chez les patients obèses préoxygénation et induction

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© Drägerwerk AG & Co. KGaA 1 De plus en plus de patients obèses auront besoin d'une anesthésie. Cet article souhaite mettre en avant certaines des difficultés que rencont - rent les anesthésistes concernant la préoxygénation et l'induction chez les patients obèses au regard de textes sélectionnés, explorer les caractéristiques anatomiques et physiologiques pertinentes pour l'anesthésie générale et offrir une vue d'ensemble des approches recommandées dans la littérature. Préoxygénation et induction adéquates chez les patients obèses Protection des poumons périopératoire chez les patients obèses

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Page 1: chez les patients obèses Préoxygénation et induction

© Drägerwerk AG & Co. KGaA 1

De plus en plus de patients obèses auront besoin d'une anesthésie. Cet article souhaite mettre en avant certaines des difficultés que rencont-rent les anesthésistes concernant la préoxygénation et l'induction chez les patients obèses au regard de textes sélectionnés, explorer les caractéristiques anatomiques et physiologiques pertinentes pour l'anesthésie générale et offrir une vue d'ensemble des approches recommandées dans la littérature.

Préoxygénation et induction adéquates chez les patients obèses

Protection des poumons périopératoire chez les patients obèses

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PRÉOXYGÉNATION ET INDUCTION ADÉQUATES CHEZ LES PATIENTS OBÈSES

L'intervention chirurgicale est une difficulté supplémentaire, par exemple si une chirurgie mini-invasive entrave la mécanique des poumons pendant le pneumopéritoine5.

Pour l'anesthésie, l'ensemble du processus peut être affecté. Et ce dès le départ, si l'approche standard de la préoxygénation et de l'induction ne fonctionne pas comme prévu/souhaité. Des complications potentiellement graves comme une désaturation artérielle en oxygène précoce pendant l'intubation trachéale peuvent par conséquent en découler6,11. Dans la pour-suite de l'anesthésie, des complications entraînant des complications pul-monaires postopératoires et des séjours prolongés non planifiés aux soins intensifs sont possibles. Les implications économiques semblent de fait inévitables.

S'appuyant sur la littérature internationale, cet article se concentre sur les risques et les complications associés à l'obésité lors des phases de préoxy-génation et d'induction. La formation d'atélectasie pendant cette dernière contribue à ces risques chez les patients obèses.

Les patients obèses représentent un vrai challenge pour les soins an-esthésiques. Non seulement leur nombre augmente, mais la prise en charge de ces patients obèses pendant une anesthésie générale peut nécessiter des approches différentes de celles utilisées pour les patients non obèses. Des situations potentiellement dangereuses peuvent donc se présenter si ces patients ne sont pas adéquatement pris en charge.

Patients obèses  : un vrai challenge pour les soins anesthésiquesL'obésité est la conséquence de l'adaptation à l'échelle mondiale au mode de vie occidental, qui continue de s'amplifier, ce que vous n'aurez pas manqué de remarquer dans votre pratique clinique au quotidien. Cette évolution s'observe dans diverses parties du monde et devient un enjeu majeur pour les professionnels de santé. Hodgson et al. ont récemment rapporté une prévalence de l'obésité aux États-Unis à 32  % chez les hommes et 34 % chez les femmes. Au Royaume-Uni, la valeur rapportée est de 25 % pour les hommes comme pour les femmes1. En Allemagne, on rapporte que 20,8 % de la population est obèse, tandis que 37,4 % des Allemands présentent un « simple » surpoids18. Même la population chinoise compte aujourd'hui 4  % à 5  % d'hommes et de femmes considérés obèses. Ces chiffres couvrent l'obésité (IMC >= 30 kg/m²) et l'obésité morbide (IMC >= 40 kg/m²).

