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collection milieux

dirigée parJean-Claude BEAUNE

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ENTRE SYMBOLES ET TECHNOSCIENCES

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Couverture : Album de Villard de Honnecourt

© 1996, Editions Champ Vallon 01420 SeysselISBN 2-87673-219-X

ISSN 0291-71576

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GILBERT HOTTOIS

collection milieuxCHAMP VALLON

ENTRE SYMBOLES ET TECHNOSCIENCES

UN ITINÉRAIRE PHILOSOPHIQUE

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DU MÊME AUTEUR

La philosophie du langage de L. Wittgenstein, Bruxelles, Editions de l’Universitéde Bruxelles, 1976.

L’inflation du langage dans la philosophie contemporaine, Bruxelles, Editions del’Université de Bruxelles, 1979.

Pour une métaphilosophie du langage, Paris, Vrin, 1981.Pour une éthique dans un univers technicien, Bruxelles, Editions de l’Université

de Bruxelles, 1984.Le signe et la technique (La philosophie à l’épreuve de la technique), Paris, Aubier,

1984.Du « sens commun » à la « société de communication ». Etudes de philosophie du

langage, Paris, Vrin, 1989.Penser la logique. Une introduction technique théorique et philosophique à la

logique formelle, Paris-Bruxelles, Editions Universitaires-De Boeck, 1989.Le paradigme bioéthique, Bruxelles-Montréal, De Boeck-Erpi, 1989.G. Simondon et la philosophie de la « culture technique », Bruxelles, De Boeck,

1993.

Direction scientifique et édition :

Philosophie et langage, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles ; Paris,Vrin, 1982.

Ethique et technique, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles ; Paris,Vrin, 1983.

Science-fiction et fiction spéculative, Bruxelles, Editions de l’Université deBruxelles, 1985.

Bioéthique et libre-examen (avec C. Susanne), Bruxelles, Editions de l’Universitéde Bruxelles, 1988.

Evaluer la technique, Paris, Vrin, 1988.L’affect philosophe, Paris, Vrin, 1990.Aux fondements d’une éthique contemporaine : H. Jonas et H.T. Engelhardt, Paris,

Vrin, 1993.H. Jonas : Nature et Responsabilité (avec G. Pinsart), Paris, Vrin, 1993.R. Rorty. Limites et ambiguïtés du postmodernisme (avec M. Weyembergh), Paris,

Vrin, 1994.

Direction d’un ouvrage encyclopédique :

Les mots de la bioéthique. Un vocabulaire encyclopédique (avec M.-H. Parizeau),Bruxelles-Montréal, De Boeck-Erpi, 1993.

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PRÉSENTATIONAccompagner les technosciences

en philosophe

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D’un diagnostic porté sur la philosophie

Lorsqu’au cours des années soixante-dix, nous avons caractérisé la philo-sophie du XXe siècle par la secondarité, nous la contrastions déjà avec latechnoscience, et soulignions, en finale, la question éthique comme prospec-tivement capitale1. Sous le terme de secondarité, nous décrivions la philoso-phie continentale et anglo-saxonne originale de ces dernières décenniescomme essentiellement référée au langage ou située en marge de textes etde discours. Nous percevions dans cette marginalité méta- et ad-linguistiquela réaction polymorphe et complexe, tantôt naïve, tantôt subtile, d’une phi-losophie exclue de ses traditionnelles prérogatives ontologiques sous l’effetdu monopole scientifique sur le langage référentiel réaliste d’une part, et,plus profondément mais aussi plus obscurément, sous l’effet de l’insistanceuniverselle du rapport opératoire propre aux pratiques technoscientifiqueset frappant d’une relative désuétude l’assomption symbolique de la condi-tion humaine. L’inflation du langage et l’obsession langagière de la philoso-phie au XXe siècle apparaissaient, dès lors, comme une sorte d’ultime flam-boiement du logos : la fin de l’homme-langage-image, du vivant parlant àl’image du verbe-dieu, de l’être-au-monde comme être-au-livre. Plus préci-sément, c’est de l’intérieur de la position onto-théologique ou depuis lanostalgie qu’elle entretenait, que la transformation, en cours, du rapport de

1. Voir notre ouvrage : L’Inflation du langage dans la philosophie contemporaine, Ed. del’Université de Bruxelles, 1979.

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l’être humain à sa condition prenait ces couleurs d’apocalypse. Nous appe-lions seulement à rompre avec le surinvestissement philosophique du lan-gage et à prendre en considération l’univers technoscientifique, quasi com-plètement forclos de la conscience philosophique créatrice de l’époque,afin d’affronter les questions relatives au futur de l’humanité de plus enplus physiquement et pas seulement symboliquement productrice d’elle-même.

Depuis l’époque de ce diagnostic porté sur la philosophie, près d’unquart de siècle s’est écoulé. Les choses philosophiques et l’auteur ont évo-lué. Un regard rétrospectif enseigne que la thématique du langage estdemeurée très importante en philosophie, où elle a même développé desvariantes nouvelles sous l’impulsion, par exemple, non convergente cepen-dant, du postmodernisme et de l’Ecole de Francfort, ou des alliances entrela phénoménologie-herméneutique et la philosophie linguistique-analy-tique, ou, encore, de la pragmatique. Mais plus significatif nous semble lefait que des philosophes et des intellectuels, en nombre croissant, ontrompu avec les « logologies » – les métalangages et les discours autoréfé-rentiels et aréférentiels –, reconnu l’importance de la technique, admis lanature technicienne-opératoire de la science contemporaine (entraînant labanalisation du terme « technoscience ») et commencé de mesurer la por-tée des questions, enjeux et défis soulevés par les technosciences.

Toutefois, même s’il ne s’agissait pas du tout, pour nous, de prôner unretour vers des référés et des signifiés majeurs – ceux de l’ontothéologie –,mais plus modestement de prendre en considération positive et effective lespratiques technoscientifiques et leurs possibles, la notion de secondaritédressait un constat aux connotations passéistes, suggérant à la fois l’impos-sibilité advenue et la nostalgie de la métaphysique. Ce passéisme contras-tait violemment avec le futurisme des évocations relatives aux techno-sciences, proches de la science-fiction. Les deux premiers textes de cevolume, publiés en 1978, en conservent la trace.

