séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet
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Faculté de Lettres et Civilisations
Département Information et Communication
Master Sciences Humaines et Sociales Mention Information et Communication
Spécialité Scénarisation de Contenus Audiovisuels Multi-support
Année Universitaire 2012-2013
Myriam Louzani
Tuteur universitaire : Catherine Dessinges
SÉRIES AMÉRICAINES : LE NOUVEAU RAPPORT DE FORCE ENTRE TÉLÉVISION
ET INTERNET
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
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Remerciements
Pour écrire ce mémoire, j’ai eu la chance de bénéficier de l’aide de professionnels attentifs
et concernés qui se sont mobilisés pour me fournir les informations dont j’avais besoin.
Tout d’abord, je remercie également les professionnels qui m’ont consacré du temps en
m’accordant des entretiens très constructifs,
Marie-Aurélie, Julie, Alice, Karine, Olivier et Georgetta des services d’acquisitions de TF1
et Canal + pour leur aide concernant la politique d’acquisitions de ces chaînes, d’autant plus vu le
caractère confidentiel et stratégique de leur activité,
Matthieu, responsable du développement de MyTF1VOD et Matthieu, responsable
éditorial de la P-VOD, qui se sont montrés disponibles et m’ont expliqué le fonctionnement de la
plateforme MyTF1VOD et du marché de la VOD.
Je remercie les membres du service de la Direction du Marketing et de la Prospective de
Programmes de TF1 qui ont toujours répondu à mes nombreuses questions et, par leur
contribution, ont grandement participé à ce mémoire,
Thomas, mon binôme estival, qui a suivi l’élaboration de ce mémoire au plus près, et s’est
montré d’une patience infinie. Ses conseils m’ont beaucoup facilité l’exercice,
Alexandre, pour ses informations chiffrées sans lesquelles je n’aurais pas pu travailler. Le
temps qu’il a passé à m’aider pour ce mémoire est à la hauteur de sa gentillesse,
Clément, qui m’a apporté son analyse d’expert et m’a aidée à rendre ce mémoire le plus
précis et le plus juste possible,
Richard, pour sa créativité et son soutien,
Marion, pour ses remarques constructives et pertinentes,
Françoise, Christophe, François et Nicolas, qui ont chacun apporté des informations
ayant permis d’écrire ce mémoire,
Carole et Sophie, pour leur aide logistique.
et enfin, Hugues et Jeremy, mes responsables, qui se sont montrés compréhensifs pour le
temps consacré au mémoire sur mon temps de travail.
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Je remercie mes proches,
Vincent, dont l’aide m’a été indispensable, je lui suis extrêmement reconnaissante du
temps passé sur ce mémoire,
Cindy, pour ses conseils artistiques,
Fatiha et Anaïs, pour leur soutien et leur coaching,
et enfin mes parents, pour leur soutien et leurs souvenirs télévisuels qui m’ont été
précieux.
Je tiens à remercier les enseignants que j’ai eu lors de mes six années d’études supérieures
et de mes 18 années passées dans le système scolaire, une page se tourne et c’est grâce à leurs
enseignements que j’ai pu atteindre cet objectif.
Pour finir, je tiens à remercier ma tutrice universitaire, Catherine Dessinges, dont les
conseils avisés m’ont permis de cadrer mes idées afin d’aboutir à ce mémoire de fin d’études
universitaires.
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Résumé
Le public des séries américaines en France a adopté deux modes de consommation : la
télévision et internet. À la télévision, les séries américaines sont largement programmées aux
heures de grande écoute et attirent un public de masse. Les internautes ont créé de nouvelles
pratiques de consommation se différenciant des pratiques télévisuelles imposées par les
diffuseurs. De plus, la typologie des séries consommées montre une grande variation selon le
mode de diffusion. Sur internet, l’offre légale ne représente pas encore une alternative viable face
à l’offre illicite. Dans quelle mesure est-il possible de ramener ce public consommant des séries
américaines illégalement sur internet vers une offre légale ?
Abstract
American television shows are watched both ways in France: television broadcasting and
the Internet. On television, American television shows are widely broadcast on primetime and
reach a massive audience. Internet users created new consumption habits that differ from
television broadcasting. Furthermore, people don’t watch the same series depending on how they
watch them. Online, the legal market doesn’t offer a service sustainable enough to quit the illegal
market. How the legal market might get back the American television show online audience?
Mots clés
Séries américaines – Programmation – Téléchargement – Streaming – Offre légale
Key Words
US TV Shows – Broadcasting – Downloading – Streaming – On-demand service
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REMERCIEMENTS 2
RÉSUMÉ 4
ABSTRACT 4
MOTS CLÉS 4
KEY WORDS 4
INTRODUCTION 7
1. DES SÉRIES PRODUITES PAR ET POUR LA TÉLÉVISION 9
1.1. LES SÉRIES SUR LA TÉLÉVISION AMÉRICAINE 9 1.2. LES STRATÉGIES DE PROGRAMMATION DES SÉRIES AMÉRICAINES EN FRANCE 14 1.2.1. LE PAYSAGE AUDIOVISUEL FRANÇAIS 14 1.2.2. HISTORIQUE DE LA PROGRAMMATION DES SÉRIES AMÉRICAINES EN FRANCE 15 1.2.3. FOCUS SUR LES SOAPS 16 1.2.4. LA DIFFUSION EN PRIME-TIME : L’AVÈNEMENT D’UN GENRE 17 1.2.5. LES SÉRIES BLOCKBUSTERS DE JERRY BRUCKHEIMER 20 1.2.6. LE TOURNANT DES ANNÉES 2000 20 1.2.7. POLITIQUE D’ACQUISITION DES CHAÎNES 24 1.2.8. DES SÉRIES DE QUALITÉ EN FRANCE 25 1.2.9. FOCUS SITCOMS 27 1.2.10. LES CHAÎNES THÉMATIQUES 28
2. LA CONSOMMATION DÉLINÉARISÉE PAR INTERNET 30
2.1. OFFRE ILLICITE 32 2.1.1. LE FANSUBBING, UNE PRATIQUE DE MÉDIATION CULTURELLE 34 2.1.2. LA PRATIQUE COLLECTIVE PAR INTERNET 37 2.1.3. QUAND LE TÉLÉSPECTATEUR EST SON PROPRE CONSEILLER EN PROGRAMMATION 38 2.2. OFFRE LÉGALE 41 2.2.1. PRÉSENTATION DE L’OFFRE LÉGALE EN FRANCE 41 2.2.2. QUAND LA VOD SE MET À L’HEURE AMÉRICAINE 43 2.2.3. LES OFFRES PAR ABONNEMENT 44 2.2.4. L’OFFRE LÉGALE GRATUITE SUR LA TÉLÉVISION DE RATTRAPAGE 46 2.2.5. L’OFFRE LÉGALE GRATUITE PAR LA MISE EN LIGNE SUR LES UGC 46
3. DES OFFRES COMPLÉMENTAIRES OU CONCURRENTES ? 47
3.1. L’OFFRE LÉGALE EN LIGNE : UNE ALTERNATIVE À LA TÉLÉVISION ? 47 3.1.1. DE NOUVELLES HABITUDES DE CONSOMMATION 49 3.1.2. UNE OFFRE LIMITÉE À UN PRIX PROHIBITIF 51 3.1.3. LA S-VOD AUX ÉTATS-UNIS, UN EXEMPLE À SUIVRE ? 52 3.1.4. ESSAYEZ AVANT D’ACHETER ! 53 3.1.5. FIN DES DRMS, UNE EXPÉRIENCE DANS L’ÉDITION D’E-BOOKS 54 3.1.6. L’EXEMPLE DE L’ANIMATION JAPONAISE (PÉPIN, 2013) 55 3.2. QUAND LES ACTEURS D’INTERNET CONÇOIVENT LEUR PROPRES SÉRIES 56
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CONCLUSION 59
RÉFÉRENCES 60
BIBLIOGRAPHIE 60 PUBLICATIONS 60 WEBOGRAPHIE 61 ÉTUDES 61 TABLEAUX ET FIGURES 63
ANNEXES 65
ANNEXE N°1 : GRILLE DE PRIME-TIME SUR LES NETWORKS AMÉRICAINS À LA RENTRÉE 2013 (EN GRIS LES CASES DE PROGRAMMATION LOCALE) 66 ANNEXE N°2 : EXTRAIT DU RAPPORT DU DÉPARTEMENT RECHERCHE ÉTUDES ET VEILLE DE L’HADOPI SUR L’ACCÈS AUX ŒUVRES SUR INTERNET – CSA – JUILLET 2013 67 ANNEXE N°3 : CLASSEMENT DES TÉLÉCHARGEMENTS ILLÉGAUX – SOURCE : TORRENTFREAK 72 ANNEXE N°4 : OFFRE SÉRIES MYTF1VOD 73 ANNEXE N°5 : OFFRE PASS M6VOD 74 ANNEXE N°6 : OFFRE SÉRIES P-EST ITUNES STORE EN FRANCE 75 ANNEXE N°7 : OFFRE SÉRIES T-EST ITUNES STORE EN FRANCE 75 ANNEXE N°8 : OFFRE SÉRIES US+24 SUR OCS 76 ANNEXE N°9 : CATALOGUE SÉRIES S-VOD SUR OCS 77 ANNEXE N°10 : OFFRE SÉRIES GRATUITES SUR DAILYMOTION 78
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Introduction
Les séries télévisées américaines occupent massivement les grilles de programmes de la
télévision depuis près de 10 ans1. Que ce soit en prime-time ou en journée, la majeure partie des
chaînes généralistes en programment2. En 2012, plus de 3000 épisodes de séries américaines ont
été programmés en prime-time ou en deuxième partie de soirée sur les chaînes gratuites
françaises3. Le public français est un grand consommateur de séries américaines. Parmi les
meilleures audiences de l’année 20124, nous retrouvons en neuvième position Mentalist qui a réuni
10,1 millions de téléspectateurs le 12 décembre 2012. La série réalise également les cinq
meilleures audiences de fiction de l’année. Le classement est composé à 38% de séries
américaines. Cette hégémonie de la fiction télévisée américaine est décrite dans l’étude que mène
chaque année le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), l’office de régulation des médias en
France, sur les audiences de la fiction dans les grands pays européens et aux États-Unis5. Le CSA
constate que la France, contrairement aux États-Unis, à l’Espagne, à l’Italie, au Royaume-Uni et à
l’Allemagne ne montre pas une domination de sa production de fiction nationale parmi les
meilleures audiences de fiction. Au contraire, la majorité des meilleures audiences de fiction sont
à mettre au profit de fictions étrangères et surtout américaines.
Les séries sont un enjeu stratégique pour les chaînes car elles permettent de fidéliser
l’audience au sein de rendez-vous hebdomadaires. Elles « répondent aux désirs des enfants
d’entendre toujours la même histoire, à notre besoin d’être rassuré par le retour de l’identique,
très superficiellement modifié » (Eco, 1987).
Dans un mouvement d’explosion du numérique pour les contenus et une augmentation
du taux d’équipement des ménages à internet, une partie du public est devenue adepte de la
consommation de séries en ligne. L’offre légale pour visionner des séries en ligne est jugée
insuffisante par le rapport Lescure6 qui souligne l’attente « élevée » du public dans ce domaine.
Face à une offre pléthorique gratuite sans restriction de diffusion, le public d’internet s’est créé de
nouvelles « pratiques intermédiatiques » (Gil & Renard, 2008).
Dans quelle mesure est-il possible de ramener ce public consommant des séries
américaines illégalement sur internet vers une offre légale ?
1 Étude du CSA sur la fiction sur les chaînes nationales gratuites - Chiffres-clés 2005-2010 – Juillet 2011 2 Médiamétrie – Médiamat. 3 ibid. 4 Top 100 des meilleures audiences 2012 - Source : Médiamétrie - Mediamat 5 Etude CSA Fiction en Europe pour 2010 – 2011 – 2012. 6 Rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle » menée par Pierre Lescure – Mai 2013, pp. 6 ; 49-50 ; 57-68.
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Dans une première partie, nous étudierons la diffusion télévisée des séries américaines
aux États-Unis et en France. Puis, nous étudierons la consommation des séries américaines en
ligne. Enfin, nous analyserons les liens entre les deux modes de consommation.
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1. Des séries produites par et pour la télévision
1.1. Les séries sur la télévision américaine
Networks
Chaîne publique
Câble Premium
Câble Basic
Chaînes généralistes
Chaînes thématiques
Chaînes ne produisant pas de séries originales
Chaînes produisant des séries originales
Chaînes féminines
ou masculines
Chaînes jeunesse
Chaînes communautaires
Chaînes documentaires
Chaînes divertissement
Chaînes d'information
Chaînes thématiques
Plateformes
de VOD
Organisation des principales chaînes américaines (sans leurs déclinaisons)
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Les networks sont les cinq plus grosses chaînes américaines, leur canal est partagé entre
les antennes nationales et les antennes locales (Annexe n°1). Ce sont des chaînes gratuites,
cependant, pas de comparaison avec la France, 90,4%7 des foyers américains ont un accès à la
télévision payante et donc au Basic Cable et ses nombreuses chaînes (le nombre change
localement).
Les networks et les chaînes du Basic Cable sont des chaînes commerciales financées par la
publicité. Les programmes sont entrecoupés de cinq coupures publicitaires par heure, ce qui a un
impact sur la production de séries originales. En effet, une série qui occupe une case d’une heure
a une durée de 42 minutes et une série qui occupe une case d’une demi-heure a une durée de 20
min. La publicité occupe 30% du temps d’antenne et, comme pour toute chaîne commerciale, les
revenus qu’elle apporte sont primordiaux pour assurer la pérennité de la chaîne.
L’écriture des séries américaines produites pour des chaînes commerciales est liée à ces
coupures publicitaires. Les scènes précédant une coupure publicitaire apportent un suspense
nécessaire pour conserver le téléspectateur devant les publicités car il ne veut pas manquer la
reprise de son programme. L’audience américaine est particulièrement volatile car les
programmes occupent des cases qui commencent à heure fixe sur toutes les chaînes et le
téléspectateur peut facilement passer d’une chaîne à l’autre à tout moment du programme, les
coupures étant également synchrones.
Il existe deux types de séries :
Les séries bouclées : le développement de l’histoire est terminé en un épisode. Ce
type de séries appartient principalement au genre policier. Parfois, un arc narratif
secondaire se déroule sur plusieurs épisodes ou la saison, dans ce cas, la série est
semi-bouclée, un seul arc narratif sera conclu à la fin de l’épisode.
Les séries feuilletonnantes : le développement de l’arc narratif principal dure
plusieurs épisodes ou une saison, nous suivons plutôt des personnages et leur
évolution au fil de l’histoire.
Esquenazi (2010) distingue les séries par l’évolution de leur histoire. Les séries sont
« immobiles » ou « évolutives ». Toutefois, cette classification est trop manichéenne pour les
séries récentes qui ne sont plus comme Columbo, par exemple, où le développement des
personnages secondaires est presque inexistant. La série ne repose que sur son personnage
principal.
7 Cross Platform Report - Nielsen - 3ème trimestre 2011.
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Les séries dites « de qualité » ont connu un développement parallèle aux autres séries
télévisées. Parmi les plus anciennes, nous retrouvons Alfred Hitchcock Presents dont la diffusion a
été partagée entre CBS et NBC entre 1955 et 1965 et The Twilight Zone qui a commencé sa
première diffusion sur CBS en 1959. Ces deux séries sont présentes dans le classement des séries
les mieux écrites pour le syndicat de scénaristes Writers Guild of America8.
Dans les années 90, avec la création de la chaîne premium HBO, les chaînes américaines
produisent de plus en plus de séries dites « d’auteur ». ABC lance Twin Peaks en 1990, écrite par
David Lynch, HBO Dream On écrite par David Crane et Martha Kauffman, auteurs de la série
culte Friends (NBC). Ces séries s’adressent principalement à un public de niche qui doit être fidèle
au rendez-vous de la diffusion.
Face à ces séries d’auteur, les networks principalement, produisent des séries écrites pour
plaire au plus grand nombre, au public de masse comme définit par Bourdieu et Adorno. La
télévision est un reflet de l’industrie culturelle qui doit réunir l’audience la plus large pour vendre
les publicités le plus cher possible aux annonceurs. Depuis la saison 2006/2007, le network CBS a
supprimé sa case cinéma du dimanche soir au profit de séries et programmes de télé-réalité.
Ces séries de networks sont composées d’une vingtaine d’épisodes par saison, alors que sur
le câble, les saisons sont le plus souvent découpées en 10 ou 12 épisodes. Toutefois, certaines
chaînes du câble comme ABC Family offrent des saisons de 24 épisodes découpées en deux
parties de 12 épisodes diffusées séparément. FX quant à elle, produit actuellement une série,
Anger Management qui après le succès des premiers épisodes, a été renouvelée directement pour la
syndication. La broadcast syndication permet à une série d’être rediffusée sur une autre chaîne, le plus
souvent sur le câble ou les antennes locales pour des séries de networks, après avoir atteint un
certain nombre d’épisodes. Cette possibilité de vendre les droits de diffusion à une autre chaîne
assure des revenus au producteur et au studio distribuant la série. Dans le cas d’Anger Management,
après une première saison de dix épisodes diffusée à l’été 2012 avec succès réunissant en
moyenne 3 millions de téléspectateurs dont 4% de PDA sur la cible commerciale des 18-49 (PDA
Moyenne 2012 sur les 2+ : 1,2%)9, FX commande une seconde saison 90 épisodes
supplémentaires diffusés à partir de janvier 2013 de manière hebdomadaire. Cette sitcom, qui est
composée d’épisodes bouclés, est diffusée sans respecter l’ordre de production par FX car
l’histoire ne le nécessite pas. Ainsi, le network FOX a diffusé quatre épisodes (deux inédits et deux
rediffusions) de cette série du câble en juin 2013, FX faisant partie du même groupe.
8 http://wga.org/content/default.aspx?id=4925 9 Nielsen.
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Aux États-Unis, l’importance des revenus publicitaires est telle que les performances qui
sont prises en compte pour le renouvellement d’une série sont celles de la cible commerciale.
Cette cible commerciale est composée des individus sans distinction de sexe de 18 à 49 ans.
