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Dominique Leray & Ritsuko Koga www.zoomjapon.info gratuit numéro 58 - mars 2016 Le grand chantier CINÉMA Spécial Cœur régulier p. 28 VOYAGE A Taketomi, Okinawa p. 38

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Zoom Japon, numéro 58 (mars 2016)

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Dominique Leray & Ritsuko Koga

www.zoomjapon.info

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2016

Le grandchantier

CINÉMASpécial Cœurrégulier p. 28

VOYAGEA Taketomi,Okinawa p. 38

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ZOOM ACTU

ÉDITORenouveauIl y a 5 ans, le mondeavait été bouleversé parles images du tsunamiqui a dévasté la côtenord-est de l’archipel.Déjà mal en point, lesrégions touchées ont

subi une nouvelle hémorragie démogra-phique, laissant penser que leur avenir étaitdes plus sombres. Même si la vie n’est tou-jours pas rose et si tous les problèmesinduits par cette tragédie n’ont pas disparu,il y a aujourd’hui des raisons d’espérer.Notamment parce que les populationslocales ont refusé de baisser les bras et dese laisser envahir par le désespoir. Un peupartout des initiatives ont vu le jour et com-mencent à porter leurs fruits. De quoiredonner le sourire cinq ans après une catas-trophe sans précédent.

LA RÉ[email protected]

POLITIQUE Pas siexemplaire que ça Considéré comme un modèle du

Japonais moderne, MIYAZAKI Kensuke,

35 ans, s’était fait remarquer pour son

engagement en faveur du congé de

paternité qu’il avait lui-même pris pour

élever son enfant. Mais le jeune député

du Parti libéral-démocrate a présenté sa

démission après avoir trompé sa femme

sur le point d’accoucher. Celui qui

passait pour être un homme exemplaire

est tombé lourdement de son piédestal.

MUSIQUE L’insoutenablelégèreté de SmapConsidéré comme l’un des boys bands

les plus populaires du pays, Smap a

bien failli plonger les Japonais dans la

dépression, y compris le Premier

ministre ABE Shinzô. Des rumeurs

annonçant leur séparation ont circulé

fin janvier avant d’être finalement

démenties par le groupe. Le

gouvernement a applaudi sa décision,

précisant qu'ils remplissaient “les

espoirs et les rêves du public”.

Tel est le niveau

de la croissance

enregistré au Japon en 2015. Un chiffre

décevant qui s’explique notamment par

le recul de 1,4 % du PIB au quatrième

trimestre de l’année. La politique de

relance économique du gouvernement

semble plus que jamais dans l’impasse.

0,4 %

L E REGARD D’ERIC RECHSTEINER

L’hiver a été plutôt clément cette année à Tôkyô. Il y a eu cependant une petite vague de froid qui s’estaccompagnée de quelques chutes de neige. Même si elle occasionne quelques incidents notamment dansles transports, la neige met en valeur certains lieux dans la capitale. Et lorsqu’elle commence à disparaîtreavec le retour du soleil, elle donne du relief aux premières fleurs de prunier qui annoncent le printemps.

A Sendagaya, arrondissement de Shibuya, Tôkyô

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Couverture : D. Leray et R. Koga pour Zoom Japon

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ZOOM ACTU

Après la triple catastrophe du 11 mars2011, beaucoup croyaient que le Japontournerait définitivement la page du nu-

cléaire. L’accident à la centrale de FukushimaDai-ichi survenu après le violent séisme et letsunami qui ont ravagé la côte nord-est de l’archipela plongé le pays dans un état de sidération quis’est rapidement traduit par une remise en causepar la majorité des Japonais de leur confianceaveugle envers l’atome. Au cours des décenniesprécédentes, ils avaient fini par se laisser convaincreque l’énergie nucléaire était leur amie et que lamaîtrise technologique des entreprises nationalesgarantissait une sûreté à toutes épreuves. Le 18 fé-vrier 1961, le Yomiuri Shimbun, principal quotidiendu pays, affirmait que “si l’on suit à la lettre lescritères de sécurité sans égal dans le monde, mêmesi un séisme d’amplitude prévue venait à survenir,cela ne serait pas un problème. C’est vraiment ‘la

sécurité avant tout’”. Cela a donné naissance au“mythe de la sécurité” (anzen shinwa), lequel agouverné l’attitude des Japonais à l’égard del’atome en dépit de la peur qu’il avait pu susciteraprès les bombardements atomiques de Hiroshimaet Nagasaki en août 1945. L’etat comme les en-treprises en charge de la construction et de l’ex-ploitation des centrales n’ont jamais cessé de tenirun discours rassurant à son égard, créant mêmedans les régions où elles ont été implantées unedépendance qui reste encore forte aujourd’huimalgré les événements d’il y a 5 ans. Jusqu’au 21 décembre dernier, on pouvait lire àl’entrée de la ville de Futaba l’inscription suivante :“le nucléaire, une énergie pour un avenir radieux”.C’est sur son territoire que la centrale de FukushimaDai-ichi a été implantée et, si l’accident n’était passurvenu, deux autres réacteurs y auraient étéconstruits tant l’argent des compagnies d’électricité– ici Tokyo electric Power Co. (Tepco) – étaitdevenu indispensable pour assurer le “bien-être”de ses habitants. Futaba est désormais une villefantôme et sa population de 6 932 âmes a dû la

Si les Japonais restent très marqués par lacatastrophe de Fukushima Dai-ichi, lelobby nucléaire demeure puissant.

SOCIÉTÉ Les amères leçons de Fukushimaquitter à jamais. Malgré ce traumatisme, cette ins-cription, symbole de l’emprise du nucléaire, est de-meurée en place malgré les malheurs qui se sontabattus sur la petite cité. La disparition de cettefausse promesse a largement été relayée par lesmédias en décembre dernier comme pour signifierque le pays n’était plus dupe devant une telle assu-rance. Le “mythe de la sécurité” s’est bel et bien ef-fondré. Les Japonais ne croient plus une seuleseconde que le nucléaire soit une technologie sûre.Cinq ans après l’accident de Fukushima Dai-ichi,une grande majorité de la population (64,4 %)estime que l’atome représente encore un danger.Un pourcentage encore élevé si on le compare àcelui de mai 2011 (72,1 %) enregistré deux moisaprès la catastrophe. Les Japonais expriment également une vive oppo-sition à la volonté du gouvernement actuel de re-mettre en service une partie du parc nucléaire misà l’arrêt suite aux événements de mars 2011. Avantque le Parti libéral-démocrate d’Abe Shinzô nereprenne les rênes du pouvoir en décembre 2012,le Parti démocrate, qui dirigeait le pays au momentde la catastrophe, s’était engagé à abandonnerl’énergie nucléaire et à démanteler les centralesprésentes dans le pays. Une perspective que lePLD ne pouvait pas cautionner pour de nombreusesraisons parmi lesquelles figurent ses liens avec lesgroupes industriels concernés par ce secteur stra-tégique, tellement important que le Premierministre Abe désireux de relancer l’économie na-tionale a fait de la technologie nucléaire japonaiseun de ses sujets de prédilection lors de ses rencontresavec des dirigeants étrangers désireux de s’équiperen centrales. L’Inde et le Vietnam ont montréleur intérêt à l’égard des centrales made in Japan,de quoi satisfaire le chef du gouvernement qui n’apas tardé à manifester son intention de redémarrercertains réacteurs malgré les doutes et le refus dela population tant au niveau local que national.

DR

Le redémarrage d’un des réacteurs de la centrale de Takahama le 29 janvier a suscité la colère.

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Remplacer

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ZOOM ACTU

Selon un sondage du Tôkyô Shimbun réalisé enseptembre 2015, 41 % des personnes interrogéessouhaitent que l’objectif du gouvernement de fixerentre 20 et 25 % la part du nucléaire dans la pro-duction d’électricité soit encore revu à la baisse.Elles veulent en revanche que les énergies renou-velables (solaire, éolien) bénéficient d’une plusgrande attention de la part des pouvoirs publics.Une tendance confirmée en février 2016 par uneautre étude de la NHK selon laquelle 49 % des Ja-ponais manifestent leur désir de voir le nucléaireêtre réduit à la portion congrue. Quant auxhabitants des régions concernées par le redémarragedes centrales implantées sur leur territoire, ils sontclairement hostiles à la relance des réacteurs. Selonun sondage du Minami Nippon Shimbun, le quo-tidien de Kagoshima, 59 % des résidents de larégion étaient opposés à la reprise des activités ausein de la centrale de Sendai, sur l’île de Kyûshû,dont deux réacteurs ont été redémarrés à l’été et àl’automne derniers. Même son de cloche chez les

personnes concernées par le redémarrage, le 29 jan-vier, d’un des réacteurs de la centrale de Takahama,dans la préfecture de Fukui. Malgré les manifesta-tions, Kansai Electric Power Co. (Kepco) entendpoursuivre sa production d’électricité d’originenucléaire en obtenant l’autorisation de relancer lacentrale d’Ôi située dans la même préfecture. Bien qu’ils se sentent parfois méprisés par lesautorités et les représentants du lobby nucléaire,les Japonais ne désarment pas et continuent demanifester leur opposition. Pour marquer les cinqans de l’accident de Fukushima Dai-ichi, plusieursrassemblements seront organisés dans le pays afinde réclamer la suspension du programme nucléaire.De Tôkyô à Nagoya en passant par Takasaki, descentaines de milliers de personnes tenteront defaire entendre leurs voix tout en sachant que legouvernement actuel n’en a cure. Ce dernier justifiele redémarrage par le respect des nouvelles normesde sûreté édictées par l’Autorité de régulation dunucléaire (ARN), lesquelles ont pourtant été criti-quées par le tribunal de Fukui pour leur “manquede rationalité”. L’attitude actuelle des pouvoirspublics rappelle celle de leurs prédécesseurs quiont défendu avec force la capacité à maîtriser cettetechnologie. Mais depuis le 11 mars 2011, lesJaponais savent qu’un accident nucléaire de grandeampleur et dépassant les scénarios envisagés peutse produire à n’importe quel moment. Rappelonsque ce qui est survenu à Fukushima Dai-ichi a étéclassé au niveau 7 (le plus élevé) de l'échelle inter-nationale des événements nucléaires, au mêmeniveau de gravité que la catastrophe de Tchernobyl(1986). La situation est loin d’être réglée malgréles propos rassurants des autorités. En septembre2013, pour appuyer la candidature de Tôkyô àl’organisation des Jeux olympiques de 2020, ABE

Shinzô avait déclaré devant le Comité internationalolympique (CIO) réuni à Buenos Aires que “la si-tuation est sous contrôle”. Son assurance avaitconvaincu le CIO, mais pas des millions de personnesqui n’ont toujours pas oublié et qui vivent quoti-diennement les conséquences de la catastrophe.

ODAIRA NAMIHEI

“Vers un avenir sans nucléaire”. Tel est le slogan

du rassemblement qui se déroulera le 26 mars au

parc Yoyogi, à Tôkyô.

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ZOOM DOSSIER

L orsqu’on arpente les rues de certainesvilles de province, on est rapidementgagné par un sentiment de tristesse. L’an

passé, à Kurayoshi, dans la préfecture de tottori,patrie du mangaka tAnIGuChI Jirô (voir ZoomJapon n°47, février 2015), nous avions fait ceconstat désolant d’une cité en déclin avec unepopulation de plus en plus vieillissante et uneéconomie à la peine malgré le volontarisme decertains. Mais force était de constater que la villene ressemblait plus à celle décrite par l’auteurde Quartier lointain (éd. Casterman). Même lesaffiches électorales du Parti libéral-démocrateproclamant “un retour au Japon d’antan”, c’est-à-dire un pays dynamique, avaient perdu leurscouleurs. Malgré cette atmosphère morose, unepartie de la population ne veut pas baisser lesbras et attendre la mort de leur région à petitfeu. Pas question pour eux d’attendre que le gou-vernement et les autorités locales se décident

Si de nombreux indicateurs montrentque la situation dans les régions sedégrade, la résistance s’organise.

Deux symboles du déclin des régions : vieillissement de la population et rues commerçantes à l’abandon. Mais l’heure du renouveau a sonné.

Le déclin, non mercienfin à prendre le taureau par les cornes. Certes, il existe un discours en faveur d’une revi-talisation des régions. Et le ministre en charge dece dossier, IshIbA shigeru, est justement originairede tottori. Mais tout le monde sait bien que lespromesses gouvernementales ne donneront guèrede résultats car il ne suffit pas de décréter la findu déclin pour que celui-ci suspende son volfuneste. Il faut mettre les mains dans le cambouiset trouver les ressorts qui permettront à la foisd’enrayer le phénomène et de redynamiser l’éco-nomie locale. Dans la préfecture voisine de shi-mane, la question est tout aussi pregnante. Alorscertains ont choisi de passer à l’action pour attirerde nouveaux habitants ou pour trouver desrecettes susceptibles de donner un coup de pouceà l’économie locale. Comme dans d’autres régionsdu pays, shimane est confronté au vieillissementrapide de sa population. s’appuyant sur uneenquête d’opinion de 2014 réalisée par le bureaudu Premier ministre selon laquelle 46,7 % de 18-29 ans souhaitent à l’avenir quitter les grandesvilles pour retourner à la campagne, les respon-sables de la ville de Gôtsu sont passés à l’action.