Nous ne voulions pas, par exemple, du passéisme illustré par le physicienBernard d’Espagnat1 qui, à la pointe d’une science devenue intégralementopératoire et incapable de représentation « réaliste », en appelait à unretour aux langages métaphysiques et religieux. Semblable attitude revenaità vouloir réactiver l’assomption symbolique de la condition humaine dansl’apparent prolongement de cela même – la science moderne et contempo-raine – qui, constitutivement, conteste la domination des symbolisationstraditionnelles. B. d’Espagnat refusait que le réel soit processus, interac-tions et opérations (processus-actions humaines et processus-événementsnon humains en interaction), et que la symbolisation puisse accompagnerces processus et interactions sans quelque référence salvatrice à un point

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PRÉSENTATION

1. Cf. le chapitre 4 : « De l’ontologie au XXe siècle ».

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absolument stable, éternel, immuable, nommé Etre ou Dieu ou Réalité. Ilne pouvait admettre que la prétendue « impuissance de la science contem-poraine » (relativement à la référence et à la représentation réalistes) ne fûtque l’indice du fait que cette science n’était pas simplement dans le prolon-gement de la science logothéorique ou ontologique, et que l’on pouvait –devait peut-être – essayer de prendre son parti de cette mutation, sans vou-loir obstinément l’assimiler à un fourvoiement. L’étude que nous lui avonsconsacrée faisait éclater un double mirage : celui du philosophe reconvertià l’analyse critique du langage (secondarité métalinguistique) et postulantnaïvement le caractère réaliste non problématique du discours scientifique,dans l’ignorance où il est des débats de la physique ; celui du scientifique,non familier de la philosophie contemporaine, se tournant vers la penséephilosophique afin de retrouver un ancrage référentiel stable que l’avancéede sa science lui a dérobé sans espoir de retour. B. d’Espagnat illustrait,voici quinze ans, ce dont nous ne voulions pas, sans que nous puissionsencore bien préciser en quoi devrait consister une réflexion libérée de lamétaphysique et de la secondarité. Nous demeurions prisonnier de la pola-rité de ces deux termes et de celle, tout autant duelle, du langage (symbo-lique) et du technique (opératoire). Sur le fond implicite et illusoire d’une« primarité » ou d’une « immédiateté » ou d’une « innocence » perdue, lasecondarité de la pensée philosophique n’avait guère de chance d’acquérirun statut positif et porteur d’avenir. Au-delà de la secondarité, il ne sem-blait y avoir que la technoscience, le cosmos et le futur, infiniment ouverts àl’opération et radicalement fermés à la symbolisation autre qu’imaginaireet sauvage1. Dès le début des années quatre-vingt, nous insistions cepen-dant au moins autant sur les interactions, la dialectique, l’entre-signe-et-technique, que sur l’opposition du signe et de la technique2. Il fallut toute-fois encore plusieurs années et la rencontre de l’œuvre de GilbertSimondon pour que l’idée d’accompagnement vienne à cristalliser.

Que de temps pour la gestation d’un mot ! Mais ce mot est un nouveausymbole, et même une espèce de métasymbole, puisqu’il dit quelque choseau sujet de la place du symbolique et de la symbolisation. A ce titre, il estchargé de bien plus que de la dénotation d’un nouvel objet.

De la secondarité à l’accompagnement, il y a tout le chemin qui va de lamarginalité réactive et négative à l’être-à-côté-de volontaire et actif. Lesphilosophies de la secondarité se fondaient sur la forclusion de l’universtechnoscientifique et n’entretenaient à celui-ci – à l’opérativité – qu’unerelation inconsciente, quelquefois mimétique, car on subit ce que l’on neveut pas connaître.

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PRÉSENTATION

1. Sans doute est-ce le chapitre 5 (« La dissociation du temps ») qui témoigne le plus nette-ment de cette position.

2. Comme le montre la quatrième et dernière Section de Le Signe et la technique (Paris,Aubier, 1984), qui s’intitule précisément « Entre signe et technique ».

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Différence et complémentarité du symbole et de la technique

L’accompagnement des technosciences s’enracine dans la reconnaissancede la différence du signe et de la technique, et se méfie de toutes les entre-prises d’effacement1. Ainsi sommes-nous fort réservé à l’égard des critiques,très à la mode, du réalisme, de l’objectivité, de la prétention scientifique à lavérité. Cette méfiance ne procède pas d’une volonté ou d’un désir de sauverun réalisme positiviste ou métaphysique auquel nous ne nous rattachons nul-lement. Au contraire, elle est née de la conviction que la très large majoritéde ces critiques – venues de la phénoménologie, de l’herméneutique, de laphilosophie du langage, de la rhétorique, de l’histoire des sciences – conti-nuent, en définitive, de faire le jeu du primat et de la forme de vie symbo-liques, ouvert seulement à l’autoréférence et à l’autopoïèse symboliques. Cesdiscours critiques de la science et de sa différence ignorent, le plus souvent,l’opérativité technoscientifique de la science moderne et contemporaine.Celle-ci ne peut, en tant que telle, être symboliquement assimilée. Il est doncessentiel pour ces critiques que la science paraisse logothéorique, c’est-à-dirediscours et représentation. De ceux-ci, il est aisé d’attaquer les prétentions àla vérité, à l’objectivité, au réalisme, comme étant celles, abusives, de cer-tains jeux de langage et de pouvoir. On peut aussi, alors, montrer que leslogothéories scientifiques ne sont que des logométaphores, pas essentielle-ment distinctes des mythes et des productions dites de fiction en général.Toutes ces critiques, qu’elles procèdent de Husserl, de Nietzsche, de Kuhn,de Habermas ou de Rorty, perpétuent la domination exclusive d’homoloquax sur homo faber. Elles confirment, et pas seulement à usage individuelet privé, la légitimité, la nécessité et la valeur exclusive d’une réponse sym-bolique à la condition humaine, et méconnaissent ou méprisent la spécificitéde la civilisation technoscientifique. Certes, nous critiquons aussi la concep-tion traditionnelle, positiviste, objectiviste, du réalisme scientifique qui n’estqu’une variante du « Miroir de la Nature ». Mais il n’est pas question derenoncer en même temps à tout ce qui fait la différence entre les sciences etles autres activités humaines ni de ramener simplement les sciences au ber-cail du symbolique, d’en faire des fictions, des métaphores, des opinions, descroyances, des perspectives (religieuses, littéraires, philosophiques, mytholo-giques…), et de se contenter de jouir symboliquement de l’effet de libérationet d’émancipation que les sciences et les techniques modernes ont eu sur lespratiques symboliques et leur expression (la fameuse liberté de pensée et,plus généralement, les libertés individuelles). Il s’agit, au contraire, de main-tenir que cette émancipation opérée par les technosciences, ou avec leuraide, n’est nullement achevée, et qu’une réduction herméneutique, rhéto-

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PRÉSENTATION

1. Cf. les chapitres 6 (« La différence du signe et de la technique ») et 9 (« Risques technos-cientifiques et symboliques – Responsabilités et convictions »).

