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Droit Civil Le vendeur d’immeuble, le diagnostic amiante et le champ contractuel Par Marine DELAHAIS et David METAYER Affaire du Distilbène : une avancée majeure Par Béatrice PARANCE Quelle est la nature juridique des arrérages des pensions ? Par Jean-Grégoire MAHINGA RÉFLEXIONS CROISÉES La sécurisation des investissements des entreprises en Afrique francophone : LE DROIT OHADA 67 REVUE LAMY J A N V I E R 2 0 1 0

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Le vendeur d’immeuble, le diagnostic amianteet le champ contractuelPar Marine DELAHAIS et David METAYER

Affaire du Distilbène :une avancée majeurePar Béatrice PARANCE

Quelle est la nature juridiquedes arrérages des pensions ?Par Jean-Grégoire MAHINGA

RÉFLEXIONS CROISÉES

La sécurisation des investissementsdes entreprises en Afriquefrancophone : LE DROIT OHADA

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R E V U E L A M Y

J A N V I E R 2 0 1 0

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Perspectives

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RÉFLEXIONS CROISÉES

La sécurisationdes investissementsdes entreprises en Afriquefrancophone :LE DROIT OHADA

59 > Les «espaces juridiques» de sécurisation des investissementsen Afrique : entre droitscommunautaires et droit uniformePar Samuel-Jacques PRISO-ESSAWE

66 > S’installer pour affaires dans l’espace OHADAPar Louis-Daniel MUKA TSHIBENDE

72 > Regards contractuelssur l’OHADAPar Jacques MESTRE

75 > Prévenir et traiter les difficultésPar Gérard BLANC

82 > L’internationalisation des échanges et le droit OHADAPar Grégoire BAKANDEJA wa MPUNGU

85 > Plaidoyer pour un espace OHADA plus attractif pour les investissements étrangersPar Michel AKOUÉTÉ AKUÉ

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sommaireS

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E > Président Jacques MestreDoyen honoraire de la Facultéde droit d’Aix-Marseille

> Laurent AynèsProfesseur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)

> Bernard BeignierDoyen de la Faculté de droit de l’Université des sciences socialesde Toulouse

> Philippe BrunProfesseur à l’Université de Savoie

> Rémy CabrillacProfesseur à la Faculté de droit de Montpellier

> Bruno CamilleAvocat à la Cour de Toulouse

> Pierre CrocqProfesseur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

> Françoise Dekeuwer-DéfossezAgrégée des Facultés de droit,Professeur à la Faculté libre de droitde Lille

> Philippe DelebecqueProfesseur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)

> Bertrand FagesProfesseur à l’Université Panthéon- Sorbonne (Paris I)

> Michel GirayNotaire à Paris

> Jean-Pierre GridelConseiller à la Cour de cassation

> Hervé LécuyerProfesseur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

> Denis MazeaudProfesseur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

> Philippe PierreProfesseur à l’Université de Rennes 1

Éditée par WOLTERS KLUWER FRANCESAS au capital de 300 000 000 €Siège social : 1, rue Eugène et Armand Peugeot 92856 Rueil-Malmaison cedexRCS Nanterre 480 081 306Associé unique : Holding Wolters Kluwer FranceDirecteur de la publication, Président DirecteurGénéral de Wolters Kluwer France : Xavier GandillotDirecteur scientifique : Jacques Mestre Rédacteur en chef : Gaëlle Marraud des Grottes (01 76 73 38 79) – [email protected]éro réalisé sous la responsabilité de VéroniqueMaugeri (01 76 73 37 17) – [email protected]édacteurs en chef adjoints : Élodie Pouliquen,Actualités du droit des personnes et de la famille et actualités du droit des régimes matrimoniaux,successions et libéralités (01 76 73 37 11) et VéroniqueMaugeri, Actualités du droit du contrat (01 76 73 37 17)Responsable PAO et assistante d’édition : Florence MamelinImprimerie : Delcambre, Avenue des Deux-Lacs,BP 389, 91959 Courtabœuf cedexNº Commission paritaire : 0209 T 84333Dépôt légal : à parution N° ISSN : 1768-4099Abonnement annuel : 485 € HT (TVA 2,10 %), 495,19 € TTC Prix au numéro : 45 € HT (TVA 2,10 %), 45,95 € TTC Périodicité mensuelleInformation et commande : Tél. : 0 825 08 08 00 Fax : 01 76 73 48 09 - [email protected]

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Droit CivilDroit CivilR E V U E L A M Y

Cette revue peut être référencée de la manièresuivante : RLDC 2010/67, n° 3665 (année/n° dela revue, n° du commentaire)

La Revue Lamy Droit Civil actualise, dans sa première partie «Actualités », les cinq ouvrages de la Collection Lamy Droit civil : le Lamy Droit du contrat, le Lamy Droit de la responsabilité, le Lamy Droit des sûretés, le Lamy Droit des personnes et de la familleet le Lamy Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités.

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Actualités

La Rédaction de la Revue Lamy Droit Civilvous souhaite une excellente année 2010

ContratÉCLAIRAGE

7 > Le vendeur d’immeuble, le diagnostic amianteet le champ contractuelPar Marine DELAHAIS et David METAYER

ACTUALITÉS DU DROIT DU CONTRAT

12 > Pas de rupture brutale du contrat nul12 > Exequatur d’une anti-suit injunction

américaine

ResponsabilitéÉCLAIRAGE

15 > Affaire du Distilbène:une avancée majeurePar Béatrice PARANCE

ACTUALITÉS DU DROIT DE LA RESPONSABILITÉ

21 > 1384 versus 1386: une pierre pour les départager?

25 > Conducteur-victime: prends garde à toi!

SûretésÉCLAIRAGE

27 > Le prix de revente d’un bienaffecté d’une réserve de propriétésous les feux de la rampe!Par Jean-Jacques ANSAULT

ACTUALITÉS DU DROIT DES SÛRETÉS

35 > Les règles de l’imputation des paiements revisitées par le jugeen présence d’une sûreté réelle?

37 > La sûreté réelle pour autrui réfractaireà la disproportion!

Personnes et familleÉCLAIRAGE

39 > Regard sur vingt ans d’applicationde la Convention internationaledes droits de l’enfant par les juridictions françaisesPar Yves HONHON

ACTUALITÉS DU DROIT DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE

46 > Versement du capital décès d’un fonctionnaire : reconnaissance du partenaire pacsé

47 > Adoption par une homosexuelle : le «feu vert» du juge administratif?

Régimes matrimoniaux,successions et libéralités

ÉCLAIRAGE

50 > Quelle est la nature juridique des arrérages des pensions?Par Jean-Grégoire MAHINGA

ACTUALITÉS DU DROIT DES RÉGIMESMATRIMONIAUX, SUCCESSIONS ET LIBÉRALITÉS

55 > Détermination du régime matrimonialet Convention de La Haye

56 > Répétition de l’indu dans une succession :les héritiers sont tenus au prorata de leur part

57 > Perte d’un testament : tous les motifsinvoqués ne sont pas des cas fortuits

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La création de l’Organisation pourl’uniformisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) et toute sonactivité juridique tiennent à la volontéde renforcer le droit dans les opérationséconomiques, et de sécuriser ces dernières,aussi bien par une modernisation etune stabilisation de la règle juridique,que par une sécurisation de l’applicationde ce droit. Néanmoins, l’existence, à côté de ce droit unifié des affaires,d’un autre type de constructionjuridique et économique dans le cadrede l’intégration économique estsusceptible d’avoir pour effetparadoxal, d’une part, de fragiliser le droit ainsi modernisé et unifié,d’autre part, d’accroître l’insécuritéjuridique pour les opérateurs économiques.

Éviter ce piège nécessite alors, d’une part, de mieux cadrer le rôlelégislatif de chacun de ces acteurs et,d’autre part, de mieux coordonner les actions des différents niveaux de juridiction qui interviennent dans ce champ (nationaux, communautaires,unifié).

L’ attirance réciproque entre les Étatset les investisseurs est un refrain

connu depuis fort longtemps. Les légis-lations nationales offrant des conditionsfavorables aux investisseurs étrangerssont légion dans les États en développe-ment, et les conventions internationales,bilatérales ou multilatérales, protégeantou garantissant – selon la terminologieretenue – les investissements internatio-naux dans ces mêmes États, se sont développées dans les relations entre Étatsd’origine de l’investissement et États d’accueil. La préoccupation de la sérénitéde l’investissement n’est donc pas unequestion nouvelle, loin s’en faut. La nou-veauté, apparue au milieu des années 1990

en Afrique francophone, est le traitement collectif de cette préoccupation.La naissance de l’OHADA est la marqued’une double prise de conscience par lesÉtats signataires : d’une part, la nécessitéd’un droit moderne commun, permettantla fluidité de l’investissement entre eux et,d’autre part, le fait «qu’il est essentiel quece droit soit appliqué avec diligence, dansles conditions propres à garantir la sécu-rité juridique des activités économiquesafin de favoriser l’essor de celles-ci et d’en-courager l’investissement»; cela passe par«l’élaboration et l’adoption des règles com-munes, simples, modernes et adaptées àla situation de leurs économies (et) par lamise en œuvre de procédures judiciairesappropriées (...)» (Traité de Port-Louis,préambule et art. 1er).Parallèlement, dans le cadre de commu-nautés ou unions économiques préexis-tantes et profondément rénovées pardes traités revus dans la foulée de la dévaluation de leur monnaie commune(le franc CFA), les États d’Afrique del’Ouest comme ceux d’Afrique centrale

Les «espaces juridiques» de sécurisationdes investissements en Afrique : entredroits communautaires et droit uniforme*

Par Samuel-JacquesPRISO-ESSAWE

Maître de conférencesà l’Université d’Avignon

et des Pays de Vaucluse,Laboratoire «Biens,normes, contrats »

(EA 3788)

>Regards contractuelssur l’OHADA

par Jacques MESTRE p. 72

>S’installer pour affairesdans l’espace OHADA

par Louis-Daniel MUKATSHIBENDE p. 66

>Les «espaces juridiques» desécurisation des investissementsen Afrique : entre droitscommunautaires et droit uniformepar Samuel-Jacques PRISO-ESSAWE p. 59

La sécurisation des investissementsdes entreprises en Afrique francophone :LE DROIT OHADAL’Organisation pour l’uniformisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) œuvre incontestablement pour la sécurisation des investissements en Afrique francophone. Le colloque organisé par le Centre de droitéconomique de l’Université Paul-Cézanne d’Aix-en-Provence, le 20 mars dernier, revient sur le contenu du droitOHADA et envisage ses possibles évolutions, notamment en droit du contrat.

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>Plaidoyer pour un espaceOHADA plus attractif pour les investissementsétrangerspar Michel AKOUÉTÉ AKUÉ p. 85

>L’internationalisationdes échangeset le droit OHADApar Grégoire BAKANDEJAwa MPUNGU p. 82

>Prévenir et traiter les difficultés

par Gérard BLANC p. 75

* Cet article et les suivants sont issus du colloque « Lasécurisation des investissements des entreprises en Afriquefrancophone : le droit OHADA », qui s’est tenu le 20 mars2009 au Centre de droit économique de la faculté de droit etdes sciences politiques de l’Université Paul-Cézanne d’Aix-en-Provence. La forme orale a le plus souvent été conservée.

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ont voulu «rationalis(er) et harmonis(er)»« l’environnement des affaires» (Traitésde l’UEMOA et de la CEMAC). Les objectifs sont donc proches, à défautd’être les mêmes, puisque, a priori, lesorganisations communautaires ont unobjet plus large que celui de l’OHADA.Mais le constat qui se dégage ensuite,au-delà de ces affirmations de principe,est un manque de coordination entreÉtats et entre organisations, qui génèreune cacophonie, certes relative, maisnon moins préjudiciable dans cette fran-cophonie juridique africaine qui tentede s’organiser, de s’embellir et de serendre plus attractive pour mieux tirerson épingle du jeu de la mondialisationdes échanges.La problématique n’est pas nouvelle ; il a souvent été reproché aux États afri-cains d’adhérer à des organisations régionales sans que cette démarche soitarticulée avec des actes similaires anté-rieurs, entraînant ainsi des millefeuilles,voire de véritables bols de spaghettis (l’expression est bien connue dans lesmilieux du commerce international, etest décriée tant pour les États africains[v. Commission économique des Nationsunies pour l’Afrique, État de l’intégra-tion régionale en Afrique, Addis-Abeba,2004, p. 41 à 45] que pour l’Union européenne [v. par exemple Sénat – français –, Délégation pour la planifi-cation, Libéraliser les échanges com-merciaux : quels effets sur la croissanceet le développement ?, Rapport d’infor-mation n° 120, 7 déc. 2005, p. 72]). Sonanalyse, ici, sur la base des règles pro-duites par ces différentes organisations,permet simplement d’approcher la réalitéde plus près du point de vue juridique et de mettre en évidence un fait. Si les efforts sont réels, et les réalisations visibles,il n’en reste pas moins que l’observationdu développement de ces deux groupesde règles – communautaires, d’une part,harmonisées, de l’autre – dissipe peu lacrainte d’un effet paradoxal, radicalementopposé à l’objectif : alors même que cettedouble harmonisation, cette modernisa-tion à double échelle, vise à sécuriser lesinvestissements, notamment étrangers,par l’amélioration de la sécurité juri-dique dans les ordres légaux des Étatsconcernés, elle est elle-même sourced’insécurité juridique, résultant tant d’uneconcurrence des règles produites (I) quedes croisements des actions et struc-tures juridictionnelles assurant leur application (II). La sécurisation des affaires par la sécurité juridique se perdparfois dans les méandres des rapportsentre droits communautaires et droitharmonisé.

I – CONCURRENCE DE DROITSET INSÉCURITÉ JURIDIQUE

La coexistence, d’une part, de plusieurscommunautés économiques dont sontmembres les États parties au Traité del’OHADA et, d’autre part, de ces com-munautés avec cette dernière organisa-tion, génère des rapports problématiquesà deux points de vue. Les deux catégo-ries d’organisations sont établies sur desespaces parfois identiques, sur lesquelselles ont assis des normes régissant desquestions soit identiques, soit connexes,et dont les rapports n’ont pas toujoursété pensés dans le sens d’une coordina-tion pourtant nécessaire.

A – Concurrence des espacesjuridiques

Deux types d’organisations s’intéressantà la sécurisation des investissements coexistent dans les États africains franco-phones. Des organisations d’intégrationéconomique, d’abord, qui y ont vu le jour

dès le début des années 1960, rénovées aumilieu des années 1990 tant en Afrique centrale qu’en Afrique de l’Ouest. Elles regroupent les États, selon la typologie del’Union africaine, soit au niveau régional– en Afrique centrale, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale(CEEAC) ; en Afrique occidentale, la Communauté économique des États del’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) –, soit au niveau sous-régional (l’Union écono-mique et monétaire de l’Afrique del’Ouest (UEMOA), d’une part, la Commu-nauté économique et monétaire de l’Afriquecentrale (CEMAC), d’autre part). La réor-ganisation de ces communautés écono-miques – la CEMAC a succédé à l’Uniondouanière et économique d’Afrique cen-trale, et l’UEMOA à la Communauté économique d’Afrique de l’Ouest (CEAO)–a entraîné l’éclosion de véritables ordres juridiques communautaires, dans l’accep-tion européenne de cette notion. La créa-tion en 1993 de l’OHADA a rajouté à cetédifice une autre couche institutionnelle etsurtout juridique, en mettant en place desnormes harmonisées, ou plus exactementunifiées.

L’observation de ces deux champs montretoutefois que, d’une part, le développe-ment des espaces communautaires aconduit à leur chevauchement et que,d’autre part, ce chevauchement se superpose avec l’espace de droit unifiéde l’OHADA.

1 – Chevauchement des espacescommunautaires

Les espaces CEEAC (dix États) et CEDEAO(quinze États) sont plus larges que les es-paces CEMAC (six États, parallèlementmembres de la CEEAC) et UEMOA (huitÉtats, membres également de la CEDEAO).Plus exactement, les États appartenant auxzones restreintes font aussi partie des zoneslarges. Se retrouvant au croisement desdeux organisations, ils peuvent donc êtresusceptibles d’appliquer des règles diffé-rentes dans l’hypothèse où les deux orga-nisations édictent des normes contradic-toires ; la concurrence entre les règlesproduites par les uns et par les autres portedonc surtout sur ces États au croisement.Le chevauchement génère d’autant moinsde complémentarité entre ces espaces queles plus restreints ne se sont pas insérésdans les plus larges en tant qu’entité spé-cifique ; il y a plutôt eu de la part de chaqueÉtat partie une multi-adhésion aux deuxtypes d’organisations, qui, de surcroît, sontsouvent apparues comme des espaces deleadership concurrents (par exemple, fran-cophonie vs anglophonie en Afrique del’Ouest; leadership camerounais vs leader-ship gabonais en Afrique centrale; sur cesquestions, v. Enjeux (Bulletin d’analysesgéopolitiques pour l’Afrique centrale), janv.-mars 2005, n° 22, et notamment Priso-Essawe S.-J., L’intégration économique enAfrique centrale est-elle otage des querelles de leadership?, p. 27.; v. aussiAwoumou C. D. G., Le couple Cameroun-Gabon au sein de la CEMAC, L’Harmat-tan, 2008, 464 pages).Les risques de chevauchement des règlessont donc importants, accrus – en Afriquecentrale – avec le regain d’activité queconnaît la CEEAC (à la faveur certes de lanégociation de l’accord susvisé, mais éga-lement du traitement de la sécurité enAfrique centrale ; un certain mélange desgenres peut d’ailleurs être signalé dans cedomaine de la défense régionale, la Forcemultinationale en Centrafrique (FOMUC)relevant à la fois de la CEMAC et de laCEEAC, de manière non concertée d’abord,puis de manière officielle par un transfertde l’autorité de ladite Force de la CEMACà la CEEAC (Acte additionnel de la Confé-rence des chefs d’État de la CEMACn° 21/08 du 25 juin 2008). Et la naissancede l’OHADA n’a fait que rajouter, sur ceplan, à la complexité existante.

L A S É C U R I S AT I O N D E S I N V E S T I S S E M E N T S D E S E N T R E P R I S E S E N A F R I Q U E F R A N C O P H O N E : L E D R O I T O H A D A

Il a été reproché auxÉtats africains d’adhérer

à des organisationsrégionales sans que cettedémarche soit articuléeavec des actes similairesantérieurs, entraînantainsi des millefeuilles.

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2 – Superposition des espacescommunautaires et OHADA

Au problème précédent s’ajoute donc celui de la superposition du droit OHADA,à la fois en termes d’espace proprementdit que de domaine matériel ; pour l’État au carrefour des trois organisations,le dilemme s’accroît...

a – Croisement d’espacesL’espace OHADA et les espaces commu-nautaires ne se recoupent pas parfaite-ment. Tous les États membres de la CEMAC et de l’UEMOA sont égalementmembres de l’OHADA. Mais, à l’inverse,si la participation de la République desComores à l’OHADA ne pose pas de problème puisqu’elle n’est membre d’aucun des regroupements de type communautaire étudiés ici, il n’en vapas de même pour la république de Guinée ou encore pour la Républiquedémocratique du Congo, respectivementmembre et futur membre de l’OHADA :la première est membre de la CEDEAO,mais pas de l’UEMOA ; la seconde est membre de la CEEAC, mais pas de la CEMAC. En résumé (v. tableau ci-contre) :• en Afrique de l’Ouest, sur les 15 Étatsmembres de la CEDEAO:– 8 États sont membres à la fois de laCEDEAO, de l’UEMOA et de l’OHADA,– 1 État est membre à la fois de la CEDEAO et de l’OHADA,– 6 États ne sont membres que de la CEDEAO;• en Afrique centrale, sur les 10 Étatsmembres de la CEEAC:– 6 États sont membres à la fois de laCEEAC, de la CEMAC et de l’OHADA,– 1 État est membre à la fois de la CEEACet (potentiellement) de l’OHADA,– 3 États ne sont membres que de laCEEAC.L’on pourrait par ailleurs relever, à titreanecdotique, qu’au sein de la CEMAC, parexemple, le rapprochement des dates d’en-trée en vigueur du Traité OHADA à l’égarddes différents États membres avec cellesdes premiers Actes uniformes de l’OHADAmet en lumière une situation analogue dedégroupage des appartenances au seincette fois-ci d’une même organisation (v. tableau infra). Ainsi, l’entrée en vi-gueur des six premiers Actes uniformesn’a d’abord concerné que quatre des sixÉtats membres de la CEMAC, les deuxautres n’ayant suivi le pas que près de dix-huit mois plus tard (le Traité OHADA– et donc les six premiers Actes uniformesde l’Organisation – n’est entré en vigueurà l’égard du Congo et de la Guinée équa-toriale que le 17 juillet 1999; les quatreautres États membres de la CEMAC l’étaient

dès le 1er janvier 1998 pour trois d’entreeux, et trois mois plus tard pour le Gabon.Ces dix-huit mois de décalage auront doncété une période de conflit potentiel entreles normes nationales congolaises etéquato-guinéennes, d’une part, et lesnormes nationales des autres Étatsmembres de la CEMAC, d’autre part, adap-tées le cas échéant au droit OHADA confor-mément aux dispositions de l’article 10 duTraité de Port-Louis, la conformité au droitde l’OHADA pouvant poser problème au regard du droit communautaire de la CEMAC, dans la mesure où les domainesdes deux organisations se croisent).

b – Croisement de domainesParmi les objectifs de l’UEMOA et de laCEMAC, figure le renforcement de la compétitivité des activités économiqueset financières des États membres «dansle cadre (...) d’un environnement juri-dique rationalisé et harmonisé » ou «en harmonisant les règles qui contri-buent à l’amélioration de l’environne-ment des affaires et qui régissent leurfonctionnement » (respectivement lesarticles 4, a), du Traité de l’UEMOA et2, a), de la Convention UEAC). La pro-blématique de l’harmonisation et de lamodernisation du droit est donc pré-sente aussi bien dans l’OHADA que dansles deux communautés économiques.Les domaines sont certes différents, maison peut néanmoins noter des pointscommuns.Ces points communs sont d’abord actuels.Le droit des affaires tel que défini par leTraité de Port-Louis englobe les règlesrelatives, entre autres, « au droit du travail, au droit comptable, au droit (...)des transports». Or, dans ces domaines,les droits communautaires sont aussi pré-sents ou prévoient de l’être. Tant l’UEMOAque la CEMAC avaient mis en place uneréglementation comptable avant celle del’OHADA; de même, dans le cadre de leurspolitiques communes des transports, destextes ont également été adoptés (Conven-tion réglementant les transports routiers(15/84-UDEAC-146, 19 déc. 1984); CodeUDEAC de la marine marchande (Acte6/94-UDEAC-594, 22 déc. 1994); Code dela navigation intérieure, 17 déc. 1999 ;

Réglementation des conditions d’exercicede la profession de transporteur routier demarchandises (Acte 5/96-UDEAC-612,5 juill. 1996 ; etc.) qui, pour certains – ony reviendra –, posent quelques problèmespar rapport à ceux de l’OHADA.Les croisements sont aussi potentiels, résultant de l’approche volontariste oucompréhensive (au sens mathématiquedu terme) du droit des affaires par le Traitéde Port-Louis. Le texte énonce en effet quele domaine de l’harmonisation comprendaussi «toute autre matière que le Conseildes ministres déciderait, à l’unanimité, d’yinclure». L’harmonisation dans le cadrede l’OHADA s’orientera ainsi, à en croirele Conseil des ministres de l’OHADA deBangui (21-23 mars 2001), vers «(…) ledroit de la concurrence, le droit bancaire,le droit de la propriété intellectuelle, le droitdes sociétés civiles, le droit des sociétés co-opératives et mutualistes, le droit descontrats, le droit de la preuve». Or certainesde ces questions, notamment le droit dela concurrence, sont déjà réglementées parles droits communautaires (v., à ce sujet,les règlements 1/99 et 4/99 de la CEMAC,et les règlements 2/2002, 3/2002 et 4/2002de l’UEMOA; v. aussi, pour une analyseglobale, Kamwe M.-C., Droit de confiden-tialité et droits de la défense dans les pro-cédures communautaires de concurrence :UE, UEMOA, CEMAC, thèse de doctoraten droit, Université Montpellier I, 2007;Priso-Essawe S.-J., L’émergence d’un droitcommunautaire africain de la concurrence.Double variation sur une partition euro-péenne, RDI comp. 2004, p. 329). Dansl’hypothèse où cette nouvelle action d’har-monisation serait nécessaire, elle nécessi-terait tout au moins une forte coordina-tion entre les deux niveaux d’organisations.Cela s’avère d’autant plus nécessaire qu’ilapparaît une concurrence entre les règlesdes différentes organisations.

