « autonomisation », nous entendons faire référence à la notion « d’empowerment »
développée Smith & Raven dans leur ouvrage de 2012 «What is a protective space?
Reconsidering niches in transitions to sustainability ». Dans ce travail, l’autonomisation
doit alors être comprise comme la capacité à défendre un projet, dans un jeu complexe
de pouvoirs, permettant de tenir à distance la pression du régime2 plutôt que d’y être
subordonné. L’autonomisation peut désigner autant un état (l’autonomie), qu’un
processus.
2 « Régime : ensemble semi-cohérent de règles portées par les différents groupes sociaux qui orientent et coordonnent leurs activités et procurent ainsi au système sa stabilité. »[63]
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1.2. Méthodologie
La méthodologie appliquée dans ce travail se fait en deux temps : une première
phase d’enquête de terrain, suivie d’une deuxième phase de traitement et d’analyse
des données.
La première phase, l’enquête de terrain, nous a permis de collecter des données
utiles à notre analyse. Afin d’organiser cette enquête, nous avons mobilisé les outils de
la « technique d’investigation qualitative ». En effet, l’enquête de terrain s’est
organisée à travers des entretiens semi-directifs réalisés avec les acteurs concernés.
Pour préparer ces entretiens, un guide thématique général et un guide spécifique à
chaque entretien furent préalablement créés.
Lors des entretiens, une attention particulière fut portée sur la position à adopter en
tant qu’observateur. La position adoptée fut inspirée des trois principes
d’agnosticisme sur lesquels Michel Callon fonde la théorie de l’acteur réseau[3] :
- Le principe d’agnosticisme généralisé : l’observateur doit faire preuve d’une
impartialité vis-à-vis des arguments scientifiques et techniques mais aussi vis-
à-vis des contextes sociaux. C’est-à-dire que les acteurs sont libres de toutes
considérations, doutes, jugements et appréciations émis par l’observateur.
- Le principe de symétrie généralisée : l’observateur ne doit pas changer de
registre explicatif ou de méthode lorsque l’on se place du côté de la Nature ou
de la Société et lorsque l’on parle d’humains ou de non-humains. Les acteurs
mêlant en permanence leurs considérations sur la Nature et la Société, il est
important d’user du même vocabulaire pour chaque aspect, sans user des
facteurs sociaux, ou des normes institutionnelles ou organisationnelles,
risquant de fermer la discussion.
- Le principe de la libre association : l’observateur se doit de rejeter l’hypothèse
selon laquelle il existe une frontière entre la Nature et la Société, respectant alors
le fait que les acteurs associent librement les faits de la Nature et de la Société.
La deuxième phase, se subdivise en deux étapes : le traitement des données et
l’analyse de celles-ci.
Afin de traiter les données récoltées grâce aux entretiens, il a été nécessaire
retranscrire et de coder ces derniers de manière précise, regroupant les informations
par thèmes. Les retranscriptions représentant un corpus de 146 pages, le codage nous
a permis de rétrécir la quantité d’informations en mettant en évidence les plus
pertinentes. Les informations sont dès lors devenues plus précieuses dans leur
représentation des éléments importants. Il fut alors plus aisé de hiérarchiser les
informations et de les mettre en perspective en fonction de la question de recherche.
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L’analyse à proprement parlé de ces données s’est faite à travers la mobilisation
de deux cadres analytiques : la théorie de l’acteur-réseau ou ANT (Actor Network
Theory) selon Michel Callon et la théorie de la gestion stratégique de niche ou GSN,
proposée par Smith & Raven. Ces théories seront utilisées nous permettront de réaliser
deux niveaux d’analyses distincts : l’ANT nous permettra de mettre en évidence la
dynamique interne des deux projets étudiés à travers l’étude da la construction de leur
réseau sociotechnique respectif. La GSN, quant à elle, sera utilisée afin de cadrer notre
analyse de la dynamique du GAL du Pays des Condruses de manière plus générale.
La théorie de l’acteur réseau est développée par Michel Callon (1986) à travers le
processus de traduction qui rend compte de la construction d’un réseau
sociotechnique se détaillant en quatre étapes :
1. La problématisation : cette première étape consiste à comprendre les
problèmes et identifier les acteurs concernés par les questions formulées par les
porteurs du projet. Le traducteur doit faire en sorte que la problématisation
qu’il propose fournisse des éléments de réponses au projet dans tous ses
aspects. La problématisation devient alors un point de passage obligé (PPO),
qui est un lieu physique ou imagé « dans lequel les actants sont entre-définis et à
travers lequel ils ne peuvent atteindre leur objectif individuellement, mais bien en
s’accordant collectivement autour de la problématisation commune »[4].
2. Les dispositifs d’intéressements : ou comment sceller les alliances.
L’intéressement est « l’ensemble des actions par lesquelles une entité s’efforce
d’imposer et de stabiliser l’identité des autres acteurs qu’elle a défini par sa
problématisation »[3]. Les entités qui composent le réseau vont alors évoluer et
se redéfinir tout au long du processus d’intéressement. A travers cette
évolution, les entités et le réseau se voient reconfigurés, atteignant une nouvelle
stabilité potentielle. Cette reconfiguration peut parfois aller jusqu’à la
redéfinition de la problématisation.
3. L’enrôlement : l’enrôlement est un intéressement réussi. Il désigne le
mécanisme par lequel un acteur accepte le rôle qui a été défini pour lui à la
suite de négociations.
4. La mobilisation des alliés ou les porte-paroles : L’aboutissement du processus
est la mobilisation progressive d’acteurs qui s’allient pour rendre crédible et
indiscutable la proposition initiale, formulée dans la problématisation. Les
acteurs ne vont cependant pas être mobilisés à chaque moment par le réseau et
des porte-paroles vont émerger afin de représenter ces derniers.
Nous mobiliserons cette théorie de l’acteur-réseau dans le chapitre 3 afin de
comprendre et de décrire la dynamique des deux projets étudiés. Cependant, dans le
cadre de cette étude, nous appliquerons cette théorie dans un contexte particulier qui
diffère de celui auquel se réfère la théorie de l’acteur-réseau selon Michel Callon.
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Dans le chapitre 4, nous mobiliserons la gestion stratégique de niche (GSN)
développée par Smith & Raven dans leur ouvrage de 2012 « What is a protective space?
Reconsidering niches in transitions to sustainability », afin de comprendre dans quelles
mesures le GAL du Pays des Condruses peut être considéré comme une niche de
protection d’innovations sociotechniques. Les auteurs mettent en avant trois
propriétés qui définissent une niche de protection.
Les voici exposées brièvement :
1. La protection (schielding) : « processus qui permet de tenir à distance une certaine
pression de l’environnement »[5]
a. Protection passive : une région marginalisée, un environnement
institutionnel fertile à l’innovation avec le soutien du public
b. Protection active :
i. Générique : soutien par l’offre ou par la demande
ii. Spécifique : incubateur d’entreprise, coopératives citoyennes
2. La maturation (nuturing) : « processus qui supporte le développement des
innovations radicales »[5]
a. Gestion des attentes
b. Apprentissages
c. Capacitation / empowerment : dans ce travail : « autonomisation »
i. Fit & conform
ii. Stretch & transform
3. La capacitation par le narratif : « Processus qui permet de tenir à distance une
certaine pression de l’environnement plutôt que d’y être subordonné »
a. Attentes positives pour le futur inscrit dans un récit ou prospective
b. Se montrer amical, non-exclusif et coexistant
c. Montrer que l’innovation fait partie de la solution
d. Challenger le régime en lui montrant ses propres contradictions
Selon les auteurs, une niche est donc un espace physique ou institutionnel, qui offre
une protection aux innovations sociotechniques. Elle accompagne notamment ces
projets dans leur processus de maturation, de la gestion des attentes à
l’autonomisation. Aussi, une niche peut endosser le rôle de porte-parole des projets
face au régime sociotechnique en place.
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1.3. Source des données
Il existe bon nombre de documents officiels européens détaillant l’approche
LEADER ainsi que les GAL et le développement local mené par les acteurs locaux
(DLAL). Nous avons notamment parcouru la législation à travers les règlements
européens concernant FEADER, LEADER, le second pilier de la PAC, la stratégie
« Europe 2020 », ou encore la documentation concernant la politique de cohésion 2014-
2020, ainsi que le programme européen pour le développement rurale 2014-2020. Nous
avons également parcouru la documentation officielle de la Région wallonne à travers
le Programme wallon de Développement Rural (PwDR) 2014-2020, les programmes
précédents ainsi que la documentation publiée par le Réseau wallon de
Développement Rural (RwDR). Cette approche théorique à travers la législation nous
a permis de mieux cerner les tenants et aboutissants de l’approche LEADER.
Nous avons également parcouru la littérature scientifique spécifique aux GAL et
à l’application de la mesure LEADER. Bien que l’approche de ces travaux s’écarte
quelque peu de notre question de recherche, se concentrant plutôt sur la mise en place
de la mesure que sur la dynamique des GAL, ils nous ont permis de mieux saisir les
aspects de « terrain » de la mesure LEADER. Nous pouvons citer entre-autres les
travaux d’Yves Champetier « L’Europe et le développement rural » (2003), de Marie-
Claude Maurel « L’action publique par le bas : l’approche LEADER en Europe centrale »
(2008), de Pascal Chevalier « Application du programme leader selon les principes de base
du développement local » (2014), ou encore la collaboration de Marie-Claude Maurel,
Pascal Chevalier et Peter Póla dans « les acteurs locaux à l’épreuve du modèle européen
LEADER : l’expérimentation de l’approche LEADER en Hongrie » (2010).
Au vu des objectifs de recherche et de la méthodologie employée dans ce travail,
il a été indispensable de préciser ces données par la réalisation de plusieurs entretiens
semi-directifs avec les acteurs concernés par notre cas d’étude. Ces entretiens
constituent le socle de nos recherches et vont fournir les éléments principaux de notre
analyse. Ils nous ont permis de mieux comprendre les dynamiques des projets et les
relations qui existent entre les acteurs, tout en nous imprégnant des ressentis et visions
personnelles de chacun. L’acteur de référence, qui nous a permis l’accès au terrain et
ouvert la voie vers d’autres acteurs est Monsieur Jean-François Pêcheur, directeur-
coordinateur du GAL du Pays des Condruses. Plusieurs acteurs clés furent
préalablement identifiés, mais l’échantillon d’acteurs interrogés se rallongea au fur et
à mesure des entretiens, de nouveaux acteurs nous aillant été renseignés.
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Lors de notre étude de terrain, nous avons rencontré les personnes suivantes :
- M. Jean-François Pêcheur, directeur-coordinateur du GAL du Pays des
Condruses
- M. Grégory Racelle, porteur de projet « Ochain Energie scrl »
- M. Damien Wathelet, 1er échevin de la Commune de Clavier
- M. Benoit Noël, ancien chargé de mission « agriculture-énergie» au GAL du
Pays des Condruses
- Mme. Séverine d’Ans, ancienne candidate maraichère « Point Vert »
- M. Renaud Devries, maraîcher « Point Vert » et employé chez « Devenirs asbl »
- Mme. Fanny Lebrun, ancienne candidate maraichère « Point Vert »
- M. Marc Wauthelet, chargé de mission « transition énergétique du territoire» au
GAL du Pays des Condruses
- Mme. Kathleen Vanhandenhoven, chargée de mission « une économie
plurielle » au GAL du Pays des Condruses et coordinatrice de l’espace-test
« Point Vert »
- M. Frédéric Englebert, formateur pour « Devenirs asbl » et conseiller technique
de l’espace-test « Point Vert »
- M. Thierry Laureys, entreprise « Energie & développement local »
- M. Paul Gaillard, ACIS asbl, gestionnaire de chantiers pour les institutions de
la région de Liège – Verviers
- M. Jean-Marc Zanatta, SAW-B asbl, conseiller en entreprise sociale
- M. Steve Francis, ancien chargé de mission « économie » au GAL du Pays des
Condruses
- Mme. Daphné Lemaitre, CREAJOB asbl, chargée de projets – filière
agrotourisme
- M. Daniel Wathelet, TR@ME scrl, administrateur chef de projet & chargé de
mission au sein de la cellule d’animation du RwDR, animateur des groupes de
travail thématique "Infrastructures de la Santé" et "Formation des GAL".
- M. Benoit Delaite, TR@ME scrl, Administrateur chef de projet, chargé de
mission au sein de la cellule d’animation du RwDR, animateur des groupes de
travail thématiques "Biodiversité" et "Forêt".
- Mme. Chantale Courard, chargée de mission « Bien vieillir au Pays des
Condruses » au GAL du Pays des Condruses
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1.4. Cadre de l’étude
Dans notre cas d’étude, deux niveaux d’analyse sont à prendre en compte :
Le premier niveau pertinent est celui des projets d’espace-test maraîcher et de
biométhanisation à Ochain. En effet, afin de comprendre comment ces projets tendent
vers une autonomisation relative, il importe de s’intéresser à leur dynamique propre.
Bien que ces projets soient nés sous l’impulsion du GAL du Pays des Condruses, ils
vont évoluer de manière décentralisée de celui-ci, à travers leur propre dynamique
sociotechnique. Ils vont alors se définir une identité particulière à travers la
construction de leur réseau sociotechnique en mobilisant d’autres acteurs, à la fois à
l’intérieur et à l’extérieur du territoire du Pays des Condruses.
Le deuxième niveau d’analyse à prendre en compte est celui du GAL du Pays des
Condruses, à travers sa propre dynamique. En effet, bien que les projets évoluent de
manière relativement décentralisée, le GAL peut accompagner, soutenir, voire porter
ces derniers vers une autonomisation relative. L’équipe du GAL va notamment jouer
le rôle d’animateur du territoire et mettre en place des dispositifs permettant de
favoriser l’émergence, la maturation et l’autonomisation de ces projets.
Lors des entretiens, les acteurs interrogés font sans cesse des allers-retours entre
ces deux niveaux, les dynamiques des projets et du GAL interagissant régulièrement.
Cependant, afin de clarifier notre analyse, nous avons jugé pertinent d’aborder ces
deux niveaux d’action de manière séparée. Cette approche nous permet dès lors de
comprendre comment les projets évoluent de manière spécifique, tout en mettant en
évidence le rôle du GAL dans ces dynamiques.
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2.Chapitre 2 : L’approche LEADER
2.1. Le programme LEADER
2.1.1. Historique
L’approche LEADER fut appliquée à partir de 1991 à travers le programme
d’initiative communautaire (PIC) « LEADER I ». A travers la mise en place de ce
programme, la Commission européenne fait preuve d’une approche novatrice,
s’écartant de sa traditionnelle politique de développement « descendante », qui
détermine un ensemble de mesures à appliquer dans les Etats membres. En effet,
« LEADER I » propose une méthode permettant de mobiliser les acteurs locaux du
monde rural afin qu’ils participent au développement de leur territoire. Lors de cette
programmation3 1991-1994, le monde rural devient une sorte de « laboratoire »[6], ou
la méthode LEADER est expérimentée afin d’élaborer des réponses novatrices aux
anciens et nouveaux problèmes que les communautés rurales rencontrent [6].
L’approche LEADER a été reconduite à travers plusieurs programmes successifs
jusqu’à aujourd’hui :
- LEADER I : 1991-1994
o Financé à travers une subvention globale regroupant différents fonds
structurels européens (FEOGA4, FEDER5, FSE6)[7][8]
- LEADER II : 1995-2000
o Financement inchangé
- LEADER + : 2000-2006
o Financement : FEOGA [8]
- LEADER/FEADER7 : 2007-2013
o Redéploiement de crédit de la PAC en faveur d’un 2e pilier
Création du FEADER
o Financement : FEADER
- CLLD8 (LEADER) : 2014-2020
3 « "programmation" : processus d'organisation, de décisions et de répartition des ressources financières en
plusieurs étapes, avec la participation de partenaires (…), visant à mettre en œuvre, sur une base pluriannuelle,
l'action conjointe de l'Union et des États membres pour réaliser les objectifs de la stratégie de l'Union pour une
croissance intelligente, durable et inclusive » [68]
4 Fond Européen d’Orientation et de Garantie Agricole 5 Fond Européen de Développement Régional 6 Fond Social Européen 7 Fond Européen Agricole pour le Développement Rural 8 Community-Led Local Development
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o Financement : FEADER + FEDER, FSE, FEAMP9
Nous remarquons que pour la programmation 2014-2020, le programme LEADER
fait preuve d’un remaniement de la part de la Commission européenne. En effet,
« l’approche LEADER reste sous l’égide de FEADER, mais offre la possibilité de mettre en
œuvre des stratégies de développement local plurifonds bénéficiant du soutien d’autres fonds
européens. Dans ce contexte plurifonds, l’approche LEADER sera appelée « Développement
Local mené par les Acteurs Locaux »[7] (DLAL) ou (CLLD en anglais). La stratégie de
développement local menée par les acteurs locaux (DLAL), représente un ensemble
cohérent de règles et de mesures inscrites dans « Règlement (UE) n°1303/2013 du
Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 »
Dans notre travail, bien que l’utilisation de l’acronyme CLLD ou DLAL soit
recommandée, nous utiliserons l’acronyme LEADER, pour désigner à la fois les
programmes LEADER avant et après 2014. Ce faisant, nous ne trahissons pas l’essence
même du programme, le CLLD/DLAL se basant sur la méthode LEADER.
2.1.2. Caractéristiques
L’approche LEADER, qui est l’acronyme de « Liaison entre Actions de
Développement de l’Economie Rurale », s’inscrit dans la politique de l’Union
européenne pour le développement rural. Cette politique fut instaurée en tant que
deuxième pilier de la PAC (Politique Agricole Commune) lors de sa réforme « Agenda
2000 ».[9]
L’approche LEADER propose aux communautés rurales européennes une méthode
qui permet aux acteurs locaux de prendre part à la définition des orientations du
développement de leur territoire, ainsi que d’agir à travers des actions locales.[6] En
ce sens, l’approche LEADER n’est pas une mesure de politique rurale classique qui
imposerait « ce qui doit être fait », avec une obligation de résultats. Au contraire, cette
approche indique « comment procéder », avec une obligation de moyens.[6]
Compte tenu de la diversité des zones rurales européennes, il est essentiel de mettre
des outils de développement adaptatif tel que LEADER. En effet, « les stratégies sont
plus efficaces et plus efficientes si elles sont décidées et mises en œuvre au niveau local par des
acteurs locaux et qu’elles sont accompagnées de procédures transparentes, de l’appui des
administrations publiques compétentes et de l’assistance technique nécessaire au transfert des
bonnes pratiques »[6].
9 Fond Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
13
Dans le cadre de « la stratégie 2020 »10 de l’Europe, LEADER répond particulièrement
au 6e objectif de la politique pour le développement rural, qui est de « Promouvoir
l’inclusion sociale, la réduction de la pauvreté et le développement économique dans les zones
rurales »[10]. L’approche LEADER peut être détaillée en sept caractéristiques [6] :
Caractéristique n°1 - Stratégies locales de développement par zone
Afin de s’inscrire dans le programme LEADER, les acteurs locaux doivent définir
un territoire sur lequel sera mise en œuvre la politique de développement. Ce territoire
doit être « homogène et de petite taille, avoir une identité locale avec une cohésion sociale et
des traditions communes, un sens d’appartenance ou des besoins et des attentes communs »[6].
En Wallonie, en plus de respecter les conditions précédentes, ce territoire d’action
doit être composé de minimum 3 communes contigües, rurales et/ou semi-rurales
(annexe I) et avoir une population sur le territoire comprise entre 10.000 et 70.000
habitants.
Caractéristiques n°2 – l’approche ascendante
La participation citoyenne est certainement la caractéristique la plus spécifique de
LEADER. La méthodologie originale que propose LEADER qu’est l’approche
ascendante, se caractérise par la participation citoyenne au processus de décision et
d’action collective concernant les orientations du territoire en matière de développent.
La définition des acteurs locaux impliqués dans la dynamique de développement doit
inclure la population au sens large, c’est-à-dire, « inclure les groupes d’intérêt
économiques et sociaux et les organismes publics et privés représentatifs »[6]. L’approche
ascendante implique notamment :
- « la sensibilisation, la formation, la participation et la mobilisation de la population
locale pour déterminer les atouts et les faiblesses de la zone (analyse);
- la participation des différents groupes d’intérêt à l’élaboration d’une stratégie locale
de développement;
- l’établissement de critères clairs pour sélectionner au niveau local les actions
appropriées (projets) visant à mettre en œuvre la stratégie. »[6]
Il est également important de ne pas limiter la participation des acteurs locaux à
la phase initiale, mais bien de les inclure dans tout le processus de mise en œuvre des
actions locales.[6]
10 « La stratégie Europe 2020 est le programme de l’UE en faveur de la croissance et de l’emploi pour la décennie
en cours. Elle met l’accent sur une croissance intelligente, durable et inclusive comme moyen de surmonter les
faiblesses structurelles de l’économie européenne, d’en améliorer la compétitivité et la productivité et de jeter les
bases d’une économie sociale de marché durable. »
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
14
Caractéristique n°3 – Partenariats publics-privés : les groupes d’action locale
L’application de la mesure LEADER sur un territoire défini se fait à travers un
partenariat local mixte (public/privé) dénommé « groupe d’action locale » (GAL). La
composition du GAL doit être bien équilibrée entre les partenaires publics et privés et
représentative des groupes d’intérêt locaux existants.
Concernant la prise de décision, les partenaires privés « c'est-à-dire les représentants
des milieux économiques et sociaux ainsi que de la société civile (agriculteurs, femmes issues
du milieu rural, jeunes, acteurs économiques, associations, …) »[11] doivent représenter au
moins 51%11 du partenariat local.
La mission du GAL, pilotée par un comité de projet comprenant un coordinateur
et des chargés de mission, s’articule autour de deux axes principaux :
- « Elaborer et de mettre en œuvre la stratégie définie pour le territoire
- Assurer la coordination, le suivi et la gestion des projets, de la stratégie ainsi que des
moyens financiers publics octroyés. »[11]
Le GAL doit être formalisé dans une structure juridique propre, reconnue par
l’Europe (ex : asbl). Cette structure ne doit pas être fixe ni exclusive, le GAL devant
permettre l’intégration d’une personne ou d’une association en cours de
programmation.
Caractéristique n°4 – Faciliter l’innovation
LEADER, à travers la gouvernance ascendante, favorise les approches nouvelles
et novatrices du développement rural susceptibles de faire émerger des innovations
sociotechniques radicales. « Ces innovations sont encouragées en donnant au GAL une
grande marge de manœuvre et de flexibilité dans la prise de décision concernant les actions
qu’ils veulent entreprendre. »[6]
L’obligation pour les GAL d’introduire des projets de développement à caractère
innovant ne doit pas être comprise comme un aspect limitant, mais plutôt comme une
incitation à développer les projets dans tous leurs aspects. En effet, l’innovation est
définie au sens large, pouvant signifier « l’introduction d’un nouveau produit, d’un
nouveau processus, d'une nouvelle organisation ou d’un nouveau marché »[6].
Caractéristique n°5 – Actions intégrées et multisectorielles
Le GAL doit élaborer une stratégie de développement local fondée sur une
approche multisectorielle, c’est-à-dire qu’elle coordonne les actions et les projets dans
un ensemble cohérent. [6] Ce faisant, l’intégration des différents intérêts et groupes
d’intérêts au sein d’une programmation multisectorielle constitue un terreau idéal
pour l’émergence d’innovations sociotechniques.
