analyse d'un dispostif thérapeutique à médiation corporelle

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Bénavidès thierry Analyse d’un dispositif thérapeutique à médiation corporelle : l’enveloppement humide A partir du MEMOIRE en vue de l’obtention de la maîtrise de psychologie cliniue Juin 1999

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Mr Bnavids thierry

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Bnavids thierry

Analyse dun dispositif thrapeutique mdiation corporelle: lenveloppement humide

A partir du MEMOIRE en vue de lobtention de la matrise de psychologie cliniqueJuin 1999

SOMMAIRE

INTRODUCTION.p. 5

I/ LE DISPOSITIF THERAPEUTIQUE..p. 8

1) Le cadre institutionnelp. 8

2) Bref historique de lenveloppement humide..p. 9

3) Le processus thrapeutique....p. 13

a) les contraintes techniques...p. 14

b) les contraintes en direction des thrapeutesp. 15c) les indications thrapeutiques..p. 16

4) les effets de lenveloppement.....p. 20a) le choc thermique....p. 21b) la contention....p. 23c) la fin de sance....p. 24II/ PROPOSITION THEORIQUE...p. 26

A/ Les facteurs de la corporit...p. 27

1) Le dveloppement du schma corporel: de la coenesthsie au schma corporelp. 272) Lapport phnomnologique: le schma corporel comme vhicule de ltre-au-mondep. 293) Le corps et la psychanalyse : limage ducorps.p. 30

4) En conclusionp. 32

B/ Le corps dsempar du psychotique...p. 341) Le psychotique et son corps..p. 342) La psychose comme non-accession la transitionalit p.363) La dissociation de limage du corps p. 384) Le dedans et le dehors p.435) Lethnopsychiatrie et la pratique du double p. 46 C/ Les thrapies mdiation corporelle.......p. 48

D) Discussion en guise de conclusionp. 51III/ OBSERVATION CLINIQUE DE Mr P.......p. 55IV/ ANALYSE DU DISPOSITIF THERAPEUTIQUE..p. 601) Lintervention thrapeutique.p. 612) Lexigence de sens.p. 623) Limpasse thrapeutiquep. 634) Le traumatisme..p. 655) Les oprateurs thrapeutiques....p. 67

a) Linversion..p. 67

b) La mdiation ..p. 68

c) lanalogie.....p. 696) La vectorisation du corps....p. 707) La modification des contenants...p. 71V/ OBSERVATION CLINIQUE DE MR. S..p. 74

CONCLUSION..p. 83BIBLIOGRAPHIE.p. 87Introduction

Le corps et son investissement sont des lments essentiels de la conscience de soi. Pourtant en psychiatrie, comme dans lensemble de la mdecine, la question du corps est soit renvoy la sexualit, soit lorganicit. La dichotomie cartsienne qui clive ltre humain en corps et esprit, ne permet pas de prendre en considration les dispositifs thrapeutiques qui staient sur cette mdiation.

Lhistoire de la psychiatrie ne donne pas raison cette restriction. Les activits corporelles de toutes sortes ont toujours t une donne principale dans le traitement des malades. Et toujours le mme chec qui a consist placer le dispositif au sein dune thorie qui excluait le corps. Il ne sagit pas dans ce mmoire, avec si peu de moyens en somme, de rpondre cette bizarrerie, mais plutt danalyser un dispositif thrapeutique.

Jentre pour la premire fois dans un hpital psychiatrique, cest le dbut de lautomne, les arbres commencent se transformer, et javance sur des alles que des jardiniers soucieux ont entretenu et transform. Il fait beau, mes penses concernent limage dsastreuse de la folie propage dans le corpus social et qui ne correspond en rien avec la ralit des faits. Au dtour dune alle je croise un patient. Je sais en le voyant quil sagit dun patient, sa dmarche, ses vtements, et bien dautres choses que je nexplore pas sur le moment. Je me tends, non bien sr je rsiste la tentation de me laisser fuir. Il est encore trs loin, et aprs tout je suis venu pour rencontrer ces patients enferms, isols en dehors de la ralit. Alors je continus davancer, dautant plus quil na pas lair de soccuper de moi et quil est probable quil me laissera tranquillement poursuivre mon chemin. Plus japproche et plus je me sens nerveux, il est vrai que la personne quelques mtres de moi a de quoi minquiter. Je ne veux pas dire quelle a lair malveillante, simplement quelle est bizarre. Elle porte un pyjama bleue, le pyjama de lhpital, mais maintenant je vois et jentends. Elle tient dans ses mains un long tuyau dont elle se sert comme dun micro, et chante tue-tte : Quoi ma gueule, quest-ce quelle a ma gueule? en se tortillant. La tte en question est maintenant parfaitement visible: un crne dform, allong, tir vers larrire, parchemin de cheveux en bataille, maigre, les traits tirs avec deux yeux noirs enfoncs dans des orbites creuses. Un visage sorti dun bestiaire fantastique. Sans doute pour chapper limpression dsagrable du visage, du regard je suis le parcours du tuyau qui sert de micro. Il poursuit son chemin jusquaux fessesdo il schappe tandis que le pyjama cet endroit est macul dexcrments. A ce moment jai su que jentrais dans un autre monde!

Il ne sagit pas tant de ce que je voyais, bien quen vrit je ne puisse nier que cette vision tait bouleversante, mais aussi du trouble que je vivais. Un effort considrable pour le mettre jour, pour le laisser transparatre, en dautres termes pour le rationaliser. Ma premire rencontre me contraignait penser limpensable, je minitiais. Et jai fait comme bon nombre de spcialistes de la sant mentale: je me suis rfugi dans les bras protecteurs dune thorie.

La technique denveloppement humide est une technique traumatique utilise auprs de patients prsentant une dissociation majeure. Elle est en effet indique dans le cadre de psychoses dissociatives. Elle staie sur lusage du traumatisme: traumatisme li la sensorialit (choc thermique et humidit), mais au cadre lui-mme: les thrapeutes sont en nombre, habills et entourent le patient qui lui est seul, le plus dshabill possible et sous le regard de ses thrapeutes. Cette situation pourrait constituer un acte sadique et violent lgard du patient sil navait t dabord vcu par les thrapeutes eux-mmes dans les mmes conditions. Ce vcu permet alors dtre partag au-del des mots, et doit sinscrire dans lexprience du thrapeute.

Lexprience apporte au thrapeute leur permet de sapproprier lexprience du pack tout en laissant la possibilit au patient de linvestir sa manire. Cette exprience sappuie alors sur un objet concret dinvestissement de la thrapeutique: le corps et de poser lintervention thrapeutique sur un espace intermdiaire o se rencontre thrapeute, patient et institution.

Cette intervention est prconise essentiellement loccasion des troubles dissociatifs et plus particulirement dans la psychose. La mthodologie sappuiera sur le droulement de deux observations cliniques ainsi que sur les outils thoriques permettant leur analyse. Par ailleurs des vignettes cliniques vont renforcer les laborations thoriques par leur clairage. Le paradigme ethnopsychiatrique en tant quinstauration dun cadre thrapeutique fond sur lintervention dun espace intermdiaire sappuyant sur un objet concret constituera le support essentiel thorique.

I/ LE DISPOSITIF THERAPEUTIQUE

1) Le cadre institutionnel

Lieu de stage: Hpital psychiatrique adulte.

Chef de service: Dr. De Beaurepaire, psychiatre

Structures dpendantes:

2 pavillons intra-hospitaliers

1 Centre dactivits thrapeutiques temps partiel ( CATTP )

1 Hpital de jour

1 Centre Mdico-psychologique ( CMP )

Structures annexes:

famille daccueil

Htel relais

Centre de thrapie familiale

Composition de lquipe:

12 mdecins psychiatre

2 temps plein de psychologues

1 temps plein de psychomotricien rparti en 2 mi-temps

4 temps pleins dergothrapeute

1 temps plein darthrapeute rparti en 2 mi-temps

infirmiers: 51 temps plein

Aide soignants: 10 temps plein

ASH: 8 temps plein

Cadres infirmiers: 7 temps plein

Lquipe se rpartie dans les diffrentes structures dont chacune dispose dun rfrent mdical ( praticien hospitalier de la fonction publique ). Par ailleurs, chaque psychiatre consulte au sein du CMP. Lensemble de lunit sintgre dans le dispositif de sectorisation psychiatrique.2) BREF Historique de lENVELOPPEMENT HUMIDE

Rintroduite en France par Woodbury en 1966, cette technique fait partie depuis trs longtemps des traitements hydrothrapiques utiliss en psychiatrie. En effet, partir de la fin du 17me sicle, la cure par les bains prend place parmi les thrapeutiques de la folie. Elle se base sur lide de lablution, rites de puret et de renaissance, et de limprgnation modifiant les qualits essentielles des liquides et des solides. Puis lpoque de Pinel (vers 1800 ) leau va tre essentiellement utilise pour ses qualits mcaniques, le traitement type deviendra la douche. Sa force doit entraner toutes les impurets qui forment la folie. Louis Fleury en 1852 tudie les effets toniques de leau et publie son trait thrapeutique et clinique dhydrothrapie. Dans ces leons cliniques (1893 ), Magnan souligne dans la manie, la ncessit de supprimer la camisole de force et tout autre moyen de contention, et dautre part la ncessit de calmer et maintenir les maniaques. Ainsi, historiquement, la contention constitue lapplication essentielle de cette technique. Lenveloppement humide est conu comme un intermdiaire entre la camisole de force et la douche froide.

La conceptualisation de Woodbury va modifier cet aspect. Il ne sagira plus de contenir la folie mais doffrir certains patients une mdiation lorsque la relation verbale nest plus possible. Le but de ce traitement est la fois de renforcer la conscience de soi par la perception des limites corporelles et de contrler les tendances agressives du patient sans laliner par la camisole physique ou chimique et lisolement.

Lhistoire de lenveloppement humide est ainsi troitement associ litinraire thrapeutique par leau. Les mdecins des dsordres mentaux ont toujours entretenu avec leau des rapports de complicit et desprance. La littrature mdicale offre de nombreux exemples de corps baigns, douchs, soumis des affusions, prcipits limproviste dans une rivire ou dans la mer. Leau soigne les ides corrompues dans le dlire, ramne les sensations perdues, rtablit lexistence des mouvements. Elle peut galement, selon la temprature, apaiser ou stimuler laction des organes et plus particulirement celle du cerveau. Les reprsentations attaches ces applications thrapeutiques ont suivi le rythme des connaissances scientifiques sattachant aux rapports entre le corps et lesprit.