B – Concurrence des règlesjuridiques

La concurrence entre les règles juridiquesde l’OHADA et celles des organisationscommunautaires se manifeste dans lesdeux sens de ce terme. Dans certains cas,elles concourent toutes à la réalisationd’un objectif commun. Dans d’autres >

APPARTENANCES DES ÉTATS AUX DIFFÉRENTES ORGANISATIONS

AFRIQUE CENTRALE AFRIQUE DE L’OUEST

3 niveaux(6)

Cameroun – Centrafrique – Congo –Gabon – Guinée équatoriale – Tchad

(8)Burkina Faso – Bénin – Côte d’Ivoire –

Guinée Bissau – Mali – Niger – Sénégal – Togo

2 niveaux(dont OHADA)

(1) République démocratique

du Congo

(1)République de Guinée

1 niveau (3)Angola – Burundi – Sao Tome ePrincipe

(6)Cap Vert – Gambie –Ghana – Liberia –

Nigeria – Sierrra Leone

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62 R E V U E L A M Y D R O I T C I V I L • J A N V I E R 2 0 1 0 • N 0 6 7

hypothèses, elles font plutôt apparaîtredes contradictions.

1 – Des droits parfois complémentaires

La complémentarité entre les droits communautaires et le droit uniforme semanifeste de deux manières : soit par laconjugaison des deux, soit par l’aligne-ment des premiers sur le second.Droits communautaires et droit uniformese conjuguent en raison par exemple duchamp d’application des règles. On peuten effet considérer que le droit harmoniséétant destiné à moderniser les droits na-tionaux, son champ d’application seraitnational, tandis que l’application des droitscommunautaires serait conditionnée quantà elle par la dimension communautaire,en deçà de laquelle les règles nationalesauraient vocation à s’appliquer. Dans cettehypothèse, droit harmonisé et droits com-munautaires se conjugueraient en effetpour réaliser les objectifs de modernisa-tion affirmés de part et d’autre. Ce schémapourrait s’appliquer par exemple à la réglementation de la concurrence (dansla zone CEMAC, la réglementation com-munautaire ne s’applique en effet que dèslors que les seuils définis par les articles 6et 11 respectivement des règlements 1/99et 4/99 et les critères de l’article 3 du règlement 1/99 sont atteints ; v. Priso-Essawe S.-J., L’émergence d’un droit communautaire africain de la concurrence,précité, p. 334). Lorsque les droits communautaires revendiquent une exclusivité, la question devient autrementplus compliquée (la Cour de justice del’UEMOA établit ainsi une compétence exclusive de l’Union dans le domaine dela concurrence, en interprétant quasi littéralement les articles 88 et 89 du Traitéde l’Union : CJ UEMOA, avis, 27 juin 2000,n° 003/2000, Rec. CJ UEMOA, p. 119), etrenvoie à l’hypothèse de la confrontationdes droits, que nous abordons plus loin.Concernant la complémentarité par alignement, l’évolution des textes communautaires dans le sens des Actesde l’OHADA a quelquefois été constatée;c’est le cas notamment de la réglementa-tion comptable. Dans la CEMAC, le plancomptable OHADA a remplacé les planscomptables qui y existaient (au sein de laCEMAC, on peut citer les plans comptablesgénéral (Acte 3/70-UDEAC-113, 27 nov.1970) et sectoriels (banques et établisse-ments financiers, agriculture, postes et télécommunications ; v. Nemedeu R., Présentation critique du texte de l’OHADAen matière comptable par rapport au texteCEMAC, in Actes du séminaire sous-régional de sensibilisation au droit communautaire de la CEMAC, Douala,16déc. 2002, Paris, GIRAF-AIF, 2003, p. 61).

L’UEMOA, quant à elle, a maintenu sa législation comptable, ce qui génère nonplus une complémentarité, mais uneconfrontation (Yado Toé J., Quel ordre juridique dans les États d’Afrique del’Ouest?, Séminaire sous-régional de sen-sibilisation sur le droit communautaire del’UEMOA, Ouagadougou, 6 oct. 2003, §31).

2 – Des droits parfois en «confrontation»

Quelques exemples permettent d’illus-trer aussi bien la confrontation avéréeque les cas potentiels.

a – La confrontation «avérée»Dans le domaine des transports, la confron-tation a lieu par exemple au sujet du contratde transport de marchandises par route.Le droit communautaire de la CEMAC encadre le transport de marchandises parroute par une convention adoptée par leConseil des ministres ; l’OHADA, pour sapart, a adopté un Acte uniforme sur letransport des marchandises par route. Lesdeux textes indiquent, entre autres et dansune énonciation similaire, les mentionsobligatoires de la lettre de voiture. On peuttoutefois remarquer que la Convention CEMAC requiert deux mentions obliga-toires sur la lettre de voiture que ne requiert pas l’Acte uniforme OHADA,même au titre de mention facultative :« (…) k) l’indication que le transport estsoumis, nonobstant toute clause contraire,au régime établi par la présente Conven-tion; (et) l) la signature de l’expéditeur,du transporteur et du destinataire »(Convention CEMAC, art. 5, § 1). On devine facilement l’embarras du justi-ciable (et du juge) national quant à ladétermination du contenu des obliga-tions du transporteur sur la base de cesrègles contradictoires.Concernant le droit financier, il a pu êtrerelevé que « sur la matière de l’appel public à l’épargne (...), le droit commu-nautaire de l’OHADA et celui de l’UEMOAont deux conceptions différentes (d)es notions de titres et de valeurs mobilières»(FelihoG. S., La coexistence textuelle dans l’espace UEMOA, http://droit.francopho-nie.org/dfweb/displayDocument.do?id=13916). L’UEMOA s’appuie sur la «dicho-tomie titre de capital/titre de créance»(FelihoG. S., La coexistence textuelle dansl’espace UEMOA, précité), tandis quel’OHADA recourt «non seulement aux actions ou parts de fonds commun de placement, mais également aux empruntsobligataires» (suivant la définition don-née par l’article 81 de l’Acte uniforme surles sociétés commerciales et les groupes d’intérêt économique, disposition rela-tive à la définition de l’appel public àl’épargne (Feliho G. S., La coexistence

textuelle dans l’espace UEMOA, précité)).On peut aussi relever que le juge commu-nautaire de la CEMAC adopte une biencurieuse interprétation des liens entre ledroit uniforme et le projet (en l’occurrence)de règlement CEMAC sur les moyens depaiement (v. infra à propos du croisementdes actions juridictionnelles).

b – La confrontation potentielleLes règles de concurrence sont aujour-d’hui régies par les communautés écono-miques CEMAC et UEMOA, précisées parla jurisprudence communautaire lorsqueles juridictions ont été sollicitées (ce quin’est le cas, à ce jour, que devant le jugecommunautaire ouest-africain). Mais ladéfinition large du droit des affaires tellequ’elle ressort du Traité OHADA n’exclutpas l’adoption par cette dernière d’une réglementation sur ces questions. Cettequestion des compétences croisées est ainsià même d’altérer la sécurité juridique desinvestissements au sein de cette zoned’Afrique, notamment si les textes présen-tent quelques différences, voire des divergences.La protection du consommateur ou en-core le droit de la propriété intellectuellesont d’autres domaines de friction poten-tielle. La volonté affirmée de l’OHADA dese saisir de ces matières pourrait se heur-ter à une volonté équivalente au sein d’unecommunauté économique, ou encore auxrègles posées par d’autres organisationsconnexes, telles que l’Organisation afri-caine de la propriété intellectuelle (OAPI),créant ainsi, là aussi, de la confusion oudu conflit de normes.En fin de compte, on peut distinguer deux types de situations : celles où le droit OHADA intervient en aval du droit communautaire, d’une part, celles où le droit OHADA et le droit communau-taire interviennent (presque) simultané-ment, d’autre part.Dans le premier cas :• soit l’harmonisation OHADA intervientsous réserve du champ de compétencecommunautaire et il n’y a pas de risquede confusion, au bénéfice d’une meilleurecouverture et sécurité juridiques;• soit le droit communautaire s’arrime –volontairement – à la nouvelle orienta-tion juridique de l’OHADA et, là aussi,la sécurité juridique est accrue;• soit enfin le droit communautaire, indépendant du droit harmonisé, ne setransforme pas dans le sens du nouveaudroit issu de l’OHADA et là, en revanche,la modernisation produit la disparité etl’insécurité juridique.On pourrait inverser l’hypothèse et envisager une intervention ultérieure dudroit communautaire. Il serait alors tout

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aussi logique que les mêmes considéra-tions soient valables.Dans le cas de systèmes juridiques, il semble logique que les interventionsse fassent en bonne intelligence, et quela coordination produise un droit harmo-nisé entre et au sein des différents espaces juridiques concernés. En ce sens,la Charte des investissements adoptéeau sein de la CEMAC prévoit que les Étatsmembres se conforment au droit harmo-nisé dans le cadre de l’OHADA (Règl.CEMAC n° 17/99, 17 déc. 1999. On notera d’ailleurs que la date d’adoptionde ce règlement est de très peu posté-rieure à celle de l’entrée en vigueur duTraité OHADA pour le Congo (17 juill.1999) et la Guinée équatoriale (13 août1999), derniers États membres de la CEMAC à ratifier ledit Traité). Cela devrait pouvoir signifier que la discus-sion de nouveaux textes communautairestienne compte de l’évolution du droitOHADA, ainsi que le prévoit d’ailleursla Convention de coopération signée entreles deux organisations (Accord de coopé-ration signé le 3 août 2001, CEMAC, Recueil de textes de droit communau-taire de la CEMAC, Paris, AIF-GIRAF,2002, p. 269). Ce n’est malheureusementpas toujours le cas, comme le montrentles exemples énumérés plus haut.La pluralité et la superposition, voire lajuxtaposition, des règles vont avoir uneconséquence évidente dans leur appli-cation, notamment par les organes juri-dictionnels, pourtant très heureusementcréés ou renforcés par les droits harmo-nisé et communautaires.

II – APPLICATION DU DROIT ET INSÉCURITÉ JURIDIQUEL’apport de la création tant de l’OHADAque de l’UEMOA ou de la CEMAC a étédouble. D’une part, leurs traités consti-tutifs ont clarifié le statut des normescréées par ces deux types d’organisationsvis-à-vis du droit national. D’autre part,et contrairement aux organisations d’intégration préexistantes (CEAO-UMOAen Afrique de l’Ouest, UDEAC en Afriquecentrale), les Traités de Port-Louis, deN’Djamena et de Dakar créent des juri-dictions spécifiques à ces organisations,avec des compétences adaptées. Toute-fois, si ces deux points contribuent sansdoute à renforcer les voies d’applicationet de garantie contentieuse des normesélaborées par lesdites organisations, ilsn’en éliminent pas pour autant des croi-sements entre les actions juridictionnellesdes uns et des autres, fragilisant là aussila sécurité recherchée pour tous, et notamment les investisseurs nationaux

et étrangers, tant du point de vue desjuges internes que devant les juridictionscommunautaires.

A – Le juge national, le droit uniformeet les droits communautaires

Le droit uniforme et les droits commu-nautaires constituent de nouvelles sourcesde légalité pour les justiciables natio-naux, créant pour le juge national un véritable casse-tête du fait des confron-tations de règles signalées plus haut.La primauté des Actes uniformes OHADAest établie par le Traité de Port-Louis, quidispose que « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dansles États parties, nonobstant toute dispo-

sition contraire de droit interne, antérieureou postérieure» (Traité Port-Louis, art. 10).Les Traités de la CEMAC et de l’UEMOAprévoient eux aussi l’applicabilité directedes règlements et directives communau-taires et leur primauté sur les lois natio-nales (selon l’article 44 du Traité de la CEMAC révisé, les Actes de la Commu-nauté «sont appliqués dans chaque Étatmembre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou posté-rieure»). Il revient alors au juge nationald’assurer le respect, dans l’ordre juridiqueinterne, de ces normes.Dans le cadre du droit OHADA, la Courcommune de justice et d’arbitrage (CCJA)se substitue au juge de dernier ressort del’État lorsque les Actes uniformes sontconcernés, mais les Cours de cassation nationales restent compétentes dans tousles autres domaines. Elles peuvent dès lorsse retrouver confrontées à des cas mêlantdroit national et droit uniforme. La juris-prudence nigérienne en a fourni unexemple intéressant (Cour suprême du Niger, 16 août 2001, Snar Leyma; sur ceconflit de juridictions, v. Meyer P., Lesconflits de juridictions dans les espacesOHADA, UEMOA, CEDEAO, Séminairesous-régional de sensibilisation sur le droitcommunautaire de l’UEMOA, précité, p. 9).Plus encore, le conflit peut opposer droituniforme, droits communautaires et droitnational.Le risque est certain pour le juge nationalde se retrouver dans un embarras de choix.

La multiplication des règles internatio-nales, conséquence des adhésions mul-tiples des États aux organisations inter-nationales parfois concurrentes, estsusceptible de désorienter considérable-ment aussi bien le justiciable que le juge.Ce risque peut cependant être relativisési l’on se base sur la particularité de larègle uniforme par rapport au droit com-munautaire. Il est possible en effet quele conflit ne surgisse pas parce que larègle communautaire n’a pas atteint sonseuil d’application. En dehors de cettehypothèse, le juge national devra fairela part des choses entre les questionsrelevant de chacun des deux droits extérieurs, ou alors choisir l’une desdeux sources de droit en fonction d’élé-ments qui lui seraient donc propres. Lerecours au juge extérieur pourrait aussilui être d’une certaine aide, par le mé-canisme du renvoi préjudiciel instituédevant les juridictions communautaires.Mais ces dernières ne sont pas non plusà l’abri de croisements de leur actionavec celle du juge de l’OHADA.

B – Les « croisements» des actionsjuridictionnelles communautaireset du droit uniforme

Les manifestations de ces croisementssont multiples et des solutions tout aussidiverses peuvent être proposées.

1 – Manifestations

Le croisement peut tout d’abord être direct, c’est-à-dire par le biais du contrôled’un acte communautaire. La Cour de justice de la CEMAC, dans sa fonctionconsultative (CJ CEMAC, avis, 9 avr.2003, Avant-projet de règlement sur lessystèmes, moyens et incidents de paiement; v. Revue trimestrielle de droitafricain-Penant, 2007, n° 858, p. 122),a dû se frotter au droit de l’OHADA. Unedes dispositions du projet de règlementsoumis à consultation prévoyait dessanctions pénales, ce que l’un des Étatsmembres, pendant la procédure, a consi-déré comme contraire aux dispositionsdu Titre V de l’Acte uniforme sur lesprocédures collectives d’apurement dupassif (AUPCAP), lequel définit les infractions pénales, en laissant aux Étatsle soin d’établir les peines correspon-dantes. La Cour a observé que non seulement les États pouvaient déciderd’exercer en commun les compétencesqu’ils détenaient du Traité OHADA, maisqu’en outre rien ne s’opposait à ce que l’organe communautaire – en l’occur-rence le Comité des ministres de l’Unionmonétaire de l’Afrique centrale(UMAC) – adopte des dispositions relevant de ses attributions. Toutefois, >

Dans le casde compétences croiséesde systèmes juridiques,

il semble logique que lesinterventions se fassent enbonne intelligence, et quela coordination produise

un droit harmonisé.

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et c’est là le plus important, elle a relevé que certaines des dispositions duprojet de règlement étaient susceptiblesde porter atteinte à l’AUPCAP, alorsmême que la primauté des Actes uni-formes de l’OHADA visait aussi les« normes primaires et dérivées issues du Traité de la CEMAC » (sic). Deux remarques méritent d’être faites sur cetteposition :• la référence par la Cour à l’article 10du Traité OHADA est injustifiée, dansla mesure où cette disposition ne pré-voit la primauté des Actes uniformesqu’à l’égard du droit interne des Étatsmembres. Mais en tout cas, cette posi-tion est la sienne, et est susceptible d’êtreprolongée dans un contentieux ou dansun arrêt préjudiciel ; sauf revirement...souhaitable ;• malgré tout, au-delà de la vision quel’on peut avoir de l’article 10 du TraitéOHADA, le juge communautaire opèreune interprétation des Actes uniformes,avec le risque que cette interprétation diverge de celle donnée par la CCJA, normalement apte à y procéder.La situation peut théoriquement être lamême devant le juge de l’OHADA. Il nepeut être exclu qu’un contentieux éma-nant d’une juridiction nationale de lazone CEMAC arrive devant la Courd’Abidjan, dès lors qu’un requérant arguerait de ce que des dispositions dedroit interne (qui, le cas échéant, seraientprises en application du règlementconcerné) sont contraires à l’AUPCAP.La CCJA ne pourrait donc résoudre leconflit sans se prononcer sur la validitéde l’acte communautaire concerné. Ainsi,dans un avis du 30 avril 2001, tout en relevant que «le droit fiscal ne fait paspartie à ce jour (soulignons la précision«à ce jour», montrant bien l’importancede la rédaction de l’article 2 du Traité dePort-Louis...) des matières rentrant dansle domaine du droit des affaires harmo-nisé tel que défini par l’article 2 du Traitérelatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique», la CCJA a néan-moins précisé que « si les procédures fiscales postérieures à la date d’entrée en vigueur de l’Acte uniforme concerné(en l’espèce, l’Acte uniforme sur le recouvrement simplifié et les voies d’exé-cution) mettent en œuvre des mesuresconservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement déterminées par ledit Acte uniforme, cesprocédures fiscales doivent se conformeraux dispositions de celui-ci» (CCJA, avis,30 avr. 2001, n° 001/2001/EP). Or detelles dispositions peuvent résulter aussid’un acte communautaire dans le cadrede la politique fiscale poursuivie par la

Communauté. On peut relever parexemple que la directive de la CEMACrelative à l’harmonisation de la taxe surla valeur ajoutée consacre quelques-unesde ses dispositions au recouvrement, auredressement et au contentieux. Elle ren-voie pour cela aux procédures nationalespertinentes, mais ce renvoi résulte moinsd’une incompétence communautaire àrégir ces questions que d’une sorte deself-restraint.Le croisement peut ensuite être indirect :un arrêt de l’une ou l’autre des juridic-tions extérieures peut en effet avoir un impact sur l’application d’un acte communautaire ou d’un Acte uniforme,sans pour autant que l’acte en question–ouson application par une autorité nationale–

soit directement l’objet du contentieux (oude la consultation). On peut ainsi releverque les juridictions communautaires peu-vent être saisies, par voie de compromis,de «différends entre États membres ayantun lien avec le Traité et les textes subsé-quents». Hypothèse probablement incluseici, celle dans laquelle un différend résul-terait d’un Acte uniforme «ayant un lienavec le traité». Qu’adviendrait-il alors?La multiplication des carrefours entre lesdroits communautaires et le droit har-monisé accroît donc les risques de croi-sements contentieux, directs ou indirects.Aussi convient-il d’explorer les solutionsenvisageables.

2 – Quelles solutions ?

Trois solutions peuvent être proposées.

a – La concertationL’accord signé entre l’OHADA et la CEMAC prévoit notamment que les deuxorganisations « s’accordent à coopérerdans (...) la définition des domainesd’harmonisation du droit des affaires»(Accord précité, art. 2). Il est donc à espérer que l’application par le Conseildes ministres de l’OHADA de l’article 2du Traité de Port-Louis tiendra comptede la production juridique de chaquecommunauté économique dont les États sont également parties au TraitéOHADA.

La concertation se fait également entreles juridictions des deux types d’organi-sations. Nombre de séminaires communspermettent en effet aux membres desCours CEMAC, UEMOA et OHADA d’évoquer des problèmes communs.Force est cependant de constater que cetteconcertation n’a pas toujours fonctionné.Elle aurait pourtant évité quelques-unesdes divergences que nous avons relevéesplus haut. Quant aux juridictions, la juris-prudence, certes peu abondante, ne donnepas encore à observer un réel travail decompréhension mutuelle de la spécificitéde chacun des systèmes, et des dangersque comportent leurs intersections.

b – La répartitionIl s’agit ici d’une solution lourde, compliquée, consistant à revoir les traités des deux types d’organisations,afin de procéder à une répartition :• des compétences entre elles (revoir parexemple la définition du droit des affairesau regard de l’existence des droits communautaires) ;• des compétences matérielles entre lesjuridictions concernées (dans l’hypothèseoù les domaines de ces deux organisa-tions resteraient inchangés).Il est évident – et la récente révision duTraité de Port-Louis l’a montré – que cetteoption de refonte des traités dans uneperspective concertée n’emporte pas l’adhésion des États – et probablementpas des organisations en cause.

c – La coopérationFace aux risques juridiques de superpo-sition et de jurisprudences incidentes, il peut être utile d’instaurer des méca-nismes mutuels de dialogue juridiction-nel formel entre les deux types de juri-dictions. Ce dialogue pourrait revêtir deuxformes.Il peut tout d’abord être de type préju-diciel, lorsque l’une des juridictions est saisie d’un contentieux mettant en causeun acte relevant de l’autre organisation.Cette procédure permettrait ainsi à chacune des juridictions de respecter les compétences de l’autre, et surtout d’éviter tout risque de mauvaise inter-prétation des règles juridiques relevantde l’ordre juridique auquel appartientl’autre.Le dialogue peut aussi être orienté versdes résolutions de conflit de compé-tence, sur le modèle d’un tribunal desconflits, lorsque l’une ou l’autre, voireles deux, s’estime (in)compétente, etqu’une des parties au différend estimel’inverse; le juge du conflit pourrait alorsêtre une chambre commune OHADACommunauté.

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La multiplicationdes règles internationales

est susceptiblede désorienter

considérablementaussi bien le justiciable

que le juge.

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ENTRÉE EN VIGUEUR DU TRAITÉ OHADA ET DES ACTES UNIFORMES À L’ÉGARD DES ÉTATS PARTIESMEMBRES ÉGALEMENT DE COMMUNAUTÉS ÉCONOMIQUES

État partie Zonecommunautaire

Entréeen vigueur AUDGG (1) AUSCGIE (2) AUS (3) AUPSRVE (4) AUPCAP (5) AUA (6) AUCE (7) AUCE (7) AURCMR (8)

CCeennttrraaffrriiqquuee CEMAC-CEEAC 18/09/95 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

TTcchhaadd CEMAC-CEEAC 02/07/96 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

CCaammeerroouunn CEMAC-CEEAC 03/12/96 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

GGaabboonn CEMAC-CEEAC 05/04/98 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

CCoonnggoo CEMAC-CEEAC 17/07/99 17/07/99 17/07/99 17/07/99 17/07/99 17/07/99 17/07/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

GGuuiinnééeeEEqquuaattoorriiaallee CEMAC-CEEAC 13/08/99 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

BBéénniinn UEMOA-CEDEAO 18/09/95 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

MMaallii UEMOA-CEDEAO 18/09/95 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

SSéénnééggaall UEMOA-CEDEAO 18/09/95 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

NNiiggeerr UEMOA-CEDEAO 18/09/95 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

BBuurrkkiinnaa FFaassoo UEMOA-CEDEAO 18/09/95 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

TTooggoo UEMOA-CEDEAO 19/01/96 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

CCôôttee dd’’IIvvooiirree UEMOA-CEDEAO 11/02/96 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

GGuuiinnééeeBBiissssaauu UEMOA-CEDEAO 20/02/96 01/0198 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

CCoommoorreess 18/09/95 01/01/98 01/01/98 01/01/98 10/07/98 01/01/99 11/06/99 01/01/01 01/01/02 01/01/04

GGuuiinnééee 21/11/00 21/11/00 21/11/00 21/11/00 21/11/00 21/11/00 21/11/00 01/01/01 01/01/02 01/01/04

(1) Acte uniforme relatif au droit commercial général.(2) Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique.(3) Acte uniforme relatif au droit des sûretés.(4) Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.(5) Acte uniforme relatif aux procédures collectives d’apurement du passif.(6) Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.(7) Acte uniforme relatif à l’organisation et l’harmonisation de la comptabilité des entreprises.(8) Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route.