Au cours des 10 dernières années, la ville de25 000 habitants a perdu 10 % de sa population.Aussi le lycée départemental a-t-il imaginé unplan baptisé “Mago turn” (le retour des petits-enfants) qui consiste à inciter les parents vivantdans les grandes villes à l’extérieur de la préfectureà confier leurs enfants aux grands-parents qui rési-dent à Gôtsu pour leur offrir un cadre plus agréa-ble. L’idée semble séduire et constitue uneapproche originale. C’est la même volonté d’éviter la mort annoncéed’un village qui a poussé MAtsubA tomi à s’ins-taller à Ômorichô (411 habitants) et à y créer Gun-gendô. Cette société a pour vocation de promou-voir l’artisanat local, d’accueillir des touristes enquête d’authenticité afin de lui redonner du tonus.Faire du neuf avec de l’ancien, c’est un peu la phi-losophie de cette femme qui fait des émules dansle reste de l’archipel. Il est clair, aujourd'hui, qu'unedes meilleures façons de ne pas céder aux sirènesdu déclin consiste à miser sur les richesses localesen matière touristique. Le Japon n’en manque pas.Il ne lui reste plus qu’à les bonifier.

GABRIEL BERNARD

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ZOOM DOSSIER

F in 2014, le gouvernement d’aBE Shinzô aproposé la création de nouveaux types desubventions que les autorités locales pour-

raient utiliser à leur propre discrétion pour pro-mouvoir des mesures susceptibles d’enrayer le déclindémographique et de relancer les économies régio-nales. La proposition fait partie d'une stratégie glo-bale sur cinq ans destinée à la revitalisation régionaledont le but, comme l'a dit le Premier ministre, estd'aider les gouvernements locaux à “penser, agir etlancer des réformes de leur propre chef.” alors quetout le monde s’accorde pour dire que les autoritéscentrales et locales doivent faire quelque chose pourinverser la migration apparemment sans fin de laprovince vers les grandes villes, il semble y avoir peud'accord sur les moyens à mettre en œuvre pour yparvenir.L'un des critiques les plus virulents à l’égard de lapolitique gouvernementale en la matière s’appelleSaSakI Nobuo, professeur à la Faculté d'économiede l'Université Chûô. ancien fonctionnaire de laville de Tôkyô, il s’est spécialisé dans l'administrationpublique et l'autonomie régionale. Il a contribuéau débat en cours à travers plusieurs ouvrages parmilesquels figurent Gendai chihô jichi [collectivitéslocales modernes] et Jichitai wo Ne Kaeru ka [Com-ment transformer les collectivités locales]. Commeil l'a écrit dans sa chronique régulière publiée dansl'Asahi Shimbun, il n'y a rien de nouveau dans l'ini-tiative d’aBE. La politique de revitalisation régionaleest “un vieux truc que le Parti libéral-démocrate(PLD) réutilise tous les dix ans sous une forme ousous une autre. En fait, le PLD recycle les mêmesmesures localement ciblées depuis près de 70 ans”. aucours des 25 dernières années, les gouvernementsTakEShITa (1988), OBUChI (1999) et aSO (2008)ont tous proposé des politiques de ce genre sous desnoms différents, mais dont les contenus étaient sen-siblement similaires. Et ils n’ont apparemment pasréussi à arrêter le déclin régional. Même après lamise en œuvre des mesures de relance économiquetant vantées du gouvernement aBE, l’économieréelle du Japon a stagné. Pire encore, plusieurs étudesmontrent que cinquante pour cent des municipa-lités du pays devraient disparaître d'ici 2040. alors,quel est le problème de ces politiques de revitalisa-tion finalement si inefficaces ?Selon le professeur SaSakI, jusqu'à présent, la prioritéa surtout été donnée au développement d’infra-structures destinées à raccourcir les déplacementsplus courts et favoriser la décentralisation. Mais onne s’est pas occupé du reste. “Vous pouvez brandir

l'étendard de la revitalisation régionale tant que vousvoudrez, mais ces politiques ne permettront pas decréer un environnement favorable à l'industrie locale,à la création d’emplois et à l’enracinement des jeunessi l’ensemble des éléments importants de la société –politique, administration, économie, information,éducation et culture – restent concentrés à Tôkyô”,martèle-t-il.alors que certaines personnes estiment que la revi-talisation régionale et les réformes structurelles del’Etat sont des choses séparées, SaSakI Nobuoaffirme que les deux questions sont liées. “Nous nepouvons pas dire qu’il faut aller de l’avant si le modede prise de décision et le contrôle centralisé demeurentdans l’état actuel”, dit-il. D’après lui, un des pro-blèmes majeurs est le “manque de relations concur-rentielles au sein même du pays et l’absence de moti-vation des régions pour se lancer par elle-même dansune phase de revitalisation”. Pour s’en convaincre,il rappelle qu’en dépit des slogans gouvernementaux,l'Etat a conservé la structure de gouvernement ver-ticale du Japon, en vertu de laquelle le rythme et lesmoyens alloués au développement économiquedépendent largement du pouvoir central. En consé-quence, les régions ont appris à compter sur le gou-vernement central pour tout.Le système actuel des 47 préfectures a été mis enplace il y a 140 ans dans le but de construire uneadministration centralisée. La croissance écono-mique de l’après-guerre peut être attribuée à cesystème centralisé qui a unifié les services publics.L'objectif à l'époque était d'assurer un certainniveau minimum de subsistance pour tous lescitoyens. Mais cela a favorisé la disparition de l'au-tonomie régionale. Toutefois, selon le professeurSaSakI, ce système est maintenant obsolète et seseffets négatifs sur la société japonaise dépassentde loin ses avantages.Se pose d’abord la question de la responsabilité del'administration. Selon le modèle en place actuel-

lement, le gouvernement central définit la politiquedont les gouvernements locaux vont gérer la miseen œuvre. Toutefois, les deux parties partagent laresponsabilité du résultat. Il s’agit d’une zone griseoù il est difficile de déterminer la part de chacun,ce qui donne lieu à des mensonges lorsqu’il s’agitde trouver un responsable en cas de problème. Enoutre, les gouvernements locaux ne peuvent répon-dre de façon adéquate aux besoins locaux, car ilsdisposent d’une marge de manœuvre très étroite.Cela a favorisé la création de services administratifsinefficaces.Selon SaSakI Nobuo, ce système devrait être rem-placé par une nouvelle organisation fondée sur dixgrands blocs régionaux (dôshûsei) auxquels le gou-vernement transférerait une grande partie de l'au-torité et du contrôle sur les revenus liés à la politiqueintérieure. Ce que le professeur envisage est unesociété horizontale et concurrentielle sous la formed’une autonomie régionale plus grande, ce qui auraitaussi l’avantage supplémentaire de réduire le gas-pillage des ressources. L'échelle de l'économie japo-naise est telle que les sept préfectures rassembléessur l'île de kyûshû sont comparables aux Pays-Bas,les six préfectures de la région du Tôhoku sont com-parables à la Suède, tandis que Tôkyô et sa régionpeuvent être comparées au Royaume-Uni. Parexemple, “si Kyûshû devait fonctionner comme unseul bloc régional, l’île pourrait très bien atteindre untaux de croissance de 1,2 fois celui des Pays-Bas enmoins de 10 ans”, estime le professeur SaSakI. Pources petites entités, il serait à la fois plus facile des’adapter à la concurrence avec les autres blocs, maisaussi de suivre plus aisément le rythme d’évolutionde l’économie mondiale qui évolue rapidement.Évidemment une réforme structurelle de cetteampleur exige beaucoup de temps et d'énergie. Maisil est persuadé que le Japon ne pourra pas résoudreses problèmes locaux avec des mesures à court terme.

JEAN DEROME

DR

AVENIR Pour une révolution horizontaleDepuis des années, le gouvernementcherche à revitaliser les régions. Mais ses méthodes sont dépassées.

Au sein du gouvernement ABE, ISHIBA Shigeru a la responsabilité de revitaliser les régions.

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ZOOM DOSSIER

J e voulais prouver que mon père et mon grand-père avaient raison”, raconte MisAWA Ayanad’une voix calme mais pleine de certitude. Elle

marque une pause avant d’ajouter que “Kôshû estun cépage qu’on trouve nulle part ailleurs, avec lequelj’ai grandi. Je crois que le résultat que nous avonsaujourd’hui atteint n’est vraiment qu’un début”.Elle sourit, ses yeux profonds grands ouverts, heu-reuse de parler de ses vins qu’elle chérit comme sonenfant. Le vin japonais est une histoire de petites familles.surtout celle des producteurs de raisins de la régionde Yamanashi qui ont eu l’idée de se lancer dansla production de vin. ils rêvaient déjà à la fin duXiXe siècle du jour où le vin s’enracinerait dans lepays. MisAWA Chôtarô, aïeul de la famille d’Ayana,a fait partie de ces ambitieux. C’est lui qui a créél’entreprise en 1923. Cette initiative, courageuseou téméraire selon des points de vue, a d’abord ren-contré le manque d’entrain des consommateurs,puis a dû faire face à la concurrence des autres bois-sons alcoolisées, et surtout affronter la différencede qualité par rapport aux vins venus d’Europe.Pourtant, les viticulteurs japonais, y comprisMisAWA, n’ont pas renoncé, nonobstant la réactionmitigée des œnologues étrangers pour que “le vinjaponais était plutôt produit à base de riz”. Les vignerons nippons ont cependant poursuivileurs études minutieuses des modèles de produc-tions dans les pays étrangers, en envoyant parfoiscertains de leurs membres en Europe. Dans lemême temps, la situation du marché domestiques’est peu à peu améliorée. Les Japonais, de plus enplus occidentalisés, ont commencé à apprécier cetteboisson. Vers la fin des années 1990, les Japonaisconsommaient quelque 3 milliards de litres de vinpar an, soit trois fois plus que la décennie précé-dente. Faisant toujours figure de pionnier dans le secteur,la société lancée par MisAWA Chôtarô et implantéeà Mishima a vécu cette évolution pendant presqueun siècle. Rebaptisée Grace Winery, elle est restéeà Yamanashi, région bordée de montagnes béné-ficiant de conditions favorables - des heures d’en-soleillement plus longues qu’ailleurs et un climatmoins humide - à la production de vin. ses pro-moteurs s’appliquent à faire valoir le cépage kôshû,un raisin pourpre qui porte l’ancien nom de larégion. Celui-ci aurait fait son apparition dans lepays depuis au moins le Xiie siècle. Les viticulteursont modifié la technique vinicole traditionnelledu cépage pour accroître sa teneur en sucre, laquelle

était plus faible que celle des cépages européenscomme le cabernet sauvignon. Travail de longuehaleine que shigekazu, le père d’Ayana, a entaméil y a presque vingt-cinq ans et que sa fille a pour-suivi à partir de 2005 après trois ans d’études à Bor-deaux. sûre du potentiel de kôshû, dans lequel ona découvert des gènes des cépages européens en2004, elle montre une détermination sans faille.ses efforts ont porté leurs fruits en 2012. Avec uneteneur en sucre supérieure à 20 %, elle a donnénaissance à la Cuvée Misawa Akeno Koshu 2013,avec laquelle elle a remporté la médaille d’or duprestigieux concours britannique Decanter World

Wine Awards. Un événement historiquepuisqu’aucun vigneron asiatique n’avait jamais eucet honneur avant elle. Un tournant pour la famille MisAWA, mais aussipour l’industrie du vin dans la région. Celle-cicompte à ce jour plus de 80 entreprises spécialiséesqui tentent de faire concurrence à Grace Winery.“Au cours des dix dernières années, on a pu constaterun énorme progrès dans la qualité du vin japonais”,assure Lionel Beccat, chef français d’un restaurantétoilé à Tôkyô. “Que le Japon produit de bons vins,c’est désormais un fait avéré”, affirme le cuisinierqui arpente la région une fois par an. Dans la foulée

Bordée de montagnes, la région bénéficie d’un climat très favorable à la culture de la vigne.

YAMANASHI Misawa Ayana a le nez finDans cette région en pleine crise, la viticulture s’est imposée comme le meilleur moyen d’échapper au déclin.

Les vins de Kôshû accompagnent parfaitement la cuisine japonaise.

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ZOOM DOSSIER

des succès internationaux de certains vigneronslocaux, l’engouement médiatique prend de l’am-pleur. Que des vignerons japonais produisent desvins de qualité avec un cépage 100 % nippon, etce, sur fond de longues sagas familiales, il y a dequoi émouvoir ! Cela a donné naissance à des cir-cuits de dégustation dans la région, favorisant ledéveloppement d’activités touristiques. Le rêvelointain des producteurs de vin du XiXe siècle estdevenu presque une réalité.si les vins japonais suscitent un tel intérêtaujourd’hui, c’est qu’ils pourraient contribuer àremettre sur pied une région asphyxiée par le vieil-lissement de sa population et la fuite des jeunesgénérations vers Tôkyô. Les chiffres sont acca-blants : la moyenne d’âge de la population est de45 ans et elle a diminué de 50 000 personnes aucours des 15 dernières années. Au moins 70 écolesélémentaires ont dû fermer leurs portes depuis30 ans. Certains habitants en plaisantent avec unepointe d’amertume : “C’est normal qu’on échappeà l’épidémie de grippe. Il n’y a pas suffisamment d’en-fants pour la transmettre !” D’autres ont déjà com-mencé à photographier leur contrée, histoire del’immortaliser avant qu’elle ne disparaisse… Quelavenir pour cette région montagneuse et fière duchef de samouraï médiéval TAkEDA shingen ? sedemandaient beaucoup d’entre eux. Dans cecontexte difficile, l’industrie de vin, avec ses poten-tiels commerciaux et touristiques, paraît êtreaujourd’hui la solution qu’ils peinaient à trouverces dernières décennies.D’ailleurs les vignerons ne manquent pas d’ambition.En 2009, ils ont monté, avec le soutien de la préfec-ture et du ministère de l’industrie, le projet koshuof Japan (kOJ) dont l’objectif est rien de moins quede conquérir le marché international. L’idée est d’ex-porter ce vin avec la cuisine japonaise, entrée au patri-

moine mondiale de l’Unesco en 2013. ils veulentfaire de ce vin blanc élégamment sec et vivace, auxarômes de mandarine – “très agréable à boire avecdes fruits de mer”, selon Lionel Beccat – la meilleurecompagne d’un repas nippon. En février, une délé-gation s’est rendue à Londres, destination stratégiqueoù ils ont déjà mis en place des contacts. Toutefois, l’industrie du vin n’a rien de comparableà ce stade à celle d’autres pays. Le pays ne compteque 200 entreprises viticoles, et les Japonaisconsomment dix litres de vin par an, soit cinq foismoins que les Français. A cela s’ajoute la concur-rence avec des vins importés, de qualité et souventmoins chers. La préfecture, soucieuse d’accompa-gner l’émergence de cette jeune industrie en expan-

sion, essaie d’augmenter le nombre des viticulteursà coup de subventions. La situation est prometteusepuisque le ministère de l’Agriculture mise sur uneforte croissance de la consommation de vin aucours des dix prochaines années. L’optimisme desviticulteurs n’a pas été ébranlé par la signature dutraité de libre-échange transpacifique (TPP) quisupprime en principe tous les droits de douane surles vins importés. “Si nous parvenons à résister àla concurrence internationale, cela montrera unefois de plus la qualité de nos vins. Nous n’avonsqu’à poursuivre nos efforts pour améliorer la qualitéde nos produits”, estime MisAwA Ayana, les yeuxnoirs toujours remplis de la même fierté.

