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RWANDA:UNGÉNOCIDEENQUESTIONS

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DUMÊMEAUTEUR–LeSafariduKaiser,(récit),encollaborationavecA.deLagrange,LaTable

Ronde,1987.–LesVolontairesduroi,(roman),encollaborationavecA.deLagrange,Les

PressesdelaCité,1989.–RobertdeKersauson:lederniercommandoboer,éditionsduRocher,1989.– Villebois-Mareuil, le LaFayette de l’Afrique du Sud, éditions duRocher,

1990.–CetteAfriquequiétaitallemande,éditionsPicollec,1990.–HistoiredelaLouisianefrançaise:1682-1804,LibrairieacadémiquePerrin,

1994.–Afrique:delacolonisationphilanthropiqueàlarecolonisationhumanitaire,

éditionsBartillat,1995.–Afrique:l’histoireàl’endroit,LibrairieacadémiquePerrin,1996.–CesFrançaisquiontfaitl’AfriqueduSud,éditionsBartillat,1996.–HistoireduRwanda:delapréhistoireànosjours,éditionsBartillat,1997.–LaguerredesBoers:1899-1902,LibrairieacadémiquePerrin,1998.– Atlashistoriquede l’Afriquedesoriginesànos jours,éditionsduRocher,

2001.–Histoiredel’Égypte,desoriginesànosjours,éditionsduRocher,2001.– GodBlessAfrica.Contre lamort programméedu continent noir,éditions

Carnot,2003.– AfricanLegacy. Solutions for a community inCrisis,CarnotUSABooks,

NewYork,2003.–Rwanda:legénocide,l’Égliseetladémocratie,éditionsduRocher,2001.– FrançoisMitterrand, l’armée françaiseet leRwanda, éditionsduRocher,

2005.– Pouren finiravec lacolonisation(l’Europeet l’AfriqueXVe-XXe siècles),

éditionsduRocher,2006.–Rwanda.Contre-enquêtesurlegénocide,éditionsPrivat,2007.–Histoiredel’Afrique,desoriginesànosjours,Ellipses,2009.–Histoiredel’AfriqueduSud,desoriginesànosjours,Ellipses,2010.–HistoireduMaroc,desoriginesànosjours,Ellipses,2011.–Décolonisezl’Afrique,Ellipses,2012.–HistoiredesBerbères.Uncombatidentitaireplurimillénaire,BernardLugan

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éditeur,2012,www.bernard-lugan.com– Mythes etmanipulationsde l’histoireafricaine.Mensonges et repentance.

BernardLuganéditeur,2013,www.bernard-lugan.com–Lesguerresd’Afrique.Desoriginesànosjours,ÉditionsduRocher,2013.–Printempsarabe:histoired’unetragiqueillusion,BernardLuganéditeurs,

2013,www.bernard-Lugan.com

BernardLuganpublieune lettre africanistepar internetL’Afrique réelle.Pourtoutrenseignement:[email protected]

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BERNARDLUGAN

RWANDA:UNGÉNOCIDEENQUESTIONS

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Collection«LIGNESDEFEU»dirigéeparDanielHervouët

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©ÉditionsduRocher,2014ISBN978-2-26807-579-2ISBNepub:978-2-26808-239-4

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PRÉSENTATION

Tout ce qui a été écrit au sujet du génocide rwandais et de ses causes estdépassédepuisque lepostulatde saprogrammationavoléenéclatsdevant leTPIR(TribunalpénalinternationalpourleRwanda)1.

Aujourd’hui, il est possible d’affirmer que ce génocide qui ne fut niprogrammé,niplanifié,futdéclenchéparl’attentatdu6avril1994quicoûtalavie au président Habyarimana du Rwanda. Or, de plus en plus d’indicesconcordantssemblentmontrerquecederniern’auraitpasétépascommispardesHutudits«extrémistes»,mais toutaucontrairepar lafractiondirigeante tutsiactuellementaupouvoiràKigali.

Ce génocide explosa avec une violence atroce car, entre 1990 et 1994, leFPR(FrontpatriotiquerwandaisactuellementaupouvoirauRwanda)usad’unestratégie de la terreur destinée à provoquer le chaos en exacerbant les hainesethniques.Plusieursresponsableshutudits«modérés»,furentalorsassassinés,ce qui, à l’époque, provoqua la mise au ban du régime Habyarimana accuséd’avoircommanditécescrimes.Or,noussavonsmaintenantaveccertitudequecesmeurtresfurentordonnésparleFPR.

Demême,desdizainesd’attentats(mines,grenadesetc.,)furentattribuésauxhommes de main du président Habyarimana, les fameux « escadrons de lamort».Or,ilaétédémontré,toujoursdevantleTPIR,quecesescadronsn’ontjamaisexistéetquecesattentatsentraienteuxaussidanslecadredelastratégiederupturechoisieparleFPR.

Nous savons également que les Interahamwe dont le nom est associé augénocidedesTutsifurentenréalitécréésparunTutsidevenuplustardministredans le gouvernement tutsi du général Kagamé. Le chef des Interahamwe àKigaliétait lui-mêmeTutsiainsiquenombred’infiltrésauseindecettemilicedontnousconnaissons lesnomset jusqu’auxpseudonymes.Leurmissionétaitdouble:provoquerlechaosafindecréerl’irréversibleetdiscréditerlespartisansduprésidentHabyarimanaauxyeuxdel’opinioninternationale.

C’est à la déconstruction d’une histoire officielle frappée d’obsolescence

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qu’estconsacrécelivre.

1.PourPeterErlinder(2013)«TheProsecutorhasnotshownthatRwanda’sex-military or government conspired to commit genocide ».Professeur de droit àl’universitéduMinnesota,avocatdumajorAloysNtabakuzeetancienprésidentde l’ADAD (Association des Avocats de la Défense au TPIR), Peter Erlindervient de publier un fort volume (2013) dans lequel il a rassemblé une masseconsidérable de documents, notamment américains, concernant le génocide duRwanda.

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L

CHAPITREPREMIER

COMMENTL’HISTOIREOFFICIELLEDUGÉNOCIDEFUT-ELLEÉCRITE?

e6avril1994,leprésidentJuvénalHabyarimanaduRwanda1serenditàDar es-Salaam, en Tanzanie, pour y participer à un sommet régional

réunissant seshomologuesAliHassanMwinyideTanzanie,YoweriMusevenid’Ouganda,CyprienNtaryamiraduBurundietGeorgeSaitoti,vice-présidentduKenya. Le président zaïrois Mobutu se décommanda au dernier moment(Ngabanda-Nzambo, 2005)2. La réunion terminée, le chef de l’État rwandaisdécidaderentrerdanssonpays.

Vers20h30,alorsqu’ilallaitatterriràKigali,sonavionfutabattupardeuxmissiles sol-air portant les références 04-87-04814 pour l’un, et 04-87-04835pourl’autre.FabriquésenURSS,ilsfaisaientpartied’unlotdemissilesSA-16IGLA livrés à l’armée ougandaise quelques années auparavant (Bruguière,2006:38)3(voirplusloinchapitreIII).

Trouvèrent lamort dans cet acte de terrorisme commis en temps de paix,deuxchefsd’Étatenexercice,lesprésidentsJuvénalHabyarimanaduRwandaetCyprien Ntaryamira du Burundi, ainsi que deux ministres burundais, MM.BernardCizaetCyriaqueSimbizi.Parmilesvictimessetrouvaientégalementlechefd’État-MajordesFAR(Forcesarméesrwandaises), legénéralDéogratiasNsabimana,lemajorThaddéeBagaragaza,responsabledelamaisonmilitaireduprésident rwandais, le colonel Élie Sagatwa, beau-frère du présidentHabyarimana et chef de son cabinet militaire, ainsi que l’équi-page françaiscomposédeMM.JackyHéraud,Jean-PierreMinoberryetJean-MichelPerrine,toustroiscivils.

EnquelquessecondesleRwandaseretrouvasanschefdel’Étatetsanschef

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d’État-Major.LeministredelaDéfense,AugustinBizimana,étaitenmissionàl’étranger ; quant auministre de l’Intérieur, FaustinMunyazeya qui faisait luiaussipartiedeladélégationdu6avrilàDares-Salaam,iln’avaitpasprisl’avionetildécidadenepasrentrerauRwanda.

Danslanuitdu6au7avril,l’APR(Arméepatriotiquerwandaise),laforcemilitaireduFPR(Frontpatriotiquerwandais)rompitunilatéralementlecessez-le-feuenvigueuretentamalaconquêteduRwandaàpartirdesesbasessituéesdansleNorddupaysetadosséesàlafrontièreougandaise.Cetteoffensiveavaitétéminutieusementpréparéeavec installationdedépôtsàproximitédes lignesd’attaque.

SelonlecapitainesénégalaisAmadouDème,ex-officierderenseignementdelaMINUAR(MissiondesNationsuniespourleRwanda):

«Laprogression(duFPR)étaitrapideetcelaprouvaitqu’uneopérationplanifiée avait déjà été fomentée avant l’abattage de l’avion. Ledéploiement rapideduFPRdans lesalentoursdeKigaliet la libertédemouvementdesestroupespours’infiltrer,traverserlazonedémilitarisée(dans le Nord du pays, voir la carte n° 8) et s’approcher de Kigaliconstituaient simplement les preuves que les forces gouvernementalesétaient totalement surprises par les évènements. Le FPR avait toutplanifié et était prêt depuis longtemps à reprendre la guerre.» (Dème,2011:193).

Noussavonsaujourd’huiquetoutétaitprêtdepuisplusieurssemainesetqueleshommesdel’APRn’attendaientqu’unsignalpourselanceràlaconquêteduRwanda.L’attentatcontrel’avionduprésidentHabyarimanaledonna.

Le 6 avril 1994, à Kigali, les FAR4 (Forces armées rwandaises) nedisposaient que de 5 bataillons de 400 à 800 hommes, chacun de valeur trèsinégale et totalement incapables à la fois de contenir une attaque de l’APR etd’assurer la sécurité de la capitale 5. De plus, elles subissaient véritablementl’embargosurlesarmesetnepurentmêmepasremplacerlesmunitionsutiliséesaucombat.

Tout au contraire, l’APR ne souffrait d’aucune restriction de sesapprovisionnementsquiluiparvenaientdepuisl’Ouganda.Deplus,lasympathieinternationale lui était largement acquise, les médias présentant ses hommescomme des combattants de la liberté luttant contre des forces dictatoriales etbientôtdes«génocidaires».

Dans la journéedu7avril,depuis soncasernementduCNDsituéenplein

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centre-ville, l’APRlançauneoffensiveàKigalietattaqua lecampde lagardeprésidentielle(carten°6)(TPIR,-98-41-T,Dallaire,23janvier2004,p.6).

Aulieudes’interposeravecles2539hommesdont ildisposait, legénéralDallairefitaucontrairerepliercesderniersdansleurscantonnements.L’aéroportdont l’ONU avait la garde fut abandonné ainsi que la route ymenant, ce quipermitàl’APRdedéveloppersamanœuvre.Lematindu8avril,lajonctionfutainsiréaliséeentrelescolonnesdel’APRvenantdelafrontièreougandaiseetlestroupescasernéesauCND.

SelonlecapitaineDème,cefut leFPRquieut l’initiativedesmassacresetnonles«extrémisteshutu».Selonsontémoignage,dèsle6avrildanslasoirée:

«(…)cequiest rarementrapporté, j’entendisdescoupsdefeusecsquiavaientl’airciblésdelavalléederrièreleCND(casernementdel’APR)(carten°6),cequicorroboreradesinfosarrivéesplustardcommequoileFPR avait commencé à nettoyer la zone. Ce n’était pas encore la GP(gardeprésidentielle)qui tirait.LeFPRestensuitesortiderrière l’hôtelMéridienpourseplacerlelongdelarouteprincipaleentreUrugwiroetlecircuitdeKimihurura,etsemitàcreuserdestranchéeslelongdecetteroute.»(Dème,2011)

Voilàquiexpliqueraitpourquoi,dèsle7avrilaumatin,plusieursdignitaireshutu allèrent se réfugier dans les ambassades étrangères, notamment àl’ambassadedeFrance(voirl’annexen°11).

ÀParis,dans la soiréedu6avril,dès l’annoncede l’attentatquivenaitdecoûterlavieauprésidentHabyarimana,l’État-MajordesarméesdécidalamiseenalertedesforcesprépositionnéesenAfriquecentraleetdecertainsélémentsspécialisés.

Le 8 avril une réunion se tint à Bruxelles, destinée à coor-donner lesopérationsquiseraientmenéesparlaFranceetparlaBelgique.À22heures,uncommuniquéduministèrefrançaisdesAffairesétrangèresindiquaque:

« (…) devant les risques que présente la situation au Rwanda, desdispositions sont prises pour procéder à l’évacuation de nosressortissants.»

Moins de deux heures plus tard, l’opérationAmaryllis fut déclenchée. Sesobjectifsétaientdéfinisparunordredemissiondiffuséle8avrilà23h30:

« (…) tenir et contrôler les installations de l’aéroport international de

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Kigali pour le 9 avril en fin de matinée ; être en mesure, si lescirconstances le permettent, de procéder dans un premier temps àl’évacuation d’une soixantaine de passagers dont le choix etl’acheminement jusqu’à l’aéroport relèventde l’ambassadeurdeFrance(…) le détachement français adoptera une attitude discrète et uncomportement neutre vis-à-vis des différentes factions rwandaises.»(ETR,1998,op.cité,t.II:349).

Le colonel Henri Poncet, chef de corps du 3e RPIMa fut désigné commecommandantd’opérations(COMOPS).

Le 9 avril, entre 01 h 27 et 01 h 29, quand quatre appareils françaisdéposèrent 151 hommes sur la piste de l’aéroport de Kigali, l’opérationAmaryllis entra dans sa phase active6. À 17 heures un premier avion C-130décollaavecàsonbord55personnes:43ressortissantsfrançaiset12membresdelafamilleHabyarimana,dontlaveuveduprésident.

Le 10 avril, la Belgique déclencha l’Opération Silverback, mais ledébarquementdesparascommandosbelgesauraitputourneraudrame.Commel’a raconté le colonelHenri Poncet, les soldats rwandais étaient très remontéscontre lesBelgesqu’ilsaccusaientd’êtrepro-FPR.Deplus, ilscraignaientdesreprésailles à la suite de l’assassinat des dix Casques bleus belges qui s’étaitproduitle7avril(voirchapitreVIII,pp.155-160).LedétachementdesFARenpositiondanslazonedel’aéro-portdisposaitdepiècesd’artillerieanti-aérienneet semblait déterminé à tirer sur les avions envoyés parBruxelles. Le colonelPoncet fit alors positionner, à proximité de chaque pièce, unmilitaire françaisavecordred’abattrequiconqueseraittentéd’ouvrirlefeusurlesavionsbelges(ETR,1998,op.cité,I,p.260).Autotal,600para-commandosbelgesrenforcésle11avrilpar400autresprirentàleurtourpositionàKigalietlesévacuationsaériennessepoursuivirent.

Le12avril lasituationàKigalidevint incontrôlableet laFrancedécidadefermer son ambassade. Un convoi protégé fut organisé vers le Burundi quipermitd’évacuer178personnes.Lajournéedu12avrilfutégalementmarquéepar le départ à l’aube de l’ensemble du corps diplomatique français et descoopérantsmilitairesversl’aéroport.TousquittèrentleRwandaà7h30àborddedeuxC-160.

Le14avrill’ordred’évacuationfinalfutdonnéaulieutenant-colonelMaurincependantquel’APRdécrétaituncessez-lefeuunilatéralseterminantàminuit,cequipermitd’achever l’évacuationdesexpatriés.Cettemissionmenéeà sonterme,lesderniersparachutistesbelgesetfrançaisquittèrentleRwanda,laissant

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les Rwandais face à eux-mêmes. Le 15 avril vit la fin de l’opérationd’évacuationbelge7.

ÀplusieursrepriseslesFARdemandèrentuncessez-le-feuquifutrefuséparl’APRdontlastratégieétaitclairementdeprofiterduchaos.LecapitaineDèmeécritmêmequeleFPR)avaitunevolontédechaoshumanitaire(Dème,2011:193).L’APRrenditainsiinopérantelapolicemilitairechargéedeladisciplineausein de l’armée et seule capable d’arrêter les déserteurs en ville, en attaquantKami, son camp.Assiégée, cette unité ne fut donc pas enmesure d’intervenircontrelesdéserteurs.Quantàlasecondepositionattaquée,cefutl’état-majordelagendarmerie,cequidésorganisatotalementcettearmedontlafonctionétaitlasécuritédespersonnesetdesbiens.

Auboutdequelques jours, l’arméerwandaise,paralyséepar l’embargosurles armes et lesmunitions qu’elle subissait, fut défaite8 et à partir du20 avrill’APRs’imposasurleterrain.

Dumoisd’avrilaumoisdejuin1994,leRwandaconnutungénocidedoubléd’une guerre atroce. D’immenses tueries se déroulèrent alors dans le pays, legénocide des Tutsi étant doublé d’unmassacre demasse desHutu par l’APR(Merelles,2008).

LESTUTSINEFURENTPASLESSEULESVICTIMES

SelonF.Reyntjens,600000Tutsi,soit75%detouslesTutsiquivivaientauRwandaàlaveilledu6avril1994furentmassacrés,ainsique500000Hutu9.

Selon les actuelles autorités de Kigali, il y eut très exactement 1 074 017victimes (Dénombrement des victimes du génocide. Analyse des résultats,Kigali, République rwandaise, mars 2001) dont 93,7 % de Tutsi, ce quidonneraitdonclechiffrede1006353Tutsiassassinés.Démographiquementcelaestimpossiblepuisquecechiffreseraitégalousupérieuràlapopulationtutsi totale duRwanda de l’époque.LesTutsi ne furent donc pas les seulesvictimesdestragiquesévènements.

Reyntjensdonnel’exempled’unecollinedanslarégiondeGisenyioùsur27personnestuées,uneseuleétaitTutsi(TPIR-98-41-T,21septembre2004,sanspagination).

Avant le mois de décembre 1993, les gendarmes français menèrent des

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enquêtes auprès des réfugiés hutu venant des zones occupées par le FPR etleursrésultatssemblentmontrerqu’aufuretàmesuredesonavance,l’APRpratiquaitdesmassacresdemasse.Cependant:

«(…)commedanslecasdesmines(voirpage…),lesautoritésrwandaises(de l’époque) n’ont pas su ou pas voulu exploiter les éléments qu’ellesdétenaient sur lesmassacrescommispar leFPRdans lazonequ’iloccupaitcarnousavionségalementenquêtésurcesmassacres,eninterrogeant,parlebiaisdesgendarmesOPJ rwandaisquenousavions formés, les réfugiésquenous choisissions nous-mêmes afin de ne pas nous laisser intoxiquer. Lesrésultatsétaientéloquentsetconvergents. Ilsattestaientque leFPR liquidaitsystématiquement les notables des régions conquises, chassait devant lui lapopulation,cequiluiévitaitd’avoirsursesarrièresdesélémentshostiles.Cesterresconquisesétaientrepeupléesavecdesfamillesissuesdeladiasporaoupolitiquement sûres.De plus, le FPR accélérait la déstabilisation du régimeHabyarimana en lui envoyant un million de réfugiés.» (Entretien avec lecolonelRobardey).

Face au drame, la communauté internationale se montra à la foisimpuissante, incohérenteet irresponsable.LaFrance futalors laseuleà réagir.Le22 juin 1994, leConseil de sécurité adopta laRésolution929qui, pendantdeux mois, l’autorisait à « employer tous les moyens » pour protéger lespopulations10.Cefutl’opérationTurquoise(Lafourcade,2010)quidébutale23juin11. Le 5 juillet, l’armée française créa dans le Sud-Ouest duRwanda, uneZonehumanitairesûrecependantqu’auNord,danslarégiondeGisenyi,unflotininterrompudeHutu s’écoulait en territoire zaïroisoùdegigantesquescampssurgirentdeterre.

Le 21 août, leur mission terminée, les forces de Turquoise quittèrent leRwandaconformémentaumandatdel’ONUdontlaFranceétaitdépositaire.LaMINUARpritensuiteleurrelais.2000soldatsdelaMINUARII12.L’opérationTurquoise prit fin le 30 septembre 1994, date du départ du dernier élémentpostcurseurdeGomapourDjiboutietlaFrance(carten°10).

Pendant queTurquoise se déroulait, la guerre continuait entre l’APR et cequirestaitdesFAR.Le4juillet,àKigali,lesdernièrespochesderésistancedecesdernièresfurentréduites,le7juilletl’aéroportdeKigalifutrouvertetle14juillet, la ville deRuhengeri passa sous le contrôlede l’APR.Le17, ce fut letour de Gisenyi et le 18 juillet des milliers de soldats des FAR gagnèrent le

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Zaïre.LemajorKagamé13déclaraalorsquelaguerreétaitfinieetqu’uncessez-le-feuexistaitde facto.Le19 juillet, leFPRdécidaunilatéralement l’arrêtdescombats.

À partir de ce moment, l’histoire officielle du génocide fut écrite par lesvainqueurs et par leurs affidés étrangers, ceuxquePierrePéan (2005) désignesouslenomde«Blancsmenteurs»14.

Pour ces derniers, il y a d’un côté les victimes donc les « bons », lire lesTutsiet leFPR,de l’autre, lesbourreauxet les«génocidaires», lire lesHutu,moinslesHutudits«modérés»(voirlechapitreV).

Tirant sa « légitimité » du génocide, le régime de Kigali se cramponneaujourd’hui à cette histoire officielle. D’autant plus qu’elle a servi de base àl’acte d’accusation que dressa ensuite le procureur du TPIR (Tribunal pénalinternationalpourleRwanda)crééparleConseildesécuritédel’ONUafindejugerlesresponsablesetlesauteursprincipauxdugénocide.

Cettehistoireofficiellepeutêtreainsirésumée:

1.les«extrémisteshutu»assassinèrentleurpropreprésidentle6avril1994,2.danslanuitdu6au7avril,ilsfirentuncoupd’Étatquileurpermitdemettreenplaceungouvernementgénocidaire(leGIRouGouvernementintérimairerwandais),

3. ce dernier déclencha et coordonna le génocide des Tutsi lequel avait étéprogrammé,organiséetplanifiédepuisdesmois,voiredesannées.

Cettedoxanefutpasremiseenquestionavant lesannées200016.Puis, lescertitudesbétonnéesparlesterriblesimagesdesmassacrescommencèrentpeuàpeuàsefissurerquanddestransfugestutsiaccusèrentdirectementleFPR(Frontpatriotiquerwandais)etsonchef,legénéralKagamé,d’êtrelescommanditairesdel’attentatdu6avril1994quifutl’élémentdéclencheurdugénocide.

Lerenversementdeperspectivehistoriquefutàcepointréelquele17avril2000MadameCarlaDelPonte,ancienprocureurduTPIR,déclaramêmeque:«S’ils’avéraitquec’estleFPRquiaabattul’avionduprésidentHabyarimana,l’histoiredugénocidedevraitêtreréécrite».

Or, cette réécriture a été faite devant leTPIR (Tribunal pénal internationalpourleRwanda),àtraverslesdizainesdemilliersdepagesdesprocès-verbauxdesaudiencestenuesdevantlesdiversescourscomposantcetribunal,àtraverslesauditionsdecentainestémoins,àtraverslesinnombrablespiècesajoutéesenpreuvesouencontre-preuves,àtraverslesrapportsprésentésetdéfendusparles

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experts16,àtraverslesinterrogatoiresetlescontre-interrogatoiresetàtraverslesjugementsrendusenpremièreinstanceouenappel.

Cependant,cestravauxsontsoitinconnus,soitdélibérémentignorésparlestenants de l’histoire officielle car ils contredisent leurs postulats. Et pourtant,leurexploitationpermetd’affirmerquetoutcequi,jusque-là,futécritausujetdugénocideduRwanda,estscientifiquementdépassé.

1.LeRwandaadeuxgrandescomposanteshumaines,lesTutsi,entre10et15%delapopulationetlesHutu.2.Selonl’ancienministrezaïroisdelaDéfenseetconseillerspécialduprésidentMobutu en matière de sécurité, le président zaïrois aurait informé sonhomologuerwandaisqu’unattentatlevisantétaitimminent.3.Labibliographiedecetouvrageestréférencéedansletexteoudanslesnotesinfrapaginalesetelleseretrouveenfindevolumep.269.4.LesFARétaientcomposéesdel’Arméerwandaise(AR)etdelagendarmerienationale ; elles relevaient directement du ministre de la Défense. Le chefsuprêmedesFARétaitleprésidentdelaRépublique.L’Arméerwandaise(AR)était dirigée par un chef d’État-Major assisté des responsables des quatrebureauxquiétaientlebureauduG1(Personneletadministration),lebureauduG2(Renseignementetintelligence),lebureauduG3(Opérationsmilitaires)etlebureauduG4(Logistique).5.Entretienavec le colonel Jean-JacquesMaurin, adjointopérationnelduchefde la Mission d’assistance militaire (MAM) française et conseiller du chefd’État-MajordesFAR.6.Pourtoutcequiconcernecetteopération,onsereporteraàLugan(2005:p.174-200).7. Le bilan de l’opération Amaryllis établi au 14 avril 1994 fait état del’évacuationaérienneparlaFrancede1238personnesdont454Françaiset784étrangers,parmi lesquels612Africainsdont394Rwandais (40%Tutsi,60%Hutu).Parallèlement,115FrançaisfurentexfiltrésparlarouteversleZaïreetleBurundi.LaBelgiqueévacuapour sapart I226personnesdont1026Belges,l’ItalieetleCanadarespectivementunecentainedepersonnes.8. Les FAR résistèrent à Kigali alors qu’elles n’avaient pas de réserves demunitions.Àcesujet,onsereporteraaurécit trèsdocumentéfaitpar lemajorFaustinNtilikina(2008).9. Reyntjens, F., « Estimation du nombre des personnes tuées au Rwanda en1994 », in Maryse, S. et Reyntjens, F. (éds), L’Afrique des Grands Lacs :Annuaire1996-1997,Paris,p.182.Voirégalement:Dénombrementdesvictimes

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dugénocide.Analysedesrésultats,Kigali,Républiquerwandaise,mars2001.10. Votèrent pour : Argentine, Djibouti, Espagne, États-Unis, Fédération deRussie, France, Oman, République tchèque, Royaume-Uni, Rwanda. Contre :aucun.Abstention:Brésil,Chine,Nouvelle-Zélande,Pakistan.LaFranceobtientdoncl’accordduConseildesécuritéavecunemajorité«serrée»dedixvoixetcinqabstentionsalorsquemajoritéyétaitdeneufvoix.11. Cette opération fut décidée par la Résolution n° 929 du 22 juin 1994 duConseildesécuritédel’ONU.Selonlarésolution,cetteforcedevait«contribuerdemanièreimpartialeàlasécuritéetàlaprotectiondespersonnesdéplacées,desréfugiésetdescivilsendangerauRwanda».ContrairementàlaMINUARquirelevait duChapitre VI, l’opération Turquoise relevait duChapitre VII de laCharte de l’ONU qui permet le recours aux armes en cas de menace. Cetteopérationquis’estdérouléedu23juinau21août1994étaitcomposéede2550militaires français et de 500 autres venus du Sénégal, de Guinée-Bissau,d’Égypte,duTchad,deMauritanie,duNigeretduCongo.12. 450 hommes demeurèrent à Goma, au Zaïre, affectés à la gestion del’aéroport. Leur mission essentielle fut cependant de rapatrier le matériel del’opérationetd’assurerinitialementlesoutienlogistiquedugroupementafricain.Cettemissionnedépassapaslesdeuxmois.13.Àpartirdecettedate,lescommuniquésrwandaisdonnentàPaulKagamélegradedegénéral.Nous ralliant à cet usage, nousparleronsdoncdésormaisdugénéralKagaméetnonplusdumajorKagamé.14.Aprèslapublicationdecelivre,PierrePéanfutlavictimed’unecampagnedeterrorismejudiciairelancéepardesassociationsprochesdurégimedeKigalirelayéesparSOSRacismeetquidéposèrentplusieursdizainesdeplaintescontrelui pour « complicité de diffamation raciale », « complicité de provocationpublique à la haine raciale », « racisme, xénophobie, révisionnisme etnégationnisme ». Pour une mise au point sur ces procès en sorcellerie, voirHervéDeguine(2008).15. Essentiellement par les auteurs suivants par ordre alphabétique : Lugan(2004,2005et2007),Onana(2002et2005)etPhilpot(2003).16. Notamment à l’occasion de mes expertises dans les affaires EmmanuelNdindabahizi (TPIR-2001-71-T), Théoneste Bagosora (TPIR-98-41-T),Tharcisse Renzaho (TPIR-97-31-I), Protais Zigiranyirazo. (TPIR-2001-73-T),InnocentSagahutu(TPIR-2000-56-T),AugustinBizimungu(TPIR-2000-56-T)ainsiquedemescommissionsdanslesaffairesÉdouardKaremera(TPIR-98-44I)etJ.Bicamumpaka.(TPIR-99-50-T).

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L

CHAPITREII

LEGÉNOCIDEDURWANDAÉTAIT-ILPROGRAMMÉ?

a base de l’histoire officielle du génocide du Rwanda reposait sur lepostulatdesapréméditationetdesaplanification.Lerégimedugénéral

Kagamépouvaitdoncaffirmerquel’attentatdu6avril1994quicoûtalavieauprésidentHabyarimana n’en fut pas la cause puisque les « extrémistes hutu »avaient,quoiqu’ilensoit,programméetorganisécegénocidedepuisdesmois,voiredesannées.

Or, ce postulat s’est désintégré lors des principaux procès qui se tinrentdevantleTPIR,àsavoir1:

1. Celui de Ferdinand Nahimana ou procès du « fondateur » de la RTLM(RadioTélévisiondesMilleCollines),laradiodite«génocidaire».

2.CeluiducolonelThéonesteBagosoraouprocèsdu«cerveaudugénocide».3.CeluideProtaisZigiranyirazoouprocèsde l’Akazu, la«cellulesecrète»quiaurait«coordonné»legénocide.

4.Celui des anciens chefs d’État-Major de l’armée et de la gendarmerie, lesgénéraux Augustin Bizimungu et Augustin Ndindiliyimana, du majorFrançois-XavierNzuwonemeye et du capitaine InnocentSagahutu, accusésdes’être«entendus»etd’avoir«comploté»pourcommettrelegénocide.

I.LaRTLMfut-ellecrééepourpréparerlegénocide?

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En1993, l’oppositionrwandaiseétantaupouvoiravec legouvernementdecoalition, lespartisansduprésidentHabyarimanase trouvèrentà la foisexclusdes antennes de Radio Rwanda et démunis face aux énormes moyensradiophoniques du FPR à savoir Radio Muhabura, laquelle émettait depuisl’Ouganda.Ilsdécidèrentdoncdefonderuneradiolibreafindefaireentendrelavoix de ceux qui refusaient l’alliance passée entre les adversaires hutu duprésidentHabyarimana(les«Hutumodérésdesjournalistes»),etleFPR.Le8avril1993futainsifondéelaRTLM(RadiotélévisiondesMilleCollines)dontl’universitaire Ferdinand Nahimana fut un des créateurs et qui commença àémettreaudébutdumoisdejuillet1993.

Présenté par le militant-journaliste Jean-François Dupaquier comme le« Goebbels du Rwanda », Ferdinand Nahimana fut accusé par Jean-PierreChrétien,duCNRS,d’êtreundesorganisateursdugénocide2.Enraisondecesaccusations, Ferdinand Nahimana fut arrêté par l’ONU et transféré devant leTPIR(TribunalpénalinternationalpourleRwanda)afind’yêtrejugé.Àtraversson procès emblématique, l’Accusation et le régime de Kigali entendaientdémontrerque legénocideavaitbienétéprogrammépuisque les«extrémisteshutu»avaientprécisémentfondéRTLMdanscebut.

L’instructiondébutaen1995,maisleprocèslui-mêmenecommençaquele23 octobre 2000.La défense de FerdinandNahimana fut assurée parMeBijuDuval,unavocatfrançais.

Lorsdesaudiences ilapparutque l’acted’accusationétaituneconstructionartificielle élaborée à partir des écrits portant dénonciation de Jean-PierreChrétien et Jean-François Dupaquier. Il fut également démontré que pouraccuserFerdinandNahimana,Jean-PierreChrétienn’avaitmenéaucuneenquête,nifaitaucunerecherche,s’étantenréalitécontentédereprendreàsoncomptelesaffabulationsdeDupaquier.

Lorsdel’audiencedu2juillet2002,acculéparMeBijuDuval,Jean-PierreChrétien,qui,entretemps,avaitprêtésermententantqu’expertdel’accusation,fut obligé de reconnaître qu’il avait signé un rapport qui n’était que trèspartiellementde lui puisqu’il n’en avait rédigéquedeuxchapitres survingt etun.Lesdix-neufautres3l’ayantétéessentiellementparJean-FrançoisDupaquier.Or,l’obsessionnelaccusateurdeNahimanan’avaitaucunequalitépourmenerunteltravailpuisqu’iln’étaitpaslui-mêmeexpert…4

L’affaireétaitdoncgravecar:

1. Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier étaient à l’origine des

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accusationsportéescontreFerdinandNahimana,doncdesonarrestation.2.Jean-PierreChrétienetJean-FrançoisDupaquieravaientfourniauprocureurlamatièredesonacted’accusation.

3. Jean-Pierre Chrétien avait ensuite été commandité par lemême procureurpourrédigerunrapportàchargecontreNahimanaqu’ilvenaitdedénoncerdansunlivre(1995).

4.LeTPIRrétribuaJean-PierreChrétienpoureffectuercetravail.5. Jean-Pierre Chrétien fut ensuite assermenté par ce même TPIR pourdéfendresonrapportdevantlaCour.

6.Or, in fine, ledit rapport se révélait avoirétéà90%rédigéparDupaquierqui,lui,n’étaitpasexpertdevantleTPIR…

EnréponseauxaccusationsdeDupaquier-Chrétienreprisesparleprocureur,la défense de Ferdinand Nahimana démontra facilement que l’accusé n’avaitjamaisoccupédefonctiondedirectionàlaRTLMetque,durantl’année1994,ilnes’yétaitjamaisexprimé.Ladéfenseétablitégalementquepasunacte,pasunmotnelereliaitaugénocide.

L’acquittementpuretsimpleétaitdoncattendumais,commentacquitter«leGoebbels du Rwanda » sans provoquer un grave incident avec le régime dugénéralKagamé ?Les juges de première instance rendirent doncun jugementaussi juridiquement insolite que politiquement correct et cela, en raison despressionsqueKigali faisaitalors régnerauTPIR.Dans lesattendus, ilapparutainsiqu’ilsn’avaienttenuaucuncomptedesargumentsdelaDéfensepuisqu’ilscondamnèrent FerdinandNahimana à la prison à perpétuité pour « entente envuedecommettrelegénocide»,cequisignifiaitdoncquepoureux,cegénocideavait bien été programmé et que RTLM avait été un élément de cetteprogrammation.Nahimanainterjetaappeldecejugement.

Jean-Pierre Chrétien qui est un des architectes de l’histoire officielle dugénocideduRwandaestégalementl’«inventeur»delathéoriepourlemoinsoriginale selon laquelle les ethnies africaines sont des créations coloniales.C’estainsiquepourlui:

« L’ethnicité se réfère moins à des traditions locales qu’à des fantasmesplaquésparl’ethnographieoccidentalesurlemondeditcoutumier.»(Chrétien,1985).

Toujours selon Jean-Pierre Chrétien, dans le Rwanda traditionnel, la

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différence entre les Tutsi et les Hutu était économique, les riches étaientappelés Tutsi et les pauvres Hutu. Le passage d’un groupe à un autre étaitpermanentetcelajusqu’àcequelescolonisateurscodifientavecdesaprioriracialistes une réalité économique. Quant aux différences morphotypiquesentre Tutsi et Hutu, il ne s’agit naturellement que d’une illusion, d’un« fantasme » résultant de la « pensée gobinienne » (Chrétien, 1976) desexplorateursdel’époque5.

Onmesurelàl’abîmeséparantlaréalitéafricainedel’idéologievéhiculéeparl’écoleafricanistefrançaisedontJean-PierreChrétienest l’undesprophètes.Or,commel’écritR.Lemarchand6,avecJean-PierreChrétien,leproblèmeestque:

« (…) l’on ne sait jamais très bien où finit le plaidoyer et où commencel’analyse scientifique ; où se situe l’exhortation, la vindicte ou l’affirmationgratuite (…) et où s’amorce le discours de l’historien-politiste ».(Lemarchand,1990:242).

Le28novembre2007,laChambred’appelduTPIRrenversalejugementdepremièreinstanceetacquittaFerdinandNahimanaducrimed’«ententeenvuede commettre le génocide, de génocide, d’incitation directe et publique àcommettre legénocide,depersécutionetd’extermination»,considérantque lacréationdelasociétéRTLMetdelaradiodumêmenomn’entraientenriendansunplandegénocide.

Lesjugesdel’appelfirentunenettedistinctionentrelespériodesantérieuresetpostérieuresau6avril1994:

« La Chambre de première instance a commis une erreur (…) enconcluant (dansson jugement)que lesémissionsde laRTLMdiffuséesavantle6avrilontsubstantiellementcontribuéàlacommissiond’actedegénocide(…)seulesdesémissionsdelaRTLMdiffuséesaprèsle6avril1994ontincitéàlacommissiond’actesdegénocide.»(TPIR-99-52-A-28novembre2007).

EncassantlejugementdepremièreinstanceetenacquittantNahimanadestroisplusgraveschefsd’accusationretenuscontrelui,lesjugesd’appelduTPIRontdoncconsidéréqueradioRTLMd’avantle6avrilnefutpasuninstrumentd’incitationgénocidaire.Enconséquence:

1.EncréantRTLM,sesfondateursn’avaientdoncpasd’intentiongénocidaire,

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2.Cettecréationn’entraitpasdansunplandeprogrammationgénocidaire.

LedésaveudutandemChrétien-Dupaquierétaitcinglant.Cependant,commeiln’étaittoujourspaspensabled’acquitterentotalitéceluiqueDupaquieravaitprésentécomme«leGoebbelsduRwanda»,FerdinandNahimanafutcondamnéà30ansd’emprisonnementaumotifqu’iln’avaitniprévenu,nisanctionnédesincitationscommisespardesjournalistesdeRTLMaprèsle6avril1994.Selonla Cour d’appel, il aurait dû, étant le responsable hiérarchique de la station,mettrefinauxémissionsdecetteradioentrelesmoisd’avrilàjuillet1994.

Or, même et à supposer que Ferdinand Nahimana ait eu le pouvoird’intervenirpourmettreun termeauxdiatribesdeRTLM,cequin’étaitpas lecas comme la défense l’avait démontré, il n’était pas enmesure de l’exercer,puisque,réfugiéàl’ambassadedeFrancedèsle7avriletévacuéversleBurundile11avril,puisensuiteversBukavu,ilnesetrouvaitdoncplusauRwandaaumomentdudéclenchementdugénocide.Revenudanslepaysdurantlasecondequinzaine du mois d’avril, il séjourna dans la région de Cyangugu, loin desstudiosdeRTLM,etcelajusqu’àlafindumoisdemai,dateàlaquelleilrepartitàl’étranger,notammentenTunisieetcelajusqu’au21juin,avantdes’installerdanslarégiondeGisenyi.

Comme il avait été amplement démontré devant la Cour que FerdinandNahimana n’avait aucun pouvoir sur RTLM et ses journalistes, sur quelsélémentslesjugesd’appelsefondèrent-ilsalorspourlecondamner?

Tout juriste demeurera interloqué par ce qui suit : les juges de l’appel sefondèrent exclusivement sur un seul témoignage, qui plus est indirect, celuid’Alison Des Forges, ardente accusatrice du régime Habyarimana, longtempsporte-voixdurégimedugénéralKagaméetinamovibleexpertduprocureurdanslaquasi-totalitédesprocèsdevantleTPIR7.

Devantle tribunal,cette«activistedesdroitsdel’homme»commeellesedéfinissaitelle-même, rapportaainsiuneconfidenceque lui«aurait» faiteunofficiel français au moment de l’opération Turquoise. Cette personnalité« aurait » été témoin d’une conversation entre un diplomate français etFerdinandNahimana, lequel se « serait » proposé d’intervenir pourmettre finaux émissions deRTLM.Or, s’il se proposait d’intervenir, c’est qu’il avait lepouvoirdelefaire.CQFD!

C’est sur ce seul témoignage queFerdinandNahimana fut condamné à 30annéesdeprison.Lesdeuxtémoins«directs»françaisnefurentpasentendus,la

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Cour ayant estimé leur audition inutile. Ferdinand Nahimana a donc étécondamnésurunpointquelesjugesrefusèrentdevérifier,n’ayantpasconsidérécommerecevablelademandedel’accusationdefairecomparaîtreaumoinsundesdeux«témoinsdirects».(voirchapitreX,pp.188-196)

Quoiqu’ilensoit,aveccepremierjugement,unpremierpilierdelathéoriedugénocideprogrammédisparut.Lesautresn’allaientpastarderàsuivre.

LEMEACULPADEL’ASSOCIATIONREPORTERSSANSFRONTIÈRESABUSÉEPARJEAN-PIERRECHRÉTIEN

L’association RSF porte une lourde responsabilité dans l’arrestation, doncdanslacondamnationdeFerdinandNahimana.HervéDeguinequifutde1993à1997responsableduBureauAfriquedeRSF,avalisaeneffetlesaccusationsportéesen1995parJean-PierreChrétiencontreFerdinandNahimanaquandillança RSF aux trousses de ce dernier, donnant ainsi à la traque«respectabilité»etaudience.

Prenant finalement conscience d’avoir été manipulé, le 15 mars 2008, lorsd’une conférence tenue à Bruxelles, Hervé Deguine porta de gravesaccusationscontreJean-PierreChrétien,expliquantpourquoiRSFavaitcessédecollaboreravecluietcommentilétaitpersonnellementintervenupourfaireretirer le logo de RSF de la couverture du livre que l’association lui avaitpourtantcommandé8.

HervéDeguinepubliaensuiteunlivre(2010)afinderacontertoutel’affaire,faisantunmeaculparetentissantetaccusantdirectementJean-PierreChrétien.Il explique ainsi comment RSF cessa de collaborer avec ce dernier, auquell’associationavaitpourtantverséoufaitverserdel’argent,quandellecompritqu’ellesefaisaitmanipuler.HervéDeguineconfessequecefutsurlabasedece que lui avaient raconté Chrétien et Dupaquier qu’il avait été à ce pointpersuadédelaculpabilitédeNahimanaqu’ilavaitvoulu:

«(…)rédigerunlivremilitant9quiétablirait lerôlepersonneldeNahimanadans la préparation intellectuelle du génocide. Je voulais écrire le livre quiprouverait son rôle de propagandiste durant le génocide. Je montrerais lapertinenceduparallèlequipouvaitêtrefaitentreNahimanaetl’artisandelapropagandedurégimenazicoupabledugénocidedesJuifs,JosephGoebbels(…) À ma grande surprise ma position a fini par s’inverser. À mon corpsdéfendant. Je suis arrivé à la conclusion que, sur la base des faits qui lui

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étaientreprochés–etsurcetteseulebase–parleTPIR,laplacedeNahimanan’estpasenprison.»2010:18-19).

Hervé Deguine écrit également que ce furent les résultats des audiencesdevantleTPIRquilefirentchangerd’avis.Cetteconfessionaleméritedelafranchise, mais il n’en demeure pas moins que Ferdinand Nahimana a étécondamné à 30 ans de prison en raison de la manœuvre dont RSF futl’instrument.

II.Le«cerveaudugénocide»acquittéduchefdepréméditationetdeplanificationdecemêmegénocide

Présenté par le régime de Kigali et par le procureur du TPIR comme le«cerveaudugénocide»,lecolonelThéonesteBagosorafutarrêtéauCamerounaumoisdemars1996.DéfenduparMaîtreRaphaëlConstant,unavocatfrançaisdubarreaudelaMartinique,sonprocès(TPIR-98-41-T)ditprocèsMilitairesI,débutaaumoisd’avril2002,maiscene futqu’aumoisd’octobre2004que leprocureurfutenmesuredesoutenirsonacted’accusation.

Pour ce dernier, il y avait eu complot et entente en vue de commettre legénocideentrelesquatreaccusésdontlesdossiersavaientétéjoints,àsavoirlemajorAloysNtabakuze,lelieutenant-colonelAnatoleNsengiyumva,lecolonelThéonesteBagosoraetlegénéralGratienKabiligi(TPIR,96-7-I,«LeProcureurduTribunalcontreThéonesteBagosora»,1999,p.31-32).

Audépart,l’acted’accusationduprocureurfutconstruitsurlesaffirmationsde Filip Reyntjens qui accusait le colonel Bagosora d’être l’initiateur ou lemaîtred’œuvredesmassacresdu7avril1994parceque,selonlui,un«trou»dequelques heures existait dans son emploi du temps et cela entre 1 h 30 et 6heuresdumatindanslanuitdu6au7avril1994:

«(…)cinqheuresdurantlesquellessesituemanifestementl’allumagedela«machineàtuer»(Reyntjens,1995:57).

C’est sur ce « blanc » de cinq heures que F. Reyntjens construisit sonscénarioditdes«deuxparcours»etcefurentsesaccusationsquientraînèrentl’inculpationducolonelBagosoraparleTPIR.

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N’ayant fait aucune vérification ni aucune enquête, le procureur ancra sonacte d’accusation sur cette abstraite construction intellectuelle reposant elle-même sur un postulat qui était que le colonel Bagosora était par définitioncoupable.Or,cepostulats’alimentaitd’unsyllogismedoubléd’unsophisme:

1.Reyntjensquin’avaitpasréussiàreconstituerl’emploidutempsducolonelBagosoradurantlanuitdu6au7avril1994pensaydécelerun«trou»;

2.Or,lesmassacresdébutèrentle7avrilaumatin.3. Ce fut donc durant ce « trou » qu’ils furent décidés et ordonnés par lecolonelBagosora10.

L’argumentationduprocureurs’appuyaensuitelargementsurl’expertisedeMadameAlisonDes Forges, « conseiller principal » de l’organisationHumanRights Watch pour la division africaine, devenue à partir de 1999, année depublication de son livre intitulé Aucun témoin ne doit survivre, la référenceessentielle, d’abord avec André Guichaoua, puis quasi exclusive, del’AccusationdevantleTPIRcommenousl’avonsvuplushaut.

Procès après procès, Madame Des Forges demeura imperturbablementindifférenteà l’évolutiondesconnaissances,arc-boutéed’unemanièrebutéeetfinalement pathétique, à son postulat de départ qui était que les « extrémisteshutu » et une partie de l’encadrement des FAR (Forces armées rwandaises)avaientprogramméd’exterminerlesTutsiets’étaiententendusdanscebut:

«En1994,ungrouperelativementrestreintdeRwandaisorganisèrentlegénocide de leurs concitoyens d’origine tutsie et le massacre d’autresressortissantsrwandaisquiavaientdesopinionspolitiquescontrairesauxleursetquiétaientconsidéréscommealliésdesTutsis.Ilsplanifièrentcemassacre sur unepériode de quelquesmois approximativement – peut-êtreplusde12–etmirentàexécutionleurplanimmédiatementaprèslamortduprésidentJuvénalHabyarimanadontl’avionfutabattule6avril1994 (…)À la findumoisdemars1994, lesofficiersmilitaires et lesdirigeants politiques qui épousèrent la cause du Hutu Power étaientdéterminésàtuerunnombreconsidérabledeTutsisetdeHutusopposésàHabyarimana,àlafoispoursedébarrasserdeces«complices»etpourébranler l’accord de paix ». (TPIR-98-41-T, 2002, Rapport d’expertised’A.DesForges,p.1et45).

Pourelle,toutsemblaitàlafoislogiqueetcohérent.Ainsi,le6avril1994:

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« Après l’accident11, 16 officiers se réunirent immédiatement sous laprésidencedeBagosorapour définir unpland’action.Bienque simpleofficierenretraite,Bagosoraaprislepassurdesofficierssupérieursenserviceactif,parceque,disait-il,ilétaitlefonctionnaireleplusimportantdu ministère de la Défense. Bagosora l’emporta pour siéger maismanquait d’un soutien solide au sein du groupe ». (TPIR, 98-41-T,Rapportd’A.DesForges,op.cité,2002,p.46).

En écrivant ces lignes,MadameDes Forges, qui assénait sa vérité sans lamoindre nuance et surtout sans avoir mené d’enquête, faisait trois erreursfondamentalescar,etcommecelafutétablidevantlaCour:

1.Contrairement à ce qu’elle affirmait, le colonelBagosora n’arriva pas àl’état-major« immédiatement» après l’attentat,mais entreuneetdeuxheuresplus tard. Il sortaiteneffetd’une réceptionorganiséepar l’ONUet ilapprit lamortduprésidentenrentrantchez lui,vers21heures,soitenviron30minutesaprès l’attentat. Ayant pour les besoins de mon propre rapport d’expertise(Lugan, TPIR-98-41-T) minutieusement reconstitué l’emploi du temps ducolonel,j’aimontréqu’ils’étaittoutd’abordrenduauMinadef(ministèredelaDéfense)afindeserenseignersurl’identitédesparticipantsàlaréunion.Ilétaiteneffetinquietpoursapropresécuritécarilpensaitqu’uncoupd’Étatopérépardesmilitairespro-FPRvenaitdeseproduire(!)etcenefutquevers22heuresqu’ilserenditàlaréunion.

Àluiseul,cedélairéduisaitànéantl’interprétationdeMadameDesForgesetduprocureur.

2. Contrairement à ce qu’écrivait encore Madame Des Forges, le colonelBagosoran’eutpasl’initiativedelaréunionpuisqu’ilyfutinvitéparlegénéralNdindiliyimana,chefd’état-majordelagendarmerie,quil’avaitinitiée.

3.Contrairement enfin à ce que prétendaitMadameDesForges, le 6 avril1994,lecolonelBagosoraquiavaitquittél’arméedepuislemoisdeseptembre1993n’étaitpasun«simpleofficierenretraite»,maislereprésentantofficielduministre de laDéfense puisqu’il était son «Directeur de cabinet » et qu’il leremplaçaitencasd’absence,cequiétaitprésentementlecas.Cependant,ensaqualité de « Directeur de cabinet du ministre de la Défense », le colonelBagosoran’avaitaucunpouvoiropérationnelsurlesFARetsurlagendarmerie

Le procureur reprit également à son compte deux autres postulats deMadameDesForgesquiétaient laquestionditede« ladéfinitionde l’ennemi(ENI)»12etcelleditedela«défensecivile»,toutesdeuxvuesparellecomme

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lapreuvedelapréméditationdugénocide.MadameDesForgesprétendaitainsiqueladéfinitiondel’ennemi«ENI»

parunecommissionmilitaireconstituéeen1991afindesavoirquiétaitl’ennemiqui,depuislemoisd’octobre1990attaquaitleRwandadepuisl’extérieurtoutencommettant des actes de terrorisme à l’intérieur, fut l’« acte fondateur » dugénocide.Selonelle,lesmembresdecettecommission,dontlecolonelBagosorafutleprésident13:

(…) ont contribué au génocide (…) (en identifiant) « lesTutsi commemembresd’ungroupeethnique(…)partisandel’ennemimilitaire(…)».(TPIR-98-41-T,Rapportd’AlisonDesForges,2002,op.cité,p.1).

SelonmadameDes Forges, lamise en place de cette commissionmarquamêmeledébutdela«conspiration»ayantmenéaugénocide,letexterédigéàl’issue de ses travaux devant être considéré comme la preuve de saplanification:

«(…)ledocument“ENI”(identificationdel’ennemi)(…)faitpartiedel’identification des Tutsis comme un groupe (…) ennemi de la nation(…). Une telle identification (…) est la pré condition préalable augénocide.»(TPIR,98-41-T,DesForges,24septembre2002,p.9).

MadameDesForgessoutenaitégalementquelaDéfensecivileconstituaundes éléments de la politique génocidaire et que le colonel Bagosora en fut leresponsable.Àl’appuidecettedernièreaffirmation,elleavançaquelesiègedecette institution était situé dans le bureau de ce dernier au ministère de laDéfense(TPIR,98-41-T,rapportd’A.DesForges,op.cité,2002).

Or, à l’audience, il fut établi que le colonel Bagosora n’avait jamais étéchargédelaDéfensecivile,laquellen’avaitd’ailleursofficiellementexistéqu’àpartir dumoisdemai1994,date à laquelle il avait quittéKigali et n’occupaitdoncplussonbureauauMinadef(ministèredelaDéfense).

Quant au fameux « trou » dans l’emploi du temps de l’accusé, lors del’audience du 16 septembre 2004 devant le TPIR, Reyntjens fut contraint dereculer:

«(…)cequisepassec’estceci,etcelaestconformeparrapportàcequis’estpassésurleterrain(…)danslamatinéelestueriesétaientsélectiveset elles étaient focalisées (…)Donc,demonpointdevue, cela était la

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conséquencedesdispositionsprisespendantlanuit(…)ouletroude4à5heures».(…)lestueriesmassivesontcommencédansl’après-mididu7 avril (…) au cours de la matinée (…) vous éliminez les hommespolitiques qui soutiennent lamise enœuvre des accords d’Arusha (…)J’essaiede formulerunehypothèse, c’est cette chambrequi appréciera.Ayantfaitcela,ayantéliminéceuxqui,danslesystèmepolitiquenationalpouvaients’opposeraugénocideetayantéliminélesforcesexternesquipouvaients’opposeraugénocide, legénocidepouvaitalorscommencer.Bon, c’est une hypothèse (nous soulignons) (…) » (TPIR, 98-41-T,Reyntjens,16sept2004,sanspagination).

C’estdoncendéfinitivesurunesimplehypothèseetnonsurdesfaitsquelecolonelBagosorafutprésentécommele«cerveaudugénocide».Voilàpourquoil’acted’accusations’effondracommeunchâteaudecartes, laCourrejetant les40élémentsde«preuve»avancésparleprocureur,infligeantainsiuncamoufletd’unerarepuissanceàl’Accusationetàsesexperts.

Au terme d’un procès fleuve rythmé par 409 jours d’audience, par lesdéclarationsde242témoinsàchargeetàdéchargeremplissant30000pagesdecomptes rendusd’audience,par1600piècesàconviction,par4500pagesdeconclusionsetpar300décisionsécrites,laCour,danssonjugementendatedu18 décembre 2008, déclara en effet le colonel Bagosora non coupable«d’ententeenvuedecommettreungénocide».

Cejugementfaisaitdoncvolerenéclatslesbasesdel’histoireofficiellequiétait que le génocide avait été programmépuisque, et nous l’avons dit, les 40éléments présentés par le procureur pour tenter de prouver la planification nefurentpasconsidéréscommeprobantspar les jugesquiparlentde«nombreuxfaitsau regarddesquels leprocureurn’apasétabli lebien-fondédesa thèse»(Résumé du jugement rendu en l’affaire Bagosora et consorts, TPIR-98-41-T,jugement18décembre2008,p.1).

Parmices«faits»setrouveenbonneplacelaquestiondela«définitiondel’ENI»,débattuedurantplusieurssemainesdevantleTPIRetqui,commenousl’avonsvu,constituaitundespiliersdel’Accusation:

«(…)laChambrereconnaîtquel’accentexcessifmissurl’appartenanceaugroupeethniquetutsidansladéfinitiondel’ennemiétaitgênant.Ellen’estime pas pour autant que le document, ou sa distribution auxmilitaires de l’armée rwandaise par Ntabakuze en 1992 et en 1993,démontre en soi l’existence d’une entente en vue de commettre le

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génocide».(Résumédujugementrenduenl’affaireBagosoraetconsorts(TPIR-98-41-T)le18décembre2008,p.15).

Dans son jugement, laCourqui est trèsdétailléedans sa critiquedémontepointparpointl’histoireofficielle:

«Plusieurs élémentsquiont servidebaseà la thèsedéveloppéepar leprocureursurl’entente(envuedecommettrelegénocide)n’ontpasétéétayéspardes témoignagessuffisamment fiables.À titred’exemple,oncitera l’allégation tendant à établir que Bagosora préparait ledéclenchementde«l’apocalypse»en1992etlerôlequ’auraientjouélesaccusés dans certaines organisations criminelles clandestines dontAMASASU,leRéseauzérooulesescadronsdelamort.Letémoignagefaitsuruneréuniontenueenfévrier1994àButareetaucoursdelaquelleBagosoraetNsengiyumvaauraientdresséune listedeTutsisà tuern’apas été considéré crédible (…) par certains de leurs aspects, la lettrefaisantétatd’un«planmachiavélique»etlesrenseignementsfournisparJean-Pierre14inspirentégalementdesréserves»(…)

En conséquence, la Chambre n’est pas convaincue que le procureur aétabli au-delàdudoute raisonnableque la seule conclusion raisonnablequi se puisse tirer des éléments de preuve produits est que les quatreaccuséssesontentendusentreeux,ouavecd’autres,pourcommettrelegénocide (…) » (Résumé du jugement rendu en l’affaire Bagosora etconsorts,TPIR-98-41-T,jugement18décembre2008,p.16-18).