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rique ou idéologique de la science contemporaine contrecarre la dynamiqued’émancipation. Or, l’avenir et l’espoir de l’humanité nous paraissent devoirpasser par cette dynamique, comme par une condition nécessaire sinon suffi-sante.

La science contemporaine n’est pas prioritairement et, encore moins,exclusivement un ensemble de textes et de représentations. Elle est uncomplexe en mouvement de machines, de réseaux, d’opérations, de pou-voirs, de systèmes ; elle est un ensemble d’actions, de processus, de procé-dures, qui permettent d’intervenir dans la nature et dans la conditionhumaine d’une manière radicalement différente de la magie, de la religion,de la littérature, du stoïcisme ou du bouddhisme zen… La technoscienceest ce qui permet de réagir dans le malconfort de la condition humaineautrement que de manière symbolique et elle procède de la volonté de nepas se contenter d’une telle réponse symbolique.

Que, toutefois, la technoscience ne suffit pas et que l’humanité a besoinaussi d’une autre force et d’une autre dynamique, celle de l’affectivité posi-tive, constitue une question complémentaire et essentielle, qui est aussicelle de la « bonne symbolisation ». C’est dans cette direction que nous sou-haitons aller. Nous ne croyons pas que la bonne symbolisation passe par latechnoscientophobie et que ce soit progresser dans le bon sens que de vou-loir retourner aux, ou persévérer dans les anciennes symbolisations, enréaction aux abus opérés au sein, et parfois au nom, de notre civilisationtechnoscientifique. La fascination, individuelle ou collective, exercée parles réponses symboliques demeure constante et puissante, tout particulière-ment lorsque la technique échoue à tenir les promesses que des symbolisa-tions exagérément utopistes avaient hâtivement placées en elle.

De la volonté de maîtrise au désir d’accompagnement

En quête d’une nouvelle manière de penser et de négocier les interac-tions du signe et de la technique, nous n’avons pu nous satisfaire des caté-gories courantes de la maîtrise et du contrôle1. La plupart du temps, c’est àdes techniques nouvelles que l’on demande de contrôler ou de régulerd’autres techniques. Or, la volonté de maîtrise et de contrôle est précisé-ment l’excès que l’on dénonce le plus volontiers dans la science et la tech-nique modernes, obsessionnellement préoccupées d’assurer la dominationde l’homme sur la nature. Mais au-delà de cette rétorsion aisée et dès lorsque l’on exigeait un autre recours pour contrôler la technique que simple-ment plus de technique encore, se posait la question : maîtriser au nom dequoi et de qui ? Au nom de quel symbole, de quel nom majuscule, légitime-

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PRÉSENTATION

1. Cf. le chapitre 7 : « Maîtriser la technoscience ? »

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ment subordonner les technosciences, c’est-à-dire limiter a priori laRecherche et le Développement TechnoScientifiques (RDTS) ? Au nom dequelle philosophie, de quelle religion, de quelle idéologie, de quelle anthro-pologie, de quel projet de civilisation ? Telle était la véritable question, etelle était radicale : quelle autorité symbolique pourrait donc éclairer et bali-ser – boucler anticipativement pour ce qui est de l’essentiel – universelle-ment et légitimement l’avenir de l’humanité et du monde ? Ou plus formel-lement, c’est-à-dire exprimé indépendamment du contenu de toute loisymbolique déterminée : de quel droit en général même affirmer que lespratiques, la recherche, l’action et le faire, l’invention et la création, doiventêtre subordonnés à quelque nom capital et absolu que ce soit ? De queldroit – si ce n’est le droit tautologique du symbolique lui-même, dans lamesure où il n’y a de droit que par le symbolique – affirmer que le Verbeprime et doit primer absolument le Faire ? L’espace et l’histoire de l’huma-nité retentissent de Verbes majuscules concurrents qui prétendent tousincarner ce droit, chacun pour soi et, surtout, pour tous. Notre perplexiténe portait pas sur la légitimité d’une surveillance et d’une répression desabus concrets innombrables associés à des intérêts vulgaires privés, indivi-duels ou collectifs – profit, pouvoir, jouissance – sans rapport immédiatavec la recherche technoscientifique et agissant même souvent à l’encontrede cet intérêt-là, – nous voulons dire l’intérêt de la recherche libre. Le véri-table désir de maîtrise symbolique porte sur l’aval de la recherche techno-scientifique elle-même et ambitionne d’intervenir – d’interdire – en amont. Ilconsiste dans la volonté de déclarer absolument et définitivement hors-la-loi certains programmes de recherche (à titre d’exemples : sur le génomehumain, sur la sénescence, sur le cerveau, sur la conquête spatiale, sur latransgénose, etc.), bref d’arrêter la dynamique de la recherche sur certainsfronts, sous prétexte que de tels projets dépassent les bornes de la nature etde la condition de l’homme. Le désir fondamental de la maîtrise symbo-lique est le désir de confirmer et de protéger pour l’avenir, et à jamais, laréponse symbolique à la condition humaine comme seule réponse légitimeet possible. Concrètement, cette réponse est toujours celle d’une traditionparticulière et son intention est conservatrice.

Le désir de la maîtrise symbolique forte – instaurant des limitations abso-lues et ne se contentant pas de moratoires – de la dynamique technoscienti-fique est le contraire de la volonté d’accompagnement, puisqu’il tente defermer l’avenir, dont l’ouverture trop large affecte la mort – notre mort, lamort des hommes symbolisants – d’une contingence et d’une angoisse diffi-cilement supportables. Le thème de la finitude qui place l’avenir sous lafigure de l’être-pour-la-mort, limitant ontologiquement l’être-de-possiblesque nous sommes, exprime parfaitement l’alliance subtile et profondenouée entre la mort nécessaire, la symbolisation triomphante, l’impuissancedu faire et la clôture du temps. Toute rédemption symbolique de la mort

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PRÉSENTATION

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institue une ontologie, une métaphysique ou une théologie, autrement ditun Référé symbolique éternel, qui ne sauve l’humanité de la mort que dansla mesure où celle-ci est confirmée comme absolument inexorable.

