tableaux de bord - qoqa · 2015. 12. 22. · et bracelet en silicone. nixon, 700€. 4. pour...
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GOOD TO KNOW
GOOD HOURS NEWS
1. Adopté par les pilotes de course pour
ses performances, sa fiabilité et sa lisibilité
hors pair, ce chronographe Oyster Perpetual
Cosmograph Daytona, a été créé en 1963,
en hommage au célèbre circuit automobile
américain Daytona. Boîtier en alliage d’or,
lunette monobloc en Cerachrom et bracelet
en cuir. Rolex, 23400 €.
2. Porsche Design relance le légendaire
Chronographe I, première création horlogère
de la marque en 1972, mais également
première montre noire. Le P’6510 Black
Chronograph a été élargi de 6 mm (44 mm).
Mouvement à remontage automatique, boîtier
et bracelet en acier microbillé recouvert
de PVD noir. Edition limitée à 911 exemplaires.
Porsche Design, 5300 €.
3. La marque Nixon s’allie avec le rallye
automobile de 3000 miles à travers les
Etats-Unis, l’Europe et l’Asie, le Gumball 3000,
pour augmenter sa collection «Grand Prix»
d’une montre nommée The Magnacon.
Il s’agit d’un chronographe 6-aiguilles
de fabrication suisse, avec boîtier en acier
et bracelet en silicone. Nixon, 700€.
4. Pour célébrer l’édition 2012 de la légendaire
course italienne Mille Miglia, Chopard a créé
la Mille Miglia GMT Chronographe 2012,
à la lisibilité sans pareille. Les compteurs
de chronographe, à 12 h et à 6 h, inspirés
des tableaux de bord de bolides anciens,
sont surdimensionnés. Edition limitée à 2012
pièces, en acier. Chopard, 4950 €.
5. Le Chronographe Calibre 17 célèbre
le 80e anniversaire de Jack Heuer, l’initiateur
de la fameuse Carrera en hommage
à la course épique Carrera Panamericana,
au Mexique. Boîtier en acier, lunette de 41 mm
de diamètre et bracelet en veau perforé.
Edition limitée. Tag Heuer, 3750 €.
6. Le partenariat conclu entre Jaeger-LeCoultre
et Aston Martin Racing, l’écurie sportive
du constructeur automobile britannique,
célèbre sa septième année avec
l’AMVOX5 World Chronograph LMPI.
Mouvement mécanique à remontage
automatique, boîtier en céramique
et titane et bracelet en veau. Edition limitée
à 250 pièces. Jaeger-LeCoultre, 15900 €.
Tableaux de bord
Par Anne-France Remy
Sur les circuits et les rallyes de légende, ces chronographestrès sportifs et très élégants rivalisent de précision.
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GOOD TO KNOW
TOP GOOD HIGH TECH #1
Petits, mais costauds
1_Nikon 1 V1
Le premier compact
à objectifs interchangeables
de Nikon s’adresse
aux débutants qui veulent
enrichir leur vocabulaire
photo. Les contrôles font
donc la part belle aux aides
à la prise de vue,
comme le mode qui prend
20 images/seconde
et choisit automatiquement
les cinq meilleures.
Too good : Simple et design.
Too bad : Capteur de taille
réduite et pas de flash.
Nikon 1 V1, en kit avec
un objectif 10-30 mm, 799 €.
2_Fujifilm X-Pro1
Ce modèle présente un avantage
sur ses concurrents : il dispose
d’un capteur de qualité
pro au format APS. Le piqué
est donc exceptionnel, même
en basses lumières, et s’aligne
avec les standards des reflex.
Too good : Le look vintage,
la visée optique confortable
et l’ensemble cohérent
formé avec les objectifs
haut de gamme.
Too bad : L’autofocus un brin
capricieux et l’ergonomie pas
forcément évidente au départ.
X-Pro1, boîtier nu, 1599 €.
3_Pentax K-01
Signé du designer Marc Newson,
cet appareil est compatible
avec tous les objectifs Pentax.
Il embarque un capteur APS-C
qui délivre un excellent piqué
et un écran de visée hyperfidèle.
Too good : Le design…
Too bad : Le poids, supérieur
à celui de ses concurrents.
K-01, en kit avec un objectif
18-55 mm, 849 €.
4_Sony Nex-5N
Avec sa série NEX, Sony
s’est imposé comme une acteur
incontournable du secteur.
Le principal intérêt de cet
appareil, c’est son format
et le capteur au format APS-C
de 16 Mpx. De quoi capturer
un maximum de détails sans
que vos images ne soient trop
bruitées. Le mode vidéo
est surprenant de qualité
et de réactivité. Il filme en HD
à 50 images/seconde.
Too good : La vaste
gamme d’optique Sony/Zeiss
est exploitable grâce
à un adaptateur (en option).
Too bad : Des photos
un peu sombres.
NEX-5N, boîtier nu, 600 €.
5_Panasonic Lumix GX-1
Cet appareil bénéficie
de l’expertise de Panasonic
en matière d’appareils compacts.
Malgré son petit gabarit, il produit
des images au piqué précis
et aux couleurs fidèles.
Le design est pensé pour fluidifier
la prise en main et l’interface
est hyperintuitive.
Too good : Le poids plume
et la facilité d’utilisation grâce,
notamment, aux commandes
de zoom placées sur le côté
de l’objectif.
Too bad : L’autofocus qui peine
en basses lumières.
Lumix GX-1, en kit avec
un objectif 14-42 mm, 799 €.
Baptisés hybrides ou compactsà objectifs interchangeables,ces nouveaux appareilscombinent un format de pocheet des optiques de qualité,adaptées à toutes les circonstances.
Par Jean-Christophe Camuset
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GOOD TO KNOW
TOP GOOD HIGHTECH #2
Juste une histoire
de mise au point…
Depuis quelques mois, le petit monde de
la photo est en véritable ébullition. Une
révolution technologique serait en route
dans les laboratoires d’une jeune start-up
californienne. Son nom ? Lytro. A la tête
de ce nouveau venu sur le marché déjà pas-
sablement encombré de la photo
numérique, il y a un homme : Ren Ng.
Cet ancien chercheur en optique, spécia-
lisé dans les champs lumineux et titulaire
d’un doctorat à Stanford, a construit sa
thèse autour d’un postulat (presque) sim-
ple : les rayons lumineux parcourent
l’espace en tous sens et un appareil photo
classique ne capture qu’une partie d’entre
eux lors de la mise au point, « écrasant »
ainsi les perspectives. Les recherches de
Ren Ng ont porté sur la façon de capter
l’ensemble des rayons lumineux d’une
scène lors de la prise de vue.
Au terme de longues phases d’études, il a
élaboré un ingénieux système de prismes
disposés sur le capteur numérique de l’ap-
pareil. Présenté dans la Silicon Valley, le
prototype provoque l’emballement des
venture capitalist firms, dont la star,
Andreessen Horowitz, créée par Marc
Andreessen et Ben Horowitz, investit mas-
sivement dans la structure naissante.
Ren Ng se concentre alors sur la concep-
tion d’un modèle commercialisable à
grande échelle. Le Lytro, premier du nom,
est disponible depuis l’automne dernier
aux Etats-Unis, et nulle part ailleurs pour
le moment. Cet appareil dit plénoptique,
le premier destiné aux particuliers, réserve
bien des surprises… D’abord, son format.
Ce drôle de parallélépipède fait un pied de
nez aux standards du marché. Grâce à son
revêtement de caoutchouc, on l’attrape
facilement et on le tient bien dans le creux
de la main. Pour s’en servir, on vise comme
avec une longue-vue et on ajuste le cadrage
via le petit écran de format carré, dont la
faible définition se révèle vite un handicap
de poids quand on compose sa photo. Nul
risque cependant de se perdre dans les
boutons : le Lytro n’en possède que deux ;
un pour le déclenchement et un autre pour
ajuster le zoom x8.
La magie de la profondeur de champ
C’est sur l’ordinateur que tout se joue
ensuite. Un logiciel maison à l’interface
minimaliste, disponible pour Mac et PC,
se charge de vos clichés. On choisit, grâce
à un simple clic, de faire la mise au point
sur le premier plan ou sur l’arrière-plan.
Comme par magie, la profondeur de
champ se déplace alors de l’un à l’autre.
On peut ensuite exporter son fichier en un
Jpeg aplati utilisable sur le web ou dans un
format propriétaire qui permet à ceux qui
visitent votre blog ou votre page Facebook
de faire eux-mêmes le focus là où ils sou-
haitent sur votre photo.
Malgré d’importants handicaps dus à sa
jeunesse, le Lytro est comparable à un
Polaroid, un appareil avec des caractéris-
tiques techniques limitées mais qui propose
une autre façon d’envisager la photo. La
révolution est en marche… !
Lytro, 100 % américain
Pour ses débuts, Lytro a décidé
de tester son premier produit
aux Etats-Unis et nulle part ailleurs.
L’appareil est distribué via le site web
de la compagnie et les livraisons
ne se font que sur le territoire américain.
Une drôle de politique commerciale
qui s’explique sans doute par le côté
inabouti de ce premier appareil
qui en annonce d’autres plus en accord
avec les canons de la photo numérique.
Pour l’instant, la technologie limite
le capteur à 1,2 Mpx et la mémoire
interne est disponible en version 8 Go
(399 $) ou 16 Go (499 $) sans possibilité
d’extension. Pas d’inquiétude pour ceux
qui n’envisagent pas de voyager bientôt
outre-atlantique : la direction de Lytro
nous a confirmé que ses produits
devraient prochainement débarquer
en Europe. www.lytro.com
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1. L’APPAREIL LYTRO
EST DISPONIBLE
EN DEUX CAPACITÉS
(8 GO OU 16 GO)
ET 3 COLORIS.
2. REN NG, LA TÊTE
PENSANTE
DE LYTRO.
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En matière de photo numérique,vous pensiez avoir tout vu ?C’était sans compter sur Lytro,dont la technologie pourrait bienchanger radicalement la façondont nous capturons le mondequi nous entoure…
Par Jean-Christophe Camuset
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Good world
LA SHIVA FRANÇAISE
DE COCA-COLA EUROPE
Dominique Reiniche
C’est une sorte de Shiva
terrestre, une main
aux commandes de !e
Coca-Cola Company, dont
elle est la présidente Europe
depuis 2005, l’autre sur
le guidon d’AXA, où elle siège
au conseil d’administration,
et aussi un bras au volant
de Peugeot SA, qu’elle
a rejoint comme membre
du comité de surveillance
le 25 avril dernier. Esprit
véloce, travailleuse acharnée,
cette diplômée française
de l’Essec a croqué trois par
trois les barres hiérarchiques
de la grande consommation :
Procter&Gamble,
Kraft Jacob Suchard, puis
Coca-Cola France en 1992,
dont elle devient présidente
six ans plus tard. «Je n’ai pas de plan de carrière, proclame
la numéro un française classée
par Fortune dans le top 15 des
femmes les plus influentes du
monde. Mais j’aime regarderloin !» La cinquantaine
épanouie, Madame
Coca-Cola Europe règne
sur 38 pays et 60000 salariés
(embouteilleurs inclus). Ses
équipes la définissent comme
une bâtisseuse qui «rassemblepour régner». Et cette battante
de faire sien ce trait d’humour
de Françoise Giroud : «Il yaura égalité entre les hommes et les femmes le jour où l’onnommera des incompétentes à des postes à responsabilité.»
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GOOD WORLD
GOOD BRAINS
RÉUSSITESglobales
Ils ont des têtes bien faites, des idées qui font bouger les lignes, des convictions qui changent la donne et ils font avancer leur monde !
Par Laura Cordin
IL RÉINVENTE PHILIPS
POUR UN FUTUR RADIEUX
Frans Van Houten
Il est la preuve
qu’aujourd’hui peut
se conjuguer avec hier,
et que son profil
de «pur produit Philips»
ne l’empêche pas d’innover.
Diplômé de l’université
Erasmus de Rotterdam,
ce Néerlandais au physique
de coureur automobile signe
une brillante trajectoire
au sein de l’écurie Philips :
numéro deux de Philips
Kommunications
Industrie, en Allemagne,
puis codirecteur de Philips
Electronics et directeur
de Philips Semiconductors.
Nommé président en avril
2011, Frans Van Houten
ose alors amputer Philips
de son ancestrale branche
téléviseurs – revendue à
TP Vision, une coentreprise
de Hong Kong dont la
branche néerlandaise détient
30% du capital –, pour axer
la marque sur la santé,
l’éclairage et le bien-être,
des marchés innovants
sur lesquels elle peut briller
par son savoir-faire haut
de gamme. Une stratégie
payante, si l’on en juge
par les 167 millions d’euros
de bénéfice net engrangés
par Philips au deuxième
trimestre 2012, contre
118 millions espérés.
Prudent, Frans Van Houten
reste presque aussi zen
que ses nouveaux produits.
L’ICÔNE MONDIALE
DU JEU VIDÉO
Robert Kotick
Seul Steve Jobs
lui en imposait. Patron
d’Activision Blizzard,
le numéro un mondial
du jeu vidéo né d’une fusion,
en 2007, entre Activision
et Vivendi Games, Robert
Kotick n’a pas la réputation
d’être un tendre, lui qui,
à l’instar des héros meurtriers
de son Call of Duty, un jeu
vidéo dont la huitième version
a engrangé un jackpot record
de 750 millions de dollars
en cinq jours, guerroie sans
pitié sur la planète business.
Américain épris de la France,
il a créé sa toute première
entreprise à Saint-Cloud,
avec pour partenaire
Jean-Louis Gassée, l’ancien
vice-président d’Apple.
D’où cette rencontre,
en 1983, avec Steve Jobs,
quand Kotick venait
lui proposer des logiciels,
et qu’il essuyait les colères
de l’intransigeant patron
d’Apple. Depuis, Robert
Kotick s’est taillé l’étoffe
d’un roi du jeu vidéo
mondial, l’œil rivé
sur le couperet rentabilité,
sans état d’âme lorsqu’il s’agit
de mettre fin à certaines
licences – Guitar Hero,
DJ Hero et Tony Hawk’s,
en 2011 – ou de tailler
dans les effectifs. Et déjà
prêt, a-t-il laissé entendre,
à devenir le numéro un
des jeux sur Facebook.ILL
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GOOD WORLD
GOOD BRAINS
LE ROI DE LA GRANDE
DISTRIBUTION AMÉRICAINE
Jim Sinegal
Il a un look de farmerdu Midwest, un profil
«golf-pêche-chasse»
comme on n’en trouve que
de l’autre côté de l’Atlantique.
Mais Jim Sinegal est
le fondateur de Costco,
le numéro trois américain
de la grande distribution,
dont la spécificité est
de vendre du haut de gamme
à petit prix… uniquement
en grande quantité, et à des
adhérents fidèles. En 2013,
cela fera presque trente ans
que ça dure. Et Costco
d’aligner fièrement ses fatdonnées économiques :
93 milliards de dollars de
chiffre d’affaires en 2011 pour
1,5 milliard de bénéfices,
et de multiples implantations
hors Etats-Unis, dont bientôt
la France, avec un entrepôt
à Marne-la-Vallée en 2014.
A 76 ans, Jim Sinegal
s’apprêterait à publier
le roman vrai de sa vie,
de l’orphelinat de Pittsburgh
à l’université de San Diego,
de ses débuts comme baggerchez FeldMart jusqu’aux
cimes du marketing, dont il a
été l’un des pionniers les plus
inventifs. Très respecté de ses
employés nettement mieux
payés qu’ailleurs, Jim Sinegal
n’hésite pas à faire état de sa
fibre sociale. «La satisfactiondurable de mes clients passe évidemment par celle de mes salariés», affirme-t-il.
ELLE AIGUILLE SNCF
VOYAGES
Barbara Dalibard
Voilà un peu plus de deux ans
qu’elle a pris les manettes
de SNCF Voyages,
dans un climat qui lui allait
comme un gant : un sérieux
mouvement de grève, doublé
d’une rentabilité alors jugée
très incertaine. Barbara
Dalibard est de ces dirigeants
au long cours dont le talent
ne s’exprime bien que par gros
temps. Chez Orange, déjà,
où cette polytechnicienne
– normalienne – agrégée
de maths a accompli
une longue trajectoire
(après un crochet par Alcatel),
on louait sa capacité à
transformer les moins en plus,
à résoudre les équations les
plus complexes. Méthodique
et fluide dans la gestion
de son équipe rapprochée,
Barbara Dalibard n’hésite pas
à se fondre dans la foule
des voyageurs lors des grands
départs. Bien consciente
que cette locomotive SNCF
Voyages qu’elle conduit
– 30000 cheminots,
7,6milliards de chiffre
d’affaires en 2011 – se frotte
à une concurrence toujours
plus vive. D’où cette notion
de service au client qu’elle
entend aujourd’hui ressusciter
avec le lancement d’ID Bus,
une flotte d’autocars
qui dessert Amsterdam,
Londres et Bruxelles,
et d’un programme de fidélité
voyageurs plus attractif.
LE POLYGLOTTE
ADMINISTRATEUR DE PPR
Jochen Zeitz
C’est un charismatique
businessman que
François-Henri Pinault vient
de faire entrer au conseil
d’administration de PPR
(6,4 milliards d’euros de
chiffre d’affaires, +17%
au premier semestre 2012).
CSO (Chief Sustainability
Officer) de PPR, l’Allemand
Jochen Zeitz a d’abord été
le sauveur de Puma – dont
il reste aujourd’hui président
du conseil d’administration –,
cette griffe emblématique
passée, sous sa gouverne
en 1993, de simple logo
de sport essoufflé à marque
lifestyle métissée sport-mode,
capable de séduire les dieux
du stade comme les snobs
des boîtes de nuit. Formé à
l’école de Colgate Palmolive,
à New York, Jochen Zeitz
devient, à 30 ans, en 1993,
le plus jeune président d’une
société cotée au DAX/MDAX
allemand. Stature d’athlète,
allure de prince, polyglotte
(6 langues à son actif, dont
le swahili !)… cet adepte
du développement
durable surprend même
ceux qui pensent le connaître,
lui qui consigne des pensées
philosophiques sur de simples
Post-it, s’offre une pause
méditation dans
un monastère bénédictin
et rejoint, dès que possible,
son immense ferme africaine
au pied du mont Kenya.
L’EX-STAR DE GOOGLE
« ENLEVÉE » PAR YAHOO
Marissa Mayer
Les vols de cerveaux
sont légion dans la Silicon
Valley, où les grands
noms de l’informatique
et de la cybertechnologie
s’arrachent leurs élites avec
l’aisance d’un pickpocket
convoitant un sac à main !
Ainsi de Marissa Mayer,
première femme ingénieur
à avoir intégré Google
en 1999, et dont elle est
devenue, dix ans plus tard,
l’influente vice-présidente
qui compte Barack
Obama parmi ses hôtes.
Depuis, on s’arrache
la belle Marissa,
dont la plastique
exceptionnelle fait jeu
égal avec son mental
de diplômée de Stanford.
A peine le géant
de la distribution
Walmart vient-il
de la nommer à son
conseil d’administration
afin de doper
son e-commerce,
que Yahoo la kidnappe
au début de l’été pour
lui confier la gouverne
de son site de Santa Clara,
essoufflé de courir derrière
le puissant challenger
Facebook. Etonnante,
avec ses allures
de baby-doll et son parler
en haut débit, Marissa
Mayer, 37 ans, entend
bien faire surfer Yahoo
sur la vague du succès. PH
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GOOD WORLD
GOOD BRAINS
LE BUSINESSMAN CHINOIS
QUI VEUT CROQUER L’EUROPE
Wang Zong Nan
Sa dernière acquisition
a un parfum de victoire
pour Bright Food, le grand
groupe alimentaire chinois
(12,2 milliards de dollars
de chiffre d’affaires en 2011)
dont il est aujourd’hui
l’hyperactif président.
