thème 4 - les échelles de gouvernement dans le...
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Thème 4 - Les échelles de gouvernement dans le monde.
L’échelle continentale.
Chapitre 2 - Le projet d'une Europe politique depuis le Congrès de la Haye en 1948.
Introduction :
[Accroche] La construction européenne est la tentative d'union la plus poussée entre les États d'un même
continent et la seule qui ait vraiment l'ambition d'aboutir à leur intégration politique.
[Bornes, enjeux, limites, acteurs] En effet, à partir de 1945, une nouvelle échelle de gouvernement apparaît
par le rapprochement entre États d'un même continent ou d'une même partie de continent. Ce phénomène a
été désigné par le terme de régionalisme, qui suppose de la part des États un abandon plus ou moins
important de leur souveraineté et son fonctionnement oscille entre des logiques supranationales et le
maintien de procédures intergouvernementales. Ce rapprochement repose sur la définition d'objectifs
communs qui ont évolué entre les deux phases du régionalisme, en partie autour du couple Franco-allemand
stabilisé dès 1963. Dans les années 1940-1960, l'ambition est d'éviter les conflits entre des États voisins et de
développer les échanges économiques entre eux. Dans les années 1990, l'intégration vise à s'insérer
davantage dans l'économie mondiale et à devenir un acteur majeur des relations internationales. L’objectif
politique de l’Europe a été défini dès 1948 lors du Congrès de la Haye, et a été périodiquement réaffirmé
par les dirigeants des pays de la CEE depuis 1957 et de l’UE depuis 1992. De nombreuses initiatives ont été
prises pour y parvenir pourtant si les Européens ont réussi à construire une union économique, ils ont pour
l'heure échoué à édifier une Europe politique qui reste encore en partie au stade du projet. D’autant que les
obstacles et les craintes affichées entre États membres, entre France, Angleterre et Allemagne en particulier,
n’ont pas permis de sortir l’Europe d’une situation de faiblesse politique et diplomatique à l’échelle
internationale. De plus, alors que la construction européenne paraît irréversible de 6 membres fondateurs en
1957 à 28 depuis 2013, elle ne parvient pas à susciter un véritable sentiment européen, autour de la
citoyenneté : l’Europe sociale paraît toujours « en panne ».
[Problématiques] Comment le projet d’Europe politique a-t-il évolué depuis 1948, et y a-t-il un modèle
politique européen ? La construction d’une Europe politique a-t-elle fait de l’Europe une grande puissance
mondiale ?
I – Les fondations du projet politique européen (1948-1957).
A/ Une idée ancienne : l’Europe fédérée.
1. Une vision moderne de l’Europe depuis le XVIIIe siècle.
L’idée d’Europe unie se fonde sur des héritages communs depuis l’Antiquité :
- Idée de démocratie et de mise en avant de l’individu : mise en place au Ve siècle av. JC à Athènes et
dont nombre d’auteurs ont par la suite transmis quelques valeurs.
- Romanisation du bassin méditerranéen jusqu’à l’Angleterre dès le Ier siècle av. JC : diffusion d’une
même langue, culture, système religieux, système juridique, architecture…
- Christianisation de l’ensemble de l’Europe à partir de 313 et l’édit de l’empereur Constantin.
- Transmission d’une littérature commune depuis la philosophie grecque antique (Aristote, Platon) en
passant par le moyen-âge avec la redécouverte de ces textes par des traductions en arabe.
C’est essentiellement depuis le XVIIIe siècle que, reprenant nombre de ces valeurs anciennes, l’idée d’une
Europe pacifiée et unie se développe : le philosophe allemand Emmanuel Kant publie en 1795, dans le
contexte de Révolution en France puis en Europe, Vers une paix perpétuelle, évoquant l’idée d’une Europe
fédérée unie dans le but de proscrire la guerre.
50 ans plus tard, alors que l’Europe connaît une nouvelle vague révolutionnaire avec le « Printemps des
peuples » (1848) qui renverse notamment la monarchie française et instaure la Deuxième République, se
réunit un Congrès international de la paix dès 1849, présidé par Victor Hugo. Celui-ci lance dans son
discours d’ouverture l’idée d’une « fraternité européenne » dans laquelle chaque puissance se fondra dans
une « entité supérieure ».
Mais outre les idées, la première véritable tentative politique d’union en Europe apparaît dans les années
1930, sous l’autorité du ministre français des affaires étrangères Aristide Briand. Lors d’une session de la
SDN en septembre 1929, il propose un projet d’union fédérale des peuples de l’Europe qui sont proches
géographiquement. Toutefois, dans un contexte de montée des fascismes et de crise économique, le projet
sera laissé lettre morte dès 1930.
Enfin, pendant la Seconde Guerre mondiale, se créent dans différents pays des mouvements pour une union
européenne, qui ont la volonté de créer une véritable fédération : des États-Unis d’Europe. Ainsi en Italie en
1943 est mis en place un Mouvement fédéraliste européen, puis en France en 1944 le Comité français pour
le fédéralisme européen (CFFE – Albert Camus en est membre). L’Angleterre possédait son propre
mouvement (Federal Union) dès 1938. L’ensemble de ces mouvements se réunissent à Genève et publie en
juillet 1944 une Déclaration des résistances européennes proposant une fédération qui garantirait la paix
en Europe et inclurait l’Allemagne.
2. Le Congrès de la Haye : 7 au 10 mai 1948 : entre unionisme et fédéralisme.
En septembre 1946 dans un discours qu’il prononce à l’université de Zurich, Winston Churchill lance un
appel à la création d’ « États-Unis d’Europe », dans le but de réconcilier les États européens déchirés et
ruinés par deux guerres mondiales. Une Europe unie étant selon lui le seul moyen par ailleurs de résister aux
deux blocs, mais aussi d’éviter une nouvelle guerre. En effet, dans le contexte de guerre froide naissante
dont Churchill vient d’affirmer l’existence dans son discours de Fulton (mars 1946), autour d’une « rideau
de fer », il apparaît pour lui urgent de faire bloc contre la menace soviétique en Europe de l’Est.
Dès 1945 Churchill avait proposé ce projet et savait que le président américain Harry Truman en était
partisan : cette Europe unie ne gênerait en rien le fonctionnement de l’ONU nouvellement créée, et surtout
Churchill posait d’emblée que la base de l’union était une « association entre la France et l’Allemagne ».