* Tableau établi à partir de données recueillies sur le site de l’UNIDA (www.OHADA.com), agencées et complétées par nos soins.

Le champ d’investigation est donc large, laprospective bienvenue et l’imagination sollicitée afin de permettre une meilleurerationalisation de l’aménagement juridiquedu cadre des affaires et des investissements.Nul doute que d’autres circonstances per-mettront, dans les mois qui viennent, d’ap-profondir ces questions. En attendant, il estimportant de relever malgré tout que les

problèmes de la sécurité des affaires et desinvestissements dans les régions d’Afriquecentrale et occidentale ne résultent pasd’abord des cas de dysfonctionnement del’agencement des différentes strates du droitde l’investissement et des affaires; l’appli-cation imparfaite du droit dans les États,qu’il s’agisse de mettre en œuvre des règlescommunautaires ou uniformes, ou tout sim-

plement d’appliquer les dispositions légis-latives ou réglementaires en vigueur, y estpour beaucoup. Il semble donc importantque des efforts croisés des acteurs de l’extérieur et de l’intérieur se conjuguentpour converger vers une amélioration del’encadrement et de la protection juridiquesde l’activité économique et de l’investisse-ment, étranger ou national. ◆

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L A S É C U R I S AT I O N D E S I N V E S T I S S E M E N T S D E S E N T R E P R I S E S E N A F R I Q U E F R A N C O P H O N E : L E D R O I T O H A D A

Le thème retenu pour ce colloqueconstitue l’une des principales finalités de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droitdes affaires (OHADA). L’objectifavoué étant la restauration de la confiance des opérateurséconomiques, les États parties au Traité de Port-Louis ont assez vite intégré le fait que cela ne peutse réaliser que par la sécurisationdes investissements. Ainsi, un certainnombre de dispositifs a été mis enplace afin d’attirer les investisseurs,notamment étrangers. Commentceux-ci se traduisent-ils en pratique ?Autrement dit, quelles sont les règlesqui doivent être respectées par lesopérateurs économiques pour pouvoirs’installer et faire des affaires dansl’espace OHADA dans une totalesécurité juridique ?

L a réponse à ces questions dépassele cadre du droit des affaires. En

effet, l’installation dans l’espace OHADApasse par l’accomplissement d’un certainnombre de formalités administratives quisont loin d’être négligeables. Il s’agit parexemple de celles prévues par les législa-tions des États membres sur les conditionsd’entrée et de séjour des étrangers. Cesrègles n’étant pas prévues par le droit del’OHADA, l’investisseur étranger devradonc se renseigner sur la législation del’Etat dans lequel il projette de s’installer.C’est après ces étapes préalables qu’il fautenvisager les questions ayant trait à l’activité commerciale, à savoir les condi-tions de l’accès à la profession commer-ciale et de l’exercice du commerce, demême que les différentes obligations quipèsent sur le commerçant pendant l’exer-cice de son activité.Seront ainsi abordés, d’une part, quelquesaspects juridiques généraux d’une instal-lation pour affaires (I) et, d’autre part, les principaux aspects comptables et fiscaux (II).

I – ASPECTS JURIDIQUESGÉNÉRAUX

Le commerçant personne physique(A) doit,s’agissant de cette première catégorie d’aspects, être distingué du commerçantpersonne morale (B).

A – Le commerçant personnephysique

Le législateur OHADA a édicté des règlesrelatives à l’acquisition du statut de commerçant (1) et aux obligations inhé-rentes à ce statut (2).

1 – Devenir commerçant en OHADA

Dans l’espace OHADA, l’exercice du commerce est libre. Mais comme toute li-berté, celle du commerce n’est pas absolue : son exercice est très encadré.Pour accéder à la profession commerciale,il faut avoir la capacité d’exercer le commerce et s’inscrire sur le registre ducommerce et du crédit mobilier (RCCM).N’est donc pas commerçant qui le veut,puisque le commerçant est défini (a), et cela, au regard de la notion d’actes decommerce (b).

a – Définition du commerçantAux termes de l’Acte uniforme relatif audroit commercial général, le commer-çant est celui qui accomplit des actes decommerce et en fait sa profession habi-tuelle (Acte uniforme portant droit commercial général, 17 avr. 1997, art. 2(ci-après A.u.-Com.), JO OHADA, n° 1,1er oct. 1997, p. 1). Dans le contexte romano-germanique, cette définition paraît être des plus classiques.Concernant la capacité commerciale, ilressort des termes de l’Acte uniforme sus-visé que «nul ne peut accomplir des actesde commerce à titre de profession habi-tuelle s’il n’est juridiquement capabled’exercer le commerce» (A.u.-Com., art. 6).En tant que question relative au statut per-sonnel, le régime de la capacité est réglépar chaque droit national (Santos A. P. etYado Toé J., OHADA, Droit commercialgénéral, Bruxelles, Bruylant, coll. Droituniforme, 2002, p. 95). Mais en règle générale, l’incapacité frappe les mineurs,les majeurs incapables et les personnesayant fait l’objet d’une interdiction d’exer-cer le commerce.

Les conditions de l’exercice du commercepar les étrangers au sein du périmètreOHADA revêtent donc une certaine importance, d’autant qu’elles appellentune application des règles relatives à l’entrée et au séjour dans cet espace,questions relevant des législations desÉtats membres concernant la conditiondes étrangers (c’est ainsi, par exemple,que, pour le Gabon, il faut solliciter unvisa d’affaires et, une fois sur place, de-mander un titre de séjour; tandis que,pour la Côte d’Ivoire et le Cameroun, iln’y a pas de visa type, mais pour pou-voir obtenir un titre de séjour il faut yrésider au minimum trois mois ; et c’estainsi que, au Sénégal, les ressortissantsde l’Union européenne sont dispensésde visa (la présentation d’un passeportvalide et d’un carnet de vaccination àjour suffisant), mais au-delà d’un séjourde trois mois, une carte de résident estindispensable). Il sied de relever qu’ence qui concerne la qualité de commer-çant, le législateur OHADA ne fait au-cune distinction entre les ressortissantsdes États membres et les étrangers. Il enrésulte que l’étranger qui s’installe dansl’espace OHADA sera soumis à l’Acte uniforme.

b – Aperçu des actes de commerce Pris en compte dans la définition du commerçant, les actes de commerce sontégalement régis par les dispositions del’Acte uniforme portant droit commer-cial général. Une distinction y est opé-rée entre les actes de commerce par objet ou par nature (ces actes de com-merce font l’objet d’une énumérationlongue et non exhaustive; v. A.u.-Com.,art. 3 : l’achat de biens, meubles ou immeubles, en vue de leur revente; lesopérations de banque, de bourse, dechange, de courtage, d’assurance, et detransit ; les contrats entre commerçantspour les besoins de leur commerce ; l’exploitation industrielle des mines, carrières et de tout gisement de ressourcesnaturelles ; les opérations de location demeubles; les opérations de manufacture,de transport et de télécommunication;les opérations des intermédiaires de commerce, telles que commission, cour-tage, agences, ainsi que les opérations d’in-termédiaire pour l’achat, la souscription,

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S’installer pour affairesdans l’espace OHADA*

Par Dr. Louis-DanielMUKA TSHIBENDE

Centre de droit économique –Université Paul-Cézanne

(Aix-Marseille III)Département de droit

économique et social –Université protestante

au Congo-Kinshasa

RLD

C

* La présente étude est le fruit du travail collectif desmembres du Club OHADA Aix-Marseille (COAM). Ontactivement participé à son élaboration, outre l’orateur :Melles Olivia Betoe Bi Evie, Viany Onanga Opissina, ChristelleYabi ; ainsi que MM. Ngagne Fave, Armand Joseph Mendy etDjibril N’Diaye.

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PERSPEC

TIVESRÉFLEXIO

NS C

ROISÉES

la vente ou la location d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou de parts de société commerciale ou immobi-lière; les actes effectués par les sociétéscommerciales) et ceux par la forme (A.u.-Com., art. 4 : lettre de change, billetà ordre et warrant).Comme son homologue français dont ils’est beaucoup inspiré, le législateurOHADA a retenu la spécificité des actesde commerce en vertu de laquelle ils peu-vent se prouver par tous moyens à l’égarddes commerçants (v. A.u.-Com., art. 5).

2 – Les obligations du commerçant

Une distinction est généralement faiteentre les obligations juridiques généralesconcernant le RCCM (a) et les obliga-tions comptables (b).

a – Les obligations juridiques Pour obtenir la qualité de commerçant àtitre professionnel, il faut obligatoirements’inscrire au RCCM, le législateur ayant poséle principe de l’immatriculation au RCCMdes personnes physiques et morales commerçantes (A.u.-Com., art.19, 1°, aetb),des succursales et des établissements secondaires (A.u.-Com., art. 140 a), et del’inscription des intermédiaires de commerce(A.u.-Com., art.25 et 27). La demande d’im-matriculation doit être effectuée, pour lespersonnes physiques, dans le premier moisd’exploitation ; et pour les personnes morales, dans le mois de leur constitution(A.u.-Com., art. 25 et 27). Elle doit conte-nir des informations relatives à la personnedu commerçant et à son activité. La demande d’immatriculation concer-nant une personne physique doit indi-quer les nom, prénom, domicile, date etlieu de naissance et nationalité de l’assujetti ; et concernant les informa-tions relatives à l’activité exercée, le commerçant doit mentionner le nom souslequel il exerce le commerce et, s’il y alieu, l’enseigne utilisée, et préciser le oules activités qu’il entend exercer et laforme de l’exploitation (sur ces indica-tions, v. A.u.-Com., art. 25). Lorsque la demande d’immatriculationconcerne une personne morale, elle doitmentionner l’identité de la personnemorale, le sigle ou l’enseigne, le ou les ac-tivités exercées, la forme juridique, le mon-tant du capital social avec l’indication desapports en numéraire et l’évaluation desapports en nature, l’adresse du siège socialet la durée de la personne morale; elle doitégalement contenir des informations rela-tives à l’identité des associés et aux organessociaux (A.u.-Com., art. 27). La demande d’immatriculation doit êtreeffectuée auprès du greffe du tribunal dela juridiction compétente qui tient le

registre local. Cette juridiction est, dans la plupart des États membres del’OHADA, le tribunal de première ins-tance statuant en matière commerciale(Santos A. P. et Yado Toé J., OHADA,Droit commercial général, op. cit., p. 115).Après vérification de la conformité de lademande par rapport aux pièces justifi-catives produites, le greffe procède à l’ins-cription proprement dite et au classe-ment du dossier auquel il attribue unnuméro. Il transmet par la suite un exem-plaire du dossier au fichier national etau fichier régional tenu auprès de la Courcommune de justice et d’arbitrage (CCJA).Ces deux fichiers constituent pour lesopérateurs économiques une importantemine d’informations.

b – Les obligations comptables Le commerçant est assujetti à une séried’obligations relatives à l’établissement età la tenue de la comptabilité, à sa production ou à sa communication à desayants droit désignés par le législateur,ainsi qu’aux formalités de publicité quidoivent être observées en la matière. Cesrègles contribuent à la sécurisation des ac-tivités non seulement du commerçant lui-même à qui elles offrent des instrumentsde pilotage ou de support de décisionsadéquats, mais également des partenairesd’affaires éventuels de ce dernier. Si elles font l’objet de développementsultérieurs, l’on peut néanmoins d’ores etdéjà relever qu’elles permettent, d’unepart, aux commerçants personnes phy-siques et aux dirigeants des sociétés commerciales de suivre de près l’évolu-tion des affaires et d’adapter leur actionen conséquence et, d’autre part, auxautres destinataires de l’informationcomptable et financière d’être au fait dela situation de l’entreprise.

B – Le commerçant personne moraleL’installation pour affaires dans l’espaceOHADA peut également se faire par lacréation d’une personne morale (1), êtrejuridique qu’il faudra ensuite faire vivre (2).

1 – Créer une société en OHADA

La création des sociétés obéit à un régimejuridique commun à toutes les sociétés

commerciales (a), ainsi qu’à des règlesparticulières à certaines sociétés (b).

a – Le régime communDe manière tout à fait classique, les règlesà observer en vue de la création d’une société commerciale dans l’espace OHADA– et ce quelle que soit sa forme – sont relatives à l’actionnariat, aux apports, auxstatuts et à l’immatriculation.S’agissant de l’actionnariat, le législateurn’établit aucune discrimination entre lessociétés commerciales en raison de la composition de l’actionnariat (à proposde la qualité d’associé, v. notamment Acteuniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêtéconomique, 17 avr. 1997, art. 7 à 9 –ci-après A.u.-Soc. – JO OHADA, n° 2,1er oct. 1997, p. 1). Les sociétés dont lecapital est majoritairement détenu par desétrangers trouvent dans ce principe un facteur de sécurité et de prospérité pourleurs investissements dans la mesure oùelles pourront concourir à armes égalesavec les opérateurs économiques locaux.Pour ce qui est des apports, le droit OHADAconsacre le triptyque traditionnel numé-raire-nature-industrie (A.u.-Soc., art. 37et s.). En ce qui concerne les statuts, il està noter qu’ils donnent généralement lieuà un passage devant notaire, puisque, eneffet, lorsqu’ils ne sont pas portés par unacte authentique (notarié), ils ne peuventqu’avoir la forme d’un acte sous seingprivé à déposer au rang des minutes d’unnotaire (A.u.-Soc., art. 10 et s.). Le recoursà ce professionnel est également un fac-teur de sécurité pour les créateurs d’en-treprise. En matière d’immatriculation, en-fin, comme les commerçants personnesphysiques, les sociétés sont tenues d’y pro-céder, sous réserve des cas de la sociétéen participation (A.u.-Soc., art. 854 et s.)et de la société de fait (A.u.-Soc., art. 115,864 et s.).

b – Les dispositions spécifiquesCes dispositions sont essentiellement relatives au montant minimal du capital social qui est exigé pour certaines formes so-ciétaires. Pour les sociétés à responsabilitélimitée (SARL), il est de 1000000francsCFA(A.u.-Soc., art. 311). Dans le cas des socié-tés anonymes, le capital social minimal est de 10 000 000 francs CFA (A.u.-Soc., art. 387), montant multiplié par dix – soit100 000 000 francs CFA – en cas d’appel public à l’épargne (A.u.-Soc., art. 824).

2 – Faire vivre la société créée

La législation OHADA donne aux sociétés, après leur création, la possibi-lité de pouvoir évoluer en toute sécuritéde manière isolée (a) mais également >

Le législateur OHADAa retenu la spécificité

des actes de commerceen vertu de laquelle

ils peuvent se prouverpar tous moyens

à l’égarddes commerçants

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dans le cadre d’un groupement de sociétés (b).

a – La société prise isolémentDe la société comme être juridique, le législateur OHADA a prévu les règles dela gouvernance et du financement.

Fonctionnement et gouvernance Mû par le souci d’équilibrer les pouvoirsau sein des sociétés, le droit OHADA définit les règles relatives à la directionet au contrôle tant censorial qu’actionna-rial des sociétés commerciales (pour unaperçu global, v. Muka Tshibende L.-D.,L’information des actionnaires, sourced’un contre-pouvoir dans les sociétésanonymes de droit français et du péri-mètre OHADA, préf. Mestre J., PUAM,coll. Institut de droit des affaires, 2009).La législation OHADA est en effet venuepréciser, pour chaque type de société, lespouvoirs au sens large et les devoirs desdirigeants sociaux (v. A.u.-Soc., art. 276et s., pour la société en nom collectif ;art. 298 et s., pour la société en comman-dite simple ; art. 323 et s., pour la SARL;art. 414 et s., pour la société anonyme),ainsi que les conditions de l’engagementde leur responsabilité (A.u.-Soc., art. 161et s. et 330 à 332). La sécurité réside icidans la possibilité donnée aux dirigeants d’entreprise de prévenir la mise en jeude la responsabilité en ayant une conduiteadaptée. L’on relèvera avec intérêt, dansle régime des sociétés anonymes, d’unepart, la dissociation possible de la direc-tion générale et de la présidence duconseil d’administration (A.u.-Soc.,art. 415), consacrée bien avant la loin° 2001-420 du 15 mai 2001, dite «nou-velles régulations économiques » et,d’autre part, la possibilité, lorsque lenombre d’actionnaires est d’au plus trois,d’opter pour la forme de société ano-nyme sans conseil d’administration mais avec un administrateur général(A.u.-Soc., art. 414).Le droit OHADA est également venu renforcer le contrôle censorial dans lesÉtats membres. Il a ainsi rendu la dési-gnation du contrôleur légal des comptesobligatoire dans les sociétés anonymes(A.u.-Soc., art. 694 et 702) et optionnelledans les SARL (A.u.-Soc., art. 376); il apar ailleurs défini avec précision les droits,pouvoirs et devoirs des commissaires auxcomptes, ainsi que les règles gouvernantleur désignation, leur éviction, ainsi quela mise en jeu de leur responsabilité.S’agissant du contrôle actionnarial– exercé par les associés –, celui-ci setrouve également renforcé par des règlesdéfinissant leurs prérogatives en matièreaussi bien d’information passive et

active que d’intervention interne et externe (v. Muka Tshibende L.-D., L’information des actionnaires, sourced’un contre-pouvoir dans les sociétésanonymes de droit français et du péri-mètre OHADA, op. cit.).

FinancementDes possibilités de financement variéessont effectivement offertes aux entreprises.Toutes ne sont cependant pas régies parle droit OHADA. Ainsi notamment de l’emprunt bancaire, car si le recours ausystème bancaire pour la levée des fondsconstitue le mode traditionnel de finance-ment des entreprises, les règles régissantles prêts bancaires sont cependant élabo-rées par les États membres dans le cadrede l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communautééconomique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).En revanche, le législateur OHADA a élaboré un corps détaillé des règles rela-tives aux emprunts obligataires auxquelsles sociétés peuvent recourir. Sont ainsiédictées des règles concernant l’émissiondes obligations et les droits et prérogativesdes obligataires (v. A.u.-Soc., art. 779 et s.).Le droit OHADA donne également auxopérateurs économiques la faculté de se(re)financer en faisant appel public àl’épargne (A.u.-Soc., art. 81 et s.). Est ainsiprévu un dispositif relatif à la transparencedes opérations, dispositif au cœur duquelse trouvent l’obligation de publier des documents destinés à assurer l’informa-tion du public sollicité, le contrôle desditsdocuments par les autorités de régulationdes marchés financiers locaux, ainsi qu’unepalette de sanctions punissant la violationdu régime ainsi établi (A.u.-Soc., art. 886et s. ; dispositions complétées par les régimes juridiques spécifiques des mar-chés financiers de l’UEMOA, de la CEMACet du Cameroun. Pour un aperçu détaillé,v. Muka Tshibende L.-D., L’informationdes actionnaires, source d’un contre-pou-voir dans les sociétés anonymes de droitfrançais et du périmètre OHADA, op. cit.).

b – Les groupements de sociétésIl découle des dispositions du droitOHADA la possibilité pour toute sociétécommerciale d’être perçue et d’évoluerde manière non isolée, soit en faisantpartie d’un groupe de sociétés, soit enparticipant à la création d’un groupe-ment d’intérêt économique.

Les groupes de sociétés Le législateur OHADA définit le groupede sociétés comme étant l’ensembleformé par des sociétés unies entre ellespar des liens divers qui permettent à l’une

d’elles – la société mère – de contrôlerles autres (A.u.-Soc., art. 173). Quant aucontrôle, il s’entend de la détention dupouvoir de décision au sein de la société(A.u.-Soc., art. 174). La société mère estdéfinie comme étant celle qui possèdeplus de la moitié du capital d’une autresociété, celle-ci étant sa filiale (A.u.-Soc.,art. 179). L’existence du groupe induit principale-ment l’obligation pour la société mèred’établir des comptes de groupe. Elle peutégalement donner lieu à l’application desdispositions relatives aux participationsréciproques, dispositions par lesquelles leseuil de participation réciproque admispour les SARL et les sociétés anonymesest fixé à 10 % (A.u.-Soc., art. 176 à 178).

Le groupement d’intérêt économique Le législateur OHADA offre également auxopérateurs économiques la possibilité deconstituer un groupement d’intérêt éco-nomique (GIE), structure de collaborationentre entreprises préexistantes. Doté de lapersonnalité morale et obligatoirement immatriculé au RCCM. (A.u.-Soc., art. 872),le GIE a pour but exclusif de mettre enœuvre pour une durée déterminée tousles moyens propres à faciliter ou à déve-lopper l’activité économique de sesmembres (A.u.-Soc., art. 869).

II – ASPECTS COMPTABLESET FISCAUXLes opérateurs économiques qui souhai-tent faire des affaires dans l’espaceOHADA trouveront dans les règles comp-tables (A) et fiscales (B) en vigueur unegrande prévisibilité, facteur de sécurité.

A – Aspects comptablesLe législateur OHADA met à la chargedes commerçants un certain nombred’obligations comptables, l’observationpar les opérateurs économiques de cesobligations (1) ainsi que des principes (2)qui gouvernent leur mise en œuvre consti-tuant un impératif.

1 – Les obligations comptables

Doivent dans ce domaine être évoqués :les livres comptables dont la tenue estobligatoire (a), les différents systèmes deprésentation des comptes prévus (b),ainsi que les régimes particuliers des éta-blissements bancaires et des entreprisesd’assurance (c).

a – Les livres comptables obligatoiresLes commerçants personnes physiquescomme personnes morales sont dansl’obligation d’établir des livres comp-tables. Il s’agit du livre-journal, du livre

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d’inventaire et du grand livre auquel est liée une balance générale récapitu-lative (v. A.u.-Com., art. 13 et 17 ; v. Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises, 24mars 2000, art. 19, (ci-aprèsA.u.-Compt.), JO OHADA, n° 10, p. 1). Les commerçants personnes morales sontpar ailleurs tenus d’établir des états financiers de synthèse ou comptes annuels (A.u.-Com., art. 17). Il s’agit dubilan, du compte de résultat, de l’annexe,ainsi que du tableau financier des ressources et des emplois et de l’état statistique (A.u.-Compt., art. 8 et 12). Lecontenu de ces documents est précisé.Lorsque le commerçant personne moraleest une société qui se trouve à la têted’un groupe de sociétés, il doit, en susde ses états financiers de synthèse annuels, établir et publier, selon le cas,des comptes consolidés (A.u.-Compt.,art. 74) ou des comptes combinés (A.u.-Compt., art. 103), le législateur s’étanten outre employé à fixer un corps derègles relatives à la détermination du pé-rimètre de consolidation et de combinai-son ainsi que des méthodes de consoli-dation et de combinaison des comptes.

b – Les différents systèmesde présentation Le droit OHADA ouvre aux sociétés com-merciales la possibilité, en fonction deleur taille, d’opter pour une présentationsimplifiée de leurs comptes annuels. Il est ainsi prévu que chaque entrepriseest, sauf exception liée à sa taille, sou-mise au système normal de présentationdes états financiers et de tenue descomptes (A.u.-Compt., art. 11, al. 2). En revanche, lorsque le chiffre d’af-faires de l’entreprise est inférieur à100 000 000 francs CFA, la société a la faculté d’utiliser le système allégé (A.u.-Compt., art. 11, al. 3). Enfin, pour ce qui est des très petites entreprises dont les recettes annuellesne dépassent pas certains seuils fixés,elles sont, sauf utilisation volontaire du système normal ou du système allégé, assu-jetties au système minimal de trésorerie(A.u.-Compt., art. 13, al. 2).

c – Les cas particuliers : banques,établissements financiers et assureursEn tenant compte de l’existence d’autresorganisations sous-régionales(de typesous-régional) dans le cadre desquellessont harmonisées ou uniformisées cer-taines branches du droit des affaires, lelégislateur OHADA pose par réalisme queles banques, les établissements finan-ciers et les entreprises d’assurances sontassujettis à des plans comptables spéci-

fiques (A.u.-Compt., art. 5). Ces régimesparticuliers sont élaborés dans le cadrede l’UEMOA, de la CEMAC et de la Confé-rence interafricaine des marchés d’assu-rance (CIMA).

