RÉUSSIR SA MORT: MÉDITATIONSUR LA FIN DE VIE

François Primeau MD, LMCC, DPsych, CSPQ, BPh, CTh, FRCPCFondateur, Gérontopsychiatrie, Collège Royal des médecins et chirurgiens du Canada,

Fellow, Association des psychiatres du Canada

Professeur titulaire de clinique, Département de psychiatrie et neurosciences, , Université Laval

Gérontopsychiatre et membre, Comité d’éthique de la recherche,

Représentant, Comité de l’indépendance intellectuelle,

Hôtel-Dieu de de Lévis, CISSS Chaudière -Appalaches

25e Congrès annuel, ACPG, Québec, 1er octobre 2016

DIVULGATION DE CONFLITS D’INTÉRÊTS

• Présentateur: Dr. François Primeau

• Aucune relation avec intérêt commercial

• Aucune subvention/support de recherche de l’industrie pharmaceutique

• Aucun honoraire de conférence, de consultant ou autre rémunération de l’industrie pharmaceutique

• Mémoire d'expert contre l’euthanasie en 2010; présentations à la Commission sur la question spéciale de mourir dans la dignité contre l’euthanasie en 2011 et 2013

• Mémoire contre l’euthanasie au Comité fédéral externe en 2015

DIVULGATION DE SUPPORT COMMERCIAL

• Cette présentation n'a reçu aucun support financier ni de support logistique de la part de l’industrie pharmaceutique

• Aucun conflit d'intérêt potentiel

ROMAN FEUILLETON DE L’EUTHANASIE/SUICIDE ASSISTÉAU QUÉBEC /CANADA

• 5 juin 2014: Loi 2 québécoise sur les soins de fin de vie: fin de vie

• 6 février 2015: Arrêt Carter, Cour Suprême du Canada: affection, maladie, handicap, problèmes de santé grave et irrémédiable avec souffrances intolérables

• 10 décembre 2014: Prise d’effet de la Loi 2, alors que la déclaration d’invalidité de la CS est en vigueur jusqu’au 6 février 2016

• CS prolonge cette période jusqu’au 6 juin 2016: pas de loi fédérale

• Loi fédérale C-14 sanctionnée le 17 juin: mort naturelle raisonnablement prévisible

• 20 juin 2016: CMQ recommande une harmonisation des lois

• 27 juin 2016: poursuite en Cour Suprême de la CB re: pte de 25 ans, atrophie musculaire spinale, pas en fin de vie, veut AMM: C-14 est inconstitutionnelle

AU-DELÀ DE LA VIRTUOSITÉ… LA VERTU ?

• Au-delà de la virtuosité nécessaire pour naviguer à travers laconfusion sur l’étymologie de l’AMM, la définition de la fin de vie, lescritères inexistants pour évaluer l'aptitude spécifique de demanderl’AMM pour soi, l’absence de définition pour la souffrance intolérable,les décisions judiciaires contradictoires (1993, 2015), les questions decompétences partagées fédérales/provinciales, les prises de positionsdivergentes des Collèges de médecins provinciaux…

• Au-delà de la virtuosité prescrite dans les guides de pratique duCollège des médecins du Québec pour administrer l’AMM…

• Avons-nous pris le temps de réfléchir, voire méditer sur ce que veutdire mourir, au-delà des critères et des protocoles de 3 injections…?

LA MORT??

• « C’est une étrange faiblesse de l’esprit humain que jamais la mort nelui soit présente, quoiqu'elle se mette en vue de tous côtés. Onn’entend dans les funérailles que des paroles d’étonnement, de ceque ce mortel est mort. Chacun rappelle en son souvenir depuis queltemps il lui a parlé, et de quoi le défunt l’a entretenu, et tout d'uncoup il est mort. Voilà, dit-on, ce que c'est que l'homme! Et celui quile dit, c’est un homme; et cet homme ne s’applique rien, oublieux desa destinée; et on peut dire que les mortels n’ont pas moins de soind'ensevelir les pensées de la mort, que d'enterrer les morts eux-mêmes ».

• Bossuet, Sermon sur la mort, Carême dans la chapelle royale duLouvre, 22 mars 1662.

AU-DELÀ DE LA VIRTUOSITÉ… LA VERTU ?

• «Il faudrait être un grand mystique pour gérer un couloir d’incurables.

• Or le médecin tend à n’être plus qu’un bon mécanicien » .

