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UvA-DARE is a service provided by the library of the University of Amsterdam (https://dare.uva.nl) UvA-DARE (Digital Academic Repository) Ibn Bassâm al-Šantarînî et la bataille de Zallâqa Schippers, A. Publication date 2005 Document Version Final published version Published in Literatura e Cultura no Gharb al-Andalus Link to publication Citation for published version (APA): Schippers, A. (2005). Ibn Bassâm al-Šantarînî et la bataille de Zallâqa. In B. Soravia, & A. Sidarus (Eds.), Literatura e Cultura no Gharb al-Andalus (pp. 109-119). IICT/ Hugin. General rights It is not permitted to download or to forward/distribute the text or part of it without the consent of the author(s) and/or copyright holder(s), other than for strictly personal, individual use, unless the work is under an open content license (like Creative Commons). Disclaimer/Complaints regulations If you believe that digital publication of certain material infringes any of your rights or (privacy) interests, please let the Library know, stating your reasons. In case of a legitimate complaint, the Library will make the material inaccessible and/or remove it from the website. Please Ask the Library: https://uba.uva.nl/en/contact, or a letter to: Library of the University of Amsterdam, Secretariat, Singel 425, 1012 WP Amsterdam, The Netherlands. You will be contacted as soon as possible. Download date:25 Aug 2021

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Page 1: UvA-DARE (Digital Academic Repository)fragments d'epitres relatant la bataille de Zallaqa, suivis de citations poetiques et accompagnes de quelques digressions historiques en prose,

UvA-DARE is a service provided by the library of the University of Amsterdam (https://dare.uva.nl)

UvA-DARE (Digital Academic Repository)

Ibn Bassâm al-Šantarînî et la bataille de Zallâqa

Schippers, A.

Publication date2005Document VersionFinal published versionPublished inLiteratura e Cultura no Gharb al-Andalus

Link to publication

Citation for published version (APA):Schippers, A. (2005). Ibn Bassâm al-Šantarînî et la bataille de Zallâqa. In B. Soravia, & A.Sidarus (Eds.), Literatura e Cultura no Gharb al-Andalus (pp. 109-119). IICT/ Hugin.

General rightsIt is not permitted to download or to forward/distribute the text or part of it without the consent of the author(s)and/or copyright holder(s), other than for strictly personal, individual use, unless the work is under an opencontent license (like Creative Commons).

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B. Soravia e A. Sidarus (eds.) Literatura e Cultura no Gharb al-Andalus {Lisboa:llCT/Hugin, 2005)

Ibn Bassam al-Santarini et la bataille de Zallaqa

Arie Schippers (Universite d'Amsterdam)

Dans sa celebre anthologie intitulee al-Dahira fi mahasin ahl al-Gazira (« Precis sur les ouvrages des habitants de la Peninsule iberique »), Ibn Bassam de Santarem (m. 1147) consacre une grande partie de son article sur Abu Bakr Ibn al-Qasira (m. 1114) aux poemes relatant la bataille de Zallaqa (Sagrajas). Suivant sa methode, Ibn Bassam regroupe les poemes des hommes politiques en fonction de la region oii s'exerce leur pouvoir, pour placer ensuite leur activite dans le contexte des evenements politiques qui s'y rapportent. C'est ainsi qu'il en vient a confronter certains passages poetiques iberiques aux modeles orientaux qui les inspirerent, dans une opposition constante entre I'Andalus des reyes de taifas et I'Orient, d'ou le caractere nostalgique de son anthologie: Ibn Bassam y fait souvent allusion a la fin de cette epoque glorieuse, lorsque les Almoravides envahirent al-Andalus et que les circonstances politiques et culturelles se presentaient sous un jour tout different.

Nous avons deja eu (Schippers 1999) I'occasion de parler de la bataille de Zallaqa dans la poesie d'Ibn Hafaga (m. 1139). Aujourd'hui nous aimerions nous concentrer sur cette meme bataille a travers les citations poetiques et les passages en prose rimee de I'anthologie d'Ibn Bassam.^

' Ibn Bassam, II/l, 244-57 (apres la section sur Ibn al-Qasira). Voyez aussi ibid., 1/2, 944: poeme en ragaz d'Abu Talib 'Abd al-6abbar, dont quelques vers sont

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Arie Schippers

Du point de vue historique, la bataille de Zallaqa eut lieu sous le regne des Aftasides de Badajoz, et leur territoire, qui couvrait alors sur une grande partie du Portugal actuel. EUe fut d'une importance cruciale pour le cours de I'histoire d'al-Andalus, non pas tant en raison de la deroute du roi chretien, qu'en celle de I'etablissement des troupes de Yusuf b. Tasufin dans la Peninsule, evenement qui marqua le debut de I'intervention des Almoravides, et des dynasties berberes en general, dans ses affaires.^ L'evocation de la bataille est dominee par la presence, d'une part, des leaders musulmans al-Mu'^tamid, roi de Seville, et Yusuf b. Tasufin, prince des Almoravides, d'autre part, par celle d'Alphonse VI, le roi chretien.