Pour la saison écoulée 2012/2013, la série la plus regardée par cette cible est pour la
première fois une série du câble, The Walking Dead, dont la saison 3 a été diffusée sur AMC en
octobre et novembre 2012 pour la première partie et février et mars 2013 pour la seconde. Ce
classement des séries les plus regardées par la cible publicitaire est complété par deux sitcoms The
Big Bang Theory et Modern Family.
Séries les plus regardées Live par les 18-49 pour la saison 2012/2013 – Source : Nielsen
Titre Chaîne Nb tlsp. 2+ PdA 2 ans + Nb tlsp. 18-49 PdA 18-49
THE WALKING DEAD - Saison 3 AMC 10,8 8% 7,0m 13%
THE BIG BANG THEORY - Saison 6 CBS 16,8 15% 6,7m 16%
MODERN FAMILY - Saison 4 ABC 11,1 9% 5,3m 11%
Séries les plus regardées Live par les 2 ans et + pour la saison 2012/2013 – Source : Nielsen
Titre Chaîne Nb tlsp. 2+ PdA 2 ans + Nb tlsp. 18-49 PdA 18-49
NCIS - Saison 10 CBS 19,3m 17% 4,2m 10%
THE BIG BANG THEORY - Saison 6 CBS 16,8m 15% 6,7m 16%
NCIS : LOS ANGELES - Saison 4 CBS 15,9m 13% 3,6m 7%
PERSON OF INTEREST - Saison 2 CBS 14,4m 12% 3,7m 8%
TWO AND A HALF MEN - Saison 10 CBS 13,2m 11% 4,8m 11%
En revanche, le classement des séries les plus regardées par la totalité du public américain
diffère et nous remarquons une domination du network CBS qui, avec ses soirées du mardi (NCIS
et son spin-off NCIS : Los Angeles) et du jeudi pour le reste du classement, montre la puissance de
sa programmation ; ces séries hors Person of Interest, ayant un public fidèle depuis plusieurs années.
Le public américain, excepté pour The Walking Dead, montre une préférence pour les
séries bouclées où il n’est pas obligé d’être présent à chaque instant sous peine de ne plus suivre
la narration. Au cours de la saison 2012/2013, une autre série du câble a réuni un large public :
The Bible sur History Channel (PDA Moyenne 2012 : 1,6%)10 dont les droits ont été rachetés par
le network NBC pour une suite. Cette série est sous la forme d’un docu-fiction pour illustrer la
Bible. Certaines séries à succès du câble peuvent donc poursuivre leur vie sur les networks.
Audience saison 1 The Bible (History) – Source : Nielsen
Titre Nb tlsp. 2+ PdA 2 ans + Nb tlsp. 18-49 PdA 18-49
THE BIBLE 11,4m 9% 3,6m 7%
Les chaînes américaines ne sont pas soumises à la même réglementation audiovisuelle, la
Federal Communications Commission (FCC) contrôle plus strictement les networks et le basic cable où les 10 Nielsen.
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injures sont systématiquement bipées et la nudité ou les gestes obscènes floutés. Sur les chaînes
premium en revanche, la réglementation ne s’applique pas et la nudité et la violence sont plus
explicites.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
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1.2. Les stratégies de programmation des séries américaines en France
1.2.1. Le paysage audiovisuel Français
Le paysage audiovisuel français est composé depuis décembre 2012 de 25 chaînes de
TNT gratuites. La réception des chaînes payantes ne concerne que 33,1%11 des foyers, ce qui est
très faible par rapport aux 90,4%12 de foyers équipés de la télévision payante aux États-Unis.
Ainsi, les chaînes spécialisées séries que sont SerieClub et Jimmy réunissent respectivement
16 000 et 9 500 téléspectateurs en audience moyenne au premier semestre 201313 ce qui
représente à peine 0,3% des téléspectateurs de la concurrence étendue, c’est-à-dire les personnes
ayant accès aux offres payantes et la télévision par ADSL soit 70% des téléspectateurs.
11 Médiamétrie / Gfk.- référence des équipements multimédias - T2 2013 12 Nielsen. 13 Médiamétrie – Mediamat Thematik.
Organisation des principales chaînes françaises
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
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1.2.2. Historique de la programmation des séries américaines en France
La première série américaine programmée en France est Rintintin (The Adventures of Rin Tin
Tin, ABC) diffusée à partir de 1958 sur la RTF Télévision, chaîne unique de l’époque. La même
chaîne diffusera pour la première fois une série américaine en prime-time14 avec la série Au Nom
de la Loi (Wanted: Dead or Alive, CBS) avec Steve McQueen. Par la suite, Zorro (ABC), série créée
en 1957 par Disney, est diffusée en France dès 1965 sur l’ORTF et l’est encore à ce jour sur
France 3. C’est seulement à partir des années 60 que les séries vont occuper des cases de
programmation régulières qui leurs sont dédiées (Chaniac, 1989).
Suite au démantèlement de l’ORTF avec la création de TF1, Antenne 2 et FR3 ; les
chaînes de télévision françaises, alors publiques, offrent de plus en plus de séries étrangères,
surtout américaines pour combler le manque de productions nationales. Des séries marquantes
occuperont les grilles en journée telles que La Petite Maison dans la Prairie (Little House on the Prairie,
NBC) programmée dès 1976 par TF1 puis par M6 et lancée à l’été 2013 sur 6ter ou encore des
séries cultes telles que Starsky et Hutch (ABC), Drôles de Dames (Charlie's Angels, ABC), Wonder
Woman (ABC / CBS) ou Les Jours Heureux (Happy Days, ABC).
Cette progression de la fiction audiovisuelle étrangère sur les antennes a conduit les
autorités de régulation de l’époque à instaurer un quota de programmation de 60 % d’œuvres de
fiction d’origine française (ou à participation française majoritaire) par an. Ce principe sera inscrit
dans la loi de régulation de l’audiovisuel du 30 septembre 1986. L’article 13 du décret n° 90-66
fixe ainsi l’obligation de diffusion de 60% d’œuvres européennes dont au moins 40% d’œuvres
d’expression originale française. Par ailleurs, la loi du 30 septembre 1986 interdit aux chaînes
généralistes de programmer du cinéma les mercredis et vendredis soir, les samedis et les
dimanches avant 20h30, ce qui ouvre une fenêtre de programmation à la fiction télévisuelle et
donc aux séries américaines.
En 1987, avec la privatisation de TF1 et la création de M6, l’offre du paysage audiovisuel
français prend la forme qu’il conservera jusqu'à l’avènement de la TNT avec ce que nous
appelons communément les « chaînes historiques ». Seule, La Cinq, du groupe Mediaset, qui
disparaîtra en 1992, sera remplacée par France 5 et Arte qui partageront le même canal jusqu’en
2005 avant d’avoir leurs propres canaux.
De 1987 à 1992, TF1, Antenne 2, FR3, Canal +, La Cinq et M6 constituent donc l’offre
de chaînes en France, avec une concurrence accrue entre les chaînes privées à la recherche
d’annonceurs publicitaires.
14 http://www.toutelatele.com/au-nom-de-la-loi-30267
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
16
La Cinq, par le catalogue de droits du groupe Mediaset, offre durant cette période un
large choix de fictions étrangères. C’est sur La Cinq que le public a pu, entre autres, découvrir la
série allemande de la ZDF Inspecteur Derrick. L’offre de fictions étrangères sur La Cinq est en
majeure partie constituée de fictions américaines inédites ou en rediffusion, la plupart cultes
aujourd’hui. Ces séries constituent déjà une grande partie de la grille de la chaîne qui les diffuse à
toute heure, même en prime-time. La chaîne diffuse également des séries d’auteur comme Twin
Peaks (ABC) en prime-time en 1991 qui ne réunit que 8% du public en moyenne avec 1,3 million
de téléspectateurs15 (PDA moyenne La Cinq en 1990 : 11,7%)16.
1.2.3. Focus sur les Soaps
Un genre de séries américaines marque un tournant dans la programmation de celles-ci en
France dans les années 80, le soap opera, fictions quotidiennes initialement financées par les
marques de lessive à destination du public féminin. Ce genre de séries représente à présent une
forme de narration dramatique pour des fictions quotidiennes ou hebdomadaires.
Le 24 janvier 1981, TF1 lance Dallas (CBS) sur sa case du samedi soir consacrée aux séries
américaines. Cette série va être emblématique de la case durant cette décennie, programmée dans
un premier temps à 21h30 puis à 20h30 dès 1983. « Dallas transporte au prime-time le pouvoir
fidélisant du feuilleton quotidien de type chronique familiale en lui donnant une portée
mythologique » (Chaniac, 1989). La série est diffusée jusqu’en 1988 après plusieurs changements
de case, en finissant par une diffusion quotidienne. TF1 diffuse la suite de la série à un rythme
quotidien dès 1995 et la série est rediffusée sur France 3 dans les années 2000.
La série est un véritable rendez-vous de la décennie des années 80 et quand la chaîne du
câble américain TNT relance la série avec un spin-off à l’été 2011, TF1 acquiert les droits de
diffusion. La programmation de la première saison de Dallas, le samedi soir en prime-time, dès le
22 juin 2013, pour reprendre la case historique, a été un échec pour la chaîne. Déprogrammée
après deux soirées de trois épisodes durant lesquelles la série a réuni une audience moyenne de
3,3 millions de téléspectateurs avec une PDA de 17% sur les 4+17, ce qui est 5 points en dessous
de la moyenne de la chaîne en 2012 et 26% de femmes de moins de 50 ans, ce qui est égal à la
moyenne. La fin de la saison a ensuite été programmée de 23h30 à 02h le 6 juillet 2013 où elle a
réuni une audience moyenne de 1,1 million de téléspectateurs. Dallas reste un soap et le genre est
programmé en journée, sur une base quotidienne, il attire un public féminin, ce qui se vérifie par
les audiences qui ne sont pas mauvaises sur la cible commerciale mais insuffisantes pour la chaîne
sur les individus.
15 Médiamétrie – Mediamat. 16 Ibid. 17 Ibid.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
17
En 1989, TF1 et Antenne 2 commencent la diffusion de soap en journée, Les Feux de
l’Amour (The Young and The Restless, CBS) pour TF1 après le journal télévisé de 13h et son spin-off
Amour, Gloire et Beauté (The Bold and The Beautiful, CBS) pour Antenne 2 diffusé après Télématin. Ces
soaps sont toujours diffusés à ce jour et rassemblent un public fidèle de 2 millions de
téléspectateurs pour Les Feux de l’Amour et 600 000 téléspectateurs pour Amour, Gloire et Beauté
pour la saison 2012/201318. TF1 a commencé la diffusion en ne diffusant pas les 13 premières
saisons de la série qui avait commencé 15 ans auparavant sur CBS. Antenne 2 ne diffuse qu’un
demi-épisode chaque jour, couplé avec un autre soap. Ces séries sont programmées
horizontalement, chaque jour à la même heure, après des rendez-vous identifiés d’information.
Cette programmation est réellement spécifique au genre, calquée sur la diffusion américaine
également quotidienne en journée, avec un nombre impressionnant d’épisodes, une série comme
Les Feux de l’Amour existe depuis 40 ans aux États-Unis.
1.2.4. La diffusion en prime-time : l’avènement d’un genre
Dès 1992, TF1 programme la série de téléfilms policiers Columbo (NBC / ABC) en prime-
time. La diffusion rencontre un grand succès avec 8,5 millions de téléspectateurs en moyenne soit
41% du public pendant les diffusions irrégulières de la fiction jusqu’en 2001. La série a réuni
jusqu’à 11,3 millions de téléspectateurs soit plus d’un téléspectateur pour deux sur certaines
diffusions19. Elle est toujours diffusée en prime-time sur TV Breizh, chaîne payante du groupe
TF1.
La diffusion régulière en prime-time permet aux chaînes d’engranger la majeure partie de
leurs revenus publicitaires. Cette case est stratégique pour les chaînes.
À partir de la rentrée 1992, M6 propose en prime, Le mardi c’est permis, au cours de laquelle
la chaîne programme des séries jeunesse ou soap pour rassembler la famille devant le petit écran à
la veille du « jour des enfants », le mercredi, chômé à cette période. La première année, les fictions
programmées sont des téléfilms jeunesse.
Cette case est inspirée de la case TGIF – Thank god It’s Friday lancée aux États-Unis par
ABC en 1989 où ont été programmées des sitcoms familiales qui ont contribué à l’image de
marque de M6 comme Notre Belle Famille (Step by Step) ou La vie de Famille (Family Matters).
À la rentrée 1993, au sein de la case Le mardi c’est permis, M6 programme Docteur Quinn,
femme médecin (Dr. Quinn, Medicine Woman) série lancée sur CBS en janvier de la même année. Cette
série dramatique sera emblématique de la chaîne et multidiffusée par la suite. Sur la même case,
M6 programme les séries américaines Lois et Clark (Lois & Clark: The New Adventures of Superman,
18 Médiamétrie – Mediamat. 19 Ibid.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
18
ABC) et Sliders : Les Mondes Parallèles (Sliders, FOX / Sci Fi Channel). Cette case s’adresse à une
cible féminine, la cible commerciale de la ménagère de moins de 50 ans, et a pour objectif de
réunir toute la famille devant l’écran.
Par cette stratégie de programmation, M6 qui n’est encore que « la petite chaîne qui
monte » participe à se créer une image innovante et jeune. La chaîne poursuit sa stratégie avec la
création de deux autres cases de fiction, Les jeudis de l’angoisse, lancée début 1993 le jeudi en 2ème
partie de soirée, avec une programmation de films, téléfilms et séries d’horreur dont Les Contes de
la crypte (Tales from the Crypt, HBO), la première série originale de HBO. M6 lance aussi une case
qui va devenir emblématique de la chaîne, une case où elle programme encore aujourd’hui des
séries, la case du samedi en prime-time. Lancée à la rentrée 1996, la case Les Samedis Fantastiques
qui s’appellera dès l’année suivante La Trilogie du Samedi va continuer jusqu’en 2008. Sur cette
case, M6 programme la série culte fantastique, X-Files : Aux frontières du réel (FOX) avec plusieurs
épisodes chaque soir. C’est un grand succès pour la chaîne qui double ses performances
habituelles.
Audience Les Samedis Fantastiques 1996/1997 – Source : Médiamétrie – PDA M6 1996 : 11.9%
Titre Nb tlsp. PdA 4 ans+ PdA Fem<50
X-FILES : AUX FRONTIERES DU REEL 3,6m 22% 30%
Le 6 décembre 1997, au lancement de La Trilogie du Samedi, M6 parie sur une stratégie de
programmation qui a été testée par TF1 durant l’été précédent, en programmant trois séries
différentes pendant la même soirée. En effet, pendant l’été 1997, TF1 lance 1,2,3 Séries le
vendredi en prime-time, où sont diffusés Walker Texas Ranger (CBS), Les dessous de Palm Beach (Silk
Stalkings, CBS / USA Network) et High Secret City, la ville du grand secret (Picket Fences, CBS).
Audiences 1, 2, 3 Séries été 1997 – Source : Médiamétrie – PDA TF1 1997 : 35%
Titre Horaire Nb tlsp. PdA 4 ans+ PdA Fem<50
WALKER TEXAS RANGER 20:55 6,2m 37% 39%
-12%
LES DESSOUS DE PALM BEACH 21:40 5,4m 35% 39%
-31%
HIGH SECRET CITY 22:30 3,8m 37% 43%
Par les audiences de cette première salve estivale, nous observons une décote de 12%
entre Walker Texas Ranger et Les dessous de Palm Beach et de 31% entre Les dessous de Palm Beach et
High Secret City, la ville du grand secret (Picket Fences, CBS).et 31% entre les différentes séries,
cependant, les résultats restent satisfaisant pour la chaîne.
TF1 conserve cette case, uniquement pour la saison estivale, jusqu’en 1999 et inspire M6
qui, pour La Trilogie du Samedi, va programmer trois séries différentes : Le Caméléon (The Pretender,
NBC), Dark Skies : L'Impossible Vérité (NBC) et Profiler (NBC). Les séries Le Caméléon et Profiler,
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
19
lancées la même année par NBC, connaissent plusieurs crossovers dans les saisons 3 et 4, dans
lesquels les personnages des deux séries se rencontrent et partagent une intrigue commune. Les
audiences sont moins élevées que pour X-Files : Aux frontières du réel mais M6 souhaite installer un
rendez-vous emblématique pour son image de marque.
Audiences La Trilogie du Samedi 1997/1998 (18 premières semaines) – Source : Médiamétrie
Titre Horaire Nb tlsp. PdA 4 ans+ PdA Fem<50
LE CAMELEON 20:55 3,3m 15% 21%
- 26%
DARK SKIES L’IMPOSSIBLE VERITE 21:45 2,4m 12% 16%
- 15%
PROFILER 22:40 2,0m 15% 21%
Au sein de cette case, M6 programme des séries cultes comme Buffy contre les vampires (Buffy
the Vampire Slayer, The WB / UPN) ou Alias (ABC), une des premières séries créées par J.J.
Abrams, qui depuis Lost en 2004, parvient à lancer au moins une nouvelle série par an sur les
networks américains. M6 conserve la programmation de trois séries différentes à chaque soirée
jusqu’en 2002 où la chaîne commence la diffusion de plusieurs épisodes de la même série (avec
des rediffusions en fin de soirée) et finit par ne plus appeler la case La Trilogie du Samedi en 2008.
En 1996, France 2 lance la série Urgences (ER, NBC) en prime-time à raison de deux
épisodes par soirée puis trois en 1999. La programmation de séries d’un format de 42 minutes
permet à la chaîne publique d’avoir des coupures publicitaires entre les épisodes comme elle n’est
pas autorisée à couper ses programmes pour de la publicité. Lancée un jeudi soir durant l’été,
Urgences change de jour de diffusion plusieurs fois, elle n’obtient pas une case fixe dans la grille de
programmation, elle sera même diffusée quotidiennement sur France 2 et France 4.
Ce manque d’identification pour une case de fiction américaine en prime-time est
symptomatique de France Télévision qui en diffuse peu par rapport aux chaînes commerciales
comme TF1 et M6. Ces dernières années ses acquisitions sont principalement des rachats de
droits aux autres chaînes : Castle (ABC), Heroes (NBC) et Private Practice (ABC) ont toutes trois été
rachetées à TF1.
En prime-time, France 3 ne diffuse que des mini-séries américaines événement, France 4
diffuse majoritairement des séries britanniques ou rediffuse des séries américaines, France 5 n’en
diffuse pas. France Ô diffuse quant à elle des séries exigeantes comme celle de David Simon The
Wire (HBO) et Treme (HBO) et des telenovelas, la ligne éditoriale n’est pas clairement indentifiée.