Cela, il le réaffirme à Zurich : « Je vais maintenant vous dire quelque chose qui vous surprendra : le premier
pas vers la reconstruction de la famille européenne doit être une association entre la France et
l’Allemagne. »
La décolonisation accentue un peu plus la perte de puissance des États européens : il leur faut donc trouver
le moyen d’exister à nouveau sur la scène internationale.
Dans plusieurs pays, des hommes porteurs de projets communs accèdent à des responsabilités qui leur
permettent de mettre en place les premières réalisations : Alcide de Gasperi en Italie, Konrad Adenauer en
RFA, Paul-Henri Spaak en Belgique, et Robert Schuman en France, tous considérés comme les pères
fondateurs de l’Europe.
Dès 1945, plusieurs associations et mouvements paneuropéens sont créés dans les différents pays : Churchill
lance par ex. de son côté le « Mouvement pour l’Europe unie ». Le mouvement le plus important est alors
l’Union européenne des fédéralistes (UEF), créé en décembre 1946 à Paris. Tous ces mouvements se
réunissent à la Haye en mai 1948 dans un Congrès de l’Europe pour mettre en place les premières
structures. Se réunissent donc 750 délégués venus de 17 pays d’Europe hommes politiques, intellectuels,
anciens résistants, syndicalistes, etc. Ce congrès est un jalon essentiel de la construction européenne
puisqu’il oppose deux grands courants de pensée qui perdurent aujourd’hui :
- d’une part les unionistes (confédéralistes) partisans d’une Europe des nations, c’est-à-dire des
États coopérant sans perdre pour autant leur souveraineté : c’est l’Europe intergouvernementale :
chaque État conserve ses prérogatives essentielles.
- D’autre part les fédéralistes souhaitant une entité supranationale plus forte que les États qui
accaparerait l’essentiel de la souveraineté de chacun.
- Entre ces deux conceptions, les fonctionnalistes estiment que pour parvenir à l’Europe fédérale, il
faut passer par une première étape de coopération strictement économique : intégration
économique avant intégration politique donc.
D’un autre côté, les débuts de la guerre froide favorisent aussi la mise en place de structures de coopération :
ainsi pour gérer l’aide économique apportée par les États-Unis pour reconstruire l’Europe (Plan Marshall),
seize États européens créent en avril 1948 l’Organisation Européenne de Coopération Économique (OECE),
puis en 1950, une Union Européenne des Paiements.
Enfin, dès mars 1948, la France, le RU et le Benelux (union économique fondée en 1944 regroupant
Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) établissent une Union occidentale de défense : chaque pays apporte
son soutien à l’autre en cas de menace. Mais cette union est absorbée par la création de l’OTAN en 1949,
sous la direction (et la protection des États-Unis).
B/ De la Haye à Rome : un projet concrétisé.
La première structure mise en place à la suite du Congrès de la Haye, marquant la victoire des unionistes est,
en mai 1949, la création du Conseil de l’Europe, réuni à Strasbourg et rassemblant les représentations de 10
pays (Fr., Benelux, Italie, RU, Irlande, Danemark, Norvège, Suède) : c’est la première assemblée
européenne durable dont le but est de promouvoir liberté et démocratie, et c’est elle qui rédige en 1950 la
Convention européenne des droits de l’Homme (sur le modèle de la DUDH de 1948). Cette convention
est soutenue par une Cour Européenne des droits de l’homme ouverte en 1959 et chargée de la faire
respecter. Cette assemblée élit enfin pour 5 ans un secrétaire général.
Ensuite, le 9 mai 1950, le ministre français des affaires étrangères, Robert Schuman, sur les conseils de Jean
Monnet, propose à l’Allemagne, mais aussi à ceux qui voudront les rejoindre, de mettre en commun leurs
ressources en charbon et acier dans le but d’assurer une prospérité durable.
Dans le contexte de la guerre froide et de l’expansion du communisme en Europe de l’Est, et alors que
l’Allemagne se redresse plus vite que la France, il apparaît urgent de s’allier à l’ancien ennemi. Cela permet
aussi à l’Allemagne de retrouver son rang international.
C’est donc le Plan Schuman qui est adopté par la France, la RFA dont le chancelier est Konrad Adenauer,
puis par 4 autres pays : Italie, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas :
- Les six pays signent le 18 avril 1951 le 1er
traité de Paris instaurant la Communauté européenne du
Charbon et de l’Acier (CECA) : c’est la première structure supranationale, dirigée par une « Haute
autorité », qui possède des pouvoirs décisionnels. Elle organise les marchés, fixe les prix. Une « Cour
de Justice » est créée pour en assurer la gestion des litiges : c’est donc un véritable Marché Commun.
La seconde coopération franco-allemande désirée par Jean Monnet, représentant des fédéralistes (pour
l’intégration totale : fusion des États dans un ensemble supranational), au niveau militaire, s’est finalement
révélée un échec. En effet les unionistes se sont opposés à lui : ils préfèrent une simple coopération entre
États, et ne veulent surtout pas d’un réarmement de l’Allemagne. En France, le Général de Gaulle y est tout
à fait hostile, de même que les communistes : ils feront échouer le projet :
- Il s’agissait de mettre en place une Communauté européenne de Défense (CED) lors du 2nd
traité
de Paris, le 27 mai 1952 : l’Allemagne et le Benelux signent mais la France refuse en 1954. Une
armée commune devait être mise sur pied pour aider les États-Unis notamment à lutter contre
l’URSS.
Finalement une armée ouest-allemande est quand-même reconstituée et intègre l’OTAN en 1955.
De 1945 à 1951, des structures de coopération sont d’incontestables progrès mais leurs moyens et objectifs
sont encore limités, fragiles et très contrôlés par chaque État défendant sa souveraineté.
C/ Les traités de Rome et la création des communautés européennes.
Malgré quelques échecs, la nécessité d’une construction européenne plus vaste se maintien : c’est encore
Jean Monnet qui défend le projet par la création d’un « Comité pour les États-Unis d’Europe ».
Sous la direction de P.-H. Spaak, les Six pays membres de la CECA élaborent dès 1955 deux projets visant à
la mise en place d’un vaste Marché Commun : deux traités sont signés à Rome le 25 mars 1957 :
- Le premier traité met en place une Communauté Économique Européenne (CEE), qui est une
institution de propositions seulement : le pouvoir de décision appartient au Conseil des ministres,
donc chaque État conserve son propre pouvoir et chaque pays sa souveraineté sur les questions
débattues. Au sein de la CEE est mise en place une Assemblée parlementaire européenne, qui n’a
qu’un pouvoir consultatif (elle est l’origine du Parlement européen mis en place en 1962).