En avalant Weetabix, la
marque anglaise de céréales
dont Bright Food a pris
le contrôle en mai dernier,
Wang Zong Nan offre au
puissant conglomérat d’Etat,
fondé il y a six ans à peine, à
Shanghai, sa toute première
part du gâteau européen,
propre à le doter des
dimensions internationales
qu’il convoite. Depuis son
arrivée à la tête de Bright
Food (bonbons, gâteaux,
jus de fruits, surgelés…)
Wang Zong Nan lance
des OPA tous azimuts, avec
l’espoir que son opiniâtreté
finira par payer. Et ça paie :
en dépit de ses tentatives
de rachat avortées sur Yoplait
ou Choco BN, Bright Food
à déjà réussi à croquer
La Vache qui rit (Bel) ou
les biscuits écossais Walkers
Shortbread (Manassen
Foods). Et le patron
de déclarer, tout sourire :
«Ces acquisitions étrangèresnous sont indispensables pouratteindre une taille influentesur la scène mondiale.»Un petit pas en Europe, et un
grand pas pour la Chine…
LA CHIMISTE
QUI VA LIFTER AVON
Sheri McCoy
Le temple de la cosmétique
n’est guère habitué à un tel
transfuge : une ingénieur
chimiste diplômée
de Princeton, Dartmouth
et Rutgers, qui, après trente
années de règne
pharmaceutique, s’arrache
de la vice-présidence du
groupe Johnson&Johnson
pour aller guerroyer
sur les palettes de beauté
à la tête d’Avon. C’est
au terme d’une expertise
affinée que le numéro un
mondial de la vente
directe de cosmétiques
– 11 milliards de dollars
de chiffre d’affaires
en 2011 – a choisi Sheri
McCoy pour raffermir son
look de marque légendaire,
alors que l’action Avon
a perdu 36 points
en dix-huit mois, et que
les ventes se flétrissent.
A Sheri McCoy
d’extraire de ses fioles
la potion roborative
apte à requinquer cette
marque inscrite dans
l’ADN des consommatrices
américaines,
qui connaissent
les démonstratrices Avon,
comme celles
de Tupperware, de mère
en fille depuis…1886.
Et de faire barrage
aux OPA qui, tels des
rapaces, tournoient autour
du fleuron mal en point.
LES AS DU BUSINESS ÉTHIQUE
100 % ÉCOLO
François-Ghislain Morillon
et Sébastien Kopp
«Veja!» C’est le cri de guerre
de ces deux jeunes
alteréconomistes audacieux
de la mode, dont la marque
de baskets en coton bio,
caoutchouc d’Amazonie
et cuir tanné sans chrome
– Veja – fait un véritable
carton dans les milieux
branchés de Paris
et de Londres : 120000 paires
vendues en 2011 ! Veja donne
une leçon aux marques fundont le marketing consiste
à sous-payer les fabricants,
mais à surpayer les spots
publicitaires. La chaussure
made in Brésil fait l’inverse :
conçue équitable, donc cher,
la chouchoute des médias
et des people – qui les
chaussent gracieusement –
se vend sans pub…
Récemment couronnés par
!e Observer et !e Guardiande roboratifs ethical awards,les French créateurs – 65 ans
à eux deux –, diplômés de
Dauphine et d’HEC devenus
entrepreneurs au lendemain
d’un passionnant,
mais décevant, tour
du monde des départements
«développement durable»
des grandes entreprises, en
profitent pour allonger leur
foulée. En septembre, une
paire de Veja plus féminine,
dessinée par l’illustratrice
Domino Lattès, pointera
le bout de ses baskets.
L’OXYGÈNE
DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE
Muriel Mayette
C’est une première
dans la longue
et prestigieuse histoire
de la Comédie-Française :
«une» administratrice pour
la diriger, une de ces femmes
que Molière n’aurait sûrement
pas qualifiées de «savantes»
ou de «précieuses». Nommée
en 2006 à la direction
du #éâtre-Français,
Muriel Mayette (47 ans,
une vingtaine de rôles,
15 mises en scène) excelle
dans ce numéro de funambule
qui consiste à faire souffler
un vent contemporain sous les
nobles lambris de la salle
Richelieu, sans risquer
de ternir les grands classiques
qui font sa renommée.
Et le public d’applaudir :
forte de ses 36 millions
d’euros de recette,
la Comédie-Française
enregistre un taux de
fréquentation de 15 à 20%
supérieur à celui de 2006.
Dynamique, passionnée,
Muriel Mayette ouvre sa porte
aux écrivains étrangers. Ainsi
de Naomi Wallace, premier
auteur américain vivant joué
place Colette en mai 2012,
et de Saadallah Wannous,
premier auteur de langue
arabe, inscrit au répertoire
pour 2013. C’est aussi sous
son impulsion que la troupe
renoue avec la tradition
itinérante des grandes
tournées internationales. PH
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analysées et, surtout, étudiées afin de met-
tre en place une action préventive. Si
l’électricité est coupée dans une zone, les
responsables du métro sont prévenus et les
carrefours routiers sont encadrés de poli-
ciers. Dans ce Centre d’opérations,
400 employés se relaient jour et nuit.
Comme à la Nasa, les agents portent une
bouse blanche, brodée, sur le bras gauche,
d’un drapeau brésilien pour souligner le
sérieux de leur tâche : ils sont au chevet
virtuel de cette ville de 6,5 millions
d’habitants. Vigilance on-line permanente.
Un traumatisme est à l’origine de la créa-
tion de ce Centre : en avril 2010, des
pluies torrentielles avaient provoqué des
inondations et des glissements de terrain,
bloqué rues et secours et fait une centaine
de morts. L’impuissance des pouvoirs
publics avait obligé le maire à mobiliser
les médias, seul moyen d’action interac-
tif. Le 31 décembre 2010, le Centre était
inauguré. « Ce Centre d’opérations est
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GOOD WORLD
GOOD TRENDS
«Regarder devant nous, construire ensemble», prônait en mai dernier, à Paris-
la Défense, les acteurs d’un sommet
consacré aux nouvelles villes. Leur credo :
rendre les villes intelligentes, créer des
smart cities, afin d’offrir aux citadins un
meilleur environnement pour vivre, tra-
vailler et se divertir. Des villes qui ne
doivent pas ressembler à celles que roman-
ciers et cinéastes ont imaginées dans leurs
œuvres, de Metropolis à Brazil, en passant
par Blade Runner ou 1984. Car ces cités
futuristes, où régnaient l’inégalité sociale,
la vigilance permanente de l’Etat ou une
architecture fantasmagorique, sont déjà
dépassées par notre développement tech-
nologique accéléré. Un avenir high-tech
vers lequel s’est tourné Rio de Janeiro,
devenu le premier exemple mondial de
gestion informatisée de la ville, grâce à son
Centre d’opérations, récemment installé
dans le quartier de Cidade Nova, entre la
mairie et le sambodrome, qui accueille les
défilés nocturnes du Carnaval. Eduardo
Paes, le maire de Rio, s’enorgueillit encore
de son audace. «Ici, bat le cœur de la ville.Rio est sous surveillance 24 heures sur 24, etles Cariocas savent que nous prenons soind’eux», assure-t-il devant un mur d’écrans
sur lequel sont observés les rues et les habi-
tants en mouvement. Ce video-wall de
80 m2, assemblage de 80 moniteurs, est
alimenté en images par 600 caméras et des
milliers de capteurs répartis aux quatre
coins de la ville. Ici, convergent les don-
nées les plus diverses, communiquées par
les 30 directions des services municipaux,
par des services publics, comme les pom-
piers ou la police militaire, et par les
concessionnaires de transports et de distri-
bution d’énergie. Les données sont traitées,
Le XXIe siècle sera le premiersiècle urbain de l’humanité. La moitié de la populationmondiale vit actuellement en ville ; en 2050 ce seront les deux-tiers. Il faut donc se préparer à cet avenir deconcentration démographique.Les ingénieurs se penchentsur le destin de ces nouvellesmégapoles. Ville pilote, Rio de Janeiro est l’une de ces premières smart cities.
Par Annie GasnierILLUSTRATIONS : Emmanuel Romeuf
SMART CITIESbienvenue dans
le siècle des villes
!
Rio est passé à la gestioninformatisée de la ville.
091
GOOD WORLD
GOOD TRENDS
unique, car il est le premier à permettre desuivre, dans une grande ville, les différentesétapes d’une gestion de crise, des premierssignes jusqu’aux interventions et aux solutions. Nous pouvons envoyer des infor-mations aux services concernés et auxusagers », explique Carlos Roberto Osório,
adjoint au maire chargé de la gestion des
services publics.
Des données centralisées et analysées
Rio de Janeiro a misé sur la technologie
en pensant aux Cariocas, mais pas seule-
ment : l’objectif lointain est d’assurer une
organisation parfaite de la Coupe du
monde de football de 2014 et des jeux
Olympiques de 2016. Tout est
aujourd’hui affaire d’image autour de ces
événements planétaires ; il faut que ce soit
un succès. En juin dernier, le sommet
Rio+20 a donc servi de test d’envergure :
«Nous avons pu coordonner au mieux ledéplacement des chefs d’Etat vers le centre deconvention, lieu des négociations. Et lorsque400 Indiens ont décidé de manifester auxabords du Riocentro, il nous a suffi d’orien-ter et de dévier, depuis ici, la circulationautomobile dans le quartier de Barra daTijuca, sans gêner les officiels », explique
Carlos Roberto Osório. La salle de gestion
de crise se trouve au troisième étage de
l’immeuble en verre fumé. De là, les auto-
rités locales sont en contact avec tous leurs
services. Rio l’a utilisée lorsque trois
immeubles se sont effondrés en centre-
ville, en janvier 2011, et lorsqu’un violent
Une ville privée, en Inde
Lavasa est la première ville privée
du monde, conçue par l’entreprise Lavasa
Corporation Ltd. Le projet, programmé
sur deux décennies, se veut un point
d’équilibre entre les infrastructures
urbaines et la nature. Concentrés
sur 100 km2, les bâtiments sont lovés
au creux d’une vallée touristique autrefois
sauvage, au sud-est de Bombay, dans
l’Etat du Maharashtra. La ville planifiée
de Lavasa se situe au bord d’un lac,
et son inventeur, Ajit Gulabchand,
à la tête de l’entreprise de BTP Hindustan
Construction Compagny (HCC), a pris
Portofino pour modèle, l’une des stations
balnéaires les plus huppées de la Riviera,
en Italie. Ce Martin Bouygues indien,
folie des grandeurs oblige, voulait
que ses 300000 futurs habitants puissent
«vivre, travailler, étudier et se distraire
en harmonie avec la nature». La nature
bucolique a fait les frais du chantier,
le ministère de l’Environnement indien
est intervenu, car des lois étaient violées.
Ce projet a suscité beaucoup
de controverses et engendré des
problèmes de corruption, de népotisme…
L’université d’Oxford, associée à un projet
d’université, s’est retirée. D’autres
programmes, comme celui lié à l’Ecole
hôtelière de Lausanne ou celui
d’une académie de football en partenariat
avec le Manchester City Football Club,
champion d’Angleterre, subsistent
encore… sur le papier. Mais Lavasa
commence à vivre, au fil de quartiers
achevés, comme celui de Dasve,
et des hôtels. L’ensemble ne devrait
finalement pas être terminé avant 2020,
alors que la ville voisine de Pune s’étend
et se rapproche, pour le plus grand
dépit d’Ajit Gulabchand, qui ne voulait
pas reproduire de mégapoles. Mais ville
privée ne veut pas dire ville fermée,
les autorités y veillent. Ajit Gulabchand
espère faire école dans cette Inde qui
aura besoin d’autres villes pour assouvir
le désir d’urbanité d’une population
chaque jour plus instruite. «Lavasa est
le premier modèle de cité planifiée privée,
explique Ajit Gulabchand. L’idée est
de l’abandonner d’ici dix ou quinze ans
à un partenariat public-privé (PPP).»
Son projet a été récompensé par
des architectes de l’American Society of
Landscape Architects. www.lavasa.com
!
092
GOOD WORLD
GOOD TRENDS
attirer des investisseurs, va se faire sur ceséquipements intelligents », assure Cécile
Tuil, directrice du secteur Influence des
smart cities chez Schneider Electric. La
société française intervient dans plus de
200 villes, notamment à Barcelone, qui
ambitionne de devenir la plus smart du
monde. L’entreprise de télécommunica-
tions suédoise Ericsson a, pour sa part,
misé sur les réseaux sociaux entre citadins :
«Actuellement, 6 milliards de téléphonesportables sont utilisés. Avec l’augmentationdu nombre des smartphones, les connexionsvont servir à informer et à être informé, viaSMS, Twitter… bref, à être connecté à l’ave-nir », prévoit Hans Vestberg, président
d’Ericsson. Qu’ils soient acteurs des trans-
ports ou fournisseurs d’énergie et de
télécommunication, tous se mobilisent.
«Nous travaillons déjà ensemble, affirme
Christine Lhoste. Car la complémentaritéet la transversalité nous permettent de mieuxgérer les données destinées à nos clients. »
Vers une science des villes
En France, les villes de Paris, Bordeaux,
Nice et Montpellier ont lancé des
réflexions sur le recours et la mise en place
de moyens intelligents pour faciliter la vie
de leurs habitants. La logistique est évi-
demment facilitée lorsqu’une ville sort de
terre, comme dans les pays émergents :
câbles, fibre optique, capteurs sur
conduites et tuyaux, caméras et indica-
teurs sont installés facilement. IBM l’a
constaté en participant à la construction
d’un Intelligent Operations Center dans
incendie a ravagé, à la veille du carnaval,
en février de la même année, les ateliers de
plusieurs écoles de samba, remplis de leurs
chars et de leurs costumes. La coordina-
tion des secours et la prévention des
usagers concernés ont alors été bien plus
efficaces. Pour prévenir les pluies parfois
torrentielles sous ces latitudes, il existe
maintenant le service Alerta Rio. Grâce à
un radar installé au sommet de la colline
du Sumaré, un programme unique au
monde de prévisions météo de haute
résolution (PMAR) fournit aux météoro-
logues du Centre d’opérations des images
reflétant les caractéristiques de la géogra-
phie de Rio, où s’entrelacent végétation
tropicale et béton. Avec parfois 48 heures
d’avance, les prévisions sont affinées par
quartier, au plus près, sur 2 km2. La mai-
rie a également installé des sirènes, reliées
au Centre d’opérations, et des abris desti-
nés aux habitants des favelas qui devraient
abandonner leur logement. Les résidents
cadastrés sont prévenus par SMS sur leur
téléphone portable. Pour mener à bien
cette tâche de centralisation et d’analyse
des données, la mairie de Rio s’est asso-
ciée, à travers un appel d’offres, à la
multinationale américaine IBM, elle-
même associée à d’autres opérateurs,
comme Schneider Electric et Cisco.
«L’expérience de Rio est la plus aboutie denotre secteur Smarter Cities, précise
Christine Lhoste, chargée de communica-
tion chez IBM France. IBM sait traiterd’énormes volumes de données, de sourceshétérogènes, et leur donner un sens. » Reste à
l’humain à prendre les bonnes décisions.
De multiples domaines d’application
Et des secteurs de plus en plus divers
profitent désormais de directives « intelli-
gentes » issues de données centralisées. Les
transports urbains, la distribution d’eau
potable et d’énergie, la santé, la sécurité et
les moyens d’urgence, en cas d’incendie
ou d’accident. Singapour, selon IBM, a
amélioré la fluidité des transports de
90%, en anticipant les problèmes de cir-
culation par le biais, notamment, de cartes
à puce aux péages, témoins de l’affluence.
Si un train est en retard, les bus avertis
attendront les voyageurs, et leur fréquence
sera augmentée. A New York, un autre
programme a permis de prévenir et de
réduire la criminalité de 27% ces der-
nières années. Toutes les sociétés de
technologies sont mobilisées autour de ce
challenge et des perspectives d’un marché
prospère. Une étude du cabinet américain
ABI Research rapporte que 90 milliards
d’euros seront investis, d’ici à 2016, vers
les villes intelligentes : réseaux de données
sans fils, comme le wi-fi, organisation des
transports, régulation de la distribution
d’eau et d’électricité, optimisation du
ramassage et du recyclage des déchets…
«La concurrence entre les grandes villes, pour
093
GOOD WORLD
GOOD TRENDSP
HO
TO
: D
R
The Good Life : Pourquoi cette
fondation a-t-elle été créée ?
Pourquoi avez-vous organisé
ce premier sommet?
Mathieu Lefèvre : Nous sommes
entrés dans le siècle des villes,
ce sera l’enjeu principal du XXIe siècle,
et notre quotidien urbain dépendra
de leur organisation, de leur
développement, de leur capacité
aussi à absorber une forte croissance
démographique. Les problèmes
de la ville sont ceux du monde
d’aujourd’hui. Et il a semblé essentiel
à notre président, John Rossant,
l’un des organisateurs du Forum
économique mondial de Davos,
de rassembler des responsables
de tous horizons, universitaires,
chercheurs, innovateurs, architectes,
P-DG d’entreprises… au sein
de notre fondation basée à Genève,
pour préparer ce futur urbain
et être au centre du raisonnement.
Une mission aussi excitante que
de se plonger dans une mégapole !
TGL : Quel rôle entend jouer
la fondation ? Celui de
coordinateur ou celui d’acteur ?
M. L. : Cette urbanité future va
évoluer autour de deux axes :
l’innovation technologique urbaine
pour aboutir aux smart cities, les villes
intelligentes, et des partenariats
inédits. A l’exemple des programmes
Vélib’ ou Autolib’, ces moyens
de transport en libre service
qui allient acteurs publics et privés.
La fondation ambitionne de favoriser
ces alliances et va donner au sommet
New Cities un rythme annuel.
L’an prochain, il se tiendra dans
un pays émergent. Par ailleurs,
elle parraine des projets pilotes,
comme celui de Rio de Janeiro
dans le domaine de la santé,
dans lequel des universitaires, des
médecins et des habitants de favelas
sont reliés par la technologie. Ou bien
comme à San José aux Etats-Unis,
où un projet permet de fluidifier
la circulation automobile grâce
à la coordination de réseaux sociaux.
Nous évaluerons ces projets fin 2012.
TGL : Quel bilan tirez-vous de ce
premier sommet organisé à Paris ?