Les passages en question font suite a la section que I'auteur consacre a Abu Bakr Ibn-Qasira et, plus particulierement, aux fragments d'epitres relatant la bataille de Zallaqa, suivis de citations poetiques et accompagnes de quelques digressions historiques en prose, comme I'anthologiste de Santarem avait coutume de faire.

Le premier des poemes choisis concerne al-Mu'=tamid. 11 aurait dit: «Je ne suisblesse qu'a une extremite», ce qui amena Ibn al-Qasira a propager la nouvelle qu'il «s'etait blesse a la main dans I'ardeur de la bataille».^ A ce meme sujet, al-Himyari (XV^ siecle), nous rapporte dans son dictionnaire geographique, al-Rawd al-mftar, que «le roi de Seville fut atteint de plusieurs blessures: il regut a la tete un coup qui I'atteignit du sommet du crane jusqu'a la hauteur des tempes, une blessure a la main droite et un coup de lance dans le cote; trois chevaux furent tues sous lui; a chaque fois qu'un cheval etait mis hors combat, on lui en amenait un autre».'* Quant a al-Mu^tamid lui-meme, il ecrit dans une lettre a son fils: «Je n'ai regu, grace a Dieu le Tres-Haut, que quelques plaies legeres».^

traduits dans Lagardcrc 1989, 190 (sous le nom de 'Abd al-Galil b. Wahbun, m. 1090).

^ Voyez les sources mentionnees par Lagardere 1989 et Schippers 1999. Voir aussi Cheikha 1994, II, 35-57.

Mbn Bassam, 11/1,244. * Ed. Levi-Provengal, 113/92 ; ed. I. ^Abbas, s.v. Zallaqa. ^ Ibid., nsmet ibidem.

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Ibn Bassam et la bataille de Zallaqa

Voici la traduction du poeme d'Ibn ''Ubada d'/Mmeria, tel qu'lbn Bassam (II/l, 244-45) le reporte:

1. lis dirent: II fut blesse a la main. Nous leur repondimes: les plaies sont plutot le sort de ses ennemis.

2. Vous n 'avez guere pu voir de blessure sur cette main que craignent le glaive et la lance.

3. De sa main jaillit le flot de son immense courage et d'elle coule la source de sa generosite.

4. Sa main est bien saine [shhat] et toujours tres genereuse [sahhat], prodiguant bienfaits et bienveillance.

5. Abu Ya^qub [Yusuf ibn Tasufin] la considere comme un oiseau de proie aux ailes fortes et puissantes.

6. IIlui dit: a toi serala victoire, lorsque les fleches volerontsur le champ de bataille.

Par ce poeme I'auteur essaie, soit de dementir la nouvelle qu'al-Mu'̂ tamid ait ete atteint de quelque blessure, soit de montrer que ce dernier est immunise contre les coups du sort. Quoiqu'il en soit, sa generosite et son courage sont ici mis en valeur, et il est fait mention de ses excellents rapports avec Yusuf ibn Tasufin. La question de ces rapports revient d'ailleurs dans I'un des celebres poemes de '=Abd al-Galil ibn Wahbun (m. 1090):^

1. [Je crois que les menaces de Guerre dirent: Salut (a toi, 6 al-Mwtamid)! A les entendre ton sourire ne s'est pas renfrogne!]

2. Pousse par le zele et I'engagement, le defenseur de la verite fondit sur les lanceurs.

^ Ibn Bassam, ll/l, 245-47; quelques vers traduits par Peres (1953, 101-2 et 262). Les vers qui ne figurent pas chez Ibn Bassam, mais sont traduits par Peres, sont mis entre crochets. Celui-ci se base sur les Qaia'idd'Ibn Haqan, p. 14-15 (au totcil 15 vers, contre 18 chez Ibn Bassam). Voir aussi Lagardere 1989, 191, ou figurent a peine quelques vers.

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3. // [Yusuf] fut eleve au sein des tlimyarites, et toi [al-Miftamid], tu as grandi parmi les gens de Lahm, et cela crea entre vous un lien indissoluble.'^

4. Yusuf et toi, vous etes I'un pour I'autre comme le prophete Joseph et son Benjamin, sansquecela vous ait ete impose?'

5. Tuas suivi la route qui mine a son torrent et lui, il est arrive, accompagne par les vagues impetueuses de son immense armee.

