du même auteur chez le même éditeur - livrepubpassion.org · — tes derniers propos nous...

286

Upload: dinhnhan

Post on 20-Aug-2019

217 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • Dumêmeauteurchezlemêmeéditeur:

    Lesailesd'Alexanne,Tome1:4h44,2010Lesailesd'Alexanne,Tome2:Mikal,2010

    Lesailesd'Alexanne,Tome3:LeFaucheur,2011Lesailesd'Alexanne,Tome4:Sara-Anne,2013

  • ANNEROBILLARD

    Spirales

  • GuySaint-JeanÉditeur

    3440,boul.Industriel

    Laval(Québec)CanadaH7L4R9

    450663-1777

    [email protected]

    www.saint-jeanediteur.com

    ••••••••••••

    CatalogageavantpublicationdeBibliothèqueetArchivesnationalesduQuébecetBibliothèqueetArchivesCanada

    Robillard,Anne

    Lesailesd'Alexanne

    Sommaire:t.5.Spirales.

    ISBN978-2-89455-740-2(v.5)

    I.Titre.II.Titre:Spirales.

    PS8585.0325A642010C843'.6C2010-940360-6

    PS9585.Q325A642010

    ••••••••••••

    Nousreconnaissonsl'aidefinancièredugouvernementduCanadaparl'entremiseduFondsdulivreduCanada(FLC)ainsiquecelledelaSODECpournosactivitésd'édition.NousremercionsleConseildesArtsduCanadadel'aideaccordéeànotreprogrammedepublication.

    GouvernementduQuébec—Programmedecréditd'impôtpourl'éditiondelivres—GestionSODEC

    ©GuySaint-JeanÉditeurinc.2014

    Conceptiongraphique:ChristianeSéguin

    Révisionetcorrectiond'épreuves:LydiaDufresne

    Illustrationdelapagecouverture:Jean-PierreLapointe

    Dépôtlégal—BibliothèqueetArchivesnationalesduQuébec,BibliothèqueetArchives

    Canada,2014

    ISBN:978-2-89455-740-2

    Distributionetdiffusion

    Amérique:Prologue

    France:DiliscoS.A./DistributionduNouveauMonde(pourlalittérature)

    Belgique:LaCaravelleS.A.

    Suisse:TransatS.A.

    Tousdroitsdetraductionetd'adaptationréservés.Toutereproductiond'unextraitdecelivre,parquelqueprocédéquecesoit,eststrictementinterditesansl'autorisationécritedel'éditeur.

    mailto:[email protected]://www.saint-jeanediteur.com

  • ImpriméetreliéauCanada1reimpression,avril2014

    GuySaint-JeanÉditeurestmembredel'Associationnationaledeséditeursdelivres(ANEL).

  • C

    Chapitre1

    hristianPelletiern'avaitpasencoreouvertlesyeuxqu'unénormemarteaus'étaitmisàfrappersursoncrâneàcoupsrépétés.Ilne

    savaitpasencorecequiluiarrivait,maisilétaitcertainqu'ilnes'agissaitpasd'unréveilnormal.«Ondiraitunlendemaindebeuverie»,sedit-il.Mêmes'ilnelesavaitpasprononcésàhautevoix,cesmotssemblèrentexacerbersadouleur.Iltentad'ouvrirlespaupières,maisellesétaientsilourdesqu'iln'yparvintpas.Desimagessemirentalorsàdéfilerdanssonespritàlavitessedelalumière.Unterrainvacantenpleinhiver…unelimousineimmobile…unebouledefeusurgissantàsagauche…unGlockdanssamain…lecorpsdeMélissatombantdanslaneige…sonvisageensanglanté…«Ilestvenuchezmoi,cesoir…Ilaplantésesdoigtsdansmoncœur…»soufflalajeunefemme.

    En voyant le corps deMélissa se transformer en cendres, Christianpoussauncrid'horreurettressaillitsurlelitd'hôpital.Ilcillaàcausedelalumièredanslaquellebaignaitlapièceetsestempesfurentlaproiedesouffrances encore plus intenses. D'abord flous, les objets quil'entouraientdevinrentgraduellementplusnets. Il était allongé surunesorte de civière, mais il ne se souvenait pas d'être entré dans un telétablissement.Entournantprudemmentlatêteverslagauche,ilaperçutlevisageinquietdeMélissaDalpé.

