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Archibald Magazine 1 Mars 2012TRANSCRIPT
Voici non pas sous vos mains mais bien sur votre écran un
nouveau magazine ayant l’humble but de parler de culture. Bien
sûr de nombreux magazines papiers sont beaucoup plus aptes à
parler de tous les phénomènes culturels. Mais notre singularité si
l’on peut appeler ça singularité est de n’être produit que par des
étudiants. Notre portée première est donc de parler à ces
étudiants. Une fois par mois nous ferons donc un tour de l’actualité
culturelle et des thèmes qui nous touchent plus particulièrement.
Ce journal étant en phase de développement, d’autres
contributeurs viendront s’ajouter à notre rédaction au fil des mois
et je l’espère le volume du journal augmentera au fil du temps.
Dans ce premier numéro il sera donc question de street-art, de
films qui nous parlent d’aujourd’hui, de musique et de littérature.
D’autres rubriques sont en cours d’élaboration pour mieux couvrir
tous les aspects de la culture.
En attendant bonne lecture et rendez-vous le 15 avril pour le
numéro 2
Société : Raler, graffeur dans l’air du temps
Cinéma : Detachment, film scolère
Bullhead, film XY
Quentin Dupieux : réalisateur volant
Musique : Areno Jaz, jazz 2.0
Dillon, surréalisme métallique et voix
chiffon
Littérature : Bret Easton Ellis, écrivain moderne
depuis 30 ans
par Paul Demougeot
Raler est un jeune graffeur de
Cannes de 21 ans. Son domaine
d’action c’est plutôt les stickers
qu’il dispose un peu partout dans la
ville et dans d’autres endroits. Il dit
avoir en tête un gros projet avec
des amis à lui qui se fera bientôt,
toujours à Cannes, ville plus connue
pour ses vieux et son petit festival
de cinéma. En attendant, nous
l’avons rencontré.
OU AS-TU TROUVE CE BLASE ?
Honnêtement, je sais pas trop, c’est
ma mère qui me disait à chaque
fois « arrête de râler, arrête de
râler.. ». Et puis après c’est venu
naturellement. J’avais d’autres
blases avant mais j’en voulais un
qui me corresponde vraiment.
Celui-là je l’ai depuis au moins 5
ans, que je suis en seconde.
A PARTIR DE QUAND T’ES TU PENCHE
SUR LE STREET-ART ? J’ai rarement
pris le train étant jeune mais dès
que je le prenais pour aller voir ma
grand-mère et ma tante à Lille
j’étais fasciné par les graffitis de
partout sur les murs, les wagons.
Même une fois on a taggué la
voiture de mon père et j’ai voulu
savoir en regardant de plus près qui
avait pu faire ça. Apres je me suis
lancé, je reprenais les blases de
mecs que je voyais dans la rue, ça
me chauffait bien et je me suis dit
pourquoi pas moi. Mais j’étais très
timide au début, j’avais un peu
peur.
DU COUP TU AS COMMENCE SUR
QUEL SUPPORT ? Surtout des feuilles
en fait et puis après tout ce qui
trainait dans ma chambre et sur
lequel je pouvais poser quelque
chose. Genre des vieux ordinateurs,
je dois encore en avoir chez moi.
Maintenant je me sers surtout de
stickers, ça me prend entre 15 et 30
minutes à dessiner un graphe et je
peux aller le poser où je veux.
QUELLES SONT TES INSPIRATIONS AU
SEIN MEME DU STREET ART MAIS
AUSSI DANS D’AUTRES DOMAINES
COMME LA MUSIQUE OU LE CINE ?
J’en ai plein qui me passent par la
tête là mais je peux te dire O’Clock,
Orsay qui sont des gros gros
graffeurs, des matraqueurs. Après
y’a tous les mecs du sud, tout ceux
qui ont arraché même si je kiffe pas
trop leur style. Sur Paname t’as Pear
aussi qui fait des gros trucs. Et puis il
y a Grems qui pour moi autant
artistiquement que musicalement
est au-dessus. De toute façon dès
qu’un mec va s’appliquer sur le
lettrage, faire un truc propre et qui
sort du lot ça va forcément
m’intéresser. Dans le cinéma, c’est
Vincent Cassel, pour moi un très
grand et aussi Jean Dujardin qui
m’a vendu du rêve, comme ça en
partant de rien. Mais sinon le délire
américain c’est pas trop mon truc,
je préfère la musique et le dessin.