11 51% selon le « Programme wallon de Développement Rural » ; 50% selon la Commission européenne.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
15
Caractéristique n°6 – Mise en réseau
La mise en réseau est une caractéristique essentielle de LEADER, car elle va
permettre d’inscrire les acteurs du développement rural dans une dynamique plus
large, contribuant à combattre l’isolement de certaines régions rurales. Cette mise en
réseau permet notamment l’échange des réalisations, des expériences et du savoir-faire
entre les groupe Leader, mais également avec tous les autres acteurs du
développement rural, qu’ils soient ou non bénéficiaires directs de la mesure LEADER.
Cela permet également de faire voyager les innovations et de partager les bonnes
pratiques, ainsi que de favoriser les projets de coopération en mettant en contact les
différents groupes Leader. Cette mise en réseau s’organise à travers deux types de
réseaux institutionnels financés par la Commission européenne :
- Un réseau européen pour le développement rural (REDR), géré par la
Commission [12]
- Un réseau rural national institué dans chaque Etat membre12.
Caractéristique n°7 – Coopération
La coopération consiste à encadrer deux groupes Leader dans la création d’un
projet commun. Elle peut également se faire entre un groupe Leader et un groupe
adoptant une approche similaire.
La coopération s’inscrit à deux niveaux :
- « la coopération interterritoriale, c’est-à-dire la coopération entre différentes zones
rurales dans un État membre. Elle peut réunir des groupes Leader et elle est également
ouverte à d’autres groupes locaux adoptant une approche participative similaire;
- La coopération transnationale, c’est-à-dire la coopération entre groupes Leader issus
d’au moins deux États membres ou avec des groupes de pays tiers ayant une approche
similaire. »[6]
2.1.3. Application en Wallonie
En Région wallonne, la mesure LEADER est traduite dans la mesure 19 du
Programme wallon de Développement Rural : « M19 - Soutien au développement local
Leader (CLLD -développement local mené par les acteurs locaux) (art.35 du règlement (UE) n°
1303/2013)»
Particulièrement, le Programme wallon de Développement Rural (PwDR) a pour
objectifs « d’améliorer la compétitivité des secteurs agricoles et sylvicoles, de renforcer
la complémentarité entre ces secteurs et l’environnement et de favoriser un monde
12 Pour la Wallonie : « Réseau wallon de Développement Rural » ce réseau est animé par la scrl
« Tr@me »
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
16
rural dynamique, en améliorant la qualité de vie et en aidant à la création
d’emplois. »[13]
Afin de répondre aux exigences de mise en réseau de la mesure LEADER13, le
Gouvernement wallon a institué un réseau régional : le Réseau wallon de
Développement Rural (RwDR) qui couvre les différentes mesures du PwDR. Pour
dynamiser ce réseau, la scrl « Tr@me » fut désignée comme cellule d'animation du
RwDR.
Cette cellule, outre la mise en place le RwDR, va s’agencer autour d’une dynamique
d’animation (groupes de travail, des séminaires,…), de communication et de
capitalisation des savoirs et des bonnes pratiques du RwDR [14], avec comme
objectifs :
- « d’accroître la participation des parties prenantes à la mise en œuvre de la politique de
développement rural;
- d’améliorer la qualité de la mise en œuvre des PDR;
- d’informer le grand public et les bénéficiaires potentiels sur la politique de
développement rural et sur les possibilités de financement;
- de favoriser l'innovation dans le secteur de l'agriculture, de la production alimentaire
et de la foresterie ainsi que dans les zones rurales. »[13]
Le RwDR et à travers lui, les mesures du PwDR, ne s’adressent pas uniquement aux
GAL, mais aux différents acteurs du monde rural (agriculteurs, TPE/PME, communes,
Parcs naturels, maisons du tourisme, etc.)[13].
Concernant LEADER, le RwDR veille à appliquer la mesure 19 du PwDR, avec en
outre l’aide à la coopération inter-GAL au niveau interterritorial et transnational. Cette
mission nous intéressera particulièrement dans ce travail, le RwDR ayant mis en place
le groupe de travail « essaimage des espaces-tests maraîchers », visant à favoriser la
mise en place du Réseau des Acteurs Wallons des Espaces-Tests Maraîchers
« RAW’ET maraîcher ».
Dans le cadre du PwDR 2014-2020, le Gouvernement wallon décida de faire une
première sélection de 13 Plans de Développement Stratégique (PDS) proposés par les
GAL, le 29 octobre 2015. Un second appel à la candidature fut organisé le 11 mars 2016,
afin que les GAL non retenus lors de la première sélection, puissent présenter leur PDS
à ce second appel. En validant les PDS des GAL, le Gouvernement leur donne l’accès
à la mesure LEADER inscrite dans le PwDR et par là, l’accès aux financements
structurels prévus dans le programme européen CLLD 2014-2020. La mesure LEADER
du PwDR 2014-2020 représente un budget de 30.701.381€, financé par la Wallonie à
hauteur de 57% et par l’Europe à hauteur de 43% [15].
13 L’article 54 du Règlement (UE) n°1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fond européen agricole pour le développement rural (FEADER), stipule que «chaque État membre établit un réseau rural national/régional qui regroupe les organisations et les administrations travaillant dans le domaine du développement rural»[13]
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
17
A l’issue de ces deux sélections, vingt GAL Wallons ont été retenus pour la
programmation 2014-2020. Ceux-ci sont repris sur la carte en annexe II. Le Groupe
d’Action Locale que nous allons étudier dans ce travail est le GAL « Pays des
Condruses ». Celui-ci validé par la Région wallonne en juillet 2008 et constitué sous la
forme d’une asbl, est piloté par Jean-François Pêcheur, directeur-coordinateur. Le GAL
s’inscrit alors dans la programmation 2007-2013 et fut reconduit pour la
programmation actuelle 20014-2020.
Situé dans la région du Condroz, le
territoire du « Pays des Condruses »,
s’étend sur une superficie de 301,4 km² et
regroupe 7 communes contiguës ayant une
typologie d’occupation du sol similaire
(environs : 60% agricole, 25% de bois, 10%
urbanisée), à savoir : Anthisnes, Clavier,
Marchin, Modave, Nandrin, Ouffet et
Tinlot. En date du 1er janvier 2017, ce
territoire compte 29.626 habitants.
Figure 1 : Localisation du territoire du Pays des Condruses
65%25%
10%
Occupation du sol sur le territoire du "Pays des Conduses"
Terres agricolesForets
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
18
Le GAL du Pays des Condruses, avec pour thème fédérateur, « Pour une Ruralité
Créative, Intelligente (Smart) et Solidaire », propose un plan d’action composé de huit
fiches projets à travers son Programme de Développement Stratégique (PDS) :
- Appui technique (animation et coordination du GAL)
- Une économise plurielle au Pays des Condruses
- Mobilité douce et partagée
- Gestion durable de l’eau
- Rues, hameaux, villages au naturel
- Transition énergétique territoriale
- Bien vieillir au Pays des Condruses
- Cadre de vie et urbanisme : accompagnement des pouvoir locaux
Le PDS 2014-2020 du GAL du Pays des Condruses regroupe 74 partenaires (annexe
III), qui vont constituer le socle de base sur lequel les actions seront développées [16].
Les deux actions locales ou projets que nous allons étudier dans ce travail que sont
l’espace-test maraîcher « Point Vert » et l’unité de biométhanisation d’Ochain ne sont
pas repris tels quels dans la programmation 2014-2020. En effet, ces deux projets ont
évolué dans la programmation précédente 2007-2013. Bien que n’étant pas repris dans
une fiche projet, ces deux projets peuvent tout de même encore profiter du soutien du
GAL, à travers les fiches projets « Une économise plurielle au Pays des Condruses »
pour Point Vert et « Transition énergétique territoriale » pour « Ochain Energie ».
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
19
3.Chapitre 3 : Projets étudiés : Ochain Energie et Point Vert
Dans ce chapitre, nous allons tenter de comprendre comment les deux projets
« Ochain Energie » et « Point Vert » s’inscrivent dans des dynamiques spécifiques, leur
permettant d’évoluer vers une forme d’autonomisation. Par « autonomisation », nous
entendons faire référence à la notion « d’empowerment » développée par Smith &
Raven (2012). Dans ce travail, l’autonomisation doit alors être comprise comme la
capacité à défendre un projet, dans un jeu complexe de pouvoirs, permettant de tenir
à distance la pression du régime14 plutôt que d’y être subordonné. Afin d’illustrer ces
dynamiques, nous allons suivre le parcours de ces deux projets à travers le
développement de leur réseau sociotechnique respectif.
La genèse des projets « Ochain Energie » et « Point Vert » s’inscrit dans la
programmation précédente du GAL du Pays des Condruses qui s’est étendue de 2007
à 2013. Bien que le GAL ait initié ces deux projets, ou du moins ait mis en place un
environnement favorable à leur création, les stratégies d’action se différencient par
l’implication du GAL dans leur développement. En effet, sur le projet « Point Vert »,
qui est un espace-test maraîcher, le GAL se positionne en tant que porteur, le personnel
étant à la manœuvre, avec notamment Kathleen Vanhandenhoven chargée de mission
économie, qui endosse le rôle de coordinatrice de l’espace-test.[17]
« Point Vert » s’inscrit dans une logique de service aux entrepreneurs maraîchers
souhaitant développer leur activité professionnelle. Cet espace leur donne un accès à
la terre, avec un suivi technique et du matériel mis à disposition. La démarche mise en
place ici peut être qualifiée de stratégie d’offre, le GAL offrant cet espace, avec la
volonté d’attirer des porteurs de projets demandeurs.[17]
De son côté, le projet « Ochain Energie » est un projet de production de biogaz à
caractère entrepreneurial privé, porté par Grégory Racelle, agriculteur-entrepreneur.
La gestion du projet est ici déléguée à un privé, le GAL n’ayant ni la capacité, ni la
volonté de mener ce type de projet. Le travail de ce dernier s’est alors limité à
développer un environnement favorable à la création de ce projet, une des actions
menées étant la réalisation d’une étude de faisabilité sur le territoire. Cette étude,
menée dans le cadre de la fiche « agriculture et énergie » et présentée en 2011, met en
évidence le potentiel d’installation d’unités de biométhanisation sur le territoire du
Pays des Condruses. Partant avec l’apriori que la biométhanisation n’est pas rentable
si la chaleur n’est pas valorisée[18], l’étude s’est orientée sur les points focaux du
territoire ayant une demande en chaleur importante. Dans ce contexte, le GAL a opté
pour une stratégie d’action en fonction de la demande[19]. A partir de cette demande
d’énergie calorifique, le GAL identifie 19 points potentiels où pourraient être installées
des centrales à biogaz[20].
14 « Régime : ensemble semi-cohérent de règles portées par les différents groupes sociaux qui orientent et coordonnent leurs activités et procurent ainsi au système sa stabilité. »[63]
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
20
Ces deux actions locales évoluent vers une autonomie relative qui se comprend à
la fois comme une capacité à développer une trajectoire autonome par rapport au
soutien initial du GAL mais aussi comme une capacité à être compétitif par rapport à
un environnement qui ne bénéficie pas du même type de soutien. Celles-ci ont pu
émerger selon le modèle de co-construction, en opposition au modèle de diffusion qui
construit d’innovation de manière dissociée des usagers. Selon le modèle de co-
construction, l’innovation n’émane pas du concepteur indépendamment des usagers,
mais bien en coévolution avec les acteurs concernés [21]. Cette manière de penser
l’innovation amène les acteurs à supporter le projet dans son évolution, celui-ci se
reconfigurant et se redéfinissant au fur et à mesure des négociations entreprises entre
ces acteurs hétérogènes. Ce faisant, les projets vont acquérir une stabilité potentielle et
une certaine robustesse. Ces réorganisations successives vont permettre à ces
innovations de s’ancrer progressivement dans leur environnement, en permettant
l’enrôlement de nouveaux acteurs qui à leur tour vont solidifier d’avantage le réseau
sociotechnique.[3]
Il importe dès lors de comprendre comment des acteurs hétérogènes peuvent
converger autour des projets « Point Vert » et « Ochain Energie », les portant vers une
autonomisation relative. Pour ce faire, nous allons reprendre certains éléments de la
théorie de l’acteur-réseau (ANT) selon Michel Callon et ainsi appliquer les concepts de
problématisation, point de passage obligé, intéressement et enrôlement. [3], [22]
3.1. Analyse de la dynamique du projet « Ochain Energie »
3.1.1. Problématisation
La problématisation est l’action par laquelle le traducteur formule les problèmes,
mais aussi identifie l’ensemble des actants, c’est-à-dire toute les parties prenantes au
changement, qu’elles soient humaines ou non humaines. La proposition de la
problématisation est d’étudier un réseau hétérogène d’actants, c’est-à-dire acteurs
humains et non humains, qui vont s’associer, négocier et se définir librement.[3], [22]
Dans le cadre de cette étude, nous appliquerons ce concept dans un contexte particulier
qui diffère de celui auquel se réfère la théorie de l’acteur-réseau selon Michel Callon.
En effet, cette théorie trouve son plein potentiel dans les dynamiques de controverses
lorsqu’il s’agit de rassembler des acteurs ayant des opinions ou des interprétations
divergentes, afin qu’ils trouvent leurs intérêts autour d’une problématisation
commune. Or, dans la dynamique qu’anime le GAL du Pays des Condruses, nous ne
retrouvons pas, dans un premier temps, de controverses à proprement parler dans
lesquelles les acteurs prendraient des positions fortes.
Cependant, les controverses peuvent naitre dans le cadre des projets que le GAL met
en place. A écouter les témoignages des personnes interrogées, nous comprenons que
les chargés de missions de la fiche projet « énergie » du GAL ont dû faire face à des
oppositions dans le cadre de certains projets de biométhanisation. Nous pouvons citer
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
21
les projets avortés du « CNRF » de Fraiture, du CTA de Strée et d’un bâtiment
communal la commune de Marchin[18], [19]. C’est donc dans le deuxième temps de la
problématisation que les controverses peuvent émaner, avec le risque de ne pas
rencontrer le PPO. Cet état de fait rappelle les trois cas cités ci-dessus, où les acteurs
n’ont pas réussi leur intéressement et donc ne se sont pas enrôlés dans la dynamique.
Afin de mieux comprendre cette dynamique spécifique de problématisation, nous
allons l’expliciter sous la forme de deux étapes successives.
La première problématisation se fait à l’échelle du GAL, lors de la construction de
celui-ci. Lorsque les employés préparent la programmation du GAL, ils procèdent
selon une gouvernance bottom-up. C’est-à-dire que des réunions avec les citoyens et
les élus sont organisées afin de recueillir leurs attentes quant aux actions à mener sur
le territoire. Les citoyens participent alors à la co-création des fiches projets à travers
des groupes de travail qui s’organisent autour des thèmes soulevés lors des
réunions[23]. Sur cette base, les fiches projets sont alors traduites par les chargés de
mission afin d’être présentées à l’administration wallonne. Pour ce qui est du projet
« Ochain Energie », celui-ci est né dans le cadre de la fiche projet « agriculture-
énergie » de la programmation 2007-2013 et continue à se développer dans la fiche
projet « énergie » de la programmation actuelle 2014-2020.
C’est à travers cette co-construction des fiches projets que nous pouvons identifier la
première étape de la problématisation qu’est la gestion des attentes, dont nous
approfondirons les caractéristiques dans le chapitre 4.
Le GAL va alors traduire les attentes des citoyens dans la fiche projet en y définissant
les objectifs. Les acteurs vont ainsi s’accorder autour de cette traduction, celle-ci étant
formulée de manière assez large et théorique. Nous pouvons retrouver dans les fiches
« agriculture énergie » et « énergie » les objectifs qui nous servirons à définir la
problématisation :
- « Développement de l’autonomie énergétique du territoire, de la maitrise des flux
énergétiques et de la matière organique » [24]
- « Augmenter l’autonomie énergétique du territoire en travaillant sur des projets
concrets apportant une plus-value aux communes, aux citoyens et aux entreprises. »
[16]
Aussi, l’objectif de 2009 étant de maitriser les flux énergétiques et de matière
organique, que nous illustrerons dans la deuxième étape de la problématisation, s’est
transformé en l’objectif de travailler sur des projets concrets. Si nous faisons fi de ces
variations, nous pouvons dire que de manière générale, les acteurs s’accordent autour
de cette première problématisation : « développer l’autonomie énergétique du
territoire ». Cette dernière va cependant évoluer au fil du temps en se spécifiant autour
des projets concrets en fonction des actants qui s’y enrôleront. C’est en effet dans la
deuxième phase que le GAL va pouvoir identifier les actants concernés en
développant les projets à réaliser au cas par cas.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
22
La deuxième étape de la problématisation, est dédiée à l’identification du potentiel
du territoire et ensuite l’identification des actants potentiels. Pour atteindre ces
objectifs, partant de deux aprioris, le GAL va soutenir deux études de potentialité. Ces
deux aprioris sont, d’une part, que le territoire des Condruses produit assez de
matières fermentescibles potentiellement utilisables en biométhanisation et d’autre
part, que la biométhanisation n’est rentable que si la chaleur est valorisée.[18]
Pour répondre à l’objectif de 2009 de maitriser les flux énergétiques et les flux de matière
organique [24], une étude quantitative du potentiel de gisement de matière organique
sur le territoire[25], fut réalisée par Olivier Rulot dans le cadre de son travail de fin
d’étude. Pour ce faire, l’étudiant s’est rendu dans les fermes réparties sur les sept
communes du GAL, collectant les informations auprès de presque 300 agriculteurs. Il
en résulte une base de données importante qui récence toutes les matières organiques
agricoles sur le territoire.[18][26]
Une seconde étude de potentialité fut réalisée par le GAL, en collaboration avec le
bureau d’étude Walvert. L’objectif de ce travail fut de recenser les points focaux du
territoire (bâtiments privés ou publics) qui présentent une demande en énergie
calorifique importante. Il ressort de cette étude, une carte (annexe IV) indiquant 19
points qui pourraient potentiellement bénéficier de la chaleur d’une centrale de
biométhanisation. Nous y retrouvons notamment les projets du CNRF de Fraiture, du
CTA de Strée, du biogaz de Marchin et de la maison de repos « asbl Château
d’Ochain », projets sur lesquels le GAL a concentré ses forces vives.[20] N’étant pas
encore enrôlés dans la problématisation, ces 19 points, en particulier les quatre cités ci-
dessus, se définissent comme des actants potentiels.
A ce stade nous pouvons redéfinir la problématisation comme telle :
« Développer l’autonomie énergétique du territoire, à travers des projets de centrales
de production d’énergie utilisant la biomasse locale et bénéficiant de débouchés pour
la valorisation de l’électricité et de la chaleur. »
Une troisième évolution de la problématique voit alors le jour. La
problématisation va se spécifier au cas par cas. Pour les quatre projets retenus,
l’identification des actants, ainsi leur intéressement et enrôlement autour d’un point
de passage obligé, seront précisés.
Les actants vont être identifiés et le GAL va tenter de les enrôler dans le projet, en
définissant un point de passage obligé, à travers lequel ils pourront faire valoir leurs
intérêts, tout en définissant un intérêt collectif. Si les actants hétérogènes se laissent
enrôler par la problématisation proposée, celle-ci sera considérée comme réussie,
permettant la convergence de leurs intérêts.[3] Cependant, certains actants ne vont pas
l’accepter telle qu’elle est présentée et vont alors négocier celle-ci pour la redéfinir et
enfin, accepter de s’enrôler.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
23
A contrario, si les actants ne souhaitent pas s’enrôler, la problématisation ne sera pas
valide, rendant le développement des projets impossible. Sur les quatre projets
proposés par le GAL, un seul n’a pas fait face à un blocage de la part de certains actants
et a pu émerger autour d’une problématisation valide. Ce dernier est le projet de
« Ochain Energie », qui nous intéresse dans cette étude.
3.1.2. Point de Passage Obligé
Le traducteur doit faire en sorte que la problématisation qu’il propose fournisse
des éléments de réponse au projet dans tous ses aspects. « Alors, la problématisation
devient un point de passage obligé (PPO), dans lequel les actants sont entre-définis et à travers
lequel ils ne peuvent atteindre leur objectif individuellement, mais bien en s’accordant
collectivement autour de la problématisation commune » [4].
Le PPO, peut être défini comme « le moment incontournable dans les premières
phases de la construction d’un réseau sociotechnique, qui s’incarne en un lieu
institutionnel ou physique et à travers lequel des alliances vont pouvoir être scellées
entre les actants concernés. »[27]
Dans le cas étudié à travers ce travail, le PPO est incarné par la création de la centrale
de biométhanisation d’Ochain. Dans les discours des personnes interrogées, nous
relevons que l’intérêt commun qui rallie les acteurs est la centrale de biogaz en elle-
même. Aussi, la question de la rentabilité apparait comme une caractéristique sine qua
non à la réussite du projet. Bien que cette notion de rentabilité puisse paraitre de bon
sens dans le cadre d’un projet entrepreneurial comme celui-ci, elle trouve une place
importante dans la dynamique du projet d’Ochain. En effet, la question de la
rentabilité va être centrale dans l’intéressement des acteurs et engendrera des
modifications dans le réseau, en enrôlant de nouveaux acteurs et en scellant ainsi de
nouvelles alliances.
La problématisation qui est de « Développer l’autonomie énergétique du territoire, à
travers des projets de centrales de production d’énergie utilisant la biomasse locale et
bénéficiant de débouchés pour la valorisation de l’électricité et de la chaleur », va se
spécifier selon le PPO suivant : « La centrale de biométhanisation d’Ochain doit être
opérationnelle et fonctionner de manière rentable. »
La rentabilité de la centrale d’Ochain devient alors la partie non négociable, permettant
notamment l’enrôlement d’acteurs financiers, qui sont essentiels à la réussite du projet.
Nous verrons dans la partie ci-après, comment le projet gagne en robustesse au fur et
à mesure des négociations entre les différents acteurs.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
24
3.1.3. Intéressement/enrôlement des acteurs
Dans cette partie, nous allons tenter de décrire comment le réseau sociotechnique
s’est construit autour de la centrale de biométhanisation d’Ochain. Pour ce faire, nous
allons suivre la dynamique du projet à travers l’intéressement et l’enrôlement des
acteurs dans celui-ci.
L’intéressement est « l’ensemble des actions par lesquelles une entité s’efforce
d’imposer et de stabiliser l’identité des autres acteurs qu’elle a définis par sa
problématisation »[3]. L’enrôlement est un intéressement réussit, c’est-à-dire « le
mécanisme par lequel un rôle est défini et attribué à un acteur qui l’accepte. »[3]
Initiateur de la dynamique de développement énergétique du territoire, le GAL
fut le premier acteur à porter le projet [18]. Comme nous l’avons vu dans la
problématisation, le GAL a soutenu une étude de potentialité énergétique sur le
territoire des 7 communes qui a identifié 19 points ayant un grand besoin en chaleur.