Les plus gros succès de France 2 pour des séries américaines en prime-time sont FBI : Portés
Disparus (Without a Trace, CBS) et Cold Case : Affaires classées (CBS) toutes deux produites par Jerry
Bruckheimer.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
20
Audiences FBI : Portés Disparus et Cold Case : Affaires Classées – Source : Médiamétrie
Titre Année Config.soirée Jour diff. Nb tlsp. PdA 4 ans+ PdA Fem<50
FBI : Portés Disparus
Saison 1 2004 2 inédits/soirée Mercredi 6,0m 31% 38%
Saison 2 2005 2 inédits/soirée Mercredi 6,5m 30% 38%
Saison 3 2006 2 inédits + 1 rediff. Dimanche 6,7m 29% 37%
Cold Case : Affaires classées
Saison 2 2006 1 inédit + 2 rediff. Dimanche 4,5m 23% 34%
Saison 3 P.1 2007
1 inédit + 2 rediff. Mercredi 5,4m 25% 32%
Saison 3 P.2 1 inédit + 2 rediff. Lundi 6,9m 26% 33%
1.2.5. Les séries blockbusters de Jerry Bruckheimer
Jerry Bruckheimer est un producteur américain de films à gros budget communément
appelés blockbusters et qui se lance, dès 2000, dans la production de séries télévisées. Sa première
production est une série toujours en cours de diffusion Les Experts : Las Vegas (CSI : Crime Scene
Investigation, CBS). Cette série policière ultra-réaliste connaît deux spin-offs Les Experts : Miami
(CSI : Miami, CBS) en 2002 et Les Experts : Manhattan (CSI : Manhattan, CBS) en 2004. Ces trois
séries appartiennent au catalogue de TF1 qui les diffuse jusqu’à cinq soirées (prime-time ou
deuxième partie de soirée) par semaine, la franchise étant également diffusée en journée le week-
end. Certains épisodes ont été diffusés jusqu’à huit fois et l’audience reste satisfaisante pour la
chaîne leader car le public est toujours au rendez-vous.
Jerry Bruckheimer, en apportant son expérience du cinéma à gros budget, transpose cette
économie aux séries. Les séries qu’il produit bénéficient de budgets importants qui les
rapprochent de certains films à gros budget au niveau de la production, ce qui attire, de fait, un
public plus large.
Ces séries policières d’un nouveau genre marquent la décennie des années 2000. Aux
États-Unis, les networks proposent de plus en plus de fictions policières de ce type et
principalement CBS. En France, les chaînes françaises sont friandes de ces formats, le public
français étant particulièrement fidèle aux fictions policières françaises ou étrangères.
1.2.6. Le tournant des années 2000
La franchise des Experts ou NCIS marque un tournant pour les séries policières
américaines qui renouent avec le succès d’audience d’un Columbo. Ces nouvelles séries policières
se montrent plus modernes qu’une autre franchise, plus classique, en matière de séries policières,
New York, police judiciaire (Law & Order) dont la série originale a été diffusée de 1990 à 2010 sur
NBC. Dick Wolf, le créateur, a développé plusieurs spin-offs de la franchise : New York, unité spéciale
(Law and Order: Special Victims Unit), New York, section criminelle (Law & Order: Criminal Intent), New
York, cour de justice (Law and Order: Trial by Jury) et Los Angeles, police judiciaire (Law and Order: Los
Angeles) toutes diffusées en France par TF1 mais avec l’exposition moindre de la deuxième ou
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
21
troisième partie de soirée, la narration de ces séries étant moins grand public. Dick Wolk a
également exporté la franchise à Londres avec Londres, police judiciaire (Law and Order: UK) et à
Paris, toujours pour TF1, avec Paris, enquêtes criminelles. Avec la programmation des déclinaisons
d’une même franchise, les téléspectateurs savent qu’ils vont retrouver des séries très proches et
cela réduit le risque d’échec d’audience (Petitjean, 2008). Par cette logique de marque, la chaîne
s’assure la fidélité de l’audience.
TF1 veut attirer le public le plus large, et le genre policier est particulièrement propice aux
succès d’audiences. En effet, ces séries permettent « la déclinaison (quasi infinie) d’un prototype
de départ qui donne pour fixes (invariables) un (des) schéma(s) narratif(s), ainsi qu’un certain
nombre de paramètres sémantiques (axiologiques et idéologiques) et temporels (trames, temps
diégétiques et rythmes narratifs semblables d’une occurrence à l’autre) » (Bénassi, 2004). Les
téléspectateurs sont « rassurés sur la qualité du programme qu’ils s’apprêtent à regarder »
(Petitjean, 2008). Par la programmation d’une série qui a conquis une partie du public, la chaîne
assure une promesse, elle crée des habitudes ce qui contribue à fidéliser le public (Chaniac, 2001).
Ainsi, avec un public fidèle, la chaîne s’assure des audiences stables ce qui permet de
rassurer les annonceurs et les revenus qu’ils apportent. De plus, la durée d’une série permet un
nombre de coupures publicitaires plus important que pour n’importe quel autre type de
programme, en gardant le public plus longtemps avec des soirées où la chaîne programme deux
ou trois épisodes en prime-time et au moins deux en seconde partie de soirée. Cette configuration
se reproduit sur plusieurs semaines et donc permet de stabiliser l’audience sur une longue
période. Avec une programmation de plusieurs épisodes de la même série, la chaîne ne prend pas
le risque de la décote entre plusieurs séries comme c’était le cas au sein de la Trilogie du Samedi ou
de 1,2,3 Séries. Cependant, cela limite le nombre de séries différentes programmées sur la même
période.
Toutefois, les chaînes lancent toujours des nouveautés, lors de la saison 2012/2013, TF1 a
proposé Unforgettable et Person of Interest toutes deux diffusées sur CBS. France 2 a lancé Rizzoli &
Isles (TNT). M6 lance également très régulièrement de nouvelles séries.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
22
Audiences séries prime-time TF1 (hors Les Experts) – Saison 2012/2013 – Source : Médiamétrie
Titre
Jour diff. Nb tlsp. PdA 4 ans+ PdA Fem<50 Âge moyen
MENTALIST CBS Saison 4 Mardi 8,8m 32% 40% 51 ans
ESPRITS CRIMINELS CBS Saison 7 Mercredi 7,4m 30% 39% 49 ans
UNFORGETTABLE CBS Saison 1 Mercredi 7,3m 30% 36% 51 ans
DR. HOUSE FOX Saison 8 Mardi 7,2m 26% 39% 46 ans
PERSON OF INTEREST CBS Saison 1 Mercredi 6,5m 29% 34% 50 ans
GREY'S ANATOMY ABC Saison 8 Mercredi 5,6m 23% 42% 43 ans
Les meilleurs résultats d’audience de la saison en séries sont tous sur TF1 et montrent le
succès sur les individus des séries bouclées policières comme Mentalist. Cependant, en France, le
succès d’un programme sur une chaîne commerciale se mesure avec la part d’audience sur la cible
commerciale des femmes responsables des achats de moins de 50 ans, la fameuse « ménagère ».
Cette cible a privilégié Grey’s Anatomy cette saison, qui malgré une audience individus plus faible,
reste un succès pour la chaîne. Les téléspectateurs de ces séries sont âgés en moyenne de 48 ans
et le public est en majorité féminin pour toutes ces séries.
Mapping Séries TF1 - Source : Médiamétrie
TF1 arrive à réunir son public massivement sur les séries américaines dépassant largement
la moyenne de la chaîne qui est de 24,6% de PdA 4+ en prime-time et 25,5% de PdA sur les
femmes de moins 50 ans. TF1 propose donc plusieurs soirées de séries américaines par semaine,
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
23
avec 111 soirées de prime-time et 235 secondes parties de soirée en 2012, c’est la deuxième
chaîne du PAF après M6 et ses 141 prime-time de séries américaines en 201220.
Offre de séries américaines par chaîne en nombre de soirées en 2010 et 2011 – Source : CSA
Les nouveautés lancées cette saison sont, par leur contenu, peu différentes des séries déjà
proposées par la chaîne. Comme l’explique Edgar Morin (1961), dans les industries culturelles
comme la télévision, le public veut des œuvres nouvelles pour ne pas se lasser mais il ne faut pas
que la chaîne cherche trop à innover pour ne pas effrayer le public. En témoigne la baisse
significative des audiences de la série Les Experts : Las Vegas suite à l’arrivée d’un nouveau chef,
D.B. Russell, incarné par Ted Danson qui amène un changement de ton de la série durant la 12ème
saison.
Audiences Les Experts : Las Vegas (CBS) en inédit sur TF1 entre 2010 et 2013 – Source : Médiamétrie
Titre
Année Jour diff. Nb tlsp. PdA 4 ans+ PdA Fem<50
Les Experts : Las Vegas Saison 9 2010 Dimanche 7,1m 29% 43%
Les Experts : Las Vegas Saison 10 2011 Dimanche 6,7m 28% 41%
Les Experts : Las Vegas Saison 11 2012 Mercredi 6,9m 27% 32%
Les Experts : Las Vegas Saison 12 P.1 2013 Mardi 5,5m 22% 27%
Parmi les chaînes gratuites, NT1 a un positionnement de cible plutôt jeune et programme
des séries, souvent inédites, en prime-time et en VM. Les séries programmées comme Falling
Skies (TNT) ou Grimm (NBC) sont moins grand public que sur les grandes chaînes, offrant une
alternative aux séries policières. D8, depuis le rachat par Canal + fin 2012, développe également
une politique de programmation ambitieuse en prime-time en bénéficiant du catalogue de
Canal +.
20 Médiamétrie – Mediamat.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
24
1.2.7. Politique d’acquisition des chaînes
Suite à un entretien avec le service des acquisitions artistiques de fictions étrangères de
TF1, les conseillers artistiques m’ont indiqué qu’ils cherchaient les fictions qui segmentent le
moins possible afin d’attirer le public le plus large. Ils privilégient les formats bouclés pour
faciliter les rediffusions. En cela, séries de networks sont privilégiées face aux séries du câble à
cause des moyens plus importants dont bénéficient les productions (les séries blockbusters), et
pour la durée des saisons qui permettent de construire des salves plus longues, surtout en cas de
diffusion de plusieurs inédits au sein d’une même soirée. Avec ces salves, la notion de nouvelle
saison est mise en avant pour renforcer l’évènement autour de la série. Parfois, seul un épisode
sur trois est inédit mais cela permet d’installer un rendez-vous pour les téléspectateurs et de
prolonger la diffusion sur plusieurs semaines.
Les acquisitions de fictions étrangères fonctionnent avec des deals conclus entre les
chaînes et les studios américains distribuant les séries. La distribution n’est pas liée à la chaîne de
diffusion originale. Le choix des séries programmées n’est pas seulement artistique mais répond
aussi à des contraintes économiques et contractuelles, les chaînes n’ont pas accès à toutes les
séries de la même manière. Elles paient en effet des droits de diffusion selon leur audience
potentielle, les coûts d’acquisitions par une chaîne payante ne sont pas les mêmes que ceux d’une
chaîne gratuite, il y a des droits spécifiques à chaque type de diffusion. TF1 a signé un deal avec
Warner, Sony et Universal et M6 a actuellement un deal avec Disney, CBS et FOX. Ces majors
représentent 90% du marché21. Les détails de ces deals sont confidentiels car il y a plusieurs sortes
de deals : l’output deal et le volume deal.
Dans le cadre d’un volume deal, la chaîne doit prendre un minimum de séries chaque année
au studio et le prix de l’acquisition est variable selon la série et sa durée de production. Si une
chaîne se positionne sur une série qui est renouvelée pendant plusieurs années, l’acquisition lui
coûtera une grosse somme d’argent qui peut ne pas être rentabilisée si le public n’est pas au
rendez-vous lors de la diffusion sur son antenne. Dans le cadre d’un output deal, la chaîne achète
tout ce que distribue le studio.
Certaines séries appartiennent à des studios indépendants et ne font pas partie de deals,
cela concerne majoritairement des séries du câble distribuées par des studios indépendants
comme Shine (The Bridge US, FX), Lionsgate (Mad Men, AMC), Sierra (Siberia, NBC). HBO
distribue elle-même ses propres séries, en France, OCS a signé un deal pour l’exclusivité des séries
HBO en diffusion payante et VOD, cependant, les droits sont rarement achetés par les chaînes
21
Étude du CSA sur la Production de Fiction aux États-Unis – Commission de réflexion sur l’évolution des programmes – Juillet 2012.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
25
gratuites. Pour ces séries distribuées hors des majors de la distribution, les chaînes peuvent faire un
choix plus artistique et acheter hors deal.
J’ai également pu m’entretenir avec une conseillère artistique de Canal + qui cherche,
quant à elle, des séries innovantes qui justifient une première fenêtre de diffusion payante. En
tant que chaîne premium, Canal + souhaite, par sa programmation, attirer de nouveaux abonnés
qui trouveront des contenus exclusifs sur les différentes chaînes du bouquet. À la rentrée 2013, le
groupe Canal + ajoute une nouvelle chaîne à son bouquet, Canal + Séries. Cette nouvelle chaîne
proposera Scandal (ABC) et Revenge (ABC) en parallèle de la diffusion américaine et des séries
inédites en France comme Hannibal (NBC). Le slogan de cette chaîne est de diffuser « les séries
dont on parle ». Peu de détails ont été communiqués hormis la mise en ligne d’un site internet
présentant la chaîne22.
Les chaînes qui n’ont pas de deal achètent hors deal les séries qui restent disponibles ou
rachètent aux autres chaînes des séries qu’elles ne souhaitent pas diffuser. De cette manière,
France 2 a racheté Castle (ABC) à TF1 qui lui assure de bonnes audiences le lundi en prime-time.
1.2.8. Des séries de qualité en France
Quelques séries du câble sont programmées en prime-time mais ce sont des séries
policières comme The Closer (TNT) ou les séries d’USA Network programmées sur M6 dont la
structure narrative est similaire à des séries policières de networks, les différences se situent au
niveau des budgets de production et de la durée des saisons. Le ton différencie également USA
Network qui produit plutôt des comédies policières, genre qui sied à l’image de marque de M6.
La programmation de séries du câble américain en France est le plus souvent en seconde
partie de soirée pour cause de réglementation du CSA inscrite dans les conventions des chaînes.
Canal +, avec son statut de chaîne premium, peut diffuser ces fictions en prime-time.
Pour prendre l’exemple des séries HBO, les chaînes gratuites n’ayant pas de deal avec la
chaîne qui distribue ses propres séries, elles sont rarement achetées hors deal car chères (à cause
des importants coûts de production pour certaines comme pour Game of Thrones) et difficile à
rentabiliser avec une diffusion quasi systématique en seconde partie de soirée. Ce fut le cas pour
Rome ou Sex and The City qui ont eu leurs premières diffusions gratuites en seconde partie soirée
sur M6. D8 a programmé Rome en prime-time à l’été 2013 et l’a déprogrammé faute d’audiences
satisfaisantes après deux semaines de diffusion23. D8 étant la troisième chaîne gratuite à
programmer la série après M6 et Arte, les droits n’étaient pas un frein. Toutefois le public n’a pas
répondu présent, ce qui fut le également le cas pour The Borgias (Showtime) et Hells on Wheels
22 http://www.canalplus.fr/pid6149-c-canal-series.html 23 http://www.toutelatele.com/la-serie-rome-deprogrammee-par-d8-51443
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
26
(AMC). Il faut également noter que la typologie de la série Rome n’est pas adaptée à du prime-time
en période de congés scolaires. D8 pourrait recevoir une mise en garde du CSA, s’il est saisi,
comme ce fut le cas pour Braquo (Canal +) en fin d’année 201224.
De par leur faible exposition, les audiences des séries du câble sont plus modestes que les
séries de prime-time. La série de câble la mieux exposée actuellement est Dexter (Showtime) en
seconde diffusion sur TF1 après une diffusion payante sur Canal +. Un délai contractuel est
imposé entre la diffusion payante et la diffusion gratuite, ce qui explique en partie l’écart entre la
diffusion Canal + et la diffusion TF125. Comme expliqué précédemment, la convention signée
entre le CSA et les chaînes concernant la protection du jeune public autorise Canal + à diffuser
Dexter en prime-time mais pas TF1. Dexter est une série feuilletonnante dont l’ordre de diffusion
doit respecter l’ordre de production. Beaucoup d’épisodes de cette série sont interdits au moins
de 12 ans26 ce qui est un obstacle supplémentaire pour créer un rendez-vous de prime-time pour
TF1, la série est ainsi diffusée en seconde-partie de soirée. La différence de case horaire explique
le faible écart en nombre de téléspectateurs entre la diffusion Canal + et la diffusion TF1, estivale
pour certaines saisons avec moins de téléspectateurs devant leur poste. Le succès d’un
programme dépend principalement des parts d’audience qui sont satisfaisantes pour les deux
chaînes (PDA moyenne PT Canal + en 2012 : 3,7%27 - 17,6% de foyers équipés en France soit
4,9m de téléspectateurs potentiels28).
Audiences Dexter (Showtime) sur TF1 et Canal + – Source : Médiamétrie
Année diff. Chaîne Saison Nb tlsp. PdA 4 ans+ PdA Fem<50
2007 C+ Saison 1
0,8m 3,4% 4,4%
2010 TF1 1,3m 27% 36%
2009 C+ Saison 2
0,9m 3,5% 5,2%
2011 TF1 1,6m 26% 33%
2009 C+ Saison 3
0,8m 3,4% 4,8%
2012 TF1 1,4m 21% 28%
2010 C+ Saison 4
0,7m 2,8% 3,7%
2012 TF1 1,4m 23% 29%
2011 C+ Saison 5
1,0m 3,9% 5,4%
2013 TF1 0,9m 23% 29% Diff. Estivale
2012 C+ Saison 6 1,1m 4,1% 6,2%
2013 C+ Saison 7 1,0m 3,9% 5,8%
En ce qui concerne les chaînes gratuites, Arte prend le parti de diffuser des séries
d’auteur, européennes ou américaines. La chaîne programme Breaking Bad (AMC) depuis 2010, en 24 http://www.csa.fr/Espace-juridique/Decisions-du-CSA/Braquo-Le-13e-guerrier-intervention-aupres-de-D8 25 TF1 a débuté la diffusion de la série le même jour que le lancement de la saison 4 sur Canal +. 26 Interdits de diffusion avant 22h sauf cas exceptionel. 27 Médiamétrie – Mediamat. 28
Médiamétrie / Gfk.- référence des équipements multimédias - T2 2013
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
27
seconde partie de soirée pour les mêmes raisons de protection du jeune public que TF1 avec
Dexter.
