un regard novateur
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8/2/2019 Un Regard Novateur
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Manifestations
1 6/2012 Horticulture Romande
Dialogue entre deux passionns
des plantes vivaces:
Noel Kingsbury et Xavier Allemann
pour Horticulture Romande
Xavier Allemann pourHorticulture Ro-
mande: Noel, dans quel jardin avez-vous
grandi?
Noel Kingsbury: Ma mre, une crivaine
de livres pour enants, a achet le jardinpotager attenant une maison de matre,
ce jardin tait clos. Elle y a ait construire
une maison. Mon pre a pris une retraite
anticipe et sest occup tous les jours du
jardin. Jtais souvent avec lui.
XA: Qui vous a transmis ce lien avec les
plantes?
NK: Mon pre. Ma mre ne travaillait pas
dans le jardin. Par contre, elle connais-
sait le nom de toutes les eurs sauvages.
XA: Vous avez commenc votre carrirecomme ppiniriste avec des plantes de-
vant tre protges des rigueurs de lhiver,
le mme assortiment que celles employes
dans les jardins victoriens.
Lorsque lon travaille dans le domaine
de la plante vivace, lon nchappe pas
au regard que Kingsbury pose sur ces
plantes: un regard vi, curieux, novateur.
Le jardinier anglais a une vision large,
il aime les voyages, il a t la ren-contre des jardiniers et de leur projet
de jardin et par chance, il a un vri-
table talent dcrivain.
Il est un des meilleurs porte-parole du
jardin naturaliste, un jardin exigeant du
point de vue de lesthtique qui rcon-
cilie lhomme avec la nature. Ayant le
sens de lhumour, il relevait au dbut de
sa conrence quelle commenait avec
10 mn de retard, comment, ne sommes-
nous pas en Suisse? est-ce possible? ou
encore, avec une pointe de pathos: Cer-
taines plantes sont programmes pourne pas vivre plus de trois ou quatre ans
dans le jardin, comme la plupart des
chinaces, eh oui, cest comme cela, il
audra aire avec.
NK: Jai ouvert ma ppinire en 1986 et je
lai erme en 1992. Dans les annes no-
nante, le jardin en Angleterre tait en
plein essor. Les plantes qui en avaient
besoin hivernaient dans un polytunnel.La Royal Horticultural Society a particuli-
rement apprci mon assortiment, elles
ont plu un large public qui ma ait une
bonne publicit. Ctait le dbut dune
longue srie dhivers doux convenant
paraitement ce type dassortiment.
XA: Le mtier de ppiniriste est-il votre
premier mtier?
NK: Non, jenseignais langlais comme
seconde langue, particulirement aux
immigrs. Je dsirais changer de voie et
cest avec les connaissances que je pos-sdais que jai ouvert ma ppinire.
XA: Quelle ppinire vous aura inspir?
NK: Pas de modle particulier. Beth
Chatto avec sa ppinire et son jardin de
plantes inhabituelles certainement. Ds
les annes huitante, beaucoup de proes-
sionnels ont ait le voyage de Colchester.
Les Anglais se sentent plus libres de se
lancer dans un nouveau projet que ne
peuvent ltre les autres Europens.
XA:Aprs la lecture du livre sur les couleurs
de Sandra et Nori Pope il me fallait consta-ter que le jardin extraordinaire de Hadspen
nexistait plus. Vous recherchez des photos
de ce jardin. Pourriez-vous nous en parler?
NK: Cest une longue histoire. Les Pope
ont cr le jardin selon leur dsir et un
jour, ils sont rentrs au Canada. Lhritier
du jardin, Neil Hobhouse, le fls de Pe-
nelope, nest pas jardinier. Il a demand
tout dabord aux emmes de la rgion de
se servir des plantes. Le jardin a t com-
pltement vid. Ensuite, il a ouvert un
concours pour son ramnagement et a
obtenu plus de 120 rponses. Jtais undes juges et nous avions retenu deux
projets: un jardin nocturne ou un potager
ducati. Malheureusement aucun projet
ne sest ralis et le jardin est perdu.
Echange
Noel Kingsbury: un regard novateur
sur les jardins et les plantesDans le cadre de lASPV (GSS) section romande, nous avons eu la chance dinviter
et de recevoir Noel Kingsbury pour une confrence laula de Grangeneuve (Fribourg)
le samedi 18 fvrier de cette anne. Un succs: plus de 140 personnes ont rpondu prsent,
les amateurs et les professionnels ont pu poser leurs questions au jardinier anglais.
Texte: Xavier Allemann, lautrejardin Cormrod
Photos: Piet Oudol, Jean-Luc Pasquier
La Sesleria autumnalis, un crin pour les autres vivaces.
Photo:PietOudol
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8/2/2019 Un Regard Novateur
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Manifestations
26/2012 Horticulture Romande
XA: Dans notre mtier, on parle de jardin
naturel et arrive ensuite cette notion de
jardin naturaliste. Les jardiniers ne font
pas la diffrence entre ces deux termes.
Que faire?
NK: Le mot naturel est trs tendance, on
en abuse, ce qui est naturel est bon, la
nourriture, le shampoing. Il sagit dun
concept de communication marketing
parmi dautres. Un jardin nest jamais
naturel. Ladjecti naturaliste est pr-
rable, il voque mieux la notion de ins-pir par la nature. Il existe en Angleterre
des wildlie garden (jardins sauvages)
tout particulirement avorables la vie
sauvage ou des naturalistic garden
(jardins naturalistes), inspirs des com-
munauts de plantes avec une dmar-
che esthtique plus aboutie que les pr-
cdents. Aux Etats-Unis, on parlera de
New romantic garden et en Allemagne
de New German style.