Àtraversce jugement, l’histoireofficielleétaitdoncréduiteànéantcar lesjugesavaientclairementétabli:

1.quelegénociden’avaitpasétéprémédité,2.quela«définitiondel’ENI»n’étaitpasunélémentdestinéàstigmatiserlesTutsi,

3.quela«défensecivile»nefutpaslemoyendelestuer,4. que le colonel Bagosora n’avait pas préparé le « déclenchement del’apocalypse»,

5.quelaconstitutiondelistesdeTutsiàéliminerétaituneinvention,6.quele«planmachiavélique»n’avaitpasexisté,7. que l’affaire dite « Jean-Pierre », à savoir la prétendue révélation d’un

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complot ourdi par des « extrémistes hutu » destiné à tuer des milliers deTutsienquelquesheuresétaitunmontage(voirplusloinpage137-146).Le colonel Bagosora fut néanmoins condamné à l’emprisonnement à

perpétuitépourdescrimescommisentrele6etle9avril1994.Ilinterjetaappeldecejugement.

Le14décembre2011, laChambred’appelduTribunalPénal Internationalpour le Rwanda réduisit à 35 ans la peine de perpétuité infligée en premièreinstance au colonel Théoneste Bagosora, plusieurs conclusions des juges depremièreinstanceétantpurementetsimplementannulées.

Ce jugement mérite lui aussi d’être analysé. Après l’acquittement enpremièreinstancedugénéralKabiligi,lecolonelAnatoleNsengiyumvaquiavaitété condamné à la prison à perpétuité vit sa peine réduite à 15 années par lesjugesdel’Appeletimmédiatementmisenliberté.

QuantaucolonelBagosora,contrairementàceuxdepremière instance, lesjugesd’appeln’estimèrentpasqu’ilaitordonnélescrimesdontilétaitaccuséetils le condamnèrent uniquement parce que, en tant que supérieur hiérarchiquepostulé, il n’aurait rien fait pour les prévenir ou en punir les auteurs.Commedans l’affaireNahimana, c’est doncen fonctionde saprétendue responsabilitéhiérarchiquequelecolonelBagosorafutcondamné.

Lejugementestparticulièrementclairsurcepoint:lecolonelBagosoran’atuéoufaittuerpersonneetiln’apaspréparélegénocide;cependant,ilauraitdûsavoir ce que faisaient certains hommes placés à l’autre bout de la chaîne decommandement. La Chambre d’appel a ainsi maintenu une conclusion essen-tielledujugementdepremièreinstanceselonlaquellelecolonelBagosora,était,à l’époquedes faits, laplushauteautoritémilitaireduRwanda,cequiestuneaberrationcar,àl’époquedesévènements,nousavonsvuqu’ilétaitàlaretraiteet qu’il n’exerçait qu’une fonction civile, celle de directeur de cabinet auministère de la Défense. Il n’avait donc aucune autorité quelconque sur lesforcesarmées rwandaises, cequi futd’ailleursamplementdémontrédurant lesaudiences.

Mais, si les juges avaient admis cette évidence, il leur aurait alors fallu entirerlesconséquencesenprononçantl’acquittementpuretsimple.Or,iln’étaitpolitiquement pas possible d’acquitter l’accusé-phare du TPIR15, celui qui,durant des années, avait été présenté comme le « cerveau » d’un génocideprogrammé. C’est pourquoi un jugement particulièrement alambiqué reposantsurl’idéequelecolonelBagosoraavaitautoritésurtoutel’arméerwandaisefutrenduetc’estégalementpourquoiilfutcondamnéà35annéesdeprison…

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Lesmédiasneretinrentnaturellementquecedernieraspectdu jugementetnevoulurentpasvoirquel’accuséavaitétéacquittéduchefprincipalquiétaitlapréméditationdugénocide.

LEPROCÈSDITMILITAIRESI

Le procès du colonel Bagosora regroupait quatre accusés : le colonel enretraiteThéonesteBagosora,en1994DirecteurdecabinetauministèredelaDéfense, un poste politique ; un officier d’Etat-Major, le général GratienKabiligi chargé des opérations à l’Etat-Major ; un officier opérationnel, lelieutenant-colonelAnatoleNsengiyumvacommandant le secteurmilitairedeGisenyi, et le major Aloys Ntabakuze commandant le bataillon paracommando,l’undestrentecommandantsdebataillondel’armée.

Ce procès que les autorités de Kigali et le procureur du TPIR présentaientcommeleprocèsphare,devaitmettreenévidencel’implicationdesdifférentsrouagesde l’arméedans laplanificationdugénocide.C’étaitdonc leprocèsde l’Armée rwandaise dans son ensemble qui allait être fait et qui allaitpermettre de montrer que toute l’institution militaire était complice dugénocideprogrammé.

Lejugementdu18décembre2008fiteffondrerlescertitudescar:

1.LecolonelBagosoraprésentécommelecerveaudugénocidefutacquittédecechefd’inculpation,

2. Le général Kabiligi fut acquitté de tous les chefs d’accusation etimmédiatementremisenliberté.

En appel, le 14 décembre 2011, le lieutenant-colonel Nsengiyumva futcondamné à une peine équivalente au temps passé en prison et il futimmédiatement libéré. Quant au major Ntabakuze dont l’avocat, PeterErlinderétaitdétenuauRwandaoùilétaitvenuassisterVictoireIngabire,uneopposanteemprisonnée,iln’avaitpaspuinterjeterappelenmêmetempsquelesautrescondamnés.Le8mai2012lacourd’appelréduisitsacondamnationàperpétuitéà35ansdeprison16.

Le colonelBagosora et ses co-accusés ayant été définitivement blanchis duchef«d’ententeenvuedecommettre legénocide»,cetterelaxeinnocentaitl’institutionmilitaire.L’absencedeplanificationdugénocideétaitdoncétablieaux yeux d’une justice d’exception pourtant spécialement constituée pour

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démontrerlaréalitédecetteaccusation.

III.Legénocidefut-ilpréparéparl’Akazu,unestructuretellementsecrètequ’ellen’ajamaisexisté?

Selon leprocureurduTPIR, legénocide futplanifiépar l’Akazu17,cerclenébuleux et criminel qui aurait été constitué autour de la belle famille duprésidentHabyarimanaetdontProtaisZigiranyirazo,dit«MonsieurZ», frèred’AgatheHabyarimana,épouseduprésident,auraitétélechef.Cepetitgroupeauraitcomplotéetplanifiél’exterminationdesTutsidanslebutdepréserversonpouvoiretsoninfluence.

Dans ce procès lui aussi emblématique puisqu’il était censé mettre enévidencelecœurmêmedelapréparationdugénocideparl’Akazu,leprocureurmit toutsonpoidspourfairecondamnerProtaisZigiranyirazo.Pourcefaire, ilconstitua une équipe spéciale d’enquêteurs chargés de recueillir tout ce quipouvaitallerdanslesensdesathèse,àsavoirquel’Akazuétaituneorganisationdontl’existenceétaitavéréeetdontlesbutsétaientcriminels.

Aidé par Alison Des Forges et s’appuyant sur deux témoins dits« délateurs »18, Michel Bagaragaza, homme d’affaires, et JuvénalUwilingiyimana,ancienministre,iltentadeprouverl’existencedel’Akazuetlaculpabilitédel’accusé.

Pour témoignercontreProtaisZigiranyirazo,MichelBagaragaza,undesesproches«amis»,reçutdel’argent,safamillefutinstalléeàl’abriàl’extérieurde l’Afrique et une sentence réduite lui fut promise à l’issue de son propreprocèsainsiqu’unelibérationanticipée19.QuantàJuvénalUwilingiyimana,qui,à l’époque, résidait en Belgique, il refusa finalement de marchander avec leprocureuravantdeconnaîtreunefinterrible(voirl’encadrépagesuivante).

LETTREDEJUVÉNALUWILINGIYIMANAAUPROCUREURDUTPIR

Bruxellesle05novembre2005

ÀMonsieurleprocureurprèsleTribunalPénal

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InternationalpourleRwanda

Objet:CollaborationavecleTPIR

Monsieurleprocureur,

Jemesuisentretenuàplusieursreprisesavec lesreprésentantsduTPIRquevous avez dépêchés à savoir : Richard Renaud, directeur des enquêtes,Stephen Rapp, chef des poursuites, Rejean Tremblay, enquêteur, AndréDelvaux,enquêteur;vousm’avezvous-mêmereçufinoctobre2005.

Ilm’aétédemandéaudépartsij’étaisdisposéàdonnermacontributionpourfaire éclater la vérité sur le drame rwandais, j’ai répondupositivement avecenthousiasmemais plus tard quand il a été question d’entrer dans le vif dusujet,monsieur Tremblaym’a d’abord lu l’acte d’accusation que vous avezrédigéenmonencontre.Jevousépargnelesdétailsdesproposquis’ensontsuivis pour arriver à votre exigence : je dois vous aider à démolir (propretermedesenquêteurs)monsieurZigiranyirazoProtaisettouslesmembresdel’AkazudontsasœurAgathe,démolirlatêteduMRNDàsavoirNgirumpatseMathieu,KaremeraÉdouardetNziroreraJosephcommeBagaragazaMichelvient de le faire ; un homme dont les enquêteurs ne cessent de vanter lesméritesetl’honnêteté!

JeneveuxpasmentirpourfaireplaisirauxenquêteursetdonnerducréditàvotrethèseselonlaquellelegénociderwandaisaétéplanifiéparleMRNDetl’Akazu restreint et élargi. Je suis prêt à supporter toutes les conséquencestellesqu’ellesm’ontétépréciséesparlesenquêteursTremblayetDelvaux:jeserai lynché, écrasé,mon cadavre sera piétiné dans la rue et les chiensmepisserontdessus(proprestermesdesenquêteurs).

Monsieur leprocureur, ceuxquiontplanifiéetmisenœuvreàpartirdu1eroctobre 1990 le génocide du peuple rwandais sont connus, ceux qui ontassassiné le président Habyarimana Juvénal et plongé le Rwanda dansl’horreur sont connus et ce sont les mêmes qui ont planifié et exécuté legénocidedupeuplecongolais.

( )Monsieur leprocureur, lesdéclarationsdeBagaragazaMichel recueilliespar l’enquêteur Tremblay témoignent de l’état d’esprit d’une personne quin’estpluselle-même()etquiditouiàtouteslespropositionsderéponsedemonsieurTremblayvisantàdémolirlespersonnesdésignéesd’avance.

Ce n’est ni par l’intimidation ( ) ni par les déclarations sous pression deBagaragazaMichel()quevousallezdécouvrirlavéritéetd’ailleurslavérité

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vouslaconnaissezmaisellegêneceuxquivouspayent.Unjourleslanguessedélierontetl’histoirenevousoublierapas,vousetvotreéquipe(…).

SignéUwilingiyimanaJuvénal.

Portédisparu le21novembre2005, lecorpsdeJuvénalUwilingiyimana futdécouvertdanslecanaldeCharleroiàBruxellesle13décembre2005,piedset mains coupés, en partie éviscéré. Selon certaines sources qu’il m’a étéimpossibledeconfirmer,lecadavren’avaitplusnipoumons,nicœur,nifoie.«Probablement»avait-ilétémutiléparl’héliced’unepéniche…

Devant laCour,MadameDesForges,expertdel’Accusation,fut incapablede soutenir la thèseduprocureur, échouantmêmeàdonner lamoindrepreuved’unquelconquecomplotourdiparM.Zigiranyirazo,sasœurMadameAgatheKanziga,veuveduprésidentHabyarimana,ouencoreM.SéraphinRwabukumbademi-frèredel’accusé.QuantàMichelBagaragazaquiavaitinventéunehistoirederencontredeplanificationdugénocidele6avril1994auPalaisprésidentielàKanombe,auRwanda,sonfauxtémoignagefutàcepointcriantquelaCournelejugeapascrédible.

Cités parMe John Philpot, avocat canadien de l’accusé,MM. Jean-MarieVianney Nkezabera et Anastase Munyandekwe, tous deux anciens hautsresponsables de l’opposition hutu au présidentHabyarimana, expliquèrent quel’Akazun’avaitdanslaréalitéjamaisexistépuisqu’ils’agissaitd’uneinventiondontilsétaientlesdeuxauteurs.IlsdonnèrentforcedétailssurlescirconstancesdanslesquellesletermeAkazuavaitétéforgé,décrivantlesréunionsdel’année1991quandilsl’utilisèrentpourdésignerl’entourageduprésidentHabyarimanaafindelediscréditer.

À l’issuede leurs témoignages, la thèsede l’Accusationavaitété réduiteànéant.(TPIR-01-73-T,versionanglaise,8mars2007,p.11-22et19mars2007,p.74-83).

Le18décembre2008, le jugementdepremière instanceécarta la thèseducomplotourdiparM.Zigiranyirazoetsabelle-famille,l’acquittantduprincipalchef d’accusation, à savoir d’avoir prémédité le génocide ainsi que d’avoircomploté en ce sens avec le colonel Bagosora, Agathe Kanziga épouse duprésidentHabyarimanaetd’autrespourexterminerlesTutsiduRwanda.

Le mythe de l’Akazu s’envolait donc. Cependant, sa responsabilité étantreconnue pour deux événements, survenus à Kigali et dans la préfecture deGisenyi, le tribunal condamna Protais Zigiranyirazo à 20 ans de détention.

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ProtaisZigiranyirazointerjetaappeldecejugement.

Le16novembre2009, lesdeuxdernièresaccusations furent rejetéespar laCourd’appeletM.Zigiranyirazototalementinnocentéfutlibéré20.

Dansson jugement, laChambred’appel futd’uneextrêmesévéritépour laCourdepremièreinstance:

«Enannulantlesdéclarationsdeculpabilitéprononcéesàl’encontredeZigiranyirazo pour génocide et extermination constitutive de crimecontre l’humanité, la Chambre d’appel tient de nouveau à souligner lagravitédeserreurscommisesparlaChambredepremièreinstance.

L’extrême gravité des crimes imputés à Zigiranyirazo commandait queceux-ci fussent examinés avec le plus grand soin. Or, la Chambre depremière instance a énoncé de manière inexacte les principes de droitrégissant la répartitionde lachargede lapreuveenmatièred’alibietacommisdegraveserreursdansl’analysequ’elleafaitedesélémentsdepreuve. Les déclarations de culpabilité qui en ont résulté pourZigiranyirazo à raison des faits survenus à la colline de Kesho et aubarrage de Kiyovu ont été prononcées en violation des principes dejustice les plus élémentaires et fondamentaux ». (TPIR-01-73-T,jugement d’appel rendu contre Protais Zigiranyirazo le 16 novembre2009).

Aveccejugement,letroisièmepilierdel’accusationetdel’histoireofficiellequi était l’existence d’une cellule secrète ayant préparé clandestinement legénocideétaitàsontourrenversé.

IV.L’affairediteMilitairesIIoul’acquittementdelahiérarchiemilitaireduchefdepréméditation-programmationdugénocide.

Dans le jugement rendu le 17 mai 2011 par le TPIR dans le procès desgénéraux Augustin Ndindiliyimana et Augustin Bizimungu, respectivementancienschefsd’État-Majordel’arméeetdelagendarmerie,dumajorFrançois-XavierNzuwonemeyeetducapitaineInnocentSagahutu,tousquatrepoursuivis

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pour s’être « entendus entre eux et avec d’autres hauts responsables civils etmilitaireshutuspourcommettrelegénocidecontrelesTutsis»,lesjugesn’ontretenunilapréméditation,nil’ententeenvuedecommettrelegénocide:

«LaChambres’estbornéedanssesconclusionsàrechercher,surlabasedesfaitsalléguésdansl’acted’accusation,silesquatreaccuséss’étaiententendusenvuedecommettrelegénocidecontrelesTutsis.Aprèsavoirprocédédelasorte,laChambrejugequeleprocureurn’apasprouvéqueles accusés avaient été parties à une entente en vue de commettre legénocide».(TPIR-00-56-T,jugementdu17mai2011,p.15-16).

LegénéralAugustinNdindiliyimanafutcondamnéàunepeinecouvrantsadétention préventive et immédiatement libéré, cependant que les trois autresaccusés furent condamnés pour génocide (Bizimungu), crimes de guerre etcrimescontrel’humanité.

Touslesquatreayantétéacquittésduchefd’ententeenvuedecommettrelegénocide, il est donc possible d’affirmer que la hiérarchie militaire n’a niprémédité,niprogrammécedernier.

V.Autresprocès

Unautre jugement important concerna deux anciens dirigeants duMRND,l’ancien parti présidentiel, à savoir MM. Mathieu Ngirumpatse président etÉdouardKaremeravice-président.

Par jugement rendupar leTPIR le21décembre2011, ils furent tousdeuxcondamnés à la prison à vie « pour n’avoir pas prévenu ni condamné lesexactions»commisesen1994pardesjeunesdeleurparti,lesInterahamwe.

Cependant le jugement fait lui aussi litière du postulat du génocideprogramméavantle6avril1994,datedel’assassinatduprésidentHabyarimanapuisqu’ilyestécritquecefutàpartirdu11avril,soitcinqjoursaprèsl’attentat,que«l’entreprisecriminellecommune»visantàl’exterminationdesTutsiapriscorps,cequirevientdoncàdirequ’avantcettedate,ellen’existaitpasetqu’iln’yeutdoncpaspréméditation.

Procèsaprèsprocès,endépitdetousseseffortsetdetoutessesmanœuvres,l’Accusation devant le TPIR ne fut donc pas en mesure de démontrer que legénocide avait été programmé. Devant l’accumulation des contre-preuves,

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l’inlassable accusatrice que fut Alison Des Forges elle-même, fut finalementforcée de reconnaître, avec cette formulation alambiquée qui était en quelquesorte sa marque de fabrique, qu’elle n’avait jamais pu prouver l’intentiongénocidaire:

« (…) tout en voyant l’existence d’un plan de façon claire, je n’ai enaucunefaçon,aucunemanière(étéenmesure)d’établirquelespersonnesqui ont participé à ce plan avaient l’intention de commettre ungénocide».(TPIR-97-31-T,Lundi5mars2007,DesForges).

Nousenrevenonsdoncaurapportd’unegrandesagesserédigéen2000parl’OUA(Organisationdel’Unitéafricaine)quiavaitfaitleconstatsuivant:

« (…) il n’existe aucun document, aucun procès-verbal, de réunion etaucuneautrepreuvequimetteledoigtsurunmomentprécisoùcertainsindividus, dans le cadre d’un plan directeur, auraient décidé d’éliminerlesTutsi (…)Ceque nous savons (…) c’est qu’à partir du 1er octobre1990, leRwanda a traversé trois années et demie de violents incidentsanti-Tutsi, dont chacun peut facilement être interprété en rétrospectivecomme une étape délibérée d’une vaste conspiration dont le pointculminant consistait à abattre l’avion du président et à déchaîner legénocide. Cependant, toutes ces interprétations demeurent desspéculations.Personnenesaitquiadescendu l’avion,personnenepeutprouver que les innombrables manifestations de sentiments anti-Tutsidurant ces années faisaient partie d’un grand plan diabolique.» (OUA,rapport2000,7/1).

À travers les jugements que nous venons de présenter, toute l’histoireofficielle du génocide fut donc balayée. En effet, si ce génocide ne fut niprémédité, ni programmé, c’est donc qu’il fut « spontané ». Or, l’évènementmajeur et déclencheur qui provoqua la folie meurtrière fut l’assassinat duprésident Habyarimana dans la soirée du 6 avril suivi immédiatement del’offensivedel’APR.PournombredeHutul’attentatcontreleurprésidentétaitlamarqueduFPR,doncàleursyeuxcelledesTutsietdeleursalliéshutu,les« Hutu modérés » des journalistes. Nous en revenons donc à la question desavoirquiassassinaleprésidentHabyarimana.

UNGÉNOCIDENONPROGRAMMÉ:L’EXEMPLEDELAPRÉFECTUREDEBUTARE

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Expert de l’Accusation,AndréGuichaoua a particulièrement travaillé sur lapréfecturedeButare.Desesrecherchesilatiréungroslivrebiendocumentédans lequel rien n’est ignoré des faits, mécanismes et enchaînements ayantconduitaugénocidedanscettepréfectureduRwanda(Guichaoua,2005).Salectureestéclairante.

En1994, lapréfecturedeButareabritait lequartde toute lapopulationtutsiduRwanda,avecdesdensitéspouvantatteindrejusqu’à40%delapopulationtotaledanscertainssecteurscommunaux.Siunplangénocidairepréméditéetplanifié d’élimination des Tutsi avait existé, il est évident qu’une attentionparticulièreauraitétéportéeàcettepréfectureoùunestructurespécialementorganiséeauraitnécessairementdûêtrecréée.

Or, André Guichaoua ne met en évidence ni une telle organisation, nil’ébauche du moindre plan génocidaire ayant pu y exister avant le 6 avril1994. Ceci le conduit à parler d’« impréparation butaréenne » (Guichaoua,2005 : 4e de couverture), euphémisme signifiant en clair qu’il n’y eut paspréméditation génocidaire en préfecture de Butare. Et s’il n’y eut paspréméditation à cet échelon territorial, c’est parce qu’il n’y en eut pasdavantageauniveaunational.

Ceci étant, d’immenses tueries ont bien eu lieu dans cette préfecture où legénocidedesTutsietlemassacredesHutuquileurétaientfavorablesfit200000mortsselonA.Guichaoua.Maistoutycommençaaprèsle19avril,etpasavant, rien n’ayant en effet été « prévu » par les « futurs » assassins ; toutsimplementparcequ’iln’yeutpaspréméditation.

Àelleseule,l’évidencedel’«impréparationbutaréenne»réduitdoncànéantla thèse de l’accusation et l’histoire officielle. L’on comprend donc la gêned’AndréGuichaoua. Pris entre la thèse de la préméditation à laquelle il necroyaitplusetsacollaborationavecleprocureur, ilfutdoncréduitàutiliserdeseuphémismes.

1.Expertassermentédans lesprocèssuivants :ThéonesteBagosora(TPIR-98-41-T), Protais Zigiranyirazo (TPIR-2001-73-T), Emmanuel Ndindabai (TPIR2001-71-T),TharcisseRenzaho (TPIR-97-31-I) –AugustinBizimungu (TPIR-2000-56-T)etInnocentSagahutu(TPIR-2000-56-T)–,j’ai,pourchacund’eux,dépouillélatotalitédelaprocédureafinderédigerdevolumineuxrapportsavantd’êtreassermentépourlesprésenteretlesdéfendredevantlaCour.Enfin,jefusinterrogé et contre-interrogé par laDéfense et par l’Accusation, ce qui donna

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parfois lieuàdemémorablesetvigoureusespassesd’armesavec leprocureur.J’aiégalementétécommissionnédanslesaffairesÉdouardKaremeza(PRIR-98-44-I)etJ.C.Bicamumpaka(TPIR-99-50-T)pourlesquellesj’aiégalementremisdesrapports.2.CesaccusationsgravissimesfurentportéesdansunlivreintituléRwanda.Lesmédias du génocide, publié en 1995 avec le soutien de l’UNESCO et l’aidefinancièredeReporterssansFrontières(voirplusloinpage26).3.Voirenannexen°1,l’analysedel’expertiseetdutémoignagedeJean-PierreChrétien fait par la défense de Ferdinand Nahimana. Ce document public estréférencédanslesarchivesduTPIRsouslacotesuivante:Affairen°ICTR99-52A : mémoire final de la Défense, 1er août 2003, pages 150 à 157. VoirégalementDeguine(2010:87note4).4.Contrairementàsesaffirmationsetàlamentionqu’ilfaitpourtantfigurersursonCV,DupaquiernefuteneffetjamaisexpertdevantleTPIR.DevantquelleCour fut-il accrédité ? Devant quelle Cour prêta-t-il serment ? Devant quelleCourtémoignat-il?Lorsdequelle(s)audience(s)fut-ilentendu,interrogéparleprocureur et contre-interrogé par la Défense ? D’ailleurs, compte tenu de latransparencedesonCV,laqualitéd’expert«(…)n’auraitpuluiêtreaccordéesauf à priver de toute signification la notion même d’expertise » (Affaire n°ICTR99-52A:mémoirefinaldelaDéfense,1eraoût2003).5. Pour la critique de ces affirmations, voir Lugan, B., (2012) Mythes etmanipulations de l’histoire africaine, chapitre VI intitulé : « Les ethniesafricainesont-ellesétéinventéesparlesBlancs?»Celivren’étantpasdistribuédans le commerce, il est possible de se le procurer par Internetwww.bernard-lugan.com.6.Professeurd’anthropologieàl’universitédeFlorideetspécialisteduRwandaetduBurundi.7.A.DesForgesfutl’expertduprocureurdanslesprocèsAkayezu(ICTR-96-4-T), Gacumbitsi (ICTR- 01-64-T), MEDIA regroupant ceux de NahimanaFerdinand (ICTR-96-11), Ngeze Hassan (ICTR-97-27) et Barayagwiza JeanBosco (ICTR-97-19).Dans celui d’EmmanuelNdindabahizi (ICTR- 01-71-T),dans celui dit deButare regroupant les affairesKanyabashi Joseph (ICTR-96-15), Ndayambaje Elie (ICTR-96-8), Nsabimana Sylvain (ICTR-97-29),Ntahobali Arsène (ICTR-99-21), Ntaziryayo Alphonse (ICTR-97-29) etNyiramasuhuko Pauline (ICTR-99-21) ; dans les affaires Bizimungu Casimir(ICTR-99-45),MugenziJustin(ICTR-99-47),BicamumpakaJérôme(ICTR-99-49), Mugiraneza Prosper (ICTR-99-48) ; dans le dossier dit MILITAIRES Iregroupant ceux du colonel Bagosora Théoneste (ICTR-96-7) du général

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KabiligiGratien(ICTR-97-34),duLtcolonelNsengiyumvaAnatole(ICTR-96-12) et du major Ntabakuze Aloys (ICTR-97-30), ainsi que dans les dossiersRwamakuba,(ICTR-98-44-T)etRenzaho(ICTR-97-31).8.Envainpuisque sur lacouverturede l’éditionde1995du livreRwanda lesmédiasdugénocide,figurelamention«SousladirectiondeJ.-P.ChrétienavecReporterssansFrontières».OnpourrautilementsereportersurInternetàdeuxdocuments respectivement intitulés Jean-Pierre Chrétien a-t-il caché la véritésurlesmédiasdelahaineauRwanda?etRSFnetravailleplusavecJean-PierreChrétiensurleRwanda.9. Ce livre à charge, véritable réquisitoire militant reprenant sans le moindrerecullesthèsesduFPR,futpubliésousletitreRwanda.Lesmédiasdugénocide(1995).10.Depuis,Reyntjensestrevenusurcetteanalysefaite«àchaud»,n’hésitantpas à réviser ses positions au fur et à mesure de la découverte d’élémentshistoriographiquesnouveaux.Pourcequiestdespremiersmassacres,ceuxdelanuitdu6au7avril,nousavonsvuplushautquelecapitaineDème(2011)lesattribuenonaux«extrémistes»hutu,maisauFPR.11.Commes’il s’était agid’unepannede réacteur…Aprèsavoirobstinémentnié tout lien entre l’attentatdu6 avril et legénocide,MadameDesForges futfinalementcontraintederévisersapositionsurcepoint.12.Abréviationutiliséeparlesservicesrwandaispourdésignerl’ennemi.13. Cette présidence assurée par le colonel Bagosora fut également mise enavantafindetenterdemontrerquelegénocidevenaitdeloin.Or,àl’audience,ilfut démontré que le colonel Bagosora ne présida cette commission que parcequ’ilétaitleplusâgédanslegradeleplusélevé,commecelasefaitdanstouteslesarméesdumonde.14.VoirplusloinchapitreVIII,pp.137-146pourtoutcequiconcernel’affairedite « Jean-Pierre ». Il s’agit d’informations qui auraient été fournies par uncertain« Jean-Pierre» et qui auraient donné lieu àun faxdugénéralDallaireenvoyéausiègedesNationsuniesàNewYorkle11janvier1994,faxquiseraitlapièceàconvictionconcernantlapréméditationdugénocide.Or,commecelaestlonguementexpliquépages137-146,Jean-PierreétaitunagentduFPRetlefaxdugénéralDallairen’apasexisté…15.Cejugementfutpolitiquement«pesé»pourdeuxraisons:1.LapremièreafindenepasprovoquerungraveincidentdiplomatiqueavecKigaliquiavaitlapossibilité de bloquer les travaux du TPIR en cessant d’y envoyer desprisonniers pour y témoigner à charge lors des procès en cours. Les trèsnombreuxtémoinsdel’accusationvenaienteneffetessentiellementdesprisonsrwandaisesdontilsétaientextraitspourletempsdeleurtémoignageàArusha,et

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après avoir été dûment « mis en condition ». À leur retour, ils étaientcomptables, eux et leurs familles, de leurs déclarations. 2. Afin de ne pasindisposer les puissants amis du général Kagamé, membres permanents duConseil de sécurité, autorité suprême du TPIR, à savoir les États-Unis et laGrande-Bretagne,quinecessaientdedemanderlaclôtureduTPIRdecraintedevoirunjourquedesmembresduFPRpuissentyêtretraduits.16.Dansla«logique»duTPIR,cefutlemoinsgradéquiécopadelapeinelapluslourde.17.L’Akazuou«petitemaison»,étaitunehuttedanslaquelleétaientisolésleslépreux.18. Insiderwitness enanglais. Il s’agitde témoinsqui témoignentcontre leurscomplicesenéchanged’unepromessed’aménagementouderéductiondepeine.19.Aprèsavoirplaidécoupable,ilfutcondamnéà8ansd’emprisonnementaumoisdenovembre2009pourcomplicitédegénocideetilfutenvoyépurgersapeineenSuèdeoùsa famille résidait.Le25octobre2011 leTPIR luiaccordaeffectivementunelibérationanticipée.20.L’acquittement et la libération deM.Zigiranyirazo aurait normalement dûconduire la justice française à cesser de s’acharner sur la famille proche duprésidentHabyarimanaetenparticuliersursaveuve,MadameAgatheKanzigaréfugiéeenFrancepuisqueleTPIRamontréqu’ilsn’ontaucuneresponsabilitédanslatragédierwandaise.

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C

CHAPITREIII

QUIASSASSINALEPRÉSIDENTHABYARIMANALE6AVRIL1994?

ette question étant officiellement sans réponse, il convient donc de laposerdifféremment:

–QuidesFARetduFPRpossédait lesmissilesanti-aériensquiabattirentenvoll’avionprésidentiel?

–Oùensontlesenquêtesconcernantcetattentat?

Deuxpointssontétablis:

1. L’attentat du 6 avril 1994 qui provoqua la mort du président hutuHabyarimanafutcommisaumoyendedeuxmissilessol-air.

2.Le17octobre2006,leTPIRécartatouteresponsabilitéducolonelBagosoradanscetattentat1.Danscesconditions,sile«cerveaudugénocide»estlui-même étranger à l’assassinat qui déclencha ledit génocide, il paraît doncdifficilede l’attribueraux«extrémisteshutu»dont l’histoire«officielle»prétendaitqu’ilétaitlechef…Àpartirdelà,deuxthèsess’opposent:

–Celle de l’attentat commis par des « extrémistes hutu » qui auraientassassiné leur propre président ainsi que leurs propres partisans qui étaient àbord de l’avion afin de pouvoir déclencher un génocide qu’ils avaientprogramméetpréparé.

Or,commenousvenonsdevoirquecegénociden’avaitpasétéprogrammé,cettethèsenepeutdoncplusêtresoutenue.

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–Celled’unattentatcommisparleFPRafindedécapiterl’Étatrwandaiset disposer d’un prétexte pour reprendre les hostilités afin de conquérir lepouvoirparlesarmes.

Àcepointdelaquestion,deuxremarquespréalablesdoiventêtrefaites:

1.Lespartisansde l’actuel régimedeKigali disent que leFPR tutsi étant legrandbénéficiairedesaccordsd’Arushaprévoyantlepartagedupouvoir, iln’avait donc pas intérêt à assassiner le présidentHabyarimana qui était legarantdecesaccords.

2. Les adversaires du régime de Kigali soutiennent pour leur part que les« extrémistes » hutu n’avaient aucun intérêt à assassiner leur propreprésidentpuisque,autermeduprocessusdepaixd’Arusha,lesurnesallaient,infine,leurdonnerlepouvoir,quiplusest,soussupervisiondel’ONU.Lesaccordsd’Arushan’étaienteneffetvalablesquepourunepériodetransitoiredemoinsdedeuxansetautermeduprocessusdetransition,desélectionsausuffrageuniverselsoussupervisiondel’ONUétaienteffectivementprévues.

Or, ethno mathématiquement parlant, ces élections allaient donner unevictoire automatique auxHutu (plus oumoins 85% de la population) sur lesTutsi et cela en dépit de leurs divisions. Le FPR tutsi, qui allait se retrouverécartédupouvoir,seseraitdoncbattupourriendepuis1990.

Nousenrevenonsdoncàlaquestiondesmissiles,lecampquilespossédaitétant plus que probablement l’auteur de l’attentat du 6 avril 1994 car, sansmissiles,pasd’attentat.

L’ATTENTATVUPARLECAPITAINEDÈME

« Je ne connais pas d’officier (de la MINUAR), notamment parmi lesobservateurs qui doutaient que le FPR puisse être l’auteur de l’abattage del’avion. Il fallait s’adapterausilenceofficiel sur le sujet,maiscelagrondaitparmi nous : “ilyaune mission implicite dans la Mission pour clairementmettreenplaceleFPR”,direntlamajoritédesobservateurs(…),d’autantquelaguerreallaitreprendre,pastellementducôtédesFARquin’yavaientpasintérêt,etquenousavionsrégulièrementcontrôlées(…)(Dème,2011:136-137).

«Lesoirdu6avril,nouslesobservateursn’avionspasdedoutessurquiavaitdescendu l’avion (…)Le lendemain (7 avril) il y avait une étrange humeur

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chez lesAfricains de laMINUAR notamment, et en particulier les anciensdéjà là avant laMINUAR. Ils étaient tous persuadés que c’était leFPRquiavait fait l’attentat et c’était dans toutes les conversations. Pire, beaucoupvoyaient ça comme une “étape” dans un planminutieusementmis au point(Dème,2011:301etsuivantes).

«Iln’yavaitpasd’indicequelesFARpossédaientdesmissilesanti-aériens»(Dème,2011:333).

«(…)àpartirdu7avril,noussavionsdéjàqu’unsecondbataillonavaitdéjàfait la jonctionavec lebataillonFPRbaséauCND.Cequi signifiait que leFPRétaitdéjàpréparéetquesilesFARoun’importequellepartiedupouvoirenplaceavaientété responsablesde ladescentede l’avionquiengendra lesévènements,ilsauraientaumoinsprislapré-cautiond’empêcherl’accèsdesroutespermettantauFPRdepénétreràKigali»(Dème,2011:215).

I.Quipossédaitdesmissilesanti-aériens?

La question desmissiles sol-air dont disposaient ou ne disposaient pas lesbelligérants fut longuementdébattue lorsdesaudiencesdevant leTPIR,cequipermetdedresserunétatdesconnaissancesincontestable:

1.Àlafindel’été1993,avantdeprendrelecommandementmilitairedelaMINUAR,legénéralDallairefitunevisited’inspectionauRwandaàl’issuedelaquelleilrenditunrapportintituléReportoftheUNreconnaissanceMissiontoRwanda, référencé dans les archives du TPIR sous les numéros L0022629 àL0022789.Page36 (folioL0022736), il dresse l’inventairede l’armementdesFAR.Aucuneréférencen’yestfaiteàdesmissilessol-air.

Enrevanche,page40dumêmerapport (folioL0022740),dans l’inventairede l’armement du FPR, le général Dallaire écrit que le FPR possédait desmissiles sol-air, et quiplus est, desmissilesdeprovenance soviétique, commeceuxquiabattirentl’avionduprésidentHabyarimana.

2.LorsduprocèsducolonelBagosora,legénéralDallaireréaffirmaquelesFARnepossédaientpasdemissilessol-airmaisqueleFPRenpossédait(TPIR-98-41-T Dallaire, 26 janvier 2004, procès-verbal d’audience, p. 98 et 99 etTPIR-98-41-TDallaire,27janvier2004,procès-verbald’audiencep.19,56,110et111).

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3. Le major Brent Beardsley, chef d’État-Major du général Dallaire auRwanda,aégalementtémoignédevantleTPIR.Le5février2004,danslamêmeaffaireBagosora, il affirmaque leFPRdisposaitdemissiles sol-air (TPIR-98-41-Tprocès-verbald’audience,p.28et29).

4. Le colonel Luc Marchal, commandant du contingent belge de l’ONU(MINUAR) auRwanda et qui eut, entre autres, pourmission de consigner lesarmesdesFARenapplicationduprocessusdepaixd’Arusha, aplusieurs foisdéclaréquecesdernièresnepossédaientpasdemissilessol-air.Illerépétasousserment devant le TPIR le 30 novembre 2006 (TPIR-98-41-T procès-verbald’audience,p.29et30).

5.Aumoisd’octobre2006, leTPIRsepencha longuement sur laquestiondes missiles après que le procureur qui cherchait alors à faire condamner lecolonel Bagosora pour préméditation du génocide, eut tenté une manœuvrefrisantlaforfaiture,encherchantàfairepasserdesfacturesproformapourdesbons de commande prouvant que les FAR avaient acheté des missiles anti-aériensàl’Égypte.

Pourcomprendrecettegrossièretentativedemanipulationquieutl’avantagede donner à la Cour l’opportunité d’aller au fond de la question, il imported’avoirrecoursàlachronologie:–Durantl’été1991,lecolonelLaurentSerubuga,chefd’État-Majordel’arméerwandaise (FAR), demanda au gouvernement égyptien, l’Égypte étant leprincipal fournisseur d’armes du Rwanda, de lui établir une facture proformaconcernantl’achatéventueldemissilesSAM-16.

–Le2 septembre1991, la partie égyptienne envoya cedocument au colonelSerubuga.

– Le 17 janvier, après l’avoir longuement étudié, ce dernier le transmit auministredelaDéfenseenluiconseillantd’ydonnerunesuitefavorable.

–Aumoisd’avril1992,ungouvernementdecoalitiondirigéparl’oppositionauprésidentHabyarimanafutmisenplace.

– Au mois de juin suivant, le colonel Serubuga fut remplacé comme chefd’État-Major des FAR par le colonel Déogratias Nsabimana. Legouvernementd’oppositiondit«decoalition»,etdont lePremierministreétaitM.Nsengiyaremye du parti d’oppositionMDR, ne donna pas suite àcettedemandeafindenepas indisposer leFPRsur lequel ilcomptaitpourtriompherduprésidentHabyarimana.Ledossierestdonconnepeutplusclair:iln’yeutpasdecommande,donc

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pasdebond’achatetencoremoinsdebondelivraisondemissilesSAM-16parl’Égypte.

D’ailleurs,leFPRayantsaisitouteslesarchivesdesFAR,notammentcellesquise trouvaientauministèrede laDéfense,sidesmissilesavaient réellementété achetés par ces dernières, les bordereaux de réception et les pièces delivraisondanslesunitésauraientdepuislongtempsétéproduitsetcommuniquésau procureur duTPIR qui en avait un cruel besoin pour l’établissement de sapreuve.Or,iln’enfutrien.

Enfin,silesFARavaientpossédédetelsmissiles,pourquoilebataillonLAA(lutte anti-aérienne) qui gardait l’aéroport deKigali-Kanomben’était-il équipéque de classiques et démodés canons bitubes de 37 mm ainsi que d’affûtsquadruplesde14,5mm?

Devant le TPIR il fut donc amplement démontré que l’armée rwandaise(FAR)nedisposaitpasdemissilessol-air.2

Enrevanche,grâceàl’aidejudiciairerussedemandéeparlejugeBruguière,noussavonsque lesdeuxmissilesSAM-16portant lesréférences04-87-04814pour l’un, et 04-87-04835 pour l’autre, qui abattirent l’avion présidentielrwandais,avaientétéfabriquésenURSSetqu’ilsfaisaientpartied’unlotde40missiles SA-16 IGLA livrés à l’armée ougandaise quelques années auparavant(Bruguière,2006:38).L’armeducrimeestdoncparfaitementidentifiéeetelleétaitauxmains,nondesFAR,maisduFPR.

LEFPRPOSSÉDAITL’ARMEDUCRIME

«Attendu que (…) la DGSE remettait une liste demissiles anti-aériens detypesoviétiqueavecleursréférencespossédésparl’arméeougandaise;quelacomparaison des numéros de série relevés sur les deux tubes lance-missilesdécouverts le 25 avril 1994 à Masaka (04814 et 04835) avec les numérosinscrits sur la liste desmissiles alors détenus par l’armée ougandaise, a faitapparaître que parmi ceux-ci figuraient les numéros 04815,04816 et 04838;quelamêmecomparaisonapuêtrefaiteaveclenumérodesérie04924gravésurletubelance-missiledécouvertle18mai1991dansleparcdel’Akageraavec la référence04947 figurant sur la liste;que surtout, commementionnéprécédemment, les autorités russes ont confirmé que les trois missilesprovenaientbiend’unlotde40missilesIGLAvendusen1987àl’Ouganda,ainsi que le prouve l’inscription « 04-87 » relevée sur les trois tubes (…)

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Attenduque les investigationsdiligentéesauprèsde laFédérationdeRussieen exécution d’une commission rogatoire internationale en date du 19 juin2000 ont permis d’établir que les deux missiles utilisés le 6 avril 1994provenaient de l’arsenal militaire ougandais; qu’il résulte en effet desinformationscommuniquéesparleParquetmilitairedeMoscou,enexécutiond’une demande d’entraide judiciaire, que les deux missiles portant lesréférences 04-87-04814 pour l’un et 04-87-04835 pour l’autre, avaient étéfabriquésenU.R.S.S.etfaisaientpartied’unecommandede40missilesSA-16IGLAlivréeàl’Ougandadanslecadred’unmarchéinterétatique.Attenduqu’il s’avère que l’armement du FPR, y compris les moyens antiaériens,provenaientdel’arsenalmilitairedel’Ouganda(…)»(OrdonnancedeJean-LouisBruguière, Tribunal deGrande Instance de Paris, Paris, 17 novembre2006,p.35-38).

Le cercle se refermant sur lui, l’actuel régime rwandais a, dans l’urgence,allumédescontre-feux,fournissant«clésenmain»desdossiersmontésparsesservices à des journalistes peu scrupuleux, abusés ou militants quis’empressèrentdelesprésentercommedes«révélations».

Unexempleparmicesnombreusestentativesd’«enfumage»estdonnéparlejournalLibérationcommelemontrel’encadrépagesuivante.

LES « RÉVÉLATIONS » DU JOURNAL LIBÉRATION : UN CAS D’ÉCOLE DEJOURNALISMEMILITANT

Nous venons de voir que devant le TPIR, il fut amplement démontré quel’armée rwandaise (FAR) ne disposait pas de missiles sol-air. Ignorant ledossiercaraucundesesjournalistesneconnaîtlestravauxduTPIR,lejournalLibération, dans son numéro du 1er juin 2012 annonça en gros titres sur sa«Une»«EXCLUSIF:Undocumentdel’ONUrévèlelaprésence,àlaveilledugénocide,de15Mistralauseindel’arsenaldel’arméerwandaise…»etenpage3, figureunarticle intitulé«Undocumentcompromettantenterrédansles archives de l’ONU (…) » composé d’une liste établie par « desobservateursmilitaires de laMINUAR, lamission d’observation de l’ONUenvoyée au Rwanda quelques mois avant le génocide, qui ont compulsé laliste des stocks d’armes dans le cadre des inspections qu’ils effectuaient enattendantl’applicationdesaccordsdepaix.».

Or,contrairementàcequ’écritLibération,cedocumentn’apasétérédigéparla MINUAR et, de plus, il n’a jamais été « enterré dans les archives de

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l’ONU»commejevaislemontrerenquatrepoints:

1.LaMINUARn’estpasàl’originedecedocumentpuisquecelui-ciaétéenvoyé le 1er septembre 1994 sous le numéro 2787 par le secrétairegénéraldel’ONUàsonreprésentantspécialàKigaliaveclamention«foryourinformationandcommentsarewelcome».Ilnes’agitdoncpasd’uneinformation partant du terrain (MINUAR) pour remonter au siège del’ONUàNewYork,maistoutaucontraired’uneinformationémanantdusiègeetenvoyéeauxhommesdeterrainauRwanda,pourvérification.Ilnereflètedoncenriendesconstatationsquiauraientétéfaitessurplace.

2. Ce furent les services américains qui transmirent ce document ausecrétaire général de l’ONU. Sur le bordereau de liaison dontcurieusementLibérationneparlepas,nous trouvonseneffet l’indicationsuivante : « Background Paper for U.S. Mission, United Nations(USUN) ».Or, à l’époque, les services américains qui étaient fortementengagésauxcôtésdePaulKagamé,menaientunepuissantecampagnededéstabilisationcontrelerégimeHabyarimana.

3. Libération n’a pas « découvert » ce document en 2012 à NewYorkpuisqu’il fut régulièrement utilisé, et cela depuis des années, devant leTPIR (Tribunal pénal international pour leRwanda), àArusha, où il estréférencésousletitre:«UNRestricted01sept1994UNRES-4125/J2M-2BackgroundPaperforU.SMission,UnitedNations(USUN).Subject :Former Rwandan Army (ex Far) Capabilities and Intentions (U) ». Lapage mentionnant l’armement, dont les prétendus missiles Mistral, estquantàelleréférencée«Enclosure(2)».

4. En 2008, soit plus de quatre années avant la « découverte » faite parLibération, j’ai personnellement analysé ce document en tant qu’expertassermentélorsduprocèsducapitaineSagahutu,dansunrapportdéposéau greffe du TPIR le 1er décembre 2008 (TPIR-2000-56-T). Je cite ledocument en question aux pages 67-69, paragraphe IV, alinéa A de laversionfrançaisedecerapport.

Les journalistes de Libération qui ont publié ce dossier ont donc oubliéd’appliquerlarègledebasedeleurmétierquiconsisteàrecouperetàcroiserles informations afin d’éviter de se faire manipuler par ceux qui les leurfournissent.

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II.Lachronologiedesenquêtes

Plusieursenquêtesfurentdiligentéesconcernantl’attentatdu6avril1994quicoûta la vie au président Habyarimana et qui, nous l’avons déjà dit plusieursfois,provoqualegénocide.Cellesquifurentinitiéesparl’ONUfurentbloquéesdèsque lessoupçonsseportèrentsur leFPR.Quantà l’enquête française,elleestdepuisdesannéesl’objetdemanœuvresdilatoiresdestinéesàlaralentiretàl’embrouiller.

Le7avril1994,dèsle lendemaindel’attentatquivenaitdecoûter lavieàdeux chefs d’État en exercice, le président duConseil de sécurité desNationsunies, invita le secrétaire général des Nations unies à recueillir toutes lesinformationsutilesconcernantcetactede terrorismeetd’en faire rapportdanslesplusbrefsdélaisauConseildesécurité.

Devantsonsilence,le21avril,leConseildesécuritédemandaànouveauausecrétaire général de l’ONU de lui fournir toutes les informations au sujet del’attentat,maissansplusdesuccès.

Le 17 mai 1994, le Conseil de sécurité rappela au secrétaire général sesdemandesantérieures,unenouvellefoisenvain.

Au mois de juin 1994, à Tunis, les membres de l’OUA (Organisation del’Unité africaine) demandèrent la création d’une commission d’enquêteimpartiale.Égalementenvain.

Le28juin1994,M.RenéDégniSégui,envoyéspécialdesNationsuniesauRwanda, admit que l’attentat était la cause des dramatiques évènementsultérieurs,dontlegénocide,maisàsademandedecommissiond’enquête,ilfutréponduquelesNationsuniesn’avaientpasdebudgetpourcela.

Néanmoins,àl’automne1994,unecommissiond’expertsremitausecrétairegénéralde l’ONUun rapportdemandant lacréationd’un tribunal internationaldont lamissionserait«d’enquêter,entreautreschoses,sur lesévènementsquiont conduit à la situation actuelle, notamment l’attentat contre l’aviontransportantlesprésidentsduBurundietduRwanda».

Effectivementcrééle8novembre1994parlaRésolution955duConseildesécurité des Nations unies avec compétence du 1 er janvier au 31 décembre1994,pour juger lesprésumésorganisateursdugénocide rwandaisde1994, leTPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) fut installé à Arusha, enTanzanie.

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L’attentatdu6avril1994estdoncindiscutablementinclusaucœurduchampde compétence chronologique du TPIR. Or, avec une grande constance, cedernierrefusad’enquêtersurluiàpartirdumoisdefévrier1997,c’est-à-direàpartirdumomentoùdesélémentsrecueillisparsesenquêteursenposteàKigali,dontM.MichaelHourigan (décédéen2013), établissaient la responsabilitéduFPRdansladestructionenvoldel’avionprésidentielrwandais.Cesenquêteursagissaient alors sous l’autorité duprocureurgénéral,MadameLouiseArbour3,qui, à l’époque, considérait que l’attentat contre l’avion présidentiel rwandaisentraitbiendansledomainedecompétenceduTPIR.

Le 1er août 1997, un rapport dit « rapport Hourigan » établissant laresponsabilitéduFPRdansl’attentatdu6avril1994futremisauTPIRqui,nonseulementn’ydonnapassuite,mais,qui,deplus,tentadelegardersecret.

L’existencedecedocumentayantétécependantrévéléeaudébutdumoisdemars 2000 par un journal canadien, le 27 mars 2000, contraint de réagir, leservice juridique de l’ONU confirma la réalité de ce rapport, précisantmêmequ’ilétaitenpossessionduTPIRàArusha.

Au mois de mai 2000, le greffe du TPIR refusa pourtant de fournir cedocumentaujugeBruguièrequi,saisiparlesfamillesdel’équipagefrançaisquiavait trouvélamortdansl’explosiondel’avionprésidentielrwandais,etparlaveuveduprésidentHabyarimana,enquêtaitalorssurl’attentatdu6avril1994:

«(Attendu)Qu’unecommissionrogatoireinternationaleétaitdélivréele23 mai 2000 aux autorités compétentes du TPIR, sollicitant la remised’une copie de ce rapport et du «mémorandum interne» qui avait étéremisàMadameLouiseArbour;Quecependant,MadameNavanethemPillay, présidente du Tribunal faisait connaître en réponse à cettedemande d’entraide judiciaire que bien que détenant le document enquestion (nous soulignons N.D.E.), elle était dans l’impossibilité derépondre favorablement à la demande française (Ordonnance de Jean-Louis Bruguière, Tribunal de Grande Instance de Paris, Paris, 17novembre2006,p.19).

Heureusement pour le bon déroulement de l’enquête, le « RapportHourigan»parvinttoutdemêmeaujugeBruguièreendépitdel’insolitefindenon-recevoirémanantduTPIR:

«(…)le31août2000,leParquetdePariscommuniquait,surinstructiondu ministre de la Justice, une copie dudit rapport qui a été joint à la

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présente procédure en vue de son exploitation ; (…) les documentstransmis par le Parquet de Paris étaient authentifiés par MonsieurMichaelHourigan(…)lorsdesonauditionàParisle29décembre2000(…)(OrdonnancedeJean-LouisBruguière,TribunaldeGrandeInstancedeParis,Paris,17novembre2006,p.19).

Lors de son audition, M. Hourigan donna également d’importantesinformationsaujugeBruguière:

(…)concernantsamissionpourlecompteduTPIR,(il)relataitquelesenquêteurs de son service, autorisés par leur hiérarchie à enquêter surl’attentatalorsconsidérécommeentrantdanslechampdecompétenceduTribunal, n’avaient jamais recueilli de renseignements tangibles surl’implication des extrémistes Hutu mais qu’ils avaient été attraits, enrevanche sur la piste mettant en cause le FPR (…) ; depuis une lignesécurisée de l’Ambassade des États-Unis à Kigali, il avait eu, auxalentoursdu07mars1997,uneconversationtéléphoniqueavecMadameLouiseHarbouretqu’aucoursdecetéchange,cettedernièreluiavaitfaitpart qu’elle avait recueilli, par d’autres canaux, des renseignementsrecoupant les siens et qu’à aucun moment elle ne lui avait dit quel’enquête concernant l’attentat n’entrait pas dans le mandat du TPIR(…) » (Ordonnance de Jean-Louis Bruguière, Tribunal de GrandeInstancedeParis,Paris,17novembre2006,p.19-20).

Toujours interrogépar le jugeBruguière,M.Hourigandéclaraàcedernierque Mme Arbour avait à l’époque subitement changé d’opinion. Encontradiction avec les instructions qui lui avaient été données antérieurement,ellelecritiquaainsipouravoirmenécetteenquêtequi,selonelle,étaithorsduchampdecompétenceduTPIR,avantdelesommerderompretoutcontactavecsesinformateurs.

Cette attitude fut confirmée au juge par au moins un autre enquêteur.(RapportdeJean-LouisBruguière,TribunaldeGrandeInstancedeParis,Paris,17novembre2006,p.22).

Intégré à l’équipeduTPIR sous lesordresdeMikeHourigan, le capitaineDème confirma pour sa part que parmi ses missions, il avait bien reçu celled’identifierlesresponsablesdel’attentatdu6avril1994.Sontravailfut,semble-t-il, couronné de succès puisque trois membres du FPR reconnurent avoirparticipé à l’attentat et donnèrent force détails à son sujet et tout en mettant

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directementencausePaulKagamé:

«(…)lesinformationsétaientdétailléesetcrédibles.J’enaiinformédesuite la jugeArbour alorsprocureurgénéralduTPIR,quim’adansunpremier temps paru « excitée » par ces données. PuisMichaelHall, lechef adjoint à la sécurité desNations unies,m’a demandé d’aller àLaHayevoir la jugeArbourdirectement. Je lui ai faitmon rapport en luidonnantmonmémo.Àmagrande surpriseelle a alorsmis endoute laqualitédemesinformateurs(…puis)lajugeArbouraalorsdéclaréquel’attentatnefaisaitpaspartiedumandatduTPIR.J’étaisatterré.Jeluiaimislesargumentscontrairessouslenezetelles’estmiseencolère,m’aditquejedéfiaissonautorité,m’ademandésic’étaitleseulmémoceluique je lui avais remis, j’ai dit oui, puis ellem’a demandé de disposer.Après cela, l’équipe a été démantelée et les recherches sur l’avionabandonnées(…)»(Dème,2011).

LETPIRREFUSED’ENQUÊTERSURL’ATTENTATQUICOÛTALAVIEAUPRÉSIDENTHABYARIMANA

Le 7 février 1997, Me Tiphaine Dickson, avocate dans le procès GeorgesRutagandaplaidadevantleTPIRunerequêtevisantàordonnerauprocureurde rendre publics tous les éléments de preuve qu’il détenait au sujet del’attentatcontrel’avionprésidentieletd’entreprendredesenquêtesàcesujet.Laréponsedel’Accusationfutausenspropre,stupéfiante:

« Notre responsabilité n’est pas de mener une enquête sur l’écrasement del’avion(sic!),cen’estpasnotretâche.Jevaisdonc,demanièrecatégorique,écarter cette question. Et je dirai surtout que nous n’avons pas àmener detellesenquêtes,nousn’avonspasderapportsurde tellesenquêtesnonplus.Deuxièmement, cen’estpasnotre rôle, cen’estpasnotremissiondemenerdesenquêtessurl’écrasement(sic!)d’unaviontransportantdesprésidentsoudes vice-présidents. La question ne relève donc pas de notre compétence.»(TPIR96-3-T,LeProcureurc.Rutaganda,7février1997).

Aumoisdedécembre1999,lenouveauprocureur,MadameCarlaDelPonte,affirmaavecunetranquilleassurance:

« Si le tribunal ne s’en occupe pas (de l’attentat), c’est parce qu’il n’a pasjuridiction en la matière. Il est bien vrai que c’est l’épisode qui a tout

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déclenché.Mais en tantque tel, le fait d’attaquer l’avionetdedescendre leprésident, cen’estpasunactequi tombedans les articlesquinousdonnentjuridiction»4.