Le NHS au Royaume-Uni a signalé une augmentation de 30  % des interventions de chirurgie bariatrique au cours des 10 dernières années et une multiplication par 10 des hospitalisations en rapport avec l'obésité. Dans le monde entier, le nombre de personnes obèses a doublé au cours des 35 dernières années pour atteindre, selon une estimation, le chiffre de 671 millions de personnes à ce jour1. Les patients obèses constituent donc déjà une difficulté très courante dans les hôpitaux et représenteront un enjeu majeur à l'avenir, aussi bien pour les chirurgiens que pour les anesthésistes de la salle d'opération.

Pourquoi les patients obèses représentent-ils une difficulté ?Mise à part la seule considération du poids qui rend la manipulation générale et la préparation à la chirurgie plus compliquées, les patients obèses présentent des contraintes importantes pour les soins anesthésiques tout au long des phases de l'anesthésie et ils courent un grand risque de développer des complications peropératoires et postopératoires graves.

Les changements distinctifs sur les plans anatomique et physiologique génèrent pour les patients obèses un plus grand risque de développer une hypoxémie dès la phase d'induction de l'anesthésie, ainsi que des complications pulmonaires peropératoires et postopératoires1,4,12.

APPROCHE STANDARD CLASSIQUE POUR LA PRÉOXYGÉNATION ET L‘INDUCTION La plupart des anesthésistes s‘accorderont pour dire que la séquence décrite ci-après correspond à l‘approche standard classique pour la préoxygénation et l‘induction.1. Poser doucement le masque sur le visage du patient2.Laisserlepatientrespirernormalementpendant3 à5 

minutesouluilaisserprendre5 à8 profondesinspirations3. Utiliser une concentration d‘oxygène inspiratoire élevée à

100 %(pourquelespoumonsseremplissentrapidementd‘oxygène)

4. Administrer les anesthésiques et ventiler manuellement le patient

5.Intuberlepatient,vérifierleCO2 expiré et procéder à une auscultation pour s‘assurer de la ventilation bilatérale et de l‘absenced‘insufflationgastrique

6. Passer à la ventilation à volume contrôlé

En général, l‘objectif de cette approche est de garantir uneoxygénation suffisante pendant la phase d‘apnée lorsqu‘uneintubation trachéale est réalisée, pour ensuite passer en toute sécurité à une ventilation mécanique. Cette procédure fonctionneaveclaplupartdessujetssainsdepoidsnormalcarleurphysiologiepermetunerétentiond‘oxygènesuffisante.Lalittérature suggère cependant que cette approche n‘est pas adaptée aux patients obèses et souffrant d‘obésité morbide.

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PRÉOXYGÉNATION ET INDUCTION ADÉQUATES CHEZ LES PATIENTS OBÈSES

Utilité des approches adaptées de préoxygénation et d‘induction

Difficulté pour la ventilation au masque/l‘intubationPour les soins anesthésiques, les intervenants doivent calculer une durée prolongée permettant de sécuriser les voies aériennes chez les patients obèses. L‘obésité et l‘obésité morbide sont associées à des difficultés dans la ventilation au masque et à de possibles difficultés d‘intubation, fait qui semble régulièrement sous-estimé. Une étude prospective a démontré que 75 patients sur 1 502 (5 %) ont connu des difficultés de ventilation au masque pendant une chirurgie sous anesthésie générale, ce qui n‘avait été anticipé que chez 13 d‘entre eux. Juvin et al. ont rapporté un taux de 15,5 % de difficultés d‘intubation chez les patients obèses par rapport à 2,2 % chez les patients minces.

Il a été montré qu'un IMC >  35 est un indicateur prévisionnel indépendant de difficultés pour la ventilation au masque ainsi que de difficultés voire d'échecs à l'intubation. On rapporte que le risque de complications graves chez les patients souffrant d'obésité morbide est 4 fois supérieur à celui chez les patients minces. Au Royaume-Uni, une étude sur les complications graves d'assistance respiratoire montre que 25 % de 77 patients obèses chez lesquels des complications liées à l'assistance respiratoire ont été rapportées ont subi des lésions cérébrales, voire sont décédés11. Le risque de régurgitation et l'aspiration consécutive de liquide gastrique sont également des aspects

à prendre en compte, car ils peuvent être supérieurs chez les patients obèses par rapport aux patients minces. La littérature recommande ainsi régulièrement l'induction à séquence rapide (ISR) pour les patients obèses. Les recherches jettent toutefois un doute sur ce choix et indiquent que les éléments probants pour cette approche ne sont pas assez nombreux21,22,23. En résumé, il semble qu'une durée prolongée doit être calculée pour l'assistance respiratoire, ce qui nécessite que les patients obèses surmontent également une durée d'apnée elle aussi prolongée.

