un grand dossier de 40 pages...nicolas calvé, sophie cardinal-corriveau, dominic cliche, Émilie...

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Automne – hiver 2012 14,95 $ / ¤ 0 65385  86486   9 02 idées, récits et modes d’emploi pour le 21 e siècle La désobéissance civile | Hydroélectricité : Québec vs Norvège | 1969 : une histoire noire Et des textes de Jonathan Franzen, Fanny Britt, Mélanie Vincelette et bien plus. O2 Un grand dossier de 40 pages par 20 auteurs d’ici et d’ailleurs Extrait de la publication

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Page 1: Un grand dossier de 40 pages...Nicolas Calvé, Sophie Cardinal-Corriveau, Dominic Cliche, Émilie Folie-Boivin, Remy Lambrechts, Raphaël Zummo ˆ˛ ˜˙˝ ˆ˙ Maggie Dubé Roussel,

Automne – hiver 2012 14,95 $/¤

0 6 5 3 8 5   8 6 4 8 6     9

0 2

idées, récits et modesd’emploi pour le 21e siècle

La désobéissance civile | Hydroélectricité : Québec vs Norvège | 1969 : une histoire noire Et des textes de Jonathan Franzen, Fanny Britt, Mélanie Vincelette et bien plus. O2

Un grand dossier de 40 pages par 20 auteurs d’ici et d’ailleursUn grand dossier de 40 pages par 20 auteurs d’ici et d’ailleurs

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Hôtes

L’ÉTONNANT POUVOIRDES COOPÉRATIVESSE RETROUVE À QUÉBECDu 8 au 11 octobre 2012, la ville de Québec accueillera la première édition du Sommet international des coopératives. Des délégués provenant de coopératives et de mutuelles de partout dans le monde s’y rassembleront pour discuter des enjeux et des défis qui les attendent. Voilà une occasion incontournable d’être partie prenante de l’avenir de la coopération.

L’événement à ne pas manquer en 2012 ! www.sommetinter2012.coop

HEDDERSDORFkobe

bologne

Nîmes

MANCHESTER

MONDRAGON

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Date création 01/31/12 Format 8,25 x 10,75 in

Date moDiFication July 24, 2012 3:31 PM Direction artistique Benoit

Date De sortie 07/24/12 réalisation Fred

nom Du Document Ul-Philo-Pub-NProjet-2

Maîtrise en philosophie - avec mémoire (M.A.)45 crédits

Doctorat en philosophie (Ph. D.)90 crédits

la philo, ça ouvre bien des portes

fp.ulaval.ca

Je ne suis pas un pelleteur de nuages

Je vais au bout d’une idéeSoyez encadré et guidé par des professeurs inspirants et attentifs aux besoins de votre recherche !

CAMPUS SAVOIR

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6 — sommaire

28 la visualisation de données Petite géographie du cinéma québécois Steve Proulx

30 le nouvel urbanisme Les lignes de désir Gabrielle Immarigeon

32 histoire des mouvements sociaux 1969 : une histoire noire Marc-André Cyr

33 en traitement Calmer la frénésie par la pleine conscience Isabelle Dumont

35 l’idée à voler Une loi garantissant l’accès aux rives Simon Coutu

36 les lectures Lectures Nicolas Dickner

38 essai lyrique Faux-self mon amour Fanny Britt

47 bédéreportage chsld Pascal Girard

103 les grands essais Pourquoi s’en faire ? Jonathan Franzen

117 fiction Crâne chaud Nathalie Quintane

125 poésie Je pleurais souvent Sarah-Maude Beauchesne

20 le mode d’emploi Dix clés pour une désobéissance civile réussie Marie-Claude Élie-Morin

22 l’analyse du langage La machine humaine Caroline Allard

23 économie environnementale Hydroélectricité : Québec versus Norvège Pierre-Olivier Pineau

24 la lettre de l’étranger Duel égyptien Inès Bel Aïba

Ouverture

Sommaire

Récits, reportages et essais

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sommaire — 7

64 essai Révolte Chris Hedges

69 essai Vivre après l’apocalypse Michaël Foessel

73 essai La Suède ne s’est pas construite en un jour Jocelyn Maclure

76 photoreportage Agriculture urbaine et paysages ruraux : contrastes et leçons du Japon Michel Huneault et Raquel Moreno-Peneranda

86 collage Progresser à reculons ? Peter Finke

88 reportage Échangeur Turcot : histoire d’un futur fi ssuré Anne Caroline Desplanques et François Lemay

94 reportage Le capitalisme DIY Clément Sabourin 10 mécènes et partenaires fondateurs

13 courrier

14 intro Le progrès pour vrai Nicolas Langelier

150 collage

162 dix idées

127 fiction La force toxique du langage Laurence Côté-Fournier

132 essais Comment peut-on être de droite ? Martin Gibert

136 architecture Deux vides en cascade Mark Kingwell

141 sport Adorer Sparte Mélanie Vincelette

145 télévision L’œuf ou l’enveloppe ? Marc-André Sabourin

Commentaire

Varia

DossierQuel progrès?