Toutes les limitations a priori sont des limitations symboliques. Elles seprésentent comme ontologiques et procèdent de la confusion idéalisteancienne entre les mots et les choses. L’idéalisme prétend appréhender lesstructures du réel par la voie spéculative, c’est-à-dire à l’aide de la réflexionpar le sujet des structures symboliques (langagières) grâce auxquelles il sereprésente le réel et que la tradition culturelle à laquelle il appartient aimprimées en lui avec l’apprentissage de la compétence linguistique. Ladénonciation de cette confusion onto-logique entre les mots et les chosesest constitutive de la science moderne. Dans le prolongement de celle-ci, lestechnosciences ne reconnaissent que des limites ou des impossibilités a pos-teriori, donc contingentes, provisoires : des résistances, des problèmes. Lesplus solides de ces résistances sont érigées en lois de la nature. Mais ces loissont empiriques et expérimentales, hypothétiques. Elles ne limitentqu’aussi longtemps qu’on n’a pas réussi à les contourner, et rien ne peutinterdire d’entreprendre à cette fin des expériences nouvelles, d’essayertoujours autre chose. Rien, à condition de ne pas oublier que la souffranceest aussi une indication de limite, une résistance du vivant et, plus particu-lièrement, du vivant humain, avec laquelle il est impératif de compter. Telleest peut-être la seule maxime éthique qui doive venir balancer l’impératifde l’actualisation du possible. Cet impératif éthique du respect et dusecours de la douleur implique des retenues, des détours et des lenteurs,des urgences aussi quelquefois, qu’il ne faut pas confondre avec la limita-tion, dite éthique, des technosciences réclamée par des symbolisationsonto-théologiques traditionnelles ou réactionnaires. Celles-ci visent àsubordonner les pratiques technoscientifiques à un pouvoir symbolique ins-titué : un tel pouvoir est toujours particulier, bien qu’il cherche à universali-ser sa particularité, par la ruse et par la force. Or, l’apport de force et deruse efficaces que les technosciences sont susceptibles de mettre au serviced’un pouvoir symbolique quelconque est tel que les plus grands périlss’associent désormais à une telle subordination. C’est pourquoi il est abso-lument vital que la puissance technoscientifique maximale demeure du côtéde collectifs qui entretiennent au symbolique et au technoscientifique un rap-port libre, en attendant qu’un tel rapport de liberté puisse être étendu àl’ensemble des collectifs divers qui composent l’humanité. Même si ellessont loin d’être exemplaires à tous égards, les démocraties à l’occidentale,laïques, pluralistes, soucieuses des droits de l’homme et s’entre-surveillantles unes les autres, constituent aujourd’hui le meilleur abri pour cetteliberté. Trop souvent les alarmes, en partie légitimes, concernant des abusde la RDTS et entraînant la volonté de mettre celle-ci sous tutelle sont lemasque ou le moyen utilisés par des pouvoirs symboliques et fondamenta-

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PRÉSENTATION

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listes pour s’imposer. Fondamentalisme et pouvoir symbolique sont étroite-ment associés, car le pouvoir symbolique n’est rien (sa fragilité est extrême,à la différence de la puissance technophysique) s’il ne se donne un fonde-ment absolu qui l’assure. La notion d’accompagnement voudrait rompreavec cette dialectique des fondements, des pouvoirs et des maîtrises, et pro-mouvoir un rapport de liberté, sans subordination de la technique au sym-bole ni de celui-ci à celle-là. Seule une double relation, en quelque sorteégalitaire, aux deux termes garantit cette indépendance. Gilbert Simondonavait parfaitement compris que le mal ou l’erreur consistait dans le désird’asservir une fois pour toutes le symbole à la technique ou celle-ci à celui-là. C’est pourquoi, aussi, il est tellement périlleux de vouloir légiférer dansle domaine de la recherche technoscientifique, et d’autant plus périlleuxque l’on demande des lois plus fondamentales, inaptes aux souples etrapides ajustements ou révisions requis par la RDTS.

Accompagner en philosophe

L’idée d’un accompagnement symbolique (et plus spécifiquement philo-sophique) des technosciences, comme mode d’articulation du signe et de latechnique, a cristallisé au début des années quatre-vingt. A la fois d’unemanière critique, en réaction à la pensée de J. Ellul1 et d’une façon posi-tive, dans le prolongement de celle de G. Simondon2. L’association opéréequelquefois entre la réflexion d’Ellul sur la technique et la nôtre est com-préhensible autant qu’abusive. Elle remonte à la publication de Le Signe etla technique, dont J. Ellul avait rédigé la préface. L’œuvre d’Ellul nousétait, en effet, apparue comme tout à fait remarquable pour trois raisons :Ellul s’est avisé de l’importance décisive de la technique à une époque (ledébut des années cinquante) où aucun intellectuel – philosophe ouessayiste – français ne s’en préoccupait ; il a fait de la technique une ana-lyse originale, ne la réduisant pas à la conception traditionnelle et de senscommun qui l’assimile à « un ensemble d’outils et de moyens au service del’homme » et qui entretient le préjugé d’une distinction ferme entre lascience (logothéorique) et la technique (science appliquée) ; il manifestaitenfin une sensibilité aiguë à l’égard de la différence du signe et de la tech-nique. Certes, Heidegger avait déjà attiré l’attention philosophique sur cer-tains de ces aspects (non-distinction entre la science moderne et la techno-logie, insuffisance de la conception anthropologiste et instrumentaliste,différence entre la pensée ou la parole et le calcul ou l’opération scienti-

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PRÉSENTATION

1. Chapitre 10 : « L’impossible symbole ou la question de la “ culture technoscientifique ” ».2. Chapitre 11 : « Technologie, culture et philosophie ». Voir aussi notre monographie :