Audiences Breaking Bad (AMC) sur Arte – Source : Médiamétrie – PDA Arte 2012 : 1,8%
Titre Saison Nb tlsp. PdA 4 ans+ PdA Fem<50
Breaking Bad Saison 1 257 000 1,8% 1,7%
Breaking Bad Saison 2 280 000 1,8% 1,8%
Breaking Bad Saison 3 183 000 1,6% 1,2%
Breaking Bad Saison 4 208 000 1,6% 1,7%
Les audiences sont tout juste satisfaisantes pour la chaîne mais Arte n’étant pas une
chaîne commerciale comme TF1 ou M6, l’importance de l’audience est relative et programmer ce
type de fiction participe à renforcer l’image de marque de la chaîne en diffusant une série de
qualité reconnue en tant que telle29.
1.2.9. Focus sitcoms
Le genre sitcom, apprécié du public américain, est peu diffusé en France. Le service des
acquisitions artistiques de TF1 mentionne un problème de segmentation du genre humoristique.
De plus, avec le doublage en français qui est utilisé par une grande partie du public, les dialogues
sont difficilement adaptables, le public perd ainsi une partie de l’humour, qui, s’il contient trop de
références culturelles américaines, ne sera pas compris par le grand public visé par les grandes
chaînes.
France 2 a testé la programmation de sitcoms en prime-time le 25 juin 199730. Dans cette
interview, le directeur des acquisitions de la chaîne mentionne déjà une distribution alternative
pour Friends (NBC), série déjà culte.
Audience soirée sitcom 25/06/1997 – France 2 – Source : Médiamétrie – PDA France 2 1997 : 23,7%
Titre Nb tlsp. PdA 4 ans+ PdA Fem<50
FRIENDS 3,7m 18% 20%
FRIENDS 3,3m 17% 19%
UNE FILLE A SCANDALES 2,6m 14% 15%
Par rapport à l’audience moyenne de l’époque, ce test se solde par un échec pour la chaîne
qui n’a pas renouvelé la programmation de la série en prime-time et poursuit une programmation
quotidienne en journée. La chaîne aura une case de sitcoms dans les années 2000 en 3ème partie de
soirée le dimanche durant l’été où elle programmera entre autres That ’70s Show (FOX).
29 Breaking Bad est 13ème du classement WGA pré-cité. 30http://www.liberation.fr/medias/0101218005-avec-friends-france-2-tate-le-marche-le-directeur-des-
programmes-detaille-l-enjeu-d-une-diffusion-des-sitcoms-en-prime-time
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
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Les grands succès d’audience aux États-Unis que sont Modern Family (M6), How I Met Your
Mother (Canal + en clair/NT1) et The Big Bang Theory (NRJ 12) sont diffusés en France en journée
ou seconde partie de soirée mais jamais en prime-time. Leurs audiences ne sont donc pas très
importantes car elles n’atteignent pas le grand public car non diffusées à des heures de grande
écoute.
La chaîne de la TNT gratuite Numéro 23 lancée en décembre 2012 prend le parti de
diffuser de la sitcom en prime-time à son lancement en programmant Community (NBC) série
ayant une communauté de fans importante sur internet. Toutefois, la chaîne diffuse la série ultra-
référencée seulement en version doublée ce qui peut repousser une partie du public d’internet. La
série ne réalise pas des audiences satisfaisantes pour la nouvelle chaîne et elle est donc
déprogrammée sur une nouvelle case puis supprimée de la grille31. La chaîne Numéro 23 fait
partie du panel Mediamat Thematik qui ne communique pas l’audience exacte des programmes.
Il faut noter qu’avec l’arrêt de la diffusion analogique en 2011, toutes les chaînes en
France sont diffusées en numérique et que, sous réserve d’en acquérir les droits et de s’affranchir
des frais de diffusion inhérents, les chaînes peuvent diffuser en version multilingue (VM) les
œuvres de fiction étrangère sans soumettre le public au doublage systématique. Au début de la
TNT en 2004, FranceTélévisions rediffusait FBI : Portés Disparus en troisième partie de soirée sur
France 4 en version originale sous-titrée. Elle ne diffuse ses séries américaines de prime-time en
VM que depuis fin 2012 alors que les téléspectateurs de la plupart des autres chaînes le peuvent
depuis les débuts du numérique.
1.2.10. Les chaînes thématiques
Jimmy et SerieClub sont deux chaînes payantes à l’origine de la première diffusion en
France de beaucoup de séries cultes.
À présent, Jimmy (groupe Canal +) n’offre plus une programmation de séries américaines
susceptible d’attirer un public de sériphiles32 mais dans les années 90, la chaîne a diffusé des séries
cultes telles que Friends (NBC), The Sopranos (HBO) ou encore la mini-série Profit (FOX). La
chaîne offrait déjà une diffusion en VM, pratique innovante à l’époque.
SerieClub (groupes M6 et TF1) propose toujours une programmation de séries
innovantes et exclusives. Toutefois, la programmation verticale peut décourager certains
téléspectateurs. En effet, la chaîne diffuse entre trois et six épisodes de la même série à la suite33.
SerieClub programme certaines séries d’auteur comme Mad Men (AMC) qui n’ont pas un rythme
de narration permettant de les apprécier lors de « mini-marathons » hebdomadaires. Suivre des
31 http://www.toutelatele.com/pour-jr-today-numero-23-deprogramme-a-nouveau-community-48727 32 http://www.jimmy.fr/mth-jimmy/pid5708-grille-tv.html# 33 http://www.serieclub.fr/grille/
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
29
séries dans ces conditions est chronophage pour le téléspectateur, à la limite de la contrainte qui
efface le pendant divertissant de la télévision.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
30
2. La consommation délinéarisée par internet
L'exposition de la production et de la programmation de séries américaines est parallèle à
l'explosion du taux d'équipement à internet. L’équipement des ménages augmente avec 71,2 %
des foyers équipés d’une connexion haut débit en 201334.
Taux équipement des ménages – Source : INSEE
Taux d’équipement des foyers français – Source : Médiamétrie/GfK
34 Médiamétrie/GfK
30,0
40,0
50,0
60,0
70,0
80,0
90,0
100,0
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Téléviseur couleur
Magnétoscope ou
lecteur DVD
Téléphone portable
Micro-ordinateur (y
compris portable)
Internet
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
31
La numérisation a conduit à la progression de l'usage de biens culturels dématérialisés en
ligne. D'après une étude OpinionWay35 publiée en juin 2013 pour l’Hadopi, la Haute Autorité pour
la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet, 37% des internautes interrogés
ont consommé au moins une série en ligne pendant la semaine.
Comme indiqué dans une étude d’Hadopi conduite par l’Ifop36, les français consomment
des séries sur internet et 88% de cette consommation est gratuite. Ce chiffre ne signifie pas
qu’elle est illégale car ce chiffre inclut la télévision de rattrapage et les webséries (si celles-ci ne
sont pas comptabilisées dans les autres catégories vidéo).
L’étude OpinionWay37 révèle que 71% des téléchargements de séries télévisées sont illicites
et seulement 37% des actes de streaming et ils concernent à 80% des fictions étrangères.
Sans distinction de licité, le téléchargement est une pratique qui concerne un public plutôt
masculin à 60% et âgé entre 18 et 39 ans alors que le streaming est une pratique mixte qui concerne
les 18/39 ans. Les 18-24 ans sont les plus gros consommateurs avec trois épisodes ou plus
consommés par semaine pour la moitié d’entre eux38.
La consommation de séries télévisées en ligne est donc une pratique répandue des
internautes français qui se retrouvent face à deux choix, celui d'une offre légale proposée par les
ayants-droit et une autre illégale, où les ayants-droit ne sont pas rémunérés. Nous allons présenter
les deux offres.
35 Étude du volume de consommation des biens et services culturels dématérialisés – Étude Carnets de
Consommation. OpinionWay – Juin 2013. 36
Biens culturels et usages d'Internet : pratiques et perceptions des internautes français. Ifop – Janvier 2013. 37 Étude du volume de consommation des biens et services culturels dématérialisés – Étude Carnets de
Consommation. OpinionWay – Juin 2013. 38 Ibid.
Consommation de biens culturels en ligne selon le coût de la consommation (gratuit ou payant) – Source : étude Ifop pour l’Hadopi
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
32
2.1. Offre illicite
La Hadopi, via son Département Recherche Études et Veille (DREV) (Annexe n°2) a
publié une cartographie des accès illicites aux œuvres sur internet. Avec cette étude menée par
l’institut CSA39, nous constatons que les principaux outils pour accéder à du contenu illégal sont
le streaming et les cyberlockers, les newsgroups et les plate-formes P2P, principalement en torrent.
Selon l’enquête OpinionWay de juin 201340, les internautes privilégient le streaming pour leur
consommation de séries sur internet : 46% des répondants à l’enquête utilisent du streaming contre
18% qui téléchargent. Le streaming est considéré comme étant « moins impliquant et associé à du
licite (pas de stockage)»41.
Les épisodes de séries sont disponibles en ligne quelques minutes seulement après leur
diffusion télévisée aux États-Unis. Dans un premier temps, nous trouvons des des rip TV,
étiquetés « HDTV », encodés par la « scene », des équipes d'encodeurs qui se livrent une course
contre la montre pour être les premiers à poster un épisode en haute définition (HD) et en
définition standard (SD). Les épisodes conservent les marques d'une diffusion télévisée
américaine avec l’habillage de la chaîne et des retours de coupures publicitaires. Par la suite,
d'autres personnes encodent des versions «WEB-DL» issues des épisodes téléchargés légalement
sur l’iTunes Store42 américain pour les séries des networks et du basic cable ou stream-rippés sur les
plate-formes de rattrapage des chaînes premium.
39
Rapport du DREV sur l’accès aux œuvres sur Internet – CSA – Juillet 2013. 40 Étude du volume de consommation des biens et services culturels dématérialisés – Étude Carnets de
Consommation. OpinionWay – Juin 2013. 41 Perceptions et pratiques de consommation des "Digital Natives" en matière de biens culturels dématérialisés.
CSA – Janvier 2013. 42 Plateforme de VOD d’Apple.
Capture d'un tracker privé de torrents spécialisé dans les séries
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
33
Le référencement sur ce site est clair, bien organisé par épisode avec le choix de toutes les
releases, tous les fichiers existants pour un même épisode. Cet exemple étant celui d’un tracker
privé téléchargeant un fichier torrent de l’épisode. Ce fichier permet le téléchargement de
l’épisode via un client suivant un protocole de P2P. Les fichiers sont en langue originale, avec
parfois des sous-titres dans cette même langue muxés au fichier, c’est-à-dire disponibles si besoin
via le lecteur utilisé mais facultatifs.
Des sites à destination du public français proposent des versions sous-titrées ou doublées.
Ces sites suivent les mêmes protocoles que les sites internationaux, l’offre est uniformément la
même, les releases disponibles le sont pour le monde entier, il y a une organisation à l’échelle
mondiale des équipes de release, un effort commun pour proposer l’offre la plus exhaustive
possible à destination de tous les publics. Une version d’épisode sous-titrée en français sur un site
français sera la release internationale retravaillée à destination du public français avec incrustation
du sous-titre et non une version captée par une équipe française. Toutefois, pour les fictions
françaises, des équipes françaises sont chargées de la mise en ligne des épisodes qui seront
téléchargés, à moindre échelle que les séries américaines, dans le monde entier.
Par cette organisation rigoureuse des « pirates », la quasi-totalité de ce qui est diffusé aux
États-Unis, en flux ou fiction, est disponible en ligne quelques minutes après la première
diffusion. Les fictions des autres pays anglophones, des pays scandinaves, entre autres, sont
également disponibles peu de temps après la diffusion sur ces sites de référencement que sont les
trackers ou les annuaires de streaming, de cyberlockers ou de newsgroups. Il est donc très facile de
télécharger puis regarder illégalement le fichier dans la langue originale.
Comme indiqué précédemment, des versions sous-titrées ou doublées sont mises à
disposition du public français pour satisfaire ceux qui n’ont pas un niveau suffisant en anglais
pour suivre la série en version originale. Le sous-titrage en français des séries non-anglophones
est une pratique marginale, la demande étant principalement à destination des séries américaines
et anglaises.
Capture du même tracker privé pour une série originale de Canal +, Les Revenants
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
34
2.1.1. Le fansubbing, une pratique de médiation culturelle
Le fansub (Dagiral & Tessier, 2008) est la contraction de subtitle (sous-titre) et fan, soit la
pratique du sous-titrage par les fans. C’est la mutation participative des fans (Jenkins, 2006). Ces
mêmes fans apportent une porte d’accès aux séries étrangères à d’autres fans n’ayant pas les
connaissances en langues étrangères suffisantes pour suivre leurs séries préférées en version
originale. C’est un mouvement dit de bottom-up qui permet, grâce à l’intelligence collective, une
démocratisation de la culture en combinant l’expertise combinée de certains membres de la
communauté (Levy, 1997).
Cette pratique a commencé avec l’engouement pour les séries américaines en France, tout
d’abord sur le site Forom en 2004.
Des membres de ce site créent Subway en 2006, devenu depuis Subfactory, qui est une
référence dans le milieu du fansub car ils instaurent des normes pour que les sous-titres créés se
rapprochent du travail de sous-titreurs professionnels. Le sous-titre doit accompagner le
visionnage de l’épisode mais en aucun cas ne le perturber. Ainsi, un grand soin est apporté à la
qualité de l’adaptation, son orthographe et surtout à la synchronisation qui ne doit pas dépasser
un nombre déterminé de caractères par ligne et pas plus de deux lignes affichées.
D’autres sites suivent ces mêmes objectifs qualitatifs dont les principaux sont SeriesSub et
U-Sub. Aujourd’hui, il n’y a plus d’activité de sous-titrage officiellement sur Subfactory, les fichiers
étant centralisés entre ces divers sites sur un site commun, Subfactory est maintenant un forum et
une base de données sur les séries.
Capture du site centralisant les sous-titres
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
35
Sur ces sites revendiquant une certaine qualité de travail, les séries sont sous-titrées par
des équipes de deux à huit personnes qui téléchargent la vidéo originale et la transcription des
dialogues en anglais ou le sous-titre pour malentendants quand il est disponible. La méthode de
travail ci-après est celle utilisée par une grande partie des équipes de sous-titrage de ces sites, mais
l’organisation peut différer. Cependant, toutes les équipes qui suivent ces normes utilisent le
même logiciel, VSS, amélioré par les fansubbers en y intégrant les normes qu’ils utilisent.
Un membre de l’équipe nettoie le fichier des indications spécifiques aux sous-titres pour
malentendants. L’équipe se répartit l’épisode selon le nombre de membres. Le sous-titre est dans
un premier temps synchronisé avec le débit de parole des acteurs, il est ensuite traduit par les
membres de l’équipe. Ces mêmes membres procèdent à la relecture de la partie d’un autre
membre de l’équipe et créent ensuite des fichiers appelés « Comparo » pour discuter des
corrections.
Capture du logiciel VSS
Extrait de Comparo
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
36
Il y a un véritable effort collectif pour trouver la meilleure adaptation possible des
dialogues pour conserver le niveau de langue et les spécificités du personnage en version
originale. Pour terminer, une relecture globale est effectuée par un membre de l’équipe pour
harmoniser les parties et retoucher la synchronisation en fonction de la version française.
Ce travail met entre quelques heures et quelques jours, la majeure partie des sous-titres
sortant dans la semaine suivant la mise en ligne de l’épisode. Les sous-titres sont mis à disposition
du public sur des fichiers srt/ssa qui sont lus par le lecteur vidéo avec la vidéo en langue originale,
mais non incrustés sur la vidéo, pour être mis à jour autant de fois que nécessaire.
En 2009, un professionnel a étudié un sous-titre produit par Subway/Subfactory et a
commenté :
« J'ai deux impressions qui prévalent : primo, c'est du travail très correct pour des gens dont ce n'est pas
le métier (du moins pas encore ;p), mais secundo, c'est râlant de se dire que ça passe à un poil de fion d'un travail
professionnel. Tout ça pour dire que c'est propre, tu verras que les modifs que j'ai apportées ne révolutionnent pas
le fichier, mais ça peaufine juste un peu le boulot.»
La médiation apportée par ces fansubbers tire la pratique culturelle de visionnage de séries
vers le haut en apportant un support de qualité au public non-anglophone. Ces sous-titreurs sont
le plus souvent des passionnés de séries mais pas seulement des séries sur lesquelles ils travaillent.
Les sous-titreurs sont organisés en une communauté qui cherche à se renouveler en permanence
car le travail sur un épisode est chronophage et, rappelons-le, complètement bénévole. Le site
propose des formations pour recruter de nouveaux sous-titreurs. Les équipes déjà formées
souhaitant voir leur travail reconnu par la communauté voient leurs sous-titres évalués et certifiés
comme respectant les normes fixées. Cette organisation s’apparente à un « véritable réseau de
distribution alternatif de qualité » qui offre une solution « plus performante que les modèles
classiques de distribution» (Morin, 2008).
Par ailleurs, il existe une autre offre de sous-titrage, le fast-sub qui, là, ne cherche pas la
qualité mais la rapidité. Comme pour les releases de la « scene » qui veulent sortir leur captation de
l’épisode en premier, certaines équipes veulent être les plus rapides à sortir le sous-titre d’un
épisode car c’est celui-là qui sera incrusté sur les versions VOSTFR des sites français et donc vu
par le plus grand nombre. La méthode de travail est assez différente car là, il est concevable
d’utiliser Google Traduction, d’utiliser une orthographe incertaine et d’avoir plusieurs lignes. Les
normes n’existant pas, le rendu final du sous-titre est à l’appréciation de son créateur. Sur le site
de référence des fast-subs, Addic7ed, il est possible de retoucher au fichier posté par un autre
membre du site, le sous-titre est ici collaboratif. Les utilisateurs, plus ou moins organisés,
améliorent sans concertation le travail d’autrui. Cette pratique diverge du fansubbing normé, dont
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
37
le travail est concerté au sein de l’équipe et avec une harmonisation planifiée pour chaque
épisode.