• Réussir sa mort. Anti méthode pour vivre. Fabrice Hadjadj (p. 175)

MÉDITATION SUR LA FIN DE VIE: RÉUSSIR SA MORT. ANTI MÉTHODE POUR VIVRE

• Fabrice Hadjadj, écrivain et philosophe français (1971-)• Né dans une famille de confession juive, de parents militants

révolutionnaires maoïstes en mai 68, athée et anarchiste durant sonadolescence, Fabrice Hadjadj développe une pensée nihiliste.

• Laurent Lafforgue, médaille Fields 2002, le présente comme un auteur« chez qui la lucidité est associée à une espérance indestructible ». FH sedéfinit lui-même comme «un philosophe juif de nom arabe et deconfession catholique ».

• Réussir sa mort, en 2005, est le premier succès éditorial de Fabrice Hadjadj,qu'il dédie ainsi : « A ceux qui se ratent, cette tentative de grâce. » Laplupart des critiques, dont Alain Finkielkraut ou Jacques Henric , soulignentla place centrale du paradoxe dans ses œuvres. Il affirme par ailleurs lui-même :

• « En vérité, mon livre sur la mort est un livre sur la joie. »

DIGNITÉ: CE N’EST QUE L’UTILITÉ?• Noëlle Châtelet, (sœur de Lionel Jospin), La dernière leçon, Seuil, 2004,

p.138-139: femme de lettres, philosophe et universitaire française,spécialiste de Sade, présidente du comité de parrainage de l’ADMD

• Sa mère, Mme Jospin (Mireille Dandieu), 92 ans, ancienne sage-femme, co-fondatrice de l’ADMD, s'est suicidée le 6 février 2012.

• Elle conduit, lit, étiquette tous ses biens pour les répartir entre ses proches,prépare elle-même les 200 faire-part personnalisés pour expliquer àchacun son geste. Elle mange des huîtres presque tous les jours…Elle qui atant secouru les autres ne supporte pas cette fatigue qui ne lui permet plusde les secourir comme avant.

• « Fatiguée. Était-ce une raison pour mourir? Pour toi, oui. C’était uneraison, bonne et légitime. Être utile à la marche du petit monde, et dugrand aussi. Fonctionner en quelque sorte, comme les ustensiles ménagers,être en état de marche ».

DIGNITÉ: CE N’EST QUE L’UTILITÉ?

• « La dignité humaine consiste donc à fonctionner comme un grille-pain ou un aspirateur. Et mourir dans la dignité signifie se mettre soi-même à la casse, dès lors qu’on ne peut plus marcher comme sur lanotice. » Hadjadj, p. 184.

• « N’aie pas peur du pipi au-dessus des herbes hautes. N’aie pas peurde la mort de ta mère. C’est pareil… moi ta mère, je te tiens. Tuverras… Je t’apprendrai la mort. Ma mort. Comme je t’ai appris cepremier pipi périlleux dans notre jardin du bord de mer » Châtelet, p.24

• Apprendre à mourir est exactement pareil qu'apprendre à faire pipi.Mme Jospin initierait sa fille à l’euthanasie comme elle l’initia àl’excrétion.

ÉTRANGE DIGNITÉ HUMAINE!

• On ne peut définir l’étrange dignité humaine.

• « Elle est toujours plus grande et plus petite que les philosophes ne leprétendent. L’homme est plus petit qu’un insecte. Et il est plus grandque l’univers. Il porte des slips-kangourous, mange du cassoulet enconserve, trompe sa femme puis sonne chez son voisin pour luiemprunter sa perceuse. Il fait de la poésie, s’agenouille devant uneapparente miette de pain (eucharistie), migre à Calcutta pourembrasser des guenilleux. Pas d’animal plus admirable. Pas demammifère plus bizarre. Pascal l'appelle « un roseaupensant ». Bérulle le nomme « ce néant capable de Dieu ».

• Hadjdaj, p. 320

SENTIMENT DE DIGNITÉ?

• « Souvent, il n’est pas parlé de dignité, mais du sentiment qu’on a decelle-ci.

• La dignité est une notion relative à chacun. Point de dignité objectivevalable pour tous…Pas de dialogue possible, puisque chacun possèdesa définition indiscutable. Pour les uns, perdre sa dignité équivaudra àne plus pouvoir regarder les matchs du PSG; pour d’autres, àconnaître des rides irrécupérables au lifting; pour d'autres, à ne pluspouvoir tromper sa femme…ou à ne plus pouvoir se laver seul. Celapeut être n’importe quoi, puisque c’est absolument relatif. Et dès lors,mourir dignement se ramène à refuser cette perte subjective en sesupprimant objectivement, et sans douleur. Car si la dignité estsubjective, la mort à quoi elle aboutit, du moins, est d'une irréfutableobjectivité ». Hadjadj, p. 40

SENTIMENT DE DIGNITÉ?• « Un tel relativisme dans la notion de dignité correspond d’emblée à

l’injection d’une dose létale dans notre intelligence. Le suicide a déjàeu lieu, le reste n’est qu’une formalité extérieure. Dire qu’il n’y a pasde dignité objective, c’est dire que je ne suis jamais sûr d’être dans levrai, c’est même affirmer que sur la dignité humaine, il n’est pas devérité du tout.