M. L. : Nous avons, j’en suis
persuadé, remporté un grand succès,
car nous avons réuni au CNIT,
à la Défense, plus de 700 personnes,
qui représentaient une cinquantaine
de villes de tous les continents,
une trentaine d’universités
et une centaine de grandes
entreprises… Tous ces acteurs
doivent se parler pour travailler dans
un même objectif autour des villes
du futur, et la fondation a le sentiment
d’avoir engendré ce dialogue.
www.newcitiesfoundation.org
Mathieu Lefèvre est
le directeur exécutif
de la New Cities
Foundation, qui
travaille sur l’avenir
des villes de demain. Un premier
sommet organisé par ce think-thank
s’est tenu à Paris en mai dernier.
la ville chinoise de Zhenjiang, sur les rives
du Yangtsé, devenue un pôle de 3 mil-
lions d’habitants. Ancien président du
Santa Fé Institute, aux Etats-Unis, le pro-
fesseur Geoffrey West propose de créer
une science des villes : «Nous ne pouvonsmanquer cet énorme défi car, en 2050,1 million de personnes s’urbanisera chaquesemaine… Ce sera comme si, chaquesemaine, une ville de la taille de Paris étaitcréée ! » Le professeur West estime que
«penser les villes permettrait de tout ratio-naliser, d’économiser les infrastructures et derespecter la nature, qui approvisionne lesvilles en nourriture et en eau».Un futur de villes dynamiques et intelli-
gentes en perspective donc. Et les
autorités politiques pourraient l’anticiper,
pour prévoir, gérer et optimiser, dans un
contexte de crise économique, cette tran-
sition vers un monde de villes. !
094
GOOD WORLD
GOOD PROBLEM
Le nord magnétique se déplacede plusieurs mètres par jour.Conjugué à l’anomalie du champmagnétique qui sévit dansl’hémisphère Sud, cela pourraitengendrer une inversion despôles. Arnaud Chulliat, physicienà l’Institut de physique du Globede Paris, établissementd’enseignement supérieur et derecherche associé au CNRS,explique à The Good Life lescauses et les enjeux de cedéplacement des pôles.
!e Good Life : Tout d’abord, quelle estla définition du champ magnétique ter-restre et comment est-il produit ?Arnaud Chulliat : Un champ magnétique
est une grandeur physique remplissant tout
l’espace et caractérisant l’interaction à dis-
tance de courants électriques, de matériaux
aimantés et de particules chargées. Dans le
cas de la Terre, le champ magnétique est
généré à environ 99% par des courants
électriques qui se produisent à l’intérieur
du noyau. A cela s’ajoutent d’autres
champs produits par des roches aimantées
que l’on trouve dans la croûte terrestre ou
par des courants électriques dans l’atmo-
sphère terrestre ou dans la magnétosphère,
à une plus grande distance.
TGL : C’est donc la composition même dunoyau qui joue un rôle capital dans la pro-duction du champ magnétique terrestre…A. C. : C’est sa source principale, qui le fait
évoluer dans le temps. C’est la dynamique
à l’intérieur du noyau – les courants – qui
produit le champ magnétique. Si l’on
creuse sous nos pieds, à un peu plus de
3000 km, on trouve le noyau liquide, prin-
cipalement composé de fer, qui est très peu
visqueux, un peu comme de l’eau. Il s’agit
d’un écoulement convectif qui évacue, petit
à petit, la chaleur accumulée au centre de la
Terre depuis sa formation. Notre planète
tourne très vite : les effets de la rotation et
du refroidissement de la Terre se conju-
guent pour produire des tourbillons et du
champ magnétique, par un processus phy-
sique appelé « instabilité dynamo».
TGL : On assiste, petit à petit, à unedérive du nord magnétique. Nos boussolesvont-elles devenir folles ?A. C. : Oui, le pôle nord magnétique
bouge. J’ai eu l’occasion d’aller mesurer sa
vitesse de déplacement en 2007 sur le ter-
rain, en Arctique, avec un collègue
canadien et l’association Poly-Arctique. On
constate même une accélération de cette
vitesse. Jusqu’au début des années 90, le
pôle nord dérivait d’environ 15 km par an.
La vitesse est plus rapide depuis une dizaine
d’années : elle est d’à peu près 55 km par
an. C’est un phénomène nouveau, assez
spectaculaire, et cela nous a poussés à réflé-
chir sur la dynamique du noyau. Mais
s’agissant de la variabilité du champ
magnétique d’une manière générale, ce
n’est pas extraordinaire. On peut rencon-
trer des tendances équivalentes à d’autres
endroits de la Terre, mais où il n’y a pas de
pôle pour les matérialiser. Par exemple, en
France, la déclinaison, c’est-à-dire l’angle
entre la direction du champ magnétique et
le nord géographique, est très proche de
zéro degré, alors qu’au début du XIXe siècle
elle valait plus de 20 degrés vers l’est. La
cause de cette dérive est la variabilité des
écoulements à l’intérieur du noyau terres-
tre : ces écoulements sont un peu comme
les courants océaniques, mais beaucoup
plus lents, puisque leur vitesse moyenne
n’est que de quelques kilomètres par an.
Sur une longue durée, cela représente des
mouvements importants, mais tout à fait
naturels, et, comparés aux 6400 km de
rayon de la Terre, quelques kilomètres par
an, c’est peu. Il n’y a donc rien d’anormal.
TGL : Avec cette dérive du nord magné-tique, peut-on penser à un risqued’inversion des pôles magnétiques ?A. C. : C’est un phénomène banal à l’aune
de l’histoire géologique : les pôles s’inver-
sent jusqu’à plusieurs fois par million
d’années. On est aujourd’hui dans une
situation où cela dure depuis longtemps
sans s’inverser : la dernière inversion a eu
lieu il y a 780000 ans. C’est un intervalle
assez long, mais ce n’est pas anormal, car il
n’y a pas de fréquence typique d’inversion.
Le Soleil, lui, a une fréquence typique d’in-
version des champs magnétiques, qui est
d’une fois tous les onze ans. Dans le cas de
la Terre, il n’y a pas de périodicité, c’est un
phénomène chaotique, cela peut s’inverser
au bout de quelques centaines de milliers
d’années ou, au contraire, rester stable pen-
dant quelques dizaines de millions d’années,
comme cela a déjà été le cas dans le passé.
TGL : Un scénario catastrophe dû à unebrutale inversion des pôles est-il impossible ?A. C. : Il n’y a pas de danger à court ou
moyen terme. Et pour deux raisons.
D’abord parce que cela s’est déjà produit de
nombreuses fois, y compris depuis qu’il
existe des êtres vivants sur Terre et même
des êtres humains. Cela paraît relativement
inoffensif et on n’a jamais vraiment réussi à
en montrer les conséquences sur les êtres
vivants. Ensuite parce que, en imaginant
LA TERRE perdrait-elle le nord ?
Par David Dibilio ILLUSTRATIONS : Greygouar
095
GOOD WORLD
GOOD PROBLEM
qu’une inversion commence demain matin,
cela prendrait plusieurs milliers d’années
avant qu’elle se réalise et que le pôle nord
magnétique passe dans l’hémisphère Sud.
On aurait donc le temps de voir venir.
TGL : Le pôle sud magnétique est-il sou-mis lui aussi à des modifications ?A. C. : Oui, mais actuellement sa dérive est
nettement moins rapide que celle du pôle
nord. Il n’y a donc pas de symétrie entre les
mouvements des pôles magnétiques, qui ne
sont pas situés exactement aux antipodes
l’un de l’autre. En revanche, la structure du
champ est particulière dans l’hémisphère
Sud, car on y note une anomalie d’inten-
sité : il y a une zone où l’intensité est deux
fois moindre que ce qu’elle peut être en
Sibérie ou dans le nord du Canada ; on
appelle ça l’anomalie magnétique de
l’Atlantique Sud (AMAS). Le champ
magnétique terrestre agit comme un bou-
clier et repousse les particules énergétiques
en provenance du Soleil ou les rayons cos-
miques. Ce bouclier est donc moins fort
dans l’Atlantique Sud. L’AMAS occasionne
un certain nombre de désagréments pour
les satellites en orbite autour de la Terre, qui
vont subir, statistiquement, davantage
d’avaries causées par les bombardements de
particules chargées provenant du Soleil.
TGL : Quelle est la raison de cette moin-dre intensité ?A. C. : Cela est dû à ce qui se passe à la sur-
face du noyau, à la verticale de l’Atlantique
Sud. Si l’on descend jusqu’au noyau, là où
le champ magnétique terrestre a sa source,
on arrive à la surface du noyau terrestre ; on
y trouve une zone où la polarité du champ
est inverse. Concrètement, au lieu de ren-
trer dans le noyau, le champ en sort. On
note alors une inversion localisée du champ
à la surface du noyau, et si l’on s’en éloigne,
cette petite structure disparaît et il ne reste
plus, à la surface de la Terre, qu’une ano-
malie d’intensité. En terme de danger, on
peut prévoir, à court terme, que si l’AMAS
continue de s’accentuer, comme c’est le cas
actuellement, on pourra constater une
moindre protection face aux bombarde-
ments des particules énergétiques solaires.
Il y a donc un risque technologique, notam-
ment pour tous les systèmes faisant appel à
l’électronique, mais aussi un risque accru
pour la santé des personnes qui séjournent
dans la station spatiale internationale.
TGL : Comment fait-on pour étudier lenoyau terrestre et prévoir ses mouvementsest ses évolutions ?A. C. : Le noyau se trouve à 3000 km sous
nos pieds. Aujourd’hui, on ne dispose pas
de la technologie nécessaire pour forer au-
delà de quelques dizaines de kilomètres. A
cause de la chaleur, de plus en plus intense
à l’approche du noyau, et aussi, bien
entendu, pour des raisons de coût. Tout
cela rend très compliquée l’étude du noyau.
Pour tenter de comprendre son évolution,
on procède à des mesures régulières du
champ magnétique terrestre, dans un
réseau d’observatoires répartis partout à la
surface de la Terre et qui, pour certains, sont
en activité depuis plus d’un siècle et demi.
On dispose également de satellites magné-
tiques comme, par exemple, ceux de la
prochaine mission Swarm, de l’Agence spa-
tiale européenne, qui sera lancée en
novembre 2012. Toutes ces observations
sont intégrées dans des modèles empiriques
qui permettent de fabriquer des cartes du
champ magnétique à la surface de la Terre,
qui sont ensuite prolongées jusqu’à la sur-
face du noyau grâce à des méthodes
mathématiques. En plus de l’observation,
on peut faire des simulations numériques
sur ordinateur, qui reproduisent la dyna-
mique interne du noyau, un peu comme
on peut modéliser le climat ou l’évolution
de l’atmosphère terrestre. Avec une diffi-
culté supplémentaire cependant : l’absence
de mesures in situ. Si l’on veut modéliser la
vitesse du vent, on peut toujours envoyer
un ballon dans le ciel pour la mesurer ; il
est beaucoup plus difficile d’aller vérifier les
écoulements dans le noyau liquide. !
François Pétrélis est chercheur au
laboratoire de physique statistique
de l’Ecole normale supérieure
(laboratoire ENS, CNRS, UPMC et
université Paris-Diderot).
«Au cours de l’histoire de la Terre,
le champ magnétique s’est inversé
à de nombreuses reprises, mais selon
une fréquence qui n’est pas constante.
Il y a 100 millions d’années, il n’y avait
pas eu de renversements depuis 10
ou 30 millions d’années. Si ce phénomène
trouve son origine dans le noyau liquide
de la Terre, il est sensible à ce qui
se passe en dehors, plus précisément
dans le manteau terrestre, la couche
intermédiaire entre le noyau et la croûte,
qui représente 80 % du volume de
la planète. L’idée était de trouver quelque
chose qui varierait sur des centaines de
millions d’années et qui expliquerait que
l’écoulement dans le noyau se modifie.
Or, nous savons que les continents
finissent par changer de position, sur
une période courant sur des centaines de
millions d’années, au rythme de quelques
centimètres par an. Il y a 200 millions
d’années, la Pangée (le supercontinent
rassemblant la quasi-totalité des terres)
a commencé à se disloquer
en une multitude de morceaux qui
ont façonné la Terre telle que nous
la connaissons aujourd’hui. En faisant
le bilan de la surface des continents situés
dans l’hémisphère Nord et de ceux de
l’hémisphère Sud, on a calculé un degré
d’asymétrie, par rapport à l’équateur,
dans leur répartition durant cette période.
La conclusion ? Il y en a deux. Primo :
les plaques terrestres pourraient être
directement responsables des variations
de la fréquence des renversements. Après
leur plongée dans le manteau terrestre
au niveau des zones de subduction, les
plaques parviendraient jusqu’au noyau, où
elles modifieraient les écoulements de fer.
Secundo : les mouvements des plaques
ne feraient que refléter le brassage de
matière à l’œuvre dans le manteau et
à la base de celui-ci. Dans les deux cas,
ce sont bien des mouvements de roches
extérieures au noyau qui provoqueraient
l’asymétrie des écoulements à l’intérieur
et détermineraient la fréquence
des inversions.»
096
GOOD WORLD
GOOD TV
GIDEONRAFF
coup double
La scène se déroule fin mai, dans les rues
de Jaffa, transformées pour les besoins du
tournage en allées de Beyrouth. Casquette
vissée sur la tête, tee-shirt noir, Gideon (dit
Gidi) Raff, l’auteur de la série israélienne
«Hatufim» («kidnappés», en hébreu) dis-
cute à bâtons rompus avec Gilad Shalit, le
jeune soldat de Tsahal, qui vient de retrou-
ver la liberté après avoir passé cinq ans dans
les geôles du Hamas. Sous leurs yeux,
le tournage de la seconde saison de
«Homeland», l’adaptation américaine de
«Hatufim», dont Gidi Raff est aussi le
cocréateur aux côtés de Howard Gordon
et Alex Gansa (le duo de «Vingt-quatre
heures chrono»), vient de commencer. Le
showrunner israélien, qui, depuis trois ans,
partage son temps et son cerveau entre les
deux séries, a le triomphe modeste.
Avec un taux d’audience proche de 30%,
«Hatufim» – produite par la chaîne israé-
lienne Keshet – est pourtant considérée
comme un joyau télévisuel. La série, qui
raconte le retour au bercail de deux soldats
israéliens après dix-sept ans de captivité,
a été acclamée par la critique tant dans
l’Etat hébreu (où vivent 1500 anciens pri-
sonniers de guerre) qu’au Royaume-Uni,
après sa diffusion au printemps sur la
chaîne britannique Sky… De son côté,
«Homeland», qui compte Barack Obama
dans son fan-club, a reçu le Golden Globe
de la meilleure série dramatique, tout
en pulvérisant l’audience de la chaîne
Un peu schizophrène, ce showrunner israélien a tenu son pays en haleine avec «Hatufim», une série télévisée sur les prisonniers de guerre. Il est aussi le cocréateur de«Homeland», son adaptationaméricaine, déjà considéréecomme la meilleure réalisation de la saison.
Par Nathalie Hamou
Showtime («Dexter»). Le thriller, qui fera
son retour avec la saison 2, le 30 septem-
bre, sur le petit écran américain, avant que
que la saison 1 ne débarque à la rentrée sur
Canal+, suit l’histoire du sergent Nicholas
Brody, un marine revenu d’Irak alors qu’on
le croyait mort, et soupçonné par un agent
de la CIA de travailler pour Al Qaida.
Vu de Tel Aviv, Gidi Raff, tout juste
40 ans, a signé un exploit. « Il a abordé unthème ultrasensible pour le pays, auquelaucun scénariste n’avait osé s’attaquer, et l’araconté dans la langue télévisuelle améri-caine, ce qui a conféré à la série une portéeuniverselle », juge Ruta Kupfer, la critique
télé du quotidien Haaretz. «C’est assezremarquable qu’un sujet très national enIsraël ait pu se transformer de façon à réson-ner aux Etats-Unis puis dans le reste du
monde », renchérit Virginia Mouseler,
directrice du cabinet "e Wit, la vigie des
programmes télévisés internationaux.
Le parcours américain de Gidi Raff n’est
pas étranger à ce doublé gagnant. «J’ai passéune bonne partie de ma vie entre Israël et lesEtats-Unis. Au point de me sentir comme unétranger quand je revenais au pays. Cette sen-sation m’a donné l’idée d’écrire “Hatufim”»,raconte le scénariste réinstallé à Tel Aviv,
après un séjour de neuf ans à Los Angeles.
Parti pour étudier à l’Institut du film amé-
ricain, il fait ses classes comme premier
assistant réalisateur sur le tournage de
Mr. and Mrs. Smith, avec Brad Pitt et
Angelina Jolie. Deux longs métrages plus
tard, Gidi Raff devient le premier auteur à
vendre sur scénario une série télévisée israé-
lienne à un studio américain (Fox 21)…
Le timing lui est favorable. «Avec la grèvedes scénaristes de 2007, Hollywood s’est ouvertaux formats étrangers», raconte le créateur.
Et Israël s’est engouffré dans la brèche : le
pays est le premier exportateur de formats
de fiction aux Etats-Unis, devant le
Royaume-Uni. Comme Hagai Levi, l’au-
teur de la série israélienne vedette «Be
Tipul» – alias « In Treatment» («En ana-
lyse») aux Etats-Unis –, Gidi Raff travaille
à l’économie. «Le pilote de “Homeland”équivaut au budget de deux saisons de“Hatufim” !» glisse le scénariste qui, après
avoir touché au film d’horreur et au thril-
ler, espère s’essayer à la comédie. «Il y aquelques années, un job de rédacteur de conte-nus dans une start-up m’a inspiré un romanplutôt drôle, repéré par un producteur. Maisà l’époque, on nous a dit : personne n’a enviede regarder une série sur la vie de bureau.»Un an plus tard, «"e Office» faisait son
entrée fracassante sur le petit écran… ! PH
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Lancement : «Hatufim», mars 2010.
«Homeland», octobre 2011.
Audience : «Hatufim», 2,3 millions
de spectateurs en Israël (8 millions
d’habitants). «Homeland», un pic
à 2,7 millions sur Showtime.
Coût d’un épisode :
«Hatufim», 200000 dollars.
«Homeland», 1 million de dollars.
1. GIDEON RAFF.
2. LA SÉRIE «HATUFIM» A ÉTÉ ADAPTÉE
AVEC SUCCÈS AUX ETATS-UNIS.
1
2
Un thème ultrasensibleauquel aucun scénaristen’avait osé s’attaquer.
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GOOD WORLD
GOOD SURPRISE
Air France est en pleine crise et a décidé
de limiter ses investissements. Au mieux,
cinq nouvelles destinations seront ouvertes
cette année, contre le double en 2011.
Mais pas question de faire l’impasse sur le
vol direct Paris–Wuhan. Le 11 avril der-
nier, Jean-Cyril Spinetta, le président d’Air
France-KLM, a été accueilli en grande
pompe par les représentants de la ville et de
la province du Hubei, lors du voyage inau-
gural. Dix-huit mois de négociation ont
précédé l’ouverture de la ligne. Les autori-
tés locales ont promis à la compagnie
aérienne de rénover l’aéroport pour mieux
accueillir les passagers et d’aider au démar-
rage. Un Boeing 777 relie, trois fois par
semaine, Wuhan à Paris. Sur les deux pre-
miers mois d’exploitation, le taux de
remplissage a dépassé 60%, ce qui est
«conforme aux objectifs que se fixait AirFrance», indique la direction. Une ligne fré-
quentée majoritairement par des Chinois.
Car, qui connaît Wuhan en France ? Située
dans le centre de la Chine, cette ville, qui
possède de puissantes industries sidérur-
giques et automobiles, attire peu les
touristes. Air France n’étant pas en mesure
Le nom de Wuhan, capitale de la province du Hubei(10 millions d’habitants),n’évoque absolument rien pourla majorité des Français. Or, les industriels n’ont cessé d’y investir depuis les années 90.Savez-vous qu’un tiers des investissements français en Chine sont réalisés à Wuhan et que deux tiers des investissements européensà Wuhan sont français ?Enquête sur une incroyableattractivité mutuelle.
