vers la déconstruction d’un apprentissage idéologique des représentations-obstacles dans...
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Social Representations and Langauge EducationTRANSCRIPT
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Les Cahiers de l'Acedle, volume 6, numro 1, 2009
Recherches en didactique des langues L'Alsace au cur du plurilinguisme
Vers la dconstruction dun apprentissage idologique :
Des "reprsentations-obstacles" dans lenseignement des
langues en France
Gilles Forlot
Universit de Picardie-Jules Verne/IUFM, Amiens LESCLaP (JE 2466)
Rsum :
Cet article sappuie sur une recherche de terrain en cours dans les IUFM du Nord-Pas de
Calais et de Picardie auprs denviron 300 tudiants au professorat des coles et professeurs
des coles stagiaires. En combinant une dimension quantitative de nature statistique (par
questionnaires) et une approche qualitative danalyse de discours sollicits, nous exposerons
les premires conclusions de ltude et explorerons les multiples dcalages existant entre les
objectifs institutionnels dans le domaine des LVE en France et les reprsentations
sociolinguistiques des personnels chargs de les enseigner dans le primaire. On y exposera
notamment les difficults ou parfois les rticences ressenties par les professeurs des
coles dbutants adhrer une dmarche plurilingue de lenseignement des LVE qui rompt
avec une approche "classique", cest--dire souvent lexicaliste et grammaticale de
lenseignement. On constate quen dpit dune progressive ouverture aux langues et la
diversit, les positionnements des futurs enseignants du primaire refltent encore une
idologie monolingue et des postures tendance "schizolingue", acquise ds lenfance et tout
au long de la scolarit et reposant en grande partie sur des reprsentations des langues que
lon pourrait qualifier d"hyper-normatives" et gnratrice dinscurit linguistique. On
sinterrogera pour finir sur le rle de la formation des enseignants dans la construction, la
reproduction et ventuellement la dconstruction de ces reprsentations.
Mots cls
reprsentations sociolinguistiques, enseignement des langues, cole primaire, formation des
enseignants
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Abstract
This article is based on research carried out in several teaching colleges of Northern France
and Picardy, where approximately 300 students and teacher trainees were given
questionnaires aimed at identifying their sociolinguistic construals. Combining quantitative
and qualitative data, the article presents our initial conclusions and explores the various
discrepancies between the official objectives of the French educational authorities regarding
language teaching and the sociolinguistic stereotypes of those in charge of teaching
languages in primary school. We will show the difficulties and sometimes the reluctance of
teachers to adhere to the current multilingual orientations for language teaching in France
because these orientations challenge the classical approach they themselves went through in
their own learning of foreign languages (e.g. vocabulary and grammar based memorisation,
drills, etc.). As these sociolinguistic attitudes contribute to linguistic insecurity and the
maintenance of monolingual and at times schizolingual ideologies in France, we will try to
illustrate how teacher training can be helpful in the construction (or the deconstruction) of
such construals.
Key-words
sociolinguistic construals, language teaching, primary education, teacher training
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1. Introduction et objectifs
En France, linstitution scolaire sest donn depuis quelque temps des objectifs clairs en
termes dapprentissage des langues lcole. Dans la ligne du Cadre commun de rfrence
pour les langues publi par le Conseil de lEurope, la Loi dorientation et de programme pour
lavenir de lcole davril 2005, dans son article 25, prvoit de manire explicite l'tude d'une
langue trangre l'cole primaire. Lobjectif que se donne linstitution, outre celui de
prserver et dencourager la diversit linguistique dans le systme ducatif, est d'amener les
lves des coles de France une meilleure matrise de la langue premire et de dvelopper la
connaissance de deux langues vivantes la fin de leurs tudes secondaires.
Cet article1 a pour objectif dexposer les rsultats (provisoires et introductifs) dune enqute,
initie en 2005, dont la problmatique relve de ce qui ne semble pas encore tre une
interrogation centrale de linstitution : le dveloppement et lvolution des reprsentations
sociolangagires des premiers acteurs (chronologiquement) chargs de lenseignement des
LVE en France, les professeurs des coles.
lorigine de cette enqute, il sagissait de faire un tat des lieux des pratiques langagires
dtudiants inscrits la prparation du concours de professeurs des coles (dsormais CRPE)
dans la rgion du Nord/Pas-de-Calais. Lobjectif tait didentifier les pratiques quotidiennes
ayant trait lusage et la matrise dautres parlers que la "langue maternelle" (le franais
pour une grande majorit dentre eux) ainsi que de cerner les discours circulant sur ces
langues et parlers autres.
En gardant lesprit que des rsultats plutt positifs sont ressortis des expriences grande
chelle menes en Europe dans le domaine de lveil aux langues (Candelier, 2003) et de
lappropriation des techniques dveil par les enseignants (Bernaus & al., 2003), nous avons
toutefois constitu lenqute sur lhypothse suivante : en France, les tudiants-professeurs et
les professeurs dbutants nont quun contact modr avec lunivers des langues trangres,
une attitude souvent timore face lapprentissage et la pratique de langues trangres, un
positionnement souvent ngatif vis--vis de lcart la norme (exemple de la pratique
1 Cet article est une version remanie et largie dune communication faite au colloque de lACEDLE de janvier 2008 lUniversit Marc Bloch de Strasbourg. Nous remercions lIUFM de lAcadmie dAmiens pour le financement allou pour la participation ce colloque.
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stigmatis des patois) et pour finir des reprsentations ngatives (cest--dire simplifies et
strotypes) des langues trangres.