YAGISHITA YÛTA

MISAWA Ayana a obtenu la reconnaissance internationale grâce à sa cuvée Misawa Akeno Koshu 2013.

Les touristes sont de plus en plus nombreux à visi-

ter les vignobles.

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E n 2015, près de 20 millions de touristesétrangers se sont rendus dans l'archipel.un bond de plus de 47 % par rapport à

l'année précédente, rapporte l'Office du tourismenational japonais. Du jamais vu et un nouveaurecord pour le gouvernement qui multiplie sesefforts pour gonfler le flux de visiteurs étrangersavant les Jeux olympiques de tôkyô de 2020.Face à cette croissance aussi rapide qu'inespérée,les besoins en hébergements touristiques se fontdéjà ressentir. une étude de l'Institut de recherchesMizuho, relayée dans la presse japonaise, a ré-cemment révélé que si le nombre de 25 millionsde touristes étrangers était atteint d'ici 2020,4 000 hébergements viendraient à manquer dansla capitale et 20 000 dans le Kansai, la régiond’Ôsaka. a Ôta, le plus grand des 23 arrondissements detôkyô, on tire déjà la sonnette d'alarme. Ici, dansla zone qui comprend l'aéroport international deHaneda et compte 712 000 habitants, on a atteintles 91 % de capacité hôtelière. “Nous sommes à lalimite, explique le maire Matsubara tadayoshi.Nous avons donc décidé de prendre les devants etavons pris un arrêté autorisant les minpaku.” unepremière au Japon. Le minpaku est un hébergement chez l'habitant.un propriétaire accepte de louer à un voyageur de

passage une pièce de son foyer ou un logement se-condaire qui lui appartient. Jusqu'à présent, cettepratique était illégale au Japon. En effet, toutepersonne qui commercialise une offre d'hébergementdoit se plier aux règles de la législation des profes-sionnels de l'hôtellerie, en répondant à de nombreuxcritères, notamment en matière d'hygiène. C'estle cas des hôtels classiques, mais aussi des aubergestraditionnelles comme les minshuku et les ryokan.La filiale japonaise d’airbnb existe, mais encoreune fois, elle est, en principe, réservée aux profes-sionnels qui doivent pouvoir justifier de leur statutà tout moment.Dans l’arrondissement d’Ôta, l'arrêté va permettrede contourner la législation en vigueur, mais ausside régulariser les “hébergements chez l'habitant”sauvages. “Notre arrondissement est devenu, enoctobre dernier, une zone spéciale de stratégienationale définie par le gouvernement. Pour cetteraison, nous avons pu proposer cette initiative inéditeau Japon. Si les particuliers peuvent prétendre àl'activité sans statut professionnel, ils devront néan-moins se plier à quelques contraintes”, poursuit lemaire.L'arrêté, le “tokku minpaku”, a été voté le 7 dé-cembre. Il impose par exemple une durée deséjour de 7 jours minimum “pour ne pas concurrencerles professionnels de l'hôtellerie qui facturent davantageà la nuit et pour répondre aux besoins des touristesétrangers qui restent en moyenne une semaine dansla capitale.” Contrairement aux hébergementstraditionnels (ryokan et minshuku) il n'y aura ni

TOURISME Un eldorado nommé minpakuFace à la pénurie d’hébergements quis’annonce, le logement chez l’habitantsuscite un intérêt croissant dans les régions.

dîner ni petit-déjeuner. Le prix variera selon laqualité du logement proposé. “Les travaux éventuelsde rénovation seront à la charge du propriétaire”,précise le maire. Enfin, les gérants de minpakun'auront pas besoin de licences particulières et nepaieront pas non plus de taxes pour cette activité. Matsubara tadayoshi se félicite. Il espère revi-taliser son territoire qui est, à l'image du pays,vieillissant. Dans de nombreuses régions ruralesde l'archipel, 40 % de la population a plus de65 ans. “Le minpaku pourrait être une solutionpour les régions japonaises qui souhaitent accueillirdavantage de touristes pour dynamiser leur économie”,explique-t-il. “Une façon aussi, je l'espère, de trouverune utilité aux 62 000 maisons vacantes de notrearrondissement... Un chiffre qui augmente, chaqueannée, un peu plus”.L'idée du maire est loin d'être incongrue. Internetaidant, l'hébergement chez l'habitant a fait unbond ces deux dernières années au Japon. Il yaurait près de 20 000 minpaku “sauvages” dansl'archipel. Face à la demande, un marché parallèles'est créé. En décembre dernier, la presse nipponnea rapporté une intervention des forces de l'ordreauprès de deux propriétaires qui pratiquaient lalocation intensive de minpaku à des touristes,majoritairement chinois : ils louaient 36 chambresqui accueillaient de 30 à 70 touristes par jour.Même si c'est illégal, il reste rare que la police s’in-téresse à ce secteur. si la plateforme airbnb Japanne propose, officiellement, que des logementsprofessionnels, on peut également trouver desminpaku sans autorisation. La compagnie a d'ailleursannoncé, en novembre dernier, avoir accueilli525 000 visiteurs étrangers sur le sol japonaispour un revenu de 222 millions de yens (1,7million d’euros). Cette popularité fait aujourd'huigrincer les dents des riverains qui se plaignent denuisances.avec l'arrêté, ce type d'hébergement “sera plussûr, car il bénéficiera d’un cadre légal. Nous nousengageons aussi à accompagner les quartiers pouréviter les problèmes de voisinage qui peuvent êtregénérés par le flux de touristes”, confirme Matsu-bara tadayoshi. Il ne cache pas que les habitantsd'Ôta ne voient pas tous l'arrivée de ces voyageursétrangers d'un bon œil. a l'annonce de cette per-mission, la mairie a été submergée de visites et decourriers de riverains inquiets. “Ils ont peur pourle bruit, pour l'organisation des poubelles et demanière générale pour l'insécurité que les allers etvenues peuvent créer dans les quartiers”, explique-t-il. Dans son arrêté, l'équipe municipale se réservele droit d'enquêter sur certains minpaku si nécessaire. Depuis la fin janvier, les propriétaires intéresséspar l'activité sont invités à déposer un dossier

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Airbnb Japon a généré un revenu de 222 millions de yens en 2015.

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pour déclarer leurs offres de minpaku. Les autori-sations seront délivrées dans les deux semainessuivant le dépôt. Vingt-quatre heures seulementaprès l'annonce de l'autorisation, une soixantainede candidats s’étaient manifestés. Les premiersminpaku ont ouvert courant février. Des entreprises ont rapidement fait connaîtreleur souhait d'investir dans des maisons quiserviront à cette activité dans le quartier d’Ôta.D'autres professionnels entendent bien profiterde la brèche pour promouvoir ce nouveau businessen concentrant les offres des différents propriétairessur des sites Internet attrayants, anglophones etouverts à l'international, comme par exemple StayJapan. “Avec notre arrêté, nous leur offrons unemeilleure visibilité, un véritable développement.Tout le monde est gagnant”, souligne MATSubArA

Tadayoshi.Du fait de la présence de l'aéroport de Haneda,Ôta est un pivot important dans l'accueil destouristes. “Nous sommes les premiers ambassadeursde l'omotenashi, l'hospitalité à la japonaise”, affirmele maire. Pour cela, il n'hésite pas à multiplier lesactions en faveur du tourisme international, mais

aussi de ses résidents non-Japonais. Il l'a biencompris : si le business du minpaku doit prendrede l’ampleur, ce sera grâce aux voyageurs étrangersqui plébiscitent ce genre d'hébergements bonsmarchés et plus proches de l'habitant. “Notrecentre multiculturel propose des services en quatorzelangues différentes”, ajoute-t-il.Le minpaku d'Ôta suscite déjà des vocations dansle reste du Japon. La préfecture d'Ôsaka a expriméson souhait d’adopter un arrêté de même nature,dès le mois d'avril, dans 34 de ses villes, parmi les-quelles Izumisano où l'aéroport du Kansai estimplanté. Le peu de contraintes offertes par lecadre du minpaku pourrait rapidement devenirainsi une source de revenus pour des régions ru-rales.Comme par exemple à Teshima, petite île de lamer Intérieure, au large de Shikoku. Neuf habitantsde l'île proposent déjà des minpaku afin d'inviterles voyageurs à partager leur quotidien. Particu-lièrement généreux, ils proposent, en complémentdu gite, de les accompagner à la pêche, dans lestâches agricoles ou encore de cuisiner ensembleun plat local. L'office de tourisme de l'île pilote le

système de réservation. Seul problème pour lestouristes étrangers : il est nécessaire de comprendrele japonais pour réserver en ligne et surtout logerchez l'un des habitants. Aujourd'hui, la barrière de la langue reste un freinpour les touristes étrangers qui viennent au Japon.Les auberges traditionnelles sont, par exemple,relativement peu nombreuses à proposer desservices en plusieurs langues. Ces dernières, dontles touristes étrangers sont particulièrement friands,restent de ce fait difficiles d'accès. Chaudementencouragées, les auberges restent frileuses à seformer à l'anglais ou au chinois, malgré unesituation inquiétante : le Japon ne possède plusque 43 000 ryokan, moitié moins qu'il y a trenteans. Dans certaines régions rurales, les établissementsatteignent péniblement les 35 % de leur capacitéd'occupation alors même que le pays manqued'hébergements touristiques.

JOHANN FLEURI

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Sur l’île de Kyûshû, le minpaku est déjà une réalité à Ojika, dans la préfecture de Nagasaki (http://ojikajima.jp/ojika/ojika_stay/2379.html)

RÉFÉRENCEStay Japan : https://stayjapan.comTeshima : http://benesse-artsite.jp/en/stay/minpaku

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D epuis quelques mois, Imabari est aucœur de nombreuses conversations. Ladeuxième ville de la préfecture d’Ehime,

sur l’île de Shikoku, est célèbre pour ses activitésdans le domaine maritime. Mais ce ne sont pas sesactivités dans la construction navale ou le commercequi attirent aujourd’hui l’attention, c’est quelquechose en rapport avec l’estomac. Depuis les années1980, Imabari s’est lancé dans l’agriculture biologiqueafin de développer des habitudes alimentaires plussaines, mais aussi de créer les conditions d’uneéconomie plus durable. Un homme en particulierest derrière le slogan Chisan Chishô (une productionlocale pour une consommation locale) qui résumecette nouvelle tendance. Il s’agit de YASUI Takashi.A 55 ans, il dirige une antenne locale de la mairied’Imabari et se bat pour que les écoles s’approvi-sionnent auprès des producteurs qui défendentcette agriculture.

Quel a été votre parcours ?YASUI Takashi : A l’époque où je faisais des étudesagricoles, je me suis intéressé à l’agriculture biologique.Après mon diplôme, je suis allé à Kumamoto et àSaitama pour approfondir ce sujet afin de développerles techniques à Imabari. Aussi lorsque le mouvementen faveur d’une meilleure alimentation à l’école apris de l’ampleur, j’ai sauté sur l’occasion. La mairiea été réceptive et nous avons ainsi pu mettre enplace les moyens et les hommes indispensables à laréalisation de ce projet.

Tout a donc commencé avec les repas desécoliers ? Y. T. : En effet, avec toutes ces mères dont lesenfants fréquentaient les écoles primaires. Ellesse sentaient particulièrement concernées par lanourriture servie à leurs progénitures. En général,les écoles se fournissent auprès des centralesd’achat implantées dans les grandes villes. End’autres termes, les légumes, les fruits, le poissonet les autres aliments produits localement sontenvoyés là-bas avant d’être renvoyés dans lesrégions. C’est un cercle vicieux. Et finalement lesenfants finissent par manger des produits dontils ne connaissent rien.

Il semble que de plus en plus de gens cherchentà suivre votre exemple. Que doivent-ils fairepour se faire entendre ? Y. T. : Je pense que les associations de parentsd’élèves peuvent jouer un rôle crucial. Après

tout ce sont les parents qui paient les repasdans les écoles. En ce sens, ils ont les moyens dese faire entendre auprès des autorités. Tant queles familles sont prêtes à débourser un peu pluspour qu’on serve des aliments bio à leurs enfants,je ne vois pas ce que les autorités trouveront àredire. C’est comme ça que tout a commencé àImabari. Notre association était suffisammentforte pour attirer l’attention et gagner de nou-veaux soutiens. Les mères de famille sont alléesà la rencontre du maire et ont fini par le convain-cre. La présence d’un nutritionniste favorableet enthousiaste à cette idée peut aussi avoir sonimportance.