Cette capture du site Addic7ed montre l’engouement du public français pour les séries
américaines, le sous-titre français pour cet épisode et cette release de la « scene » a été téléchargé
6512 fois soit presque autant que la version originale du fichier de sous-titre. Le sous-titre a
également été modifié 714 fois par 22 utilisateurs différents, ce qui, d’une manière, démontre une
volonté des fast-subbeurs de sortir un sous-titre le plus « propre » possible. Ce chiffre est à mettre
en corrélation avec la faible importance du téléchargement de séries qui ne concerne que 18% des
personnes interrogées43. Le public se tourne massivement vers cette offre rapide, sans se soucier
de la qualité qui, est celle utilisée sur les versions en streaming et téléchargement VOSTFR où le
sous-titre est incrusté en dur sur la vidéo.
2.1.2. La pratique collective par internet
Les sites français de téléchargement proposent également des versions doublées des séries
américaines dès la diffusion télévisée en Belgique ou en Suisse Romande, généralement quelques
mois avant une diffusion sur les chaînes françaises. En effet, ces territoires reçoivent également la
plupart des chaînes françaises et pour résister à la concurrence, les chaînes francophones doivent
alors de programmer les séries dont ils ont acheté les droits avant la France. Ce sont ces épisodes
qui sont disponibles sur les plate-formes illégales avant même la diffusion en France. L’offre de
séries est donc complète et similaire à l’offre télévisée en termes de confort de visionnage (HD,
doublé ou VOST).
43
Étude du volume de consommation des biens et services culturels dématérialisés – Étude Carnets de Consommation. OpinionWay – Juin 2013.
Capture d’écran du sous-titre de l’épisode 1 de la saison 6 de True Blood
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
38
Ces sites de téléchargement, de streaming ou de sous-titrage, en offrant des forums,
participent à l’organisation de la communauté « sériphile ». La pratique de visionnage sur internet
est individualisée car chronophage et difficilement suivie par les proches (Combes, 2011). Ainsi
les internautes sériphiles transforment la pratique en une pratique collective, les internautes
partagent leurs critiques des épisodes au rythme de la diffusion américaine principalement sur les
réseaux sociaux, blogs et forums (généralistes, sur une série, un acteur, de fans-subbers, sur un
tracker). La diffusion étant personnelle à chacun, internet offre un espace de partage hors du
cercle des proches. Jenkins (1992) avance même le concept que « la réception d’un fan ne peut et
ne doit pas rester isolée car elle est façonnée par les autres fans ».
Les autres fans jouent également un rôle de prescription. L’offre de fictions étrangères et
particulièrement américaine est importante chaque année avec pas moins de 25 nouvelles séries
lancées sur les networks américains pour la rentrée automnale (Annexe n°1). De plus, certaines
n’ont une durée de vie que de quelques épisodes, le rôle de la prescription est donc primordial
pour que les sériphiles fassent un choix parmi les nouveautés tout en limitant la chronophagie de
la pratique de visionnage.
2.1.3. Quand le téléspectateur est son propre conseiller en programmation
Chaque année, le site TorrentFreak44 publie un classement des séries les plus téléchargées
dans le monde (Annexe n°3) qui est repris par les médias comme valeur de référence. Ce
classement est compilé à partir d’estimations de nombre de téléchargements par épisode sur les
trackers publics de torrent (The Pirate Bay, Eztv). Comme l’indique TorrentFreak, ces chiffres
n’intègrent pas les visionnages en streaming et les téléchargements via un cyberlocker qui, comme
indiqué dans le rapport du DREV (Annexe n°2), concernent une forte part des pratiques illégales
en France. Selon l’étude OpinionWay45 précitée, les internautes consomment principalement par
streaming donc leur consommation n’est pas prise en compte dans ces classements. Cependant, ils
montrent une tendance mondiale des séries plébiscitées par les internautes qui téléchargent
illégalement des séries.
Une nette préférence des internautes pour les séries feuilletonnantes est visible car même
les sitcoms How I met Your Mother ou The Big Bang Theory ont un arc narratif secondaire
feuilletonnant. Le classement du printemps 2013 ne prend en compte que les téléchargements de
mars à juin 2013, période pendant laquelle certaines séries ne sont pas diffusées, sa pertinence
n’est donc que relative en tant que classement mais indique une tendance pour 2013.
44 http://torrentfreak.com/ 45 Étude du volume de consommation des biens et services culturels dématérialisés – Étude Carnets de
Consommation. OpinionWay – Juin 2013.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
39
En 2008, les séries téléchargées illégalement sont produites à 80% par les networks. La
nette domination des séries de networks se poursuit en 2009 (90%) et en 2010 (80%). En 2011, les
séries du câble occupent la moitié du classement et inversent une tendance qui se poursuit en
2012 portée par des succès comme Game of Thrones, The Walking Dead, Dexter et Breaking Bad.
Pour la France uniquement, l’étude OpinionWay46 établit un classement des séries les plus
streamées et téléchargées. Cependant, la distinction entre consommation licite et illicite n’étant pas
intégrée à cette partie de l’étude qui mélange donc la VOD payante, les plate-formes de télévision
de rattrapage et les consommations illégales, ce classement n’est pas pertinent. En effet, la série
en tête du classement pour le streaming est le soap quotidien de France 3, Plus Belle la Vie. Cette
série peut être consommée en ligne légalement sur Pluzz47 ou avec une offre illicite provenant des
enregistrements de la diffusion en Belgique et en Suisse, une semaine avant la diffusion en
France. Il est donc difficile de différencier les différents publics. De plus, le nombre d’épisodes
(cinq par semaine) rend la consommation mathématiquement plus importante que pour une série
diffusée hebdomadairement.
Le site de streaming le plus utilisé par les internautes (14% des personnes interrogées) selon
cette même étude OpinionWay48 est le site Dpstream qui lui-même établit un classement.
Cependant, celui-ci est un classement du nombre total de visionnages par série et fait donc la part
belle aux séries de networks composées du double d’épisodes par rapport à une série du câble en
général. Toutefois, le classement hebdomadaire, en prenant en compte les séries en cours de
diffusion aux États-Unis, dégage une tendance de la consommation en France en temps réel. Ce
classement n’est pas établi sur des moyennes par épisode comme ceux de TorrentFreak.
46 Étude du volume de consommation des biens et services culturels dématérialisés – Étude Carnets de
Consommation. OpinionWay – Juin 2013. 47 Plateforme de télévision de rattrapage de FranceTélévision. 48
Étude du volume de consommation des biens et services culturels dématérialisés – Étude Carnets de Consommation. OpinionWay – Juin 2013.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
40
Classement des séries les plus visionnées sur Dpstream du 12 au 18 août 2013
Dpstream - Semaine 33 – 2013
1 Dexter Showtime 455 000 En cours de diffusion
2 Breaking Bad AMC 404 000 En cours de diffusion
3 Pretty Little Liars ABC Fam. 345 000 En cours de diffusion
4 Grey's Anatomy ABC 315 000 Hiatus
5 Teen Wolf MTV 258 000 En cours de diffusion
6 True Blood HBO 238 000 En cours de diffusion
7 How I Met Your Mother CBS 222 000 Hiatus
8 The Simpsons FOX 194 000 Hiatus
9 Game of Thrones HBO 181 000 Hiatus
10 Suits USA 169 000 En cours de diffusion
Avec seulement deux séries de networks, nous constatons une domination des séries du
câble pour cette semaine du mois d’août. Il faut toutefois nuancer cette affirmation car les
networks américains proposent peu d’inédits dans leurs grilles estivales comparativement aux
chaînes du câble. Nous retrouvons les succès mondiaux des classements de TorrentFreak que sont
Game of Thrones, Dexter et Breaking Bad.
Il faut noter que le nombre de vues sur le seul site Dpstream en une semaine pour Breaking
Bad dépasse largement le nombre de téléspectateurs sur Arte lors de la diffusion télévisée (cf.
1.1.8. Des séries de qualité en France)
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
41
2.2. Offre légale
2.2.1. Présentation de l’offre légale en France
L’offre légale sur internet peut être associée à plusieurs modes de consommation gratuits
ou payants :
La Video On Demand (VOD), Vidéo à la Demande (VàD) à l’unité
- P-VOD : Offre de VOD des séries en direct des États-Unis (US+24)
- T-VOD : Offre de VOD transactionnelle, achat après diffusion télévisée
S-VOD : Offre de VOD par abonnement (Subscription Video on Demand), pour un
abonnement mensuel/annuel, l’utilisateur a accès au portail en illimité
F-VOD : Offre de VOD gratuite, financée par la publicité.
- La catch-up TV ou télévision de rattrapage, le programme est disponible en streaming
gratuit durant les 7 jours qui suivent la diffusion télévisée sur ordinateur, en IPTV et
sur les appareils connectés (sous réserve d’une application dédiée).
- La mise en ligne sur les User Generated Contents (UGC) ou plate-formes de vidéo en
ligne (YouTube, Dailymotion, Vimeo) par les ayants-droit.
L’Electronic Sell-Through (EST) est l’achat définitif d’un contenu, avec un paiement à l’unité
ou en package. Le P-EST est l’offre d’achat d’épisodes de série en direct des États-Unis.
Pour consommer ces diverses formes d’offre légale, le public a le choix entre un usage sur
son ordinateur (PC) et un usage IPTV via sa box fournie par son fournisseur d’accès internet
(FAI) connectée à internet et branchée à sa télévision.
Mode de consommation de la VOD Payante – Source : CNC – Publixiné – Harris Interactive
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
42
Nous constatons une nette domination de la consommation via la télévision. Selon le
Baromètre Digital GfK-NPA Conseil, la consommation se fait à 97,9% en SD contre 2,1% en
HD, qui nécessite un surcoût.
Il faut noter que le Baromètre Digital GfK-NPA Conseil qui tient lieu de référence pour
les ventes VOD en France ne comprend pas iTunes dans son panel. iTunes qui domine le marché
de l’EST aux États-Unis.
Ventes EST à l’unité aux États-Unis en 2012 - Source: The NPD Group, VideoWatch Digital
Le baromètre indique pour 2012, 99,8% de locations en streaming ou téléchargement
temporaire contre 0,2% de ventes définitives.
La consommation de fiction TV est le troisième genre le plus consommé en VOD après
le cinéma et les films « pour adultes ».
Consommation en VOD selon le genre en France en 2012 – Source : GfK, NPA Conseil
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
43
2.2.2. Quand la VOD se met à l’heure américaine
TF1 lance à la rentrée 2007 la deuxième saison d’Heroes (NBC) en VOSTFR en P-VOD
via sa plate-forme TF1 Vision. La chaîne annonce le succès du lancement avec 50 000 locations
du premier épisode49. Avec les DRMs (Digital Management Rights), chaque épisode est loué pour 30
jours et utilisable en illimité pendant 48H à compter de la première lecture pour 2,99€ (des packs
de plusieurs épisodes sont également proposés). Il faut noter que suite au lancement de cette
offre légale les fansubbeurs sous-titrant Heroes ont cessé la publication des sous-titres de cette
série50.
Depuis, TF1, qui a renommé sa plate-forme MYTF1VOD, a étendu l’offre de séries
disponibles et est devenu un acteur majeur du marché de la P-VOD de séries américaines, suivi
par M6 qui a lancé une offre similaire avec ses propres séries.
J’ai pu m’entretenir avec les responsables de cette offre chez TF1 Vidéo. Le choix des
séries disponibles sur la plate-forme se fait dans le catalogue de la chaîne et selon le potentiel de
rentabilité de la série. En effet, entre le coût des droits spécifiques à la VOD, les frais techniques
et structurels, l’investissement pour un épisode est en moyenne de 1000€. Les tarifs de location
sont actuellement de 1,99€ par épisode sans possibilité de forfait. Un épisode doit dépasser les
500 locations pour atteindre son seuil de rentabilité. Les droits actuellement pour la P-VOD sont
de huit semaines suivant la diffusion américaine, ainsi, un téléspectateur n’a pas toujours accès à
la saison complète. Le responsable éditorial de la plate-forme négocie actuellement pour
prolonger les droits de P-VOD jusqu’à la diffusion sur une des chaînes du groupe TF1 (TF1,
TMC, NT1, HD1). Pour atteindre ce délai de sortie très rapide, les sous-titres sont réalisés outre-
Atlantique par des sociétés de sous-titrage disposant des épisodes avant la diffusion.
Les épisodes sont proposés avec des DRMs pour garantir un niveau de protection
suffisant pour les studios. Ainsi, un épisode loué sur sa télévision, ne peut pas être transféré sur
son ordinateur et inversement. Le service de TF1 Vidéo travaille actuellement à développer le
multi-écrans pour améliorer l’expérience des consommateurs. La plate-forme de VOD de TF1
proposait jusqu’à l’année 2012 de l’EST et après une année d’arrêt des téléchargements, suite à
une refonte technique de la plate-forme, va de nouveau proposer cette possibilité. La chaîne M6
propose quant à elle des pass pour 7,99€ par mois pour accéder en illimité à sa P-VOD (Annexe
n°5). Il faut noter que le Pass M6 n’est pas disponible en IPTV chez tous les FAI et l’offre de
VOD de M6 n’est pas mesurée par le baromètre Gfk - NPA Conseil.
49 http://www.01net.com/editorial/357283/mise-a-jour-50-000-internautes-ont-loue-le-premier-episode-de-la-
nouvelle-saison-de-heroes/ 50 https://www.subfactory.fr/forum.html#thread/6922/1
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
44
Le Baromètre GfK – NPA Conseil identifie le public de ces offres de P-VOD comme
étant majoritairement féminin, entre 15 et 35 ans, plutôt urbain et CSP+.
La saison 8 de Grey’s Anatomy a atteint 247 000 unités vendues en 201251, la saison
comprenant 24 épisodes, cela donne une moyenne de 10 000 unités vendues par épisode. Cette
saison est la neuvième meilleure vente de l’année 2012. Les autres meilleures ventes de la plate-
forme MyTF1VOD sont The Vampire Diaries (CW) et Gossip Girl (CW). Ces séries ont en
commun de correspondre à la cible identifiée comme étant le public de ces offres de P-VOD. La
plate-forme MyTF1VOD a réalisé 2,5 millions d’actes de vente en 201252.
En respectant la chronologie des médias, MyTF1VOD suspend la mise à disposition des
épisodes d’une saison en cours de diffusion. Les épisodes sont remis en ligne après la diffusion
télévisée, ceux-ci sont disponibles en T-VOD et en VM. Ce mode de distribution s’apparente à la
sortie en DVD physique au même moment. Il arrive parfois que le distributeur souhaite décaler la
sortie en T-VOD pour ne pas concurrencer les ventes physiques. Toutefois, l’essentiel des
revenus digitaux est assuré par la P-VOD selon les responsables de la plate-forme.
En France, iTunes est un acteur de la P-EST en proposant certaines séries en
téléchargement définitif également en direct des États-Unis. L’offre d’iTunes ne dépend pas des
catalogues de droits liés à une politique d’acquisition et aux divers deals signés avec les majors
comme pour les chaînes de télévision. De plus, de par sa position dominante pour l’EST aux
États-Unis53, iTunes bénéficie d’une situation favorable à la négociation avec ces mêmes majors.
L’offre de séries en avant-première sur iTunes propose certains titres déjà disponibles sur la plate-
forme MyTF1VOD et d’autres séries qui sont diffusées en France sur d’autres chaînes ou inédites
comme Wilfred (FX) (Annexe n°6). Le catalogue d’iTunes est conséquent indépendamment de
l’offre en avant-première (Annexe n°7). Les séries proposées sont variées allant de Rectify diffusée
au printemps sur la chaîne confidentielle Sundance Channel aux blockbusters de network comme
Person of Interest (CBS) ou du câble comme The Walking Dead (AMC). Le catalogue comprend des
séries anglaises, scandinaves ou israéliennes, pays reconnus pour la qualité de leurs productions
de séries télévisées. La plate-forme propose un achat par épisode ou par saison, en SD ou en HD.
2.2.3. Les offres par abonnement
En 2012, 33,2% des unités vendues en VOD sont consommées dans le cadre d’un
abonnement de S-VOD54. Comme 97% de ces consommations se font en IPTV55, les
fournisseurs d’accès internet sont en première ligne pour proposer leurs forfaits. Ainsi, en
51 Baromètre Digital GfK – NPA Conseil – Décembre 2012 (diffusion limitée). 52 Ibid. 53 The NPD Group, VideoWatch Digital. 54 Baromètre Digital GfK – NPA Conseil – Décembre 2012 (diffusion limitée). 55 Ibid.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
45
octobre 2012, la VOD d’Orange est la plate-forme la plus prisée avec 43,2% des utilisateurs
payants de VOD interrogés déclarant l’avoir utilisée dans le mois précédent56. Cette plate-forme
permet d’accéder aux offres concurrentes et offre un accès privilégié à la propre plate-forme
d’Orange.
En novembre 2008, Orange a développé un bouquet de cinq chaînes intégrant une plate-
forme de VOD, OCS (Orange Cinéma Séries), distribué non seulement à ses clients internet mais
également aux clients de SFR, Numéricable et CanalSat57. L’abonnement est facturé 12€/mois
sans engagement.
L’opérateur a signé un accord sur les droits exclusifs du catalogue HBO et offre les séries
de la chaîne en P-VOD en VOST le lendemain de la diffusion américaine (Annexe n°8). Ces
séries sont programmées quelques semaines plus tard en VM sur une des chaînes du bouquet.
OCS propose également les séries de la chaîne premium Starz et certains titres à succès comme
The Walking Dead (AMC). Le positionnement éditorial de la plate-forme se porte sur des séries du
câble, principalement premium. Pour accentuer cette thématique série, OCS a produit une série
documentaire sur les séries et leurs showrunners, les créateurs et scénaristes à l’origine des plus
grands succès critiques de ces dernières années58.
OCS propose un service de télévision de rattrapage de 30 jours pour les séries diffusées
sur son bouquet et qui, pour certaines, ne font pas partie de la P-VOD comme la saison 5 de
Breaking Bad dont la première partie de la saison est diffusée sur OCS quand la seconde est
diffusée sur AMC et n’est pas disponible au sein du bouquet.