Si nous suivons le raisonnement deMadame Del Ponte, tout ce qui auraitcontribuéàla«préparation»dugénocideseraitdoncbiendelacompétencedu TPIR,mais pas l’attentat lui-même dont elle nous dit pourtant qu’il est« l’épisode qui a tout déclenché » et qu’elle considère par ailleurs commeétantundesélémentsdelaplanificationdugénocide!

Au vu du dossier, le juge Bruguière rendit une ordonnance de soit-communiqué (novembre 2006) dans laquelle il accuse le président Kagaméd’avoirdécidél’attentatquicoûtalavieàsonprédécesseur.Enconséquence,illança plusieurs mandats d’arrêt internationaux contre des membres de sonpremiercercleet recommandaauTPIRd’inculperPaulKagamé–couvertparson immunité de chef d’État –, pour l’assassinat du président JuvénalHabyarimana.

LejugeBruguièresefondaitnotammentsurlaquestiondesmissilestraitéeplushaut,surlesdéclarationsettémoignagesdeplusieurstransfugestutsiquiluiavaient donné force détails sur l’opération, dont les noms des membres ducommando ayant abattu l’avion, ainsi que sur les témoignages de plusieursmilitairesbelgesayantobservé la trajectoiredesdeuxmissiles tiréssur l’avionprésidentiel,etc.5.

Le 6 février 2008, via Interpol, le juge espagnol Merelles qui soutient lamême thèse que le juge Bruguière, lança quarante mandats d’arrêt contre dehautespersonnalitésdel’actuelrégimerwandais(Merelles,2008).

Ayant succédé au jugeBruguière, les jugesTrévidic et Poux poursuivirentleurs investigations. Le 10 janvier 2010, ils communiquèrent aux parties(défense,parquetetpartiesciviles)lerapportdesexpertstechniques(balistique,acoustique, etc.) qu’ils avaient mandatés pour les éclairer sur la question desavoird’oùfurenttiréslesmissilesqui,le6avril1994,abattirentenvoll’avionduprésidentHabyarimana.

Ce rapport conclut que les deux missiles en question auraient« probablement » été tirés depuis les limites intérieures du campmilitaire deKanombejouxtantl’aéroport,zonequiétaitsouslecontrôledesFARetsituéeàunedistancededeuxkilomètresdelafermedeMasakadésignéecommelieudetirparlestémoinsouacteursinterrogésparlejugeBruguière(voirenannexen°

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2lesréflexionsdel’amiralJourdiersurcerapport)ainsiquelacarten°7.

Or, trois éléments jettent un doute sur les conclusions du rapport que lesexpertsremirentaujugeTrévidic:

1. Après que les experts désignés par les magistrats français se furenttransportésàKigali,ilssetrouvèrentdansl’impossibilitédeconclurequantàlalocalisationdestirscontrel’avionduprésidentHabyarimana.DeconcertaveclejugeTrévidic,ilfutalorsdécidédefaireappelàunspécialisteenacoustiqueafindeleséclairer.Or,cetexpert,quiavaitpourmissiondedéterminerlespointslesplusprobablesdutirdesmissilesayantabattul’avionduprésidentHabyarimana,ne se rendit pas sur place, au Rwanda et comme il n’avait jamais entendu etencoremoinsmesuréundépartdeSA-16,ilprocéda«parsimilitude»avecdesmissiles de type différent, et à laFerté-Saint-Aubin, enFrance, région dont lereliefdeplainen’arienàvoiravecceluidescollinesdeMasaka/KanombeauRwanda.

2. Cet expert en acoustique procéda également par exploitation de diverstémoignages, recueillis par d’autres que lui et qui, une fois rafraîchis, voireradicalementtransforméspardenouvellesauditionsprisesdix-septansaprèslesfaits, constituèrent le socle de son expertise complémentaire à laquelle serallièrent finalement mais sans grand enthousiasme, les autres membres ducollègedesexperts.

3.Cetteexpertisereposeenfinsuruneénormeerreurquiannuledefactosesconclusions : les photographies aériennes américainesde1994consultables auTPIR et que les experts ne demandèrent pas à examiner, ignorant peut-êtrejusqu’àleurexistence,montrenteneffetquelesupposépointdetir«probable»localisépar l’expert enacoustiqueetqui aujourd’hui estun terraindégagé, enl’occurrenceuncimetière,doncpropiceàuntirdemissiledutypedeceuxquifurentalorsutilisés,étaitàl’époqueunebananeraie,cequirendaitdonctouttirimpossibleàpartirdece lieu. Ilestd’ailleurspour lemoins insolitededevoirconstaterquelesexpertsdésignésparlajusticefrançaisen’aientpassongéàsedemander si les lieux qu’ils observèrent en 2011 n’avaient pas été remaniésdepuis1994…

Noussommesdoncsoitenpleinamateurisme,soitfaceàuneautretentatived’« enfumage » destinée à pousser le jugeTrévidic à rendre un non-lieu danscetteaffaire.

Endéfinitive,cedocument,baptisé«RapportTrévidic»parlesjournalistes,ne constitue qu’un élément du volumineux dossier concernant l’assassinat duchefdel’Étatrwandais.Deplus,ilnepermetaucuneextrapolationcarilnedit

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pas qui a, ou qui n’a pas, abattu l’avion présidentiel. Les pilotes français del’appareil présidentiel semblaient savoir, quant à eux, que le FPR avait pourprojet d’abattre l’avion ; le copilote Jean-Pierre Minaberry avait mêmeclairementfaitpartdesesinquiétudesdansunelettreendatedu28février1994(voirl’annexen°5).

Les juges Trévidic et Poux ont donc entrepris de confronter ce « rapportd’expertise » aux autres éléments du dossier qui donnent avec une grandeprécision et une impressionnante quantité de détails le lieu du tir, à savoirMasaka,ainsiquelesnomsdesdeuxtireursetdesmembresdeleurescorte,lamarqueet la couleurdesvéhiculesutiliséspour transporter lesmissilesdepuisl’Ouganda jusqu’au casernement de l’APR situé au centre de Kigali et de làjusqu’aulieudetiràtraversleslignesdel’arméerwandaise,ainsiqueledérouléminutédel’action.

Ilsdevaientégalementrecevoirlestémoignagesdenouveauxtransfugestutsiqui,depuisdesmoisdemandaientenvaind’êtreentendus.Le9juillet2013,lacorrespondante de RFI en Afrique du Sud, Sonia Rolley, publia ainsi deuxentretiensexclusifsavecdeuxdesplushauts responsablesdurégimedeKigaliaujourd’hui réfugiés enAfriqueduSud. Il s’agit du généralFaustinKayumbaNyamwasa, ancien chef d’État-Major de l’APR, à l’époque responsable durenseignement militaire, et du colonel Patrick Karegeya, ancien chef desrenseignements.

Or,cesdeuxtrèshautsdignitairesdurégimerwandaisaccusentdelafaçonlaplusclaireleprésidentKagaméd’êtreleresponsabledel’attentatdu6avril1994quicoûtalavieauprésidenthutuHabyarimana,acteterroristecommisentempsdepaixetquifutl’élémentdéclencheurdugénocide.Aumoisdejuin2010,legénéral Kayumba survécut par miracle à une tentative d’assassinat dont lesauteurs,desRwandais,ontétéarrêtésetsontjugésenAfriqueduSud.

TROISHAUTSRESPONSABLESACCUSENTPAULKAGAMÉD’AVOIRFAITASSASSINERLEPRÉSIDENTHABYARIMANA

1. Le 1° octobre 2011, depuis les Etats-Unis où il est réfugié, ThéogèneRudasingwa,ambassadeurduRwandaàl’ONUde1996à1999,puisdirecteurde cabinet du président Kagamé de 2000 à 2004, accusa publiquement cedernierd’avoirfaitassassinerleprésidentHabyarimana.

Le10janvier2012,ilrenditpublicunelettredestinéeaujugeMarcTrévidic

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danslaquelleilécrivait:

«Le1°octobre2011,j’aicommuniquéaupublicuneconfessiondanslaquellej’ai indiqué que Paul Kagamé était responsable de la destruction le 6 avril1994de l’avionàbordduquel se trouvaient lesprésidentsduRwandaetduBurundi (…). J’ai également déclaré que moi-même ainsi que d’autrestémoins étions disposés, capables et prêts pour fournir des informationssupplémentairesauxjuridictionsnationaleset/ouinternationalesquiseraientintéresséespourcontribueràlavérité(…).Nimoi-même,niaucunautredesnouveaux témoins capables et disposés n’avons pu rencontrer le jugeMarcTrévidic, ou tout autre Tribunal international pour leur donner les vraiesinformations sur les évènements relatifs aux tirs qui ont abattu l’avion (…)(WashingtonDC,le10janvier2012«RéponseauRapportTechniqueduJugeFrançaisMarcTrévidic,enligne).

Le 24 octobre 2013 Théogène Rudasingwa a lancé un défi en ces termes :«J’inviteleprésidentPaulKagaméàsesoumettreavecmoiaudétecteurdemensonge sous supervision internationale sur la question de savoir qui aabattul’avionduprésidentHabyarimanale6avril1994»

2.Dansunentretiendonnéle9juilletàSoniaRolley,correspondantedeRFIen Afrique du Sud, Patrick Karegeya ancien chef des services derenseignement extérieurs du Rwanda aujourd’hui exilé en Afrique du Sud,accusePaulKagamé,sonancienchef,d’êtreleresponsabledel’attentatdu6avril 1994 qui coûta la vie au président Habyarimana et il se dit prêt àtémoignerdevantlejugeTrévidic.

QuestiondeSoniaRolley:«Vousaccusezaujourd’hui leprésidentKagaméd’être derrière l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana. Avez-vousdespreuvesdesonimplication?

Réponse : Si nous (le général Kayumba et lui) n’en avions pas, nous nedirionspasça.Evidemmentnousenavons.Nousnespéculonspas.Nousnesommes pas comme ceux qui essaient d’enquêter, qui disent que lemissilevenait de Kanombe (camp militaire des FAR, voir à ce sujet le « rapportTrévidic » page…) Nous savons d’où les missiles sont partis, qui les aacheminés,quiatiré.Nousnespéculonspas.Onparledequelquechosequel’onconnaît.

Question :Maispourquoine le rendez-vouspaspublic?Pourquoi legarderpourvous?

Réponse:Onneveutpaslivrer toutcelaauxmédias(…)toutceciaurades

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conséquencespourdesgens(…).Sijevousledis,évidemment,vousallezlepublier (…).Donc,ons’est toujoursditqueçadevait se fairedans lecadred’uneenquêtejudiciaire,qu’onpuissediredanscecadre-làcequel’onsait

Question:LejugeTrévidicnevousajamaiscontacté?

Réponse:Non,ces jugesnesont jamaisvenusversnous.S’ils lefont,nousdironscequenoussavons.Maisonnepeutpasleurforcerlamain».

3.Lemardi 9 juillet, 2013, le général FaustinKayumbaNyamwasa, ancienchefd’état-majorde l’armée rwandaise réfugiéenAfriqueduSuddepuis lemoisdefévier2010a luiaussiété interviewéparSoniaRolley.Aumoisdejuin 2010, il a échappé à un attentat.Aumois de juin 2012, lors d’une desaudiences du procès des auteurs rwandais de cette tentative d’assassinat, ilaccusaleprésidentKagaméd’êtreleresponsabledel’attentatdu6avril1994quidéclenchalegénocide.InculpéparlejugeBruguièreen2006,ilseditluiaussiprêtàrépondreaujugeTrévidic.

QuestiondeSoniaRolley:«GénéralKayumbaNyamwaza,vousavezaccuséle président Kagamé d’être responsable de l’attaque qui a coûté la vie àJuvénalHabyarimana.Dequeltypedepreuvesdisposez-vous?

Réponse:J’étaisenpositiondesavoirquiestresponsabledel’attaque.Cequejesaisserauneaffaireentrelajustice(française)etmoi.Jesuisprêtàapportertoutes les preuves dont je dispose. A l’époque, j’étais responsable desrenseignementsmilitaires.C’est impossibleque jenesoispasaucourantdequiamenél’attaqueetdecequis’estpassé.»

Aumois demars 2012, le jugeTrévidic a rédigé une commission rogatoireinternationale afindepouvoir interroger legénéralNyamwaza.A ladatederédaction de ces lignes (novembre 2013), les autorités sud-africaines n’yavaientpasrépondu.

1.«NoallegationimplicatingtheAccused(Bagosora)intheassassinationofthePresident is to be found in the indictment, the Pre-Trial Brief or any otherProsecution communication. Indeed, no actual evidence in support of thatallegationwasheardduringtheProsecutioncase.»(TPIR-DecisiononRequestfor Disclosure and Investigations Concerning the Assassination of PresidentHabyarimana(TC)17october2006).2.Voiràcesujetlesannexes3et3bis.3. Les procureurs généraux du TPIR furentM. RichardGoldstone (novembre

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1994 à septembre 1996, Mme Louise Arbour (septembre 1996 à septembre1999),MmeCarlaDelPonte(septembre1999-août1992)etM.HassanBubacarJallowàpartirdumoisd’août2002.4.CarlaDel Ponte, décembre 1999.Cité parMe JeanDegli « La position duTPIRsurl’attentatdu6avril1994»,inCharlesOnana:Silencesurunattentat.Paris,2005,p.80.5.Parmicestransfuges,l’uneutuneimportanteexpositionmédiatique,ils’agitdulieutenantRuzibizaquiportadesaccusationsextrêmementclairesetprécisescontre leFPRetPaulKagamé.Cependantcomme il revint sursesaccusationsavantde retirer sa rétractationpourensuiteetenfinconfirmerdevant les jugesTrévidicetPouxsaversionpremière(cf.procès-verbald’auditionenannexen°6), iln’estpas tenucomptede son témoignagedansce livrequine fonde sondérouléquesurdesfaitsindiscutablesetnonsujetsàpolémique.Cependant,afinquelelecteurpuissesefaireuneidéedelamassederenseignementsfournisparRuzibiza,l’annexen°7luiestconsacré.

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R

CHAPITREIV

LEGÉNOCIDEFUT-ILUNECONSÉQUENCE

DELADÉMOCRATISATIONETDESACCORDSD’ARUSHA?

éalisée en plein conflit, la démocratisation affaiblit le présidentHabyarimanatoutenexacerbantlesclivagesethno-politiques.Quantaux

accordsd’Arusha,constructionpolitiquetotalementeuropéo-centréeetdoncendécalage avec les réalités locales, ils exacerbèrent les tensions ethniques, lesopposantshutuaugénéralHabyarimanaqui les avaientnégociésétant accusésparlamajoritédesHutud’avoirbradélepaysauxTutsiayantattaquéleRwandadepuisl’Ouganda.

Ledramerwandaissenoua le1eroctobre1990quandplusieursmilliersdeTutsi,enpartiedéserteursdel’arméeougandaiseetseréclamantduFPR(Frontpatriotiquerwandais),attaquèrentleRwanda(carten°3).

Le FPR1 fut créé en Ouganda2 par des émigrés tutsi rwandais. C’est enplusieurs vagues datant de 1959-1961, de 1963-1964 et de 1973 que leurspèress’étaientréfugiésauBurundi,auCongo-ZaïreetenOuganda.

Audébutdel’année1981YoweriMuseveni,apparentéauxTutsipuisqu’ilestHimaoriginairedel’Ankoledanslesud-ouestdel’Ougandaetquivenaitdefonderl’UPM(UgandaPatrioticMovement),commençasaguérillacontrelerégimedeMiltonObote.Ilrecrutaalorsauseindesapropreethnie,lesHima

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del’Ankole,chezlesBagandaetparmilesémigréstutsi.Certainsd’entrecesderniersfirentmêmepartiedupremiernoyaudecombattants,lesfameux«26originals»dontFredRwigemaetPaulKagamé.

DevenuNRA(NationalResistanceArmy),lemouvementdeYoweriMuseveniles attira de plus en plus. Vers 1984 les Rwandais en constituaient ainsi letroisième groupe numérique, juste après les combattants originaires del’AnkoleetlesnatifsduBuganda.Enjanvier1986,aumomentdelaprisedupouvoir par Yoweri Museveni, 20 à 25 % des effectifs de la NRA étaienttutsi3.

Aprèslavictoire,plusieurshautspostesleurfurentconfiés.FredRwigemafutnommé général-major, puis chef d’État-Major adjoint et vice-ministre de laDéfensenationale.LesmajorsChrisBunyenyezietStephenNdugutereçurentchacun le commandement de brigades tandis que Paul Kagamé devintdirecteuradjointdesservicesderenseignement4.

En 1988, les réfugiés tutsi exigèrent que Kigali reconnaisse leur droit auretour5,cequifutacceptédeuxansplustardparleprésidentHabyarimana,le31 juillet 1990, avec la signature à Kigali d’un accord bilatéral rwando-ougandais.

L’attaque du FPR-APR se fit le 1er octobre 1990, au moment donc où lesprincipalesrevendicationsdesexiléssemblaientenvoiedesatisfaction.

Le3octobre,leministredesAffairesétrangèresduRwanda,sollicitaauprèsdeMM.Jean-ChristopheMitterrand(conseilleràlaPrésidencedelaRépubliquefrançaise de 1986 à 1992) et Jacques Pelletier (ministre de la Coopération),l’appui de la France, affirmant que Kigali risquait de tomber aux mains desassaillants(Martres,ETR,1998,op.cité,III/1,p.118).LeprésidentMitterrandréponditfavorablement.

Selonl’amiralJacquesLanxade,àl’époquechefd’État-MajorparticulierduprésidentdelaRépublique(1989-1991):

«LePrésidentde laRépubliquea estiméqu’il convenaitdedonnerunsignal clair de la volonté françaisedemaintenir la stabilité duRwandacar il craignait une déstabilisation générale de l’ensemble de la région,quirisquaitdetoucherensuiteleBurundi.Ilconsidéraitquel’agressiondu FPR était une action déterminée contre une zone francophone àlaquelleilconvenaitdes’opposer,sanspourautants’engagerdirectement

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dansleconflitoudanslescombats.L’exiguïtédupayscommandaituneréactionrapidequis’esttraduiteparledéploiementdedeuxcompagnieset la constitution du détachement Noroît (…) Le Président (a) insistépour que le régime rwandais s’engage dans un processus dedémocratisation et pour que notre présence militaire ait commecontrepartiecetteévolutionpolitiquedanslesensdel’ouvertureafindepermettrelaréconciliationnationale.»(ETR,1998,op.cité,III/1:229).

Jeudi4octobre,vers18h50,l’aéroportdeKigalipassasouscontrôledela4ecompagniedu2eREPcommandéeparlecapitaineStreichenberger6.

Ledimanche7octobre,uncontingentzaïroisfranchitlafrontièreàGisenyietpritlaroutedeByumba.Progressantouest-est,pressantdoncleflancouestdel’APRetmenaçantainsidecouperlacolonned’invasiondesesbasessituéesenOuganda,lecontingentzaïroisrenditunimportantserviceauxFAR(carten°3).À partir de ce moment la situation militaire se retourna en faveur de cesdernièresetunepartiedesassaillantscommencèrentàsedisperserdansleParcnational de l’Akagera tandis que le gros des troupes de l’APR se repliait enOuganda.

Àlafindumoisd’octobre1990l’incursiondel’APRétaitdoncrepoussée.Militairement battu, le FPR remporta alors une importante victoire politiquepuisque la France demanda au président Habyarimana de négocier avec lui,l’imposantdoncdanslejeupolitiquerwandais.LaBelgique,laGrandeBretagneetlesÉtats-UnisexercèrentlesmêmespressionssurKigali.

ParisutilisaensuitelamenaceduFPRpourfaireavancerlerégimedeKigalisur lavoiede ladémocratisation.LaFrancesapaainsi lepouvoirduprésidentHabyarimanaquifutcontraintdelutteràlafoissurlefrontmilitairetutsi,surlefrontdiplomatiquefrançaisetoccidentalainsiquesurlefrontinterneouvertparsesopposantshutu.

Pourlesautoritésgouvernementalesrwandaises,cettepolitiqueimposéeparl’étrangerétaituneprimedonnéeàl’assaillant,d’autantplusque,victimed’uneagression lancée depuis l’Ouganda, le Rwanda se vit interdire de recevoir oumêmed’acheterdesarmes,doncdesedéfendre,alorsquepersonnenedemandajamaisauFPRavecquelssoutiensétrangersilfaisaitlaguerre.

FaustinTwagiramungu,opposantauprésidentHabyarimanaetquirejoindrale FPR pour devenir de juillet 1994 à août 1995, Premier ministre après lavictoiremilitairetutsidejuillet1994,abienposéleproblème:

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«(…)onal’impression,lorsqu’ondébatdecettequestion,qu’uneseulepartie n’avait pas le droit à l’assistance extérieure, c’està-dire,curieusement,l’agressé,legouvernementlégitimeduRwandaetcepayslui-même,commesil’autrepartieauconflitavaitmenélaguerrependantquatre ans avec des pierres et des bâtons (…) comme si le FPR (…)n’avaiteubesoinnidemoyens,nid’assistancepourprendrelepouvoiràKigali.»(ETR,1998,op.cité,III/1:254).

Enréalité,dèscemoment,leFPRavaitremportélabataillemédiatiquegrâceàsesrelaisdepresseenEuropeetenAmériqueduNord.Ilentrepritensuiteunecampagne de diabolisation du président Habyarimana et de ses partisans, seprésentantcommele«bien»luttantcontrele«mal»(voirchapitreVI).

Lediktatdémocratiqueque le régimerwandaissevit imposerexacerba lestensions ethniques car les Tutsi, qui étaient moins de 15% de la population,n’avaientaucunechancedeparveniraupouvoirpar lesurnes.Leurseulespoirrésidaitdonc–nousl’avonsdéjàdit–,dansunevictoiremilitaire.

Le 22 janvier 1991 le FPR porta un rude coup au régime du présidentHabyarimana en lançant et en réussissant un raid spec-taculaire sur la villenordistedeRuhengeri,faisantainsilapreuvedel’incapacitédesFARàassurerla protection du cœur du pays hutu. La France envoya alors des troupes ensoutiendeKigali,maisàunecondition:queleprésidentHabyarimanaaccélèreleprocessusdedémocratisationetdepartagedupouvoir.

En dépit de la guerre qui lui avait été déclarée, le présidentHabyarimanaacceptad’instaurerlemultipartisme.Sortird’uneculturedepartiuniqueenpleinconflit et dans un climat politique incertain comportait cependant bien desrisques. Lemultipartisme fit ainsi apparaître au grand jour les fractures de lasociétérwandaise.

Au mois de juin 1991, le président admit officiellement l’instauration dupluralisme politique et au mois d’août les partis d’opposition furentofficiellement reconnus. Le premier d’entre eux, le MDR (Mouvementdémocratiquerépublicain)étaitnéaumoisdemars1991.ClairementhéritierduParmehutu,partiquiavaitconduitleRwandaàl’indépendance,ilavaitunlourdcontentieux avec le généralHabyarimanaqui avait renversé son chef, l’ancienprésidentGrégoireKayibanda lorsducoupd’Étatmilitairede1973qui l’avaitportéaupouvoir.

Un gouvernement de coalition fut constitué le 2 avril 1992 et le présidentHabyarimana nomma un de ses opposants, Dismas Nsengiyaremye, Premier

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ministredésignéparleMDR.Cegouvernemententraenfonctionle16avriletilfut composé pour moitié de ministresMRND(D) et pour moitié de ministresissusdesquatregrandspartishutud’opposition.Or,cefurentdesministresissusde laseuleoppositionquimenèrent lesnégociationsd’Arushaavec leFPR,cequifuttrèsmalressentiparlecampprésidentiel.

Le24mai,àKampala,unpremiercontactfutétablientre legouvernementde coalition et leFPR.Puis, du29mai au3 juin1992, àBruxelles, les partisd’opposition participant au gouvernement de coalition rencontrèrent unedélégation du FPR. À l’issue des discussions, un communiqué conjoint futpublié.

Le 5 juin 1992, moins de 48 heures après la signature du communiquéconjoint de Bruxelles entre le FPR et les leaders de l’opposition hutu, l’APRdéclencha une violente attaque dans la région de Byumba, ce qui provoqual’exode de centaines de milliers de paysans. Les FAR furent dépassées etcertainesunitéssemutinèrent.L’APRquiréussitàs’enfoncersurunevingtainedekilomètresdeprofondeurfitdecetterégionune«zonelibérée»(carten°4).

Face à la gravité de la situation, Paris envoya un renfort fourni par le 8eRPIMa(régimentdeparachutistesdel’infanteriedemarine)quiarrivasurzonedanslanuitdu5au6juin.

Pendant que l’APR attaquait à Byumba, sa branche politique, le FPR,négociait àParis.PaulKagaméqui avait ainsi «deux fers au feu» était doncbienlemaîtredujeu.Du6au8juin1992,auCentreKléber,seréunirentainsidesdélégationsdugouvernementrwandaisetduFPR7.LaFrancemenaitdonctoujours la même politique définie et suivie depuis le début de la criserwandaise : choix d’une solution politique négociée et parallèlement, soutienmilitaire mesuré aux FAR afin de simplement leur éviter un effondrement setraduisantparunetotalevictoireduFPR.

Aprèsavoirusédelaforce,leFPRquiavaitmarquédespointsconsidérablesse montra subitement souple et conciliant et en signe de bonne volonté, ilannonçauncessez-le-feu.

Le12 juillet fut ensuite signé l’Accordd’Arusha I, suivi le 13 juillet d’uncessez-le-feu officiellement conclu le 14 juillet 1992. Le 31 juillet 1992 uncessez-le-feu«réel»futparaphé,accompagnédelamiseenplaced’unGrouped’observateurs militaires neutres (GOMN). Le président François Mitterrandexprima alors le souhait de retirer les troupes françaises constituant dispositifNoroîtleplusrapidementpossible.

Quelquesmois plus tard, le 8 février 1993, soit unmois à peine après la

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signature à Arusha du protocole d’accord sur le partage du pouvoir, le FPRrompitlecessez-le-feuenvigueurdepuislemoisdejuillet1992,etillançauneoffensivemilitairedans les régionsdeByumba,Ruhengeri,TumbaetGatsibo.L’attaque futcouronnéedesuccèset les lignesdedéfensedesFARenfoncées.Lesassaillantss’emparèrentdel’essentieldeleuréquipement,occupèrentlaplusgrande partie des préfectures de Ruhengeri, de Byumba, et le 20 février ilsatteignirentRulindo,à30kilomètresaunorddeKigali(carten°5).

Afin d’éviter la débâcle des FAR qui aurait donné un rôle politiqueexorbitant à un FPR militairement victorieux, l’armée française lança alorsl’opération«Chimère-Birunga»quidébutale22février.Ilallaits’agirpourles69hommeslacomposantetquifurentplacéssouslecommandementducolonelDidierTauzin,dereprendreenmainlesFARafindetenterdegarantirlasurvieduprocessusdepaixquipassaitparlepartagedupouvoir(Lugan,2007).

Le 22 février, quand débuta l’opération, l’on se battait sur un front longd’environ 250 kilomètres et la situation des FAR était désastreuse : si ellesrésistaientàRuhengeri,ellescontinuaientenrevancheàcéderduterrainaunorddeKigali,notammentdans lesecteurdeRulindooùellesneparvenaientpasàétablirunelignederésistance.Plusaunord,Byumba,quasimentencerclée,étaitsur le point de tomber. La débandade était quasi générale. À l’exception dubataillonPara,lemoralétaitauplusbasetl’État-Major,incapabledecoordonnerlamoindremanœuvre8.

Laprésencefrançaiseentraînaunereprisedeconfiancequasiimmédiatedela part des FAR qui retrouvèrent leur mordant. Le 9 mars, à Dar es-Salaam,craignant un engagement plus direct de la France, le FPR signa un accord decessez-le-feu, acceptantde se retirer sur lespositionsqu’il occupait avant le8février et donc d’abandonner ses gains territoriaux qui allaient constituer la«zonedémilitarisée».L’ambassadeurdeFranceauRwandaécrivitàcepropos:

« L’effet dissuasif de notre détermination a été majeur et le Premierministre (Dismas Nsengiyaremye) en est très conscient. La délégationrwandaise àDar es-Salaam n’aurait rien obtenu si elle n’avait eu cettecartedanssonjeu.»(Martres,9mars1993,ETR,op.cité,1998,t.II,p.172).

CetaccordprévoyaitparailleursleretraitduRwanda,etcelaàpartirdu17mars1993,destroupesfrançaisesarrivéesenrenfortaprèsle8février.Quantàla zone démilitarisée prévue par l’accord du 9 mars 1993, elle ne fut jamaisrespectéeparl’APR/FPR.Aulieudereculerde20km,sesforcescampèrentau

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contraire très largement sur leurspositions,n’abandonnantqu’unepetitepartiedeleursconquêtesdumoisdefévrier1993.Enréalité,cettezonetamponnevitjamaislejour.

Lesnégociationsquireprirentle16marsàArushaauraientdûaboutiràunaccorddepaixavantle10avril,maislesengagementsderetraitduFPRn’étantpasrespectés,legouvernementrwandaisdecoalitionnedemandapasledépartdes troupes françaises. Or, le FPR faisait du retrait français une question deprincipe.

LaFranceretirafinalementsestroupesetàlafindel’année1993,seuls24coopérantsmilitairesdemeurèrentauRwanda,effectif identiqueàuneoudeuxunitésprès,àceluide1990,doncàlaveilledel’attaqueduFPR.

LESACCORDSD’ARUSHA

Les « accords d’Arusha » dont le protocole final fut signé le 3 août 1993bouleversèrentlasituationpolitiquerwandaise.Ilssontcomposésd’unesériedeprotocolessignésentrele29mars1991etle3août1993parleFPRetleprésidentHabyarimanaet ils furent élaborésàpartird’accordsdecessez-le-feusignésauZaïre le29marset le16septembre1991,puisàArushale12juillet1992.

Ils comportent tout d’abord un protocole relatif à la définition de l’État dedroit (Arusha le 18 août 1992). Deux protocoles concernent le partage dupouvoir dans le cadre d’un Gouvernement de transition à base élargie(GTBE).(Arusha,le30octobre1992etle9janvier1993).

Ils prévoyaient que le futur président de la République serait membre duMRND(D) tandis que le futur Premier ministre appartiendrait au MDR ;Faustin Twagiramungu s’auto-désigna et fut nommé. Un poste de vice-PremierministreréservéauFPRfutcréé.

Le GTBE serait composé de cinq ministères MRND(D) dont ceux de laDéfense et de la Fonction publique, de cinq ministères FPR dont celui del’Intérieur,dequatreministèresMDR,detroisPSD,detroisPLetd’unPDC.Lechefdel’Étatperdaitl’essentieldesesattributions,cequiconstituaitunevéritablerévolutionpolitique.

Les accords d’Arusha donnaient également naissance à une Assembléenationaledetransition(ANT),composéedesoixante-dixdéputésàraisonde

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onze pour les cinq principaux partis (MRND(D),MDR, FPR, PSD et PL),quatrepourlePDCetunsiègepourchacundesonze«petitspartis».

Lesnouvellesinstitutionsdevaientsemettreenplacele10septembre1993auplus tard.Quantà laduréede lapériodede transition,elledevaitêtrede22moisets’acheverpardesélectionsausuffrageuniverselsoussupervisiondel’ONU.

La nouvelle armée nationale serait forte de 19 000 hommes dont 6 000gendarmes.LesFARfourniraient60%deseffectifsetl’APR40%.Lechefd’État-Majordel’arméeseraitissudesFAR,celuidelagendarmeriedel’APRetlespostesdecommandementseraientattribuésàpartségales(50%-50%)auxdeuxparties.Une importantedémobilisationétaitdoncàprévoircar lesFARayant un effectif de 40000hommes, 40%d’entre eux allaient devoirêtre renvoyés dans leurs foyers. Pour les officiers, la démobilisation devaitatteindreles50%.

Pour nombre de membres des FAR, ces accords étaient scan-daleusementfavorablesauFPRpuisquel’arméenationalesevoyaitmisesurlemêmepiedque celle des agresseurs, qu’ils allaient devoir changer d’uniforme,abandonner leurs insignes régimentaires et leur système de grades afin deprocéderàlafusionentrelesdeuxarmées.

En dépit de tout cela, le 9 juin 1993, le protocole d’accord relatif àl’intégrationdel’arméegouvernementale(ForcesarméesrwandaisesouFAR)etdesforcesrebelles(Arméepatriotiquerwandaise)futsignéàArusha,puisleprotocoled’accordréglantlesquestionsdiversesetlesdispositionsfinaleslefutle3août1993.

Au lieu de pacifier le pays, les accords d’Arusha cristallisèrent les haines.Commeilsétaient très favorablesauFPR, lesnégociateursdeKigali furenteneffet accusés par les partisans du président Habyarimana de s’être comportéscommes’ilsn’avaientétéqu’unedélégationdel’oppositionàcedernier,etnonlesreprésentantsdetouteslescomposantespolitiquesdupays.

Le monde politique rwandais était en effet composé de trois grandesfamilles,àsavoirla«mouvanceprésidentielle»,l’oppositionhutuetleFPR.Or,lesnégociationsd’Arushanesefirentenréalitéqu’entredeuxdecesforces,leFPR et l’opposition hutu. Depuis le mois d’avril 1992, c’était en effetl’opposition hutu qui était à la tête du gouvernement de coalition puisque lePremier ministre était MDR ainsi que le ministre des Affaires étrangèresBonifaceNgulinzira,quidirigea ladélégation rwandaiseàArusha.Defacto la

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mouvanceprésidentiellefutécartéedelanégociationpuisque,etcelaquasimentàaucunmoment,lesoptionsduMRND(D)quicomposaitl’aileprésidentielledugouvernementdecoalitionnefurentprisesencompte.

PrésentàArushadu2décembreau26décembre1992,du16marsau25juin1993 et du 1er juillet au 25 juillet 1993 en tant « qu’expert militaire à ladispositionduchefdeladélégationgouvernementalepournégocierleprotocolesur l’intégration des forces armées des deux parties », le colonel Bagosora a,devant le TPIR, bien mis en évidence ce point en ce qui concerne l’aspectmilitairedelanégociation:

« (…)àArusha,ques’est-ilpassé?Legouvernementavaitdonnéà ladélégation unemarge demanœuvre et qu’ils ne devaient pas dépasser33%danslecadredesproportionsàaccorderauFPR.Encemoment-là,lechefdeladélégation,MonsieurBonifaceNgulinzira(MDR),ilaprisl’initiativededépasser les limitesdenégociationsque legouvernementavait fixées– les33%–, et c’est àpartirdecemoment-là» (qu’aétédénoncé) « le chef de la délégation gouvernementale (accusé) d’avoiroutrepassé les limites fixées par le gouvernement ». (Ce qui nous a)«révoltés»(c’estque)«notrechefdedélégationaproposéauFPRdesproportionsquemêmeleFPRn’avaitpasencoredemandées(…)Etnousavons pensé qu’(il) était et agissait en complicité avec l’autre partie ».(TPIR-98-41-T,Bagosora,1ernovembre2005,p.9-11).

Durant tout lemoisd’août1993 la tensionnecessaensuitedecroîtreavecunereprisedesassassinatsd’opposantshutuetdeTutsi.Le21octobre1993,leprésident hutu du Burundi fut assassiné par des militaires tutsi et le paysreplongea dans l’horreur et les massacres. Au Rwanda, les évènements duBurundiaccentuèrentencoredavantagelaradicalisationd’unepartiedelaclassepolitiquehutu.Aprèsl’offensivemilitaireduFPRdumoisdefévrierprécédentetlasignatureduprotocoled’intégration-fusiondesFARetdel’APR,cequisepassait au Burundi constitua un troisième traumatisme. Ceux des Hutu quivoulaient sincèrement partager le pouvoir avec le FPR furent alors sommésd’ouvrir les yeux. S’ils ne le faisaient pas, c’est qu’ils étaient « vendus » auxTutsietqu’ilsétaientdoncdes«traîtres».

CetteradicalisationfitquetouslespartisdevantcomposerleGTBE,sauflePSDéclatèrententreunetendancefarouchementopposée,nonàlaparticipationdes Tutsi au pouvoir, mais au partage du pouvoir avec eux à des conditionsjugéesexorbitantes,etuneautrequiluiétaitfavorable.

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Après leMDR en juillet (voir page 93 et suivantes), le PL (Parti libéral),éclataàsontourle13novembre1993.Seulpartivéritablementpluriethnique,leclivage y était encore plus net qu’auMDR. Les Tutsi conduits par LandoaldNdasingwaavaientréussiàyprendrelecontrôledel’appareildupartienplaçantquatre d’entre eux au comité exécutif et en en faisant désigner un cinquièmepourlepostedevice-présidentdel’Assembléenationaledetransitionqui,selonlesaccordsd’Arushadevait revenirauPL.SelonJustinMugenzi, co-présidenthutuduparti,lePLéclataparcequeleFPRvoulutenprendrelecontrôleafindepouvoirendésignerlesmembresauseindesinstitutionsdetransition9.

Lesaccordsd’ArushanepurentdoncêtreappliquéscarleproblèmefutalorsdesavoirquellesfractionsdespartisMDRetPLallaientdésignerlesdéputésàl’ANTetlesministresauGTBE.

Cette question entraîna d’incessantes querelles et de multiples reports duprocessusdetransition.Commechaquetendancevoulaitimposersescandidats,ilfuteneffetimpossiblededésignerlesministresduGTBEpuisqu’iln’yavaitaucun moyen de savoir quelles étaient les fractions dépositaires de la«légitimité»dechaqueparti.Ainsi,auxtermesdesaccordsd’Arusha,leMDRdevaitdésignerlePremierministre,maislecourantmajoritairedupartirefusaitquecepostesoitoccupéparFaustinTwagiramunguquiappartenaitaucourantminoritaire pro-FPR (voir pages 94 et suivantes), et ils exigèrent que le futurPremierministresoitchoisiparmieux.L’impassefutdonctotale.

La fragilité, pour ne pas dire le caractère totalement artificiel des accordsd’Arushaapparutalorsaugrandjour,leplusgraveétantquelesprotagonistessetrouvaientprisonniersd’euxalorsqu’ilsétaienttotalementdécalésparrapportàlaréalitérwandaise.

LamiseenplaceduGTBE(Gouvernementdetransitionàbaseélargie)futdoncbloquéeet levide institutionnel total car,depuis la signaturedesaccordsd’Arusha,legouvernementd’AgatheUwilingiyimanaquiavaitsuccédéàceluideDismasNsengiraremyele17juillet1993n’étaitplusenfonction10.

Le5janvier1994aumatin,leprésidentHabyarimanaprêtasermentcommechefdel’ÉtatdevantlaCourconstitutionnelle.Ilfutd’ailleurslaseuleautoritéinvestieenapplicationdesaccordsd’Arusha.

Le21février,FélicienGatabazi,secrétaireexécutifduPSDfutassassinéetce meurtre fut immédiatement attribué aux « escadrons de la mort » réputésavoir été créés par les « extrémistes hutu » aux « ordres » du présidentHabyarimana. Aujourd’hui, nous savons qu’il fut assassiné par le FPR(Guichaona,2005:104-107).L’explosionfutimmédiatedansleSud,àButare,

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d’oùGatabazi était originaire; et le 22 février,MartinBucyana président d’unmouvement hutu ultra, qui se trouvait par hasard dans la ville, y fut lynché àmortavecsonchauffeur.

Le23févrierfutlanouvelledateretenuepourl’installationduGTBEetdel’ANT, mais ce jour-là (ainsi que le 24 février), Kigali connut de véritablescombatsderue.Lebilanfut lourd:35mortsetplusieurscentainesdeblessés.Lesystèmedetransitionsetrouvaitdonctotalementparalysé.

Lors d’une conférence de presse tenue le même jour, le présidentHabyarimanarésumad’unephrasel’impasseconstitutionnelleetpolitiquedanslaquellesetrouvaitsonpays:

«NousavonsdeuxPremiersministres,unpourungouvernementquinefonctionneplus (AgatheUwilingiyimana,notrenote) et l’autre pour ungouvernement qui n’a pas encore réussi à se former (FaustinTwagiramunguduGTBE,notrenote)».

En effet, le gouvernement d’Agathe Uwilingiyimana avait comme nousl’avonsdit,cesséd’existerdujourdelasignaturedesaccordsd’Arushalesquelsouvraient immédiatement la période de transition. Quant au nouveaugouvernement dont le Premier ministre était Faustin Twagiramungu, lui aussimembreduMDR,iln’étaitqu’enpartieconstituépuisqueseulslesmembresduMRND(D)etduPSDavaientéténommés, leMDRet lePLsedébattantdansd’insolublesscissions.

Desoncôté,leFPRavaitperdul’initiativecariln’avaitpluslecontrôleduprocessus de transition devantmener aux élections au suffrage universel qu’ilétaitcertaindeperdre.Ilnedisposaiteneffetplusdebasespolitiquesauseindelapopulationrwandaise,àl’exceptiondelafractiontutsiduPLetdel’ailetrèsminoritaired’AgatheUwilingiyimana-FaustinTwagiramunguduMDR.

Sa seule force était alorsmilitaire,mais il lui fallait cependantunprétextesérieuxpour reprendre les hostilités.L’assassinat duprésidentHabyarimana lelui fournit après qu’une campagne intense de diabolisation lui eut permis demettre ce dernier en accusation sur la scène internationale (voir le chapitresuivant).Àpartirdecemoment,leFPRjustifialareprisedelaguerreenmettantenavantlesargumentssuivants:

1.Les«extrémisteshutu»ontassassinéleprésidentHabyarimanaparcequ’ilasignélesaccordsd’Arushaqu’ilsjugeaienttropfavorablesauFPR.

2.Cesmêmes«extrémisteshutu»ontfaituncoupd’Étatdanslanuitdu6au

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7 avril afin de constituer leGouvernement intérimaire rwandais, outil leurpermettant de réaliser le génocide des Tutsi qu’ils préparaient depuis desmois.

3. Dans ces conditions, et compte tenu de la passivité de la MINUAR, lesforcesduFPRfurentcontraintesdereprendreleshostilitésafindeprotégerlapopulationetdébarrasserlepaysdesgénocidaires.

1.PourtoutcequiconcerneleFPR,onsereporteraàPrunier(1992et1993).2. Au sud de l’Ouganda, le Bufumbira est historiquement une provincerwandaisequifutrattachéeà l’Ougandapar lesaccordsdeBruxellessignésaumoisdemai1910parl’AllemagneetlaGrande-Bretagne(carten°1).3.SelonPrunier ilsétaientalors3000sur les14000combattantsde laNRA,soit20%deseffectifs.4.Au sujet desRwandais occupant des postes de responsabilité dans laNRAougandaise, on se reportera àRuzibiza (2005, p. 95 et suivantes).À la fin del’année 1989, Fred Rwigema et Paul Kagamé abandonnèrent leurs fonctionsofficiellesauseindel’appareild’Étatougandais.5. Leur nombre était approximativement évalué entre 600 000 et 700 000(Prunier,1997:83).SelonleHCRde1959à1962ilyauraiteuentre130000et150000réfugiésdont60000auNord-Kivu,35000enOuganda,entre35000et42000auBurundi.6. Pour tous les détails concernant les opérations militaires françaises auRwanda,onsereporteraàLugan(2005)et(2007).7. Les représentants de la France et des États-Unis participèrent aux séancesd’ouvertureetdeclôture.Le8juin,untextecommunfutsignéparM.BonifaceNgulinzira, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération dugouvernement rwandais (membre duMDR, donc de l’opposition au présidentHabyarimana),etparM.PasteurBizimungupourleFPR.8.Laguerreétaitdeplusunegrandedévoreused’hommes.Dumoisd’octobre1990au3avril1993,dateducessez-le-feud’Arusha,lespertesdesFARfurentainside10000hommes(Rusatira,2005:144).9.LettredeJustinMugenziàBernardLugan,20novembre2006.10.Le15avril1993, leGouvernementdecoalitiondeDismasNsengiyaremyeétantarrivéà son terme, lespartisaupouvoirdécidèrentd’uncommunaccordqu’ilresteraitenplacepourtroismoissupplémentairesafinquelesdiscussionsd’Arusha puissent être achevées. À ce nouveau terme, le bureau politique duMDRproposaquecegouvernementsoitunenouvellefoisreconduit.Maisle17juillet 1993, sur proposition de Faustin Twagiramungu, le président

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Habyarimana nomma un nouveau Premier ministre en la personne d’AgatheUwilingiyimana (MDR), ministre de l’Education nationale dans le précédentgouvernement.

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L

CHAPITREV

QUIÉTAIENTLES«HUTUMODÉRÉS»?

e7avril,plusieursresponsableshutuopposésauprésidentHabyarimanafurentassassinés.Parmieux, JosephKavaruganda,présidentde laCour

de cassation, Frédéric Nzamurambaho, ministre de l’Agriculture, FaustinRucogoza,ministrede l’Information,FidèleNgango,vice-présidentduPSDetAgathe Uwilingiyimana, ancien Premier ministre. Tous appartenaient àl’oppositionhutualliéeauFPR.Ilsétaientceuxquelesjournalistesdésignèrentsous le nom de « Hutu modérés », faisant ainsi l’impasse sur les fracturesinternesaumondepolitiquehutu.

Ayant,pourleTPIR,rédigédeuxrapportsdanslesaffairesJérôme-ClémentBicamumpaka (TPIR-99-50-T)1 et Édouard Karemera (TPIR-98-44-T)2,respectivement ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre del’IntérieurduGouvernementintérimairerwandais, j’ai longuementtravaillésurlaquestiondespartispolitiqueshutuetsurleursdivisions,cequimepermetdedire que la « catégorie » ethno-politique des « Hutu modérés » n’a nonseulementjamaisexisté,mais,deplus,neveutriendire.

LANOTIONDE«HUTUMODÉRÉ»,CETTESUPERCHERIE.

«LeFPRvoulaitmonopoliserungénocide.Orlesmortshutunepeuventêtreoccultés.Pourcelaonainventédetoutepiècelaformule«lesTutsiet…lesHutu modérés ». Mais qui sont ces « Hutu modérés ? » Sont-ils ceux quiavaientchoiside«collaborer»avecleFPR?EtlescentainesdemilliersduHutumassacrésdanslescollinesetlesvillesparleFPR,qu’ontilsàvoiravec

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cettenotionde«Hutumodérés»?Étaient-ilsdesHutu«modérémenthutu»oupasvraimentHutu?Etlesautres,seraient-ilslesvéritablesHutu,doncdesgénocidaires?Ainsia-t-ondiabolisétoutunpeuple,àl’exceptiondequelquesrares«Hutumodérés»!…»(Desouter,2007:10).

LaconquêtedupouvoirparlesHutuentre1959et1961masquaenréalitédeprofondes oppositions, de véritables fractures internes au monde hutu. À lacassure«raciale»TutsiHutu,sesurajoutaainsil’oppositiongéographiqueentreHutuduNord(lesBakiga)etHutuduSud(ouBanyenduga).

À la veille de l’indépendance, deux principaux partis rassemblaient lesHutu : l’Aprosoma (Association pour la promotion sociale de la masse) et leParmehutu(Partidumouvementdel’émancipationhutu).L’Aprosomaétaituneémanationde la régiondeButare,dans le sudduRwanda.LeParmehutuétaitquant à lui clairement enraciné à Gitarama, au centre du pays, mais il avaitnéanmoinsunereprésentationnationale,notammentdansleNord.

De1962 à 1972, la vie politique rwandaise fut totalement contrôléepar leParmehutu.En1972,leprésidentKayibanda,originairedeGitarama,s’apprêtaàbriguer un quatrième mandat, ce qui indisposa les Hutu nordistes quiconsidéraientquelestempsdel’alternancerégionaleétaientvenus.

Àlafindel’année1972lerégimedeGrégoireKayibandaquisetrouvadansune position intenable eut recours au bouc émissaire tutsi. Afin de tenter dereconstituer l’unité des Hutu autour du Parmehutu, les responsables rwandaislancèrentalorsunevéritable«chasseauxTutsi»quidébutadurantlapremièresemainedumoisdefévrier1973.L’onparlaàl’époquede«déguerpissements».Deslistesd’employés,defonctionnaires,decadrestutsifurentplacardées.Ellessignifiaientlelicenciementimmédiat.Cespersécutionsprovoquèrentunnombredifficileàdéterminerdemorts,pasplusqu’iln’estpossiblededonnerunchiffresérieuxdunombred’exilésquipartirentrejoindreceuxdesTutsiquiavaientdéjàpris lescheminsde l’exilaumomentdesévènements liésà l’indépendanceduRwandaentre1959et1961.

Un coup d’État eut lieu le 5 juillet 1973. Les putschistes étaientessentiellement des officiers nordistes dirigés par le général JuvénalHabyarimana.

Ce coup d’État fut généralement accueilli avec soulagement car le généralHabyarimana parlait de restauration de l’unité nationale, de répudiation durégionalisme et de l’ethnisme, de retour à la morale publique, etc. Dans unpremier temps il se présenta presque comme le successeur naturel des « pèresfondateurs » de la IreRépublique, qualifiantmême le coupd’État du5 juillet

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1973 d’« héritier dumouvement de 1959 ». Selon ses premières déclarations,son but était uniquement de restaurer l’esprit de la révolution voulue par les« grands ancêtres » du Parmehutu, mais en supprimant le régionalisme et lenépotisme.

Au bout de quelquesmois, son pouvoir étant assuré, il rompit avec la IreRépubliqueàl’occasiond’unprocèsdevantunecourmartialequijugeal’ancienprésidentKayibandaetlesdignitairesdesonrégime.Huitpeinesdemortetdesdizaines de peines de prison furent alors prononcées. Le régime de Gitaramaétaitrayédelacartepolitique,maispasleshainesqui,commenousleverronsplus loin, allaient se réveiller à partir de 1991 lors de l’instauration dumultipartisme.

Durant lapériodeHabyarimana, lespersécutionscontre lesTutsicessèrent.SelonJamesGasana,ancienministredelaDéfensedugénéralHabyarimana,lesélitestutsidemeuréesauRwandafurentmêmefavoriséesauxdépensdesHutusudistes puisque, par le jeu des quotas ethniques et régionaux, c’est sur le«contingent»depostesadministratifsréservésauSudquefurentprélevésceuxquileurfurentattribués.Ainsiils:

«(…)ontpartagélaportiondel’espacesocial,économique,cultureletpolitiquedontleSudétaitprivé(…)Enmatièred’allocationsdepostesadministratifs, leurs quotas étaient à peu près respectés, et déduits desquotasrevenantauSud.»(Gasana,2002:39).

En 1975 fut créé le MRND (Mouvement révolutionnaire national pour ledéveloppement), puis l’Assemblée nationale devint Conseil national pour ledéveloppement(CND).

Aveclecoupd’ÉtatdugénéralHabyarimana,unenouvellefactionrégionaleétaitdoncarrivéeaupouvoir.Elleétaitévidemmenthutu,maisd’abordnordiste.LecentredegravitédupouvoiravaitbasculéverslesrégionsdeRuhengerietdeGisenyi,plus exactementvers leshautes terresdunordde la crêteCongo-Nil,régiond’originedugénéralHabyarimana.

Lors des élections présidentielles de 1983 et de 1988, le généralHabyarimanaobtintplusde99%desvoixmaisleclimatpolitiquesedétériorait.Les premières purges avaient eu lieu en 1980 avec l’arrestation du majorThéonesteLizinde, lechefdesredoutésservicesdesûreté.En1981, lecolonelAlexisKanyarengweoriginaire deRuhengeri et jusque-là considéré comme lenuméro2durégime,s’étaitenfuienTanzanieavantderejoindreultérieurementleFPR.

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Nousavonsvuplushaut,quele1eroctobre1990,leFPRlançauneoffensivemilitaire depuis l’Ouganda. Or, cette attaque fut directement à l’origine ducomplexe et drama-tique engrenage qui provoqua le génocide de 1994 car laplaie ethnique qui avait été cicatrisée durant une quinzaine d’années futbrutalementrouverte.PournombredeHutu,lesassaillantsdu1eroctobreétaienten effet considérés comme la branche armée de la diaspora tutsi. Dans lecontexted’exacerbationdeshainesethniquesquiréapparutalors,desreprésaillesseproduisirentcontrelesTutsidel’intérieurconsidéréscommeune«cinquièmecolonne»duFPR.Descentainesd’entreeuxfurentalorsmassacrés.

LadémocratisationdurégimeayantétéimposéeparlaFranceenéchangedesonaidemilitaire(commenousl’avonsvuplushaut),plusieurspartispolitiquesd’oppositionapparurent.

Lepremierd’entreeux,leMDR(Mouvementdémocratiquerépublicain)futfondé en 1991 pour en finir avec « le régime dictatorial » et pour établir ladémocratie. Lors du premier Congrès national au mois de septembre 1992,FaustinTwagiramungufutéluà laPrésidenceduMDR.Luiquin’avait jamaiscachéqu’ilétaitpartisand’uneallianceavecleFPRpourrenverserleprésidentHabyarimana3, futéluà la têted’unpartiquinevoulaitpasd’une telleoptionpuisque,surles33membresduComiténational,seulstroisavaientsoutenucetteligne4.

ÀButare, aumoisd’avril1991,unautrepartid’oppositionnaquit, lePSD(Parti social démocrate), qui attira enseignants, intellectuels et membres desprofessions libérales. Les fondateurs du PSD cherchaient à se démarquer del’héritageAprosomaenrépudiantlesréférencesethniques5.

Aumoisd’avril1991également,untroisièmepartid’opposition,maissansbase territoriale,à ladifférencedesdeuxprécédents, fut fondésous lenomdePartilibéral(PL)pardeshommesd’affairesetdesintellectuels,souventtutsioumétis de Tutsi et de Hutu. Les statuts du Parti libéral (PL) refusaient touteréférence ethnique, prônaient l’unité de la société rwandaise, la « libreentreprise»etl’«initiativeprivée»(JOdu15août1991,p.1082-1101).Mais,dèsledébut,lepartiapparutcommebicéphale,tantaupointdevueethniquequepolitique, ses deux principaux dirigeants étant en effet Landoald Ndasingwa,Tutsi,etJustinMugenzi,Hutu.

Un quatrième parti naquit au même moment, le Parti démocrate chrétien(PDC)quineparvintpasàtrouverunespacepolitiqueautonomeetquivégétaaprèsavoirétéuntemps«satellisé»parleprésidentHabyarimana.

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Quant auMRND, le parti présidentiel, il se réforma afin de s’adapter aumultipartisme. À la fin du mois d’avril 1991, il tint ainsi un congrèsextraordinairedanslequelilmodifiasesstatuts.Le5juilletilchangeadenom,devenant le MRND(D) (Mouvement révolutionnaire national pour ledéveloppementetladémocratie).

Au mois de mars 1992 naquit la CDR (Coalition pour la défense de laRépublique),mouvementhutudirigéparJean-BoscoBarayagwizaetparMartinBucyana. Son but était de dépasser le régionalisme au profit d’un véritablenationalisme hutu. Pour les fondateurs de la CDR, le MRND apparaissait eneffetassociéà lapréfecturedeGisenyietdansunemoindremesureàcelledeRuhengeri,tandisquel’oppositionhutul’étaitàcellesduSud.

Le31juillet1991,lesquatreprincipauxpartisd’oppositionàsavoirleMDR,le PSD, le PDC et le PL constituèrent un « comité de concertation des partispolitiques démocratiques (CCPPD) ». Le 13 septembre, le CCPPD exigea laconstitutiond’ungouvernementd’unionnationalerespectantl’équilibreentrelespartispolitiquesetdontlePremierministreseraitnomméparlui.

Le président Habyarimana accepta les exigences du CCPPD et ungouvernementdecoalitionfutconstituéle2avril1992.Le3avril,leprésidentHabyarimana nommaDismas Nsengiyaremye Premier ministre désigné par leMDR. La composition de ce gouvernement était paritaire, puisqu’il étaitcomposépourmoitiédeministresMRND(D)etpourmoitiédeministres issusdes quatre grands partis d’opposition. Outre le poste de Premier ministre, leMDRobtinttroismaroquins.LeMRND(D)sevitattribuerneufministèresdontceuxdelaDéfenseetdel’Intérieur,lePSDetlePLtroischacunetlePDCun.Nereposantpassurdesélections,cegouvernementétaitdoncdedésignationetsareprésentativitéétaitparconséquentsujetteàcautionainsid’ailleursquesesrapports de force internes, ce qui provoqua des frictions expliquant lesévènementsultérieurs.