Désaturation rapide/atélectasie plus importanteChez les patients obèses, la désaturation peut être plus rapide. Même avec une préoxygénation, on prévoit que la durée d'apnée avant désaturation artérielle en oxygène cliniquement significative sera significativement plus courte que chez les patients de poids normal11. Tanoubi et al. ont indiqué que, chez les patients obèses, la désaturation peut se produire à seulement 1 ou 2 minutes après le début de la phase d'apnée ou dans le temps nécessaire pour réaliser une seule tentative de laryngoscopie et d'intubation trachéale6. Même chez 85 % à 90 % des patients non obèses en bonne santé, l'atélectasie se produit dans les quelques minutes qui suivent l'induction de l'anesthésie. Une partie correspondant à 15 % du poumon devient atélectatique, créant un shunt dont le volume est d'environ 5 % à 10 %5. Chez les patients obèses, la zone d'atélectasie causée par l'anesthésie est bien plus étendue que chez les patients minces7. Plus particulièrement pendant la phase d'induction, les patients souffrant d'obésité et d'obésité morbide sont davantage enclins à développer une atteinte significative de l'échange gazeux pulmonaire et de la mécanique respiratoire. Il arrive même parfois que les patients souffrant d'obésité morbide entrent dans la salle d'opération avec une atélectasie pré-existante, susceptible d'être aggravée pendant l'anesthésie et la phase postopératoire, si une induction standard et un régime de ventilation classique sont employés5. Il a été mentionné que le risque de désaturation artérielle est accru lorsque la préoxygénation n'est pas réalisée de manière adéquate, ce qui peut être plus courant qu'on ne le pense. Sur un échantillon de 1 050 patients sains, une préoxygénation inadéquate (FEO2 < 90 %) a été observée dans 56 % des cas. Chez les patients obèses, la réduction du volume pulmonaire (notamment la capacité résiduelle fonctionnelle), la consommation accrue d'oxygène et l'hétérogénéité du rapport ventilation/perfusion entraînent des réserves d'oxygène inadéquates dont découle une réduction du temps de tolérance à l'apnée10.

Au vu des difficultés décrites concernant les patients obèses, il semble opportun de réfléchir à une approche adaptée de la préoxygénation et de l'induction afin d'éviter une désaturation précoce. Avant d'étudier les possibilités suggérées par la littérature pour la préoxygénation et l'induction chez les patients obèses, étudions les idées de la littérature actuelle sur les changements anatomiques et physiologiques que présentent les patients obèses.

DIFFÉRENCES SIG

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PRÉOXYGÉNATION ET INDUCTION ADÉQUATES CHEZ LES PATIENTS OBÈSES

étude a démontré que, après induction de l'anesthésie (avec PEP nulle), la CRF chez les patients non obèses était réduite de 39 % par rapport aux valeurs de référence. Chez les patients obèses, la réduction était largement supérieure, à environ 59 %8. Ceci démontre que la CRF chez les patients obèses est déjà inférieure à celle des patients non obèses avant induction, mais diminue encore plus une fois l'anesthésie induite.