    —Tunepeuxpasêtreici,murmura-t-il,bouleversé.Jet'aituée…

    —Calme-toi,d'accord ?Ons'occupedetoi.Christianvouluttendrelamainpourtouchersonvisage,maissonbras

    refusadebouger.Ilbaissalesyeuxetvitlasanglequileretenait.

    —Depuisquandattache-t-onlesgensdansleshôpitaux ?s'alarma-t-il.—C'estuniquementpourtonbien.

    —Pourmonbien ?

  • — Tes derniers propos nous portent à croire que tu représentes undanger pour ta propre santé. Tu es arrivé à la station de police pourrapporterunmeurtre,rappelle-toi.

    —Maisc'étaitmoilecoupable !—Lecheft'ademandédevenirm'enparleretquandtuesarrivédans

    laportedemonbureau,tut'esévanoui.

    —Onneligotepaslesgensparcequ'ilsperdentconnaissance.

    — Tu t'es mis à délirer dans l'ambulance, alors les médecins del'urgenceontdécidédet'envoyeràl'ailepsychiatriquedel'hôpitalSacré-Cœur.

    —Quoi ?Jenesuispasfou.Libère-moitoutdesuite !—Tusaisbienquejen'aipasl'autoritédefaireça.

    —Jesuisparfaitementsaind'esprit,Mel.

    —Tuviensdemedirequetum'astuée.Or,jesuisbeletbiendeboutdevanttoietjen'aipasuneseuleégratignure.

    —Embrasse-moi.

    — Tu penses pouvoir t'échapper en te changeant en grenouille ? letaquina-t-elle.

    — Je n'ai pas envie de rire. Je veux juste savoir si je suis en traind'hallucinerquetueslà.

    —Tuassurtoutbesoinderepos.

    —Depuiscombiendetempssuis-jeici ?—Plusieursjours…

    Ilsedébattitsurlelit,envain.Sesliensétaientonnepeutplusréels.

    —Tuasbesoind'aide,Christian.Jet'enprie,calme-toi.

    Iln'eutpasletempsdeprotesterqu'uneautrepersonneentraitdanslachambre. L'ancien policier reconnut aussitôt le visage maussade dudocteur Lee Edelman, le psychiatre qui évaluait les membres de sadivision.

    —MonsieurPelletier,commentvoussentez-vouscematin ?demanda-t-il surun tonprofessionnel en jetantunœil aux chiffres lumineuxquiapparaissaientsurlesmachinesau-dessusdelatêtedeChristian.

  • —Pasvous…

    —Sivousm'aviezlaissévousvenirenaideilyaquelquesmois,nousn'enserionspaslà.

    —Jen'avaispasplusbesoindevousàl'époquequemaintenant.

    —Vousn'avezmalheureusementpaslacapacitéd'évaluervotreétatdesanté.

    —Jenefaispluspartiede lapolice,alorsvousn'avezpas ledroitdemeretenirici.

    —Sachezquejenetraitepasuniquementdesreprésentantsdel'ordre.

    —Alors,qu'onm'assigneunnouveaumédecin.

    —C'estl'hôpitalquim'ademandédem'occuperdevous.

    —Jeveuxvoirledirecteur.

    Lerythmecardiaquesurlemoniteurdesignesvitauxs'affola.

    —Jevousenprie,monsieurPelletier,calmez-vous.

    —Jesuisattachésurunlitdansunhôpitalpsychiatriquealorsquejesuisenparfaitesantéetvouspensezquejevaisdemeurerserein ?Jevousordonnedemerelâchertoutdesuite !

    —Jenevousrendraivotrelibertéquelorsquevousm'aurezconvaincuquevousn'êtesplusundangerpourlasociété.

    —Mélissa,dis-luiquejenesuispasfou,imploralepauvrehomme.

    Sonanciennecompagnearquaunsourcilétantdonnéqu'ilvenaitdeluidirequ'ill'avaitlui-mêmeassassinée.

    — Tu as besoin de ce répit, Christian, lui dit-elle pour l'encourager.Tires-enprofit.

    — Je ne suis pas dans un hôtel des Caraïbes ! Je suis retenu contremongréparunvraifou !

    Edelmanallachercheruneseringuesurleplateauroulantetlaplantadansunpetitflacondeliquidetransparent.Christianécarquillalesyeuxavecterreur.

    —Non !Jesuislucide !Jevousdéfendsdem'injecterquoiquecesoit !Faisantlasoudeoreille,lemédecins'approchadelui.