6. Et le gros amas de sable des infideles s'en touva disperse: poignees et monceaux partout eparpilles.

7. Us devinrent [par la poussiere] au dessus de la terre une autre terre: ce fut comme si les abimes se transformaient en monticules.

8. Us etaient si nombreux qu'ils echappaient a tout calcul, U etait impossible d'en delimiter le nombre.

9. Une diversite de betes sauvages les entourerent et ne manquerent alors ni de nourriture ni de breuvage.

10. Si le maudit [Alphonse] parvint a echapper [a la debacle], ce n 'est guere grace a son courage, mais a sa lachete.

Dans le passage du poeme que nous venons de citer, Ibn Wahbun decrit interaction entre les deux leaders. Al-Mu'̂ tamid semble y occuper une place moins important que celle de Yusuf, sans que pour cela il y ait antagonisme entre eux. Quant a la masse des infideles, elle est representee dans la meilleure tradition des descrip­tions guerrieres arabes. Voici, a titre d'exemple, une image semblable en prose, par Ibn Hafaga:̂

«Ils etaient si nombreux que, si on devait les abreuver, les mers se transformeraient en Uaques d'eau, et quand Us se

' Peres lit wasa 'ifi, au lieu de wasa 'ig,ei traduit: «voila des echarpes multi-colores bien tissees».

^ Ce vers ne figure pas dans Peres, ni dans Ibn Haqan. ' Schippers 1999, 96-97 et 106: cit. d'aprcs le ms. Leiden or. 14.056, P 32b et

34a.

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mettaient en route, les montss 'aplanissaient [a leur passage] et la poussiere volait, et allait former des montagnes.»

Le motif des betes sauvages qui devorent les cadavres des victimes est tres courant dans ce genre de poesie, tout comme la harangue des ennemis. Apres un petit passage en prose ou Ibn Bassam depeint I'ignominieuse deroute du roi Alphonse, le poete s'adresse a lui en ces termes:

W. Ou est ton amour-propre, 6 Alphonse?As-tu deserte, gamin, la place due aux adultes!

12. Les femmes t'interrogeront [ou sont leur maris], pas les hommes [parce qu 'Us sont marts] et tu raconteras ce que tu a laisse derriere toi, 6 "Isam! °̂

13. Prends garde dans ton royaume, quand elles se montreront a toi: tels des nuages [charges d'orages] elles feront tom-ber leur foudres sur toi en guise de presents.

A titre comparatif, Ibn Bassam cite quelques vers du poete oriental Abu Firas (932-968)^ ou celui-ci represente, d'une maniere similaire, les femmes des vaincus, pour reprendre ensuite la diatribe d'Ibn Wahbun, qui continue a haranguer ainsi le roi chretien /Mphonse VI:

14. Pour le combat tu as etabUunmarche. Passe-le done, engage la lutte, car ce qui est mis en vente est de peu de valeur.

15. Veux-tu de 1'argent: voila Sem [les Semites, les guerriers arabes blancs] ! Veux-tu de I'or: voila Cham [les Chamites, les guerriers negres de Mauritanie dans I'armee de Yusuf]! ̂ ^

16. Tu as vu que Tissue de la guerre ^̂ est comme la crucifixion : alors, sols crucifie, parce que personne ne t'en blamera, lorsque tu seras sur ta croix.

'° Proverbe arabe, voyez Maydani, II, 589. " Pour I'explication, voyez Peres 1953, 262. '̂ Dans le texte arabe : darb, 'battement', qui peut cacher un jeu de mots entre:

'coups de la guerre', et 'frappe des monnaies'.

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17. Tes pauvres hommes, ont-ils pu fermer Toeil? Bien sur que non, car comment dormir, la tete decapitee?

18. Nous avons monte leurs tetes sur des troncs, telles des colombes perchees sur les branches des arbres.

19. U [Alphonse]passera [apres cette bataille] a Tadoration des Tenebres^ qui Tabritent et le cachent.

20. Comme une chauve-souris, U restera les yeux fermes, aussi longtemps que les tenebres ne Tauront recouvert.

21. 11 s'est depouille de sa cuirasse et s'est aventure dans une nuit qui, le souhaitait-U, durerait un an.