Par exemple, la mdecine et la physiologie du 18me sicle identifie le fonctionnement corporel celui dune machine hydraulique. Une machine constitue par un ensemble de solides que sont les fibres et les tissus, et de vaisseaux renfermant des humeurs pu des appareils fabriqus, organiss et relis entres eux. Le corps dispose aussi de tuyaux (les veines, artres, tubes nerveux ) o coulent les humeurs (le sang, la lymphe, le fluide nerveux, la bile, etc.). Dans ce corps se produisent aussi des ractions chimiques : des dissolutions qui permettent un fluide de sunir avec un autre corps, des rarfactions qui permettent un corps doccuper un grand volume en peu de matire, des distillations do sont tirs des principes fluides ou volatils partir de matires fixes, des fermentations, enfin, qui permet de comparer le mdecin un sommelier dans sa surveillance de la fermentation du sang et des humeurs.

Ainsi, dans le corps, les tuyaux vhiculant les humeurs, doivent tre assez souples pour une circulation rgulire des liquides. Les anomalies de circulation (engorgement, lenteur dans lcoulement, dexcs dcoulement, de tourbillons, danomalies des trajectoires) sont lorigine de toutes sortes de dsordres : vertiges, spasmes, contractures, paralysies, anesthsies, crises dapoplexie et ides dlirantes. Cest par rapport aux qualits de ces liquides quintervient le rle de leau. Leau du bain dlaye les humeurs, humecte les solides, favorise les oprations chimiques: elle est llment dterminant pour laccomplissement des fonctions dune machine hydraulique anime par le dplacement des fluides, alors que "les maladies/sont la consquence/dune interruption, dun ralentissement ou dune violence de ce mouvement." (Quesnay, 1748, 11-12).

En somme lefficacit thrapeutique dpend des mouvements dentre et de sortie de lhumeur aqueuse. Lorigine des vapeurs fminines qui se manifestaient par des sensations dtouffement et des mouvements musculaires irrguliers ou contre-nature, est lpaisseur du sang. Un bain tide humecte et ramollit les fibres des veines et des artres et dlaye le sang. La mme technique sert soigner les fureur du maniaque qui proviennent de limptuosit du sang, la tristesse et labattement du mlancolique qui proviennent du desschement des solides. Pour gurir ces affections, leau doit pntrer dans tous les recoins du corps. Tide, elle ramollit la peau dont elle ouvre les pores, humectant lconomie et dlayant les humeurs..

Si la cause des dsordres utilise la mme rfrence, les interventions thrapeutiques peuvent varies. Tel est le cas de limmersion quotidienne dans un bain pendant de nombreuses heures, et durant plusieurs mois. Dans cette perspective, leau froide apporte aux tubes nerveux, la souplesse ncessaire aux oscillations et aux contractions vitales. Durant le 18me sicle les effets du bain chaud et du bain froid vont tre circonstance de la thorie du dsordre. Dans le traitement des vaporeuses, la chaleur prsente des contre-indications. Leau chaude favorise la transpiration, et en temps que tel te leau ce qui aggrave les symptmes vaporeux. Par ailleurs, si le froid resserre, la chaleur ramollit. La duret est en effet associe la force tandis que la mollesse la faiblesse et au relchement. Ds lors, le fait de tremper le corps dans de leau tide quivaut en dissiper les vigueurs. En favorisant les stases et les engorgements, les bains tides font le lit de lapoplexie et du dlire.

Les thrapies de lesprit composent avec les effets conjugus du chaud et du froid en fonction des diffrents thoriques tayant les actions thrapeutiques. Les thories du dsordre suivent celles du sujet bien portant. Elles sinscrivent culturellement dans une vision globale de lhomme, de la socit et de ses dveloppements. Il sagit quelquefois de temprer lardeur des dsirs effrns des hystriques en utilisant limmersion frquente dans de leau tide afin de diminuer lorgasme des organes qui sont le sige de la maladie..

En gnral, les alinistes du dbut du 19me sicle tiennent en grande suspicion les effets de la chaleur. Pinel, la souponne dune action dbilitante sur les alins, elle affaiblit et ramollit le cerveau. Pour Pinel, le froid prsente lavantage de resserrer la matire du cerveau et de la rendre plus forte, plus capable danimer le fluide nerveux. Les rthismes des actes et des penses dans les cas dexaltation maniaque sont la consquence dune effervescence du sang dans lorgane crbral, le traitement consiste alors combiner laction thrapeutique du chaud et du froid. De leau froide et de la glace sont appliques sur la tte, tandis que les pieds trempent dans un bain chaud afin dattirer le fluide sanguin, la chaleur et lirritation au bas du corps.

Derrire ces thrapeutiques se dessinent les vertus moralisantes de leau. Les ablutions froides sont charges de rtablir les fonctions crbrales en protgeant le cerveau des afflux de sang ou en attnuant les effets de lirritation. Il faut moraliser un malade en agissant directement sur ces ides. Lisolement, la sparation de lentourage familier, le changement de monde et de perceptions, les persuasions font partie de ce registre. Lutilisation de la surprise et de la frayeur interviennent dans les dispositifs mis en place. La moralisation par les usages de leau renvoie la fois leffacement sensitif, base du renouveau des ides, et tout autant donner leau une position de complice de la raison du mdecin engage dans la lutte contre les ides folles. Si ces ides vont nourrir limaginaire mdicale, les thrapeutiques par leau vont renou avec les hypothses matrialistes des maladies de lesprit, notamment en intgrant la dimension nergtique.

A partir des annes 1850 vont stablir les fondements thoriques de lhydrothrapie. le terme dhydrothrapie regroupe les usages de leau sous forme de bains (complets ou partiels ) mais aussi les douches, et les enveloppements dans des draps humides. Cette intervention se dveloppe partir de la clinique de lhystrie devenue une nvrose de lencphale se manifestant par une instabilit de lnergie des facults innervatrices. Le caractre instable de linnervation rend compte des spasmes, des contractions, des anesthsies et des convulsions. Pour y remdier, il faut emmailloter le corps dans des linges humides et le plonger dans un bain frais pendant plusieurs secondes. Ces conditions sont ncessaires pour crer une raction gnrale dmontre par lapparition de rougeur et de chaleur aprs lintervention. Cette apparition tmoigne de lactivation des mouvements du sang et des fonctions quil stimule. Ds lors, les usages hydrothrapiques vont se dvelopper et ce dautant plus que la plupart des maladies de lesprit sont conues en terme de faiblesse fonctionnelle du cerveau et du systme nerveux. Les bains froids pour redonner vigueur au cerveau fatigu du neurasthnique ou de lhystrique; les affusions glaces pour insensibiliser les zones hystrognes ou, au contraire pour ramener les sensations dans une partie du corps pralablement anesthsie; bains tides pour calmer les excitations du maniaque; les douches froides pour redonner vie au mlancolique; et des alternances de douches chaudes et de bains froids pour traiter la folie circulaire qui alterne manie et mlancolie.

Cette brve prsentation de lhistorique des usages de leau intgre au traitement des dsordres mentaux montre la manire dont les justifications dune technique du corps est tributaire de limagerie scientifique.

3) le processus therapeutique

Dans une pice calme les thrapeutes disposent sur un lit:

une ou deux couvertures de laine,

un drap de lit sec,

un drap de lit humide et froid,

Le patient sallonge sur ce drap humide et froid. Il est le plus dshabill possible. Les thrapeutes terminent le dispositif en enveloppant chacun de ses membres avec de petites serviettes, puis le haut et le bas du corps sont leur tour envelopps par deux grandes serviettes. Le drap humide est rabattu pour envelopper le patient ainsi que le drap sec et les couvertures. Un oreiller peut aussi tre adjoint au dispositif pour amliorer le confort du patient et faciliter son regard.

Au cours de la premire rencontre le dispositif est prsent, aussi clairement que possible: les linges sont montrs, la bassine avec leau. Les linges sont mis dans leau, et lensemble dans un rfrigrateur. La proposition thrapeutique est prsente sous langle de la recherche dun bien-tre, dune dtente, dun sentiment dunit.

Le patient est ensuite revu pour la premire sance. Lquipe fait constater la temprature des linges. Le patient est invit toucher leau et les linges. La notion de froid doit tre le plus clairement intgre. Dans cette perspective, le patient est invit avec les membres de lquipe essorer les linges. L aussi cela constitue un temps fort de la prise en charge, puisque le patient peut sappuyer sur laspect concret du dispositif. Il est aprs invit se dshabiller, puis sallonger sur les draps.

Dans ce cadre, lenveloppement humide est ralis avec des membres de lquipe: des infirmiers, un psychologue, un psychomotricien. Un petit groupe, ne dpassant pas 4 personnes, assure le suivi auprs du patient.

a) Les contraintes techniques

Les draps humides doivent tre essors et froids. Cela est justifi par le fait que le rchauffement est dautant plus rapide et peru que les draps sont froids. De mme il est impratif que les linges soient humides et non mouills, ce qui suppose quils soient correctement essors. Lhumidit est ncessaire pour rduire les changes de chaleur avec lenvironnement et pour permettre le moulage du corps par les linges, intervenant dans la perception de globalit de la sensation.

Toutes les parties du corps doivent tre enveloppes trs serr pour que le linge humide soit bien en contact avec la peau.

Lenveloppement ne contient pas la tte.

Lenveloppement dure environ une heure au maximum, il est suivi dun massage du patient.

Les verbalisations au cours de lenveloppement ne sont pas exiges par les thrapeutes. Une intervention verbale est nonce au dbut de lenveloppement: vous pouvez exprimer ce que vous sentez, ou au contraire gardez les yeux ferms, gardez le silence et vous concentrer sur ce que vous ressentez. Puis de temps en temps, les thrapeutes peuvent intervenir ou non en fonction du contexte.

Lenveloppement peut tre interrompu par le patient tout moment. Il est alors dans un premier temps sollicit pour voquer les raisons de cet arrt, sil maintient sa volont, les soignants le dgageront des linges. Linterruption doit tre considr comme faisant partie du traitement ds lors que le patient peut se reprsenter ce qui est en train de se jouer. Il est capital dobtenir ladhsion du patient son traitement.

Le protocole exige une srie de trois enveloppements suivie dune quatrime sance de verbalisation qui offre loccasion de faire le point sur ce qui a t vcu et de travailler sur la suite du projet thrapeutique: sous la forme de massages, ou dune autre thrapeutique corporelle ( technique de dtente neuro-musculaire ), en groupe ou en individuelle, de thrapie mdiation verbale Au cours de cette quatrime sance, le patient avec laide des thrapeutes peut aussi dcider de relancer une srie denveloppements humides. Dans ce cas, le protocole reste identique. Cette dernire solution est la plus souvent prconise. En effet, la dure moyenne des interventions thrapeutiques par lenveloppement humide est de plusieurs mois ( 8 9 mois ).