- Le second traité met en place l’Euratom : Communauté européenne de l’énergie atomique.
Lorsque l’Euratom et la CEE entrent en vigueur en 1959, il y a alors trois institutions européennes :
- CECA, CEE et Euratom.
Parmi ces trois éléments, seule la Haute Autorité (partie de la CECA) a un pouvoir de décision
supranational, toutes les autres institutions ne sont que consultatives ou proposent, mais aucune ne décide à
la place des gouvernements de chaque État membre.
II – Une construction politique lente (1957-1992)
A/ Réussites économiques et échecs politiques : l’ère de Gaulle.
1. L’Europe des Six se développe…
Cependant la CEE permet le développement de politiques communautaires qui obtiennent quelques succès :
- Le premier objectif est la suppression des droits de douane entre les États membres : objectif
réalisé en 1968.
- Le second est la fixation d’un Tarif Extérieur Commun (TEC), en 1968.
Ces deux objectifs inaugurent le Marché Commun, le 1er
juillet 1968. Des politiques communes sont mises
en place dans certains domaines :
- La PAC, Politique Agricole Commune créée en 1962, qui fixe les prix, établit les quotas pour
chaque secteur de l’agriculture. Création en 1962 aussi du FEOGA (Fonds Européen d’Orientation
et de Garantie Agricole).
- Choix de la « préférence communautaire » : on privilégie des produits européens, qui sont alors
subventionnés, plutôt qu’extérieurs qui sont, eux, taxés.
- FSE : Fonds social européen, 1958.
- BEI : Banque européenne d’investissement, 1958.
L’Europe devient ainsi la deuxième puissance et commerciale agricole au monde. L’industrie reste en retrait.
La CEE s’appuie sur un ensemble d’institutions politiques, équilibrées, formant le « triangle
institutionnel » : la Commission européenne, qui représente les intérêts de la communauté ; le Conseil des
ministres, qui assure la souveraineté de chaque État-membre ; le Parlement et la Cour de Justice qui
permettent de contrôler les décisions prises.
2. …mais fait face à des crises dans les années 1960.
La France gaullienne est totalement opposée à l’Europe fédérale : de Gaulle, au pouvoir depuis 1958,
s’oppose non seulement aux demandes du RU d’entrer dans la CEE en 1963 et 1967, mais il s’oppose à
toute politique fédérale : les réformes sont bloquées, la CEE est en panne.
En revanche une étape importante est franchie lorsque, pour mener ce projet intergouvernemental, de Gaulle
entreprend une politique de réconciliation officielle avec l’Allemagne : il signe avec le chancelier de RFA
Konrad Adenauer le Traité de l’Élysée, ou traité d’amitié franco-allemand, le 22 janvier 1963. Ainsi la
réconciliation est-elle institutionnalisée. Mais les autres pays européens se méfient de la volonté
hégémonique de de Gaulle : celui-ci veut faire de l’Europe un bloc indépendant des États-Unis, et proposait
une sortie de l’OTAN et un refus de la Grande-Bretagne. C’est l’objet des plans Fouchet rédigés entre 1961
et 1963, proposant une Europe des patries, c’est-à-dire une Europe confédérée alors que la plupart des autres
pays souhaitent une fédération avec transfert de souveraineté au profit d’une entité supranationale.
Si les plans Fouchet proposés par le gouvernement français sont les seuls à imaginer une union politique
sérieuse, projet d’Union politique, économique, culturelle et de défense, les autres États de la CEE les
rejettent. Alors De Gaulle bloque l’évolution des institutions en pratiquant la politique de la « chaise vide »
en 1965 : la France ne participe plus aux sessions des diverses institutions européennes.
C’est en janvier 1966 que le compromis de Luxembourg vient apaiser les tensions : de Gaulle obtient en
effet que sur les questions essentielles, ce soit le vote à l’unanimité plutôt qu’à la majorité qui prévale : ainsi
la France pourrait s’opposer au vote si elle juge que ses intérêts vitaux sont menacés par une loi européenne.
De son côté le RU avait créé en 1960 l’AELE (Association européenne de Libre-échange), avec 6 autres
pays (Danemark, Portugal, Norvège, Suisse, Autriche, Suède) pour concurrencer la CEE à laquelle elle
n’adhérait pas. Mais cette association est trop faible par rapport à la CEE.
Finalement, après le départ de de Gaulle en 1968, un tournant s’esquisse dans la politique européenne : les
Six acceptent tous dès 1969 un élargissement au RU, au Danemark et à l’Irlande : plusieurs conférences ont
lieu pour mettre en place de nouveaux projets communs à différents niveaux : environnement, social,
énergie, industrie, etc.
La conférence de Paris en octobre 1972 projette même la création d’une union économique et monétaire.
B/ Relance du projet européen face aux défis mondiaux (1969-89)
1. De Six à Douze.
En 1973 la CEE passe à Neuf pays avec l’entrée du RU, du Danemark et de la République d’Irlande : il
s‘agit d’un renforcement de la Communauté, qui s’installe désormais en première puissance commerciale du
monde, et possède une population totale supérieure à celle de chacun des deux Grands.
Le processus d’élargissement va se poursuivre durant les années 1980 malgré les nouvelles crises que va
subir la Communauté :
-1981, la Grèce entre dans la CEE dès la chute de la dictature et l’instauration d’un régime démocratique.
-1986 : l’Espagne et le Portugal entrent dans la CEE plus de 10 ans après leur retour à la démocratie (mort
de Franco en 1975 et révolution portugaise en 1974).
Ces trois pays portent la population totale de l’Europe à 320 millions d’habitants qui sont autant de
consommateurs qui dynamisent le marché européen. Cependant leur adaptation reste difficile car leur
économie est très en retard sur les Neuf. Le chômage est élevé et les autres pays doivent donc consentir à un
effort financier important pour aider au développement des nouveaux membres.
2. Crises et réformes des années 1970-80.
L’année 1973 entraîne la CEE dans une période de fragilité, c’est la crise du premier choc pétrolier qui
apporte son lot de défaillances dans les politiques économiques en Europe. Le projet d’Union monétaire est
abandonné, les solidarités se délitent, chaque pays se replie sur lui-même.
Le chômage explose dans tous les pays de la Communauté, 12 % en moyenne en 1984. Cela va imposer au
contraire une solidarité nécessaire, mais difficile à mettre en œuvre.
C’est ainsi que, malgré les tensions, des réformes sont entamées au niveau économique, puis politique.