22. Pour le serpent, le temps de changer de peau n'est pas arrive, quoique la colere lui brule les entrailles.

Dans cette description de la deroute du roi Alphonse, nous retrouvons des allusions au prologue de la bataille. Ainsi, I'or et I'argent evoqueraient-ils le retard dans le paiement du tribut annuel, et r episode de la croix serait-elle une allusion a la crucifixion de I'ambassadeur juif d'Alphonse, Ibn Salib, par les Sevillans.^^ Le nombre impressionnant de tetes de Chretiens coupees indiquerait Tissue fatale de I'affrontement.^'' Quant au motif du roi defait, hon-teux et angoisse, se cachant sous le voile des tenebres comme un serviteur de Mani, il aurait ete emprunte, d'apres Ibn Bassam, aux poetes orientaux al-Mutanabbi (915-965), Abu Tammam (805-845) et al-Ma^arri (973-1058).i5

Ibn Bassam fait suivre son commentaire d'un passage en prose (ll/l, 248) qui depeint I'avidite des Chretiens en ces termes :

<.<Les royaumes chretiens du temps ou regnaient chez nous les rois de taifas exergaient leur tyrannie sur toutes les provinces. Ceux-ci les ont menages par vole de ruse et s'attirerent leur indulgence en leurpayantdeI'argent lis continuerenta fairepreuve de soumission

" Voir Maqqari, IV, 246 et 358 ; Himyari, ed. Levi-Provengal, 105/84. ''' Voir Schippers 1999, 94-95, avec les sources mentionnees a la note 16. '̂ Cf. Ibn Bassam, 11/1,247-48.

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et de docilite, tandis que les Chretiens perseveraient dans la tyrannie et Tentetement Us durent ainsi dilapider le meilleur du nouveau et de Tancien et debourser tous genres de biens, de Tinterieur comme del'exterieur, y compris les impots qu 'Us a vaient imposes a leurpropres gens, ainsi que les present etautes charges. La poesie de Tepoque en temoigne d'ailleurs.»

Comme exemple de son affirmation, Ibn Bassam cite I'eloge de la generosite d'al-Mu'^tamid qu'avait compose Hassan ibn al-Massisi:

1. Tu ne depouilles pas les Musulmans d'un tresor, qui ferait palir les plus grandes richesses, que pour exercer la charite.

2. Tu intercedes pour delivrer les captifs, et c 'est en concluant un accord avec les mecreants que tu cherches a liberer des Musulmans.

Z. Tun 'est guere de ceux quise montent avares de leur argent ou de leur courage, entassantles dinars etplantant ta lance dans la terre [au lieu de combattre].

4. Tu envoies aux Jaunes[les Chretiens]deTorsolide, et, s'ils manquent a leur parole, tu te sers contre eux du sabre tranchant

A ce meme propos, Abu Bakr al-Dani [Ibn al-Labbana] aurait dit: 16

1. Pour la gloire de la religion - fasse le del que cette gloire demeure! - tu trompes les Chretiens, leur abandonnant ce que tu veux bien leur abandonner.

2. Tu leur offres des biens recelant une vengeance qui fmira parnuire a ceux qui croyaient en profiter.

3. L 'abondance de nourriture etde boisson ne met pas les corps a Tabri des maux.

4. Les gens ne te sollicitent pas a tori, en cas de difficulte, car tu sais pariaitement ce qu 'U faut ou qu 'U ne faut pas faire en ces cas."

16 Ibid, ll/l, 249.

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Et Ibn Bassam (11/1, 249-50) de commenter ces eloges adresses a al-Mu'̂ tamid:

« Ce sont la des louanges tompeuses, un temoignage mensonger, la Uatterie de celui qui cherche a tirer profit, la tromperie de celui qui desire obtenir des faveurs. Helas, le malheur s'abattit sur les communautes- musulmanes lorsque les Chretiens prirent conscience du declin de leur force. Us se lancerent alors a la conquete des villes, et pariout s'abattirent les foudres de leur colere. Leurs lances et leurs sabres s 'abreuverent du sang des Musulmans et ceux qui echapperent au peril furentpris captifs. Pour parvenir a leur but et s'accaparer du pouvoir qu'ils convoitaient. Us leurs firent subir toutes sories de vexations et d'afffictions. Les villes de Coria etdeZorita furent les premieres a tomber entre les mains de I'ennemi, avec nombre de places fortes et de citadelles fortifiees et inaccessibles. Les intrigues et la discorde se repandirent tant, que la misere ne tarda pas a leur tomber dessus et que leur sori fut scelle par le malheur, lorsque la ville de Tolede tomba ente les mains des Chretiens, en Van [quatre cent] soixante dix-huit (1086), Tolede qui represente pour la Peninsule iberique le centre meme du cercle, la perle centrale du collier, le carrefour accessible de toutes paris. Les coups portes a cette ville ont eu des repercussions sur les proches etles lointains. L 'un des poetes de Tepoque dit, a ce sujet:

1. Incitez vos montures a ne pas fouler la terre d'al-Andalus, car tout sejour dans ce pays serait une erreur.

2. Tandis que tout habit s'effiloche aux bords, celui de la Peninsule s'use au beau milieu.»^^

II est clair qu'lbn Bassam n'est pas parmi ceux qui font I'eloge d'al-Mu'^tamid. Loin de considerer son attitude comme une manoeuvre

" Ce poeme est mentionne aussi dans Maqqari, IV, 352 sous le nom dc 'Abd /Mlah ibn Farag al-Yah?i, avec un troisieme vers : «Nous vivons au milieu d'ennemis qui ne se separent pas de nous, comment vivre avec des serpents dans un panier?».

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politique adroite, il y voit plutot le signe de sa faiblesse et de sa lachete. Toutes ses prodigalites n'ont pas su freiner les desseins du roi Alphonse, ni empecher Tolede de tomber dans les mains des Chretiens. Ibn Bassam rappelle en Toccurrence quelques vers de Tillustre poete preislamique Imru'u 1-Qays (m. 550) qui justifient la fuite et celebrent les bienfaits du retrait militaire.

Dans la derniere partie de son article, Ibn Bassam (II/l, 255) poursuit son recit et evoque Tissue de la bataille, a travers un poeme d'Ibn Wahbun:

«Dans leur detresse. Us soUiciterent Taide du Prince des Musulmans, Yusuf ibn Tasufin - que Dieu aU son ame! Celui-ci s'empressa alors de traverser la mer pour se rendre a la Peninsule iberique au debut de Tan soixante dix-neuf [479/ 1086]. U marcha accompagne de ses troupes, cavaliers et fantassins charges d'armes lourdes et legeres. Us avancerent glorieusement vers la victoire, qui eut lieu un vendredi de cette meme annee. Dieu fU perir les guerriers du tyran qui, au lieu d'une fortune de milliers de dinars, furent confrontes a despreux cavaliers musulmans, valant leur double pesant d'or. A ce propos, suit une partie de la qasida de "Abd al-GalU [Ibn Wahbun], quis'exprime en ces termes:

1. Les Chretiens ne savent pas encore que les Arabes sont leurmaitres; les glaives blancs etles lances brunes chattiques viennent le leurprou ver.

2. Lorsque, dans leur ingratitude. Us ne font pas preuve de reconnaissance [pour I'argent regu], celui-ci se retourne contre eux.

3. Pour chaque dinar regu. Us sont confrontes a un heros aussi precieux que Tor pur et verse [dans Tart de la guerre].

4. Qu 'Us prennent comme tribut des milliers de lions de combat, qui sont purs et sans alliage, sans peur et sans crainte.

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5. Qu 'Us se mefient du Prince des Musulmans et du Defenseur de la Religion, car U leur reserve une nuit noire, qui ne verra pas paraitre Taube.»

Ce theme principal de Tor «en echange» des guerriers se retrouve, selon Ibn Bassam, chez al-Mutanabbi, et il en profite pour citer a I'occasion quelques vers de ce dernier.

Pour conclure, il serait peut-etre utile de se poser la question de Timportance du recit de la bataille de Zallaqa, tel que rapporte par Ibn Bassam. Sa valeur documentaire mise a part, cet episode semble etre une experience didactique a portee morale. Ainsi, la honteuse defaite du roi Alphonse serait la juste punition pour son immense orgueil. Quant aux roitelets musulmans de la Peninsule iberique, tel qu'al-Mu'^tamid de Seville, ils ne pensaient qu'a leur bien-etre et negligeaient de defendre leur territoire islamique d'une maniere honorable, si bien que leur sort ne fut guere meilleur. Seul Yusuf ibn Tasufin, le leader des Almoravides, merite d'etre honore pour sa grandeur, sa generosite et sa clemence. La victoire qu'il a su rem-porter, est une victoire juste.

Contrairement a d'autres sources, oCi la description de la bataille de Zallaqa est aureolee d'un caractere apocalyptique, evoquant le jour du jugement dernier, Ibn Bassam se contente de quelques exagerations, au demeurant communes dans la poesie guerriere arabe, et il fait surtout mention de details concrets ayant un rapport direct avec la bataille et son prologue. C'est ainsi qu'il mentionne le retard dans le paiement du tribut au roi chretien, la lachete et la faiblesse du comportement d'al-Mu'^tamid, les tetes suspendues des Chretiens victimes de la bataille et la deroute d'Alphonse VI.

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Ibn Bassam et la bataille de Zallaqa

Bibliographie

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