G. Simondon et la philosophie de la « culture technique », Bruxelles, De Boeck, (France : diff.Belin), 1993.

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fico-technique) et nous l’avions lu bien avant de connaître Ellul. MaisHeidegger nous apparaissait principalement, alors, comme l’une desfigures les plus extrêmes de la secondarité, un responsable de la hantiselangagière de la philosophie et de la forclusion de l’univers technoscienti-fique. Il n’accordait d’ailleurs délibérément et pour des raisons philoso-phiques fondamentales (ontologico-phénoménologiques : l’être des chosesou phénomènes ne se livre que dans les mots qui les évoquent) aucuneattention au fait, à l’opérativité, à l’effectivité (ontiques) des techno-sciences. Heidegger ne reconnaît la différence du signe et de la techniqueet ne la creuse d’un abîme angoissant, dépourvu de toute passerelle, quepour s’en détourner dans un mouvement de recul qui nie l’intérêt philoso-phique du second terme (les techniques sont ontiques, c’est-à-dire philoso-phiquement inintéressantes), et pour renouer, ultimement, avec l’idéalisme– à la limite de la religion – devenu perpétuation adlinguistique du discoursphilosophique au terme des métamorphoses phénoménologico-herméneu-tiques du projet ontologique. Pour Heidegger, il n’est pas questiond’accompagner les technosciences, car le symbole n’accompagne jamaisque le symbole, comme le langage ne répond jamais qu’au langage et lediscours au discours. La phénoménologie et ses transformations perpétuentla foi exclusive dans la réponse symbolique à la condition humaine, salutsymbolique dont les complicités se dévoilent lorsque la prudence et l’ambi-guïté du philosophe (qui n’est, comme tel, guère plus du côté du symboleque de la technique) refluent. Alors on se laisse aller à écrire, comme le fitHeidegger : « Seul un dieu peut encore nous sauver… » ou l’on succombe àla séduction d’un pouvoir symbolique porteur d’identité et de salut, un pou-voir qui mobiliserait légitimement la puissance technoscientifique totalepour s’étendre1.

La pensée d’Ellul nous posait cependant un problème analogue. Nous nepartagions pas sa foi chrétienne intense, seule réplique possible, selon lui, àl’univers technicien désymbolisé et déshumanisé, désacralisé. Ellul a cru, luiaussi et d’une manière bien plus constante que Heidegger, disposer d’unlieu à partir d’où subordonner légitimement les technosciences : la traditionchrétienne. Nous ne disposions pas d’une telle référence et identité symbo-liques stables. Notre attention aux technosciences procédait même d’unesorte de méfiance ou de déception à l’égard des consolations du symbolique– religion, métaphysique. Nous avions trop scruté les écrits et témoignagessur la quête symbolique de la vérité pour croire encore à ce genre deremède. Scruter ces écrits – analyser leur sens, leur structure et leur opéra-tion pour déterminer enfin ce qu’ils voulaient vraiment dire – nous fit passerjadis de l’existentialisme (notamment chrétien : G. Marcel) à la philosophiedu langage (d’où un premier livre sur Wittgenstein) et, dans ce sillage – la

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1. Cf. la mise au point au début du ch. 12 : « La technoscience hors de la philosophie ? »

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« philosophie du langage » ne nous satisfaisant pas davantage – à l’analysecritique de l’inflation du langage dans la philosophie contemporaine.Toutefois, il serait erroné de ne chercher dans notre intérêt pour les tech-nosciences qu’une sorte de conversion réactive. Cet intérêt s’alimentaitaussi à une fascination positive – une captation très ancienne de notre désirdont nous rendrons peut-être compte un jour – et à une adhésion raison-née, critique et réfléchie.

Ce n’est qu’au début des années quatre-vingt-dix que nous avons com-mencé à lire sérieusement l’œuvre de G. Simondon. Il s’agit d’une œuvredifficile et très personnelle qu’il faut aborder selon sa cohérence globale, detelle sorte qu’une fréquentation partielle (limitée, par exemple, aux pre-miers chapitres de Du mode d’existence des objets techniques) ne révèle passon importance et sa signification. Rédigée pour l’essentiel voici plus detrente-cinq ans, elle présente des passages qui ont vieilli, car l’auteur nepouvait évidemment prendre en considération que les sciences et les tech-niques de son temps. Mais elle demeure, à notre sens, la réflexion philoso-phique la plus valable – car la plus exigeante – sur la technoscience, et laplus enrichissante pour le philosophe conscient du fait que la RDTS est unmoteur du monde dans lequel il pense. C’est avec l’aide de la réflexionsimondonienne, que la notion d’accompagnement a donc pris forme.Accompagner symboliquement les technosciences est ce que Simondon atenté de faire dans la conscience de la différence du signe et de la techniqueet du devoir – moral – de ponter cette différence sans subordonner l’un deses termes à l’autre.

La philosophie est une activité symbolique. Or, l’accompagnement sym-bolique des technosciences est la pratique la plus banale et la plusconstante qui soit : de facto, l’accompagnement a lieu, il est même surabon-dant, divers, filant et tirant dans tous les sens, allant de la publicité desmédias à la dernière instruction de la Congrégation pour la Doctrine de laFoi. Il s’exprime à travers la vulgarisation scientifique, la science-fiction, lessondages d’opinion et les enquêtes sociologiques, les procédures duTechnology Assessment, et tant de débats plus ou moins institués et publics.La prolixité de l’accompagnement symbolique culmine dans le domaine destechnosciences biomédicales où il a ouvert un nouveau champ (inter-trans-multi-)disciplinaire : la bioéthique. C’est dans cet espace nouveau quel’accompagnement ne cesse de connaître une institutionnalisation crois-sante sous forme de commissions, de comités, de déclarations, de lois et decodes. Cette activité symbolique normative et régulatrice a lieu à tous leséchelons : local (comité d’éthique hospitalier), régional (en France, parexemple), national (dans un nombre croissant de pays européens), interna-tional (Commission Européenne, Conseil de l’Europe), mondial (Comitéde Bioéthique de l’UNESCO). C’est aussi dans ce domaine que les philo-sophes ont été le plus souvent appelés à contribution, puisqu’il s’agissait

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d’éthique. Cette sollicitation présente des aspects problématiques. A tra-vers les nouvelles institutions bioéthiques, des philosophes (la mêmeremarque vaut pour les théologiens, nombreux dans les sphères bioé-thiques) (re)trouvent un rôle, une fonction, au sein d’une société (d’uneélite sociale) qui ne les reconnaît plus que très marginalement. Or, il s’agitd’une fonction qui rapproche les philosophes des instances du pouvoir, danstoute l’ambiguïté du conseil autorisé qui n’a pas à assumer la responsabilitédes conséquences de l’avis qu’il donne, puisque celui-ci est toujours appeléà transiter par la décision politique. Le philosophe renoue ainsi avec sesplus anciens démons : celui, sinon du Roi-Philosophe ou du Gouvernementdes Sages, du moins du Conseiller du Prince. Heureusement, invité dans cescomités et conseils, il rencontre aussitôt une épreuve qui le contraint à lamodestie, surtout s’il entretient – et le cas est fréquent, car bien des acteurséthiques et politiques continuent d’attendre du philosophe qu’il leurapporte des réponses et des règles absolues et claires – des velléités fonda-mentalistes. Cette épreuve est celle de la diversité : la représentation philo-sophique est congrue ; le philosophe se découvre une voix au milieu d’unconcert symbolique varié et dissonant. Une voix que la société technoscien-tifique et pluraliste reconnaît encore, mais sans lui accorder de privilègeparticulier. D’ailleurs, à privilégier la voix philosophique, quelle philoso-phie ou quelle éthique retiendrait-on ?