Pouvez-vous nous résumer les objectifs quevous avez atteints grâce à cette initiative ?Y. T. : Aujourd’hui 100 % du riz consomméest produit localement. De la même façon,80 % du pain et près de 100 % du tofu sontproduits au niveau local avec des ingrédientsissus de l’agriculture locale. Au niveau des lé-gumes, 4,1 % sont issus de l’agriculture biod’Imabari, 56,6 % de la production quasimentbio de la ville et 7,8 % du reste de la préfecture.Les parents sont tellement ravis du résultatqu’ils ne rechignent pas à payer plus pour unealimentation de meilleure qualité. Tout ceciest le fruit d’un processus qui a pris du temps.Il faut être conscient que cela ne se réalise pasen un claquement de doigt. L’agriculture bionécessite de la patience et de nombreux agri-culteurs n’avaient jamais essayé avant. C’estpourquoi, je recommande de commencer par

un seul produit, comme la pomme de terrepar exemple, et de bâtir petit à petit son expé-rience à partir de cela.

Avez-vous rencontré une résistance de la partdes coopératives agricoles qui doivent unepartie de leurs revenus à la vente de pesticideset autres engrais ?Y. T. : Nous n’avons aucun contact avec elles.Nous préférons consacrer notre temps et notreénergie à convaincre les agriculteurs de passer aubio et les marchés de vendre les produits issus decette agriculture. On le fait depuis deux ans et çacommence à porter ses fruits.

Qu’avez-vous réussi à développer grâce à cemouvement ?Y. T. : Je crois que le développement de nos mé-thodes de production et de consommation apermis de mettre sur pied une économie régionaleplus indépendante et autosuffisante. Cela a égale-ment favorisé une meilleure éducation de nosenfants vis-à-vis de leur propre alimentation.D’autre part, nous avons mis sur pied un systèmeéconomique où les vendeurs et les acheteurs ap-partiennent au même marché local et qui n’ontpas besoin de passer par des plateformes de distri-bution nationales. Cela permet à une partie de larichesse de rester sur place. J’espère que cela vacontribuer à faire de nos enfants des consommateursresponsables qui feront plus attention à leur ali-mentation et qui continueront à soutenir l’économielocale, exprimant ainsi leur attachement à leurrégion natale. PROPOS RECUEILLIS PAR J. D.

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IMABARI L’économie sauvée par le bioPour favoriser la croissance locale etfournir des aliments de qualité, lesagriculteurs ont trouvé la bonne recette.

Comme ces oignons (tamanegi), la production de légumes bio a fait un bond à Imabari.

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A u mois de septembre 2015, la villed’onomichi, dans la préfecture de hi-roshima, a attiré l’attention du monde

entier avec le lancement de son projet de carteinteractive à partir de la vision d’un chat (voirZoom Japon n°54, octobre 2015). Toutefoiscette initiative n’est qu’un des éléments destinésà redonner vie à ce port déclinant de la mer in-térieure. Cette façon de découvrir la ville à hauteur dechat est évidemment amusante, mais pour unpremier contact avec cette cité tranquille, rienne vaut un séjour au Minato-no-yado. Ce nomdésigne deux anciennes maisons situées sur lemont Senkôji, le cœur spirituel d’onomichi,au bout d’un petit chemin que les chats de laville apprécient particulièrement. après avoirété inhabitées pendant des années, les deuxbâtisses ont été rénovées et reconverties pouraccueillir des touristes de passage.La première, la maison Shimazui, a été construiteen 1931 pour un riche marchand et ancien par-lementaire. L’autre, la maison izumo, est plusancienne. Elle remonte à la période d’Edo (1603-1868) et notamment possède une petite piècede trois tatamis réservée à la cérémonie du thé.Ces deux maisons offrent une chance uniquede plonger dans la vie d’onomichi après avoirgravi les 104 marches en pierre qui mènentjusqu’à elles. “Ce n’est sans doute pas très pratique, mais c’estvraiment typique de la ville”, explique KobayaShi

Noriko, membre de DiscoverLink Setouchi(DLS) qui a mené à bien le projet de rénovation.“Environ 10 % des personnes annulent leur ré-servation quand ils apprennent cela”, concède-t-elle. C’est vraiment dommage, car les deux lieuxméritent bien qu’on fasse un petit effort. ontrouve une influence occidentale dans la maisonShimazui , notamment au niveau du toit et deses arches au niveau de la véranda. Toutefois,les toilettes high-tech Toto et les deux grandespièces couvertes de tatamis rappellent bien quel’on se trouve dans un environnement japonais.au niveau de la véranda, au premier étage, onpossède une vue splendide sur le canal d’ono-michi tandis que le téléphérique du mont Senkôji– l’une des grandes attractions de la ville – nevous est jamais apparu aussi prêt. on a l’im-pression de pouvoir le toucher avec les mains.on le voit glisser le long de la montagne au-dessus des toits appartenant pour la plupart à

des temples. Le mont Senkôji est sacré. aussiavant la Seconde Guerre mondiale, il étaitinterdit d’y construire des maisons. Ceci expliquepourquoi il y a tant de temples dans cette partiede la ville. avec un voisinage de cette nature, lesnuits sont calmes. Un profond silence enveloppela maison. Seuls les criquets se font entendre. ala différence des auberges traditionnelles (ryokan),il n’y a aucun personnel dans ces maisons, cequi donne l’impression d’être chez soi. Et il n’ya aucune horloge.Minato-no-yado est le symbole de la volontéd’onomichi d’utiliser le tourisme comme ins-trument de relance économique et commemoyen de préserver son identité culturelle.

DLS participe à cette dynamique. “Tout a com-mencé avec cinq anciennes camarades de classe”,se souvient KobayaShi Noriko. “Elles travail-laient toutes dans les entreprises locales et ontcompris que l’économie était en train de déclineravec le nombre croissant de délocalisations. Ellesont donc décidé de revitaliser la ville en s’appuyantsur son héritage culturel afin de promouvoir letourisme”, explique-t-elle. Comme le dévelop-pement est souvent synonyme de haut et debas, il est bon de constater une certaine constancegrâce au travail de conservation qui a étéentrepris ici. Cet état d’esprit et la réussite qui l’a accompagnéont permis à DiscoverLink Setouchi de se lancer

HIROSHIMA Onomichi revisite son passéVictime des délocalisations, la citéportuaire retrouve une seconde jeunessegrâce à la rénovation de son patrimoine.

La maison Izumo est avec la maison Shimazui un lieu d’exception pour découvrir la ville.

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dans un second projet, lequel a consisté à trans-former un ancien entrepôt en un hôtel conçupour les cyclistes. L’U2 hotel Cycle, c’est sonnom, est le premier de ce genre au japon. L’idéeest d’autant plus pertinente qu’onomichi est lepoint de départ de la Shimanami Kaidô, uneroute de 60 kilomètres qui relie l’île de honshûà celle de Shikoku grâce à une série de pontsentre six îles plus petites. La présence de pistescyclables tout le long du chemin en fait une desplus étonnantes expériences cyclistes au monde.Toutefois, l’essor touristique escompté après lacréation de cette route en 1999 ne s’est pas vrai-ment produit. C’est la raison pour laquelle a étéimaginé cet hôtel si particulier qui permet auxcyclistes de trouver un réconfort bien méritéavant le départ ou au terme de leur périple s’ilsviennent de Shikoku.bien sûr, l’hôtel est ouvert à tout le monde. S’ilétait seulement réservé aux cyclistes, son intérêtserait plus limité. L’U2 (U pour umaya: écurie)dispose donc de plusieurs équipements susceptiblesde séduire un public plus large. il compte unrestaurant, un bar, un café, une boutique et uneboulangerie-pâtisserie. a l’extérieur une terrasseen bois donne sur le canal d’onomichi, idéalpour observer le passage des bateaux.

Pour la construction comme pour les produitsqui sont mis en vente, l’accent a été mis sur lesavoir-faire local. Ce sont d’ailleurs deux archi-tectes de la région, TaNijiri Makoto et yoShida

ai, qui ont supervisé la transformation de ce

lieu, en lui conservant beaucoup de son caractèreoriginal qui permet ainsi de rappeler le passé dela ville en tant que centre important de laconstruction navale japonaise. Clin d’œil à latradition textile de la ville, le personnel de l’U2porte des jeans, et la boutique Shima propose àsa clientèle des sacs et des accessoires en tissukasuri. “Notre objectif n’était pas d’ouvrir seulementun restaurant, nous voulions entretenir l’héritagede la ville et lui donner une seconde vie”, confieKobayaShi Noriko. “Nous aimons rénover etréutiliser des choses anciennes. Voilà pourquoitout ce qui se trouve ici provient des industrieslocales. Cela parle aux gens d’ici. Ils se sententcomme chez eux et les autres peuvent se plongerdans l’histoire. Les bonnes choses doivent être pré-servées”, ajoute-t-elle.Tout le complexe a été pensé pour les cyclistesavec des rampes d’accès partout, ce qui convientparfaitement aussi aux personnes à mobilité ré-duite. il y a également des porte-vélos à la ré-ception et dans chacune des chambres. ontrouve aussi une boutique spécialisée qui permetde se fournir en pièces détachées lorsque lebesoin s’en fait sentir. Le yard Café disposed’une zone de service réservée aux vélos grâce àlaquelle on peut passer commande sans avoir à

L’U2 Hotel Cycle est le premier établissement hôtelier conçu pour les amateurs de vélo. Il est de plus en plus fréquenté par une clientèle internationale.

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Il n’y a pas moins de 104 marches à gravir pour

atteindre la maison Shimazui.

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descendre de selle. Et pour les dingues de vélo,le Kog bar propose des sièges avec selle etpédales, ce qui permet d’illuminer le bar grâce àl’électricité produite.De retour à la maison shimazui après une longuejournée de marche, il est temps d’essayer la bai-gnoire fabriquée en bois de cyprès. Il suffit derégler la température sur le tableau de bord quiressemble un peu à celui d’un Airbus pour quele bain se remplisse. A l’extérieur, le feuillagedes arbustes bouge au gré d'une légère brise. Aufond de votre baignoire, vous oubliez tout lestress et jamais plus vous ne voudrez prendreun bain dans votre baignoire.Le lendemain, un petit tour à la shôtengai s’impose,la longue rue commerçante couverte de la ville.Vous remarquez alors que bon nombre des bou-tiques ne sont ouvertes que le week-end quandelles ne sont pas fermées définitivement. Malgrécela, il se dégage une atmosphère agréable de celieu. Il y a cette vieille dame qui écaille son poissonsur une sorte de panier ou cette boutique dejouets avec une statue d’Ultraman, le superhérosdes années 1960, à l’extérieur. Il ne faut pas oublierle magasin de poisson séché qui vend aussi dessenbei (biscuits de riz) fourrés au poisson.Un endroit attire particulièrement le regard. Il

s’agit d’une longue et étroite petite allée qui donnel’impression d’appartenir à un lointain passé. Ils’agit en fait de l’entrée d’un autre lieu mis envaleur par une initiative locale. L’Anago noNedoko est un café et une maison d’hôtes installés

dans un ancien atelier de l’ère Meiji (1868-1912).Il est la propriété d’Akiyasaisei, une associationqui a pour vocation de rénover des lieux laissésvacants. La conception originale de ce lieu quipeut évoquer une sorte de tunnel était très courantedans le passé à Onomichi. Mais l’Anago noNedoko est un des rares endroits où elle a étéconservée. “C’est un lieu nouveau avec une atmo-sphère du passé”, expliquent ses promoteurs quifournissent un lieu convivial et abordable à desroutards, des cyclistes et simplement des gens quiveulent partager un moment agréable.Toutes ces initiatives commencent à porterleurs fruits. “Cette semaine, l’U2 reçoit des clientsvenus d’Afrique du Sud, du Royaume-Uni, d’Aus-tralie, de Hongkong et de Suisse”, raconte KO-bAyAshI Noriko. Les étrangers représententdésormais 20 % de la clientèle de l’hôtel et leurnombre va augmenter à mesure qu’Onomichis’impose comme le centre du cyclisme au Japon.“ De plus en plus de jeunes viennent s’installer ici.En particulier, ceux qui viennent d’autres régions.Ils s’intéressent à mener une existence tranquilleet sans stress, caractéristique du style de vie desîles de la mer Intérieure”.

STEVE JOHN POWELL & ANGELES MARIN CABELLO

Onomichi est le point de départ ou d’arrivée de la Shimanami Kaidô, une route de 60 km qui relie Honshû à Shikoku très appréciée des cyclistes.

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L’entrée de l’Anago no Nedoko est typique de la

ville d’Onomichi.