OCS proposé également un service inclus dans l’abonnement au bouquet de S-VOD (à la
demande uniquement) similaire à CanalPlay, Free Home Video. Néanmoins, le catalogue est
composé de séries plutôt anciennes (Annexe n°9), les saisons proposées ayant été pour la plupart
déjà été diffusées gratuitement à la télévision et hormis Mentalist (TF1), aucune n’a rencontré un
succès d’audience en France.
Les séries proposées ne restent pas disponibles indéfiniment ce qui a pour conséquence
de ne pas mettre à disposition toutes les saisons d’une série (Annexe n°9). De plus, les séries ont
pour la plupart déjà été diffusées sur des chaînes gratuites. Cette offre ne permet pas de se créer
une vidéothèque complète de séries.
56 Étude CNC – Harris Interactive publiée dans le Guide des chaînes numériques. 57 http://cinema-series.orange.fr/offre 58 http://cinema-series.orange.fr/programme/magazine/SHOWRUNNEPAW0054349/showrunners/
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
46
2.2.4. L’offre légale gratuite sur la télévision de rattrapage
Suite à la diffusion télévisée d’une série, les épisodes sont disponibles pendant sept jours
gratuitement sur la plate-forme de catch-up de la chaîne que ce soit sur PC, tablette, mobile ou en
IPTV. Dans le cadre d’une série feuilletonnante, cette offre de catch-up permet d’être à jour pour
la diffusion des épisodes suivants, cela permet aux chaînes de ne pas de limiter la perte des
téléspectateurs non-assidus au fil de la saison. Ces plates-formes de télévision de rattrapage
remplacent les enregistrements sur VHS de l’époque de Dallas dans les années 80. Elles sont
financées par la publicité présente sur le site et dans la vidéo.
Aux États-Unis, les chaînes offrent également cette possibilité de rattraper les
programmes pendant sept jours et les audiences de la catch-up et des enregistrements sur Tivo59
sont comptabilisées en une audience J+7. Les apports d’audience en J+7 montrent que les séries
les plus rattrapées sont celles qui ont changé de case ou sont situées à une case concurrentielle
face à un aspirateur d’audience (id. tableau des meilleures audiences américaines de la saison).
Certaines séries doublent leur audience par le rattrapage comme Smash (NBC) dont la seconde et
dernière saison a été déprogrammée de sa case du mardi au samedi, case peu propice au succès
d’audience. Sa progression en J+7 est de 63% sur les 2 ans et + et de 92% sur la cible
commerciale des 18-4960.
Au premier semestre 2013, la catch-up sur ordinateur uniquement n’apporte que 1,4%
d’audience en plus pour les séries étrangères sur TF161. L’offre de séries américaines sur la chaîne
ne nécessite pas cette pratique car elles ne demandent pas une assiduité entre les épisodes, qui
sont pour moitié des rediffusions.
2.2.5. L’offre légale gratuite par la mise en ligne sur les UGC
La plate-forme de vidéos Dailymotion a mis en ligne gratuitement et légalement plusieurs
séries en mai 2013 (Annexe n°10). Ces séries sont disponibles en VOSTFR. Hormis The Booth at
the End, les autres séries sont anglaises. Même si ces séries ne sont pas des blockbusters, The Booth at
the End a été repérée par la communauté des fansubbeurs qui, avant la mise en ligne sur Dailymotion,
a publié des sous-titres français de cette série62. Cet essai est encourageant et montre que des
modes de diffusion légaux et gratuits sont possibles.
59 Enregistreur numérique sur disque dur. 60 Nielsen. 61 Médiamétrie / eStat Streaming – Janvier-Juin 2013 (diffusion limitée). 62 http://www.sous-titres.eu/series/the_booth_at_the_end.html
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
47
3. Des offres complémentaires ou concurrentes ?
3.1. L’offre légale en ligne : une alternative à la télévision ?
L’offre légale sur internet et principalement VOD suscite de nombreuses critiques. Un
site, jvoulaispaspirater.tumblr.com recense les non-sens de l’offre légale pour les biens culturels
dématérialisés. Ce site est cité dans le rapport Lescure63 qui en retire trois griefs récurrents :
- L’offre n’est pas cohérente, comme relevé sur la S-VOD d’OCS, l’offre de séries ne
comprend pas toujours toutes les saisons d’une série (Annexe n°9) ou les saisons ne
sont pas toutes proposées dans les mêmes conditions (problème de langue relevé)
- La politique tarifaire est floue et variable selon les plates-formes qui vont privilégier
l’achat ou la location, les achats à l’unité ou les achats groupés.
- L’accès aux contenus est à revoir. Certaines plates-formes ne sont pas multisupports
et il n’existe pas de bibliothèque numérique permettant de centraliser les achats
effectués sur diverses plates-formes dans le cloud. Le rapport annonce le lancement
prochain d’Ultraviolet 64 en France qui propose ce service de centralisation dans le cloud.
Le rapport Lescure relève également la question de l’exhaustivité de l’offre, ce qui est un
point fort de l’offre illégale, et indique que la priorité est de « fournir toutes les déclinaisons
possibles » pour les œuvres déjà disponibles.
Concernant le tarif, le rapport soulève que les biens dématérialisés ont un prix équivalent
voire supérieur aux biens physiques alors qu’ils ont un coût de revient plus faible.
Par exemple, pour visionner légalement la saison 8 de Grey’s Anatomy (diffusée sur TF1 au
printemps 2013) qui comprend 24 épisodes :
- Sur MyTF1VOD65, la location pour un seul écran pendant 48H est facturée 1,99€ par
épisode, en version doublée uniquement, la saison revient à 47,76€ et ne peut être
conservée.
- Sur iTunes66, l’achat en VOST est facturé 2,49€ par épisode ou en pack saison à
39,99€ pour de la SD et 2,99€ l’épisode ou en pack saison à 49,99€ pour de la HD.
- Le coffret DVD de la même saison est vendu 39,99€67 en version multilingue avec des
bonus et 14,62£ en version originale uniquement68 avec des bonus soit 16€ environ.
63 Rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle » menée par Pierre Lescure – Mai 2013. 64 http://www.uvvu.com 65 http://mytf1vod.tf1.fr/recherche/str-grey's/saison-81-Grey's_Anatomy_SAISON_8.html 66https://itunes.apple.com/fr/tv-season/greys-anatomy-saison-8-vost/id464092949
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
48
Ces écarts dans la facturation et le contenu de l’offre légale la rendent illisible pour le
consommateur. 76% trouvent l’offre légale pour les séries télévisées trop chère69.
Niveau de satisfaction de l'offre légale pour les Séries TV - Source : HarrisInteractive
Niveau de satisfaction de l'offre légale en ligne - Source : HarrisInteractive
L’offre pour les séries télévisées est parmi les moins satisfaisantes pour les
consommateurs. Elle est jugée comme n’étant pas assez variée pour 39% des personnes
interrogées et manquant de nouveautés pour 45% des personnes interrogées. Toutefois, la qualité
technique des plates-formes proposant des séries est jugée satisfaisante par 79% des personnes
interrogées.
L’Hadopi a créé un label, PUR pour la « Promotion des Usages Responsables ». Ce label a
pour objectif de signaler les offres légales sélectionnées par la Haute Autorité et encadrées par la
loi (Code de la propriété intellectuelle, article L.331-23). En effet, pour 52% des personnes
interrogées par l’étude Ifop70, les contenus payants sont « forcément légaux » or des contenus
gratuits sont légaux (Catch-up, UGC) et des plates-formes payantes ne sont pas toujours légales 67http://www.amazon.fr/dp/B00AFBJKI2 68http://www.amazon.co.uk/dp/B007BDEVEU 69Baromètre de l’Offre légale – 1er baromètre. DREV d’Hadopi – HarrisInteractive – Avril 2013. 70 Biens culturels et usages d'Internet : pratiques et perceptions des internautes français. Ifop – Janvier 2013.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
49
(cyberlockers, streaming). L’Hadopi a donc développé un moteur de recherche de l’offre légale
labélisée71.
En juin 2013, une bloggeuse, Klaire, a publié un test de ce moteur de recherche, pour
télécharger légalement des séries72. Le test des 20 plates-formes s’est révélé peu concluant, après
une dépense de 20,23€, aucune des offres labélisées n’a permis de télécharger des séries, certains
résultats de la recherche ne correspondaient pas à la requête initiale et plusieurs sites n’étaient
plus fonctionnels. L’utilité limitée du label PUR renforce la méfiance du public pour les offres
légales ce qui entraîne une perte de confiance dans les industries culturelles.
La concurrence de l’offre illégale est soulignée par le rapport Lescure73. Elle est décrite
comme étant exhaustive, pratique car dénuée de DRMs (Digital Rights Management, une
protection numérique) et dans des formats interopérables et souvent de meilleure qualité, la HD
étant répandue. Elle est surtout majoritairement gratuite, mais certains consommateurs payent
des abonnements à des plates-formes de streaming ou des cyberlockers pour des accès premium. Les
usagers souhaitent retrouver ces qualités dans l’offre légale.
L’étude menée par l’institut Ifop74 pour l’Hadopi identifie cinq critères déterminants dans
le choix d’une offre illicite face à une offre légale (pour tous types de biens culturels) : prix trop
élevés (75%), manque de choix (57%), habitudes ancrées (46%), restrictions des usages (39%)
avec les DRMs (22%), contraintes relatives au mode de paiement (32%).
3.1.1. De nouvelles habitudes de consommation
Aux États-Unis, l’institut Nielsen a mené une enquête75 sur les cinq millions de foyers qui
ne reçoivent plus la télévision. Il faut noter que 75% de ces foyers sont tout de même équipés
d’au moins un poste de télévision. 67% d’entre eux reçoivent la télévision sur d’autres écrans, en
majorité par ordinateur dans 37% des cas. 48% de ces foyers consomment des contenus
télévisuels dans le cadre d’un abonnement. Ces foyers sont à 44,4% composés de personnes âgées
de moins de 35 ans. L’enquête relève que le coût prohibitif (36%) et un manque d’intérêt (31%)
sont les principales raisons qui conduisent à la fin de la réception de la télévision. Il faut rappeler
qu’aux États-Unis, 90,4% des foyers reçoivent les chaînes payantes76. En six ans, le nombre de
ces foyers a plus que doublé ce qui révèle une tendance liée aux nouvelles pratiques de
consommation de la télévision.
71 http://www.pur.fr/ 72 http://www.klaire.fr/2013/06/10/ivre-hadopi-adopte-le-label-pur-foutage-de-gueule/ 73 Rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle » menée par Pierre Lescure – Mai 2013. 74 Biens culturels et usages d'Internet : pratiques et perceptions des internautes français. Ifop – Janvier 2013. 75 Cross Platform Report - Nielsen - 4ème trimestre 2012 76 Cross Platform Report - Nielsen - 3ème trimestre 2011.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
50
La France est touchée par un phénomène similaire concernant la réception des séries
télévisées uniquement. Pour les internautes, il devient « impossible d’attendre des mois » qu’une
saison soit diffusée à la télévision française pour la regarder sachant qu’elle est disponible
« instantanément […] dans des conditions idéales » (Delcambre & Piquard, 2013). La télévision
n’est plus « le medium principal en matière de consommation de séries » (Combes, 2011). Les
personnes interrogées regardent des contenus « délinéarisés » et sont ainsi « affranchis des
contraintes de la télévision ». Le public suit le déplacement rhétorique opéré par les industries
culturelles, le « contenu » prenant le pas sur le « programme » (Caldwell, 2004). Les
téléspectateurs sont « libérés de la logique de flux et de […] grille prédéfinie (agenda, horaires,
publicités, etc.), le téléspectateur peut suivre plus encore selon son rythme et ses envies du
moment » (Combes, 2011). La diffusion télévisée requiert une « assiduité du téléspectateur » alors
que le téléchargement permet d’avoir son « propre rythme de visionnage » (Gil & Renard, 2008).
Le mode de consommation varie selon les téléspectateurs. Gil et Renard relèvent deux
types de comportement, deux attitudes face à une série disponible en intégralité. Certains
reproduisent « le rituel de la télévision » en se limitant à un ou deux épisodes quand d’autres « en
enchaînent plusieurs d’affilée ». De nouvelles pratiques se créent comme le « marathon » qui
consiste à regarder sans limite de temps et sans pause entre les saisons une série intégrale. La série
passe d’un « produit de flux […] à un produit de stock » (Gil & Renard, 2008). Pour les séries en
cours de diffusion « l’approvisionnement est régulé et le mode de consommation redevient assez
proche de celui de la télévision » (Gil & Renard, 2008), les internautes subissent alors une partie
des contraintes de programmation des diffuseurs américains (déprogrammation ou changement
de jour de diffusion, pas de diffusion d’inédits pendant les jours fériés, pause à la mi-saison,
semaines de rediffusion outre-Atlantique, etc.).
La pratique communautaire en ligne demande une assiduité pour ne pas être en « marge
de la communauté » pour ne pas prendre le « risque de se faire spoiler » (Delcambre & Piquard,
2013). Le spoiler est un danger bien connu des sériphiles, surtout pour ceux qui prolongent le
visionnage en ligne, à travers des articles ou des forums, et se voient dévoiler la suite de l’intrigue
d’une série. Les sites spécialisés (Allociné, blogs, etc.) publient des informations en parallèle de la
diffusion américaine, et pour ceux qui ne seraient pas à jour de cette diffusion, il devient difficile
d’échapper à des informations pouvant gâcher le plaisir de découvrir l’intrigue sur son écran.
Ainsi, les téléspectateurs suivant les diffusions à la télévision française, qui plus est sur des chaînes
gratuites, accroissent leur risque de se faire spoiler. Afin de se prémunir contre ce phénomène,
certains modèrent leur fréquentation de ces sites dédiés (Combes, 2011). Les sites français
balisent les articles révélant la suite de l’intrigue si la série n’a pas encore été diffusée en France.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
51
Toutefois, les sources d’information anglo-saxonnes sont moins vigilantes, comme l’épisode a été
diffusé sur le territoire.
La communauté est organisée pour diminuer le risque en masquant les spoilers des forums
qui peuvent être affichés à l’aide d’un bouton ou en indiquant clairement les sujets où il faut être
à jour de la diffusion. Sur les sites de fansub, avant la publication du sous-titre, il est souvent
demandé de donner seulement son avis général ou de baliser son message si on veut entrer dans
les détails du dernier épisode en date. Cette politique est utile pour permettre au plus grand
nombre de profiter de l'épisode sans se faire spoiler.
Ces nouvelles habitudes de consommation sont renforcées par les nouveaux leviers de
prescription. Les internautes s’affranchissent d’une partie de la chaîne de valeur traditionnelle de
prescription en entonnoir (production > agrégation > distribution > diffusion > consommation)
pour passer à l’économie numérique (Paris, 2008). L’agrégation est contournée par les
consommateurs qui font leur choix dans une offre illégale quasi illimitée.
3.1.2. Une offre limitée à un prix prohibitif
Le choix offert par l’offre légale de biens culturels est trop limité pour 28% des personnes
interrogées et 20% des consommateurs de séries télévisées. 16% des personnes interrogées ont
des difficultés pour trouver les œuvres qu’ils recherchent77. Le public est en attente d’un site
fonctionnel et polyvalent à un tarif abordable regroupant toute l’offre légale78 à l’instar Netflix ou
Hulu pour les films et séries, plates-formes déjà utilisées par certains internautes français
(Delcambre & Piquard, 2013).
L’économie numérique permet de proposer aux consommateurs un hyperchoix. Le
stockage ne pose pas de problèmes logistiques comme dans l’économie physique. Même si
certains produits se vendent peu, ils sont toujours rentables car leur coût d’hébergement est très
faible et baisse d’autant plus que l’offre s’étend. C’est la théorie de la longue traîne de Chris
Anderson (2004, 2006). Pour lui, l’offre doit donc être la plus large possible et cela profite au
distributeur et au consommateur. Tout doit être disponible comme c’est le cas pour l’offre
illégale.
Concernant les prix, Anderson préconise de les réduire. Il prend pour exemple l’industrie
de la musique et la norme instaurée par Apple du titre facturé 0,99$. Cette politique de prix a eu
pour effet de relancer le marché du single, le public n’achetant qu’un titre ou deux d’un album.
De plus, à 0,99$ par titre, sans frais de manutention, de logistique ou de distribution, la marge
77 Biens culturels et usages d'Internet : pratiques et perceptions des internautes français. Ifop – Janvier 2013. 78 Perceptions et pratiques de consommation des "Digital Natives" en matière de biens culturels dématérialisés. CSA – Janvier 2013.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
52
bénéficiaire est importante pour la maison de disque mais n’incite pas le consommateur à l’acte
d’achat. Anderson recommande dans ce cas une baisse de 35% du prix afin de laisser une marge
de manœuvre pour des offres promotionnelles. Ainsi, les distributeurs ayant adoptés des prix plus
bas que cette norme ont eu tendance à augmenter leurs ventes et leurs profits.
Anderson souligne l’importance de la recommandation. Les consommateurs sont attirés
par des biens tous publics par lesquels la plate-forme va recommander d’autres biens parfois
moins mainstream pour en arriver à des biens de niche. Les consommateurs sont ainsi dirigés sur la
plate-forme qui maîtrise son flux. Sur Netflix79 en 2004, 60% des locations de DVD sont initiées
par la recommandation.
3.1.3. La S-VOD aux États-Unis, un exemple à suivre ?
À présent, l’activité majoritaire de Netflix est la S-VOD en streaming pour des séries et des
films pour 7,99$ /mois. Le service est leader du marché et utilisé par 37 millions d’abonnés dans
40 pays80.
Aux États-Unis, deux autres plates-formes de S-VOD proposent des services similaires81.
Hulu qui a pour particularité d’être également une plate-forme de centralisation de la télévision de
rattrapage américaine. Hulu est accessible gratuitement, le modèle de financement est basé sur la
publicité qui interrompt régulièrement les vidéos. Hulu a également un accès premium, Hulu Plus,
offrant l’accès à tous les contenus de la plate-forme, le service est facturé au même prix que
Netflix, 7,99$/mois. Hulu est une entreprise commune entre les majors des médias NBC
Universal (NBC), Disney (ABC) et News Corporation (FOX).