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Livres disponibles en version numérique www.pum.umontreal.ca

Les Presses de l’Université de Montréal

Traits chinois /lignes francophones

Sous la direction de

Rosalind Silvester et Guillaume Thouroude

Les Presses de l’Université de Montréal

Karine Cellard Leçons de littérature. Un siècle de manuels scolaires au Québec« Un excellent observatoire pour suivre  l’évolution de  la littérature nationale. » – Voix et imagesPrix Gabrielle-Roy 2012

Martine Béland Kulturkritik et philosophie thérapeutique chez le jeune NietzscheLa civilisation comme maladie 

Lila Combe, Michel Gariépy, Mario Gauthier, Florence Paulhiac Scherrer, Franck Scherrer Débattre pour transformer l’action urbaine. Planification urbaine et déve-loppement durable à Grenoble, Lyon et MontréalLes pratiques concrètes de participation publique

Rosalind Silvester et Guillaume Thouroude (dir.)Traits chinois / lignes francophonesDes auteurs chinois qui  écrivent  en français. 

Samuel Tanner et Benoit Dupont (dir.)Maintenir la paix en zones postconflit. Les nouveaux visages de la policeDes sociétés divisées se réconcilient.

Jean-François Vallée, Jean Klucinskas et Gilles Dupuis (dir.)Transmédiations. Traversées culturelles de la modernité tardive Notre ère bigarrée...

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colophon — 9

rédacteur en chefNicolas Langelier

comité éditorialCaroline Allard, Marie-Claude Beaucage, Miriam Fahmy, Alain Farah, Frédéric Gauthier, Lisa-Marie Gervais, Stéphan Gervais, Nicolas Langelier, Jocelyn Maclure, Clément Sabourin, Patrick Turmel

adjointe au rédacteur en chefCaroline Paquette

responsable, lettre de l’étrangerLisa-Marie Gervais

responsable, le nouvel urbanismeClément Sabourin

responsable, fictionAlain Farah

responsable, section commentaireJulie Buchinger

responsable, section collageÉmilie Folie-Boivin

édition des textes Julie Buchinger, Lisa-Marie Gervais, Nicolas Langelier, Jocelyn Maclure, Caroline Paquette, Clément Sabourin

collaborateurs, textesCaroline Allard, Sarah-Maude Beauchesne, Inès Bel Aïba, Fanny Britt, Laurence Côté-Fournier, Simon Coutu, Marc-André Cyr, Anne Caroline Desplanques, Nicolas Dickner, Isabelle Dumont, Marie-Claude Élie-Morin, Peter Finke, Michaël Fœssel, Jonathan Franzen, Martin Gibert, Pascal Girard, Chris Hedges, Michel Huneault, Gabrielle Immarigeon, Mark Kingwell, Jean-Philippe Lehoux, François Lemay, Raquel Moreno-Peneranda, Pierre-Olivier Pineau, Steve Proulx, Nathalie Quintane, Clément Sabourin, Marc-André Sabourin, Mélanie Vincelette

traducteursNicolas Calvé, Sophie Cardinal-Corriveau, Dominic Cliche, Émilie Folie-Boivin, Remy Lambrechts, Raphaël Zummo

réviseursMaggie Dubé Roussel, Violaine Ducharme, Liette Lemay, Mélanie Roy

stagiaireJudith Oliver

directeur artistique Jean-François Proulx, Balistique.ca

collaborateurs, visuelFrédéric Chaubin, Pascal Girard, Michel Huneault, Mimmo Jodice, Dominique Lafond, Gabrielle Lecomte, Jamie McGregor Smith, Jacques Nadeau, Benjamin Petit, Marie-Lyne Quirion

design et mise en page Eveline Lupien

production graphiqueJulien Hébert, Matilde Sottolichio

couverture et dossier «�quel progrès�?�»photographie�: Dominique Lafondretouche�: Visual Boxmodèles�: Francis Ducharme, Caroline Gravel et Ines Talbi

partenariats et ventes publicitairesFabrice Masson [email protected] distributionMessageries de Presse Benjamin impressionTC Transcontinental, Beauceville –

un gros merci à nos partenaires

partenaire principal

partenaires associés

Nouveau Projet est une réalisation de

directeur: Nicolas [email protected]

Nouveau Projet parait deux fois par année, en mars et en septembre. Nous avons pour mission de publier les meilleurs auteurs et journalistes, de soutenir les forces progressistes et novatrices sur les plans politique et artistique, et de contribuer à l’eff ervescence de la société québécoise et de la culture francophone en Amérique du Nord.

ISSN 1927-8039ISBN (papier) 978-2-924153-03-1ISBN (PDF) 978-2-924153-04-8

Nous accueillons les propositions de textes, par courriel ou par courrier.

Nous utilisons l’orthographe rectifi ée.

Le contenu du magazine © 2012 Nouveau Projet et ses collaborateurs.

5101, rue Saint-DenisCP 60135Montréal (QC) H2J 4E1

[email protected]

O2 automne 2012

fondateurs et éditeursNicolas Langelier et Jocelyn Maclure

Nouveau Projet est imprimé au Québec sur du papier Rolland Opaque50, contenant 50% de fi bres postconsommation, fabriqué au Québec par Cascades à partir d’énergie biogaz et certifi é fsc Sources mixtes et ÉcoLogo. Dans le cas du présent tirage, cela a permis de sauvegarder 92 arbres, 374 251 l d’eau, 8 736 kg de dé chets, 27 115 kg de CO2 (l’équivalent des é missions annuelles de huit voitures), 364 gj d’énergie (la consommation annuelle d’é nergie de trois mé nages) et 81 kg de NOX (les é missions d’un camion pendant 249 jours).