Par Mireille BroussousIllustration : Cruschiform
de faire des cadeaux à «nos amis chinois»,
c’est que l’investissement en vaut vraiment
la chandelle. Aujourd’hui, Wuhan est
encore une «vraie» ville chinoise, à des
années-lumière de la très internationale
Shanghai. Mais elle se modernise à toute
vitesse. La capitale du Hubei est l’objet de
toutes les attentions du gouvernement cen-
tral, qui s’attèle au développement des villes
intérieures, trop longtemps délaissées au
profit des villes côtières. «Wuhan est en trainde rattraper son retard, son PIB a doublé encinq ans pour atteindre 551 milliards deyuans en 2011, soit 60 milliards d’euros»,assure Serge Lavroff, consul général de
France à Wuhan.
De nouveaux quartiers d’habitation, de
nouvelles zones industrielles sortent de
terre tous les mois. Une forêt de grues
s’élève dans cette cité de 10 millions d’ha-
bitants, traversée par le Yangtsé et le Han.
Cinq mille chantiers sont en cours. Une
nouvelle ligne de métro est mise en service
chaque année. Wuhan est devenue la ville
leader du centre de la Chine. «On sent unbouillonnement extraordinaire, une véritableeffervescence», s’enthousiasme Patrick Cervi,
directeur de l’Alliance française à Wuhan.
Bien qu’inconnue du grand public, un
lien profond unit la France à la ville chi-
noise. Au point que près d’un tiers des
investissements français en Chine y sont
réalisés ! Certes, de grands groupes alle-
mands y sont également présents, comme
"yssenKrupp et Siemens. Les Britan -
niques, les Italiens y possèdent aussi des
usines. Mais deux tiers des investissements
européens à Wuhan sont français.
En 1992, PSA a ouvert le bal et entraîné
des équipementiers tels que Valeo, Faurecia
et Acome. En partenariat avec l’un des
principaux constructeurs automobiles chi-
nois, Dongfeng, le groupe français a
construit deux usines, d’où sortent
450000 voitures par an. Surtout pas des
monospaces : les Chinois les détestent.
Mais des berlines haut de gamme, comme
les Citroën C-Elysée, C-Quatre ou C4 L,
et, pour la marque Peugeot, des 408 et des
307 Sedan. La filiale chinoise renouvelle
sans cesse ses gammes pour coller au
marché. Les modèles destinés à la Chine
sont conçus dans le bureau de style de
Shanghai, où travaillent 650 designers et
chercheurs. La stratégie de conquête de
PSA s’intensifie. Une nouvelle usine est en
construc tion à Wuhan, qui sera capable de
produire 300000 véhicules par an en 2015.
WUHANles Français
à la conquête de
l’Ouest… chinois
1
Cinq mille chantiers sont en cours : devenue la ville leaderdu centre de la Chine, Wuhan se modernise à toute vitesse.
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1. L’INAUGURATION DE LA LIGNE DIRECTE
PARIS–WUHAN PAR AIR FRANCE-KLM.
2. DESTRUCTION D’ANCIENS BÂTIMENTS.
3. LA CITROEN ELYSÉE SUR UNE CHAÎNE DE
MONTAGE DE L’USINE DU GROUPE PSA.
4. UN CARREFOUR IMPORTANT EN CHINE.
4
Poser ses valises à Wuhan
Quand PSA Peugeot Citroën
a débarqué à Wuhan, au centre
de la Chine, en 1992, dans le cadre
d’une joint-venture avec
le constructeur chinois Dongfeng,
son premier réflexe a été
de créer une «base vie» : un vrai
«village gaulois» doté de magasins
d’alimentation, d’une école,
d’un dispensaire et d’un club
de loisirs, bâti à deux pas des usines.
«Je ne suis pas sûr que le constructeur
ferait la même chose aujourd’hui,
indique un diplomate français. Mais
il faut se remettre dans le contexte
de l’époque. S’implanter à Wuhan,
il y a vingt ans, c’était l’aventure.»
Entre-temps, la capitale du Hubei
n’est pas devenue une destination
touristique, mais c’est «une ville
assez agréable, où il fait plutôt bon
vivre, assure Patrick Cervi, directeur
de l’Alliance française. Bien que
la mégapole se modernise rapidement,
les temples sont préservés,
et les hutongs [quartiers constitués
de ruelles et de passages étroits,
NDLR] réhabilités.»
Un enthousiasme pour Wuhan que
partage Gilbert Mennetret, ancien
directeur du Novotel et fondateur
de l’UFE (Union des Français
de l’étranger) locale : «On y mange
vraiment bien et les balades autour
des lacs sont très agréables.»
La petite communauté française
de Wuhan – environ 1000 personnes
(780 personnes inscrites
au consulat) – est éparpillée
dans trois grands centres urbains :
Wuchang, le quartier des universités
et de l’Alliance française, Hankou,
le centre des affaires, et Hanyang,
la zone industrielle où vivent
les salariés de PSA. Il est facile
de s’y installer, car l’offre de locations
meublées dépasse la demande.
Les prix ont grimpé ces dernières
années, mais ils restent bien
inférieurs à ceux de Pékin ou
de Shanghai. De grands appartements
meublés sont accessibles
dans les quartiers résidentiels
pour un loyer mensuel variant
entre 600 et 1000 €.
Objectif : occuper 5% de parts de marché
d’ici à trois ans, contre 3,3% actuellement.
Les entreprises françaises très présentes
PSA est l’entreprise française la plus emblé-
matique et la plus connue des Wuhanais,
ne serait-ce que parce qu’elle y emploie
13000 salariés, pour la plupart chinois.
Mais 90 entreprises françaises sont pré-
sentes dans la ville, parmi lesquelles la
fonderie Delachaux, l’énergéticien Alstom,
le groupe Seb (qui a doublé sa capacité
de production d’articles culinaires en 2011)
et le groupe agroalimentaire Roquette.
Dans leurs unités de production, elles
emploient des centaines, voire des milliers,
de salariés. La grande distribution n’est pas
en reste avec Carrefour (8 magasins),
Metro et Decathlon. Côté banques, la
Société générale a ouvert une agence à
Wuhan dès 1997. «A l’origine, nous avonssouhaité accompagner Peugeot et son fournis?
2 3
seur Acome. Aujourd’hui, nous avons pourclients de grandes entreprises françaises, maisaussi chinoises», explique Philippe Lelarge,
responsable du développement commercial
pour la Chine. La Société générale est la
seule banque française à proposer des pro-
duits aux particuliers. Les 40 salariés de
l’agence de Wuhan soignent leurs riches
clients, leur apportant qualité de service et
conseil personnalisé. Ils les initient même
au F rench lifestyle via des cours de cuisine
ou des dégustations de vin. Les revenus et
le nombre de clients de la Société générale
à Wuhan augmentent de 30% par an.
Bien implantées, possédant une connais-
sance fine des marchés, les entreprises
françaises progressent avec succès. Un
exemple : présente à Wuhan depuis 1990,
l’entreprise Delachaux s’est vu confier la
conception et la fabrication du rail d’ali-
mentation électrique de la ligne 2 du métro
de Wuhan et a dû construire une nouvelle
100
GOOD WORLD
GOOD SURPRISE
usine en 2010. La crise mondiale touche la
Chine côtière, mais n’atteint pas Wuhan.
«L’activité économique est entraînée par lesimmenses travaux qui sont en train de trans-former la ville. Wuhan connaît un âge d’oréconomique qui durera encore au moinsdix ans», prévoit Serge Lavroff.
A l’abri de la crise mondiale
Ce potentiel n’a pas échappé aux entreprises
françaises. Au cours des dernières années,
une nouvelle vague s’y est implantée.
Certaines ont remporté des appels d’offres.
C’est le cas de Keolis, l’opérateur de trans-
port public de voyageurs choisi par la ville
de Wuhan, l’an dernier, pour optimiser son
réseau de transport collectif et faciliter les
solutions intermodales. Keolis établira son
quartier général «Asie» à Wuhan.
C’est aussi le cas de Suez Environnement,
qui a emporté, en novembre 2011, le pro-
jet de construction et d’exploitation pour
trente ans d’une usine de traitement des
effluents du parc chimique industriel de
Wuhan. D’autres entreprises y rejoignent
des partenaires. Bureau Veritas, fournisseur
de services dans les domaines de la qualité,
de la sécurité et de l’environnement, y a
ouvert une agence il y a quatre ans. «Nousassistons les sociétés dans la gestion de leurs
projets. C’est ainsi que nous avons aidéFaurecia et Seb à construire leurs usines. Nouscontrôlons aussi les fournisseurs des entreprisesfrançaises. Néanmoins, 60% de nos clientssont des entreprises chinoises qui exportent versles Etats-Unis ou l’Union européenne et ontbesoin de certifications soit de leur système demanagement, soit de leurs produits», indique
Wenjiang Li, directeur des ventes de la divi-
sion industrie et infrastructures de Bureau
Veritas en Chine. Les autres investisseurs
ont pour noms Saint-Gobain, qui prévoit
d’y ouvrir une usine de fabrication de
vitrage, Eurocopter, qui vient de créer un
bureau de commercialisation à Wuhan,
espérant ainsi profiter de la récente libéra-
lisation de l’espace aérien chinois à basse
altitude. Le groupe Renault y est attendu
de pied ferme, mais le suspens demeure.
Un protocole d’accord a été signé avec son
partenaire chinois Dongfeng – le même
que celui de PSA ! –, mais le groupe assure
ne pas avoir encore choisi le lieu de sa
future implantation. La décision ne devrait
1. LE WUHAN GREENLAND CENTER
(EN CONSTRUCTION) S’ÉLÈVERA À PLUS
DE 600 MÈTRES ET SERA LE QUATRIÈME
GRATTE-CIEL LE PLUS HAUT DU MONDE.
2. SERGE LAVROFF, CONSUL GÉNÉRAL
DE FRANCE À WUHAN, LORS DE LA POSE
DE LA PREMIÈRE PIERRE DE LA TROISIÈME
USINE DONGFENG PEUGEOT CITROËN
1
pas être annoncée avant 2014. Jusqu’à pré-
sent, Schneider Electric n’avait qu’une
agence commerciale à Wuhan. En 2011, le
groupe a décidé d’y construire une usine de
fabrication de produits «basse tension»,
une plate-forme logistique, un centre
d’appels, et d’y implanter des fonctions
support (finance et achats). Un projet d’in-
vestissements qui s’étend sur 40000 m2 !
«A Wuhan, le potentiel est énorme. La Chineréalise 50% de son PIB dans les régions ducentre. Nous allons faire de Wuhan notre qua-trième hub en Chine», indique Patrick
Gaonach, directeur stratégie et business
développement en Chine. Comme tou-
jours en Chine, tout va très vite. Cinq cents
salariés travaillent aujourd’hui chez
Schneider Electric, à Wuhan. Dans cinq
ans, il y en aurait 2000.
Plusieurs arguments ont poussé Schneider
Electric à choisir Wuhan : une situation
géographique idéale à quatre heures de
TGV de Pékin, de Shanghai et de Canton.
Un réseau de transport local de plus en plus
performant, qui permet de diffuser les pro-
duits dans toutes les provinces voisines. Et,
last but not least, une main-d’œuvre de
qualité : 200000 jeunes diplômés sortent
chaque année des universités de Wuhan, la
plus grande ville universitaire chinoise !
Un âge d’or économique quidevrait durer encore dix ans.
3
2
AUTOMOBILES (DPCA), EN MAI 2011.
3. DANS UNE USINE DE DONGFENG,
L’UN DES PRINCIPAUX CONSTRUCTEURS
AUTOMOBILES CHINOIS.
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GOOD WORLD
GOOD SURPRISE
Elle compte 1,2 million d’étudiants pour
70 établissements universitaires, dont cer-
tains caracolent en tête du fameux
classement de Shanghai.
Un lien profond avec la France
La confiance de Wuhan dans les entreprises
françaises est telle que, pour faire face aux
grands défis de l’avenir, c’est vers elles
qu’elle se tourne. La ville veut proposer aux
Wuhanais – 30 millions en 2020, selon les
prévisions – une meilleure qualité de vie.
En 2010, une lettre d’intention a été signée
avec la France pour une coopération en
matière de développement urbain durable.
Une première opération doit être réalisée
avec l’association Urba 2000 concernant la
protection écologique de la zone du lac
Liangzi. L’AFD (Agence française de
développement) finance en partie la réha-
bilitation énergétique d’une trentaine de
bâtiments publics de Wuhan. Sogea, filiale
du groupe Vinci, lance une étude sur le
recyclage des boues urbaines. Cette
confiance réciproque entre la France et
Wuhan est le fruit d’une longue coopéra-
tion industrielle, mais aussi et surtout d’une
très ancienne coopération universitaire
dans les domaines scientifique et médical.
Elle remonte à l’époque où de Gaulle et
Zhou Enlai ont décidé de faire de Wuhan
un modèle de coopération franco-chinois !
Des liens se sont tissés entre les universités,
notamment celles de Lille 2 et de Nancy.
Par exemple, au cours des dix dernières
années, 200 étudiants chinois ont suivi une
partie de leurs études de médecine à Nancy.
Des professeurs vont également y enseigner
leur spécialité. Le plus grand hôpital de
Wuhan est franco-chinois, son vice-prési-
dent est français.
En 1998, bien avant Séoul et Washington,
Paris a installé un consulat dans cette ville
industrielle alors peu attractive. «Jusqu’en2008, le seul consulat présent à Wuhan étaitle consulat français», rappelle Serge Lavroff.
Dès 2001, l’Alliance française s’y est éta-
blie. De quoi créer des liens profonds.
Cinq mille étudiants y suivent aujourd’hui
des cours. L’intérêt que les Français ont su
prêter avant les autres à Wuhan leur per-
met de tracer leur route dans une région
où désormais, comme le disait le grand
timonier, « l’avenir est radieux». !
Tchin Chine !
A Wuhan, tout le monde connaît, au
moins de réputation, le «château-lafei»
(lafite) ou le «château-latu» (latour).
Et certains Chinois sont prêts
à les déguster moyennant 900 €
la bouteille. «Contrairement à Shanghai
ou à Pékin, où les crus bourgeois de
bon rapport qualité-prix sont de plus en
plus appréciés par les connaisseurs,
on ne trouve à Wuhan que des vins
médiocres vendus relativement chers
ou, au contraire, de grands crus»,
explique Christelle Chêne, chargée
de mission export au conseil général
de la Gironde pour la filière vins
et agroalimentaire. La situation devrait
rapidement évoluer. Car, jumelée avec
Wuhan, la ville de Bordeaux a fait
de la mégalopole sa base arrière pour
diffuser ses vins dans tout le centre
de la Chine. En 2009, tout était à faire.
Seule une vingtaine d’entreprises
distribuaient les vins de Bordeaux.
«En 2011, nous avions une centaine
de contacts. Des boutiques de vin
se créent un peu partout», poursuit
Christelle Chêne. La petite structure ne
ménage pas ses efforts. Elle organise
tous les ans, en novembre, un Festival
des vins de Bordeaux et d’Aquitaine
destiné aux professionnels et prépare,
en partenariat avec Ubifrance,
des rencontres d’affaires individuelles
ou collectives entre producteurs
de bordeaux et sociétés chinoises.
Trouver les bons contacts pour s’ouvrir
les portes de la Chine centrale
est essentiel et c’est maintenant que
les producteurs doivent se mettre
sur les rangs : 60% des vins importés
en Chine sont français et 70% sont
des vins d’Aquitaine. L’empire du Milieu
est désormais le cinquième importateur
mondial de vin français en valeur
(539 millions d’euros en 2011, ce qui
représente une hausse de 94% par
rapport à 2010). Pour l’instant, la Chine
ne compte que 2% de consommateurs et
si le vin, notamment en Chine centrale,
reste un produit de luxe, un cadeau que
l’on offre dans les grandes occasions,
il commence à devenir une passion,
consolidée par de nombreux
magazines spécialisés et sites Internet.
4. UNE FOIRE DE L’EMPLOI, À WUHAN.
5. ICI AUSSI, ON SUIT DE TRÈS PRÈS
LES COURS DES MARCHÉS BOURSIERS.
6. LES ÉLÈVES DE L’UNIVERSITÉ DE
SCIENCES ET TECHNOLOGIE HUAZHONG,
LORS DE LA REMISE DES DIPLÔMES.
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GOOD WORLD
GOOD BOOST
Zodiac Aerospace est devenue la mascotte des analystesfinanciers. Avec une action qui a doublé en deux ans et un chiffred’affaires qui, pour l’exercice2011, a grimpé de 28%,l’équipementier aéronautiquerécolte les fruits d’une stratégieoffensive d’acquisitions ciblées sur des niches à hautevaleur technologique. Derrière cette sucess-storyboursière, il y a une belle aventureindustrielle à la française, qui remonte à la constructiond’aéronefs, au XIXe siècle.
Par Catherine Trocquemé
Zodiac : un nom presque commun. On
dit un Zodiac, comme on dit un Frigidaire
ou du Scotch. Pour le grand public, il
évoque tout de suite les bateaux pneuma-
tiques gris de nos vacances, rendus
célèbres, entre autres, par le commandant
Cousteau. Pour les avionneurs, les compa-
gnies aériennes ou la Nasa, ce sont des
toboggans d’évacuation, des cuisines et des
sièges pour les avions, des systèmes de
circulation du carburant ou de dégivrage,
ou bien encore les parachutes des vols
spatiaux. Pour les ingénieurs, Zodiac
représente avant tout une société pionnière
dans la construction de ballons dirigeables,
à la fin du XIXe siècle. Enfin, les investis-
seurs et les analystes financiers, eux,
pensent à la stratégie d’un groupe qui a
réussi à passer de la PME familiale réali-
sant 40 millions de francs de chiffre
d’affaires (environ 6 millions d’euros)
en 1974 à un groupe international pesant
2,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires
en 2011. Derrière le nom commun, se
cache, en réalité, une saga industrielle
amorcée il y a plus de cent ans.
A l’origine, Zodiac est une société de
conception et de fabrication d’aéronefs
fondée par des familles d’explorateurs et
d’aéronautes réunies autour de Maurice
Mallet, en 1896. Née à l’époque bouillon-
nante des grands entrepreneurs-inventeurs,
comme les Lumière ou les Michelin, la
petite entreprise de Maurice Mallet innove
sur le plan technique, mais également
commercial, en proposant ses engins
volants aux entreprises comme support de
réclame. Ses salariés participent à des com-
pétitions de ballons dirigeables pour
décrocher des records du monde. C’est
d’ailleurs grâce à ces ingénieurs aéronautes
intrépides que Zodiac crée, en 1934, le
prototype du fameux bateau pneumatique
et envahit un marché des loisirs en plein
essor dans les années 60. Tout au long de
son histoire, d’autres familles entrent au
capital et restent fidèles aux destinées de
l’entreprise. Encore aujourd’hui, l’équipe-
mentier aéronautique peut compter sur
cet actionnariat d’inconditionnels. Sept de
ces familles ont ainsi signé, en juin 2012,
des engagements collectifs de conserva-
tion, qui portent sur 24% du capital et
35% des droits de vote. Les années 70 ont
bien failli être fatales pour l’entreprise, mal
gérée et engluée dans des conflits de per-
sonnes. Elle allait droit à la banqueroute.
Didier Domange, l’un des actionnaires,
fait alors appel, en 1974, à un homme
venu de l’extérieur, son ami d’enfance,
Jean-Louis Gérondeau. Ce sera l’occasion
d’un nouveau départ.