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S ur le flanc de la colline d’Onagawa setrouve le belvédère de l’hôpital qui do-mine la ville. On vient voir une langue

de terre aux couleurs ambrées glissant entre deuxmontagnes jusqu’à l’océan. Des tractopelles sonten action depuis 5 ans. Les habitants balayentl’horizon avec leurs bras, désignant des habitationseffacées, retraçant l’avenue principale qui des-cendait jusqu’à la marina et son centre commercial,lui aussi emporté par le tsunami. Le 11 mars2011, au milieu de l’après-midi, une vague adéferlé sur la ville détruisant la quasi-totalitédes bâtiments. Reste cet hôpital. Son premierétage surplombant le bord de mer à 16 mètresde hauteur fut lui aussi envahi par les eaux. il aété réhabilité grâce à des dons venus de Suisse.Désormais, de l’autre côté, sur sa gauche, la nou-velle ville prend forme. Remise en service en mars 2015, la gare d’Onagawaest le terminus de la ligne d’ishinomaki. Elle aété déplacée d’une centaine de mètres par rapportà l’ancienne, neuf mètres au-dessus du niveaude la mer. Elle a été conçue comme une portesur le nouveau centre-ville. Pour l’instant, leshabitants viennent par curiosité. ils vivent pourla plupart dans des préfabriqués construits surles hauteurs et se félicitent du résultat. L’ambianceinvite à la détente et séduit un nouveau type depopulation venant de loin pour découvrir cepetit port de pêche réaménagé. Après le tsunami, le projet initial de reconstructionprévoyait de créer une digue qui aurait eu pourconséquence de former un mur entre la ville et

la mer. En suivant les directives gouvernementales,beaucoup d’autres cités touchées par la déferlanteont fait ce choix. La ville voisine d’ishinomaki,dont un des quartiers en bord de mer a entière-ment disparu, a vu son horizon se réduire desept mètres. En voiture ou en bus, on longe sonfront de mer à l’ombre d’une imposante diguequi répond aux normes des tsunamis millénaires. Onagawa a refusé le projet des autorités, les ha-bitants ont pris leur destin en main et ils ontdécidé de réinventer leur ville. Après la catastrophe,la prise de conscience s’est faite rapidement, ellea bénéficié d’un contexte favorable. Un nouveaumaire, plus jeune, 39 ans, a été élu. il a quitté

son poste de député départemental pour seconsacrer seulement à la ville. Un marché et un“centre-ville de fortune” ont été réaménagés enpériphérie. Une campagne de communication aété montée par l'agence de presse régionaleKahoku pour le soutenir. Une soixantaine degraphistes ont réalisé, avec beaucoup d’humour,des portraits de ces commerçants, lesquels ontété largement diffusés sur les réseaux sociaux.Les regards se sont alors tournés vers cette ville.Des espaces dédiés aux réunions et aux assembléesont rapproché les habitants. L’usine Maskar,spécialisée dans la congélation des produits dela mer, principale ressource de cette ville de pê-cheurs, a repris ses activités en 2012, grâce ausoutien du Qatar. On vient de loin pour dégusterson Onagawa-don, un bol composé de poissonset crustacés fraîchement pêchés sur un lit de riz,proposé dans l’un des rares restaurants ouvertau bord de la mer. Aujourd'hui, on y retrouvel'émotion et l’enthousiasme, qui ont donné auxhabitants la volonté de s’ouvrir aux touristesafin de garantir le dynamisme de cette petitebourgade du nord-est de l’archipel. Une nouvellesociété a été créée. Baptisée Onagawa futurecreation, elle a pour objectif de reconstruire etrepenser le cœur de ville. Le nouveau maire aaccompagné le mouvement. C’est un partenariatpublic-privé-habitants d’un nouveau genre quia permis à la ville de prendre cette direction.ÔMi Kôichi, patron du quotidien IshinomakiHibi Shimbun [avec lequel Zoom Japon entretientdes relations d’amitié et de coopération depuis

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MIYAGI Onagawa prend de la hauteurCinq ans après les ravages du tsunami, la cité portuaire se reconstruit grâce àl’engagement de tous ses habitants.

La nouvelle gare conçue par l’architecte BAN Shigeru abrite également un bain public.

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Le nouveau centre-ville a été pensé comme une invitation à la flânerie.

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mars 2011] et cheville ouvrière de ce projet,souhaite donner une autre dimension au portde pêche. Plutôt que de monter une digue, c’estOnagawa même, qui a été relevée de sept mètresau-dessus du niveau de la mer.Inauguré en décembre 2015, le nouveau centre-ville se concentre autour d’une promenadecentrale aux larges allées qui descendent jusqu’àla mer (voir Zoom Japon n°57, p4-5). “En cas detsunami, le plus dangereux c’est de ne pas le voirvenir”, précise KOnnO masahiko, un des maîtresd’œuvre d’Onagawa Future Creation. L’axe s’ar-rête sur une large bande de grillages. En face, lestravaux continuent sur une centaine de mètresjusqu’à l’océan. Au milieu des gravats, on trouvele bâtiment de l’ancien poste de police couchésur son flanc. Il est enfoncé dans le sol, entourépar sept mètres de terre. Il a été conservé ainsiafin de rappeler l’ancien niveau de la ville. C’estla dernière et unique construction d’avant quitémoigne de la violence du tsunami. Il y a un es-pace où l’on peut lire les témoignages, découvrirles initiatives ou acheter des souvenirs liés au 11mars 2011 comme le livre de photos montrantsur sa couverture une “soupe” de bâtimentsnoyés par les eaux. On peut l’acheter dans un

des nouveaux pavillons situés en face d’un cafédont la fréquentation est continue. Bien qu’il yait très peu d’habitations aux alentours, les alléessont toujours animées par les curieux débarquantpar le train ou s’arrêtant sur l’un des parkings. Avec la gare, c’est la première étape d’une re-construction qui devrait s’achever en 2021. Beau-coup de terrains sont encore vierges de toutesconstructions. Le centre est pour l’instant unagrégat de commerces et de lieux à vocation cul-turelle propice à la flânerie. Onagawa FutureCreation souhaite maintenir cet équilibre en of-frant des espaces d’expression pour les artistes,proposer des résidences, développer divers projets,attirer les investisseurs. La société a déjà intégréau programme de jeunes commerçants, car ellepense aussi à attirer de nouveaux élèves pourl’école primaire et le lycée. La jeunesse prend une part importante dans lavision du futur de la ville. ÔmI Kôichi est aussi àla tête du club de football local. Créé en 2006, ilconstitue un moyen idéal pour fédérer les jeuneset développer la région par le sport. Le tsunami aaussi ravagé le stade de football. Onagawa voulaitgarder son équipe : la Cobaltore. Le club a pu re-prendre ses activités un an après la catastrophe.

L’équipe a annoncé son ambition de rejoindre lapremière division et d’attirer de nouveaux sup-porters. L’équipe junior a elle aussi repris l’en-traînement et accédé à son centre de formation.Fin 2016, les bâtiments du centre culturel et dela galerie marchande dédiée aux produits locauxseront achevés. Ils prolongeront la promenadeet redonneront aux habitants d’Onagawa unaccès au bord de mer surélevé et déplacé de deuxcents mètres par rapport à l’ancien centre-ville.Pour l’instant, les pelleteuses continuent d’amé-nager les collines avoisinantes en terrasses, et onimagine facilement les futures constructions quiillumineront la baie d’Onagawa. Le centre-villeva lui aussi s’agrandir en s’ouvrant sur de largesallées tracées en étoiles vers les collines afin defaciliter l’évacuation vers les hauteurs en cas denouvelle catastrophe. Les terrains adjacents sonten vente pour la construction de nouvelles habi-tations. Le petit port de pêche se mue lentement et seshabitants ont déjà conscience de la valeur deleur future ville. Elle a perdu tous ses poteauxélectriques si typiques des cités japonaises. Ilsont laissé place à d’élégants lampadaires.

DOMINIQUE LERAY & RITSUKO KOGA

Plutôt que de construire une digue haute de 7 mètres qui aurait défiguré la baie d’Onagawa, c’est le front de mer qui a été entièrement relevé de 7 mètres.

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新宿日本語学校Shinjuku Japanese Language InstituteSINCE 1975

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h uMEur par Koga ritsuko

Je rêvais de connaître différentes villes françaises.avant de m'installer en France, j'imaginais que jepourrais voyager un peu partout, du nord au sud,dès que j'aurais du temps. Vu du Japon, 300 €pour un week-end à Marseille ne me paraissaitpas cher, mais en réalité, pas si facile quand ona un loyer parisien à payer chaque mois. Voicimes quelques vécus : Voyage à avignon en 1990: j’étais enchantée par ce cadre médiéval et estivalanimé par des troupes de théâtre. très bon sou-venir, sauf le long trajet en ter, dans un compar-timent surchauffé par le soleil. Voyage en bour-gogne : avec une amie, on a loué une voiturepour visiter des villages viticoles. nous avonsdormi dans un petit hôtel au milieu du vignobleà Mâcon, où le dîner a été lemeilleur rapport qualité-prix deFrance que j'ai connu. très bonsouvenir, sauf le copilotage enfrançais avec une carte à lamain, sans le gPs. Voyage àMontpellier et à nîmes en2001 : les deux villes étaientsympathiques et reposantes,sauf que j’ai dû me trimbaler avec une grandevalise bien lourde car aucune consigne n’étaitdisponible… suite au 11 septembre. Plus tard, grâce à différentes activités, j’ai eu l’oc-casion de me rendre un peu plus “au fond de laFrance” : barjols (Var), Embrun (hautes-alpes),certains « …heim » en alsace, Coutances(Manche), etc. Parmi de nombreux villages, leplus inoubliable reste un petit patelin en briquedans le nord où j’étais allée pour un mariage. Jen’y ai vu personne dans les rues. Dans un cafédu centre, on a payé 6€70 pour 4 cafés avec 2limonades à table ! J'ai eu l'impression d'être tom-bée dans un trou noir. Je me demande encore siun de ses habitués âgés au comptoir en train deboire de la bière n’était pas le maire que j’airetrouvé à la mairie tout de suite après !toutes ces expériences m’ont enrichie et je dis-tingue mieux ce qu’est le charme du pays. J'es-père que la France gardera ce côté paisible mal-gré sa candidature aux jeux olympiques 2024 !(tout en améliorant son réseau, ses tarifs de trans-port et sa ponctualité !)

Rendez-vous en France

Manga Les raisons de la colère Fidèle à sa politique éditoriale qui

consiste à offrir des œuvres de qualité

capables de faire réfléchir les

amateurs de mangas, les éditions

Akata publient le second tome de la

série en 3 volumes Colère nucléaire.

L’éditeur n’en est pas à son coup

d’essai en matière radioactive,

notamment avec Daisy, un shôjo

consacré à la vie des habitants de la

préfecture de Fukushima. L’approche

est cette fois plus directe. Il s’agit d’un

coup de gueule

et d’une volonté

d’alerter les

citoyens des

dangers du

nucléaire bien

sûr, mais aussi et

surtout de

mettre le doigt

sur les

dysfonctionnements de la démocratie

avec des médias qui ne feraient pas

leur boulot à ce sujet. Un autre

mangaka, TATSUTA Kazuto, est parti du

même constat pour se lancer dans la

publication de Ichi-efu dont le premier

tome paraît ces jours-ci chez Kana. Il y

raconte le quotidien dans la centrale

accidentée. Une approche certes

différente de celle d’IMASHIRO Takashi,

mais qui la complète parfaitement

dans la mesure où l’auteur de Colère

nucléaire défend la nécessité pour les

citoyens de multiplier leurs sources

d’information pour ne pas se laisser

endormir par les discours officiels.

Colère nucléaire, de iMashiro takashi,

trad. Yuta nabatame, éd. akata. Deux

volumes déjà parus. 7,95 € le volume.

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Marais. Le yokan

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apparue au Japon à

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Muromachi (1392-

1573) dont la fabrication respecte encore

aujourd’hui des techniques et des savoir-

faire ancestraux. Une exposition,des

démonstrations et des dégustations

révéleront l’histoire de cette pâtisserie

emblématique de la gastronomie

japonaise et son art de vivre.

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petite sœur, le

dernier film de KORE-

EDA Hirokazu sorti

en France. Le

cinéaste fait une

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et de sa sensibilité à aborder les

relations familiales. Une séance à ne

pas manquer le 15 mars à 20 h.

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quatre chemins, 35 rue Lucas, 03200 Vichy

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V anja D’Alcantara en rêvait. La cinéastebelge a fini par réaliser son rêve, celui detourner au Japon, pays avec lequel elle

entretient depuis de nombreuses années unevéritable passion. La cinéaste belge signe avec LeCœur régulier une belle adaptation du roman épo-nyme d’Olivier Adam qui lui permet de filmer cepays qu’elle apprécie tant. L’occasion pour elled’expérimenter le travail avec une équipe en partiejaponaise. Une expérience riche à bien des égardsdont elle a bien voulu nous parler lors d’un entretienréalisé quelques semaines avant la sortie nationaleà laquelle Zoom Japon est associée.

Qu’est-ce qui vous a conduit à adapter le romand’Olivier Adam ?Vanja D’Alcantara : Ma réponse est simple : c’estle Japon. Depuis toujours, je savais que je voulaisaller dans ce pays qui m’attire depuis longtemps.Sa littérature, son cinéma et le manga ont exercésur moi une véritable fascination. Néanmoins, jene pouvais pas imaginer m’y rendre sans avoir unprojet dans mes valises. Aussi, je me suis interditd’y aller tant que je ne trouverai pas un sujet. Puisun jour, j’ai entendu parler du fameux ShigE

Yukio, le “sauveur des falaises”. Ce policier à laretraite a empêché au cours de la dernière décenniele suicide de quelque 500 personnes qui voulaientse jeter des falaises de Tôjinbô, dans la préfecturede Fukui, à l’ouest de l’archipel. Puis, un peu plustard et tout à fait par hasard, je suis tombé sur leroman d’Olivier Adam. C’est un peu comme si

mon désir de Japon m’avait mis sur le chemin duroman. Du coup, ce livre m’a donné un point devue sur l’histoire qui m’est apparu plus légitimeque si j’avais pris ShigE Yukio comme personnageprincipal d’un film. De toute façon, j’avais le sen-timent de ne pas avoir la légitimité, en tant quenon Japonaise, de filmer l’histoire de cet hommeextraordinaire. Le roman m’offrait un point devue occidental sur l’histoire et m’ouvrait la voievers le Japon. Mon premier voyage a donc consistéà aller rencontrer ShigE Yukio au pied des falaiseset de prendre contact avec des gens qui le connais-saient. Cela m’a permis de faire mon premier pè-lerinage là-bas et de sillonner une bonne partiedu Japon, jusqu’à Kyûshû. J’avais pris le JapanRail Pass et pendant trois semaines, je suis alléede ville en ville.

En adaptant avec brio Le Cœur régulierd’Olivier Adam, Vanja D’Alcantara porteun regard plein d’amour sur le Japon.