La question de la spécificité de l’intervention philosophique n’est pasaisée à résoudre et il n’est satisfaisant, ni pour le philosophe ni pour ceuxqui l’interpellent en tant que philosophe, de faire comme si elle n’existaitpas. Jouer la réponse de la diversité irréductible et appeler à la tribune del’éthique un éventail de voix philosophiques ne conduit qu’à déplacer leproblème, à répéter pour la philosophie le patchwork de la variété des tra-ditions, des idéologies et des intérêts symboliques que la philosophie a tou-jours eu, constitutivement, pour vocation de surmonter tout en échouantdans cette entreprise dans la mesure même où chaque philosophe n’a eu decesse de la reprendre à son compte.

Deux « familles » philosophiques se détachent aujourd’hui à propos decette question de la spécificité de la philosophie. La première, dont lecentre attracteur principal est l’Ecole de Francfort avec Apel et Habermas,réaffirme la spécificité philosophique comme étant celle de la raison univer-selle sur la voie de l’émancipation grâce au travail historique de la discus-sion ouverte et critique continuée. Elle est dans le droit fil de la modernitédes Lumières, et a, en outre, assimilé certaines leçons de la philosophie del’histoire et du langage.

La seconde famille rassemble, d’une manière infiniment plus lâche, despenseurs qui tendent à une résorption de la différence philosophique, dansla mesure du moins où cette différence implique une position dominante etest productrice de discours spécifiques également dominants. Cette famille

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veut cependant préserver la vocation totalisatrice – la reliance du logos –par une pratique de la mise en communication universelle des langages, destextes, des discours et des pratiques humaines en général, mise en commu-nication effectuée grâce à une créativité métaphorique et analogique inlas-sable et irréductiblement plurivoque. Sous cette allure mobile et protéi-forme, la spécificité de la philosophie s’épuise, sans jamais cristalliserthématiquement, dans l’opérativité métaphorique ou rhétorique illimitée,gommant sans fin les différences et identités qui tendent à s’instituer, ou quiont été instituées, entre les pratiques humaines considérées toutes commesymboliques, telles la littérature, la science, la politique, la philosophie, lamythologie, la poésie, l’histoire, etc. Le terme rassembleur de cette« famille » – au sens tout à fait wittgensteinien, cette fois – serait le « post-modernisme ». Les deux familles, mais la seconde plus que la première, ten-dent à ignorer la spécificité de la technoscience contemporaine et les consé-quences de celle-ci pour la philosophie. S’il fallait situer G. Simondon enfonction de ces deux familles, nous dirions qu’il est un hybride. D’une part,Simondon est très « postmoderne » du fait de l’importance accordée à cequ’il appelait la « pensée transductive », indispensable pour le travail dereliance universelle, producteur d’une « culture technoscientifique » sus-ceptible d’accompagner les technosciences. D’autre part, il reste tout à faitmoderne par sa foi dans l’universalité, sa référence aux Lumières et àl’Encyclopédie, son désir d’œcuménisme éclairé. En outre, cette référencemoderne à la raison s’appuie, chez Simondon, expressément sur la recon-naissance de la dimension extra-symbolique des technosciences, sourced’une dynamique d’universalisation authentiquement émancipatrice et cri-tique de toutes les identifications symboliques (politiques, idéologiques,communautaires) particulières et non évolutives.

Cependant, la source n’est pas le fleuve, et la condition nécessaire ne suf-fit pas. La société ne doit pas devenir technoscientifique – elle ne serait quetechnocratique. Elle doit seulement développer une symbolisation et desinstitutions universelles grâce auxquelles les technosciences pourront libre-ment poursuivre leur dynamique émancipatrice sans être subordonnées àdes symboles dogmatiques limitant a priori la recherche. Elle peut,parailleurs, développer des symbolisations multiples et plus particulières, dessolidarités diverses, libres et souples, en évitant, grâce à la référence à ladynamique technoscientifique et aux institutions universelles qui la garan-tissent, de tomber dans la tentation mortifère des solidarités symboliquesimpérialistes, cherchant à imposer partout, par la force aussi, leur identitésymbolique propre et anéantir toutes les autres identités symboliquesconcurrentes. Une hypothèse, que nous développons dans ce volume1, estque la philosophie des droits de l’homme, telle qu’elle s’exprime plus parti-

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1. Cf. les chapitres 3, 8 et 11.

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culièrement à partir de la Déclaration de 1948, va dans ce sens d’une sym-bolisation normative institutionnelle en accord, non pas avec tel ou telacquis de la RDTS, mais avec l’esprit de sa dynamique émancipatrice, dumoins dans une mesure considérable. Quant à la source profonde de déve-loppement des solidarités symboliques multiples, elle devrait être la« bonne affectivité », c’est-à-dire, d’un mot, l’amour. Discret, celui-ci estomniprésent dans la pensée de Gilbert Simondon ; il ne s’étend pas seule-ment aux humains, mais aussi aux vivants en général et aux objets tech-niques dans lesquels la nature et l’humain ont convergé. L’« affectivitébonne », généreuse et vigilante, caractérise aussi, au lendemain de l’horreurde la guerre, la naissance de la Déclaration Universelle des Droits del’Homme.

Comment articuler la technoscience, avec tout ce qu’elle commande, etl’amour des êtres ? Comment articuler la curiosité active de l’autre et sonrespect émerveillé ? Comment produire tout le possible sans détruire lespossibles déjà actualisés, afin de créer un monde toujours plus riche ? Peut-être, la solution gît-elle dans une sorte de renversement : sauver le passésous la forme virtuelle, qui est celle, ordinairement, des possibles nonencore actualisés. Sauver le passé sans bloquer les possibles futurs, le pré-server en mémoire accessible, ne pas faire comme si la seule forme de sur-vie était la perpétuation d’une identité toujours actuelle, monolithique,immobile et négatrice du temps.