Trente ans de croissance effrénée
Le nouveau patron de Zodiac s’entoure
d’une équipe de jeunes talents issus de
prestigieuses écoles de commerce, redresse
les comptes, optimise les process de fabri-
cation et part à la reconquête du marché
aéronautique. Dès 1977, l’entreprise
renoue avec les dividendes. Les caisses
à nouveau pleines, Zodiac rachète son
ancien concurrent Aerazur, positionné sur
les parachutes et les équipements pour les
avions (barrières d’arrêt, flotteurs pour
hélicoptères…), et double son chiffre d’af-
faires. Suivent trente années d’acquisitions.
Une trentaine d’entreprises sont ainsi
croquées par Zodiac rien que sur le marché
de l’aéronautique. L’une des dernières en
date, fin 2011, le britannique Contour
Aerospace, spécialiste des sièges d’avion
classe affaires et première classe, propulse
même Zodiac Aerospace à la place de
numéro un mondial du segment. Pour
ZODIAC AEROSPACE
sous le signe de l’air
Vents contraires
L’avenir du bateau pneumatique,
à qui la notoriété de Zodiac doit tant,
reste incertain. Depuis qu’il a rejoint,
avec les activités piscine, le giron du
fonds d’investissements Carlyle, en 2007,
l’embarcation insubmersible du docteur
Bombard navigue à vue. L’actionnaire
américain, désormais propriétaire
de la marque Zodiac, a lancé un plan
de redressement, depuis 2008, pour faire
face à un marché des loisirs impacté
par la crise, la flambée du prix du fuel
et des coûts de fabrication des bateaux
semi-rigides élevés. Le site girondin
de Zodiac Marine & Pool, menacé
de fermeture, devrait perdre
une soixantaine d’emplois en 2012.
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GOOD WORLD
GOOD BOOST
soutenir cette croissance externe, Zodiac
entre en Bourse en 1983. Mais une déci-
sion doit être prise sur la branche
Marine & Pool, dont les activités cycliques
et volatiles ne collent plus au profil de
Zodiac. En 2007, cette activité ainsi que la
marque Zodiac sont vendues au groupe
Carlyle, une société d’investissement amé-
ricaine. Très connue dans le monde
aéronautique, Zodiac a toutefois réussi à
négocier l’utilisation du nom à condition
qu’il soit accompagné d’«Aerospace». Peu
de temps après cette transaction, Jean-
Louis Gérondeau passe la main. Une
nouvelle page se tourne.
Les hommes et les marchés
de demain
Olivier Zarrouati prend alors les rênes,
dans la continuité de la stratégie menée
par Gérondeau. Zodiac Aerospace affiche
de solides perspectives de développement.
«Son positionnement sur les programmesB787, A380 et A350 devrait lui assurer unecroissance durable et rentable », précise
Antoine Boivin-Champeaux, analyste
financier, responsable du marché aéro-
nautique et défense au sein de Cheuvreux.
Quant à la stratégie de croissance externe,
elle est toujours d’actualité, malgré des
rumeurs récurrentes et persistantes d’OPA
de Safran (le groupe industriel, fruit de la
fusion entre Sagem et Snecma, pesant
11 milliards d’euros de chiffre d’affaires)
sur Zodiac. Certains disent d’ailleurs que
ces rumeurs ont eu un effet dopant sur le
cours de l’action Zodiac Aerospace. Il faut
donc continuer à grossir tout en optimi-
sant l’organisation d’un groupe très
décentralisé. En effet, chaque société
acquise garde une grande autonomie.
Héritage du traumatisme de la crise des
années 70, seul le contrôle de gestion et
des finances avait été consolidé. Depuis
deux ans, pourtant, de nouveaux services
transversaux se mettent en place, autour
de l’optimisation de la gestion de produc-
tion – le lean manufacturing – ou encore la
synergie des activités d’après-vente. «Nousnous organisons pour produire toujoursmieux », affirme Pierre-Antony Vastra,
directeur de la communication.
En 2012, un pas de géant est même fran-
chi avec la création d’une toute nouvelle
direction des ressources humaines. Zodiac
Aerospace prépare la relève du leadership
et structure, au niveau du groupe, la
gestion des carrières. Au programme :
valorisation de la filière technique des
ingénieurs, mise en place de dispositifs de
détection des talents et de parcours de for-
mation, renforcement des relations avec
les grandes écoles pour ouvrir le recrute-
ment de hauts potentiels et déploiement
d’outils de recrutement auprès des diffé-
rentes sociétés. Comme il faudra toujours
équiper des avions de plus en plus nom-
breux sur un marché mondial qui a
complètement explosé, l’avenir de Zodiac
semble tout tracé. !
Les hommes clés
• Le fondateur visionnaire : Maurice
Mallet. Cet aéronaute passionné
organisait au bois de Boulogne,
à Paris, des baptêmes de l’air
en ballon dirigeable et a fait voler
Guy de Maupassant et Jules Verne.
• L’ingénieur inspiré : Pierre
Debroutelle. Cet aviateur confirmé
a créé le prototype du fameux bateau
pneumatique en 1934. Ces deux
boudins gonflés aux bouts pointus ont
été utilisés pendant la guerre, glissés
sous les hydravions, pour transporter
des torpilles et des bombes.
• Le patron emblématique : Jean-Louis
Gérondeau. Ce jeune polytechnicien,
diplômé d’Harvard, venait chaque soir,
après sa journée chez McKinsey,
pour gérer l’urgence. En effet,
la comptabilité n’avait pas été tenue
depuis plus de huit mois.
En plus de trente ans, il bâtira
le groupe Aeropsace tel qu’on
le connaît aujourd’hui.
Zodiac Aerospace en chiffres
• 30 sociétés.
• 2,7 milliards d’euros de chiffre
d’affaires.
• 238 millions d’euros de résultat net.
• 21157 salariés dans le monde,
dont 6000 en France.
• 116 sites : 50 en Europe,
43 en Amérique du Nord, 11 en Asie,
8 en Afrique et 4 en Amérique latine.
• 24% du capital et 35% des droits
de vote détenus par sept familles.
Les 5 secteurs d’activité
de Zodiac Aerospace
• Aerosafety&Technology : systèmes
d’évacuation d’urgence, systèmes d’arrêt
d’urgence, systèmes d’interconnexion,
télémesure et télécommunications,
airbags…
• Aircraft Systems : circulation carburant,
surveillance et gestion de systèmes,
oxygène et protection physiologique,
commandes et signalisation dans
le cockpit, éclairage et actionneurs…
• Seats : sièges passagers et équipage.
• Galley&Equipment : galleys et
équipements embarqués, équipements
de galley, équipements cargo…
• Cabin Interiors : équipement de cabine,
systèmes cabine.
1. LE TOBOGGAN ARCHE GONFLABLE,
DU PONT SUPÉRIEUR DU BOEING 747.
2. ENTRE AUTRES ÉQUIPEMENTS, UN GALLEY.
3. LE CONCEPT DE SIÈGES AIR LAIR, PRÉSENTÉ
AU SALON DE HAMBOURG EN 2012.
4. OLIVIER ZARROUATI.
5. UN MASQUE À OXYGÈNE.
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Sous la direction de cetAméricain de 54 ans, passépar GAP, Tommy Hilfiger et Esprit, la marqueaméricaine de bagages de luxe Tumi a parfaitementréussi son entrée en Bourseen avril dernier. Un indice ?Le chiffre d’affaires a bondide 31 % en 2011 !
Par Elisabeth Guédel-Treussard
Jerome Griffith aime tout ce qui estbeau et tout ce qui roule. Il a conduit sapremière Harley-Davidson à 16 ans et enpossède aujourd’hui quatre. Si le patronde Tumi voyage encore dans le mondeentier avec un enthousiasme d’adolescent,il est sûrement le premier et le meilleurclient de sa marque, connue pour sesbagages et ses accessoires de luxe. Luxe ?Jerome Griffith s’en défend un peu. «Nosproduits ont un certain prix, c’est vrai, carleur qualité et leur design sont excellents.Mais ce ne sont pas des bagages qui restentdans les placards. Ils sont conçus pour uneutilisation régulière. » Le président n’hésitepas à taper violemment du pied sur unevalise cabine en Tegris, un matériau com-posite réputé indestructible égalementutilisé pour les voitures de course Nascar ;impressionnant ! Il est convaincant, c’estun très bon vendeur. « C’est pour ça queTumi m’a embauché. »
Du bagage à l’accessoireLe sourire aux lèvres, il raconte son par-cours. Né « dans une ferme », à Oxford,une petite ville de Pennsylvanie, il est lepremier de sa famille à faire des étudessupérieures, à Penn State, la célèbre uni-versité de Pennsylvanie. A 22 ans,fraîchement diplômé, il s’installe à NewYork, est embauché chez Lord &Taylor,
la plus ancienne chaîne de grands maga-sins américains. Pendant dix ans, il yapprend toutes les ficelles de la vente àdifférents postes de management. C’estensuite la traversée de l’Atlantique avec legroupe GAP, pour qui il dirige les ventesEurope et en développe la présence en lefaisant passer de 20 à 240 boutiques. Dixans plus tard, il devient patron des venteschez Tommy Hilfiger, puis président del’enseigne Esprit, dont les ventes passe-ront, en six ans, de 1 à 5 milliards dedollars, avant de quitter, en 2009, lemonde de l’habillement pour celui dubagage. « En trente ans, j’ai appris beau-coup de choses, et surtout ce que je ne doispas faire ! J’ai notamment appris à ne pasprendre de trop grands risques. Il vautmieux profiter au maximum de ce que l’oncomprend bien plutôt que d’essayer deschoses qu’on ne comprend pas. » Une sagessequi n’est pas très surprenante chez cet
JEROME GRIFFITH
le bagage lui va si bien
Tumi en quelques dates :
1975 : Création par un entrepreneurglobe-trotter américain, CharlieClifford. Nom donné d’après le symbole du Pérou, le tumi, un couteau cérémonielprécolombien.
1990 : Tumi débarque en Europe.2001 : Après les attentats
du World Trade Center, les ventes plongent de 40%.
2004 : Rachat par le fondsd’investissement privé britannique DoughtyHanson&Co.
2012 : Entrée à la Bourse de New York,le 19 avril. Jerome Griffithsonnne la cloche au NYSE.
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Louis Vuitton, Coach ou Tod’s. » JeromeGriffith travaille beaucoup sur le design,avec les créateurs maison, mais aussi descollaborateurs extérieurs. Une collection« Papillon », en noir et violet, conçue parla designer Anna Sui, a même défilé à lafashion-week de New York l’an dernier.Une édition limitée d’un millier debagages, mise au point avec l’artiste new-yorkais venu du Bronx John Matos, aliasCrash, l’un des grands noms du graffiti, aété sold-out en un mois. Ça collabore tousazimuts. Avec des constructeurs automo-biles, comme l’italien Ducati et lejaponais Lexus. «Toutes les grandesmarques automobiles nous ont contactéspour travailler avec nous », déclare fière-ment ce passionné de belles voitures. Avecle leader (80 % du marché) des casquesaudio Monster… Dans les cartons égale-ment : la création, avec un « célèbrechausseur français », d’un bagage féminindédié aux chaussures, « car, en fait, 45 %de nos clients sont des femmes et 2 acheteursen ligne sur 3 sont des acheteuses ! »explique-t-il, inspiré par les habitudes deses deux filles âgées de 20 et 22 ans.Jerome Griffith assure beaucoup s’amuseret compte bien continuer. !
Jerome Griffith en quelques dates :
1957 : Naissance à Oxford, Pennsylvanie.
1979 : Diplômé, en marketing, de
l’université de Pennsylvanie (Penn
State). S’installe à New York.
1979 : Manager chez Lord&Taylor,
occupe différents postes.
1989 : Directeur des ventes Europe
chez GAP. Basé successivement
en Angleterre, en France
et en Allemagne.
1998 : Retour aux Etats-Unis, directeur
des ventes à la J. Peterman
Company (ligne de vêtements
vendue sur catalogue et Internet).
1999 : Directeur des ventes chez
Tommy Hilfiger.
2002 : Retour en Europe, président
d’Esprit.
2006 : Président d’Esprit Amériques
du Nord et du Sud.
2009 : Président de Tumi, basé
à New York. Vit entre Manhattan
et les Hamptons (Long Island).
Tumi aujourd’hui :
– Siège à South Plainfield, New Jersey.
– 1 400 points de ventes,
dont 183 boutiques dans 65 pays.
– Un millier d’employés dans le monde
– Chiffre d’affaires : 330 millions
de dollars en 2011 (soit une
augmentation de 31% par rapport à
2010) et 390 millions prévus en 2012.
– Bénéfice net : 16,6 millions de dollars.
– Premier marché : l’Amérique du Nord.
Deuxième marché : la Chine.
Et un tiers du business réalisé en
Asie : Chine, Japon et Corée du Sud.
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adepte des arts martiaux que les nouveauxinvestisseurs de Tumi doivent apprécier.Le bagagiste est en effet entré à la Boursede New York le 19 avril dernier.L’entreprise, valorisée à plus de un mil-liard de dollars – deux fois moins que legéant Samsonite –, n’a évidemment plusrien à voir avec celle créée en 1975 parl’entrepreneur américain Charlie Clifford.A cette époque, le marché du bagage deluxe se résumait essentiellement à lalourde valise rigide du businessman.Aujourd’hui, Tumi vend des dizaines demodèles de sacs souples, de valises trolleyset d’attachés-cases, dans des matériauxultra-innovants et au design sophistiqué.Depuis l’arrivée de Jerome Griffith, lesaccessoires ont pris une place très impor-tante dans le catalogue de Tumi.Protection de tablettes numériques – un
best-seller – et de smartphones, adapta-teurs électriques, portefeuilles ou encorematériels électroniques… 75 % des produits vendus ne sont plus,aujourd’hui, liés directement au voyage.Histoire, notamment, d’être mieux arméen cas de nouveau coup d’arrêt dans lesvoyages d’affaires, comme cela a été le casaprès les attentats du 11 septembre 2001ou lors de la crise financière de 2008-2009. Jerome Griffith n’aspire toutefoispas à une mutation complète. «Tumi estconnue pour ses bagages. Il n’est pas ques-tion de changer cela. » Il garde à l’espritl’erreur de Volkswagen. « Le constructeurallemand a sorti, en 2002, la Phaeton, unevoiture de luxe à 100 000 dollars, superbe,comparable à une Audi ou à une Mercedes.Mais invendable ! Car les gens n’associentabsolument pas la marque Volkswagen àune voiture de luxe. »
Des podiums aux graffitis du BronxRester fidèle à son image, c’est la garantiede rester à part pour Tumi. «Nous n’avonspas vraiment de concurrents directs. Noussommes entre les marques moyen de gammecomme Samsonite et Rimowa, et les trèsgrandes marques de luxe comme Burberry,
1. VALISE CABINE DROR INTERNATIONAL
EXPANDABLE ONYX.
2. VALISE CABINE GRAPHITE TEGRA
LITE CONTINENTAL.«J’ai appris beaucoup de choses, et surtout ceque je ne dois pas faire ! »
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Quand il parle de progrèsmédicaux, tout paraît simple : ilsuffit de lutter contre les maladiespour lutter contre le vieillissementet la mort. Douglas Melton dirige,à l’université d’Harvard, l’un deslaboratoires les plus à la pointedans la recherche scientifique.C’est dans ses éprouvettes quese prépare l’homme de demain.
Par Elisabeth Guédel-Treussard
Le docteur Douglas Melton vient de voirse réaliser le rêve de tout chercheur : l’abou-tissement concret de décennies de travail.Le laboratoire qu’il dirige au sein du dépar-tement de biologie régénérative et d’étudedes cellules souches, à l’université d’Har-vard, a signé un contrat de 8 millions dedollars (6,5 millions d’euros) avec une filialepharmaceutique du géant de la grandeconsommation Johnson & Johnson et unecompagnie allemande de biotechnologie,Evotec. L’enjeu : le développement demédicaments contre le diabète, une pre-mière dans le traitement de cette maladie.A 59 ans, Douglas Melton est l’un des plusgrands spécialistes des maladies dégénéra-tives au monde, ces maladies déclanchéespar la dégradation d’un ou de plusieurs
organes. «Au lycée, j’étais intéressé par lessciences, mais probablement plus encore par letennis et le basket», aime-t-il raconter à sesétudiants. Ce n’est qu’à l’université, dans lesannées 70, qu’il découvre le clonage des cel-lules et son immense champ d’application.Il se lance dans l’étude du diabète lorsqueson fils, puis sa fille révèlent la forme detype 1 de cette maladie, ou «diabète juvé-nile», différent du diabète de type 2, lié ausurpoids ou à l’obésité. Le diabète de type 1touche 22 millions de personnes dans lemonde. Le coût du diagnostic seul est éva-lué à 175 millions de dollars (143 millionsd’euros), rien qu’aux Etats-Unis.
Vaincre toutes les maladiesDepuis des années, le professeur d’Harvardessaie de comprendre le mécanisme de lamaladie qui apparaît lorsque le pancréas neproduit pas suffisamment d’insuline, l’hor-mone qui régule la concentration de sucredans le sang. Il s’est d’abord plongé dans lepancréas des grenouilles et des souris, dansles années 90. Puis, de la cellule animale, ils’est tourné vers la cellule embryonnaire etles cellules souches. Ces dernières, plus rareschez l’adulte que dans l’embryon, sontcapables de produire d’autres cellules spé-cialisées (celles du cerveau, du cœur, dufoie…) et peuvent se reproduire quasi indé-finiment en laboratoire. «Il faut être capablede reproduire la maladie pour regarder ce quise passe, encore et encore. Les cellules souchesservent à cela», explique-t-il au journalisteaméricain Charlie Rose, en 2009, lorsqu’il aété nommé l’une des cent personnalités lesplus influentes au monde par le magazineTime. Aujourd’hui, l’obstacle principal à larecherche est davantage son financementque la technologie, estime Douglas Melton.En 2001, le président George W. Bush a faitinterdire le financement de ce type de tra-vaux par des fonds publics. Durant huit ans,les scientifiques n’ont pu compter que surdes fonds privés. Douglas Melton n’a pashésité à défier l’interdiction en cultivant descellules souches et en les distribuant gratui-tement aux laboratoires pour la poursuitede leurs recherches. Malgré la levée de l’in-terdiction, la course aux financements resteune nécessité et la concurrence est rudeentre laboratoires. Le contrat signé par celuide Douglas Melton sur un traitement médi-camenteux du diabète arrive donc à point.Chaque molécule qui sera mise sur le mar-
ché rapportera des centaines de millions dedollars à Harvard, de quoi financer lesrecherches à venir. Car Douglas Meltonestime n’être qu’à ses débuts. Son travail surle diabète est applicable à toutes les mala-dies dégénératives, comme le cancer, lamaladie d’Alzheimer ou encore celle de Par-kinson. Le scientifique va plus loin : selonlui, dans plusieurs décennies, on sera capa-ble d’éliminer toutes les maladies et dereculer le vieillissement de l’homme, phy-sique et intellectuel. «Nous pouvonscertainement arrêter la mort, assurait-il àRoger-Pol Droit et Monique Atlan, lesauteurs du livre Humain, publié en janvier.Je suis convaincu qu’on peut trouver les moyensd’allonger la durée de vie des vertébrés grâce àdes modifications génétiques.» L’homme irachez son médecin pour un check-up de sescellules comme il y va aujourd’hui pour unbilan de santé. Le patient pourra remplacer,par transplantation, ses cellules vieillissantesou défectueuses par des cellules toutesneuves. Une vision à très long terme, prochede la science-fiction. L’espoir d’améliorerl’espèce humaine selon Douglas Melton etles scientifiques de sa génération. !