Implication des volumes pulmonaires réduits pour les patients obèsesLes volumes pulmonaires réduits, notamment la CRF, impliquent que la respiration se produit également à des volumes pulmonaires inférieurs. Ceci s'accompagne d'un risque plus important d'obstruction des petites voies aériennes et de trapping, rendant de fait les patients obèses plus enclins à la formation d'atélectasie1,3,6. Comme indiqué plus haut, les patients souffrant d'obésité morbide présentent même parfois une atélectasie pré-existante en situation d'éveil et position debout5. En outre, la zone d'atélectasie causée par l'anesthésie est bien plus étendue chez les patients obèses que chez les patients minces7. Par conséquent, une CRF réduite peut entraîner des indications cliniques erronées de préoxygénation adéquate. Par exemple, pendant la préoxygénation, vous noterez que le wash-in sera plus rapide chez les patients présentant une CRF réduite, avec obtention plus rapide de la concentration expiratoire d'oxygène visée. Même si cela peut sembler intéressant, il est important de noter que ce n'est que le résultat des réserves d'oxygène réduites dans le poumon à volume réduit, qui à son tour entraîne une réduction de la durée d'apnée sans désaturation6. De plus, les effets négatifs des volumes pulmonaires réduits de fi n d'expiration peuvent aggraver les lésions pulmonaires pendant la ventilation en pression positive, potentiellement en raison d'obstructions répétées des voies aériennes8.

DIFFÉRENCES SIGNIFICATIVES CHEZ LES PATIENTS OBÈSES NIFICATIVES CHEZ LES PATIENTS OBÈSESOnnotechezlespatientsobèsesetceuxsouffrantd'obésitémorbide des changements anatomiques et physiologiques importants par rapport aux sujets de poids normal. Ceschangementssontlacause :1.deréservesd'oxygènesignificativementinférieures ;2.d'untravailventilatoiresignificativementaccru ;3.d'uneconsommationd'oxygèneaccrue.

Raisons des réserves d'oxygène inférieures et du travail ventilatoire accruL'obésité entraîne une baisse de la compliance du système respiratoire pouvant aller jusqu'à 35  %1. La compliance est considérée comme le point dur du système respiratoire ayant un impact sur la ventilation spontanée ainsi que sur la ventilation mécanique19. Selon la littérature, les changements anatomiques ci-dessous y contribuent en grande partie :a) La masse supplémentaire contre la paroi de la cage thoracique et la

répartition des graisses entraînent des pressions pleurales élevées1.b) Le volume abdominal supérieur et la graisse viscérale sont la cause

d'une élévation du diaphragme et d'une impédance diaphragmatique supérieure1. L'effi cacité du diaphragme s'en trouve réduite et ne correspond alors qu'à la moitié de celle des patients non obèses2. Le volume abdominal plus important entraîne également une cyphose lombaire et une lordose thoracique, ce qui restreint d'autant plus le mouvement des côtes pour créer une fi xation relative du thorax en position d'inspiration13.

c) La volémie peut augmenter de l'ordre de 50 % chez les patients obèses pour satisfaire la consommation d'oxygène accrue1. Près de 50 % des patients obèses souffrent d'hypertension, qui affecte également la circulation pulmonaire13.

Un second facteur est la réduction des volumes pulmonaires, autre conséquence de l'obésité qui s'ajoute à l'impact direct sur la compliance globale du système respiratoire. Même si les extrêmes des volumes pulmonaires (volume résiduel et capacité pulmonaire totale) semblent peu ou pas affectés, les volumes en rapport avec la respiration courante seront très vraisemblablement compromis1,3,6,8. Plus précisément, la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) et le volume de réserve expiratoire (VRE) peuvent être signifi cativement réduits1,3.

Lors d'une étude, le groupe contrôlé de patients non obèses a présenté une CRF de 2 861 +/- 682 ml, tandis que cette valeur était de 2 173 +/- 403 ml chez les patients obèses, soit 25 % de moins que les patients minces. La même

La réduction de la CRF est principalement due à une réduction du volume de réser-ve expiratoire. Le volume courant est réduit pour économiser la respiration, mais la fréquencerespiratoireestplusrapidepourgarantiruneventilationsuffisante.