- Au niveau économique : création du FEDER (Fonds Européen de Développement Économique
Régional) en 1975 pour réduire les inégalités régionales et aider à la reconversion industrielle. Puis
en 1979, mise en place du Système Monétaire Européen (SME) avec une unité de compte commune
permettant de limiter les fluctuations des monnaies européennes entre elles : l’Ecu (European
Currency Unit). Cela amène à une stabilité monétaire.
- Au niveau institutionnel : c’est le scepticisme qui domine, on parle d’euroscepticisme de l’opinion
des pays membres. En effet certains considèrent les institutions européennes trop peu démocratiques
et trop technocratiques. Ce sont les présidents français et allemand qui vont lancer les réformes les
plus importantes, même si elles n’amènent pas vraiment à la fin de la paralysie institutionnelle. Au
contraire, le 1er
ministre anglais, Margaret Thatcher, entre en conflit ouvert avec les autres
dirigeants et conteste les politiques budgétaires : le budget européen est largement déficitaire.
Le Conseil européen, créé en 1974, réuni tous les chefs d’État et de gouvernement : ils fixent les grandes
orientations. Ce Conseil vient rajouter un échelon hiérarchique aux conflits et oppositions plutôt que de les
régler.
En 1979, le Parlement européen est élu pour la première fois au Suffrage Universel, mais son pouvoir est
toujours limité, consultatif uniquement. Simone Veil en est la première présidente. Le Parlement contrôle le
budget en même temps que le Conseil des ministres, ce qui entraîne des tensions perpétuelles.
1. Un nouvel élan : l’Acte Unique (1986).
Rôle de Delors ; Conseil de Fontainebleau : À la fin des années 1980, l’Europe devient tout de même un espace attractif et les demandes d’adhésion se
multiplient. L’Europe signe par ailleurs des conventions avec les Pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique
(Pays ACP) pour un développement associé (Conventions de Lomé en 1975, 1979 et 1984).
Ensuite, les pays européens parviennent à s’accorder sur des prises de position communes en matière de
politique internationale : le poids de l’Europe devient donc plus grand.
Finalement, pour relancer sérieusement la machine européenne et faire face à l’euroscepticisme, le président
de la Commission européenne Jacques Delors (1985-1995), lance un projet d’ampleur : l’Acte Unique en
février 1986. Il s’agit d’un traité signé par les États membres ratifiant plusieurs directives permettant la mise
en place d’un Marché unique, avec une union monétaire et la libre circulation des hommes, des
marchandises et des capitaux :
- Le Marché unique entre en vigueur le 1er janvier 1993 : tous les obstacles à la libre circulation des
personnes, marchandises et capitaux disparaissent.
- Le Conseil de l’Europe devient l’instance dirigeante officielle.
- Le Parlement voit ses pouvoirs développés : il a enfin un pouvoir de décision et de contrôle.
C/ Les nouveaux espoirs de l’après-guerre froide.
1. La réunification allemande (1990).
Alors que le bloc soviétique est en train de s’effondrer, signant la fin de l’affrontement Est-Ouest, l’Acte
Unique relance la construction de l’Europe de l’Ouest et de nouvelles perspectives d’élargissement de la
construction européenne se font sentir à l’Est.
Les bouleversements géopolitiques qui ont affecté le continent depuis la fin des années 1980 se trouvent à
l’origine des élargissements que va connaître la CEE dès 1990 : la fin de l’URSS et des démocraties
populaires, puis l’éclatement de la Yougoslavie amènent plusieurs pays d’Europe centrale et orientale à
vouloir intégrer la CEE : une nouvelle phase commence alors.
Les représentants politiques des 12 pays de la CEE comprennent assez rapidement la nécessité d’entamer
des négociations avec les nouveaux pays indépendants d’Europe de l’Est en vue d’une intégration future.
Après deux décennies de crises diverses au sein de la CEE, de nouveaux espoirs se forment, basés sur la
renaissance de l’idéal européen : l’Europe va pouvoir poursuivre sa construction à présent que l’Est s’est
ouvert et amène de nouvelles perspectives, économiques et politiques.
Là encore le rôle moteur du couple franco-allemand va être déterminant. En effet, ils représentent les deux
premières forces économiques et politiques, ainsi que démographiques, de l’Europe : leur engagement est
donc essentiel.
Le 3 octobre 1990, le traité de Moscou amène la réunification de l’Allemagne, divisée depuis 1949 entre
RFA et RDA. Le chancelier de la RFA, Helmut Kohl, avait dès novembre 1989, quelques jours après la
démission du chancelier de RDA (Eric Honecker) et la chute du mur de Berlin (9 nov. 1989), proposé un
plan de réunification : d’abord réaliser l’union économique et monétaire, puis la réunification complète.
Si elle se fait rapidement, la réunification entraîne de nombreux problèmes : la RDA est dépassée
économiquement et technologiquement, les infrastructures sont médiocres, tout est à reconstruire et
nécessite de lourds investissements. Il s’agit d’introduire l’économe de marché, privatiser les entreprises,
etc.
Le Pacte de Varsovie est dissous en 1991, la tutelle soviétique s’effondre avec la démission de Gorbatchev
(décembre 1991). En l’espace de deux ans (1989-1991), tous les Pays de l’Europe Centrale et Orientale
(PECO), réalisent leur indépendance (par ex. Pays Baltes : Lituanie, Estonie, Lettonie en 1991), mais au prix
d’efforts considérables : introduire l’économie de marché, privatiser, amener la démocratie. Tout cela
provoque un effondrement des économies, un ralentissement important de la production industrielle : les
conséquences sur les sociétés sont énormes : montée des nationalismes, revendications des minorités qui
entrainent l’éclatement de certains pays (Tchécoslovaquie en 1993, Yougoslavie en 1991), taux de suicide
qui explose, montée du chômage, écarts qui se creusent entre les nouveaux riches et les reste de la
population, l’assistance sociale se dégrade, la fécondité ralentit, l’émigration augmente.
2. L’ouverture à l’Est, débats, résistances.
La communauté européenne engage dès 1990 des actions dans le but d’approfondir la construction dans les
domaines économique, commercial, ou culturel :
- Création de la BERD en 1990 (Banque Européenne pour le Reconstruction et le Développement) pour
aider les pays de l’Est.
- Hausse des investissements accordés par la BEI dès 1989.
- Mise en place des programmes PHARE (Poland and Hungary Assistance for the Reconstructing of the
Economy) pour aider la Pologne et la Hongrie dès 1989 : ils sont étendus à tous les PECO en 1991.