Nousavonsvuplushautque le24mai,àKampala,unpremiercontact futétabli entre legouvernementdecoalitionet leFPR.Puis,du29maiau3 juin1992, à Bruxelles, les partis d’opposition participant au gouvernement decoalition rencontrèrent une délégation du FPR. À l’issue des discussions uncommuniqué conjoint fut publié. Selon James Gasana, le processus qui allaitconduireà la«catastrophede1994»débutaalorscardespoliticienshutudespartis d’opposition avaient décidé d’utiliser le FPR contre le présidentHabyarimana:

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«Certainssontconvaincusqu’ilsontdéjàgagnéauplanpolitique,maisqu’ilsavaientbesoind’uneactionmilitaireduFPRpouratteindrel’étapedeformalisationdelavictoire.Commeilsn’ontpasd’arméepropre,ilsont besoin d’un dopage par le Front, pensant que lors de la victoire,celui-ci n’ayant pas de base politique propre, n’aura de choix quel’utilisationdeleursres-sourcespolitiques.»(Gasana,2002:112).

Faustin Twagiramungu fut largement responsable de cette manœuvre quidonnauneaccélérationauprocessusdedécom-positionpolitique.

Revenons en effet sur la rencontre de Bruxelles. Il est clair que FaustinTwagiramunguyoutrepassalemandatqueleMDRavaitdonnéàsadélégation.Cette réunion organisée à l’initiative de personnalités belges avait en effetuniquementpourbutdecréerlesconditionsminimalesnécessairesàl’ouverturede futuresnégociationsdepaix.LeBureaupolitiqueduMDRydéléguadeuxmembresdesonComitédirecteurprovisoire,àsavoirFaustinTwagiramunguetThaddée Bagaragaza. Le PSD était représenté par Théoneste Gafaranga etThomasKabeja,lePartilibéralparJustinMugenzietVénantieKabageni.QuantauFPR,sadélégationétaitcomposéedecinqresponsables,deuxHutuàsavoirAlexisKanyarengweetPasteurBizimungu, et troisTutsi, JacquesBihozagara,PatrickMazimpakaetTitoRutaremara.

Le Bureau politique du MDR avait fait quatre recommandations à sesdélégués:

–SecontenterdetracerdesouverturesavecleFPRdemanièreàfaciliter lesnégociationsquiallaientsuivreaveclegouvernementrwandais.

– Demander au FPR de respecter scrupuleusement l’accord de cessez-le-feusignéantérieurement.

–IndiquerauFPRqueladémocratisationn’étaitpasnégociable

–Neriensignerdecommunàlafindecetterencontrecar,unetellesignaturedevait être réservée au gouvernement rwandais qui allait entamer desnégociationsdirectesavecleFPR.

Or,ladélégationMDRoutrepassacesrecommandationsens’associantaveclePLetlePSDpoursigneruncommuniquéconjointdanslequellessignatairesprirent des engagements de nature politique qui ne regardaient que legouvernement rwandais auquel le MDR, le PSD et le PL participaient. Lesdélégués de ces trois partis tombèrent donc dans le piège tendu par le FPR,lequel cherchait à diviser l’opposition hutu en attirant à lui une partie de sa

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composante.Le 5 juin, soit deux jours à peine après la signature du « Communiqué

conjointentrelesForcesdémocratiquespourlechangement(MDR,PSD,PL)etle Front patriotique rwandais », ne respectant aucun engagement et violant saparole, ce dernier décida de radicaliser la situation en lançant une puissanteoffensivemilitaire avantmêmeque les délégués des trois partis signataires du«Communiquéconjoint»n’aientquittéBruxellespourrentrerauRwanda!

Enlançantdeuxoffensives,l’uneaumoisdejuin1992etl’autreaumoisdefévrier1993,leFPRmittoutsonpoidsdanslabalanceafindechangerladonneduprocessusdémocratique.

Le séisme provoqué par ces opérations militaires fut immense et leMRND(D)ainsiquelaCDReurentalorsbeaujeudedénoncerl’oppositionquiavait«trahi»lorsdelarencontredeBruxellesetdel’accuserd’êtrecomplicedu FPR. Le MRND(D) parla alors de la nécessaire unité des Hutu face àl’« invasion tutsi», leFPRayant jeté lemasque,montrantqu’iln’étaitpasunparti démocratique demandant le retour des exilés et une participation aupouvoir, mais un mouvement armé qui voulait conquérir militairement leRwanda.

LeMDR,futàpartirdecemomentparcourupardescourantscontradictoiresdans lesquelsAlisonDesForgesvitune« scission» (TPIR-99-50-T,mercredi1erjuin,p.53).

Enréalité,leMDRfuttraversépartroiscourants:

1. Le premier rassemblait ceux qui, par patriotisme, commençaient à serapprocherduprésidentHabyarimana,même s’ils le détestaient, et auquel,nécessité faisant loi, ils s’allieront au besoin au nom de la défense de lanation.

2. Le second était incarné par Faustin Twagiramungu et AgatheUwilingiyimana qui avaient choisi l’alliance avec le FPR pour détruire lerégimeHabyarimana.

3. Une troisième tendance, représentée celle-là par Emmanuel Gapyisi6,refusaittouteallianceavecleMRND(D)ouleFPR.Enmars1993celeaderhutu originaire deGikongoro fonda àKigali le Forum paix et démocratie,dontlebutétaitdesortirdesquerellesinternesàl’oppositionpourallerversla réconciliationnationale, cequi passait par« la find’un régimeet la find’uneguerre» (PaixetDémocratie, n°1,mars1993).EmmanuelGapyisi,

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qui considérait que son parti pouvait exister sans s’allier au FPR ou auMRND(D),futl’objetdeviolentesattaqueslancéesparleFPRpourlequelilfallaitchoisirentreleprésidentHabyarimanaetlui,etquil’accusademenerundoublejeu.LeForumpaixetdémocratiefutainsidésignécommeunalliédurégimeHabyarimanaparlapressepro-FPRquidéclenchaunecampagned’une grande virulence contre lui7. Emmanuel Gapyisi fut assassiné le 18mai1993parleFPR.

Le 16 avril 1993, le gouvernement de coalition dirigé par DismasNsengiyaremye étant arrivé au terme des 12mois prévus par sonmandat, lespartis au pouvoir décidèrent d’un commun accord de signer un protocoleadditionnelluipermettantderesterenplacepourtroismoissupplémentairesafinquelesdiscussionsd’Arushapuissentêtreachevées.

Le 16 juin 1993, au terme de ce délai additionnel, le bureau politique duMDRproposaquecegouvernementsoitunenouvellefoisreconduit.

Le14juillet1993,leprésidentHabyarimanaconvoqualesresponsablesdespartis gouvernementaux (MRND, MDR, PSD, PL, PDC). Le MDR futreprésenté à cette réunion par les quatre membres de son comité directeur, àsavoir:FaustinTwagiramunguprésident,DismasNsengiyaremyepremiervice-président, Froduald Karamira deuxième vice-président et Donat Muregosecrétaireexécutif.LeprésidentdelaRépubliquevoulutqueleMDRdésigneunautre Premierministre. Lesmembres duMDR, n’étant pasmandatés pour cesujet,demandèrentunreportdelaréunionafindepouvoirconsulterlesinstancesdirigeantesdeleurparti.Ilsobtinrentgaindecauseetlaréunionfutrenvoyéeau16juillet.

Le15juilletlebureaupolitiqueduMDRdécidalareconductiondeDismasNsengiyaremye à la tête du gouvernement de coalition et cela jusqu’à lasignaturedesaccordsdepaixd’Arusha.

Le16juilleteutdonclieuunenouvelleréuniondespartisgouvernementauxdurant laquelle la décision duMDRdemaintenirDismasNsengiyaremye à latête du gouvernement de transition fut refusée par le président Habyarimana.FaustinTwagiramungusedésolidarisaalorsdesonparti,leMDR,enproposantunilatéralement Agathe Uwilingiyimana, ministre de l’Éducation nationale dugouvernement de coalition et membre du bureau politique du MDR commenouveauPremierministreenremplacementdeDismasNsengiyaremye.

Le17juillet,leBureaupolitiqueduMDRsuspenditFaustinTwagiramungude la présidence du parti, annonça que le MDR ne participera pas augouvernementUwilingiyimanaetquetoutmembredupartiquiyentreraitserait

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exclu8.Le Bureau politique du MDR ne pouvait pas ne pas réagir aux actes

d’indiscipline de son président. Aussi, le 17 juillet 1993 condamna-t-ilsolennellementFaustinTwagiramunguavantdelesuspendredelaprésidenceduparti.Quant àAgatheUwilingiyimana, elle fut suspendue de ses fonctions deprésidente du MDR en préfecture de Butare. Durant la même réunion, uncongrèsextraordinairefutconvoquépourles23et24juillet.

AGATHEUWILINGIYIMANAETFAUSTINTWAGIRAMUNGUFONTLEJEUDUFPR

Le18juillet,legouvernementAgatheUwilingiyimanaentraenfonctionsetilparvintenmoinsd’unesemaineàréglertouslesproblèmesensuspensavecleFPR, ce qui permit d’aboutir à la signature des accords d’Arusha. CettenégociationquifitlapartbelleauxdemandesduFPRfutmenée,ducôtédugouvernement rwandais par Anastase Gasana9 du MDR mais membreclandestinduFPR.

Le21juillet,FaustinTwagiramunguquivenaitpourtantd’êtresuspendudelaprésidenceduMDRs’auto-proclamafuturPremierministreduGTBE10etle23juillet,lorsdeladernièrephasedesnégociations,avecl’appuiduFPR,sonnom fut inscrit dans le texte même des accords d’Arusha, rendant ainsiirréversiblesanomination…

Aveccetourdepasse-passeleFPRetsesalliésallaientdoncpouvoirprendrela direction du GTBE afin d’évincer le président Habyarimana et pourpréparer«aumieux»lesélectionsquidevaientmettreuntermeauprocessusdetransition.

AfindepermettreauFPRdedisposerd’unmaximumdesiègesà l’ANT, lePremierministreAgatheUwilingiyimanaprit ensuite lepartide la tendanceNdasingwaduPartilibéral,doncduFPR.

Pourmémoire,chaquepartipolitiquedevanttransmettrelalistedesesdéputésdésignés à l’ANT, chacun des deux PL lui fit parvenir une liste de onzedéputés.ElletransmitbienlesdeuxlistesauprésidentHabyarimana,maisle27décembre,lorsdelaréuniondespartispolitiquesdirigéeparcedernier,ilfutdécidéqueseuleétaithabilitéeàdonneruneliste,ladirectionreconnuedespartis.AgatheUwilingiyimanadécidaalorsquelalisteofficielleduPLétaitlalisteNdasingwa;enconséquencedequoi,elleenvoyaalorsauprésidentdela

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Cour constitutionnelle, Joseph Kavaruganda, adversaire du présidentHabyarimana, cette seule liste qui reçut le sceau officiel de la Courconstitutionnelle. Agathe Uwilingiyimana affirma alors que la Courconstitutionnelleavaitavalisécette liste.LeFPRavaitainsigagné11siègesdedéputés….

Ce congrès qui se tint à Kabusunzu dans la banlieue de Kigali n’eut « àl’ordredujour:

« (qu’)un seulpoint : prendredesmesures fermescontre ceuxdont leBureau politique du parti MDR a découvert la trahison11 ». (CompterenduduCongrèsdeKabusunzu,TPIR-99-50-Tpièce61(f)KO271397-KO271422,folioKO271403).

CeCongrèsnationalétaitcomposéde298membresetle23juilletilsfurent215 à siéger. Faustin Twagiramungu fut « définitivement révoqué » du partiMDRpar201voixsur215,93%descongressistesayantdoncexcluleurpropreprésidentcequi indiquebien la représentativitédesapropre tendance.FaustinRucogoza12, JeanMarieVianneyMponimpa13 etAnastaseGasana qui avaientenfreint les consignes du parti en entrant dans le gouvernement d’AgatheUwilingiyimana14furentexclusaveclesmêmespourcentages.Nousnesommesdoncpasenprésenced’unescission,maisd’uneclaireexclusion.

Agathe Uwilingiyimana eut alors une attitude singulière. Ayant assisté aucongrès, à la différence de Faustin Twagiramungu, elle démissionnaofficiellementdelaPrimature,serangeantdoncàladisciplineduparti.

Cependant,lanuitmême,c’est-à-diredanslanuitdu23au24juillet1993,FaustinTwagiramungu,JustinMugenzi15etplusieursmembresdediverspartisdelacoalitiongouvernementaleseretrouvèrentàsondomicileetilsréussirentàlui faire changer d’avis. Elle revint alors sur sa démission et le 24 juillet aumatin, dans un communiqué radiodiffusé, elle déclara, contre toutevraisemblance, qu’elle avait été séquestrée au congrès MDR et contrainte designersalettrededémission.

Ce revirement rocambolesque et mensonger fit que, toujours le 24 juillet,deuxièmejourducongrès,ellefutàsontourexclueduMDR.Làencore,iln’yeut pas scission mais bien exclusion16. Cet insolite comportement expliquelargementpourquoi,danslanuitdu6au7avril1994,lesmilitairesrepoussèrentla demande du général Dallaire de voir Agathe Uwilingiyimana succéder auprésidentHabyarimana(voirchapitreVII).

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Cela voulait-il dire que les cinq exclus étaient des « modérés » et quel’immensemajoritédupartiétaitcomposéed’«extrémistes»quiauraientrejointleMRNDoulecourantdit«power»pourpréparerlegénocide?C’estcequepense Alison Des Forges. Dans son rapport intituléLe génocide dans Kigali-ville, rédigépour le comptede l’Accusationdans l’affaireRenzaho (TPIR-97-31-I)etremisle1erjuin2001,elledécritainsilesévènementsquisecouèrentleMDR:

«LamajoritédesmembresduMDRse sont regroupésdanscequi futappelé leMDR-Power, tandisqued’autres restaientdans lecadrede lastructure initiale du parti, loyaux à son président FaustinTwagiramungu»(TPIR-97-31-I,LegénocidedansKigali-ville,A.DesForges,op.cité,p8,folioKO379833).

Ainsi donc, pour Alison Des Forges, point de Congrès de Kabusunzu nid’expulsiondeFaustinTwagiramunguparplusde90%descongressistes…PasdavantagededécisiondejusticequidonnaraisonàladirectionduMDRcontresonancienprésident…17

Endéfinitive,lesHutu«modérés»étaientdonclesHutuquis’étaientalliésauFPR,àl’imagedeceuxdesHutunordistesoriginairesdeRuhengeri,pourtantfiefprésidentiel,quisuivirentlecolonelAlexisKanyarengwe.Pourlesmédiasleralliementpurementopportunistedecedernierletransformadonc,ouplutôt le«transmuta»d’intransigeantdénonciateurdesTutsiqu’ilavaitétéjusque-là,en«Hutumodéré»…

Ouencoreàl’imagedeceuxqui,ayantbiencomprisqu’ilsn’avaientpaslesmoyens militaires de l’emporter sur le président Habyarimana, s’allièrent auFPR après avoir fait un simple calcul : une fois le clan présidentiel éliminé,l’ethno-mathématique allait leur permettre de remporter les élections quidevaient clôturer la transitionprévuepar les accordsd’Arusha.Ainsidonc, ilsauraient«tirélesmarronsdufeu»queleFPRauraitallumé…

Or, ce calcul se retourna contre eux car l’immense majorité des Hutuconsidérait qu’ils étaient des traîtres et c’est pourquoi ils furentsystématiquementassassinésaprèsl’attentatdu6avril1994,etcelaavantmêmeque le génocide des Tutsi eut commencé.De plus, comme le FPR n’était pasdupe,après laprisedepouvoirpar legénéralKagamé, ils furentmisà l’écart,certains étant même épurés et emprisonnés pour « complicité de génocide ».Quelques-uns,totalementinstrumentalisésjouèrentlerôlede«Hutuutiles»,àl’image de Pasteur Bizimungu, nommé président du Rwanda par le général

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Kagamé,avantd’êtredémissionnéen2000,puiscondamnéen2004à15ansdeprisonpour«divisionnismeethnique».QuantàFaustinTwagiramungu,aprèsavoir été nommé Premierministre par PaulKagamé, fonction qu’il exerça dejuillet1994àaoût1995,datedesadémission,ils’exilaenBelgique.

1.Le30septembre2011,aprèsdouzeannéesdedétentionethuit ansaprès ledébut de son procès, il fut acquitté par le TPIR et immédiatement remis enliberté.Ilétaitnotammentaccusé«d’ententeenvuedecommettrelegénocide».2.Ancienvice-présidentduMRND,le21décembre2011,ilfutcondamnéàlaprisonàviepour«n’avoirniprévenu,nicondamnélesexactionscommisespardes jeunes du MRND, les interahamwe, alors qu’il avait autorité sur eux ».Quantàl’ententeenvuedecommettrelegénocide,laCourl’aétablie,maispourlapériodedébutantaumoisdemai1994,soitunmoisaprèsle6avril1994,datedudébutdugénocide,cequirevientdoncàdireunefoisdeplus,qu’avantcettedatelegénociden’avaitpasétéprogrammé.3. Faustin Twagiramungu nourrissait une véritable haine envers le présidentHabyarimana auquel il reprochait d’avoir fait assassiner son beau-père, leprésidentGrégoireKayibanda,etde l’avoir lui-mêmefaitemprisonnerà la findesannées1980.4. Ce qui favorisa son élection fut que son principal challenger, EmmanuelGapyisi,luiaussigendredeGrégoireKayibanda,quisortaitd’ungraveaccidentdevoituredontiln’étaitpasencoreremisretirasacandidaturelepremierjourducongrès.5.LePSDavaitdesmembrestutsi.6.EmmanuelGapyisi,néen1952,étaitl’épouxdeBernadetteMukamana,filledeGrégoireKayibanda,présidentdelaRépubliquede1961à1973.7.«HommageàEmmanuelGapyisi»,PaixetDémocratie,n°001,mai1993,p.3-4.8.Décisions du Bureau politique duMDR suite à la nomination du nouveauPremierministreenlapersonnedeMadameAgatheUwilingiyimana.SignéparDonat Murego, secrétaire exécutif, Kigali, 17 juillet 1993, deux feuilletsdactylographiés.9.AnastaseGasana,professeuraucampusuniversitairedeNyakinamaétaitunmilitantduMRND.Verslemoisd’avril1992,ilquittaleMRNDpourrejoindreleMDRtoutenadhérantsecrètementauFPR,partiduquelsonépousetutsiétaitmembre.10.MDR,Cabinetduprésident,Kigali,le21juillet1993,N:004/IF/93.11.Danslecompte-rendu,lemot«trahison»revientplusieursfois.

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12.MembredusecrétariatduMDRdelapréfecturedeByumba,secrétairedelacommission Études et Programmes présidée par J. Bicamumpaka, iln’appartenaitàaucunorganedirigeantduparti.13. Jean-Marie Vianney Mbonimpa, directeur au ministère du Plan, avait étéplacésurpropositiondeFaustinTwagiramungucommedirecteurdecabinetdeDismasNsengiyaremye.14. Lors de ce congrès, le MDR désigna Jean Kambanda comme PremierministreduGTBE.15. JustinMugenzi fut appelé au téléphone par FaustinTwagiramungu qui luidemandadevenirlerejoindreaudomiciled’AgatheUwilingiyimana(TPIR-99-50-T,mardi8novembre2005,p.68).16. À la différence du MDR, le PL a connu une véritable scission car deuxhommes,deuxethniesetdeuxpolitiquess’opposèrentà l’intérieurduparti.LeHutu JustinMugenzi et leTutsiLandoaldNdasingwa, cederniermanoeuvrantpour prendre le contrôle de l’appareil du parti afin d’aligner ce dernier sur leFPR.17. FaustinTwagiramungu se tourna vers la justice en déposant deux plaintescontrelesdécisionsprisescontreluiparleBureaupolitiqueendatedu17juillet1993quilesuspendaità titreprovisoiredetoutessesfonctionsetcontrecellesprisespar leCongrèsnationalextraordinaireendatedu23 juillet1993etpourlesquelles il demandait l’annulation. Par jugement du Tribunal de premièreinstancedeKigaliendatedu29octobre1993ilfutdébouté.LeMDRavaitdonceugaindecause,l’exclusionayantétéconfirméeparlajustice.

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M.

CHAPITREVI

POURQUOILEPRÉSIDENTHABYARIMANAFUT-ILDIABOLISÉ?

Georges Martres, ambassadeur de France à Kigali, a écrit que leprésidentHabyarimanaafaitl’objetd’:

«(…)unecampagnedediffamationinternationaletellementperformantequ’elle en fait oublier l’utilité de rechercher les preuves sur lesquelleselle s’appuie. » (Martres, 11mars 1993, ETR, op. cité, 1998, T. II, p.217).

CettecampagnedediffamationtrèslargementrelayéeparlesagentsduFPRet leurs « correspondants » conscients ou inconscients dans les médiasinternationaux – notamment français et belges –, permit de diaboliser JuvénalHabyarimanaetdeprésenteraucontrairePaulKagamécommeundéfenseurdeslibertés et de la démocratie. Cette campagne reposa sur trois principalesaffirmations.

I.Unprésidentaccusédebloquerleprocessusd’Arusha

L’AccusationdevantleTPIRaclairementreprisàsoncomptel’argumentduFPR qui était que le président Habyarimana fut le responsable du blocageinstitutionnel ayant interdit la mise en application du processus de paixd’Arusha:

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« À partir de 1990, Habyarimana et plusieurs de ses plus prochescollaborateurs (…) s’opposent fortement à toute forme de partage dupouvoiretparticulièrementaupartageprévuparlesAccordsd’Arusha.»(TPIR,96-7-I,«LeProcureurduTribunalcontreThéonesteBagosora»,63pages,12août1999,opcité,p.5-6).

Cetteaffirmationesttotalementcontraireàlavérité.Nousavonseneffetvudans le chapitre IV qu’entre 1990 et 1994 le président Habyarimana avaitconstamment fait preuve de bonne volonté, cédant à toutes les pressionsdémocratiquesexercéesparlaFranceetparlacommunautéinternationale.

IlestnécessairederappelerquecefutalorsqueleFPRluiavaitdéclarélaguerre depuis l’Ouganda et alors qu’il subissait un conflit qui lui avait étéimposé,qu’ilinstauralemultipartisme:

–aumoisdejuin1991,ilfitadopterunenouvelleConstitutionouvrantlavoieaumultipartisme,

–enavril1992 ilpermit lacréationd’ungouvernementd’unionnationale, legouvernement de coalition, dans lequel l’opposition obtint la primature(Premierministre)etunecodirectiondesservicesderenseignement,

– finmaidébut juin1992 il acceptaque sonoppositionse rendeàBruxellespouryrencontrer leFPR;enretour,etnous l’avonségalementvu, ilsubitunepuissanteattaquemilitairedecemêmeFPR,

–malgrécetteattaque,le18août1992,ilsignalesprotocolesrelatifsàl’Étatdedroit,

– ilacceptaenfin lesaccordsd’Arushaqui faisaient lapartplusquebelleauFPR,lequeln’avaitaucuneautrelégitimitéquecelledesarmes.

De plus, à partir du mois de juillet 1993, avec l’éclatement du MDR, leprincipalpartihutud’opposition, le rapportde forcepolitiqueayantchangé, leprésidentHabyarimanaeut intérêtà jouer le jeudesaccordsd’Arushapuisque,lorsdesélectionsprévuesautermeduprocessusdetransition,levotemajoritairehutuallaitjouerensafaveur.

Ilétaitd’autantplus fondéà lecroirequ’aumoisdeseptembre1993,dansles huit communes de la zone démilitarisée, en préfecture de Byumba et deRuhengeri, eurent lieu des élections municipales sous contrôle international.Dansces régionsqueni lesFARni leMRND(D)necontrôlaientplus, leFPRexerçadefortespressions;or,iln’obtintque20%desvoixetpasunseuldeses

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candidatsne futélu,cependantque leMRND(D)obtenait11des12postesdebourgmestresetlaCDR118.Enréactionàcettecuisantedéfaiteélectorale,le17novembre 1993, le FPR assassina ces élus dans la plus totale passivité de laMINUAR, ce qui fut d’ailleurs vivement reproché au général Dallaire par leprésidentHabyarimanaainsiquel’arapportéM.BoohBooh(voirchapitreVIII).

Plus encore, le présidentHabyarimana ne resta pas cramponné au blocageinstitutionnelrésultantdel’éclatementdespartishutud’oppositionquiauraitpuleservirenluipermettantdegagnerdutemps.Aumoisdefévrier1994,iltentamême une ouverture en proposant une solution originale qui, si elle avait étésuivie,auraitrésolulacriseenpermettantlamiseenplaceimmédiatedel’ANT(Assembléenationaledetransition)etduGTBE(Gouvernementdetransitionàbaseélargie).

Le22février1994,à l’occasiond’uneréunionrassemblantà laPrésidencetouslespartispolitiques,leprésidentHabyarimanaproposaainsiquelesquotasde ministres et de députés attribués à chaque parti par les accords d’Arushasoientrépartisparmoitiéentrechaquefractiondespartisayantdepuisconnudesscissions.

LegénéralDallaireaécritàcesujetque:

« La proposition paraissait raisonnable, mais madame AgatheUwilingiyimana et les représentants du parti libéral l’ont repoussée demanièrecatégorique».(Dallaire,2003:255).

Ainsidonc,cefurent lesalliésduFPRcommeAgatheUwilingiyimana,oubien ses « sous-marins », comme l’aile Ndasingwa du PL qui torpillèrent ceprojet. C’est donc sur eux et non sur le présidentHabyarimana que repose laresponsabilitédesévènementsultérieurs.

L’éclatement du MDR et du PL eut pour résultat que la bipolarisationl’emportasur la tripolarisationprévuepar lesaccordsd’Arusha (MRND(D),oppositions hutu et FPR). La nouvelle situation politique fit alors ques’affrontèrentdeuxcoalitionsoublocspolitico-militairesagrégés l’unautourduFPR/APRetl’autreautourduMRND(D)/FAR.

Au début de l’année 1994, les « extrémistes » hutu n’avaient pas intérêt àbloquer lamiseenapplicationduprocessusd’ArushapuisqueleMDRavaitimplosé et, qu’in fine, la victoire électorale imposée par la mathématiqueethnique, l’ethno-mathématique, allait leur revenir. Il leur fallait simplement

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êtrepatients.

LeFPR,quiavaitperdulamainpolitique,avaitaucontrairetoutintérêtdansleblocagedelasituation.

Le25mars1994,l’ambassadedesÉtats-UnisàKigaliadressaausecrétaired’État à Washington une note relatant une visite faite par Mme PrudenceBushnell, N° 2 du Bureau Afrique du Département d’État, au présidentHabyarimana et aumajor Kagamé dans laquelle il est clairement écrit que leblocage du processus d’Arusha n’était pas le fait du président Habyarimana,maisbienduFPR(Références:Classificationaméricaine:Kigali0131601OF03251516Z).

M.BoohBoohconfirmacetteobstructionduFPRdansunedépêcheenvoyéeà M. Annan, le 25 mars 1994 et dans laquelle il écrivit que le présidentHabyarimana jouait le jeu tandis que le FPR bloquait le processus de paix.RelatantuneréuniondesambassadeursdesÉtats-Unis,deFranceetdeBelgique,ilécrivaitmême:

« The Ambassadors left the clear impression that they considered theRPF’sattitudeasobstructionist».(TPIR-98-412-TDNT178).

PourtenterdedébloquerlasituationetfaireévoluerleFPR,le28mars1994,soit neuf jours avant la date fatidique du 6 avril, une réunion se tint à laRésidencede l’ambassadeurdeFranceoù,autourdunonceapostolique,doyendu corps diploma-tique, se retrouvèrent les ambassadeurs de France, deBelgique, d’Allemagne, des États-Unis, du Zaïre, du Burundi, d’Égypte etd’Ouganda, ainsi que M. J.-R. Booh Booh. Une déclaration fut rédigée àl’unanimité dans laquelle les participants insistèrent pour que tous lesprotagonistes fissent preuve de bonne volonté (Booh Booh, 2005 : 114). Lesambassadeurs demandèrent ensuite à M. Booh Booh de présenter cettepropositionàtouteslesforcespolitiquesrwandaises.

Le 29mars le présidentHabyarimana accepta par écrit et sans conditions,s’engageantàfaciliterlamiseenapplicationimmédiateduprocessusd’Arusha(BoohBooh, 2005 : 114),mais le FPR rejeta toute idée d’accord. J.-R. BoohBoohécritàcepropos:

«Pour lapremièrefois il (leFPR)s’estsenti (…)accusédebloquer leprocessusdepaixaprèsqu’ilaitrejetéladéclarationdelacommunautéinternationale.LesdirigeantsduFPRsesontalorsmisdansunecolère

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épouvantable (…)Selon leFPR, laCommunauté internationaleétaitauserviceducampprésidentiel(…Le)masqueduFPRvenaitdetomber.Ilavaitlongtempscachésonjeu.Maiscettefois,leschosesétaientclaires.Cepartin’avaitcertainementpasenviede faireaboutir leprocessusdepaix.Ilestsurprenantdeconstaterque,chaquefoisquel’onétaitsurlepoint d’aboutir avec le MRND, le FPR brandissait à son tour desexigencesetdesconditionsdifficilesàremplir.Toutlaissaitdonccroirequecemouvementétaitbiencontre lapaix.» (BoohBooh,2005 :114-115).

Dans les semaines et même dans les jours qui précédèrent l’attentat du 6avril 1994, cen’est doncpasdu campprésidentiel,maisde celui duFPRquevenaient les blocages. L’intransigeance du FPR s’explique par l’impassepolitiquedans laquelle il se trouvait alors car, de fait, il était pris au piègeduprocessusd’Arusha.Les accords lui faisaient certes et en théorie lapart belle,maiscen’étaitqu’uneillusionpuisquelesuffrageuniverselallaitlerameneràlaréalitéélectoraleimposéeparlamathématiqueethnique.

La seule issue pour lui était donc de changer la nature du problème enreprenantleshostilités.Lavictoireparlesurnesluiétantinterdite,ilallaitdonccherchercelledesarmes.Voilàquiexpliquelasuitedesévènementsetdudramedontilestleprincipalresponsable.

L’AFFAIREDITEDU«CHIFFONDEPAPIER»

Avec l’affaireditedu«chiffondepapier», leprésidentHabyarimanafut lavictimed’unmontageemblématiquedestinéàledécrédibiliser.Lamanœuvrequi réussit parfaitement repose sur la manipulation d’un discours qu’ilprononçale15novembre1992àRuhengerietdontlecontenufutdéforméparl’«historienmilitant»Jean-PierreChrétien:

«LebasculementdurégimeversunscénariodeconfrontationethniqueHutuTutsi n’est pas moins explicite dans le discours que le président de laRépublique prononce à Ruhengeri le 15 novembre 1992. JuvénalHabyarimanayqualifie lesaccordsdecessez-le-feusignésàArushaavec leFPR de “chiffon de papier” signé à l’insu du peuple rwandais ». (Chrétien,1995:54).

CetteaccusationfutrepriseparA.DesForgesdanssonlivre(1999),puisen2002devantleTPIR:

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«(…)Habyarimanadésavoualesaccordsle15novembreenlesqualifiantde“chiffon de papier”. (TPIR- 98-41-T, Rapport d’A. Des Forges devant leTPIR,2002,p.34).

L’accusationdeduplicitéestclairecarenparlantde«chiffondepapier»,leprésidentreniaitdefaitsapropresignaturepuisque,quelquesmoisplustôt,ilavaitparaphéplusieursprotocolesdesaccordsd’Arusha.

Or,quedéclaraexactementleprésidentHabyarimanale15novembre1992àRuhengeri ? Oui ou non a-t-il effectivement rejeté le processus denégociation?Ouiounona-t-ilreniésasignature?A-t-ilvraimentprononcélesparolesqueJean-PierreChrétienluiprête?

La réponse est clairement négative et la reproduction de son discoursdémontre qu’il y eut manipulation. Les paroles exactes du présidentHabyarimanafurenteneffetlessuivantes:

«NoussouhaitonsfermementquelapaixrevienneauRwanda.C’estpourquoinoussoutenonslesnégociationsencoursàArusha.OndittoutletempsqueleMRNDnesoutientpaslesnégociations.Quefaut-ilfairepourmontrerqueleMRNDsoutientlesnégociations(applaudissements)?Moi-même,aunomduMRND, je dis que le MRND soutient les négociations. Je les soutienspersonnellementdansl’espoirqu’ellesnousramènerontlapaix.Maislapaix,c’est pas les papiers, la paix c’est le cœur, la paix viendra quand tous lesRwandaisaurons(sic)comprisqueceluiquiparleenleurnom,aditcequ’ilsdésirent. Qu’il n’a pas parlé au nom de tel ou tel parti, qu’il a respecté lemandatduGouvernement,c’estcequenousluidemandons.Qu’iln’aillepasracontern’importequoietqu’auretour,ils(sic)nousrapportedespapiersenguisedepaix.Lapaixest-celespapiers?(applaudissementsetcrisdejoie).Nousdemandonsàladélégationdes’enteniraumandatdupeuplerwandais,nousdemandonsàladélégationquiserendàArushadedéfendrelespositionsdu Gouvernement, de défendre ce qui a été convenu au niveau duGouvernement»19.

Danscediscours l’onchercheraitenvain l’expression«chiffondepapier»ailleurs que dans l’imaginationmilitante de Jean-PierreChrétien et de ceuxquilerecopièrent.Ladéclarationduprésidentsignifiait toutsimplementquepourêtrevalable,leprocessusdepaixdevaitêtreenphaseaveclesaspirationsde la majorité de la population et que les négociateurs de Kigali devaientdéfendre, àArusha, les options dugouvernement dans son ensemble et noncellesdetelleoutelledesescomposantesplusoumoinsouvertementalliéeau

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FPR.

II.Unprésidentaccusédegénocide

Le28janvier1993,dansuncommuniquéintitulé:«GénocideetcrimesdeguerreauRwanda»etrendupubliclorsd’uneconférencedepressetenueparM.William Schabas, membre d’un collectif d’associations humanitaires dont leCentreinternationaldesdroitsdelapersonneetdudéveloppementdémocratique(Montréal),AfricanRights(Londres)20,leterme«génocide»futemployépourqualifierlasituationquiprévalaitalorsauRwanda21.

Cesaccusationsétaientfondéessurlesdiresd’uncertainJanvierAfrika,quiseprésentait comme le chefde l’undes« escadronsde lamort » crééspar leprésidentHabyarimana.Contre toutevraisemblance, ilprétendaitmêmequecedernierluifaisaitpartagernombredesecretsd’État.

JanvierAfrika,aujourd’huiintrouvable,estlaseulepersonneidentifiéeayantprétendufairepartiedecesfantomatiquesunités.En1993,ilpurgeaitunepeinedeprisonàKigaliquandilreçutdanssacelluleJeanCarbonare,membred’une« commission des droits de l’homme » quimenait une enquête auRwanda22.Des bandes vidéo furent alors tournées dans lesquelles le détenu accusait lamouvance présidentielle et l’entou-rage même du président Habyarimana desaboterleprocessusdémocratiqueetd’êtreresponsabledel’assassinatdeleaderspolitiques d’opposition. Les conditions de cet entretien sont pour le moinsinsoliteset:

«Cequelerapportneditpasc’estquelefauxtémoignageaétéextorquéàJanvierAfricapendantqu’ilétait incarcéréà laprisondeKigalipourune affaire d’escroquerie. Il lui avait été promis que des pressionsseraientexercéessurlajusticerwandaisepourlefairesortirdeprison.»(Strizek,TPIR-98-41-T,Rapportd’expertisedevantleTPIR,2005,p.9).

Voulantvérifierlesinformationslesplusinvraisemblablesetlesrumeurslesplus folles qui circulaient à propos de ces « escadrons de la mort », lesgendarmes françaismembresde la coopération techniquemilitaire enquêtèrentaudébutdel’année1993.

LemajorCorrièreinterrogeaainsiJanvierAfrikadanssaprisonetilluiposa

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plusieursdizainesdequestionsconcernantsesdires, lesréunions, les lieux, lespersonnesrencontrées,leurspropos,etc.Ledétenufutincapabled’yrépondre.Ils’agissaitdoncclairementd’unaffabulateurcarl’enquêtedémontraqu’iln’avaitjamais assisté aux réunions auxquelles il prétendait avoir participé et qu’iln’avait jamais fréquenté les lieux qu’il décrivait (entretien avec le colonelRobardey).

Est-ild’ailleursraisonnabledepenserque,s’ilsavaienteffectivementexisté,le président Habyarimana aurait pu donner le commandement de l’un de cesprétendus«escadronsdelamort»àuntelindividuetplusencorequ’ilsesoitconfiédevantluietqu’illuiaitfaitpartagercertainsdesplusgrandssecretsdel’État?

PourA.GuichaouaetpourS.Smith, ilestclairqueJanvierAfrikaétaitunagentduFPRquecedernierexfiltrad’ailleursdupaysetquiyrevintaprès lavictoiremilitairedugénéralKagamé.Deplus:

« (…) Janvier Afrika, qui avait révélé l’existence d’une structure deplanification des massacres anti-tutsis à la présidence rwandaise, duvivantdeJuvénalHabyarimana, s’est rétractédepuisenaffirmantavoirlivré son (faux) témoignage sur leRéseau zéro à l’instigationduFrontpatriotique rwandais (FPR) (…) (André Guichaoua et Stephen Smith,Rwanda,unedifficilevérité,Libération,vendredi13janvier2006,p.32).

Aujourd’hui,noussavonsquenoussommesenprésenced’unemanipulationorganisée par leFPR,mais à l’époque, le doute n’était pas permis : il existaitbienunestructuredestinéeàcommettredesassassinatsetl’onaffirmaitqu’elleavaitétécrééeauseindupremiercercleduprésidentHabyarimana.

C’estàpartirdelàquelesforces«morales»etlesmédiasdumondeentieradoptèrent systématiquement les points de vue du FPR présenté comme uneforce anti-génocidaire pluriethnique aux aspirations démocratiques. Aucontraire, le régimedeKigali fut constamment dénoncé commeétant la partieofficielled’unecamarillaextrémiste,l’Akazu(voirchapitre2).

LaBelgique rappela son ambassadeur et leCanada suspendit un importantprojetd’aideàl’UniversiténationaleduRwanda.L’opérationdediabolisationduprésidentHabyarimanaavaitdoncparfaitementréussiet leFPRavaitremportélabataillemédiatique.

LecolonelLucMarchalquifutlecommandantdesCasquesbleusbelgesauRwandaetleresponsabledelasécuritédelavilledeKigalidanslecadredelaMission des Nations unies pour le Rwanda (MINUAR) décrit ainsi son état

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d’espritquandildébarquaauRwandaàlami-1993:

«(…) Je suis tout à fait conscient d’avoir été, à l’instar de beaucoupd’autres personnes, conditionné par cet environnement médiatique, etd’avoirpartagé,defaçonquelquepeusimpliste,lavisionquiprévalaitàcetteépoque,àsavoirqueleFPR,mouvementreprésentant laminorité,se trouvait, par définition, du côté des bons. Tandis que les autres setrouvaientforcémentducôtédesmauvais.Cettecaricatureétaitd’autantplusancréedanslesespritsque,enmatièrederelationspubliques,leFPRsavait mieux s’y prendre que la partie gouvernementale, dont lereprésentant en Belgique ne disposait pas d’un sens aigu de lacommunication. (…) j’étais moi-même conditionné par les schémasréducteursetpro-FPRdanslesmédiasbelges,quisefaisaientl’échodanslemondeentier»23.

III.Unprésidentaccusédemeurtre

À partir de 1991, le Rwanda connut une série d’attentats aveugles etd’assassinats de personnalités politiques. Sur le moment, la mouvanceprésidentielle fut accusée d’en être responsable, ce qui sembla ensuite« confirmé » avec l’affaire des « escadrons de la mort ». Aujourd’hui noussavonsque c’est tout au contraire leFPRqui fut l’auteur de la plupart de cesactesde terrorismedécidésafind’en faireporter la responsabilité auprésidentHabyarimana. Les enquêtes qui furent à l’époque menées par la gendarmerierwandaisepermettentd’ensavoirplussur lapolitiquedeterreurdécidéepar leFPR.

Pourlabonnecompréhensiondecequisuit,ilestnécessairedefaireunbrefretourenarrière.Àlasuitedel’attaquedumoisd’octobre1990,lesbrigadesdela gendarmerie rwandaise furent dégarnies et les gendarmes, constitués enbataillons de marche envoyés renforcer les FAR sur le front. Dès lors, lemaillage territorial effectué par la gendarmerie disparut et tout le travail depolicejudiciairefutassurépardetrèsraresinspecteursn’ayantpaslesmoyensdemenerdevraiesenquêtes.Ilfutdoncpossibleàdesgroupesterroristesd’agirlibrementetimpunémentàl’intérieurduRwanda.

En1992,aveclamiseenplacedumultipartisme,ilapparutqueletravaildepolice judiciaireet lemaintiende l’ordre intérieurdevaientreleverd’uneforce

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spécialisée. Une nouvelle gendarmerie fut alors recrutée et les brigadesterritoriales recréées. Pour accélérer cette mise en place, plusieurs DAMI(Détachement d’assistance militaire et d’instruction) furent envoyés par laFrance.Leurvocationétaitdedonneràcettenouvellegendarmerie,d’aborduneformationdebase,puisdelaspécialiserdansledomainedestransmissions,dumaintien de l’ordre, de la police judiciaire, etc. Le colonelMichel Robardey,présentauRwandadepuisleprintemps1990futchargédesuperviserl’ensemble(entretienaveclecolonelRobardey).

Aumois de juin1992 futmis enplace leDamipolice judiciaire pour uneduréedesixmois.LecolonelRobardeyexplique:

«J’obtiendraidugouvernementrwandaisetcontrel’avisdelahiérarchie,c’est-à-direavecl’accordduprésidentHabyarimanalui-mêmesinoncelane se serait jamais fait, que tous les personnels qui œuvraientprécédemment auCentre deDocumentation de sinistremémoire soientrelevés et que je puissemoi-mêmedésigner l’officier que je souhaitaisvoir affecter à cette unité. J’ai ainsi désigné le major Muhirwa qui,quelquesmoisplustôt,avaitrefuséd’ouvrirlefeusurunemanifestationd’étudiants à Butare et qui avait été condamné et incarcéré pour refusd’obéissance.L’Assistancemilitairefrançaiselefaitdoncréintégrerpourqu’ilpuisserecevoircecommandement.Touslessous-officiersaffectésàcette unité seront de jeunes gendarmes que nous aurons nousmêmesformés, afin d’être certains de leur déontologie ». (Entretien avec lecolonelRobardey).

Toutàfaitexceptionnellement,lecolonelRobardeyobtintdel’état-majordela gendarmerie française de pouvoir choisir lui-même les quatre sous-officiersfrançais qui encadrèrent cette mission et il s’agissait d’anciens collaborateursspécialisésenpolicejudiciaire.

À titre de formation, les premières équipes de la nouvelle gendarmerierwandaisefurentenvoyéessurleterrain,sousladirectiondegendarmesfrançais,afin d’enquêter sur les mines non explosées découvertes ou en possession deterroristesarrêtésavantqu’ils aientpuagir. Il ressortitdecesenquêtesqu’unepartie des engins explosifs était constituée par des mines belges livrées à laLibye dans les années 1980, puis cédées à l’armée ougandaise après avoirtransité par le Burundi. Tous les individus interpellés déclarèrent agir pour leFPR.(EntretienaveclecolonelRobardey).

Ces enquêtes ne connurent pas de suite car depuis le mois d’avril 1992,

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l’oppositionauprésidentHabyarimanaétaitaupouvoiraveclegouvernementdecoalitiondirigéparunmembredupartiMDR.Or,àcettedate,cetteoppositionau régime Habyarimana ne s’était pas encore divisée et elle ne désirait pasindisposerleFPRsurlequelellecomptaitpourl’emportersurlechefdel’État.Voilà pourquoi ces enquêtes furent classées. Heureusement pour l’Histoire, lecolonel Robardey en avait conservé un double publié intégralement dansl’annexen°8duprésentlivre.

Cedocumentestcomposéde10pagesdactylographiéesdanslesquellessontindiqués les lieux des attentats, le matériel utilisé avec ses références et sonmodus operandi identique à travers tout le Rwanda. Sa conclusion est lasuivante:

«Les investigationsmenéespar lagendarmerie rwandaise24 ont permisd’obtenir des résultats certains et de dégager quelques idées quant àl’origineetlamotivationdesposeursdebombes(…)Nouspouvonsdirequetouslesattentatsoudumoinslamajeurepartie,sontliésentreeux.Uneétudedumatériel employé,de sonorigineetde samiseenœuvreconfirmecettehypothèse(voirlerapportpourtouslesdétails)(…)Desinvestigations menées, il ressort que ces attentats font partie d’uneopération quasi militaire ayant plusieurs objectifs comme ladéstabilisationdupaysenmettantencauseleprésidentetsonentouragecommecommanditairesdecesattentats (…)«Enconclusion,outre lesaveux, revendications ouorigines des gens interpellés, des éléments depreuvemettentencausedefaçonformelleleFrontpatriotiquerwandaiscommeétantlecommanditairedecesattentats».(ÉtudesurleterrorismeauRwanda,op.cité,p.9-10).

En plus d’avoir délibérément opté pour la stratégie de la violence enorganisantunevastecampagned’attentatsaveugles, leFPRinfiltra lesmilices,notamment les Interahamwe afin de lancer des provocations permettantd’exacerberlestensions.VincentNtezimanaquifutl’undesdirigeantsduMDRaffirmeainsiqueleFPR:

«(…)avaitréussiàyinfiltrersespropresagents(danslesInterahamwe)dont laproportion se serait élevéeàenviron20%dunombre totaldesmiliciensévaluéàunedizainedemilliersdejeunes.C’estprobablementundébutd’explicationdelaprésencedenombreuxjeunestutsiparmilesmilicesInterahamwe».(Ntezimana,2000:92).

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CesmeurtrespermirentauFPRd’aviver les tensionstoutendiscréditant leprésidentHabyarimanaaccuséd’enêtrelecommanditaire.

LENOYAUTAGEDESMILICESPARLEFPR

À l’origine, les milices étaient les services d’ordre des diffé-rents partispolitiques.Touss’étaientd’ailleursdotésdetellesorganisations,ycomprislePSD, un parti totalement étranger à l’idéologie de l’« ethno-nationalismehutu»etquiavaitsapropremilice,lesAbakombozi(Libérateurs).

Lepremierdecesservicesd’ordre,lesInkuba(Foudre)futceluiduMDR.EnréponseàlacréationdesInkuba,leMRND(D)sedotadesInterahamwedontlenomestaujourd’huidevenusynonymedegénocidaires.Or,cettemilicefutfondée par Anastase Gasana, un Tutsi !Membre duMRND(D), ce dernieradhéra ensuite au MDR et devint conseiller du Premier ministre (MDR)Nsengiyaremye avant d’être nommé ministre des Affaires étrangères dugouvernementUwilingiyimana.IlralliaensuiteleFPRetdevintministredansle premier gouvernement constitué aumois de juillet 1994 après la victoiremilitairedugénéralKagamé(Shimamungu,2004:300).

Ainsidonc,lefondateurdessinistresInterahamwe,ces«tueursdeTutsi»,fit-ilunebrillantecarrièreministériellesouslerégimetutsivictorieux…Quantàla milice elle-même, elle était dirigée par un autre Tutsi, Robert Kajuga…(Ntezimana,2000:92).

IlestdoncpourlemoinsinsolitedeconstaterquedesTutsiaientpuavoirdetelsrôlesessentielsdanslacréation,l’organisationetlefonctionnementd’unemiliceprésentéecommeayantpréparéetcommislegénocidedesTutsi.Toutceciafaitdireàl’ancienPremierministreJeanKambanda:

« Je suisabsolumentcertainque les Interahamwe(…)étaientcommandésàpartirdusiègedel’état-majorduFPR.Pourquoi?(…)Surlescinqdirigeantsdes Interahamweauniveaunational, jeparleduprésident, dupremier etdudeuxième vice-président et de deux trésoriers, trois sur cinq avaient étéofficiellement recrutés et injectés dans la direction des Interahamwe par leFPRdanssatactiqued’infiltration(…)OnoubliequeparmilesInterahamweilyaeueffectivementdesHutuquiontétérecrutésparl’ancienprésidentduFPR,AlexisKanyarengwe(HutudeRuhengeri,notrenote),quiontétéformés(…) dans les camps d’entraînement à Mulindi et en Ouganda. (…) Ainsi,quandonvoyaitlesInterahamweentraindemassacrer,ondisait:cesontdes

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Hutus.Or,parmicesHutus,ilyavaitceuxquiappartenaienteffectivementauMRND, et une bonne partie qui appartenait au FPR » (TPIR-98-41-TKambanda,20novembre2006,p.69).

18.LeMRND(D)remportaainsitouslespostesdebourgmestresdanslessous-préfecturesdeKinihiraenpréfecturedeByumba,etdeKiramboenpréfecturedeRuhengeri(Reyntjens,1994:227).19. Discours du président Habyarimana le 15 novembre 1992. Traduit dukinyarwanda par Eugène Shimamungu. 4 pages, texte en kinyarwanda et enfrançaisenvis-à-vis,p.2et3.TraductionauthentifiéeprésentéedevantleTPIRetnoncontestéeparlaChambre.20.«PourcequiconcerneAfricanRights,lesanalysespolitiquesethistoriquesde cette organisation font preuve d’un parti-pris pro-FPR flagrant, qui estincompatibleavec lamissionet ladéontologiede touteassociationsérieusedepromotiondesdroitsdelapersonne».(Reyntjens,1995:p.62,note109).21.VoiràcesujetlelivredeR.Philpot(2003:68).22. Sur la personnalité de Jean Carbonare, ses « compromissions », sesaffabulations et ses liens avec le FPR, on se reportera au livre de Pierre Péan(2005,124etsuivantes,136etsuivanteset145-152).SelonJean-MarieVianneyNdagijimanaqui futministredesAffaires étrangèresdans legouvernementdugénéralKagamédejuilletàoctobre1994:«Carbonareaété l’œildeKagaméauprès de Bizimungu et des membres du gouvernement qui ne faisaient paspartiedupremiercercledeKagamé».(CitéparPierrePéan(2005:145).23.«Cequ’avuetentendulecolonelLucMarchal»,AfricaInternational,365-366,mai-juin2003,p.32-33.24.DixOPJrwandaisencadrésparquatreOPJdelagendarmeriefrançaise.

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D

CHAPITREVII

LESMILITAIRESHUTUONT-ILSFAITUNCOUPD’ÉTATDANSLANUIT

DU6AU7AVRIL1994?

ans lesheuresqui suivirent l’assassinatduprésidentHabyarimana,et àl’initiativedugénéralAugustinNdindiliyimana,chefd’état-majorde la

gendarmerie,dehautsgradésdesFARseréunirentàl’État-Major.Invitéàcetteréunion, le général Dallaire qui voulut leur imposer Agathe UwilingiyimanapoursuccéderauprésidentHabyarimana,sevitopposerunfermerefus,cequi,pourlui,signifiaitqu’ils’agissaitd’uncoupd’Étatmilitaire.

A.DesForgesrepritl’idéedugénéralDallaireenladéveloppant.Pourelle,l’attentatcontreleprésidentHabyarimanapermitdedéclencheruncoupd’État,préludeàunplangénocidaireélaborédepuisdesmois,pournepasdiredepuisdesannées1. Lors de son audition devant leTPIRdans l’affaireNdindabahizi,ellerésumaainsisonpostulat:

«(…)lecolonelBagosora,avecl’appuidesautresofficiersmilitaires,sedébarrassaitde l’autorité légitimeet (en) créant ainsiunvidepolitique.Cequiluiapermisderemplircevideetd’assumerlesrênesdupouvoir.»(TPIR-2001-71-T,DesForges,24septembre2003,p.10).

Cettemêmethèsefutàlabasedel’acted’accusationdresséparleprocureurdevantleTPIR:

(…)Danslanuitdu6au7avril(…)lecolonelThéonesteBagosoraetd’autresofficiers(…)ontmanifestéleurvolontédeprendrelepouvoir.»

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(TPIR,96-7-I,«LeProcureurduTribunalcontreThéonesteBagosora»,1999,opcité,p.31-32).

Lachronologiedesévènementsqui sedéroulèrentdurant lanuitdu6au7avril 1994 permet de mesurer le décalage existant entre les faits attestés etvérifiés d’une part et la reconstruction artificielle sur laquelle repose l’histoireofficielledugénocideduRwandad’autrepart.

Laréunionàl’État-Majoroulecoupd’Étatimaginaire

Nousavonsdéjàdit,maisilimportedeleredire,quele6avril1994danslasoirée,aprèsl’assassinatduprésidentHabyarimana,leRwandaseretrouvasanschef de l’État et sans chef d’État-Major car le général DéogratiasNzabimanaavait lui aussi péri dans l’attentat.Quant auministre de laDéfense,AugustinBizimana, au G2, le colonel Aloys Ntiwiragabo et au G3, le colonel GratienKabiligi, tous trois étaient en mission à l’étranger ainsi que le ministre del’Intérieur,FaustinMunyazeya.

Constitutionnellementparlant,lepaysétaitalorsplacéentredeuxsystèmes:celuidelaConstitutionde1991etceluiprévuparlesaccordsd’Arusha.Or,cederniern’étaitpasencoreentréenvigueur touten l’étantdans la théorie…Levide politique était donc total et ceux qui avaient abattu l’avion du présidentHabyarimanaavaientréussiàdécapiteretàdésorganiserl’Étatrwandais.

Dans les instants qui suivirent l’annonce de la mort du présidentHabyarimana, le général Augustin Ndindiliyimana, chef d’état-major de lagendarmerie,convoquauneréunionàl’état-majorinstalléaucampKigali(carten°6).

Vers 22 heures selon lemajor canadienBrentBeardsley, aide de camp dugénéralDallaire,lecolonelRwabalinda,officierdeliaisonentrelaMINUARetlesFAR,demandapartéléphoneaugénéralDallairecommandantducontingentdelaMINUARd’assisteràcetteréunion(TPIR-98-T-41-T,Beardsley,4février2004,p.31).

LETÉMOIGNAGEDUCOLONELMARCHAL

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Vers23heures, lecolonelLucMarchalquicommandait lesecteurdeKigalipourlaMINUARrejoignitlaréunionenquestion:

«(…)quand,le6avril1994,jemesuistrouvéàl’état-majordesFAR(Forcesarmées rwandaises) où se réunissait un comité de crise, à aucunmoment jen’aiéprouvélesentimentquenousnoustrouvionsdansunscénariodecoupd’état. Je sais que je me suis trouvé en face d’hommes désemparés (…)J’inclussanshésitationlecolonelBagosora(parmiceshommes)».(Marchal,2001:303).

Deux ans plus tard, en 2003, le colonel Marchal accorda un entretien àl’hebdomadaire Africa International dans lequel il ne varia pas dans sonanalyse,larenforçantmême:

« (…) je soumets à votre ré?exion (…) un épisode qui m’a fortementimpressionnéetquiasuividepeu l’attentat (…)Le6avril1994,aprèsquel’avionprésidentieleutétéabattu,jemesuistrouvéencompagniedugénéralDallaireà l’état-majorde l’armée.Uncomitédesuivicomposédesofficierssupérieursdel’arméeetdelagendarmeries’yétaitconstitué,afind’analyserlasituationetdeprendrelesmesuresd’urgencequis’imposaientàlasuitedeladisparitiondu chef de l’État et du chefd’état-major de l’armée.Àaucunmoment,etj’insiste,àaucunmoment,jen’aiéprouvédesentimentquejemetrouvaisfaceàdesgensquiavaientorganiséuncoupd’État.Malgréletempsquipasse,lesouvenirquejegardedecemomenthistoriqueesttoujourstrèsprécisdansmamémoireetjesaisquejemesuisretrouvéenfaced’hommesdésemparés par ce qui venait d’arriver. Leur façon de se comporter,l’intonationdevoix,undouteexprimé,l’expressiondesvisages,unequestionqui laisse percevoir la peur, sont des signes qui ne trompent pas. Sans lamoindre hésitation, j’inclus également dans cette appréciation le colonelBagosora (…) J’ai la ferme conviction que si les organisateurs de l’attentats’étaient trouvés en cemoment-là autour de la table, cette réunion se seraitdérouléetoutàfaitautrement»2.