Volume de réserve inspiratoire

Capacité inspiratoire

Capacité vitale

Volume courant

Capacité pulmonaire

totale

Volume de réserve expiratoire Capacité

résiduelle fonctionnelle

Volume résiduel

Volume résiduel

Volu

me

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PEP intrinsèque (ou PEP intrinsèque)Les volumes pulmonaires réduits présentent un autre aspect. La tendance mentionnée plus haut à respirer à des volumes pulmonaires réduits augmente également la résistance des voies aériennes avec restrictions du débit1. La pression expiratoire positive intrinsèque (PEP intrinsèque) est une conséquence directe1,3. la PEP intrinsèque correspond à la pression de rétraction en fin d'expiration du système respiratoire due à l'expiration incomplète. La pression doit être contrée par les muscles respiratoires avant la mise en place du débit, en ajoutant une charge élastique supplémentaire sur les muscles inspiratoires, ajoutant donc une charge au travail ventilatoire. Il est à noter qu'une étroite corrélation a été démontrée entre la PEP intrinsèque et l'IMC : Pankow et al. ont montré que le seul indicateur prévisionnel indépendant de la PEP intrinsèque était l'IMC3.

Mais la PEP intrinsèque peut également se produire sans restriction de débit lorsque le temps d'expiration (Te) est trop court pour la compensation de pression. En raison des schémas de respiration altérés chez les patients obèses, le Te est considérablement plus court que chez les sujets non obèses, entraînant une expiration incomplète. D'autres mécanismes, comme l'activité post-inspiratoire des muscles inspiratoires, génèrent une activité persistante du diaphragme après l'inspiration, ce qui peut avoir une influence supplémentaire sur la PEP intrinsèque3.

En résumé, les poumons des patients obèses souffrent non seulement de la pression exercée par la poitrine et l'abdomen, mais aussi de la PEP intrinsèque qui est la cause d'une charge de travail sévèrement accrue pour les muscles respiratoires (travail ventilatoire).

Profils de respiration altérésPour compenser ce travail ventilatoire accru, les patients obèses présentent des profils de respiration altérés. Leurs fréquences de respiration sont plus élevées et leurs volumes courants sont inférieurs afin de réduire la charge musculaire et d'éviter une hypoventilation1. De plus, leurs phases expiratoires beaucoup plus courtes que celles des patients non obèses peuvent contribuer à la PEP intrinsèque. Le cumul des valeurs basses de CRF, de VRE et de volume courant suggère qu'un grand nombre de patients obèses respirent à proximité du volume d'obstruction, contribuant de fait à l'atélectasie6.

Impact de la position couchée sur le dosLa position couchée sur le dos est classique pendant l'induction de l'anesthésie générale. Cette position aggrave la plupart des effets décrits précédemment. Lorsqu'un patient est placé en position couchée sur le dos, les volumes pulmonaires sont encore réduits et il peut arriver que les sujets obèses respirent alors proche du volume de réserve. Les variations de la pression transdiaphragmatique augmentent de manière significative et ajoutent encore à la charge des muscles inspiratoires2. La charge accrue de la paroi de la cage thoracique atteint son effet maximal sur le système respiratoire. La résistance des voies aériennes et les restrictions de débit augmentent. Lorsque seulement 2 patients obèses sur 8 présentent des restrictions de débit en position debout, 7 patients sur 8 présentent de telles restrictions en position couchée sur le dos. Ainsi, la PEP intrinsèque augmente avec le passage en position couchée sur le dos3. Une étude a permis de mesurer une PEP intrinsèque moyenne de 5,3 cmH2O chez les patients obèses en position couchée sur le dos2. Une autre étude a conforté cette information et indiqué que la PEP intrinsèque chez les patients obèses a augmenté de 1,4 cmH2O à 4,1 cmH2O lors du passage de la position debout à la position couchée sur le dos3. En moyenne, la PEP intrinsèque augmente de 0,2 cmH2O par unité d'IMC2.

Radiologies thoraciques d'un patient obèse (gauche) avec un diaphragme élevé et d'un patient de poids normal (droite) avec un diaphragme en position normale.