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10 — reconnaissance éternelle

mécènes fondateurs

Donald Alexandre, Caroline Allard, Marie-Christine André, Samuel Archibald, Mario Asselin, Christelle Bapst, Martin Beaulieu, Martin Blanchard, Marc Blanchette, Veronique Boisjoly, Marc-André Boisvert,

Francine Bousquet, Sophie Cardinal-Corriveau, Sylvain Carle, Jean-François Chagnon, Christiane Charette, Ryoa Chung, Mira Cliche, Noémie Darveau, Chantal Dauray, Simon Desmarais, Sophie Desmarais,

Elias Djemil, Stéphane Dompierre, Virginie Dostie-Toupin, Marc-André Dufour, Mircea Duma, Iann Durocher, Marie-Claude Élie-Morin, Miriam Fahmy, Melissa Maya Falkenberg, Alain Farah, Eveline Ferland, Émilie Folie-Boivin,

Martin Forgues, Élodie Gagné, Jacques Geoff roy, Louise Geoff roy, Lisa-Marie Gervais, Claude Ghanimé, Michel Olivier Girard, Yan Giroux, Amélie Guay, Pascale Guindon, Pasquale Harrison, David Hébert, Pascal Henrard, Gilles Herman,

Hakima Hmamou, Simon Hobeila, Jessica Horstmann, Rachel Hyppolite, Emmanuel Kattan, Marie-Sophie L’Heureux, Martin Labrecque, Dominique Lafond, Simon Lambert, Judith Landry, Julia Langlois, Pascal Larose, Thierry Larrivée,

Maryse Latendresse, Hugo Latulippe, Christian Laurence, Alex Lauzon, Thomas Leblanc, Hugo Leclair, Christian Leduc, Sophie-Anne Legendre, René Lemieux, Léon & Clara, Patrice Létourneau, Patrick M. Lozeau,

David Lussier, Luc Maclure, Josée Marcotte, Pascal Marion, André Martineau, Julie McClemens, Benoît Melançon, Marie-Soleil Michon, Céline Miron, Magalie Morin, Josée Noiseux, Caroline Paquette, Marie-France Paquette,

Blandine Parchemal, Jean-Pierre Paré, Pierre Pariseau-Legault, Aude Perron, Marie-Claude Perron, Geneviève Pettersen, Audrey PM, Karine Poirier, Odile Poliquin, Jean-François Proulx, Steve Proulx, Laurent Rabatel,

Émilie Renaud-Roy, François René de Cotret, Antoine Ross Trempe, Étienne Rouleau, Antonine Salina, Eric D Savage, Christian Savard, Monique Savoie, Éric Sévigny, Marie-Claude Sévigny, Christine B.-Simonnet,

Klaus Sisson Magnelli, Matthieu Stréliski, Robin Sylvestre, Antoine Tanguay, Patrick Tanguay, Christine Tappolet, Maxime Tremblay, Miguel Tremblay, Rémi Tremblay, Patrick Turmel, Monique Savoie, Sylvie Van Brabant,

Edouard Vo-Quang, Catherine Voyer-Léger, Harold M. White.

partenaires fondateurs

À Hauteur d’hommeAssociation internationale des études québécoises

Centre de recherche en droit public, Université de Montréal Centre de recherche en éthique, Université de Montréal

Chaire de recherche en études québécoises et canadiennes, UQAMCIBL

Dare to Care RecordsDe Marque

Dumont Designer ConseilÉditions Alto

Éditions du SeptentrionÉditions Marchand de feuilles

Faculté de philosophie, Université LavalFestival TransAmériques

iXmedia Mouvement Desjardins

Orchestre MétropolitainProgramme d'études sur le Québec, Université McGill

Ainsi que les 380 autres donateurs initiaux.

Merci.

En reconnaissance des personnes et organisations qui ont contribué fi nancièrement

à la naissance de Nouveau Projet

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d a v i d t u r g e o n

les bases secrètesr o m a n / s é r i e q r — Ruth Babaïan n’a pas l’habi-tude de s’arrêter quand des inconnus l’abordent dans la rue, encore moins quand elle est à vélo et qu’elle est en retard à sa répétition. Mais pour la bonne marche de notre récit, il fallait bien qu’elle acquiesce à un rendez-vous avec Lucas Saminsky. D’ailleurs ils deviendront amoureux, c’est prévu. Pour le reste, entre les extravagances de la famille Charpelle, les tribulations d’Irénée Manche et les apartés d’Anne-Claude, les histoires ne manqueront pas. 1 1 s e p t e m b r e

c l é m e n t d e g a u l e j a c

grande école — récIts d’aPPrentIssager é c i t s e t d e s s i n s / s é r i e q r — Le héros tombe dans les escaliers. Il roule en bas des marches sous le regard médusé de la foule réunie là pour une occasion spéciale. Personne ne le lui demande, mais en se relevant, il rassure l’assemblée : « Je vais bien, ça va, rien de cassé. » Dans les films burlesques, le héros se relève toujours impassible de ses innombrables chutes. Cette endurance à la cruauté du monde est précieuse pour le spectateur, d’autant plus que les acroba-ties mises en scène n’en sont pas moins réelles. Dans l’escalier, c’est un vrai corps qui tombe. C’est ainsi qu’il faut entendre le réalisme des récits de Grande École : ils sont réalisés sans trucage. Sous le joug de toutes sortes de disciplines, le narrateur apprend. C’est-à-dire que, petit à petit, il réunit des compétences, la plupart du temps à son corps défendant – comme le sont les corps de tous les apprentis, tour à tour flottants et entêtés, dont ce livre est peuplé. 1 6 o c t o b r e

le QUartanIera u t o m n e 2 0 1 2 — f i c t i o n

l e q u a r t a n i e r . c o m

v i c k i e g e n d r e a u

testamentr o m a n / s é r i e q r — Je suis au Kingdom, coin Saint-Laurent Sainte-Cath. Mindy et Trevor analysent mon corps avec leurs mains en glu. Nikky est belle. Plus belle que moi. Plus fluide que moi. Je tombe partout. Je ferme les yeux, j’ouvre les yeux. On est le 6 juin 2012. Je suis à l’hôpital Notre-Dame. On m’apprend que j’ai une tumeur en nuage dans mon tronc cérébral.