Les membres de l’équipe du GAL, impliqués dans cette dynamique « énergie » lors de
la programmation 2007-2013, étaient : Benoit Noël, chargé de mission « agriculture
énergie », Jean-François Pêcheur, directeur-coordinateur, Steve Francis, chargé de
mission « économie » et Marc Wauthelet chargé de mission « eau » et expert dans le
domaine de la biométhanisation [18]. Afin de réaliser cette étude, le GAL a fait appel
au bureau d’étude Walvert [20]. Une fois ce travail accompli, le rôle du GAL était alors
d’une part, de convaincre les acteurs des points focaux identifiés de s’enrôler dans le
projet et d’autre part, de trouver des porteurs de projets.
Dans un premier temps, le GAL et Walvert se sont concentrés sur le projet du CNRF à
Fraiture. En effet, étant donné que le centre neurologique de réadaptation de Fraiture
a des besoins de chaleur énormes, ce projet présente un haut potentiel. Là-bas, Laurent
Hellemans, ingénieur et gérant du bureau Walvert s’est entendu avec Grégory Racelle,
un agriculteur-entrepreneur de la région, afin de porter le projet. Cependant, le projet
de biométhanisation de Fraiture a fait face à des freins techniques concernant le réseau
électrique ainsi que des freins d’ordre relationnel, l’administration du centre ne
souhaitant pas participer au projet. Ce projet étant avorté, les chargés de mission du
GAL et Walvert se sont tournés vers le projet de biométhanisation d’Ochain en
coopération avec la maison de repos « Château d’Ochain ».[18]
Afin d’intéresser les acteurs, le GAL a effectué un travail de communication sur l’étude
réalisée. Des séances d’information publiques sur la biométhanisation et le potentiel
du territoire ont alors été organisées. Ces réunions avaient pour but de partager les
résultats de l’étude, d’expliquer le fonctionnement d’une centrale de biométhanisation
ainsi que les applications possibles sur le territoire [18], [28]. Les responsables de la
maison de repos d’Ochain ont notamment pris part à ces séances d’information [29].
L’enquête réalisée de terrain nous a mené à interroger Paul Gaillard, gestionnaire de
chantiers pour les institutions de la région de Liège – Verviers. M. Gaillard est la
personne de contact pour l’asbl ACIS concernant le projet d’Ochain.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
25
C’est en effet l’Association Chrétienne des Institutions Sociales et De Santé (ACIS), à
la tête de 80 institutions à travers la Wallonie, Bruxelles et la France, qui est responsable
de la gestion de l’asbl « Château d’Ochain ». Lors des réunions, M. Gaillard a pris
connaissance des résultats de l’étude, désignant la maison de repos comme un
bénéficiaire potentiel de chaleur produite par du biogaz. Aussi, il a pu développer ses
connaissances sur la technique de biométhanisation et de ce fait mieux comprendre
comment le projet pourrait se réaliser. Selon Paul Gaillard, l’ACIS et le Château
d’Ochain n’étaient pas demandeurs du projet, mais avaient une position de « client ».
« On ne s’est pas lancé dans le projet, on nous a fait des propositions. C’est Ochain qui a été
contacté par le GAL. Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour nous séduire.»[29]. Dans ce
projet, l’ACIS voyait l’opportunité de réduire ses dépenses en chauffage, tout en
s’impliquant dans le développement des énergies renouvelables.
Dans le cadre de notre analyse, nous pouvons caractériser ces réunions
d’informations ainsi que l’étude réalisée, comme les dispositifs d’intéressement, ayant
permis à l’ACIS et la maison de repos d’Ochain de prendre part au projet.
En 2013, l’ACIS s’est tout de même impliquée activement dans le projet en
préfinançant l’étude de faisabilité du projet. En effet, il était essentiel pour l’ACIS
d’avoir l’assurance que le projet était réalisable et acceptable, ainsi que de voir
comment le permis pouvait être déposé. Ce faisant, l’asbl prenait un risque, ne sachant
pas si le projet allait voir le jour et donc n’ayant pas de garantie de récupérer l’argent
investi dans l’étude. Cette étude fut positive et montra que le projet était réalisable
dans son entièreté. Grâce à cet état de fait, l’ACIS et le Château d’Ochain se sont enrôlés
dans le projet.[29]
Parallèlement à cela, il était essentiel pour le GAL de trouver un porteur de projet.
En effet, le GAL n’a pas la capacité ni l’envie de porter ce genre de projet, estimant que
son rôle « s’arrête » à faire l’étude, informer, communiquer, soutenir l’émergence des
projets et identifier un porteur de projet [19]. Pour Ochain, il fut aisé de trouver un
porteur de projet, Walvert et le GAL étant déjà en contact avec Grégory Racelle,
désigné comme porteur pour le projet avorté de Fraiture [18]. M. Racelle a très vite
montré son intérêt pour Ochain, cela s’expliquant, comme nous allons le voir, par son
parcours professionnel et ses motivations entrepreneuriales animées par de désir de
développer la biométhanisation [30].
Voilà déjà huit ans qu’il est convaincu par le secteur du biogaz, cela donc bien
avant que le GAL ne prenne contact avec lui. Agriculteur dans la commune de Tinlot,
Grégory Racelle s’est tout d’abord intéressé à la biométhanisation à travers l’objectif
de réaliser une installation sur son exploitation afin d’augmenter ses revenus. Dans
l’optique de réaliser ce « challenge », la première chose à faire selon lui était de
rencontrer les politiques. C’est alors qu’il prit contact avec Mme. Cécile Louviaux-
Thomas bourgmestre de Tinlot, qui lui réserva un accueil favorable, bien que le secteur
du biogaz véhiculait une mauvaise image à l’époque.
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26
En effet, la commune avait déjà pris conscience du potentiel de cette technologie en
ayant visité le village de Beckerich dans le Grand-Duché du Luxembourg, qui a mis en
place un réseau de chaleur alimenté par une centrale de biométhanisation couplée à
une chaudière à bois.[30]
La rencontre avec le GAL s’est faite grâce à la bourgmestre de Tinlot, qui a invité M.
Racelle à participer à des activités du GAL dans le cadre de la fiche « agriculture
énergie ». C’est ainsi qu’il a fait la connaissance de Marc Wauthelet [30]. Avant d’être
membre du GAL, Marc Wauthelet était basé au centre de Technologie Agricole (CTA)
de Strée, où il a travaillé sur des essais de biométhanisation à partir de 1999 – 2000. Le
CTA s’était doté d’une centrale de biométhanisation qui fonctionnait depuis 1990.
C’est cette même unité que Grégory a notamment visité dans le cadre de son projet
personnel. Dans sa réflexion pour la création d’une unité de biogaz sur son
exploitation, Grégory a dû faire face à des obstacles techniques et économiques qu’il
n’a pas pu surmonter.[18]
Selon Grégory Racelle, le biogaz a un coût d’investissement financier et humain qui
rend plus difficile la réalisation des projets à petite échelle. Si le volume de production
n’est pas assez important, il est impossible d’engager un employé pour aider au
soutien technique. « Il ne faut pas oublier que (une centrale biogaz), c’est 24h/24, 7j/7 et
365j/an, ça ne peut pas s’arrêter »[30]. Aussi, la charge de travail n’est pas proportionnelle
à la taille de l’installation : « remplir pour 10.000 T ou pour 100.000 T, c’est pareil. »
Avec un projet trop petit, l’exploitant se retrouverait seul, confronté à tous les
problèmes et pour Grégory, « cela n’était pas tout à fait gérable ».
Selon lui, « la biométhanisation n’est pas spécialement compatible dans une
exploitation agricole telle que nous les avons ici en Wallonie. C’est-à-dire avec un
mode d’activité multiple et varié (lait, viande, culture) et une présence de personnel et
de main d’œuvre extrêmement rare. » Aussi, il est approprié de rappeler que le
premier rôle d’un agriculteur est de nourrir la population, et non pas d’être un
fournisseur d’électricité. Pour Grégory, il est possible d’imaginer que si un agriculteur
fait face à l’arrêt de son installation de biogaz, alors qu’il a également des problèmes
avec ses bovins, qu’il doit traire, ou encore qu’il a une moisson difficile, il fera son
métier d’agriculteur, avant de s’inquiéter de la production de gaz. Or, toute minute de
production perdue dans l’installation ne pourra pas être retrouvée.[30]
Grégory s’est rendu à l’évidence : son projet personnel de centrale de biogaz n’était
pas réalisable sur son exploitation. De son discours, nous pouvons extraire les
conditions qui devrons être respectées afin qu’il s’enrôle dans un nouveau projet de
biométhanisation. Tout d’abord, il est indispensable pour lui de pouvoir gagner sa vie
grâce à son activité. Pour cela, l’installation doit être assez importante afin d’en
dégager un chiffre d’affaire capable d’assurer le salaire de Grégory. Aussi, le projet
doit pouvoir supporter l’engagement d’une aide technique, qui pourra soutenir
Grégory dans son travail quotidien, évitant ainsi qu’il soit seul face à tous les
problèmes.[30]
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Avec pour objectif de répondre à ces attentes, Grégory s’est tout d’abord investi dans
le projet du CNRF avec Laurent Hellemans (WalVert), tous deux ayant la volonté de
porter communément le projet. Les portes du CNRF se refermant, ils se sont alors
dirigés vers le projet d’Ochain. Bien que dans un premier temps, Walvert ait conduit
le projet, réalisé des études et développé le côté technique, la bonne entente entre les
deux protagonistes ne dura pas et c’est ainsi que Grégory fut identifié comme seul
porteur de projet.[18], [30]
En aout 2013, Grégory constitua la société « Ochain Energie sprl », qui avait pour but
de reprendre le permis et de continuer le développement du projet. Cet investissement
du porteur de projet, montre que son intéressement fut une réussite. Nous pouvons
ainsi pointer du doigt son enrôlement dans le projet à travers la création de son
entreprise.
L’étude préfinancée début 2013 par l’ACIS avait pour objectif d’une part de
montrer la faisabilité du projet et d’autre part d’introduire la demande de permis. C’est
en 2014 que le permis de classe 2 fut accordé par la Région Wallonne [30]. Ochain
Energie racheta alors ce permis et remboursa intégralement l’ACIS pour les frais
alloués à l’étude. Le but étant que le projet aboutisse, l’ACIS ne demanda pas d’intérêt
ou de frais supplémentaire à Grégory.[29]
Plus tard, ces deux acteurs scelleront leur alliance par le biais d’un contrat énergie. De
cette manière, leur relation se verra renforcée et officialisée. Dès lors, Ochain Energie
devient le fournisseur de chaleur de la maison de repos. Techniquement, Ochain
Energie se chargera d’acheminer la chaleur au château par le biais d’un réseau de
chaleur à venir. La maison de repos réceptionnera cette chaleur grâce à un échangeur
thermique à plaques, implanté avant leur chaudière à mazout. L’avantage est double :
d’une part Ochain Energie peut valoriser sa chaleur de manière régulière et d’autre
part, l’établissement diminuera sa facture d’énergie calorifique de près de 50% par
rapport à l’utilisation du mazout. Le contrat énergie a pour but d’inscrire la condition
de la maison de repos qui est d’être alimenté en continu, avec le moins de coupures
possibles. A l’inverse, La condition d’Ochain Energie est que la maison de repos
consomme de manière régulière la chaleur fournie. Pour ce dernier aspect, certains
aspects techniques demandent encore à être développer. Bien que la consommation de
chaleur de la maison de repos soit assez régulière, elle dépend tout de même de la
saisonnalité. En effet, en période estivale, la maison de repos risque de réduire
l’utilisation de la chaleur pour le chauffage des bâtiments.[29]
Grégory Racelle s’étant enrôlé en tant que porteur de projet, le GAL a adopté une
position de retrait, préférant laisser celui-ci se charger du développement du projet
avec sa société Ochain Energie. Ce faisant, le GAL n’a pas rompu les liens avec le
projet, mais il s’est attelé à organiser des réunions avec la commune, la maison de repos
ou les associations locales[19]. A ce stade, le GAL prend le rôle de porte-parole du
projet, soutenant celui-ci auprès des autorités communales et régionales.
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Aussi, les chargés de missions comme Marc Wauthelet et Steve Francis vont rester en
contact avec Grégory, afin de répondre à ses question et de le soutenir dans sa
démarche. Grégory est alors le référent du projet et s’est à lui que revient la tâche d’y
enrôler de nouveaux acteurs.[18]
Le projet de biométhanisation à Ochain commence à prendre forme mais il reste encore
un point essentiel à abordé : le financement de l’installation.
L’unité de biométhanisation présente une capacité de production de 600 kW, ce
qui demande une installation relativement imposante et des investissements en
conséquence, ceux-ci s’élevant grosso modo à 5.600.000€ [31], [32]. Dans un premier
temps, Grégory s’est tourné vers les banques, mais a dû essuyer le refus catégorique
de certains établissements, la seule banque ayant accepté de soutenir le projet étant
BNP Paribas Fortis. Cependant, la banque se montra extrêmement stricte concernant
le plan de gestion et demanda un apport de fond propre conséquent, qu’Ochain
Energie sprl ne pouvait assumer seul. Grégory R. était alors face à une difficulté
majeure : comment trouver des investisseurs prêts à investir dans le capital de sa
société ? [30]
Durant l’entretien, Grégory Racelle a émis sa volonté d’inclure les citoyens dans le
projet. L’idée de travailler avec des coopératives lui est alors apparue comme une
solution adéquate. S’associer avec des coopératives permet aux riverains, qui peuvent
se demander quel serait l’intérêt pour eux de voir naitre un tel projet sur leur territoire,
de s’y investir et d’y trouver un intérêt financier, même s’il est minime [30]. A ces
citoyens qui se questionnent, Grégory R. pourrait répondre : « Mettez-y de l’argent, vous
allez peut-être en gagner à la même échelle que moi. » [30]
Selon Grégory R. « l’avantage des coopératives citoyennes est « d’accueillir le citoyen
chez soi, avec un outil qui les gère (…) moi je ne suis pas capable de gérer plus de 10
ou 15 actionnaires, or les coopératives peuvent en compter des milliers. »[30]. Aussi,
ces coopératives capitalisent l’argent des coopérateurs, ce qui facilite la recherche de
capital. En effet, Grégory R. illustre cet avantage : « Si demain il faut trouver 2 millions
€ en allant chercher des parts de 250€, je ne vais jamais y arriver. »
Un autre avantage des coopératives cité par Grégory est que, contrairement aux gros
investisseurs industriels, elles ne misent pas sur une maximisation des revenus. Bien
sûr, elles demandent un chiffre de return, mais celui-ci reste acceptable, car en tant que
coopératives agréés, ils distribuent 6% de dividendes à leurs membres actionnaires.
Aussi, Grégory R. pointe la dimension sociale qui est plus présente dans une
association avec une coopérative, plutôt qu’avec un industriel.
Intervient alors Thierry Laureys, avec son bureau d’étude « Energie &
Développement Local ». Ayant d’abord consacré sa vie à travailler dans l’éducation
permanente, Thierry Laureys s’est récemment réorienté vers une carrière
d’indépendant avec comme motivation d’accompagner les projets de production
d’énergie durable et d’économie d’énergie.
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Energie & Développement local propose notamment d’aider les porteurs de projet
pour « activer le tissus économique local », « mobiliser l’épargne des citoyens et rechercher des
financements », ainsi que « mettre en place un suivi chiffré afin de mesurer la concrétisation
du plan de développement »[33]. Dans notre cas, Thierry Laureys agit en tant que
médiateur entre Ochain Energie et les coopératives citoyennes afin que ces dernières
investissent dans Ochain Energie.
Thierry Laureys prit connaissance du projet développement d’Ochain Energie
lorsqu’il rencontra Grégory Racelle, quand ce dernier se rendit dans son village de
Surice afin de visiter l’unité de biométhanisation « Surizénergie ». Il s’est alors engagé
dans un processus de médiation avec la coopérative « Emission Zéro » afin de les
convaincre d’investir dans le projet d’Ochain. Le choix de cette coopérative ne s’est pas
fait par hasard, car Thierry Laureys était conscient du capital financier important
d’Emission Zéro. En effet, la coopérative est propriétaire à 50% de la coopérative de
production « Moulins du Hauts Pays », qui gèrent deux éoliennes situées à Dour,
soutient des projets hydroélectriques à Lobbes et à Monceau-sur-Sambre et compte
1606 coopérateurs, ce qui l’amène aujourd’hui à détenir un capital de 2,5 millions €.
Cette coopérative a notamment pour intérêts « d’amplifier le développement de toutes
énergies renouvelables et de veiller à ce que les installations soient maitrisées autant que
possible par les citoyens »[34].
Grâce au travail de Thierry Laureys, Emission Zéro a montré son intérêt dans le projet
d’Ochain Energie, acceptant de négocier avec Grégory. Les administrateurs de la
coopérative, ne souhaitant certainement pas s’enrôler les yeux fermés, ont engagé des
experts neutres afin de s’assurer que le projet était solide. Une fois convaincus, ils se
sont engagés à investir 1 millions €15 dans la société Ochain Energie afin d’augmenter
les fond propres de celle-ci.[31]
Outre Emission Zéro et Thierry Laureys, deux autres acteurs incontournables ont
participé au financement du projet : la coopérative « Condroz Energie Citoyenne »,
avec notamment Steve Francis et l’entreprise liégeoise d’intégration de technologie
« Coretec energy ».
Coretec Energy est « spécialisée dans la mise en place de solutions complètes de
production d’énergie haute performance et intervient depuis l’étude jusqu’à la
maintenance du projet en passant par son financement » [35]. L’entreprise a participé
activement dans le développement d’Ochain Energie. En effet, Grégory Racelle
demanda à la société de remettre une offre concernant l’installation de l’unité de
biomasse. Coretec accepta et un contrat fut signé entre les deux parties. En tant que
maître d’œuvre, l’entreprise réalisa dans une première phase les travaux
d’infrastructure de la production de biogaz. La seconde phase, qui sera opérationnelle
en novembre 2017, concernera la construction du réseau de chaleur reliant Ochain
Energie à la maison de repos « château d’Ochain ». Ensuite, à travers son service
15 800.000€ selon le site internet d’Emission zéro, 1 million selon les personnes interrogées.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
30
« Coretec maintenance », l’entreprise liégeoise offre un suivi de maintenance de
l’installation d’Ochain. Par ailleurs, avec sa filiale « coretec invoicing », l’entreprise
gère les contrats d’achat et de vente de l’électricité ainsi que les certificats verts pour le
compte d’Ochain Energie. Enfin, l’implication de Coretec va jusqu’à investir dans la
société Ochain Energie, jusqu’à s’intégrer dans l’actionnariat.[26]
Condroz Energie Citoyenne (CEC), est une coopérative qui vise à développer les
projets d’énergie renouvelable, avec comme priorité l’hydro-énergie et la
biométhanisation agricole. Créée en novembre 2014 par 25 fondateurs, CEC a pu
bénéficier pour sa création du soutien du GAL du Pays des Condruses. En effet, Steve
Francis chargé de mission « économie » lors de la programmation 2007-2013 est à
l’initiative de cette coopérative citoyenne.[36]
Fort de son expérience de directeur financier dans une société d’assurance grand-
ducale, Steve Francis avait pour rôle d’étudier le potentiel économique des projets
identifiés par l’étude du GAL. Il a donc accompagné le projet d’Ochain dans son
développement économique. Cependant ce n’est pas en tant que chargé de mission du
GAL qu’il a pu voir la réalisation de celui-ci. En effet, la programmation précédente
du GAL se terminant, le rôle de Steve Francis se clôtura également. Il se consacra alors
au développement de CEC, qui se tourna tout d’abord vers le financement de projets
d’hydro-énergie à Marchin et à Clavier. Dans son optique de développement de projets
d’énergie renouvelable, CEC a décidé d’investir également dans celui d’Ochain
Energie. Steve Francis qualifie l’apport en capital de symbolique car la somme délivrée
de 10.000 € représente un investissement cent fois plus petit que celui d’Emission Zéro.
Cependant, pour Steve Francis, la coopérative apporte d’autres choses qu’Emission
zéro ne peut : ils sont présents et travaillent sur le territoire, font de la sensibilisation,
organisent plus de visites et ont des contacts directs avec les administrations
communales.[32] En ce sens, la coopérative est un acteur territorialisant qui donne un
ancrage et une légitimité territoriale au projet.
Comme nous venons de le voir, ces acteurs (Emission Zéro, CEC et Coretec) se
sont intéressés et enrôlés dans le projet d’Ochain Energie. Cela peut s’expliquer d’une
part par leur intérêt intrinsèque pour le développement des énergies renouvelables et
d’autre part parce que le projet d’Ochain avait atteint un potentiel de développement
positif, cela étant confirmé par les études réalisées. Aussi, nous relevons que
l’intéressement des coopératives a pu se faire grâce à des intermédiaires/médiateurs
que sont T. Laureys et S. Francis.
Plus tard, ces acteurs scelleront leur alliance en s’intégrant dans l’administration
d’Ochain Energie. En 2016, Ochain Energie est passé de la forme juridique sprl (société
privée à responsabilité limitée) à une organisation sous forme de scrl (société
coopérative à responsabilité limitée). Ainsi, Emission Zéro, Condroz énergie citoyenne
et Coretec ont été intégrés dans l’actionnariat avec Grégory Racelle. Cette forme
juridique est préférée à la sprl pour deux raisons selon Grégory.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
31
D’une part, une sprl ne se justifie pas pour un projet d’une telle envergure, celui-ci
étant trop gros à porter pour une seule personne. D’autre part, dans une sprl, le gérant
peut décider seul et faire ce que bon lui semble. Or, pour les actionnaires ayant investi
plus d’un million d’euro au total, il est légitime que ceux-ci aient un droit de regard
sur la société. En effet la scrl, permet de contrôler, ou du moins d’orienter les
mouvements du gérant (ici Grégory, en tant qu’administrateur délégué), ainsi que
ceux de tous les actionnaires, s’ils désiraient éventuellement vendre leurs parts. [30]
Une autre particularité de la scrl est que les actionnaires peuvent y entrer et sortir
facilement. Cependant, Ochain Energie a fait le choix de bloquer cet aspect en
interdisant la fluctuation des actionnaires. Les administrateurs se sont alors accordés
de sorte que le capital de départ qui est souscrit soit un capital fixe. Dès lors, si les
administrateurs veulent changer ou vendre leur capital, il existe une procédure interne
qui les sécurise les uns envers les autres et renforce d’avantage leur alliance [30]. Nous
observons ici que la scrl représente un dispositif d’intéressement, à travers lequel les
acteurs se sont enrôlés dans le projet.
Grâce à ses actionnaires, Ochain Energie scrl dispose maintenant d’un capital en fond
propre suffisant pour négocier avec BNP Paribas Fortis. La banque va alors accepter
de financer le projet pour 50% du crédit long terme, les crédits courts terme et les
crédits d’avance pour les subsides [30]. Le business plan solide, l’apport de fonds
propres et l’investissement des citoyens dans le projet sont autant d’éléments qui ont
convaincu la banque de s’enrôler dans la réalisation du projet.
Cependant, Fortis n’est pas la seule à accorder un crédit à Ochain Energie. En effet
Grégory pris contact avec le fond d’investissement liégeois MeuseInvest, qui lui
accorda le solde du crédit long terme. Cette société de développement et de
participation du bassin liégeois avait d’abord refusé l’introduction dans le capital
d’Ochain Energie. Mais à force d’insistance, MeuseInvest a accepté de financer, à
condition qu’une banque investisse elle aussi. C’est ainsi que la société liégeoise et BNP
Paribas Fortis se sont répartis le financement du crédit long terme de manière
équivalente.