Ce sont ces dernires que nous qualifions de reprsentations-obstacles, sachant que toute
reprsentation ne ressortit pas forcment au strotype ngatif, comme lont montr nombres
de recherche, notamment en psychologie sociale, en sociologie et dans les tudes littraires
(Amossy & Herschberg Pierrot, 2005). Le postulat de dpart tait que ces professeurs en
devenir ou dbutants, laube dune carrire ddie lducation (notamment lducation la
diversit), entretiennent des rapports quelque peu difficiles avec ce que lon pourrait
globalement qualifier daltrit linguistique.
Aussi, le but de cette recherche est, terme, multidimensionnel : il est en effet la fois
descriptif (faire un tat des lieux), il est analytique et explicatif (tenter didentifier les causes
de la formation de certaines reprsentations) et pour finir, il a une vise prospective et
formative, en ce sens quidentifier les consquences de ces reprsentations sur la pratique du
terrain (enseignement/apprentissage) permettra de trouver des modalits et des stratgies de
contournement des obstacles.
2. Mthodologie
2.1. Corpus nordiste
Avant de pouvoir agir sur les pratiques de terrain, il convient de se faire une ide de la
situation, de cartographier lespace reprsentationnel, pour ainsi dire. Ainsi, loutil de
production des donnes, ici le questionnaire, doit tre considr comme le pendant de ltude
sur le terrain. Ainsi, en 2006, dans lAcadmie de Lille, le questionnaire se composait de 30
questions de diffrentes formes (fermes, choix multiples ou chelonnes) dont neuf
questions mixtes et dune liste de 9 langues sur lesquelles on demandait aux participants de
sexprimer en quelques lignes.
Comme le questionnaire avait pour objectif de dvoiler des considrations pilinguistiques2 et
reprsentationnelles des candidats au CRPE, les sous-ensembles sur lesquels les rpondants
2 Dans cet article, nous employons ladjectif "pilinguistique" pour faire rfrence aux positionnements explicites vis--vis des langues, en termes de statuts et selon des critres esthtiques, par exemple, ou encore par rapport des discours sinscrivant dans une vision essentialiste associant langues et conduites ethno-identitaires. Ladjectif "mtalinguistique" fait en revanche ici rfrence aux positionnements et aux discours sur la langue elle-mme, dans ses aspects formels et structurels (par ex. les dclinaisons, temps et aspects, lorthographe, etc.).
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taient interrogs concernaient les dterminants sociaux (sexe, ge, lieu dhabitation,
scolarit) ; les pratiques linguistiques (langues parles, cours de langues suivis, sjours
ltranger, frquentation de non-francophones) ; les pratiques "mdiatiques" dans les langues
autres que le franais (lecture, coute de la radio, visionnage de la tlvision, utilisation de
linternet) ; la pratique dialectale (attitudes vis--vis des parlers picards) ; le rapport
immigration/langue(s) ; les langues vivantes trangres dans le systme scolaire (en termes
qualitatifs et quantitatifs) ; et, pour finir, des commentaires libres sur les neuf langues
suivantes : langlais, lallemand, lespagnol, larabe, le portugais, le russe, le chinois, le
nerlandais et le latin.
En 2005-2006, 275 questionnaires ont t rcuprs auprs dtudiants inscrits au module
obligatoire de langue vivante trangre des centres IUFM de Douai (Nord) et dArras (Pas-de-
Calais), soit environ 70 % des tudiants cibls. Au total, seuls 29 questionnaires provenaient
de rpondants masculins, reflet de la large majorit fminine dans les IUFM. Les anglicistes
constituaient 166 questionnaires, alors que les hispanistes avaient produit 81 questionnaires et
les germanistes 28 questionnaires.
Pour garantir la transfrabilit des analyses la population source de lenqute (Martin, 2005)
et pour ne pas rduire peau de chagrin les corpus de germanistes et dhispanistes, ces
chiffres ont fait lobjet dune manipulation statistique afin dassurer la reprsentativit de
chacune des trois langues "majeures" enseignes dans lacadmie de Lille (cf. Forlot 2006
pour de plus amples dtails mthodologiques). Nous avons ainsi obtenu la rpartition
suivante, hommes et femmes mlangs : 174 personnes, dont 107 anglicistes (61,5% des
interrogs), 28 germanistes (16 %) et 39 hispanistes (22,4 %).
2.2. Corpus picard
Lenqute a t poursuivie en 2007 dans lacadmie dAmiens, notamment Beauvais,
important centre IUFM charg de la formation des professeurs stagiaires. 133 enseignants
dbutants (professeurs des coles stagiaires, communment appels PE2) ont t interrogs.
Ceci constitue prs de 65 % du total des stagiaires inscrits dans ce centre et venant des trois
dpartements de lacadmie (Somme, Aisne et Oise). Pour des raisons logistiques inhrentes
au fonctionnement du centre IUFM, tous les stagiaires taient inscrits au module danglais au
moment de la passation du questionnaire.