  • —Mélissa, si tu ne peux rien pourmoi, appelle mon père ! supplial'ancienpolicier.

    La fine aiguille s'enfonça dans son bras sans qu'il puisse l'enempêcher.

    —Dèsquevousserezpluscoopérant,nouspourronscommencervotreréhabilitation,indiquaEdelmansuruntondogmatique.

    —Jenesuispasmalade !Jesuisplussaind'espritquevous…—Faitesdebeauxrêves,monsieurPelletier.

    Mélissaquittalapiècepourquelemédecinnelavoiepasessuyerseslarmes.Celui-cirefermalaportederrièreluietseplantadevantlajeunefemme.

    —Combiende temps le garderez-vous ici ? s'enquit-elle en adoptantunairbrave.

    —C'estdifficileàdire,maisconsidérantsonindocilité,cepourraitêtretrèslong.

    —Jeleconnaisdepuislongtemps,docteurEdelman,etjenecroispasqu'ilaitperdularaison.

    — Il aperçoit pourtant des sorciers et des fées là où vous n'en avezjamaisvu.

    — Je suis seulement plus circonspecte que mon collègue quand jerédigemes rapports,mais j'ai assisté auxmêmes phénomènes que lui,mêmesijenepeuxpaslesexpliquer.

    —Des gargouilles volantes et desmages noirs qui tuent les gens ens'infiltrantdansleurtête ?

    —Et plus encore. Je vous enprie,même si vous refusez de croire àtoutesceschosesétranges,essayezdegarderl'espritouvert.LemondeabesoindecourageuxsoldatscommeChristian,encemoment.

    —Oui,biensûr…

    —Pourrai-jeluirendrevisiteaussisouventquejelevoudrai ?—Certainement,maisàconditionquevousmepréveniezàl'avanceet

    quevousnel'encouragiezpasdanssesdélires.

    —Merci,docteur.

  • Malgré cette promesse, Mélissa ne pouvait s'empêcher de ressentiruneprofondetristesse tandisqu'elleretournaitàsavoiture.Depuisqueles ponts avaient été démolis, la grande majorité des gens qui lestraversaient jadispouraller travailler avaientplutôt trouvédes emploissurl'îledeMontréaletsedéplaçaientsurtoutentransportsencommun.Le prix de l'essence était devenu trop élevé pour qu'ils utilisent leursvoitures.Ilétaitdoncplusfacilepourlesvéhiculesdepoliceetdeservicesd'urgencedecirculerdanslaville.

    Des funérailles avaient eu lieu pour les victimes des attentatsterroristes partout dans le monde. Les architectes s'empressaient dedessinerlesplansdespontsquiremplaceraientceuxquigisaientaufonddes cours d'eau. À certains endroits, des traversiers permettaient auxautomobilesdelesfranchir,maispasdanslespaysnordiques,oùlaglacecommençaitàpeineàfondre.

    Mélissa rentra à l'appartement qu'elle avait partagé pendant uncertaintempsavecsonanciencollègueetamant.Ilétaitpartiavectoutessesaffaires,maiselleavaitconservéunephotographiedeluiqu'elleavaitfaitencadrer.Elleselaissatomberdanslesofaetlapritdanssesmains.Christian Pelletier était un homme séduisant, surtout lorsqu'il souriait.« Pourquoi m'a-t-il dit qu'il m'avait tuée ? » se demanda-t-elle. Si lepsychiatren'étaitpasarrivéaussirapidementdanslachambred'hôpital,elleauraitsansdouteeuletempsdequestionnersonamiàcesujet.«Quid'autre pourrait être au courant ? » Le visage de Tatiana Kalinovskyapparutdanssespensées.

    — Pourquoi n'y ai-je pas songé ? s'exclama-t-elle en sortant sontéléphonecellulairedesonsacàmain.

    Elle retrouva le numéro de la guérisseuse dans ses contacts et lesignala en espérant qu'elle puisse l'éclairer. Tatiana elle-même luirépondit.

    —Jesavaisquevousalliezm'appeler.

    —Maiscomment ?—Monpetitdoigtmel'adit.

    — Alors, vous devez déjà être au courant que Christian est endifficulté.

    —Jem'endoutais,puisquesesamislecherchent.

  • —Ils'estévanouiàlastationdepoliceetmonchefl'afaittransporteràl'hôpital,d'oùonl'atransféréenpsychiatrie.Ilestattachésursonlitetl'attitude de son médecin me laisse penser qu'il y restera pendant delonguessemaines.