En2006,lecolonelMarchalfutappeléàtémoignerdevantleTPIRetàcetteoccasion,ilconfirmasesdéclarationsantérieures:

« Je suis formel (…) Je me suis trouvé en présence d’officiers qui étaientconsternés si pas atterrés par ce qui venait de se passer. (…)Pour être pluscompréhensibledonc,jeparleplutôtdeconsternationqued’êtreatterré,cequipeutavoiruneconnotationunpeupéjorative.Cequej’aivécuàl’époqueetceque j’ai pu constater, c’est la consternation, un ?ottementmanifeste sur les

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actionsàprendreetlavolontédeceuxquiétaientprésents(…)depouvoirencommunaveclaMINUARdepouvoirgérercettesituationtrèsdélicatepourlepays».(TPIR-98-41-T,Marchal,30novembre2006,p.28)3.

Entre22h30et23heures,legénéralDallaire,lecolonelMarchaletlemajorBeardsleyarrivèrentàl’État-MajoraprèsavoirtraverséunepartiedelavilledeKigalisansavoircroisélamoindrepatrouilleetsansavoirrencontrélamoindrebarricade(Dallaire,2003:290etTPIR,98-41-T,Dallaire,19janvier2004,sanspagination).DevantleTPIR,lemajorBeardsleydéclara:

«Nousn’avonspasvudebarrages(…)jenemesouvienspasavoirvudespersonnesentrenotredomicileetlequartiergénéraldesFAR;iln’yavait pas de barrages routiers (…) c’était comme une ville fantôme ».(TPIR-98-41-T,Beardsley,4février2004,p.31)

Vers22h30,23heures,Kigalin’étaitdoncpasquadrilléeparl’armée.À23h50,lecolonelMaurin,adjointopérationneldel’attachédeDéfensefrançaisetconseillerduchefd’État-MajordesFAR,quittal’ambassadedeFrancepourserendreàl’État-MajordesFARafind’yprésentersescondoléancesauxcadresdel’armée.Kigaliétaitalorscalmeetlesbarrageshabituelsétaientenplace,tenuspar des soldats certes un peu plus nerveux que d’habitude,mais rien de plus.(EntretienaveclecolonelMaurin).Cesélémentsneviennentpasétayerlathèsed’uncoupd’Étatmilitaire.

Et pourtant, le général Dallaire parle bien de coup d’État, reprenantclairementcetteaccusationdanssonlivre(2003:291-292),puisd’unemanièreplusmesuréeen2004devantleTPIR,etcelasansélémentdepreuveautrequesonintuition:

« (…) le simple fait que ce soit Bagosora qui préside cette réuniondevenaitexplicite.Ilsemblaitquepeut-être(noussoulignons),enfait,ilsétaient en train de faire un coup d’État.» (TPIR-98-41-T, Dallaire, 19janvier2004,sanspagination).

Legénéral secontreditd’ailleursdurant lamêmeaudiencedevant leTPIRquandilexpliquaqueleprincipalsouciducolonelBagosoraétaitlemaintiendel’ordre:

«(Lepaysest)décapité(…)leFPRn’(a)pasencoreréagi,mais(…)ilfallaitabsolumentmaintenirlecalmejusqu’àl’aube(…)ilfallaitdonner

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les ordres nécessaires pour que le calme soitmaintenu dans la capitalesinon c’est le reste du pays qui serait en danger (…) il voulait nousassurerqu’ilnes’agissaitpasd’uncoupd’état(…)lecolonelBagosora–et en cela il était soutenu par le chef d’état-major de la gendarmerie,Ndindiliyimana–, avait exprimé son soucidemaintenir l’ordredans laville».(TPIR-98-41-T,Dallaire,19janvier2004,sanspagination).

Quatredécisionsfurentpriseslorsdecetteréunion:

1. La nomination du colonelMarcelGatsinzi, commandant de l’ESO (Écoledessous-officiers)deButarecommechefd’État-Majoradinterim.Tombéendisgrâce à la fin des années 1980, il était pourtant considéré comme unadversaire du régime. Le général Habyarimana avait ainsi refusé troispropositions successives de promotion le concernant. C’est donc cetopposant qui rejoindra d’ailleurs le FPR pour devenir chef d’État-MajoradjointpuisministredelaDéfenseaprèslavictoiredugénéralKagamé,quifutnomméàlatêtedel’arméerwandaisedanslanuitdu6au7avril1994.S’ilsfontuncoupd’État,les«extrémisteshutu»semontrentdoncpourlemoinsinconséquents…

2. La seconde décision prise lors de la réunion tenue à l’État-Major fut laconvocationd’uneassembléemilitairepourlelendemainmatin7avril.

3.Lesofficiersprésentsdécidèrentderédigeruncommuniquédestinéàêtreluà la radio nationale à l’ouverture de l’antenne le 7 avril au matin ; lelieutenant-colonelCyprienKayumbafutchargédelerédiger.

4.Laquatrièmedécisionestparticulièrementintéressantecarils’agissaitdelaconvocationparlesmilitairesdetouslesresponsablesdespartispolitiques,sauf naturellement le FPR, afin qu’ils puissent le plus rapidement possibleformerungouvernementcivilprovisoire4.Versminuit,danslanuitdu6au7avril,legénéralDallaire,accompagnédu

colonelBagosora,serenditchezleReprésentantspécialdusecrétairegénéraldel’ONU,M.BoohBoohpourconsultation.

De retour à l’État-Major, le colonel Bagosora rendit compte aux officiersprésentsdel’entretienqu’ilvenaitd’avoiravecM.BoohBooh.Selonleprocès-verbaldecetteréunion:

«LeDirecteurdecabinet(lecolonelBagosora),leComddelaMINUAR(legénéralDallaire)etleLO(officierdeliaison)auprèsdelaMINUAR(lecolonelRwabalinda)onteuunentretienavecleReprésentantspécial

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dusecrétairegénéraldel’Onu(M.BoohBooh),quileurafaitpartdesafaçondevoirleproblème.Selonlui,ilnefautenaucuncass’écarterdel’Accord de Paix d’Arusha (…) c’est pourquoi il propose une réunionavec les organes dirigeants du MRND ce 07 avr 94 pour voir lespossibilitésdedésignationdusuccesseurduprésidentdelaRépublique.SignéLeRapporteurlt-colJBRuhorahoza»5.

Dans la nuit, depuis l’État-Major, et en application des demandes de M.BoohBooh,lecolonelBagosoratéléphonaàMathieuNgirumpatseprésidentduMRND(D)pour lui fixerrendez-vousauministèrede laDéfense(Minadef), lelendemainmatinà7heures.Cedernierréagitrapidement:

« (…) J’ai avisé les autres membres du comité, j’ai téléphoné àKaremera6,j’aitéléphonéàNzirorera7,j’aitéléphonéàKabagema8pourles informer de la demande du colonel Bagosora de se trouver auministère de la Défense le lendemain matin ». (TPIR, 98-41-T,Ngirumpatse,5juillet2005,p.55).

Lasituationconstitutionnelle

Sinousvoulonscomprendrepourquoi lesdécisionsprisespar lesmilitaireslorsdelaréuniondu6avrilàl’État-Majorneconstituentpasuncoupd’État,etpourquoi, constitutionnellement parlant, ils étaient fondés à refuser lanomination d’Agathe Uwilingiyimana comme successeur du présidentHabyarimana,ilestnécessairedenouspenchersurlasituationconstitution-nelleduRwandaaprèsl’assassinatdecedernier.

InterrogéparleTPIRsurlefaitdesavoirsic’était laConstitutionde1991oulesaccordsd’Arushaquiétaientalorsenvigueur,leconstitutionalistebelgeF.Reyntjens,expertdel’Accusation,donnaunepremièreréponsethéorique:

«Enfaitlesdeuxétaientenvigueur,maisilestimportantd’ajouterqueles Accords d’Arusha prédominaient en cas de contradiction entre laConstitution de 1991 et les Accords d’Arusha. En d’autres termes, lesAccords de paix d’Arusha étaient une loi fondamentale et il fallait yrajouter les dispositions de 1991 qui n’étaient pas prises en compte ou«couverts»parlesAccordsdepaixd’Arusha.Et(…)cettenouvelleloi

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fondamentale (…)devaitêtremiseenapplicationàpartirdu jourde lasignature de l’Accord, c’est-à-dire le 4 août 1993.» (TPIR-98-41-T,Reyntjens,15septembre2004,sanspagination.)

L’interprétation de Reyntjens est difficilement recevable car les accordsd’Arushanecontiennentaucuneéquivoqueàcesujet:

« article 3 : Les deux parties acceptent que la Constitution du 10 juin1991 et (nous soulignons) l’Accord de Paix d’Arusha constituentindissolublement(noussoulignons)laloifondamen-talequirégitlepaysdurantlapériodedetransition(…)».

Le texte est limpide : c’est l’addition de la Constitution de 1991 et desprincipes d’Arusha qui forment, ensemble et indissolublement, la loifondamentale,etnonlesseulsprincipesd’ArushacommelepenseReyntjens.Ladifférence est essentielle. Devant le TPIR, Mathieu Ngirumpatse, anciensecrétairegénéralduMRND(D),abienexpliquéque:

«(…)lesAccordsd’Arushan’ontpasabrogélaConstitution(de1991).LesAccordsd’Arusha et laConstitutionde1991 constituaient tous lesdeux la loi fondamentale ; la Constitution ne pouvait ne pas êtreappliquéequesielleétaitcontraireauxAccordsd’Arusha».(TPIR-98-41-T,Ngirumpatse,5juillet2005,p.64).

Le 6 avril 1994, jour de la mort du président Habyarimana, les accordsd’Arusha n’étaient entrés que partiellement en application puisque seulel’investitureduprésidentde laRépubliqueavaiteu lieu.Or,commecedernieravaitétéassassiné,leprocessusétaitdefaitinterrompupournepasdiremort-né.Reyntjenslereconnaîtd’ailleurscar:

« (…) il était impossible de suivre, tout au moins d’appliquerintégralement la procédure prévue par l’Accord d’Arusha parcequ’aucunedesinstitutionsquidevaientmettreenœuvrecesdispositionsn’étaitenplace(…)laCoursuprême(…)n’étaitpasenplaceetenfait(…)l’intérimdevaitêtreassuréparleprésidentdel’Assembléenationaledetransition(…)quin’étaitpasenplace».(TPIR,98-41-T,Reyntjens,16septembre2004,sanspagination).

Partant de ce constat en forme d’évidence et auquel nous souscrivons,Reyntjensfaitensuiteunelecturetrèspersonnelledesaccordsd’Arushapuisque,

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selonlui,c’estlePremierministre(AgatheUwilingiyimana):

«(…)quiétaitaupouvoirdupointdevueconstitutionnel.(…)AprèsleprésidentHabyarimana,c’estellequis’occupaitdesaffairescourantesdel’État. (…)Lesmilitairesquiétaientprésentsaucoursdecette réuniondanslanuitdu6au7avril(…)ont,defaçonexplicite,renoncéàprendrele pouvoir (…) alors le pouvoir doit rester entre les mains (du) (…)gouvernement avec à sa tête Uwilingiyimana ». (TPIR, 98-41-T,Reyntjens,16septembre2004,sanspagination).

Or,contrairementàcequ’affirmeReyntjens,etceladansaucundesdeuxcasenvisageables,AgatheUwilingiyimananepouvait succéderouse substituerauprésident Habyarimana, ni même assurer un quelconque « intérim ». Noussommes en effet dans le cas d’un régime présidentiel dont la clé de voûte estprécisément le président de la République. Deux options constitutionnellesétaientdoncenvisageables:

1-Premiercas : sinousnousplaçonsdans lecadredesaccordsd’Arusha,comment la succession du président de la République aurait-elle dû êtreorganisée?

Les accords d’Arusha sont très clairs à ce sujet puisque la question de lasuccession du président de la République a été réglée le 9 janvier 1993 auChapitreVII,Section1:

« Dispositions relatives au Pouvoir Exécutif, Sous-section 1 : DuremplacementduprésidentdelaRépubliquedurantlaTransition.Article 48 : En cas de démission, de décès, d’incapacité oud’empêchementdéfinitifsduprésidentdelaRépublique:

1°lavacanceduposteestconstatéeparlaCourSuprêmesursaisineduGouvernement de Transition à Base élargie (GTBE).Or le GTBEn’estpasinstallé(notrenote).

2° l’intérim est assuré par le président de l’Assemblée Nationale deTransition(ANT).Oriln’estpasétéélu(notrenote).

3° le remplacementduprésidentde laRépubliquese faitde lamanièresuivante:a) Le Parti de l’ancien président de la république9 présente deux

candidatsauBureaudel’AssembléeNationaledeTransition(…)b) (…) l’élection du président de la République se fait en session

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conjointeduGTBEetde l’ANT(…)auscrutinsecret (…)».Oraucundesdeuxn’estinstallé(notrenote).

Sur les quatre points prévus par les accords d’Arusha, trois étaient doncinapplicables. Un seul était applicable et il s’agit du 3° a- qui réserve laprésidencede laRépubliqueauMRND(D),cequi,de faite interdisaitdoncauPremierministreAgatheUwilingiyimanapuisqu’elleétaitmembreduMDR.

EncasdedécèsduprésidentdelaRépublique,laCoursuprême,sursaisineduGTBE,devaitdoncconstaterlavacancedupouvoir.Or,danslecasprésent,leGTBEnepouvaitpassaisir laCoursuprêmepuisqu’iln’existaitpas.Ilétaitdonc impossible d’organiser une nouvelle élection à laquelle auraient dû êtreconviésleGTBEetl’Assembléenationaledetransition(ANT)laquellen’avaitpasnonplusétéinstallée…

Le 6 avril à partir de 20 h 30, avec lamort du présidentHabyarimana, leprocessus d’Arusha, en plus d’être inapplicable était donc, de fait, totalementinterrompuetl’onenrevenaitjuridiquementàlasituationantérieure,c’est-à-direàlaConstitutionde1991.

C’estdonctoutnaturellementetnouspourrionsmêmediredelamanièrelaplus légale, que les responsables militaires en revinrent donc à la situationantérieure, à savoir aux clauses de succession prévues par la Constitution de1991. L’Accusation qui s’obstinaitàyvoirun coup d’État faisait donc uncontresens.

Enconclusion,laTransitionétantinterrompue,leretouràlaConstitutionde1991étaitlaseulesolutionlégalepermettantdesortirdel’impasse.Néanmoins,contretouteévidence,etàsupposerquelalogiquedesaccordsd’Arushaaittoutdemêmeprévalu, la seule« légitimité»potentielleaprès lamortduprésidentHabyarimanan’étaitpasAgatheUwilingiyimana,maisFaustinTwagiramungu,Premier ministre désigné pour prendre la tête du GTBE (Gouvernementtransitoire àbase élargie), d’autantplusqu’il était immédiatement joignable etdisponiblepuisqu’ilétaitréfugiédansunlocaldel’ONUetsousprotectiondesCasquesbleus.

2.Deuxièmecas :sinousnousplaçonsdanslecadredelaConstitutionde1991 la succession ou l’« intérim » du président de laRépublique devait êtreassuré,nonparlePremierministre,maisparleprésidentduparlement,leCND.

C’est doncune fois encore trèsnaturellementqueThéodoreSindikubwabofutdésignécommeprésidentdelaRépubliquepar«intérim»puisqu’ilavaitété

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ledernierprésidentduCNDavantlasignaturedesaccordsd’Arusha.Deplus,cene furent ni les militaires, ni le colonel Bagosora qui le désignèrent, mais leMRND(D)enapplicationàlafoisdupoint3°a-desaccordsd’ArushaetdelaConstitutionde1991.

En dépit de son apparente complexité, la situation constitutionnelle étaitdoncclaire:

1. jusqu’à20h30,heurede samort, leprésidentHabyarimanaétait la seuleautoritélégitime10investiedanslecadredesaccordsd’Arusha.

2.AgatheUwilingiyimanaétaittotalementexcluedesasuccessionetcelatantà la Présidence qu’à la Primature. En effet, le protocole d’Arusha sur lepartagedupouvoirquiavaitéténégociéendeuxtemps,enoctobre1992etenjanvier199311prévoyaitqu’encasdemortduprésident:

– leMRND(D) conserve la Présidence; or Agathe Uwilingiyimana n’étaitpasmembreduMRND(D),maisduMDR.

– le Premierministre soit issu duMDR ; or ce dernier parti avait désignéFaustinTwagiramunguetnonAgatheUwilingiyimana.

Iln’yavaitdoncquedeuxsolutionsconstitutionnellesenvisageables:–Soituneapplicationpartielle, restrictiveetparticulièrementalambiquéedesprincipesd’Arushaetdanscecasc’étaitàFaustinTwagiramungud’assurerl’« intérim»en tantquePremierministre,maiscertainementpasàAgatheUwilingiyimana.

–SoitleretourauxprincipesdesuccessiondéfinisparlaConstitutionde1991et l’« intérim » devait alors être confié à Théodore Sindikubwabo, ce quechoisirentdefairelesresponsablesduMRND(D)aprèsavoirétéréunisparlesmilitaires.

Lesspécialistesdedroitconstitutionnelpeuventdiscuteràl’infiniausujetdela réunion qui s’est tenue à l’État-Major dans la nuit du 6 avril 1994, maisl’essentielestdevoirquelapositiondesmilitairesetducolonelBagosora,étaitfondée,tantaupointdevueconstitutionnelquepolitique.

Comme durant cette même réunion, les officiers constitués en comité decrise confièrent au colonel Bagosora la mission de faciliter au plus vite lacréationd’ungouvernementcivil,l’Accusationetsesexpertsn’étaientdoncpasfondés à prétendre qu’il y avait eu « coupd’État ».D’autant plus que l’ONUelle-mêmevalidacetteoptionderèglementdelacrise.Nousdisposonseneffet

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d’un télex envoyé par M. Ralph Zancle,Director and Deputy to the Under-Secretary-General Office of the Legal Counsel à M. Iqbal Riza, AssistantSecretary-GeneralforPeace-KeepingOperations,endatedu25mai1994,danslequelilréponditàunequestionposéeparcedernier,àsavoir:

“Is the « interim Government » (…) a successor Government to thelegitimateGovernmentofRwanda?”

LaréponsedeM.IqbalRizafutonnepeutplusclaire:

«Le processus d’Arusha est entré en application dès sa signature et leprésident Habyarimana a été en conséquence investi comme président,l’Assemblée de Transition et les autres organes du Gouvernement detransition n’ayant toutefois pas été installés. Par conséquent, legouvernementduRwanda,quicessad’existeràlamortduprésidentle6avril 1994, n’était pas le gouvernement de transition (GTBE). Enconséquence, le processus d’Arusha, incluant ses principes desuccession, n’était pas applicable.Cette questiondevait par conséquentêtre réglée par la Constitution du Rwanda (celle de 1991) » (notretraduction).(TPIR-98-41-T,DNT193).

L’ONUreconnaissaitdoncclairementlavaliditéduprocessuspolitiquemisenroutele7avriletquiaboutitàlacréationduGIR(Gouvernementintérimairerwandais)le9avril.

Lesmilitaires hutu dits « extrémistes » n’ont doncpas fait un coupd’Étatdanslanuitdu6au7avril1994.Ilsontaucontrairetoutfaitpoursauvegarderlalégalité constitutionnelle et ont, de plus, permis, dès le 9 avril, et alors que lechaoss’étaitemparédupays,laconstitutiond’ungouvernementcivilquifutmisenplacedèsle10avril.Ils’agitlàd’uncasuniqueenAfrique.

Cetteobsessionlégalisteeutd’ailleursdefunestesconséquences.N’eût-ileneffet pas mieux valu que, face au vide politique et à la situation de chaosprovoqués par l’assassinat du président Habyarimana, les militaires prissentprovisoirementlepouvoirafinderétablirl’ordre?Ilsjugèrentquelacontinuitédelalégalitéinstitutionnellepassaitavantlerétablissementdel’ordre.Peut-êtreeurent-ils tort, mais le comble est de les accuser d’avoir voulu faire un coupd’État.

1.DesForges(1999).VoirégalementsesdiversesinterventionsdevantleTPIR,

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qu’ils’agissedesesrapportsécritsoudesprocès-verbauxdesesinterrogatoireset contre-interrogatoires, notamment les dossiers suivants : TPIR-2001-71T;TPIR-96-7-I;TPIR-01-71TetTPIR-98-41-T.2.«Cequ’avuetentendulecolonelLucMarchal»,AfricaInternational,365-366,mai-juin2003,p.34.3. M. James Gasana, ancien ministre de la Défense, a fait à ce sujet uneremarque de bon sens : « (…) la succession des événements a permis deconstaterquepersonnen’étaitprêtàsaisirlepouvoir;cequiécartel’hypothèseselonlaquelleunefaction(hutu)auraitagidefaçoncriminellepours’emparerdupouvoir.»(Enquêtesurlatragédierwandaise,op.cité,1998,T.III/2,p.52).4. Le 9 avril fut ainsi annoncé la création duGIR (Gouvernement intérimairerwandais).5.DeuxpagesdactylographiéesréférencéesTPIR,Compte-rendudelaréuniondirecteurdecabinet-chefEMGDN-OFFRcabinetminadef-EMARetEMGDN,nuitdu06au07avril1994.6.ÉdouardKaremeraétaitlepremiervice-présidentduMRND(D).7.JosephNzororeraétaitlesecrétairegénéralduMRND(D).8.FerdinandKabagemaétaitledeuxièmevice-présidentduMRND(D).9.DanslecasprésentleMRND(D).10.Salégitimitéétaitd’ailleursdouble:ilavaitétééluausuffrageuniverselen1983eten1988,puis,en1994,ilavaitétéinvestiaprèsavoirprêtésermentdansle cadre des accords d’Arusha. 11.L’Article 47de l’accord sur l’État de droitprévoyait que le MRND soumette deux noms à l’ANT pour qu’elle élise lenouveauprésidentdelaRépublique.

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L

CHAPITREVIII

LEGÉNÉRALROMÉODALLAIREFUT-ILDÉPASSÉPARLES

ÉVÈNEMENTSOUAVAIT-ILDÉCIDÉDEFAIREGAGNERPAULKAGAMÉ?

astatuedugénéralRoméoDallaires’estbriséedevantleTPIR.Loinduhérosmédiatique,véritable«capitainecourageux»seulfaceàl’indicible

génocidaire, c’est en effet tout au contraire le portrait d’unhommedésemparéqui est ressorti des longues audiences. Ses fautes de commandement, sesatermoiements, seshésitations, sonabsencededécisionsur le terrainainsiqueses initiatives politiques aberrantes, et parfois même incohérentes, prises enviolation de la chaîne de commandement de l’ONU, font que nous sommesdésormaisdevantl’alternativesuivante:– soit le généralDallaire commandant desForces de laMissiond’assistancedesNationsuniesauRwandafutdépasséparlesévènements.

– soit, comme le dit son supérieur, M. Booh Booh, il avait décidé de fairegagnerlegénéralKagaméetleFPR(BoohBooh,2005).

En application des accords de paix d’Arusha, l’ONU devait garantir latransitiondémocratique.LaRésolution872(1993)duConseildesécuritédu5octobre 1993 porta ainsi création de la Mission des Nations unies pourl’assistanceauRwanda(MINUAR)1.

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Le chef de cette mission était M. Jacques-Roger Booh Booh, nomméReprésentant spécial du secrétaire général de l’ONU au Rwanda (RSSG). Cediplomate de nationalité camerounaise, homme chevronné, fut plusieurs foisambassadeur,notammentàMoscou,àParisauprèsdel’UnescoetministredesRelations extérieures du Cameroun durant 5 ans. Il avait sous ses ordres legénéralcanadienRoméoDallairequiétaitlechefmilitairedelamission.Or,cedernier était un officier titré, mais qui n’avait aucune expérience ducommandementopérationnel.Deplus, ilneconnaissait riende l’AfriqueetduRwandaetpournerienarranger,ilavaitunepersonnalitéfragile2.

Audébutdumoisdenovembre1993,lespremiersélémentsdelaMINUARatterrirentauRwandaavecretardparrapportaucalendrierinitialementprévu.Ilavait en effet été impossible demettre en place plusieursmilliers deCasquesbleus enmoinsde40 jours (37 exactement), et cela entre le 4 août datede lasignatureduprotocolefinald’Arushaetle10septembre1993,commes’yétaitengagéel’ONU.

LeshommesdelaMINUARfurentrépartisensixsecteurs.CeluideKigalifutplacésouslecommandementducolonelbelgeLucMarchal(TPIR-98-41-T,Marchal,30novembre2006).Le22mars1994,quinzejoursavantledébutducataclysmedu6avril,leseffectifsdelaMINUARsemontaientà2539hommesprovenant de 24 pays différents, les plus gros contingents étant fournis par leBangladesh(942hommes),leGhana(843)etlaBelgique(440).

ArrivéauRwandale23novembre1993,unmoisaprèslegénéralDallaire,Roger. Booh Booh constata avec stupeur que son subordonné était dansl’incapacité de travailler avec le président Habyarimana, ce qui paralysaitnaturellement la mission de l’ONU. La tension entre les deux hommes étaitmêmetellequ’:

« Habyarimana et lui ne pouvaient pas causer. Les rares fois qu’il(Dallaire)apuvoirHabyarimana,c’estlorsquej’avaisuneaudienceaveclui.»(BoohBooh,2005:15).

Selon M. Booh Booh, la raison de cette tension était que le présidentrwandais suspectait le général d’être pro-FPR (Booh Booh, 2005 : 64 et 70).Lors d’une réunion, il lui reprocha ainsi publiquement sa passivité aprèsl’assassinatparleFPRdemembresduMRND(D),lepartiprésidentiel,danslazone démilitarisée qui était sous administration de l’ONU et placée sous laprotectiondelaMINUARdoncdirectementsouslasienne:

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«(…)setournantverslegénéralDallaire,leprésidentn’apudissimulerson irritation de constater que rien n’avait été fait pour interpeller lespersonnes qui avaient assassiné plus de quarante candidats duMRNDaux élections locales le 17 novembre 1993 près de Ruhengeri. Ilsoupçonnait le général Dallaire de connaître la vérité sur cette affairemaisdechercheràcouvrirlescommanditairesdecesmeurtresodieux».(BoohBooh,2005:36).

J.-R. BoohBooh confirme le soupçon du président Habyarimana quand ilécritque:

« Dallaire n’était pas neutre : il était plutôt de connivence avec leFPR.Voilàlacléquipermetdecomprendrecettesituation»(BoohBooh,2005:123).

LEGÉNÉRALDALLAIREA-T-ILFAVORISÉLEFPR?

Pour le capitaine Dème (2011), cela semble ne souffrir aucun doute. Lesforcesdel’ONUlaissèrentainsileFPRs’armerenOugandaenviolationdesaccordsdepaixcependantqu’ellesexercèrentuncontrôleplusquedrastiquesurlesFARdontellesconsignèrentleshélicoptèresetl’armementcollectifquifurentplacéssouslagardedesCasquesbleus.PourlecapitaineDème(2011),lesFARperdirentainsitoutecapacitéguerrièredufaitdecettepressiondelaMINUAR. Sans cesse contrôlées, elles jouèrent le jeu, pas le FPR qui nepermit pas aux observateurs de l’ONU d’accéder librement à la zone qu’ilcontrôlait. Le 25 février 1994, il alla jusqu’à refuser leur entrée dans soncasernementduCND,or,legénéralDallaireneréagitpas.

« De manière générale, les FAR étaient en position de faiblesse à cettepériode:souslapressiondelacommunautéinternationalequiavaitpousséauprocessusdedémobilisation(…)lesFARétaientfacilesd’accès,transparentesdans leurorganisation.Cequin’étaitpas lecasavec leFPR:pasuneseulefoisdesobservateursn’ontpuaccéderlibrementàleurzone,etladifférenceentre le FPR et la NRA (armée ougandaise) était honnêtement difficile àfaire » (…) Un cargo très important de munitions d’artillerie qui a étécommandé à l’Égypte et livré par avion a été saisi par la MINUAR àl’aéroport pendant qu’on savait pertinemment que la partie adverseemmagasinaitlespiresarmesdedestructionetd’autresmoyenslogistiques»

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(Dème,2011:137).

Endéfinitive:

«Toutes lesprocédurespour lazonede sécurité sansarmesdeKigalin’ontserviqu’àneutraliserlesforcesgouvernemen-tales»(Dème,2011:334).

SelonM.BoohBooh:

«(…)aucuneétudecritiquen’aétéfaiteparDallairesurlessourcesderavitaillement en armes du FPR. Jamais il n’a reconnu que l’Ougandaroulaitpour leFPRdanscedomainemalgré lesmultiples informationsque nous avions à ce sujet. Son travail devenait dès lors partiel etdéséquilibré(…)».(BoohBooh,2005:95).

Cedéséquilibredevintcaricaturalquand,àlafindumoisdedécembre1993etenapplicationdesclausesd’Arusha, lespremierssoldatsde l’APR,àsavoir600hommeschargésdeservirdegardeauxministresetdéputésFPR,entrèrentàKigali, escortéspardes«Casquesbleu»de l’ONU. Ils s’installèrentauCND(Conseil national du développement, l’ancien Parlement), lieu hautementstratégiquequipermettaitdecouperKigaliendeux(carten°6);or, legénéralDallairenepritaucunemesurepour lesyfixerencasdereprisedeshostilités.Deplus,ilnecherchapasàs’assurerquedesarmesinterditesoudesrenfortsyétaient introduits. Le FPR/APR s’y renforça donc en toute quiétude, faisantentrer dans le bâtiment des armes camouflées sous les chargements de boisdestinésàlacuisineetquiarrivaientdeMulindi,leQGdel’APR.

Lors de son témoignage devant leTPIR, la question suivante fut posée aucolonel Marchal qui, rappelons-le, commandait le secteur de Kigali pour laMINUAR : « Est-ce que les observateurs pouvaient vérifier ou contrôler lecontenudeschargementsdescamionsquiallaientàMulindiàpartirduCNDetvice-versa?»Saréponsefuttrèsclaire:

«Enprincipe, le camionétait censé rester sous l’observation constantedes escortes. Et c’est là que le problème s’est produit : c’est que lesrapportsduchefdesescortesm’a informéquececamionnerestaitpassous observation permanente (…) Malgré mes mises au point avec lecolonelKayonga,lechefdubataillonFPR(…)j’aidûconstaterqu’àunmoment ou l’autre systématiquement, le camion échappait – mais defaçonvolontaire–àl’observationdesescortes.(…)Étantdonnéque,defaçon évidente et de façon voulue, on empêchait une observation

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permanentesurlecamion,j’ensuisarrivéàlaconclusionquesionneseconformaitpasauxprocéduresétablies,c’estqu’ilyavaituneraisonànepass’yconformer.»(TPIR-98-41-T,Marchal,30novembre2006,p.24).

LecolonelMarchaldemandaaugénéralDallairequ’uneopérationdefouillede ces camions soit faite, mais rien n’ayant été décidé par ce dernier, l’APRcontinua donc à se renforcer clandestinement (TPIR-98-41-T, Marchal, 30novembre 2006, p. 24-25)3. Ce fut d’ailleurs à l’occasion de ces transportsdepuisMulindiqu’auraientétéintroduitsauCNDlesdeuxmissilesquiservirentàabattrel’avionprésidentielle6avril1994(Ruzibiza,2005:244-245).

Ces transports permirent également au FPR de faire rentrer au CND degrandesquantitésdematérieletdemunitioncomme l’écrit encore lecapitaineDèmequiconstataquele7avril,l’offensiveFPRlancéeàKigalidepuisleCNDsemblaitnepasmanquerdemoyens:

« Puisque le CND n’avait aucun moyen de transport mobile pourtransporter leur logistique,onpouvaitsedemandercomment ilsavaientpu faireentrer leur immensestockd’artillerieà l’intérieurduCND.Lebombardementintensifqu’ilsopéraientsansarrêtmontraitqu’ilsavaientune énorme réserve d’obus. Comment ont-ils pu transporter cela sanstransport sur Mulindi si ce n’est avec ceux des Nations unies, cestransportsquiétaientofficiellementpourlebois»(Dème,2011:215).

La«connivence»dontparleM.BoohBoohpermettraitpeut-êtreégalementd’éclairerl’«affaireJean-Pierre»,undessoclesdupostulatdelapréméditationdugénocidequireposesurunindividuplusquedouteuxdontlegénéralDallairecautionna les dires sans avoir fait procéder aux élémentaires vérificationsd’usage.Unretoursurcetteétrangeaffaires’impose.

Audébutdumoisdejanvier1994,apparutunnomméAbubakarTuratsinze,qui se faisait appeler« Jean-Pierre», etqui cherchait à entrer encontact avecFaustinTwagiramungu4,leleaderdupartihutud’oppositionMDRqu’ilvoulaitinformerque leMRND(D), lepartiduprésidentHabyarimana,avaitdécidédel’assassiner.

Seméfiantd’uncoupmonté,FaustinTwagiramunguparladel’affaireàM.BoohBooh qui transmit le dossier au général Dallaire, son chefmilitaire. CedernierdemandaaucolonelLucMarchal,commandantlesecteurMINUARdeKigali, de rencontrer Jean-Pierre. Le mystérieux informateur raconta alors aucolonel que les chefs duMRND(D) et lesmilices avaient dressé des listes de

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Tutsiàtuer,quedescommandosétaientprêtsàagiretquedesarmesavaientétécachéesdanstoutKigali,notammentdansleslocauxduMRND(D).Jean-Pierrene demandait pas à être rétribué, mais en échange de ses « révélations », ilsouhaitaitêtreexfiltréetbénéficierdel’asilepolitiquepourluietsafamilleenEuropeouauCanada(Marchal,2001:167).

Le10janvier,lecolonelMarchalrenditcompteaugénéralDallaireetdèsle11janvier1994,c’est-à-direlelendemain,cedernier,sansavoirfaitlamoindreenquêtesurJean-Pierreetsansavoircherchéàvérifiersesdires,envoyaunfax-télégramme au siège de l’ONU à New York demandant des conseils, desinstructionsetl’autorisationdesaisirlesarmescachées.

Cetélégramme-faxdugénéralDallaireendatedu11janvier1994permitàl’accusation devant le TPIR de soutenir qu’il y avait eu planification dugénocide.Or,troisquestionspréalablesseposent:

1.PourquoilegénéralDallairen’a-t-ilàaucunmomentinformésonchef,M.BoohBooh,des«informations»communiquéesparJean-Pierre?

2.PourquoilegénéralDallaireexpédia-t-ilunfaxausiègedel’ONU,àNewYork,sanspasserparlavoiehiérarchique,c’est-à-direparM.BoohBooh?

3.PourquoilegénéralDallaireadressa-t-ilcefaxàunautredestinatairequeleSecrétairegénéraldel’ONUcommelevoulaitlaprocédure?(TPIR-98-42-T,BoohBooh,21novembre2005,p.32etsuivantes).DevantleTPIR,M.BoohBoohcommuniquaàcesujetunenotedeservice

endatedu15décembre1993,signéedeM.KofiAnnan,sous-secrétairegénéralde l’ONUet alors enchargedesopérationsdemaintiende lapaix5, etqui luiétaitpersonnellementadressée:

«Nousvoulonsattirervotreattentionsurlefaitque,conformémentàunepratique établie, tous les câbles qui sont envoyés doivent porter votrenom, c’est-à-dire le nom du Représentant spécial. Ils peuvent aussi, sipossible,êtresignésparlecommandantdelaforce».(Donc,préciseM.BoohBooh)«(…)jesuisleseulàenvoyerdesmessagesaunomdelamission.»(TPIR-98-42-T,BoohBooh,21novembre2005,p.33).

Pourquoi le général Dallaire s’est-il alors affranchi de cette procédurepourtantclairementdéfinie?Rendait-ildonccompteàunehiérarchieparallèle?Auvududossier,laquestionnemérite-t-ellepasd’êtreposée?

Revenonssur lepoint1.M.BoohBooh,Représentantspécialdusecrétaire

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généraldel’ONUauRwandaestformel:ilarépétéàplusieursreprisesdevantleTPIRquelegénéralDallaireneluiavait jamaisparlédes«révélations»deJean-Pierre, ni de leur teneur (entraînement des Interahamwe, listes de Tutsi,possibilitéd’entuer1000en20minutes,etc.,).

Lorsdel’audiencedu21novembre2005,laDéfenseducolonelBagosoraluiposalaquestionsuivante:

«Commentsefait-ilque,misàpart lefameuxdocumentdu11janvierqueDallaireenvoiedirectementàBaril6,quedansaucunautrecâbleonneparled’assassinatsdeTutsi,onneparledelistesdeTutsi,onneparled’aucundeceséléments(…)?»

M.BoohBoohétantincapablederépondre,maîtreConstantsefitinsistant:

«Est-ceque,du11janvier94àjuin1994,àunmomentdonnéouàunautre,legénéralDallairevousditqu’ilaeuuninformateurquiprévoyaitlaplanificationdugénocideoul’assassinatdesTutsi?»

RéponsedeM.BoohBooh:

«Non.»

QuestiondeMeConstant:

«Mêmeaprèsle6avril,quandlesmassacresontcommencé,ilnevousapasditqu’onmel’adit»?

RéponsedeM.BoohBooh:

«Ilnem’ariendit.»(TPIR-98-42-T,BoohBooh,21novembre2005,p.51-61).

Le général Dallaire a donc caché la situation à son chef. Là encore,pourquoi?Deuxréponsessontpossibles,soitparcequ’iln’avaitpasconfianceenlui et qu’il avait doncdécidéde le « court-circuiter » et nous serions alors enprésence d’un cas flagrant de désobéissance. Soit il était conscient de lamanipulationfaiteparJean-Pierre,maiselleluiétaitutilecarelleallaitluiservirà déstabiliser le président Habyarimana, et nous devrions alors parler deforfaiture.DanslesdeuxcaslegénéralDallaireagravementfailli.

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Àcepointdudossier,uneautrequestionfondamentaleseposequiestcelledu contenu du fax envoyé le 11 janvier 1994. Cinq remarques doivent êtreimmédiatementfaitesàcesujet:

1. L’original de ce document n’a jamais été retrouvé dans les archives de laMINUAR.

2.L’originalsupposéavoirétéreçuàNewYork,n’apasnonplusétéretrouvédanslesarchivesdel’ONU.

3.Aucundesfaxquelesiègedel’ONUàNewYorkadressaàlaMINUARàpartir de la date de l’envoi du fax du généralDallaire ne reprend l’un oul’autredespointscontenusdanscedernier.

4.LesuccesseurdeM.BoohBoohàKigali,M.Khan,mitenplaceen1995unecommissionchargéededépouillertouteslesarchivesdelaMINUAR,etcela afin de savoir si cette dernière avait eu, avant le 6 avril 1994, desinformations sur la préparation du génocide et/ou des massacres. Cettecommissionrenditunavisnégatif(TPIR-DNT195).

5.Aumoisdenovembre1995,aprèslestravauxdelacommissionconstituéeparM.Khan, le fax réapparut (ou apparut ?) «miraculeusement » àNewYork, présenté par une ONG liée aux services britanniques qui ne fournitaucunélémentsurlafaçondontellel’avaitobtenu(TPIR-P32)7.Queconcluredecesdiverspoints?1. Le général Dallaire, le colonel Marchal, le major Beardsley, assistant

militaire canadien du général Dallaire, et le capitaine Claeys, officier denationalité belge affecté comme officier d’état-major en qualité d’officier desrenseignements militaires de la MINUAR, ont un contact au mois de janvier1994avecuncertain«Jean-Pierre».LecapitaineClaeysetlecolonelMarchallerencontrent.

2.Cedernierleurfaitneuf«révélations»:

– il est un ancien membre de la garde présidentielle (ou de la sécuritéprésidentielle),

–ilasuiviunentraînementàl’étranger(LibyeouÉgypte),

–iltoucheunsalairede150000francsrwandaisparmois,

– il a été chargé par Mathieu Ngirumpatse, président du MRND(D), dedistribuerdesarmes,

–ilsaitoùellessontentreposées,

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–sous lecontrôleduchefd’état-major, lecolonelNsabimana, ilaentraîné1700miliciens,

–cesderniersseraientenmesuredetuer1000Tutsitouteslesvingtminutes(ouenvingtminutes?),

–ilaétéchargéd’établirdeslistesdeTutsietdeprocéderàleuréliminationàlaréceptiond’unmotcode,

– il existeunprojetde tuerdesCasquesbleusbelges afindeprovoquer leurdépartduRwanda,doncd’affaiblirlaMINUAR.3.LegénéralDallairenerendpascompteàsonautorité,àsavoirM.Booh

Booh, et, s’affranchissant de cet échelon, il envoie directement un fax àNewYork.

4.CefaxestadresséaugénéralcanadienMauriceBaril,conseillermilitaireauprèsdusecrétairegénéraldesNationsunies,maispasàcedernier.

5. Ce fax ayant été envoyé par une voie non officielle et les archives del’ONU n’en ayant pas conservé la trace, ce qui ne permet pas d’en suivre lecheminement,nid’êtrecertainde sonexistence, rienn’interditdepenserqu’iln’yapaseumanipulation.

C’estpourtantsurlesdiresde«Jean-Pierre»,«attestés»parcepseudo-fax,quel’AccusationdevantleTPIRs’estfondéepouraffirmerquelegénocideavaitétéprogrammé:

«Le10 janvier1994, laMINUARaété informée,parundirigeantdesInterahamwe, de l’existencedecachesd’armesàKigali8, etd’unplanpouréliminerlapopulationTutsi.Elleamandatéundesesofficierspours’assurer de l’emplacement exact des armes. Cet officier a localiséplusieurs caches d’armes à travers la ville de Kigali, dans des lieuxcontrôléspardesmembresduMRND,notammentauquartiergénéralduparti, situé à Kimihurura, dans une maison appartenant au généralAugustinNdindiliyimana.Lorsdelafouille,l’officierdelaMINUARadécouvert, à cet endroit, plusieurs armes à feu et des caisses demunitions.L’informateuraaffirmétravaillersouslesordresduprésidentduMRND,MathieuNgirumpatse,etduChefd’Étatmajorde l’Armée,DéogratiasNsabimanapourlesaspectsmilitairesdesestâches.»(TPIR,96-7-I,«LeProcureurduTribunalcontreThéonesteBagosora»,1999,opcité,p.26-27).

Or,laréalitéestunefoisencoredifférentedecesaffirmations:

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1.L’officierdelaMINUARenquestion,àsavoirlecapitaineClaeys,n’aàaucunmoment« localisé» lescachesd’armespuisquec’est ledénomméJean-PierrequiluiacitédeslieuxsituésàKigalietdanslesquelsilprétendaitquedesdépôtsd’armesexistaient.Cet informateurn’enaindiquéqu’unavecprécisionaucapitaineFrankClaeys,celuidusiègeduMRND(D),situédansunemaisonquelepartilouaitaugénéralNdindiliyimana.

2. Les armes contenues dans ce dernier lieu étaient entreposées dans unappentissituéàcôtédelamaisonelle-même,reconnuparlecapitainesénégalaisAmadouDème,officierderenseignementdelaMINUARhabilléencivilquivit«aumoinsunecinquantained’armesdansdestoilesd’emballages»(TPIR-98-41-T, Dallaire, 22 janvier 2004, et Dème, 2011), quantité paraissant bienmodestedansunpayssurarmécarenguerredepuisquatreans.Lavisitesefitàuneheuretardiveetalorsqu’iln’yavaitpluspersonne,hormislegardien(TPIR,-98-41-T,Claeys,7avril2004,p.73)9.

EntenduparleTPIRle7avril2004lecapitaineClaeysaainsirapportélesobservationsducapitaineDème:

«(…)quim’aditquelesarmesétaientd’origineallemande,des«G3»,etqu’ilyavaitaussidesarmessoviétiques,les«AK47».Voilàlesdeuxtypes d’armes qu’il avait vus dans cette cache d’armes qu’il avaitvisitée.»(TPIR,-98-41-T,Claeys,7avril2004,p.34).

Danssonlivre,lecapitaineDèmeécritpoursapart:

«AvecFrankClaeysnousallâmesvérifierunedescachesdontil(Jean-Pierre) nous parlait. C’était au siège duMRND où nous pûmes entrersansdifficulté.Dansunepetitepièceonavutroiscaissesd’AK47,sanslesmunitions,etunecaissedegrenades…J’étaisdéçu.»(Dème,2011).

3.L’officierdelaMINUARn’aprocédéàaucunefouille.DevantleTPIR,MeConstantposaaugénéralDallaireunequestionpréciseà

cesujet:

« Avez-vous vérifié s’il (Jean-Pierre) était vraiment à la Gardeprésidentielle?Est-cequ’ilétaitvraimentauxparacommandos?Est-cequ’ilavaitunniveaudeviequiluipermettaitdegagner150000frrwparmois?Est-cequecesvérificationsminimumontétéfaites?»

RéponsedugénéralDallaire:

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«Àmaconnaissance,non.» (TPIR,98-41-T,Dallaire,22 janvier2004,sanspagination).

Quatremoisaprèssonchef,lecapitaineFranckClaeysfutàsontourentenduparleTPIR:

Question : «Avez-vous essayé de savoir quel était son grade (celui deJean-Pierre)danslaGardeprésidentielle?»

Réponse:«Non.»

Question : « Est-ce que vous lui avez demandé dans quelle unitéprécisémentdelaGardeprésidentielleilatravaillé?»

Réponse:«Non.»

Question:«Est-cequevousluiavezdemandésousquelcommandementilatravailléauseindelaGardeprésidentielle?»

Réponse :«Nousn’avonspasposécettequestionégalement.» (TPIR,-98-41-T,Claeys,6avril2004,p.6-7).

Le1eravril,soitplusdetroismois après la«découverte»de la fameusecache d’armes au siège du MRND(D) par les capitaines Dème et Claeys, legénéralDallairedécidaenfinuneperquisition:

«LessoldatsdelaMINUARavaientfournilecordondesécuritéet lesgendarmesavaientprocédéàlafouille;dontilsétaientsortislesmainsvides»(Dallaire,2003:280).

L’opérationfutdoncunfiascocaraucunearmenefutdécouverte.Aulieudeseposerdesquestionssur laqualitédes informationscommuniquéesparJean-Pierre,legénéralDallaireexpliquesonéchecpardes«fuites»:

« (…) il était évident que des fuites avaient eu lieu et que les armesavaient été prestement déménagées (et) nous avons fixé la date de laprochainetentative:le7avril.»(Dallaire,2003:280).

Or, les explications du général Dallaire semblent être une fois de pluspartielles,pournepasdirepartiales.Interrogéparnossoins,lecolonelMarchal

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aeneffetdonnéunetoutautreinterprétation,etcombienplusprécise,àproposdecetteopération«cordonandsearch»(bouclageetfouille)du1eravril1994,lasituantdanssonvéritablecontexte:

«Ilfautsavoirquesurleplantechnique,pareilleopérationdoitrépondreàdescritèresbienspécifiquesetestdélicateàréaliser.Ilfallaitdèslorsunesortederépétitionen«live»defaçonàfamilia-riserlagendarmerieàcetyped’opérationquieutlieunondanslazoneoùsetrouvaitlesiègeduMRNDmaisenterrainneutre.Simamémoireestbonne,elleeutlieuau camp de gendarmerie de Kaciyru, dans la partie où vivaient lesfamilles.Eneffet,rienn’yfutrécoltémaiscen’étaitpaslebutpremier,ils’agissaitavanttoutdemettreaupointlemodusoperandi.J’étaisprésentsurleterraindudébutàlafindel’opérationetcetterépétitiongénéraleétait absolument nécessaire. À l’issue de cette répétition un débriefingconjoint (gendarmerie-Secteur Kigali) eut lieu à l’état-major de lagendarmerieetlesenseignementsfurenttirés.Unenouvelleopérationdebouclageetdefouillefutdécidéepourle7avrilàl’aube,maiscettefoisen terrain « civil » et dans une zone sensible à Nyakabanda »(CommunicationpersonnelleducolonelMarchal).

Dans cette affaire, nous sommes donc devant un nouvel exemple detravestissement de la réalité par le généralDallaire, ce qui nous rapprocheraitunenouvellefoisdecette«connivence»dontparleM.BoohBooh.

Endéfinitive:

«Dallaireadonnéunevaleurexagéréeaux“confidences”queluiauraitfaitesJean-Pierresurunprétendupland’exterminationdesTutsi(…)IlfautrameneràleurjustevaleurcesconfidencesdepolichinelledeJean-Pierre.»(BoohBooh,2005:91).

FaustinTwagiramunguaréduitquantàluiàpeudechoseslacrédibilitédeJean-Pierreenenfaisantleportraitsuivant:

«Jean-Pierreétaitunchauffeur.IlatravailléauMRNDàcetitre.Ilaétélicencié par leMRND,mais il est resté dans les Interahamwe. (…)Cegenredepersonnesviseàobtenirdesavantagesqu’onleuraccorde,soitpour la vente d’informations, soit pour mentir, inventant une certainebravoure que souvent, ils n’ont pas. Il était Tutsi.» (Commissiond’enquêteduSénatdeBelgique,auditiondeFaustinTwagiramungu,30

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mai1997).

Le21mars1997,devantlaCommissiond’enquêteduSénatbelge,lemajorHock, ancien du Service général de renseignements et de sécurité de l’arméebelgeetquiétaitenposteauRwandaàl’époque,expliquaqueJean-Pierreétaitundéserteurauqueliln’étaitpaspossibledefaireconfianceetdontilconvenaitde vérifier tous les dires.Dans le rapport final de la commission du Sénat deBelgiquenouspouvonsmêmelireque:

«La commission constate que lemajorHock considérait l’informateurcommeétantpeucrédible,alorsque legénéralDallaireet laMINUARl’avaientjugétrèsfiable».CitédevantleTPIR(TPIR,-98-41-T,Claeys,7avril2004,p88).

Un correctif doit être apporté à cette phrase car, ce n’était pas toute laMINUAR,maisleseulgénéralDallairequiavaitdonnédelavaleurauxdiresdeJean-Pierre. Dans un rapport adressé au général Dallaire, le capitaine Claeysécrivait en effet que Jean-Pierre déplaçait des armes de chez lui au siège duMRND(D)afinde fairecroirequ’ellesyétaient stockées (TPIR,D.NT22,p.172,folioL0022613).

QuantaucapitaineDème,ilécritque:

«Enplus,onappritqueJean-Pierren’étaitpasunmembredelaGardeprésidentielle,maisunchauffeurduMRNDlicencié,etqu’ilfaisaitdespetitstrafics(…)PuisFrank(Claeys)mefitremarquerqueKarake10duRPRetluiseconnaissaienttrèsbien…»(Dème,2011)

Enfin, et comme nous l’avons vu dans le chapitre II avec le jugement ducolonelBagosora, leTPIRamisunpoint finalà l’affairedite«Jean-Pierre».Pour laCour, laprétenduerévélationd’uncomplotourdipardes«extrémisteshutu » destiné à tuer des milliers de Tutsi en quelques heures et qui, pourl’histoireofficielleétaitla«preuve»delaplanificationdugénocide,n’estqu’unmontage. (Résumédu jugement renduen l’affaireBagosoraetconsorts,TPIR-98-41-T,jugement18décembre2008,p.16-18).

Le bilan de l’affaire est donc accablant pour le général Dallaire car noussavons, grâce une fois encore aux travaux du TPIR, que Jean-Pierre était enréalitéunagentduFPR.Sapropreépouse,elleaussitutsi,l’aclairementdéclaré(TPIR,WS03-501K026-5883-K026-5886,folioK0272531)11.

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La thèse deM.Booh Booh qui est celle de la « connivence » du généralDallaireavecleFPRpourraitégalementêtreillustréeaveclaquestiondesarmesougandaises à l’occasion de laquelle le général a délibérément menti à lacommunautéinternationale,permettantainsiaugénéralKagaméd’exécutersonplandeconquêtedupouvoirparlesarmes.Unretoursurcetépisodepeuconnuetparticulièrementsignificatifestdoncnécessaire.

Le1ermars1994,legénéralDallairereçutuncâbledeKampala,envoyéparle colonel Asrar Haque commandant l’UNOMUR (Mission de l’ONU enOuganda), l’informant qu’une importante livraisond’armes de laNRA (arméeougandaise)auFPRétaitencours.Cecâbledétaillécontenaitladescription,letyped’armesetdemunitionscomposantleconvoi(TPIR-L0023836).

Or,le2mars,aulendemaindoncdelaréceptiondecedocument,lorsd’uneréunion tenue à Kigali avec les ambassadeurs de Belgique, de France,d’Allemagne et des États-Unis qui lui firent état d’informations reçues dugouvernement rwandais au sujet de livraisons ougandaises faites en totaleviolation des accords d’Arusha, le général Dallaire déclara que ce que lesautoritésrwandaisesaffirmaientàcesujetétaitinfondé(TPIR,2000-56-T,mardi5décembre2006,p.72-73).

Présent à cette réunion et en faisant le compte-rendu àKofiAnnan (sous-secrétairegénéralde l’ONUenchargedesopé-rationsdemaintiende lapaix),M.Jacques-RogerBoohBooh,supérieurdugénéralécrivit:

«He(Dallaire) stressed, forexample, that recentGovernment reportofthelarge-scalemovementofFPRmilitaryequipmentandpersonalfromUganda intoRwandawereunfounded». (BoohBoohàAnnan, 2mars1994,paragraphe6,TPIR-L0006445).

LecolonelMarchalaapportéàcesujetlesprécisionssuivantes:

« À propos des transports d’armes fait par le FPR en Ouganda : jeconfirmequecetteproblématiqueaétéabordéeàdifférentesrepriseslorsdesréunionsdecommandementauQGdugénéralDallaire.DesrapportsprovenantdesobservateursdelaMONUOR/UNOMURfaisaientétatdebruits incessants, la nuit, de véhicules lourds allant vers la frontièrerwandaise, alors quede jour aucunmouvement n’était à signaler.À cesujet, je rappelle aussimon entretien du 30mars 1994 avec le généralNsabimanaaucoursduquelilm’exprimasaconvictionqueleFPRallaitreprendreleshostilitésdansles jourssuivants.Ilbasaitcetteconviction

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surlefaitqueleFPRavaitconstitué, le longdelafrontière,desstocksd’armes,demunitionsetd’équipements.Bref,toutcequiestnécessairepourmeneruneoffensived’envergure.»(CommunicationpersonnelleducolonelMarchal).

Aprèsl’attentatdu6avril1994,legénéralDallairenefitrienpours’opposeràlareprisedeshostilitésparleFPR,toutencontinuantàfavoriserlesforcesdugénéralKagamé.

Alorsqu’ilsedevaitdesécuriseraumoyendesesblindés l’axemenantducentre-villedeKigaliàl’aéroport,aulieudemontrersaforce,illarepliatoutaucontrairedèslanuitdu6au7avril,encommençantparabandonnercetaxevitalpourtantsoussagardeetqueleFPRcoupa…Pluslargement,dèslareprisedeshostilités,legénéralDallaireauraitdûimposeràtousuncouvre-feuetdéclarerqu’ilferaittirersurquiconqueleviolerait.LeFPRauraitalorshésitéàsortirdesoncasernement et à lanceruneoffensive contre lesFAR.Avec la compagniepara-commando belge, il disposait d’une unité qui pouvait sans problèmesmajeursremplirunetellemission.Il luiauraitégalementfalluoccuperenvilledespoints stratégiquesdont la tenue aurait freiné l’extensiondesmassacres etdesdébordements,cequ’iln’apasdavantagefait.

Le7avril,quandleFPReutunilatéralementrouvertleshostilités,legénéralDallairenecondamnapascetteviolationgravissimedesaccordsd’Arushaetaulieud’agirsurlapartiequiavaitdéclenchélareprisedelaguerre,ilsommaaucontrairelesFARderesterdanslecadredesaccordsd’Arusha,leurinterdisantdefaitdesimplementsedéfendre.

À ce sujet,M.BoohBooh a porté d’autres gravissimes accusations contresonsubordonné.DevantleTPIR,laquestionsuivanteluifutposée:

«Page161devotreouvragevousditescela:“Àplusieursreprises, lessoldatsduFPRontétésurprisdanslebureaudugénéralDallaireentraindese faireexpliquer lacarted’état-majorde laMINUARqui indiquaitles positions des FAR en ville et dans l’arrière-pays.” Est-ce que vousconfirmezcela?»

RéponsedeM.BoohBooh:

«Nonseulementjeconfirme,maislegénéralDallaire,lorsquemonlivreest arrivé auCanada, a répondu à cette question. Il a dit qu’il recevaittous lesmilitairesdesdeuxcôtésdanssonbureau,donc, sionavu lesmilitairesduFPR,çasepassaittoutàfaitnormalement.Maisc’estfaux.