Le temps. La référence temporelle traverse nos descriptions qui parlentde processus, d’immanence, de devenir. Le temps dont il s’agit est aussi cetemps cosmique, immense et désymbolisé, que nous évoquons au cha-pitre 5. Nous sommes une production de ce temps-là, dont l’unité est plusproche du million d’années que du siècle avec lequel comptent l’histoire etla tradition. Ce qui nous sépare de la philosophie contemporaine anthropo-logocentriste (des sciences et des techniques notamment), c’est que nous nevoulons pas écarter cette référence cosmologique de notre réflexion, ycompris en ses aspects éthiques. Nous résistons donc à toutes ces analysesdont le terme ultime est la Société ou la Cité, voire même la Terre, et quientretiennent, en définitive, une clôture spatio-temporelle dans l’enceintede laquelle la philosophie s’est faite intégralement politique.

Comment articuler la temporalité anthropologique et la temporalité cos-mique ? Articuler signifie symboliser en intégrant aussi affectivement etmoralement. Il ne suffit certes pas, à cet effet, de déployer une nouvellethéorie cosmanthropologique plus ou moins fantaisiste. Voici deux ou troissiècles encore, l’on pensait que le monde n’était vieux que de quelques millé-naires et que son avenir n’excédait pas une poignée de générations. En unlaps de temps extrêmement bref, le passé et le futur se sont ouverts incom-mensurablement, comme l’espace l’avait fait peu avant, suscitant l’effroi dePascal et son repli symbolique exemplaire (le « roseau pensant » et Dieu).

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Aussi faut-il s’attendre à l’épanouissement de nouveaux stoïcismes, hédo-nismes, replis sur l’instant, refuges religieux, fatalismes… Semblables atti-tudes aident les individus à vivre. Ce ne sont pas ces réactions familières,toutefois, qui nous intéressent. Nous pensons que la reconnaissance del’immensité du temps – et des aléas cosmiques – doit être intégrée d’unemanière active, volontaire et consciente. Elle nous dit plusieurs choses dontles derniers chapitres1 de ce volume esquissent le développement :

– Que nous avons devant nous le temps, tout le temps : nous, l’huma-nité et non vous ou moi, l’individu, invité cependant à assimiler cette durée.Il n’y a aucune raison de se hâter : on ne devrait se hâter que si la fin dumonde était proche ou si l’utopie pouvait être réalisée demain. Si lesacteurs de notre civilisation technoscientifique pouvaient comprendre cettesimple vérité, un gain appréciable de prudence, de sagesse et de modéra-tion s’ensuivrait, sans qu’il faille pour cela recourir à quelque « heuristiquede la peur » (H. Jonas) et suspecter le bien-fondé de la RDTS.

– Que nous devons apprendre une qualité de deuil nouvelle, quiconsiste à renoncer à la consolation de la réponse symbolique à la mort.Cette consolation symbolique prend appui sur le deuil de la vie, que la plu-part des hommes font spontanément et qui accompagne le processus dematuration et de vieillissement, en préparant à la mort. Mais elle exige quela mort soit conçue comme absolument nécessaire et indépassable, essen-tielle, que l’homme soit l’être-pour-la-mort, et qu’il reconnaisse qu’ainsitout est bien (moral, source de morale, obligatoire) et fatal : dé-onto-logique, en quelque sorte. Il faut apprendre le deuil du deuil de la vie ; cedeuil second est celui du phantasme de la toute-puissance symbolique.Nous devons apprendre pas simplement à accepter, mais à vouloir active-ment qu’un jour des vivants conscients ne mourront plus « naturellement »comme nous. Nous devons symboliser et travailler dans ce sens, en sachantque nous ne serons pas – ni nos enfants, ni nos petits-enfants… – cesvivants-là. La vie, la vie jeune et vivante, ne veut pas mourir. Ce n’est quesous la contrainte de la souffrance, de la misère, de la conscience du déter-minisme biologique, du conditionnement imposé par des croyances, quel’on opère la transmutation symbolique qui fait de la mort un bien, unelibération, un ingrédient indispensable pour une « bonne » vie. Il fautapprendre à reconnaître la contingence de la mort en même temps quel’inexorabilité de ma mort – et de celle de tous les individus aujourd’huivivants. Il faut travailler pour qu’un jour le triomphe sur la mort ne soitplus un triomphe symbolique seulement, mais le triomphe du symbole. Ilfaut symboliser dans ce sens-là.

– Que le sens de l’infinie précarité cosmique de l’humanité porte, aveclui, la conscience d’une infinie responsabilité. Celle, notamment, d’assurer

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1. Cf. les chapitres 12, 13, 14, 15.

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la perpétuation de l’humanité, de la vie, malgré les aléas cosmiques.Semblable responsabilité ne peut être assumée que si nous en acquérons lacapacité, le pouvoir. Nous avons donc un devoir de développer toujoursdavantage notre puissance dans le cosmos pour que la conscience y surviveindéfiniment. Il n’est d’aucune utilité – il n’y a aucun sens, si ce n’estd’auto-aveuglement consolateur – d’attendre, de croire et d’espérer qu’àlong terme la nature ou dieu se chargeront de cette survie : la nature et dieu– nos « mère et père » – ont fait ce qu’ils ont pu.

– Que renoncer à attendre que le secours et le salut ne viennent dequelque transcendance ou d’un plan immanent à la nature exige que noussoyons capables de briser notre identité anthropomorphologique, l’équa-tion entre anthropologie et anthropomorphisme (et éthique), amalgamesubtil et extrêmement résistant, car il s’agit, d’une certaine manière, derompre l’image de l’homme. Briser l’image de l’homme, qui est l’image del’homme naturel-culturel, c’est s’ouvrir à la saisie technoscientifique del’humanité par elle-même, c’est aller jusqu’au bout du renversement du pri-mat de la réponse symbolique à la condition humaine. S’il est une lacunedans la pensée de G. Simondon, elle est là : le silence où son œuvre se tienten ce qui concerne la saisie technoscientifique et biophysique du vivanthumain, évoquée quelquefois par nous sous l’expression d’« opérationnali-sation de la différence anthropologique »1. Simondon a effleuré le pro-blème, mais dans des termes apparemment contradictoires, puisque, d’unepart, il affirme que seule la culture (le symbolique) coïncide avec « ce quide la réalité humaine peut être modifié » (Du mode d’existence des objetstechniques, p. 227) et, d’autre part, il semble regretter que l’homme ne soitpas encore « connu par la technique, pour devenir homogène à l’objet tech-nique. Le seuil de non-décentration, donc de non-aliénation, ne sera franchique si l’homme intervient dans l’activité technique au double titre d’opéra-teur et d’objet de l’opération (…) le plus souvent, ce n’est que dans des casrares, graves, et dangereux ou destructifs, que l’homme est l’objet directd’activité technique, comme dans la chirurgie, la guerre, la lutte ethniqueou politique ; cette activité est conservatrice ou destructrice et avilissantemais non promotrice (…) » (« Les limites du progrès humain », 11-12).