Mais mme si le patient accepte lventualit dune srie denveloppement, il peut au dernier moment, cest dire au moment de lenveloppement proprement parler, refuser de sallonger et dtre envelopp. L aussi le protocole est suffisamment souple pour accepter cette ventualit. Cependant, le patient est invit verbaliser ses raisons, et travailler ses rsistances. Son dsir va tre respect dans le cas o il ne modifierait pas sa position, lenveloppement tant report la prochaine sance.

b) Les contraintes en direction des thrapeutes

Les thrapeutes doivent avoir expriment le dispositif thrapeutique.

Ils sont volontaires pour effectuer la prise en charge du patient jusquau bout. Une fois dcid le groupe des thrapeutes, celui-ci ne peut tre modifi.

Les thrapeutes sont invits une fois la sance termine reprendre ce qui a t dit, senti pendant la sance, en petit groupe. De mme ils laborent la fin de la srie denveloppement un compte rendu verbal et crit.

Un recueil des donnes verbales ( prise de notes des propos ) sous une forme crite a t mis en place afin de favoriser les laborations ultrieures. A ce recueil devrait dans le futur sajouter un recueil avec un support vido.

C) Les indications thrapeutiques

Lindication est fixe aprs une discussion en quipe. Le recours lenveloppement, et des thrapies mdiation corporelle seffectuent dans une ambiance particulire. Celle-ci est constitue la fois par de fascination, du dsespoir, de la crainte et une attente quasi-miraculeuse. Elle est souvent propose en dernier recours, quand tout ou presque a chou, quand plus rien ne peut plus contenir les dbordements des dsordres mentaux. Et chaque fois cette proposition thrapeutique fait surgir une raction de la part de lquipe soignante. La rptition de ce phnomne amne une interrogation sur la direction de lintervention thrapeutique: et si celle-ci sous couvert dintervenir sur le patient, intervenait aussi sur lquipe.

Une autre remarque concerne la dimension traumatique du dispositif thrapeutique. Il est certain que cette dimension apparat plus concrtement que pour une autre thrapie mdiation corporelle (comme la relaxation). Cette dimension est diversement partage entre ceux qui ont expriment le dispositif et ceux qui ne lont pas vcu. Les intervenants expriments voquent le dispositif avec un sentiment de surprise agrable. Ils attnuent les effets du choc thermique et des impressions lies la contention. Les autres, mettent en avant la dimension sadique: ils voquent le respect du patient, parlent du dispositif comme dune punition, une torture. Labus est toujours voqucomme effraction de lintimit sur des personnes qui ne peuvent pas se dfendre: Cest bien pratique pour voir les bonnes femmesIl faut faire attention ne pas toucher cette patiente. La dimension sexuelle est mise en avant: Lenveloppement nest pas une bonne indication cause de lrotisation de la relation cause de ses aspects pervers. Les rsistances sont nombreuses et les ides rationnelles ne manquent pas pour sopposer la prescription.

Ainsi au cours dune runion, propos dune patiente pour lequel lenveloppement est prconis fait natre une suspicion de la part du psychiatre rfrent. Mme si celui-ci avoue que sa prescription mdicamenteuse atteint de tel sommet quelle empoisonne la patiente, mme sil avoue quil ne sait plus quoi faire avec elleQue tout a chou, il ne peut admettre lide denveloppement: La patiente est maghrbineCulturellement, le corps de la femme marocaine pose des difficults pour labord de ce type de traitementDj quelle a des tendances dlirer sur a Un infirmier vient le soutenir dans son argumentation: Dautant plus que ds quelle arrive lhpital, elle demande subir toutes sortes dexamen pour ses plaintes somatiques. Un des thrapeutes du groupe denveloppement intervient: Toutes sortes dexamen?. Linfirmier lui rpond: Oui, pour ces plaintesComme elle se plaint de maux de ventre, de douleurs gyncologiques et puis une fois il a bien fallut quelle y passe parce quelle disait quelle avait t viole

Les thrapeutes font alors remarquer que la dimension culturelle ne semble plus tre si primordiale dans ces moments. Un mdecin intervient alors pour mettre en avant la dimension mdicale de ces examens, et de la ncessit de les pratiquer.

Il ne sagit pas de remettre en cause cette dimension imprieuse qui confre un groupe le pouvoir doutrepasser les codes culturels dun patient, de sapproprier son corps pour son soi-disant bien, mais de prsenter lambivalence autour dune telle proposition thrapeutique. Par ailleurs il est trs intressant de voir les consquences dune telle proposition. Les soignants sont passs dun je nen peux plus, il ny a plus rien faire, une attitude de protection et de soutien face une intervention vcue comme perscutive. Les soignants se sont mis la place du patient, ils se sont identifis lui. Il est alors possible dmettre lhypothse que la proposition thrapeutique a opr une influence en direction des soignants.

Laction du thrapeute ne sarrte pas l, il relance vers deux directions:

- la dimension imaginaire du vcu traumatique: Lenveloppement a t expriment plusieurs fois par tous les thrapeutes, ils nen parlent pas comme vous.

- La comparaison avec des actes de soins habituellement utiliss: Personne ne se pose la question de la dimension traumatique dun isolementfaut-il rappeler que le patient est nu dans une chambre isole, quil a t shoot de force avec des neuroleptiques et que quelquefois il est attach avec une ceinture de contention, un pyjama ou une camisole de force?

Enfin son intervention se termine par une opration qui situe lenveloppement dans une procdure globalement traumatique justifie: Le traumatisme est le seul moyen pour changer une enveloppe. Cette intervention du coup rsonne comme une interprtation en direction des soignants, du patient et du contexte. Le but du thrapeute est de modifier le comportement des soignants, au mme titre que dinfluencer le patient. Cest comme sil disait que le seul moyen de sortir de limpasse cest de subir un choc.

Lindication principale concerne essentiellement la dissociation pour des patients psychotiques. Les patients peuvent tre ou hospitaliss ou en suivi ambulatoire. Bien quessentiellement propose pour des patients psychotiques, lenveloppement peut tre indique pour des pathologies centres sur le corps: anorexie mentale, boulimie, toxicomanie

Lenveloppement humide ou pack rpond une double proccupation:

Dune part, de permettre lquipe de pouvoir laborer ses contre-attitudes lis limpasse thrapeutique ;

Dautre part, lenveloppement humide intervient auprs du patient dans llaboration dune dlimitation entre le dedans et le dehors, dune limite son image corporelle.

Ces deux proccupations thrapeutiques vont permettre une diminution des troubles en permettant de lutter contre les rgressions dans la ralit du malade tout en intgrant sa dynamique avec celle de lquipe qui va pouvoir sidentifier leffort du patient.

Le protocole prvoit quaprs 3 sances denveloppements humides il sera possible pour le patient de discuter de la poursuite du traitement dans cette direction. Une sance est alors mise en place afin de permettre la discussion autour de la poursuite ou de larrt de ce traitement. Nanmoins, lenveloppement est prpar dans le cas o largumentation du patient valoriserait le traitement. Il est frquent en effet que ce soit le choc thermique qui soit mis en avant pour rompre la continuit du traitement, mais avec une argumentation qui renforce le choix de lenveloppement.

Par exemple:

Thrapeute (T): On reprend ou on ne reprend pas lenveloppement? Quest-ce que a vous fait lenveloppement?

Sad (S): La semaine dernire a ma fait du bienJe me suis senti plus lger, plus souple, moins lourd.

T: En somme vous nous donnez tous les lments pour continuer.

S: Cest dsagrable ressentir le froid sur la peau.

T: Et lenveloppement?

S: a fait un peu prison

T: A quoi a sert cette prison?

S: Je ne sais pas

T: Partez de ce que vous avez ressenti, Quavez-vous ressenti?

S: la dtente, surtout aprs.

T: Donc on poursuit lenveloppement.

Comme il est montr dans la transcription de ce recueil verbal, les changes cherchent la fois orienter la prise de dcision mais aussi orienter lattention du patient sur la formation de reprsentation et lorganisation de ses ressentis corporels. En somme dtre lcoute de ce quil a vcu pendant les sances prcdentes.

Les thrapeutes doivent imprativement avoir exprimenter le dispositif. Il constitue un groupe la disposition du patient sans dsigner un thrapeute principal et des thrapeutes auxiliaires. Llaboration de ce groupe est fonde sur lintervision et non sur la supervision. Il sagit en effet, dun change organis et non hirarchis des laborations individuelles, mettant ainsi laccent sur la dynamique interactive. Il y a une mise en commun des rflexions, dgages des verticales hirarchiques, o les apports de chacun ont une place gale, mais respectueuse des formation, intrts professionnels et personnels diffrents. Ils sont tenus dorganiser un temps dlaboration tout de suite aprs la sance, puis un autre temps de runion de rflexion sur le protocole et le dispositif.

Le temps de dlaboration sappuie sur la continuit temporelle des impressions ressenties et recueillies au cours de la sance. Ce temps est directement orient sur le patient et son vcu.

La runion de rflexion staie sur la dynamique dchanges de tous les thrapeutes utilisant la mdiation de lenveloppement humide. La runion est ainsi le moment de se pencher sur le dispositif, sur ses indications, mais aussi sur les amnagements du protocole.

Les interventions thrapeutiques sont constitues la fois par les changes langagiers mais aussi par les facteurs propres la situation. Il existe une variation thermique et une sensation particulire lie au contact des linges humides sur la peau. Ces deux lments concourent renforcer la sensation dunit. Le dispositif offre aussi loccasion de concrtiser langoisse. En effet celle-ci est lie limpression du froid et de la contention. Anzieu note que le pack fournit au patient la sensation dune double enveloppe corporelle: une enveloppe thermique (froide puis chaude par suite de la vasodilatation priphrique ractionnelle au contact du froid), enveloppe tactile (les linges mouills et serrs qui collent la peau tout entire).

4) Les effets de lenveloppement

La contrainte sensorielle avec ses manifestations corporelles constituent la concrtisation de lintervention thrapeutique. Elles staient sur le double registre redondant du choc thermique et de lenveloppement.

a) Le choc thermique:

La rencontre avec les linges froids provoquent des ractions corporellesdiverses : le patient peut se mettre trembler, tre secou de frissons qui vont diminuer puis disparatre au fur et mesure du rchauffement, le malade peut se mettre claquer des dents, peut devenir ple, souvent cest lhypertonie qui le gagne, il se tend, sarc-boute Ses ractions saccompagnent dun discours qui manifeste ses inquitudes: Quest-ce que cest froidCest terrible comme froid, cest pas possible, je vais attraper quelque choseCest lenfer P., le patient de lobservation clinique 1 exprime ces effets en utilisant au cours des premires sances des verbalisations concrtes: Cest glacialje ne peux rester dedansIl faut que je sorte; il voque le fait quil touffe dedans, il bouge les membres pour chercher mnager des espaces dans les lingesPuis au fur et mesure des interventions les verbalisations tendent tre mtaphorique: Cest froid comme la mort la dedansa me dmange de rester coll au drap.