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Lorsquelabatailleéclate(le7avril1994)iln’yaplusdemilitairesdesFARauquartiergénéralde laMINUAR(situéenzoneconquisepar leFPR).Avantilyavaitdesagentsdeliaison(…)maisdanslapériodequej’évoque ici12, il n’y avait plus de soldats des FAR.Donc, il n’y avaitqu’unepartiequivenaitprendredes renseignements sur lapositiondestroupessurleterrain».(TPIR-98-41-T,BoohBooh,lundi21novembre2005,p.91).

LegénéralDallairelaissaégalementlescommandosdel’APRpénétrerdansle stade Amahoro dont il avait la garde. Furent alors enlevés et assassinésnombre de cadres hutu qui s’étaient naïvement mis sous la protection del’ONU13.

Enfin, et très étrangement, le général Dallaire ne rendit pas compte à sonchef,nefitpaspourluidepointdelasituation,lelaissantdansl’ignorancedesévènements.Jacques-RogerBoohBoohdéclaraainsidevantleTPIRque:

«C’estseulementvers23heures(le6avril)quelegénéralDallairem’atéléphoné (…) j’étais furieuxdeconstaterqueplusieursheuresaprès lecrashdel’avionduprésident,Dallaire,moncommandantdelaforce,nem’avaitpasencoredonnéunaperçudelasituationmilitairedeKigali.»(BoohBooh,2005:145).«Dallaire(…)apparemmentétaitdépasséparles évènements tragiques que vivait le pays (…) Lorsqu’il vient à marésidencevers 16heures (le 7 avril) c’était notre premier contact de lajournée, pour me conseiller d’aller à l’hôtel Méridien, Dallaire estincapable de me donner une vue précise de la situation : contrôle del’aéroport, étatdescombatsdans laville…» (BoohBooh,2005 :156-157).

LegénéralDallaireacommisdesfautesdecommandementauxconséquencesincalculables.DèssonarrivéeauRwandails’estainsilaisséconduirepardesproblèmes secondaires, essentiellement logistiques, qui n’étaient pas de sonniveau;cefaisant,ilnes’estpasconsacréàsamissionelle-même.Àliresonlivre (2003), on comprend qu’il a du mal à distinguer l’essentiel del’accessoire, sa principale préoccupation semblant être une considération delogement et de confort de sa troupe, ce qui eut une première conséquencemilitaire :dispositiféclatéenpetitesoumoyennesunitéséparpilléesdans lacapitale, ce qui rendit la MINUAR très vulnérable, lui interdisant touteréactionsolideimmédiate.Or:

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«Cettemanièredecommander,focalisersurl’accessoirepourmieuxnégligerl’essentiel qu’on redoute d’aborder est bien connue des militaires chezlesquels elle est considérée comme un des critères déterminant del’incompétencemilitaire(Dixon,1997).

Ce trait de caractère est une constante chez le général Dallaire. Sesconséquencesenfurenttragiquescaril:

«(…)s’estlaisséenfermer,systématiquementparlesexigencesimposéesparle FPR : refus de faire fouiller les véhicules, de contrôler les armementstransportésoudétenusauCND,devérifierleseffectifsprésentsàKigaliquiont rapidement dépassé le chiffre imposé, le surplus s’installant dans lacapitalepourpréparerlespremièresminutesdel’aprèsattentat;d’accepterqueles accords ne soient jamais respectés en matière de positionnement desforces».(EntretiensaveclescolonelsCussacetRobardey).

Chefmilitairedépasséparlesévènementsoubiende«connivence»avecleFPR selonM. Booh Booh, le général Dallaire voulut s’improviser diplomate,amplifiantainsiledésordre.

Comme nous l’avons vu dans la soirée du 6 avril 1994, quelques heuresaprèsl’attentatquicoûtalavieauprésidentHabyarimana,legénéralDallairefutconvié à une réunion d’urgence à l’État-Major des FAR.Quand il y arriva, ilignorait tout du contexte dans lequel la réunion avait été convoquée et de sondéroulement.Celanel’empêchapasd’avoiruneopiniontranchée:pourlui,ilyavait coup d’État. La preuve en était le rejet de sa proposition de confier lepouvoiràAgatheUwilingiyimana,ancienPremierministre.

NousavonslonguementexposécetépisodedanslechapitreVII,maisilestnécessaire de faire un retour en arrière afin de voir à quel point le généralDallaires’esttrompé.

Lesraisonsdurefusdesassistantsàlaréunionétaientconstitutionnellementclairesainsiquenousl’avonsvu.Deplus,auxyeuxdesmilitaires,lacandidatedugénéralDallaireétaitconsidéréecommeun«sous-marin»duFPR.Poureux,iln’étaitdoncpasquestionde remettre lepouvoir àune responsablequi avait« pactisé » avec l’ennemi, lequel était en plus soupçonné d’avoir assassiné leprésidentenexercice…14.

Ne tenant aucun compte des avis des officiers réunis, le général Dallairedécida,sanslesenavertir,qu’AgatheUwilingiyimanas’adresseraitaupaysàlaradio à 05 h 30 le 7 avril au matin, à l’heure de la reprise des émissions.L’intentiondugénéralDallaireétaitclaire:propulserAgatheUwilingiyimanaà

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latêtedel’État.Or,legénéralDallairesavaitquecettedécisiondefaireparlerAgathe Uwilingiyimana à la radio allait provoquer une grave crise car, afind’éviter toute récupération politicienne, les militaires réunis à l’État-Majoravaientprécisémentdécidéqueseuluncommuniquérédigépareuxseraitlusurlesondes.Lelieutenant-colonelCyprienKayumbaabienexpliquépourquoi:

« Je suis le rédacteur du message (…) Il avait été décidé qu’aucunpoliticiennepuisseprendrelaparoleàlaradionationalesans(tant)quelenouveaugouvernementnesoitformé.LegénéralDallaireetlecolonelMarchalavaientétémisaucourantdelachose.Iln’ajamaisétéquestionqueMadameAgathepuisseserendreàlaradiopourfaireunmessageaupeuple.Nousestimionsquedurantsonmandatàlatêtedugouvernementrwandais,ellen’avaitjamaisétécrédible;etparconséquent,sielleétaitpassée à la radio juste après l’assassinat du président, elle risquait demettre de l’huile sur le feu avec notamment les partisans duMRND.»(DéclarationécriteducolonelKayumbaremiseauTPIR.TPIR-98-41-T,Bagosora,7novembre2005,p.41).

Lesprocès-verbauxduTPIRsontaccablantspourlegénéralDallaire:

Question deMe Constant au général Dallaire: « Est-ce que vous avezinformélesmilitairesdefaireparlerlePremierministreàlaradio?»

RéponsedugénéralDallaire:«Non.»

MeConstantinsiste:«C’est-à-direquequandvousretournezauquartiergénéral,vousavezau téléphone, si j’aibiencompris,MadameAgathe.Vous donnez l’ordre au colonelMarchal de donner l’escorte. Et quandvousavezlaréunion,après,aveclesmilitaires,vousneleurditespasquevousetleReprésentantspécialontdécidécela?»

RéponsedugénéralDallaire:«Non.»

Question de Me Constant : « Est-ce que vous pouvez nous direpourquoi?»

RéponsedugénéralDallaire:«(…)moinsdegensquisavaientquecetteopérationétaitenmarche,lemieuxc’était.»

Conclusion deMeConstant : «Général, pour résumer ce point : vous

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avezdesmilitairesquiviennentdeperdre leur chefd’État, qui sont enréunion,quiprennentl’initiativedevousdemanderdevenirassisteràlaréunion,quis’exprimentdevantvous,quiacceptentouquidemandentàaller voir (le) Représentant spécial (…) et dans le même temps, vousprenez des initiatives qui doivent avoir des implications graves, sansmême ou les informer (…) et vous lesmettez devant le fait accompli.Est-cequevousnepensezpasquec’estunfacteurdedéstabilisationdansune situation qui est déjà quasiment explosive ? » (TPIR-98-41-T.Dallaire,22janvier2004,sanspagination).

Le 6 avril dans la soirée et dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, le généralDallaireestdoncsortidesonrôleenvoulantplacerlesmilitairesdevantunfaitaccompliententantdeleurimposerAgatheUwilingiyimanaquin’étaitenaucuncas l’auto-rité légitime après lamort du présidentHabyarimana (voir chapitreVII).LegénéralDallairepensaitqueouialorsqu’iln’avaitpaslescompétencesconstitutionnellespourenjuger:

«Étant donné que le président avait (…) succombé dans l’accident 15,elle (Agathe Uwilingiyimana) se retrouvait légalement désignée pourprendresasuccession.(Dallaire,2003:290).

Iln’avaitpasdavantagelemandatdes’impliqueraussiprofondémentdanslaviepolitiqueduRwandapuisque:

«Lecommandantdelaforce,c’estceluiquis’occupedelagestiondesressourceshumainesetdesressourcesmatérielles,deshommesquisontmisàsadisposition.C’est luiquiapplique lesrèglesd’engagementquidéterminentdansquellesconditionsilfaututiliserlaforce.C’estluiquiaffectelestroupesquisontmisesàsadisposition(…)»(TPIR-98-41-T,BoohBooh,21novembre2005,p.62).

Le généralDallaire a donc singulièrement compliqué la situation politiquerwandaise en s’immisçant à la fois avec arrogance et incompétence dans undébat constitutionnel qu’il a largement contribué à faire dégénérer en unedramatiquesituationdecrise.La raisondecetétrangecomportementestpeut-être,commel’écritencoreM.BoohBoohque:

« Cet officier voulait faire un métier pour lequel il n’avait aucunecompétence : ladiplomatieetparfoismême lapolitique.» (BoohBooh,

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2005:14).

Ignorantdelasituationpolitiquedupayspuisqu’iln’apascraintdedéclarerdevant leTPIRqu’AgatheUwilingiyimana«étaitunpersonnageélu» (TPIR,98-41-T, Dallaire, 19 janvier 2004, sans pagination) alors qu’elle était unPremierministredésignéparsonparti,etnonélu,legénéralDallaireaenréalitétentéunpronunciamientoencherchantàl’imposeràdesmilitairesqui,commenousl’avonsvu,luiopposèrenttrèslogiquementunefindenon-recevoir.

Saresponsabilitéestdoncécrasantedanslagenèsedesterriblesévènementsdu Rwanda. Son interventionnisme brouillon, sonmanque de méthode et sonincompétence sont tristement illustrés par cette justification incohérente faitedevantleTPIR:

« À ce moment-là, tous les volets de la Constitution rwandaise, je nepossédais pas une expertise, je tentais à manœuvrer à l’intérieur, deconnaître comment il évoluait, mais ça allait devenir très bientôt uneentiténonexistante,parcequ’onallaitcréer…avecleGouvernementdetransition élargie parce que demise – àmon opinion - et de pratique,madameAgathe reflétaitpourmoi, encore, leGouvernementauniveaudePremierministreetqueleprésidentn’yexistaitpas,etqu’elle,encorecommePremierministre, avaituneautoritéouune légitimité». (TPIR,98-41-T,Dallaire,22janvier2004,sanspagination).

Si«cequiseconçoitbiens’énonceclairement», lemoinsquel’onpuissedireestqu’àcemoment-là,legénéralDallaireétaitenpleinbrouillard…

LegénéralDallaireayantdécidédefaireparlerAgatheUwinligiyimanaàlaradio,illuifallutorganisersaprotection,or,lesCasquesbleusbelgeslégèrementarmésenvoyéspourl’escorterfurentattaquéspardessoldatsdesFAR.Cernés,ils se rendirent ainsi que les cinq Casques bleus ghanéens qui assuraient lasécurité du domicile de l’ancien Premier ministre. Il leur fut promis qu’ilsseraient remis à une unité de la MINUAR ; mais, au lieu de cela, ils furenttransportésparminibusjusqu’aucampKigali(carten°6)oùilsfurentlynchés.LegénéralDallaireeutalorsuneattitudeindigne.

Reprenons le fil de ces tragiques évènements. À 9 h 06, au campKigali,pendantquelelieutenantbelgeLotinquivenaitdeserendreauxmutinsrendaitcompte par radio à sa hiérarchie, unemutinerie éclata et une foule de soldatsdont nombre demutilés se rua sur lesCasques bleus prisonniers16. Quatre ou

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cinq Belges furent immédiatement tués. À plusieurs reprises des officiersrwandais tentèrent demettre un terme au carnage,mais en vain. Le capitaineApedo,unTogolais, futprotégéetmisà l’abriparunsergent-chefappartenantau bataillon de reconnaissance (Recce) tandis que le commandant du campKigali, le lieutenant-colonel Laurent Nubaha, après avoir réussi à évacuer lesGhanéens,tentaunenouvellefoisdesauverlesBelges,maisiléchouadevantlafureurdesmutins.

Le témoignage de l’adjudant-chefLéonardSebutiyongera de la compagnieQGdesFARpermetdelecomprendreledéroulementdudrame:

« Des caporaux et des soldats qui criaient comme des fous avaientencerclé5militairesbelgesdelaMINUAR(…)etavaientcommencéàlesfrapperavecdesbâtons,desbaïonnettesetdescrossesencriantqu’ilsont tué le président de la république. Avec quelques officiers et sous-officiersnousavonsessayéenvaindelesempêcheretdelesrameneràl’ordre. Au lieu d’obéir ils nous ont malmenés et nous traités decomplices avec ceux qui ont tué le président de la république. Lasituationdevenuedifficileetaprèsêtreblesséaudoigtdelamaingaucheparunebaïonnette,j’aiquittéleslieuxparcequ’ilsavaientcommencéàtirerdecoupsdefeu(…)17».

Vers 11 heures, le lieutenant-colonel Nubaha qui venait de sauver lesCasquesbleusghanéensfitconduirecesderniersainsiquelecapitaineApedoàl’ESM (École supérieure militaire), située à quelques centaines de mètres ducampKigali(carten°5)oùsetenaituneréunionquiavaitdébutéà10heuresetquis’achevaà12heures.

Comme nous l’avons vu dans le chapitre VII, cette réunion avait étéconvoquée dans la nuit du 6 au 7 avril 1994 par les officiers réunis à l’État-MajorenprésencedugénéralDallaire.ElleregroupaitlesofficiersduMinadef,les membres des deux états-majors (armée et gendarmerie), les officiers del’ESM et de l’ESO (École des sous-officiers), les commandants opérationnelsOPS,lescommandantsdecampsetlescommandantsdebataillon.

LegénéralDallairequiavaitétérécupéréàl’hôteldesMilleCollinesparunofficierdelagendarmerierwandaisetentaderejoindrelaréunionmaisilétaitenretard car il pensait qu’elle se tenait à l’État-Major, c’est-à-dire à l’intérieurmêmeducampKigali, commecellede lanuitprécédente.Sonvéhicule ayantpénétréàl’intérieurducamp,ilappritquelaréunionavaitlieuàl’ESM(Écolesupérieure militaire) et il repartit aussitôt. En passant devant l’une des deux

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entréesducampKigali,legénéralDallairevitlescorpsdedeuxsoldatsbelgesétendus au sol. Il ordonna alors au chauffeur de stopper le véhicule. Devantl’excitation desmutins, ce dernier refusa, accéléra et entra à l’ESM (Dallaire,2003 : 307-308). Le général Dallaire « tomba » alors littéralement sur lesCasquesbleusghanéensquivenaientd’échapperaulynchageetsurlecapitaineApedoquiluirenditcompte:

«(…)j’aivulegénéralDallaire(…)jemesuisapprochépourluifairelepointdelasituation(…)jeluiaifaitunrésumésuccinct(…)quatrequiétaientausolquiétaientvraimentblessés,jepeuxmêmedireàl’agonie.»(TPIR,-98-41-T,Apedo,jeudi7septembre2006,p.37-44.)

LegénéralDallaireécoutamaisilnepritaucunedécision.Àaucunmomentil ne tenta de prévenir son adjoint, le colonel Marchal qui aurait alors puinterveniravecsespara-commandos.Cederniernecomprendd’ailleurstoujourspaslesilencedesonchef:

«Prèsde20ansaprèslesfaits,jenecomprendstoujourspaspourquoilegénéralDallairenem’apas informéde cequ’il avait vu et de cequ’ilavait entendu de la part d’Apedo et des 5 Casques bleus ghanéens ».(CommunicationpersonnelleducolonelMarchal).

Le général Dallaire entra ensuite dans la salle de réunion où les officiersétaient rassemblés. Invité à prendre place sur l’estrade, à aucun moment iln’alertalesofficiersprésents,àaucunmomentilnelesexhortaàintervenirafinde sauver ses hommes… Il assista silencieusement à la réunion.À son terme,vers midi, le colonel Bagosora lui demanda s’il désirait prendre la parole. Ilréponditqueoui.Allait-ilalorsdireauxcadresde l’arméerwandaisequ’à200mètres de là desmutins assassinaient des casques bleus ? En aucunemanièrepuisqu’il présenta ses condoléances à l’assemblée pour la mort du présidentHabyarimana,avantdedéclarerquelaMINUARresteraitauRwanda.

Laréunionseterminavers12h15.Uneheureavaitdoncétéperdue.Durantcessoixanteminutesdepassivité,combiendesoldatsbelgesauraient-ilspuêtresauvés?

Nous sommes donc au minimum en présence d’un cas avéré de non-assistanceàpersonneendangercarlegénéralDallaireareconnuqu’ilavaitbienvuseshommessefaireassassiner:

«Au cours de ce discours, je n’ai pas soulevé le problèmedes soldats

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belges parce que je désirais en parler en tête à tête avec Bagosora ».(Dallaire,2003:310).

Danssonlivre,legénéralDallaireécrit:

« Je ne pouvais abandonner la population qui avait fait confiance à lacommunautéinternationalepourqu’elleluivienneenaide18».(Dallaire,2003:310).

Dans l’immédiat, c’étaient ses propres hommes qu’il abandonnait auxtueurs!

Cefutdoncensortantdelaréunion,vers12h15,quelecolonelBagosoraappritquedesCasquesbleusavaientété faitsprisonnierspardesmutins. Il sedirigea immédiatement vers l’entrée du campKigali, vit les corps des soldatsbelgesàterreetappritqu’ilyavaitencoreunsurvivantàl’intérieurdulocal.Ilordonnaalorsauxmutinsde le lui remettre,mais il fut traitéd’inyenzi (Tutsi).Menacé,ildutbattreenretraite.(TPIR-98-41-T,Bagosora,8novembre2005,p.22-26).

Le jeudi22 janvier2004,devant leTPIR,MeConstant, avocatducolonelBagosora,posalaquestionsuivanteaugénéralDallaire:

« (…) ceque j’ai dumal à comprendre, général, c’est quequandvousarrivez à la réunion (à l’ESM), de même quand vous allez prendre laparole,vousneposezpasleproblèmequ’àquelquescentainesdemètresde là, 200mètres, vous avez des hommes qui ont déjà été tués ou deshommes qui sont tabassés. Est-ce que vous pouvez nous expliquer cepoint?»

RéponsedugénéralDallaire:

«Non, j’ai toutsimplementcontinuéà fairecequedansmonesprit, jedevaisfaire.Etdonc,devoirqu’est-cequ’ilyavaitdevantmoi,deleurindiquerque laMINUARallait rester.Et jesavais fortbienque j’avaisdes gens blessés, ainsi de suite,mais que nous ne partirions pas parceque,encorelà,j’espéraisque,peut-être,onallaitavoirlamiseenplace,c’est-à-direlacontinuitéduGouvernementdetransitionàbaseélargie».

MaîtreConstantinsiste:

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« (…)Ce que je ne comprends pas (…) général, c’est que vous avez,devant vous, les chefs de l’armée, les chefs de la gendarmerie, voussavezquevousavezdeshommesblessésettués,etquevousneleurditespas, là, d’intervenir, alors que ça se passe à quelques mètres. Ça, jen’arrivepasàcomprendre(…)vousneleurditespas:Là,ilfautqu’onarrête…»

RéponsedugénéralDallaire:

«Non,jeleuraipasdit“là”;j’aiditcequej’aidit!»(TPIR,98-41-T,Dallaire,22janvier2004,sanspagination.)

Tout commentaire serait inutile. Lesmanquements du généralDallaire quiprésidaauplusgrandéchecmilitairedel’ONUdepuissacréationsontàcepointnombreuxqu’ilestlicitededemandersiunetelleincompétenceestconcevablechez un officier général ou si l’explication de tels errements ne se trouve pasdansl’hypothèsedeM.BoohBooh,àsavoirla«connivence»aveclegénéralKagamé.

UNEMISSIONCACHÉEPOURLAMINUAR?

LecapitaineDèmedonnedelamatièreàl’hypothèsedeM.BoohBoohquandilécritque:

«Le7avril«lasalledesopérationsettousleshallsduCNDétaientremplisdenouvelleséquipesmilitaires.Jenedoutaispasunesecondequecessoldatsvenaienttoutdroitd’Ougandacarilsétaientéquipésdifféremmentdestroupesrégulières(duFPR)quiportaientdesvieuxuniformesdeRDAetdesbottesencaoutchouc.Ceux-ciavaientdestreillisvertsetparlaientanglaisavecunfortaccent.Celame fit sérieusementpenser à la raisondu refus absoludeRPRd’accepterleprincipedepatrouillesconjointesaveclesFARetlaMINUARlelong de la DMZ (Zone démilitarisée) qui pouvait mener à un trafic avecl’Ouganda. Le refus prenait tout son sens si le RPR avait en projet dereprendreleshostilités».(Dème,2011:215).

«D’abord la restrictiondumouvementdes troupes, leur cantonnementdanslescasernes,leretraitetlecontrôledeleursarmesetmunitions,detellesortequ’ellesn’étaientplusopérationnellespours’opposeroumenerdesopérationsmilitairesquiétaientcertainementlevéritableobjectifàatteindreetcelaétait

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encours.Letoutétaitcouronnéparladécapitationdupouvoiretl’abattagedel’avion présidentiel. Donc, quand les hostilités ont repris, tout était fait,planifié et méthodiquement exécuté par le biais des Nations unies pourannihiler leur capacité de riposter et même tenter tout effort pour restaurerl’ordreàl’intérieurdeleurproprepays»(Dème,2011:225).

1.ElleavaitunmandatrelevantduChapitreVIdelaChartedesNationsuniesqui proscrit le recours aux mesures de coercition pour assumer sesresponsabilitéssurleterrain.2.Ilquittal’arméeen2000aprèsavoirfaitunedépressionnerveuse.3. « Concernant les transports de bois. Je voudrais apporter un éclairageparticulier et ce, afin d’expliquer pourquoi aucuneopérationde fouille n’a étéentreprise. Petite précision technique, ce genre d’opération nécessitait ledéploiementd’unecompagnieentière(c’est-à-direunecentained’hommes)etnepouvait être réalisée que par les Casques bleus belges car les Bangladeshismanquaient totalement de fiabilité. Si cette opération ne fut pas réalisée, c’estparce que la situation sécuritaire (nombreuses manifestations violentes, lesémeutesdelafindumoisdefévriersuiteàl’assassinatduministreGatabazietde Martin Bucyana) nécessita la mise en place répétitive d’un dispositif desécurité impliquant tout le personnel disponible. D’autre part, les nombreusestentativesdemiseenplaceduGTBE(ilyeneut21entreledébutjanvieretlafinmars)plustouteslesfaussestentativesexigeaientledéploiementdetousmeséléments sur le terrain.Quand la situation redevint plus propice à l’exécutiond’uneopérationdefouille,soitenmars,KIBATIterminaitsarotationde4moisetétaitrelevéparKIBATII.J’aidoncdûattendrequelesecondbataillonbelgesoit opérationnel pour pouvoir remettre l’opération de fouille au programme.Pourresterconformeàlaréalité,lorsquej’aifaitpartaugénéralDallairedemesdoutessurl’attitudeduFPRetmonsouhaitd’effectueruneopérationdefouilledutransportdeboisàl’entréedelaKWSA(zonedeconsignationdesarmes),ilamarqué son accord avecma proposition.Malheureusement, pour les raisonsexposées ci-avant, l’opération n’a pas pu être exécutée.» (CommunicationpersonnelleducolonelMarchal).4.SelonPhilpotquil’ainterrogé,FaustinTwagiramungun’apasrencontréJean-Pierre.(Philpot,2003:82-84).5.Lesecrétairegénéralétaitàl’époqueM.BoutrosBoutros-Ghali.6. Ce fax était adressé au général canadienMauriceBaril, conseillermilitaireauprèsdusecrétairegénéraldesNationsunies,maispasàcedernier.

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7.Ilestplusqueprobablequecefaxsoitunfauxoubienqu’ilfut«arrangé»afin d’introduire une pseudo-preuve de la planification du génocide dans lesarchivesdesNationsunies.8.Audébutdel’année1994etafindelimiterlenombred’armesencirculationdans Kigali-ville, la MINUAR mit en place un programme de désarmementconnusouslenomdeKigaliWeaponSecurityArea(KWSA).9.Cet officier sénégalais a rédigé un rapport détaillé co-signé par le capitaineClaeys le 13 janvier 1994. (TPIR, Affaire n° ICTR-98-41-T, Claeys, 7 avril2004,p.71).10. Il s’agit du général Emmanuel Karenzi Karake qui fut commandant ensecond de la Mission des Nations unies pour le Darfour, le général KarenziKarake.11.Le30novembre2006,devantleTPIR,lecolonelMarchaln’avaitpasexcluquetoutel’affairen’aitétéqu’unemanipulationfaiteparleFPR(TPIR,-98-41-T,30novembre2006,p.36).12.M. Booh Booh parle de ce qu’il a pu voir après le 15 avril quand il futhébergéauQGdelaMINUAR.13. Pour la liste de ces massacres, voir Desouter, S., (2005) Massacre depersonnalités hutu par le FPR juste après l’attentat du 6 avril 1994. Rapportd’expertisedansl’AffaireTPIR-21-AR72.14.Elleappartenaitaucourantpro-FPR,minoritaireauseinduMDRpuisqu’ilne représentait que 10% de sesmembres (TPIR, 98-41-T,Reyntjens, 16 sept2004, sanspagination).Ultraminoritairedans sonpropreparti et liée auFPR,comment aurait-elle pu prétendre incarner l’union nationale ? Selon JeanKambanda,PremierministreduGouvernementintérimairerwandaisàpartirdu10avril1994 :«FaustinTwagiramunguetAgathe,noussavionsqu’ilsétaientalliés du FPR. Nous le savions et ils ne le cachaient pas.» (TPIR-98-41-T,Kambanda,11juillet2006,p.26).15.Danscelivreécritdixansaprèslesévènements,legénéralDallaireneparlepasd’attentatmaisd’«accident»,cequiestproprementstupéfiant.16.Selon lecolonelMarchal :«Lamutineries’estproduiteà l’arrivéedes15Casquesbleusaprèsquel’adjudant-chefLéonardSebutiyongeraeutcrié«voiciceux qui sont responsables de la mort de notre président » (CommunicationpersonnelleducolonelMarchal).17.PVd’auditiondel’adjudant-chefSebutiyongeraLéonardparlacommissiond’enquêtedesFARrelativeàlamortdesCasquesbleusbelges(30avril1994,3pagesdactylographiées).Cedocumentporteenréférence«Kigali,07mai1994,n° 0689/ OFFR.2.3 Objet : Transmission dossier. Référence :VL n°0666/OFFR.2.3du22avril1994».

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18. Et pourtant, c’est bien ce qu’il fit. Vers 7 heures du matin, JosephKavaruganda,présidentde laCourdecassation, fut tuépardeshommesde lagarde présidentielle. Cet assassinat sembla déclencher ceux de ses voisins quiappartenaientàlafractiondel’oppositionhutualliéeauFPR.Lespersonnalitésassassinées habitaient toutes dans le quartier de Kimihurura, à proximitéimmédiate de la caserne de la garde présidentielle. Toutes les victimesbénéficiaientpourtantd’uneprotectionmilitaireassuréepardesCasquesbleus.JosephKavaruganda,FrédéricNzamurambahoministredel’Agriculture,FaustinRucogozaministre de l’Information et Fidèle Ngango, vice-président du PSDétaient ainsi « protégés » par cinq Casques bleus chacun. Quant à LandoaldNdasingwa, c’est une garde de sept Casques bleus qui assurait sa sécurité.Pourquoileshommesdel’ONUont-ilsàcepointfailliàleurmission?D’autantplus que laMINUARayant un poste dans le secteur, elle aurait pu tenter d’yregrouperceuxqu’elleavaitpourmissiondeprotéger.Auxtermesduparagraphe3a de la résolution votée à l’unanimité par leConseil deSécurité desNationsunies,laMINUARavait,entreautres,reçumandatdeprotégerlespersonnalitéspolitiques et de « (…) contribuer à assurer la sécurité de la ville de Kigali,notammentàl’intérieurdelazonelibred’armesétabliedanslavilleetdanssesalentours».

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E

CHAPITREIX

LAFRANCEA-T-ELLEUNERESPONSABILITÉDANSLE

GÉNOCIDE?RWANDA:UNGÉNOCIDEEN

QUESTIONS

nprèsdevingtannéesd’existenceduTPIR,autermedemilliersd’heuresdetémoignagesetdelaproductiondeplusieurstonnesd’archives,aucune

des parties n’a produit lemoindre document pouvant, ne serait-ce que laisserentendre,uneimplicationfrançaisedanslegénocide.Etpourtant,régulièrement,le régimedeKigali et ses relais dans la presse française1 et belge accusent laFrance, parfois même à travers des montages livrés « clés en main » à desjournalistespeuscrupuleux,stipendiés,naïfsoutoutsimplementparesseux.

Là encore, quelle est la réalité du dossier ? Le 6 avril 1994, jour del’assassinatduprésidentHabyarimana,endehorsde24coopérantsmilitaires,iln’y avait plus de troupes françaises au Rwanda puisque les dernières unitésd’interventionavaientquittélepaysle15décembre1993,àlademandeexpresseduFPRquienavaitfaitunpréalablenonnégociableàsaparticipationàlaphasefinale du processus de paix. Par définition donc, l’armée française ne pouvaitêtremêléeàungénocidequi,plusest,futessentiellementcommisàlamachette.

I.Lesmontages

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Comme il serait fastidieux de faire ici l’inventaire des articles concernés,seulsdeuxexemplesserontchoisis2.

Premierexemple

Danssonnumérodu12août2008,l’hebdomadaireJeuneAfriquedonnaunegrandepublicitéàunrapportrwandaisde331pages,dit«rapportMucyo»quiaccuse plusieurs dizaines d’hommes politiques et d’officiers français decomplicitédanslegénocidede1994.

Cetextenecontientqu’uneseule«preuve»delaprétendue«culpabilité»française.Ils’agitd’unelettrequelecolonelGillesBonsang«chefdecorpsdu7eRIMA»auraitsignée«PlacedeCaylus»endatedu2juin1998,soit4ansaprèslegénocide,pourordredugénéral«Yves»Germanos«chefd’état-majordes Forces spéciales » et adressée auxmiliciens hutu réfugiés auCongo pourleurannoncerdeprochaineslivraisonsd’armesfrançaises,cequidémontraitquelaFranceétaitbiencomplicedesanciensgénocidaires.

Or,lalettreattribuéeaucolonelBonsangestunfauxgrossierélaboréparlesservicesdeKigali.Eneffet:

1.le7eRIMAavaitétédissousle30juin1977,soit21ansplustôt!

2.lelieutenant-colonelGillesBonsangn’étaitpascolonel,

3.ilnecommandapascerégiment,

4. le 2 juin 1998, il était affecté depuis un an à Marseille et non àCaylus,

5.legénéralGermanosneseprénommepasYves,maisRaymond,

6. le 2 juin 1998, il n’exerçait pas les fonctions qui lui sont prêtéespuisque, du 1er septembre 1995 au 17 juillet 1998, il fut chef ducabinetmilitaireduministredelaDéfense.

7.Letamponutilisén’estpasuntamponmilitaire,maisuncachetcivil,etc.

JeuneAfrique,quiavaitpubliécefauxgrossiersousuntitrepercutant:«Ledocumentqui accuse laFrance»,ne fit pas lemoindre rectificatif endépitde

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trèsnombreuxcourriersquiluifurentenvoyés.

Deuxièmeexemple

Lenuméro10 (mars2010)de la revueXXI, éditéeparLesArènesavec lesoutien de France-Info et publié à l’occasion du seizième anniversaire dugénocide du Rwanda, semble n’avoir été imprimé que dans le seul butd’attribuer une responsabilité à la France et à l’armée française. À aucunmoment ne sont ainsi cités les nombreux travaux qui contredisent la thèseaccusatrice;quantàlajurisprudenceduTPIRelleesttoutsimplementignorée.Plus insolite encore, les journalistes qui collaborèrent à ce numéro ne prirentmêmepaslapeinedevérifiercequ’ilsavançaient,certainsallantjusqu’àprêterdesproposàdesgensqu’ilsn’avaientjamaisrencontrés.

Ainsi:– Page 61 de son article intitulé Barril, l’affreux, Jean-Pierre Perrin fait

parlerlecapitainePaulBarrilauquelilfaitdirequetouslesprotagonistesd’unesombre affaire de trafic d’armes s’étant déroulée au Rwanda dans les années1990-1994 sont morts et en particulier « un attaché de défense corrompu ».CommeBarriln’auraitpaspréciséquiétaitexactementcemilitaire,larevueXXIajoute entre parenthèses une note indiquant que cet « attaché de défense »décédéetcorrompuétaitl’attachéfrançaisauprèsdel’ambassade«deFranceàKigali».

Cetteaccusationà la foisgrave, sansnuanceetgravementattentatoireà laréputationetàl’honneurexigeaitunminimumdevérification,cequin’apasétéfait ; or, une telle démarche, pourtant élémentaire, aurait permis à Jean-PierrePerrindeconstaterquel’accusationportéeétaitfausse.

Eneffet, lesdeuxattachésdedéfense françaisprésents àKigalide1990à1994–àsavoir lecolonelRenéGalinié,de1988à1991et lecolonelBernardCussac,de1991à1994–étaientbienvivantsàladatederédactiondel’article.Pourautantqu’ilsefûtexprimé,Barrilneparlaitdoncmanifestementpasd’unattachédedéfensefrançais.

Encore plus insolite, la revue XXI n’ignorait rien de la bonne santé ducolonel Cussac puisque, le vendredi 22 janvier 2010, Maria Malagardis, quisigne l’article intitulé Quinze jours dans la vie de Madame dans le mêmenuméro,téléphonachezcedernierpourl’interroger…

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–Page56dumêmearticle,Jean-PierrePerrinparlede«l’époused’unhautfonctionnairefrançais»quiauraitcroiséBarrilàl’aéroportdeKigaliquarante-huit heures avant l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, ce quitendraitdoncàprouverquele«sulfureux»capitaineétaitbienauRwandadanscesmomentscruciaux.

Quiétaitdonccettemystérieuseépousedontlenomn’estpasprécisé?Ileûtété essentiel de le connaître étant donné qu’en dehors de l’ambassadeur, dupremierconseillerd’ambassade,duchefde lamissioncivileetde l’attachédedéfense,aucunautrehaut fonctionnaire françaisn’étaitprésentàKigaliàcettedateetque:

–l’épousedel’ambassadeurneconnaissaitpasBarril,

–l’épousedupremierconseillerd’ambassadeétaitenvoyageauKenya,

–celleduchefdelamissioncivileneconnaissaitpasdavantageBarril,

–l’épousedel’attachédedéfensen’estpasalléeàl’aéro-portdanscecréneauetsurtoutn’apasétéinterviewéeparJ.-P.Perrin…–Jean-FrançoisDupaquierpubliedanslamêmerevueXXIunarticledontle

titre est Là-haut, sur la colline de Bisesero qu’il consacre à l’adjudant-chefThierryPrungnaudquialonguementetbrillammentserviauseinduGIGN.

DétachéauRwandapendantquatremoisen1992pourymettreàniveauleGrouped’InterventionetdeSécuritédelagardeprésidentielle(GISGP),ThierryPrungnaud y retourna en juillet 1994, dans le cadre de l’opération Turquoise.Ayantquittéleserviceactif,ilfutinterviewéle22avril2005surFranceCultureparLauredeVulpian,etdurantl’émission,ilportadegravesaccusationscontrel’arméefrançaise.Depuis, ilestconstammentprésentdans lesmédias lorsqu’ils’agitdeconforterlathèseselonlaquellelaFranceseraitcomplicedugénocide.

SelonDupaquier,Prungnaudauraitdésobéipourseporter,contrelavolontédeseschefs,ausecoursdesTutsideBisesero.LegénéralLafourcade,chefdel’opération Turquoise, a pourtant clairement démenti cette affirmation et àmaintesreprisesetceladepuisplusieursannées,déclarantqu’ils’agissaitd’unetotaleinventionpuisquePrungnaud:

1.n’avaitpasdésobéi,

2.étaitrestéauseindesondétachement,

3.etquecefutuneautrepatrouillequelasiennequidécouvritlemassacredeBisesero.Dupaquier n’a tenu aucun compte de ces démentis. Toujours selon

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Dupaquier,durantlesquatremoisqu’ilpassaauRwandaen1992,Prungnaudseseraitaperçuqu’unepartiedesattentatsquiensanglantaientlepaysdepuis1990« était commis par des Hutu ». Outre le fait que Dupaquier reconnaîtimplicitementquel’autre«partiedesattentats»futdonccommiseparleFPR,commentPrungnaudaurait-ilpu«s’apercevoir»decelaalorsqu’ilnefutjamaisassocié aux recherches menées par ses confrères gendarmes du Centre deRecherchesCriminelleetdeDocumentation–seuleunitéspécialiséeenpolicejudiciaire en service auRwanda – créée en 1992 par les assistants techniquesfrançais et qui, au contraire, établit clairement que ces attentats avaient étécommisparleFPR3(voirl’annexe7)?

Nous avons en effet vu plus haut que pendant plusieurs mois le CRCDenquêtasurlesattentatscommisauRwandade1990à1993etquelerésultatdesesrecherchesincriminedirectementleFPRtutsietnonlesHutu4.

Or, et à aucunmoment de cela, Prungnaud ne fut, ni de près, ni de loin,associéauxtravauxduCRCD.

Page32delarevue,afindedonnerdupoidsauxproposréelsouinventésdePrungnaud, Dupaquier promeut ce sous-officier de gendarmerie mobile, en«OfficierdePoliceJudiciaire»;puis,page39,ilenfaitun«enquêteuréméritespécialisédanslapolice judiciaire».Or,Prungnaudnepeut,etcelaenaucunemanière,seprévaloirdelaqualitéd’officierdepolicejudiciaire(OPJ).L’article16ducodedeprocédurepénaleestformelàcesujet:

«Lesfonctionnairesmentionnésaux2°à4°ci-dessus(NDA:dont lesgradés de la gendarmerie) ne peuvent exercer effectivement lesattributions attachées à leur qualité d’officier de police judiciaire ni seprévaloirdecettequalitéques’ilssontaffectésàunemploicomportantcetexerciceetenvertud’unedécisionduprocureurgénéralprèslacourd’appellesyhabilitantpersonnellement».

Prungnaudn’ajamaisété«habilité»lorsdesalongueaffectationauGIGNoùilétaittireurd’éliteetnonenquêteur.DupaquiersaitfortbienquePrungnaudnepeut pas davantage revendiquer la qualité d’officier de police judicaire quelui-mêmecelled’expertdevantleTPIRetpourtant,ilpersisteàmentir.

Nous ne sommes plus dans le journalisme d’investigation, mais dans lejournalismemilitant.

II.Lesaccusationsrécurrentes

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Bien d’autres accusations sont périodiquement portées contre la France etson armée. Toutes ont été démenties mais elles continuent cependant à êtrepériodiquement republiées.Nousn’allons ici faire le point quedes principalesd’entrecesdernières.

–LaFranceaformélesmilicesgénocidaires

Cetteaccusationreposesurl’imaginationdeJ.-P.Gouteuxqui,danssonlivrepamphlet (2002 :61), écrit quedesmilitaires françaisont formédesmiliciensInterahamweaucampdeGabiro,dansleparcdel’Akagera.

DanslecampdeGabiro,situédanslapartienordduparcdel’Akagera,lescoopérants militaires français n’ont recyclé que les appuis des bataillonsconcernés (mitrailleuses, mortiers, canons SR sans recul) ainsi que lesspécialistesgéniecarc’étaitleseulendroitauRwandaoùonpouvaitbénéficierdechampsdetirillimitésetvidesdepopulation.

Lesmilitairesfrançaisontdoncexclusivement,nonpasformé,maisremisàniveau des soldats des FAR. Tous les Rwandais qui passèrent dans ce campétaient donc des soldats déjà formés, pour ne pas dire des spécialistes, et enaucuncasdesrecruesparmilesquellesauraientpuêtre«discrètement»glissésdesmiliciens.

–LaFranceaformélagardeprésidentiellerwandaisequiparticipaensuiteaugénocide

Laréalitéestquel’assistance«gendarmerie»miseenplaceaumoisd’août1992etquieutpourcheflecommandantRoux,détachatroishommesauprèsdela garde présidentielle dont un membre du GIGN pour une mission qui durad’aoûtànovembre1992,soitquatremois.

Au début dumois de novembre 1992, le colonel Capodanno, chef d’état-major de laMMC (Missionmilitaire de coopération), rédigea un rapport finaldanslequelilécrit:

« La garde présidentielle est un groupement d’environ 500 hommesarticuléen3compagniesdemarcheet1compagniemotocycliste.Notre

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actionaconsisté,jusqu’àprésentàtraversunconseillerAMT(Assistantmilitaire technique)etunDAMIde2sous-officiersàremettreàniveaul’unitémotocycliste(échec),àpoursuivrel’entraînementdescompagnies(encours)etàcréerungroupedesécuritéetd’intervention–GSIGP-dontlamisesurpiedestmaintenanteffective(…)Nousavonsprévu(…)de cesser toutes nos activités au profit de la garde présidentielle ».(Capodanno,3-6novembre1992,ETR,II:183).

LaFrancesuspenditdoncsamodesteparticipationàlaformationdelagardeprésidentielle et cela dès lemois de novembre 1992, soit quatremois à peineaprèsledébutdelamission.Écrirequ’elleformacetteunitéestdoncinexact.

–Desmilitairesfrançaisontparticipéàdesinterrogatoires«musclés»

Les accusations de participation aux interrogatoires de prisonniers sontrégulièrement portées contre l’armée française depuis la citation de Me ÉricGilletdubarreaudeBruxellesdanslequotidiencommunisteL’Humanitédu22novembre 1991). Elles furent « étayées » par Jean Carbonare qui parle departicipation française aux interrogatoires et tortures au camp de Bigogweauxquelsilprétendavoirassistéaumoisdejanvier1993:

« En janvier 1993, j’ai vu dans le fameux camp de Bigogwe, entreGisenyietRuhengeri,des“parascommandos”françaisquiformaientlessoldats, responsables desmassacres dans la région.Par camion entiers,lescivilsétaientamenés,torturésetexécutés,etc’estaussiparcamionsentiersquelescorpsétaiententerrésdansunefosseprèsducimetière».(L’HumanitéDimanchedu26mai1994citéparGouteux,2002:148).

Or, le camp de Bigogwe ne fut jamais une emprise française puisqu’ils’agissait du centre de formation des commandos placé sous l’uniqueresponsabilitédemilitairesbelges.Cen’étaientdoncpasdesFrançais,maisdesBelgesquiformaientlescommandosrwandais.LescommandosdeBigogwenepouvaientdonc,etpardéfinition,êtredes«élèves»del’arméefrançaise.Enfin,dansl’arméefrançaiseonneparlepasde«paras-commandos»,termeemployédansl’arméebelge5.

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Ausujetdesinterrogatoires,laprincipaleaccusationfutportéeparMmeA.Des Forges (ETR, TIII/2 : 70-83) qui a parlé d’interrogatoires musclés deprisonniersduFPR,auxquelslesmilitairesfrançaisauraientassistéàKigali,auCentre de documentation, lieu qui aurait été un centre de torture de lagendarmerieetdelapolicerwandaise.

Mme Alison Des Forges s’est depuis rétractée, reconnaissant dans uncourrier alambiqué qu’elle s’était trompée et qu’au contraire, la présence deFrançaisauraitempêchélestortures:

«(…)Donc,ilyaeudelatortureauCentreetilyaeudesexpertsfrançaisauCentre,maispasenmêmetempset,enplus,c’estpossiblequec’est laprésence française qui a contribué à faire cesser l’emploi de la torture(…)(ETR,III/2:84).

Ignorantcette rétractation,certains journalistescontinuent régulièrementdeciter A. Des Forges pour écrire que des Français ont participé à des«interrogatoiresmusclés»auxcôtésdesFAR…

–LaFranceestintervenuesecrètementaprèssonretraitmilitairedumoisdenovembre1993?

Quand l’année 1994 débuta, il n’y avait, comme nous l’avons vu, plus detroupes françaises au Rwanda où, seuls demeuraient vingt-quatre coopérantsmilitaires.Etpourtant,lajournalistebelgeColetteBraeckmanécritquelaFrancerenvoya«secrètement»dessoldatspourcontinueràaiderlesFAR:

«(…)unedouzainedemembresduDami,quiavaientquittélepaysendécembre, avaient été reconnus, à Kigali et à Butare notamment, dèsfévrier. » (Braeckman,Rwanda, histoire d’un génocide. Paris 1994, p.195).

Ultérieurement, J.-P. Gouteux (2002) qui se réfère à plusieurs reprises, etsans l’avoir lue à : « (…) l’audition à huis clos des lieutenants-colonels Jean-ClaudeMaurin et Gilles Chollet le 3 juin 1998, à lamission d’information »(Gouteux, 2002 : 24) reprit la même accusation, affirmant que des militairesfrançaisduDamiétaientrevenusaumoisdefévrier1994comme«touristes»et

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appuyantsesdiressurlesdéclarationsducolonelMaurinquiaurait«confirmé»cefaitdevantlaCommissionparlementairefrançaisele3juin1998.

Ils’agit làd’uneautreaffabulationcar le3juin1998, interrogéàhuisclospar les enquêteurs parlementaires français pour répondre précisément auxaccusationsdeColetteBraeckman,lecolonelMaurindéclaraqu’àlafindumoisdefévrier1994alorsque,rappelons-le,ilétaitadjointopérationneldel’attachédeDéfensefrançaisetconseillerduchefd’État-MajordesFAR-,ilcroisadeuxmilitaires français en civil à l’hôtel de la Kagera, dans le parc national del’Akagera.CesdeuxhommesétaientenposteauBurundioùilsservaientautitredel’assistancemilitairetechniqueetilsétaienttoutsimplementvenusvisiterlapartiesudduparcdel’Akageraencoreouverteautourisme.Or,ilsetrouvaitquecolonel Maurin connaissait personnellement le capitaine Lallemand, l’un desdeuxofficiers,puisqu’ilsavaientservitousdeuxau3eRPIMadeCarcassonneen1990-1992.(EntretienaveclecolonelMaurin).

Quant à l’« erreur » commise par Colette Braeckman, elle vientprobablementdufaitquequelqueshommesquiavaientauparavantservidanslesDAMI Panda sont ultérieurement revenus àKigali pour l’opérationAmaryllisavecledétachementspécialiséduCOSentrele8avriletle14avril1994.

–Aprèsle6avril,laFranceprocédaàdesévacuationssélectives

Sur le site Internet de « Survie », il était possible de lire, en date du 15octobre2004,les«informations»suivantes:

«Tandisquel’onabandonnaitauxmassacreursdescentainesdefamillesaccrochéesauportaildel’ambassade(deFrance),auxquellesonrefusaitl’entrée, se retrouvaient à l’intérieur tous6 les dignitaires du régime etleur famille (…) À tout moment ces dignitaires sortaient avec leursescortesdemilitairespourcirculerdanslesquartiersen?ammesetàleurretourtenaientdesréunionsàl’ambassadepourparlerdel’évolutiondela situation, dresser le bilan des victimes ou regretter que telle ou tellepersonnen’aitpasencoreététuéeoutelquartiernettoyé».

La France et son ambassadeur sont ainsi accusés tout à la fois de non-assistance à personne à danger, de forfaiture et de complicité active avec les

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tueurs.Devantlatranquilleassuranceaveclaquellecesaccusationssontportées,ilestlégitimedesedemandersurquelséléments«Survie»fondesesdires.Unenoteinfrapaginaleréférencéesouslen°«37»répondàcettequestion:

« Selon un témoin rwandais amené par les Suisses à l’ambassade deFrance de Kigali. Colette Braeckman cite son témoignage devant laCommissiondesdroitsdel’hommedel’ONU(L’enferduRwandaetlesbonnesintentionsdelaFrance,inLeSoirdu20/06/94).

L’unique « source » d’une aussi gravemise en cause repose donc sur les« dires » invérifiables d’un anonyme témoin rwandais cité par une journalistebelgeconnuepourses«approximations»etsesrevirementsdanssontraitementdelaquestiondugénociderwandais!

–LaFranceaidajusqu’auboutles«extrémisteshutu

Dans leMondediplomatique daté du30mars 1995nous pouvons lire quedansleslocauxdel’ambassadedeFrancelesresponsableshuturéfugiéstinrent:

«(…)unesorted’assembléegénéraleextraordinaireduHutuPower,despartisans de l’épuration ethnique et du massacre des Tutsis ». (F.-X.Verschave,inleMondediplomatique,30mars1995).

Cetteaccusationestune fois encore inexacteet l’ambassadeurdeFranceaclairementexpliquécequi,enréalité,s’étaitpassé.LesministresduGTBEdéjàdésignésparconsensusetlesresponsablespolitiquesréfugiésàl’ambassadedeFrancedécidèrentdetenir:

« (…) une réunion au cours de laquelle ils ont fixé trois orientations :remplacer lesministresoulesresponsablesmortsoudisparus, tenterdereprendreenmainlagardeprésidentielleenvued’arrêter lesmassacreset,enfin, réaffirmer leurattachementauxaccordsd’Arusha.» (Marlaud,ETR,III/1:296).

Danslarelationdecetteréunioninformellefaiteparl’ambassadeurMarlaud,onchercheraitenvainlatracedestroisaccusationsportéesparF.-X.Verschavedans le Monde diploma-tique : au lieu de « Hutu power », d’« épuration

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ethnique»oude«massacredesTutsi»,lesparticipantscherchentaucontraireàstopperlesmassacresetrelancerleprocessusdepaixd’Arusha.

–L’armée françaisea évacuédesgénocidaires etnon lepersonnel tutsidel’ambassade

SelonM.J.-F.Bayart:

«Lapremièremissionhumanitairedel’arméefrançaiseendirectionduRwanda a consisté à évacuer les responsables des réseaux Zéro7 etmadameHabyarimana».(LaCroix21mai1994).

Plus généralement, la France est accusée d’avoir procédé à l’évacuationexclusive de dignitaires du régime hutu et d’avoir appliqué un traitementdifférent auxpersonnels françaisou rwandaisde l’ambassade.Cesaccusationssont-ellesfondées?

Le9avriletcelaparlepremieravion,furenteffectivementévacuéslaveuveduprésidentHabyarimanaetonzemembresdesafamilledontdeuxdesesfilles,un de ses fils, deux de ses petits-enfants8. Cet avion évacuait égalementquarante-troiscoopérantsfrançais.

S’agissantdespersonnelsdel’ambassade,yaurait-ileurefusd’évacuation?Les ordres donnés par Paris n’allaient pas dans ce sens comme le montre untélégrammedatédu11avril1994adresséàl’ambassadeurdeFrance:

« (…) le département vous confirme qu’il convient d’offrir auxressortissants rwandais faisant partie du personnel de l’ambassade(recrutéslocaux),pouvantêtrejoints(noussoulignons),lapossibilitédequitterKigaliaveclesforcesfrançaises».(ETR,I:266).

Ilesteneffetessentieldenoterquelesmalheureuxemployéstutsidel’ambassadedeFranceetdesesservicesannexesfurentleplussouventmassacrés chez eux, à leur domicile, ou en ville, à des barrages, alorsqu’ils tentaient de gagner l’ambassade et cela dans les 48 heures quisuivirent lamortduprésidentHabyarimanac’est-à-dire les7et8avril.Or,jusqu’au9avrildanslasoirée,datedel’arrivéedespremiershommesde l’opération de secours Amaryllis, comment et avec quels moyensl’ambassadedeFranceaurait-ellepulesextraireetlesregrouper?Avecses24coopérantsmilitairesquand,avecses2539hommes,laMINUARfutincapabledeprotégerceuxquiétaientmenacés?

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L’Ordredeconduiten°3endatedu11avril–20heures12précisaitquel’évacuationdesFrançaisétantterminée,ils’agissaitmaintenant:

« (…) d’accélérer l’évacuation des ressortissants étrangers et des personnels del’ambassadeetdepréparerleretraitprogressifdesunités».

Nonseulementiln’yeutdoncpasd’ordred’évacuationsélectif,maisaucontraire,desordresnets et incontestables furentdonnésconcernantl’évacuationdespersonnelsdel’ambassade.

Quandilsnesontpasdemauvaisefoi,ceuxquiécriventlecontrairesont dans l’erreur. Le départ définitif étant prévu pour le 12 avril, lesordres des militaires ne s’opposaient donc ni à une extraction despersonnelsrwandaisdel’ambassadequiseseraientmanifestés,niàplusforteraisonàleurévacuation.

1.EnpointedanscettequestionparsesarticlesdansLeFigaro,PatrickdeSaint-Exupéry eut unegrande influence sur nombre de ses confrères qui, à sa suite,donnèrentlargementéchoàtoutcequivadanslesensdecettethèse,écartantoupassantsoussilencetoutcequilacontredit.2.Pour l’exhaustivitédesaccusationsportéescontre laFranceet sonarmée, ilseranécessairedesereporteràLugan(2007).3. Entretien avec le colonel Robardey, responsable de la coopérationgendarmerieauRwandaetsupérieurdePrungnaud.4.Dupaquiernepouvaitignorerl’existencedecerapportremisauTPIRetàlajustice française et que je cite intégralement pages 279 à 291 de mon livreRwanda. Contre-enquête sur le génocide (2007) et qu’il a pourtant lu avecattention…5. Les DAMI qui recyclaient les unités régulières des FAR venaientponctuellement à Bigogwe, non pour y former des commandos,mais pour enutiliserlechampdetirouleparcoursd’audaceetilsnefaisaientqu’ypasser.6.Si«Survie»veutdirepar« tous»quela totalitédesdignitairesdurégimesuivisdeleursfamilles,soitplusieursmilliersdepersonnes,seréfugièrentdansles locaux de l’ambassade de France, cela est matériellement impossible. Si«Survie»veutdirequetouslesRwandaisquiseréfugièrentdansleslocauxdel’ambassadedeFranceétaientdes«dignitairesdurégime»,celaestfaux.VoirenannexeX,lalistedesréfugiésàl’ambassadedeFrance.7. Réseaux qui n’ont jamais existé, voir chapitre II, les développementsconsacrésàl’Alkazu.8.À7heures,lafilleduprésidentHabyarimanaavaitdemandépartéléphonela

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protection de la France pour elle et pour samère. L’ambassadeurMarlaud luiconseillades’adresseràlaMINUARcarilnedisposaitpasdemoyensmilitaireslui permettant d’assurer sa sécurité. Son interlocutrice refusa car elle croyaitalorsquec’étaientlesBelgesquiavaienttuésonpère;or,commedesCasquesbleusbelgesavaientenchargelavilledeKigaliellenevoulaitpasfaireappelàl’ONU(Marlaud,ETR,1998,op.cité,III/1:295).

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CHAPITREX

LETPIRA-T-ILRENDUUNEJUSTICEAUPROFITDESVAINQUEURS?

FORCESETFAIBLESSESDUTPIR

LeTPIRafonctionnéselonlarèglede laCommonLaw selon laquelledeux«camps»s’affrontent,l’AccusationetlaDéfense,tousdeux,devanttenterdeconvaincrelaCour«au-delàdetoutdouteraisonnable».

Danscesystème,iln’existepasdejuged’instructionqui,enamont,instruitàcharge et à décharge, l’« instruction » se faisant en quelque sorte durantl’audience. Ce fut d’ailleurs à cette occasion que l’histoire officielle futtotalementchambouléeetcela,aufuretàmesuredelapublicationdepiècesnouvellesouàlasuitedetémoignages.

Danscebrasdeferpermanent,l’Accusationeutunavantageconsidérablecarelle disposait des dossiers que lui remettaient « discrètement » ouofficiellement les autorités rwandaises. La Défense ne pouvait commencervéritablementàtravaillerqu’unefoisqueleprocureuravaitcommuniquésespièces. Or, quand il possédait un élément innocentant l’accusé, il ne lecommuniquait pas toujours. Le combat fut donc inégal, les moyens del’Accusation étant illimités, notamment en enquêteurs et enmatériel, quandceuxdelaDéfenseétaientcontingentés.