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Le questionnaire consistait en une vingtaine de questions chelonnes, sur le modle utilis en
psychologie sociale : chaque rpondant exprimait, sur une chelle de 5 points, son accord ou
son dsaccord avec une affirmation donne sur les thmes suivants : (1) leur perception de
leur niveau de comptences en LVE au collge et au lyce ; (2) leur apprciation de la langue
anglaise, de la culture anglaise/britannique et de la culture amricaine ; (3) leur perception des
raisons expliquant la russite ou le dveloppement de comptences en LVE ; (4) leur
perception de linstitutionnalisation des LVE lcole3 ; (5) leur perception de la facilit ou
de la difficult des LVE et de la proximit entre anglais et franais.
lissue de ces questions aux rponses chelonnes, les professeurs stagiaires tous
anglicistes de facto taient invits livrer leurs commentaires sur les langues suivantes,
peu prs comme leurs collgues du Nord-Pas de Calais lavaient fait un an auparavant :
langlais, lallemand, lespagnol, litalien, larabe, le portugais, le chinois, le russe, le latin et
le picard, langue de France (au sens de Cerquiglini, 2003) que partagent, quelques
diffrences dialectale prs, les locuteurs de Picardie et du Nord-Pas de Calais (et que ces
derniers appellent communment "patois" ou "chti").
3. 1er constat : un accs limit la diversit linguistique
Parmi les obstacles identifis dans les deux parties de ltude, et plus particulirement celle
mene dans lacadmie de Lille parce que le questionnaire se prtait davantage ce genre
danalyse , nous avions constat que les pratiques langagires des candidats au professorat
de coles se rvlaient peu ouvertes sur la diversit linguistique (cf. Forlot, 2006 : 125-126).
Nous avions mis en lumire trois types de carences que nous pourrions qualifier
d"alterlinguistiques"4 : labsence de pratique linguistique "trangre" au domicile5, des
sjours peu nombreux dans des pays trangers et une exposition trs faible aux mdias et
linternet en langues trangres.
3 Son nouveau statut de discipline obligatoire lcole, la tendance au tout anglais, la question de son enseignement la maternelle, lapprentissage des langues de limmigration 4 Cet adjectif sentend ici comme "marqu par lexprience du contact laltrit et la diversit linguistique". Pour une approche complte de ce concept, voir Robillard, 2008. 5 Les guillemets visent rappeler ici quen fait, beaucoup de rpondants ont au moins une pratique patoisante en comprhension, mais ne la considrent que rarement comme trangre. Cf. Forlot 2006 pour un dveloppement sur le sujet.
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3.1. Une pratique des langues trangres peu frquente
Le taux trs faible de rpondants immigrs eux-mmes ou issus de la migration (8 rponses
positives, soit 4,6 % de lchantillon) est sans doute reprsentatif de la population candidate
au CRPE et laisse supposer que les pratiques linguistiques interpersonnelles dclares, au
foyer, ltranger et dans les relations sociales demeurent modres. Pour vrifier cette
hypothse, nous avons analys les rponses concernant la pratique dune autre langue que le
franais au foyer en affectant chaque rponse un code reprsentant lintensit de chaque
pratique dclare. Ainsi, on obtient une fourchette de "scores" de 0 2, dans laquelle le score
0 quivaut "aucune pratique". Le score 1 signifie que le rpondant parle une LVE la
maison, jusqu concurrence de 50 % du temps. Pour finir, le score 2 est attribu aux
rpondants qui dclarent parler plus de la moiti du temps dans une LVE au domicile.
Le tableau suivant prsente les rsultats, rvlant une moyenne de scores de 0,7 :
Les rpondants Score attribu Nombre et pourcentage
Ne parlent pas dautre langue au foyer 0 162 (93,1%)
Parlent une autre langue, de rarement
la moiti du temps
1 11 (6,3%)
Parlent de la moiti du temps tout le
temps
2 1 (0,5%)
Moyenne des scores : 0,7
Tableau 1 Pratique dclare dune langue trangre au foyer (n = 174).
3.2. Une faible frquence du contact "alterlinguistique"
Dans le mme questionnaire, deux questions interrogeaient les participants sur leurs sjours
ventuels ltranger (voir tableau 2, ci-dessous) et sur leur frquentation de personnes dont
le franais nest pas la langue premire. Lobjectif de cette partie du questionnaire tait
dvaluer si des voyages ltranger et les contacts directs avec des non francophones sont
susceptibles de compenser une pratique individuelle familiale monolingue.
Lhypothse de dpart, celle dun faible contact, a pu tre confirme, savoir que les
tudiants-professeurs des coles interrogs sont rarement enclins interagir avec des non
francophones : 34 dentre eux, soit 9,7 % dclarent avoir interagi au moins une fois par
semaine pendant plus de 2 semaines avec un locuteur non francophone.
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En ce qui concerne les sjours ltranger, le score moyen (entre 0 et 4) tait de 0,98, soit
lgrement en dessous de la rponse type "un ou plusieurs sjours de 3 jours 3 semaines".
La majorit de ces sjours, dailleurs, se rvlent infrieurs une dizaine de jours et sont,
nen pas douter, des sjours de vacances (pour de plus amples dtails statistiques, voir Forlot
2006). On notera tout de mme que les dures de sjour suprieures 8 semaines taient deux
fois suprieures parmi les germanistes et les hispanistes. Les causes de cet tat de fait sont
difficiles circonscrire et sont probablement multiples, de nature sociale et politique, sans
lien convaincant avec la langue trangre pratique.
Il est sans doute raisonnable de rester prudent quant aux effets de ces sjours plus ou moins
longs ou frquents et donc de ce contact accentu. En effet, lhypothse que le contact intense
permet de diminuer la formation des strotypes a t infirme dans certains travaux de
psychologie sociale, notamment par les thoriciens du conflit social (Sherif & Sherif, 1969).
Dautres ont mme avanc que dans certains cas, le contact pouvait accentuer le strotypage
(Ladmiral & Lipiansky, 1989).