CINÉMA Rencontres au pied des falaises

A quel moment a eu lieu cette première ren-contre concrète avec le Japon ?V. D. : En 2011, juste avant le tsunami. Je suisrentrée en Europe, deux jours avant la catastrophe.J’y suis retournée quelques mois plus tard pourparticiper à un festival où mon film précédentétait présenté avant de me lancer dans le projetdu Cœur régulier. Les voyages que j’ai accomplispour préparer ce nouveau long métrage m’ontmené de plus en plus loin, dans des endroits deplus en plus reculés pour finir dans une régionoù personne ne va presque plus : la préfecture deShimane (voir p. 6). Une fois là-bas, on m’aconseillé les îles Oki (voir Zoom Japon, n°50,mai 2015) alors que même pour les personnesqui me les présentaient, il s’agissait du bout dumonde.

INFOS PRATIQUESLe Cœur régulier de Vanja D’Alcantara avecIsabelle Carré, KUNIMURA Jun, Niels Schneider, ANDÔ

Masanobu. 1h35. Sortie le 30 mars.

Pour tourner l’adaptation du roman d’Olivier Adam, la cinéaste a choisi les îles Oki.

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A partir

du 16 mars

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ZOOM CULTURE

Qu’est-ce qui vous séduit dans ces îles ?V. D. : Leur côté sauvage. a la différence d’autresrégions qui bordent aussi la mer du Japon, où ontrouve toujours des zones urbanisées, dans ces îles iln’y a presque rien et le temps semble s’être arrêtéaux années 1950. C’est très impressionnant, car cen’est pas ce qu’on attend du Japon. Ça a été un vé-ritable coup de cœur. et puis, il y a eu ce projet foud’y retourner cette fois avec toute l’équipe, acteurset techniciens, pour y tourner en grande partie lefilm.

Cette découverte du Japon a-t-elle constituéun choc pour vous ?V. D. : etrangement pas. Je m’attendais pourtantà en subir un. on m’avait dit tellement de chosessur ce pays, qu’il était aliénant et si différent, queje pensais ressentir une sorte de confusion à soncontact. au contraire, j’y ai trouvé beaucoup defamiliarités. on y est tellement bien accueilli. Il ya une telle bienveillance des gens que tout estfacile. Je me sens beaucoup plus dépaysée en russie,alors que j’ai des origines slaves. on pourraitpenser que je m’y sens chez moi, mais pas du tout.C’est un pays beaucoup plus dur où l’on a du malà trouver sa place. Ce n’est pas le cas du Japon oùil y a une véritable facilité pour se fondre dans lepaysage. C’est un pays très stimulant.

Pourtant au début du film, lorsque le personnageprincipal interprétée par Isabelle Carré arriveau Japon, vous avez, semble-t-il, voulu marquerun choc. V. D. : en effet, il s’agissait de mettre en évidenceson état psychologique. Il s’agit d’une femme ha-bituée à vivre dans un monde en mouvement per-pétuel où le silence n’existe pas et où elle est enfait conditionnée à être prise dans une vie qui nes’arrête jamais. Le film va raconter petit à petit lepassage vers le silence, vers une forme de lenteur.Mais la transition est progressive. Ce dont vousparlez marque davantage son état émotionnel.C’est là que se trouve le choc, mais à partir du mo-ment où elle obtient les éclaircissements de la

petite amie de Nathan, elle cherche à aller plusloin, à sortir de cette situation confuse, jusqu’à selaisser prendre par l’atmosphère apaisante de l’îleoù elle a fini par débarquer. Mais son premiercontact avec les gens sur place n’est pas pourautant facile, car elle doit avant tout faire la paixavec elle-même pour se laisser submerger par lasérénité. Il fallait donc créer un contraste entre lesdeux et les scènes que vous évoquez y participentgrandement.

Il y avait le risque de tomber dans une sorte deremake de Lost in translation…V. D. : C’est juste. Cela avait été déjà fait et je nevoulais pas me laisser piéger par une sorte defacilité en la matière. dès lors, bien que le film sepasse essentiellement au Japon, on ne peut pasdire qu’il y a beaucoup de “japonaiseries”, c’est-à-dire de situations qui mettent en évidence descomportements susceptibles de nous amener àporter un jugement ou à nous faire sourire parcequ’on les juge inappropriés. Il y a d’ailleurs peud’échanges en japonais, ce qui dans d’autres films

donne lieu à des quiproquos. Je ne voulais pas detout ça, car ce n’est pas l’essence du film. Je trouvaisbeaucoup plus intéressant d’être dans l’interactionentre les personnages et dans la découverte del’espace que de chercher à exploiter des situationsque n’importe quel voyageur peut rencontrer àun moment donné. C’est un choix conscient dema part. Je me suis refusée de filmer les cerisiersen fleurs ou encore le mont Fuji. Une fois encore,ce n’est pas le propos du film qui est une quête dela protagoniste non pas du Japon, mais de réponsessur son frère et finalement sur elle-même.

Vous évoquiez votre intérêt pour le cinéma ja-ponais. Est-ce que certains cinéastes nipponsont pu vous influencer dans votre manière d’ap-préhender certaines scènes ? Je pense notammentaux nombreuses scènes d’intérieur.V. D. : Il y a évidemment Kore-eda Hirokazuqui filme son pays d’une manière très juste et trèsnaturelle. Il ne cherche ni à l’embellir ni à endonner une mauvaise image. Son approche estune source d’inspiration, c’est évident. de mêmequ’ozU Yasujirô pour les intérieurs s’est imposécomme référence.

On a l’impression que vous avez adopté la mêmefaçon de filmer que lui en plaçant la caméra auras du sol…V. D. : C’est exact. C’était à mes yeux la façon laplus organique de filmer les personnages qui étaientassis à même le sol. Le risque de mettre la caméraun peu plus haut aurait été de prendre dans lecadre des éléments moins intéressants que ceuxen relation directe avec les personnages installésquelques centimètres plus bas. en même temps,mon chef opérateur ne connaissait pas le Japon. Ill’a découvert pour ce film et j’ai justement appréciéson regard neuf. Il a été par exemple très impres-sionné par les fils électriques alors que je n’imaginaispas pouvoir en faire quelque chose. C’était doncaussi très important d’avoir une vision totalementnouvelle sur les lieux, ce qui a permis d’enrichir lefilm avec d’autres perceptions esthétiques. LeVanja D’Alcantara pendant le tournage.

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résultat est à la fois beau et brut. Les falaisesoccupent à ce titre une place très importante. Lesfalaises rouges sont très impressionnantes. On al’impression d’être en face de muscles et de nerfs.il y a quelque chose d’organique qui cadre parfai-tement à l’esprit du film et du personnage incarnépar isabelle Carré.

Et au milieu de cette nature brute, elle tente detrouver petit à petit une sorte d’harmonie avecelle-même…V. D. : Oui. a mesure qu’elle effectue cette dé-marche intérieure, elle s’ouvre aux autres et lesautres vont vers elle. C’est d’ailleurs une façonassez japonaise du contact avec les autres. Ça m’atoujours frappé de voir que les Japonais ont unecertaine retenue vis-à-vis des autres tant qu’on nemanifeste pas l’envie d’entrer en contact. mais à

partir du moment où vous ouvrez la porte, c’esttrès facile de nouer le contact et d’avoir deséchanges. Pendant le tournage, ça a été un véritableplaisir de travailler avec une équipe japonaise.malgré la barrière de la langue, nous avons réussià établir des relations fructueuses. Je pense no-tamment à la chef décoratrice dont l’anglais étaitplus qu’hésitant, mais avec qui j’étais sur la mêmelongueur d’onde. C’était incroyable. Finalement,on n’a pas toujours besoin de paroles pour établirdes liens. Le film porte là-dessus également. il y apeu de dialogues, ce qui n’empêche pas le personnaged’alice de se lier d’amitié avec midori ou denouer cette relation amoureuse.

Pour revenir au travail avec les Japonais, comments’est déroulé le casting du côté japonais ?V. D. : a ce niveau-là, j’ai l’impression d’avoir

vraiment réussi à créer un travail de collaborationavec l’équipe japonaise. J’ai participé à plusieursséances de casting et j’ai travaillé avec une directricede casting dont la contribution a été énorme aumême titre que celle du directeur de la productionlocale. Le choix de Kunimura Jun est sur ce pointtrès intéressant car il est le résultat de l’excellenttravail de notre directrice de casting japonaise. ilfaut savoir que les acteurs japonais sont des genstrès occupés et que certains d’entre eux ne sontpas du tout intéressés à travailler sur un projet eu-ropéen. aussi a-t-elle dû déterminer quels acteursseraient susceptibles de participer à une productionde ce type et les convaincre de me rencontrerpour une audition. Et ce n’était pas gagné d’avance,car un acteur de la stature de Kunimura Junn’accepte en général pas les auditions. Elle a doncété obligée de faire un double travail en allant

KUNIMURA Jun et Isabelle Carré. Une rencontre inédite et bouleversante.

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chercher un acteur répondant à mes critères et enle convaincant de me rencontrer puisque je n’avaisaucune connaissance particulière de l’univers desacteurs japonais. Elle a bien réussi son coup, carj’ai pu rencontrer plusieurs acteurs différents etréussi à monter plusieurs séances de casting. Ça aconstitué une formidable expérience pour moi.

Et comment cela s’est-il passé avec IsabelleCarré dont on dit qu’elle n’était pas unegrande voyageuse ?V. D. : Ça a été un très grand enjeu pour le filmpuisque comme vous le disiez ce n’est pas unepersonne qui aime voyager. Elle était égalementtrès angoissée par les questions de radioactivité etles risques naturels. Nous étions quelques moisaprès le tremblement de terre et l’accident de Fu-kushima. De plus, quand je lui ai proposé le rôle,elle était encore en train d’allaiter son plus jeuneenfant. Finalement, plusieurs facteurs l’ont amenéeà se lancer. Le temps d’abord qui a passé, puisaussi le fait que son père est un grand passionnédu Japon. D’une certaine façon, elle devait fairesa rencontre avec ce pays. Après avoir fait des re-cherches sur l’évolution de la radioactivité, elle afini par partir. Et je crois que cette expérience quia consisté à dépasser ses craintes l’a placée dansun état d’esprit finalement assez proche du per-sonnage qu’elle devait interpréter. Et sur place,elle s’est beaucoup attachée au lieu et à ses parte-naires. Elle a adoré le Japon. En définitive, cetournage dans l’archipel a été une transformationconsidérable pour elle. Elle en parle aujourd’huicomme s’il y avait eu un avant et un après LeCœur régulier. C’est tellement vrai qu’elle repartpour un nouveau tournage à l’étranger.

Dans quelques jours, le film sortira en France.Que souhaitez-vous maintenant ?V. D. : Je ne rêve que d’une seule chose, celle depouvoir aller le présenter à la population desîles Oki. Même si je dois y aller seule, le filmsous le bras.

PROPOS RECUEILLIS PAR GABRIEL BERNARD

A VANT-PREMIÈRESDimanche 6 marsJard-sur-mer (85)Cinéma Les Ormeaux

Jeudi 10 marsNantes (44)Cinéma KatorzaTél. 02 51 84 90 60En présence de l’équipe dufilm

Vendredi 11 marsCancale (35)Cinéma DuguesclinTél. 02 99 89 75 70

Rouen (76)Cinéma OmniaTél. 02 35 07 82 70En présence de l’équipe dufilm

Lundi 14 marsFrejus (83)Cinéma VoxTél. 04 94 51 15 11

Chambéry (73)Cinéma AstréeTél. 04 79 33 40 53En présence de l’équipe dufilm

Mardi 15 marsGrenoble (38)Cinéma Le ClubTél. 04 76 87 46 21 Enprésence de l’équipe du film

Mercredi 16 marsQuimperlé (29)Cinéma La Bobine Tél. 02 98 96 04 57

Caussade (82)Cinéma Ciné-Théatre

Fronton (31)Cinéma Ciné’FrontonTél. 05 62 79 19 20

Toulouse (31)Cinéma ABCTél. 05 61 21 20 46 En présence de l’équipe dufilm

Jeudi 17 marsPerros-Guirec (22)Cinéma Les BaladinsTél. 02 96 91 05 29

Lyon (69)Cinéma UGC AstoriaTél. 01 46 37 28 24 En présence de l’équipe dufilm

Vendredi 18 marsAvignon (84)Cinéma UtopiaTél. 04 90 82 65 36 En présence de l’équipe dufilm

Sète (34)Cinéma ComoediaTél. 04 67 74 35 12 En présence de l’équipe dufilm

Montpellier (34)Cinéma DiagonalTél. 04 67 58 58 10 En présence de l’équipe dufilm

Samedi 19 marsMontmorillon (86)Cinéma Le MajesticTél. 05 49 84 01 43

Dinard (35)Cinéma Les 2 AlizésTél. 02 99 88 17 93

Alès (30)CinéplanetTél. 04 66 52 63 03 En présence de l’équipe dufilm

Dimanche 20 marsFécamp (76)Le Grand LargeTél. 02 35 27 01 03

Pierrelatte (26)Cinéma Le CinémaTél. 04 75 04 05 16

Auzielle (31)Cinéma Studio 7Tél. 05 61 39 02 37

Mardi 22 marsSt Julien en Genevois (74)Cinéma Rouge & NoirTél. 04 50 75 76 75

St-Rémy de ProvenceCinéma Ciné-PalaceTél. 04 90 92 37 41

Tours (37)Cinéma StudioTél. 02 47 20 27 00 En présence de l’équipe dufilm

Mercredi 23 marsBlois (41)Cinéma Lobis Tél. 02 54 74 33 22En présence de l’équipe dufilm

Jeudi 24 marsMarseille (13)Pathé MadeleineTél. 0 892 69 66 96 En présence de l’équipe dufilm

Vendredi 25 marsDouai (59)Cinéma MajesticTél. 03 27 86 95 00

Lille (59)Cinéma Majestic Tél. 03 28 52 40 40En présence de l’équipe dufilm

Lundi 28 marsRennes (35)Cinéma Ciné TNBTél. 02 99 31 55 33 En présence de l’équipe dufilm

Le Cœur régulier

Partenaire de la sortie duCœur régulier, ZoomJapon sera exceptionnel-lement distribué dans lessalles de cinéma où lefilm sera projeté. Desmembres de l’équipe de

Zoom Japon participerontà certaines des avant-premières pour des dis-cussions avec le publicautour du film. L’occasion de faireconnaissance avec la

rédaction et d’évoquerdifférents thèmes en rela-tion avec le film. Nemanquez pas ces ren-dez-vous et pensezd’ores et déjà à réservervos places dans les salles

mentionnées ci-dessus.D’autres séances, notam-ment en Ile de France,seront programmées.Pour les connaître, ren-dez-vous sur notre pageFacebook.