Tout travail de symbolisation authentique postule le bris ; tout travail desymbolisation, lorsqu’il est effectif et pas simplement tautologique, postulel’expérience continuée de l’altérité, de l’altération, du changement réel.L’altérité que nous devons affronter n’est plus donnée, elle est de plus enplus produite, opérée, par nous-mêmes et sur nous-mêmes. Elle est le pro-cessus, elle est le futur, ce futur co-engendré par les technosciences et à res-saisir toujours symboliquement. Briser l’image de l’homme, c’est briser

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1. Cf. spécialement le chapitre 12 : « La technoscience hors de la philosophie ? », ainsi quenotre étude dans G. Hottois et M. Weyembergh, éds, R. Rorty. Limites et ambiguïtés du postmo-dernisme, Paris, Vrin, 1994.

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toutes les idoles de l’humanité, toutes les anthropologies définies, toutes lesreprésentations par lesquelles les hommes du symbole tentent d’arrêter leprocessus : c’est briser la tyrannie imposée par l’homme-image. Le visagedes « amortels » que nous contribuerons, peut-être, à produire nous estinconnaissable.

Accompagner les technosciences demande que l’on renonce à la viséed’une homéostase symbolique qui serait valable pour toute l’humanité,symbolisation universelle stabilisante et stabilisée par la ferme référence àun Réel éternel et immuable, déjà donné comme dans les religions ou lesmétaphysiques, ou à produire comme dans les utopies classiques. On nepeut accompagner que ce qui marche. L’Immobilité – l’Etre – se contemple,se mire, – se symbolise sans doute, mais dans la stabilité du substantif, de latotalisation définitive et intemporelle. La philosophie a longtemps été ce« Miroir de la Nature » pour un « Homme Spéculaire » (Rorty).

Le donné du réel s’apparente désormais davantage à une donne, aveclaquelle les humains se débrouilleront plus ou moins bien et dans des sensdivers. Une donne dont la configuration est et sera de plus en plus de leurresponsabilité.

*

Ce volume réunit des textes qui s’égrènent sur près de vingt années, sil’on compte que les deux premiers, publiés en 1978, sont l’émanationdirecte de notre thèse de doctorat, défendue en 1977 et rédigée au coursdes années qui précèdent. Ces deux textes constituent, d’ailleurs, une sortede charnière entre l’époque où nous nous étions concentré, mais d’unemanière de plus en plus critique, sur la question du langage1, et celle quinous a vu nous tourner de plus en plus concrètement vers les problèmeséthiques soulevés par les technosciences contemporaines, problèmes dontla philosophie langagière dominante dans les années soixante et soixante-dix ne voulait rien savoir. Ce livre est donc celui d’un parcours inachevé,dont le point de départ philosophique est très précisément datable : la déci-sion que nous prîmes, au milieu des années soixante-dix, de nous intéresserà ce que nous appelions alors « le forclos du secondaire ». Les éléments decette décision sont explicites dans le Départ du présent volume. Tout lereste en est sorti, jusqu’à notre intérêt actuel pour la bioéthique et notreparticipation active à des collectifs de réflexion éthique relevant d’instancesnationale et internationale, où les questions spéculatives acquièrent consis-tance concrète et pratique. La Présentation, que l’on vient de lire, offrequelques repères le long de ce parcours, dont la continuité est soulignée,

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PRÉSENTATION

1. Dont témoignent trois livres : La Philosophie du langage de L. Wittgenstein (1976),L’Inflation du langage dans la philosophie contemporaine (1979), Pour une métaphilosophie dulangage (1981), et un recueil : Du sens commun à la société de communication (1988).

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depuis le point de départ où tout était, déjà, d’une certaine manière, enplace, mobilisable.

Exception faite d’aménagements formels généralement mineurs, nouslivrons les textes tels qu’ils ont été publiés dans les circonstances que nousprécisons ci-dessous1.

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Ch. 1 : in Etudes philosophiques (France, 1978) ; Ch. 2 : in La Pensée et les hommes(Belgique, 1978) ; Ch. 3 : in La Pensée et les hommes (Belgique, 1981) ; Ch. 4 : in Revue de théo-logie et de philosophie (Suisse, 1982) ; Ch. 5 : in L’Expérience du temps (Bruxelles, Ed. Ousia,1989) ; Ch. 6 : in Forme di Razionalità pratica (Ed. Angeli, Milan, 1992 ; inédit en français) ;Ch. 7 : étude rédigée à la demande de l’UNESCO en 1990 (inédit) ; Ch. 8 : conférence àStrasbourg en 1988 (Colloque organisé par l’Université et le Conseil de l’Europe ; inédit) ;Ch. 9 : in Arbor (Madrid, 1991 ; inédit en français) ; Ch. 10 : conférence à Bordeaux en 1993(Colloque sur le thème « Technique et société dans l’œuvre de J. Ellul », publié dans les Actes :Sur J. Ellul, Ed. L’Esprit du Temps, 1994) ; Ch. 11 : conférence à Lyon en 1992 (Colloque orga-nisé par l’INSA sur le thème « Savoirs et éthiques de l’ingénieur » ; inédit) ; Ch. 12 : conférenceà Nice en 1993 (Colloque organisé par D. Janicaud sur le thème « Philosophie et technique »,en liaison avec la Société pour la philosophie de la technique ; inédit) ; Ch. 13 : conférence àPoitiers en 1992 (XXIVe Congrès de l’Association des Sociétés de Philosophie de LangueFrançaise sur le thème « La vie et la mort » ; inédit) ; Ch. 14 : in Wijsgerig perspectief (Belgique,1994 ; inédit en français) ; Ch. 15 : conférence à Kyoto en 1994 (Entretiens de l’InstitutInternational de Philosophie sur le thème « Les enjeux actuels de l’éthique », en liaison avec laFISP ; inédit).

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