3.3. Lusage des mdias comme exposition la diversit ?
Par lusage des mdias, on entend ici la confrontation une partie ou tous les moyens de
diffusion dinformations extrieures la vie quotidienne de chaque participant lenqute. Il
pouvait donc sagir de journaux, de radio, de tlvision ou dinternet, en loccurrence en
langues trangres. Ici, lhypothse nest pas, comme on vient de le dire, quil y a une
corrlation entre la frquence de lexposition aux mdias et la formulation de strotypes
sociolinguistiques ngatifs, mais plutt que la pratique mdiatique est un indicateur dintrt
pour des pratiques langagires diffrentes.
De surcrot, comme on sait que loffre des mdias en langues trangres par les crneaux
classiques de la distribution est plutt limite, on considrera le choix davoir recours ces
mdias en langues trangres soit au bas mot comme la qute explicite dun maintien ou
dun dveloppement de comptences linguistiques, soit comme un positionnement
interculturel affirm.
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Taux moyen de pratique Total : Nombre et % du nombre total
aucune pratique 76 (43,7 %)
Pratique trs rare 74 (42,5 %)
Pratique rare mensuelle 18 (10,3 %)
Pratique courante frquente De bimensuelle hebdomadaire 6 (3,4 %)
Tableau 2 Pratiques dclares dusage des mdias crits, radiodiffuss, tlviss et en ligne en langues trangres
La lecture du tableau rvle que lessentiel des pratiques dclares dusage des mdias se
situent des taux faibles, de lusage inexistant un contact rare dun ou deux mdias. Dans le
codage des rponses, les pratiques "rare" et "trs rare" correspondaient respectivement aux
rponses "une deux fois par mois" et "rarement". Les tudiants-professeurs ltude peuvent
donc tre dcrits comme des usagers des moyens de communications francophones (ou
doubls, pour ce qui est des missions tlvises et des uvres cinmatographiques). Cela
reflte aussi certainement une tendance, dans leurs pratiques quotidiennes, considrer
comme marginale louverture une altrit linguistique et de se soumettre une idologie
linguistique monolingue hrite de diverses traditions centralisatrices et unificatrices
franaises. Ces traditions ont particip de la construction de la nation franaise et des attributs
mythologiques qui en constituent le pendant linguistique : le franais comme langue nationale
(Balibar, 1993 ; Baggioni, 1997a ; 1997b), le monolinguisme et sa construction idologique
(Achard, 1987 ; Boyer, 2000, 2003 ; Blanchet, 2004).
On sait que cette idologie a des consquences notoires sur le positionnement dune majorit
de Franais face la pratique et lapprentissage des langues trangres (Dabne, 1994 ; 1997).
Il parat certain que ces attitudes ne sont pas sans poser de problme une poque o un autre
discours circule en Europe : celui du plurilinguisme. La question qui se pose alors ici est
dimportance, car nous sommes au cur mme du dispositif denseignement et
dapprentissage scolaires : les professeurs des coles, dans leur grande majorit, nchappent
pas au monolinguisme, par manque de comptences dclares tout du moins tout autant
que par idologie subie, alors que lon constate aussi chez nombre dentre eux la tendance
accompagner leur pratique linguistique dun discours pourtant bien actuel insistant sur la
ncessit dapprendre des LVE.
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Ce paradoxe sexplique par la tension entre des instructions officielles de plus en plus
explicites sur le rle quils doivent jouer dans louverture des enfants du primaire aux langues
et aux cultures des autres et leurs propres positionnements pilinguistiques, forges tout au
long de leur scolarit et reposant en grande partie sur des reprsentations des langues que lon
pourrait qualifier d"hyper-normatives". Cette tension, outre quelle est sans doute gnratrice
dune inscurit linguistique accentue, cre et entretient aussi une posture contradictoire vis-
-vis des apprentissages langagiers, posture qui ressortit en grande partie une forme de
"schizolinguisme"6.
4. 2e constat : des reprsentations pilinguistiques en forme dobstacles
4.1. Une perception culturellement et historiquement situe
Des recherches ont dj montr (Boyer, 2003 ; Auger & Clerc, 2006, entre autres) que les
perceptions des langues renvoyaient souvent une vision globalisante du peuple (ou du pays)
dans ses aspects souvent ngatifs. On peut considrer cette perception comme ethnoculturelle.
Aussi, lespagnol jouit ici dun capital de sympathie qui joue certainement en sa faveur tout
autant que sa prtendue utilit sur le march des langues dans le monde. Cette langue est ainsi
considre comme "chaleureuse"7, "enjoue", "joyeuse", "sensuelle". Elle fait frquemment
penser au soleil, aux vacances, au flamenco, la fte (cf. Angousture, 2004 ; Auger & Clerc,
2006) Au contraire, lallemand est souvent associ la duret, la svrit ; cest aux yeux
de beaucoup une langue "agressive", "froide", voire "militaire". La sympathie que gnre le
picard est relle dans les deux rgions tudies, mais les discours sollicits sont trs souvent
limage de ce que lidologie monolingue a construit des parlers rgionaux : le picard est
"amusant", "rigolo" ; il est "sympathique" mais "campagnard", "rustique", cest une langue
qui "fait pquenot".
6 En avril 2008, lors dune intervention au sminaire de recherche de lquipe DYNADIV de lUniversit Franois-Rabelais de Tours, nous avons propos de dfinir "le schizolinguisme la franaise" comme une caractristique pilinguistique de(s) pratiques et reprsentations contradictoires dacteurs sociaux conscients de lexistence dun bilinguisme ou dun plurilinguisme quelles quen soient lintensit et la forme dans lespace les environnant. Ces acteurs sociaux ont une conduite schizolingue quand ils sont incapables de transgresser la vision monolingue de lespace social que leur histoire et leur ducation a construite. 7 Toutes les expressions entre guillemets visant dcrire les langues sont des citations extraites des discours des rpondants.