Je ferme les yeux, j’ouvre les yeux. Je suis à New York. Devant la cage des fennecs, au zoo de Brooklyn. J’obtiens une permission spéciale pour pouvoir les flatter. Je ferme les yeux, j’ouvre les yeux. Je vois l’Autriche, je rencontre Ulrich Seidl. Il me parle de son prochain film. Je ferme les yeux, j’ouvre les yeux. Je suis dans un show noise avec les dudes de Granular Synthesis. Je ferme les yeux. Je garde les yeux fermés long-temps. Je ne ferai rien de tout ça.

Dimanche je vais aller au Beautys avec les amis boire un milkshake Cookies & Creme. Ça, je le ferai. Les yeux ouverts, grands. 1 1 s e p t e m b r e

f r a n z s c h ü r c h

de très loInf i c t i o n / s é r i e q r — Deux hommes étranges sont en discussion. Ils se montrent insatisfaits, perturbés par un problème qu’ils s’expliquent mal. On dirait qu’ils ne font rien en dehors de cette conversation, qu’ils n’ont pas de vie, comme on dit. On ne connaît pas non plus vraiment leurs noms. Mais, pour se ressaisir, ces deux individus commencent à se raconter des histoires. Cela les plongera d’abord dans un désarroi encore plus profond, jusqu’à ce qu’avec la dernière histoire, racontée par le plus maladroit des deux, ils en viennent à comprendre quelque chose de mortel à propos de la beauté. Celui des deux qui a écouté l’histoire va alors rompre la conversation et s’en-gager dans des aventures surprenantes qui lui apparaîtront souvent comme une parodie de film d’action. Il aura l’impres-sion cependant de s’engager dans la vie. Peut-être ne se trom-pera-t-il pas tout à fait. 1 6 o c t o b r e

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courrier — 13

Courrier

qu’on n’écoute plus. Parce que la nau-sée est là qui nous guette.

Je ressentais le besoin de m’engager, de faire ma part. Mais au fond, ma part de quoi, pour qui ? Les repères fuient, on ne sait plus trop, on est fatigués. C’est fait exprès.

Mais, heureuse coïncidence, ce ma-tin je déjeunais avec ma fi lle pour son anniversaire et nous étions heureuses de parcourir des yeux et des doigts cette découverte, ce Nouveau Projet. Le meilleur était à lire. Ça nous donnait faim. Puis ma fi lle m’a fait remarquer que Nicolas Langelier était à table juste derrière nous, là, comme ça. C’est bon.

Voilà. Je souffrais de vitesse. Et puis maintenant, une fois l’introduction lue, je ressens cette satisfaction de retrouver la certitude que le temps, ça se prend, et qu’il en faut pour dire des choses qui se tiennent et qui portent à l’acte de ré-fl échir. Bravo.

—�Diane FortinMontréal

C’est avec plaisir que j’ai pris con-nais sance de l’arrivée de Nouveau Projet dans l’univers de la pensée au Québec. Je m’y suis aussitôt abonné, y recon-naissant une tentative sincère et rigou-reuse de brasser la cage et d’apporter les nouvelles idées dont non seulement le Québec, mais le monde entier a bien besoin. Pourquoi avons-nous déses-pérément besoin de nouvelles idées ? Parce que nous sentons, plus ou moins clairement, que la civilisation techno- industrielle que nous connaissons de-puis deux siècles arrive à un état de crise qu’elle est impuissante à résoudre. Au fond de nous, nous savons bien que le mode de vie occidental et sa culture de consommation effrénée et sans li-mite visible ne sont pas tenables, nous laissent sur notre faim dans notre pour-suite du bonheur, et avec un arrière-gout amer quand nos vies ressemblent à des courses sans fi n.

Ma génération, celle des babyboo-meurs, est sur la voie de sortie. Certains

Je tiens à vous dire merci pour ce « premier engagement » qui m’a souffl ée et charmée. Ça m’a fait du bien de lire ça. Je me suis dit : Enfi n ! C’est ce genre de magazine que j’attendais au Québec.

J’ai la nausée à cause de toutes ces informations qu’on nous balance par la tête. Je veux pouvoir prendre du recul, réfl échir, avoir un contexte, une his-toire, une perspective. Nouveau Projet nous permet cela.

—�Sonia CorriveauQuébec

J’ai maintenant la preuve tangible que je n’étais pas la seule à sentir ce malaise de plus en plus profond devant tant de choses que, par lassitude, je ne peux pas énumérer. À force de les avoir vues en boucle, entendues, reçues sans les vouloir. En flagrante désolation, culpabilité d’impuissance. Une mau-vaise farce qui vous prend dans ses bras et qui ne décolle plus. Une arapède.