Les interventions des thrapeutes tentent de soutenir le patient en tant attentif et rassurant, par des gestes: comme de remettre loreiller en place, en rajoutant une couverture mais aussi en intervenant avec des propos exprimant le sentiment de froid: Cest froid, nest-ce pas? Finalement, au dbut cest toujours une surprise, ce froidet dans le mme temps de renforcer ses laborations: Jai limpression quavec ce froid vous tes plus vivant Vous nous dtes que vous vous sentez totalement, complet

Aprs une brve priode de froid intense, un rchauffement physiologique sopre qui renverse la situation en matrialisant la sensation de bien-tre. Au choc initial du froid, fait place une batitude lie la chaleur. Cette sensation nest pas une constante comme le montre cette vocation verbale de Mr S.: Jai peur de me dtendre, de ne plus sentir mes extrmits Lintervention dun thrapeute vient souligner linquitude de la perte de lunit corporelle: Peur de perdre vos limites? laquelle le patient rpond positivement: Oui, cest cela? L encore, les interventions visent tayer le patient et favoriser des laborations. Ainsi, les thrapeutes dans cet exemple vont intervenir pour renforcer le lien entre dtente et perte dunit corporelle: Pour vous, tre dtendu cest ressembler un sucre dans une tasseCest fondre Derrire lintervention se dessine limplicite de la liqufaction de lenveloppe permettant la distinction entre un dedans et un dehors. Sentir son corps dtendu peut avoir chez des patients psychotiques, des effets tout fait inverses, voire angoissants, pouvant aller jusqu ne plus sentir son corps.

Mais le plus souvent, le rchauffement est vcu comme un apaisement, une profonde batitude se voit sur les visages. Cest cet instant que sinstalle le silence qui peut quelquefois tre interrompu soit par le patient, soit par les thrapeutes. Les interventions des thrapeutes doivent sinscrire dans le contexte et ne pas tre intempestives, elles visent llaboration de reprsentations ou la cration de liens entres elles: association entre dtente et plaisir, apaisement et exprience de vie antrieure

Une vignette clinique va illustrer ces changes. Il sagit dune jeune adulte de 23 ans, Mlle. J. qui est hospitalise pour un pisode aigu psychotique. Elle vit dans un internat et demeure chez sa mre, suivie elle-mme pour des pisodes mlancoliques, pendant les vacances et les fins de semaine. Les parents se sont spars dans un contexte daccusation dabus sexuel du pre sur lenfant. Une indication denveloppement est propose pour tenter de mettre un terme aux ides dlirantes qui sont interprtes comme une tentative active de lutte contre une angoisse de morcellement (Le dlire est la colle de la mosaque psychotique dira un des thrapeutes). Par ailleurs des manifestations corporelles sont interprtes comme des invitations relationnelles archaques mettant an avant lutilisation de la rgression comme unique mode de communication. La patiente ne se lave plus, ne prend plus soin delle, prsente des troubles des conduites de propret. Elle tablit un mode de communication o le contact est prdominant: elle touche , senroule, cherche se lover chez son interlocuteur comme pour y faire son nid ( propos de divers intervenants rapports des runions de synthse par divers intervenants).

Au cours de la premire sance, la patiente ne semble pas ragir aux diffrentes manifestations propres lenveloppement. Elle semble apathique et dans une coopration soumise; impassible, elle attend, et rpond aux diffrentes interventions langagires de faon monosyllabique. La semaine suivante, au cours de son 2me enveloppement, elle commence la sance en interrogeant le dispositif: Pourquoi a doit faire froid comme a?; sa coopration bien que maintenue nest plus soumise, elle est ainsi plus active, plus prsente physiquement. Durant la phase de rchauffement, elle intervient plus facilement spontanment pour livrer des impressions: Ca commence chauffer Un des thrapeutes intervient: Comment vous le sentez que a chauffe?

J.: je le sens dedans moi, partoutCest mieux que le froid

T.: Ce chaud cest comme les bras dune maman pour un bb

La patiente fait une moue avec son visage, elle a lair sceptique. Le thrapeute reprend: Vous ntes pas daccord, je le vois sur votre visage que vous ntes pas daccord

J.: Je me souviens une fois, ma mre elle me portait dans les bras, elle pleurait, elle me portait dans les bras et elle pleurait, puis elle est all vers la fentre pour se jeter avec moi dans les bras

Si linterprtation du thrapeute nest certes pas trs approprie en la circonstance, elle indique une direction laborative que va saisir la patiente pour voquer ce souvenir qui ne lavait jamais t auparavant.

b) La contention

Elle est redondante au choc thermique. Les linges humides englobent le corps, se moulent sur lui pour permettre une perception globale. Lexception de la tte est intressante analyser. Une exception confirme dune part lenveloppement tout en laissant le patient dans la possibilit davoir une ouverture au monde extrieur. Il convient de noter que le visage est la seule partie du corps qui dispose de tous les sens. Cette particularit est renforce par le dispositif. Labsence de manifestations des tats motionnels au niveau du visage est une grande constante dans la clinique schizophrnique. Limpassibilit du visage est du reste trs perturbant chez les bbs qui la vivent sous un mode perscutif. Les premiers pisodes de regards mutuels (contact il il) soutiennent les interactions prcoces mre bb.

En somme, le visage, vritable carrefour dexpressions est souvent le seul moyens dchanges entre le patiente et le thrapeute. Le patient peut ouvrir ou fermer les yeux, faire des grimaces, froncer les sourcils, fermer les yeux Ces manifestations sont saisies par les thrapeutes qui tentent de leur donner sens: Vous fermez les yeux peut-tre parce que vous tes fatigu de nos interventions? Je vois votre visage quil y a quelque chose qui vous tracasse Les expressions du visage sont donc traduites comme des intentions de communication et dcryptes par les thrapeutes. Certaines demandes peuvent tre exprimes sans avoir recours des changes verbaux, mais ils sont aussitt labores au niveau verbal. Le patient bouge de nombreuses fois la tte, qui est lgrement pench, une tension est perceptible, le patient fait des efforts pour modifier sa position sans le dire. Au cours de ces moments, cest justement la question de la contrainte qui est interroge. Un thrapeute dit alors: Vous savez venir lhpital quand vous avez besoin de la contrainte Vous reconnaissez le besoin quon soccupe de vous.

S.: Ouais.

T: Alors comment tre indpendant et autonome? Vous reconnaissez ce besoin mais vous ne lacceptez pas Par exemple, le coussin sous votre tte est mal plac, vous le sentez, vous tes oblig de tourner la tte, et pourtant vous ne demandez rien aucun moment, vous attendez que jexerce une contrainte. On va demander Jean-Yves ( un des thrapeutes) de bouger le coussin." Le thrapeute bouge le coussin, le patient dit alors lus ( la place de plus) droite encore. Cette trange conclusion syllogique permet de saisir les donnes de linteraction thrapeutique, car elle exprime la fois la distorsion mais aussi la confirmation du contact thrapeutique. Cest comme si le patient avait sa manire confirme linterprtation.

c) La fin de la sance

Elle est annonce suffisamment tt pour permettre au patient den anticiper les consquences et de se prparer au massage. Cette fin de sance se caractrise en effet par la mise en place dun troisime facteur, redondant au premier, qui va en somme poursuivre les effets du dispositif. Le massage est plus une friction, il seffectue dans un premier temps avec laide dune serviette et a pour but de scher le patient et de le stimuler avant de se sparer. Dans un second temps, un des thrapeutes propose un massage global, rapide et constitue une variation du maintien de la perception globale du corps. Ce massage est effectu avec une huile spciale, odorante.

Comme au cours de lenveloppement, le patient est libre de continuer sexprimer, ou se taire, la consigne initiale nest pas rpte. Nanmoins, les patients utilisent ce temps pour parler de lavenir thrapeutique, de ce quils ont senti pendant la sance, et du prochain rendez-vous, de se qui va se passer ventuellement dans la semaine

Enfin un nouveau rendez-vous est pos et un nouveau dispositif est mis en place: les linges sont placs dans la bassine, de leau les recouvre, et la bassine est dispose dans un rfrigrateur. Le patient quitte la salle aprs avoir serr la main des thrapeutes. Il peut en fonction de son mode dhospitalisation ou de son dsir, tre accompagn dans son pavillon.

II/ PROPOSITION THEORIQUE

Ds lors que lintervention thrapeutique staie sur la problmatique corporelle, il devient ncessaire de prciser les notions qui vont en rendre compte: schma corporel, image du corps, vcu corporel et de montrer quelles en sont les expressions pathologiques. Ces troubles sont si vastes que ce mmoire, cherchant rendre compte dune application thrapeutique, va se concentrer exclusivement sur la dissociation dans la psychose.

Une deuxime remarque concerne lhritage occidental de la notion de corps. Les savoirs et les pratiques qui ont pour objet le corps ont se dbattre, dans la culture occidentale, avec deux traditions philosophiques, la cartsienne et laristotlicienne. Cette hantise est explicite pour les disciplines mdicales ou paramdicalesqui hsitent entre une perspective dualiste et une conception plus unitaire de leur objet. Le sujet de ce mmoire nest pas de discuter, ou mme dapporter des preuves en direction de telle ou telle position thorique mais seulement de prciser le champ de dfinition de certains concepts qui vont tre ncessaire pour rendre compte du dispositif thrapeutique.

Cet hritage montre linfluence de la dimension culturel dans lapprhension de la notion de corps et dans llaboration de sa dimension pathologique. En somme, dj, le mmoire se trouve confront une obligation: celle de prendre le risque de subir linfluence de rfrences culturelles multiples. Mais il ne peut y chapper; la clinique des dsordres mentaux peut se rduire une classification de signes cliniques, ou se trouver enrichie par lexploration de significations issues du thrapeute en interaction avec le patient. Car cest linteraction thrapeutique qui est lobjet du mmoire et non une validation implicite dun modle thorique de ltre humain.

A) Les facteurs de la corporit

En psychiatrie le corps nest certes pas celui de lanatomiste, ni mme du moraliste. Et pourtant les donnes biologiques et physiologiques trouvent en quelque sorte un cho dans celles issues du dveloppement individuel et des donnes anthropologiques.