Le magasin en ligne de biens culturels Amazon a également sa plate-forme de S-VOD,
Amazon Prime Instant Video. Le site propose une T-VOD depuis plusieurs années et son
activité première est la vente physique de biens culturels dans un premier temps, qui s’est par la
suite diversifiée vers d’autres types de biens. Amazon facture l’accès à son service Prime Instant
Video 79$ /an qui amène également des avantages sur les achats de biens physiques (frais de port
offerts, un e-book gratuit/mois, etc.).
Ces trois plates-formes sont les principaux acteurs du marché de la S-VOD aux États-
Unis associées à iTunes leader incontesté de l’EST82. Ces acteurs ont pour point en commun de
proposer une offre de biens large permettant aux américains de regarder des séries danoises ou
des films français en écoutant un album de musique coréenne (sur Amazon et iTunes
uniquement). La progression de ces offres entraine la tendance à la baisse de la réception de la
79 Netflix a commencé son activité par la location de DVD par correspondance. 80 https://signup.netflix.com/MediaCenter/Overview 81 http://www.makeuseof.com/tag/hulu-plus-vs-itunes-vs-netflix-vs-amazon-instant-video-which-is-best/ 82 The NPD Group, VideoWatch Digital.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
53
télévision83, ces plates-formes offrant des alternatives légales viables. Elles se substituent parfois
aux chaînes de télévision en programmant des séries étrangères inédites que les chaînes n’auraient
pas diffusées. Cette offre qui pallie à la politique d’acquisitions des chaînes en France fait partie
des griefs des consommateurs de séries à l’encontre des chaînes relevés par le Rapport Lescure84.
Les utilisateurs de Netflix consomment à 47% des films uniquement, à 34% des films et
des séries et à 19% uniquement des séries. Sur Hulu, le rapport de force est inversé, les
utilisateurs regardent à 66% des séries, à 23% des films et des séries et 11% de films85. Hulu est
une plate-forme reprenant en partie l’offre télévisée, ce qui explique en partie la domination des
séries sur les films. Netflix qui a une offre plus large mais également plus ancienne. Par exemple
les séries ne sont disponibles qu’à l’issue de la diffusion complète de la saison. Par ailleurs,
certains titres récents ne sont disponibles qu’en location d’un support physique86.
Netflix officie plus comme une médiathèque permettant d’accéder intégralement à
certains contenus pour regarder des séries dont on aurait manqué la diffusion télévisée ou
découvrir des fictions étrangères. L’offre d’Amazon Prime Instant Video est moins fournie pour
le moment que Netflix mais permet, via la T-VOD, d’acheter des contenus récents en
supplément de l’abonnement S-VOD. Chacune des plates-formes a des contrats d’exclusivité
avec les studios, les catalogues sont pléthoriques mais limités par l’agrégation qui restreint l’accès
à toute l’offre sans cumul de plusieurs abonnements ou en complétant par de la T-VOD à l’unité.
Ces plates-formes sont disponibles sur internet, en OTT (Over The Top) sur les téléviseurs
connectés et les appareils connectés (consoles de jeu, tablettes, smartphones). Les utilisateurs
regardent leurs contenus principalement sur ordinateur (81% pour Hulu et 48% pour Netflix).
Les utilisateurs de Neflix ont une consommation diversifiée en OTT (28% pour la Wii, 13% sur
Xbox Live, etc.)87.
3.1.4. Essayez avant d’acheter !
Avec le téléchargement et le streaming illicites, les consommateurs peuvent tester autant de
séries qu’ils le souhaitent avant de choisir de s’investir dans la série et la regarder intégralement.
Arrêter une série en cours de saison n’a aucune incidence autre que le temps passé à regarder les
épisodes. Pour 29 % des personnes interrogées88, l’impossibilité de tester un bien culturel est un
frein à la consommation de biens culturels dans une offre légale, et limite la portée de la
recommandation.
83 Cross Platform Report - Nielsen - 4ème trimestre 2012 84
Rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle » menée par Pierre Lescure – Mai 2013. 85 Cross Platform Report - Nielsen - 2ème trimestre 2012 86
http://www.makeuseof.com/tag/hulu-plus-vs-itunes-vs-netflix-vs-amazon-instant-video-which-is-best/ 87 Ibid. 88
Biens culturels et usages d'Internet : pratiques et perceptions des internautes français. Ifop – Janvier 2013.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
54
Sur les biens dématérialisés, le sampling, le test d’un produit avant achat, a un impact
significatif sur les ventes et la popularité des artistes (Gordah, Le Texier & Niang, 2012). Les
consommateurs sont satisfaits par leur achat et tendent à consommer plus. Au Royaume-Uni,
Blinkbox, le service de streaming de la chaîne de grande distribution Tesco, a testé du 21 juillet au
19 août 2013, un service « try before you buy » (« essayez avant d’acheter ») pour les séries
américaines89. La plate-forme propose des séries récentes (Arrow (CW), True Blood (HBO)) et plus
anciennes (The Wire (HBO), The West Wing (NBC)). Les consommateurs peuvent regarder les
premiers épisodes d’autant de séries qu’ils le souhaitent. Le PDG de Blinkbox a déclaré que « la
vie est trop courte pour regarder [des séries] qu’on n’apprécie pas vraiment »90. Le groupe n’a pas
encore dévoilé l’impact de ce test sur les ventes mais l’expérience peut inspirer les plates-formes
légales françaises pour attirer plus de public.
De même, le modèle d’Hulu avec un système gratuit et premium permet aux
consommateurs de tester la plate-forme avant de prendre un abonnement.
3.1.5. Fin des DRMs, une expérience dans l’édition d’E-Books
L’éditeur britannique de livres, Tor, a supprimé les DRMs de ses E-Books en avril 2012
pour répondre à une demande des consommateurs et de certains de ses auteurs. Ce problème est
« complexe et controversé » car les verrous numériques pénalisent les consommateurs plus qu’ils
ne ralentissent le piratage (Crisp, 2013). Dans le milieu des E-Books, les DRMs empêchent
l’interopérabilité du produit acheté légalement, si le consommateur change de liseuse, il ne peut
pas transférer les biens présents sur un autre appareil. L’éditeur Tor est spécialisé dans la science-
fiction et dans la fantasy. Son public est technophile et vient à changer régulièrement de matériel
ce qui le rend particulièrement touché par le problème d’interopérabilité. Il faut souligner que les
standards DRMs sont incompatibles entre eux ce qui peut « freiner le développement des plates-
formes de téléchargement légal » (Geffroy, 2006) en créant de la frustration chez les
consommateurs. Pour ces derniers, ce sont ces verrous qui peuvent les inciter à se tourner vers
des plates-formes illégales plus compatibles ou chercher à les contourner (Geffroy, 2006).
L’offre de séries en « WEB-DL » est un exemple de ce contournement des DRMs. Les
fichiers sont achetés légalement sur l’iTunes store américain où tous les épisodes diffusés sur les
networks et le basic cable sont disponibles après la diffusion. Les DRMs sont retirés pour permettre
la mise en ligne de ces versions de meilleure qualité que celles extraites du flux télévisé.
Concernant l’expérience de Tor, il n’y a pas eu d’augmentation du piratage de leurs titres
suite au retrait des DRMs, l’éditeur poursuit donc cette politique. Les consommateurs et les
89
http://www.digitalspy.co.uk/tv/news/a501011/blinkbox-launches-try-before-you-buy-service-with-us-tv-shows.html
90 Ibid.
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
55
auteurs, principales victimes du piratage, saluent et apprécient cette initiative qui libère les
utilisateurs du monopole créé par les éditeurs de DRMs (Crisp, 2013).
3.1.6. L’exemple de l’animation japonaise (Pépin, 2013)
Les éditeurs français d’animation japonaise se sont adaptés à la concurrence du piratage
qui s’est installée pour pallier à une offre légale presque inexistante pendant des années. À
présent, les éditeurs annoncent l’acquisition d’une licence avant même la diffusion japonaise pour
informer les internautes de la sortie prochaine d’une simulcast, une diffusion simultanée à la
diffusion japonaise sous-titrée en français. Le fansubbing est une activité présente également dans
l’animation japonaise et qui s’avère d’autant plus nécessaire que la part de nipponophones est
relativement faible.
La simulcast existe depuis 2008 mais l’offre légale est installée depuis 2009 avec les sites de
VOD Kazé, Wakanim et Dybex. L’éditeur Dybex diffuse en F-VOD avec un financement par la
publicité dans le but de promouvoir les ventes physiques par la suite. Les délais sont de 4 à 5
jours après la diffusion au Japon, car le distributeur ne dispose pas des épisodes avant la
diffusion. Le président de Dybex estime que le milieu de l’animé est trop segmentant pour trouver
des annonceurs autres que spécialisés dans l’animation japonaise. La page Dailymotion91 de l’éditeur
recense près de 26 millions de vues. L’éditeur Wakanim propose, quant à lui, les épisodes
gratuitement en streaming et en simulcast pendant 30 jours puis un téléchargement payant EST sans
DRMs. L’éditeur réunit 35 000 personnes en moyenne par épisode pour les séries grand public et
15 000 pour les productions de niche. Près de 4% des consommateurs qui ont regardé l’épisode
gratuitement l’achètent ensuite. L’éditeur va proposer une formule d’abonnement S-VOD.
Wakanim reste en contact direct avec la communauté des fans d’animation japonaise et des
fansubbers, sur internet ou à des manifestations comme la Japan Expo. Grâce à un autre modèle de
financement, ces éditeurs ont réussi à faire reculer le piratage des séries qu’ils distribuent.
91 http://www.dailymotion.com/dybex
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
56
3.2. Quand les acteurs d’internet conçoivent leur propres séries
Les trois plates-formes leaders de S-VOD aux États-Unis que sont Netflix, Hulu et
Amazon produisent des contenus originaux pour leurs abonnés.
Hulu a lancé sa première production Fake It Till You Make It en 2010. Mise en ligne à un
rythme hebdomadaire, cette fiction originale est une websérie de 10 épisodes d’un format de cinq
minutes. Elle est écrite et produite par Jaleel White qui a incarné le personnage mythique de Steve
Urkel dans Family Matters (ABC). Sa qualité de production destinée au web ne peut pas faire de
cette fiction un produit d’appel pour attirer de nouveaux abonnés et promouvoir la plate-forme.
De son côté, Netflix a lancé le 1er février 2013 une fiction de prestige, House of Cards, avec
Kevin Spacey dans le rôle principal et David Fincher à la production et la réalisation des deux
premiers épisodes de cette adaptation d’une série britannique des années 90. D’un format de 50
minutes équivalent aux fictions du câble américain, House of Cards a bénéficié d’un budget
équivalent à celui des séries blockbusters (Spanger, 2013) afin d’attirer de nouveaux abonnés sur la
plate-forme. House of Cards est reconnue comme étant une série à part entière, même si elle n’a
pas été créée pour la télévision. Preuve en est, la série est nominée neuf fois aux 65ème Primetime
Emmy Awards et concourt dans la catégorie de la meilleure série dramatique de l’année face à des
séries prestigieuses telles que Mad Men (AMC), Homeland (Showtime), Game of Thrones (HBO),
Downton Abbey (PBS) ou Breaking Bad (AMC). Netflix a mis en ligne les 13 épisodes de la première
saison en une fois dans tous les pays où il est disponible. Cette pratique nouvelle consiste à
mettre à disposition une offre de stock au public et le laisser choisir son mode de consommation.
La narration de la série est adaptée à cette pratique, aucun cliffhanger92 à la fin des épisodes, les
scènes clés étant disséminées au sein des épisodes. La saison 1 de House of Cards est diffusée sur
Canal + à partir du 29 août 2013 à raison de trois épisodes par soirée, ramenant cette fiction
produite pour internet à un mode de diffusion télévisé restrictif.
Le cas d’Arrested Development est un peu différent, c’est une « semi-original » série. Netflix a
ressuscité la sitcom diffusée sur la FOX entre 2003 et 2006 en proposant une quatrième saison de
la série. En passant sur Netflix, les épisodes ont été rallongés de 10 minutes (plus de coupures
publicitaires) ; diffusés en une seule fois ; le budget ayant été considérablement réduit sans
négliger la qualité de production mais les acteurs ont revu leurs salaires à la baisse et les épisodes
sont centrés sur un personnage pour limiter la masse salariale93 ; la narration reste proche du
format télévisuel avec toutefois un feuilletonnant plus important que lors des trois premières
saisons sur FOX où il est quasi inexistant.
92 Scène finale qui amène un suspense inattendu pour stimuler (parfois artificiellement) l’envie du téléspectateur
de voir la suite. 93
http://www.hollywoodreporter.com/live-feed/arrested-development-stars-surprising-salaries-526530#
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
57
Toutefois, Netflix n’est pas le producteur de ses séries, seulement le diffuseur sur les
territoires où il est présent. Le mode de financement est différent de celui d’une chaîne comme
HBO avec un modèle dit « de studio » où la chaîne risque de perdre de l’argent en cas d’échec
(Spangler, 2013) ce qui n’est pas le cas de Netflix qui limite les risques mais ne bénéficie pas des
revenus générés par ses séries originales. Les chaînes du câble premium comme HBO diffusent
quasi systématiquement les saisons entières de leurs productions originales qui sont souvent
produites intégralement en amont de la diffusion. Sur les networks, la production ne précède que
de quelques semaines la diffusion et les annulations sont très fréquentes en cours de diffusion
afin de maintenir des audiences satisfaisantes pour les annonceurs94. Le mode de production sur
le Basic Cable est variable selon les chaînes, les studios et les séries.
Netflix diffuse des productions originales de qualité, semblables à celles de HBO, chaîne à
laquelle le PDG aime se comparer (Spangler, 2013). En août 2013, la plate-forme a déjà lancé
quatre séries originales et a annoncé de futurs lancements.
Avec Arrested Development, Netflix permet à des séries annulées sur des chaînes de
télévision d’avoir une seconde vie sur internet. Hulu a fait de même avec les soaps d’ABC On ne vit
qu'une fois (One Life to Live) et La Force du destin (All my Children) annulés après respectivement 43 et
41 ans de diffusion. La plate-forme a commencé la diffusion de ces deux sopas le 29 avril 2013
tout d’abord à un rythme quotidien simulant une diffusion télévisée. Les internautes n’étant pas
assidus comme des téléspectateurs, Hulu a dû revoir sa programmation et mettre en ligne les
épisodes en duo, deux fois par semaine, en alternant les deux titres. Après quelques semaines,
Hulu a encore changé sa programmation et mis en ligne tous les épisodes de la semaine chaque
lundi. Ces deux soaps, comme avec Netflix, ne sont pas produites par Hulu mais par The Online
Network qui a vendu les droits de diffusion à la chaîne du câble OWN (Oprah Winfrey Network)
pour une diffusion estivale télévisée.
Amazon Prime Instant Video n’est pas en reste avec une initiative originale, la pilot season.
Au printemps 2013, Amazon a mis en ligne à destination de ses abonnés 14 pilotes95, huit
comédies et six programmes jeunesse96. À la manière des produits que le site vend, les abonnés
évaluent les épisodes qu’ils ont vus. Les séries qui sont les mieux notées sont commandées pour
une saison complète. Cette initiative est similaire au crowdfunding, où les consommateurs sont mis à
contribution pour faire partie de la chaîne de valeur. Dans ce cas, les consommateurs apportent
un nouveau degré de prescription. Toutefois, cette participation du consommateur dans le choix
des programmes a pénalisé une des séries, Zombieland, adaptation télévisée du film éponyme sorti
94 Étude du CSA sur la Production de Fiction aux États-Unis – Commission de réflexion sur l’évolution des
programmes – Juillet 2012. 95 Premier épisode d’une série. 96 http://www.deadline.com/2013/04/amazon-studios-puts-its-14-pilots-online/
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
58
en 2009. En effet, les consommateurs ont pénalisé l’adaptation d’une marque qu’ils connaissent
au préalable car jugée trop éloignée du film original97. Au terme de cette pilot season, Amazon a
sélectionné deux comédies et trois programmes jeunesse qui seront disponibles prochainement98.
Nous pouvons noter la présence de John Goodman, acteur maintes fois récompensé dans sa
carrière, au casting d’Alpha House. Tout comme Netflix, Amazon Prime Instant Video cherche à
attirer de nouveaux abonnés avec des fictions originales de prestige mais qui sont cette fois-ci,
choisies en collaboration avec les consommateurs.
97http://www.theatlanticwire.com/entertainment/2013/05/amazons-open-pilot-season-flip-side-
kickstarter/65348/ 98 http://www.amazon.com/gp/feature.html?ie=UTF8&docId=1001155581
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
59
Conclusion
La consommation des séries américaines à la télévision réalise toujours de bonnes
audiences mais leur présence importante sature les grilles de programmes. Les grandes chaînes
commerciales prescrivent des séries pour un public de masse comme décrit dans les travaux de
Bourdieu et Adorno. Le public de ce modèle est vieillissant et appartient à une génération qui
n’appartiendra bientôt plus à la cible commerciale de ces chaînes.
Les personnes âgées de moins de 35 ans, rompues à la consommation de séries en ligne,
s’affranchissent du modèle audiovisuel, leur choix de séries étant plus varié, entre des séries grand
public et des séries plus exigeantes, sans se préoccuper des droits de diffusion sur le territoire
français. En effet, les classements des séries les plus téléchargées (Annexe n°3) évoluent passant
d’une suprématie des séries grand public à un choix plus varié orienté vers la série de qualité.
Cette tendance s’explique par les nouvelles formes de prescription, les internautes étant
responsables de leur propre programmation en s’appuyant sur les recommandations et les
prescriptions de la communauté, des bloggeurs ou médias spécialisés informant sur l’actualité en
temps réel par rapport la diffusion américaine et non de la diffusion sur les chaînes françaises.
Ce public de séries télévisées, avec ses nouvelles habitudes de consommation acquises sur
des plates-formes illégales, est à la recherche d’une plate-forme légale pour consommer ses
contenus en ligne. Les expériences issues de l’animation japonaise et de la S-VOD (pour la
musique ou les vidéos) montrent que le public peut passer vers d’un modèle de consommation
licite et payant permettant la rémunération des ayants-droits.
Toutefois, les internautes habitués à la consommation en ligne de séries, affranchie des
contraintes de la diffusion télévisée, reviendront difficilement à celle-ci. Le modèle audiovisuel
doit cohabiter avec les nouvelles formes de consommation (Paris, 2008). Les deux modèles sont
complémentaires et ne répondent pas aux mêmes modes de consommation. Cependant, la part
importante de consommateurs affranchis de la diffusion télévisée tend à progresser comme le
révèle la tendance de l’arrêt de la réception de la télévision aux États-Unis99 chez les moins de 35
ans. Les chaînes perdent des téléspectateurs potentiels qui représenteront, demain, la cible phare
des annonceurs.