Mais, maintenant, je me sens plus tranquille, je ne suis pas seule, et mes amis et ma famille non plus. On a beau en parler et se faire du mouron, ce n’est pas suffi sant.

Je leur disais : faut que ça brasse. Faut arrêter de s’engourdir, devant sa télé, son iPhone (si brillant soit-il), son Facebook, ses nouvelles, ses jour-naux. Il faut une voix qui n’est pas né-cessairement celle d’un parti politique, car celui-ci peut être vite rongé. Il faut quelque chose de vaste. Il faut que l’art ait une voix, et que cette voix ne fasse pas que s’écouter. Il faut de la généro-sité. On a soif de poésie, aussi. On a besoin, encore, de toucher du papier, parce qu’il fait du bruit, parce qu’on le tient avec plaisir, parce qu’il ne se re-charge pas, parce qu’il sent bon. Mais on ne veut pas non plus de discours de granos. On a besoin de personnes qui tiennent compte de toutes les per-sonnes. Pas une bande qui se trouve gé-niale et qui encore fi nit par ne se nour-rir que d’elle-même. Ça prend une voix autre que celles qu’on entend déjà et

d’entre nous ont jadis essayé très forte-ment de brasser la cage. Ça a été mon cas. Nous étions idéalistes, naïfs, sans réels mentors, sans compréhension ap-profondie des ressorts d’une société, sans regard critique sur nous-mêmes. Mais nous avions la foi, nous brulions de changer la société.

Aujourd’hui, je suis moins pressé que jadis. Je regarde les choses de ma-nière plus détachée, mais je vois aussi le relief souterrain de la société dont le temps a fi ni par éroder la matière molle. Cette société n’est pas consti-tuée seulement d’institutions et d’infra-structures, mais aussi de manières de penser et d’échanger. Si les institutions infl uencent nos manières de penser, nos façons de penser transforment les institutions. Et, en fait, c’est dans notre propre tête que le premier changement se produit. Il n’y a pas d’autre façon de commencer le travail.

—�Christian LamontagneSutton

Je rentrerai au québec en 2013 pour retrouver une tonne de choses dont je m’ennuie, une autre tonne qui m’en-nuyait et que j’étais content de fuir en 2009, mais je n’attendais pas une nou-velle revue qui, si elle reste à l’image du premier numéro, deviendra pour moi une véritable communauté de pen-sée. Bravo, Nicolas Langelier, Jocelyn Maclure et l’équipe pour ce Projet,c’est en plein dans le mille.

—�Simon TurcotteBethesda (Maryland)

ErratumDes erreurs se sont glissées dans «�Vieux Québec�» (NP01). Voici les bons chiff res.La ville la plus jeune�: Fermont, avec 44�% de gens de moins de 30 ans. Parmi les plus jeunes, les villes de Boisbriand, de Sherbrooke et de Montréal en comptent respectivement 43�%, 39�% et 36�%.Les villes les plus âgées, exaequo�: Côte-St-Luc et Trois-Pistoles, avec 28�% de leur population au-dessus de 65 ans. Elles sont suivies de près par Saint-Lambert (26%).

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14 — intro

1

Alors pour retrouver où nous en étions la dernière fois, je re-lis ce que j’ai écrit en janvier pour l’Intro du premier numéro de Nouveau Projet. Je lis espoir, révolution et retroussage de manches. Je lis notre premier devoir est peut-être de nous forcer à nous réveiller, et je me dis qu’on aura eu une bien belle année, contre toute attente. Pour 2012 on nous annonçait la fi n du monde, mais il semble qu’on ait plutôt assisté au début de quelque chose.

Malgré la rage qui aura été l’émotion par défaut durant de grands bouts de cette année-là, malgré tout ce qui ne change pas et ne changera jamais, malgré une campagne électorale désespé-rante, malgré la brutalité normalisée de nos forces policières et une division de plus en plus troublante au sein de la population québé-coise, malgré tout ça, donc, il y aura eu une indéniable renaissance de l’espoir. Le retour d’une certaine confi ance en la possibilité de prendre en main notre destinée. Et la découverte, comme une révé-lation, de cette chose fantastique : le réconfort qu’il y a à être phy-siquement entourés de gens prêts à lutter et à travailler avec nous.

Et juste pour ça, on se dit que heille, ça aura valu la peine de ne pas s’exiler au Costa Rica ou dans une cabane au fond des bois. Et que la suite promet d’être intéressante.

2

Avant d’aller plus loin, vous dire ceci : merci, du fond du coeur. Pour le soutien et l’enthousiasme. Pour les exemplaires de NP01 qui se sont envolés à toute vitesse et ceux de notre premier Document, La juste part, qui ont trouvé preneurs tout aussi rapide-ment, en faisant l’un des essais québécois les plus vendus de 2012. Pour les abonnements qui continuent d’entrer dans notre boite de courriel, jour après jour. Pour tous les bons mots et les tapes dans le dos, dans les médias et l’internet, dans les bars et les partys de famille. Pour l’amour, on oserait même dire.

Vous êtes de tous les âges, d’un peu partout au Canada et d’ailleurs dans le monde (jusqu’en Nouvelle-Calédonie), avec des profi ls de toute évidence fort différents. Mais tous et toutes, vous semblez partager notre vision générale des choses, et cela nous touche profondément. Il y a certainement un parallèle à tracer entre la diversité des lecteurs de Nouveau Projet et celle des gens avec qui on a marché, scandé des slogans et frappé des casseroles,

intro

Nicolas Langelier

Extrait de la publication

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intro — 15

physiquement ou en pensées, au cours des derniers mois. Malgré les nombreuses pressions en ce sens, Nouveau Projet n’a jamais voulu se défi nir comme un magazine générationnel, mais plutôt comme celui qui regrouperait les gens de tous les horizons qui ont envie que ça change. Et jusqu’à maintenant, l’expérience semble concluante.