1)Le dveloppement du schma corporel: de la coenesthsie au schma corporel

H. Piron, dans son Vocabulaire de la psychologie, dfinit le schma corporel comme Reprsentation que chacun se fait de son corps et qui lui permet de se reprer dans lespace. Fonde sur des donnes sensorielles multiples proprioceptives et extroceptives, cette reprsentation schmatique est ncessaire la vie normale et se trouve atteinte dans les lsions du lobe parital. Cette dfinition ne recouvre quincompltement ce quon entend par schma corporel, car elle nenvisage pas, au-del de ses caractres sensoriels et reprsentatifs, son aspect symbolique.

Il faut bien reconnatre que lambigut de cette notion qui reste attache aux premiers modles dualistes somatopsychiques des dbuts de la psychologie. Elle demeure situe dans une zone dinterfrences entre la conscience et le sensible et nchappe pas au balancement dialectique de lvolution entre le corps et lesprit. Conue tout dabord comme intgration dexpriences sensorielles, puis, loppos, comme une donne immdiate de la conscience, elle est entre partir des annes soixante enfin dans une phase de synthse. Malgr son ambigut, on ne peut donc se passer de la notion de schma corporel.

Si le schma corporel reoit son nom de Bonnier en 1893, il est conut comme reprsentation permanente et figuration spatiale du corps. Le schma corporel est compar un standard auquel sont rapportes perceptions et intentions motrices, garantie de la situation spatiale prcise des premires et de lefficacit des secondes. Le schma corporel est alors la fois mallable et permanent et chaque exprience nouvelle vient la fois le modifier et le prciser.

Cest dabord la pathologie neurophysiologique qui va prciser le concept. Les observations des diffrentes dsintgrations du schma corporel, ltude des comportements et les dclarations des malades vont permettre dapprocher les diffrentes composantes de la somatognosie et de prciser la notion de reprsentation du corps propre. Toute ltude de la reprsentation du corps est en somme lie la pathologie neurophysiologique, aux altrations, aux troubles, aux atteintes des diffrents hmisphres, des zones du cortex.

Le modle explicatif est li au raisonnement suivant: si un organisme vivant connat le monde extrieur par lusage des organes des sens qui lui fournissent des sensations, quelle est la fonction sensorielle qui permet de connatre son propre organisme? Une sorte de fonction symtrique de la sensorialit externe qui assurerait la rception globale de toutes les sensations internes.

Dans un premier temps, le physiologue Reil au dbut du 19me sicle, forge le concept de coenesthsie (du grec Koin, commun et aisthesis, sensation) pour dsigner le chaos des sensations qui, de tous les points du corps, sont transmises au centre nerveux des affrences sensorielles. La coenesthsie reste sous sa forme globale, la conscience du corps, cest dire une simple spcialisation de la conscience. Autrement dit, expliquer lexprience corporelle laide de la coenesthsie revient expliquer la conscience par la conscience, mettre la cause dans les effets eux-mmes.

Il fallait alors chercher au-del de la conscience prsente une structure par laquelle le sujet assure effectivement dans son corps sa prise sur le monde. Dans ses travaux otologiques, Bonnier a t conduit chercher le dispositif qui garantit lancrage des postures dun sujet normal dans un cadre spatio-temporel. Il met lhypothse dun trouble dun schma, cest dire de la figuration topographique du corps, trouble quil appelle laschmatie. Le modle perceptif du corps est essentiellement une configuration spatiale; il est ce qui sert dessiner les contours du corps, et la distribution des membres, des organes, et localiser les stimulations aussi bien que les attitudes qui doivent y rpondre. Il dsigne plus quune somme de sensations internes du corps comme avec la coenesthsie.

Si cette thse a t vivement dbattue, lhypothse fondamentale dun schma du corps a connu un certain succs et a suscit de nombreuses descendances: image spatiale du corps de Pick, de schma postural de Head, dimage du corps de Schilder, dimage de soi de Van Bogaert et dimage de notre corps de Lhermitte, pour ne citer que les plus clbres. Ces notions ne recoupent certes pas les mmes faits et rsultent le plus souvent dobservations de cas pathologiques distincts et de problmatiques parfois opposes.

2) Lapport phnomnologique: le schma corporel comme vhicule de ltre-au-monde

Ce sera lapport de la phnomnologique que de montrer linsuffisance du modle neurophysiologique et de proposer une conception introduisant de la dimension temporelle. Lapproche phnomnologique va consister essentiellement mettre en vidence laspect vcu du corps et ressenti comme tel par le sujet, cest dire de cette totalit la fois objet et sujet de lexprience.

Ainsi le schma corporel est une manire dexprimer que le corps est au monde; la spatialit du corps propre est une spatialit de situation. Pour Merleau-Ponty, le corps phnomnal est le fond de sommeil sur lequel se dtache le but, le geste, la tche, laction.

Pour la phnomnologie, cette conception du schma corporel doit faire dpasser lide simple de schmas dadaptation. Le schma corporel nest pas cre par nous, selon la situation vcue, cest lui qui cre la situation vcue. Dans cette perspective, nombre de troubles mentaux peuvent tre compris en fait comme des altrations du schma corporel.

Pour cela la conscience doit tre dfinie comme rfrence un objet, cest dire comme tre-au-monde et le corps, non comme un de ces objets, mais comme vhicule de cet tre-au-monde. Il existe une consonance entre le corps, le monde naturel et culturel. Et cette consonance nexiste que par lexistence dun entrelacs de sens qui sous-tend une activit motrice virtuelle ou relle. Le corps est cet trange objet qui utilise ses propres parties comme symbolique gnrale du monde et par lequel en consquence nous pouvons frquenter ce monde, le comprendre et lui; trouver une signification (Merleau-Ponty).

3) Le corps et la psychanalyse : limage ducorps

Le corps est, en psychanalyse, une ralit difficile penser, car elle dfie les approches physiologiques et philosophiques, et dcisive pourtant, puisque la sexualit humaine a pour terrain le corps rogne, le corps capable dangoisse et de plaisir.

Les donnes psychiatriques cliniques ont permis de voir que des troubles, lectivement centrs sur la mconnaissance dune partie du corps, affectent la personnalit entire. La position phnomnologique avait permis de sapprocher du vcu et du ressenti mais nabordait pas la difficile question du dveloppement.

Si Schilder reconnat lexistence de lsions focales des dficits du schma corporel dans les anosognosies, elles sont, dit-il, leffet dun dsir inconscient qui se manifeste sur une base organique. Dans cette perspective, cest la libido qui mettra en forme lagrgat plastique des donnes sensorielles, selon ses lois propres.

Le schma corporel doit donc tre considr comme une structure libidinale dynamique qui ne cesse de changer en fonction des rapports avec le milieu physique, vital et social. En dautres le schma corporel est un processus continuel de diffrenciation et dintgration de toutes les expriences incorpores au cours de la vie (perceptives, motrices, affectives, sexuelles, etc.)

Un bref retour aux sources psychanalytiques permettra de trouver les prmisses de la thse dun investissement libidinal du schma corporel. Pour Freud, le corps est un ensemble de zones rognes, cest dire de lieux dexcitations sexuelles. Celles-ci sont surtout concentres sur les orifices du corps (zones orale, anale, gnitale). Lexprience passe et surtout lhistoire de lenfance, permet de privilgier telle ou telle zone par rapport aux autres: la sensibilit sexuelle dessine ainsi limage dun corps qui tend modifier celle qui rsulte du modle postural. Les individus chez lesquels domine telle ou telle pulsion partielle sentiront comme au centre de leur image du corps tel point du corps, telle zone rogne qui correspond particulirement cette pulsion: comme si lnergie samassait en ces points particuliers. Il y aura des lignes dnergie reliant les diffrents points rognes, et la structure de limage du corps variera selon les tendances psychosexuelles des individus. (Schilder).

Le schma corporel doit donc tre considr comme une structure libidinale dynamique qui ne cesse de changer en fonction des rapports avec le milieu physique, vital et social. En dautres le schma corporel est un processus continuel de diffrenciation et dintgration de toutes les expriences incorpores au cours de la vie (perceptives, motrices, affectives, sexuelles, etc.)

Limage du corps selon Schilder correspond une inscription progressive laquelle sassocie une structuration libidinale qui se construit autour des zones rognes. Elle slabore partir dune Gestalt, dune forme organise et structure en fonction des lments significatifs des perceptions individuelles. Dans cette optique, la valeur relationnelle du schma corporelle est particulirement mise en valeur. En outre, Schilder souligne le caractre dynamique du schma qui sacquiert progressivement dans un processus actif dvolution, li la libido. La confrontation avec la ralit construit le schma corporel par lintgration dlments de la ralit, sans cesse renouveles, au niveau de lactivit psychique. Schilder, reprenant loptique thorique de Freud, montre que limage du corps est le rsultat de lexprience vcue, au travers des alas de la communication avec lentourage.

Limage du corps selon Schilder correspond une inscription progressive laquelle sassocie une structuration libidinale qui se construit autour des zones rognes. Elle slabore partir dune Gestalt, dune forme organise et structure en fonction des lments significatifs des perceptions individuelles. Dans cette optique, la valeur relationnelle du schma corporelle est particulirement mise en valeur. En outre, Schilder souligne le caractre dynamique du schma qui sacquiert progressivement dans un processus actif dvolution, li la libido. La confrontation avec la ralit construit le schma corporel par lintgration dlments de la ralit, sans cesse renouveles, au niveau de lactivit psychique. Schilder, reprenant loptique thorique de Freud, montre que limage du corps est le rsultat de lexprience vcue, au travers des alas de la communication avec lentourage.

5)En conclusion

La notion de schma corporel peut se rclamer du dualisme cartsien, parce quelle correspond la prise de conscience de modifications psychologiques, ou du vitalisme aristotlicien, puisquelle dsigne une intgration de diverses donnes. Mais la perspective gestaltiste est impuissante concevoir limage du corps, car celle-ci est un fantasme. En dpit de sa thorie de limagination, Aristote ne peut nullement nous aider penser ce que Freud nomme fantasme, et la psychologie de la forme non plus. Ce que lon appelle le morcellement de limage du corps, dans la psychose, na pas pour oppos limage du corps unifie qui consisterait dans la structuration et la totalisation des fonctions corporelles. Le morcellement voque plutt un autre monde.