PAR CONTRE TU TE RECONNAIS PLUS
DANS LA MUSIQUE AMERICAINE ?
Ouais, les trucs récents qui sont
sortis comme Mac Miller ou Chip
Tha Ripper ça rentre bien dans mon
délire. Ou les classiques Nas, A Tribe
Called Quest. En France, un peu
comme toute le monde : NTM, IAM,
Fabe, Scred Connexion mais je
pourrais te faire une grosse liste
tellement y’en a.
QUEL EST TON CHAMP D’ACTION,
TES ENDROITS PREFERES POUR POSER
DES GRAFFES ? Un peu où ça me
chante, je choisis pas vraiment les
endroits ça dépend d’où je suis. Je
suis parti une semaine à
Amsterdam avec un pote y’a pas
longtemps et on s’est bien fait
plaisir. Après, j’aime bien marier les
couleurs : si je fais un sticker bleu je
vais chercher un endroit qui va
bien le faire ressortir, pareil pour un
rouge. Mais le sticker c’est un
support bizarre, au début j’en ai fait
parce que je me suis cassé la
cheville et que je devais rester chez
moi à rien faire. J’avais trop envie
de sortir et niquer des murs mais je
pouvais pas. Du coup je suis resté
sur ce support après vu que ça me
plaisait bien et que c’est plutôt
pratique. Je vais essayer de voir
plus grand maintenant, genre des
affiches, ou poser directement à la
bombe sur des murs.
TU AS DES GENS QUI T’AIDENT OU TU
FAIS DE MANIERE PLUS SOLITAIRE ?
Ouais on a un bon petit crew là
dans le sud, on délire bien
ensemble. Celui qui m’a vraiment
lancé dans le graffiti est parti à Paris
mais que ce soit à Cannes ou Nice
on à toujours quelqu’un qui va
suivre même si c’est pas très légal
ce qu’on fait.
A PART LE DESSIN, TU AS D’AUTRES
CENTRES D’ACTIVITE ? (rires) Je
passe du son dans certains endroits
de cette ville, bien qu’elle ne soit
pas très réceptive, j’essaie de
transmettre un peu ma culture
musicale.
TU RETRAVAILLES TES SONS COMME
UN DJ OU TU AMBIANCES JUSTE
L’ENDROIT ? Non non, je passe ce
qui me passe par la tête, ce qui va
bien avec les gens qu’il peut y
avoir. Je rajoute quelques effets
comme ça pour bien marier les
chansons mais je ne suis pas du tout
DJ. J’essaie juste comme avec le
dessin de faire passer un message.
QU’EST-CE QUE TU TE VOIS FAIRE
PLUS TARD ? A vrai dire, je vis au jour
le jour, malgré moi. J’aurais aimé
faire une école d’art par contre.
Mais d’une je n’ai pas l’argent car
ça coute vraiment cher et de deux
je n’ai pas les dossiers car
scolairement je n’existe pas. Je ne
fais pas ça pour me faire connaître
en fait, je fais ça pour me faire
plaisir, avec mes potes. Le graffiti
c’est de l’égo-trip à fond, il faut le
dire, on aime bien voir notre blase
partout. Dans 10 ou 20 ans je me
vois bien continuer à faire ça,
même avec des gamins, pour
continuer à partager. J’ai
l’ambition de partir à Paris ou
Londres, de mettre mon nom
partout. Mais après tout dépend de
la perception des gens, y’en a qui
vont comme moi faire attention à
chaque dessin et puis t’en a qui
vont même pas y faire attention ou
alors ne pas savoir que c’est toi qui
a fait ça. C’est une forme de
culture d’apprendre à reconnaitre
un dessin et son auteur. Y’a un côté
combat aussi entre les graffeurs, si
je vois un graff quelque part je vais
poser le mien à côté, en plus
grand. En même temps y’a comme
un code de respect entre les
graffeurs, tu sais très bien qu’il faut
pas arracher des graffs les mecs du
crew vont venir te niquer. J’ai fait
des erreurs comme ça quand
j’étais plus jeune, je sais que je les
referais plus.