DevantleTPIRleprocureurétaittotalementindépendantpuisqu’iln’étaitpassoumis à l’autorité du Tribunal, mais à celle des Nations Unies et plusspécialement du Conseil de sécurité. Les États-Unis et la Grande-Bretagne

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s’opposantàtouteenquêtepouvant«gêner»lenouveaurégimeduRwanda,alors leur indéfectible allié régional, voilà pourquoi aucune poursuite ne futengagée contre PaulKagamé et ses proches collaborateurs.Voilà égalementpourquoi leTPIR cessa d’enquêter sur l’attentat du6 avril 1994 à partir dumomentoùlessoupçonsseportèrentsurleFPR.

Quant aux juges internationaux, ils n’avaient pas tous le même niveau.Certainsétaientdesjuristeséminentsetindépendantsquandd’autres,issusdepayspauvresetquigagnaientjusqu’àplusde30foisleursalaireensiégeantau TPIR, évitaient d’affronter la toute-puissance de l’Accusation… afin dedurer…

Voilà qui explique en partie pourquoi les juges de l’Appel renversèrentplusieurs jugements de première instance, davantage rendus au nom du«politiquementcorrect»quedela«bonnejustice».

SilefonctionnementduTPIRpeutetdoitmêmeêtresévèrementcritiqué,etnous avons mis en évidence plusieurs de ses dérives dans ce livre, il n’endemeurepasmoinsquecefutgrâceàsestravauxetauxjugementsrendusparses diverses chambres de première instance et d’Appel que la véritablehistoiredugénocideduRwandaapuêtreécrite;àtraverslatotaledéconfituredel’Accusation.

Créé le8novembre1994par laRésolution955duConseildesécuritédesNations unies avec compétence pour les évènements s’étant déroulés du 1erjanvierau31décembre1994,pourjugerlesprésumésorganisateursdugénociderwandais de 1994, le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda) futinstalléàArusha,enTanzanie.

Dèsledébut,quatreproblèmesseposèrent:

1. Le TPIR refusa d’enquêter sur l’attentat du 6 avril 1994 qui fut pourtantl’élémentdéclencheurdecegénocide.

2. N’allaient être jugés que des Hutu, le TPIR ayant décidé de ne paspoursuivredeTutsi,àcommencerpar lescommanditaireset lesexécutantsconnusdecesdiverscrimesetattentatscommisdepuisoctobre1990etquifurentàl’originedel’exacerbationdelahaineethnique.

3.L’Accusationdontledossierétaitvide,choisituneapprocheàlafoisglobaleet figée, le procureur refusant de prendre en compte l’évolution desconnaissances,maintenantd’unemanièrebutée,procèsaprèsprocès,unacted’accusationchaquejourdavantageobsolète.

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4. Le TPIR aurait également normalement dû commencer ses travaux par leprocès du colonel Bagosora puisque le procureur présentait ce derniercomme le « cerveau du génocide ».Or, notamment parce que son dossierétait vide, l’Accusation prit du retard. Sous la pression du Rwanda et desÉtats-Unis, il fut donc décidé de juger les « responsables » de niveauinférieurdanslahiérarchiepostuléedela«chaînegénocidaire».Or,commedans aucun de ces procès, le procureur ne fut capable de prouver lapréméditationdugénocide,sastratégiefutderenvoyerlapreuvedecequ’ilavançait au procès Bagosora à venir… Plusieurs accusés furent ainsicondamnés,leplussouventàlaprisonàperpétuité,nonenraisondepreuvesde leurs crimes supposés,mais au nomdupostulat de la préméditation dugénocide dont il était annoncé qu’elle serait établie à l’issue du procèsBagosora.Or, in fine, plusieurs années plus tard, il fut jugé que le colonel Bagosora

n’avait pas prémédité le génocide (voir chapitre II), mais entretemps, desaccusésavaientétécondamnésparcequeleprocureuravaitassuréauxjugesqueleprocèsBagosoraallaitdémontrerqu’ilyavaiteupréméditation.Ilsnefurentpasrejugés…

Leprocureuretsesmanipulations

Procèsaprèsprocès,leprocureuramanipulélesfaits.LeprocèsducapitaineInnocentSagahutuenestunexemplecriant.

Lecapitaine InnocentSagahutu,qui commandait l’escadronAdubataillonde reconnaissance (Recce)de l’anciennearmée rwandaise (FAR), fut arrêté aumois de février 2000 et jugé par le TPIR en raison d’une incroyablemanipulationduprocureur.

Dans sonacted’accusation endatedu20 janvier2000, cedernier écrit eneffetquelecapitaineSagahutuétait le«commandantensecond»dubataillondereconnaissance(Recce),quedecefaitilavaitautoritésurtoutlebataillonetqu’il était donc responsable des crimes qui auraient pu être commis parn’importelequeldesmembresdecetteunité.

L’invraisemblanced’unetelleaccusationn’ayantpaséchappéàlaCour,cettedernièreavait:

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« (…) invité le procureur à vérifier le poste officiel qu’il (le capitaineSagahutu) occupait dans le Bataillon de reconnaissance de l’Arméerwandaise à l’époque des faits et le cas échéant de corriger lesrenseignements fournis dans l’accusation » (TPIR Décision du 25septembre2002,paragraphe30).

Or,danssonacted’accusationmodifiéendatedu23août2004,soitprèsdetroisansplustard(!),leprocureurnesuivitpaslesdemandesdelaCour,osantmêmeécrireque:

«Lorsdesévènementsvisésdansleprésentacted’accusation,InnocentSagahutuavaitlesattributionsdecommandantenseconddubataillondereconnaissance(RECCE)del’ArméerwandaiseetétaitresponsabledelaCompagnieAduditbataillon.Ilavaitlegradedecapitaine.EnsaqualitédecommandantenseconddubataillondeReconnaissanceoudefaisantfonction, Innocent Sagahutu était investi d’une autorité sur l’ensembledesunitésdecebataillon».(TPIR-00-56-I,Acted’Accusationmodifié,23août2004,paragraphes11et12).

N’ayant pas vérifié si le capitaine Sagahutu était, ou n’était pas, « lecommandantensecond»dubataillondereconnaissanceditRecce,leprocureurmaintenait donc ses affirmations, rajoutantmême péremptoirement lamention«oufaisantfonction».Or,cedernierajout,aussitotalementetintrinsèquementfantaisistequelafonctionde«commandantensecond»attribuéeaucapitaineSagahutu,n’étaitqu’unementiondecirconstancedestinéeàtenterdesauverunacted’accusationenperditioncarentotaldécalageaveclesfaits.

Eneffet,enplusdequatreannéesdeconstructiondelapreuve,leprocureurnepritpaslapeinedevérifierlebien-fondédesesaccusationsalorsqu’ilavaitensapossessionlesdocumentsofficielsinnocentantl’accusé,enl’occurrenceletableau de situation des officiers de l’armée rwandaise au 01.01.1993 et au01.03.1994,documentquineluiétaitpasinconnupuisqu’ilestréférencéparleTPIR sous la cote K0078420-K0078512. Or, selon ce document, le«commandant en second»n’existaitpasau seindesFAR,pasplusd’ailleursqueles«officiersfaisantfonction»,saufexceptionsdûmentprécisées,cequinel’étaitpasdanslecasprésent.

Leprocureuradoncnonseulementcachélapreuvequiinnocentaitl’accusé,maisplus encore, il a inventé et soutenu le contraire en toute connaissancedecause.DevanttouteautrejuridictionqueleTPIR,onparleraitdeforfaiture.

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Lerecoursàdesfauxtémoins

Les témoins du TPIR venaient en grande partie du Rwanda où ils étaientemprisonnésou«libres»,maistoujourscomptablesdeleursdéclarationsetdeleurs témoignages lorsde leur retouràKigali.Leursincéritéestdoncsujetteàcaution.

Unexempleparmibiend’autrespermettrad’illustrercette«particularité»:le général Kabiligi fut arrêté par l’ONU et transféré à Arusha où il futemprisonnédurant10anssurlafoid’unfauxtémoignagequi,dansunÉtatdedroit,auraitdûêtreécartédèsledébutdel’instruction.

EntenduàhuisclosparleTPIR,unanonymetémoindel’accusation,dontlenuméro d’identification est « XXQ », affirma ainsi sous serment que le 15février 1994, à 10 heures du matin, le colonel, aujourd’hui général, GratienKabiligi (TPIR-97-34), était arrivé en hélicoptère à Ruhengeri aucommandement du secteur opérationnel et qu’il y avait présidé une réunion,déclarantauxofficiersprésentsquele«génocidedevaitcommencerle23février1994etpartoutenmêmetempsauRwanda(…)».

À travers ce témoignage, l’Accusation pouvait donc conforter son postulatqui était, rappelons-le, que le génocide était programmé et que l’assassinat duprésidentHabyarimanale6avril1994,soitmoinsdedeuxmoisplustard,n’enfutdoncpaslacause.

Comme–etnousl’avonsdit–,leTPIRfonctionnaitselonlesystèmeanglo-saxon de la Common Law, aucun juge d’instruction n’instruisit en amont, àcharge et à décharge, ni fait le « tri » en écartant les affabulateurs ou lesmenteurs, ce qui fit que ce témoignage fut admis ; or il s’agissait d’un fauxtémoignage.

Venu témoigner devant le TPIR, le colonel belge Luc Marchal, anciencommandantdelaMINUAR(ONU)pourlesecteurdeKigali,expliquaeneffetque:– conformément aux accords d’Arusha et à l’accord concernant la zone deconsignationdesarmements,leshélicoptèresdesFARétaientàcetteépoqueplacéssoussoncontrôledansdeshangarssituéssurl’aéroportinternationaldeKanombe. Surveillés 24 heures sur 24, ils avaient été désarmés et leurarmementstockédansd’autreshangars;

– tout vol éventuel était soumis àune autorisation stricte et obligatoire de la

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MINUARquidevaitpouvoiravertirleFPRquelevolétaitbienautoriséetpour un motif bien établi. Or, documents à l’appui, le colonel Marchaldémontraquele15février1994,aucunvoln’avaiteulieuetque,parvoiedeconséquence, le colonel Kabiligi ne pouvait s’être rendu à Ruhengeri enhélicoptère;

– plus encore, ce jour-là - nous sommes toujours le 15 février 1994 –, lecolonel Kabiligi ne pouvait être physiquement à Ruhengeri car avaitjustement lieu à Kigali l’inspection du contingent belge de la MINUAR(ONU)parlelieutenantgénéralUytterhoven,inspecteurdelaforceterrestrebelgevenuspécialementd’Europe.Or,entre10heuresdumatinet15h30,etceladefaçoncontinue, lecolonelKabiligiavaitparticipéà la totalitédel’inspection,cequifitdireaucolonelMarchal:

« Je peux vous confirmer que ce jour-là et à l’heure que vous avezmentionnée,lecolonel,legénéralKabiligisetrouvaitenmaprésence».(TPIR-98-41-T,Marchal,30novembre2006,p.14).

«XXQ»adoncfaitunfauxtémoignage.Certes,legénéralKabiligiadepuisétéacquitté,mais ila toutdemêmepassé10annéesenprisonsur lafoidecetémoignagenonvérifiéparleTPIR.

Destémoinsàdéchargerécusésetdesmoyensdepreuveàdéchargerefusés…

Devant le TPIR, des témoins à décharge furent récusés et des moyens depreuveàdécharge furent refusés.L’affaireNdindabahizi (TPIR-2001-71-T) estemblématique à cet égard car elle fournit plusieurs exemples proprementhallucinants.

Emmanuel Ndindabahizi, ministre des finances du GIR (Gouvernementintérimairerwandais)futinculpédegénocideetd’assassinat.Lorsdesonprocès,leprocureurprésentaquatorzetémoinsàcharge.La«sincérité»deonzed’entreeux étant par trop caricaturale, les juges les écartèrent d’emblée, seuls troistémoins de l’accusation étant conservés. Ce fut sur leurs seuls témoignagesqu’EmmanuelNdindabahizifutcondamné.

Ces trois témoins anonymes, dont les indicatifs sont respectivement CGY,

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CGNetCGC,commencèrentpardéclarerqu’ilsconnaissaientbienl’accusécaril était le gérant du magasin de la coopérative paysanne Trafipro de Kibuye.CGM ajouta même qu’il avait bien connu Emmanuel Ndindabahizi en 1966-1967quandilétaitenseignantàNyarutovu.

Or, comme cela fut établi à l’audience, Emmanuel Ndindabahizi ne futjamaisgérantd’unmagasinTrafiproet,deplus,iln’ajamaisenseigné…

Une juridiction « normale » aurait à l’évidence compris qu’elle était enprésence de témoins « douteux », mais la Chambre du TPIR qui jugeaitEmmanuelNdindabahizinepouvaitlesrécuserpourunesimpleraisonquiétaitque onze autres témoins ayant auparavant été rejetés, le procureur se seraitretrouvé totalement démuni. Or, sans témoins de l’Accusation, commentcontinueràaccuser?

Leplusincroyableestcependantàvenir.LajurisprudenceduTPIRestqueles témoignages non corroborés sont rejetés. Et pourtant, c’est sur le seultémoignage de CGY qu’Emmanuel Ndindabahizi fut reconnu coupable degénocidesurlacollinedeGitwale23avril1994.

Or, dans un autre procès devant le TPIR,mais avec lemême procureur, àsavoir Me Adeogun-Phillips, le témoin CGY avait déclaré sous sermentqu’aucunmassacrenes’étaitproduitsurlacollinedeGitwaentrele20etle26avril1994.DansleprocèsNdindabahizi,unenouvellefoiscitéàcomparaîtreparleprocureurAdeogun-Phillips,CGYaffirmasereinement,toujourssousserment,qu’EmmanuelNdindabahiziavaitparticipéaugénocidedesTutsiàGitwaentrele23etle25avril1994etqu’ilenavaitétéletémoin.CetémoignageplusquesuspectfutretenuparlaCour.

Enrevanche,troistémoinsproduitsparladéfensefurentécartés.Parmieux:– un député tutsi ayant perdu sa famille lors du génocide dans la région oùEmmanuel Ndindabahizi aurait commis desmeurtres enquêta longuement,interrogeantlessurvivantsetleshabitantsdelacollinedeGitwapoursavoircomment, par qui et où les siens avaient étémassacrés.Devant laCour ilaffirmaquelenomdeNdindabahizin’avaitjamaisétéprononcéparl’unoul’autredesesinterlocuteurs.Cetémoignagenefutpasprisencomptedanslejugement.

– le témoin DX, ancien enquêteur du TPIR qui avait interrogé EmmanuelNdindabahiziavantsonarrestation,vintdireàlabarrequecederniern’avaitétéinculpéqueparcequ’ilavaitrefuséde«marchander»avecleprocureur.Enréalité,ilavaitdéclinéla«proposition»quiluiavaitétéfaitededevenirindicateurenéchangedel’abandondespoursuites.Cetémoignagefutrejeté.

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Un document intitulé Rapport préliminaire d’identification des sites dugénocideetdesmassacresd’avrilàjuillet1994publiéaumoisdefévrier1996par le ministère rwandais de l’Enseignement supérieur, de la Recherchescientifiqueetde laCulture fut régulièrementutilisépar leTPIRquien fitunconstatjudiciairecarilrecensetousleslieuxdegénocide,lenombredevictimeset les noms des tueurs ou des donneurs d’ordre. Le nom d’EmmanuelNdindabahizin’yfigurepas.Or, laChambrerefusadeconsidérercemoyendepreuvecommemoyendedéfensedel’accusé.Etpourtant,aumêmemoment,cemêmedocumentétaitprésentéetacceptécommepreuveàchargedansunautreprocès,celuiditdes«membresdugouvernement».

DevantleTPIR,quandunmêmedocumentétaitprésentéparleprocureur,ilétait accepté comme moyen de preuve à charge mais quand il l’était par laDéfense,ilétaitrefusé…

Enfin,EmmanuelNdindabahiziétaitpoursuivipourl’assassinatdeM.Nors,unmétisbelgo-rwandais,surlaseulefoidutémoinCGC.Or,laproprefilledudéfunttémoignadevantleTPIR,affirmantqu’iln’avaitrienàvoiraveclamortde son père, abattu en raison d’un différend d’ordre privé par un dénomméNkubitoquiavaitd’ailleursétéjugéetcondamnépourcemeurtreparletribunaldeKibuyeauRwanda,etqui,depuis,étaitmortenprison.

Entoutebonnejustice,lespoursuitesauraientdoncdûêtreabandonnéessurce point, or il n’en fut rien puisque, le 15 juillet 2004, leTPIR condamnaM.EmmanuelNdindabahiziàlaprisonàviepourgénocide9surlacollinedeGitwaetassassinatdeM.Nors!

Lechantageexercésurlesaccuséspourqu’ilsplaidentcoupables

Leseulargumentpermettantdesoutenirquelegénocideétaitprogramméestle procès de Jean Kambanda, Premier ministre du Gouvernement intérimaireconstituéle9avril1994.

ParticularitéduTPIR,l’accuséayantchoisideplaidercoupableetayantparconséquent tout reconnu en bloc, il ne fut donc pas interrogé en profondeur.Condamné à la prison à vie le 4 septembre 1998, il fit appel, mais sacondamnation fut confirmée le19octobre2000.Or, estimantavoir été trompé

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par leprocureur10, JeanKambandademandaunnouveauetvraiprocès,cequiluifutrefusé.

Pour faireconnaîtreaumonde les singulièresméthodesduTPIRet surtoutpourfairesavoirqu’iln’avaitpasreconnuquelegénocideavaitétéprogrammé,laseulesolutionétaitpourluidevenirtémoignerdansl’undesprocèsencours.Après une bataille de procédure homérique, Me Constant, avocat du colonelBagosora, réussit à obtenir de laCour l’autorisation de faire comparaître JeanKambandacommetémoin.

Interrogé sur les raisons de son « plaider coupable » il déclara qu’il avaitvouluprotégersafamille:

(…) Le jour même de ma comparution initiale, ils ont envoyéMaîtreInglispourmedirequemafamilleétaitenroutepourleCanada;cequiétait complètement faux, puisque ma famille avait simplement étédéplacéed’unlieuàAbidjanenCôted’Ivoiredansunhôteldelamêmeville(…)monavocatm’avaitmenti»(TPIR-98-41-T,11juillet2006,p.8et14).

JeanKambandaaffirmasurtoutqu’iln’avaitjamaisreconnuquelegénocideavait été programmé. Il expliqua à l’audience que son gouvernement futincapabledel’arrêter,maisdirequ’ill’avaitplanifiéétait«unmensonge»:

« (…) j’étais responsable, j’avais l’obligation de protéger mon peupledans toutes ses composantes, hutues, tutsies, comme twas. Je n’ai pasréussi à le faire, malgré les efforts que j’ai faits et qui ne sontmalheureusement pas reconnus. Pour cela j’ai plaidé cetteresponsabilité.»(TPIR-98-41-T,11juillet2006,p.14-17).

La preuve de ce qu’avançait l’ancien Premier ministre est notammentcontenuedansundiscoursprononcéle3juin1994surRadioRwanda.Alorsquele FPR avait violé les accords de paix et qu’il avait repris unilatéralement laguerre,ildéclara:

«LeTutsi, leHutuou leTwaqui n’est pasmembreduFPRn’est pasnotreennemi.Nousnepouvonsdoncpasnousfonderuniquementsurlesgroupesethniquesetdéclarerquenotreennemiestlapersonneissued’ungroupeethniquedifférentdunôtreouoriginaired’unerégionautrequelanôtre».(CitédevantleTPIR.TPIR-98-41-T,12juillet2006,p.14).

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L’affaireNahimana11 :unecondamnationreposantsurdesouï-direaudeuxième degré de témoins indirects et sur le refus d’entendre les«témoins»directs…

FerdinandNahimanafutcondamnéenpremièreinstancele3décembre2003puisenappelparunjugementendatedu28/11/2007.

Selonlesjugesdepremièreinstance:1. Fin juin-début juillet 1994, à la demande de l’ambassadeur de FranceYannickGérard,FerdinandNahimana«a»faitmettrefinauxémissionsdelaRTLMdirigéescontrelaMINUARetlegénéralDallaire.

2.Lesattaquesayantcessé,lapreuveestdoncétabliequeFerdinandNahimanaavaitbienunpouvoirsurcetteradioetsursesjournalistes.

3.Or,commeiln’apasexercécepouvoiravant«finjuin-débutjuillet»datedelademandefrançaise,c’estdoncqu’ilestcomplicedesappelsaumeurtrelancésparcetteradioavantcettedate.LejugementdelaChambredepremièreinstanceestdoncclairementfondé

suruneadditionde sophismesetde syllogismes, cequi, endroit, neconstituepasunepreuve,maisquiapermisauTPIRderendreunjugementpolitique.Quel’onenjuge:

§. 563 du jugement de première instance : «… Il est prouvé (noussoulignons) que Nahimana, à la demande de fonctionnaires français, aeffectivement (nous soulignons) pris des mesures concernant desémissionsdelaRTLMfinjuinoudébutjuilletetquesoninterventionamisunterme(noussoulignons)auxattaquesdirigéesparlaRTLMcontrelegénéralDallaireetlaMINUAR».

Ce paragraphe 563, qui illustre particulièrement bien la manière dont lajusticefutrenduedevantleTPIR,contienttroisaffirmations,troiscertitudesquisont soulignées. Or, sur quelle(s) preuve(s) les juges se sont-ils fondés pouraffirmersansaucuneréserveouprécautionleurscertitudesaccusatoires?

Laréponseestclaire:surleseulrapportd’expertisedeMadameAlisonDesForges12 (TPIR-99-52-T Pros. Exh. P158B du 23 mais 2002 : PW 45 : DesForges). Cette inlas-sable accusatrice du régime Habyarimana devenueinamovible expert du procureur avait une méthodologie pour le moins«brouillonne»13et,danslecasprésent,elleconstruisitsonrapportd’expertiseàpartir d’une seule source dont elle n’a pas livré l’original… Les juges le

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reconnaissent d’ailleurs, toujours dans le paragraphe 563 du jugement depremièreinstance:

« (…) Des Forges précise que sa source d’information concernant lesrelationsdeNahimanaavec leGouvernement françaisestundiplomatequi était lui-même présent lors de rencontres entre Nahimana etl’AmbassadeurdeFranceYannickGérard,etquiavaitgardétracedecesrelations sous la forme d’un télégramme Diplomatique14. La Chambreconsidèrequecetélémentd’informationestfiable».

Devanttoutejuridiction«normale»,danstoutÉtatdedroit,Jean-ChristopheBelliardetYannickGérardauraientétéappelésàvenirtémoigner;or,lesjugesont refusé d’entendre le premier15 et le procureur s’est abstenu de fairecomparaître le second alors que tous deux étaient supposés être les témoinsdirectsdel’entretienetlesauteursdudittélégramme.

De plus, le télégramme que cite Alison Des Forges dans son rapportd’expertise (P158B du 25mai 2002, page 68 : note infrapaginale 20416), n’ajamaisétéproduitaucoursduprocès.Parsarequêteendatedu15/05/2002,ladéfensedemandaquecedocumentessentielsoitmisàladispositiondespartiesafinqu’ilsoitexaminéetdiscuté.Cetterequêten’apasconnudesuite.

Pendantqu’AlisonDesForges faisait sadéposition, ladéfenseobjectaquec’étaitàJean-ChristopheBelliarddedéposerenqualitédetémoindirectdesfaitsetnonàMadameDesForgesquirapportaitsesdirescarlestémoinsexpertsnepeuventparlerenlieuetplacedestémoinsdesfaits.

La condamnation de Ferdinand Nahimana par la Chambre de premièreinstancefutdoncfondéesur:

1.Lesdiresrapportésparouï-diredeJ.-C.BelliardquelaChambreavaitrefuséd’entendre, mais dont les propos réels ou supposés furent néanmoinsacceptésàtraverslesaffirmationsd’AlisonDesForges.LaCouradoncfaitfoiàuntémoinqu’ellen’anivunientendu!

2.Un«télégramme»,quin’ajamaisétéproduitetdiscutéaucoursduprocès.La Chambre de première instance a donc fondé son jugement et donc sacondamnation sur un document qu’elle n’a pas vu et dont elle n’a, parconséquent,paspuvérifiertantl’existencequelavéracité!

La procédure devant laChambre d’appel fut également insolite enmatièrejuridique.

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Dans son mémoire d’appel, la défense a soutenu, paragraphe 495, quel’affirmationdes juges selon laquelleFerdinandNahimana aurait disposé d’unpouvoir de contrôle de facto sur les journalistes de la radio RTLM reposaituniquementsurdesconfidencestéléphoniquesdeM.J.-C.Belliardrecueilliesle28/02/2000parMadameAlisonDesForges.M.Belliard aurait alorsdéclaré àcette dernière que« fin juin début juillet 1994», il aurait assisté, àGoma, auZaïre, à une conversation entre son supérieur, le diplomate français YannickGérard,etFerdinandNahimana,aucoursdelaquelleilauraitétédemandéàcedernier d’intervenir auprès de la radio RTLM pour faire cesser les émissionscontrelaMINUAR.

Selon la Défense, ce témoignage était irrecevable pour deux raisonsprincipales:

1.Ilconsisteenunouï-direaudeuxièmedegrérecueilliplusdecinqansaprèslesfaits.

2. Ce témoignage était également irrecevable puisque le procureur s’étaitabstenudefairecomparaître le témoindirect,pourtantconnuetdisponible,le diplomate Yannick Gérard, cependant que les juges eux-mêmes avaientrefusélacomparutiondutémoinBelliard.Defaitdonc,lesdeuxprincipauxtémoins de l’accusation portée parMadame Des Forges n’avaient pas étéautorisésàvenirtémoigner.L’arrêt de la Chambre d’appel condamnant Ferdinand Nahimana à trente

annéesdeprisonestàlafoisincohérentetdemauvaisefoicar:

1.lesjugesreconnaissentbienquelejugementdepremièreinstancereposesurlesseulsdiresdeMadameDesForges:

§. 829 : «LaChambredepremière instance a conclu auxparagraphes565,568et972duJugementquel’AppelantNahimanaétaitintervenufinjuin ou début juillet 1994 pour mettre un terme à la diffusion par laRTLMd’attaquesdirigéescontreleGénéralDallaireetlaMINUAR.LaChambre d’appel observe que ces conclusions reposent exclusivementsur le rapport et la déposition du Témoin expert Des Forges, selonlesquels l’Ambassadeur françaisYannickGérard aurait dit à l’Appelantvers la findumoisde juinou ledébutdumoisde juillet1994que lesémissions de la RTLM attaquant le Général Dallaire et la MINUARdevaientcesser(…)».

2. les jugesadmettentqueMadameDesForgesnepouvait se substitueràun

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témoindirect,enl’occurrenceM.J.-C.Belliard:

§.830 : « La Chambre d’appel a déjà rappelé que le rôle des témoinsexperts est d’assister la Chambre de première instance dansl’appréciation des éléments de preuve qui lui sont présentés et non detémoigner sur des faits litigieux comme le feraient des témoinsordinaires.»

3.Laconclusiondecesdeuxpointsaurait,àl’évidenceetentoutelogique,dûêtre l’acquittement pur et simple de Ferdinand Nahimana.Mais, les jugesauraientalorssubidetrèsviolentesattaquesdelapartdurégimedeKigaliquin’auraitjamaisacceptéqueleTPIRmetteenlibertéceluiqueletandemChrétien-Dupaquier avaitprésentécomme le«GoebbelsduRwanda».Enconséquence de quoi, les juges osèrent soutenir que, durant le procès, laDéfensedeFerdinandNahimanan’ayantpasprotestéausujetdespoints1et2,celasignifiaitdoncquel’appelantavaitacceptélaprocédure(!)17:

«Cependant,ilnesemblepasque,lorsduprocès,l’Appelantaitobjectéspécifiquement à cette partie de la déposition du Témoin expert DesForges. La Chambre d’appel réitère qu’en principe, une partie ne peuts’abstenir de soulever une objection sur un problème qui était évidentlorsduprocèsenpremièreinstanceenvuedelesouleverenappelsiellen’apasobtenugaindecause1907.Danscescirconstances,laChambred’appel considère que l’Appelant a renoncé à soulever une objection àl’égarddelarecevabilitédecettepartiedurapportetdeladépositionduTémoinexpertDesForges».

Or, il s’agit làd’unmensonge indigneduTPIR,cardesobjectionsavaientbienétéfaitesparlaDéfensedeFerdinandNahimanaetellesavaientétéreçuesparlaChambredepremièreinstanceencestermes:

« Maître Ellis, nous notons votre objection à l’introduction de cetélémentdepreuve.Nous allons enprendrenote et nous legarderons àl’esprit, lors du stade de l’appréciation des éléments de preuve »(Audiencedu25mai2002,p.270-271).

La Chambre d’appel ne pouvait ignorer l’existence de ces objectionspuisqu’ellementionne,notammentauparagraphe830del’arrêtdu28novembre2007ennote1906debasdepage,laMotiontoRestricttheTestimonyofAlison

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DesForgestoMattersRequiringExpertEvidence(TPIR-99-52-T28817-28811du10/05/2002).

Quantau«doute»expriméparlaformule«ilnesemblepasque»,ilauraitdûêtrefacilementlevésilesjugess’étaientsimplementréférésaucompterendudel’audiencedu23/05/2002p.270-271,qu’ilsontignoréetdontilsneparlentpas.

La Chambre d’appel a donc maintenu la déclaration de culpabilité deFerdinand Nahimana du chef d’incitation directe et publique à commettre legénocide,enfondantsonjugement:

1.surdestémoinsquin’ontpasétéentendusaucoursduprocès2. sur lesdocumentsqu’ilsétaient supposésdétenirmaisqui,n’ayantpasétédéposésdevantlaCour,n’ontdoncfaitl’objetd’aucundébatparlesparties.

Avant le véritable début du procès, et afin de prouver le pouvoir queFerdinand Nahimana exerçait sur les journalistes de RTLM, le procureurétablit une liste de témoins parmi lesquelsM. Jean-ChristopheBelliard qui,fin juin-début juillet 1994, était l’adjoint de l’ambassadeurYannickGérard,responsablecivildel’OpérationTurquoise.Or,lesjugesestimèrentqu’ilétaitinutiledelefairecomparaître.Nousétionsalorsautoutdébutdelaprocédureetpourlesjuges,laquestionsoulevéeparleprocureurétaittoutàfaitannexe,l’essentiel étant pour eux d’examiner celle de la planification du génocideantérieurementau6avril1994,datedel’assassinatduprésidentHabyarimana.

Enconséquencedequoi:

– primo, la défense de Ferdinand Nahimana ne pouvait pas appeler untémoinrefuséparlaCour;

– secundo, à partir du moment où le procureur n’était pas en mesure deprouver à travers ce témoin et uniquement ce témoin, que FerdinandNahimanaexerçaitunpouvoirsurlesjournalistesdeRTLM,l’accusationtombaitd’elle-même.

Or,pourcondamnerFerdinandNahimana,lesjugesdepremièreinstanceetdel’appel ont déloyalement pour ne pas dire « vicieusement » utilisé les soi-disantdéclarationsdeJ-CBelliardàmadameDesForges.

En première instance les juges se sont ainsi basés sur ce que cette dernièrerapportadelaconversationqu’elleauraiteueavecJ-CBelliard(paragraphes

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563,568et972du jugement),mais enprenant toutefoisbien soindenepasciter lenomde cedernierpuisqu’ils avaient auparavantdécidédenepas lefairetémoigner.

En Appel, les juges confirmèrent la décision de première instance, puis ilsfondèrent leur propre jugement sur le « témoignage » de J-CBelliard alorsquecetémoinavaitétérejetéparlachambredePremièreinstance(paragraphe829del’arrêt).

Cettereptationprocédurières’expliqueparcelesjugesdel’Appelontmanquéde courage. Eux qui venaient d’acquitter Ferdinand Nahimana de la quasi-totalitédeschefsd’accusationetqui,surtout,allaientprovoquerunvéritableséismeenconsidérantqueRTLMn’avaitpasété fondéeavecdes intentionsgénocidaires, – décision qui renversait le dogme fondateur de l’histoireofficielle-,nepouvaientpas,enplus,déciderdemettrel’accuséenlibertéaurisquedecréerunincidentdiplomatiquegravissimeavecKigali,WashingtonetLondres.Voilàpourquoi,«ménageantlachèvreetlechou»,ilsrendirentunjugementbiaiséquilaissepantoistoutjuristeetquin’honorepaslajusticeinternationale.

Cette condamnation qui ne relève donc que de très loin de la « bonnejustice » constitue un véritable scandale judiciaire qui devrait mobiliser lesdéfenseursdesDroitsdel’homme.

Comme le TPIR ne prévoit pas une procédure de Cassation, FerdinandNahimana devra donc passer encore de longues années en prison ; sauf à cequ’une révision du jugement intervienne, ce qui est prévu par l’article 146 durèglementdeprocédureetdepreuveencasdeprésentationdefaitsnouveaux.

Or, dans l’état actuel du dossier, un « fait nouveau » existe. Il s’agit dutélégramme diplomatique cité par Alison Des Forges dans son rapportd’expertise, télégramme que personne n’a vu mais que les juges de premièreinstance ont cité dans leur jugement tandis que ceux d’appel l’ont mentionnédans leur arrêt. Ce document, si toutefois il existe, doit immanquablement setrouverdanslesarchivesduministèrefrançaisdesAffairesétrangèrespuisqu’ilaurait été envoyé « fin juin-début juillet » 1994 par l’ambassadeur YannickGérard à son administration centrale. Le fait nouveau consisterait donc à letrouverafindeconnaîtresonvéritablecontenu.

S’ilne figurepasdans lesarchives françaises, c’estqu’iln’a jamaisexistéque dans l’imagination deMadameDes Forges. Ce dernier point constitueraitégalement un fait nouveau carFerdinandNahimana aurait donc été condamné

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surlabased’unprétendutélégrammedontl’existenceauraitétéinventéeafindelefairecondamner.

Le jugement de l’Histoire sera très sévère pour le TPIR. Un demi-siècleaprèslesprocèsstaliniensenURSS,onauraiteneffetpupenserquelesdérivestellesquecellesquiontétéexposéesdanscechapitren’étaientpluspossibles.D’autantplusqueleTPIRétaituneémanationdel’ONU…

9.LacompétenceduTPIRportaitsur«a)legénocide;b)l’ententeenvuedecommettre le génocide ; c) l’incitation directe et publique à commettre legénocide;d)lacomplicitédanslegénocide»(Articles2,3etbduStatut).Cecifit qu’un accusé pouvait être relaxé du chef d’« entente à commettre legénocide»,toutenétantcondamnépour«génocide»commecefutlecaspourle colonel Bagosora en première insrance. En appel, il fut relaxé de chefd’accusation10.Aprèssonarrestation,JeanKambandafutmisausecretdu27aoûtau1ermai1998,dansunemaisonquel’ONUlouaitàDodoma,ausudd’Arusha.Ilnefutpas autorisé à voir l’avocat de son choix. Dans le rapport d’avril 1998d’Amnesty International, il est possible de lire que: « les risques associés aumaintien d’un détenu dans un lieu de détention non reconnu ont été aggravésdans cette affaire car Jean Kambanda n’avait pas d’avocat pour le conseillerpendant toute la durée de son interrogatoire ». Jean Kambanda futpsychologiquement torturé dans le but de lui faire avouer avoir planifié legénocide et on lui fit comprendre que sa famille serait en danger s’il ne«coopérait»pasavecletribunal.11. Le cas de FerdinandNahimana a été étudié dans le chapitre II du présentvolumepourcequiconcernelaquestiondelapréméditationdugénocide.12. Jean-Christophe Belliard, fonctionnaire français des Affaires étrangères,auraitinforméMadameAlisonDesForgesqu’aucoursdel’entretienqu’ilauraiteu avec l’ambassadeur YannickGérard fin juin, début juillet 1994, FerdinandNahimanaauraitpromisàcedernierdefairecesser lesémissionsde laRTLMattaquantlegénéralDallaireetlaMINUAR.13.J’aiillustrécepointessentieldanslechapitreIIduprésentvolume.14. Selon Madame Des Forges, ce télégramme que personne n’a vu, auraitconcerné l’entretien que Ferdinand Nahimana aurait eu avec l’ambassadeurGérard.15.Jean-ClaudeBelliardestrépertoriésouslenomdecodeAZZCparleTPIR.LesjugesdelaChambredepremièreinstanceontrefusédeleretenirsurlaliste

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destémoinsduProcureurcarilsletrouvaientnon«essentialtotruth-seeking»(décisionsdu9etdu13/05/2003).16.Lanote204,page68durapportd’expertised’AlisonDesForgesestpourlemoinsincomplètepournepasdireinsolite«EntretientéléphoniqueavecJean-ChristopheBelliardduMinistèrefrançaisdesAffairesétrangères,àproposd’untélégrammediplomatiquefrançaisqu’ilaluàpartirdu28février2000»(TPIR,folio 1947bis). On notera que c’est sur cette simplemention d’unmystérieuxtélégrammequepersonnen’avuquelesjugesontprononcéleurjugement!17.Explication:afindepouvoircondamnerFerdinandNahimana,lesjugesontdonc osé prétendre que ce dernier n’aurait pas fait d’objection au fait queMadameDesForgessesoitsubstituéeauxtémoinsdesfaits!

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LISTEDESCARTES

1.L’expansionduRwanda(XIVe–XIXesiècles)2.LeRwandaen19943.L’offensived’octobre19904.L’attaqueAPR/FPRdu5juin19925.Rwanda:l’offensiveAPR-FPRdefévrier19936.PlandeKigali7.Kigalicentre8.Attentatdu6avril1994.Plandesituation9.LaconquêteduRwandaparl’APR-FPR(7avril-juillet1994)10.Lefrontle7juin199411.L’opérationturquoise(23juin–3juillet1994)12.Leszoneshumanitairessûres(Z.H.S.)

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ANNEXES

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LISTEDESANNEXES

ANNEXE1:L’expertisedeJean-PierreChrétiendevantleTIPRanalyséeparlaDéfensedeFerdinandNahimana.

ANNEXE 2 : Réflexions sue le rapport d’expertise dit « Rapport Trévidic »,concernantl’attentatdu6avril1994parl’amiralFrançoisJourdier.

ANNEXE3:Lettredel’anciencommandantdel’aviationrwandaiseausujetdelapossessiondemissilesparl’AFR/FPR.

ANNEXE4:LettretémoignagedeJamesGasanaANNEXE5:LettredeJean-PierreMinaberryaucapitaineBrunoDecoinendate28février1994-

ANNEXE6:AuditionintégraledeJoshuaAbdulRuzibizaANNEXE7:LelieutenantAbdulRuzibiza,untémoincrédible?ANNEXE8:ÉtudesurleterrorismeauRwandadepuis1990.ANNEXE9:ÉtudesurleterrorismeauRwandadepuis1990.ANNEXE10:ActivitésterroristesauRwandaen1992.ANNEXE11:Listedespersonnalitésréfugiéesàl’ambassadedeFranceaprèsl’attentatdu6avril1994.

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Annexe1

L’expertise de Jean-Pierre Chrétien devant le TPIR analysée par laDéfensedeFerdinandNahimana.(Affairen°ICTR99-52A:MémoirefinaldelaDéfense,1eraoût2003,p.150à157)

«1.Surleprincipedel’accomplissementpersonnelparl’expertdesopérationsd’expertiseetdurapportd’expertise

Il est constant que seul l’expert est habilité à procéder aux opérationsd’expertise et à rédiger le rapport qui les relate et en expose les résultats. Enl’espèce,lerapportdéposéparMonsieurJean-PierreChrétienestcomposéde21chapitres et d’une conclusion générale. L’expert Chrétien indique qu’il n’estpersonnellementl’auteurquede5d’entreeux.Selonl’expertChrétien,lesautreschapitressontrédigéssoitparMonsieurJean-FrançoisDupaquier(10chapitres),soit par Monsieur Ngarambe (2 chapitres), soit par Monsieur Kabanda (5chapitres)(Auditiondu1erjuillet2002,p.18à22).

Cependant,MonsieurKabanda revendiquepoursien l’undeschapitresques’attribuel’expertChrétien(lechapitre15«Propagandeentrelaconclusiondesaccordsd’Arushaetl’éclatementdugénocide»)enindiquantformellement«Çac’estdemoientièrement»(auditiondu13mai2002,p.107).MonsieurKabandas’attribue également une « participation importante » à deux autres chapitresrevendiquésparl’expertChrétien(chapitres17et19;auditiondu13mai2002,p.107etsuivantes).

Ainsi, seuls deux des 21 chapitres de l’expertise présentée par l’expertChrétienontété,selonsesdires,entièrementrédigésparlui.

Par ailleurs, l’expert Chrétien reconnaît que le recueil des informationsnécessairesàl’expertise,témoignagesetdocuments,aétéeffectuéparMessieurs

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Jean-FrançoisDupaquier,MarcelKabandaetJosephNgarambe, tantavantqueluisoitconfiéecettemissiond’expertisequ’aprèssadésignationpar leBureauduprocureur(auditiondu1erjuillet2002,p.37à41;auditiondu2juillet2002,p.42et69).

IlprécisequeMonsieurKabandas’estprincipalementpréoccupédelapresseécrite en procédant, bien que dépourvu de tout diplôme de traducteur, à latraduction des exemplaires du journal Kangura, que Monsieur Ngarambe,«Économisteetconsultant»(cf.ouvrageLesmédiasdugénocide),s’estoccupédelasélectiondestranscriptionsettraductionsdesenregistrementsdelaRTLM,etqueMonsieurJean-FrançoisDupaquier, journaliste,s’estconsacréaurecueildestémoignagesetdocumentsrelatifsàl’organisationetàlaconstructiondelaRTLM(auditiondu1erjuillet2002,p.37à43).L’expertChrétien,poursapart,n’allègue aucune contribution personnelle à la réalisation des enquêtes sur leterrain.

Ainsi,MonsieurChrétien,seulparmilesquatreauteursdurapportàavoirétédésigné et confirmé comme expert dans le cadre de cette expertise, nonseulement ne peut revendiquer à titre personnel que la rédaction de deuxchapitres sur 21, mais encore n’a à aucun moment contribué de manièresubstantielleaurecueildes«informations»qu’ilprésentedanssonrapport.

Cette situation est d’autant plus inadmissible qu’aucun des trois autresauteursnepeutprétendreàlaqualitéd’expert.

Certes, Monsieur Marcel Kabanda, dans le cadre d’une autre expertiseconsacrée exclusivement au journal Kangura, s’est vu reconnaître par laChambre laqualitéd’expert.Cependant, cettequalitéd’expert reconnuepar laChambre,bienquecontestéeparlaDéfense,selimitestrictementàl’analysedujournalKangura.MonsieurKabandasouligneeneffetcepoint:

«Question : Pourriez-vous nous indiquer (…) de quel domaine vous vousconsidérezexpert?

Réponse:Jesuishistoriendeformation,maisparmapratique,parcequej’aiétudiélaquestiondeKangura,j’ensuisl’expert.»(Auditiondu13mai2002,p.80).

Or,danslecadredel’expertiseconfiéeàl’expertChrétien,ils’estconsacréàdes sujets sans rapport avec le journalKangura.En effet, il revendique à titrepersonneletexclusiflarédactiondeschapitres11,13,et15(«LesliensentrelaRTLM et l’Armée » ; « La zone d’écoute de la RTLM au Rwanda » ;« Propagande entre la conclusion des accords d’Arusha et l’éclatement dugénocide») qui, soit n’entretiennent aucun lien avec sondomained’expertise,

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soitledépassenttrèslargement.S’agissantdeMessieursJosephNgarambeetJean-FrançoisDupaquier,ilest

constantqueni l’unni l’autren’ont revendiqué laqualitéd’expert,quien toutétatdecausen’auraitpuleurêtreaccordéesaufàpriverdetoutesignificationlanotionmêmed’expertise.

La participation prépondérante de ces trois auteurs, dépourvue de toutecompétence d’expert, et ce pour la totalité des investigations préalables et les9/10du rapport, estd’autantpluspréjudiciableque l’expertChrétien reconnaîtlui-même que, s’il a pu avoir des discussions avec eux, celles-ci ont étémanifestement insuffisantes. À l’occasion d’une des innombrables erreursrelevéespar laDéfense, il reconnaît :«J’admetsque jen’aipassuffisammentfaitattentionàlarédactionréaliséeparJean-FrançoisDupaquier».(Auditiondu2juillet2002,p.214).

C’est pourquoi, le rapport d’expertise réalisé sous la signature et laresponsabilité de l’expert Chrétien, contenant 21 chapitres, et déposé àl’occasiondesauditionsde l’expertChrétienetdeMonsieurKabanda,nepeutenréalitéêtreconsidérécommetelfautedelaparticipationdel’expertlui-mêmeauxopérationsd’expertisedansdesconditionsacceptables.

2.Surl’indépendancedel’expert

L’expertdoitveilleràconserverunestricteindépendance,c’est-à-direànesetrouversousladépendanced’aucunedesparties,directementouindirectement.

L’expertChrétienindiquequeMonsieurJosephNgarambe,outrelarédactionde deux des chapitres du rapport (Chapitre 6 : « Le rôle initial de HassanNgeze»;Chapitre21:«Deladélationauxappelsauxmeurtres»;Auditiondu1er juillet 2002, p. 20 à 22), s’est personnellement occupé de procéder à lasélectiondestranscriptionsetdestraductionsdesenregistrementsdelaRTLMàpartirdesquellesl’expertiseaétéeffectuée.

Or, Monsieur Joseph Ngarambe est membre de l’équipe du Bureau duprocureurenchargedudossierdesmédias (voir interventionduprocureur lorsdel’auditiondeFerdinandNahimana).

Ainsi, l’analyse des émissions de la RTLM, qui constitue l’essentiel del’expertise confiée à l’expert Chrétien et la substance même du procès menécontreFerdinandNahimana,s’esteffectuéeàpartird’unesélectionréaliséepar

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unmembreduBureauduprocureur.Cetteviolationpatenteduprinciped’indépendanceprivedetoutecrédibilité

les analyses et commentaires figurant dans le rapport d’expertise au sujet desémissions de la RTLM, leurs auteurs ayant eu à leur disposition, non pasl’ensemble de ces émissions ou un échantillon représentatif, mais une partied’entreellessélectionnéesparunmembreduBureauduprocureur.

Parailleurs,MonsieurMarcelKabandareconnaîtpoursapartêtre«membreduBureaufondateurducollectifdespartiesciviles,pour lesprocèsenFrance,s’agissantdugénocideauRwanda».(Auditiondu13mai2002,p.114).

Cetengagementpersonneldans ladéfensedes intérêtsdesvictimesoudesayantdroitdesvictimesdugénocide,constituéspartiescivilesdanslecadredeprocédures judiciaires,estévidemmentdenatureànuireà l’indépendanceet àl’impartialitéquecommandelestatutd’expert.

QuantàMonsieurJean-FrançoisDupaquier,ilconvientderappelerqu’ilestl’auteurd’unarticlepubliéparl’hebdomadairefrançaisLeNouvelObservateurdurant l’année 1995 présentant Monsieur Ferdinand Nahimana comme « leGoebbels»dugénociderwandais.

3.Surleprinciped’impartialité

Indépendant,l’expertsedoitderesterimpartial.– Au chapitre 5 de l’expertise, consacré exclusivement à la personne de

FerdinandNahimana,etintitulé«FerdinandNahimana,historienetpolitique»,et à la page 5 de ce chapitre dans un paragraphe d’une quinzaine de lignes,l’expertexprimesonopinionsurlerôlejouéselonluiparFerdinandNahimanaauseindelaRTLMdurantlesannées1993et1994.

Or,ceparagrapheestlareprisepureetsimple,sansaucunemodificationniréserve, au moyen des mêmes phrases, de l’acte d’accusation dressé contreFerdinandNahimanale12juillet1996.

Reprenant purement et simplement le contenu de cet acte d’accusation,l’expertnejugemêmepasutiledeleciter,neserait-cequeparunenoteenbasdepage.

Contre-interrogésurcepoint,l’expertsecontentedereconnaîtrequ’ils’agitd’une«maladresse».(Auditiondu2juillet2002,p.32à38).

– Pour étayer cet « acte d’accusation » repris sans réserve, l’expert se

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contente, dans ce chapitre 5, de citer les déclarations d’un unique témoin àcharge : Georges Ruggiu. De la même manière, le chapitre 12 du rapportd’expertise intitulé « Le fonctionnement éditorial de la RTLM. Sonorganigrammeetlesprocessusdedécisiondecequipasseàl’antenne.Ledegréd’autonomie des journalistes » ? où est évoqué le rôle supposé de FerdinandNahimana à la RTLM jusqu’à la fin du mois de juillet 1994, se fondeexclusivementsurletémoignageàchargedeGeorgesRuggiu.

Contre-interrogésur l’opportunitéde lasélectiondecetunique témoignageetsurlaméthodecritiqueadoptéepourenapprécierlavaleur,l’expertChrétiense contente de répondre : « Il se trouve que ce témoignage a été reçu dans lecadre d’une procédure judiciaire qui a été enregistrée par le Tribunal, qui adébouchésurunedécisionconcernantGeorgesRuggiu.J’aipenséquedonc,sileTPIRrecevaitcetémoignage,c’estqu’ilétaitconsidérécommecrédible.»

Endécidantdefonderexclusivementunepartieessentielledesonexpertisesurlesdéclarationsd’ununiquetémoincitéàcomparaîtreparleprocureur,sansaucune précaution critique, l’expert manifeste clairement sa volonté den’accordercréditqu’àlathèsedel’accusation.

En accordant crédit à cet unique témoin à charge au seul motif que sontémoignageauraitété«reçu»parunTribunal,l’expertdémontrequ’ilarenoncéàcequifaitl’essenceetlasubstancedesamission:lacritiquescientifiquedesélémentsdudossier.Lesrôlessetrouventainsiinversés:cen’estplusl’expertquiéclairelesjuges,cesontlesjugesquiéclairentl’expert!

–Cechoixpartisandans lasélectiondeséléments«expertisés»s’observeégalement de façon négative.Alors qu’avantmême son arrestation, FerdinandNahimana, dans le cadre d’interventions écrites ou orales, s’est largementexpliqué sur certains faits retenus à charge contre lui, l’expert Chrétien ne seréfère à aucun moment à ces déclarations et ne juge pas utile d’en faire uneanalysecritique.

À titre d’exemple, FerdinandNahimana s’est longuement expliqué sur lesévénementsduBugeseradanssonouvrageL’élitehutuaccusée,publiéen1995,dont l’expert reconnaît avoir eu connaissance. Il donne dans cet ouvrage desexplications qui contredisent formellement la thèse du procureur, qui estnaturellement celle retenue par l’expert. Pourtant, celui-ci ne juge utile ni dementionner l’existence de ces explications ni a fortiori, d’en faire une analysecritique (audition du 2 juillet 2002, p. 217 et 218 ; p. 227 à 234). Alors queFerdinandNahimana est par lui-même l’un des objets de l’expertise, ce refusdélibéré d’examiner la position qui est la sienne au sujet des événements duBugesera,manifesteunefoisdeplus,defaçonnégative,lapositionrésolument

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partisane de l’expert. Un choix est fait : celui des déclarations d’un uniquetémoin à charge, Georges Ruggiu, contre les explications de FerdinandNahimana.

4.Surl’objectivitédel’expert

Ilvadesoiquel’expertsedoitdeprésenterdesfaitssanslesdénatureret,afortiori, s’interdit de présenter comme avérés des faits qu’il sait inexacts.L’analyse du rapport d’expertise et l’audition de l’expert Chrétien démontrentquecesprincipes,surdespointsessentiels,ontétémanifestementviolés.

–Danssonrapportd’expertise,Jean-PierreChrétienécrit:«Danslesheuresqui suivent l’attentat contre l’avion présidentiel (le 6 avril 1994), la RTLMdécided’émettresansinterruptionetappelleàlaviolenceetauxmassacres.»

Lerapportd’expertisenementionneaucunélémentdepreuvevenantétayercette affirmation. Bien au contraire, l’expert Chrétien, contre-interrogé sur cepoint,reconnaîtexpressémentqu’aumoinsjusqu’au9avrililyaeuunepériodede«deuilradiophonique»aucoursdelaquelleseulsdelamusiqueclassiqueetdescommuniquésofficielssontdiffusés.

–Commentant les déclarations destémoins Go et Nsanzuwera, l’expertChrétienprétendquel’unetl’autreauraientparticipéàlamêmeréuniondu10février1994,alorsquel’unetl’autresoutiennentn’avoirjamaisparticipéàuneréunioncommune…(Auditiondu3juillet2002,p.35à41).

–L’expertChrétiendanssonrapport,évoquantundébatdiffusésurlaRTLMet se référant à un enregistrement de cette émission, prête à MonsieurBarayagwiza les propos suivants : « Nier les ethnies est une ruse tutsi pourmonopoliser le pouvoir. S’ils acceptent la démocratie, ils seront toujoursgouvernés par les Hutus.» Or, vérification faite, il s’avère que ces propos nefigurentàaucunmomentdansl’enregistrementconcerné.(Auditiondu3juillet2002,p.180etsuivantes).

–Ce typedeprocédéapparaîtdemanièrenégative,paromission, lorsqu’ils’agitd’interpréterlesécritsdeFerdinandNahimana.Àlapage12duchapitre9du rapport d’expertise (n° 19175 bis), citant un court extrait du texte deFerdinand Nahimana Rwanda, problèmes actuels solutions relatif àl’organisation d’une défense civile devant « bénéficier de la conviction del’ensemble de la société », l’expert prend soin de supprimer une phraseparticulièrementsignificative:

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«Cette prise de conscience répudie alors, automatiquement, la haine et ladivision basées sur les origines ethniques et régionales car avec elles, je l’aisouligné plus haut, le pays s’avance vers la déchéance, alors qu’en lessurpassant, le peuple solidifie et développe ses acquis et se prépare un avenirmeilleur.»

Ceretraitdélibéréetnonmoinssignificatifd’unephraseallantàl’encontredes accusations portées contre Ferdinand Nahimana sur le plan idéologique,trahitunevolontéconstantedel’expertd’écartertoutélémentcontraireàlathèsedel’Accusation.

5.Surlesérieuxdanslerecueildesinformations

L’expertsedoitdefairepreuvedesérieuxetdeprudencetantdanslerecueildesinformationsquedansleurprésentationdanslecadredel’expertise.

L’expertChrétienindique,parlantdurapportd’expertise:«Nousavonsdûlerédiger,jel’aidéjàdit,dansdesconditionsdehâtetrès

grandes.Cen’estpasuneétudesystématiquesur toutcequisepassedanscesmédias.»(Auditiondu2juillet2002,p.62).

Ces circonstances auraient dû conduire l’expert à redoubler de précautiondansl’interprétationdesfaitsqu’ilallègue.Àl’inverse,lerapportd’expertisesecaractérise par des affirmations péremptoires, exprimées sous une formesuperlative,maisdépourvuedebasesfactuellessérieuses.

Ainsi,àtitred’exemple:– L’expert affirme qu’à la tête de l’ORINFOR (Office rwandais de

l’information),«FerdinandNahimananetardepasàprocéderàuntriethniqueet régionalistedupersonneletdes journalistes»,etprécise :«Lesembauchesréalisées par Nahimana dans les premières semaines de sa présence àl’ORINFORnebénéficientqu’àdespersonnesd’ethniehutuetoriginairesdespréfecturesdeRuhengerietdeGisenyi.»(Chapitre7).Or:

– Le seul document issu des archives de l’ORINFOR à la disposition del’expert fait la démonstration inverse : présence de Tutsis parmi le personnelrecruté à la télévision rwandaise et répartition régionaleparfaitement équitableentrelesdiversespréfecturesdupays.(Auditiondu2juillet2002,p.63à95).

–Le chapitre 4 du rapport présente, sous la formed’une liste de suspects,«Leréseaudesjournalistesetpersonnalitésdiversessuspectésd’êtreimpliqués

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danslaconspirationdugénocideauseindesmédiasrwandais.»ParmieuxsontmentionnésMadameMarieMukabatsindaetMonsieurDominiqueMakeli.

–MarieMukabatsinda:«L’expertChrétienindiquequ’ilafaitfigurercettepersonne sur cette liste de suspects parce qu’elle aurait figuré, effectivement,dans les enquêtesparmi lesgensqui étaientprochesdupersonneldesmédias,prochesde l’idéologieextrémiste.» (Auditiondu3 juillet2002,p.73)etparceque«ilyadesgensquilaprésentaientcommetelleàKigali.»(Auditiondu3juillet2002,p.74).