En sus des acteurs cités ci-dessus, il est intéressant de souligner le rôle important
que certains non-humains ont joué dans la développement d’Ochain Energie. Dans
notre cas, nous citerons particulièrement des non-humains à caractère financier, qui
ont eux aussi influencé l’enrôlement des créditeurs dans le projet. Ochain Energie a pu
en outre bénéficier des subsides UDE de la Région wallonne. « Ces subsides représentent
une aide à l’investissement destinée à encourager les entreprises évoluant vers la protection de
l’environnement ou l’Utilisation Durable de l’Energie (UDE) en Région wallonne. »[37]
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32
Aussi, Ochain Energie est éligible pour les subsides FEADER16 ayant obtenu une
cotation de 18/20. Cependant, ces subsides sont regroupés dans une enveloppe
fermée, c’est-à-dire que Grégory ne connait pas les critères d’attribution, ni s’il y aura
droit. Le subside FEADER s’il est accordé, pourrait alors représenter une bonne
surprise de 250.000€.[30]
Enfin, une dernière aide financière qui se révéla être salvatrice pour le projet est
les Certificats Verts (CV) accordés à Ochain Energie. Cette aide fut attribuée dans un
contexte particulier qu’il est intéressant de préciser afin de mieux comprendre
comment les CV sont devenus un soutien incontournable pour la rentabilité de l’unité
de biométhanisation.
La chute des prix des CV qu’a connue la Région wallonne dans le courant des années
2011-2012 [38] a précipité bon nombre de biométhaniseurs vers la faillites. En
septembre 2013, Thierry Laureys participe à une réunion à Surice, à laquelle les
biométhaniseurs de Wallonie prennent part. Ces propriétaires et/ou gestionnaires
d’installations de biométhanisation agricole, se regroupent depuis cette date dans la
Fédération des Biométhaniseurs Agricoles wallons (FeBA)[39], Cette structure a pour
objectif de « représenter les biométhaniseurs auprès des politiques et des autorités
administratives. » [40]
Les cabinets ministériels wallons de l’agriculture, de l’énergie, de l’économie ainsi
que le cabinet ministériel fédéral de l’agriculture ont été alertés de la situation
financière critique du secteur. Les ministres wallons Carlo Di Antonio (agriculture) et
Jean-Marc Nollet (énergie) se sont alors saisis du problème et ont rencontré les
biométhaniseurs lors de la réunion à Surice. Ces derniers ayant des revendications, ils
ont alors pu négocier avec les ministres afin de mettre en place un soutien à la
production d’énergie par la biomasse. C’est ainsi que la filière va être sauvée à partir
de juin 2014 grâce à la mise en place d’un plan de sauvetage biomasse. Ce plan de
sauvetage prévoit notamment de passer d’un KECO de 3 à un KECO de 3,5, plafonné à 3
Certificats Verts (CV).[31] Cependant, pour que les installations de biomasses puissent
profiter de cette hausse du nombre de CV, certaines conditions étaient à respecter :
- « L’installation de production d’électricité verte doit être une installation de biomasse
solide ou de biométhanisation agricole ;
- L’installation de production d’électricité verte doit disposer d’un permis définitif avant
le 1er juillet 2014 ;
- Le producteur doit démontrer que l’installation n’atteint pas la rentabilité de référence
au regard du régime de soutien dont elle bénéficie. »[41]
16 FEADER : Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
33
Ochain Energie remplissant ces conditions d’éligibilité, la scrl a pu bénéficier d’un
octroi de 3 CV / MWh, pour une période de 15 ans, ce qui renforça encore la rentabilité
du projet. En effet, sans les CV, il aurait été impossible de réaliser le projet, les coûts
fixes étant trop importants [30].
Ces dispositifs de subsides (CV, UDE et FEADER), donnent à Ochain Energie une
sécurité de financement et assurent alors à BNP Paribas Fortis une garantie concernant
les remboursements des crédits accordés.
A l’heure actuelle, le projet d’Ochain Energie est entré en fonctionnement et injecte
le gaz dans le moteur de cogénération depuis le mois de mai 2017, débutant ainsi la
production d’électricité. La valorisation de la chaleur avec le Château d’Ochain se fera
dans un second temps, les travaux étant prévus pour septembre 2017.[30]
Il est utile de rappeler ici que nous n’avons pas eu accès aux agriculteurs concernés
par le projet d’Ochain. Cet aspect constitue donc une limite dans la description du
réseau sociotechnique d’Ochain Energie et mériterait d’être exploré. Il serait en effet
intéressant d’observer la dynamique particulière des agriculteurs et d’Ochain Energie
afin de comprendre comment ceux-ci pourrons créer de nouveaux flux de matière
organique, en s’inscrivant dans une économie circulaire[18].
3.1.4. Stabilité relative et collectif hybride : l’allongement du réseau
L’analyse de la dynamique du projet de biométhanisation d’Ochain nous permet
de mettre en évidence les relations que les acteurs hétérogènes ont établies entre eux,
portant ce projet jusqu’à sa réalisation.
Afin de poursuivre l’analyse de ce réseau à travers les concepts de « stabilité » et
de « collectif hybride », nous mobiliserons dans cette partie, les théories de Michel
Callon et de John Law développées dans leur ouvrage de 1997.
Selon Callon & Law, un collectif ou réseau, est constitué d’une diversité
d’éléments hétérogènes, ou entités. Les auteurs ne voient pas les entités comme des
éléments isolés, mais les définissent comme « indiscernables du réseau d’entités sur
lesquels ils agissent et qui agissent à travers eux ». Autrement dit, les entités sont définies
par le réseau qu’elles composent, ce réseau étant aussi défini par ses entités.
Les auteurs nous rappellent que la société humaine est faite de matériaux
hétérogènes (murs, fusils, téléphones,…etc.), qui sont mobilisés par l’Homme dans ses
rapports sociaux. La tendance est de considérer ces matériaux comme des ressources
ou des contraintes, comme des objets passifs, qui deviennent actifs lorsqu’ils sont
utilisés par l’Homme, Or, le principe de « l’hétérogénéité du social » qu’ils mobilisent
dans leur travail, remet en cause cette distinction faite et considère les non-humains,
les matériaux, comme acteurs dans la dynamique du collectif. Dès lors, nous pouvons
parler de collectif hybride, constitué de diverses entités, humaines et non-humaines.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
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En ce sens, nous pouvons qualifier le réseau constitué autour et à travers la
biométhanisation d’Ochain, de collectif hybride. Dès lors, il est intéressant d’identifier
les non-humains qui ont eu un rôle dans la définition de l’identité du projet ainsi que
sur sa stabilisation relative.
Un non-humain incontournable et qui a eu un rôle central dans la définition du
projet de biométhanisation, est l’installation de biogaz elle-même dans tous ses aspects
physiques et techniques. Dès le départ, la technicité de la biométhanisation a imposé
une première définition du projet. En effet, la chaleur de l’installation devant être
valorisée, l’identité du projet s’est alors définie à travers la coopération avec le Château
d’Ochain. L’unité de biométhanisation a ici un rôle d’entité active, c’est-à-dire qu’elle
participe à l’action collective. L’unité de biogaz va relancer l’action en montrant ses
limites technologiques et techniques, qui vont pousser le réseau à se réorganiser et à
redéfinir l’identité du projet.
A travers la dynamique, nous avons vu comment l’identité du projet de
biométhanisation d’Ochain résulte des interactions en cours dans le collectif hybride
et évolue avec celles-ci. Par ailleurs, le réseau peut acquérir une stabilité relative. En
effet, une entité, qui est distribuée dans les différents matériaux et entités qui la
composent, peut se stabiliser ; c’est-à-dire acquérir une identité, une enveloppe qui lui
est propre, afin de représenter le réseau qui la constitue. Elle fait alors la traduction
des différents matériaux qui l’ont assemblée : elle les ponctualise.[22]
Ainsi, la stabilité que le projet d’Ochain a acquise est incarnée par la sprl Ochain
Energie mais également par le contrat avec le château d’Ochain qui ponctualisent le
collectif hybride. C’est-à-dire que tous les éléments du réseau sont représentés à
travers Ochain Energie. Cependant, la stabilité acquise reste provisoire. En effet, des
composantes, des entités du réseau peuvent être modifiées. Ce faisant, la dynamique
du réseau ne fonctionne plus correctement et la ponctualisation du collectif cesse. Dans
ce cas, l’entité va alors fluctuer afin de retrouver une nouvelle stabilité.
Le travail d’enquête réalisé sur le terrain nous a permis de mettre en avant
plusieurs éléments qui, dans un futur relativement proche, risquent de faire chanceler
la stabilité de l’entité et ainsi redéfinir son identité, voir même le réseau.
Le premier obstacle est la valorisation de la chaleur en été. En effet, le risque est que la
consommation de chaleur du Château d’Ochain varie en fonction de la saisonnalité et
donc diminue en été. Le deuxième obstacle relevé est le temps d’octroi des CV qui se
limite à 15 ans. Aussi, si de nouveaux CV sont octroyés dans 15 ans, le taux d’octroi
passera de 3 à 2,5 CV /MWh, cela en faisant l’hypothèse que le système des CV se
perpétue jusque-là. Ces autres non-humains montrent également leurs limites
techniques, ce qui relancera l’action et forcera le collectif à redéfinir l’identité du projet.
En effet, ces aspects techniques apparaissent comme des freins à la rentabilité future
d’Ochain Energie.
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Pour passer outre ces obstacles, Grégory Racelle compte notamment allonger le
réseau en multipliant les entités qui le composent. En ce sens, plusieurs pistes peuvent
être explorées. Par exemple, utiliser la chaleur excédentaire pour sécher du foin en été
ou rallonger le réseau de chaleur et en faire profiter d’autres bâtiments d’Ochain. Cet
allongement de réseau est un allongement au sens matériel du terme mais également
au sens de Callon, redéfinissant l’identité du collectif. Une autre piste pourrait être
d’utiliser l’eau et la chaleur de l’unité de biogaz afin de développer une culture de
spiruline.[19], [30] En se diversifiant de la sorte, le projet pourrait gagner en résilience
face aux problèmes potentiels de rentabilité à venir.
Face à la date limite d’octroi des CV, Grégory Racelle pense déjà d’une part, à rééditer
une demande d’éligibilité et d’autre part, compte sur la rentabilité grandissante de
l’unité de biogaz. En effet, d’ici 15 ans, l’installation sera remboursée. Ainsi, avec 2,5
CV/MWh et une installation amortie, Ochain Energie pourrait s’en sortir. Cependant,
il reste tout de même une part de risque, car il est impossible de prévoir ce qui se
passera dans quinze ans pour Ochain Energie.
3.2. Analyse de la dynamique du projet « Point Vert »
3.2.1. Problématisation
Contrairement au projet de biométhanisation d’Ochain, l’espace-test maraîcher
« Point Vert » n’a pas émergé des réunions organisées par le GAL avec les citoyens et
les élus, dans le cadre de la construction des fiches projets. En effet, Point Vert n’était
pas inscrit dans une fiche projet de la programmation 2007-2013. L’idée du projet a
germé dans les discussions entre Albert Deliège, directeur de l’asbl « Devenirs »
(membre de l’asbl GAL Pays des Condruses) et Jean-François Pêcheur, coordinateur
du GAL.[17], [19]
L’asbl « Devenirs » est un centre d’intégration socioprofessionnelle et de
développement social (CISP) situé à Marchin. Elle propose notamment une formation
de pré-qualification aux métiers verts, en maraichage et en horticulture, avec une
certification par l’intermédiaire de la promotion sociale de Huy.[42] Partant du constat
que trop peu de ses stagiaires en maraichage parvenaient à s’installer en tant
qu’indépendant suite à leur formation, Albert Deliège se tourna vers Jean-François
Pêcheur afin de réfléchir sur une solution potentielle que le GAL pourrait amener. Ils
se sont alors interrogés sur les freins que pouvaient rencontrer les maraîchers en vue
d’une installation professionnelle. Deux freins furent d’emblée identifiés : l’accès à la
terre difficile et le manque de pratiques techniques des prétendants à l’installation.[17],
[19], [42]
De manière analytique, nous pouvons définir la problématisation comme suit : « il
est nécessaire de favoriser l’installation professionnelle des nouveaux maraîchers en
répondant aux deux principaux freins que sont l’accès à la terre et le manque de
pratiques maraichères. »
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3.2.2. Point de passage obligé
Une fois le problème formulé, le GAL s’est alors attelé à identifier les différentes
possibilités pour concrétiser une aide à l’installation à destination des maraîchers
« entrants », c’est-à-dire les maraîchers qui ne sont pas issus du monde agricole et qui
n’ont pas d’accès à la terre [17]. Ce faisant, le GAL doit faire en sorte que la
problématisation qu’il propose fournisse des éléments de réponse au projet dans tous
ses aspects.
La première idée du GAL était de créer une coopérative de production maraichère.
En 2010 il a donc réalisé avec l’agence conseil Febecoop17, une étude de faisabilité
concernant la création d’une Société coopérative à Responsabilité Limitée à Finalité
Sociale (Scrl Fs) de production maraichère biologique. Cependant, le business plan
l’étude montra qu’une telle forme d’organisation serait difficilement rentable. Dès lors,
le GAL réorienta le projet vers la création d’un espace-test maraîcher.
Découvert par Jean-François Pêcheur à travers des lectures, le concept d’espace-
test maraîcher fut retenu par le GAL. Un espace-test maraîcher consiste en une mise à
disposition de terre à des porteurs de projet (maraîchers) pour une période définie, ici
de 18 mois[17]. L’avantage de ce concept est qu’il a la capacité d’apporter des solutions
aux problèmes identifiés en proposant un accès à la terre aux maraîchers, leur offrant
ainsi la possibilité d’y tester leurs capacités techniques. Aussi l’accès gratuit à une
parcelle cultivable est une caractéristique incontournable de ce projet, laquelle ne sera
pas négociable, du moins dans un premier temps.
Dans notre cas étudié ici, le PPO va être incarné par la mise en place de l’espace-
test maraîcher « Point Vert », dans lequel vont s’enrôler les différents acteurs
hétérogènes qui dynamiseront ce projet.
La problématisation va alors se préciser à travers le PPO suivant : « Il est nécessaire
de mettre en place l’Espace-test Maraîcher « Point Vert », afin de permettre un accès à
la terre gratuit pour les porteurs de projets. »
3.2.3. Dynamique du réseau sociotechnique
Avant le projet « Point Vert », la volonté première du GAL était de créer le chaînon
manquant entre la formation en maraichage de « Devenirs » et la commercialisation
avec la scrlfs « Point Ferme ». Cependant, dans les faits, Point Ferme demande des
volumes de production importants, que les maraîchers qui se lancent ne sont pas
capables de fournir. Le GAL décida alors de se concentrer sur le développement de
Point Vert en le dotant d’une double mission : d’une part, offrir un espace de
17 Febecoop est une agence de conseil wallonne, qui a pour mission de promouvoir, défendre et développer le modèle coopératif.
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maraichage gratuit et d’autre part, accompagner les porteurs de projets dans leur
développement professionnel.[19]
Pour ce faire, le GAL a tenu son rôle d’animateur du territoire et a ainsi visé à mailler
les différents acteurs et structures possédant les compétences nécessaires pour assurer
les missions attribuées à l’espace-test. La stratégie ici n’est pas que le GAL porte à lui
seul le projet, mais bien d’y inclure les acteurs qui travaillent déjà dans le domaine de
l’accompagnement des porteurs de projet [19]. Dans l’optique de créer un maillage
d’acteurs autour de Point Vert, le GAL a pu identifier quatre acteurs principaux qui,
en partenariat avec le GAL, vont créer la dynamique du projet : l’asbl Créa-job, l’asbl
Devenirs, le Centre des Technologies Agronomiques de Strée (CTA) et la commune de
Modave.
La première étape de la concrétisation du projet fut de trouver un terrain capable
d’accueillir les futurs maraîchers. Par chance, la commune de Modave disposait d’un
terrain de 6 hectares en friche agricole sur lequel un projet de liaison routière est prévu
à long terme. La commune accepta de mettre à disposition gratuitement le terrain au
GAL afin de développer des initiatives innovantes de maraichage. Une convention de
mise à disposition fut alors signée pour une durée de huit ans à partir du 1er janvier
2012.[17]
Afin d’adapter cette friche agricole à une activité maraichère, des travaux
d’aménagement on dut être réalisés. Ils ont consisté en la mise en place d’un bassin
d’eau de pluie de 400 m³ connecté au hall des travaux de la commune de Modave, la
mise en place de chalets de stockage pour le matériel, le défrichage des parcelles, la
pose de chemins d’accès ainsi que l’installation de serres tunnels. Ces infrastructures
sont accessibles de manière mutualisée par les porteurs de projets maraîchers. Point
Vert propose ainsi de compléter l’accès à la terre par la mise à disposition d’une série
d’outils et d’infrastructures nécessaires pour les porteurs de projets.
En juin 2013, Point Vert était créé et prêt à accueillir des porteurs de projets
maraîchers.
Afin de décrire la dynamique interne de Point Vert, nous illustrerons celle-ci à
travers les témoignages de trois porteurs de projets maraîchers rencontrés lors de
l’étude de terrain. Ce faisant nous expliciterons les missions menées par les différents
acteurs qui se sont engagés dans le projet, à savoir : Le GAL, l’OISP18 Devenirs, le CTA
et la SAACE19 Créa-job.
18 Organisme d’Insertion Socio-Professionnelle 19 Structure d’Accompagnement à l’Autocréation d’Emplois
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3.2.4. Dynamique des porteurs de projet maraîcher
L’enquête menée sur le terrain nous a permis de rencontrer trois porteurs de
projets avec des parcours professionnels différents : Renaud Devries, Fanny Lebrun et
Séverine d’Ans.
Désireuse de se lancer dans la production de semence, mais toujours fort hésitante,
Fanny Lebrun, informée du concept de Point Vert, pris contact avec Kathleen
Vanhandenhoven, coordinatrice de l’espace-test.
Kathleen V. est également et avant tout chargée de mission pour la fiche économie
du GAL du Pays des Condruses. Dans le cadre de ses attributions, la mission de
coordinatrice de l’espace-test lui a été attribuée. En effet, c’est dans la fiche économie
et non la fiche agriculture que l’espace-test trouve ses financements, à travers des
demandes de subventions. Kathleen V. a pour mission d’être le relais entre les
candidats maraîchers et les autres parties prenantes du projet (Devenirs, CTA,
commune, Créa-job). Aussi, elle s’emploie à coordonner les différents acteurs autour
de Point Vert, afin d’organiser la gestion de l’espace-test dans ses aspects techniques
(travail mécanique réalisé par le CTA), d’accompagnement (conseils en maraichage
donnés par « Devenirs ») et administratifs (contrôle de la certification bio).
Aussi, Kathleen V. s’occupe de la communication et de la visibilité de l’espace-test et
s’attache également à développer le projet à travers la création de voies de
commercialisation pour les maraîchers présents sur le site. Kathleen V. s’occupe
également de l’accueil des candidats maraîchers, elle les écoute et s’assure de leur
capacité et motivation à se lancer dans un projet de maraichage. Elle décide alors si les
candidats sont prêts à entrer dans l’espace-test maraîcher ; si elle estime qu’ils ne le
sont pas encore, elle les oriente vers le secteur de la formation, afin que les candidats
puissent aiguiser leurs connaissances et capacités dans le domaine du maraichage.[17]
Fanny Lebrun, encouragée par Kathleen V., s’installa en 2014 sur l’espace-test et
lança sa production de semences. Afin de préparer la terre à la culture, un travail de
labour a été réalisé par le Centre des Technologies Agronomiques (CTA) de Strée. Le
CTA est un acteur enrôlé dans le projet Point Vert et a pour mission de réaliser le
travail mécanique du sol, sur les terrains de l’espace-test. Le CTA, en tant que centre
de formations et de recherches appliquées dans le domaine de l’agriculture, dispose
d'une ferme de 55 hectares accueillant cultures et animaux [43]. Ils sont de ce fait
équipés en machines agricoles, grâce auxquelles ils interviennent sur l’espace-test. En
tant que coordinatrice, c’est Kathleen, qui se charge d’organiser les interventions du
CTA.
Durant sa première année de culture chez Point Vert, Fanny Lebrun partageait son
temps de travail entre sa production de semences et son travail à 1/3 temps. Selon elle,
Point Vert ne lui a apporté que des choses positives. D’une part, la gratuité du terrain
et l’accès au matériel (motoculteur, arrosage, serres) lui ont permis de contracter un
prêt afin de lancer sa production, chose qu’elle n’aurait pas pu, selon elle, réaliser si
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elle avait dû payer ces commodités. D’autre part, la dynamique de groupe avec les
autres maraîchers ainsi que les conseils de culture prodigués par Fréderic Englebert de
chez Devenirs, ont rassuré la jeune maraichère dans son entreprise. Si bien que Fanny
Lebrun est actuellement à la tête de la coopérative de production semencière « Cycle
en Terre », qu’elle a pu développer avec notamment la participation de Bruno Greindl,
créateur de la coopérative Agribio située à Buzin. Après deux ans passés chez Point
Vert, Fanny Lebrun s’est installée sur le site d’Agribio, où elle bénéficie d’un terrain
pour la production de ses semences ainsi que d’un emplacement pour son habitat
léger.[44]
Séverine d’Ans, ancienne professeure de botanique, a passé deux saisons sur
l’espace-test, de mai 2015 à fin 2016 suite à une reconversion professionnelle, préférant
quitter son travail de « bureau ». Elle profita de sa période de chômage pour réfléchir
à quel sens donner à son projet de développement personnel. Durant cette période,
elle rencontra la Structure d’Accompagnement à l’Auto-Création d’Emplois (SAACE),
Créa-job [45]. Cette SAACE est composée de trois antennes (Waremme, Hotton et
Louvain La Neuve).
Lors de l’étude de terrain, nous avons rencontré Daphné Lemaitre, référente de la
filière agrotourisme pour les trois antennes. Lors de l’entretien, Daphné L. nous a
exposé les missions de Créa-job, notamment dans le cadre de l’accompagnement de
candidats maraîchers. Afin de mieux saisir cette séquence de la dynamique de Point
Vert, il est intéressant d’expliquer comment Créa-job propose d’accompagner les
candidats dans le développement de leur projet entrepreneurial. Dans le cadre de sa
filière agrotourisme, Créa-job est en lien avec différents espaces tests maraîchers,
notamment ceux d’Anderlecht avec l’asbl « Le début des haricots», de Tourinnes-la-
Grosse avec le GAL « Culturalité », et celui de Strée avec le GAL du « Pays de
Condruses ». C’est ainsi que Séverine d’Ans fut mise en relation avec Point Vert, par
l’intermédiaire de Créa-job.