Si un sujet humain ne peut avoir accs son corps que comme une forme, ce nest pas que cette forme lassure dun fondement intelligible, mais plutt que, comme le dit Freud : Le Moi est avant tout un moi corporel; il nest pas seulement un tre de surface, mais il est lui-mme la projection dune surface. En dclarant que la notion dappareil psychique ou celle de pulsion appartiennent la sorcire mtapsychologie, Freud indiquait bien que pour penser la ralit du corps, il faut sortir de la mtaphysique. Les arts plastiques, les langues, les symptmes, quelle que soit leur htrognit, sont des formations de pense qui nont pas tre construites conceptuellement ni mesures, du point de vue thique, par rapport au connatre.

Au terme de cette brve prsentation, la ralit corporelle, bien vivante et concrte, se dilue dans des mythologies dont la signification appartient la culture. Lexprience corporelle de chacun est pntre par autrui et par la socit comme source, organe et support de toute culture. Ainsi, lapproche neurologique montre que les troubles ou formes pathologiques qui affectent la conscience sensible ou pratique du corps ne peuvent sexpliquer et se soigner que par le postulat dun schma mallable produit et sans remani par lexprience du milieu, de la relation au monde et aux autres: relation multiple de sensation et daction, mais aussi de dsir et didentification avec et de projection sur autrui, comme lindique la structure libidinale de limage du corps de Schilder.

Mais le corps par son jeu subtil de combinaisons mtaphoriques et mtonymiques, prend son sens comme symbole de la socit. Ds lors, la totalit de ltre corporel devient un symbolisme double face, celui de la libido, et celui de la culture. Double face qui se rflchisse lun, lautre dans la mesure o culture et psych sont des doubles.(T. Nathan)

La conscience du corps est une notion abstraite qui a t dsign selon les modles thoriques: schma corporel, corps vcu, image du corps, corps ressenti. Par ailleurs, la conscience du corps implique la relation que le sujet a tabli avec son corps tout au long de son dveloppement depuis sa naissance jusqu lge adulte et quil poursuivra tout au long de sa jeunesse. Somme toute cette notion renvoie systmatiquement une position thorique. Dans le cadre de la psychiatrie les plaintes expriment les troubles et le morcellement du vcu corporel sans pour autant que le patient puisse les rattacher des troubles de sa personnalit. Ds lors, en psychiatrie, le corps est pris dans son sens le plus large, la totalit de la personne, et comme tel, il a des aspects conscients et inconscients.De mme que la relation qui est tablit avec les autres et le monde a une gense et une histoire, de mme la relation notre propre corps a une histoire propre et parallle.

B/ Le corps dsempar du psychotique

Le corps est porteur des liens, il est le lien concret qui relie culture, psych et soma. Pas seulement dans une perspective longitudinale qui en ferait le rsultat de la Socit, de ses pressions, de ses influences, mais aussi en tant quil porte la construction historique, de son dveloppement, de sessoubassements dans la culture. Cest que la prsentation des donnes anthropologiques du corps. La culture sinscrit dans le corps, dans sa vie quotidienne, dans ses ritualisations, dans ses techniques du corps pour reprendre les mots de Marcel Mauss Mais que faire de ces donnes auprs dun patient psychotique en rupture de traitement?

1) Le psychotique et son corps:

Le corps est ce qui rattache la ralit, cest par lui que seffectue laction et la satisfaction des besoins. Le corps est aussi ce qui accroche lhomme son histoire, il en porte les marques et il porte linluctabilit de la mort. Le psychotique vit un trange paradoxe: il est tout-puissant et nie lhtro-engendrement et a un corps. Lissu quil adopte est de maintenir son corps comme un objet tranger.

Deux thmes apparaissent rgulirement dans les propos des patients psychotiques:

labsence de perception: Je ne sens rienJe ne sens pas Je me sens comme dhabitude. Propos qui traduisent le vide, lanantissement. La perception du corps est remplace par un vide angoissant aspirant tous les investissements disponibles: Je suis vide de ma substanceIls me vident peu peuIls me mangent de lintrieurCest pour a que je ne sens plus mon curTout disparatJe deviens transparent; Des ides dlirantes de ngation dorgane apparaissent dans le syndrome de Cottard;

Le caractre inquitant et douloureux de la perception, qui peut se manifester par des thmes de transformations corporelles. Certains patients voquent lors dpisodes aigus, leur inquitante sensation de perte de cohsion: Je sais que je suis malade, dedans moi cest mes organes qui disparaissent, ils fondentJe me transforme, cest un autreMes yeux voient que mes mains ne sont plus comme dhabitudeJe suis un tranger moiMon cur nest plus lIls me lont arrach pour me le remplacerIls ont plac des trucs et des machins pour savoir ce que je pense de tout cela. Les patients voquent rgulirement de tels propos. Larrachement de la peau; le remplacement dun organe, de lintrieur; la sensation dtre vide de sa substance sont autant de propos cliniques qui illustrent cette manifestation.

La transcription dune extrait dentretien clinique va illustrer ces propos:

S: Je suis fatiguJe mennuiea va pas trop

T: Quest-ce qui se passe?

S: Tout se dsagrgeEnfin cest ce que je sensJe sens que tout se dsagrgeJe disparaisDs fois, je ne sens plus mes jambesIl y a des trous dans mon corpsCest a le problme, mon corps se troueEt puis je sens bien que mes mains elles font ce quelles veulentCest pareil pour mes jambesJe suis envahit par le "candidate"Cest a qui me rend malade

Un autre patient, la suite d'un incident o elle avait griff le visage d'un autre, ne cessait de rpter : Cest pas moi, cest mes mains. Ces deux bornes de perception peuvent porter soit sur le corps en son entier, soit sur les liens entre les parties du corps comme vcu de morcellement dun corps compos de parties disjointes. (G. Pous)

2) La psychose comme non-accession la transitionalit

Il faut penser la psychose partir dun cadre de rfrence qui ne fasse pas appel une perspective en termes de dedans et de dehors, mais plutt en terme de transitionalit.

Les travaux de Winnicott sur les objets et les phnomnes transitionnels montrent quils se constituent au sein dune zone qui spare ce qui est vcu subjectivement de ce qui est peru objectivement. Lutilisation dun objet symbolise lunion de deux choses dsormais spares, le bb et la mre, en ce point dans le temps et dans lespace, o sinaugure leur tat de sparation (D.W. Winnicott)

Les phnomnes transitionnels dsignent ds lors une zone qui nest ni lintrieur, ni lextrieur de lenfant. Il sagit dun registre intermdiaire entre la ralit intrieure des fantasmes et des reprsentations, et la vie extrieure des relations interpersonnelles. De notre point de vue, lobjet vient de lextrieur, mais lenfant ne le conoit pas ainsi. Il ne vient pas non plus de lintrieur: ce nest pas une hallucination. (D.W. Winnicott)

Lobjet transitionnel chappe la dichotomie interne/externe. Ainsi, le concept de transitionnel ou de transitionalit dvelopp par Pelsser, dsigne un registre de lexprience humaine possdant ses caractristiques particulires et pouvant exister tout au long de lexistence. Lauteur fait remarquer quainsi lactivit ludique parvient se distinguer de la ralit sans entraner une perte de contact avec elle. Le patient psychotique ne se situe pas dans le registre de la transitionalit. Il est o en de, cest dire dans la ralit brute et plate, o au del, cest dire dans le dlire et la croyance. (Pelsser)

Winnicott souligne que lobjet transitionnel est au dpart de la capacit de symboliser puisquil est dj une bauche de symbolisme. Jestime quil savre utile de disposer dun terme pour dcrire lorigine du symbolisme dans le temps, dun terme qui voquerait le chemin parcouru par lenfant lorsquil passe du subjectif pur lobjectivit, et il me semble que lobjet transitionnelest justement ce que nous percevons de ce cheminement progressif vers lexprience en train de se vivre. (D.W. Winnicott)

Pelsser aborde la psychose non comme confusion entre le rel et limaginaire mais comme incapacit se situer dans un espace-temps qui chevauche lintrieur de lextrieur. Cest parce que le psychotique nest pas capable de se situer dans un espace-temps qui chevauche lintrieur et lextrieur quil nest pas capable de maintenir la ralit intrieure et la ralit extrieure distinctes (R. Pelsser)

Il en dcoule des consquences importantes sur le plan de lapproche thrapeutique de la psychose. Il devient essentiel de favoriser une exprience de la transitionalit. Une exprience o le psychotique pourra tablir une barrire entre lintrieur et lextrieur. Les expriences corporelles permettent lexploration des sensations corporelles et la constitution dun corps ayant des limites, sous condition quelles puissent tre symbolises par le patient. Il pourra ainsi dpasser un temps et un espace o linterne et lexterne ne se distinguent pas du tout pour acqurir des limites sparant le dedans et le dehors.

3) La dissociation de limage du corps

Etymologiquement, le terme de schizophrnie rend bien compte de la dissociation. Il provient du grec schizen: fendre et phren: pense, esprit.

Cest du reste partir de cest distorsion des liens associatifs que Bleuler va constituer le syndrome schizophrnique. En 1901, il cre le terme de schizophrnie comme un groupe syndromique qui diffre partiellement de la dmence prcoce de Kraepelin, et quil dfinit ainsi: Par le terme dmence prcoce nous dsignons un groupe de psychoses dont lvolution est tantt chronique, tantt faite de pousses intermittentes, et qui peut cesser ou rtrocder tout moment, mais sans permettre une totale restitutio ad integrum. Cette maladie se caractrise par un type spcial daltration de la pense, des sentiments et de la relation au monde extrieur, quon ne retrouve nulle part ailleurs sous cet aspect particulier.

Les troubles fondamentaux du syndrome schizophrnique sont constitus par un relchement des associations, une baisse de laffectivit, une ambivalence et lautisme. Il oppose essentiellement deux types de manifestations:

les troubles primaires refltant le processus schizophrnique comme la dissociation;

les troubles secondaires qui sont psychogniques: modifications des fonctions psychiques, ou tentatives dadaptation au processus pathologique. (Guelfi)

Guelfi fait ressortir trois grandes dimensions smiologiques: la dissociation, le dlire et lautisme. Il considre la dissociation comme le trouble fondamental. La dissociation est rapproche de nombreux autres concepts: scission, clivage pour Bleuler, discordance pour Chaslin, dtachement du rel pour Janet. Par ce mot, on entend la dislocation, la perte dunit de la personnalit du sujet, qui se traduit dans le domaine de la pense et de laffectivit comme dans les comportements. Elle a pour caractristique dtre trs variable et de faire cohabiter ou se succder incohrences et bizarreries avec des performances intellectuelles ou une finesse affective parfois remarquables.