XA: La nature est mise sous pression et a
tendance reculer. Le jardin peut-il la
remplacer?NK: Tous ces jardins additionns repr-
sentent une grande surace. La aune uti-
lise ces jardins. Margeret Owen, entomo-
logiste, a publi dans les annes 2000
une tude sur la biodiversit de son jar-
din concernant une priode de plus de
vingt ans. Un jardin dans le Leicester-
shire, pas orcment bio, et tonnament,
orant une biodiversit prodigieuse.
XA: Un article sur un jardin ancien avait
retenu mon attention, o une multitude de
plantes provenant de divers continents at-tiraient une foule dinsectes, autant les in-
sectes adultes que leurs larves. La diversit
semble plus importante que les plantes
indignes?
NK: Les Amricains ont beaucoup discu-
t du sujet et parois ces discussions les
ont conduits prendre des positions ex-
trmes. Bien sr aux Etats-Unis, il existe
plus dinsectes dont les larves sont mo-
nophages. En Europe, la situation est di-rente, suite aux glaciations, les larves
sont plus souvent polyphages. Ce qui est
bien plus important, selon les tudes ra-
lises lUniversit de Shefeld, ce sont
la diversit des milieux de vie, une conti-
nuit entre ces milieux et les arbres qui
sont capitaux.
XA: Peut-on tirer des parallles entre les
Suisses et les Amricains par rapport aux
plantes indignes?
NK: Jai entendu des positions extrmes
sur les plantes indignes en Suisse. En
Allemagne durant la deuxime guerremondiale, on ne crait les jardins quavec
des plantes indignes. En Angleterre,
certains magazines populaires emploient
un langage des annes vingt pour parler
des plantes invasives.
XA: Avez-vous en Angleterre une liste noire
des plantes invasives?
NK: Oui, mais compars dautres pays,
les problmes crs par ces plantes ne
sont pas aussi graves. Il y a des discus-
sions autour de la Fallopia japonica.
Nous avons introduit un insecte qui senourrit de la plante et nous aide con-
trler les populations. La renoue ne se-
ra pas radique, mais avec un peu de
chance, contrle. Ces plantes arrivent
sans leurs ennemis, mais les maladies ou
des insectes fniront bien par les atta-
quer. De plus, les renoues ournissent
un milieu trs intressant pour les loutres
et plusieurs plantes indignes coexistent
avec elles. Que dire du Rhododendron
ponticum, indigne avant la dernire
grande glaciation, disparaissant par la
suite, qui quitte les jardins pour atterrir
sur la liste des plantes invasives?
XA: Gilles Clment a un avis novateur sur
les plantes invasives: pourquoi les limi-
ner?
NK: Je suis daccord avec lui, on peut les
contrler, mais pas les liminer. Il aut
apprendre vivre avec. A ce propos, jai
de trs bonnes recettes pour cuisiner la
renoue du Japon.
XA: Certains voient le jardin comme une
pice supplmentaire de la maison, les
plantes perdent-elles de leur importance?NK: Cest tout un march! avec des ven-
deurs et des acheteurs. Cest la aute
Thomas Church, un architecte caliornien
qui dans les annes soixante cra des
piscines ayant une orme organique
(rire). Vivre dans le jardin est un rve de
la classe moyenne amricaine, le monde
na plus qu suivre le modle calior-
nien. Je suis triste de penser que cer-
taines personnes ne conoivent pas unjardin dabord comme un endroit pour y
installer des plantes. Pourtant, aujour-
dhui en Angleterre, le top, cest le jardin
potager. La plante a donc encore un
grand avenir devant elle.
XA: Racontez-moi lhistoire du mouvement
Perennials Perspective auquel vous avez
particip.
NK: Cela remonte vieux! Dans les an-
nes nonante, des architectes paysagis-
tes allemands comme Richard Hansen,
des Hollandais comme Piet Oudol et le
mouvement OASE qui a beaucoup aitpour les jardins sauvages (les Hollandais
sont trs orts pour combiner lartifciel
avec le naturel) et bien dautres partici-
pants se sont runis pour six conrences
internationales. Une poque sans Inter-
net, o ces rencontres taient dcisives.
Nous tions tous ort occups nos
propres projets, les Etats-Unis devaient
organiser la 7e conrence qui na jamais
eu lieu.
XA: Connaissez-vous dautres jardins com-
parables Hermannshof?NK: Il sagit dun lieu unique. Le concept
dun jardin-cole est assez germanique.
Bien entendu, vous trouverez dautres jar-
dins passionnants en Allemagne. En An-
gleterre, Whisley ou encore le jardin bota-
nique de Chicago aux Etats-Unis. Cassian
Schmidt joue un rle essentiel Her-
mannsho. Le responsable dun jardin est
dcisi pour son dveloppement.
XA: Le jardin vertical?
NK: Vous parlez des jardins verticaux de
Patrick Blanc? Des projets qui cotent
trs cher. Je prre de loin lutilisationdes plantes grimpantes dans le parc MFO
de Zurich!
XA: A votre avis, quest-ce qui est dcisif
dans un jardin, quest-ce qui fait quil est
gnial?
NK: Difcile la personnalit du jardi-
nier? Un jardin sans clichs et hors mode.
XA: La plante qui vous tient particulire-
ment cur?
NK: Il existe tant de plantes... peut-tre
le Phlomis russeliana. La plante est belleet intressante en toutes saisons.
Site web:www.noelkingsbury.com
Photo:Jean-LucPasquier