TU TE VOIS VIVRE DE CA ? C’est
plusqu’un rêve, c’est quasiment
impossible, et j’en suis bien
conscient. Etre artiste, je pense que
tout le monde rêve de faire ça,
que ce soit dans le cinéma ou
n’importe quoi. Y’en a qui font des
tableaux de merde aussi et qui sont
dans des musées.
ET LE STREET ART QUI RENTRE DANS DES
MUSEES T’EN PENSE QUOI ? Ouais, ça
commence à se démocratiser un
peu. C’est bien que ça commence à
toucher certaines personnes et que
ça rentre plus dans les mœurs mais
ceux qui en font un business comme
Klein ou Cartier je trouve ça moyen.
Après, le mec qui va faire sa toile et la
vendre, j’ai rien contre. C’est normal
qu’il touche un petit cachet. Son graff
peut même être dans le salon d’un
mec dans le XVe on s’en bat les
couilles. Les grandes enseignes qui
reprennent des graffs par contre
j’adhère pas, ça salit le truc.
raleraler.tumblr.com
par Alexia Armand
Sur un clin d'oeil à notre grand
Camus, Detachment débute sur
quelques mots de L’Étranger,
annonçant le sens des 96 minutes à
venir.
C'est indéniable, les clichés se
succèdent sans pause : prostitution,
violence morale et physique,
boulimie, suicide, c'est pour ainsi dire
très américain, malgré l'accent
marqué du réalisateur britannique.
On constate souvent dans son travail
la présence de questions sociales,
comme le racisme dans le poignant
American History X sorti en 1998. Ici,
Tony Kaye dresse le portrait d'une
profession en crise : on suit la vie d'un
remplaçant, mais également de
l'ensemble des enseignants d'un
lycée chaud de la banlieue New-
yorkaise. Dans cet endroit
s'enchaînent ambiguïté et
interrogations sur le rôle qu'ils doivent
occuper. Agressions permanentes ou
appels au secours, la frontière à ne
pas dépasser devient à chaque
confrontation plus fragile. Tour à tour,
on comprend ces individus qui ont
plus ou moins baissé les bras, aussi
démunis que la jeunesse qu'ils tentent
en vain de « sauver ». Comment faire
face à un déni du futur, à une
génération qui ne sait pas où elle va
ou qui ne veut pas le voir, à une
génération se percutant toujours
franchement à ses professeurs. Trois
générations orientent cette œuvre :
nos vieillards aux souvenirs vitreux (le
grand père de Henry), Henry et ces
enseignants qui sont dans l'impasse (si
certains s'en sortent, c'est grâce à
l'automédication) ; et puis ces jeunes
en colère, cassant tout ce qui passe
et tous ceux qui passent. Chaque
tranche de vie a sa façon d'assumer
sa solitude.
Mais Kaye n'a pas voulu résumer son
long métrage au quotidien d'un
professeur qui passe d'un
établissement à l'autre: ce film dessine
plus largement une société subie et
entretenue par ses individus. Ce ne
sont pas les gens qui sont malades,
c'est le travail qui est malade, c'est le
système qui déprime. La question qui
semble ressortir, en dépit d'un
pessimisme amer, est celle du bouc
émissaire ; il faut nécessairement
trouver un responsable à tous les
malheurs pourrissants. Non
seulement, il y a remise en cause
du système éducatif, mais la
communication est brouillée.
Détachement des profs qui luttent
sans espoir, des élèves qui
adoptent/abordent des attitudes
complètement nonchalantes, des
parents qui boycott l'éducation de
leurs enfants, d'un système scolaire
qui cherche à produire des
carrières.