Cette aventure pas très raisonnable avait d’abord été une intui-tion, un saut dans le vide, pas beaucoup plus qu’un rêve pris pour une réalité. Mais voilà que vous nous dites qu’on avait peut-être eu un peu raison et qu’on semble aller dans la bonne direction. Alors ça fait chaud au coeur et ça encourage à continuer, malgré les jour-nées et les semaines trop longues et la marge de crédit trop remplie.

On persévère, donc. Et NP02 ici présent en est la preuve con-crète, en 164 pages quadrichromiques.

3

L’effervescence sociale des derniers mois aura soulevé beaucoup de questions sur la société dans laquelle nous souhaitons vivre, sur les ambitions que nous partageons encore, sur les outils que nous souhaitons nous donner pour atteindre nos objectifs collectifs et individuels. Et plusieurs de ces questions, centrales, concernent le progrès : qu’est-il, au juste ? Que reste-t-il de la passion pour le progrès qui a caractérisé la modernité ? Comment le progrès se manifeste-t-il, en ces années 2010 troublées ? Est-il même encore un objectif partagé, alors que plusieurs voudraient nous voir « dé-progresser » en effaçant certains des acquis sociaux des 40, 60, 100 dernières années ?

Pendant très longtemps, nous avions pourtant tenu pour ac-quise cette idée héritée des Lumières : que l’Histoire avait une di-rection, et que l’avenir serait inévitablement meilleur que le passé. Le temps n’était plus une boucle répétée à l’infi ni, mais une ligne qui menait tout droit à un monde revu et amélioré. Être moderne, c’était croire au progrès. Puis sont arrivées les catastrophes que l’on sait — les tyrannies modernes et les deux grandes guerres, les catastrophes scientifi ques et l’holocauste écologique, le bouton « J’aime » et la grande tournée québécoise du gars dont le père est riche — et soudainement tout cela n’est plus si clair.

Quel progrès souhaitons-nous, ici, maintenant ? C’est cette ques-tion fondamentale qu’abordent, chacun à leur manière, les textes de notre dossier central. De l’Antiquité au Japon post-tsunami,

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L’eff ervescence sociale des derniers mois aura soulevé beaucoup de questions sur la société dans laquelle nous souhaitons vivre, sur les ambitions que nous partageons encore,sur les outils que nous souhaitons nous donner pour atteindre nos objectifs collectifs et individuels.

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de l’échangeur Turcot des glorieuses années 1960 à celui des beaucoup plus ambigües années 2010, du Mile End à Brooklyn en passant par Zucotti Park, nos collaborateurs apportent des élé-ments de réponse, aussi fragmentaires soient-ils.

Mais à bien y penser, c’est l’ensemble de NP02 qui tente de ré-pondre à cette question, pas juste les textes du dossier. Que ce soit le magnifi que texte de Fanny Britt sur notre rapport aux réseaux sociaux, la lettre d’Inès Bel Aïba en provenance du Caire au lende-main des élections égyptiennes, l’analyse de Caroline Allard, qui se demande comment nous en sommes devenus à nous voir comme des machines, ou la touchante bédéreportage de Pascal Girard sur la vie en chsld et la vieillesse que nous nous souhaitons, tous convergent de toute évidence vers une préoccupation commune.

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J’écris ceci au beau milieu de la campagne électorale, sans connaitre l’issue du scrutin du 4 septembre. Mais de savoir le résul-tat des courses ne changerait pas grand-chose : il est déjà évident que cette campagne n’aura en rien porté les visions populaires qui s’étaient manifestées au printemps. La politique politicienne a sa dynamique à elle, sa mécanique particulière, sa propre vision du monde et des manières de l’aborder; ce n’est pas un peu d’agita-tion sociale qui y changera quoi que ce soit de signifi catif. Pas en-core, du moins.

Juillet 2012 a été le quatrième mois le plus chaud depuis que l’humain s’amuse à mesurer de telles choses, et le 329e de suite pendant lequel la température moyenne a dépassé celle du 20e siècle. Les glaces de l’Arctique ont peut-être atteint leur plus faible niveau de notre ère géologique. La plus grave sècheresse des 50 dernières années a affl igé une bonne partie de l’Amérique du Nord. On aurait pu, par exemple, espérer que nos principaux partis po-litiques y voient une urgence d’agir en termes de considérations environnementales, mais il n’en fut rien. Ce qui s’est approché le plus d’un débat sur l’environnement, c’est la discussion au sujet du rapatriement au Québec des responsabilités fédérales... L’Histoire retiendra peut-être qu’au moment où notre civilisation amorçait son agonie fi nale, nous étions occupés à nous chicaner sur l’ap-partenance administrative des fonctionnaires qui en consignaient les manifestations.

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La longue lutte pour le progrès se poursuit donc, ce n’est même pas un choix.

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Alors nous sommes là, dans le doute, dans l’attente. Les yeux rivés vers le ciel, l’espoir dans le coeur, en dépit de tout.