    —Jevois.

    — Madame Kalinovsky, c'est parce que Christian a fait preuved'incohérencequ'ils'estretrouvédanscettesituation.Ilprétendm'avoirtuée.

    —Ilm'aracontécettehistoireet lefaitquejevousparlemaintenantprouvemathéoried'undémonayantprisvotreapparence.

    —Jecroyaisquevousaviezvainculesorcier.

    — Le Mal n'a aucune difficulté à recruter de nouveaux serviteurs,inspecteurDalpé.

    —Maispourquoimoi,etcomment ?—Ledémonqu'affrontaitChristianasansdoutevuvotrevisagedans

    ses souvenirs et il s'est servides sentimentsqu'il éprouvait enversvouspourluifairedumal.

    —Ladernièrefoisquenousnoussommesparlé,jeluiaipourtantditquec'étaitfinientrenousetquejenevoulaisplusqu'ilm'appelle.

    —Cen'estdoncpas vousqui avez enquêté sur lemeurtredeJudithWakandaperpétréàsonappartementdelaruedesErables ?

    —Non.

    —Etpourtant,ilvousyarencontrée.Vousétiezfâchéequ'ilparteavecla fillette qui a survécu, sans doute parce que c'était elle que voulait ledémonquiavaitprisvotreforme.

    —Christianauraitdûsavoirquelorsquejesuisautravail,jemaîtriseparfaitementmesémotions.Ques'est-ilpasséensuite ?

    — Vous vous êtes donné rendez-vous dans un restaurant, maismonsieurPelletiercraignaitd'êtrerepéré,alorsils'estremisenrouteetilvousappeléeenrenfort.Vousluiavezdemandédes'arrêtersurunterrainvacantenluipromettantquedespoliciersyseraientpourintercepter lavoiturequilefilait.

    —Maisj'imaginequ'iln'yavaitpersonne…

  • —Eneffet. Il s'est retrouvécoincéparune limousinenoirequevousconduisieztandisqu'unautredémon,assisàcôtédevous,attaquaitsoncamionàcoupdeboulesdefeu.

    —DouxJésus…

    —Iln'apaseud'autrechoixquedesedéfendre.Ilaprissonpistoletetilatirédanslafenêtreduconducteursanssedouterquec'étaitvous.

    —Maiscen'étaitpasmoi !—L'autredémonaouvert laportièreetvousapousséedehorsavant

    deprendrelafuite.Christians'estprécipitéauprèsdevous.VousluiavezalorsditqueNarciziuLansings'étaitemparédevotreâme.

    —Etilm'acrue ?—Ilacrucequevoyaientsesyeux.

    —Maintenant,jecomprendstout.

    —Àmontourdevousposerlaquestionàlaquellevousvousattendezsûrement:êtes-vousbienMélissaDalpé ?

    —Jenepeuxpasvousenvouloird'êtreméfiante.J'agiraisdelamêmefaçon.Commentpourrais-jevousleprouversidesdémonssontcapablesd'emprunter notre apparence et de deviner les sentiments que nouséprouvonspourd'autrespersonnes ?

    — Ils ne peuvent heureusement pas remonter très loin dans lessouvenirs de leurs victimes.Alors, dites-moidansquelles circonstancesnousnoussommesrencontrées.

    —Je suisallée chezvous, àSaint-Juillet,pourprendre ladépositiond'AlexeiquivoulaitfairejeterleJaguarenprison.

    —Comments'appellelepetitcopaindemanièce ?—Matthieu.

    —Alors,laMélissaqueChristianavuemourir,cen'étaitpasvous.

    — C'est bizarre à entendre,mais çame rassure. Queme conseillez-vousdefairepourChristian ?

    —Seulunmembredesafamillepourraitintervenir,àmonavis.

    —Jeconnaissonpèreetjesaisqu'ilaunesœur.

  • —Commencezparlui.Pendantcetemps,jevaisprévenirsesamisdesafâcheuseposture.

    — Merci, madame Kalinovsky. Je vous tiendrai informée de mesprogrès.

    —J'ycomptebien,madameDalpé.