Le personnage central, Henry
Barthes, est enfermé dans une sorte
d'errance bien illustrée par ses
marches nocturnes. Le
remplacement est pour lui un
moyen de tenir la distance pour
que tout se passe de la meilleure
façon ; il ne veut appartenir, ne
devoir rien à personne, en peu de
mots, être sans attache. Comme
ses élèves, il a ressenti la même
colère, mais elle s'est simplement
transformée en dégoût. Il est ce
courant d'air qui passe un instant,
mais on trouve en lui la volonté de
partager son savoir et la nécessité
d'apprendre pour faire face à
demain. L'écriture, la lecture, la
culture sont les thérapies de l'âme,
« pour vivre, il faut apprendre » nous
dit Kaye. Après 5 ans de travail, il
faut tout de même reconnaître le
sérieux du scénario, du moins du
contexte, puisqu'il a été écrit par
Carl Lung, anciennement
professeur dans un lycée.
On ressent tout à fait cette énergie
collective qu'exprime le casting :
Brody signe son autre grande
performance après Le Pianiste de
Polanski. Probablement coaché
par son père, enseignant durant 30
ans, il s'abandonne avec justesse et
se vide complètement sous l'oeil de
Kaye ; Marcia Gay Harden, la
directrice en fin de course, mérite
elle une reconnaissance certaine
pour son charisme et sa dureté qui
se brise à mesure que les désastres
s'enchaînent, premier rôle pour
Betty Kaye (fille du réalisateur) qui
interprète Meredith, la jeune artiste
boulimique, de même pour Erica
alias Sami Gayle, la gamine vivant
dans la promiscuité qui trouve en
Barthes le bras auquel s'accrocher.
Les personnages secondaires
renforcent également le scénario,
même s'ils ne sont pas vraiment
approfondis.
La dernière image du film est une
simple synecdoque de l'état
d'esprit dans lequel se trouve
Barthes : les feuilles jonchent le sol,
des feuilles mortes, mais aussi des
pages mortes qui ondulent dans le
courant d'air. L'école est vide. Les
chaises sont vides. Henry est seul. Et
pourtant, tout cela est plein de
sens.
Detachment (2012) de Tony Kaye avec
Adrian Brody, Marcia Gay Harden
Oui Bullhead appartient à la
catégorie des films XY, non ce n’est
pas un nouveau tag chelou de
films du samedi soir. Si Bullhead est
un film XY c’est parce qu’on y
cause essentiellement de
testostérone, de viande et de
mafia, tout ça situé dans la
charmante région belge du
Limbourg sous forme de polar
rondement mené.
« Les erreurs passées finissent
toujours par ressortir quoiqu’on y
fasse. » C’est sur ces paroles que
s’ouvre le film, le décor est déjà
planté : une région agricole où le
soleil ne se rend pas souvent. Jacky
est le fils ainé de la famille
Vanmarsenille, fratrie d’éleveurs
engraisseurs un brin mafieux. Le
bétail est dopé afin d’arriver à
maturation plus vite, Jacky est aussi
dopé à la testostérone dans le but
de conserver ses caractères mâles
suite à la perte de ses testicules
étant enfant. Mais Jacky est aussi
un colosse, une bête de muscles
incapable d’avoir de relations
avec des femmes. La première
peur de sa mère fut qu’il devienne
homosexuel. Jacky est obnubilé par
ce passé dont il n’arrive pas à se
défaire.
Le film raconte deux moments
distincts, celui où Jacky a 33 ans qui
est le moment présent et celui où
20 ans auparavant il est victime
d’un demi-attardé qui lui casse ses
testicules à coup de pierre. Dès son
enfance on le voit apprendre de
son père à injecter les substances
dans les bêtes. L’enfant semble
encore plein d’humanité par
rapport au Jacky de 33 ans. Il le dit
lui-même à la fin du film, il n’a
connu que les bêtes dans sa vie,
aucune autre responsabilité.
On trouve dans le premier film du
réalisateur Michaël R. Roskam de
nombreuses similitudes avec le chef
d’œuvre de Nicolas Winding Refn :
Drive. Le personnage principal
apparaît comme renfermé, timide
et cachant une grande violence. Il
y a même une scène dans un
ascenseur où Jacky tout comme le
conducteur laisse libre court à sa
folie.