Rien non plus, ou si peu, sur les importants enjeux liés à la culture. Là encore, on s’en est tenu aux symboles et aux considérations gé-nérales. Les « industries culturelles » auront leurs crédits d’impôt et elles continueront à contribuer au pib, et cela suffi ra.

Mais ce qui aura manqué le plus désespérément — à part peut-être chez nos partis marginaux — , c’est une vraie vision d’ensemble, un véritable projet de société. Il faudra chercher ailleurs pour trou-ver un miroir de nos ambitions, et un catalyseur de celles-ci.

Je tente donc une folle prédiction, et vous pourrez me dire si j’ai eu raison, gens du futur : ce qui s’est passé le 4 septembre n’a en rien assouvi le profond désir de changement qui sommeille en vous.

La longue lutte pour le progrès se poursuit donc, ce n’est même pas un choix. Et voyez nos yeux brillants, nos poings à demi fer-més : nous sommes prêts pour la suite, pour les choses qui don-nent des frissons, des larmes de joie et de fi erté.

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Voilà où nous en sommes en cet automne 2012, dernier trimestre d’une année pas comme les autres : comme des ressorts sous ten-sion, habités par une fatigue nerveuse (le sommeil est plus diffi -cile, depuis six mois), prêts à relâcher la pression et à nous projeter dans une direction donnée, mais généralement perplexes quant à la maudite direction à prendre. Notre moment historique envoie des signaux contradictoires : le système économique mondial me-nace de s’écrouler, mais les tours prestigieuses poussent dans le ciel montréalais comme jamais depuis les années 1960; le climat est déréglé, mais le temps n’a jamais été aussi beau; les lignes de faille se creusent dans la société en même temps que renaissent les solidarités. Et toujours, au coeur de nos pensées et de notre désir d’agir, il y a ce dilemme, ce déchirement constant : pour changer un système, vaut-il mieux le faire de l’intérieur ou de l’extérieur ?

Alors nous sommes là, dans le doute, dans l’attente. Les yeux rivés vers le ciel, l’espoir dans le coeur, en dépit de tout.

À Nouveau Projet, pour vous occuper en attendant, on vous a pré-paré ce deuxième numéro un peu meilleur que le premier, un peu plus beau, un peu plus près du magazine qu’on a envie de vous of-frir. À l’intérieur : des idées, des récits, quelques modes d’emploi. Peut-être même quelques envies de changer les choses — pour vrai, la prochaine fois. ◊

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10 > 21 OCT. 2012

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beaucoup de force pour restreindre ou faire cesser la contestation. La déso-béissance civile n’est pas un jeu d’en-fants, et il est tout à fait normal d’avoir peur face à des escouades antiémeutes armées de gaz lacrymogène, de ma-traques et de balles de caoutchouc. Il existe des manières de se préparer mentalement pour savoir gérer la peur et l’instinct de fuite qui est naturel chez l’humain.

3. Se protéger intelligemmentFace à la prolifération d’armes non- létales utilisées par la police, il est important d’apprendre à se protéger adéquatement tout en demeurant paci-fi que. Le port de lunettes protectrices, foulards, etc. est à considérer, de même qu’adopter des postures physiques pour protéger ses organes vitaux en cas de violence policière. Face à l’avancée des policiers, par exemple, mieux vaut ré-sister passivement en jouant au cadavre que de s’enfuir en courant.

4.Rectifi er le discours sur la violenceLa désobéissance civile est fréquem-ment décrite par l’État et les médias

1.Donner un sens à ses gestesLa désobéissance civile a bien changé depuis que les premiers Noirs améri-cains ont osé s’assoir sur les places ré-servées aux Blancs dans les restaurants. De nos jours, certaines actions sem-blent vidées de leur sens. Aux États-Unis, il arrive que les manifestants pré-parent d’avance leur petite valise en sachant qu’ils seront immédiatement arrêtés lors d’une action. Leur arresta-tion demeure symbolique, mais ce type d’actions n’honore pas la tradition de la désobéissance civile et ne remplit pas sa fonction essentielle d’éducation populaire. Si un militant anti-sables bi-tumineux se fait arrêter cinq minutes après avoir marché sur la pelouse de la Maison-Blanche, qu’il paie son caution-nement et qu’il ressort du poste de po-lice une heure plus tard, on peut se de-mander ce qu’il a accompli exactement. Une manifestation ou une action doit avoir un sens au-delà du coup d’éclat médiatique qu’elle peut provoquer.

2.Accepter d’avoir peurCe que j’ai pu observer à travers les an-nées, c’est qu’un État, quel qu’il soit, n’aime pas être contesté et déploiera

comme étant une forme de perturba-tion sociale indésirable. Si des casseurs infi ltrent ou contaminent le mouve-ment et portent atteinte à la propriété d’autrui, les faiseurs d’opinions se sai-siront de ces exemples pour discréditer le mouvement en entier. Il faut corri-ger ce genre de discours et faire valoir que, dans l’immense majorité des cas, c’est la police qui est responsable de la plupart des actes de violence. Il faut aussi préciser que la non-violence dans la désobéissance civile concerne avant tout les êtres vivants. Dans certains contextes, les dommages à la propriété sont inévitables, voire justifi és. Si on tente de renverser un gouvernement to-talitaire, comme ce fut le cas en Égypte par exemple, et que les forces de l’ordre nous bloquent le chemin du Parlement, détruire des clôtures ou des voitures de police s’avère justifi é. La défi nition de la violence dépend du contexte.