2 – Les principes comptables

Le droit OHADA consacre les principauxstandards de la comptabilité moderne (a).Une importance singulière est accordée àdeux exigences fondamentales (b). Et lecontrôle interne est également appréhendé(c).

a – Les principes conventionnelsLe législateur OHADA a consacré une série de principes conventionnels dansle but notamment de faciliter la compré-hension des informations fournies parles états financiers des entreprises.C’est ainsi que l’Acte uniforme portant

droit comptable dispose que l’applica-tion du système comptable OHADA im-plique que la règle de prudence soit entout cas observée, à partir d’une appré-ciation raisonnable des événements etdes opérations à enregistrer au titre del’exercice (A.u.-Compt., art. 6). Pour permettre la comparaison descomptes sociaux, le principe de la per-manence des méthodes impose une pré-sentation identique des états financiersannuels de l’entreprise d’un exercice àl’autre (A.u.-Compt., art. 34), les chan-gements dans la présentation devant êtreportés à la connaissance des actionnaires(A.u.-Compt., art. 41).Quant au principe des coûts historiques(nominalisme), il postule qu’à la date deleur entrée dans le patrimoine de l’en-treprise, les biens acquis à titre onéreuxsont enregistrés à leur coût d’acquisition,ceux acquis à titre gratuit le sont à leurvaleur vénale, et ceux produits à leurcoût de production (A.u.-Compt., art. 35). Son application est tempéréepar le recours à la notion de juste valeur(A.u.-Compt., art. 42 et 63). Le principe de l’indépendance des exer-cices implique que les informations comptables couvrent des périodes dedouze mois appelées exercices. Le légis-lateur énonce à ce propos que le résul-

tat de chaque exercice doit être indépen-dant de celui qui le précède et de celuiqui le suit (A.u.-Compt., art. 59).Un autre principe, celui de la continuitéde l’exploitation, postule que, pour l’éta-blissement de ses états financiers an-nuels, le commerçant, personne physiqueou morale, est présumé poursuivre sesactivités dans un avenir raisonnablementprévisible (A.u.-Compt., art. 39).

b – Les exigences fondamentalesDeux exigences fondamentales contri-buant à la qualité des comptes ont éga-lement été établies en droit OHADA. En vertu de l’exigence de régularité et desincérité des comptes, il est posé que lesétats financiers de synthèse annuels ouconsolidés doivent décrire de façon régulière et sincère les événements, opérations et situations de l’exercice(A.u.-Compt., art. 8, 22 et 100).Pour ce qui est de l’exigence de l’imagefidèle, elle est importante puisque lesétats financiers devront toujours donnerune image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise (A.u.-Compt., art. 8).

c – Le contrôle interneLe législateur supranational de l’OHADAimpose enfin aux sociétés de mettre enplace un système de contrôle interne.Obligation est en effet faite aux respon-sables des comptes de mettre en placeet en œuvre des procédures de contrôleinterne indispensables à la connaissancequ’ils doivent normalement avoir de laréalité et de l’importance des événe-ments, opérations et situations liés àl’activité de l’entreprise (A.u.-Compt.,art. 6).

B – Aspects fiscauxIl convient, en ce qui concerne les consi-dérations fiscales, de distinguer la fisca-lité générale (1) des fiscalités particu-lières (2).

1 – La fiscalité générale

Retiennent particulièrement l’attention desinvestisseurs : la taxation des opérationsde création de la société (a), ainsi que l’imposition des revenus d’activité (b).

a – La taxation de la créationde la sociétéPlutôt que de parler d’imposition, ilconviendrait d’user du vocable génériquede taxation. En effet, à ce stade de laconstitution de la société, un certainnombre de droits divers doivent être acquittés qui sont pour l’essentiel fiscaux, mais aussi administratifs et par-fois des honoraires de notaire. À titre >

L’application du systèmecomptable OHADA

implique que la règle deprudence soit en tout casobservée, à partir d’uneappréciation raisonnable

des opérationsà enregistrer au titre

de l’exercice.

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illustratif, l’on peut considérer le cas duSénégal et celui du Bénin.

Le cas du Sénégal En droit sénégalais, le coût de constitu-tion de la société varie selon le montantdu capital social. Ainsi, le montant descoûts de constitution respectifs de la SARLet de la société anonyme, formes de société les plus utilisées, peut atteindrel’équivalent de 20 % du capital socialpour la première forme et 5 % pour laseconde. Pour une SARL dont le capitalest de 1 000 000 francs CFA, le coût dela constitution sera de 215 420 francs CFA,soit 47 420 francs CFA de frais fiscaux,75 900 francs CFA de frais administratifset 92 100 francs CFA de frais de notaire.Et pour une société anonyme dont le capital est de 10 000 000 francs CFA, lecoût sera de 567 340 francs CFA, soit195 240 francs CFA de frais fiscaux,85 900 francs CFA de frais administratifset 286 200 francs CFA de frais de notaire(Agence de développement et d’encadre-ment des PME (ADEPME), www.senegal-entreprises.net).

Le cas du BéninTout opérateur économique – nationalou étranger – qui procède à la créationd’une société devra s’acquitter d’une série de frais relatifs aux formalités d’en-registrement. À ces frais qui connaissentdes fortes variations selon qu’ils s’appli-quent à un national ou à un étranger, ilfaut ajouter, comme dans la plupart despays de l’OHADA, un ou plusieurs timbresfiscaux. Respectivement pour les natio-naux et les étrangers, ces frais se décom-posent comme suit : immatriculation(5 000/7 000 francs CFA), publication auJournal officiel (5 000/5 000 francs CFA),inscription au fichier de la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin(CCIB) (25 000/100 000 francs CFA), première cotisation annuelle CCIB(10 000/50 000 francs CFA), déclarationd’établissement (2 000/2 000 francs CFA),carte professionnelle de commerçant(5 000/5 000 francs CFA), prestation ducentre de formalités des entreprises (CFE)(20 000/20 000 francs CFA), soit un coûttotal de 72 000 francs CFA pour les nationaux et 189 000 francs CFA pour lesétrangers(www.westafrica.smetoolkit.or).

b – L’imposition des revenus d’activité Dans la plupart des pays de l’OHADA oùles revenus d’activité s’entendent des bénéfices, dividendes distribués, salaireset autres revenus tels les jetons de pré-sence, la fiscalité est généralement régiepar un Code général des impôts. Ces paysont des régimes fiscaux relativement si-

milaires prévoyant l’impôt sur les socié-tés, l’impôt sur les revenus des personnesphysiques et des contributions accessoires.

L’impôt sur les sociétésS’appliquant généralement de plein droitet quel que soit leur objet aux sociétéscommerciales et à toute personne moralese livrant à une exploitation ou à des opé-rations à caractère lucratif, cet impôt frappedonc l’ensemble des bénéfices ou revenusréalisés par les sociétés et autres personnesmorales, dans des entreprises exploitéesou pour des opérations réalisées dans lepays concerné.Les taux d’imposition varient, selon lespays, de 25 à 40 % du bénéfice impo-sable. À titre d’exemple, il est de 25 %au Sénégal, 35 % au Gabon, 38,5 % auCameroun, avec une spécificité en Côted’Ivoire où sont distingués deux taux :35 % pour les bénéfices industriels etcommerciaux et 25 % pour les entre-prises individuelles. Dans tous les cas,son montant ne peut être inférieur à uncertain pourcentage du chiffre d’affairesde l’entreprise, à l’exception des deuxpremières années de fonctionnement.Des règles spécifiques sont prévues pourles plus-values et les exercices défici-taires. Les plus-values sont différenciéesselon qu’elles sont à court ou à longterme. Pour ce qui est des exercices déficitaires, ils supportent en règle géné-rale un impôt minimal forfaitaire selonle chiffre d’affaires réalisé (par exemple,en Côte d’Ivoire, le minimum de percep-tion est de 2 000 000 francs CFA et lemaximum de 30 000 000 francs CFA ; au Sénégal, le minimum est de500 000 francs CFA et le maximum de1 000 000 francs CFA [v. Agence pour la création d’entreprises, www.apce.com.]),impôt dont les nouvelles sociétés sont exonérées durant leurs deux premiers exercices (il en va de même pour les sociétés ayant pour objet exclusif l’édition,l’impression et/ou la vente de feuilles périodiques [par exemple, Sénégal]).Conscients des inconvénients relatifs àune forte pression fiscale, les gouverne-ments des différents pays de l’OHADAfournissent des efforts en vue d’une réduction de celle-ci. À ce propos, onpeut citer le cas du Sénégal qui a baisséson taux d’impôt sur les sociétés de 35à 25 % en 2006. Et il est à noter qu’unprojet d’harmonisation des taux d’impo-sition au sein des pays de l’UEMOA esten discussion depuis 2008 et devrait pro-chainement aboutir. Ledit projet vise àfaire varier les taux d’impôt entre 28 et33 % (v. Le Quotidien, 26 juin 2008,www.lequotidien.sn). Il est intéressantde noter que dans les pays de l’OHADA

la fiscalité est plus incitative quant à l’implantation des entreprises, par rapport à certains États non membres oùla fiscalité est moins attrayante (à titred’exemple, nous pouvons citer le cas duCongo-Kinshasa où il y a une obligationpour les fondateurs des SARL de payer6 % du capital social à la constitution dela société et à l’augmentation du capital).

L’imposition des revenusdes personnes physiquesCet impôt est assis sur les traitements etsalaires, les dividendes et les revenus desvaleurs mobilières. Les rémunérations versées aux salariésfont à ce titre l’objet de retenues men-suelles à la source, l’impôt étant calculésur la base d’un barème progressif, fonc-tion des charges de famille du contri-buable. Actualité du débat sur le bou-clier fiscal oblige, il est intéressant desouligner que le montant de cet impôtest, dans la majorité des pays de droitOHADA, généralement plafonné (parexemple, au Sénégal, son montant nepeut dépasser 50 % du revenu impo-sable). Par ailleurs, l’assujettissement dupersonnel étranger est souvent condi-tionné par l’exigence d’un certain nombrede jours de présence sur le territoire dupays hôte. C’est ainsi qu’au Gabon le per-sonnel étranger est passible de l’impôtaprès cent quatre-vingt-trois jours de présence dans l’année sur le territoiregabonais.Quant aux dividendes perçus par les actionnaires, ils sont inclus dans la baseimposable et assujettis à l’impôt sur lerevenu à un taux de 15 %. Le versementde ces dividendes au titre des bénéficesréalisés dans l’espace OHADA donnedroit à un crédit d’impôt lorsque ces dividendes sont imposés en France; demême, les résidents d’un État de l’espaceOHADA peuvent bénéficier de l’avoir fiscal correspondant à des dividendesversés en France. Enfin, les revenus des valeurs mobilières,qui sont, entre autres, les intérêts d’obli-gations et d’emprunts négociables, sontimposables par retenue à la source dansle pays de domiciliation de l’entreprise quiles verse. Lorsqu’ils sont imposés, le tauxvarie entre 10 et 15 % (v. www.apce.com).

Les contributions accessoiresSont à ce titre brièvement évoquées : lataxe sur la valeur ajoutée (TVA), la taxedouanière et les patentes. Le taux de la TVA ne semble varier que trèsfaiblement d’un État à un autre. Il est eneffet compris entre 15 et 20%, soit 19,25%au Cameroun, 16,70 % en Côte d’Ivoire,18 % au Gabon et autant au Sénégal.

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En matière de taxe douanière, l’UEMOAet la CEMAC doivent être envisagées sé-parément. Dans le cadre de la CEMAC,le système douanier repose sur le tarifextérieur commun (TEC) qui classe lesmarchandises en quatre catégories, avecdes taux variant de 5 à 30 % (produitsde première nécessité : 5 %; matièrespremières et biens d’équipement : 10 %;biens intermédiaires et divers : 20 %;biens de consommation courante : 30 %).À côté du TEC il existe un tarif préféren-tiel généralisé (TPG) qui s’applique auxproduits fabriqués et commercialisés enzone CEMAC et dont le taux équivaut à20 % du TEC du produit concerné. Dansla zone UEMOA également s’appliqueun TEC.S’agissant enfin de la contribution despatentes, il s’agit d’un impôt auquel estassujettie toute personne physique oumorale exerçant un commerce, une industrie ou une profession non salariée.Il se compose d’un droit fixe (les tarifssont récapitulés dans des tableaux figu-rant généralement dans le Code généraldes impôts de chaque pays concerné) etd’un droit proportionnel (celui-ci est établi sur la valeur locative des bureaux,magasins, boutiques, usines, ateliers,hangars et autres locaux servant à l’exer-cice des professions imposables). Il existenotamment au Sénégal (par exemple,pour une activité de restauration indus-trielle dont le chiffre d’affaires est supé-rieur à 500 000 000 francs CFA, le droitfixe est de 800 000 francs CFA et le droitproportionnel est de 19 %).

2 – Les fiscalités particulières

Dans le domaine des fiscalités particu-lières, l’investisseur aura toujours inté-rêt à s’assurer qu’il peut bénéficier desdispositions des conventions fiscales internationales (a) ou de celles des Codesdes investissements (b) applicables dansles États membres.

a – Incidences des conventionsfiscales internationalesDans l’espace OHADA comme ailleurs,les conventions fiscales internationalessont, pour l’écrasante majorité d’entreelles, des conventions bilatérales concluesentre deux États souverains afin d’éviterla double imposition ou l’absence d’im-position qui pourrait résulter pour lespersonnes physiques ou morales dont ledomicile fiscal est situé dans l’un desÉtats contractants de la perception simultanée ou excessive dans cet Étatcontractant et dans l’autre État des im-pôts sur les revenus lato sensu (v. Gros-claude J. et Marchessou P., Droit fiscalgénéral, Dalloz, 3e éd., 2001, p. 21 et s.).

Généralement, pour éviter ce risque, ledroit d’imposition est partagé entre l’État de résidence du bénéficiaire desrevenus et l’État de la source du revenu(v. en ce sens, Beltrame P., La fiscalitéen France, Hachette, 12e éd., 2006-2007,p. 107). Toutefois, certaines conventionspassées avec les pays dits en voie de dé-veloppement comportent des disposi-tions particulières dérogeant au principed’une réciprocité absolue, et ce dans l’esprit d’un dialogue Nord-Sud (v. Grosclaude J. et Marchessou P., Droitfiscal général, op. cit., p. 22 et 23 ; Beltrame P., La fiscalité en France, op. cit., p. 108). C’est le cas des conven-tions fiscales passées entre la France etles pays de droit OHADA, dans lesquellesla notion d’établissement stable – qui apparaît comme le critère attributif de larecette fiscale à son État d’implantation(les conventions fiscales internationales

reprenant généralement la définition dumodèle OCDE selon laquelle l’établisse-ment stable est «une installation fixed’affaires par l’intermédiaire de laquelleune entreprise exerce tout ou partie deson activité») – est conçue de manièretrès large afin d’étendre la compétencefiscale des pays en développement (v. parexemple l’article 3 des conventions fis-cales liant respectivement la France avecle Gabon, le Sénégal, le Cameroun et laCôte d’Ivoire).

b – Opportunités offertespar les Codes des investissementsL’évocation des généralités sur les Codesdes investissements permet de mieux enappréhender les particularités.

Des généralitésDans les pays de l’OHADA, les législa-teurs nationaux ont mis en place, dansle cadre des Codes des investissements,des mécanismes à la fois de protectiondes investisseurs et d’incitation à l’investissement – notamment étranger –subordonnés à la satisfaction d’un cer-tain nombre de critères spécifiques. Les mécanismes de protection, d’unepart, consistent en des garanties géné-rales comportant la liberté d’entreprendre,

la liberté de transfert de capitaux, la garantie des droits acquis de toute nature et en particulier le droit de pro-priété. De plus, outre la procédure d’arbitrage prévue dans le cadre del’OHADA, la sécurité des investissementsest assurée par l’adhésion des pays del’OHADA à l’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI) etau Centre international pour le règlementdes différends relatifs aux investisse-ments (CIRDI).Au titre des mesures incitatives, d’autrepart, l’on voit fleurir dans les différentspays des programmes d’investissementsagréés pour lesquels des avantages, pourl’essentiel d’ordre fiscal et douanier, sontprévus. Ces avantages sont accordés auxentreprises qui satisfont un certainnombre de conditions parmi lesquellesle nombre d’emplois créés, le montantde l’investissement, la zone d’implanta-tion et surtout le secteur d’activité choisi. Il est à souligner, par ailleurs, que si dansla zone UEMOA les avantages et autresprotections consentis sont directementissus des Codes des investissements desdifférents États (un projet de Code com-mun des investissements est en phased’élaboration), au niveau de la CEMAC,une Charte des investissements (cetteCharte, issue du règlement n° 17/99/CEMAC-20-CM 03 du 17 décembre 99,constitue le cadre général commun dudroit des investissements dans les Étatsmembres de la CEMAC, les États conser-vant toutefois la possibilité de préciseret/ou de compléter par des réglementa-tions nationales les dispositions de la Chartesans toutefois pouvoir contredire les dis-positions essentielles) est venue harmo-niser les différentes mesures de protectionet d’incitation à l’investissement.

Des particularités Peuvent être mentionnés les cas du Cameroun, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. Le Code des investissements applicableà l’activité économique au Cameroun aété institué par l’ordonnance n° 90/007du 8 novembre 1990, modifiée par l’ordonnance n° 94/003 du 24 janvier1994. Ce Code comporte quatre régimesdifférents pour lesquels est prévue unebatterie de conditions spécifiques d’accèset une panoplie d’avantages particuliers.Il s’agit du régime de base, durégime desPME, du régime des entreprises straté-giques et, pour les entreprises existantesen fonctionnement, du régime de réin-vestissement. Une ordonnance n° 90/001du 29 janvier 1990, ratifiée par la loin° 90/023 du 10 août 1990, régit le régime de la zone franche industrielle. >

Certaines conventionscomportent des

dispositions particulièresdérogeant au principe

d’une réciprocitéabsolue, et ce dans

l’esprit d’un dialogueNord-Sud.

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L’arrêté n° 51/MINDIC/IGI du 28 dé-cembre 1990 en détermine les modalitésd’application (les dispositions du Codedes investissements comme celles du régime de la zone franche industrielleont été améliorées par les dispositionsde la loi n° 2002/004 du 19 avril 2002relative à la Charte des investissements). En Côte d’Ivoire, le Code des investisse-ments porté par la loi n° 95-620 du 3 août1995 comprend des dispositions qui s’appliquent de manière uniforme à toutinvestisseur sous forme de société, denationalité ivoirienne ou étrangère, résident ou non-résident, éligible aux différents régimes mis en place dès lorsqu’il remplit les conditions. Il existe unrégime de déclaration et un régime d’agrément.Au Sénégal, le Code des investissementsapplicable à l’activité économique est

régi par la loi n° 2004-627 du 7 mai 2004.Les projets éligibles peuvent concernerdes activités variées énumérées par laloi. Pour ce qui est de la procédure d’agrément, tout dossier de demanded’agrément au Code des investissementsest déposé à l’Agence nationale chargéede la promotion de l’investissement etdes grands travaux (APIX) qui délivre unrécépissé de recevabilité ou de rejet. Au terme de la procédure, l’Agence donneacte à l’intéressé. Toutes les formalitésadministratives de création et d’exten-sion sont prises en charge par le guichetunique de l’Agence. De nombreux avan-tages sont attachés à l’obtention de l’agré-ment. Il faut cependant relever que pourtout investissement d’un montant supé-rieur à 250 000 000 000 francs CFA, legouvernement peut accorder à l’inves-tisseur des conditions fiscales et doua-

nières dérogatoires au Code des inves-tissements; le ministre compétent négo-ciera alors avec l’investisseur les avan-tages et les soumettra à l’avis denon-objection du Premier ministre (v. L. n° 2007-25, 22 mai 2007).

Propos conclusifsSont ainsi édictées les règles permettantaux investisseurs de s’installer pour affaires dans l’espace OHADA. Les investissements y bénéficient ainsi d’unesécurité juridique due notamment à laclarté, à la simplicité et à la modernitédes normes en vigueur concernant tantla création que l’exploitation d’une activité économique au sein de cet espace d’intégration juridique qui pour-suit également comme objectif d’assu-rer la croissance des économies des Étatsmembres. ◆

L A S É C U R I S AT I O N D E S I N V E S T I S S E M E N T S D E S E N T R E P R I S E S E N A F R I Q U E F R A N C O P H O N E : L E D R O I T O H A D A

Un colloque portant sur la sécurisa-tion juridique des investissementsdans l’Afrique de l’Ouest pouvaitdifficilement faire l’impasse sur la matière contractuelle ! Car, s’il estune matière où l’objectif de sécuritéest prédominant, c’est bien celle du contrat. Prévisions des parties, loi arrêtée par elles pour gouvernerl’avenir, respect ensuite de cette loi,tels sont en effet les axes majeursd’une matière qui est, par ailleurs,au cœur de la vie économique et des opérations quotidiennementbâties par ses acteurs.

L e regard porté sur le contrat vial’Organisation pour l’harmonisation

en Afrique du droit des affaires (OHADA)n’est pas de prime abord très enrichis-sant. Car, parmi les Actes uniformes del’OHADA, on attend toujours celui quiporterait précisément sur le droit descontrats. Ce qui ne veut cependant pasdire, d’abord, que certains des Actes uniformes existants n’appréhendent pas ponctuellement la matière contrac-tuelle (I), et ensuite qu’une réflexion nesoit pas d’ores et déjà en cours sur ceque pourrait être un droit unifié descontrats dans l’OHADA (II).

I – UNE HARMONISATIONPONCTUELLE DÉJÀ RÉALISÉE

Cette harmonisation partielle est le fruit,pour l’essentiel, de l’Acte uniforme OHADAdu 17 avril 1997 relatif au droit commer-cial général qui est l’un des trois Actes uni-formes entrés en vigueur le 1er janvier 1998sur le territoire des États parties à l’OHADAet, accessoirement, de l’Acte uniformeOHADA du 22mars 2003 relatif aux contratsde transport de marchandises par route.Pour présenter l’essentiel des disposi-tions contractuelles harmonisées qui résultent de ces Actes uniformes, on distinguera les contrats structurels (A),les contrats d’intermédiaires (B) et lesopérations contractuelles ponctuelles (C).

A – Les contrats structurelsCes contrats sont naturellement ceuxqui gravitent autour du fonds de commerce.