• On ne sait pas avec certitude si notre vie vaut quelque chose ou si ellene vaut rien. Pareille affirmation est une destruction de tout sens del’existence. Si on la prend au sérieux, comment ne pas êtredésespéré? En allant au bal, peut-être, en se tournant la tête, en selivrant corps et âme à la distraction continue de notre sociétéspectaculaire, on s’octroie un certain délai. Mais, dès ques’interrompt cet étourdissement, il faut en arriver à la conclusionfatale ». Hadjadj, p. 40.

DIGNITÉ: UNE QUESTION D’AUTONOMIE?• Notre « futur grandiose n’a aucun avenir [et méconnaît] le mystère.

Dès le départ, il nous enferme dans ce qui n’est qu’à notre mesure.ilnous replie sur nous-mêmes, nos solutions fonctionnelles, nos petitesfrustrations, nos compensations fantasmatiques ».

• « TOUT EST ICI AUTORÉFÉRENTIEL ».

• « Notre destinée est une déchirante énigme. Prétendre l’accomplir, aunom de l’autonomie, par nos seuls pouvoirs et nos seuls projets, laramener à ce à quoi volontiers l’on s’attend,[…] c’est la vouer à n’avoirplus d’avenir – cet à-venir qui n’est pas le simple développement dece qui va de l’avant, mais […] la présence jaillissante de l'autre, quinous tire de la logistique de la réussite vers une logique de larencontre ».

• Hadjadj, Puisque tout est en voie de destruction, 2014, p. 18-19.

LITTÉRATURE ET MEUTRE DE SOI: UNE QUESTION DE TEMPÉRATURE?

• Rousseau: par une lettre de Saint-Preux dans La nouvelle Héloïse,fournit de arguments favorables à l’homicide de soi; en 1761, 1763,1767, plus de 20 fois, il est tenté de se noyer dans l’étang deMontmorency. « Pourquoi ne l’avez-vous pas fait? lui demandeDiderot – J’ai mis la main dans l’eau, répond-il, et je l’ai trouvée tropfroide » Vialatte, « Suicides », Dernières nouvelles de l’homme,Julliard, 1978.

• Et Vialatte de commenter: « Ce qui prouve que l’eau tiède est bienplus agréable » (cité par Hadjadj, p. 143).

LITTÉRATURE ET MEUTRE DE SOI: 2 PERSPECTIVES• Henry de Montherlant: La mort qui fait le trottoir. 21 sept 1972, se

tire une balle dans la tête. « Lui, diminué par la maladie, pensa que sadignité était de se supprimer, dans un dernier accès de maîtrise avantde sombrer dans l’impuissance. Sa cousine, vieille religieuse,grotesquement déformée par l’infirmité, pensa que sa dignité était dese supporter dans un dernier accès d’abandon au mystère, avant desombrer dans le Tout-Puissant…

• Il est très probable que viendra un jour où nous n’aurons plus d’autrechoix que d’être Montherlant ou sa cousine ». Hadjadj, p. 141-142.

• Montherlant: n'est pas un témoin de ce qui le dépasse, maisl’accusateur d’une vie qu’il juge au-dessous de ses attentes.

• Sa cousine: n’est témoin que de ce qui la dépasse et le défenseurd’une vie qu’elle juge au-delà de ses attentes.

QU’EST-CE QUE LA SANTÉ?• « Le bien est réduit au bien-être (objet de l’efficacité technicienne), la

consolation, au confort, le salut, à la santé ». (Hadjadj, Puisque toutest en voie de destruction, 2014, p. 55).

• « La santé, le confort, ne sont pas des fins ultimes. Une fois qu’on lespossède, ils manifestent leur caractère de moyens: on se retrouveavec une vie frétillante, qui ne peut plus tenir sur le sofa, cherche uneissue dans un labeur pénible et exaltant.

• Si on ne trouve pas cette issue, le désœuvrement nous accable,l’ennui nous dévore, et l’on peut finir par se pendre au très beaulustre du living-room, juste après que le docteur a dit qu’on avait uneexcellente tension ».