DOUGLASMELTON
repousser les limites de l’humain
Douglas Melton
1953 naissance à Chicago,
le 26 septembre.
1975 maîtrise de biologie à l’université
de l’Illinois.
1977 maîtrise d’histoire
et de philosophie des sciences
à l’université de Cambridge,
en Angleterre.
1980 doctorat de biologie moléculaire
à l’université de Cambridge,
en Angleterre.
Depuis 1988 professeur de biologie
moléculaire et cellulaire
au département de biologie
régénérative et d’étude
des cellules souches à l’université
d’Harvard.
2007 et 2009 compte parmi
les 100 personnalités les plus
influentes au monde selon le Time.
● Cofondateur de l’Institut d’étude
des cellules souches à l’université
d’Harvard.
● Membre de l’Académie nationale
des sciences.
● Membre de l’Institut de médecine.
CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
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Prendre le temps de la réflexionTracer les perspectives pour agir
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Certains ont leur USM commed’autres ont leur Porsche ou leur Rolex. Avec ses structuresen acier et ses parois en tôle aux couleurs vives, ce mobilier a fait son entrée, en 2001, dans les collections permanentes du MoMA, à New York. Un joyaumodulaire représentatif de la célèbre précision suisse. Un sujet The Good Life !
Par Serge GleizesPHOTOS : Scarlett Coten
Suisse alémanique, Berne. Quelquesfaubourgs plutôt cossus, des champs par-faitement verts et, enfin, Münsingen.Quatorze fanions arborant les couleurs dela firme ondulent au vent : USM. PourUlrich Schärer Münsingen. Tout com-mence en 1885, lorsque Ulrich Schärerfonde un atelier de forge qui deviendra,un peu moins de quarante ans plus tard,sous la houlette de son fils Alfred (aidé deses frères Robert, Paul et Hans), un atelierspécialisé dans la production d’espagno-lettes. Dans les années 50, la productionmétallique et l’usinage de la tôle se déve-loppent, ainsi que la production desystèmes de fermeture de fenêtres. PaulSchärer, troisième du nom, qui a rejointla société en 1961, confie à Fritz Haller laconstruction d’un nouveau site, endehors de la ville : « C’est le credo quianime ma vie, affirme l’architecte. Maprofession n’est pas à but lucratif, mais s’ins-crit dans la recherche constante de ce quipeut faire chanter les œuvres. »Forts du succès rencontré par le bâtimentlivré à Münsingen, en 1965, et qui reposesur un système de construction basique etmodulable, les dirigeants d’USM ont uneidée de génie : adapter ce principe à unsystème de mobilier en acier réalisé demanière industrielle. Ainsi voit le jour lefameux système Haller (développé en1963 avec Paul Schärer et Kurt Scherrer),qui repose sur le principe du système
ouvert, modifiable à l’infini, permettantau meuble de s’adapter à l’organisation den’importe quel poste de travail. L’idée ?Rudimentaire. Une structure composéede tubes de jonction et d’une boule surlaquelle se greffent des parois horizontalesou verticales. Résultat : un assemblagetrès résistant à la pression et à la traction,habillé de plaques en tôle. Bingo ! fin1969, quand la banque Rothschild com-mande 600 modules. Très vite, les filialesse développent : près de Baden-Baden, enAllemagne, en 1975, à New York en2002, à Paris en 2003, à Tokyo ensuite…L’usine de la petite ville de Münsingenfournit alors des bureaux, des hôtels, desaéroports, des bâtiments publics, desmusées, des demeures privées et même denombreuses grandes marques commePorsche et Hugo Boss, pour lequel ellecrée un gris spécifique. En 1992, USMabandonne même son activité d’originepour se concentrer uniquement sur lessystèmes d’aménagement.
Une merveille de précision Devenu trop exigu, le bâtiment d’Hallers’est métamorphosé en lieu d’expositionet de conférence. Siège, bureaux, show-room et ateliers sont alors installés dansun énorme parallélépipède entouré d’ungazon taillé au cordeau, au centre duqueltrône une sculpture de Schang Hutter. Aufond du gigantesque open space, le bureau
USMrangement
affectif
Les créations phares d’USM
1963 Naissance du système
d’aménagement USM Haller.
1989 Lancement d’USM Display, créé
par Fritz Haller et Rudolf Graf.
1990 Lancement d’USM Kitos,
dessiné par Paul Schärer
et Rudolf Graf, composé
de plans de travail et de tables
de conférence modulaires,
réglables électriquement
ou manuellement.
1996 Lancement du système USM
Inos.
1999 Lancement d’USM Eleven 22,
dessiné par Alexander Schärer,
Florin Baeriswyl et André
Gerber, qui se résume
à un cadre vertical sur lequel
sont suspendus des parois,
des supports d’ordinateurs,
des rangements et des plans
de travail rabattables.
2011-2012 Lancement des concepts
Living et Working Essentials,
avec les nouvelles tables USM
Kitos E et USM Haller Advanced,
munies d’un compartiment
intégré permettant de cacher
les câbles et les branchements,
et équipées pour accueillir
des écrans plats, des lampes,
des clés USB…
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du dirigeant actuel, Alexander Schärer,quatrième du nom, est séparé de ceux deses employés par des œuvres d’art, unesculpture d’Oscar Wiggli, une œuvre deBen posée sur une étagère – Parlez-moi etje vous répondrai peut-être –, des photosde Chicago, en noir et blanc, de BalthasarBurkhard. Dans les salles d’assemblageattenantes, les chaînes de production sontentièrement robotisées. Un matériel, bienqu’extrêmement coûteux, qui peut êtreamorti en cinq ans ! Le montage final desmeubles est, en revanche, resté complète-ment manuel. Pour mériter la gratificationde la légendaire fabrication suisse, chaquemeuble USM se doit d’être une petitemerveille de précision et de rigueur.L’autre grande force de l’entreprise résidedans l’attention qu’elle porte à l’environ-
nement. Un nouveau bâtiment est enconstruction et va accueillir les prochainsateliers de peinture époxy. Tout sera sou-terrain, pour des raisons d’économied’énergie. Même souci de l’écologie pourla fabrication des poudres de couleursrésistant à la lumière et dépourvues desolvant. Les plateaux de table sont vitrifiésavec des laques multicouches solublesdans l’eau et inodores, séchant sousrayonnement, et les colles utiliséescontiennent peu de formaldéhyde, extrê-mement toxique. Les ouvriers quisurveillent les pistolets à laque travaillentd’ailleurs sans masque ni gants. Autant deparamètres qui ont valu à la marque derecevoir, dès mai 2007, le certificat del’institut Greenguard. Alors à quand vosbureaux en USM ? !
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1. LES BUREAUX D’USM, ÉQUIPÉS
EN MOBILIER DE LA MARQUE.
2. ET 3. DANS LES ATELIERS DE FABRICATION,
LES CHAÎNES DE PRODUCTION SONT
ENTIÈREMENT ROBOTISÉES.
4. DES ROULEAUX DE TÔLE AVANT D’ÊTRE
DÉCOUPÉS EN PAROIS, QUI SERONT ALORS
RECOUVERTES DE PEINTURE EPOXY.
4. DANS UNE CABINE DE PEINTURE, SANS
MASQUE NI GANTS !
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Alexander Schärer,CEO d’USM
!e Good Life : Qu’est-ce qui a changé chezUSM depuis votre arri-
vée, en 1993? Alexander Schärer : Pas grand-chose, carl’une des valeurs de notre entreprise est lalongévité. Notre production est toujours réa-lisée en Suisse et une partie du montage enAllemagne. En revanche, le haut de gammes’est développé, le moyen de gamme a baissé.Le franc suisse est devenu très fort par rap-port à l’euro, ce qui a engendré, chez nous,l’augmentation de nos ventes et de notrechiffre d’affaires en Allemagne et en France. TGL : Un rangement USM est-il design ? A. S. : Oui, plus que jamais, car il répond àl’idée que l’on se faisait du design dans lesannées 60. A l’époque, ce dernier avait uncôté confidentiel et élitiste. Dans lesannées 80, il a connu de nombreux déve-loppements parallèles. Aujourd’hui, ledesign fait partie de notre quotidien.TGL : Vous financez des bourses universi-taires du Virginia Polytechnic Institute etde la State University de Blacksburg. Pourquelle raison ? A. S. : Parce que nous misons toujours surl’avenir. Cela dit, cette collaboration nedate pas d’hier. Elle a été le fruit de mer-veilleuses rencontres avec des étudiants etdes professeurs passionnés. TGL : A quel marché répond la nouvelleligne Living Essentials ? A gagner le sec-teur de l’habitat privé ?A. S. : A revenir surtout à plus de simpli-cité, à l’essence des choses, afin de créer unedifférence entre l’univers du public et duprivé. Avec Living Essentials, nous essayonsde développer un réseau de distribution pluspointu, avec des magasins spécifiquementdesign, pour répondre à une nouvelleapproche sociétale et à de nouveaux stylesde vie. En outre, c’est la première fois quedes prix sont indiqués dans la brochure.TGL : Vous semblez, par ailleurs, accorderune grande importance au développementdurable…A. S. : Oui, c’est très culturel chez nous, etpas seulement du marketing. Dans notrenouveau bâtiment souterrain, nous ferons35% d’économie sur les énergies primaires.Le coût de cette nouvelle installation seraamorti en sept ans. !
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1. 3. ET 4. PAS MOINS DE 1000 PAROIS
EN TÔLE SONT PRODUITES CHAQUE HEURE,
DANS DE NOMBREUX COLORIS.
2. LOTS DE CONNECTEURS, LES FAMEUSES
BOULES AUTOUR DESQUELLES
LES STRUCTURES SONT ARTICULÉES.
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Le mobilier USM en quelques infos
Couleurs best-sellers : blanc, 31% ;
noir, 24% ; gris clair, 17%.
Longueur et poids d’un rouleau de tôle servant à réaliser les parois du mobilier : 1,5 km ; 3,5 t.
Nombre de parois réalisées par heure : 1000.
Surface de revêtement des tôlesproduite par an : 1,5 million de m2, soit
l’équivalent de 180 terrains de football.
Diamètre de la boule, l’élémentfédérateur : 2,5 cm.
Profondeurs, largeurs et hauteursd’un module : 10,15 et 25 cm ;
35 et 39,5 cm ; 50 et 75 cm.
Pascal Buisson,directeurgénéral Europe,Etats-Unis et Japon.
!e Good Life : Que représenteaujourd’hui USM pour le réseau de distri-bution français ? Pascal Buisson : USM est devenu unemarque quasi incontournable. Ce qui estvraiment étonnant, c’est de constater le suc-cès toujours égal, voire grandissant, d’unecréation qui a vu le jour il y a quarante-cinqans, et cela sans avoir à développer degrandes nouveautés chaque année.TGL : Quelles sont les raisons de cettepérennité ? P. B. : L’attention obsessionnelle que nousportons à la qualité de nos créations et à cellesde nos prestations, deux notions qui ont tra-versé les époques sans jamais se déprécier.Autre élément déterminant, la direction suitla même voie depuis son origine, et restefamiliale puisque Alexander Schärer, le fils dePaul Schärer, qui fut à l’origine du produit,est aujourd’hui président-directeur général.TGL : Comment la marque est-elle perçueaux Etats-Unis ? P. B. : Fort bien. Mais là-bas, le marketingest capital, tout doit être simple, un meubleentièrement monté doit être livré en deuxsemaines. Point final. D’autant plus qu’auxEtats-Unis USM est perçu comme du trèshaut de gamme. Ma mission est de créer unréseau de distribution adapté aux spécifici-tés de chaque Etat, de faire comprendre cequ’est la modularité et de développer lesventes d’un produit technique dans un paysqui apprécie la qualité suisse. TGL : Cela s’applique également à l’ex-portation ?P. B. : Absolument. Si les principaux grandsmarchés se concentrent en Allemagne et enSuisse, la maison met de plus en plus l’ac-cent sur l’international, notamment par lebiais des filiales françaises, américaines etjaponaises. Et les résultats progressent dansces zones géographiques. En France, USMconnaît un succès considérable, notammentauprès des entreprises qui apprécient la soli-dité et la sécurité de nos rangements, maiségalement auprès des particuliers qui nousprouvent que l’attachement affectif à lamarque est très fort. !
USM en chiffres
Surface du site suisse : 34000 m2
répartis sur 3 bâtiments.
Chiffre d’affaires : 150 millions d’euros
environ.
Chiffre d’affaires du showroomet de la filiale française : 6 millions
d’euros en 2011, en augmentation de 40%
par rapport à 2010, et continuité de la
progression sur le premier semestre 2012.
Principales filiales : Allemagne, France,
Grande-Bretagne, Etats-Unis, Japon,
Autriche, Espagne…
Exportation : 70% de la production.
Nombre de commandes : 100000,
en Suisse, l’année dernière.
Montant d’une commande : environ
3000 euros pour une commande
moyenne, hors gros projets.
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C’est un talent qui n’attend pas le nombre des années. A seulement34 ans, David Leclabart vient de s’installer dans le cockpit de TBWA Paris, la troisième agencequ’il est amené à diriger, aprèsCLM BBDO et McCann. Les boîtes de pub se l’arrachent,mais ce booster d’équipes détonnepar sa normalité ostentatoire : anti-bling-bling, anti-grosse tête,presque à contre-emploi, tant ilsemble imperméable au superficiel.
Par Laura Cordin
Son ambition ? Redonner à la pub leprestige de sa fibre créative, une créativitéà la fois intuitive et pro, où la liberté d’in-venter se blinde, en amont, d’un sévèrebriefing. Regard droit, sourire clair, poi-gnée de main chaleureuse et un cerveau…qui tourne très, très vite. C’est la premièreimpression qui fuse au contact de ce jeuneboss, dont le bureau vitré, fiché au cœurdu vaste bâtiment de TBWA, à Boulogne,est à l’image de son hôte : une pièce touteblanche pour étudiant haut de gamme, oùun sélect ordinateur portable semble fairebon ménage avec une cafetière électrique.Vêtu d’un pantalon noir et d’une chemiseblanche, les cheveux sagement bouclés auras de l’épaule, David Leclabart dégageune sobriété qui ne laisse pas indifférent.Pas de self-pub, nulle trace d’ego sous-jacent, mais, à l’inverse, un autoportraitqui pourrait tenir du hara-kiri, s’il ne s’ac-compagnait d’une vision stratégique :« Moi, je suis assez moyen, et ça n’a pasd’importance. J’ai lu des livres que presquetout le monde a lus, je suis bon public aucinéma et je vais un peu au théâtre, maissans plus… Je suis dans la mouvance et,avec le recul, ce profil de moyen s’avère idéalpour tenter de faire la synthèse du mondequi nous entoure, rapprocher des universdifférents, créer des ponts entre la réalitéd’un produit et son image. Au fond, c’est ça,être publicitaire. »
Priorité à la liberté de créerLa douceur du timbre de voix contrasteavec un parler à la mitrailleuse, d’où nes’échappent que des mots utiles. «Ce quiest un peu triste, poursuit-il, c’est qu’on ataylorisé ce métier. La pub, aujourd’hui, c’estune espèce de chaîne de production de jobsdifférents : planeurs stratégiques, produc-teurs, commerciaux, créatifs. A vouloir troporganiser, on ne trouve que de bons techni-ciens, de bons sociologues. Et on perd de vueque notre savoir-faire, c’est d’abord la créa-tion. » David Leclabart en sait quelquechose, lui dont le père et l’oncle sontpublicitaires. Même s’il affirme avoir vrai-ment découvert ce métier en s’y collantlui-même, quand, à 20 ans à peine, il
s’essayait au planning stratégique chezBETC Euro RSCG, parallèlement à sescours de l’Edhec. Autonome dans sa tête,collectif dans ses actes, David Leclabart nes’approprie rien, sinon cette volonté demuscler la pub française d’un certain per-fectionnisme à l’anglo-saxonne, de tenterd’ouvrir le recrutement des créatifs à denouveaux profils et leur offrir ce challengepermanent d’une liberté d’expression unli-mited, mais adossée à un briefing trèsserré. Un métier où l’on ne s’ennuiejamais. Et David Leclabart d’évoquerl’aventure Clooney-Nespresso, dont il aété un temps le chef d’orchestre chezMcCann : « Je repense à ce jeune commer-cial que l’on a envoyé avec Clooney, partis’assurer lui-même de l’éthique des cafésNespresso chez les caféiculteurs de Colombie,et qui a passé des soirées mémorables à dis-cuter et à boire des coups avec le plus grandacteur de la planète. Quel autre métier offreça aujourd’hui ? »… What else ? !
DAVIDLECLABART
« think different »
Pedigree pub
1978 Né à Paris. Son père et son oncle,
Jérôme et Vincent Leclabart,
sont publicitaires.
1998 Diplômé de l’Edhec.
1999 Planneur stratégique chez BETC.
2000 Responsable du développement
chez BETC (Air France, Total).
2001 Cofonde Le Singe, filiale
de RSCG.
2004 Directeur du développement
chez CLM/BBDO (Wrigley, Total,
PepsiCo Monde).
2008 Directeur général de CLM/BBDO.
2010 Directeur général de McCann
Paris (Opel, Nespresso).
2012 Directeur général de TBWA Paris
(McDonald’s, GMF, McCain).
Ses spots préférés
Lynx Getting Dressed,signé BBH London, 2004.
Here’s to the Crazy Ones (Apple),signé TBWA/Chiat/Day, 1997.
The Independent Litany,signé Lowe (Worldwide), 2010.
FedEx Dad,signé BBDO New York, 2004.
Bud Light Real Men of Genius,signé DDB Chicago, 2001.
Sa force de frappe : réunir des talents
«bien meilleurs que lui»
«Ce qui m’intéresse dans ce métier,
c’est de m’entourer de gens bien
meilleurs que moi, et de faire en sorte
qu’ils puissent me surprendre. Etre moins
bon qu’eux ne me pose aucun problème.
Mon job, c’est de réunir des gens
talentueux : seuls, ils ne seraient pas
grand-chose, mais ensemble, ils forment
un tout hyperefficace. Quant aux juniors
de la boîte, je leur dis d’entrée de jeu :
“Vous êtes là pour prendre ma place !”»
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Cette page est intentionnellement libre de toute publicité
… avec les compliments de The Good Life !
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GOOD WORLD
GOOD ADVERTISING
Certaines pubs marquent les esprits et méritent qu’on s’y arrête, parce qu’elles pétillentd’intelligence et/ou d’insolence.Chaque année le jury des D&AD Awards examineenviron 20000 campagnes dans le monde avant de décerner ses Yellow Pencils et, plusexceptionnellement, ses BlackPencils. Cette organisation à but non lucratif, créée en 1962 par des designers et directeursartistiques londoniens,récompense chaque année la créativité, l’originalité,l’excellence technique,l’innovation et, bien sûr, le talentdans le design et la publicité.Sans commentaires : nul besoinde mots, quand une publicité estbonne, ça se voit tout de suite !