- Accords d’association avec les PECO signés entre 1991 et 1993.
En novembre 1990 est adoptée à Paris, lors de la CSCE (Conférence sur la Sécurité et la Coopération en
Europe) une « Charte de la nouvelle Europe » dans le but de fonder de nouvelles relations sur le respect et la
coopération.
En juin 1993, le Conseil Européen réuni à Copenhague décide de l’intégration économique et politique des
PECO : les pays de l’Est veulent entrer dans la Communauté européenne et les pays de l’Ouest sont
d’accord :
- Des critères d’adhésion sont définis : respect de la démocratie, des Droits de l’Homme, protection
des minorités, existence d’une économie de marché, et respect des normes et lois en vigueur dans la
Communauté.
En 1998, des négociations sont ouvertes en vue de l’intégration future de 10 pays d’Europe de l’Est :
Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et République Tchèque, Estonie, Lituanie et Lettonie,
Slovénie. Mais les efforts à fournir pour chacun d’entre eux sont encore importants.
Les îles de Malte et Chypre, en Méditerranée entrent aussi dans les négociations à la fin des années 1990.
Cependant de nombreuses résistances persistent contre l’élargissement, à l’Ouest come à l’Est :
- Les pays de l’AELE, association créée en 1960 pour concurrencer la CEE, refusent encore pour certains
d’entrer dans la Communauté européenne : le RU, l’Autriche, la Suède et la Finlande ont fini par la rejoindre
en 1973 et 1995, mais la Norvège, la Suisse et l’Islande refusent toujours.
- Quelles sont les limites orientales de l’Europe ? Jusqu’où est-il possible d’élargir la Communauté ? En
2013, les pays de l’ex-Yougoslavie, sauf la Slovénie et la Croatie, n’ont encore entamé aucune véritable
démarche d’intégration. La candidature de la Turquie a été à plusieurs reprises annulée, elle demeure très
contestée pour plusieurs raisons : pays à majorité musulmane qui pose problème pour certains, en dehors des
« frontières » de l’Europe pour d’autres, etc. Enfin l’Ukraine et la Biélorussie sont encore en marge.
Les contestations et les résistances au sein de la Communauté comme à l’extérieur posent de nombreuses
questions quant à l’avenir que l’on veut bâtir, et quant à l’identité de l’Europe. De quelle union va-t-il s’agir
? Qu’est-ce qui est envisagé : simple zone de libre-échange, coopération entre États membres, États-Unis
d’Europe ? Quel sera le poids de l’Europe dans le monde ? Les élargissements ne risquent-ils pas d’affaiblir
l’Europe si les volontés de ses membres sont trop divergentes ?
3. La guerre en Europe et ses conséquences.
L’Europe s’est bâtie sur l’idée d’une paix durable, or avec la vague d’indépendances des pays d’Europe de
l’Est entre 1989 et 1991, la Yougoslavie éclate sous la pression des revendications des minorités : la guerre
revient au cœur de l’Europe.
La Slovénie et la Croatie proclament leur indépendance le 25 juin 1991 : la Serbie déclenche a guerre pour
protéger les populations serbes de Croatie.
Puis en 1992, c’est la Bosnie-Herzégovine qui proclame son indépendance.
La guerre s’étend à toute l’ex-Yougoslavie et s’exprime des façons les plus extrêmes : bombardements des
civils, camps de concentration, épuration ethnique.
Cette guerre révèle par ailleurs les dissensions entre États membres : la France soutient la Serbie alors que
l’Allemagne soutien la Slovénie et la Croatie dans leur indépendance : mettre en place une diplomatie
commune devient nécessaire si l’Europe veut rester crédible.
La guerre en ex-Yougoslavie montre en effet une Europe impuissante au sein même de son espace : c’est
l’ONU qui intervient avec les casques bleus, sans toutefois empêcher les massacres de population.
Entre 1992 et 1994, tous les plans de paix envisagés par la Communauté européenne puis par l’ONU sont un
échec : l’OTAN finit par intervenir en 1994 et met un terme au conflit : ce sont les accords de Dayton
imposés par les États-Unis en 1995.
Dès 1998, la guerre reprend cependant au Kosovo entre Albanais qui veulent l’indépendance, et les Serbes :
l’Europe se trouve à nouveau impuissante.
D/ Une évolution majeure : le Traité de Maastricht en 1992. Intégration politique ; symboles de l’UE (drapeau, hymne) ; équivalence des diplômes ; PESC, monnaie unique :
logique supranationale.
1992 marque une année de transition importante dans la construction européenne : ce que la Commission
européenne avait prévu en 1986 avec l’Acte Unique (J. Delors) se met en place avec la signature et la
ratification par les Douze pays membres du Traité de Maastricht (Pays-Bas) le 7 février : la CEE devient
l’UE (Union Européenne).
Ce traité développe largement les prérogatives de l’UE : le champ d’action touche non seulement l’industrie,
la recherche, l’environnement, l’énergie ou le social, mais désormais il s’étend aussi à l’éducation, la
formation professionnelle, la culture, la santé, etc.
L’UE s’impose comme une construction politique, et non plus seulement économique (CEE, CECA,
Euratom).
D’autre part, les compétences de l’UE vont concerner la police (création d’Europol), la justice, les affaires
intérieures, les contrôles aux frontières, la lutte contre le terrorisme, les trafics, l’immigration : soit des
directives sont imposées par l’UE et chaque État doit s’appliquer à les mettre en œuvre, soit il s’agit de
simples coopérations (police, justice).
Un dernier pilier concerne la Politique Étrangère de Sécurité Commune (PESC), s’agissant de la tentative de
mise en place d’une armée commune : les tensions et les intérêts très divergents des pays membres
empêchent toujours aujourd’hui la création de cette armée. C’est pour le moment toujours un échec.
Les trois piliers institutionnels de l’Europe depuis 1992.
1er
pilier 2e pilier 3
e pilier
Il est formé des 3 communautés
fondatrices :
- CECA (1951)
- CEE (Rome 1957) qui
devient UE (1992 –
Maastricht).
- Euratom (ou CEEA –
Rome 1957)
On ajoute à cela les organisations
monétaire et agricole :
- Euro, monnaie unique
(2002)
- PAC (1962)
Niveau diplomatique (affaires
étrangères) et militaire :
- CED (1952, rejet en 1954)
- PESC (1992 – Maastricht)
Coopérations dans divers
domaines :
- Justice
- Affaires intérieures (police
– Europol, créée en 1996
et qui siège à la Haye)
- Libre circulation des
personnes.