• Hadjadj, p. 327

L’ENTRAÎNEMENT ULTIME

• « Avec vous, je pose deux questions. Quel est l’exercice qui permetd’entretenir la forme la plus vive? Et comment pourrait-il m’entraînerà l’épreuve plus dure que toutes celles des Jeux Olympiques réunies,non pas le décathlon, mais le théathlon, en quelque sorte, je veuxdire qui m'exercerait à bien mourir?

• Car il est bien joli d’avoir un corps vigoureux, mais à quoi bon, si c’estau dépens d'une âme rendue débile?

• Et il est beau d’être préparé au saut de haies, mais qu’est-ce que celam’apporte si c’est pour être plus démuni devant le « grandplongeon »? » Hadjadj, p. 321

QU’EST-CE QUE LA MORT?

• Irruption de la mort dans notre espèce, et notre responsabilité face à elle

• « Si entre le primate et nous n’est qu’une différence quantitative, alors lamort est un phénomène normal, strictement naturel, et ne peut paraîtreen aucun cas un scandale ni un châtiment. Il faut l’accepter avec la sérénitéd'un macaque, et la piqûre euthanasique est là pour nous aider à vivre cemoment avec une grâce toute animale.

• Cependant, en faisant de la mort de l'homme un simple fait biologique, ona beau s'efforcer d’amortir notre frayeur, on ne parvient qu’à la rendre plusinsensée, plus cruelle, plus insignifiante. Au contraire, dans le quotidien,« nous percevons la mort comme une effraction à la fois ordinaire etrévoltante ». Hadjadj, p. 268.

QU’EST-CE QUE LA MORT?

• « Freud lui-même constate le caractère à la fois naturel et non naturelde la mort: « Le fait est qu’il nous est absolument impossible de nousreprésenter notre propre mort, et toutes les fois que nous l’essayons,nous nous apercevons que nous y assistons en spectateurs. C’estpourquoi, l’école psychanalytique a pu déclarer qu’au fond personnene croit sa propre mort ou, ce qui revient au même, dans soninconscient, chacun croit à sa propre immortalité ».

• Freud, « Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort », dansEssais de psychanalyse, traduction S. Jankélévitch, Payot, 1963.

QUE SIGNIFIE RÉUSSIR SA MORT? DISTINGUER ENTRE LE DÉCÈS ET LE MOURIR

• La mort en tant que fin des fonctions vitales (concerne le mort); lamort en tant qu’action qui nous conduit vers cette fin (affecte levivant).

• Si le décès termine notre carrière terrestre, le mourir commence dèsnotre naissance.

• Le décès est entièrement extérieur et d’une certaine manière,m’échappe, ce sont ceux qui resteront qui le subiront, et non moi-même défunt; le mourir relève de notre volonté, et loin de nousanéantir, peut révéler ce que nous sommes et quelle est notre liberté.

• Je peux assumer [la mort] dans la lucidité ou l’aveuglement, dans lapatience ou la panique, dans l'amour ou la haine, […] l’accueillircomme telle, de la prendre pour sienne, et même pour le lieu à partirduquel on peut devenir vraiment soi ». Hadjadj, p. 31

L’ART DE MOURIR• « Ce ne peut être qu’en mourant que l’on apprend à mourir. La plus grave

méprise est de croire que l’on peut savoir à l’avance celui que l’on sera dansl’épreuve, alors que c’est précisément le propre de l’épreuve de le révéler.

• Apprendre à mourir consiste plutôt en un certain désapprentissage:l’ouverture à ce qui nous dépasse et qui vient à nous à chaque instant.

• « Espérer l’inespéré », dit Héraclite (B, XVIII et XXVII, Les écolesprésocratiques, Gallimard, 1991

• Plus question d’une stoïcienne maîtrise de soi, mais plutôt d’une perte decette maîtrise, d’une remise de soi à une transcendance. L’esprit de notresociété technocratique nous hante à tel point que ceux qui s’opposent audéni de la mort tendent à proposer un accueil de celle-ci sous l’horizon dela maîtrise. Mais c’est encore méconnaître une relation authentique aumourir. On ramène la mort à un problème, accessoire ou soluble. On nel’accepte plus comme un mystère ». Hadjadj, p. 32-33

QU’EST-CE QU’UNE BONNE MORT?

• « L’euthanasie désigne la belle ou la bonne mort. Notre vie ne peutpas être bonne si notre mort n’est pas bonne aussi, car une vieheureuse qui s'achèverait sur une mort mauvaise apparaîtraitaussitôt comme malheureuse. Le bonheur se trouve donc dansl’euthanasie. Mais qu’est-ce qu’une bonne mort?