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Les volumes pulmonaires inférieurs, les volumes courants bas et l'atélectasie correspondante peuvent avoir une influence significative sur le volume des réserves d'oxygène qui peuvent être remplies pendant la préoxygénation. Il est probable que le travail ventilatoire accru et les profils de respiration correspondants aient une influence négative sur le bon déroulement de la préoxygénation basée uniquement sur la respiration spontanée. Ceci peut entraîner, comme décrit précédemment, un délai plus court avant désaturation artérielle, après le commencement de la phase d'apnée. Au vu des difficultés plus importantes de ventilation au masque et d'un délai plus long avant sécurisation des voies aériennes, il devient évident que la préoxygénation et l'induction chez les patients obèses doivent évoluer pour optimiser la durée de tolérance à l'apnée.

APPROCHES DE LA PRÉOXYGÉNATION ET DE L‘INDUCTION CHEZ LES PATIENTS OBÈSES La littérature actuelle semble proposer des recommandations adaptées pour réaliser au mieux la préoxygénation et l‘induction chez les patients obèses afin d‘obtenir une plage plus longue de saturation enoxygène adaptée même en cas d‘intubation difficile,réduisant ainsi l‘incidence de l‘atélectasie, voire descomplications pulmonaires postopératoires chez ces patients.Les points suivants sont à envisager pendant la préoxygénationetl‘inductionchezlespatientsobèses :1. Relever la tête et le buste du patient.2. Appliquer une pression positive des voies aériennes pendantlapréoxygénation,plutôtquedes‘enremettreuniquement à la respiration spontanée.

3. Prendre en compte la concentration inspiratoire d‘oxygène pendant la préoxygénation et l‘induction.

4. Réaliser une manœuvre de recrutement pulmonaire suite à une intubation trachéale et utiliser la PEP optimale pendant la ventilation mécanique qui suit.

Tête et buste relevés pendant la préoxygénation et l'intubationLe positionnement optimal du patient obèse est vital pendant la préoxygénation et l'induction de l'anesthésie générale. Les pressions exercées par l'abdomen sont réduites et la paroi de la cage thoracique impose bien entendu un poids inférieur sur les poumons, ce qui améliore le volume pulmonaire, notamment la CRF1,6. Il a été démontré que la durée d'apnée sans désaturation est plus longue par rapport à la position couchée sur le dos simplement lorsque le patient est positionné avec la tête relevée à 25°6. Concernant l'intubation dans cette position, les opinions divergent. Un article indique que la glotte est plus facile à

visualiser pendant l'intubation en position relevée1. Un autre recommande de mettre dans la balance la durée d'apnée sans désaturation plus longue, d'un côté, et une intubation trachéale potentiellement plus difficile et une incidence accrue d'hypotension lors de l'induction de l'anesthésie, de l'autre6. D'autres recommandent clairement d'associer la position de Trendelenburg inversée avec la tête relevée à 25° pour obtenir des résultats optimaux11,14,20.

Pression positive des voies aériennes bénéfique, avec un masque ajustéSi la position tête relevée est une première étape pour soulager le système respiratoire, la pression positive des voies aériennes appliquée pendant la préoxygénation semble être une autre mesure prometteuse. Divers articles recommandent l'utilisation de la pression positive des voies aériennes dès la préoxygénation.