- Immigration
- Droit d’asile
Enfin, le traité de Maastricht établit une citoyenneté européenne : devient citoyen européen toute personne
ayant la nationalité de l’un des États membres. Instauration pour ces citoyens de la libre circulation dans
l’UE, le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales et européennes, le droit de travailler dans
n’importe quel État membre.
Les institutions de l’UE réformées par Maastricht :
Le Traité sur l’Union Européenne (TUE) de Maastricht entre en vigueur le 1er
nov. 1993, ses objectifs sont
le renforcement de la légitimité démocratique des institutions et l'amélioration de l'efficacité des institutions.
Conseil européen (première réunion en 1961, devient formel en 1974): Sommet (réunion) des dirigeants des
États (présidents ou premiers ministres), avec le président de la Commission européenne.
Conseil de l’UE (ancien Conseil des ministres, créé en 1951 avec la CECA) : rassemble les ministres selon
les problèmes à traiter (réunion des ministres de l’intérieur, ou de la justice, ou des affaires étrangères, etc.)
Parlement européen (Assemblée européenne en 1957 à Rome, devenu Parlement en 1962) : composé des
représentants des citoyens.
Commission européenne (traité de Rome 1957) : rassemble les commissaires européens : un commissaire
par État membre.
Cour de Justice (mise en place en 1952 après la création de la CECA) : contrôle le respect du droit
européen et règle les litiges, contrôle la légalité des actes et fait respecter les traités signés par les États. Elle
siège à Luxembourg.
Maastricht définit de nouvelles règles :
- Application de la règle de la majorité à la plupart des décisions prises, et non plus celle de
l’unanimité : il y a donc moins de blocages.
- Codécision : partage du pouvoir entre Conseil de l’UE (des ministres) et Parlement.
- Contrôle : le Parlement est chargé de contrôler le travail des commissaires.
III – Les défis européens et les crises du projet d’Union (1992 à nos jours)
A/ L’UE entre élargissements et approfondissement.
1. L’Europe économique : l’UEM.
Maastricht établit l’UEM (Union Économique et Monétaire), avec pour but la mise en place d’une monnaie
unique. L’Euro est mis en circulation dès 1999 pour les entreprises et au 1er janvier 2002 pour les
particuliers : il remplace alors les monnaies nationales de 12 des Quinze États membres de 2002 : ils forment
la zone Euro, ou Euroland.
Le RU, la Suède et le Danemark refusent d’adopter l’Euro.
Depuis le 1er janvier 2009, la Zone Euro comprend 16 pays et si le RU et la Suède ne souhaitent toujours
pas faire partie de l’Euroland, le Danemark a entamé des démarches d’adhésion.
Depuis 2010, les 16 pays de la zone euro connaissent une crise majeure : le Grèce (membre depuis 2001)
connaît une situation de déficit grave et se pose la question de savoir s’il est possible de sortir de la zone
Euro, voire de l’UE. Quelles seraient les conséquences pour l’avenir des deux espaces, et quel serait l’avenir
d’un pays qui retournerait à une monnaie nationale (la drachme ici) ? Les intérêts de chacun des pays de la
Zone sont divergents : l’Allemagne défendant une politique de rigueur économique à laquelle elle s’est
tenue alors que la France a été bien plus laxiste, et alors que l’Espagne, l’Italie ou l’Irlande connaissent aussi
de sérieuses difficultés budgétaires.
Préparée dès 1990 par Helmut Kohl et François Mitterrand, l’Union monétaire doit répondre à des critères
d’adhésion stricts fixés en 1994 : Stabilité des prix et Discipline budgétaire.
L’Euro permet un certain nombre d’avantages :
- Suppression du change entre les monnaies nationales (les devises).
- Transparence des prix meilleure
- Développement de la concurrence dans la « zone euro ».
Ensuite, la politique monétaire est définie par la Banque Centrale Européenne (BCE) mise en place en 1998
et fixée à Francfort. De son côté, un Conseil Économique et Financier (Ecofin : conseil des ministres de
l’Économie et des finances des pays de la Zone Euro) coordonne les politiques économiques.
Enfin, en 1992 est également signé un accord d’association entre les membres de la CEE et ceux de l’AELE
(Association européenne de libre-échange créée en 1960 et qui concurrence la CEE) : ces derniers sont de
moins en moins nombreux car ils rejoignent petit à petit la CEE (puis UE). Cet accord est appelé EEE :
Espace Économique Européen.
2. L’UE de Douze à Vingt-huit. En 1990, La CEE qui comprenait 12 États, s’élargit avec l’unification de l’Allemagne : l’ex-RDA est intégrée.
Il faut attendre 1995 pour que 3 nouveaux États entrent dans l’UE : Autriche, Suède et Finlande, qui étaient par
ailleurs déjà membres de l’EEE (Espace Économique Européen). L’Europe des Quinze passe à 371 millions
d’habitants.
Peu à peu les pays de l’Est européen vont intégrer l’UE après de longues négociations, et ce n’est qu’en 2004 qu’un
ensemble de huit pays de l’Est (PECO) deviennent membres de l’Union, plus deux pays méditerranéens :
- Estonie, Lituanie et Lettonie (Pays Baltes)
- Hongrie, Pologne, République Tchèque, Slovaquie et Slovénie.
- Malte et Chypre.
En 2007, deux nouveaux pays sont intégrés et portent le nombre à Vingt-Sept membres :
- Roumanie et Bulgarie.
Depuis le 1er janvier 2013 enfin, la Croatie est entrée dans l’UE en tant que 28
e membre.
B/ Un nain politique et diplomatique ?
1. Les échecs des réformes institutionnelles et de la PESC.
Le traité de Maastricht en 1992 s’est vite révélé insuffisant pour gérer les institutions de Douze pays, passant
à Quinze dès 1995, et dont les perspectives d’élargissement se poursuivent. Un consensus est difficile à
définir tan les modèles diffèrent d’un État à l’autre, au niveau politique, économique ou culturel.
Il a été d’emblée évident que face aux désaccords, les États membres ne participeraient pas de la même
manière aux coopérations spécifiques :
- L’Euro n’est pas adopté par tous.
- Tous les membres de l’UE ne sont pas dans l’espace Schengen
- La Charte sociale n’est pas reconnue par tous non plus.