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Parmi les onze langues soumises aux commentaires des rpondants des deux acadmies, deux
font lobjet de peu dvaluations de nature historique et culturelle : langlais et larabe. La
premire est rarement ou de plus en plus rarement considre comme directement
rattache un peuple, mais plutt une pratique langagire quasi-mondialise. Dans le
second volet de la recherche, en Picardie, seuls 6,7 % des rpondants donnent une rponse de
nature ethnoculturelle. La langue arabe, quant elle, fait lobjet de peu de commentaires ou
en tout cas de commentaires prudents, vitant les jugements de nature ethnique, historique ou
culturelle.
4.2. Un strotypage pilinguistique persistant
Comme on pouvait sy attendre, le corpus rvle une srie de reprsentations "classiques",
notamment pilinguistiques, concernant diverses langues. La langue y est ici soit perue en
elle-mme, dans ses dimensions typologiques et formelles, soit en tant quobjet
dapprentissage.
4.2.1. La langue en elle-mme : laspect formel et la dimension esthtique
L aussi, lespagnol jouit dune bonne opinion, avec une large majorit dopinions favorables
sur ce que les rpondants estiment tre sa "beaut", sa "douceur", sa "mlodie", son "rythme"
(53 items). Langlais, lui aussi, est qualifi de "fluide" et de "mlodieux" et on signale souvent
sa "musicalit" et sa "souplesse". Sans surprise, les rpondants font de frquentes allusions
la graphie diffrente de larabe et du chinois. On souligne aussi la beaut prsume de ces
graphies.
Inversement, deux langues sont dcrites comme tant laides, dures et inlgantes, soit
intrinsquement (lallemand) soit parce quon peroit en elles rien de plus quune dformation
du franais ou un parler peu raffin : cest bien sr le cas des parlers picards, dans les deux
rgions tudies. Le picard est souvent et paradoxalement considr comme un attribut de
la richesse culturelle de la rgion et du patrimoine, mais estim trs laid et "fautif" vis--vis
dun franais norm dont les rpondants supposent dailleurs souvent quil en est un rejeton
rural et incorrect. Certains stonnent mme lide que le picard puisse se trouver dans la
liste de langues sur lesquelles on les interroge, comme en tmoigne ces trois extraits : "ce
nest pas srieux", "pourquoi cette question ? ", "ce nest pas une langue ! " (cf. aussi
Landrecies, 2001).
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4.2.2. La langue en tant quobjet dapprentissage vcu ou reprsent
Parler dune langue, cest souvent discourir sur des expriences vcues dapprentissage. Les
professeurs des coles nchappent pas cette rgle, bien sr, en rendant compte de leur
propre exprience ou en digressant sur celle suppose des autres. Dans ce domaine, un
grand nombre de fantasmes persistent, comme celles de lespagnol facile et de lallemand
difficile. Certes, les tenants de la didactique des langues par la proximit typologique et
lexicale (Klein & Stegman, 2000 ; Klein, 2004 ; Robert, 2004, 2008) trouveront ici du grain
moudre, tant ces images perdurent. Langlais est peru comme une langue dichotomique cet
gard : langue facile si lon veut exprimer des choses simples et lcrit, elle est considre
par une majorit dinterviews comme plutt difficile loral.
De son ct, lallemand, mme parmi les non germanistes, est (irrmdiablement ?)
considre comme "difficile", "complexe", surtout en grammaire, du fait de sa "syntaxe
complique" et de ses redoutables "dclinaisons". Ceci rappelle ce que nous disions plus
haut : les considrations hyper-normatives hrites dune idologie de la puret et de
lunicit de la langue ont eu un impact non ngligeable sur lenseignement des langues
vivantes : cest ainsi que pour les apprenants que furent les PE1 et PE2 interrogs, certains
phnomnes linguistiques, tels les nuances aspectuelles en anglais et les dclinaisons en
allemand, sont vus comme les premiers obstacles la communication, hritage dune sur-
focalisation sur lusage de formes quasi-livresques de la langue.
linverse, bien sr, les langues que les rpondants identifient comme proches du franais,
telles que lespagnol, litalien et le portugais, sont au contraire considres en termes de
facilit dapprentissage.
4.3. Une conception utilitaire, ou la langue comme capital
Dans les discours sur les langues, il est frquent dentendre parler de lutilit de certaines
langues qui vhiculent un capital sur un march dchanges de diverses natures. Bien entendu,
on pense avant tout langlais. Si les rpondants ne livrent que peu de commentaires sur les
caractristiques pilinguistiques ou mtalinguistiques de langlais, cette langue est en
revanche perue, dans 76 % des questionnaires, comme "indispensable", "incontournable",
"essentielle" parce qu"internationale", "universelle". Certains voquent mme sa domination
"crasante", son "hgmonie" sur le march des langues, en France ou travers le monde.
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Dans les discours des professeurs stagiaires, deux langues mergent par leur importance de
nos jours : lespagnol et le chinois. Toutefois, cette conception instrumentale de la langue
demeure, lexception de langlais, plutt modeste. Cela sexplique en partie par le cursus de
ces enseignants, marqus la fois par des objectifs denseignement peu axs sur le monde du
travail8, mais aussi par une assez faible exposition laltrit linguistique, comme nous
lavons dmontr ci-dessus. Lallemand, on pouvait aussi sy attendre, fait lobjet de peu de
commentaires concernant son utilit, sans doute parce quelle ne convainc pas les rpondants,
mais aussi srement parce que lespace reprsentationnel de cette langue est occup par les
commentaires pi et mtalinguistiques.