Une étude a démontré qu'une CPAP de 7  cmH2O appliquée chez les patients obèses en position couchée sur le dos a réduit la PEP intrinsèque de 4,1 à 0,8  cmH2O en moyenne, soit une valeur similaire à la PEP intrinsèque chez les patients non obèses en position couchée sur le dos. La CPAP est donc en mesure de compenser la PEP intrinsèque2. L'EMG diaphragmatique (EMGdi), indicateur de l'activation diaphragmatique et donc de la charge sur le système respiratoire, s'est avéré significativement réduit par l'application de la CPAP, ce qui indique que la CPAP réduit le travail ventilatoire chez ces patients2. La CPAP pendant la préoxygénation peut également offrir une tolérance significativement plus longue de l'apnée chez les patients obèses. Il a été noté que, par rapport à la préoxygénation à pression ambiante, l'application de 5 cmH2O de CPAP offre une tension d'oxygénation artérielle supérieure à la fin de la préoxygénation ainsi qu'une durée d'apnée plus longue avant désaturation. Dans cette étude, le délai avant SpO2 < 93 % est passé de 273 secondes sans CPAP à 496 secondes avec CPAP9. Une autre étude a démontré qu'une CPAP de 10 cmH2O pendant la préoxygénation et l'induction engendrait des valeurs d'oxygénation (SaO2 et PaO2) significativement supérieures, tandis que le volume du shunt était significativement inférieur par rapport au groupe de contrôle7. L'emploi d'une aide inspiratoire non invasive (aide inspiratoire VNI) a également démontré son bénéfice pendant la préoxygénation11.

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Des recherches suggèrent également que plus l'IMC augmente, plus la pression positive semble être nécessaire pour influer positivement sur l'efficacité de la préoxygénation. Bouroche et al. ont indiqué que chez les patients souffrant d'obésité morbide, une CPAP de 7,5 cmH2O pourrait améliorer la durée d'apnée sans désaturation. Toutefois, lorsqu'une CPAP de 5 cmH2O est associée à une aide inspiratoire de 5 cmH2O pendant la préoxygénation, l'oxygénation est améliorée et les épisodes de désaturation décroissent par rapport à une respiration en pression neutre10.

Pour cependant souligner la pertinence de la position avec tête relevée à 25° et/ou de la position de Trendelenburg inversée même avec la pression positive pour la préoxygénation, nombreux sont les auteurs étudiant effectivement la ventilation en pression positive qui soulignent également le rôle important que joue la position dans ce scénario.

CPAP, PEP et aide inspiratoireÀ cet égard, selon la technologie du ventilateur déployé, la différence est notable pour la CPAP et la PEP, notamment pour la respiration spontanée. La PEP est une pression résiduelle maintenue dans le système par une valve. Ceci signifie qu'une personne respirant de manière spontanée expire contre une résistance qui augmente le travail ventilatoire. Le réglage de la PEP au niveau ou au-delà de la PEP intrinsèque peut compenser la PEP intrinsèque et donc réduire le travail ventilatoire. Si elle est réglée au-delà de la PEP intrinsèque, le recrutement des zones d'atélectasie peut être amplifié. La plupart des technologies de ventilateur ne sont pas en mesure de compenser suffisamment les fuites et ne peuvent pas maintenir la pression de manière active. La CPAP réelle de la respiration spontanée maintient la pression de manière active avec le soutien du ventilateur tout en permettant une respiration spontanée libre aux environs du niveau de pression défini. Pour simplifier davantage le travail ventilatoire et contribuer à l'accroissement des volumes pulmonaires (et donc des réserves d'oxygène), l'aide inspiratoire promeut la respiration

courante en soutenant activement les inspirations spontanées par une pression définie de manière synchronisée.

Conseil  : pour plus d'informations techniques deréférence, consultez notre livre électronique «  Perspectivestéchnologiques».

Enfin, la pression appliquée avec la CPAP, la PEP et/ou l'aide inspiratoire doit effectivement atteindre le patient. N'oublions pas que les masques utilisés pour la préoxygénation doivent être adaptés et parfaitement ajustés pour le patient. Les fuites entre le masque et le visage du patient peuvent engendrer une dilution de la concentration inspiratoire d'oxygène. Une dilution d'environ 20 % de l'oxygène par l'air ambiant se produit si le masque n'est pas parfaitement placé sur le visage du patient, cette proportion pouvant s'élever à 40 % si le masque est simplement maintenu à proximité du visage. Un masque de qualité supérieure et bien ajusté au visage du patient doit donc être positionné avec précision sur son visage. Il convient de se rappeler que de nombreux facteurs peuvent influer sur la bonne étanchéité du masque, notamment la pilosité faciale, le type de masque, la forme du visage, etc.10