L’impression d’une « Europe à la carte » a très vite été dessinée, et les dissensions entre États plus riches et
États plus pauvres créent encore beaucoup de tensions.
C’est pourquoi en 1997, un nouveau traité est signé à Amsterdam, qui autorise des « coopérations
renforcées », c’est-à-dire permettant l’instauration de politiques n’incluant pas tous les États membres.
C’est ensuite le Traité de Nice en 2001 qui se charge de régler les équilibres entres « grands » et « petits »
États, c’est-à-dire de régler les questions de poids de chacun dans les décisions communautaires, d’autant
qu’il est prévu pour 2004 l’entrée de 10 nouveaux pays. Le Traité prévoit cependant l’augmentation du
nombre de députés européens au Parlement de 626 à 732, et l’augmentation du nombre de commissaires de
20 à 25. Le Traité de Nice est très vite insuffisant et a coûté énormément d’efforts et de tensions entre États.
Il est alors question d’élaborer une véritables Constitution européenne visant à rapprocher tous les citoyens
de l’Union et atténuer les dissensions entre États : la rédaction de cette Constitution est confiée à une
Convention pour l’avenir de l’Europe dirigée par l’ancien président français Valéry Giscard-d’Estaing. Le
projet suscite de nombreuses critiques, notamment de la Pologne et de l’Espagne qui jugent que leur poids
démographique n’est pas pris en compte, puis le projet est suspendu en 2003.
Il n’aboutit qu’en 2004 par le Traité de Rome II, ou Traité établissant une Constitution pour l’Europe :
il devait entrer en vigueur en 2006 seulement si les Vingt-Cinq États membres le ratifiaient. Mais la France
et les Pays-Bas le rejettent en 2005 par référendum : cela provoque une véritable crise : l’Europe est alors
en panne.
Il faut attendre 2007 et l’arrivée d’une nouvelle génération de dirigeants pro-européens (Sarkozy, Merkel,
Brown) pour relancer la machine institutionnelle de l’Europe, cette fois sans passer par la voie référendaire
ce qui provoque de fortes contestations parmi les populations européennes, et particulièrement chez les
eurosceptiques et les anti-européens.
Sans référendum, est signé par les Vingt-sept le Traité de Lisbonne en décembre 2007, « traité simplifié »,
ou « mini-traité », puis appelé aujourd’hui « traité modificatif », corrigeant le Traité de Romme de 2004. Ce
Traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er
décembre 2009.
Parmi de nombreuses modifications :
- Le terme d’Union Européenne devient unique et définitif, on ne parle donc plus du tout de
Communauté Européenne.
- Création d’un poste de Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de
sécurité.
- L’Union reçoit une personnalité juridique.
- La Charte des droits fondamentaux acquiert force contraignante (sauf pour le Royaume-Uni, la
Pologne et la République tchèque) ;
- La création d’une présidence stable du Conseil européen (et non plus tournante : tous les 2,5 ans et
non plus tous les 6 mois) ;
- Une certaine extension du vote à la majorité qualifiée (sauf dérogation pour les Britanniques sur
certains aspects de la justice et des affaires intérieures).
2. Les ambitions de la PESC.
L’Europe n’a pas su encore s’imposer comme grande puissance politique et diplomatique : chaque Etat
membre mène toujours sa propre politique étrangère, quitte à parfois entrer en conflit avec les décisions
européennes : c’est pour le moment toujours une preuve de faiblesse de l’UE.
Au début des années 1990 le conflit yougoslave avait été une preuve de l’impuissance de l’Union à gérer
une crise sur son espace géographique même. Seul l’OTAN, donc les États-Unis sont parvenus à régler le
conflit. Les divergences de vision politique entre France, Allemagne, RU par exemple n’en ont été que plus
flagrantes, d’autant qu’une Politique Européenne de Sécurité Commune vient concurrencer des
organisations comme l’OTAN, ou des institutions spécialisées de l’ONU, auxquelles appartiennent les États
membres de l’UE.
Le Traité de Maastricht en 1992 met donc en place la PESC dont les objectifs sont :
- Maintien de la paix.
- Renforcement de la sécurité
- Lutte pour le respect de la démocratie et droits de l’homme.
Il s’agit donc principalement d’actions militaires de défense et d’interposition, et d’actions humanitaires.
Une première communauté avait été créée en ce sens en 1952, la CED, mais avait échoué dès 1954 par le
rejet de la France.
En revanche en 1999, est mise en place une Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD),
permettant le déploiement de « forces de réaction rapide », toutefois cette organisation dépend toujours de
l’OTAN. Le principal échec de cette politique est le fait que les décisions ne peuvent être prises qu’à
l’unanimité, donc cela empêche toute décision puisqu’il y a toujours des divergences : par exemple, seule la
France se permettrait d’intervenir sur un théâtre d’opération sans l’accord des États-Unis, tous les autres
pays estiment avoir besoin de l’accord des américains. Quelques pays restent neutres toutefois (Autriche,
Suède, Finlande). Que ce soit dans l’ex-Yougoslavie, dans les conflits africains ou pour le conflit israélo-
palestinien, la politique de défense européenne subit échec sur échec : seule son aide humanitaire et
financière est prise en compte.
Malgré la création d’un Haut Représentant pour l’UE et celle d’un corps d’armée européen (Eurocorps), les
intérêts divergents et le poids des États-Unis dans les relations diplomatiques de chaque État de l’UE montre
les limites de l’intégration européenne. (Par ex. en 2003, la France et l’Allemagne refusent de soutenir les
États-Unis en Irak alors que le RU, l’Espagne, l’Italie et la Pologne envoient des contingents).
C/ Citoyenneté européenne et ouverture à l’Est.
1. Un espace de libre circulation protégé.
En 1989, la Communauté avait adopté une Charte sociale ayant pour but la création d’une espace social
unique et fixant les droits fondamentaux des travailleurs européens. Mais trop de divergences et des
situations sociales très différentes d’un État à l’autre ont largement limité sa réalisation. Cela reste pour le
moment un des échecs de l’UE.
- Les systèmes nationaux de protection sociale sont très différents.
- La question du statut et du devenir des Services publics est problématique.
- Une disparition des monopoles publics est en marche, donc privatisation et libre concurrence
(Distribution du courrier, ou des énergies, réseau de téléphonie fixe, etc. – exemple : Poste, EDF-
GDF, ou France Telecom en France).