1 – La vente du fonds de commerce(Acte uniforme OHADA, 17 avr. 1997,art. 115 à 136)

À noter que :• la vente est réalisée par acte sous seingprivé ou par acte authentique;• l’article 118 de l’Acte uniforme de droitcommercial général prévoit un forma-

lisme informatif protecteur du consen-tement du cessionnaire;• l’Acte uniforme OHADA relatif au droitcommercial général organise une garan-tie légale contre l’éviction du fait person-nel et du fait d’un tiers ;• l’acquéreur a l’obligation de payer leprix au jour et au lieu fixés dans l’actede vente, entre les mains du notaire oude l’établissement bancaire désigné d’uncommun accord entre les parties à l’acte.Ce paiement à un intermédiaire a étérendu obligatoire afin de protéger lescréanciers en permettant des oppositionset en prescrivant des mesures de publi-cité. Les créanciers sont également protégés contre une éventuelle contre-lettrepuisque la nullité de cette dernière n’estplus ici uniquement une disposition d’ordrefiscal, mais relève bien du droit commer-cial général. En effet, l’article 126 de l’Acteuniforme de droit commercial général dispose qu’«est nulle et de nul effet toutecontre-lettre ou convention ayant pour objet de dissimuler partie du prix d’unecession de fonds de commerce».

2 – La location-gérance du fonds(Acte uniforme OHADA, 17 avr. 1997,art. 106 à 114)

Les dispositions sont ici assez inspiréesde la loi française du 20 mars 1956,

Regards contractuelssur l’OHADA

Par Jacques MESTREProfesseur à l’Université

Paul-Cézanne d’Aix-Marseille,Directeur du Centre

de droit économique

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notamment sur le terrain des délais requis pour pouvoir mettre le fonds enlocation-gérance et pour les publicités.Cependant, on regrettera que la régle-mentation reste un peu sommaire, et neprécise pas en particulier les obligationsdes parties, ou la durée de la relationcontractuelle.

3 – Le bail commercial (Acte uniforme OHADA, 17 avr. 1997,art. 69 à 101)

Les dispositions impératives de l’Acteuniforme composent un véritable statut,mais uniquement dans les villes de plusde cinq mille habitants (Acte uniformeOHADA, 17 avr. 1997, art. 69). Un sta-tut qui est applicable aux personnes morales de droit public à caractère industriel ou commercial, et aux socié-tés à capitaux publics, qu’elles agissentcomme bailleur ou comme preneur.À noter encore :• une présomption de bail commercial dèslors qu’une activité commerciale, indus-trielle, artisanale ou même simplement pro-fessionnelle est exploitée dans les lieux louésavec l’accord du propriétaire, et ce mêmesi la convention n’est pas écrite (Acte uni-forme OHADA, 17 avr. 1997, art. 71);• les parties fixent librement la durée desbaux (Acte uniforme OHADA, 17 avr.1997, art. 72). Le bail commercial peutêtre conclu pour une durée déterminéeou indéterminée; à défaut d’écrit ou determe fixé, le bail est réputé conclu pourune durée indéterminée;• la continuation du bail en cas de ces-sion des locaux (Acte uniforme OHADA,17 avr. 1997, art. 78);• la libre fixation du loyer par les parties(Acte uniforme OHADA, 17 avr. 1997,art. 84);• le droit au renouvellement (Acte uni-forme OHADA, 17 avr. 1997, art. 91) quibénéficie aussi au sous-locataire auto-risé (Acte uniforme OHADA, 17 avr. 1997,art. 98), avec des précisions intéressantessur le calcul de l’éventuelle indemnitéd’éviction (Acte uniforme OHADA, 17 avr.1997, art. 94: «à défaut d’accord des par-ties sur le montant de cette indemnité,celle-ci est fixée par la juridiction compé-tente en tenant compte notamment duchiffre d’affaires, des investissements réa-lisés par le preneur, et de la situation géo-graphique du local») ;• et enfin une jurisprudence déjà trèsfournie sur la résiliation anticipée quin’est pas sans rappeler la jurisprudencefrançaise.

B – Les contrats d’intermédiairesAlors que ceux-ci étaient largement sou-mis aux règles françaises de 1807 sur les

courtiers et commissionnaires, avec cependant quelques réglementations nationales particulières, par exemple auCameroun et au Sénégal, l’Acte uniformeOHADA du 17 avril 1997 a substantiel-lement changé la donne.À présent, s’appliquent ici des règles générales harmonisées pour les intermé-diaires précités mais aussi pour les agentscommerciaux, et existe également unpremier chapitre consacré aux intermé-diaires en général.Ces dispositions OHADA s’inspirent desConventions de Genève du 11 février 1983sur la représentation en matière de venteinternationale de marchandises, de la directive européenne du 18 décembre 1986sur les agents commerciaux, et aussi desdispositions du Code des obligations civiles et commerciales sénégalais.

Pour s’en tenir ici au chapitre Ier consa-cré à l’intermédiaire de commerce engénéral, on relèvera : • une définition de l’intermédiaire, don-née par l’article 137 de l’Acte uniformeOHADA du 17 avril 1997 : «celui qui ale pouvoir d’agir, ou entend agir, habi-tuellement et professionnellement pourle compte d’une autre personne, le représenté, pour conclure avec un tiersun contrat de vente à caractère commer-cial » ;• l’intermédiaire est un commerçant (Acteuniforme OHADA, 17 avr. 1997, art. 138);• de façon générale, l’Acte uniformeOHADA du 17 avril 1997 prévoit l’appli-cation des règles du mandat. Ce qui peutne pas paraître toujours approprié à la si-tuation de certains professionnels. Mais,en fait, l’Acte est quand même finalementtrès précis sur toute une série de disposi-tions, de sorte que l’enjeu de la qualifica-tion retenue n’est pas considérable;• l’absence d’exigence de forme dansl’acte de représentation, avec l’admis-sion d’une preuve par tous moyens (Acteuniforme OHADA, 17 avr. 1997, art. 144);• la normativité des usages profession-nels, et même, de manière très originaleet presque avant-gardiste, «des pratiques»établies entre intermédiaire, représentéet tiers (Acte uniforme OHADA, 17 avr.1997, art. 145);

• «l’intermédiaire qui a reçu des instruc-tions précises ne peut s’en écarter, sauf àétablir que les circonstances ne lui ontpas permis de rechercher l’autorisationdu représenté, lorsqu’il y a lieu d’admettreque celui-ci l’aurait autorisé s’il avait étéinformé de la situation» (Acte uniformeOHADA, 17 avr. 1997, art. 147);• « l’intermédiaire est responsable enversle représenté de la bonne et fidèle exécu-tion du mandat» (Acte uniforme OHADA,17 avr. 1997, art. 150);• le jeu éventuel de la théorie du man-dat apparent ;• et des dispositions très précises, dansles articles 156 et 157 de l’Acte uniformeOHADA du 17 avril 1997, sur la cessa-tion du mandat de l’intermédiaire.

C – Des opérations contractuellesponctuelles : vente et transport de marchandises par route

1 – La vente commerciale

C’est le Livre V de l’Acte uniformeOHADA du 17 avril 1997 sur le droit com-mercial général qui lui est consacré.Sa structure, classique, est ordonnée enquatre titres consacrés au champ d’ap-plication et aux dispositions générales,à la formation du contrat de vente, auxobligations des parties et aux effets ducontrat de vente.Ce Livre V a choisi de moderniser la légis-lation existant en la matière en introdui-sant dans le droit positif des États membresla plupart des principales dispositions dela Convention de Vienne du 11 avril 1980sur la vente internationale de marchan-dises. Mais pas toutes cependant, de sorteque la cohérence interne des dispositionsn’est pas toujours parfaite.Au titre des dispositions inspirées par laConvention de Vienne, on relèvera notamment :• le champ d’application même du LivreV,dont les dispositions ne s’appliquent qu’auxcontrats de vente (à l’exclusion du contratd’entreprise, Acte uniforme OHADA, 17avr.1997, art. 204) conclus entre commerçantset portant essentiellement sur des meublescorporels (Acte uniforme OHADA, 17 avr.1997, art. 202 et 203); • l’importance accordée aux usages, avecpar exemple la codification de certainsdesdits usages comme le remplacementdes marchandises (Acte uniformeOHADA, 17 avr. 1997, art. 250), et aussila place qui leur est accordée dans la recherche de l’intention des parties ;• la détermination du prix reste une condi-tion de formation du contrat, mais l’Acteuniforme admet la référence au prix habi-tuellement pratiqué sur le marché (Acteuniforme OHADA, 17 avr. 1997, art. 235); >

La détermination du prixreste une condition

de formation du contrat,mais l’Acte uniformeadmet la référence

au prix habituellementpratiqué sur le marché.

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• le souci de sauvegarder le contrat quiexplique que la résolution apparaissecomme une solution subsidiaire et quechaque partie puisse donc impartir à l’autreun délai supplémentaire pour parfaire l’exé-cution du contrat (Acte uniforme OHADA,17 avr. 1997, art. 251 et 257);• la solution du moment du transfert dela propriété qui s’inspire de l’article 5 duCode des obligations civiles et commer-ciales du Sénégal puisqu’elle retient quec’est la prise de livraison qui attribue lapropriété du bien à l’acheteur.Cela étant, des insuffisances ont pu être re-levées (v. Akuété Pedro Santos, OHADAcommenté, Juriscope, 2008, p. 284). Ainsi,certaines questions ont échappé à l’atten-tion du législateur, telles que la définitionmême de la vente, ou ses conditions de validité. De même, la notion de livraisonmanque de clarté puisque, pour le vendeur,c’est la mise à disposition qui la constitue(Acte uniforme OHADA, 17 avr. 1997,art. 280 et 288), tandis que, pour l’ache-teur, la prise de livraison est, de manièregénérale, le fait d’accomplir l’acte tout enpermettant au vendeur d’effectuer la livrai-son. Enfin, en matière de résolution, il y alieu de constater que plusieurs articles (Acteuniforme OHADA, 17 avr. 1997, art. 245,247, 250) prévoient le caractère judiciairede la résolution alors que, par ailleurs, si leprincipe de la résolution unilatérale n’estpas formellement affirmé, plusieurs dispo-sitions organisent sa mise en œuvre.Il reste que l’Acte uniforme de 1997 consti-tue un premier pas important dans lavoie de l’harmonisation, et qu’il doit êtresalué, au même titre que l’Acte uniformede 2003 sur le transport de marchandisespar route.

2 – Le contrat de transport de marchandises par route

Il est gouverné par un Acte uniformeadopté à Yaoundé le 22 mars 2003.Là encore, l’évolution est très importante,au regard tant de l’importance pratiquede ce contrat pour les pays de l’Afriquefrancophone que des divergences juri-diques qui préexistaient dans les diversÉtats membres.L’Acte uniforme OHADA du 22 mars 2003est fondamentalement inspiré de laConvention applicable au transport inter-national des marchandises par route(CMR),établie et ouverte à la signature à Genèvele 19 mai 1956, et qui a été ratifiée par laplupart des États européens ainsi que parceux du Maghreb et de l’Asie qui sont voisins du continent européen.On relèvera que le contrat de transport icivisé est entendu comme tout contrat par le-quel une personne physique ou morale, ap-pelée transporteur, s’engage à titre princi-

pal à déplacer par route, d’un lieu à un autre,une marchandise que lui remet une autrepersonne, appelée expéditeur, par le moyend’un véhicule et en contrepartie d’une rémunération (Acte uniforme OHADA,22mars 2003, art.2, b). Les parties au contratsont l’expéditeur ou le donneur d’ordre etle transporteur. Cependant, l’acceptation expresse ou tacite du contrat de transportpar le destinataire fait de celui-ci une partieau contrat de transport. Par ailleurs, l’Acteuniforme du 22mars 2003 envisage le trans-port successif avec plusieurs transporteursqui se partagent les itinéraires, et le trans-port superposé où une partie seulement del’itinéraire est routier.On n’entrera pas ici dans le détail desréglementations applicables. Simplement,pour bien mesurer l’ampleur de l’harmo-nisation réalisée, on rappellera le contenude l’article 1er de l’Acte uniforme du 22mars2003, qui en délimite le champ d’applica-tion en ces termes : «Le présent Acte uni-forme s’applique à tout contrat de trans-

port de marchandises par route lorsque lelieu de prise en charge de la marchandiseet le lieu prévu pour la livraison, tels qu’ilssont indiqués au contrat, sont situés soitsur le territoire d’un État membre del’OHADA, soit sur le territoire de deux Étatsdifférents dont l’un au moins est membrede l’OHADA. L’Acte uniforme s’appliquequels que soient le domicile et la nationa-lité des parties au contrat de transport».Ainsi l’ambition normative des rédac-teurs de l’Acte uniforme de 2003 est-elleforte. Ce qui montre bien que les Étatsde l’Afrique francophone aspirent, pourleur développement économique, à uneplus grande harmonisation de leurs dispositions contractuelles. D’où l’incon-tournable question d’un éventuel droitcommun harmonisé des contrats.

II – UN AVANT-PROJET D’ACTEUNIFORME SUR LE DROIT DES CONTRATSÀ l’heure où l’Europe réfléchit, mais désor-mais assez timidement, à un éventuel droitharmonisé des contrats, et où la France s’efforce, mais aujourd’hui assez difficile-ment, de bâtir un nouveau droit modernisé

des contrats, l’Afrique francophone sou-haite manifestement, pour sa part, profiterde la dynamique créée par l’OHADA, pourse doter elle-même d’un nouvel Acte uni-forme en matière contractuelle. Mais, iciencore, la tâche apparaît délicate, tant lamatière contractuelle paraît vouée au débat et surtout à la controverse. Pourtant, un avant-projet existe depuisquelques années, dû à la plume du professeur de Louvain Marcel Fontaine,qui s’est exprimé dans le cadre d’une expertise confiée, en 2002, par le Secréta-riat permanent de l’OHADA à l’Institut international pour l’unification du droitprivé, dit Unidroit.Après avoir beaucoup consulté, et notam-ment rencontré de nombreux acteurs juri-diques et économiques de l’Afrique franco-phone, Marcel Fontaine a remis un textequi s’inspire assez largement des célèbresPrincipes Unidroit relatifs aux contrats ducommerce international, mais entend également tenir compte des spécificités africaines (d’où, par exemple, l’absence de tout formalisme dans la formation ducontrat). Naturellement, nous n’allons pas reprendretoutes les dispositions de cet avant-projet.Simplement nous paraît-il intéressant demettre concrètement l’accent sur les prin-cipales originalités qu’il renferme. Nousretiendrons ici les suivantes:• l’affirmation de principes directeurs, telsque la bonne foi (Avant-projet, art. 1-6 :«Les parties sont tenues de se conformeraux exigences de la bonne foi. Elles nepeuvent exclure cette obligation ni en limiter la portée»), la cohérence (Avant-projet, art. 1-7 : «Une partie ne peut agiren contradiction avec une attente qu’ellea suscitée chez l’autre partie lorsque cettedernière a cru raisonnablement à cetteattente et a agi en conséquence à son désa-vantage»), ou encore ce qu’on pourrait appeler la mesure (Avant-projet, art. 7-6 : «Une partie ne peut se prévaloir d’uneclause limitative de responsabilité en casd’inexécution d’une obligation, ou luipermettant de fournir une prestation substantiellement différente de celle à laquelle peut raisonnablement s’attendrel’autre partie si, eu égard au but du contrat,il serait manifestement inéquitable de lefaire», et art. 7-26 : «Le débiteur ne répondpas du préjudice dans la mesure où le créan-cier aurait pu l’atténuer par des moyensraisonnables. Le créancier peut recouvrerles dépenses raisonnablement occasion-nées en vue d’atténuer le préjudice»);• une réglementation substantielle decette période cruciale qu’est aujourd’huidevenue la négociation précontractuelle(Avant-projet, art. 2-15 : «Les parties sontlibres de négocier et ne peuvent être

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Les États de l’Afriquefrancophone aspirent,

pour leur développementéconomique, à une plusgrande harmonisationde leurs dispositions

contractuelles.

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tenues pour responsables si elles ne parviennent pas à un accord. Toutefois,la partie qui, dans la conduite ou larupture des négociations, agit de mauvaisefoi est responsable du préjudice qu’ellecause à l’autre partie», et art. 2-16 : «Qu’ily ait ou non conclusion du contrat, lapartie qui, au cours des négociations, reçoit une information donnée à titreconfidentiel par l’autre partie, est tenuede ne pas la divulguer ni l’utiliser de façon indue à des fins personnelles. Lemanquement à ce devoir est susceptiblede donner lieu à une indemnité compre-nant, le cas échéant, le bénéfice qu’enaura retiré l’autre partie») ;• un traitement novateur de l’avantage excessif (Avant-projet, art. 3-10 : «1) Lanullité du contrat ou de l’une de ses clausespour cause de lésion peut être invoquée parune partie lorsqu’au moment de sa conclu-sion, le contrat ou la clause accorde injus-tement un avantage excessif à l’autre par-tie. On doit, notamment, prendre enconsidération : a) le fait que l’autre partiea profité d’une manière déloyale, de l’étatde dépendance, de la détresse économique,de l’urgence, des besoins, de l’imprévoyance,de l’ignorance, de l’inexpérience ou de l’in-aptitude à la négociation de la première; b)de la nature du contrat; 2)Le tribunal peut,à la demande de la partie lésée, adapter lecontrat ou la clause afin de le rendre conformeaux exigences de la bonne foi; 3) Le tribu-nal peut également adapter le contrat ou laclause à la demande de la partie ayant reçuune notification d’annulation pourvu quel’expéditeur de la notification en soit in-formé sans tarder et qu’il n’ait pas agi rai-sonnablement en conséquence»);

• une directive originale pour l’interpré-tation des contrats, dans la mesure où l’article 4-3 de l’avant-projet conduit àprendre notamment en compte les négo-ciations préliminaires entre les parties, lespratiques établies entre elles, le compor-tement des parties postérieur à la conclu-sion du contrat, la nature et le but ducontrat, le sens généralement attribué auxclauses et aux expressions dans le secteurconcerné et enfin les usages;• le choix de la souplesse et du pragma-tisme sur le terrain de la fixation du prix(Avant-projet, art.5-7 : «1)Lorsque le contratne fixe pas de prix ou ne prévoit pas le moyende le déterminer, les parties sont réputées,sauf indication contraire, s’être référées auprix habituellement pratiqué lors de la conclu-sion du contrat, dans le secteur considéré,pour les mêmes prestations effectuées dansdes circonstances comparables ou, à défautd’un tel prix, à un prix raisonnable ;2) Lorsque le prix qui doit être fixé par unepartie s’avère manifestement déraisonnable,il lui est substitué un prix raisonnable, nonobstant toute stipulation contraire ;3) Lorsqu’un tiers chargé de la fixation duprix ne peut ou ne veut le faire, il est fixéun prix raisonnable; 4) Lorsque le prix doitêtre fixé par référence à un facteur qui n’existepas, a cessé d’exister ou d’être accessible,celui-ci est remplacé par le facteur qui s’en rapproche le plus»);• la prise en compte équilibrée d’un bou-leversement imprévu des circonstancesinitiales (Avant-projet, art. 6-24 : «1) Encas de bouleversement des circonstances,la partie lésée peut demander l’ouverturede renégociations. La demande doit êtrefaite sans retard indu et être motivée ;

2)La demande ne donne pas par elle-mêmeà la partie lésée le droit de suspendre l’exé-cution de ses obligations; 3) Faute d’ac-cord entre les parties dans un délai raison-nable, l’une ou l’autre peut saisir le tribunal;4)Le tribunal qui conclut à l’existence d’uncas de bouleversement des circonstancespeut, s’il l’estime raisonnable : a) mettrefin au contrat à la date et aux conditionsqu’il fixe; ou b) adapter le contrat en vuede rétablir l’équilibre des prestations »);• l’affirmation d’une faculté de résilia-tion unilatérale (Avant-projet, art. 7-13 :« Une partie peut résoudre le contrat s’il ya inexécution essentielle de la part de l’autrepartie »), qui peut même être exercée demanière anticipée, avant une inexécutionavérée (Avant-projet, art. 7-15 : « Une partie est fondée à résoudre le contrat si,avant l’échéance, il est manifeste qu’il yaura inexécution essentielle de la part del’autre partie»).Ainsi, on le voit, cet avant-projet est parbien des côtés innovant, à la pointe decertaines évolutions contemporaines dudroit des contrats. D’où, sans doute, lesréserves qu’il suscite chez certains et,corrélativement, l’enthousiasme qu’ilprovoque chez d’autres! Qu’en sortira-t-il ? Nul ne le sait à l’heure présente.Simplement est-il permis d’espérer quela forte volonté qui a fait naître l’OHADAet lui permet très régulièrement de se développer ne s’endorme pas ici car, unefois encore, comme nous le disions enintroduction, la matière contractuellereste au cœur des échanges économiques,et ne peut donc raisonnablement demeu-rer en marge du mouvement d’harmo-nisation en cours. ◆

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Prévenir et traiter les difficultés desentreprises, tel est l’objet de l’Acteuniforme de l’Organisation pourl’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) du 10 avril 1998portant organisation des procédurescollectives d’apurement du passif. À quelques semaines près, on fête cette année le onzième anniversaire de son application. Pour parfaire sa diffusion auprès des opérateurséconomiques, l’occasion de ce colloqueest donc particulièrement bienvenue.

Jusque-là la législation applicable en lamatière était très éparpillée. Certains États africains avaient conservéla législation française comme source nor-mative de référence, elle-même figée dansdes textes anciens : Code de commerce de1807, loi du 4 mars 1889 sur la liquida-tion judiciaire et décrets-lois des 8 août et30 octobre 1935. Or cet ensemble de textesfrançais a été remplacé en France par unelégislation en fréquente évolution (1967,1985, 1994, 2005, 2008).D’autres États africains, en revanche,avaient déjà réformé leur droit des pro-

cédures collectives ou prévoyaient àl’époque de le faire.L’état de l’évolution du droit à l’époqueoscillait entre un relatif immobilisme dudroit et une frénésie à légiférer dont le droitfrançais est une bonne illustration. La succession rapide de textes s’explique sansdoute par une croyance excessive dansl’efficacité de l’action du droit sur l’éco-nomie. Or le bilan de ces lois à répétitiondevrait, au contraire, inciter le juriste à davantage de modestie au regard de l’im-pact limité de ces textes dans un régimed’économie libérale (Sawadogo F. M.,

Prévenir et traiterles difficultés

Par Gérard BLANCProfesseur à la Faculté

de droit et des sciencespolitiques de l’UniversitéPaul-Cézanne, membre

du Centre de droitéconomique (CDE)

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L’application judiciaire du droit des pro-cédures collectives en Afrique francophoneà partir de l’exemple du Burkina Faso, Rev.burkinabé de droit, n° 26, juill. 1994,p. 195).À partir de cette évolution, on peut faireplusieurs constats :• constat de la primauté de plus en plusprononcée du droit pour des solutionsde redressement prévalant sur le seul objectif d’apurement du passif et de sanc-tion du débiteur fautif. Or ces solutionsqui sacrifient quelque peu les intérêtsdes créanciers ne permettent pas tou-jours d’atteindre les objectifs de sauve-garde des entreprises;• constat de l’élargissement du champd’application des procédures collectives,la dernière évolution en date en droitfrançais étant l’extension de ces procé-dures aux personnes physiques exerçantune profession libérale (L. n° 2005-845,26 juill. 2005, JO 27 juill. 2005);• constat de la volonté du législateur de permettre une intervention du juge beaucoup plus précoce : à un stade, parexemple, où l’entreprise n’est pas encoreen cessation des paiements.On est passé ainsi d’un droit des procé-dures collectives à un droit dit des entreprises en difficulté.Malgré ces évolutions, certains traits caractéristiques des procédures collec-tives demeurent dans les législationscontemporaines :• l’aspect collectif de ces procédures subsiste. Il s’agit d’éviter qu’un créan-cier puisse profiter du prix de la course,d’où la nécessaire organisation des créan-ciers de telle manière que soient disci-plinés leurs comportements;• demeure également pris en compte leconflit d’intérêts qui existe entre le débi-teur et ses créanciers et, parmi les créan-ciers, entre les créanciers titulaires de sûretés et les créanciers chirographaires;• le rôle du juge, même s’il évolue, demeure primordial. En effet, malgré l’in-troduction d’une procédure de règlementamiable, l’existence d’un procès de naturejudiciaire demeure essentielle.Au total, l’évolution des législationscontemporaines consacre la poursuite simultanée de trois objectifs dont la hié-rarchie peut varier d’un droit à l’autre.Il s’agit certes d’obtenir le paiement descréanciers et éventuellement de punir ledébiteur fautif, mais il s’agit également defaciliter chaque fois que possible la sau-vegarde de l’entreprise, dont on sait l’im-pact négatif que peut avoir sa disparitionsur l’économie d’une zone géographique. À l’examen des textes récents, un autreobjectif plus spécifiquement économiquea été souligné. Les procédures collectives

ont une fonction concurrentielle dans uneéconomie de marché. Il s’agirait ainsi depermettre des restructurations d’entre-prises en organisant l’élimination des entreprises inadaptées au marché et en facilitant pour les autres leur rachat ouleur prise de contrôle (Jeantin M., Droitcommercial, Instruments de paiement etde crédit, Entreprises en difficulté, Dalloz,2e éd., 1990, n° 551; dans le même sens,Boy L., Guillaumond R., Jammeaud A.,Jeantin M., Pagès J. et Pirovano A., Droitdes faillites et restructuration du capital,PU Grenoble, 1982).C’est dans ce contexte qu’est intervenu,au sein de l’OHADA, il y a un peu plus dedix ans, l’Acte uniforme portant organisa-tion des procédures collectives d’apure-ment du passif (JO OHADA, n° 7, 1er juill.1998, p. 1; v. également OHADA, Traitéet Actes uniformes commentés et anno-tés, Juriscope, 2002, p. 867 et s., avec lecommentaire de Sawadogo F. M.).En quelques lignes, on ne peut évidem-ment présenter de manière exhaustiveles huit titres et les deux cent cinquante-huit articles que comporte l’Acte uni-forme, qui n’est pourtant pas le plus volumineux de tous les Actes uniformes.On se limitera donc à une présentationdes principales caractéristiques de cetexte (I), avant de décrire schématique-ment quelles solutions normatives ontété retenues pour le traitement techniquedes difficultés des entreprises (II).