Prise en compte de la concentration inspiratoire d'oxygène pendant la préoxygénation et l'inductionChez les patients minces, la préoxygénation est généralement réalisée à 100  % d'oxygène pour garantir un volume d'oxygène suffisant dans les poumons afin d'augmenter le délai avant désaturation après le commencement de la phase d'apnée. Les experts indiquent que des concentrations élevées en oxygène pendant la préoxygénation chez les patients obèses peuvent favoriser l'atélectasie en raison de la prise d'oxygène dans les alvéoles mal ventilées, ce qui est encore plus vrai pour les patients souffrant d'obésité morbide6. Les cliniciens indiquent qu'une concentration d'oxygène réduite peut être utilisée pour réduire l'atélectasie de résorption chez les patients obèses20. Toutefois, la plupart des auteurs cités dans cet article ont appliqué des concentrations en oxygène élevées pendant la préoxygénation et l'induction de l'anesthésie pour garantir un délai suffisant sans désaturation après l'apnée. Rusca et al. indiquent que la part d'atélectasie est plus importante chez les patients obèses lorsqu'une concentration inspiratoire d'oxygène élevée est appliquée et qu'une concentration d'oxygène inférieure empêche la formation de l'atélectasie pendant l'induction de l'anesthésie. Ils ne recommandent toutefois pas cette technique en raison de la marge de sécurité réduite en cas d'éventuelle difficulté de ventilation au masque et/ou d'intubation chez les patients obèses. La même étude suggère que l'application d'une pression positive des voies aériennes pendant l'induction de l'anesthésie peut permettre d'éviter la formation d'atélectasie malgré l'utilisation de concentrations d'oxygène élevées15.

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Conclusion et perspectivesLes patients obèses peuvent nécessiter plus d'attention de la part des anesthésistes et requièrent assurément des approches adaptées dès la préoxygénation et l'induction de l'anesthésie générale. Les informations présentées ici s'appliquent cependant aux patients adultes, mais pas aux patients pédiatriques. L'obésité n'est cependant pas une difficulté rencon-trée uniquement chez les patients adultes, mais également chez les en-fants. L'OMS estime qu'environ 41 millions d'enfants de moins de 5 ans étaient concernés par le surpoids ou l'obésité en 2014. Ce chiffre alarmant doit résonner auprès des anesthésistes et les inciter à se former à la prise en charge des enfants obèses. Nous allons donc nous pencher sur la prise en charge de l'anesthésie générale chez les enfants obèses dans l'un de nos prochains articles. Vous serez bientôt informés...

Recrutement des poumons après intubation trachéaleLe délai entre le commencement de la phase d'apnée et l'intubation trachéale réalisée avant ventilation consécutive expose à nouveau le pati-ent obèse au risque de formation d'atélectasie. Il est donc recommandé, notamment chez les patients atteints d'obésité morbide, de réaliser une manœuvre de recrutement aussitôt après l'intubation trachéale, suivie de l'application de la PEP pendant la ventilation mécanique contrôlée. La PEP seule, sans recrutement, ne semble pas suffisante pour rouvrir les tissus pulmonaires atélectatiques. Toutefois, les auteurs estiment que, lorsque la ventilation en pression positive était appliquée avant l'intubation trachéale, une pression de 40 mmH2O était suffisante et réduisait le risque de baro-traumatisme12. Même si la PEP seule n'est pas suffisante pour régénérer le poumon, elle reste efficace pour prévenir la formation d'atélectasie12,17. La PEP doit être titrée individuellement par patient. Diverses approches ont été suggérées pour régénérer les poumons obstrués et pour titrer la PEP. Chris Thompson propose des informations pratiques sur la marche à suivre20.

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PRÉOXYGÉNATION ET INDUCTION ADÉQUATES CHEZ LES PATIENTS OBÈSES

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RÉFÉRENCES