–DominiqueMakeli:Commelereconnaîtl’expertChrétien,cejournaliste,actuellementemprisonnéauRwanda,n’ajamaiscesséd’êtredéfenduetsoutenupar l’association Reporters sans Frontières en tant que journaliste injustementemprisonné.Contre-interrogé sur ce cas, l’expert se contentedenoter qu’il nes’agirait que d’une « suspicion » et ajoute « Vous venez de donner deuxexemples, effectivement, où nous ne partageons pas forcément l’opinion quiseraitdominanteàKigali.»(Auditiondu3juillet2002,p.78).

Pourtant,diffusantcesdeuxnomsdanslecadredecettelistedesuspectsdegénocide, l’expert Chrétien n’émet dans son rapport aucune réserve d’aucunesorte.

L’expertChrétiendémontreainsiladangereuseetirresponsablelégèretéaveclaquelle,sansaucunsoucicritique,ils’autorisedanssonrapportàrapporterdesfaitsnonvérifiésoudesaccusationsinfondées,etce,quellesquepuissentenêtrelesconséquencespourlespersonnesvisées.

L’ensemble de ces constatations exclut que l’on puisse accorder auxdéclarationsetaurapportdeMonsieurChrétienquelquecréditquecesoit.»

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Annexe2

Réflexionssurlerapportd’expertisedit«RapportTrévidic»,concernantl’attentatdu6avril1994parl’amiralFrançoisJourdier1

Lerapportd’expertise remisau jugeTrévidicsur l’attentatdu6avril1994contreleFalcon50duprésidentrwandais,amèneàformulerquelquesremarquessurledéroulementdel’attentat.

Onn’évoquerapasdestémoignagesdontonpeutdouterdelafiabilitéaprès17ans,maisuniquementdesconsidérationstechniquessurletirlui-mêmeetlesconclusionsdesexpertsmissionnésparlejuge.

Remarquonsenpréambulequ’une lettreducopiloteduFalcon50datéedu28 février 19942 montre qu’unmois avant l’attentat, l’équipage, qui se savaitmenacéà l’atterrissageouaudécollagepardesmissilesdétenuspar l’unitédel’APR/FPRcasernéeàKigali,auCND,recherchaitcommentdéjouercestirspardesapprochesdel’aéroportdeKigaliàhauteoubassealtitude.

1.Lemissile

Un consensus s’est fait après le rapport des experts, sur le missile ayantabattuleFalcon50:ils’agissaitdedeuxmissilesSA-16Igla-1soviétiques.Cesmissilesnesontpasd’unmaniementdifficilemaisnécessitentuneformationdestireurs qui ne disposent que de quelques dizaines de secondes, une fois leprocessusengagé,pouracquérirlacibleetfairefeu.

2.L’emplacementdutir

Deux emplacements possibles ont été retenus et étudiés, le camp deKanombeetlacollinedeMasaka(voirlacarten°7).

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–LacollinedeMasakaétait l’emplacement leplusfavorablecaronvoyaitvenirl’aviondeplusloin,celui-cidéfilaitàbonnedistancepouruntirtraversierouenpoursuitedonnantplusdetempspouracquérirlacibleettirerenayantlameilleureprobabilitédesuccès.

–LecampdeKanombeoffraitunemplacementmoinsfavorable,l’avionenrapprochementétaitvuplustard,lerayonnementinfrarougeétaitplusfaibleetletemps laissé pour faire feu était plus court. Toutefois le tir était possiblemaisavecdesprobabilitésdesuccèsplusfaibles.

LeFPRayantinterditl’atterrissagesurlapiste08ensensinverse,lestireursconnaissaientl’exactparcoursdel’avionatterrissantsurlapiste283etsuivantlesindicationsdel’ILS.

3.L’expertiseacoustique

Laprestationdel’expertacousticiensembleavoirsurtoutétélafournituredelacéléritéduson,quipermetdeconnaîtreletempsauboutduquellebruitd’uneexplosionestperçuàunepositiondonnée.

Notonsqu’ilyaeuquatredétonations,lesdeuxdépartsdemissilesquisonttrèsbruyantsetnesontpasunsoufflemaisunedéflagration,etl’explosiondesdeuxmissiles,lepremierparautodestruction,lesecondparimpactsurl’avion.

Ildevaitêtredifficilepourlestémoinsdedéterminerquellesdétonationsilspercevaientsaufévidemments’ilssetrouvaientàproximitéimmédiatedutir.

Ilfautbienentenduprendreencompteledépartdupremiermissile,celuiquiamanquél’avionetquiaprécédél’autredequelquessecondespourdéterminerlesexplosionspouvantêtreentendues.Orcelanesemblepasavoirétéfaitparlerapport.

L’expertacousticienaffirmequeMasakaétaittroploinpourqu’untirpartantdelàpuisseêtreentenduàKanombe.Onpeutquandmêmeremarquerquedeuxtémoins qui se trouvaient à 5 kmdu point d’explosion de l’avion disent avoirentendudesdétonations.Lesonnesepropagepasdelamêmefaçonenterrainaccidenté qu’en plaine dans la région deVierzon où l’expert, qui ne s’est pasrenduauRwanda,aprocédéàsessimulations.

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4.Delatrajectoiredumissile

Admironslafoiquel’expertmontredanslarigueurtoutemathématiqueaveclaquelle avionetmissiles se comportentversun implacabledestin.Pour lui lemissileestirrésistiblementattiréverslebarycentredestroisréacteursalorsqueceux-cipeuventêtremasquésparlesailesoulefuselageetentoutétatdecauserayonnent plus vers l’arrière que vers l’avant. Nous reviendrons sur cettequestion en commentant la simulation sur laquelle s’appuie le rapport pouréliminerMasaka.

D’ores et déjà, l’affirmation faite par le rapport que l’auto-directeur dumissilepouvaitdétecter l’avionà3000mquelquesoit l’anglesous lequelcedernier était vu, en rapprochement, transversalement ou en éloignement, n’estpasétayéeet ilfaudrait faireunemesuredurayonnement infrarougeperçudesdifférentespositionsdetirpourledémontrer.

À lire le rapport dit « Trévidic », on a l’impression que l’avion suit satrajectoire, impavide, alors que pour suivre l’axe de descente que lui fournitl’ILS,ilestobligédecorrigerencapetenpente.L’avionnesuitdoncpasunetrajectoirerectiligneetenparticulierpeutêtreamenéàs’inclinerd’unbordoudel’autre.

Lerapportneprécisepassil’avionétaitenpilotageautomatiqueousi,plusprobablement,lepilotesuivaitmanuellementlesindicationsdel’ILS.

Lemissilelui-mêmenesuitpasunetrajectoireidéalequil’amèneàcoupsûrà atteindre l’avion à un endroit donné. Ce missile supersonique, qui vole àpresquemach2,adespossibilitésdemanœuvrelimitéesetdestempsderéactionquinesontpasnuls.Ilcorrigeluiaussisatrajectoireenfonctiondeladirectionoù il voit l’avion conformément aux instructions données par le calculateurembarqué.Ilnesuitdoncqu’approximativementlatrajectoireidéale.Naviguantenpoursuiteproportionnelle,ilsedirigeversunpointsurl’avantdel’avion,nonsurl’avionlui-même.

Remarquons que le premier missile a raté l’avion et s’est autodétruit etpourtant quand il avait été tiré, l’autodirecteur était obligatoirement verrouillésursacible,cequimontrequ’encedomainerienn’estjamaiscertain.LetauxderéussiteduSA-16estdonnépour50%,cequi,pourdeuxmissiles,fait75%.

Remarquonsaussiquelepilote,quisesavaitmenacé4,acertainementaperçule premier missile puisqu’un témoin a déclaré qu’il avait vu les feux denavigations’éteindreaprèscepremier tir. Ildoitavoirenmême tempsengagé

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unemanœuvred’évitementenamorçantunviragebrutal ;danscesconditions,direqueletirn’apaseulieudeMasakaparcequedanscecasl’avionauraitétéatteintau-dessusdel’ailegaucheetnondessous,n’estpassérieux.

5.Del’impactsurl’avion

L’analysequefaitlerapportdel’impactestcohérente:l’avionaététouchésous l’ailegauchemaisn’apasexplosé,seule l’ailegaucheétant impactée.Lekérosènesembles’êtreenflamméenaérosolàl’extérieurdel’avion5.

Pour déterminer la position de l’avion au moment de l’impact l’expert autilisédeuxméthodes:

1.Rechercherlepointoùl’axedesdébriscoupel’axedelapistepuisprendrel’altitude théorique où l’avion se trouvait à la verticale de ce point. Ceciimpliquequel’avionaitbrutalementchangédecappuisaitsuiviunedroiteverslepointd’impactavecunepentede31°.

2.L’autreméthodeaconsistéànégligerlarésistancedel’airetàadmettrequel’avion était tombéen chute libre, soumis à l’inertie et l’accélérationde lapesanteur.Lesdeuxméthodesconduisentàdirequel’avionaparcouruenviron400m6.Les savants calculs auxquels se livre l’expert pour déterminer la distance

qu’a parcourue l’avion avant de s’écraser ne sont pas recevables car l’avionn’était pas soumis uniquement à l’inertie et à la pesanteur, mais aussi àl’aérodynamiqueet à lapousséede ses réacteursquine se sontpas forcémentimmédiatement éteints, d’autant que l’avion ne s’est pas désintégré. Sinoncommentpeut-onexpliquerqu’ilsoittombéàgauchedelapiste?

L’avion qui n’était pas désintégré mais déséquilibré, a continué à volerpendantsachuteetapuparcourirbeaucoupplusque400mavantdes’écraser.Onpeutdoncdouterdurésultatobtenu, ladistanceparcouruepourraiteneffetavoirétéplusgrandeetl’altitudeplusélevée.

La position de l’impact à 3 150 m de la référence ILS est donc trèscontestablecarilpouvaitêtreplusloindeplusieurscentainesdemètres.

6.Delasimulationen3dimensions

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LejugeTrévidicafaitréaliserunesimulationen3dimensionsdutiràpartirde6emplacementsenvisagésavecleshypothèsessimplificatricessuivantes:– L’avion suit une route rectiligne à une vitesse constante de 62m/s et unepentede3°.

–Lepointvers lequelsedirige lemissileest lebarycentrede l’échappementdes3réacteurs.

– Le missile se déplace à une vitesse constante de 400 m/s et se dirige enpermanenceverslebarycentredesréacteursensedécalantenfinalede3mversl’avant.

DelasimulationfaiteavecceshypothèsesilressortquelemissileprovenantdeKanombe impacte l’avionsous l’ailegauche,cequiestconformeauxfaits,tandisquevenantdeMasakailimpacteraitl’avionplushautquel’aile.

Cependant,leshypothèsesretenuesenlèventtoutevaleuràcettesimulation.Eneffet:1.Lepointbrillantverslequelsedirigelemissilen’estpaslebarycentredeséchappements car pour un tir en latéral, un réacteur est masqué par lefuselage et l’aile gauche peut aussi interférer. Le point brillant en dehorsd’autres perturbations comme des mouvements de l’avion ne saurait êtreassimiléàunpointfixedel’avion.

2.L’avionnesuitpasunerouteconstante,ilserecalesurlesinformationsdel’ILS,cequiamènedeschangementsdecapetdepentepouvantentraînerdesinclinaisonsdel’avion.

3.En plus, il est très probable que le pilote, ayant vu le premiermissile, aittentédesmanœuvresévasives,viragebrutalparexemple.

La simulationprévoit que lemissile se dirige enpermanencevers le pointbrillant,cequ’onappellela«courbeduchien»,orleSA-16suitunetrajectoireennavigationproportionnellequi le fait sedirigerversunpoint sur l’avantdel’avion.Enfinallemissilen’arrivepasdeladirectionsimulée.

Pour toutes ces raisons la simulation n’a aucune valeur et ne sauraitpermettred’éliminerMasaka.

Conclusion

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Laconclusionestquecen’estpasens’intéressantauxtirseux-mêmesqu’onpeutdéterminerl’endroitd’oùilsonteulieu.Restentlestémoignages.

Ilparaîtraittoutefoisintéressantdemesurerlerayonnementinfrarouged’unFalcon 50 en descente en fonction de la position où on se trouve au sol pourvérifieràquelledistancel’autodirecteurduSA-16pouvaitréellementl’acquérir.Onconfirmeraitainsilapossibilitédetireràpartirdetouslesemplacements.

On peut aussi s’étonner que pour un attentat à l’évidence prémédité, lesauteursne se soientpas installés à laposition leplus favorable, c’est-à-dire lacollinedeMasaka7.

1.L’amiralFrançoisJourdierfutpendant5ansledirecteurduCentred’essaisdela Méditerranée qui fait des tirs de missiles à partir de l’île du Levant. Àl’époqueoùilcommandaitleCEM,ilfutprocédéauxessaisduMistral,missilefrançaiscorrespondantauSAM-16russeutilisépourabattrel’avionduprésidentduRwanda.2.Voirl’extraitdelalettre(annexe5).3.Ausujetdelasignificationdecenumérodepistevoirlanoteinfra-paginale12,annexe5.4. Les pilotes avaient été avertis du risque d’attentat FPR parmissile, voir lalettrecitéedansl’annexe5.5.Selonlelieutenant-colonelMarliac(formateurdesélèves-pilotesrwandaisetchargé du perfectionnement des brevetés dans le domaine du vol de nuit etl’utilisation de l’armement de 1989 à 1992) « Il n’y a pas eu dislocation carl’avionserait tombéverticalement,or, ila impacté lesolavecunanglede20°environ,quiestpratiquementsonangledeplanémoteurscoupés,parcourantdelasorteuneassez longuedistanceavantdes’écraser.Lepointdecrashétantàquelquesmètresprèstrèsexactementsurl’axed’approcheILSpiste28,onpeutpenser que l’avion est resté pilotable autour de son axe longitudinal et quel’équipageessayaitdésespérémentd’atteindrelapistedel’aéroportdeKigali.»6.Toujours selon le lieutenant-colonelMarliac :«Sinousprenonsun tauxdedescentede20°, nous arrivons àunvol de l’ordrede1350mavant le crash.L’expertafaitdeuxcalculssanstenircomptedel’aérodynamique,cequineveutriendirepourunavioncontinuantàvoler,cequil’amèneàunparcoursde400m après l’impact, ce qui déplace considérablement la position de l’avion aumoment du tir, le rapprochant de Kanombe d’à peu près 1 km. L’angled’approchequandtoutvabienestde3°environetl’angled’impactestestiméà20°. L’avion a donc progressivement « piqué du nez » en continuant à voler.Sousunangledeplanéde20°unaéronefparcourtendistanceenvironletriple

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de la hauteur à la quelle il se trouve avant d’arriver au sol. Le Falcon étantapproximativementàunehauteurau-dessusdusolde450mlorsquelemissilel’aatteint,ila«plané»pendantaumoins1,350kmavantdes’écraserausoletprobablement davantage car cet angle de descente de 20) n’est pas apparuinstantanément.Ilneseraitpasdéraisonnabledemultipliercechiffrepar1,5ou2».7. Selon le lieutenant-colonel Marliac « pour une meilleure acquisition del’objectif,doncunemeilleureefficacitédutir,lesavionsdontlesmoteurssontàl’arrièredoiventêtretirésdepréférenceenéloignement.Cetteconsignepermetd’affirmer que les tirs ont été effectués depuis un poste situé bien à l’Est deKanombe et de la résidence présidentielle, d’autant que ce procédé met lestireursàl’abridesretombéesdeleurcible,cequin’auraitpasétélecasavecuntirdepuislelieudeKanombeproposéparl’expertacoustique».

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Annexe3

Lettre de l’ancien commandant de l’aviation rwandaise au sujet de lapossessiondemissilesparl’APR/FPR

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Annexe4

LettretémoignagedeJamesGasana:

Madame,Monsieur,Je soussigné, Dr. James Kwizera Gasana, né le 9 mars 1950 à Gituza

(Rwanda), de nationalités rwandaise et suisse, ingénieur forestier, domicilié àBussigny-près-Lausanne, Suisse, aimerais apporter un témoignage pouvantfournirdesélémentsutilesenvuedelaconclusionducasreprisenobjet.

Jesouhaitequecetémoignagepuisseservirdevantlajustice,etàceteffet,jevouspriedetrouverenpiècejointelaphotocopiedemacarted’identitéetmonCV.Alalecturedurapportci-dessus,ilseposelaquestiondesavoirlaquelledesarmées des Forces armées rwandaises (FAR) et du Front patriotique rwandais(FPR)avaitlesmissilessol-airetlesgensforméspourlesutiliser,pouraussiendéduire qui des deux aurait réalisé le tir sur l’avion de feu président JuvénalHabyarimana.C’estenmaqualitéd’ancienministreaugouvernementrwandais,successivement de l’Agriculture, de l’Elevage et des Forêts (juillet 1990 –décembre1991),de l’Agriculture,de l’Elevageetde l’Environnement (janvier1992–Avril1992),etdelaDéfense(avril1992-juillet1993),etauteurdulivre« Rwanda : Du Parti-Etat à l’État-Garnison. Harmattan, Paris, 2002 », publiéaussienespagnolsousletitre«Rwanda:DelPartidoEstadoalEstado-Quatel–Contribución al análisis de la crisis de los Grandes Lagos. IEPALA,Madrid,España»,quejevouspried’acceptermontémoignage.

LesForcesarméesrwandaises(FAR)n’avaientni lesmissilessol-airni lespersonnesforméespourl’utilisationdecesmissiles.Amaconnaissance,aucunmilitairedesFARn’avaitétéforméàl’utilisationdesmissilesanti-aérienssol-airavant le 16 avril 1992, date à laquelle j’ai été nomméministre de laDéfense.Aucun militaire des FAR n’a été formé pendant que j’étais titulaire de ceMinistère(16avril1992–20 juillet1993).Durantcettepériode jen’ai jamaispensé un seul instant que les FAR avaient besoin d’acquérir lesmissiles anti-aérienssol-air,etd’ailleursaucunedemandenemefutintroduiteparl’état-majoràceteffet.LadéfenseantiaériennesophistiquéenefutjamaisunepréoccupationduRwandadepuisledébutdelaguerreenoctobre1990carlarébellionduFPRne menait pas de combats aériens. Dans une situation d’énormes contraintes

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budgétairesquelegouvernementconnaissaitencettepériodedeguerre,lesFARne pouvaient pas se doter d’un armement anti-aérien qu’elles n’allaient pasutilisercontreuneguérillaquin’avaitniavionsnihélicoptères.

Depuisoctobre1990 leFPRavait lesmissiles sol-air etdisposaitdesgensforméspourlesutiliser.LapreuveirréfutablequeleFPRdisposaitdesmissilesantiaériens sol-air est qu’il les a utilisés trois fois avec succès pour abattre unavion et des hélicoptères des FAR: le 07/10/1990, le FPR a abattu avec unmissilesol-airSAM-7unavionde reconnaissancede type IslanderauMutara,près de la frontière avec l’Ouganda. Sont morts calcinés dans l’avion, lecommandant Augustin Ruterana et le lieutenant Anatole Havugimana,respectivementpiloteetco-pilote.J’aimêmeprésidé lacérémoniedemémoiredecesdeuxofficiersàl’Ecoled’officiersdeKigalien1992.Le23/10/1990,leFPR a abattu avec un missile sol-air SAM-7 un hélicoptère à Nyakayaga,commune Murambi. L’hélicoptère était piloté par le commandant JacquesKanyamibwa (survivant). Le co-pilote, le capitaine JavanTuyiringire estmortcalcinédansl’épave.Le13/02/1993,leFPRaabattuavecunmissileSAM-7unhélicoptère Ecureuil en commune Cyeru, tuant le pilote, le capitaine SilasHategikimanaquieffectuaitunemissionderavitaillement.

Jeferaisnoteraussiqu’enaoût1992,deuxofficierssupérieurségyptiens,unAméricain et unOugandais, ont été arrêtés à l’aéroport d’Orlando, en FlorideauxUSA,aumomentoùilss’apprêtaientàembarquerpourl’Ougandadefaçonilliciteunecargaisond’armes,dontdes lance-missiles.Lecapitaineougandaisarrêté dans le coup est InnocentBisangwa, adjoint du secrétaire particulier duprésident YoweriMuseveni et beau-frère de feumajor Bayingana du FPR. Al’époquej’airapportécettearrestationaugouvernementrwandais.

Dansmonlivreci-dessusvoustrouverezdesélémentsetuneampleanalysequi justifientd’exclure lesFARcommeauteurde l’attentat contre leprésidentHabyarimana.

Veuillezagréer,Madame,Monsieur,l’expressiondemahauteconsidération.Bussigny,le2avril2012

Dr.JamesK.Gasana

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Annexe5

LettredeJean-PierreMinaberry8aucapitaineBrunoDecoin9endatedu28février1994

–«AvecleFPRauCND10,c’est-à-direà1kmdelaTWR11etaveclepartiprisquetuconnaisparl’ONUaliasMINUAR,noussommesquasicertainsqu’ilyadesmissilesSAM7etautresquinousmenacentpour lesvolsduMystère50(l’appareilprésidentiel).DéjàleFPRadécrétéuncerclede1kmdediamètreautourduCNDaltitudeillimitée-zoneinterdite.IlsontempêchéAirFrancededécolleren2812(…)Jem’adressedoncàtoi.Tesouviens-tudes missiles qu’ils avaient dans le nord quand ils ont abattu l’Islander etl’hélico13 ? Donne-moi les perfs (performances) de cesmissiles, Cussac14m’aparlésaSA-7?(…)

–Alt(altitude)desécuritéàadopter(àKigali il faut tenircomptedes5000’d’altitudetopo).Portée?Horizon?DefaceauCND(commeenfinale28)est-ondétectable?Quepeut-onfairepournepassefaireprendre?

–Aveconétudiedesdéfautsetarrivéebassealt.Dec(descente)en10virageàdroite dans la vallée, via le point S derrière Rebero on est caché par lacolline.Pour l’att (atterrissage)chemin inverse.On l’a fait samedi,avec leprésident:ilsontétésurprismaisontprisconsciencequ’ilyavaitdangeretquenousn’étionspastranquilles.

– On va étudier une arrivée haute Alt. verticale NIV 20015 et percée ILSnormaletoutréduit,phareséteints.Jenesaispassic’estefficace.Peut-êtreconnais-tudeschasseurs (pilotesdechasse)qui auraientdes solutionsàcegenredepb(…)».

8.Jean-Pierreminaberryétaitlecopilote,JackyHérautlecommandantdebordetJean-michelPerrineétaitlemécaniciendel'avionprésidentiel.9.BrunoDucoin,capitained’activede l’arméede l’air,était lepiloteduNord2501 mis en place par la coopération française pour les besoins du bataillonparachutiste.10.Cantonnementdel’APR/FPRàKigali,voirlacarten°6.

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11.Tourdecontrôle.12.«Lechiffre28n’estpaslenumérodelapiste.Iln’yenavaitqu’uneàKigaliquel’onpouvaitutiliserdanslesdeuxsens,cequifaitquecertainsenontdéduitqu’il y avait deux pistes. Le 28 est son orientation exprimée en dizaines dedegrés. Il fautdonc traduire280°, pratiquement face à l’Ouest endirectionduZaïre. Dans l’autre sens, nous avons donc la piste 10, soit orientée 100°,pratiquement face à l’Est, à 10° près, en direction duKenya.Mais, seul l’axed’atterrissage face à l’Ouest, donc en provenance de l’Est et en survolantKanombe était équipé de moyens radioélectriques en guidage et d’aide àl’atterrissage de nuit ou parmauvaises conditions de visibilité (ILS fréquence109.9etVORDMEfréquence114.9et2balisesderadionavigationfréquences255 et 285).C’était donc l’axe utilisé presque toujours pour l’atterrissage.Deplus il évitait le survol de la ville, doncmoins de nuisances sonores pour lesriverainsetsurtoutmoinsdevictimescollatéralesencasdecrashàl’atterrissage.Le Falcon 50 a donc été attendu « au coin du bois » par une équipe bienrenseignéepardescomplicesquiontsansdouteveillélafréquenceradioutiliséepar l’équipage et le contrôleur d’aérodrome, 118.30 Mhz ou 124.3 Mgh àl’époque,àmoinsqu’ilyaiteudescomplicescôtétourdecontrôle.Etiln’apasététirédefacedepuislecampmilitaire,maisdepuisses3heuresou9heuresoulégèrementarrière.POURQUOI?Tirédeface,l’équipagevoitla?ammeinduitepar le propulseur du missile et peut tenter une manoeuvre d’évitement. Or,apparemment, les pilotes sont restés imperturbables et n’ont rien signalé».(Entretienaveclelieutenant-colonelDanielMarliac.13.L’Islander,aviondereconnaissancedel’arméerwandaise,futabattuaumoisd’octobre1990dansleparcdel’AkageraparunmissileSAM-16soviétiqueletroisièmejourdesonintervention.L’hélicoptèreSA-342arméderoquettes,quifaisait partie d’une patrouille de deux appareils, fut abattu en 1992, à sontroisième passage sur le même objectif, lui aussi par unmissile SAM-16. LemajorpiloteJacquesKanyamibwalepilotait.(EntretienMarliac).14.Lieutenant-colonelBernardCussacattachémilitairedeDéfense,chefde lamissiond’assistancemilitairefrançaiseauRwandadejuillet1991àavril1994.15.Niveau200,soit20000pieds(6000mp.tauniveaudelamer);soit4000msol.À laverticalede l’aérodromedeKigalisoit12500piedsplushautquel’altitudedeprésentationhabituelle,donchorsdeportéedesSAM-16.

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Annexe6

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Annexe7

LelieutenantAbdulRuzibiza,untémoincrédible?

Parmi les témoinsdu jugeBruguière, le lieutenantAbdulRuzibiza fut l’undes plus prolixes. Cependant, comme plusieurs interrogations entourent lepersonnage, j’ai décidé, comme je l’ai écrit plus haut qu’aucune de ses« révélations » ne serait utilisée dans ce livre dont l’argumentaire reposeuniquementsurdesfaitsincontestablesetnonsusceptiblesdecontroverses.

Les principales étapes des « révélations » d’Abdul Ruzibiza sont lessuivantes:– En mai 2002 à Kampala, il fut interrogé par deux enquêteurs du TPIR,travaillantpour lebureauduprocureur,MM.HamidouMaigaetMohamedAliLejmi.

– En 2003, Ruzibiza fut une nouvelle fois auditionné par des enquêteurs duTPIR, mais en compagnie de 7 autres militaires de l’APR déserteurs. Ildemanda laconfidentialitédes informationscar ilcraignaitpour lasécuritédesdéclarants.

– Le juge Bruguière l’entendit à Paris le 3 juillet 2003 après qu’il eut étéminutieusement interrogé par la police française. Le juge lui demandaessentiellement de confirmer les décla-rations qu’il venait de faire à lapolice.

–LejugeespagnolFernandoAndreuMerelles16l’auditionnadanslesjoursquisuivirent.

–Le10mars2004,lorsdelavisited’ÉtatduprésidentKagaméenBelgique,Ruzibizaaffirmasurlachaîne?amandeVRTquecedernierétaitresponsabledel’attentatdu6avril1994quiavaitcoûtélavieauprésidentHabyarimana.

–Le14mars,ilpubliasurInternetuntexteenkinyarwandaetenfrançaisdanslequelilreprenaitcesmêmesaccusations17.

–Aumoisd’octobre2005,ilpubliaunlivretrèsdétaillé(Ruzibiza,2005)danslequelilexpliquenotammentcommentleFPRprovoqual’exacerbationdelahaine ethnique au moyen d’attentats ciblés et comment il assassina le

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président Habyarimana. Ce livre extrêmement documenté contient desdizaines de noms, des faits et des évènements qui donnent un éclairagenouveau sur les évènementsduRwanda et notamment sur le génocide lui-même. À la suite de cette parution, Ruzibiza multiplia entretiens etinterviewsdanslesmédiasdumondeentier,affirmantàchaqueoccasionquel’avionduprésidentHabyarimanaavaitétéabattusurordredePaulKagaméetdécrivantlemodusoperandidel’attentat.

–Aumois demars 2006, il déposa sous serment àArusha, devant leTPIR,dans le cadre du procès dit « Militaires I » (TPIR-98-41-T). Lors desaudiences des 9 et 10 mars 2006, il confirma ses déclarations et écritsantérieurs,notammentencequiconcerneselonluilaresponsabilitédePaulKagamédansl’assassinatduprésidentHabyarimana.

–Lapublicationdel’ordonnancedujugeBruguière,le17novembre2006,lefitsubitementchangerd’avis.IladressaainsiaujournalLeMondeuncourrierdanslequelilannonçaitavoirdécidéde«suspendresacollaborationaveclejuge»,toutenprécisant:

«Jeneretire(…)riendesdéclarationsquej’aifaitesdevantlespoliciers,nidecequej’aiécrit.Maisjenesuispasunemarionnettedelajusticefrançaise»18.

–Le11novembre2008,dansunentretiendonnéenkinyarwanda,enfrançaiset en anglais, àune radioprivée rwandaise,Ruzibizadéclaraque son récitétait une invention. Il confirma ensuite plusieurs fois sa rétractation,notamment le 20 novembre 2008 sur la chaîne France 24 en la justifiantd’unemanièreparticulièrementinsolite:

« Moi, je voulais vraiment savoir jusqu’à quel point les politiciensfrançais de l’époque, cette époque aussi, à quel point ils haïssent, ilsdétestentlesTutsis,lapopulationtutsieetlerégimeactuel».

Les relais duFPRdans la presse belge et française tirèrent alors argument decette rétractation pour affirmer que l’enquête du juge Bruguière n’était passérieuse.– Le 15 juin 2010, une nouvelle fois entendu par la justice française, enl’occurrence par les juges Trévidic et Poux, Ruzibiza revint sur sarétractation, confirmant l’intégralité de ses déclarations et écrits antérieurs,notammentencequiconcernel’implicationduFPRetdePaulKagamédans

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l’attentatdu6avril1994(voirlepvd’auditionenannexe6).

Lanouveautéparrapportàsesprécédentesdéclarationsfutqu’ilrévélaitqueson récit fait à la première personne reprenait en réalité des actions commisespar des tiers, notamment par un personnage qu’il avait voulu protéger en lesreprenant à son propre compte. Il aurait expliqué cette démarche dès 2003 àl’officier de police français qui l’interrogeait. Le juge Trévidic lui ayantdemandé pourquoi il s’était précédemment rétracté, Ruzibiza répondit : « Laréponse générale est liée à ma sécurité personnelle et à celle de certainstémoins».–Ruzibizamourutd’uncancerdufoiefoudroyantle22septembre2010,soitunpeuplusdetroismoisaprèsavoirétéauditionnéparlejugeTrévidic.Ilavait40ans.

Parmi la masse de « révélations » que contient son livre (2005), Ruzibizaexpliquecommentl’APR:

« (…) a constitué de petits groupes d’escadrons très spécialisés dansl’infiltrationdontlaplupartavaientdesphysionomiestrompeusesquantàleur ethnie parce qu’ils ressemblaient aux Hutus (…) Parmi (les)manifestantsilyavaitdesmilitairesduFPRinfiltréscommelelieutenantKiyago, le lieutenant Jean-Pierre Gatashya, le capitaine HubertKamugisha, le sergentMugisha, alias Interahamwe et d’autres. Le butétaitdechaufferlestêtes,desemerlechaosetladésolationdanstoutlepays(…)(Ruzibiza,2005:201,225-226).

Ruzibizadonnebiend’autresdétailsqui,s’ilsétaientvrais,éclaireraientd’unjourtotalementnouveaul’histoiredugénocideduRwanda.Ainsi:

« (…) leFPRmultipliait lesattaquesafind’inciter lapopulationàs’enprendreauxTutsis.Ilpouvaitainsialerterl’opinioninternationalequineconstataitengénéralquelesexactionscommisesparlepouvoirenplace(Ruzibiza,2005:126).

«Unplandedéstabilisationdupaysfutinauguréparlaposedebombessurlesvoiesdecirculationpourpiégerlespassantsetlesvéhicules(…)Jusque-lànousposionsdesminesuniquementdansleszonesdecombatet leurs environs, à présent le programme était de poser des bombespartoutdanslepays(…)»(Ruzibiza,2005:143).

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«Desélémentsdel’unitéCharliemobile(…)ontattaquéetmassacrélapopulation(et)pourfairecroirequelescrimesavaientétécommisparleMRNDetlaCDR,certainesfamilles,parmilesvictimes,étaienttutsies»(Ruzibiza,2005:210).

Cesescadronsde lamortcrééspar leFPRseraientégalement responsablesd’assassinatsciblésdontceluid’EmmanuelGapyisiabattule18mai1993:

«EmmanuelGapyisifutassassinéparlescommandosdel’APRdirigésparleP/JO2CharlesNgomanzizasouslesordresdeSOKarakeKarenzi(…) Des émissaires lui furent envoyés pour obtenir son silence, maissanssuccès.PaulKagaméordonnasonassassinat.LamortdeGapyisiacréé une grande confusion dans la population. La plupart des genscroyaient qu’il avait été assassiné par le clan présidentiel » (Ruzibiza,2005:202).

QuantàFélicienGatabazi,ilfut:

« (…) assassiné par des membres de l’APR qui s’étaient dissimulésparmi les Interahamwe. Son meurtrier, le lieutenant GodfreyNtukayajemoaliasKiyago, logeaitchezGatetePolycarpe,actuellementsénateurauparlementrwandais(…)IlaétéassistéparMahoroAmani.LecapitaineHubertKamugishaparticipa également à l’organisationdecet assassinat. Les meurtriers se cachaient chez une femme taximanprénomméeEmeritaMukamurenziqui,elle-mêmeaétéassassinéepours’assurerdesonsilence.L’assassinataétéordonnéparlegénéralmajorPaulKagamé.Lecomplotaétémontéparlelieutenant-colonelKarenziKarake.Cemêmeofficieroccupaitàcemomentlafonctiontrèsofficielled’officierdeliaisonentreleFPRetlaMINUAR.PlusieursrumeursontétérépanduesselonlesquellesGatabaziavaitétéassassinéparlajeunesseImpuzamugambidelaCDRparcequ’ilétaitl’undesdirigeantsopposésauprésidentJuvénalHabyarimana(…)».(Ruzibiza,2005:224-22519).

16. Le juge lança des mandats d’arrêt à l’encontre de quarante hautsresponsables de l’armée rwandaise pour actes de génocide, crimes contrel’humanité,crimesdeguerreetterrorismecommisauRwandaetenRépubliquedémocratique du Congo (RDC) entre le 1er octobre 1990 et 2002 (Merelles,2008).17.«TémoignagevisantàdémontrercommentleGouvernementrwandaisetle

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FPR sont responsables des erreurs qui ont rendu possible le génocide ».http://www.inshuti.org/ruzibiza.htm»(ClaudineVidal,2009).18. Le Monde, 7 décembre 2006, Les considérations politiques du jugeBruguièrecontestées.VoirVidal(2009)pourlagenèsedecetteaffaire.19.VoirégalementGuichaoua(2005:104-107)etLeMondedu7mai2005.

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Annexe8

ÉtudesurleterrorismeauRwandadepuis1990.

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Annexe9

ÉtudesurleterrorismeauRwandadepuis1990

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Annexe10

ActivitésterroristesauRwandaen1992

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Annexe11

Listedespersonnalitésréfugiéesàl’ambassadedeFranceaprèsl’attentatdu6avril1994

–M.NzabonimpaCallixte,ministredelaJeunesseetduMouvementassociatifavecsonépouseetcinqenfants,MRND.

–M. Mugirameza Prosper, ministre de la Fonction publique, son épouse etquatreenfants,MRND.

–M.MugenziJustin,ministreduCommerceetdel’Industrieavecsonépouseetquatreenfants,PL.

–M.NtageruraAndré,ministre desTransports etCommunications avec sonépouse,sabelle-mèreettroisenfants,MRND.

–M.NgirabatwareAugustin,ministreduPlan,avecsonépouse,sonbeau-frèreetsonépouseetquatreenfants,MRND.

– M. Bizimungu Casimir, ministre de la Santé, avec son épouse et quatreenfants,MRND.

–M.MbanguraDaniel,ministredel’Enseignementsupérieur,avecsonépouseetquatreenfants,MRND.

– Mme Nyiramusuhuko Pauline, ministre de la Famille et de la Conditionféminine,etquatreenfants,MRND.

–M.NahimanaFerdinand,futurministredel’EnseignementsupérieuretdelaRecherche,avecsonépouseetquatreenfants,MRND.

– Mme Bizimana, épouse d’Augustin Bizimana, ministre MRND de laDéfense,etquatreenfants.

–M.RuzindanaAugustin,anciendirecteurdelaBanquenationale,sonépouseetplusieursenfants,MRND.

–M.NdengejehoPascal, ancienministrede l’Information, avec sa femmeetquatreenfants,MDR.

–M.NteziryahoSiméon,directeurgénéraldelaSonarwa,avecsonépouseetcinqenfants,MRND.

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–M.Maniliho Faustin, directeur du Plan, avec son épouse, sa belle-mère etseptenfants,MRND.

–M.Ndagijimana,ex-secrétairegénéralduministèredesTravauxpublicsetdel’Énergie,avecsafemmeetdeuxenfants,PSD.

–MmeNyirahumureDaphase,directricedeLabophar,avectroisenfants,sansétiquettepolitiqueconnue.

–Mme Icyimamzanye Antoinette, haut fonctionnaire auMininfor, et quatreenfants,PSD.

– M. Nkubito Alphonse, procureur général qui ralliera le FPR après sonévacuation.

–M.KabugaFélicien,sonépousequiestunefilleduprésidentHabyarimanaetonzeenfants,MRND.

–MmeMunyemana, épouse du conseiller à la Présidence, et deux enfants,MRND.

–M.Habamenshi Calixte, ancienministre desAffaires étrangères, avec sonépouseetsixenfants,MDR.

– M. Munyampundu Cyprien, député, avec son épouse et quatre enfants,MRND.

– Mme Ndaziboneye Jeanne, agent du Protocole présidentiel, avec cinqenfants,MRND.

–M.NtuyenaboFidèle,présidentdelaCourdescomptes,avecsonépouseettroisenfants.Parmicespersonnalités,oncompte8ministresdugouvernementd’Agathe

Uwilingiyimanadont7MRND(D)et1PL.Parmilesautresréfugiésoncompte8MRND(D),2MDRet2PSD.

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CHRONOLOGIE

–XIVesiècle:premierroitutsihistorique,RuganzuIerBwimba.DébutdeladynastiedesNyiginyaquirégnerajusqu’en1961.

–1892:OscarBaumannestlepremierEuropéenàpénétrerauRwanda.–1897:débutdelaprésenceallemande.–1900:fondationdelapremièremissioncatholiqueàSave.–1908:fondationdeKigaliparl’administrationallemande.–Mai1916:conquêteduRwandaparlestroupesbelges.–1922:laBelgiquereçoitdelaSDNmandatd’administrerleRuanda-Urundi–1946:l’ONUconfieàlaBelgiquelatutellesurleRuanda-Urundi.–Mars1957:«manifestedesBahutu».– 1959 : fondation du Parmehutu (Parti du mouvement de l’émancipationhutu).

–28juillet1959:intronisationdeKigeriV,dernierroiduRwanda.–28janvier1961:proclamationdelaRépublique.–Septembre1961:KigeriVestarrêtépuisexpulséparlesautoritésbelges.–1erjuillet1962:indépendanceduRwanda,massacresdeTutsi.–5juillet1973:coupd’ÉtatdugénéralJuvénalHabyarimanaquirenverselerégimedeGrégoireKayibanda.

– 1975 : fondation du MRND (Mouvement républicain national pour ledéveloppement). – 1988 : fondation du FPR (Front patriotique rwandais),mouvementtutsi,enOuganda.

–1eroctobre1990:offensiveduFPRdepuisl’Ouganda.–3octobre1990:leprésidentMitterranddécided’intervenirauRwanda(opérationNoroît).–Finoctobre1990:défaitedel’APRetreplienOuganda.

–10juin1991:officialisationdumultipartisme.Débutdel’anarchie.–22janvier1992:raiddel’APRsurlavilledeRuhengeri.

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–Débutjuin1992:l’APRattaqueByumba.–6juin1992:arrivéederenfortsfrançais.–8février1993:attaquedel’APRdansleNordduRwanda.DéroutedesFAR.–20février1993:l’APRestàRulindo,à30kmdeKigali.– 22 février-28 mars 1993 : renforcement de Noroît par l’opé-ration dite«Chimère».

–9mars1993:signatured’uncessez-le-feuàDares-Salaam.–4août1993:signaturedesaccordsd’Arusha.– Décembre 1993 : départ des dernières troupes françaises. Ne restent auRwandaque24coopérantstechniquesmilitaires.

–6avril1994:l’avionquitransportaitlesprésidentsduRwandaetduBurundiestabattuàKigali.

– 7 avril 1994 : le FPR reprend unilatéralement les hostilités ; dix CasquesbleusbelgessontlynchéspardesmutinsdesFAR.

– 8 avril : la France déclenche l’opération Amaryllis afin d’évacuer sesressortissants.

–9avril :prestationdesermentdugouvernementKambanda(Gouvernementintérimaire).

–14avril:findel’opérationAmaryllis.–Avril-juillet:génocidedesTutsietmassacredemassedesHutu.

–23mai:l’APR/FPRs’emparedel’aéroportdeKigali.–22 juin :par la résolution929, leConseildesécuritéde l’ONUautorise laFranceàintervenirauRwandapouryprotégerlespopulations.

–23juin:débutdel’opérationTurquoise.–5juillet:laFrancecréela«Zonehumanitairesûre»dansleSud-OuestduRwanda.

–22août1994:findel’opérationTurquoise.– 8 novembre 1994, création du TPIR (Tribunal pénal international pour leRwanda)parleConseildesécuritédel’ONU.

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A

B

INDEX

deogun-Phillips,Charles(procureurdechambreauTPIR)185Akayezu,Jean-Marie25Annan, Kofi (sous-secrétaire général de l’ONU en charge des opérations demaintiendelapaix)104,108,148

Apedo,KodjoEpke(capitainetogolaisdelaMINUAR)156-158Arbour,Louise(procureurgénéralduTPIR)59-61

agaragaza,Michel39-41Bagaragaza,Thaddée8,92Bagosora,Théoneste(colonel)121-123,128,129,139,142,146,147,153,158,159,179,186,187

Barayagwiza,Jean-Bosco25,90,204Baril, Maurice (général canadien, conseiller militaire auprès du secrétairegénéraldesNationsUnies)139,141

Barril,Paul(capitaine)165,166Baumann,Oscar255Bayart,Jean-François175Beardsley,Brent(major,aidedecampdugénéralDallaire)52,119,121,141Belliard,Jean-Christophe189-192,194,195Bicamumpaka,Jérôme17,19,26,85,98Bihozagara,Jacques92Bizimana,Augustin(ministredelaDéfense)8,118,252Bizimungu,Augustin(général)17-20,43,44,109Bizimungu,Casimir25,252Bizimungu,Pasteur75,92,100BijuDuval,Jean-Marie(avocatdeFerdinandNahimana)21Bonsang,Gilles(colonel)164Booh Booh, Jacques-Roger (représentant spécial du secrétaire général del’ONU)103-105,123,131,134,137-141,145,147-151,154,160

Boutros-Ghali,Boutros(secrétairegénéraldel’ONU)138Braeckman,Colette172-174

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C

D

EG

Brana,PierreBruguière,Jean-Louis(juge)7,54,55,59-64,68,232-234Bucyana,Martin82,90,136Bunyenyezi,Chris70Bushnell,Prudence(n°2duBureauAfriqueduDépartementd’Étataméricain)104

apodanno(colonel,chefd’état-majordelaMissionmilitairedeCoopération)170

Carbonare,Jean109,170Cazeneuve,BernardChollet,Gilles(lieutenant-colonel)172Chrétien,Jean-Pierre20-24,26,27,106-108,193,197-200,202-206Ciza,Bernard8Claeys, Frank (capitaine belge, officier des renseignements militaires de laMINUAR)141-144,146

Constant, Raphaël (avocat du colonel Bagosora) 28, 139, 143, 153, 159, 160,187

Corrière(majordegendarmerie)110Cussac,Bernard(colonel,attachédeDéfensefrançaisàKigalide1991à1994)151,166,220

allaire,Roméo(général)9,10,34,35,52,99,103,117,119,121-123,131-141,143-155,157-160,188,189,192

DégniSégui,René(envoyéspécialdesNationsuniesauRwanda)58Deguine,Hervé16,21,26-28DelPonte,Carla(procureurgénéralduTPIR)17,59,62Delvaux,André(enquêteurTPIR)40Dème,Amadou(capitainesénégalaisdelaMINUAR)134,136,137,143,144,146,148-151,154,160,161,167,169,172,178,182

DesForges,Alison25,29,32,39,41,45,93,99,106,107,117,171,189-196Desouter,Serge86,150Dickson,Thiphaine(avocate)61Ducoin,Bruno(capitaine)219Dupaquier,Jean-François20-22,24,27,167,168,193,197-201

llis(avocat)90,193Erlinder,Peter(avocat)5,38

acumbitsi25Gafaranga,Théoneste92Galinié,René(colonel,attachédeDéfensefrançaisàKigalide1988à1991)166

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H

I

J

K

Gapyisi,Emmanuel89,94,235,236Gasana,Anastase96,98,115Gasana,James(ministredel’Agriculture)88,91,92,120,216,218Gatabazi,Félicien82,136,236Gatashya,Jean-Pierre(lieutenant)235Gatete,Polycarpe236Gatsinzi,Marcel(colonelpuisgénéral)122Gérard,Yannick(ambassadeurdeFrance)188-192,194,196Germanos,Raymond(général)164Gillet,Éric(avocat)170Goebbels,Joseph20,22,24,27,193,201Goldstone,Richard(procureurgénéralduTPIR)59Gouteux,Jean-Paul169,171,172Guichaoua,André29,46,47,110,236

abyarimana,Agathe(épouseduprésident)39,175HabyarimanaJuvénal (généraletchefde l’État)127-130,133,137,140, 151,154,158,163,166,175,176,182,189,194,216,218,233,236,253,256

Hall,Michael(chefadjointàlasécuritédesNationsunies)61Haque, Asrar (colonel commandant l’UNOMUR – Mission de l’ONU enOuganda)147

Héraud,Jacky(commandantdeborddel’avionduprésidentHabyarimana)8Hock (major du Service général de renseignements et de sécurité de l’arméebelge)146

Hourigan,Michael59-61

nglis(juriste)187Ingabire,Victoire38

allow,HassanBubacar(procureurgénéralduTPIR)59Janvier,Afrika109,110Jean-Pierre(voirTuratsinze,Abubacar)34,35,137-139,137-147Jourdier,François(amiral)64,207

abageKabagema,Ferdinand(deuxièmevice-présidentduMRND(D))123Kabageni,Vénantie92Kabeja,Thomas92Kabiligi,Gratien(général)26,28,36-38,118,182,183Kagamé,Paul(général,présidentduRwanda)6,15,17,19,22,25,37,57,61-63,66-68,70,74,100,101,104,109,110,115,122,131,147,148,160,178,

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L

M

233,234,236Kajuga,Robert115Kambanda, Jean (PremierministreduGouvernement intérimaireconstitué le9avril1994)98,115,116,152,186,187

Kamugisha,Hubert(capitaine)235,236Kanyabashi,Joseph25Kanyamibwa,Jacques(majorpilote)217,220Kanyarengwe, Alexis (colonel) 88, 92, 99, 116 Kanziga, Agathe (voirHabyarimana,Agathe)41-43

Karamira,Froduald95Karegeya,Patrick(colonel,ancienchefdesrenseignementsmilitaires)66,67Karemera,Édouard(Premiervice-présidentduMRND(D))17,40,44,85,123KarenziKarake,Emmanuel(lieutenant-colonel)20146,236Kavaruganda,Joseph85,97,158,15920.Ils’agitdugénéralEmmanuelKarenziKarakequifutcommandantenseconddelamissiondesNationsuniespourleDarfour.

Kayibanda,Grégoire(présidentdelarépubliqueduRwandajusqu’en1973)74,87,89,94,256

Kayonga,Charles(colonel,chefdubataillonFPRauCND)135Kayumba,Cyprien(lieutenant-colonel)122,152,153KayumbaNyamwaza,Faustin(général,ancienchefd’état-majordel’APR)65-68

Khan,Shaharyar(représentantspécialdel’ONUauRwanda)140KigeriV(dernierroiduRwandadéposéen1961)255Kiyago(lieutenant)235,236

afourcade,Jean-Claude(général)14,167Lallemand(capitaine)172Lanxade, Jacques (amiral, chef d’État-Major particulier du président de laRépublique(1989-1991)71

Lejmi,MohamedAli(enquêteurduTPIR)232Lemarchand,René24Lizinde,Théoneste88Lotin,Thierry(lieutenant)155Lugan,Bernard2,3,11,16,23,31,71,76,81,164

ahoro,Amani236Maiga,Hamidou(enquêteurduTPIR)232Malagardis,Maria166

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N

Marara,InnocentMarchal,Luc(colonel,commandantducontingentbelgedelaMINUARetdusecteurKigali)

Martres,Georges (ambassadeur de France auRwanda) 52,111, 119-120, 132,135-137,141,144,145,147,148,152,153,156-158,182,183

Maurin, Jean-Jacques (colonel, adjoint opérationnel de l’attaché de Défensefrançaisetconseillerduchefd’État-MajordesFAR)9,12,121,172,173

Mazimpaka,Patrick92Mbonimpa,Jean-MarieVianney98Merelles,FernandoAndreu(jugeespagnol)13,63,232Minaberry,Jean-Pierre(copilotedel’avionduprésidentHabyarimana)65,219Mitterrand,François2,71,75,256Mitterrand, Jean-Christophe (conseiller à la Présidence de la Républiquefrançaisede1986à1992)71

Mobutu,SeseSeko7Mugabe,Jean-PierreMugenzi,Justin25,81,90,92,98,252Mugiraneza,Prosper26Mugisha,aliasInterahamwe(sergent)235,236Mukamana,Bernadette94Mukamurenzi,Emerita236Munyandekwe,Anastase42Munyazeya,Faustin(ministredel’Intérieur)8,118Murego,Donat95,96Museveni,Yoweri7,70,218Musoni,EvaristeMwinyi,AliHassan7

ahimana,Ferdinand19-28,36,188-197,200-205,252Ndasingwa,Landoald80,90,97,98,104,159Ndayambaje,Élie25Ndindabahizi, Emmanuel (ministre des Finances du GIR, Gouvernementintérimairerwandais)17,25,117,184-186

Ndindiliyimana,Augustin(généralchefd’état-majordelagendarmerie)20,31,43,44,117,118,122,142

Ndugute,Stephen70Ngabanda-Nzambo7Ngango,Fidèle85,159Ngeze,Hassan-François25,200Ngirumpatse,Mathieu(présidentduMRND(D))40,44,123,125,141,142Ngomanziza,Charles236Ngulinzira,Boniface75,79,80

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OP

QR

Nkezabera,Jean-MarieVianney42Nkubito,Alphonse186,253Nors186Nsabimana,Déogratias(colonel)8,53,141,142,148Nsabimana,Sylvain25Nsengiyaremye, Dismas (Premier ministre du gouvernement de coalition) 53,74,76,82,91,94,95,98,115

Nsengiyumva,Anatole(lieutenant-colonel)26,28,34,36-38Ntabakuze,Aloys(major)5,26,28,34,37,38Ntahobali,Arsène25Ntahobari,Sébastien(commandantdel’aviationrwandaise)Ntaryamira,Cyprien7,8Ntaziryayo,Alphonse25Ntezimana,Vincent114,115Ntilikina,Faustin13Ntiwiragabo,Aloys(colonel)118Ntukayajemo,aliasKiyago,Godfrey(lieutenant)235,236Nubaha,Laurent(lieutenant-colonel)156Nyiramasuhuko, Pauline 25 Nzabimana, Déogratias (général) 118Nzamurambaho,Frédéric85,159

Nzirorera, Joseph (secrétaire général du MRND(D)) 40, 123 Nzuwonemeye,François-Xavier(major)20,43

bote,Milton70

éan,Pierre16,109Pelletier,Jacques(ministredelaCoopération)71Perrin,Jean-Pierre165,166Perrine,Jean-Michel(mécaniciendel’avionduprésidentHabyarimana)8,219Philpot,John(avocatdeProtaisZigiranyirazo)42,Philpot,Robin(journalistecanadien)16,108,137Pillay,Navanethem(présidenteduTPIR)59Poncet,Henri(colonelpuisgénéral)11Poux,Nathalie(juge)63,65,234Prungnaud,Thierry(adjudant-chef)167,168

uilès,Paul

app,Stephen(chefdespoursuitesauTPIR)40Renaud,Richard(directeurdesenquêtesauTPIR)40Renzaho,Tharcisse17,19,26,99Reyntjens,Filip13,28,29,33,103,108,124,

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U

S

T

125,152Riza,Iqbal129Robardey,Michel(colonel)14,110,112,113,151,168Rolley,Sonia65,67,68Rucogoza,Faustin85,159Rudasingwa,Théogène66,67RuganzuIerBwimba(premierroiduRwandaXIVe-XVe)255Ruhorahoza,J.-B.(lieutenant-colonel)123Rutaganda,Georges61,62Rutaremara,Tito92Ruyenzi,AloysRuzibiza,AbdulJoshua63,70,136,232-236Rwabalinda(colonel,officierdeliaisonentrelaMINUARetlesFAR)119,123Rwabukumba,Séraphin41Rwamakuba26Rwigema,Fred70

agahutu,Innocent(capitaine)17,19,20,43,57,180,181Sagatwa,Élie8Saint-Exupéry,Patrick(de)163Saitoti,George7Schabas,William108Sebutiyongera,Léonard(adjudant-chef)156Serubuga,Laurent(colonel)53Shimamungu,Eugène108,115Simbizi,Cyriaque8Sindikubwabo,Théodore128,129Smith,Stephen110Streichenberger,Anthonius(capitaine)71Strizek,Helmut109

auzin,Didier(colonelpuisgénéral)76Tremblay,Jean(enquêteurTPIR)40,41Trévidic,Marc(juge)63-68,207,210,212,234,235Turatsinze,Abubacar(dit«Jean-Pierre»)137Twagiramungu,Faustin72,77,81-83,89,92,94-100,127-129,137,145,146,152

wilingiyimana, Agathe (second Premier ministre du gouvernement decoalition)82,83,85,94-99,103,115,117,124,125,127-129,151,152,154,

253Uwilingiyimana,Juvénal39-41

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V

Z

Uytterhoeven(lieutenantgénéral,inspecteurdelaforceterrestrebelge)

erschave,François-Xavier174Vulpian,Laure(de)167

ancle,Ralph129Zigiranyirazo,Protais(dit«MonsieurZ»)17,19,20,39-43

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1. Pour le rôle de l’onu dans la gestion du drame rwandais, on se reporterautilementà l'Enquête indépendantedesNationsunies, décembre1999 (rapportcarlsson).2.Lapartiecontemporainedecelivreàpartirde1973esttotalementobsolète.

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TABLEDESMATIÈRES

PRÉSENTATION

CHAPITREPREMIER–COMMENTL’HISTOIREOFFICIELLEDUGÉNOCIDEFUT-ELLEÉCRITE?

CHAPITREII–LEGÉNOCIDEDURWANDAÉTAIT-ILPROGRAMMÉ?

CHAPITREIII–QUIASSASSINALEPRÉSIDENTHABYARIMANALE6AVRIL1994?

CHAPITREIVLEGÉNOCIDEFUT-ILUNECONSÉQUENCEDELADÉMOCRATISATIONETDESACCORDSD’ARUSHA?

CHAPITREV–QUIÉTAIENTLES«HUTUMODÉRÉS»?

CHAPITREVI–POURQUOILEPRÉSIDENTHABYARIMANAFUT-ILDIABOLISÉ?

CHAPITREVII–LESMILITAIRESHUTUONT-ILSFAITUNCOUPD’ÉTATDANSLANUITDU6AU7AVRIL1994?

CHAPITREVIII–LEGÉNÉRALROMÉODALLAIREFUT-ILDÉPASSÉPARLESÉVÈNEMENTSOUAVAIT-ILDÉCIDÉDEFAIREGAGNERPAULKAGAMÉ?

CHAPITREIX–LAFRANCEA-T-ELLEUNERESPONSABILITÉDANSLEGÉNOCIDE?

CHAPITREX–LETPIRA-T-ILRENDUUNEJUSTICEAUPROFITDESVAINQUEURS?

LISTEDESCARTES

ANNEXES

LISTEDESANNEXES

CHRONOLOGIE

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INDEX

BIBLIOGRAPHIE

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