Ensuite, en 1990, une convention est signée à Schengen (village tri frontalier du Luxembourg, avec France
et Allemagne), mettant en place la « douane volante », c’est-à-dire prévoyant la disparition à terme des
frontières dans l’UE : la Convention Schengen entre en vigueur pour dix pays en 1995 (France, Allemagne,
Italie, Benelux, Espagne et Portugal, Grèce et Autriche).
Aujourd’hui (depuis 2008), l’espace Schengen comprend 26 pays, avec la Suisse (qui ne fait pas partie de
l’UE pourtant). Les progrès en termes de politique sociale sont très lents : la libre circulation des citoyens
européens à travers l’espace Schengen a pris plus de quinze ans (1990-95 à 2008) pour s’étendre à la plupart
des pays de l’UE. D’autre part, les coopérations pour la gestion des flux migratoires est difficile à mettre en
place, et les mésententes entre États sont fréquentes.
Enfin, les questions comme la lutte contre le chômage ou l’égalité homme-femme sont encore trop peu
développées dans les politiques européennes : aucune décision d’importance n’a été prise à ce jour.
2. Nouveaux enjeux pour l’UE.
La construction européenne se poursuit aujourd’hui en direction des pays de l’ex-Yougoslavie qui se sont
stabilisés. Seules la Slovénie (2004) et la Croatie (2013) ont pu entrer dans l’UE, mais la Macédoine, le
Monténégro, la Serbie ou le Kosovo (créé en 2008) ont fait acte de candidature : leur date d’entrée officielle
n’est toujours pas déterminée car tout est question de la capacité de ces pays à prouver leur stabilité politique
et économique selon les « critères de convergences » définis depuis Maastricht en 1992. L’Albanie est
également sur la liste des pays dont le processus d’adhésion est engagé, mais celui-ci peut être long.
L’Islande, réticente pendant de nombreuses années à l’intégration, se tourne aujourd’hui vers l’UE : en effet
la quasi-totalité des pays de l’Europe du Nord sont entrés dans l’UE, rester isolé devient donc risqué en
terme de facilitation des échanges et de développement économique régional : la préférence communautaire
joue un rôle attractif.
L’ensemble de ces pays ne posent pas les mêmes problèmes que la candidature de la Turquie : ce pays est
candidat depuis 1987, mais cette candidature n’est reconnue officiellement qu’en 1999. Ce n’est que depuis
2005 que des négociations en vue de l’adhésion du pays se sont ouvertes, mais cette dernière étape peut
durer encore quelques années avent l’entrée officielle dans l’UE. Plus que de se tenir aux critères
d’adhésion, la difficulté de la Turquie est de prouver la stabilité de son régime face à tous les radicalismes
religieux. Or si le pays y parvient depuis de nombreuses années, c’est en fait la peur des occidentaux qui est
en question : ce serait le premier pays à majorité musulmane à intégrer l’Europe de tradition chrétienne
(catho, protestante ou orthodoxe). Les peurs face à l’islam, qui sont réelles et répandues dans les populations
européennes, et qui ont été amplifiées par les attentats de 2001 et les situations délicates en Iran, en Irak, en
Afghanistan et dans certains pays africains à majorité musulmane, puis les problèmes liés à l’immigration
ainsi que la forte présence des partis nationalistes, dans l’ensemble des pays européens, constituent des
barrières idéologiques et politiques fortes face à l’entrée de la Turquie.
Ensuite, les pays du bassin méditerranéen ont pu bénéficier d’un statut de coopération avancée avec l’UE
depuis plusieurs années : Israël, Liban et Maroc, Égypte, Turquie, etc.
Cela s’est fait particulièrement dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée (UpM) créée en juillet 2008
lors du Sommet de Paris et réunissant 44 pays (27 pays de l’UE plus les pays du bassin méditerranéen).
Cette volonté politique de rapprochement s’est initiée en 1995 avec le Processus de Barcelone, pour réaliser
une alliance de paix et de prospérité. Aujourd’hui l’UPM tente de mettre en place un partenariat dans
différents domaines, mais essentiellement économique et énergétique. Les aspects diplomatiques et sociaux
n’étant pas prioritaires, d’autant que la situation détériorée avec certains pays comme la Libye, ou les
problèmes de diplomatie européenne au Proche-Orient retarde le processus.
Enfin, le grand enjeu depuis la crise économique mondiale de 2008 est la capacité des États de l’UE de se
soutenir et d’adopter des politiques communes de réponse qui puissent satisfaire chacun des 27 membres.
Or, à cette occasion, ressort la place dominante de l’économie allemande et les places affaiblies de la Grèce,
de l’Espagne ou de l’Irlande. Les déséquilibres se sont renforcés lorsqu’en 2010, la Grèce fait faillite et que
pour la première fois de l’histoire de l’UE, un pays est obligé de faire appel au FMI pour obtenir des crédits.
C’est un véritable échec des politiques d’entraide européennes, d’autant que l’Allemagne, seule économie
forte de la Zone Euro, a été réticente à envoyer des subsides à la Grèce. L’enjeu majeur fut de savoir s’il
était possible qu’un pays puisse sortir de la Zone Euro, voire si c’en était fini de cette Zone. Les politiques
de rigueur adoptées dans les pays en crise et les fonds accordés par les autres pays de l’UE ont répondu fin
2010, en acceptant dans le même temps l’entrée d’un 17e membre dans l’Euroland (l’Estonie).
Conclusion : Nouveaux défis.
Nombreux sont les pays de l’UE qui adhèrent par ailleurs à l’OTAN, dominée par les E.-U. : cela reste un problème
majeur pour l’avenir d’une sécurité commune en Europe.
Le second problème est celui des limites de l’UE : doivent-elles se confondre avec les limites de l’espace
géographique européen ? Mais personne ne saurait dire où s’arrête cet espace, à l’Ukraine, à la Turquie, plus loin
encore ?
Un troisième problème est donc celui de l’identité européenne, la construction de l’Union nécessitant une redéfinition
perpétuelle de ce qui constitue son identité : le fait de brasser des cultures et des traditions très diverses, espaces de
traditions politiques, religieuses, familiales, sociologiques très variés.
Enfin, le risque est celui d’un éclatement de cette Union élaborée depuis plus de 50 ans, du fait d’un éparpillement des
situations et de désaccords amplifiés.
Les tensions au sein de chaque société entre pro, anti-européens et eurosceptiques sont toujours fortes, personne ne
pouvant prédire l’avenir de cette construction. Cependant voilà plus de 50 ans qu’elle se développe et se maintien, et
malgré quelques échecs, la poursuite de la construction et le maintien de la paix attestent d’une certaine réussite.