Il est certain que pour Bleuler comme pour Guelfi la dissociation est avant tout une dissociation de la pense. Le trouble associatif sexprime souvent par de brusques ruptures de sens, des associations illogiques et des digressions sans rapport entre elles. La dissociation participe lhermtisme de la pense en empchant le sujet de limiter son champ dattention, sans cesse envahi par une abondance de perceptions extrieures et intrieures quil ne peut intgrer.

Cependant, la dissociation sexprime de mme dans le domaine de laffectivit et se traduit essentiellement par un appauvrissement de laffectivit et des ractions motionnelles. Le patient passe de lindiffrence autrui avec une pauvret de contact des ractions motionnelles brutales: crises de colre clastiques lors dune frustration minime, rires immotivs, envahissement brutal par des affects dangoisse

Pour porter remde ltat de bouleversement, de dvastation, de cataclysme renvoyant aux concepts thoriques de discordance, de dissociation, Pankow se propose de reformuler la dissociation au niveau de limage du corps. Par le terme de dissociation je dfinis la destruction de limage du corps telles que ses parties perdent leur lien avec le tout pour rapparatre dans le monde extrieur. Cest cette absence de lien entre le dedans et le dehors qui caractrise la schizophrnie; il ny a pas de chanes dassociation permettant de retrouver le lien entre les dbris de tels mondes dtruits. (G. Pankow)

Ce qui lamne dfinir les deux fonctions de limage du corps:

la premire concerne le rapport dynamique entre les parties et la totalit du corps. Cette fonction concerne uniquement la structure spatiale en tant que forme. Pankow note que si le nvros reconnat lunit du corps mme si ce corps est mutil, lunit de la forme est dtruite chez le psychotique. Le corps dissoci caractrise le monde du schizophrne;

la deuxime fonction de limage du corps concerne le sens de ce rapport. Cette fonction renvoie la structure en tant que contenu. Cette fonction est ainsi altre dans le dlire chronique.

Le processus de la psychose est selon Pankow caractris comme dsagrgation de limage du corps. Sil existe dans des circonstances traumatiques, limites, la possibilit chez tous les tres humains de transformer le vcu au point de ne plus se sentir dans son propre corps, ce refuge est momentan. Lvasion dans une autre manire dtre, permet ainsi de rendre compte de la survie de certains dports. Cest ce que Pankow nomme comme phnomne du corps perdu. Or, la psychose en se servant de cette possibilit de vivre nimporte o modifie et transforme ce phnomne. Car dans le premier cas il sagit dun abri momentan tandis que dans le second, le psychotique ne peut plus sortir de son monde, il ne peut plus se retirer de la manire dtre dans laquelle il sest retir. (Pankow)

Ainsi pour dfinir la destruction dans la psychose est utilis le terme de dissociation pour rendre compte du fait que le corps du schizophrne nest plus vcu comme unit. Il sagit dun conflit de la spatialit du corps vcu. Le terme de dissociation dsigne limpossibilit de rtablir un lien entre les parties et la totalit du corps.

La dissociation peut apparatre sous diffrents aspects:

une partie du corps prend la place de la totalit de telle manire quil puisse tre encore reconnu et vcu comme un corps limitcomme cest le cas dans le phnomne du corps perdu;

ou bien il se produit la confusion entre le dedans et le dehors, spcifique de la psychose. Ce qui se traduit par le phnomne du corps dissoci ayant perdu toute cohsion. Pankow, comme Pelsser note labsence de liens entre le dedans et le dehors, ou plutt une absence de chanes dassociations permettant de retrouver le lien entre les dbris de tels mondesdtruits

La diffrence entre les phnomnes du corps perdu et du corps dissoci rside dans le fait que dans le premier cas, la personne peut supporter de changer de contenant tout en gardant son contenu propre. Le clivage forc est rversible note lauteur. Mais pour le schizophrne changer de peau (changer de contenant) implique dentrer dans une autre manire dtre do il ne revient pas. Ainsi, un changement de peau implique un changement radical dans lespace vcu de ltre. car il y a complmentarit entre le monde des formes et le monde des contenus. Or, le malade vit dans un corps sans limite. Il existe en effet une faille dans limage du corps. Sans son corps, lhomme perd toute identit, il ne sait plus qui il est et qui il nest pas. Le malade ressent son corps comme un rcipient qui a perdu son contenu, ce qui conduit lenveloppe vide. (Pankow).

La dissociation se produit alors que le patient est contraint de se protger. Il quitte son corps pour sabriter. Cest limage que souhaite donne Pankow en utilisant la description du phnomne du corps perdu. Ce besoin de se protger nat de la rencontre avec des situations traumatiques insoutenables. Situations o le corps vcu en tant que contenu a t dvast. Labandon de cette unit est ressenti comme une damnation nonce un de ces patients. Le malade ressent donc le corps auquel il a t arrach, comme une vieille dfroque quil doit jeter. En le jetant, en se sparant de son corps, ressenti comme enveloppe protectrice, il rejette aussila mmoire et les sentiments, cest dire une partie de son existence historique Il y a bien perte du corps vcu mais aussi lindication dune contrainte, dune obligation.

Pour rendre compte de cette contrainte il faut se tourner vers la dynamique pathologique de lespace potentiel durant les premires relations. La fusion est le processus dangereux qui ne se limite pas la soumission par rapport un contenant dangereux. La fusion peut aussi arriver pntrer le contenu mme des objets fusionnels. Ce processus se dveloppe partir dun vide, partir dune faille dans les structures symbolisantes. Lauteur sappuie sur limage du miroir. Cette image consiste en une confrontation de ltre humain avec sa propre corporit saisie du dehors. reconnatre sa propre image est un acte de libert qui suppose lacceptation de sa corporit, non plus comme seulement ressentie ou comme tre-pour-soi, mais comme vue et comme tre-pour-autrui. (G. Pankow) La ralit du corps chez le psychotique fait place une image spculaire qui apporte avec elle une partie de lhistoire. Ces images spculaires sont multiples et ont une ralit indpendante, et menaante pour le patient. A limage du sujet se substitue dabord limage de lautre. Ensuite celle-ci devient une ralit autre. Ainsi, la psychose est compare un engloutissement par le miroir pour rendre compte de limpossibilit de mettre en relation ce que le psychotique peroit dans le miroir avec la ralit de son corps. Puisque la rencontre avec lautre nest pas possible, le psychotique essaie de remplacer lautre par une multitude de miroirs.

Ainsi le rle de la mre au cours des premires relations avec lenfant en maintenant lenfant dans une position de compltude, en ne reconnaissant pas son existence propre, constitue une hypothse fructueuse pour dterminer les circonstances de lclatement de la psychose. Mais la place vide et dtruite du pre quelque soit les circonstances fait encourir un risque dissociatif lors de la constitution de limage du corps. Le rle du pre est considrable pour le malade psychotique. Il est des familles o le pre, bien que prsent ne parvient pas exercer son rle paternel vis vis de lenfant. des circonstances multiples peuvent aussi empcher de reconnatre et dexercer un rle de pre.

Dans le cadre nosographique de la psychose, la perte de contact avec la ralit en constitue un des lments constants, avec la dissociation. Bien que celle-ci du reste puisse tre voque sous de nombreuses appellations: discordance affective, angoisse de morcellement, sparation, clivage, angoisse danantissement par clatement. Perte de contact avec la ralit et dissociation se trouvent lis et trouvent un soubassement dans lexprience sensorielle et ses avatars intgratifs. Les Nvroses sopposent en effet, aux psychoses: les nvroses comme maladie des nerfs, et les psychoses comme maladie de lme. Les maladies des nerfs sont dans la ralit, tandis que les maladies de lme sont en lien avec dautres mondes, en dehors de la ralit. Cette distinction sopre partir de lobservation du comportement des patients, les uns ont une sensibilit exacerbe, tandis que les autres ninterprtent pas correctement les signaux venant de lextrieur, ils ont une sensibilit relie dautres monde, dautres invisibles.

4) Le dedans et le dehors

Nous voyons au terme de cette prsentation de la rencontre avec le corps du psychotique apparatre en filigrane une large conceptualisation centre sur la question du dedans et du dehors. Conceptualisation qui peut de mme tre voque sous dautres appellations: contenant/contenu, ralit interne/externe Dj Pelsser nous indiquait combien ce renvoi de linvestissement du corps chez le patient psychotique cliv, risquait fort de naboutir qu une attitude descriptive. Quoiquil en soit, gardons en mmoire que ces malades souffrent dun manque de limites. Lexpos des quelques thories de la corporit staie sur la constatation quelle renvoie elle aussi la distinction entre le dedans et le dehors. Il est ds lors tout fait logique de trouver ce mme processus luvre dans la psychose.

La peau est dsign comme lorgane privilgi de lespace intermdiaire entre le dedans et le dehors. Elle est comme le souligne Anzieu au carrefour entre le biologique, le psychologique et le culturel; elle est aussi ce qui spare lintrieur de lextrieur. En somme elle constitue un espace privilgi aux interventions thrapeutiques sur les troubles schizophrniques. En mettant laccent sur la peau comme donne originaire la fois dordre organique et dordre imaginaire, comme systme de protection de notre individualit en mme temps que comme premier instrument et lieu dchange avec autrui, je vise faire merger un autre modle, lassise biologique assure, o linteraction avec lentourage trouve sa fondation et qui respecte la spcificit des phnomnes psychiques par rapport aux ralits organiques comme aux faits sociaux (D. Anzieu).

En fait lauteur souligne que la peau de par sa structure et par ses fonctions, est un ensemble dorgane. Il voque de mme les travaux de Montagu qui mettent en vidence trois phnomnes gnraux:

Linfluence prmature et prolonge des stimulations tactiles sur la constitution et lvolution de lorganisme;

Les consquences des changes tactiles sur le dveloppement sexuel;

Lventail des attitudes culturelles envers la peau et le toucher.

Lanalyse des donnes thologiques, groupales, projectives et dermatologiques, amne Anzieu formuler lhypothse dun Moi-peau. Poursuivant les remarques de Freud sur la constitution du Moi et sur un des principes fondamentaux du dveloppement psychique en rfrence avec lexprience corporelle, Anzieu dveloppe lhypothse du rle actif de la peau dans llaboration du Moi. Partant de la citation de Freud: Le Moi est avant tout un Moi corporel, il nest pas seulement un tre de surface mais il est lui-mme la projection dune surface(S. Freud), Anzieu montre que le Moi, en son tat originaire correspond ce quil propose dappeler le Moi-peau. Par Moi-peau, je dsigne une figuration dont le Moi de lenfant se sert au cours des phases prcoces de son dveloppement pour se reprsenter lui-mme comme Moi contenant les contenus psychiques, partir de son exprience de la surface du corps. (D. Anzieu).