5.Instaurer des mécanismes de rétroaction et de responsabilitéSi une frange radicale d’un mouvement commet des actes de violence ou de destruction qui peuvent nuire au mou-vement, il est essentiel d’avoir des mé-canismes internes de communication pour que ces sous-groupes ou individus

Dix clés pour une désobéissance civile réussieOn la surnomme « Professor Occupy ». Depuis les années 1970, Lisa Fithian est une habituée des mouvements de contestation et de désobéissance civile, du Nicaragua à Seattle en passant par la Grèce et le Texas. À l’automne 2011, elle a partagé sa grande expérience avec les manifestants d’Occupy Wall Streetà New York et ailleurs. À travers son ONG Organizing for Power, elle offre toujours conseils et formation à différents groupes et mouvements. Elle nous confi e ses règles d’or.

Entrevue — Marie-Claude Élie-Morin

ouverture • le mode d’emploi

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À la question fondamentale : « Le bien-être urbain est-il vrai-ment possible sans le monde rural ? », la réponse semble être un « non » catégorique. Tout comme les satoyamas, la ville a besoin d’une nature généreuse tant à l’intérieur qu’à l’exté-rieur de ses frontières afi n de fournir une qualité de vie éle-vée à ses habitants, que ce soit pour favoriser la qualité de l’air et l’approvisionnement de denrées fraiches, ou pour ré-duire les ilots de chaleur. Dans le même ordre d’idées, les environnements ruraux ont besoin du capital fi nancier des villes et de leurs habitants pour restaurer leur économie dé-faillante et pour revitaliser leur population en déclin.

De nouveaux réseaux de producteurs-consommateurs et de partenariats urbains-ruraux sont donc en train de se for-ger, rappelant au passage que les villes sont historiquement ancrées dans le paysage agricole. Des variétés de produits lo-caux cultivés écologiquement sont maintenant distribuées de la frange des villes vers le centre de celles-ci, offrant de nouvelles perspectives pour un développement durable. Des épiceries et des restaurants, tel le Roppongi Nouen à Tokyo, organisent des soirées où les agriculteurs périurbains vien-nent présenter leurs produits et leurs méthodes de produc-tion, et invitent les consommateurs à les visiter.

Des administrations municipales se positionnent égale-ment en tant que puissants acteurs du changement, initiant des modèles de production-consommation plus durables et innovateurs. Par exemple, la ville de Kanazawa (1,5 million

Depuis la crise économique de 2008, le gouvernement central, les préfectures et des groupes privés ont relancé les stages agricoles jumelant de jeunes citadins à des fermiers en manque de relève.

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d’habitants), capitale régionale de la préfecture d’Ishikawa dans l’ouest du pays, a encouragé la mise sur pied d’un bran-ding pour des variétés de légumes locaux et traditionnels, Kaga vegetables. L’appellation assure la protection et la pro-motion de la biodiversité agricole locale en liant intimement semences, fermiers, commerces et secteur hôtelier de la ré-gion, ce qui contribue du même coup à revitaliser la cuisine locale. La marque est en constante expansion, avec la moi-tié de la production locale de légumes qui est aujourd’hui classée Kaga.

Un peu au nord de Kanazawa, dans la petite ville de Wajima, un paysage unique de minuscules terrasses rizi-coles en bord de mer est le théâtre d’un autre partenariat urbain-rural hors du commun. Ici, un système de proprié-té original donne aux citadins l’occasion d’adopter une micro parcelle de terre qui sera cultivée par un fermier local. L’initiative permet de garder active la main-d’œuvre d’une région éloignée et préserve la productivité d’un lieu histo-rique qui deviendrait désuet autrement. Chaque année, la terrasse continue donc de verdir, et des sacs de riz sont en-voyés aux membres citadins au moment de la récolte.

Le maintien d’une population rurale active et le renouvel-lement de la main-d’œuvre agricole sont essentiels pour retrouver une harmonie de production ville-campagne au Japon. Depuis la crise économique de 2008, le gouverne-ment central, les préfectures et des groupes privés ont relan-

cé les stages agricoles jumelant de jeunes citadins (ou des salarymen en complet-cravate à la recherche d’une nouvelle carrière) à des fermiers en manque de relève. Le tourisme est aussi souvent évoqué comme la solution magique permet-tant à la fois aux populations rurales de continuer à cultiver leurs terres, et à la population urbaine de bénéfi cier d’expé-riences de voyage culturellement et physiquement saines.

Mais la coopérative agricole de Shunran-no-sato, aussi au nord de Kanazawa, illustre la double diffi culté d’attirer une relève et de créer un tourisme rural durable. Compte tenu de la population vieillissante (la moyenne d’âge des fermiers est au-dessus de 65 ans), la coopérative a initié au début des années 2000 un programme de stages afi n d’encourager les citadins à expérimenter le travail dans ses champs. Les sta-giaires sont invités à partager la maison et le travail des fer-miers quelques jours ou quelques semaines et, s’il y a affi ni-tés, ils peuvent rester pour éventuellement prendre la relève de la ferme. Bien que Shunran-no-sato ait réussi à attirer beaucoup de visiteurs dans ses chambres d’hôte, un seul est demeuré à long terme, et il travaille maintenant dans l’admi-nistration de la coopérative, non dans les rizières.

11 Tokyo.12 Touristes japonais visitant le satoyama de Shirakawa-gō. 13 M. Fujiya Yamamoto (79 ans) et Mme Sagano Yamamoto (76 ans), agriculteurs de Shuran-no-sato, péninsule de Noto.

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