4.4. La langue en tant quoutil et vhicule identitaire
Dans les corpus nordiste et picard, deux langues ne sont quasiment jamais associes une
conception utilitaire : larabe et le picard. Il semble que ces deux langues assument une
fonction communicative communautaire : larabe, frquemment peru9 comme la langue que
partagent les gens et plus spcifiquement les lves et les parents issus de limmigration
maghrbine et le picard, considr comme utile dans le cadre de la communication
intracommunautaire ou patrimoniale, par exemple dans lusage familial ou dans lutilisation
symbolique (et sporadique) pour affirmer son appartenance rgionale ou identitaire.
Le picard semble ici assumer ce rle identitaire de faon assez forte, mais de faon quelque
peu paradoxale : la fois considr comme un parler laid et souvent incorrect (cf. 4.2.1 ci-
dessus) par une majorit dinterrogs, il est aussi lobjet de frquentes rfrences la famille,
la survie du patrimoine, lhistoire rgionale. Parce que ce point mrite de plus amples
dveloppements et parce que les limites de cet article nous obligent diffrer lanalyse
approfondie dans des publications ultrieures, nous dirons ceci brivement : les attitudes
sociolangagires des professeurs interrogs dans le Nord-Pas de Calais et en Picardie insistent
sur la ncessit de prserver lidentit linguistique rgionale travers la pratique du picard,
mais elles soulignent aussi les dangers de lenseignement de cette langue pour lapprentissage
de la langue dite "nationale", le franais (voir aussi Dawson, 2004). Ce positionnement est
8 Position logiquement lgitime par les textes officiels du primaire, qui misent sur louverture culturelle plutt que sur la capitalisation de ces comptences linguistiques sur un march du travail lointain pour ces enfants.. 9 De faon sans doute un peu simplifie, la fois parce que cette conception ne tient pas compte des importantes diffrences dialectales entre les variantes de larabe, mme au Maghreb, mais aussi parce que certains jeunes issus de limmigration maghrbine ne parlent pas larabe (cf. Billiez & Dabne, 1984 ; Hambye & al., 2007).
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dautant plus paradoxal que nous avons montr (cf. ci-dessous et Forlot, 2006) que pour ces
professeurs, lcole est au cur des apprentissages linguistiques.
Nous terminerons ce portrait pilinguistique en notant que les rfrences faites lallemand
comme langue du peuple allemand, notamment en lien avec les premire et seconde guerres
mondiales ou avec le nazisme, ont presque disparu (4 items sur 307 rpondants, soit 1,3 % des
interrogs) et quune autre caractristique quasi-identitaire ressort plus frquemment : celle de
la langue scolaire des bons lves, des bonnes classes. Cette reprsentation, comme celles
lies la difficult ou la facilit suppose de telle ou telle langue, sexpliquent en partie
dans le fait que nombre dinterrogs, a fortiori des professeurs stagiaires ou des candidats au
concours de lenseignement, peroivent les langues comme une prrogative essentiellement
scolaire : leurs reprsentations, renforcs par leurs pratiques alterlinguistiques limites (cf. ci-
dessus), font de lcole le lieu unique o les langues sacquirent et, pour la plupart des
rpondants, se pratiquent.
5. Quelques pistes pour dconstruire ces reprsentations-obstacles
5.1. Dvelopper une culture sociolinguistique et une conscientisation
mtalinguistique
Au vu de ces rsultats quantitatifs et aprs lanalyse des discours reprsentationnels, on peut
sinterroger sur la culture sociolinguistique et la conscience mtalinguistique souvent limites
des professeurs des coles interrogs. Leur formation universitaire ne semble leur donner
accs qu une reproduction de schmas normatifs qui ne leur autorisent que peu de prises de
distance vis--vis des pratiques langagires. Si le discours didactique insiste depuis longtemps
sur la diffrence thorique et pratique entre la faute et lerreur, beaucoup de jeunes
enseignants nassimilent finalement que la nuance thorique et reproduisent des schmas
auxquels eux-mmes ont t soumis dans leur cursus universitaire et, plus encore, dans leur
parcours de candidats au CRPE10. Pour contribuer la dmonstration, nous proposons
quelques exemples de perceptions didactiques encore entretenues par les jeunes enseignants,
du primaire comme du secondaire.
10 Il suffit, pour sen convaincre, de voir les modalits de lpreuve de langue vivante, consistant ni plus ni moins en la reproduction dune valuation de lyce ou duniversit, dtache de tout contexte scolaire et/ou didactique. Le moins que lon puisse dire, cest que ce type dpreuve napporte que peu de comptences didactiques, mtalinguistiques et sociolangagires aux futurs professeurs des coles.
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5.1.1. Exemple 1 : Lutter contre une vision approximative de la proximit des
langues
Il sagit pourtant dune caractristique linguistique faire fructifier en milieu dapprentissage
captif. Le corpus rvle cependant un certain nombre de positionnements reprsentationnels
qui semblent entraver laccs serein lapprentissage des langues. Une majorit des PE2
interrogs, 73 % du corpus picard, peroivent par exemple langlais comme une langue
fortement loigne du franais, pour deux raisons : (a) elle est, plus ou moins juste titre,
place dans leur savoir mtalinguistique, dans le groupe des langues germaniques, alors
quelle est forte composante lexicale romane (cf. Crpin, 1967 ; Walter, 2001; Robert,
2008 ; Forlot & Beaucamp, 2008) ; (b) le lexique de langlais, quand il est reprsent comme
tant proche de langlais, est davantage associ un danger qu un avantage.