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zooM cUlTURe

R endez-vous a été pris avec l’auteur deTokyo Vice dont la vie a été menacée parles yakuza, au point que l’homme béné-

ficie d’une protection du FBI. A l’entrée du caféoù la rencontre se déroule avec Jake Adelstein,deux gendarmes mobiles armés jusqu’aux dentssont en faction. Voilà qui nous plonge dans uneatmosphère particulière même si les policiers nesont pas là pour protéger notre homme, maisparticipent aux opérations de surveillance misesen place depuis les attentats de novembre 2015.Nous nous installons en terrasse. Jake Adelsteinsort de sa poche une boîte de kit-kat au matchaet me la donne. Veut-il acheter la bienveillancede celui venu lui parler de son ouvrage publié parla toute jeune maison d’édition Marchialy ? Ous’agit-il d’un réflexe lié à ses longues années passéesau Japon comme journaliste à la rédaction duYomiuri Shimbun, le premier quotidien du Japonet du monde en termes de tirage avec ses 14 millionsd’exemplaires par jour ? “Faire des cadeaux auxflics ou à leur famille pour entretenir de bonnes re-lations avec eux pour obtenir des tuyaux intéressantsfaisait partie de mon boulot”, confie Jake Adlesteinqui a été le premier Occidental à être embauchédans la rédaction japonaise d’un grand journalnippon. Il ne se destinait pas forcément à embrasserune carrière dans la presse, mais il s’est tout demême présenté au concours comme des centainesd’autres candidats. Contre toute attente, il l’aréussi et a fait son entrée dans l’histoire des médiasde l’archipel. Il aurait pu être rattaché au gaihôbu (le service

étranger) compte tenu de ses origines étrangères,mais il a préféré le shakaibu (le service des infor-mations générales). “C’est l’âme du journal. Toutle reste, c’est du remplissage, m’avait dit l’un des vé-térans du Yomiuri. Le vrai journalisme, le journa-lisme qui change le monde, c’est là qu’on le fait”,raconte-t-il. Aussi Jake Adelstein a-t-il acceptéd’endosser son nouveau costume et de devenirjournaliste au Japon. “Et pour y parvenir, on m’aaverti que je devais avant tout me débarrasser detout ce que j’avais pu apprendre parce que tout ce

Avec Tokyo Vice, Jake Adelstein livre un formidable témoignage sur la vie des médias au Japon et sa société.

LIVRE Mémoires d’un soutier de la presse

que je croyais savoir était faux”, poursuit-il. “Onm’a aussi dit qu’il fallait apprendre à laisser de côtéce que j’aimerais être vrai et à trouver ce qu’est lavérité, et à la rapporter telle qu’elle est et non commej’aurais aimé qu’elle soit”. On comprend pourquoi bon nombre de journa-listes français qui l’ont rencontré à l’occasion dela sortie de son livre en France se soient sentis “simal à l’aise”. “Pas tant dans son attitude maisdans son rapport à un métier, le journalisme”, noteQuentin Girard dans les premières lignes de son

RéféRenceTokyo Vice de Jake Adelstein, trad. de l’anglais(etats-Unis) par cyril Gay, éd. Marchialy, 21€.

Jake Adelstein, à Paris, le 8 février 2016.

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ZOOM CULTURE

article paru dans Libération le 12 février 2016.Quoi qu’en pense ce confrère, l’informationdélivrée par les médias japonais est de grandequalité et les méthodes de travail auxquelles s’estplié Jake adelstein et qu’il décrit avec précisionet sans porter de jugement permettent de satisfairel’opinion publique. Cette dernière accorde d’ailleursune grande confiance à la presse écrite. au Japon,la crédibilité des journaux frôle le 78 % quand,en France, si l’on en croit le dernier baromètrepublié par La Croix, le 3 février, elle dépasse àpeine les 50 %. Si l’on veut bien mettre de côté notre sentimentde supériorité à l’égard de pratiques journalistiquesdifférentes, mais finalement tout aussi efficaces,on trouve dans Tokyo Vice un formidable documentsur un pan important de la société japonaise mé-connu en occident : la presse. “C’est avant toutun ouvrage sur le journalisme et un témoignage surle Japon”, martèle l’auteur américain. Et toutepersonne qui s’intéresse à ce pays doit le lire et leposséder, pourrait-on ajouter tant il est riche.Personne n’avait évoqué la presse japonaise del’intérieur et son expérience au sein d’une entreprisenippone n’a évidemment rien à voir avec Stupeuret Tremblements d’amélie Nothomb. Car il abeau être américain, Jake adelstein est traitécomme un Japonais. Ici les clichés n’ont pas courset pendant les deux-tiers du livre, il rapporte sansétats d’âme son travail qui s’apparente à celuid’un soutier. Nous sommes loin de l’image d’Epinal du grandreporter ou du journaliste d’investigation commecertains films nous le présentent. C’est un métierfastidieux qui exige des sacrifices énormes. “Maisles journalistes sont les derniers gardiens de cettedémocratie que possède le Japon, me disait l’un demes mentors au Yomiuri”, se souvient Jake adelstein.Il est vrai que celle-ci subit de nombreuses attaques.Le journaliste évoque peu la politique japonaiseet son livre ne porte pas sur les dernières annéesdepuis qu’abE Shinzô à la tête du gouvernementest considéré par certains comme une menacepour la démocratie. Il s’intéresse en revanche à

l’urashakai, cette société de l’ombre, dont l’influencenéfaste ne cesse de prendre de l’ampleur. Dans son travail de journaliste, Jake adelstein aété amené à couvrir les affaires criminelles et àmesurer le poids du crime organisé dans le fonc-

tionnement de la société japonaise. “Quand j’aicommencé à travailler pour le Yomiuri Shimbun,les lois anti-mafia venaient d’entrer en vigueur.Elles ont complètement bouleversé l’environnementcriminel dans le pays. Jusqu’à cette époque, lesyakuza occupaient une place déterminée dans lasociété. Ils menaient leurs affaires en ayant commerègle fondamentale de ne pas créer de désordres auniveau de la société civile. Il pouvait y avoir parfoisquelques règlements de compte, mais tout était souscontrôle, si l’on peut dire. A partir de 1992, il y aeu un basculement et la nature même du crime or-ganisé a changé. Alors qu’ils pouvaient apparaîtrecomme un des piliers de la société japonaise, c’est-à-dire qu’ils en assuraient en partie la stabilité, lesyakuza sont devenus des perturbateurs. Leur com-portement aujourd’hui est de nature à remettre encause la stabilité sociale”, explique-t-il. C’est cetteprise de conscience qui va le faire évoluer parrapport à son travail et au Japon. La toute puissancedes yakuza fait ainsi qu’ils n’hésitent pas à s’en

prendre à ceux qui dénoncent leur dérive, commedans le cas du cinéaste ItamI Jûzô, dont le filmMinbô no onna sorti justement en 1992 lui vautde subir physiquement les foudres des yakuzas.L’année suivante, la sortie de son film Daibyôninest perturbée par des actes de vandalisme commisdans des cinémas par des yakuza. Jake adelsteinest témoin de cette violence et de ces désordres,mais il a de plus en plus de mal à encaisser. Lescoop qu’il obtient concernant Gotô tadamasa,l’un des mafieux les plus puissants du pays, et sonhospitalisation secrète aux Etats-Unis vont leconduire à démissionner et à se retrouver menacéde mort par les yakuza. Il a quitté le Japon, maiscontinue de suivre les affaires de l’urashakai pourdes titres américains comme The Daily Beast etsur son blog Japan Subculture Research Center. Ilvient justement de publier un article sur l’influencedes yakuza dans le monde des girls bands auJapon. “Ils sont partout”, dit-il. tellement présentsqu’ils sont parvenus jusqu’à présent à effrayer leséditeurs japonais, même les plus importants, àpublier son livre. Sur le ton de confidence, il annonce que la versionjaponaise devrait tout de même sortir d’ici la finde l’année 2016. Il refuse de donner le nom de lamaison d’édition, car tout se prépare dans le plusgrand secret. “Une fuite et ce serait la catastrophe”,explique-t-il. Si tokyo Vice dont le sous-titre estUn journaliste américain sur le terrain de la policejaponaise parvient à être publié dans l’archipel, cesera une grande victoire pour lui. En attendant, ilest heureux de le voir traduit en français et desusciter tant d’intérêt de la part des médias. Il n’apas assez de mots gentils pour les éditions marchialydont c’est le premier livre. Jake adelstein n’est pasun ingrat. Est-ce aussi le fruit de son passage à ladure école du journalisme nippon ? Peut-être. Ilse lève, prend tranquillement la direction de lasortie et passe devant les deux gendarmes toujourslà sans les regarder. Il est temps de croquer l’unedes barres de kit-kat au matcha, histoire de retrouverun peu de douceur dans ce monde de brutes.

ODAIRA NAMIHEI

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A l’approche du printemps, Haruyo se met àpréparer des plats bien familiaux dont samère a le secret.

EXPÉRIENCE Poisson de mars

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parce que la forme du poisson cuit, avec la têtecourbée et une queue fine, ressemble à un clou.Pour préparer ce plat, les ingrédients sontsimples : ikanago frais, de la sauce de soja, dusucre cristallisé et du gingembre. On le cuit sanseau. La préparation est aussi simple mais il fautfaire attention à quelques points. D'abord, on metdans une casserole le gingembre haché, la sauce desoja et le sucre, ensuite, on fait bouillir. Puis, aufur et à mesure, on y ajoute, par petite quantité, lesikanago rincés et égouttés en plusieurs fois en

T ous les ans au mois de mars chez mes pa-rents, on sent la sauce de soja en train demijoter pour préparer Ikanago no kugini.

Il s'agit de petits poissons cuits. C’était, et restetoujours l'événement printanier de la ville d’Akashiet de ses alentours. La famille de mon père étantoriginaire de cette commune, ma mère ne manquepas d'en faire lorsque la saison arrive. En suivantsa coutume, j’ai toujours souhaité en faire moi-même. Mais on ne trouve pas partout cet ikanago.Par chance, mon supermarché à 5 minutes à pieden met en rayon tous les lundis de la saison !Lorsque j'en ai découvert la première fois, je n'aipu m’empêcher de laissr échapper un cri de joie !Le prix changeant tous les ans selon la quantitédes produits pêchés et la région, avec ma mèrenous ne cessons d’échanger diverses informationsentre fin février et mars: “Chez moi, ça se ventdéjà ! 1400 yens le kilo !” “Aujourd'hui, les poissonssont un peu trop gros, c'est la fin de saison”. L'ikanagocorrespond à l'éperlan que l’on trouve en France ;ceux qu’on utilise pour le kugini sont des jeunespoissons de 2 à 3 centimètres. Pourquoi celas’appelle “kugini (clou cuit )” ? On dit que c'est

faisant attention à ce que la sauce reste toujoursbouillante. Pendant cette étape, il ne faut surtoutpas les mélanger car les poissons sont très fragiles.A la place, on secoue la casserole pour bien cuirel’ensemble des ingrédients. Une fois que tous lespoissons sont ajoutés, on laisse cuire, jusqu’à cequ’il n’y ait plus de liquide, en veillant à ne pas leslaisser brûler. Si ce n'est pas bien cuit à cette étape,cela donne un mauvais résultat : le goût est tropdilué et ça ne se conservera pas longtemps. Lorsquec’est trop cuit : la sauce durcit comme un bonbon.Quand c’est bien fait, cela peut se conserver plusd’un an grâce à sa cuisson sans eau, et les poissonsconservent leur forme. Ma recette est la plusbasique, mais on peut varier la saveur en y ajoutantlors de la cuisson du poivre sansho ou des noix. Lors de la dégustation, il suffit d’avoir du riz blanc !!On peut en ajouter dans un bentô ou bien servirpour accompagner un apéritif. L’ikanago no kuginiest également vendu dans certains magasins. Alors,pourquoi ne pas en acheter lors de votre voyage auJapon pour vous ou pour vos amis ?!

MAEDA HARUYOLe gingembre permet d'effacer l'odeur du poisson. Pour mélanger, il faut secouer la casserole.

Ikanago no kugini, une recette de printemps, spécialité de l'ouest de l'archipel.

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14 rue Chabanais 75002 ParisTél : 01 42 60 50 95 / M° Quatre Septembre

Ouvert tous les jours de 11h30 à 22h30

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L A RECETTE DE HARUYO

PRÉPARATION1- Cuire le saumon au grill ou à la poêle. 2- Émietter le saumon cuit. 3- Battre les œufs puis ajouter la fécule mélan-

gée à une cuillère à café d’eau. Chauffer lapoêle puis huiler. Cuire comme une crêpe.

4- Emincer les œufscuits.