Peu de films d’aujourd’hui parlent
de trafic d’hormones et de paysans
mafieux, c’est pourquoi il y a un
étonnement certain à voir des kilos
de viande sous vide, passer de
mains en mains avant de se
retrouver en circulation libre.
Jacky est donc sur le point de
conclure un marché important
pour la distribution d’hormones
dans tout le Limbourg. Sauf qu’un
agent fédéral qui enquêtait sur le
réseau mafieux de cette région se
fait tuer. La prudence s’installe chez
Jacky, il ne fait plus confiance à
personne. Le récit s’inscrit dans
cette atmosphère de suspicion
entre chacun des protagonistes qui
sont tous au niveau du film.
Bullhead a fait son petit chemin,
sélectionné dans la catégorie
meilleur film étranger aux Oscars et
récompensé au festival
international du film policier de
Beaune. Matthias Schoenaerts, que
l’on retrouvera dans le prochain
film de Jacques Audiard, a dû
prendre 30 kilos de muscles pour
incarner Jacky crève vraiment
l’écran, il rentre parfaitement dans
la peau de ce colosse privé de ses
organes sexuels, rien qu’à voir sa
démarche particulière.
Bullhead (2011) de Michaël R.
Roskam avec Matthias
Schoenaerts, Jeroen Perceval.
par Paul Demougeot
Alors que son prochain film Wrong
ne devrait plus tarder à sortir et que
son dernier album Stade 2, le
troisième sortit chez Ed Banger suit
son petit chemin, Archibald s’est
penché sur le parcours
cinématographique de ce Mr.Oizo
entamé il y a 11 ans avec Nonfilm.
Le petit Quentin alors âgé de 12
ans trouve une caméra et
commence à filmer diverses
expérimentations. Suite au succès
planétaire de son morceau et clip
Flat Beat en 1999, il franchit le pas
et se lance à la réalisation avec
Nonfilm qui sort en 2001. Ce moyen
métrage nous plonge dans une
atmosphère assez étrange, on n’a
pas vraiment l’impression de suivre
un récit construit, plutôt une
expérience qui se déroulerait
devant nos yeux.
On trouve dans ce film ses deux
potes Vincent Belorgey (Kavinsky)
et Sébastien Tellier. Ses deux
compères entourés cette fois ci
entre autres de Sebastian, Eric,
Ramzy et Jonathan Lambert dans
Steak sortit en 2007. On retrouve
dans ce véritable premier long
métrage du réalisateur cette
même atmosphère à la limite du
dérangeant. Blaise (Eric) n’a pas
vraiment l’air de comprendre ce
qui l’entoure lorsqu’il sort d’hôpital
psychiatrique après 7 ans
d’internement. La bande des
Chivers, et leur pseudo chef
(Kavinsky est assez malsain, c’est
bien) ne représente pas grand-
chose non plus, si ce n’est qu’en
2016 il sera cool de boire du lait à
tout moment de la journée.
En 2010, Dupieux réalise en deux
semaines chrono un nouvel ovni
cinématographique portant cette
fois ci sur un pneu télépathe sérial
killer : Rubber. Il transmet cette fois-
ci sa vision du monde aux Etats-Unis
puisque le film est tourné en
Californie avec des acteurs
américains. C’est toujours un ami
de chez Ed Banger, qui va
s’occuper de la b.o avec lui :
Gaspard Augé. C’est vachement
bien foutu, Robert le pneu va
presque nous apparaître humain
de par ses pulsions.
Au vu des teasers de Wrong qui
circulent sur internet, il semblerait
que ce drôle d’Oizo (lol) ait
appliqué la même recette qui a
construit son univers dans ses films,
c’est-à-dire un scénario improbable
servit par des acteurs investis et
bons, ambiancé par la french
touch de chez Ed Banger. On
attend plus que vous chez Mr. Oizo.
par Paul Demougeot
Membre des 1995, vous savez ce
posse connu même par des
twittasses de 16 ans mais qui
commence à voir sa côte vraiment
augmenter dans le rap hexagonal,
Areno Jaz n’est pourtant pas celui
qui s’affiche le plus souvent. Il n’est
pas non plus celui qui a l’air le plus
imbu de sa personne (qui a dit
Sneazzy ?). Alors que le nouvel E.P
de 1995 vient de sortir, revenons un
peu sur son premier projet solo sorti
le mois dernier : Alias Darryl Zeuja.