En ce sens, la notion de "faux amis" a pris le pas sur les avantages lis la proximit lexicale
(notamment la transparence crite) et, largement surestime (Klein, 2007), elle sest installe
dans limaginaire des apprenants dont nos rpondants anglicistes comme tant la
caractristique essentielle du lexique des langues trangres. Ce rflexe nest pas propre aux
anglicistes. Il provient de processus dapprentissage linguistiques dans lesquels ont longtemps
prvalu (et nous gageons que cest encore le cas) la hantise que la premire langue joue un
rle dinterfrence ngative et gnre ainsi des sries derreurs interlinguistiques (Dabne,
1994), les fameux "faux-amis". Aussi, la langue sapprend-elle en cloisonnement total des
autres, comme si llve-apprenant de L2 tait vierge linguistiquement (Forlot & Beaucamp,
2008).
5.1.2. Exemple 2 : Dpasser la vision lexicaliste et "hyper-grammaticale" de
la langue
Ceci paratra tantt vident aux tenants de la mthode communicative, tantt scandaleux aux
partisans du retour un apprentissage prtendument structure et lexicalement enrichissant de
la langue (Bentolila, 2007). Mais il ne sagit pas de dire ici que lon doit ou que lon peut
apprendre une langue sans apprendre son lexique et sans construire des phrases avec sa
syntaxe. ll sagit plutt de contrecarrer une conception "classique" de la langue trangre o la
mthode denseignement, subie par ces PE1 et PE2 eux-mmes jusqu luniversit, reposait
pour lessentiel sur de lapprentissage par cur donc dcontextualis de rgles et de listes
de mots lexicaux ou grammaticaux. En guise dexemple, on citera les nombreux
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commentaires des rpondants au sujet de la longueur quasi-rdhibitoire des mots de
lallemand, alors quune conceptualisation mtalinguistique saine offrir aussi aux non
germanistes leur aurait enseign quil ne sagit l que de compositions lexicales et dun
artifice de la transcription graphique de cette langue.
La grammaire, bien sr, nest pas en reste : quand on interroge les PE2 sur la grammaire de
langlais, les rponses portent essentiellement sur la question du present perfect, alors que
ceux sur lallemand portent sur les dclinaisons. Cette sur-focalisation sur les formes perues
comme difficiles, reproduite par des gnrations denseignants de langue, ont contribu leur
tour crer des effets dinscurit linguistique (la peur de la "faute") et renforc une vision
hyper-normative de futurs enseignants du primaire refltant encore lidologie monolingue
dont nous parlions plus haut.
Ceci explique sans doute que de nombreux professeurs du primaire, face aux dfis que
constitue lenseignement des langues trangres lcole, raisonnent surtout en termes de
difficults, comme sil sagissait de la caractristique essentielle de lapprentissage
linguistique. Dans le corpus picard par exemple, 86 % des enseignants interrogs estiment
quil existe, dans labsolu, des langues plus difficiles que dautres. Forgs dans la culture de la
norme et de la difficult de sy conformer, il est donc logique que 83,5 % dentre eux
considrent le franais comme une langue difficile apprendre pour un tranger.
5.2. Agir par tapes pour corriger les reprsentations-obstacles
La formation des enseignants du primaire et moyen terme de ceux du secondaire
gagnerait reposer sur quelques tapes visant forger des reprsentations renouveles des
langues et de lapprentissage linguistique. Nous en proposons quatre.
5.2.1. La prise de conscience de lexistence des reprsentations
On ne contestera pas que les reprsentations sont bel et bien ncessaires dans la structuration
du rel et la construction de lidentit (Amossy & Herberg Pierrot, 2005). On soulignera
toutefois que les formations linguistiques des enseignants du primaire (et du secondaire)
consistent souvent identifier les reprsentations des lves11, alors que les enseignants eux-
mmes, comme nous lavons montr, ont des conceptions pilinguistiques qui nous paraissent
11 Voir labondante littrature existant ce sujet dsormais, par exemple UNESCO, 1995 ; Matthey, 1997 ; Moore, 2001.
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faire obstacle. Une piste exploiter serait la propre conscience, en discours, que ces
enseignants ont de leurs strotypes sociolinguistiques. Voici deux exemples qui pourraient
servir de points de dpart une dconstruction des reprsentations-obstacles :
a) "litalien, jai trop de clichs sur cette langue" (PE2, corpus picard).
b) "on parle portugais en rajoutant des 'y' et des 'ch', genre 'yest chui portugaich' mais a
doit pas tre vraiment a" (PE1, corpus nordiste).
5.2.2. Lidentification de la nature de ces reprsentations
partir de ce travail didentification, il serait envisageable de construire avec les enseignants
des typologies de strotypes leur permettant de prendre de la distance vis--vis de ceux-ci.
Par exemple, on peut recenser les domaines strotypiques suivants (cf. Forlot, 2006):
a) la langue et ses supposes vertus intrinsques (lespagnol et litalien = mlodieux ;
lallemand = guttural cf. Yaguello, 2004);
b) la langue comme reflet plus ou moins positif de la culture (par ex., lespagnol = le
flamenco ; litalien = la pizza cf. section 3.1. ci-dessus);
c) les reprsentations de nature ethnolinguistique (par ex. larabe = les immigrs ; langlais =
snob ou lgant ; lallemand = austre, svre);
d) les reprsentations heuristiques des langues (par ex. le latin = utile pour le franais ;
lallemand = langue de la rigueur, qui peut remplacer les mathmatiques), etc.