Par Charles !ouvenot
COUPS DE PUBqui font boom
Yellow Pencil 2012 catégorie Art Direction for Press Advertising
Stunt
Client : Wrangler
Année : 2011
Agence : Fred & Farid, Paris
Directeurs créatifs : Frédéric Raillard et Farid Mokart
Rédacteurs : Frédéric Raillard et Farid Mokart
Directeurs artistiques : Juliette Lavoix, Céline Moeur, Frédéric Raillard
et Farid Mokart
Photographe : Cass Bird
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Yellow Pencil 2012 catégorie Press Advertising
Sexidents
Client : MTV
Année : 2011
Agence : Grey Worldwide
Directeurs créatifs : Moritz Crub
et Regner Lotz
Rédacteur : Janus Hansen
Directeurs artistiques : Alphons Conzen,
Federico Gasparian et Reto Oetterli
Illustrateur : Gary Davidson
Yellow Pencil 2012 catégories Art Direction for Press
Advertising et Press Advertising
Heaven and Hell
Client : Samsonite
Année : 2011
Agence : JWT Shanghai
Directeurs créatifs : Hattie Cheng
et Rojana Chuasakul
Rédacteur : Marc Wang
Directeurs artistiques :Rojana Chuasakul, Danny Li, Haoxi Lv
et Surachai Puthikulangkura
Illustrateurs : Surachai Puthikulangkura
et Supachai U-Rairat
D&AD The Copy Book, édité
par Taschen, reprend les meilleurs
projets créatifs de chaque année.
Ici, l’édition 2011, 592 pages, 40 €.
L’édition 2012, en cours d’élaboration,
doit sortir courant septembre.
bureau, Ward Koeser, le maire deWilliston, se prépare à une longue jour-née entre les permis de construire à signer,un projet de nouvel aéroport, les repasavec les directeurs de compagnies…«Cette ruée dépasse tout ce qu’on pouvaitimaginer… souffle-t-il. Ça va beaucouptrop vite. » En 2007, la ville comptait15000 habitants. Combien aujourd’hui ?25000, 30000 ? Ward Koeser n’est passûr. Il gère comme il peut sa ville-cham-pignon. Et les compagnies pétrolièresmanquent encore de bras. Dans une Amérique en récession, ellesproposent des salaires de 100000 dollarspar an. Les hommes en mal de job accou-rent de tout le pays, des jeunes sansdiplôme aux seniors avec des traites à rem-bourser. A Williston, le taux de chômageest de 1%. L’immobilier explose : uneplace de parking au milieu de nulle partse négocie 1500 dollars par mois, unechambre meublée, 3000 dollars. Plus cherqu’à Manhattan. «On construit pour troispersonnes, il en arrive cinq ! Les compagnieslouent tous les appartements, ça tire les prixà un niveau incroyable », déplore l’élu. AWatford, qui compte officiellement1744 habitants, même le shérif vit dansun mobil-home, mais il paie 800 dollars« seulement» au lieu des 5000 habituelle-ment demandés aux ouvriers ! «On doitaugmenter les fonctionnaires et les loger pour
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GOOD BOOM
DAKOTA DU NORD
la ruée vers l’or noir
Trois heures que la Subaru a quittéBismarck, la capitale du Dakota duNord, et roule plein ouest entre ciel etprairie. Le portable ne capte plus deréseau, le trafic sur l’Interstate 94 estproche du zéro absolu. La région duBakken, nouveau pays de l’or noir, n’estplus très loin. Ici, tout le monde n’a queça en tête. Les habitants eux-mêmesreconnaissent que « le seul truc qui tient lacomparaison, c’est la ruée vers l’or de1848 ». Sur un panneau, à l’entrée de laville d’Alexander, en guise de bienvenue :les dix commandements de la Bible. Lespremières pompes à pétrole apparaissentdans les champs. Couleur rouille, ellesrépètent inlassablement leur mouvementde pompage. Puis c’est le derrick : cetteplate-forme à tour de 40 m de haut quisoutient le dispositif de forage des puits. Aujourd’hui, il y en a 200 dans le Bakken(contre 30 en 2009), et il faut au moins100 personnes à plein temps pour en fairetourner un seul. A l’approche de la villede Williston, on compte toujours plus depompes et de derricks. Les camions-citernes engorgent maintenant la route etklaxonnent à tout-va. Les routiers sontpressés, ils sont payés au baril. Entre despelleteuses Caterpillar et des maisonspréfabriquées, un bar karaoké proposedes pintes de bière à 2 dollars. Dans lesvilles du Bakken, le taux de testostérone
a fortement augmenté en deux ans. Lesmobil-homes et les caravanes pullulent :ce sont les man-camps où dorment lesouvriers. Pour loger ses employés, lafirme Halliburton est allée jusqu’àimporter le village olympique deVancouver au cœur de cet oil country.
Produire davantage que le Texas En mai dernier, une conférence intitulée«Bakken Gold, le meilleur est encore àvenir » a réuni hommes politiques, lob-byistes et compagnies pétrolières au palaisdes congrès de Bismarck. Le gouverneurde l’Etat, Jack Dalrymple, et le régulateuren chef de l’industrie, Lynn Helms, entreautres, se sont succédé au micro. Ils savou-rent et voient loin, et ont annoncé40 000 puits en exploitation d’ici à 2020et un objectif clair : dépasser le Texas etdevenir les premiers producteurs du pays,«pour le Dakota du Nord, pour l’indépen-dance énergétique de la nation». Une vieillechimère réalisable d’ici à cinq ou huit anssi les choses suivent leur cours : le Dakotadu Nord dépasse déjà l’Equateur, membrede l’Opep. De bon matin, dans son
Cela fait au moins un demi-siècleque les Etats-Unis n’ont pasconnu un tel boom. Les plainesdésertes du Dakota du Nord se couvrent de puits et de derricks, et voient affluerune main-d’œuvre avide de salaires mirobolants.
Par Maxime RobinPHOTOS : Dave ArntsonILLUSTRATIONS : Zoé
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«Cette ruée dépasse toutce qu’on pouvait imaginer.Ça va beaucoup trop vite. »
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1. JACK DALRYMPLE, GOUVERNEUR
DU DAKOTA DU NORD, À LA CONFÉRENCE «BAKKEN GOLD».
2. LES POMPES ONT ENVAHI LA RÉGION.3. LES CAMIONS TRANSPORTANT LES BARILS
PARE-CHOCS CONTRE PARE-CHOCS.4. WARD KOESER, MAIRE DE WILLISTON.
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moins cher. Sinon ils partent », expliqueWard Koeser. Deux policiers de Watfordont même rendu leur insigne l’an dernierpour rejoindre l’oil business, au momentoù on aurait le plus besoin d’eux. Leboom apporte son lot de nuisances : bou-chons, accidents, vols, prostitution…Habitués aux relations de voisinage faciles,les locaux grincent des dents. Ils suppor-tent mal les camps de nomades. «On lesappelle les gipsy truckers», siffle un habi-tant de Watford. Les « routiers gitans ».
Un milliard de dollars de royalties Le bassin de Bakken dort à 3 000 m deprofondeur. Cette formation géologiquede 520 000 km2 (la France fait543 965 km2) s’étend sous une partie duDakota du Nord, du Montana et de laSaskatchewan, au Canada. S’agissant depétrole de schiste, seules les nouvellestechniques de forage par fracking (fractu-ration hydraulique) le rendentexploitable. Cette technique coûte dixfois plus cher qu’un puits classique, maispermet d’extraire beaucoup plus.Motivés par le cours mondial élevé dubrut, les investisseurs ont lancé l’assaut.« Ce n’est pas le boom le plus spectaculairede l’histoire de l’humanité. Mais il entrefacilement dans mon top 10 », concèdeDavid Hobbs, analyste stratégique enhydrocarbures. Qui y gagne ? Les com-pagnies pétrolières, bien sûr. L’Etat aussi,dont les caisses débordent, et les habi-tants : le nombre de millionnaires adoublé en deux ans. Les heureux pro-priétaires des droits minéraux se sont
partagé, en 2009, 1 milliard de dollars deroyalties. En 2012, ce sera encore biendavantage. Beaucoup de ces chèquess’envolent hors de l’Etat, vers de lointainshéritiers qui ont fui depuis longtemps cedésert humain, mais, selon les estima-tions, la moitié de cet argent reste toutde même au Dakota du Nord. Ici, le fer-mier qui possède une terre ne détient pasforcément les droits minéraux du sous-sol. Jusqu’à 16 personnes peuvent separtager les droits d’un seul acre. Maiscombien leur rapporte le pétrole ? Selonplusieurs sources, les droits minérauxdémarreraient à 500 dollars et grimpe-raient jusqu’à 80 000 dollars par moisselon le contrat signé, la qualité du puitset le cours du brut. Le président del’Association nationale des détenteurs deroyalties (NARO), Jerry Simmons, a cal-culé qu’« ici, environ 67 000 personnespossèdent des droits minéraux. » Uncontrat bien ficelé leur assure 20 % duprix du baril pompé dans leur sol.Pourtant, on ne croise pas de grosses voi-tures allemandes ni de limousines sur lesroutes. On ne voit pas non plus degrosses maisons qui en jettent, mais descaravanes et des bêtes à cornes qui pais-sent dans des enclos immenses. Où val’argent ? « Les habitants ne le montrentpas. Ils l’envoient à la banque ou le cachentsous le matelas », explique NathanConway, directeur d’exploitation pour la
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Le Dakota du Nord en chiffres
Population : environ 684 000 habitants, 3e Etat le moins peuplé des Etats-Unis.Taux de chômage : 3% en mai 2012 (le plus bas des Etats-Unis).Rang : 2e état producteur de pétrole des Etats-Unis (10% de la productionnationale totale), après le Texas et devant l’Alaska. Nombre de puits et derricks :7000 en activité. Production : 575000 barils de bruts par jour (près de 91,5 millions de litres).Salaire annuel moyen à Williston en 2011 : 71000 $ (environ 56000 €)contre 31000 $ (24500 €) en 2006.Taxe : 1,2 milliard de dollars (environ950 millions d’euros) de taxespétrolières récoltées par l’Etat en 2011.
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Ward Williston Oil Company. Le terri-toire est profondément conservateur. ABismarck, l’unique « gratte-ciel » est hautde 16 étages, et c’est le Capitole. LeDakota du Nord n’est pas un Etat bling-bling. « Ici, vous ne croiserez pas depéquenauds qui veulent refaire leur vieavec yachts et manteaux de vison », souritDennis Johnson, procureur à Watforddepuis trente ans. Une affaire de menta-lité, donc. « Certains se construisent unenouvelle maison, s’achètent un tracteur, c’estfréquent, admet le procureur. Mais guèreplus. Les rares familles qui détiennentbeaucoup de droits minéraux étaient déjàtrès riches avant ce boom. »
Vingt hommes pour une femme Les travailleurs migrants, eux, n’ont pas depudeur à dire combien le boom leur rap-porte. Les plaques d’immatriculation despick-up indiquent qu’ils viennent de tousles Etats-Unis. Joe Martin, 52 ans, a pla-qué son commerce de joaillerie de Fargo, àla frontière avec le Minnesota, pour deve-nir routier. Il travaille douze heures parnuit pour 134000 dollars par an. Ilhéberge son fils Jeff pour un job d’été :laveur de camions. Jeff devrait toucher19000 dollars en quatre mois, qui lui per-mettront de financer ses études. Mais àpart travailler, dormir ou chasser le faisan,on s’ennuie vite au Dakota du Nord. Sans
parler de l’hiver, qui peut être glacial. Lestravailleurs fuient la région dès qu’ils lepeuvent pour rejoindre leur famille ou par-tir au soleil. Une situation que regrettentles élus. «Ils n’amènent pas leur famille et nes’intègrent pas à la communauté, ils ne vontpas à l’église, soupire Dennis Johnson. Ici,le ratio démographique est de vingt hommespour une femme.» Dans la salle d’attente dela gare de Williston, Josh Newmannattend le premier train. A 21 ans, il gagne13000 dollars par mois sur les derricks. «Jebosse quatorze heures par jour, 28 jours desuite. Ensuite je pars deux semaines. C’est lerythme. J’aime bien partir dans les îles, auxBahamas…» Après deux ans de ce régime,Josh a déjà acheté trois maisons enArizona. «Je suis jeune, je n’ai pas de copine.
A 27 ans, j’arrête. Je ferai le tour du monde,je démarrerai de bonnes études. »Josh le sait comme tout le monde ici : leboom ne durera pas. « Ça pourrait durerdix ans, peut-être vingt…» suppose l’ana-lyste David Hobbs. «Même le meilleur desgéologues ne sait pas où la nappe s’arrête etcombien de temps on l’exploitera », recon-naît Nathan Conway. En tout cas, leDakota du Nord ne maîtrise pas son des-tin. L’interdiction du fracking par leCongrès stopperait net le boom. «En unenuit, plus rien ! » frémit un routier. Autremenace : un cours mondial du brut sousla barre des 60 dollars. Le dernier boom,dans les années 80, avait mal fini. Les rueslaissées en plan ne menaient nulle part,Williston était plombée par une dette de
No fracking : no boom
Pour «fracker» un puits, il faut :8 millions de litres d’eau (soit troispiscines olympiques), 1500 tonnes de sable, des produits chimiques commel’alcool isopropylique, le méthanol,l’éthylène glycol (utilisé dans le liquide de refroidissement des voitures) et d’autres substances parfoiscancérigènes en très grande quantité.Cette mixture devient un déchet. Le Dakota la réinjecte dans le sol, dansdes puits nommés «saltwater disposal»(collecteur de saumure). En 2005, le Congrès a décidé que le frackingpasserait outre les critères du SafeWater Drinking Act (loi sur l’eau potable),accélérant son développement, et,actuellement, l’Environmental ProtectionAgency (EPA) n’est pas autorisée à contrôler la qualité de l’eau autour des puits. Des opposants au frackingexistent au Dakota du Nord, mais ils sontminoritaires. Les industriels et beaucoupd’habitants assurent que les forages sonttrop profonds pour agir sur la qualité de l’eau potable… Le 1er avril dernier, les régulateurs locaux ont légèrementdurci leurs exigences. Les exploitantsdoivent désormais déclarer les solvantsutilisés et stocker les millions de mètrescubes d’«eaux sales» dans des conteneurs : avant, ils étaient laissésà l’air libre. La France, quant à elle, a étéle premier pays au monde à interdire le fracking, en juin 2011.
1. DENNIS JOHNSON, PROCUREUR DE WATFORD. 2. ET 3. LES VILLES SE DÉVELOPPENT
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28 millions de dollars. Un ancien se sou-vient des autocollants collés sur lespick-up. « Ça disait : “le dernier qui partde Williston éteint la lumière”. » Trente ansaprès, les locaux aimeraient contrôlerdavantage les événements. « S’il n’y avaitque 100 forages, la vie serait tranquille ettout le monde aurait du boulot. Mais200 derricks en même temps, c’est troptendu ! » estime un habitant. Pour l’ins-tant, l’Etat et les pétroliers se dépêchentd’engranger avant que la musique ne s’ar-rête, et le Dakota du Nord fait rêver
même les jeunes de la côte Est. Nasir,26 ans, a passé deux jours dans le train,depuis le New Jersey, pour venir àWilliston : « J’avais entendu sur CNN qu’ily avait des jobs ici. » Il a trouvé un travaildans l’heure, « bien mieux payé que dansles casinos d’Atlantic City ». Pourtant, ilrepart au bout de deux jours, faute d’en-droit où dormir. « Un type sympa m’ahébergé la nuit dernière, sinon j’auraisdormi dans une église. » Nasir repart enbus tenter sa chance à Minot, une autreville du boom, jusqu’à ce qu’il trouve untoit et un job. «N’importe lequel. » !
industrie, gagnent plus de 200000 $ par an…TGL : A quels défis le Dakota du Nordfait-il face ?N. C. : Il a toujours été pris pour un Etatlow performer, alors le boom fait plaisir !Par contre, rien n’a été planifié pour faireface à ce surcroît d’activité. Le Dakotadu Nord a été pris par surprise ; l’histoirese répète. Il faut davantage de pipelinespour écouler le brut. Aujourd’hui, la moitié du pétrole sort du Dakota par le fret. Un wagon se loue très cher :4000 $ par mois, plus 1 $ par bariltransporté. Notre brut, compétitif à la base, se retrouve plus cher que le pétrole texan sur les marchés. TGL : Que pensez-vous de la nouvelleloi qui oblige les compagnies à stocker les eaux toxiques dufracking dans des cuves et à déclarerla liste des composants chimiquesutilisés, qui pénètrent les sols ?N. C. : Ça nous coûte entre 100000 et 200000 $ par puits. Les compagniespétrolières devraient faire seulement ce qu’elles font le mieux : produire.L’augmentation des coûts est nocivepour la compétitivité et pour l’emploi.Nous avons toujours eu affaire à un Etatoil-friendly, mais des groupes de pressionl’orientent vers davantage de régulation.Je le regrette. !
The Good Life : Comment fonctionneWard Williston ?Nathan Conway : Depuis notre premierpuits foré en 1952, nous possédionsdeux divisions différentes : une brancheprestataire de services et une brancheproduction. C’est rare. En mars 2011,nous avons revendu la branche serviceau Missouri Basin Well Service [le montant de la plus-value reste secret,NDLR]. On recapitalise, on investit dans la prospection et la production.Nous sous-traitons toutes les tâchesphysiques. TGL : Comment êtes-vous entré dans le business du pétrole ? N. C. : J’ai débuté comme contrôleur de puits, à 16 ans. J’ai ensuite démarré àWard Williston en 2001 comme assistantdu CEO, avant de devenir analyste en prospective et développement, puis chef des opérations en 2010. TGL : Quel est votre salaire ?N. C. : Je ne peux pas vous le dire.Disons que les dirigeants, dans cette
NathanConway 35 ans, directeur
des opérations au Dakota du Nordde la Ward Williston Oil Company.
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L’Etat et les pétroliers se dépêchent d’engranger.
TGL_1235_121.indd 1 14/08/12 11:49
Bibliographie
• L’Aide fatale. Les Ravages
d’une aide inutile
et de nouvelles solutions
pour l’Afrique, éd. Lattès, 2009.
• How the West Was Lost. Fifty
Years of Economic Folly
– and the Stark Choices Ahead
éd. Allen Lane
(Grande-Bretagne), 2011,
non publié en français.
• Winner Take All. China’s Race
for Resources and What
It Means for the World,
éd. Allen Lane
(Grande-Bretagne), 2012,
non publié en français.
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GOOD WORLD
THE GOOD WOMAN
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Elle est considérée commel’une des 100 personnalités les plus influentes du monde.Dambisa Moyo, née en Zambieet installée aujourd’hui à Londres, est devenue, à 43 ans, l’une des expertes de la mondialisation les plus en vue du monde anglo-saxon.
Par Béatrice Toulon
La carte de visite de cette ancienne collaboratrice de la Banque mondiale et deGoldman Sachs nécessite un format A3 :administratrice de sociétés – Barclays,Lundin Petroleum, SABMiller, BarrickGold –, chroniqueuse pour le FinancialTimes et le Wall Street Journal et, surtout,auteur d’essais sur l’économie et la financemondiales, des best-sellers apocalyptiquessur le déclin de l’Occident à vous réjouirde disparaître avant la fin du siècle.Dambisa Moyo appartient à une nouvelleclasse de femmes venues des pays
émergents, brillantes et ambitieuses, surdi-plômées, sûres d’elles, de leur talent, deleur féminité. Et qui clament qu’il esttemps de changer le monde. Elle le clametrès fort. La première fois, c’était en 2009.Son livre, L’Aide fatale. Les Ravages d’uneaide inutile et de nouvelles solutions pourl’Afrique (publié en France chez Lattès),met un beau bazar chez les intellectuels etles experts du développement. Et la révèle.Ce brûlot froid explique pourquoi « ladépendance à l’aide» détruit l’Afrique plusqu’elle ne la développe et ce qu’il faut faireà la place : des obligations ou du micro-crédit, par exemple. Depuis, l’aide à
l’Afrique a été largement coupée, mais seu-lement à cause de la crise.