L’album qui est un 10 titres s’ouvre
avec une Intro comme dans les
bons vieux Snoop Dogg (l’ultime G-
funk intro de 1993) puis laisse la
place à Darryl Zeuja. La prod est
bien foutue, lourde et jazzy en
même temps. Areno Jaz déballe
son flow tranquillement, les rimes
sont travaillées. La prod est toujours
aussi douce sur J’vends d’la rime,
ça s’écoute posé dans un canapé,
comme une invitation à chiller. Les
40 dernières secondes d’instru pure
accentuent le côté jazz du
morceau.
Jaz Brel est censé se passer fin 1994,
début 1995. On s’y croirait presque
avec ces sons et flows à
l’ancienne. Les Gars avec Fonky
Flav’ (1995) finit bien le 10 titres
avec l’Outro. « laisse les gars de
mon équipe s’installer », ils savent
comment faire pour mettre une
ambiance jazz dans un rap français
bien trop souvent stéréotypé. « Jaz
est authentique » qu’il dit dans
Darryl Zeuja, et bien qu’il le reste ça
ne fait pas de mal.
Areno Jaz, Alias Darryl Zeuja (2012)
par Alexia Armand
C'est en novembre dernier que
Dominique Dillon de Byington
surnommée musicalement Dillon a
sorti le bout de son nez. Brésilienne de
naissance et Berlinoise d'adoption,
elle joue ses premières notes à 19 ans.
« C'est venu comme ça, un jour » dit-
elle, comme si la musique était venue
naturellement se loger dans sa voix.
Elle sort son premier EP en 2008 C
Unseen Sea, mais passe inaperçue.
Elle séduit de plus en plus
d'internautes en diffusant ses
morceaux via Youtube et Myspace,
et c'est avec This Silence Kills qu'elle
s'affirme, produit en collaboration
avec le label BPitch Control. Elle se
promène actuellement dans les
grandes villes européennes pour nous
le présenter.
Cet album s'ouvre et se ferme sur un
rythme soutenu. Vibration d'une grille
métallique mêlée aux battements
réguliers qui s'agitent sous nos tempes,
Dillon pour la première fois nous
emmène en promenade. Jolie moue
boudeuse dans la grisaille, elle réveille
quelques influences telles que Lykke
Li, Kate Nash, Johanna Newsom, ou
même Uffie. C'est avec difficulté que
l'on tente de la ranger dans une
catégorie ; les titres bondissent de
l'électronique à l'alternatif, la
cadence s'adapte parfaitement à
l'âme de chaque morceau, sans
rechercher la symétrie pure et simple.
Les titres sont très bien liés, malgré le
fait que certaines mélodies s'affirment
plus que d'autres : Dillon alterne entre
pessimisme, sons répétitifs, et
comptines sautillantes comme le joli
Hey Beau. Le morceau force de
l'album est sûrement 13 35, avec des
paroles qui laissent perplexe (mettant
en scène la relation d'une fille de 13
ans et d'un homme de 35), mais la
voix fragile et la corde caressée de la
harpe rendent le glauque presque
innocent. The Undying need to
Scream nous sert l'estomac alors que
la voix torturée s'entremêle aux
dissonances électriques; la chanson
qui n'a pour titre qu'un trait fait naître
une sorte de vertige ou de deuil, puis
nous fait tomber dans la transe,
l'étouffement subtil. Enfin, Tip Tapping,
premier titre devenu visuel, nous
embarque non dans l'imaginaire
mais bien dans le quotidien
surréaliste, comme une sorte de
ballade en ville, près des parcs.
Des mots qui se font écho d'une
chanson à l'autre. La justesse
persistant. L'émotion remplissant
toutes les noires. Entre amour
naissant, délaissé, se cachant, on
trouve une fraîcheur dans sa voix
un peu chiffonnée qui donne envie
de rallonger l'hiver. You are my
winter souligne ce qu'a été cette
petite Berlinoise durant cet hiver
lunatique, à savoir un savant menu
de chaud et
de froid, légèrement coloré, mais
bien
souvent plaquant le sépia et la
brise.