Et comme toute activit psychique staie sur une fonction biologique, le Moi-peau trouve son tayage sur les diverses fonctions de la peau. Trois de ces fonctions semblent plus particulirement trouves leur placedans ce travail :

la peau comme contenant et systme de rtention;

la peau comme interfaceavec le dehors;

la peau comme relation autrui.

Anzieu entreprend par la suite de prciser les neuf fonctions du Moi-peau dont il rattache les types pathologiques et les figurations cliniques. Pour mmoire, ces neuf fonctions sont:

La fonction de maintenance du psychisme;

La fonction contenante;

La fonction de pare-excitation ;

La fonction dindividuation;

La fonction dintersensorialit;

La fonction de soutien de lexcitation sexuelle;

La fonction de recharge libidinale du fonctionnement psychique en tant que maintien de la tension nergtique interne et de sa rpartition;

La fonction dinscription des traces sensorielles;

La fonction dautodestruction;

Le concept de Moi-peau vient fort naturellement dans lillustration de cet apparent conflit entre le dedans et le dehors. Il oblige prendre en considration un principe de diffrenciation interne et un principe de contenance. Les malades psychotiques se caractrisent par une incertitude sur les frontires, par un sentiment de voir fonctionner son corps et sa pense du dehors. Car le Moi hrite des origines pidermiques et proprioceptives, la possibilit dtablir des barrires et de filtrer les changes. Ce qui amne lauteur a postul lexistence dun fantasme inconscient dun corps dmembr comme typique des organisations psychotiques.

5) Lethnopsychiatrie et la pratique du double

Le dernier apport concerne les travaux ethnopsychiatriques sur la psychose. Comme nous allons le voir, ces travaux portent essentiellement sur la notion de concomitance entre culture et psychisme. Les ethnopsychothrapeutes font remarquer la suite des travaux de Devereux que la culture permet un codage de lensemble de lexprience vcue. Ce processus est constitu dinfrences ontologiques et de causalit complexes permettant de donner un sens un vnement.

Par ailleurs, il existe dans toutes les cultures, des modles de normalit et dinconduite pour reprendre les expressions conceptuelles de Linton. Ces modles doivent tre entendus comme des manires dtre normal et anormal incluant des critres de normalit et de folie. Il existe donc des modles culturels de dsordre o toute souffrance psychique pourra sintgrer. Cette intgration prsuppose ds lors des appropriations individuelles de modles groupaux.

En somme il faut conclure que culture et psych sont homologues, fonctionnellement redondantes (maintenir lidentit du systme quelles prservent, la fois sa dlimitation et ses changes avec dautres systmes quelles entreprennent de dfinir comme semblables) et les seuls systmes dynamiques susceptibles de grer le lien avec lautre. Et lauteur de poursuivre quil existe chez chaque individu, deux systmes redondants, ayant une structure homologue: lun dorigine interne (le psychisme), lautre externe (la culture). Ds lors il en dcoule une proposition thorique: cest par la comparaison entre ces deux systmes homologiques que le sujet peut assurer sa clture et penser quil existe dautres sujets clos comme lui avec lesquels il est possible de communiquer. un autiste est un enfant dhumain qui, faute dinscription dans une culture, na pu accder lhumanit.

Nathan montre que dune part la mthodologie ethnopsychiatrique est une mthodologie du double discours, et que dautre part son originalit essentielle consiste en lexploration de la notion de frontire. Reprenant le complmentariste de G. Devereux il nonce: Ce qui confre lethnopsychiatrie son utilit clinique est prcisment le fait quelle inclut dans sa dmarche de base les notions de double et de frontire. Elle prsuppose la matrise de deux discours distincts, non simultans, dont aucun na de prminence sur lautre; elle place donc le chercheur, dans une position de double. De plus, dans sa mthodologie mme, elle nexplore pas les champs clairement dlimits, mais les frontires, les limites de ces champs. Cest, il me semble, lapport le plus original de lethnopsychiatrie que de confrer la frontire le statut dobjet dtude

Somme toute les notions de double et de frontire caractrisent le psychose. Lextension du diagnostique dtat-limite est l aussi pour nous rappeler la mise en uvre de ces notions. Frontire et double vont ainsi caractriss la dmarche thrapeutique. Le paradigme ethnopsychiatrique peut sappliquer ds lors notre propre culture: maintenir sans position hirarchique un double discours, psychologique et culturel. Nathan fait de mme remarquer que face lignorance dune culture, ltablissement de liens seffectuent par un contact corporel, il est vrai que dans le dispositif ethnopsychiatrique ce contact est un toucher de relaxation. Mais lide de ce contact se trouve valide dans le cadre de la psychose. Il constituer un des leviers thrapeutiques et sera analys ds lors plus spcifiquement dans la seconde partie du mmoire. Ce qui est retenu cest lide de se trouver confront un autre monde, avec ses coutumes, ses rites, et ses croyances et mme sa langue.

En somme, la psychose comme autre culture. Mais une culture particulire, une culture dans la culture. En effet lorsque Tobie Nathan fait remarquer que les patients non occidentaux ont tendance ne pas tenir compte de la distinction entre rve et ralit, cette remarque semble prcisment tre transposable aux patients psychotiques. Lhermtisme de leurs propos est une dimension clinique consensuelle, de mme la nature particulire des liens associatifs.

Pour fonctionner lappareil psychique a besoin dtablir des barrires. Le vacillement dune ou de plusieurs de ces barrires dclenche un sentiment de dpersonnalisation. Lanalyse de Linquitante tranget de Freud nous a montr que la frontire sparant les deux faces dont on ne peut percevoir quune seule la fois pouvait tre ramene toute une srie de frontires dynamiques, dont le vacillement dclenche un sentiment de dpersonnalisation.

En guise de conclusion et afin dinstaurer une continuit avec labord thrapeutique, une citation de Nathan se doit dtre rapporte. Elle prend place en conclusion sur lethnopsychiatrie et la pratique double. Lobservation n2, de Jean-Marie B., nous avait indiqu quen clinique ethnopsychiatrique, nous pouvons percevoir une position du sujet vis--vis de sa propre culture semblable aux situations de double que nous venons danalyser. Nous avions mme constat que thrapeute et patient devaient partager un double culturel commun, pour instaurer le cadre thrapeutique. En labsence de ce double culturel, le corps est spontanment utilis comme substitut.

Le symptme psychiatrique est par ailleurs, est sujet linterprtation, il est demande de sens, recherche de sens. La smiologie psychiatrique passe par la relation qui stablit entre le soignant et le soign dans une exprience vcue avec le malade. Cest la covivance de lexprience du patient.

C) Les thrapies mdiation corporelle

Ces thrapies sillustrent par le fait quil ne sagit pas de renvoi vers le pass mais de travailler les sensations persistantes qui voquent lvnement.

La pratique ncessite lacquisition de connaissances prcises. Elles permettent de disposer dun cadre, de gestes, de points de repre qui maintiennent la rigueur dune dmarche, dont le droulement et le contenu sont par ailleurs imprvisibles.Ds lors, la formation passe obligatoirement par limplication personnelle dans les soins et dans les groupes de rflexion. Les thrapeutes corporels savent quils suscitent curiosit et rticence. Ces thrapies sont volontiers crdites de puissances mystrieuses grce auxquelles elles seraient seules, en mesure dintervenir et de russir en dernier recours.

Les thrapies corporelles ne sont ni des soins mineurs ni des techniques propices au maternage ou la rgression, les restreindre de telles fonctions signifie dj faire le choix dhypothses limitant, par avance, des capacits relevant de lattention cratrice.

Ces thrapies sont situes:

entre la prise de considration des expressions et signes et leur dcryptage;

entre observation et bien-tre;

entre concentration et flottement;

entre rminiscences et dcouvertes de sensations prsentes.

Leur pratique carte lemprise de la dualit corps/tte. Les situations sont vcues, prouves, penses, apprcies, la fois de lintrieur et de lextrieur. Il ne sagira pas non plus de favoriser la verbalisation qui, au cours de tels soins, apparat souvent comme une fuite dans les mots.

Les expriences tactiles accompagnent les mots et constituent une enveloppe sensorielle ncessaire la dcouverte des limites du corps et sa scurit de base, en fait lacquisition de la structure de base du Moi-peau. La ritualisation permet de sinscrire dans un sentiment de continuit, essentiel pour vivre. Comme le souligne Androli dans son ouvrage, ce type de thrapie prsente lavantage de ne pas contraindre tous ces patients un type de communication trop complexe et sophistique par rapport leur moyens dexpression: le schizophrne craint par-dessus tout le thrapeute qui ne respecterait pas les paradoxes de sa communication. . Dans les thrapies corporelles, le patient prouve un profond soulagement lorsquil se verra cout au niveau le plus marquant de sa souffrance et de sa contradiction. Blanquier et Veyrat font remarquer que les sensations corporelles qui accompagnent la maladie somatique chez le psychotique, favorisent linvestissement du corps par le patient et renforcent son moi morcel.

Les thrapies mdiation corporelle en sappuyant sur la notion de corps contraignent linstauration dun espace intermdiaire entre le patient et les soignants. Elles travaillent sur le contenant, sur lenveloppe et elles sappuient sur une sensorialit interprte, saisie dans son contexte culturel. Il y a ainsi une srie dembotement et de redondances entre corps et psych, contenant et contenu, normalit et folie, identit et transformation, spcificit et universalit, culturel et idiosyncrasique, patient et soign

Cette srie dembotements et de redondances se trouve illustre par les propos de cette jeune infirmire qui souhaitant assister des sances denveloppement, sentend propose un accord sous condition dexprimentation.

Infirmire(I) : Jaimerais bienEst-ce quil serait possible dassister la sance de Mlle J.?

Thrapeute (T): Bien entendu, le groupe a pour vocation dtre ouvertQuand est-ce quil vous serait possible de faire des enveloppements?

I: Je ne sais pas quand est la sance de Mlle J.Attendez, vous voulez dire quecest moi qui doit tre envelopp?

T: Oui cest cela.

Linfirmire, avec virulence: Ah non alors, je nen ais pas besoin.

T: Vous voulez dire que vous pouvez faire quelque chose de terrible, et de dur (reprenant les termes pendant de la runion peu de temps avant) une patiente mais que vous refusez de le faire sur vous?

I: Moi, je ne suis pas folleJe vais bienSi jai besoin de me changer les ides, je vais courir!

Ce qui est dautant plus remarquable sur cette conclusion, cest que justement il sagit doprer une transformation (comme se changer les ides) et que bon nombre de patients utilisent la course pour entraver les effets de leur dsordre. En somme, lenveloppement a pour but de faire surgir un matriel qui donne sens au