Séverine d’Ans s’installa dès mai 2015 sur l’espace-test Point Vert, mais ne
bénéficia pas directement de l’aide de Créa-job, préférant d’abord tester sa production
de plantes sauvages durant une saison. Elle profita de cette période pour développer
sa newsletter, une page internet et entreprendre une étude de marché en vue de créer
son entreprise « ApiFlora ».[45]
Afin d’accompagner au mieux les porteurs de projets, Créa-job propose un
parcours comprenant trois phases de développement. La première consiste à faire le
diagnostic du projet. Le porteur expose son idée d’entreprise et Daphné Lemaitre a
alors pour tâche d’expliquer le fonctionnement de Créa-job et quels sont les avantages,
inconvénients ainsi que les droits et devoirs du porteur de projet. [46]
Une condition d’entrée dans la couveuse est de bénéficier des allocations de chômage.
En effet, durant la période de couveuse, le porteur de projet vivra de son chômage,
tous les bénéfices étant capitalisés par Créa-job. A la fin de la période de couveuse, le
candidat reçoit l’argent qu’il a pu générer, sous forme de rétrocession. C’est-à-dire que
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
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tous les investissements, les achats et le pourcentage de Créa-job sons soustraits à la
somme accumulée par le porteur. Les allocations de chômage étant le seul revenu du
porteur, il est important qu’elles soient suffisamment élevées afin de subvenir à ses
besoins. C’est dans la deuxième phase, la phase de préparation, que ces enjeux vont
être soulevés. La première action réalisée ici est l’évaluation du budget du ménage
avec l’identification des besoins du porteur. Si ce dernier montre un budget nécessaire
trop élevé par rapport à ses allocations de chômage, la couveuse d’entreprise n’est
peut-être pas la bonne solution. Dès lors, Daphné Lemaitre peut diriger le porteur vers
d’autres aides existantes, comme par exemple les systèmes d’aide « tremplin » ou
« Airbag ». L’objectif principal de cette phase est de réaliser le plan d’affaire grâce à un
format propre de Créa-job.[46]
A cette étape, plusieurs possibilités se présentent au porteur de projet : se lancer sous
le statut d’indépendant, d’indépendant complémentaire ou d’entrer dans la couveuse
d’entreprise. Séverine d’Ans fit ce dernier choix en avril 2016. La collaboration de Point
Vert et de Créa-job lui permit d’une part de tester ses capacités techniques maraichères
et d’autre part de développer son entreprise jusqu’à atteindre une autonomie de
gestion.[45]
Toujours en couveuse, Séverine d’Ans développe actuellement son entreprise
« ApiFlora » sur le terrain d’une agricultrice à Solières, mis à disposition gratuitement
[45]. L’accès à la terre étant un des freins majeurs identifié dans le parcours d’un
candidat maraîcher, Créa-job fait de la recherche d’une terre, une priorité dès l’entrée
du candidat en couveuse [46]. Aussi, Point Vert et le GAL peuvent favoriser cet accès
à la terre, mobilisant leurs réseaux ainsi que l’étude d’Olivier Rulot qui a permis le
recensement de près de 300 agriculteurs sur les sept communes qui composent le GAL
[19][47].
Le dernier maraîcher rencontré lors de notre étude sur le terrain est Renaud
Devries, diplômé en philosophie à l’ULB et ancien enseignant dans le cycle secondaire.
Désireux de s’investir dans un travail plus en accord avec ses valeurs
environnementales, sociales et économiques, il suivit une formation en agriculture
biologique durant une année. N’étant pas originaire du milieu agricole, cela ne lui
facilita pas un accès à la terre. Renaud Devries s’est alors tourné vers Point Vert, qui
selon lui est le facilitateur idéal pour développer un projet à moindre coût. N’ayant
plus droit aux allocations de chômage suite à sa formation, il fit le choix d’acquérir le
statut d’indépendant complémentaire afin de démarrer sa culture de légumes sur
l’espace-test dès 2013.
La combinaison d’un travail à mi-temps et la culture maraichère sur l’espace-test
représente pour lui une alliance idéale. Avec la volonté de développer son projet, les
attentes de Renaud Devries par rapport à Point Vert se limitent à un accès à la terre,
lui, étant prêt à porter le reste des tâches sur ses épaules. Actuellement, ce porteur de
projet entame sa cinquième saison sur le site de l’espace-test, ce qui fait figure
d’exception. En effet, le temps théorique « limite » d’un candidat est fixé à 18 mois.
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Cependant, bien que l’espace-test soit un espace de transition, sa mission reste avant
tout de permettre aux candidats de développer leur projet, jusqu’à l’opportunité de
trouver une terre sur laquelle ils pourront s’installer durablement par la suite. Dès lors,
Kathleen V., coordinatrice, a fait le choix d’adapter l’espace-test en fonction des
besoins des candidats, négociant leur temps de passage au cas par cas.20 La négociation
avec Renaud Devries a abouti à ce que ce dernier soit désigné comme le maraîcher
référent de l’espace-test, avec pour mission d’être disponible pour les autres
maraîchers afin de répondre à leurs questions. Un autre aspect permettant aux
porteurs de projet de rester plus longtemps sur l’espace-test, est traduit par le fait que
Point Vert n’est pas submergé de nouvelles demandes d’installation et dispose ainsi
de terres en suffisance [48].
Actuellement, Renaud Devries travaille à mi-temps pour l’OISP « Devenirs » en tant
que chargé de projet. Dans le cadre de formations proposées en maraichage bio et en
horticulture par l’asbl, Renaud Devries est chargé de compléter cette formation par des
modules plus techniques et scientifiques sur des thématiques précises, alternant
théorie et pratique.
Comme nous l’avons abordé dans la problématisation, « Devenirs » collabore
depuis la genèse du projet Point Vert avec le GAL. Cette collaboration repose sur deux
aspects, qu’incarne Fréderic Englebert, formateur chez Devenir et conseiller technique
pour Point Vert. D’une part, « Devenirs » crée une passerelle entre Point Vert et ses
stagiaires, leur permettant d’être candidats sur l’espace-test. D’autre part, Fréderic E.
assure le suivi technique des candidats, se rendant sur l’espace-test tous les quinze
jours. Il veille notamment à aider les candidats dans la réalisation de leur plan de
culture, à les accompagner dans la détection des maladies, ainsi qu’a les amener à une
certaine rentabilité de production.[42]
Nous venons de le voir, Point Vert est un projet initié et porté par le GAL du Pays
des Condruses, mais celui-ci a réussi à s’entourer d’acteurs déjà actifs dans les
domaines du maraichage et de l’accompagnement. A travers ce réseau sociotechnique,
Point Vert a pu atteindre une stabilité relative, que nous aborderons dans le point
suivant.
20 Kathleen V. : «Il nous arrive de laisser les terrains à disposition plus longtemps car le candidat en a besoin et le but du jeu est d’aider à l’installation et pas de les mettre dehors après 18 mois, même s’ils n’ont pas de terre ».
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3.2.5. Stabilité relative et collectif hybride : l’allongement du réseau
L’analyse de la dynamique de l’espace-test Point Vert nous permet d’observer
comment les acteurs hétérogènes établissent des relations entre eux afin d’assurer le
fonctionnement du projet.
Afin d’approfondir l’analyse de ce réseau, nous mobiliserons les concepts
de « stabilité » et de « collectif hybride » selon Callon & Law [22]. Comme nous l’avons
abordé dans le point 3.1.4, les auteurs mettent en avant le concept « d’entités » afin de
définir les actants du réseau. Cette vision permet de mettre en avant la notion
« d’acteur-réseau », définissant les entités comme indiscernables du réseau, lui-même
composé des entités qui le définissent [22]. Dès lors, lorsque l’on souhaite analyser une
entité, un actant, il est impossible de le faire sans prendre en compte tout le réseau
dans lequel il s’inscrit. Il est également important de prendre en compte les non-
humains dans la définition du réseau. Dans leur analyse, les auteurs mettent en avant
la notion de « collectif hybride » afin de définir le réseau composé d’humains et de
non-humains. Aussi, lorsque l’on étudie un projet construit et porté par un collectif, il
est indispensable d’analyser les relations existantes entre toutes les entités du réseau.
En effet, c’est à travers les négociations entre les entités que le projet va acquérir une
identité définie et potentiellement stable.
Dans notre cas, l’espace-test Point vert est le projet, mais est aussi une entité du
collectif hybride. Aussi, lorsque Point Vert acquière une identité, une enveloppe qui
lui est propre, l’espace-test se stabilise et peut alors représenter le collectif qui le
constitue. A travers cette identité stabilisée, l’espace-test Point Vert fait la traduction
des différents matériaux qui le compose, il ponctualise le collectif hybride [22]. Nous
pouvons également mettre en avant que cette ponctualisation du collectif passe aussi
par le contrat de mise à disposition de terre établi entre le GAL et la commune de
Modave.
Comme nous le voyons à travers la dynamique de l’espace-test, Point Vert a réussi
à atteindre une certaine stabilité de fonctionnement à travers le réseau sociotechnique
qu’il a pu constituer avec cinq acteurs incontournables :
- Le GAL du Pays de Condruses avec Kathleen Vanhandenhoven : coordinatrice
de l’espace test
- Fréderic Englebert : conseiller technique
- Le CTA : soutien technique pour le travail du sol
- Créa-job : couveuse d’entreprise
- La commune de Modave : accès à la terre
Le travail d’enquête réalisé sur le terrain nous a permis de comprendre que le
concept d’espace-test « Point Vert » est toujours en construction et en recherche d’une
stabilité nouvelle. En effet, Kathleen V. et Jean-François P. se questionnent sur l’avenir
de Point Vert, avec notamment la volonté de pérenniser cette structure en l’inscrivant
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43
dans un plus large réseau d’entités. La rencontre des trois maraîchers de l’espace-test,
nous a permis également de prendre connaissance des avantages et des inconvénients
de Point Vert. Nous pouvons alors mettre en avant plusieurs enjeux inhérents au
concept de l’espace-test de Strée, qui vont potentiellement questionner l’identité
relativement stabilisée de Point Vert.
Dans cette partie, notre analyse se fera essentiellement au niveau local du projet :
Nous illustrerons par les témoignages de Kathleen V. et de Frédéric E., comment Point
Vert cherche à se renforcer à travers l’allongement de son réseau sociotechnique au
niveau local. Nous aborderons également les freins et les leviers inhérents à la
dynamique de l’espace-test maraîcher mis en avant par les trois maraîchers interrogés.
Notre analyse au niveau du GAL se détaillera dans le chapitre 4 : Nous y verrons
à travers les propos recueillis auprès de Jean-François Pêcheur, comment le GAL du
Pays des Condruses tend à inscrire Point Vert dans une dynamique à plus grande
échelle territoriale, à travers notamment l’essaimage du concept et le développement
d’un réseau wallon des espaces tests maraîchers.
3.2.6. Stabilité et identité de l’espace-test maraîcher Point Vert
Le travail d’enquête réalisé sur le terrain nous a permis de mettre en avant
plusieurs enjeux auxquels l’espace-test fait face dans sa dynamique de
fonctionnement. Face à ces enjeux, les acteurs interrogés proposent diverses pistes de
solutions qui amènent soit à renégocier les règles qui régissent l’espace-test, soit à
allonger le réseau sociotechnique. Dès lors, ces modifications peuvent amener à
changer l’identité de Point Vert, le collectif hybride se stabilisant d’une nouvelle façon.
Dans le cas étudié ici, les propositions émises par les acteurs ne sont encore que
des pistes de solutions potentielles. Bien que Point Vert ait pu trouver une certaine
identité et stabilité, il reste un projet encore relativement jeune, qui est toujours en
réflexion. Dès lors, nous illustrerons les enjeux rencontrés par les acteurs avec les
solutions proposées, sans nous avancer à exposer une nouvelle identité du projet, celle-
ci n’étant pas encore stabilisée.
3.2.6.1. L’espace-test : enjeu géographique ? un non-humain central dans la dynamique du projet.
L’analyse du réseau à travers la notion de collectif hybride[22] nous permet de
mettre en avant un non-humain qui a un rôle central dans la définition du projet :
l’espace-test lui-même, composé de toutes ses entités matérielles.
L’espace-test Point Vert propose de nombreux services avantageux pour les
candidats maraîchers : l’accès à la terre, des serres, du matériel et un accès à l’eau. Tous
ces éléments sont une aubaine pour les maraîchers débutants, ceux-ci n’ayant pas la
capacité d’investir dans ces commodités au lancement de leur projet [17].
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
44
Le travail de maraîcher étant tributaire des conditions du vivant, un décalage entre les
premiers semis et les récoltes est inhérent au métier. De ce fait, les maraîchers doivent
souvent attendre la fin de la première saison avant de commencer à faire fructifier leur
entreprise. L’espace-test, de par sa matérialité, permet aux maraîchers de passer outre
ces freins que sont l’accès difficile à la terre et les investissements en infrastructures et
matériel de culture.
Cependant, l’implantation de l’espace-test montre également ses limites. En effet,
Point Vert est un espace fixe, ancré sur le territoire, les maraîchers doivent se déplacer
jusqu’à lui afin de cultiver la terre. Il existe donc une contrainte géographique pour
l’accès à l’espace-test. En effet, la distance à parcourir entre leur domicile et l’espace-
test peut freiner l’installation de certains candidats maraîchers. Les personnes
interrogées nous ont tous fait part de cet enjeu central qu’est la distance entre le
domicile et le terrain de culture. Renaud Devries nous a fait part de la difficulté
qu’engendre cette distance, notamment pour la gestion des serres, qu’il faut ouvrir ou
fermer en fonction des conditions météo. Dans ce cas, il faut être prévoyant, un orage
soudain pouvant mettre à mal les serres, d’autant plus si le maraîcher a un trajet
important à réaliser pour se rendre sur le terrain[17]. Selon Renaud Devries, le temps
de trajet maximum gérable serait de 30 minutes de voiture. Le métier de maraichage
demandant déjà tellement d’attention et de suivi, de longs trajets risquent d’épuiser le
maraîcher sur la route.
Habiter à proximité de son terrain serait quelque chose d’inhérent au métier de
maraîcher, voire même, l’objectif serait d’habiter sur son terrain d’exploitation[17]. Par
exemple, Fanny Lebrun a fait de choix d’habiter dans un habitat léger, sur le domaine
d’Agribio où se trouvent ses terrains de cultures. Cet enjeu géographique risque
probablement d’engendrer un épuisement du vivier local de maraîchers [48]. Une
solution proposée par le GAL serait de favoriser l’essaimage du concept d’espace-test,
en participant à la création et au développement du Réseau des Acteurs Wallons des
Espaces Test maraîchers (RAW’ET) [1] [3]. Cet allongement territorial du réseau est en
cours de construction dans le cadre d’un projet de coopération inter-GAL lancé par la
GAL du Pays des Condruses. Ce faisant, Point Vert se verra intégré dans une
dynamique nouvelle, ce qui mènera certainement à une nouvelle définition du projet,
celui-ci entrant dans un collectif hybride plus large. Nous développerons plus
amplement cette solution dans le chapitre 4.
Un autre enjeu inhérent à l’espace-test que nous pouvons mettre en avant est la
bonne gestion de la qualité de la terre [44]. Point Vert étant un espace de transition,
plusieurs maraîchers se succèdent au fil du temps sur les parcelles de culture, ceux-ci
pouvant amener des résultats antagoniques concernant la qualité de la terre. En effet
en cultivant la terre, les maraîchers vont améliorer les qualités texturales et biologiques
de celles-ci. Cependant, il peut arriver que le maraîchers ratent une culture par
manque de rigueur, d’attention ou même parfois de connaissance. Ce fut le cas
notamment avec un jeune candidat de l’espace-test, faute de motivation, rata sa culture
de pomme-de-terre malgré les avertissements et le suivi technique délivré par Frédéric
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
45
Englebert [17]. Kathleen V. dut alors se résoudre à mettre un terme à la collaboration
avec le maraîcher, voyant la parcelle se détériorer. Il en résulta une parcelle pleine de
pommes de terre, non exploitables, qui devra être retravaillée par le CTA afin d’être
remise à disposition d’un nouveau maraîcher potentiel [17]. Selon Fanny Lebrun, la
terre étant une ressource à respecter, elle voit en Kathleen V. le rôle de garante de la
qualité de cette terre. Aussi, Fanny Lebrun admet que la gratuité des parcelles pourrait
engendrer un sentiment de désengagement par rapport à la bonne gestion de la qualité
de la terre. Cependant, la gratuité n’est pas ici remise en cause, mais plutôt la qualité
des candidats maraîchers. Pour sa part, Kathleen a émis l’idée de durcir les conditions
d’accès à l’espace-test et d’être plus attentive à la motivation des candidats maraîchers.
Un dernier enjeu inhérent à l’aménagement de l’espace-test est la gestion des
espaces communs. La première idée de Point Vert était de faire contribuer les
maraîchers aux entretiens des communs. Cependant, Kathleen V., constata que ces
derniers étaient fortement occupés dans le développement de leur projet personnel
(travail du sol, semis, entretien, récolte, développement du réseau commercial,
obligations administratives, vie de famille,…). La solution apparut alors à travers
l’allongement du réseau sociotechnique de Point Vert, par l’engagement d’un
travailleur « article 60 » grâce à l’asbl « Devenirs ». Ce travailleur est alors engagé pour
l’entretien des espaces communs à raison de deux jours par semaine.
3.2.6.2. Le réseau de commercialisation : un enjeu pour les maraîchers
L’espace-test étant un espace territorialisé de transition, les maraîchers
relativement éloignés de celui-ci font face à un dilemme concernant la
commercialisation de leurs produits : développer un réseau commercial aux alentours
de l’espace-test, ou développer celui-ci sur le territoire de leur future implantation ?
Daphné Lemaitre (Créa-Job), nous a fait par durant l’interview de l’importance
que les maraîchers développent leur réseau de commercialisation dans la région où ils
souhaitent installer leur activité future. En effet, la construction d’un réseau de
clientèle est une caractéristique essentielle à la réussite d’un projet de production
maraichère [46]. Cependant, lorsque les maraîchers sont sur l’espace-test, il est possible
que tous ne trouvent pas de terre rapidement ou fassent preuve de difficultés dans la
commercialisation de leurs produits.
Toujours dans la volonté d’accompagner au mieux les porteurs de projets,
Kathleen V. eut l’idée de développer un réseau de commercialisation propre à Point
Vert. Ce réseau se développant dans deux directions :
La première étant la participation de Point Vert au marché de Huy « Circ'Huy-Court »
ayant lieu tous les 2e jeudis du mois de mai au mois de septembre. Les maraîchers y
disposent d’une étale commune, où ils ont l’occasion de vendre le fruit de leur
travail.[17]
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
46
La deuxième direction prise par Point Vert est la collaboration avec « Devenirs » dans
le cadre de son projet « Devenirs en cuisine ». Ce projet propose la réalisation de repas
par les stagiaires en formation à base de produits locaux et à destination des écoles
maternelles et primaires. Les maraîchers auront ici la possibilité de valoriser leur
production ou une partie à travers cette nouvelle filière de commercialisation.[42]
D’un point de vue analytique, nous pouvons dire que ces deux nouvelles voies de
commercialisation redéfinissent l’identité de Point Vert à travers un allongement du
réseau sociotechnique, que nous pouvons qualifier ici d’un allongement de « filière »
(de la production vers la commercialisation).
3.2.6.3. Point Vert : l’enjeu du financement
Comme pour le projet d’Ochain Energie, nous nous sommes interrogés sur l’enjeu
du financement que pouvait rencontrer également Point Vert.
Afin d’être opérationnel pour la culture maraichère, le terrain mis à disposition
par la commune de Modave a dû être adapté. En 2011, les travaux de dessouchage
furent entrepris, ainsi que la création du bassin d’eau de pluie. Les travaux de
terrassement pour le bassin furent réalisés par la commune de Modave et les stagiaires
de « Devenirs » se sont chargés de poser la bâche. Les investissements matériels furent
financés par le GAL à hauteur de 8.000€ [49]. Les autres investissements pour le
matériel tel que les serres tunnels (9.000€) et les espaces de stockages (5.000€), furent
financés par le FEADER, suite à une demande de subvention introduite par le GAL.
Au total, Kathleen V. nous apprend que l’aménagement aurait couté environ 80.000€.
Une fois ces investissements réalisés, Point Vert demande relativement peu de frais de
fonctionnement [17]. Par ailleurs, les maraîchers n’ont pas d’obligations financières
envers Point Vert, mis à part une cotisation de 100€ par an au total afin de remplacer
les bâches des serres tous les cinq ans.
D’autre part, dans la gestion quotidienne, un financement important en terme
quantitatif est celui des ressources humaines. Kathleen V., coordinatrice de Point Vert,
est employée par le GAL à travers la fiche projet énergie. Frédéric E., conseiller
technique, est employé par « Devenirs ». Ces deux acteurs consacrent environ une
demi-journée par semaine à l’espace-test. Un autre salarié présent sur l’espace-test est
le gestionnaire des espaces communs. Ce salarié travaille à hauteur de deux jours par
semaine et est employé par « Devenirs » en tant que « travailleur article 60 ». Dans ce
cas, l’employeur est le CPAS et le travailleur est mis à disposition de l’asbl « Devenirs »
[50]. Point Vert ne dégage donc pas de financement pour le payement des travailleurs,
ceux-ci étant salariés dans d’autres structures (GAL, Devenirs et CPAS).
Point Vert, n’est donc pas une structure directement employeuse, les salariés
faisant partie d’autres structures. En effet, ne dégageant pas de chiffre d’affaire,
l’espace-test ne peut être une structure favorable à l’embauche, autrement qu’à travers
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
47
des subsides ou l’investissement d’autres structures dans le projet comme cela en est
le cas aujourd’hui avec le GAL et Devenirs.
Dans le but de développer Point Vert, la coordinatrice mobilise différents bailleurs
de fonds. En ce sens, des demandes de subsides furent rentrées dont par exemple : en
2012, une demande de subsides pour des Projets d’Economie Sociale, en 2014 une
demande auprès du cabinet ministériel Nollet et en 2015 auprès de la coopérative
CERA.[17]
Concernant le programme LEADER, Point Vert ne peut être inscrit en tant que tel
dans une fiche du GAL, car le projet est déjà opérationnel et ne représente plus une
innovation. En effet, un des critères pour qu’un projet prétende à une subvention à
travers une fiche projet, est qu’il fasse preuve d’un caractère innovant [17][6].
Cependant, afin de continuer à subventionner Point Vert, le GAL tend à développer
l’espace-test à travers des aspects innovants, comme la participation à la cuisine de
collectivité portée par « Devenirs » ou encore la création d’un marché mensuel de
producteurs sur le site [17]. Au fil du temps, ce projet de marché de producteurs se
transforma en projet de participation au marché de Huy. C’est donc à travers ces
innovations que Point Vert continue à recevoir des financements.[17] Aussi, Point Vert
bénéficie du point 6.2 de la fiche projet économie : « Renforcement et coordination des
initiatives de circuits courts alimentaires. »[51]
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
48
3.3. Conclusion de chapitre
Afin de mieux appréhender la réflexion s’y attenant, il est nécessaire de préciser
la notion d’autonomie, qui s’inspire du concept d’empowerment de Smith & Raven
(2012). L’empowerment, de par sa racine anglophone est difficile à traduire en français,
les traductions proposées ne représentant pas tous les aspects que comprend ce mot
anglais. Plusieurs termes ont été utilisés dans la littérature française, tels que :
« capacitation », « attribution de pouvoir », « obtention de pouvoir », « pouvoir d’agir »,
« pouvoir d’action », « puissance d’agir », « autonomisation », « renforcement du pouvoir
d’action »[52], ou encore « agentivation »[53]. Bien que la langue française permette de
multiples traductions, deux traits communs s’en dégagent : « la dimension du pouvoir et
celle du processus d’apprentissage pour y accéder ».[54]
Dans notre analyse, nous avons choisi d’utiliser le terme « d’autonomisation » que
nous définissons comme suit :
L’autonomisation peut être définie comme la capacité à défendre son projet, dans
un jeu complexe de pouvoirs, qui permet de tenir à distance la pression du régime
plutôt que d’y être subordonné. Selon Smith & Raven, l’autonomisation
(empowerment) peut désigner autant un état (autonomie) qu’un processus.[55]
A la lumière des dynamiques des projets décrites précédemment, nous allons
tenter de mettre en avant les éléments qui permettent l’autonomisation de ces projets.