Le modèle traditionnel de la télévision et les acteurs économiques de la culture doivent
proposer des offres différenciantes (Paris, 2008) pour garder le contact avec le public et les
générations futures.
99 Cross Platform Report - Nielsen - 4ème trimestre 2012
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
60
Références
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Étude du CSA sur la fiction sur les chaînes nationales gratuites - Chiffres-clés 2005-2010 – Juillet
2011
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
63
Tableaux et Figures
Organisation des principales chaînes américaines (sans leurs déclinaisons)
Séries les plus regardées live par les 18-49 pour la saison 2012/2013 (Source : Nielsen)
Séries les plus regardées live par les 2 ans et + pour la saison 2012/2013 (Source : Nielsen)
Organisation des principales chaînes françaises
Audience Les Samedis Fantastiques 1996/1997 – Source : Médiamétrie – PDA M6 1996 : 11.9%
Audiences 1, 2, 3 Séries été 1997 – Source : Médiamétrie – PDA TF1 1997 : 35%
Audiences La Trilogie du Samedi 1997/1998 (18 premières semaines) – Source : Médiamétrie
Audiences FBI : Portés Disparus et Cold Case : Affaires Classées – Source : Médiamétrie
Audiences séries prime-time TF1 (hors Les Experts) – Saison 2012/2013 – Source : Médiamétrie
Offre de séries américaines par chaîne en nombre de soirées en 2010 et 2011 – Source : CSA
Audiences Les Experts : Las Vegas (CBS) sur TF1 entre 2010 et 2013 – Source : Médiamétrie
Audiences Dexter (Showtime) sur TF1 et Canal + – Source : Médiamétrie
Audiences Breaking Bad (AMC) sur Arte – Source : Médiamétrie – PDA Arte 2012 : 1,8%
Audience soirée sitcom 25/06/1997 – France 2 – Source : Médiamétrie – PDA France 2 1997 : 23,7%
Taux équipement des ménages – Source : INSEE
Taux d’équipement des foyers français – Source : Médiamétrie/Gfk
Consommation de biens culturels en ligne selon le coût de la consommation (gratuit ou payant) – Source : étude Ifop pour l’Hadopi
Capture d'un tracker privé de torrents spécialisé dans les séries
Capture du même tracker privé pour une série originale de Canal +, Les Revenants
Capture du site centralisant les sous-titres
Capture du logiciel VSS
Extrait de Comparo
Capture d’écran du sous-titre de l’épisode 1 de la saison 6 de True Blood
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
64
Classement des séries les plus visionnées sur Dpstream du 12 au 18 août 2013
Mode de consommation de la VOD payante – Source : CNC – Publixiné – Harris Interactive
Ventes EST à l’unité aux Etats-Unis en 2012 - Source: The NPD Group, Videowatch digital
Consommation en VOD selon le genre en France en 2012 – Source : Gfk, NPA Conseil
Niveau de satisfaction de l'offre légale pour les séries TV - Source : Harrisinteractive
Niveau de satisfaction de l'offre légale en ligne - Source : harrisinteractive
Séries américaines : le nouveau rapport de force entre télévision et internet Myriam Louzani
65
Annexes
Annexes Myriam Louzani
66
Annexe n°1 : Grille de prime-time sur les networks américains à la rentrée 2013 (en gris les cases de programmation locale)
Annexes Myriam Louzani
67
Annexe n°2 : Extrait du Rapport du Département Recherche Études et Veille de l’Hadopi sur l’accès aux œuvres sur Internet – CSA – Juillet 2013
Serveur FTP Cloud
L’utilisation d’un serveur FTP/ Cloud permet à un utilisateur de mettre des contenus à la
disposition des autres. Les contenus proposés sont stockés sur le serveur (ou sur les serveurs
composant le cloud). L’administrateur dépose des œuvres sur le serveur et en détermine les droits
d’accès (qui peut télécharger le contenu). Les utilisateurs qui souhaitent accéder au serveur
doivent, le cas échéant, disposer d’un client FTP et de codes d’accès et/ou de certificats autorisés
(notamment dans le cas du SFTP). L’administrateur peut aussi autoriser le dépôt d’œuvres sur le
serveur par d’autres utilisateurs. En général, l’administrateur du serveur n’est pas rémunéré. S’il
fait héberger son serveur, l’hébergeur peut être rémunéré, surtout si l’administrateur souhaite
disposer d’un espace de stockage conséquent.
17% des consommateurs de musique, films ou séries TV dématérialisés déclarant des
usages illégaux disent avoir déjà mis un bien (musique, films, séries) à la disposition d’autres
internautes sur un tel espace de stockage de type cloud ou un site de transfert et 78% d’entre eux
connaissent cette méthode de partage.
Réseau P2P
L’utilisation d’un protocole P2P permet l’échange de fichiers entre utilisateurs. Les
contenus proposés se trouvent répartis sur les ordinateurs d’un ou plusieurs utilisateurs. Il peut
impliquer ou non des intermédiaires et concerner un nombre variable d’utilisateurs. Les
utilisateurs doivent installer un logiciel (client) spécifique au protocole P2P qu’ils souhaitent
utiliser. Ces clients peuvent inclure des publiciels (adware) et ainsi contribuer à rémunérer leurs
éditeurs.
- Utilisation d’un protocole P2P type BitTorrent : La recherche de contenus se fait par
l’intermédiaire de sites de référencement de fichiers .torrent (ex : The Pirate Bay, ISOHunt etc.). A
priori les utilisateurs ne se connaissent pas entre eux. La mise en relation (« quels sont les
utilisateurs qui partagent le contenu recherché ? ») est réalisée par l’intermédiaire de serveurs
appelés « trackers ». Ceux-ci peuvent être publics (ouverts à tous) ou bien privés (communauté
restreinte, avec des règles d’utilisation). Des systèmes entièrement distribués (basés sur des
DHT2) apparaissent également. Des intermédiaires peuvent toucher une rémunération. Il s’agit
notamment des sites référençant les fichiers .torrent et des trackers via de la publicité, de la
souscription d’abonnements ou encore de l’achat de ratio upload/download.
Annexes Myriam Louzani
68
- Utilisation d’un protocole P2P autre que type BitTorrent (ex : eD2k, Kademlia) : La
recherche de contenus et la mise en relation entre utilisateurs (qui, a priori ne se connaissent pas)
nécessitent souvent la présence de serveurs centraux ou de « super nœuds ». Certains protocoles,
tels que Kademlia, utilisent des DHT pour la recherche et la mise en relation et ne nécessitent
aucun point central. Les sites permettant le téléchargement du client peuvent présenter de la
publicité
ou encore vendre des goodies («emule » par exemple).
- Le friend to friend (F2F) : Le F2F (friend to friend / ami à ami) est un système P2P
dans lequel uniquement des utilisateurs qui se connaissent ou se font confiance se connectent
entre eux. Toutefois le nombre d’amis n’est pas restreint et la propagation des contenus d’un
cercle d’amis à un autre reste possible (« anonymous forwarding »).
25% des consommateurs de musique, films ou séries TV dématérialisés déclarant des
usages illégaux disent avoir déjà mis un bien culturel à la disposition d'autres internautes via un
réseau de Pair à Pair ou de Torrent, et 84% connaissent cette méthode de partage.
17% des consommateurs de musique, de films ou de séries dématérialisés déclarent
utiliser les réseaux pair-à-pair au moins une fois par semaine, ils sont 5% à le faire tous les jours
ou presque. En termes de proportion, il est à noter que selon Comscore, nous constatons une
utilisation de BitTorrent 10 fois supérieure à celle des autres réseaux.
Un service de d’email peut permettre l’envoi de contenus. L’utilisateur envoie ou génère
un email :
- Il ajoute en pièce-jointe d’un email un ou plusieurs fichiers (légers) et envoie le message
à une ou plusieurs personnes. Si des utilisateurs utilisent des « webmail », des revenus publicitaires
peuvent être générés par cette activité.
- Il utilise un service spécifique pour l’envoi de fichiers lourds (ex : wetransfer). Ces services
comportent généralement une interface web qui se chargera d’envoyer par email un lien vers le
contenu aux destinataires. Dans la réalité, le service stocke temporairement sur ses serveurs les
fichiers envoyés. Ces services peuvent générer des revenus publicitaires, être payants, ou proposer
des services premium payants.
- Il envoie, dans le corps de l’email, un lien vers un contenu hébergé ailleurs (voir FTP,
cyberlocker, etc.). Dans ce cas, l’email a un rôle de recommandation.
Annexes Myriam Louzani
69
16% des consommateurs de musique, films ou séries dématérialisés déclarant des usages
illégaux ont déjà envoyé par email, par SMS ou MMS un lien permettant d'accéder illégalement à
un bien culturel.
Cyberlocker (DDL) et Streaming
L’utilisation de ces services permet à un utilisateur de mettre des contenus à la disposition
des autres. Des œuvres sont déposées par des utilisateurs sur des espaces de stockage distants à
partir desquels d’autres utilisateurs peuvent y accéder, soit en téléchargeant des fichiers, soit en
consultant le contenu en streaming. Les utilisateurs qui déposent des fichiers peuvent utiliser des
services annexes tel que des services de multi-upload et/ou des services de protection de liens.
L’utilisateur qui souhaite consulter une œuvre doit disposer de son lien URL. L’URL mène à la
page de téléchargement chez le cyberlocker, ou de consultation sur un site de streaming. Pour ce
faire, il effectue en général une recherche sur des moteurs de recherche génériques (ex : Google,
Bing) ou sur des annuaires de liens spécifiques (ex : WawaCity) qui lui indiquent où se trouve le
contenu (URL). L’URL peut aussi avoir été indiquée par d’autres utilisateurs (email, réseaux
sociaux).
Les cyberlockers et sites de streaming proposent souvent des formules d’abonnement qui
permettent un accès illimité et débridé (en termes de bande passante) aux contenus qui sont
stockés sur leurs serveurs. D’autres services permettent d’éviter à un utilisateur d’avoir à
s’abonner à plusieurs cyberlockers et d’accéder tout de même de façon illimitée et rapide aux
contenus (« débrideurs »). Certains services proposent la conversion de formats, ce qui permet
par exemple à l’utilisateur d’enregistrer une œuvre diffusée en streaming (« stream ripping » - site
web ou logiciel). Les intermédiaires, qu’il s’agisse de ceux qui référencent les liens, qui hébergent
les contenus, qui convertissent ou qui débrident touchent généralement une rémunération sous
forme d’abonnements ou de publicité.
57% des consommateurs de musique, de films ou de séries ont recours au streaming au
moins une fois par semaine et 32% au téléchargement. Ces pratiques sont significativement plus
fréquentes auprès des consommateurs déclarant des usages illicites : ils sont 28% à avoir recours
au streaming tous les jours ou presque, et 11% dans le cas du téléchargement (contre
respectivement 14% et 4% pour les consommateurs légaux).
23% des consommateurs déclarant des pratiques illicites ont déjà utilisé un débrideur pour
consommer des biens culturels sur Internet. Ils sont 63% à le faire au moins une fois par mois.
Site UGC (User Generated Content)
Annexes Myriam Louzani
70
L’utilisation de ces services à vocation communautaire permet à un utilisateur de mettre
des contenus à la disposition des autres. Ces derniers peuvent se rendre directement sur la plate-
forme et rechercher des contenus via le moteur de recherche intégré de la plate-forme, ou encore
y accéder via les moteurs de recherche. Certains services proposent la conversion de formats, ce
qui permet à l’utilisateur d’enregistrer une œuvre diffusée en streaming (« stream ripping », «
YouTube to MP3 », par exemple, mais aussi des logiciels dédiés). La plate-forme UGC génère un
revenu associé à l’activité en proposant des espaces publicitaires sur son site. Les services de
conversion peuvent afficher des publicités.
Une grande majorité des consommateurs connaissent le « stream ripping » (73% pour la
musique, 64% pour les films ou les séries). 39% l’ont déjà utilisé pour la musique.
En termes d’audience et de consommation de biens culturels, YouTube représente une
part particulièrement significative de l’ensemble des usages listés.
Newsgroup
L’utilisation de ces services permet à un utilisateur de mettre des contenus à la disposition
des autres. Pour pouvoir télécharger des fichiers à partir de Usenet, l'utilisateur doit :
- installer un client Usenet (qui peut contenir ou non des publicités) ;
- souscrire à un fournisseur Usenet (newsgroup service provider), c’est à dire un prestataire qui
maintient des serveurs Usenet (ex : Giganews) ;
- éventuellement, utiliser un moteur de recherche (ex : www.binsearch.info).
L’utilisateur se connecte sur les serveurs du fournisseur Usenet auprès duquel il détient un
compte et télécharge un fichier à partir d’un lien publié sur des sites d’indexation de contenu de
newsgroups, ou en parcourant ces groupes favoris.
L’accès à certains newsgroups peut être payant. Dans cette hypothèse, seuls les détenteurs
d’un compte ont la possibilité d’uploader et de télécharger des fichiers. L’opérateur du newsgroup
peut tirer un profit de l’abonnement de ses utilisateurs. Il peut également mettre à disposition des
annonceurs plusieurs encarts publicitaires.
38% des consommateurs déclarant des usages illicites disent avoir déjà utilisé un lien en
provenance d’un forum ou d’un newsgroup pour accéder de manière illicite à de la musique, des
films ou des séries dématérialisées.
Réseau Social
L’utilisation des réseaux sociaux peut permettre le partage indirect de contenus.
L’utilisateur se connecte sur son profil et consulte une vidéo, publiée par un de ses « amis ». La
Annexes Myriam Louzani
71
vidéo provient en réalité d’une plate-forme de streaming (ex : DailyMotion) qui permet d’exporter
les contenus au travers d’une visionneuse embarquée. Ce procédé permet à l’utilisateur de
consulter la vidéo en streaming sans quitter le réseau social. L’utilisateur peut également partager
un lien vers un contenu qui se trouve sur un cyberlocker ou sur un site de streaming. Selon les
préférences de l’utilisateur qui a partagé le lien, « l’échange » peut concerner l’ensemble de ses «
amis » ou seulement une partie. Le réseau social et les plates-formes concernées (streaming,
cyberlocker) peuvent tirer un revenu de la vente d’espaces publicitaires.
Enfin certains services, principalement de streaming musical, (ex : Deezer) permettent aux
utilisateurs d’échanger gratuitement leurs playlists, comportant des liens vers les titres qu’ils
consomment parmi ceux mis à disposition par la plate-forme. Dans ce cas, la mise à disposition
initiale n’est pas réalisée par un utilisateur mais par les ayants droit, ce qui constitue un cas de
figure différent de ceux traités ici.
29% des consommateurs déclarant des usages illicites ont déjà eu recours à un lien trouvé
sur les réseaux sociaux pour accéder à une œuvre (musique, films, séries TV), de manière illicite.
14% d’entre eux ont déjà publié un lien sur les réseaux sociaux permettant d’accéder de manière
illicite à une œuvre (musique, films, séries TV).
Annexes Myriam Louzani
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Annexe n°3 : Classement des téléchargements illégaux – Source : TorrentFreak
2008 2009
1 Lost ABC 5 730 000 Heroes NBC 6 580 000
2 Heroes NBC 4 400 000 Lost ABC 6 310 000
3 Prison Break FOX 3 840 000 Prison Break FOX 3 450 000
4 Sarah Connor Chronicles FOX 2 240 000 Dexter Showtime 2 780 000
5 Desperate Housewives ABC 1 990 000 House FOX 2 590 000
6 Stargate Atlantis SyFy 1 810 000 24 FOX 2 440 000
7 Dexter Showtime 1 660 000 Desperate Housewives ABC 2 180 000
8 House FOX 1 520 000 Sarah Connor Chronicles FOX 1 960 000
9 Grey's Anatomy ABC 1 380 000 Grey's Anatomy ABC 1 740 000
10 Smallville CW 1 150 000 True Blood HBO 1 600 000
2010 2011
1 Lost ABC 5 940 000 Dexter Showtime 3 620 000
2 Heroes NBC 5 480 000 Game of Thrones HBO 3 400 000
3 Dexter Showtime 3 880 000 The Big Bang Theory CBS 3 090 000
4 The Big Bang Theory CBS 3 270 000 House FOX 2 760 000
5 House FOX 2 610 000 How I Met Your Mother CBS 2 410 000
6 How I Met Your Mother CBS 2 490 000 Glee FOX 2 200 000
7 24 FOX 2 240 000 The Walking Dead AMC 2 060 000
8 True Blood HBO 1 920 000 Terra Nova FOX 1 910 000
9 Glee FOX 1 700 000 True Blood HBO 1 850 000
10 Family Guy FOX 1 620 000 Breaking Bad AMC 1 730 000
2012 Printemps 2013
1 Game of Thrones HBO 4 280 000 Game of Thrones HBO 5 200 000
2 Dexter Showtime 3 850 000 The Big Bang Theory CBS 2 900 000
3 The Big Bang Theory CBS 3 200 000 How I Met Your Mother CBS 2 850 000
4 How I Met Your Mother CBS 2 960 000 The Walking Dead AMC 2 700 000
5 Breaking Bad AMC 2 580 000 Hannibal NBC 2 100 000
6 The Walking Dead AMC 2 550 000 Vikings History 1 900 000
7 Homeland Showtime 2 400 000 Arrow CW 1 850 000
8 House FOX 2 340 000 The Vampire Diairies CW 1 800 000
9 Fringe FOX 2 280 000 Modern Family ABC 1 750 000
10 Revolution NBC 2 130 000 Revenge ABC 1 700 000
Annexes Myriam Louzani
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Annexe n°4 : Offre séries MyTF1VOD
Annexes Myriam Louzani
74
Annexe n°5 : Offre Pass M6VOD
Annexes Myriam Louzani
75
Annexe n°6 : Offre séries P-EST iTunes Store en France
Annexe n°7 : Offre séries T-EST iTunes Store en France
Annexes Myriam Louzani
76
Annexe n°8 : Offre séries US+24 sur OCS
Annexes Myriam Louzani
77
Annexe n°9 : Catalogue séries S-VOD sur OCS
Annexes Myriam Louzani
78
Annexe n°10 : Offre séries gratuites sur Dailymotion