5.2.3. La formation l"arbitraire esthtique" de la langue
Devrait sensuivre une double formation mtalinguistique : il conviendrait dinsister la fois
sur ce quon pourrait nommer larbitraire esthtique des langues et sur la construction
contextualise des opinions sur celles-ci. Cela serait par exemple de dire que langlais nest
pas "snob", que lespagnol nest pas "ensoleill" ou que lallemand nest pas "austre", mais
que ce sont les cours que lon a reus, au collge surtout, qui ont fabriqu ces images12.
12 Par exemple dans les manuels utiliss (cf. Auger, 2003 et Kotul 2003), ou encore les thmatiques abordes en classe. Les sentiments dun snobisme anglais et dune austrit allemande voqus plus haut sont, aux dires de professeurs stagiaires rencontrs lissue de cette enqute, issus de thmatiques redondantes dans leurs scolarits, telles que les aristocratiques public schools britanniques ou la svrit du rgime est-allemand.
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5.2.4. La capitalisation de certaines reprsentations
Enfin, il sagirait de mettre profit ce qui parat trange lapprenant en vue prcisment de
le mmoriser. Par exemple, on peut montrer, dans une sensibilisation au plurilinguisme, que
les sons qui paraissent difficiles aux apprenants francophones, comme le redout dvois
de langlais (//), se retrouve aussi en espagnol (dEspagne), ou encore que certains sons que
les Franais peroivent comme dsagrables loreille ne sont pas cantonns certaines
langues : le /x/ de lallemand (par ex. : achtung, lachen), qui contribue sans doute la vision
de duret que projette cette langue, se retrouve aussi frquemment dans bien dautres langues,
comme larabe, le nerlandais, les langues celtiques, ainsi que dans une des langues que les
interrogs classent prcisment parmi les plus mlodieuses et euphoniques : lespagnol. (par
ex. : Juan, lejos).
6. Pour conclure, quelques orientations didactiques lusage du "lgislateur ducatif"
Nous avons vu que les premiers acteurs chargs de lenseignement des langues en France, les
professeurs des coles, taient encore fortement sous linfluence de reprsentations qui ne
paraissent pas faciliter ni garantir le dveloppement dun plurilinguisme en France. Or, depuis
quelques annes, les directives pdagogiques officielles insistent sur le dveloppement de
cette "philosophie", explicitement ou implicitement en relation avec la mondialisation
croissante et le dveloppement dune Europe unie. Toutefois, malgr les efforts des
chercheurs et pdagogues dans le domaine, le plurilinguisme ne peut natre de lui-mme. Au
contraire, il se cre avant tout dans limaginaire sociolangagier collectif.
De ce fait, si les programmes dveil aux langues misent sur lapprentissage de la diversit
linguistique par les enfants (Candelier, 2003 ; Kervran, 2006, entre autres), il semble essentiel
dinitier les enseignants des programmes du mme type, sous peine de voir se reproduire et
perdurer des positionnements strotypiques vis--vis des diverses langues de lespace
scolaire. En dautres termes, la premire priorit de lcole est sans doute la reconnaissance de
sa propre htrognit linguistique (Castellotti, 2008), et une formation adquate des jeunes
enseignants, avant que ceux-ci ne soient eux-mmes chargs de former un veil au
plurilinguisme dont ils ne sont sans doute pas tous convaincus.
En second lieu, il faut se donner les moyens de ses ambitions : linstitution scolaire appelle
souvrir au plurilinguisme et dvelopper linteraction orale, tout en donnant finalement peu
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de marge de manuvre ceux qui veulent faire communiquer en langue trangre. En
tmoignent depuis des annes les preuves du baccalaurat et les cursus universitaires en
dehors des filires linguistiques proprement dites pour lessentiel ax sur la comprhension
et la production crite (analyse textuelle, traduction, littrature).
En dernier lieu, comment ne pas appeler, tous les niveaux, dsabsolutiser la langue
(Hambye & al., 2007), objectiver celle-ci, saffranchir dune vision acadmicienne et
ftichiste de celle-ci (Klinkenberg, 2001), obsessionnellement normative et gnratrice
dinscurit linguistique et de strotypages dprciatifs ? "Trop de rgionalismes dans les
performances des candidats", indiquait un rapport de jury du concours de recrutement des
professeurs des coles en 2005 dans lacadmie de Lille. Si la tolrance laltrit et la
diversit est une des cls de vote de la construction harmonieuse de notre socit de demain,
le travail sur les reprsentations sociolinguistiques ne pourra quy contribuer positivement.
Rfrences
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propos de lauteur
Gilles Forlot est depuis 2007 matre de confrences lUniversit de Picardie Jules-Verne
(IUFM-UPJV) et membre du Laboratoire dtudes sociolinguistiques sur les contacts de
langues et la politique linguistique (LESCLaP, JE 2466). Il a t chercheur lOntario
Institute for Studies in Education de lUniversit de Toronto de 1993 1997 puis
lUniversit catholique de Louvain de 2002 2007.
Courriel : [email protected]
Toile : http://www.u-picardie.fr/LESCLaP
Adresse : Centre IUFM/UPJV, 3 rue Bossuet, 60000 Beauvais, France.
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