• Une mort dont on se rend pas compte: être emporté dans sonsommeil, sans douleur, sans effroi, comme une bougie qui s’éteint. Oubien on voudrait ne pas partir du tout, être foudroyé dans l’instant, lapensée encore fixée sur son projet de vacances en Martinique…

• Au regard de ces requêtes, la litanie des saints apparaît d’une grandeférocité: « D’une mort soudaine et imprévue, délivre-nous,Seigneur ». Hadjadj, p. 34

L’EUTHANASIE AU CŒUR DE L’ÉTHIQUE• « Ce n’est pas une question parmi d’autres, ni un problème contemporain

dû à l’évolution des techniques médicales. La recherche du bonheur estrecherche de la bonne mort. Toute la connaissance morale se rapporte à laquestion: « Que dois-je faire pour être heureux? » Donc, « Que dois-je fairepour bien mourir? Quelle mort dois-je vouloir de préférence, et quelleexistence dois-je en conséquence mener? »

• La mort volontaire n’est pas un épiphénomène. Tout homme est forcé demourir volontairement. Non que tout homme veuille mourir, mais que,face à une mort inéluctable, la volonté ait toujours latitude pour la révolteou le consentement. Chacun ou bien accueille la mort dans une culture devie, ou bien la dénie dans une culture de mort.

• Quand on y réfléchit bien, il n’y a qu’une alternative entre deux espècesradicalement opposées de mort volontaire: le suicide ou le martyre »(témoignage)(Montherlant ou sa cousine). Hadjadj, p. 34-35.

L’HOMICIDE DE SOI: UNE MORT RÉUSSIE?

• « Deux arguments pour montrer que le suicide n’est pas une morttrès réussie:

• Le premier touche à la liberté. Nous avons la possibilité de ne plusêtre, mais nous n'avons pas celle de n'avoir pas été. Notre librearbitre ne va pas jusque là: nous avons reçu la vie, notre naissance nedépend pas de nous. Si elle ne dépendait que de nous, il est évidentque nous aurions le droit inaliénable de nous en débarrasser à notregré. Mais notre liberté ne commence qu’en assumant cette vie reçue,donnée, et elle se saperait elle-même d’en agir avec elle comme unpetit propriétaire, comme si elle était sa chose, et non son âme ».Hadjadj, p. 37.

L’HOMICIDE DE SOI: UNE MORT RÉUSSIE?

• 2e argument: je suis limité: « comment être sûr que ce geste de meliquider moi-même soit le bon?

• La plus élémentaire précaution m’ordonne quelque réserve. Monimpatience qui me pousse à agir au plus vite est d’ailleurs le signe queje ne suis pas en état de choisir lucidement.

• J’aurais, sous un certain rapport, le droit à l’erreur, si j’avais lapossibilité de me rattraper par la suite. Mais là, comme il n’y a pas ledroit à l’erreur, je ne dois pas me tromper.

• Hadjadj, p. 38.

L’AMM: LA MORT ADAPTÉE À NOTRE ÉPOQUE NARCISSIQUE

• « Ainsi sombre Narcisse. Le moment où il se mire et le moment où ilse noie ne sont pas deux moments successifs. C’est quand il se noiequ’il s’admire le plus: il se perd sans contrepartie, et son ivresse estde croire qu’il est alors un pur don ».

• « L’amour du néant est le plus gratuit: on n’y a vraiment rien àattendre en échange ».

• « Cette aura est un mirage: on croit se donner totalement, mais on nedonne rien. En vérité, on se recroqueville sur soi-même pour seregarder prendre la posture du don ». Hadjadj, p. 178

LES YEUX René-François Sully Prudhomme (1839-1907)

• Les nuits plus douces que les joursOnt enchanté des yeux sans nombre ;Les étoiles brillent toujoursEt les yeux se sont remplis d'ombre.

• Et comme les astres penchants,Nous quittent, mais au ciel demeurent,Les prunelles ont leurs couchants,Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent :

• Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,Ouverts à quelque immense aurore,De l'autre côté des tombeauxLes yeux qu'on ferme voient encore.

CONCLUSION

• « Le déni du mourir nous a fait construire une civilisation du meurtre ». Hadjadj, p. 238

• La mort n'est pas un problème, c'est un mystère…Hadjadj, p. 33 et 183

• Pour réussir sa mort, réussir sa vie…

• Nous n’avons pas besoin d'aide à mourir, mais d'aide à vivre