    Mélissaraccrochaetremitsonmanteau.Letempsétaitplusdouxencedébutdemai,maisilétaitimportantdesecouvrirpournepasattraperfroid. Avant de se diriger vers Ahuntsic, elle fit d'abord un saut à lastationdepolice.Personnenesemblas'étonnerdelavoirs'yprésenterunjourdecongé.Elle jetauncoupd'œil endirectionde laparoivitréedubureaud'OlierFontaine.Ilétaitautéléphoneetsemblaittrèsconcentré.Mélissa s'empressa de se glisser à son pupitre. Sur son ordinateur, elleconsulta la listedesmeurtres lesplus récents sur le territoire et trouvaeffectivement celui de JudithWakanda. Elle accéda au dossier et reçuttout un choc en constatant que c'était bel et bien elle qui avait menél'enquête.Lemeurtriern'avaitpasétéretrouvé,findel'histoire.

    « Mais comment est-ce possible ? J'étais sur une autre enquête cejour-là !»Mélissan'allaitcertainementpasdemanderàsonchefs'ilavaitobservé chez elle un comportement étrange depuis les dernièressemaines,sinonellerisquaitdeseretrouverdanslemêmeétablissementque Christian. Elle nota toutefois le nom des policiers qui l'avaientaccompagnée sur la rue des Erables avec l'intention de les questionnerplus tard. Ce qui pressait, c'était de faire sortir son ancien amant del'hôpitalavantqueledocteurEdelmannelerendevraimentfou.

    Elle fouilla ensuitedans ses contacts et retrouva l'adressedePriamePelletier.Ellelanotasurunboutdepapierets'assuraqueFontaineétaittoujours occupé avant de quitter les lieux sans attirer l'attention. Enreprenantplacedanssavoiture,elleneputs'empêcherderéfléchirauxconséquences que pourrait avoir cet emprunt de corps par les démons.Qu'arriverait-il si l'und'euxdécidaitdese fairepasserpour ledirigeantdupays ?Ellefrissonnad'horreuretfitdémarrerlemoteurpourarrêterd'ypenser.

    Mélissa ne savait pas comment elle allait annoncer la nouvelle àPriamePelletiersansl'ébranler,maisilétaitsansdoutelaseulepersonne

  • àpouvoirsauversonfils.Elleappuyasurlasonnetteetattendit.Laportes'ouvritsuruneversionplusâgéedeChristian.

    —Mélissa !s'exclama-t-iljoyeusement.Entrez,jevousenprie.Sansluidonnervraimentlechoix,illatiradanslevestibule.

    —J'imaginequevouscherchezChristian.

    —Non.Jesaisoùilestetj'aibesoindevotreaidepourlelibérer.

    —Qu'est-cequ'ilaencorefait ?Priame la fit passer au salon, dont les murs étaient tapissés de

    photographiesdesesdeuxenfants,deleurenfanceàl'âgeadulte.

    —Est-ceenrapportavecseshistoiresdesorciersetdedémonsetsesrêvesprémonitoires ?

    —Vousêtesaucourant ?s'étonnaMélissa.—Nous n'avons pas de secrets l'un pour l'autre. Ilm'a dit que si la

    police apprenait qu'il peut prédire des catastrophes, elle le jetterait enprison.Est-celàqu'ilsetrouve ?

    — J'ai bien peur que ce soit pire encore. Il a été enfermé dans unhôpital psychiatrique sur recommandation de mon patron et d'unmédecindontilarefusélestraitements.

    —Monfilsaétéinterné !s'écriaPriameendevenantrougecommeuneécrevisseaprèscuisson.Donnez-moilenomdecetimbéciletoutdesuite.Ilsvontvoirdequelboisjemechauffe.

    —Avant,ilseraitpréférablequejevousracontecequil'amenélà.

    MélissaluirépétaaussifidèlementquepossiblelesproposdeTatiana.Elle s'attendait à ce que le vieil homme éclate de rire,mais il demeuraattentifjusqu'àlafindesonrécit.

    —Est-cequevousmecroyez ?osademanderlajeunefemme.— Bien sûr que je vous crois. Après que Christianm'ait avoué qu'il

    voyaitl'avenirdansdessonges,j'aifaitdesrecherchessurInternetetj'aidécouvertqu'iln'estpaslaseulepersonneàpossédercecurieuxdon.Jenesavaispas,parcontre,qu'ilavaiteudesdémêlésavecdesdémonsetqueceux-cipouvaientadopterlestraitsdeleurchoix.

    Priamefronçalessourcils.

  • —Êtes-vousbienlavéritableMélissaDalpé ?—Jevousjurequeoui.