Belle expérience auditive, parfait
pour les gourmands et les curieux
musicaux.
This Silence Kills, Dillon
BPitch Control (2012)
par Paul Demougeot
Propulsé à 21 ans superstar de la
littérature américaine, Bret Easton
Ellis est peut-être à ce jour l’ultime
représentant d’une littérature
américaine, pas celle des
supermarchés où se mêlent
complots terroristes ou théories de
fou sur des sociétés secrètes
millénaires. Non, Bret Easton Ellis est
de la lignée des John Fante, Jack
Kerouac et autre Philip Roth : ces
écrivains qui ont accompagnés
tous les changements sociaux du
XXe siècle aux Etats-Unis. Il prépare
aujourd’hui le casting pour un film
dont il a écrit le scénario : The
Canyons, avec comme acteur
principal l’acteur porno James
Deen en quête avec d’autres
jeune de pouvoir, d’argent et de
sexe dans le Hollywood de 2012. Un
autre film dont il a écrit le scénario
prend lui aussi forme. En effet The
Golden Suicides pourrait être
réalisé par le charmant Gaspar
Noé et le rôle principal irait à Ryan
Gosling. Mais ce ne sont pas ces
suppositions qui nous intéressent ce
mois-ci, c’est plutôt son premier
Roman paru en 1985 : Less than
zero (Moins que zéro). Le roman
raconte le retour de Clay dans sa
famille habitant à Los Angeles pour
les vacances de Noël. Une histoire
qui pourrait être convenue,
n’apportant rien de nouveau à la
littérature américaine. A ce point
près qu’Ellis va mettre dans ce
roman toute la colère qu’il a contre
la société. Il l’avoue lui-même
« j’étais furieux, je détestais Los
Angeles, je détestais la culture
jeune. Le plus horrible c’est que j’en
faisais partie, et mes amis aussi. Je
haïssais les fringues qu’ils portaient,
la musique qu’ils écoutaient, je
trouvais que tout ça craignait »*
.
Moins que zero est sa réponse à ce
monde qui l’entoure. Le héros (si
s’en est vraiment un) se nomme
Clay et ne semble pas comprendre
dans quel endroit il se trouve. Sa
famille est complétement
inexistante et ne se soucie guère
de lui. Ses jeunes sœurs sont des
pures caricatures de la jeunesse
dorée californienne, bien que
surement exagérée. Clay va donc
pour combler ce vide affectif se
balader de soirées en soirées, dans
des villas de Beverly Hills plus
immenses les unes que les autres,
engager des conversations
dénuées d’intérêt avec des jeunes
plus riches les uns que les autres. Il
essaie toute sorte de drogues,
dépense des fortunes en cocaïne,
et est complétement perdu au
niveau sentimental. Il se questionne
sur ce qu’il éprouve pour son
ancienne petite amie Blair avec qui
il se remet durant ces vacances. Il
passe ses journées à regarder MTV
à moitié défoncé et à faire des
repas familiaux lassants. Tout ceci
rend le roman monotone, comme
une volonté de l’auteur de
partager son ennui. Chaque nouvel
individu rencontré par Clay semble
aussi creux que le précédent.
Certains passages tiennent
cependant en haleine, une sorte
de dégout s’installe au fur et à
mesure que l’on se rend compte
qu’un de ses amis, Julian, est obligé
de se prostituer auprès de cadres
répugnants afin de pouvoir
continuer à se droguer. Une soirée,
il découvre aussi que des personnes
qu’il connaît retiennent une fille de
16 ans prisonnière dans leur
chambre, se relayant pour la violer.
La vie de ces personnes se résume
à de nombreux non-sens, une
jeunesse en perdition dont
personne ne semble se soucier.
Ce roman paru il y a presque 30
ans serait encore d’actualité dans
notre société actuelle, tous les
problèmes qu’il soulève étant
encore le leitmotiv de la jeunesse
dorée californienne.
Moins que zero (1985), aux éditions
10/18.
*entretien avec Nelly Kaprièlian en 2005