Considérant la définition de l’autonomisation, nous pouvons dire que Point Vert et
Ochain Energie ont chacun acquis une certaine capacité à défendre leur projet en
tenant à distance les pressions du régime. En effet, cette autonomie acquise peut se
traduire par le fonctionnement des deux projets, Point Vert et Ochain Energie étant
opérationnels.
L’analyse des dynamiques à travers la théorie de l’acteur-réseau nous permet de
mettre en évidence le rôle fondamental que jouent le réseau sociotechnique et sa
construction dans l’autonomisation des projets. Selon nous, c’est en effet à travers cette
mise en réseau que les projets vont acquérir un certain « pouvoir d’agir », qui leur
permet d’évoluer dans leur environnement en ayant la capacité de résister aux
pressions du régime. Non seulement le réseau sociotechnique, à travers sa
construction, va permettre aux projets d’arriver à maturité, mais il va aussi permettre
à ces projet d’exister en s’ancrant dans une dynamique propre. Cette dynamique du
réseau sociotechnique, avec les interactions entre les acteurs, va en effet assurer le
« bon » fonctionnement du projet, tout en lui donnant une identité et une certaine
légitimité face au régime. Le réseau sociotechnique d’un projet va également lui
permettre d’acquérir une certaine capacité à résister et/ou à s’adapter aux pressions
soudaines du régime ou aux possibles changements internes dans son système
fonctionnel. Cette relative capacité de « résilience », selon nous, ne s’exprime pas au
même degré d’intensité dans les projets Point Vert et Ochain Energie. Cet aspect sera
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
49
abordé dans la conclusion du chapitre 4, à travers la notion « d’intégrité
fonctionnelle » (« functional integrity », selon Thompson, 1997).
Nous pouvons conclure ce chapitre en répondant à notre premier objectif :
Les deux projets observés acquièrent une relative autonomie à travers leur réseau
sociotechnique et les interactions entre les entités de celui-ci. Aussi, le processus
d’autonomisation peut être identifié dans la dynamique de construction des projets et
de leur réseau sociotechnique.
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50
4.Chapitre 4 :
Analyse de la dynamique du GAL du Pays des Condruses
Dans ce chapitre, nous allons tenter de comprendre comment le GAL porte le rôle
d’animateur territorial de façon à inciter les acteurs ruraux à réfléchir et agir sur le
potentiel de leur territoire. Cette analyse s’articulera autour de la dynamique
intrinsèque du GAL : de la gestion des attentes à la mise en place de stratégies
intégrées. Aussi, nous observerons comment le GAL aide à la mise en place d’une
dynamique de développement territorial à travers les fiches projets qu’il constitue.
Plus précisément, nous verrons en quels points le GAL du Pays de Condruses peut
être défini comme une niche favorisant l’émergence d’innovations socio-techniques
radicales. Pour ce faire, nous mobiliserons le cadre analytique de la Gestion
Stratégique de Niche proposé par Smith & Raven (2012). Nos propos seront
majoritairement illustrés par les informations collectées à travers les entretiens réalisés
durant l’étude de terrain. Aussi, nous mettrons en lumière le rôle que le GAL a joué
dans les dynamiques des deux projets abordées dans le chapitre 3. Afin de réaliser
cette analyse, nous illustrerons les trois caractéristiques d’une niche (schielding,
nuturing, empowerment) selon Smith & Raven, à travers la dynamique du GAL du
Pays des Condruses. Nous aborderons tout d’abord la protection et la maturation
qu’offre la niche aux innovations. Ensuite nous décrirons l’autonomie que peuvent
acquérir ces innovations, en spécifiant le type d’autonomisation dont elles font preuve
[55].
4.1. Ochain Energie et Point Vert : deux innovations sociotechniques radicales
L’innovation qui nous intéresse dans notre étude est une innovation
sociotechnique de niche, qui propose des changements radicaux, systémiques et non
pas uniquement de l’adaptation au régime21. Nous abordons ici l’innovation radicale
comme une innovation qui permet de sortir du chemin-dépendance des systèmes qui
composent le régime.[5]
Dans notre étude, nous pouvons définir les projets Point Vert et Ochain Energie
comme deux innovations sociotechniques radicales. Cependant, comme nous le
développerons plus tard, elle se distinguent par leurs chemins de
capacitation/empowerment. En effet, Point Vert est une innovation radicale qui va
questionner le régime en proposant une autre organisation systémique à travers un
allongement territorial de son réseau. Le projet d’Ochain Energie est quant à lui une
innovation radicale qui propose une alternative au régime à travers sa production
d’énergie spécifique. Cependant, il s’adapte aux règles de celui-ci sans le questionner.
21 « Régime : ensemble semi-cohérent de règles portées par les différents groupes sociaux qui orientent et coordonnent leurs activités et procurent ainsi au système sa stabilité. »[63]
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
51
4.2. Le GAL : un espace de protection active
La protection est le processus qui permet de tenir à distance une certaine pression
de l’environnement [55]. Cette protection peut être passive, comme par exemple une
région marginalisée qui offre un éloignement du régime et donc favorise par son
isolement le développement d’innovation territorialisées [5]. Une niche peut
également être un espace protecteur actif, c’est-à-dire qu’elle est le résultat d’une
création délibérée et stratégique par les défenseurs des innovations
sociotechniques[55].
Afin de prendre part au programme européen LEADER, les candidats doivent remplir
les trois conditions suivantes [11]:
- Définir un territoire pertinent
- Mettre en place un partenariat et constituer un Groupe d’action local
- Elaborer un Plan de Développement Stratégique
En 2006, les communes de Marchin et Anthisnes émettent l’idée de la création d’un
GAL pour la programmation 2007-2013. Les communes concernées se mettent alors
autour de la table, à l’exception de la commune d’Ouffet, qui rejoindra le GAL plus
tard.[56]
En 2007, un diagnostic territorial des communes membres du GAL est réalisé par
le bureau « Trame scrl ».[56]
En Février 2008, le plan de développement stratégique est créé et les partenariats
avec les signataires publics et privés sont mis en place. Le projet est alors présenté à la
Région wallonne, qui valide la création du GAL du Pays des Condruses [56]. C’est en
Avril 2009 que Jean-François Pêcheur, ancien membre de l’Agence de Développement
Locale (ADL) de Marchin, devient le directeur et coordinateur du GAL du Pays des
Condruses [19]. En décembre 2009, la structure du GAL prend la forme d’une asbl,
l’Europe exigeant que les GAL aient un statut juridique officiel [19]. Pour la
programmation 2007-2013, Le GAL du Pays des Condruses sera actif dans la mise en
œuvre des projets du plan de développement stratégique à partir de septembre 2010
[56].
Une fois sélectionné, le GAL peut retravailler et développer ses fiches projets. Ces
dernières définissent les actions à mettre en place dans le cadre du PDS [23]. Ces fiches
sont alors présentées à l’administration en charge qui va émettre un arrêté afin de
valider le projet et débloquer les financements [19]. Une fois les arrêtés obtenus, le GAL
présente les fiches projets au Conseil d’Administration et avec qui il décide de la
manière dont les actions vont être mise en place [23].
Dans le cas étudié ici, nous pouvons dire que le GAL du Pays des Condruses est
un espace de protection actif selon la définition de Smith & Raven. En effet, le GAL est
une structure créée de manière délibérée par les acteurs fondateurs de celui-ci.
Autrement dit, les communes et les membres privés ont volontairement créé cet espace
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
52
qui permet de mettre en place et de soutenir des projets territorialisés qui seront
inscrits dans les fiches projets réalisées dans le cadre du PDS. La niche, ici, est un
espace protégé au sens sociotechnique. Bien qu’il soit défini dans un territoire, le GAL
n’est pas un espace de protection physique, mais bien un réseau hétérogène d’acteurs
ayant leurs propres compétences et matériaux. C’est à travers les relations et les
alliances construites dans ce réseau que le GAL sera une protection pour les
innovations radicales face au marché et aux règles qu’il tente de leur imposer. [5]
La protection active qu’offre le GAL n’est pas uniquement représentée par sa structure,
mais elle existe à travers la dynamique interne de celui-ci. C’est-à-dire que le GAL va
mettre en place des processus qui permettent de protéger les innovations
sociotechniques d’une certaine pression de l’environnement. Selon notre analyse, ce
processus de protection active se traduit dans la dynamique que le GAL met en place
autour du PDS et des fiches projets, de leur construction à leur application sur le
terrain. C’est en effet à travers cette dynamique que les innovations sociotechniques
vont trouver un soutien de la part du GAL.
4.2.1. Point Vert : un espace de protection active spécifique
Il importe de préciser cette notion de protection active qu’offre le GAL à travers le
projet Point Vert. En effet, le GAL du Pays des Condruses y offre une double
protection : pour projet Point Vert et au travers de ce projet, pour les maraîchers.
La première protection se fait au niveau du projet de Point Vert en lui-même.
Comme nous l’avons vu ci-dessus, le GAL est une structure crée délibérément par les
acteurs afin de favoriser l’émergence et le soutien de projets locaux, de par sa structure
et la dynamique qu’il met en place. Il va en effet, avec les partenaires, porter le projet
afin de l’accompagner dans son autonomisation.
Plus que ça, le GAL offre également une protection aux maraîchers de l’espace-
test. En effet, Point Vert représente un espace de protection spécifique, qui permet de
tenir à distance les pressions du régime. Cette protection se traduit dans les
infrastructures mis en place ainsi que dans l’accompagnement prévu pour les
candidats maraîchers à travers le partenariat avec Créa-job, Devenirs et le CTA.
Cette protection active spécifique et d’une part territoriale, avec le terrain mis à
disposition des maraîchers et d’autre part économique à travers la gratuité de l’accès
à la terre et au matériel. Elle peut être aussi considérée comme une protection
spécifique « organisationnelle », à travers les accompagnements proposés
par « Devenirs » et Créa-job.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
53
4.3. Le GAL : animateur du territoire et coordinateur de réseau
Pour analyser la dynamique du GAL, nous utiliserons la notion de « Nuturing »
défini par Smith & Raven comme « le processus qui supporte le développement des
innovations radicales ». Ce concept peut être décliné en trois approches distinctes
pouvant se réaliser de manière conjointe : la gestion des attentes, les apprentissages et
la mise en réseau. [55]
4.3.1. Gestion des attentes
Afin de s’inscrire dans programmation LEADER actuelle 2014-2020, le GAL du
Pays des Condruses a déposé son PDS le 28 février 2015 et a été sélectionné le 29
octobre 2015 par la Région Wallonne [19]. Le thème choisi par le GAL qui va fédérer
le PDS et les fiches projets est le suivant : « Pour une ruralité créative, intelligente (smart)
et solidaire » [16].
Un des principes d’action de l’approche LEADER étant l’approche ascendante,
c’est-à-dire la participation des acteurs locaux à la prise de décision concernant la
stratégie et la sélection des priorités dans leur territoire, le GAL a mis en place un
processus de participation citoyenne et de sélection des projets [16].
En septembre 2014 le GAL lança un appel à idée à travers un document
d’information posté à l’ensemble de la population tu territoire. Trois ateliers ont été
organisés en fonction d’une répartition géographique définie, c’est-à-dire que les
habitants étaient conviés à des endroits précis en fonction de la commune dans laquelle
ils résident [16]. Lors de ces trois réunions, les citoyens ont été informés sur la
démarche que le GAL entreprend ainsi que le contexte. Ils ont aussi bénéficié
d’informations sur les principes et priorités du PwDR, d’une synthèse des réalisations
du GAL et d’une présentation des enjeux et les thématiques prioritaires du territoire.
Dans un deuxième temps, les citoyens sont invités à participer à un « pro-action
café »22 ayant pour but de faire émerger et de discuter des thématiques issues des
enjeux. [16]
De ces ateliers, 11 thématiques ont pu émerger : « le vieillissement de la population, la
culture, l’environnement et la santé, le devenir de l’agriculture, le patrimoine bâti et
l’urbanisme, la mobilité, l’économie locale et les circuits courts, l’accueil de la petite-
enfance et les écoles villageoises, l’énergie, la mutualisation de services
transcommunaux. » [16]
En novembre 2014, le GAL convia l’ensemble des participants aux trois réunions,
à un atelier de synthèse afin de participer à la sélection des projets. Les citoyens étaient
invités à prendre connaissance de la synthèse des trois réunions précédentes, pour
22 « Le concept original du Pro Action Café est un mélange des techniques du Word Café et du Forum Ouvert. Chaque thématique est traitée en 3 sessions (round) de conversation de 10 à 30 minutes chacune. À la fin de chaque round, les participants se lèvent et changent de table. Le porteur de question, lui, reste à sa table. A chaque table, une thématique est traitée. » [69]
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
54
ensuite approfondir les questions qui leur semblaient devoir s’inscrire dans le PDS.
Les thématiques ont ensuite été soumises au vote indicatif des participants [16]. Les
projets, à l’issue de cette séance de synthèse, ont été soumis à une sélection de la part
du conseil d’administration du GAL sur base d’une grille de critères validée par le CA.
Sept projets ont ainsi été sélectionnés : « Energie - Mobilité - Vieillissement – Santé -
Economie locale – Gestion durable de l’eau – Villages au naturel - Paysage – Habitat » [16].
Par la suite, ces projets vont chacun être détaillés dans une fiche projet. Les deux
fiches qui nous intéressent dans notre travail sont la fiche projet 2 : « Une économie
plurielle au Pays des Condruses », et la fiche projet 6 : « Transition énergétique territoriale »
[16]. Bien que les projets Point Vert et Ochain Energie aient été initiés dans la
programmation précédente, les fiches projets actuelles vont participer à la
pérennisation de ces derniers. A travers les fiches, « les projets sont précisés et améliorés
avec les forces vives du territoire et des partenaires « sectoriels ». » [16]
La niche d’innovation sociotechnique qu’est le GAL du Pays des Condruses est
composée d’un panel d’acteurs hétérogènes, que le comité de projet doit structurer et
faire converger. C’est à travers une gestion des attentes précises qui vont donner une
direction claire aux acteurs, que ceux-ci vont pouvoir développer une vision
coordonnée. Afin de renforcer cette vision, le GAL va fixer et stabiliser des ambitions
en les inscrivant dans les fiches projets. Aussi, afin que la gestion des attentes soit
efficiente, le GAL a tout intérêt à obtenir des résultats concrets afin que les citoyens ne
se désintéressent pas des projets [5]. En ce sens, la participation des citoyens aux
décisions concernant la stratégie du GAL, se concrétise dans la réalisation du PDS et
des fiches projets. Afin de mettre en avant le résultat du travail réalisé conjointement
avec les citoyens, le GAL présenta son PDS 2014-2020 lors d’une réunion citoyenne
ouverte le 2 février 2014.
Bien que le PDS fût présenté environ deux mois après l’atelier de synthèse, ce qui est
un temps relativement court, il est tout de même possible que les citoyens se
désintéressent de la dynamique des projets initiés. Ce désintéressement ne se fait pas
endéans les deux mois d’attente des résultats de leur travail, mais plutôt durant le laps
de temps qui sépare la création du PDS, sa validation par la Région wallonne, la
validation des fiches projets et le financement de celles-ci. Si nous reprenons la
chronologie de la dynamique du PDS 2014-2020 et des fiches projets, nous comprenons
qu’il existe un temps d’attente assez long entre la gestion des attentes et l’action
concrète de réalisation des projets :
- Septembre 2014 : appel à idées
- Février 2014 : présentation du PDS aux citoyens
- 28 février 2015 : dépôt du PDS à la Région wallonne [19]
- 29 octobre 2015 : sélection du PDS par la Région wallonne [19]
- Les fiches projets sont retravaillées et présentées à l’administration en charge
de la thématique [23]
- Arrêtés ministériels de financement :
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
55
o Energie : Arrêté ministériel signé le 1er décembre 2016 et notifié le 23
décembre 2016
o Economie : Arrêté ministériel signé le 28 novembre 2016
Une fois les arrêtés rendus, les chargés de mission peuvent se lancer dans la
réalisation des projets. Comme nous le voyons ci-dessus, il s’est passé deux ans, entre
l’appel à idées et la signature des arrêtés pour les projets économie et énergie. Ce laps
de temps conséquent peut provoquer le désintéressement des citoyens, qui se
demandent ce qui se passe [23]. A titre d’exemple, la fiche projet « bien vieillir au Pays
de Condruses », introduite en 2016, a été acceptée par la Région wallonne, mais cette
dernière n’a pas encore rendu l’arrêté de financement. Dans ce cas, le temps d’attente
est de trois ans ! Cependant, Chantale Courard n’a pas attendu de recevoir les
financements pour commencer à travailler les projets, avec notamment la création d’un
salon du « bien vieillir » [23]. En effet, l’asbl GAL Pays des Condruses peut prétendre
à l’octroi d’autre subvention que celles attribuées par LEADER, comme le Cera23, le
programme Urbact24, diverses bourses ou encore le programme POLLEC25. Aussi, le
GAL bénéficie d’un crédit de caisse, qui est « une réserve d’argent permanente liée à un
compte à vue et qui permet de surmonter les écarts entre vos rentrées et vos dépenses et de faire
face à des manques de liquidités temporaires de trésorerie »[57]. Le GAL va alors gérer en
interne ces différents financements afin de permettre une certaine continuité de ses
projets dans le temps.
4.3.2. Apprentissages :
Cette deuxième approche du concept de « nuturing » met en avant la capacité
d’une niche d’innovation sociotechnique à favoriser les apprentissages. Ces
apprentissages vont favoriser de façon positive les innovations sociotechniques qui se
développent dans la niche [5]. Le GAL va non seulement favoriser les apprentissages
pour les acteurs hétérogènes de la niche, mais l’équipe du GAL va, elle aussi, faire ses
propres apprentissages à travers les actions qu’elle met en place.
Afin d’analyser les différentes méthodes d’apprentissages dont nous avons pris
connaissance à travers les entretiens, nous allons nous inspirer du cadran réalisé par
R. Bawden (1997). Ce dernier découpe l’action des acteurs selon trois modes de
production de connaissances, ayant des niveaux de complexité et de réflexivité
croissants :
23 « Cera est un groupe financier coopératif qui propose des soutiens financiers à des projets sociétaux. »[70] 24 “URBACT is a European exchange and learning programme promoting sustainable urban development.”[71] 25 « Depuis 2012, le programme POLLEC (POLitique Locale Energie Climat) mené par l’APERe à l’initiative et avec le soutien du Gouvernement wallon permet aux communes wallonnes de bénéficier d’un soutien financier et méthodologique pour l’élaboration et la concrétisation de Plans d’Actions en faveur de l’Energie Durable et du Climat (PAEDC) dans le cadre de leur adhésion à la Convention des Maires. »[72]
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- Le modèle du laboratoire : « comment améliorer ce que l’on fait déjà ? »
- Le modèle du terrain : « comment et avec qui faire d’une autre manière ce que l’on
fait ? »
- Le modèle de l’action collective : « Pourquoi faire ce que l’on fait ? Pourquoi ne pas le
faire autrement ? »[5]
Dans notre cas d’étude, nous pouvons dire que le GAL du Pays des Condruses
s’inscrit dans le modèle de l’action collective. En effet, le GAL, à travers sa dynamique
et les dispositifs qu’il met en place, va permettre aux acteurs hétérogènes du territoire
d’objectiver le réel en s’inscrivant dans des processus d’inter-subjectivation, c’est-à-
dire produire de la connaissance en échangeant leurs valeurs, opinions et points de
vue. Ce modèle de l’action collective va particulièrement pourvoir être observé lors de
la co-création du PDS et des fiches projets, comme nous l’avons vu dans la gestion des
attentes. Cependant, ces trois modèles d’actions et de production de connaissances ne
sont pas exclusifs. En effet, les entretiens réalisés nous permettent de mettre en
évidence l’existence d’une certaine circulation des modalités d’action du GAL dans ces
trois modèles.[5] Cette circulation qu’effectue le GAL lui permet d’évaluer, de tester et
de remettre en question les actions et les dispositifs qu’il met en place. Ce faisant,
l’équipe du GAL s’inscrit dans un processus itératif, c’est-à-dire une amélioration
continue de leurs actions et réflexions afin d’optimiser ce qu’ils ont fait précédemment.
En nous inspirant de la théorie de R. Bawden et en nous basant sur les
informations récoltées lors des entretiens, nous avons pu dégager trois ordres
d’apprentissages distincts à travers lesquels nous organiserons notre analyse :
- 1er ordre : les apprentissages par la collecte des données.
- 2e ordre : les apprentissages par l’action sur le terrain.
- 3e ordre : les apprentissages par la réflexivité sur la façon de penser l’action.
Les méthodes de co-production de savoirs utilisées lors de la création du PDS
s’inscrivent dans une gouvernance « bottom-up », tous les acteurs du territoire étant
invités à participer à la prise de décisions. Lors de cette première phase, la dynamique
mise en place par le GAL peut être qualifiée d’action collective au sens de Bawden. En
effet, le GAL propose aux acteurs de réfléchir ensemble à la façon dont ils souhaitent
gérer leur territoire. Dans cette phase réflexive, il serait possible de répondre à la
question : « Pourquoi nous gérons notre territoire comme actuellement ? Pourquoi ne pas le
faire autrement ? ».
Dans ce modèle, l’intérêt est d’identifier quel est le point de vue collectif et de
réfléchir aux impacts d’un éventuel changement de ce point de vue [5]. Dans ce
processus de co-construction, les acteurs vont faire des apprentissages croisés, en
échangeant leurs points de vue et expériences personnels. Un des objectifs de ce
processus est de « stimuler la réflexion et les apprentissages par l’interaction » (Rohrarcher,
2008 in [58]). Réfléchissant aux valeurs, présomptions et politiques qui dictent leurs
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actions, les acteurs vont s’inscrire dans un apprentissage de 3e ordre. C’est-à-dire
« qu’ils vont questionner sérieusement et ces présomptions, valeurs et politiques qui sous-
tendent leurs actions » (Rotman et Loorbach, 2010 in [58]). Ce questionnement se fait à
la fois au niveau personnel de l’acteur et au niveau du collectif. Ce faisant, non
seulement chacun peut faire des apprentissages personnels en participant au
processus, mais l’apprentissage est aussi collectif. En effet, « les acteurs vont produire
conjointement des savoirs, des compétences et des perspectives d’actions » [58]. Ces
productions seront notamment traduites dans le PDS et les fiches projets, qui vont
synthétiser le point de vue collectif co-construit, et définir les modalités d’actions.