I – LES CARACTÉRISTIQUESDU DROIT UNIFORMELa source d’inspiration de ces textes estévidente. Il s’agit de la loi française du13 juillet 1967 et des législations afri-caines qui s’en sont inspirées, voire desréformes ultérieures intervenues enFrance. L’Acte uniforme traite en outredes procédures collectives internationaleset de la compétence internationale desjuridictions. Le législateur a opté pourun pluralisme des procédures qui marieà la fois des principes d’un grand classi-cisme (A), tout en introduisant ce qui en1998 constituait des innovations (B).

A – Des principes d’un grand classicisme

Ce classicisme a l’avantage pour l’inves-tisseur étranger de lui permettre d’êtreen pays de connaissance. Il n’est pas sûr,en revanche, que certaines petites etmoyennes entreprises africaines s’y retrouvent, tant les techniques procédu-rales mises en œuvre paraissent éloignéesde certaines pratiques coutumièrespropres aux relations entre créancier etdébiteur.

1. A été adoptée une structure très classique des procédures, avec une procédure amiable dite de règlement préventif et deux procédures judiciairescomportant un redressement judiciairepour les entreprises qui peuvent être sauvegardées et une liquidation des bienspour les autres. Seules les entreprises enmesure de faire une proposition deconcordat sérieuse pourront bénéficierd’une procédure de redressement judi-ciaire ; les autres déjà en cessation despaiements seront vouées à la liquidationdes biens.

2. Quelle que soit la procédure mise enœuvre, la finalité affichée est identique.Il s’agit d’aboutir à l’apurement collec-tif du passif. C’est donc l’intérêt des créan-ciers qui prévaut par rapport au redres-sement de l’entreprise, même si celui-cin’est pas négligé.

3. Le champ d’application rationae personae des procédures collectives demeure également d’un grand classi-cisme. La formule retenue est en effetcelle de la loi française de 1985. Sont justiciables de ces procédures toutes lespersonnes physiques ayant la qualité decommerçant et les personnes morales dedroit privé sans distinction de leur qualité. On y a ajouté les entreprises publiques ayant la forme d’une personnemorale de droit privé. Celles-ci sont deplus en plus nombreuses, ne serait-cequ’en raison de l’obligation qui leur estfaite d’adopter cette forme par les poli-tiques d’ajustement structurel du Fondsmonétaire international. Demeurent endehors de ce domaine les artisans, lesagriculteurs, les professions libérales etde manière générale l’ensemble du sec-teur économique informel très développéen Afrique sub-saharienne. Cette exclu-sion est sans doute opportune tant le régime des procédures collectives misesen œuvre dans l’Acte uniforme ne paraîtpas en adéquation avec le fonctionne-ment de cette économie informelle. Lesecteur informel vit souvent en effet enmarge de la légalité et des modes de ges-tion des entreprises tels qu’on peut lesconnaître en Europe (Ould Bouboutt A. S.,Rapport de synthèse, in Les pratiques judiciaires économiques et sociales informelles, Actes du colloque interna-tional de Nouakchott (réunis parLespès J.-L.), 8-11 déc. 1988, PU Orléans,p. 550), par exemple. N’a-t-on pas évo-qué à ce sujet la pratique dite de la clésous le paillasson? Rien ne sert, en effet,de recourir au droit des procédures collectives lorsque le fonds de commercen’existe plus et donc a fortiori lorsque

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plus aucun actif n’est à partager. Au seinde ce secteur informel, culturellement,on est en outre peu porté à la saisine dela justice lorsqu’un débiteur n’honorepas ses dettes (Sawadogo F. M., L’appli-cation judiciaire du droit des procédurescollectives en Afrique francophone à partir de l’exemple du Burkina Faso, précité, n° 138).Pour beaucoup de très petites etmoyennes entreprises en Afrique, enfin,la seule rémunération du syndic suffiraità compromettre le redressement de l’en-treprise. Dès lors, les procédures collec-tives telles qu’elles sont conçues ne présentent d’intérêts pratiques que pourles entreprises d’une certaine taille. Onobservera, en outre, que les procédurescollectives ne sont que rarement ouvertescontre des commerçants personnes phy-siques, peut-être en raison des relationspersonnelles unissant le débiteur à sescréanciers.

4. Pour apprécier la situation d’une en-treprise en difficulté, a été égalementconsacré le critère de la cessation despaiements. Ce critère permet de distin-guer traditionnellement les entreprisesqui relèvent d’une procédure amiable decelles qui relèvent d’une procédure judiciaire. On peut regretter que le légis-lateur africain ne se soit pas montré en la matière un peu plus audacieux. Aujourd’hui, on s’accorde en effet à reconnaître que la condition de cessa-tion des paiements constitue un critèretrop tardif interdisant au juge d’interve-nir utilement en vue du redressement del’entreprise. La définition de la cessation des paie-ments consacrée par l’Acte uniforme du10 avril 1998 est elle-même d’un grandclassicisme, situation dans laquelle le débiteur est «dans l’impossibilité de faireface à son passif exigible avec son actifdisponible » (Acte uniforme, art. 25). Logiquement, l’Acte uniforme autorised’ailleurs la clôture pour extinction dupassif à condition que l’actif soit supé-rieur au passif (Acte uniforme, art. 178).

5. A été par ailleurs conservée la notionde masse des créanciers, qui avait étépourtant supprimée dans la loi françaisede 1985. Cette masse aura notamment àse prononcer sur la proposition de concor-dat par un vote majoritaire des créan-ciers. On pourrait déplorer la consécra-tion d’un mécanisme qui, en droitfrançais, paraît relever d’un autre âge.Mais est-ce vraiment le cas? La notionde comité des créanciers, certes réservéeaux grandes entreprises, dans la loi fran-çaise de 2005 récemment réformée par

l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 dé-cembre 2008 (JO 19 déc. 2008), ne ressuscite-t-elle pas implicitement ce mécanisme?

6. Ces procédures classiques prennentfin de manière tout aussi classique, soitpar un vote et une homologation duconcordat, soit par des décisions de clô-ture de l’union, de clôture pour extinc-tion du passif ou encore de clôture pourinsuffisance d’actif.

B – Des dispositions plus innovantes

Il est à noter que le caractère innovantde ces dispositions doit être apprécié auregard du droit des États parties àl’OHADA et non pas au regard du droitfrançais, par exemple. Pour l’essentiel,en effet, la loi française sur les entre-prises en difficulté avait déjà fait l’objetde ces dispositions innovantes, en

particulier dans la loi n° 85-98 du 25 jan-vier 1985 (JO 26 janv. 2005). Leur consé-cration dans l’Acte uniforme confirmedonc une certaine forme d’alignementsur les systèmes normatifs existants, cequi ne peut que rassurer sur la sécuritéjuridique des investissements étrangersen Afrique.La première innovation remarquable apour objet la mise en œuvre d’une procédure préventive de traitement des difficultés des entreprises. Y est adjointun mécanisme de concordat préventifsoumis à l’homologation de la juridic-tion compétente.La seconde innovation notable est la volonté d’accélérer les procédures aussibien pour la procédure de règlement pré-ventif que pour la procédure de redres-sement judiciaire. Il s’agit là d’un souciconstant des législateurs contemporains,car c’est une condition essentielle du succès des procédures collectives.L’Acte uniforme consacre également uneffort significatif pour clarifier la situa-tion des créanciers et assurer au mieuxla satisfaction de leurs intérêts. Parexemple, l’inaction du syndic confère auxcréanciers titulaires de sûretés spécialesla possibilité de réaliser eux-mêmes leur

gage. Cet effort confirme l’objectif pre-mier des procédures collectives dansl’Acte uniforme, à savoir l’apurement dupassif. Cette faveur dont bénéficient lescréanciers constitue en revanche une différence par rapport au droit françaisqui, depuis la loi de 1985, n’affiche plusce souci comme prioritaire.On mentionnera enfin une très large panoplie de sanctions applicables auxdébiteurs ou aux dirigeants fautifs : qu’ils’agisse de sanctions patrimoniales (action en comblement du passif, exten-sion de la procédure), de sanctions pénales (banqueroute simple ou fraudu-leuse) ou de l’indisponibilité des titressociaux appartenant aux dirigeants dèsle jugement d’ouverture. Ces dernièresinnovations au regard du droit antérieurdes Etats membres vont à contre-courantaujourd’hui d’une tendance générale à l’allègement des sanctions de toute nature. L’ordonnance du 18 décembre2008 en France a indiscutablementconfirmé cette tendance. Ce texte récenta ainsi supprimé l’obligation aux dettessociales qui représentait déjà en Francedans la loi de 2005 un allègement dessanctions civiles comparé à l’extensionde la procédure collective aux dirigeantsqui figurait dans la loi de 1985.Au total, les caractéristiques de cet Acteuniforme ne doivent pas être source deperplexité pour l’opérateur économique.L’analyse même succincte des normestechniques de traitement des difficultésdes entreprises mises en œuvre confirmecette première impression.

II – LE TRAITEMENT TECHNIQUEDES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISESDANS L’ACTE UNIFORMEDans bon nombre d’écrits, on a cou-tume d’opposer la prévention des diffi-cultés des entreprises au traitement desdifficultés. On veut par là signifier la né-cessaire distinction qui doit être opéréeentre les techniques mises en œuvre selon que l’entreprise est ou non en situation de cessation des paiements.Pourtant, il s’agit dans les deux cas detraiter les difficultés des entreprises,mais avec des techniques différentes,selon le moment auquel est administréce traitement. L’Acte uniforme n’échappepas à cette distinction, selon que l’en-treprise est (A) ou non (B) en cessationdes paiements.

A – Le traitement des difficultésd’une entreprise en l’absence de cessation des paiements

On parle aussi parfois de traitement préventif des difficultés pour signifier par >

L’Acte uniforme consacreun effort significatif

pour clarifier la situationdes créanciers et assurerau mieux la satisfaction

de leurs intérêts.

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là que la situation de l’entreprise ne justifie pas encore l’ouverture d’une procédure collective.Il n’entre pas dans ce propos d’analyserles causes des difficultés des entreprisesqui sont identiques en Afrique à cellesque l’on connaît dans d’autres pays. Onsait la diversité des clignotants qui doivent alerter sur la situation d’une entreprise : recours massif au crédit, non-fonctionnement des organes sociaux,succession d’exercices déficitaires, etc.L’Acte uniforme sur les sociétés commer-ciales du 17 avril 1997 a d’ailleurs inté-gré certains de ces clignotants. Il en estainsi du refus du commissaire auxcomptes de certifier les comptes de l’en-treprise, possibilité prévue par l’article 710de ce texte ; de même l’article 664 de cetActe uniforme prévoit la situation d’uneentreprise dans laquelle les capitauxpropres deviennent inférieurs de moitiéau capital social en raison des pertes subies. Ce sont autant de circonstancesqui sont susceptibles de révéler les difficultés d’une entreprise.Parmi l’ensemble des procédures envi-sagées par les textes de l’OHADA pourtraiter ces difficultés, on peut distinguerentre celles purement amiables interve-nant dans le cadre du fonctionnementnormal de l’entreprise (1) et celles nécessitant une intervention judiciaire (2).

1 – Le traitement amiable des difficultés des entreprises

On connaît les solutions internes ou externes à l’entreprise qui lui permettentd’obtenir des financements nécessairespour faire face à ses difficultés : avanceen compte courant, emprunts obliga-taires, augmentation de capital, créditsbancaires, etc. Ces solutions font appelà des techniques financières extérieuresà ce propos, mais que le droit de l’OHADAn’exclut pas. Il en est de même des interventions étatiques toujours possibles.Mais il semble qu’en Afrique ces inter-ventions soient aujourd’hui moins nom-breuses que par le passé, tant il est vraique le désengagement de l’État est unphénomène qui ne touche pas que laFrance.Plus spécifique est le cas de la procédured’alerte mise en œuvre par le commis-saire aux comptes et consacrée par lesarticles 150 à 158 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commercialeset du groupement d’intérêt écono-mique (AUDSG). Ce mécanisme était inconnu jusque-là dans les États partiesà l’OHADA. Est également prévue, comme en droitfrançais, une procédure d’alerte au bénéfice des associés : droit d’alerte qui

permet à tout associé de poser deux foispar an des questions aux dirigeants dela société (AUDSG, art. 157 et 158) ; citons encore l’expertise de gestion(AUDSG, art. 159 et 160) qui autorise unou plusieurs associés représentant le cinquième du capital social à demanderau président de la juridiction compétentede désigner un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur uneou plusieurs opérations de gestion.Ce traitement amiable comporte naturel-lement la possibilité de remplacer les dirigeants à l’origine des difficultés etsurtout la possibilité de demander desdélais de paiement.Il s’agit pour le débiteur d’obtenir de sescréanciers des reports d’échéance dansle cadre d’un concordat amiable. Le débiteur peut également obtenir des reports d’échéance en vertu de l’Acte uni-forme sur les procédures simplifiées derecouvrement et les voies d’exécution(v. Acte uniforme portant organisation desprocédures simplifiées de recouvrementet des voies d’exécution, JO OHADA, n° 6,1er juin 1998, p. 1, art. 39; v. égalementOHADA, Traité et Actes uniformes commentés et annotés, op. cit., avec lecommentaire de Diouf N.). Comme endroit français (C. civ., art. 1244-1 et s.),la juridiction compétente peut ainsi reporter ou échelonner le paiement dessommes dues dans la limite d’un an enfonction de la situation du débiteur etdu créancier. À ce stade, le juge entredonc en scène.

2 – Le traitement judiciaire en l’absencede cessation des paiements

Selon l’article 2 de l’Acte uniforme sur lesprocédures collectives, le règlement pré-ventif est une procédure destinée à éviterla cessation des paiements, voire la ces-sation d’activité de l’entreprise. Il s’agit deparvenir à un concordat préventif en vuede permettre l’apurement du passif. Le règlement préventif s’inspire de solutionsayant existé en France : qu’il s’agisse dela suspension provisoire des poursuitesinstituée par l’ordonnance du 23septembre1967 ou du règlement amiable issu de laloi du 1er mars 1984, remplacé depuis, enFrance, par la procédure de conciliationinitiée par la loi du 26 juillet 2005.Ce règlement préventif s’applique auxmêmes entreprises que celles visées dansl’Acte uniforme par le redressement judiciaire ou la liquidation des biens. Mais,sur le plan économique, peuvent être affectées par cette procédure les entre-prises qui connaissent une situation diffi-cile, mais non irrémédiablement compro-mise, c’est-à-dire celles qui ne sont pasencore en cessation des paiements.

Le débiteur adresse une requête à la juridiction compétente; il lui expose sasituation et indique les créances pourlesquelles il sollicite une suspension despoursuites individuelles. Le risque d’abusd’une telle procédure est limité par l’impossibilité de renouveler une telle requête dans un délai de cinq ans à comp-ter d’une précédente décision ayantabouti à un règlement préventif.En même temps, dans les trente jours,le débiteur doit déposer au tribunal uneoffre de concordat préventif. Cette offredoit préciser les mesures et conditionsenvisagées pour le redressement de l’en-treprise (Acte uniforme, art. 7). Elle esttransmise au président du tribunal quipeut décider sans délai d’une suspen-sion des poursuites individuelles descréances visées par le débiteur. Mais cer-taines créances y échappent, telles lescréances de salaires ou les créances cam-biaires. Cette suspension des poursuitescomporte des contreparties qui limitentles pouvoirs du débiteur, notamment desinterdictions de paiement, sauf autorisa-tion du président du tribunal. Le non-respect de ces dispositions est sanctionnépar l’inopposabilité des actes, voire pardes sanctions pénales.Le président du tribunal, tout en déci-dant la suspension individuelle des pour-suites, doit nommer un expert dont lamission centrale est de faciliter la conclu-sion d’un accord entre le débiteur et sescréanciers.Si un concordat est conclu avec les créan-ciers, la juridiction compétente peut l’homologuer sous certaines conditions;en particulier le concordat doit permettreleredressement de l’entreprise et ne pasprévoir des délais de paiement excédanttrois ans.Si, en revanche, le concordat n’est pashomologué, toutes les solutions sont ouvertes : renégociation aux conditionsfixées par le tribunal, redressement judiciaire ou liquidation des biens, si l’entreprise est en cessation des paie-ments, ou encore rejet du concordat, sila situation économique de l’entreprisene le nécessite pas.Les effets du concordat homologuéconcernent essentiellement les créan-ciers antérieurs, privilégiés ou non ; ilssont tenus par les conditions relativesaux délais ou aux remises consentiesdont ne peuvent pas cependant se prévaloir les cautions et coobligés dudébiteur.Au total, le règlement préventif apparaîtcertes comme très influencé par le droitfrançais. Mais il représente en Afrique,malgré quelques défauts relevés par ladoctrine (Sawadogo F. M., L’application

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judiciaire du droit des procédures collec-tives en Afrique francophone à partir del’exemple du Burkina Faso, précité,n° 86), une véritable innovation. Il n’exis-tait pas jusque-là, en effet, dans les Étatsparties de véritable procédure d’assai-nissement antérieure à la cessation despaiements.

B – Le traitement des difficultésd’une entreprise en cessation des paiements

C’est la partie la plus importante de cetActe uniforme, allant de l’article 25 à l’article 225, à l’exception des textesconsacrés au règlement préventif, auxdispositions en matière pénale et à cellesrelatives aux procédures collectives internationales (pour un texte qui, au total, comporte deux cent cinquante-huitarticles). On se limitera évidemment dansnotre propos à une présentation synthé-tique de ces principaux dispositifs. À l’exception de quelques particularités remarquables, l’investisseur étranger, s’ilest notamment familier du droit français,ne sera pas désemparé.Est donc organisé à travers ces textes letraitement curatif de l’entreprise qui, paradoxalement, pour la doctrine domi-nante, n’est considérée comme maladequ’à partir du moment où elle est en cessation des paiements. Les textes prévoient deux procédures : la procédurede redressement judiciaire et la procé-dure de liquidation des biens. On en examinera successivement les conditions d’ouverture (1) et les effets (2).

1 – Les conditions d’ouverture

On ne reviendra pas sur les conditionsd’ouverture des procédures aussi bienrationae personae que rationae materiaedéjà examinées (v. supra, I).Au plan procédural, l’Acte uniforme ne fait pas exception par rapport à la plupart des systèmes juridiques actuels :l’ouverture d’une procédure collectivenécessite un jugement. Est donc poséela question du tribunal compétent quiest dans l’Acte uniforme celui du princi-pal établissement ou du siège social dudébiteur (Acte uniforme, art. 4, 25 et 26).Mais le texte admet la possibilité d’ou-vrir une procédure contre une entreprisequi n’a pas son siège social dans l’Étatdu tribunal saisi ou encore la possibilitéd’ouvrir une procédure principale et desprocédures secondaires (Acte uniforme,art. 247 à 256).La hiérarchisation des procédures joueévidemment en faveur de la procédureprincipale, ce qui permet de remédier audésordre qu’engendre la pluralité des procédures.

Les modes de saisine sont ceux habituel-lement pratiqués : saisine par le débi-teur, par les créanciers, saisine d’office.Le ministère public ne dispose pas, enrevanche, du pouvoir de saisine; rien nel’empêche néanmoins de communiquerles informations dont il dispose au tribunal qui pourra se saisir d’office.Constatant la cessation des paiements,la juridiction saisie doit prononcer l’ou-verture d’une procédure de redressementjudiciaire ou de liquidation des biens. Laquestion du choix de la procédure sepose donc dès l’ouverture de celle-ci ;mais elle peut être également tranchéedans un délai très bref à compter du jugement d’ouverture. Il n’y a donc pas,comme en droit français, de période d’observation, d’où l’importance de laproposition d’un concordat sérieux au

moment de la saisine du tribunal.La nécessité d’un jugement pose le problème de la licéité d’une faillite defait. Cette question est tranchée par l’ar-ticle 32 de l’Acte uniforme. En l’absencede jugement ouvrant la procédure, le débiteur ne saurait profiter du régimeavantageux du droit des procédures collectives au détriment des créanciers.L’Acte uniforme reconnaît en revanchela validité de la faillite de fait en matièrepénale. Peut être ainsi condamné pourbanqueroute simple ou frauduleuse ledébiteur ou le dirigeant, alors même quela cessation des paiements n’aurait pasété constatée (Acte uniforme, art. 236).Cette disposition est contraire à une ten-dance lourde du droit français qui privi-légie actuellement la dépénalisation enmatière de droit des affaires.