La cohérence de la politique chinoise
Qu’est-ce qui fait qu’un pays s’en sort oupas ? La question obsède cette diplôméed’Harvard, qui en a fait son sujet de thèse.Tout comme l’obsède le déclin del’Occident, dont elle règle le compte dansson deuxième livre : How the West Was Lost.Fifty Years of Economic Folly – And the StarkChoices Ahead (2010, pas encore traduit enFrance). Elle y dénonce les trois plaies desEtats-Unis : l’endettement, la consomma-tion et la spéculation immobilière, quandil aurait fallu épargner et investir dans lesnouvelles technologies. « Le mauvais sangaméricain a contaminé tout l’Occident »,déplore-t-elle en appelant l’Europe etl’Amérique à se ressaisir avant d’être écra-sées par les pays émergents, Chine en tête.Cette Chine dont Dambisa Moyo refusede faire le nouveau Belzébuth. Dans sondernier livre, sorti en juin et déjà best-sel-ler, Winner Take All, China’s Race forResources and What It Means for the World(pas encore traduit en France), elleexplique la cohérence de la politique chinoise et son esprit de responsabilité :«Les dirigeants chinois ont besoin de sortirdes centaines de millions de personnes de lapauvreté. » Et parce qu’ils possèdent l’armefatale de l’épargne, ils peuvent aller cher-
cher en Afrique et en Amérique latine lesterres, les énergies et autres minerais dontils auront besoin demain. Les Africains,assure-t-elle, ne sont pas tous hostiles àcette présence davantage trade qu’aid.
Une Cassandre zen et chic
A chaque livre, cette intellectuelle aubazooka renforce sa notoriété… et les cri-tiques qui dénoncent ses approximations,son libéralisme pour les uns, ses outrancespour les autres. Il faut voir, à la télévision,les financiers, souvent des hommes plusâgés, se faire tacler par cette jolie femmetoujours zen et chic en robes couture et sti-lettos. Mais si Cassandre s’habille enLanvin, ce n’est pas demain qu’on la verradans Vogue. Que fait-elle entre deux livreset deux conseils d’administration ? Est-ellemariée, aime-t-elle la mode, le sport, lesvoyages ? Personne ne le sait vraiment. Ladame a cadenassé sa vie privée. Peut-êtreaime-t-elle échanger avec ses parentsretournés à Lusaka, où sa mère a été la pre-mière femme patronne de la fédération desbanques de Zambie. Dans la préface deson premier livre, la jeune femme racontesa culpabilité de n’être pas retournée dansson pays, l’un des plus pauvres du monde.« Trouver une solution durable à l’Afrique estune quête personnelle. » Mais trouver unesolution durable pour le monde est uneuniverselle nécessité. !
DAMBISAMOYO
la mondialisationet l’Apocalypse
« Le mauvais sang américaina contaminé tout l’Occident. »
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Premier quotidien espagnol,dont le site web jouit de l’audience la plus large de tout le monde hispanique,El País n’est pas épargnépar la tempête qui secouel’Espagne et fait sombrer les médias par dizaine. Mais,contre vents et marées, le journal madrilène tient son cap et continue à fournirune information de qualité.
Par Alain LouyotPHOTO : Stevens Frémont
Chaque jour, en se rendant à leurbureau, les journalistes d’El País détour-nent le regard pour ne pas s’appesantirsur leur affligeant voisinage. Juste en facedu siège du prestigieux quotidien madri-lène, situé 40, calle de Miguel Yuste, surles murs décrépis d’une fabrique de car-relage en faillite, des pancartes et desbanderoles à moitié déchirées indiquent :« Liquidación » et « Se vende ». Dans uneEspagne en pleine récession, ce spectaclequi tend à se banaliser les affecterait sansdoute moins si leur prestigieuse publica-tion, créée voilà trente-six ans, n’était pas,elle aussi, touchée de plein fouet par lacrise. Une double crise, en fait, puisques’additionnent les effets désastreux dumarasme économique sur les recettespublicitaires et ceux, ravageurs pour lapresse écrite, de la crise de mutation desmédias. Et pourtant, dans le hall d’entréecossu d’El País, décoré d’une vénérablelinotype et des unes célèbres du quoti-dien – dont celle du 23 février 1981, jourdu coup d’Etat manqué, titrée « El País,con la Constitución » –, pas le moindreindice de cette très mauvaise passe quifait pourtant dire aux journalistes au sor-tir des réunions d’information : « estamosen la mierda… »
Au fil de ses 76 pages, denses et sobrescomme celles du quotidien françaisLe Monde auquel il ressemble et avec lequelil a noué un partenariat finalement tombédans l’oubli, les lecteurs d’El País auraient,quant à eux, bien du mal à déceler en cesjours si sombres un relâchement éditorial,une baisse de qualité dans l’enquête ou
l’écriture. Pas question en ces temps de criseet de déprime, comme le font parfois, parfacilité, d’autres quotidiens espagnolscomme El Mundo ou ABC, d’essayer dedistraire les lecteurs d’une crise trop anxio-gène en mettant à tout bout de champ lavictoire à l’Euro de football ou un faitdivers sensationnel à la une. «Certes, nousavons de sérieux problèmes financiers du fait
de la chute de quelque 30% en un an de nosrecettes publicitaires, qui constituaient plus dela moitié de nos revenus. Mais tous les gensnous disent que le journal n’a jamais été aussibien, aussi intéressant », assure SabrinaTahiri, sa nouvelle directrice du marketing.Et il est vrai que, en dépit des plans d’éco-nomie drastiques qu’impose la crise et desplans sociaux qui se succèdent au seinmême de la rédaction, le premier quoti-dien espagnol – 340000 exemplaires, enmoyenne, par jour, en semaine, et400000, le week-end – parvient à se tenirà la hauteur de sa réputation en continuantde décrypter, vaille que vaille, l’actualitéavec rigueur, exigence et talent.Cette tradition de sérieux, mais aussi devigie de la démocratie, qui en a fait « le »journal de référence espagnol, remonte àses origines. Fondé le 4 mai 1976, El Paísest né des volontés réformatrices quis’étaient manifestées à la toute fin de l’èrefranquiste sous l’impulsion de personnali-tés prestigieuses comme Manuel FragaIribarne (l’un des pères de la Constitutionde 1978) ou José María de Areilza (l’undes artisans de la transition espagnole).Ainsi, dirigé par Jesús de Polanco et JuanLuis Cebrián, proches d’Areilza – qui serale ministre des Affaires étrangères du pre-mier gouvernement du roi Juan Carlos –,El País est autorisé à paraître deux moisavant la mort de Franco. De sensibilitésocialiste, le nouveau quotidien se montred’emblée très critique envers Adolfo
EL PAÍSvigie de la
démocratie
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1. LA RÉDACTION D’EL PAÍS EMPLOIE
ENCORE AUJOURD’HUI PLUS DE
300 JOURNALISTES.
«Le journal n’a jamais étéaussi bien, aussi intéressant.»
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3. SABRINA TAHIRI, LA NOUVELLE DIRECTRICE
DU MARKETING DU JOURNAL. 4. 5. ET 7. LE SIÈGE D’EL PAÍS, À MADRID.6. JAVIER MORENO, LE DIRECTEUR
DE LA RÉDACTION D’EL PAÍS.
Suárez, président du second gouverne-ment de la monarchie restaurée etconducteur de la politique de transition.Aux élections de l’automne 1982, El Paíssoutient naturellement le parti socialisteouvrier espagnol (PSOE) mais cela nel’empêche pas de devenir bientôt aussitrès sévère vis-à-vis du gouvernement degauche de Felipe González, à qui ilreproche, notamment, sa gestion de l’or-dre public, de la lutte contre le terrorisme
2. CRÉÉ IL Y A 36 ANS, LE QUOTIDIEN
A CONCLU DES PARTENARIATS AVEC
PLUSIEURS TITRES AMÉRICAINS
ET LATINO-AMÉRICAINS.
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El País
Les Editions El País appartiennent augroupe Prisa, présidé par Ignacio Polanco.Depuis fin 2010, Prisa est détenu à 57,1 %par le fonds d’investissement LibertyAcquisition dirigé par Nicolas Berggruen.Le groupe Prisa a enregistré une pertenette de 8,04 millions d’euros au1er trimestre 2012 (chute de 170% par rapport à début 2011 !). Le quotidienEl País est présidé par Juan Luis Cebrián.Directeur de la rédaction :Javier Moreno. Fondation : 4 mai 1976. Diffusion : 340000 exemplaires en semaine (34500 en Amérique latine)et 400000, le week-end (avril 2012). Abonnés : 60000. Audience Internet : 14,1 millionsd’internautes, dont 8,2 millions en Espagne et 5,9 millions dans le restedu monde (source comScore). Chiffre d’affaires :2,69 milliards d’euros Perte : 72,9 millions d’euros en 2010(contre 120 millions de bénéfice en 2007). Réduction des coûts : 25% en un an(2010-2011, audit en cours). Effectifs : 420 journalistes,correspondants compris. Editions : 8 – Madrid, Barcelone,Valence, Pays basque, Andalousie,Galice, une édition européenne et une édition latino-américaine. Version digitale gratuite : 1 million de téléchargements. Abonnement mensuel à la versiondigitale du quotidien : 9,90 €. Publicité : chiffre d’affaires en baisse de plus de 30% en 2010-2011 par rapport à l’exercice précédent (85%des recettes publicitaires pour la versionpapier et 15% pour la version web).
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d’ETA et, évidemment, ses multiplesscandales. En 2012, le quotidien n’a rienperdu de sa vigilance à l’égard des puis-sants. Tout récemment, il épinglaitl’Académie royale d’histoire, qui n’a pasosé qualifier le général Franco de dicta-teur dans son Diccionario biográficoespañol. Et publie presque chaque jour desdessins cruels pour l’Espagne, proche dela banqueroute, comme celui de ce mata-dor agitant piteusement sa muleta devantle squelette d’un taureau…
Premier site d’info hispanophone «Nous avons toujours eu notre franc-parler.Ainsi, dans ce maelström qu’est devenuel’Espagne aujourd’hui, nous avons été, unefois de plus, les premiers à avertir nos lecteursde la gravité de la situation économique, cequi nous a valu de recevoir, de la part de laclasse politique, une volée de bois vert ! »s’exclame Jan Martínez Ahrens, 46 ans,l’un des rédacteurs en chef, qui collaboredepuis une vingtaine d’années à El País.En charge, notamment, du web, ce licen-cié en philosophie, barbu et en veste destyle battle-dress, avoue, comme sesconfrères, être «dans le brouillard le plusopaque» et ne pas savoir «d’où le journaltirera demain son financement». Et, tout enregardant avec envie les nombreuses et élé-gantes pages de publicité du derniernuméro de !e Good Life qu’il feuillette, ilajoute, sans avoir l’air d’y croire : «Si d’icideux ou trois ans la situation économiques’améliore dans notre pays, je pense qu’enprincipe nos revenus proviendront alorsessentiellement de l’offre digitale. »D’ores et déjà, avec une audience de plusde 14,1 millions de lecteurs recensés enfévrier 2012 par comScore, le siteInternet d’El País s’impose comme le pre-mier site mondial d’information enlangue espagnole. Sur ce chiffre, près de lamoitié de ses visiteurs hispanophonesrésident en Amérique latine ou aux Etats-Unis. «Nous avons, souligne Jan MartínezAhrens, des racines profondes en Amériquelatine. Ainsi, c’est notre bureau de Mexicoqui, dès minuit, prend le relais de la gestiondu site global d’El País puisque avec le déca-lage horaire, là-bas, c’est alors le jour. » Maisle quotidien madrilène a aussi noué despartenariats avec nombre de titres étran-gers et en particulier latino-américains :El Economista, au Mexique, La Tercera deChile, à Santiago, El Nuevo Herald, à
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Miami… tandis qu’un supplément enanglais d’El País est diffusé, depuis 2001,avec l’édition espagnole de l’InternationalHerald Tribune dans le monde hispa-nique. Par ailleurs, depuis 2004, lequotidien édite, avec le New York Times,un supplément hebdomadaire en espa-gnol sur ce qui se passe dans le monde,traité du point de vue du quotidien amé-ricain. Comptant encore, malgré les planssociaux et les départs en retraite anticipée,plus de 300 journalistes, le journal dis-pose toujours de news-rooms etd’éditions locales à Bilbao, à Valence, àSéville ou en Galice ; de correspondants àWashington, à Paris, à Pékin, à Moscouou à Jérusalem ; d’une imprimerie ausiège madrilène, ainsi que dans de nom-breuses villes du monde, commeBarcelone, Burgos, Palma de Majorque,Las Palmas, Mexico, Tananarive…«El País est encore un grand journal,concède un confrère de la télévision espa-
gnole RT Noticias. J’insiste sur le “encore”,car le groupe Prisa, qui en est le propriétaire,prend l’eau de toutes parts. » Cette situationest due à des investissements hasardeux, àun manque d’anticipation de la crise éco-nomique, à l’impact de l’arrivée du digital.Et les 650 millions d’euros injectés par lefinancier germano-américain NicolasBerggruen, via son fonds d’investissementLiberty Acquisition, n’ont pas suffi au ren-flouage. Surnommé par le Wall StreetJournal le «homeless billionaire » (le mil-liardaire SDF) – parce qu’il vit dans sonavion et a installé son QG ambulant dansun palace californien, à Berveley Hills –,Nicolas Berggruen a acquis, fin 2010,57,1% du groupe Prisa (lire #e GoodLife n°1, p. 120). Le groupe reste cepen-dant lourdement endetté de quelque2 milliards d’euros et a entrepris de bra-der diverses de ses acquisitions peurentables dans la télévision et dans laradio. Simultanément à ces ventes, des
1. ET 5. L’IMPRIMERIE D’EL PAÍS, À MADRID. 2. RÉALISATION DU NUMÉRO DU 8 JUIN 2012. 3. JAN MARTINEZ AHRENS, L’UN DES
RÉDACTEURS EN CHEF DU QUOTIDIEN.4. MIGUEL ANGEL BASTENIER, ÉDITORIALISTE
ET ANCIEN RÉDATEUR EN CHEF.
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diversifications et des partenariats sontprudemment explorés, comme celuiconclu, pour l’Espagne, avec le siteHuffington Post, dont la fondatrice,Arianna Huffington, s’est déplacée toutexprès au siège d’El País courant juin.
Des réductions de coûts tous azimuts
«Accepter ce job dans un tel contexte écono-mique et financier, cela tient à la fois duchallenge et du suicide », laisse échapper ladirectrice du marketing, qui a récemmentquitté l’agence de presse EFE pour ElPaís. De toute façon, pour la péninsuleibérique, et particulièrement pour le sec-teur de la presse, l’herbe n’est pas plusverte ailleurs. En moins de quatre ans,57 médias espagnols ont mis la clé sous laporte et une bonne vingtaine de planssociaux concernant une dizaine de mil-liers de journalistes ont été mis en place.L’un des prochains pourrait concerner legroupe Prisa dès la rentrée…«En France, où il existe une véritable sociétécivile, une fibre patriotique, le gouverne-ment se mobiliserait au moins pourempêcher les grands journaux de sombrer,mais pas en Espagne, où on a raté, au XIXe
siècle, la construction d’une nation. Ici, onest d’abord catalan ou basque… soupireMiguel Angel Bastenier, ancien rédacteuren chef et aujourd’hui éditorialiste àEl País et professeur à la célèbre école dejournalisme gérée par le quotidien. Lemétier change et, hélas ! pas toujours pourle meilleur… Il faut cependant tenir lecoup, car on n’est qu’au tout début de lacrise de mutation de la presse…» Et, lissantde la main ses cheveux blancs, il conclutavec tristesse : « Quand je pense à 1992,
l’année des JO de Barcelone, de l’Expositionuniverselle de Séville, des cérémonies du500e anniversaire de la découverte del’Amérique par Christophe Colomb, à cetteépoque bénie où la seule édition du week-end d’El País se vendait à 1,3 milliond’exemplaires !… » Comme lui, IgnacioCembrero, autre brillant journaliste duquotidien, se souvient avec nostalgie dutemps de l’opulence, quand la directionde la rédaction « vous envoyait royalementà l’autre bout du monde juste pour voir s’ily avait un sujet à traiter ».Grande signature, lui aussi, du quotidien,José Manuel Calvo, sous-directeur et res-ponsable des pages «Opinion», énumèrequant à lui tous les efforts déjà consentispar le journal pour compenser l’effondre-ment de la publicité et l’érosion desventes : allègement du grammage dupapier, réduction de la pagination, impi-toyable tour de vis sur les notes de frais,gel et parfois baisse des salaires et, biensûr, réduction des effectifs de 15 %, lesdéparts étant jusqu’ici négociés et baséssur le principe du volontariat. Et ce n’estsans doute pas fini. «C’est très douloureux,mais nos journalistes acceptent sans bron-cher ces sacrifices, car ils sont tous conscientsde l’extrême gravité de la situation, à la foispour la presse et pour le pays », explique-t-il. Puis il ajoute, comme pour conjurer lemauvais sort : «Nous savons aussi que nousdevons, coûte que coûte, poursuivre notremission d’informateurs, car jamais, depuisla fin du franquisme, nos lecteurs, débous-solés par la dérive du pays et de l’Europe,n’ont eu autant besoin de notre travail quo-tidien d’analyse et de décryptage del’information. » Alors ¡ arriba El País ! !
The Good Life : Que pensez-vous
des difficultés de la presse
papier ?
Javier Moreno : Les journaux font toujours partie de la vie des gens, même si leurs habitudesde lecture changent. Tôt ou tard, les journaux papier disparaîtront,mais les meilleurs d’entre euxsurvivront un certain temps. Il ne faitguère de doute qu’à long terme les journaux trouveront leur salutgrâce au web. Ce n’est pas une fatalité, c’est un challenge. TGL : La crise économique
espagnole affecte-t-elle El País ?
J. M. : Certainement. Par la baisse de la publicité, bien sûr, mais aussi parce que les acheteurs en kiosque se font plus rares, pour des raisons budgétaires.TGL : Avez-vous trouvé le bon
business-model ?
J. M. : Les médias cherchent encore leur voie dans un monde qui a changé très rapidement. Mais le business-model des journaux reste basé sur la pratique du journalisme dont la triple finalité demeure inchangée :informer, éduquer, distraire. La société aura toujours besoin d’être informée et la démocratie aura toujours besoin de relais pour l’opinion publique.TGL : En cette période de crise
économique, avez-vous un rôle
à jouer ?
J. M. : Aucune démocratie ne peutfonctionner sans une presse libre et forte. Il demeure que nousappartenons, qu’on le veuille ou non, à l’establishment. Du coup, le mouvement de défiance qui se manifeste en ce moment contrel’establishment en général nousaffecte nous aussi. Nous devons donc redoubler d’efforts afin de sécuriser l’avenir. Pour nous et pour la démocratie. !
JavierMoreno directeur de larédaction d’El País
6. IGNACIO CEMBRERO, JOURNALISTE
DU QUOTIDIEN EL PAÍS.7. JOSÉ MANUEL CALVO, SOUS-DIRECTEUR
ET RESPONSABLE DES PAGES «OPINION».
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