Un apprentissage, dont nous a fait part Jean-François Pêcheur, est de prendre
conscience que dans une dynamique collaborative, la concertation prend du temps. De
ce fait, il est très important que chacun soit à l’aise dans son rôle. Aussi, « on gagne à
s’asseoir autour d’une table et à clarifier les choses plutôt que d’avancer seul et d’imposer ce
qu’il faut faire » [19]. Fort de cet apprentissage, le GAL a alors pour but de catégoriser
et rendre plus fluide le questionnement. Pour ce faire, il tente d’appliquer une gestion
dynamique dans une logique de multiétage. C’est-à-dire qu’il existe « un niveau
« professionnel » qui se rencontre fréquemment pour les questions de terrain, un niveau
« gouvernance » qui aborde les questions sur le fonctionnement et un niveau « stratégique »
qui réfléchit à la structure des actions »[19].
Les projets de biométhanisation et d’espace-test maraîcher s’inscrivent tous deux
dans ce modèle de l’action collective. En effet, le projet d’Ochain s’inscrit dans la fiche
projet « agriculture et énergie » de la programmation 2007-2013, co-construite avec les
acteurs du territoire. Le projet Point Vert, bien qu’il ne fût pas initié dans une fiche
projet, fût tout de même construit de manière collective avec les partenaires. Ces deux
projets ont vu le jour suite à une réflexion de troisième ordre. C’est-à-dire que les
acteurs ont d’une part remis en question la façon dont la production d’énergie et le
soutien des maraîchers se faisaient sur leur territoire et d’autre part, ont réfléchi à une
autre façon d’aborder cette gestion. Une fois cette étape réflexive réalisée, les actions
de terrains sont mises en place à travers la réalisation des fiches projets. Cette
réalisation concrète peut passer tout d’abord par la production de connaissances
techniques, à travers lesquelles les acteurs peuvent faire des apprentissages de premier
ordre. Comme nous l’avons vu dans le cadre du projet de biométhanisation, les
premières actions furent les études du potentiel agricole de biométhanisation et de la
demande en énergie calorifique du territoire du Pays des Condruses. Ces collectes de
données permettent d’augmenter les connaissances des acteurs, avant de réaliser les
actions sur le terrain.
Ces actions, dans leur réussite ou leur échec peuvent amener à des apprentissages
concernant la manière dont les projets sont mis en place. Dans le cadre de la fiche projet
2007-2013 « agriculture énergie », nous avons étudié le projet d’Ochain Energie qui a
réussi à se concrétiser. Cependant à coté de cette réussite, d’autres projets ont été
avortés : les projets, du CTA de Strée, du CNRF de Fraiture, et d’un bâtiment
communal de Marchin. Dans leurs échecs, ces projets ont permis au GAL de faire des
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apprentissages concernant les difficultés que peut rencontrer la mise en place d’un tel
projet. Le projet de Marchin et du CTA ont, par exemple, fait face à un effet NIMBY26
de la part des riverains. De cette opposition, le GAL tire la conclusion qu’il est
nécessaire de faire preuve de plus de pédagogie et d’associer toutes les parties
prenantes en amont du projet.
Une autre leçon tirée de l’expérimentation sur le terrain est qu’il est possible que
des projets soient bloqués par des acteurs isolés mais influents. En effet, n’ayant pas
été soutenu par la directrice de l’établissement, le projet du CTA n’a pas pu aboutir
[19]. De même, l’échec du projet du CNRF vient en partie des relations difficiles avec
la direction et l’équipe du centre [18].
Ces apprentissages de second ordre, vont permettre à l’équipe du GAL de
remettre en question la manière dont ont été menés ces projets. Dans la fiche projet
« énergie » 2014-2020, nous retrouvons la volonté de continuer à encourager les projets
de Marchin et du CNRF de Fraiture. Le GAL pourrait dès lors se poser la question
suivante « comment et avec qui faire d’une autre manière ce que l’on fait ?» [5].
A l’opposé, le projet d’Ochain, par sa réussite, peut devenir un dispositif
d’apprentissage. La stratégie du GAL, ici, est d’obtenir de la reconnaissance de la part
des réfractaires via les résultats positifs obtenus [19]. Une fois qu’Ochain Energie sera
totalement fonctionnel, il sera un bel exemple de projet intégré dans son
environnement et des visites seront organisées afin que les acteurs puissent prendre
conscience que « ce n’est pas un monstre » [19]. Ces visites pourront notamment agir
positivement sur l’effet NIMBY que les autres projets ont rencontré, en permettant aux
riverains de se rendre compte d’une réalisation concrète d’une centrale de
biométhanisation.
Concernant Point Vert, le GAL est plutôt dans une dynamique d’apprentissage
par essais-erreurs. En effet, le projet est en constante évolution se construisant au fur
et à mesure des apprentissages [19] et s’adaptant aux porteurs de projets maraîchers
[17]. Une particularité du projet Point Vert est d’être un espace d’apprentissage pour
les candidats maraîchers, ceux-ci y-testant leurs capacités entrepreneuriales et
techniques. En ce sens, Point Vert est un dispositif spécifique mis en place par le GAL
afin de favoriser les apprentissages des porteurs de projets.
Pour terminer, nous pouvons mettre en avant une autre façon qu’a le GAL de
favoriser les apprentissages : la communication et le partage des informations. Sur son
site internet, le GAL du Pays des Condruses met en ligne toute une série de documents
en libre accès. Aussi, le GAL a participé à la création du carnet de la biométhanisation
agricole [40] en collaboration avec le Réseau wallon de Développement Rurale
(RwDR). Le GAL a également participé à la création du document de présentation du
RAW’ET [47] Maraîcher publié par le RwDR. Un autre exemple de publication du GAL
26 NIMBY : Not In My BackYard, littéralement, « pas dans mon arrière-cour. Expression anglaise signifiant « pas de ça chez moi ! ».
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est le bulletin d’informations trimestriel « AgriCondruse », avec notamment son
volume n°4 qui a relayé les études réalisées sur le territoire dans le cadre du
développement du biogaz. Ces publications sont une façon d’intéresser le grand public
en diffusant l’information. Ce faisant, la niche et les actions locales (projets) vont
gagner en reconnaissance et en légitimité.
4.3.3. Mise en réseau
La troisième et dernière approche du concept de « nuturing » est la capacité du
GAL à favoriser la mise en réseau des acteurs. Ce réseautage peut se faire non
seulement au sein du territoire du Pays des Condruses, mais le GAL peut également
favoriser les liens entre les acteurs du territoire et ceux en dehors de celui-ci [31].
4.3.3.1. Mise en réseau d’Ochain Energie
Dans le projet d’Ochain Energie, le GAL a joué un rôle de dynamiseur et de
catalyseur de réseau. Les objectifs sont « d’accélérer les choses, mettre en symbiose des gens
qui ne le sont pas nécessairement au départ »[18]. Les chargés de mission tels que Marc
Wauthelet et Steve Francis ont accompagné les acteurs en leur montrant l’intérêt qu’ils
ont de travailler ensemble, pour que par la suite, ceux-ci portent le projet [18].
Les chargés de mission ont notamment accompagné Grégory Racelle dans la
réalisation du projet d’Ochain Energie en le mettant en contact avec les autres acteurs
clés. C’est notamment le GAL, lorsqu’il a lancé les projets de biométhanisation qui a
pris les contacts avec le bureau d’étude Walvert, le CNRF, l’asbl ACIS et le Château
d’Ochain [18][29]. Les chargés de missions ont également fait un travail de
communication et de réseautage auprès des instances politiques du territoire du Pays
des Condruses. Une fois que Grégory Racelle s’est lancé en tant que porteur de projet,
le GAL a adopté une position de retrait, laissant l’agriculteur-entrepreneur piloter le
projet.
Pour autant, les chargés de mission ne se sont pas désintéressés du projet et on
continuer à le soutenir, notamment à travers la mise en place de réunions avec la
commune de Clavier et l’asbl ACIS Château d’Ochain. Aussi, ils ont encouragé le
projet auprès des autorités communales et régionales lorsqu’il y avait des réunions.
Bien qu’ils ne soient plus vraiment actifs dans le réseautage du projet, les chargés de
mission ont continué à favoriser la mise en contact d’acteur clés avec de Grégory
Racelle, lorsque celui-ci en avait besoin [18].
Comme nous l’avons vu dans le chapitre 3, Ochain Energie tend à un allongement
de réseau que nous pouvons qualifier « d’allongement de filière ». En effet, Grégory
Racelle va tenter d’intéresser de nouveaux acteurs « économiques » dans le projet. Par
exemple, il envisage une coopération avec un producteur de spiruline, ou encore
l’ajout d’un séchoir à foin [30]. Ce type d’acteur va venir renforcer la stabilité
économique de l’installation, voire augmenter sa rentabilité en lui offrant de nouveaux
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débouchés. Ce faisant, de nouveaux non-humains (séchoirs et bassin de spiruline) vont
s’ajouter à la structure, rendant le projet encore plus ancré dans son environnement.
Un autre allongement de filière, s’est fait à travers l’entrée de Grégory Racelle en
tant qu’administrateur dans la Fédération des Biométhaniseurs Agricoles wallons
(FeBA) [30], qui a pour mission de représenter les biométhaniseurs auprès des
instances politiques et des autorités administratives [40]. L’avantage d’être dans une
telle structure est l’échange de savoirs et de compétences. Lorsque Grégory Racelle a
besoin de conseils précis, il peut s’adresser à la FeBA, qui l’aiguillera dans son
questionnement [30].
Un autre acteur qui joua un rôle plus « indirect » dans la mise en réseau est le
Réseau wallon de Développement Rural (RwDR). En effet, il contribua à favoriser la
mise en réseau des biométhaniseurs au niveau wallon, en mettant en place le groupe
de travail « Club Meth », composés notamment de biométhaniseurs, qui s’est penché
sur les problèmes que rencontraient les biométhaniseurs lors de la crise de la filière
dans les années 2011-2012. Ce groupe de travail a notamment capitalisé les
informations afin de mettre en évidence les problèmes rencontrés par la filière et
essayé de lever certains points. Dans ce cadre, le « Club Meth » a produit un
mémorandum qui a été synthétisé et présenté aux politiciens. Le RwDR a ensuite
produit « le carnet de la biométhanisation agricole » en juillet 2014. En jouant son rôle
d’animateur de réseau, le RwDR a participé au soutien de la filière de la
biométhanisation.
4.3.3.2. Mise en réseau de Point Vert
Concernant Point Vert, le GAL favorise la mise en réseau à deux niveaux : au
niveau de l’espace-test et à un niveau plus global avec la création du Réseau des
Acteurs wallons des Espaces Tests maraîchers (RAW’ET).
Comme nous l’avons abordé dans le chapitre 3, le GAL, à travers Point Vert,
accompagne les maraîchers dans la construction de leur réseau. D’une part, ils leur
proposent des pistes de commercialisation, avec le marché de Huy ou le projet
« Devenirs en cuisine » [59]. Point Vert peut aussi aider les maraîchers à trouver des
terres pour leur future implantation, grâce notamment à leur carnet d’adresses et aux
données collectées sur les agriculteurs dans l’étude d’Olivier Rulot. A titre d’exemple,
Point Vert avait mis en contact Séverine d’Ans avec l’entreprise Phytesia qui produit
des orchidées d’extérieur, pour potentiellement y installer son site de production.
Un aspect spécifique à Point Vert, est que le GAL, étant le porteur de projet va
favoriser l’allongement du réseau de ce projet à travers l’essaimage du concept
d’espace-test. Cet allongement du réseau peut être qualifié de « territorial », les acteurs
de ce nouveau réseau étant d’autres porteurs d’espaces tests en Wallonie, ainsi que des
structures ayant des compétences dans ce type de projet (Paysans-Artisans, CRABE,
Terre en vue, ALPI, Créa-job,…) (annexe X) [47]. Cette mise en réseau de Point Vert se
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61
fait à travers un projet de coopération inter-GAL dynamisé par le RwDR [19] [60], qui
a notamment mis en place un groupe de travail « Essaimage des Espaces Test
Maraîchers »[47].
Une autre piste d’allongement de réseau est actuellement étudiée par Jean-Marc
Zanatta au sein du pôle conseil de la SAWB : le projet Greenscop [61]. Greenscop serait
une coopérative qui jouerait le rôle de médiateur entre les propriétaires terriens et est
porteur de projet. Le projet Greenscop s’inspire directement des sociétés coopératives
et participatives (Scop)27. Dans ce cas de figure, Greenscop regrouperait à la fois les
porteurs de projets et les propriétaires terriens en son sein. Les maraîchers seraient
majoritaires au capital et donc maitres des décisions dans la coopérative. Les
propriétaires terriens pourraient être également présents dans l’assemblée générale,
sous la forme d’un « collège des propriétaires ». Un avantage important est que les
porteurs de projets seraient salariés de la coopérative et pourraient donc prétendre aux
avantages sociaux que ce statut implique [61]. La dynamique serait de mette en réseau
les porteurs de projets avec les propriétaires, et de permettre aux maraîchers de
s’implanter sur les terres des propriétaires, avec une période d’essais d’un an. Le but
étant de rassurer les propriétaires et de s’assurer que la relation peut se pérenniser.
Une fois ce test passé, le propriétaire signe un contrat (type à définir) avec Greenscop,
qui s’engage à être responsable du maraîcher [61]. Dans ce cadre, les espaces tests
comme Point Vert, trouveraient leur place entant que « pré-test », afin que Greenscop
puisse s’assurer des capacités techniques des porteurs de projets. En effet, il est
important que les porteurs sachent produire de manière rentable, la coopérative
devant être durable financièrement.[19], [61]
Cet allongement de réseau serait d’une part « territorial », Greenscop regroupant
toute un panel de propriétaires terriens en Wallonie, et d’autre part il serait de type
« filière », car Greenscop cherche à s’inscrire dans une dynamique entière, de la
formation à l’installation des maraîchers et en assurant une commercialisation
commune [61].
27 « Une SCOP est une société commerciale de type SARL ou SA, dont les associés majoritaires sont les salariés de l’entreprise. Les décisions sont prises collectivement selon le principe coopératif "une personne = une voix", indépendamment du montant de capital détenu. »[73]
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4.4. Empowerment – Autonomisation
La dernière propriété d’une niche que nous allons approfondir dans ce travail est
la capacité qu’a cette dernière de permettre aux innovations sociotechniques
d’atteindre un certain empowerment, ou autonomie.
Ce processus d’autonomisation qui permet aux innovations sociotechniques/projets
d’accroitre leur autonomie, peut prendre deux directions différentes :
- L’autonomisation « fit and conform »
Dans ce cas, l’innovation va chercher à être compétitive dans un environnement qui
ne change pas. C’est-à-dire qu’elle s’adapte au régime sans le remettre en question. Ce
faisant, elle fait face à deux enjeux : d’une part, la compétitivité exigée et la
conformation aux normes peuvent affecter la durabilité de l’innovation et d’autre part,
les acteurs peuvent éprouver des difficultés à rendre l’innovation performante et
concurrentielle afin d’enlever la protection de la niche.[55]
- L’autonomisation « stretch and transform »
Dans ce cas de figure, la niche va aider à la transformation de l’environnement de telle
sorte qu’il devienne favorable à l’adoption de l’innovation sociotechnique. Des
caractéristiques de l’innovation de niche peuvent être institutionnalisées et utilisées
comme nouvelles normes ou routines. Les innovations vont apporter des solutions à
un problème identifié au niveau du régime, celui-ci se voyant alors potentiellement
transformé, grâce notamment à l’appui des valeurs environnementales sociales et
économiques promues par le développement durable.[55]
4.4.1. Point Vert : Autonomisation « stretch and transform »
C’est à travers l’allongement « territorial » du réseau de Point Vert, que le GAL va
favoriser l’autonomisation de ce projet. A travers la création du RAW’ET, le GAL
propose une nouvelle organisation systémique concernant le développement et
l’accompagnement des maraîchers, de leur formation à leur implantation durable sur
un terrain d’exploitation. Cet essaimage du concept d’espace-test tend à répondre au
problème du régime que le GAL a identifié, qu’est le faible taux d’installations
professionnelles réussies pour les maraîchers entrants28 en proposant un changement
systémique et non pas une adaptation au régime. Les bénéfices que Point Vert pourrait
tirer de cette nouvelle organisation seraient : une visibilité commune ; un échange de
savoirs, de compétences et de bonnes pratiques ; une coopération entre les espaces-
tests plutôt qu’une concurrence et une harmonisation des pratiques (tarifs, sélection
des candidats,…)[19]
28 Maraîchers entrants : maraîchers qui ne sont pas issus du monde agricole et dont leur accès à la terre est difficile.
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L’objectif du GAL dans cet essaimage du concept d’espace-test en Wallonie, est de
montrer la pertinence du dispositif afin qu’il soit reconnu par la Région wallonne. Le
RAW’ET opte ici pour une reconnaissance par le résultat, qui est aussi la stratégie de
Jean-François pécheur : « montrer que ça fonctionne » [19].
Actuellement, l’espace-test est financé et donc reconnu par la « Direction générale
opérationnelle de l’économie, de l’emploi et de la recherche (DGO6) »[62]. En effet, les
espaces-tests sont repris dans la DGO6, car ils sont perçus par la Région wallonne
comme des structures favorisant une économie à finalité sociale[19]. Or, Jean-François
Pêcheur nous confie que le GAL désire que les espaces tests soient reconnus par la
« Direction générale opérationnelle de l’agriculture, des ressources naturelles et de
l’environnement (DGO3) ». Ce faisant, la Région wallonne partagerait la vision du
GAL qu’est de considérer les espaces-tests comme des dispositifs hybrides à cheval
sur l’activité agricole et la création d’emplois [19].
Un autre objectif derrière cette reconnaissance des autorités, est d’obtenir un
financement structurel pour l’espace-test. Un des avantages des financements
structurels est qu’ils sont pérennes dans le temps. Cette régularité de financement
permettrait au GAL d’arrêter le « bricolage de subsides »[19]. Aussi, si Point Vert est
directement financé, la structure pourrait éventuellement s’émanciper de la protection
que lui offre la niche du GAL du Pays des Condruses.
Tous ces éléments nous permettent de dire que l’autonomisation de Point Vert se
fait de la manière « stretch and transform ».
Pour terminer, nous pouvons dire que à travers son autonomisation via le
RAW’ET, Point Vert va questionner le régime en lui montrant qu’un autre système est
possible. En nous inspirant de la théorie de « la perspective multi-niveaux » de F. Geels
& R. Kemp (2012), nous pourrions dire que, dans le cadre des transitions écologiques,
l’autonomisation de Point Vert emprunte la voie de la « trajectoire reconfigurée »[21].
C’est-à-dire que « cette innovation (« qui se développe dans les niches » [63]) est initialement
adoptée dans le régime pour résoudre des problèmes locaux, mais déclenche plus tard des
ajustements dans l’architecture de base du régime. »[21].
4.4.2. Ochain Energie : autonomisation entre le « stretch and transform » et le « fit and conform »
4.4.2.1. Fit and conform
Ochain Energie scrl est un projet de type entrepreneurial privé qui a pour objectif
d’atteindre la rentabilité afin d’être compétitif dans un environnement qui reste
inchangé. Dans son autonomisation, Ochain Energie s’adapte au régime et se voit
soumis aux règles et aux normes du marché, devant s’y conformer s’il veut réussir à
s’émanciper des protections que lui offre le GAL du Pays de Condruses.
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Les contraintes règlementaires et normatives poussent, par exemple, Ochain
Energie à utiliser le réseau de distribution électrique belge afin de valoriser l’électricité
produite, interdisant à l’entreprise de créer son réseau privé de distribution29. Une
autre contrainte est qu’Ochain Energie, pour atteindre la rentabilité et la compétitivité
exigée par le régime, doit entrer dans le système des certificats verts. En effet, plusieurs
acteurs rencontrés nous ont affirmé que « sans les CV, ce serait impossible »[18], [30], [32].
Ce faisant, la scrl va se conformer aux règles imposées par le système des CV.
Cette compétitivité exigée et la conformation aux normes vont potentiellement affecter
le caractère durable du projet d’Ochain Energie. En effet, afin d’être rentable,
l’entreprise met en place des dispositifs (investissements, subsides,…) qui vont
canaliser sa liberté d’action et lui imposer une routine de fonctionnement relativement
verrouillée. En étant dépendant des règles du régime, Ochain Energie va perdre en
résilience. Le système des CV, s’il vient à disparaitre, pourrait entrainer avec lui
l’exploitation de biométhanisation d’Ochain dans sa chute, celle-ci devenant
potentiellement incapable d’être compétitive et rentable. Dès lors, il faudrait soit que
la Région wallonne ou le Fédéral trouve un autre moyen de rendre la biométhanisation
agricole économiquement viable, soit que les projets de biogaz aient atteint une
certaine résilience à travers un développement économique propre, comme souhaite
le faire Grégory Racelle avec l’ajout de débouchés pour sa production de chaleur
(spiruline, séchage de foin).
Une difficulté mise en avant par Grégory Racelle est de rendre le projet performant et
concurrentiel afin qu’il puisse se détacher des protections de la niche. L’agriculteur-
entrepreneur nous exprime notamment : « Il a fallu 24 mois pour financer le
projet, financer c’est très difficile : les banques mettent des barrières, des bâtons dans les roues,
ça c’est clair. Aussi, je me suis noyé dans la législation, mais il y a des gens qui m’aident, mais
ça prend du temps ! J’ai travaillé 6.000 heures bénévolement pour en arriver là. Parce qu’il y a
toutes ces démarches à faire : déposer un permis pour ça, répondre à tout et n’importe quoi, on
te demande, on te demande,… ils n’ont jamais fini de te demander. Mais quand toi tu demandes
quelque chose à la Région ou à la CWAP, ils en ont pour 8 mois à rendre le dossier, si ton
dossier est bon ! »[30]. Cependant, comme nous l’avons vu à travers la dynamique du
projet, Ochain Energie a surmonté ces difficultés et semble avoir atteint une certaine
performance, lui permettant de s’émanciper des protections du GAL et de se lancer
sur le marché de la production d’énergie.
29 « On parle de réseau privé lorsqu’une personne physique ou morale, raccordée au réseau public de distribution ou de transport, redistribue de l’électricité ou du gaz, par ses propres installations privatives, à un ou plusieurs client(s) (la législation utilise le terme de « clients avals ») établi(s) sur le site qu’elle gère. Les réseaux privés font l’objet d’une interdiction de principe. La législation ne fait pas de distinction suivant qu’il s’agit d’un ancien réseau privé, établi préalablement à l’entrée en vigueur du principe d’interdiction, ou d’un nouveau réseau privé. L’interdiction vise donc tous les réseaux privés, existants ou projetés, sauf ceux spécifiquement visés parmi les exceptions. »[74]
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Ochain Energie va donc évoluer dans un environnement déjà bien défini par ses
règles et normes, ne questionnant pas ce dernier à travers une éventuelle
institutionnalisation des pratiques, comme souhaite le faire Point Vert. Dès lors, nous
pouvons dire, qu’à travers ces caractéristiques, l’autonomisation d’Ochain Energie se
fait de la manière « fit and conform ».