2 – Les effets du redressementjudiciaire et de la liquidation des biens

Les effets produits par le jugement d’ou-verture du redressement judiciaire oude la liquidation des biens sont ana-logues à ceux que fait produire le droitfrançais. Ces effets sont opposables auxtiers dès le jour du jugement avant mêmequ’il n’ait été procédé à la publicité légale.

a – À l’égard des organesde la procédureLe premier de ces effets concerne les organes judiciaires et non judiciaires quivont gérer la procédure tout au long deson déroulement.Parmi les organes judiciaires, le tribunaljoue un rôle essentiel dans l’administra-tion proprement dite de la procédure,mais assume aussi une fonction de centralisation des contestations.L’Acte uniforme a également prévu la nomination d’un juge-commissaireparmi les membres du tribunal. Il dispose de moyens d’information et d’attributions nombreuses relatives aucontrôle des opérations accomplies enparticulier par le syndic. Il statue parordonnance et exerce au total sa com-pétence pour trancher toute difficulténon attribuée à la compétence d’un autreorgane.Quant au ministère public, il disposeégalement de pouvoirs d’information,d’investigation et de poursuite, notam-ment sur le plan pénal en cas de ban-queroute.Ce rôle des organes judiciaires est essen-tiel dans la conduite de la procédure. Selon les commentateurs, il ne semblepourtant pas que les juges aient enAfrique pleinement conscience des attri-butions qui leur ont été confiées par l’Acteuniforme. On déplore ainsi que de nombreuses procédures se terminent sansjugement de clôture, ni paiement substantiel des créanciers.Parmi les organes non judiciaires, le syndic joue un rôle fondamental tant enmatière de redressement judiciaire quede liquidation des biens. Son statut doitnormalement lui assurer l’indépendancedans l’exercice de ses fonctions. Le syn-dic exerce des fonctions multiples : entant que mandataire de justice, il agitpour le compte de la juridiction compé-tente. Mais en cas de liquidation desbiens, il agit aussi en lieu et place du débiteur ou bien il l’assiste en cas de redressement judiciaire. Enfin, il est enmême temps un représentant de la massedes créanciers. Il en résulte le risque d’unconflit de fonctions que le droit françaisa résolu en séparant les fonctions entreplusieurs organes.L’Acte uniforme a maintenu une assem-blée des créanciers chargée de voter leconcordat ; en cela le texte se rattache davantage à la loi française du 13 juillet1967. Mais cette assemblée n’est pasobligatoire, puisqu’un concordat sim-plifié a été prévu lorsque la propositionne comporte ni demande de remise dedettes, ni délai de paiement supérieurà deux ans. >

L’Acte uniforme ne faitpas exception par

rapport à la plupartdes systèmes juridiques

actuels : l’ouvertured’une procédure

collective nécessiteun jugement.

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L’Acte uniforme prévoit enfin la possibi-lité pour le juge-commissaire de nom-mer des contrôleurs choisis parmi lescréanciers. Ils ont une mission de contrôleet de surveillance peu précise, parexemple, assister à la vérification descréances.

b – À l’égard du patrimoinedu débiteurLes effets de l’ouverture de la procédurevont également affecter le patrimoine dudébiteur.En revanche, ces mesures ne concernentpas la personne du débiteur. En effet,avant l’entrée en vigueur de l’Acte uni-forme, l’idée même d’incarcération dudébiteur avait déjà été abandonnée parles législations contemporaines.Les mesures patrimoniales ont d’abordun caractère conservatoire et doivent permettre simultanément de connaîtrel’actif du débiteur : autant de mesurestrès classiques en la matière.En second lieu, diverses mesures tendentau dessaisissement plus ou moins completdu débiteur. Entre le redressement judiciaireet la liquidation des biens, il y a seulementune différence de degré à l’intérieur d’unemême situation qui est le dessaisissement.En cas de redressement judiciaire, le débi-teur doit se faire assister par le syndic, c’est-à-dire obtenir son accord et sa participa-tion à l’acte envisagé. Dans une liquidationdes biens, le débiteur est purement et sim-plement représenté par le syndic. Mais quelleque soit la procédure mise en œuvre, le syn-dic dispose seul du pouvoir d’opter pourla continuation des contrats en cours, se-lon un dispositif très classique.Quelques limites à ce dessaisissementconcernent classiquement certains biensdéclarés insaisissables, notamment denature alimentaire. De même certainsactes conservatoires utiles aux créancierspeuvent être accomplis par le débiteurseul. Comme le droit français, l’Acte uni-forme déclare également licite le méca-nisme de la compensation lorsque le débiteur est en même temps créancierde son créancier.Le non-respect du dessaisissement expose à une inopposabilité de l’acte àla masse des créanciers ; celui qui a payéle débiteur s’expose donc schématique-ment à payer deux fois ou à restituer lebien acquis.

c – À l’égard des créanciersOn retrouve à ce sujet une distinction essentielle entre deux catégories de créanciers, distinction qui prend encompte la préservation de la notion demasse des créanciers, abandonnée endroit français.

Il y a, d’une part, les créanciers de lamasse ou contre la masse dont les droitssont nés après le jugement d’ouvertureen conformité avec le dessaisissement ;ces créanciers correspondent à la caté-gorie des créanciers dits postérieurs endroit français. Soit ces créanciers sontpayés au comptant (Acte uniforme,art. 108), soit ils bénéficient d’un droitd’être payés par priorité car leurs pres-tations sont présumées avoir profité àla masse. Un ordre de paiement avan-tageux est fixé par les articles 166 et 167de l’Acte uniforme. Mais encore faut-ilque les biens composant l’actif ne soientpas grevés de sûretés spéciales. Le jeude ces sûretés risquerait en effet de priver ces créanciers de la masse du bénéfice tiré de cet ordre de paiementavantageux.On rappellera l’existence de créanciershors masse dont les droits nés égalementaprès le jugement d’ouverture l’ont étéau mépris du dessaisissement. Leursdroits sont inopposables à la masse.À cette première catégorie s’opposent lescréanciers de la masse dont les droitssont nés avant le jugement d’ouverture :autrement dit les créanciers dits anté-rieurs, catégorie bien connue du droitfrançais. Cette catégorie de créanciers regroupe aussi bien les créanciers titu-laires de sûretés spéciales réelles ou deprivilèges généraux que les créancierschirographaires.L’article 72 de l’Acte uniforme constituecette seconde catégorie de créanciers enune masse. Celle-ci est représentée parle syndic qui seul agit en son nom, dansson intérêt collectif, et peut l’engager.Contrairement au droit français, l’Acteuniforme a donc conservé la notion demasse et y fait appel à de nombreusesreprises dans les textes; ainsi parle-t-onde l’«inopposabilité à la masse» (Acteuniforme, art. 67 à 71), de l’«hypothèquelégale de la masse» (Acte uniforme, art. 74et 135), des «créances de la masse» ou« contre la masse » (Acte uniforme,art. 108, 117, 142, 166 et 167), de la «représentation de la masse» (Acte uni-forme, art. 72 et 75), etc. Autant de textesqui lui confèrent donc un certain nombrede prérogatives.Même si l’Acte uniforme ne le précisepas expressément, la masse est semble-t-il dotée de la personnalité morale. Ellepeut dès lors faire valoir un intérêt distinct de celui des créanciers qui lacomposent. Toute personne, créancière ounon, ayant par exemple contribué à la diminution de l’actif ou à l’accroissementdu passif du débiteur peut être condam-née à réparer le préjudice subi par lamasse. L’action est exercée par le syndic

au nom de l’intérêt collectif des créan-ciers (Acte uniforme, art. 118).Logiquement, la masse dotée de la per-sonnalité morale devrait disposer d’un patrimoine propre. Mais l’Acte uniformene définit pas un régime juridique de cepatrimoine distinct de celui du patrimoinedu débiteur. Il y a donc la nécessité de faireen sorte que toutes les opérations de paiement se déroulent dans le cadre d’unseul patrimoine, celui du débiteur.Pour être admis dans la masse, ces créan-ciers sont soumis à un mécanisme deproduction de leurs créances. Cette pro-duction se traduit par une déclarationdes créances adressée au syndic dans undélai strict (trente jours) à compter de lapublicité de l’ouverture de la procédure.Le créancier doit préciser dans cette déclaration le montant de sa ou sescréances, les sûretés qui y sont attachées,les sommes à échoir ainsi que les datesd’échéance. Le défaut de déclaration estsanctionné par la forclusion; c’est unesanction grave qui rend la créance inop-posable à la masse et ne pourra plus êtrehonorée qu’une fois la procédure clôtu-rée, autant dire jamais. Mais la forclu-sion est une sanction réversible décidéepar le juge-commissaire chaque fois que le créancier démontre que la non-déclaration de sa ou ses créances n’estpas de son fait.L’exigibilité des créances à terme, clas-sique contrepartie de la suspension despoursuites individuelles, n’est consa-crée que partiellement en matière de liquidation des biens. Elle ne joue pas,en revanche, en matière de redresse-ment judiciaire, ce qui du point de vuedu créancier l’encourage à se détournerde cette procédure (Acte uniforme,art. 76).Le jugement d’ouverture arrête, sauf exception, le cours des intérêts de toutenature à l’égard des créanciers de lamasse (Acte uniforme, art. 77). On notera que les intérêts continuent néan-moins à courir à l’égard des cautions etcoobligés.De même, est arrêté le cours des inscrip-tions de sûretés (Acte uniforme, art. 73).La solution a un domaine étendu à toutesles sources de sûretés conventionnelles,judiciaires ou légales.Sont également suspendues les pour-suites individuelles et les voies d’exécu-tion exercées par les créanciers dans lamasse. Il s’agit des poursuites tendant àfaire reconnaître des droits et des créancesou des voies d’exécution tendant à enobtenir le paiement (Acte uniforme,art. 75). Dans les procédures collectives,on le sait, le prix de la course est rangéau magasin des accessoires. Le principe

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d’égalité des créanciers s’accommodemal, en effet, de l’exercice anarchiquede poursuites individuelles.Un certain nombre de limites et d’amé-nagements atténuent la brutalité de larègle. On notera, par exemple, la suspen-sion des délais impartis aux créancierspour agir. Mais les actions tendant à l’annulation ou à la résolution d’uncontrat ne sont pas suspendues, mêmelorsque ces actions se traduisent par lepaiement d’une somme d’argent. Cettedernière solution se différencie de la loifrançaise du 25 janvier 1985 dont ces restrictions de droits s’inspirent pourtantdans l’Acte uniforme.Concernant la révision des droits descréanciers du fait de l’ouverture de laprocédure, l’Acte uniforme reprend, enoutre, le régime de l’inopposabilité desactes accomplis pendant la période suspecte (Acte uniforme, art. 67 à 71).Sanctionnant une rupture du principed’égalité entre créanciers, ce dispositifcomporte, d’une part, des inopposabi-lités de plein droit dont la liste est équivalente à celle connue en droit fran-çais, excepté des inopposabilités ajou-tées récemment dans la loi de 2005 et l’ordonnance de 2008. Figurent, d’autrepart, des inopposabilités facultatives dontla condition essentielle est la connais-sance de la cessation des paiements dudébiteur qu’avait le créancier au momentde la conclusion de l’acte.L’acte ayant été déclaré inopposable à lamasse, il ne restera plus au créancier qu’àproduire sa créance à titre chirographairedans la procédure avec les autres créan-ciers dans la masse. Si l’acte, en revanche,a eu pour objet une libéralité, non seu-lement le bénéficiaire devra restituer lebien, mais il ne sera pas autorisé à participer dans la masse aux distribu-tions de dividendes.Enfin, d’une part, l’Acte uniforme a organisé le régime des actions en reven-dication de biens ou de droits exercéespar certains créanciers (Acte uniforme,art. 102, 103). Le principe de l’admissionde l’action en revendication est posé.Pour les biens immeubles, il n’y a pasde difficultés en raison des règles de lapublicité foncière. Ce principe joue aussipour les biens meubles malgré l’appa-rente propriété du débiteur résultant dela détention du bien. Mais l’action en revendication est enfermée dans un délai très strict et nécessite que le reven-diquant ait produit sa créance en bonneet due forme.D’autre part, l’Acte uniforme réglementeles droits du vendeur de meubles, selonqu’il n’est pas encore dessaisi, que lachose est en cours de transport ou qu’il

invoque une clause résolutoire (Acte uni-forme, art. 104 à 106).Le caractère aléatoire des droits du ven-deur de meubles en fonction de leur loca-lisation géographique milite justement enfaveur de la stipulation d’une clause deréserve de propriété. La licéité de celle-ciest également consacrée, sous réserve cependant que cette clause ait été publiéeau registre du commerce et du crédit mobilier du greffe du tribunal où est immatriculé le titulaire de la clause.

d – Les solutions du redressementjudiciaire et de la liquidation des biensDans le conflit d’intérêts qui oppose lescréanciers au débiteur, les solutions permettant de mettre un terme à la procédure collective sont évidemmentessentielles.

Mais un observateur averti souligne quefréquemment la procédure collective setermine en «queue de poisson», selonune expression très significative (Sawa-dogo F. M., L’application judiciaire dudroit des procédures collectives en Afriquefrancophone à partir de l’exemple duBurkina Faso, précité, nos 131 et s.). Ledossier est ainsi refermé sans redresse-ment de l’entreprise, sans paiement substantiel des créanciers et sans mêmeun jugement de clôture. L’Acte uniforme, pour sa part, envisagequatre types de solutions au terme dudéroulement de la procédure collective :• soit la procédure est clôturée pour extinction du passif ; c’est une solutionexceptionnelle autrement appelée par-fois clôture pour défaut d’intérêt de lamasse ;• soit, après l’ouverture d’un redresse-ment judiciaire, un concordat est concluentre les créanciers et le débiteur;• soit, après l’ouverture d’une liquida-tion des biens, est offerte une alternativeentre deux solutions : l’union ou la clôture pour insuffisance de l’actif.En définitive, soit l’entreprise est redres-sée, soit elle est liquidée.

Le concordat, solution de redressement.—Alors que la législation française a évo-lué, par le biais de la loi de 1985, vers

une solution de redressement qui ne dépend plus forcément de la bonne volonté des créanciers, l’Acte uniformea conservé le concordat. Il s’agit d’uneconvention conclue entre le débiteur etses créanciers. Cette convention doit êtrehomologuée par le tribunal qui en garantit le sérieux et la fiabilité (Guyon Y.,Droit commercial (règlement judiciaire,liquidation de biens, suspension provi-soire des poursuites, faillite personnelle),Licence en droit, Les Cours de droit, 1978-1979, 2 fascicules, p. 279).Avant même le prononcé du jugementd’ouverture, le débiteur présente un plande règlement du passif et de redresse-ment de l’entreprise qu’il s’engage à exé-cuter une fois remis à la tête de ses affaires. Ce concordat doit être distinguédu concordat préventif intervenant aucours d’un règlement préventif. Ceconcordat peut en outre comporter unecession partielle d’actif. La recherche de la sauvegarde de l’entre-prise paraît acquérir de plus en plus d’importance dans la pratique judiciaireen Afrique. Mais elle demeure largementdépendante de la volonté des créanciers.Cela suppose un vote de leur part auquelne prennent part que les créanciers dansla masse. L’homologation par le tribunaln’est prononcée ensuite qu’à conditionque le concordat respecte les conditionsde validité prévues par le texte et offre despossibilités sérieuses de redressement del’entreprise.Le concordat met fin à la procédure. Ledébiteur peut reprendre la libre adminis-tration de ses affaires. Le concordat est opposable à tous les créanciers antérieursdans la mesure de leurs engagements. Maisson bénéfice est relatif, en ce sens qu’il neprofite qu’au débiteur et à lui seul et nonpas aux cautions et coobligés. Ces der-niers, après s’être acquittés de leurs enga-gements, seront donc dans la position decréanciers dans la masse qui subissent lesstipulations concordataires.Concernant l’exécution du concordat,soit il est correctement exécuté, et il prendalors fin au paiement de la dernièreéchéance concordataire, soit différentsincidents jalonnent son exécution, il peutêtre, dès lors, selon le cas, annulé ou résolu, la procédure étant alors conver-tie en liquidation des biens si la cessa-tion des paiements perdure.

La liquidation de l’entreprise.— Contrai-rement peut-être au droit français, l’Acteuniforme a opté pour davantage de réalisme. Chaque fois qu’il apparaît quel’entreprise ne pourra pas être redressée,sa liquidation doit s’imposer. Deux dispositifs permettent d’aboutir à cette >

Contrairement au droitfrançais, l’Acte uniformea opté pour davantage

de réalisme. Chaque foisqu’il apparaît que

l’entreprise ne pourrapas être redressée,

sa liquidationdoit s’imposer.

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disparition : l’union et la clôture pour insuffisance d’actif.L’union est la procédure qui suit le constatfait dans le jugement d’ouverture ou deconversion en liquidation des biens, selon lequel l’entreprise ne pourra pasêtre redressée, ne serait-ce qu’en l’absence d’une proposition de concor-dat sérieuse ou de rejet de celui-ci.Les créanciers sont unis pour liquiderl’actif de leur débiteur et se payer sur leproduit qui en résultera. L’union est ainsila conséquence d’un constat d’échec,quelles qu’en soient les causes (Thaller E.,Traité élémentaire de droit commercial,6e éd., revue et mise à jour par Percerou J.,Paris, Librairie A. Rousseau, 1922, p. 990).Il en résulte un régime juridique qui gouverne la réalisation de l’actif, tant ence qui concerne les meubles que les immeubles. En cas de contestation, lesyndic est autorisé à compromettre ou àtransiger chaque fois que les intérêts dela masse sont en cause. Mais le compro-mis ou la transaction sont soumis à l’homologation du tribunal lorsque lemontant en jeu est supérieur au mon-tant en dernier ressort du tribunal compétent. Quant aux créanciers munisde sûretés réelles, ils font l’objet d’uneprotection particulière : par exemple, lecréancier gagiste peut conserver le bien tant que sa créance n’a pas été remboursée.Toute une série de dispositions gouver-nent la réalisation des immeubles; cesdispositions mettent en œuvre des mécanismes de vente sur saisie immo-bilière, par voie d’adjudication amiableou de vente de gré à gré.

Sont possibles également des cessions par-tielles ou globales d’actif (Acte uniforme,art. 160). La cession globale sera d’autantplus opportune qu’elle comporte des uni-tés d’exploitation autonomes, ce qui nécessite des offres formulées par des repreneurs dans certaines conditions. Letraitement de ces offres incombe au syndic et au juge-commissaire.Le syndic et le juge-commissaire procè-dent ensuite à l’apurement du passif quiest l’objectif essentiel dans une liquida-tion des biens. Cela ne présume pas dupaiement intégral de toutes les créancesadmises. Tout dépendra de l’actif réalisé.Un mécanisme de collocation est mis enœuvre selon lequel les créanciers sontpayés dans un ordre privilégiant les créanciers titulaires de sûretés.Au terme de ces opérations, doit être normalement prononcé un jugement declôture de l’union. Les créanciers recou-vrent l’exercice individuel de leurs actionspour le reliquat impayé ou lorsqu’ils ont été exclus de la distribution des dividendes.Seconde solution de la liquidation desbiens, la clôture pour insuffisance d’actif est pour les créanciers la pire dessolutions (Acte uniforme, art. 173 à 177).Il s’agit pour le tribunal de constater l’absence de fonds nécessaires pour poursuivre les opérations de liquidation.La clôture peut être prononcée à touteépoque de la procédure. Mais l’Acte uni-forme impose de manière paradoxale lavérification des créances et revendica-tions, quelle que soit l’importance del’actif et du passif, ce qui ne peut que retarder la décision de clôture.

À l’instar de l’union, la clôture met finà la procédure de liquidation des bienset permet aux créanciers de retrouverleur droit de poursuite individuelle. Onnotera la différence avec le droit françaisqui pose désormais le principe de la libération du débiteur à l’égard des créanciers, sauf exceptions.Au terme de cette brève analyse, onpeut avoir un sentiment partagé sur cestextes.D’un côté, on ne peut que se féliciter dela teneur de cet appareil normatif qui està même de répondre, au moins en théo-rie, aux attentes des investisseurs étran-gers. L’Acte uniforme sur les procédurescollectives s’intègre ainsi parfaitementdans un ensemble de normes qui font del’OHADA un acteur et un partenaire à partentière de la mondialisation du droit.C’était le vœu des initiateurs de cette organisation : il semble comblé. Cela per-mettra-t-il à l’Afrique sub-saharienne demieux s’insérer dans le concert écono-mique mondial? La question est posée;mais la réponse n’est pas évidente tantcette insertion ne dépend pas que du seulfacteur juridique.De l’autre, on ne manquera pas de s’in-terroger sur l’adaptation de cet appareilnormatif à une certaine réalité de l’éco-nomie africaine. Le secteur informel decette économie trouvera-t-il des réponsesadéquates dans l’Acte uniforme sur lesprocédures collectives ? On peut avoirquelques doutes. À cela on répondra quel’OHADA est encore une organisationjeune dont la construction normative esten devenir. L’optimisme l’emportera doncdélibérément! ◆

L A S É C U R I S AT I O N D E S I N V E S T I S S E M E N T S D E S E N T R E P R I S E S E N A F R I Q U E F R A N C O P H O N E : L E D R O I T O H A D A

L’entreprise est une unité de décisionséconomiques qui utilise le capital et le travail pour produire des biens et services dans un but de profitabilité.Lorsqu’elle entend développer ses activités à l’étranger, elle a besoindu droit pour la protection de sesinvestissements. Elle a besoin d’uncadre juridique et judiciaire sécurisé.En Afrique, le droit de l’Organisationpour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) a été

imaginé pour répondre à ce besoinde sécurité. Personne ne douteaujourd’hui de la réalité du droitOHADA. Dans l’esprit de sesfondateurs, c’est un droit à vocationrégionale et donc internationale.

D roit actuel et rénové, droit qui par-ticipe du mouvement de la mon-

dialisation, le droit OHADA présente desatouts majeurs pour le développementsécurisé des affaires dans un continentconfronté à de nombreux problèmes de

gouvernance. C’est par le droit que cettesécurité peut être garantie à l’entrepriselorsqu’elle entend développer ses activi-tés au plan international.En effet, l’entreprise engagée dans lecommerce international attend du droitque lui soient garanties, à l’étranger, lasécurité et la liberté de son personnelainsi que la disposition de ses actifs. Ellecompte, à cet égard, notamment sur lestraités et les règles coutumières. Elle attend, en second lieu, le maximum pos-sible d’organisation du cadre économique

L’internationalisation deséchanges et le droit OHADA

Par GrégoireBAKANDEJA

wa MPUNGUDoyen, Docteur d’État en droit économique,

Professeur aux Universitésde Kinshasa et Paris I SorbonneVice-président de l’INEADEC

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où elle devra évoluer, notamment parl’existence des accords monétaires, tari-faires, etc. Elle attend enfin que ses relations privées avec les entreprises étran-gères obéissent à des règles commodes etprécises, acceptées par toutes les partiesen cause. Le droit de l’OHADA, noussemble-t-il, apporte des réponses à cespréoccupations (v. Schapira J. et Leben C.,Le droit international des affaires, PUF,3e éd., 1996. p. 3).Cependant, quatorze ans après la mise envigueur du Traité de Port-Louis relatif àl’Organisation pour l’harmonisation enAfrique du droit des affaires (OHADA), il est normal de se poser la question de savoir si l’intégration juridique visée dansl’espace OHADA, appelé à s’élargir avecdes adhésions annoncées de nombreuxÉtats issus de systèmes juridiques autresque romano-germaniques, répond aux attentes des acteurs économiques qui seméfiaient des disparités des réglementa-tions et des solutions de règlement des différends applicables au droit des affairesau lendemain des indépendances dans laplupart des ex-colonies françaises.Il peut paraître paradoxal de traiter de lasécurisation des investissements des entreprises en Afrique francophone au moment où l’actualité financière interna-tionale est dominée par les effets collaté-raux de la crise de la mondialisation, appelée autrement crise financière. Cettecrise financière actuelle qui s’accompagnede la crise économique avec ses consé-quences ressenties dans les principauxpays industrialisés et émergents conduitau ralentissement des investissements. Curieusement, c’est une crise qui n’a pasfrappé durement les États du périmètreOHADA. La raison est toute simple, ledroit OHADA a protégé l’Afrique.Le présent colloque initié par le Centrede droit économique de la faculté de droitd’Aix-en-Provence est une preuve qu’ilest plus qu’urgent de mener une réflexionsur la question de la sécurisation des investissements des entreprises enAfrique pour baliser le chemin etconstruire l’avenir. C’est donc à juste titreque les organisateurs de ce colloque ontestimé nécessaire de tenir ces assises ences temps difficiles pour les entreprises,le continent africain en étant épargnédans sa grande majorité pour le moment,mais pour combien de temps encore? Pour revenir à la crise financière quifrappe le monde industrialisé, on peutrappeler que l’harmonisation des règlesen matière d’affaires, et principalementdans les domaines du droit des sociétéset des groupements d’intérêt économique,du droit comptable, a permis, par lecontrôle prudentiel exercé sur les marchés

financiers africains, principalement enAfrique de l’Ouest, d’éviter l’effondre-ment de ces marchés et l’accentuationde la crise économique.Le droit OHADA présente ainsi l’atoutmajeur d’être un droit de recherched’équilibre en vue de la promotion desinvestissements; l’objet primordial étantde les sécuriser et donc de protéger lesacteurs économiques qui sont les créa-teurs de richesses. Si le droit OHADA, qui participe à l’in-ternationalisation des affaires, constitueà n’en point douter un cadre appropriéde sécurisation des investissements, onne devrait pas pour autant ignorer lesobstacles auxquels ce droit est confrontédans sa mise en œuvre pour des raisonsdiverses.