5- Tiédir le vinai-gre, le sucre et lesel puis ajouterau riz chaud.Bien mélanger.

6- Sur le riz assai-sonné, incorpo-rer saumon émietté, sésame et ciboulette.

7- Bien mélanger le tout. 8- Servir avec les œufs émincés et le nori

émincé.

SUGGESTIONLe saumon frais peut être remplacé par du saumon en boîte. Dans ce cas, il faut bienl’égoutter.

INGRÉDIENTS (pour 2 personnes)

400 g de riz nature cuit1 tranche de saumon (environ 150 g) 1 bouquet de ciboulette2 œufs1 cuillère à café de fécule1 cuillère à soupe de sésame blanc grilléQ.S. Nori émincé

Assaisonnements25 ml de vinaigre, de riz ou de cidre1 cuillère à soupe de sucre1/2 cuillère à café de sel

Sake no chirashizushi(Chirashi au saumon)

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HIS

U ne porte vers le paradis. Telle est la pre-mière impression qui se dégage lorsqu’onpose le pied sur le sol okinawais, surtout

si le premier contact se fait à Ishigaki, à la pointesud de l’archipel des Ryûkyû. A Naha, sur l’île prin-cipale (hontô) d’Okinawa, l’atmosphère aurait étédifférente. L’aéroport est situé à la limite de la prin-cipale cité de ce vaste territoire composé de quatreensembles : l’archipel d’Okinawa, l’archipelKerama, l’archipel Daitô et l’archipel Sakishima.

Situé à une trentaine de minutes de Taïwan, cedernier regroupe un ensemble d’îles dont les nomssont synonymes de rêves pour les visiteurs désireuxde rompre avec leur quotidien urbain et oppressant.Les îles Miyako et les îles Yaeyama sont la promessede moments enchanteurs pour celle ou celui quidébarque de Tôkyô, d’Ôsaka voire de Taipei,puisque la modernisation de l’aéroport d’Ishigakia bouleversé la fréquentation de ces îles qui attirentde plus en plus de touristes en quête de soleil, deplages paradisiaques mais aussi d’authenticité. Contrairement à l’île d’Okinawa dont le bétonnagea grandement défiguré le paysage, les îles Yaeyama,à l’exception notable d’Ishigaki pour des raisons

particulières, ont échappé à la mauvaise influencedu tourisme de masse qui se traduit souvent pardes constructions hôtelières de mauvais goût quifinissent par polluer la vue et détruire la vie locale.La présence de l’aéroport a sans doute contribuéà accélérer la transformation d’Ishigaki qui a perduau fil des années une partie de son identité originalepour ressembler à une petite ville de province japo-naise avec son centre-ville en béton et ses rues com-merçantes (shôtengai) tristounettes. Base militaireavancée dont l’importance a grandi ces deux der-nières années avec la montée des tensions territo-riales entre la Chine et le Japon à propos des îlesSenkaku (Diaoyu pour les Chinois) sous souve-

Située à l’extrême sud du Japon, la petiteîle a réussi à trouver la recette d’undéveloppement touristique maîtrisé.

L’une des façons les plus agréables de découvrir le village de Taketomi est d’emprunter cette charrette tirée par un buffle qui le connaît comme sa poche.

OKINAWA Jours tranquilles à Taketomi

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raineté nippone et rattachées à l’archipel Sakishima,Ishigaki abrite des installations des garde-côtes etbientôt celles de commandos, ce qui lui donne uncôté un peu martial que le gris de nombreux bâti-ment renforce. Même si l’on ne croise pas de soldatsou de véhicules de l’armée, des panneaux vantantles mérites des forces d’autodéfense rendent la citémoins attrayante que les petites îles environnantes.Ishigaki n’en reste pas moins un passage obligé etavant d’embarquer sur l’un des nombreux bateauxqui vous transporteront vers de petits paradis, ilconvient de faire une petite pause gastronomique.En effet, la ville manque peut-être de charme surle plan architectural, mais pas au niveau de la gas-tronomie. Une multitude de petits restaurantspropose des spécialités locales dans une ambiancetypique d’Okinawa dont l’un des principales carac-téristiques est l’omniprésence du sanshin, cet ins-trument à trois cordes qui rappelle le shamisen etdont la caisse est recouverte d’une peau de serpent.Et si les chansons parlent d’amour, il s’agit de celuides habitants pour leurs îles sur des rythmes bienplus entraînants que les mélodies classiques du sha-misen. Dans un rayon d’une centaine de mètres autourdu terminal portuaire, on trouve de nombreux res-taurants parmi lesquels figure le Corner’s Grill (tél.0980-82-8050, http://cornersgrill.com). Situépratiquement en face de la mairie, ce petit établis-sement sert des plats à base de bœuf d’Ishigaki, lafierté locale, dont les amateurs de viande apprécie-ront la saveur entre 11h et 17h30. Le burger à l’avo-

cat (abokado chîzu hanbâgu sutêki, 2 180 yens)est un délice. Un autre restaurant qui se distinguepour sa viande est le Kitauchi bokujô (tél. 0980-84-2929) où l’on peut également déguster quelquesbières locales de qualité comme la kuro bîru [labière noire] produite à Ishigaki dont le goûtréhausse les plats à base de viande que cet izakayapropose sur sa carte. On trouve également plusieursrestaurants de soba à l’instar du Mâsandô (tél.0980-83-4050, 11h-21h) où le shimayasai soba(980 yens) à base de légumes de la région est unepure merveille. Fréquenté par la jeunesse locale,l’atmosphère y est très conviviale avec ses mursdécorés avec les cartes de visite de tous ceux quisont un jour venus déguster l’un de ses savoureuxmenus. Si vous vous y rendez, nous vous mettonsau défi de découvrir celle de Zoom Japon !Une fois l’estomac bien rempli, il est temps d’em-barquer pour le paradis. Le terminal portuaire àquelques centaines de mètres de là est un pointnévralgique. C’est à partir de là que l’on a accès aux

îles Yaeyama (Taketomi, Kohama, Iriomote, Hate-ruma et Yonaguni) dont Ishigaki est le poumon.Taketomi à une quinzaine de minutes est littéra-lement un endroit paradisiaque. Ses habitants enont conscience et ils ne veulent surtout pas que letourisme ne le transforme en un enfer. Les respon-sables de l’île savent que la pérennité de leur îlepasse par le tourisme car l’autre activité, la culturede la canne à sucre, est aujourd’hui menacée parles importations. La signature du PartenariatTransPacifique, accord de libre-échange entre lesEtats-Unis et onze autres pays de la zone Asie-Paci-fique, à l’automne dernier, à laquelle les agriculteursde la région étaient opposés, les a confirmés dansleur analyse de la situation économique de leur île.Toutefois, pas question de tout sacrifier au tou-risme, surtout si cela doit remettre en cause l’iden-tité et le cadre de vie de cette île dépourvue de bou-tiques et autres installations susceptibles detransformer un mode de vie fondé sur la préserva-tion et la transmission des us et coutumes.

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Une nature préservée au milieu de laquelle la présence d’un torii rappelle le respect que la population

locale entretient à l’égard de son environnement.

S’Y RENDREAU DÉPART DE TÔKYÔ OU DES GRANDES VILLESDU JAPON, plusieurs vols quotidiens desserventl’aéroport d’Ishigaki. Il faut compter un peuplus de trois heures de vol. Compter ensuiteune vingtaine de minutes jusqu’au terminalportuaire. De là, il faut emprunter un ferry(1 100 yens) jusqu’à Taketomi. HOSHINOYA TAKETOMI dispose d’une navettejusqu’à son établissement. Pour y réserver unséjour, tél. 050-3786-0066 (8h-21h, en anglais)ou directement sur le sitehttp://hoshinoyataketomijima.com/en/

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Il n’est donc pas étonnant que le premier lieu àvisiter lorsqu’on débarque sur Taketomi soit leTakidun dont la mission est de rappeler l’histoireet les traditions de l’île sans oublier de mettre enavant la solidarité locale, fondement important deson refus d’être “colonisé” par des touristes quivoudraient imposer un rythme qui n’est pas le sien.C’est la raison pour laquelle les habitants de Take-tomi ont accepté que le groupe Hoshino Resortss’y implante et y installe un complexe hôtelier :Hoshinoya Taketomi. Dans la classification decette entreprise, le Hoshinoya se situe au sommetet s’adresse à une clientèle à la fois exigeante enmatière de confort, mais aussi désireuse de plongerdans un univers en harmonie avec le lieu. HOSHInO

Yoshiharu, le PDG de ce groupe en pleine expan-sion, en a fait la philosophie de sa stratégie de déve-loppement. “Jusqu’à présent, les différentes régionsdu pays voulaient ressembler à Tôkyô. Se faisant,elles ont fini par détruire leur culture locale, y comprisleur dialecte”, regrette-t-il. C’est pourquoi, il s’estdonné pour mission de favoriser un tourisme qui

s’intègre parfaitement dans le cadre local et respecteses traditions, convaincu que la nouvelle générationde touristes souhaite avant tout se retrouver dansun univers privilégiant l’authenticité. Son expé-rience et ses réussites dans d’autres régions du Japonlui ont permis de convaincre les habitants de Take-tomi d’accepter la construction de ce qui s’appa-rente plus à un village qu’à un complexe hôtelier. Outre la volonté de respecter l’environnement, leprincipal objectif de cet établissement est d’amener

sa clientèle à se laisser transporter le temps de leurséjour dans le quotidien d’une île qui a renoncé àtous les inconvénients de la vie moderne et quidéfend ses traditions avec force. Implantées aubord de l’océan, les 48 “villas” qui composent leHoshinoya Taketomi respectent l’architecturerégionale avec la présence de murs gukku (mur decorail) qui protègent les bâtiments des vents, duhinpun, muret placé à l’entrée de chaque maisonpour empêcher les mauvais esprits d’y pénétrer etdu shiisa, petite sculpture à mi-chemin entre lelion et le chien que l’on retrouve sur le toit desmaisons pour en assurer la protection. Commedans le village, les rues du complexe Hoshinoyasont en sable et entretenues de la même manièreafin de mettre les gens de passage dans l’ambiance.La plupart des activités proposées ont pour ambi-tion de promouvoir la tradition locale sur le planculinaire comme sur celui des activités culturelles.Ils sont d’ailleurs invités à découvrir le village deTaketomi lors d’une promenade à bord d’un cha-riot tiré par un buffle pendant que le conducteur

Hoshinoya Taketomi a été conçu pour se fondre dans l’environnement local. A Taketomi, le son du sanshin est omniprésent.

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Un confort exceptionnel est réservé aux hôtes.

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vous raconte son histoire et vous chante des airsaccompagné de son sanshin dont les notes enva-hissent les ruelles silencieuses du village. N’allezpas croire pour autant que le silence est synonymed’ennui et que Taketomi n’est finalement qu’untrou perdu à l’extrême sud du Japon. Les quelque320 habitants de l’île savent faire du bruit et orga-nisent chaque année une vingtaine de matsuri(voir Zoom Japon n°52, juillet 2015) dont le plusimportant, Tanadoui, se déroule sur une dizainede jours au mois d’octobre et implique toute lapopulation. Sa notoriété a largement dépassé leslimites de l’île et il attire de nombreux visiteurs,y compris des célébrités qui veulent participer àce moment où les habitants défendent joyeuse-ment leurs traditions. Cette volonté de partage, on la retrouve égalementau Taketomi Mingeikan, petit musée où l’on peutdécouvrir et s’initier aux techniques de tissage sousla houlette de SHIMANAKA Yumiko, intarissablesur le minsa, motif qui ornait traditionnellement

les ceintures de certains kimonos fabriqués à Ishi-gaki. Le terme est dérivé du mot mensa qui dési-gnait une petite bande de coton. Le minsa deTaketomi remonte au XVIIe siècle. Il est lié auxdemandes en mariage auxquelles les femmesrépondaient en offrant cette bande de tissu surlaquelle figuraient les motifs composés de 5 et 4petits rectangles, sorte de rébus signifiant “itsu (5)no yo (4) mademo” (je t’aime pour toujours). Pouréviter que cette tradition du tissage ne se perde,les habitants se retrouvent régulièrement dans cemusée-atelier où ils produisent artisanalementdes objets en tissu reprenant ce motif dont certainssont réalisés exclusivement pour Hoshinoya quicontribue ainsi à préserver un savoir-faire local.De la même façon, il accueille chaque jour desmusiciens locaux qui viennent entonner des airsdu folklore local avec leur sanshin. Chacun y trouve son compte. La population deTaketomi profite des retombées économiques dela présence des touristes sans en subir les effetsnégatifs. De leur côté, les visiteurs ont le plaisir dedécouvrir un lieu enchanteur et préservé qui leurouvre les portes de sa culture avec chaleur. Le sensde l’accueil – omotenashi – est une grande qualitédes Japonais, mais à Taketomi, il est encore à unniveau supérieur dans la mesure où l’on ne se sentplus étranger au lieu. C’est un sentiment merveil-leux qui contribue à rendre le séjour si agréable.On finit par oublier l’existence de la belle plagede sable blanc, Kondoi, à l’ouest pour continuerà flâner (à pied ou à bicyclette) dans ce village pleinde charme. Plusieurs petits cafés et restaurantsproposent également de goûter la cuisine okina-waise comme le Takenoko pour ses nouilles, leGarden Asahi ou le Taruriya pour ses bières. Etpour peu que le ciel soit dégagé et que vous soyezd’humeur romantique, ne manquez pas de vousrendre au Nishisanbashi pour assister à un extra-ordinaire coucher de soleil. Et lorsque l’heure dudépart a sonné, on regrette de devoir quitter ce lieumagique et chaleureux, mais on se promet d’y reve-nir très vite.

ODAIRA NAMIHEI

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SHIMANAKA Yumiko en train de réaliser un minsa.

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