4.4.2.2. Stretch and transform
Le projet d’Ochain Energie a la particularité de s’inscrire également dans une
autonomisation de type « stretch and transform ». En effet, nous avons pu identifier
différentes caractéristiques dans sa dynamique qui, selon nous, l’inscrivent dans cette
autonomisation.
Premièrement, de par sa technologie de biométhanisation agricole, Ochain
Energie peut être considérée comme une innovation technologique radicale, dans le
sens où elle est encore relativement peu développée dans le secteur de la production
d’énergie en Wallonie. En effet, la Wallonie compte 21 unités de biométhanisation
agricole sur les 46 unités de biométhanisation existantes, représentant une puissance
électrique d’environ 7 MW sur un total de 60 MW. Ochain Energie, avec une puissance
électrique de 600 kW, s’inscrit dans la classe 250-1500 kW, qui compte environs 5
unités30 [64]. Si nous observons la production d’électricité nette en Belgique pour
l’année 2016, nous remarquons que le secteur de la biomasse-biogaz-déchet représente
une part de 7,4% contre 51,7% pour le nucléaire et 29% pour les combustibles
fossiles.[65]
Deuxièmement, le fait de valoriser l’énergie calorifique produite à travers un
réseau de chaleur relié à la maison de repos d’Ochain est également une caractéristique
qui s’éloigne des us et coutumes du régime, celui-ci favorisant les réseaux de gaz
public ou la production de chaleur des habitations avec des chaudières individuelles.
Troisièmement, Ochain Energie propose une organisation nouvelle de la filière
agricole et énergie. L’investissement des coopératives citoyennes, le réseau de chaleur
et la nouvelle dynamique créée avec les agriculteurs fournisseurs d’intrants sont trois
caractéristiques du projet qui le positionne en tant qu’innovation sociotechnique
radicale face au système classique du régime dans les filières agricoles et énergie.
A la lumière du cadre analytique de la « MLP » de F. Geels & R. Kemp, nous
pourrions dire que, dans le cadre des transitions écologiques, l’autonomisation
d’Ochain Energie prend la voie du « désalignement de la trajectoire »[21]. Cela signifie
que « Si les lignes du paysage changent et deviennent divergentes, alors les problèmes au sein
du régime peuvent amener les acteurs à douter et à perdre leur foi inconditionnée. Ceci conduit
à des divergences entre acteurs et à l’érosion du régime. Si les innovations de niche sont
30 Chiffres issus de l’édition 2016 du « panorama de la filière biométhanisation en Wallonie » - Valbiom.
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66
suffisamment développées, il est possible qu’une niche vienne se substituer au régime
existant »([21] adapted in [5])
Actuellement, nous vivons une période imprégnée d’un sentiment d’incertitude
concernant la sécurité de la production d’énergie nucléaire. En effet, les évènements
récents ont jeté un doute sur la fiabilité des centrales nucléaires belges, avec la
découverte de microfissures dans les cuves des réacteurs Doel 3 et Tihange 2. « Fin
mars 2014, ces réacteurs sont mis à l’arrêt afin d’effectuer des tests supplémentaires. »[66] Ces
évènements vont amener bon nombre de citoyens à douter du régime, perdant leur
confiance en la technologie favorite qu’est le nucléaire. Cependant, la remise en
question du régime est-elle assez forte que pour voir celui-ci être substitué par une
nouvelle organisation systémique portée par les énergies renouvelables, dont la
biométhanisation fait partie ? Actuellement, vu les difficultés qu’Ochain Energie a
rencontrés dans sa dynamique, nous ne pouvons pas affirmer que le régime est assez
érodé que pour être substitué par ces innovations sociotechniques de niche.
4.5. Conclusion de chapitre
L’analyse de a dynamique du GAL du Pays des Condruses au travers de la théorie
de la Gestion Stratégique de Niche, nous permet de répondre à notre second objectif :
Le GAL du Pays des Condruses peut effectivement être défini comme une niche
d’innovation sociotechnique. Notre analyse nous a montré que, en tant que niche, il
favorise le processus d’autonomisation des projets, et plus encore. En effet, le GAL
accompagne, soutient les projets tout au long de leur développement, de leur
émergence à leur autonomisation. Comme nous l’avons vu, il leur offre une protection
active, les accompagne dans leur maturation et les poussent vers une autonomisation
en favorisant la mise en réseau des acteurs internes et externes au territoire du Pays
des Condruses.
Ce chapitre nous permet de comprendre que les projets d’Ochain Energie et de
Point Vert s’autonomisent de manière distincte, entre le « fit and conform » et le « stretch
and transform ». Un autre aspect que nous souhaitons aborder est la durabilité de ces
projets, à travers leur capacité de résilience face aux chocs et aux changements. Plus
précisément, nous souhaitons ici mettre en évidence la dépendance d’Ochain Energie
aux certificats verts, qui semblent être un élément critique dans la viabilité du projet.
Partant de l’hypothèse que les certificats verts pourraient connaitre une nouvelle crise
comme en 2011, nous nous interrogeons sur la capacité qu’aurait Ochain Energie à
faire face à cette potentielle perturbation du système.
Afin de cadrer notre analyse, nous nous inspirons de l’approche philosophique de
la durabilité avec la notion « d’intégrité fonctionnelle » de P.B. Thompson (1997) 31.
31 Thompson, P.B. (1997) The varieties of sustainability in livestock farming. In: Sørensen, J.T. (ed.): Livestock farming systems – More than food production. Proc. of the fourth international symposium on livestock farming systems. EAAP Publ. No. 89: 5-15 pp.
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Cette approche a la particularité de s’intéresser aux projets en les percevant comme
des systèmes dynamiques composés d’éléments qui interagissent entre eux. Ces
interactions vont rendre ce système viable et sont capitales pour maintenir l’intégrité
fonctionnelle de celui-ci. Dans la vision d’intégrité fonctionnelle d’un projet, c’est
l’ensemble des interactions entre les éléments du système qui importe et non pas les
éléments isolés du système. Autrement dit, l’ensemble est plus important que la
somme des parties. L’intérêt de cette approche est qu’elle permet d’identifier toutes les
composantes d’un système et de comprendre leurs interactions afin de pouvoir mettre
en évidence les éléments cruciaux de celui-ci. Aussi, elle permet d’identifier les forces
et les faiblesses du système et ainsi de percevoir les éléments qui pourraient de par
leur modification, perturber son équilibre et donc sa viabilité. Dès lors, les acteurs
peuvent anticiper ces risques et mettre en place un système étant capable d’amortir les
chocs afin de retrouver une stabilité.
Concernant Ochain Energie, nous identifions le financement via les certificats
verts comme un élément critique du système, sans lequel le projet ne serait pas viable
actuellement. Dès lors, si cet élément est modifié (disparition ou diminution des CV),
alors ses interactions avec les autres éléments du système sont altérées. L’intégrité
fonctionnelle du système se verrait alors déstabilisée, mettant à mal la viabilité du
projet. Il importe alors d’anticiper ce risque et de mettre en place des éléments qui
permettraient de diminuer cette dépendance du système aux CV. Cette vision semble
être partagée par Grégory Racelle, qui dans un futur proche, a pour ambition de
diversifier les sources de revenu d’Ochain Energie en ajoutant des éléments au système
(spiruline, séchage foin,…).
Pour conclure, nous pouvons dire que les projets s’autonomisent au travers de
leur réseau sociotechnique, mais qu’afin de s’inscrire dans la durabilité, ces réseaux se
doivent d’acquérir une capacité de résilience face aux chocs potentiels. Cette capacité
peut être acquise à condition que les acteurs perçoivent le projet comme un système
dynamique et comprennent ses interactions afin de pouvoir les reproduire ou les
perpétuer suite à une perturbation du système.
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5.Discussion :
Ochain Energie et Point vert : deux projets bien différents
Les conditions de l’étude de terrain réalisée en amont de ce travail, interrogeant
tantôt des acteurs concernés par le projet d’Ochain, tantôt ceux concernés par le projet
Point Vert, m’ont permis de mettre en perspective ces deux projets à travers le
questionnement personnel suivant : « Pourquoi le GAL est-il capable de porter le projet de
Point Vert, mais pas le projet d’Ochain, préférant déléguer ce dernier à un porteur de projet
tierce ? »
Dans cette partie, nous allons tenter de répondre à cette nouvelle question en
identifiant les caractéristiques intrinsèques des deux projets. Pour ce faire, nous allons
essentiellement nous baser sur les informations récoltées dans les entretiens et ainsi
mettre en perspective les caractéristiques des deux projets qui pourraient répondre à
la question formulée, que nous résumerons dans un tableau comparatif.
L’analyse des dynamiques des deux projets à travers le concept de l’ANT de Michel
Callon nous a permis de mettre en avant les différences qui existent dans la
construction de ces deux innovations sociotechniques que sont Point Vert et Ochain
Energie.
Tout d’abord, notons qu’Ochain Energie est un projet à caractère entrepreneurial privé
porté par Grégory Racelle à travers la scrl Ochain Energie. A l’opposé, Point Vert est
plutôt un projet de service qui s’inscrit dans une économie à finalité sociale et qui est
porté par le GAL du Pays des Condruses.
Point Vert est toujours en recherche d’identité et questionne son environnement,
notamment par la mise en place du Réseau des Acteurs wallons des Espaces Tests
maraîchers (RAW’ET), tandis qu’Ochain Energie a trouvé son identité dans un
environnement institutionnel, économique et technique défini, sans le questionner.
S’inscrivant dans l’économie « classique » capitaliste actuelle, Ochain Energie se doit
de faire fructifier son entreprise afin d’atteindre la rentabilité, essentielle pour sa
survie. A contrario, s’inscrivant dans l’économie sociale, avec la volonté d’offrir un
service aux citoyens, Point Vert ne dégage aucun bénéfice et fonctionne grâce aux
subventions et aux échanges gratuits tels que les contrats de mise à disposition de terre
entre la commune, le GAL et les porteurs de projets.
Dans ce cadre économique, nous pouvons mettre en évidence la notion du risque,
qui n’est pas une caractéristique inhérente aux deux projets. En effet, Ochain Energie
est un projet plus risqué, dans lequel un large panel d’acteurs s’est engagé
financièrement, pour un total de 5 millions d’euros 32 d’investissements. Le risque
existe alors notamment pour les investisseurs (Grégory Racelle, BNP Paribas Fortis,
32 Chiffre tiré des entretiens de plusieurs acteurs, mais non vérifié faute d’un accès à une documentation précise.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
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CEC, Emission zéro, Coretec, etc.). Ainsi, Ochain Energie va évoluer en étant cadré par
toutes les règles et conditions de ces investisseurs (notamment la banque), ne désirant
pas perdre l’argent investi, la rentabilité étant une condition non négociable pour ces
derniers. Un autre risque concerne la filière de la biométhanisation agricole, qui n’est
toujours pas rentable sans les certificats verts. Aussi, la crise que les biométhaniseurs
ont connue en 2011 suite à la chute des prix des certificats verts nous rappelle que ce
dispositif de subvention n’est pas sans faille. A contrario, Point Vert a demandé un
investissement d’approximativement 80.000€, le tout financé par subventions. Le
risque financier est dès lors moins important, voire nul. Les montants sont en effet
nettement inférieurs et aucun actionnaire n’y est impliqué. De plus, tout le matériel
nécessaire ayant été financé, Point Vert n’a presque plus de dépense à effectuer.
Ensuite, concernant les réseaux d’acteurs respectifs des deux projets, nous
pouvons mettre en évidence leurs différences à travers leurs compétences spécifiques.
Ochain Energie s’est entouré d’acteurs ayant des compétences techniques et
spécifiques dans le domaine de la biométhanisation ainsi que d’acteurs «financeurs ».
L’allongement de réseau « en filière » que connait Ochain Energie, avec des acteurs
spécifiques et compétents dans le domaine, va renforcer l’aspect « techno-centré » du
projet. De son côté, le projet de Point Vert regroupe des acteurs compétents dans
l’accompagnement des personnes dans le développement de leur projet. Aussi, ce
réseau ne comprend pas d’acteurs « financeurs » tels que des banques, des
coopératives ou des actionnaires privés qui seraient investis directement dans le projet
Point Vert, ce dernier fonctionnant grâce à des subventions. Enfin, nous observons que,
dans le projet d’Ochain Energie, les acteurs du réseau sont là pour financer ou pour
installer le matériel technique, Grégory Racelle étant relativement seul dans la gestion
quotidienne du projet. Pour Point Vert, les acteurs du réseau sont engagés dans le
projet pour faire fonctionner celui-ci. Ils y apportent leurs compétences et participent
activement à la dynamique quotidienne de Point Vert.
Enfin, il importe de noter la différence des deux projets dans leur matérialité.
D’une part, Point Vert est constitué de matériels qui ont la particularité d’être légers et
non ancrés dans le sol. En effet, les serres ou les chalets de stockage peuvent être
démontés sans trop de difficulté. Même le contrat de mise à disposition de la parcelle
signé avec la Commune fait preuve d’une certaine précarité, sa durée ayant été fixée à
huit ans, avec la possibilité de le renouveler (sur décision de la Commune). Seul le
bassin de récupération d’eau de pluie semble être plus figé. Cependant, il ne représente
qu’un encaissement dans le sol, qui pourrait être comblé. Ces caractéristiques donnent
au projet Point Vert une certaine malléabilité, ou flexibilité matérielle. Au contraire,
Ochain Energie se compose de digesteurs, de bassins de stockage des intrants et
sortants organiques, construits en bêton et qui sont ancrés dans le sol. Aussi,
l’installation est reliée au réseau électrique et sera bientôt connectée à la maison de
repos via le réseau de chaleur. Les ajouts potentiels de bassins pour la production de
spiruline ou de séchoirs à foin, renforceront le caractère fixe et « lourd » de
l’installation.
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Pour conclure, nous pouvons dire que les caractéristiques précitées des projets
nous amènent à dire que Point Vert fait preuve d’une dynamique réversible, tandis
que la dynamique d’Ochain Energie semble, elle, moins réversible. Le GAL du Pays
des Condruses souhaite alors ne pas être le porteur d’Ochain Energie jusqu’à sa
maturation et préfère déléguer cette mission à Gregory Racelle. Il peut bien sûr
accompagner celui-ci dans sa dynamique, mais son rôle en tant que porteur de projet
s’arrête après l’étude de potentialité, la rencontre avec les responsables de la maison
de repos d’Ochain et l’identification d’un porteur de projet. Le GAL n’a en effet ni les
Projet d’espace-test
« Point Vert » Projet de
biométhanisation d’Ochain
Compétences requises
Accompagnement – coordination de réseau –
communication -
Technique – spécifique à la biométhanisation et à la
gestion d’entreprise
Questionnement du régime
Fort Faible
Matérialité
Malléable – légère - potentiellement éphémère -
à la surface du sol
Lourde – fixe - ancrée dans le sol
Allongement du réseau
Territorial Filière
Type d’économie Service – Finalité sociale Capitalisme – Finalité
économique
Investissements Faibles Élevés
Financements Subsides Subsides + investisseurs
Soumis aux pressions du régime
Faiblement Fortement
Risque financier Faible Elevé
Dynamique Réversible Faiblement réversible
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compétences techniques, ni la capacité financière pour porter un projet risqué et
faiblement réversible. Enfin, cette optique ne fait pas partie des objectifs et des volontés
du GAL du Pays des Condruses. Ce dernier préfère se concentrer sur sa mission qui
est de dynamiser le territoire et de favoriser l’émergence, la maturation et
l’autonomisation de projets locaux en leur apportant soutien et protection.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
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6.Conclusion
« Penser global, agir local »
Ce slogan, employé par René Dubos lors du premier sommet sur l’environnement
en 1972, semble résumer l’esprit de la politique de développement local menée par
l’Europe depuis 1991.
Pensée à un niveau européen, la politique de « développement de projets locaux
mené par les acteurs locaux », favorise la gouvernance ascendante au niveau des
territoires sous régionaux européens. La traduction que fait la Commission
européenne de ce concept de gouvernance est l’application successive des
programmes d’initiative communautaire LEADER. Une des particularités de ces
programmes est que grâce aux groupes d’action locale (GAL), ils permettent aux
acteurs locaux de penser et de construire le développement de leur territoire rural.
Ensuite, grâce au réseau européen et aux réseaux nationaux de développement rural
(REDR & RNDR) ces programmes mettent en relation tous ces acteurs à un niveau
supra local. Le GAL du Pays des Condruses s’inscrit dans cette dynamique de
développement rural en favorisant le développement de projets locaux sur son
territoire.
L’intérêt de ce travail est de comprendre comment, dans le cadre du programme
européen de développement rural « LEADER », le groupe d’action locale « Pays des
Condruses » peut-il mener à l’autonomisation de projets locaux.
Le premier apprentissage qui ressort de notre analyse, est que l’autonomisation
des projets semble se réaliser au travers de la mise en réseau des acteurs concernés. Le
réseau sociotechnique, en particulier les interactions qui existent entre les entités de ce
réseau, donnent au projet la capacité de se défendre dans un jeu complexe de pouvoirs
et lui permettent de tenir à distance les pressions de son environnement plutôt que d’y
être subordonné. Aussi, il est important que les acteurs du réseau sociotechnique (les
membres du GAL y compris) perçoivent celui-ci comme un système dynamique,
relativement stable, aspirant à la viabilité. Penser le projet en termes d’intégrité
fonctionnelle permet d’identifier les facteurs critiques, ainsi que les composantes du
système et les interactions entre-elles. Le réseau sociotechnique peut alors agir sur ce
système afin que ces interactions lui confèrent une capacité à se reproduire et à
s’adapter à la suite d’un choc ou d’une perturbation, qu’ils soient internes ou externes
au système.
Concernant le rôle du GAL, nous pouvons conclure en affirmant qu’il peut être
caractérisé en tant que niche d’innovations sociotechniques. Comme nous l’a montré
notre analyse, le GAL du Pays des Condruses peut accompagner, soutenir, voire porter
les projets de leur conception à leur autonomisation. Ce faisant, il leur offre une
protection active et les accompagne dans leur maturation en facilitant notamment la
mise en réseau des acteurs que nous avons identifiée comme l’élément clé de
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
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l’autonomisation. Nous pouvons également mettre en avant toute l’importance du rôle
joué par le GAL dans la communication qu’il met en place à destination de la société
civile et des politiques. Cette communication, qui informe les citoyens des activités,
des études et des productions réalisées dans le Pays des Condruses, a pour effet de
donner une certaine légitimité au GAL et aux projets. Ce rôle peut être transcendé
lorsqu’il devient le porte-parole des projets et du territoire des Condruses.
Finalement, le dernier apprentissage sur lequel nous conclurons l’analyse,
concerne l’implication du GAL du Pays des Condruses dans les projets dits à risques.
Il n’a en effet ni la volonté, ni les compétences de porter des comme « Ochain Energie »,
qui ne sont que faiblement réversible. A l’inverse, nous nous interrogeons sur la
nécessité qu’a un projet qui s’autonomise d’une façon « fit and conform » d’être porté
par un GAL. En effet, le GAL n’aurait-il pas un rôle plus important à jouer dans le
soutien des innovations radicales « stretch and transform » ?
Ce travail s’étant intéressé spécifiquement à deux projets du GAL du Pays des
Condruses, nous reconnaissons les limites de notre analyse. Il serait dès lors
intéressant de tester nos conclusions en reproduisant cette étude sur un panel plus
large de projets évoluant dans différents GAL wallons, voire européens.
Une autre limite qui réside dans les conditions de l’étude est que nous n’avons pas
rencontré tous les acteurs impliqués dans les réseaux sociotechniques. Notamment,
nous n’avons pas eu l’occasion de rencontrer les agriculteurs enrôlés dans le projet
d’Ochain Energie, ou les autres acteurs enrôlés dans le RAW’ET. Aussi, bien que nous
nous soyons intéressés aux réseaux sociotechniques, nous n’avons pas pris en compte
toutes les composantes naturelles de ceux-ci, particulièrement pour Ochain Energie. Il
serait dès lors intéressant de s’interroger sur les interactions que les agriculteurs, la
matière organique, la terre ou encore les animaux ont avec le système étudié.
Le projet du GAL du Pays des Condruses, porté par des acteurs locaux motivés et
dynamiques qui décident de s’unir afin de s’investir dans le développement de leur
territoire, semble être un exemple réussi d’une gouvernance ascendante. Il importe
cependant de se poser la question quant à la réussite de l’application de la méthode
LEADER dans tous les autres groupes d’action locale.
Adrien Doutrepont – Master en Sciences et Gestion de l’Environnement à finalité spécialisée ISE 2016-2017
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8.Annexes
Annexe I : indicateur de ruralité : classification DGO3 des communes
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Annexe II : carte des GAL wallons 2014-2020
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Annexe III : Les 74 partenaires du PDS 2014-2020 du GAL du Pays des Condruses
Les partenaires publics
Commune de Anthisnes
Commune de Nandrin
Commune de Clavier
Commune de Ouffet
Commune de Marchin
ADL Marchin
Commune de Tinlot
CPAS de Modave
CPAS de Clavier
Ecole communale de Warzée
Ecole Sainte Adélaïde Clavier
Ecole communale de Modave
Ecoles communales de Nandrin
PCDN Nandrin
Ecoles communales de Clavier
Zone de police du Condroz PCS Condroz
Les partenaires privés
ADMR de Huy
Ecole Provinciale de Promotion Sociale de Huy
Château d’Ochain (MR-MRS) - ACIS group
Cortigroup - Cort’IDESS scrlfs
Plan de Cohésion sociale du Condroz
Centre Hospitalier régional du Huy
Conseil consultatif des aînés de Modave
Conseil consultatif des aînés de Nandrin
Conseil consultatif des aînés de Marchin
Conseil consultatif des aînés de Clavier Espace
Senior de Marchin
Eneo
Ochain Energie sprl
WattsUp sprl
Condroz Energie Citoyenne scrlfs
Centre des Technologies Agronomiques
Chanvr’Eco s.a.
ILC Saint-François Ouffet
ASBL Sentiers.be
ASBL Provélo
ACAN
ADISIF Association des commerçants d’Ouffet
Avouerie asbl
CCI Conférence des Elus de Huy-Waremme
asbl Crowd’in
Devenirs asbl
Diversiferm
ISIa – Haute Ecole Charlemagne
Marchin Entreprend
MCH
Point Ferme scrlfs
Vegetal Valley
Morpho Biomimicry
CLDR économie de Modave
CIESAC (Intercommunale Eau de Clavier)
Contrat Rivière Meuse Aval/Hoyoux
Adalia asbl
Contrat Rivière Ourthe (lettre soutien)
CRIE de Modave
Intercommunale des Eaux de Nandrin
Made in Abeilles
GREOA asbl
Groupe Verger Claviérois
Les Amis du Ry d’Ocquier
Kachimas asbl
Compagnie des eaux de la Prov. Liège
(CILE scrl)
AWAF asbl
SPGE SA
Société Publique de Gestion de l’Eau SA
Les citoyens
Tina Dangelantonio
Luc Erpicum
Ugo Bellarin
Claude Laffineuse
Frédéric Van Vlodorp
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Annexe IV : Identification des 19 points potentiels pour une installation de biogaz [67]
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Annexe X : Carte du réseau sociotechnique de Point Vert présentée dans la demande
de subside auprès du cabinet du Ministre J-M Nollet, 2014.