C’est de ce constat d’internationalité et la revue des problèmes et solutionsnées de la pratique des affaires enAfrique que s’articulera cette note d’observation.

I – LE DROIT OHADA, UN DROIT QUI S’INSCRIT DANS LE PROCESSUSDE MONDIALISATIONIl est évident que le mouvement de mon-dialisation de l’économie et du droit a atteint, au cours de la dernière décenniedu XXe siècle, des proportions telles qu’au-cune partie de la planète ne peut y échap-per (v. Bakandeja wa Mpungu G., Le droitdu commerce international, Les peurs jus-tifiées de l’Afrique face à la mondialisa-tion des marchés, Bruxelles-Paris-Kinshasa,De Boeck et Larcier, Afrique éditions, 2001).Dans un tel contexte, les États qui se sen-taient menacés par ce phénomène irréver-sible se sont engagés dans une dynamiquede solidarité par la régionalisation desnormes. L’OHADA a été créée pour répondre à cette préoccupation.

A – Rôle et objectifs de l’OHADAIl est indéniable que le développementéconomique en Afrique ne peut se fairesans un cadre juridique sécurisé et attractif pour les investissements. Au regard de la disparité des législations

dans les pays francophones au momentde leur accession à l’indépendance, l’uni-fication de leur droit des affaires devaitconstituer une priorité.Le rôle premier de l’OHADA est donc celui de servir de moyen de renforcementde la sécurité juridique et judiciaire dansson espace d’application en vue d’unprogrès commun par des investissementssécurisés et d’une intégration écono-mique consolidée par un droit des affaires unifié que les États se sont offerten partage. Conformément aux dispositions de l’article 1er du Traité de Port-Louis, les objectifs de l’OHADA consistent à harmo-niser le droit des affaires des États parties«par l’élaboration et l’adoption des règlescommunes simples, modernes et adaptéesà la situation de leurs économies» et à pro-mouvoir l’arbitrage comme un mode derèglement des différends contractuels, àaméliorer le climat d’investissement, àsoutenir l’intégration économique africaineet à favoriser l’institution d’une commu-nauté économique africaine, « en vue d’accomplir de nouveaux progrès sur lavoie de l’unité africaine».En ce sens, la mission principale del’OHADA est de créer un droit des affairesuniforme applicable de la même façondans tous les États, ce qui confirme soncaractère international.

B – Le droit OHADA participe de la mondialisation de l’économieet du droit

Le droit OHADA est désormais une réa-lité en Afrique. Il est une opportunitésans précédent pour le développementdes affaires. Ses mérites ont été démon-trés à travers les communications des intervenants lors de ce colloque.En effet, comme l’écrivent Issa-Sayeghet Lohoues-Oble (Issa-Sayegh J. et Lohoues-Oble J., OHADA, Harmonisa-tion du droit des affaires, Bruxelles, Bruylant, coll. Droit uniforme africain,2002), la mondialisation du droit se traduit par :• un affaiblissement de la souverainetéde l’État par suite du renforcement desfacilités d’établissement, de circulationdes personnes, des biens, des services etdes facteurs de production;• une concordance plus ou moins grandeet nette des régimes juridiques appli-cables aux activités économiques, quelque soit le lieu de leur accomplissement;• un ensemble de droits et d’obligationscommuns à tous les acteurs économiquesoù qu’ils exercent leurs activités (codede conduite des entreprises) ;• une tendance très nette et constante àla dénationalisation du règlement des >

L’harmonisation estle maître mot du droitOHADA. Cela impliqueà terme l’uniformisation

des règles pourles rendre applicables

et opposablesaux acteurs.

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conflits de nature économique (arbitrageset procédures non juridictionnelles).Droit d’expansion, devenu internationalpar l’élargissement de son périmètre, ledroit OHADA est d’application dans seizeÉtats (quatorze pays francophones etdeux pays d’expressions hispanique– Guinée équatoriale – et portugaise –Saô Tomé et Principe), qui ont ratifié leTraité de Port-Louis. Il le sera davantageavec l’adhésion de la République démo-cratique du Congo qui a déjà franchi laplus importante étape de signature duTraité. On n’attend plus que la ratifica-tion des instruments par le Parlement. À noter que certains pays anglophonessont à la porte de l’OHADA.L’on pense ici au Ghana, à la Gambie età la Sierra Leone. Le droit dérivé du Traité OHADA est aujourd’hui bien connu dans plus de lamoitié des États de l’Union africaine. Il est appliqué autant par les acteurs africains et internationaux (Banque mon-diale, Fonds monétaire international),ces derniers conseillant même à certainsÉtats d’intégrer cet espace. Avec ses huitActes uniformes pour la sécurisation desaffaires dans les États parties, on peutconsidérer que c’est un droit dont l’effi-cacité ne fait l’ombre d’aucun doute. Ceciconfirme qu’il s’agit d’un véritable droitinternational. On admet cependant aujourd’hui que ce droit est l’objet demenaces diverses.

II – LE DROIT OHADA, UN DROITMENACÉ DANS SES FONDEMENTSPAR SES PRINCIPAUX ACTEURSCertes, le concept OHADA présente desatouts considérables et on l’a vu. C’estun droit moderne et rénovateur. Cepen-dant, la question que l’on peut se poserest celle de savoir si cette rénovation oumodernité a attiré les investissements.C’est à ce niveau que l’on rencontre uncertain nombre d’obstacles que l’on rappellera ici brièvement. Dans un premier temps, on peut partirdu constat que le droit OHADA sembleêtre en contradiction avec certaines réalités locales et surtout avec le déve-loppement de l’économie populaire ouinformelle. Le deuxième obstacle est relatif à l’éclatement du périmètre d’ac-tion du droit OHADA entre des États disposant des textes et ceux qui n’en disposent pas et qui ne trouvent pas d’intérêt à en disposer. Enfin, il existe-rait certains freins intellectuels et idéo-logiques entre les défendeurs de l’OHADA(pays ayant joué un rôle majeur dans l’éla-boration des Actes uniformes – Sénégal,Cameroun, Côte d’Ivoire – et ceux qui

se considèrent comme étant des suiveursde l’OHADA pour n’avoir pas été asso-ciés à la rédaction des textes fondateurset de certains Actes uniformes). Le droit OHADA est menacé dans sa miseen œuvre par le développement cumuléde pratiques informelles (A), le dévelop-pement des droits communautaires (B)et la disparité des techniques de publi-cité des actes de société (C).

A – Incidence de l’économieinformelle et coexistence des normesOHADA et des normes internationales

Dans la plupart des pays africains, l’éco-nomie a une dimension informelle trèsimportante, voire excessive, tandis quedes législations des plus complexes ontété introduites pour répondre notammentà l’inflation juridique engendrée par laplupart des grands acteurs économiquesà l’échelle mondiale face à la mondiali-sation.Si les processus de privatisation et de libéralisation de certains secteurs de l’éco-nomie se sont globalement développésà l’échelle planétaire, les règles deséchanges sont de plus en plus complexes,ce qui engendre une croissance de la formation et de la recherche en droit économique. Il est donc nécessaire d’organiser une meilleure informationdes citoyens sur leurs droits, de mêmequ’il faut veiller aux structures adminis-tratives qui doivent être effectivementcapables d’accomplir leur mission.On constate cependant, et particulièrementen Afrique sub-saharienne, que les Étatsn’ont jamais bénéficié d’un encadrementjuridique pour pouvoir se (re)construire.Ils se contentent d’imposer un droit quine tient pas compte des réalités africaineset des conditions objectives pour arriverà une économie normalisée. Cette situa-tion a été reconnue notamment par laBanque mondiale. Ce sont des freins à l’expansion économique de ces pays quien ont besoin bien plus que d’autres afinde permettre à leur population d’amélio-rer leurs conditions de vie précaires.Face à ces phénomènes, il apparaît nécessaire pour tous les acteurs deprendre conscience de ces contraintesd’informalité et de duplication des normeset de développer une approche métho-dologique efficiente en vue d’appréhen-der un pan de l’économie informelle quiprésente plusieurs facettes (criminelle,non fiscalisée, etc.) en la définissant pouressayer de la saisir par le droit.Par ailleurs, pour attirer les investisseurs,a-t-on tenu compte du concept de l’in-formel, chaque pays ayant ses spécifici-tés locales. Ce qui justifie l’intérêt d’iden-tifier les problématiques fondamentales

de l’économie informelle, les acteurs uti-lisant des artifices juridiques pour échap-per aux normes.En effet, la question de l’économie infor-melle doit être comprise dans une formecirculaire, car cette économie produit sespropres normes connues des acteurs. Uneautre question est de savoir commentrendre ces circuits capables de participerau développement. Autrement dit, l’économie informelle ou populaire estconfrontée à l’éthique de l’économie etdes acteurs, ce qui pose le problème de latransparence et de la lutte à mener contrela corruption. Ce qui différencie l’écono-mie populaire de l’économie formelle, c’estla normalisation. Dans le cas qui nous occupe, puisquel’informalité est utilisée par tous les acteurs (entreprises, particuliers, admi-nistrations), on peut suggérer de conser-ver les règles de droit pour les investis-sements de grande taille qui seraientainsi uniformisées et d’encadrer l’informalité pour les petites activités.On ferait coexister ainsi les deux systèmes juridiques, le Code des investissements constituant un régime dérogatoire.

B – La préférence des droitscommunautaires au droit OHADAdans certaines zones du périmètreOHADA

L’harmonisation est le maître mot dudroit OHADA. Cela implique à termel’uniformisation des règles pour les rendreapplicables et opposables aux acteurs.On admet cependant l’existence, dans lazone OHADA, d’autres ordres juridiquescommunautaires, avec pour conséquencela coexistence des juridictions commu-nautaires pouvant avoir des compétencesconcurrentes.À titre indicatif, l’Union économique etmonétaire de l’Ouest africain (UEMOA)a développé des règles analogues à cellesde l’OHADA. L’OHADA n’ayant pas lesmoyens de ses ambitions, il y a uncontournement de l’OHADA par des dispositions concurrentes alors que lesActes uniformes sont censés annulertoutes les dispositions antérieures oupostérieures.

C – L’application distributive des règles de publicité des actes de société

On peut signaler ici que la difficulté liéeau fait que les investissements sont régis par le droit notarial de chaque pays. La disparité de prix des actes notariésconstitue un handicap pour le dévelop-pement des investissements dans l’espace OHADA.

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Que conclure, sinon de dire que la dynamique développée par l’introduc-tion du droit OHADA est irréversiblepour la promotion des investissementsdes entreprises dans l’espace franco-phone ? Cependant, s’il est aisé d’ad-mettre ce principe, il faut également reconnaître que sa mise en œuvre apparaît problématique tant en ce quiconcerne l’élaboration de normes quedans l’application de ce droit. Pour

éviter cet écueil, on peut penser queseules la synergie des efforts et la collaboration franche et loyale sont la clé de la réussite dans une institutioninterétatique comme l’OHADA, où lessouverainetés étatiques s’entrechoquent.Comment sauver le droit OHADA desmenaces qui le guettent? Autant la crisefinancière menace les économies desÉtats les plus développés de la planète,autant est-il urgent de sauver les inves-

tissements des entreprises en Afrique parla formalisation de certaines pratiquesinformelles de gestion des affaires obser-vées dans la plupart des pays du droitde l’OHADA en vue d’une sécurisationefficiente des investissements sur le conti-nent africain. Le droit OHADA offre cecadre pour atteindre cette fin et ainsicontribuer à la réduction de la pauvretéqui s’est aggravée en Afrique au coursdes trente dernières années. ◆

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OHADA, Outil de fiabilisation et de sécurisation des investissementsen Afrique. Tel est le thème débattulors de l’Université d’été OHADA que la ville d’Orléans a accueilliedu 1er au 3 juillet 2008*.«Légiférer est un acte de volonté, mais aussi un acte de communication»(Portalis). En retenant la mêmethématique pour votre colloque,gardons-nous de voir un acte derépétition stérile. Nous faisons œuvrede pédagogie, la répétition étant une vertu du pédagogue. Bien plus, la démarche à Orléans et la nôtre ontle mérite de ramener l’OHADA à ses fondamentaux tels que résumés par feu Kéba M’Baye, maître d’œuvrede l’OHADA, dans une formuleprémonitoire : «L’OHADA est un outilimaginé par l’Afrique pour servir le développement et la croissance».

I – L’AVANT OHADAIl y a eu un avant OHADA, un no man’sland juridique dans le domaine écono-mique (une image d’Épinal qui a fait sontemps) et qui exposait l’opérateur éco-nomique, d’une part, aux aléas d’une

législation obsolète, illisible et inadaptéeet, d’autre part, aux affres d’une justiceimprévisible. Le conseiller Martin Kirschexposait la situation de façon péremp-toire : « Le constat unanime de la situa-tion (peut) se résumer par la formule sui-vante : insécurité juridique et judiciaire»(Kirsch M., Historique de l’OHADA, Recueil Penant, mai-août 1998, n° 827,spécial OHADA, p. 129).Insécurité juridique, car nombre de textesapplicables au droit des affaires sont vétustes ; pour la plupart, ils datent dela période coloniale, et souvent les opé-rateurs économiques, comme les prati-ciens du droit, ont des difficultés pourconnaître la règle de droit applicable. Il en résulte une insécurité juridique définie par Philippe Tiger comme étant«la situation d’incertitude dans laquellepeut se trouver un opérateur économiquesur l’issue d’une éventuelle procédure àlaquelle il pourrait être partie, et son im-puissance à infléchir le cours de la jus-tice dans le sens de l’équité si besoin était»(Tiger Ph., Le droit des affaires en Afrique– OHADA, PUF, coll. « Que sais-je ? »,1999, p. 2). Cette situation crée une in-sécurité juridique handicapante pour lesinvestissements.L’insécurité judiciaire, quant à elle, estla conséquence de l’insuffisance de laformation des magistrats et des auxi-liaires de justice, notamment en matièreéconomique et financière, d’une part, et,d’autre part, de la modicité des moyenshumains et matériels dont sont généra-lement dotées les juridictions. Comme

l’écrit Philippe Tiger, elle «se manifestede façons très diverses : décisions contes-tables, décisions en délibéré depuis plusieurs années, exécutions impossibles,négligences diverses, méconnaissance desrègles de déontologie, accueil des moyensdilatoires les plus évidents et renvois àrépétition qui finissent par découragerles demandeurs de bonne foi (…) »(Tiger Ph., Le droit des affaires enAfrique – OHADA, op. cit., p. 24). Cettesituation entraîne deux conséquencesimmédiates inévitables : une jurispru-dence instable et aléatoire et des diffi-cultés dans l’exécution des décisions desjuridictions. Elle entraîne aussi commeconséquence une perte de confiance dansle système judiciaire des États africainset, subséquemment, la réticence des investisseurs. Prenant la mesure de l’enjeu, les poli-tiques sont entrés en action pour mettreen chantier l’Organisation pour l’harmo-nisation en Afrique du droit des affaires,connue sous l’acronyme OHADA. Ainsi, les principales étapes ayant aboutiau lancement de la réforme OHADA peuvent être résumées comme suit :1. Ouagadougou (Burkina Faso), avril1991 : réunion des ministres des Financeset conception du Projet d’harmonisationdu droit des affaires en Afrique.2. De mars à septembre 1992 : une mission d’experts effectue des visitesdans les différents États de la zonefranc : information et sensibilisationdes autorités ; état des législations appliquées.

Plaidoyer pour un espaceOHADA plus attractif pour les investissements étrangers

Par MichelAKOUÉTÉ AKUÉ

Juriste d’entreprise,Consultant

Associé Gérant CHConsulting, Togo

Président de CercleHorizon, Club OHADA

Orléans

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* Université d’été OHADA, 1re édition placée sous le hautparrainage de S.E. Monsieur Abdou Diouf, secrétaire généralde l’Organisation internationale de la francophonie, etprésidée par Maître Madické Niang, ministre d’État, garde desSceaux du Sénégal et président du Conseil des ministres del’OHADA (les actes du colloque sont reproduits in RecueilPrenant, nov. 2008, n° spécial).

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3. Le 17 septembre 1992 : réunion des ministres des Finances de la zone franc.Feu le juge Kéba M’Baye présente sonrapport de mission. Le projet est adopté.4. Libreville (Gabon), les 5 et 6 octobre1992 : conférence des chefs d’État deFrance et d’Afrique, adoption du projetpar les chefs d’État africains de la zonefranc et formation d’un directoire de troismembres présidé par le juge Kéba M’Bayeet composé de Martin Kirsch et MichelGentot pour la rédaction du traité.5. Libreville (Gabon), les 7 et 8 juillet1993 : réunion des ministres de la Justice.Examen du projet de traité.6. Abidjan (Côte d’Ivoire), les 21 et 22 sep-tembre 1993 : réunion des ministres de laJustice suivie de celle des ministres desFinances. Le projet de traité est finalisé.7. Port-Louis (Île Maurice), le 17 octobre1993 : réunion de la Conférence des paysayant en commun l’usage du français.Signature du traité portant création del’OHADA.Pour la chronologie complète, v. Mou-loul A., Comprendre l’OHADA, Annexe I,Editions NIN, avr. 2000.

II – L’APRÈS OHADA Il y a l’après OHADA, avec un droit pri-mitif, le Traité de Port-Louis d’octobre 1993,récemment révisé et renforcé au Québecle 17 octobre 2008 (pour plus d’informa-tions, v. http://www.ohada.com/newslet-ter.php?news=29102008-502).L’OHADA, c’est aussi le droit dérivé, c’est-à-dire les huit Actes uniformes dontl’ensemble constitue le droit positif desaffaires en vigueur dans l’espace OHADA,un marché regroupant seize pays et quiabrite une population de 105 millionsd’habitants.Tout au long de cette journée, nous avonsentendu les témoignages assez édifiantsde praticiens et de chefs d’entreprise quiont une pratique régulière du droit OHADA.Nicolas Chevrinais, qui veille sur les inté-rêts de ses clients au sein du cabinet Ernst&Young à Libreville, nous a expliqué comment l’OHADA aidait ses clients àstructurer leurs investissements. OlivierRoclore (ORTEC), avec le langage réalistequi caractérise les chefs d’entreprise, nousa révélé toute l’utilité que son groupe tired’un droit des affaires harmonisé pourconsolider ses filiales en Afrique.

En ce qui me concerne, j’insisterai sur lagouvernance judiciaire en mettant enexergue, d’une part, le rôle et l’utilité dela Cour commune de justice et d’arbi-trage (CCJA) et, d’autre part, la promo-tion de la justice alternative, à savoir l’ar-bitrage pour le règlement des litigescommerciaux.

A – Rôle dissuasif de la Courcommune de justice et d’arbitrage

La CCJA de l’OHADA, basée à Abidjan,en Côte d’Ivoire, est l’instance judiciairesuprême de l’OHADA. Avec sa triple attribution consultative, judiciaire et arbitrale, elle constitue la clé de voutedu système.

Au plan judiciaire, elle joue le rôle de Courde cassation et juge en dernier ressort lescontentieux commerciaux relatifs à l’ap-plication des Actes uniformes. Véritableépée de Damoclès sur la tête du juge national, la CCJA évoque sur le fond leslitiges dont elle est saisie et censure entoute souveraineté et indépendance les décisions rendues en appel et contrairesà l’esprit et à la lettre de l’OHADA.Pour les observateurs avertis, la CCJAconstitue un sérieux rempart contre l’ar-bitraire et l’instabilité judiciaire tant déplorés. D’autres y voient un correctifà l’insécurité judiciaire en Afrique. En tout cas, les praticiens habitués auxprétoires africains n’ont pas manqué derelever le rôle dissuasif et la pressionqu’exerce l’OHADA sur le juge nationalappelé à trancher les litiges faisant inter-venir le droit uniforme. Conscient de savulnérabilité et sachant que sa décisionpeut tomber sous la censure de la CCJA,on peut aisément soupçonner chez lejuge national une certaine vigilance dansla motivation de ses décisions. Sans trop tomber dans un triomphalismebéat, force est de reconnaître qu’il s’agit

là d’une avancée considérable vers la sé-curisation judiciaire des investissementsen Afrique.C’est également ce souci de sécurisa-tion judiciaire qui justifie le recours àla justice alternative dans l’espaceOHADA.

B – Montée en puissance de l’arbitrage et des modesalternatifs de règlement des conflits

Le recours à l’arbitrage comme mode derèglement des litiges commerciaux men-tionné dans le Traité OHADA est un signalfort à l’endroit des opérateurs économiques.La mise en place au sein de la CCJA d’unCentre d’arbitrage témoigne de la volontéde l’OHADA d’aller dans le sens de l’his-toire en accompagnant les professionnelsdans leur souci de recourir aux modes alternatifs de règlement des conflits (MARC)pour la résolution de leurs contentieux**.Avec les vingt-sept affaires reçues et traitées depuis son lancement en 1997,le Centre d’arbitrage de la CCJA a toutela compétence pour répondre aux besoins des professionnels au même titreque la Chambre de commerce interna-tionale (CCI) et le Centre de médiationet d’arbitrage de la CCI de Paris.Pour clore ces propos conclusifs, je voudrais partager avec vous un vœu, unespoir déjà gravé dans le préambule duTraité OHADA : l’OHADA, un puissantvecteur de l’union et de l’intégration africaine. À ceux qui doutent de cette capacité fédératrice de l’OHADA, compte tenude son ancrage francophone originel, je rappelle que, dans les contrées afri-caines, « le coq chante pour tout le village même s’il n’appartient qu’à unseul propriétaire». ◆

L A S É C U R I S AT I O N D E S I N V E S T I S S E M E N T S D E S E N T R E P R I S E S E N A F R I Q U E F R A N C O P H O N E : L E D R O I T O H A D A

Pour les observateursavertis, la CCJA

constitue un sérieuxrempart contre

l’arbitraire et l’instabilitéjudiciaire tant déplorés.

** Selon les propos introductifs du secrétaire général de CercleHorizon, Achille Ngwanza, lors du Workshop de formation surles MARC qui s’est tenu les 17 et 18 mars 2009 à Paris, « il convient de s’interroger sur la correspondance desnormes OHADA avec les standards internationaux et surtoutévaluer la pratique arbitrale eu égard à sa nouveauté pourplusieurs États. De plus, la percée des modes alternatifs de règlement des conflits révèle une grande variétémorphologique peu intégrée par le législateur africain, qu’enest-il des techniques amiables qui rappellent la conceptionnégro-africaine du procès. La justice en Afrique sub-saharienne repose sur la quête de rétablir un équilibrecollectif brisé et non de répartir les responsabilités aux finsd’application des sanctions. La colonisation ayant relégué ausecond plan cette approche pacifique du règlement desdifférends, peut-on voir dans le développement massif de lajustice amiable un retour aux sources ».