    La femme policier lui donna tous les renseignements dont il auraitbesoinpourfairelibérerChristian.

    — Alors, tout ce que j'ai à faire, c'est de parler au directeur del'hôpital ?vérifia-t-il.

    —Théoriquement,oui.Vousêtes lepèredeChristianetvousavez ledroitd'exigerdesexplicationssursoninternement.S'ilest incapabledeprouverqu'ilestfouàlier,ilseraobligédevouslerendre.

    —Jem'ymetstoutdesuiteetmercidem'avoirprévenu.Jemeseraisdemandépendantdessemainespourquoimonfilsnemedonnaitaucunenouvelle.

    IlreconduisitMélissajusqu'àlaporte.

    — Je sais bien que ça neme regarde pas,mais est-ce que vous êtesencoreamoureux,touslesdeux ?

    — Amoureux, oui, mais nous ne cheminions plus dans la mêmedirection.

    —Moinonplusjen'auraispasvoululesuivrechezdesdémons,voussavez.

    Ellel'embrassasurlajoueetexigeaqu'illuifassepartdesrésultatsdesesdémarchesaussivitequepossible.

  • S

    Chapitre2

    urlerangoùilshabitaient,AlexeietDaniellerevenaientd'unepromenadedesantéaveclapetiteAnyaemmaillotéedansune

    écharpesurlapoitrinedesonpère.Elleallaitbientôtavoirtroismoisetsesparentsinsistaientpourluifairerespirerdel'airfraischaquefoisqu'ilsenavaientl'occasion.LescheminsavaientcommencéàsécheràSaint-Juilletetceuxquis'yrisquaientnes'enfonçaientplusdanslabouejusqu'auxchevilles.

    —Quand commencera-t-elle à utiliser ses pouvoirs de fée ? s'enquitDaniellequiavaitpassélebrasautourdelatailledesoncompagnon.

    —Sielletientdemoi,çanesauraitplustarder.Sic'estdeTatiana,pasavantcinqansetsic'estd'Alexanne,çaprendraquinzeans.

    Son souriremoqueurn'échappapas àDanielle.Depuisqu'ils étaientensemble,Alexeiavaitapprisà sedétendreetànepas toutprendreausérieux. Malgré l'absence d'unmodèle masculin durant son enfance, ilsavait instinctivement comment s'occuper de sa fille. Anya était encoreminuscule, mais elle savait exactement ce qu'elle voulait et commentmanipulersesparentspourl'obtenir,surtoutAlexei.Ilnerefusaitrienàcetteenfantquiavaitsesyeuxbleus.

    Le couple venait à peine de s'engager dans l'allée qui menait à lagrandemaisondebriquesrougesquel'homme-loupsentitlatensionquiyrégnait.

    —Qu'ya-t-il ?demandaDaniellequiavaitvuchangerl'expressionsursonvisage.

    —Unemauvaisenouvelle…

    Toutefois, Alexei n'accéléra pas, afin de ne pas réveiller Anya quidormaitcontre lui.Dans levestibule, il laissaDanielledétacher la largebanded'étoffeetluiremitlapetite.

  • — Tu m'as promis d'arrêter de me protéger, lui rappela la jeunefemme.Jeveuxl'entendreenmêmetempsquetoi.

    Ils trouvèrentTatianaassiseausalon.Elle fixait le téléphonesans filposé sur la table basse comme si elle s'attendait à ce qu'il se mette àsonner. Danielle prit place dans le fauteuil à bascule, tandis qu'Alexeis'agenouillaitsurlacarpettedel'autrecôtédelatable.

    —Quiestendifficulté ?demanda-t-il.—Quelqu'unest endifficulté ? s'étonnaAlexanneen entrantdans la

    pièceavecSara-Anne.

    Lesdeuxfillesallèrents'asseoirprèsdelaguérisseuse.

    —ChristianPelletier.

    Elle leur apprit qu'il avait été enfermé dans un asile d'aliénés aprèsavoirperduconscienceàlastationdepoliceenapercevantMélissadanssonbureau.

    —J'auraisprobablementeu lamêmeréactionsiMatthieuétaitmortdansmesbrasetquejel'avaisrevuvivantquelquesjoursplustard,révélaAlexanne.

    —Surtout s'il était tombé en cendres sous tes yeux, ajoutaDanielle,horrifiée.

    —Lesgenspeuventvraimentreveniràlavie ?demandainnocemmentSara-Anne.

    —Non,répondirenttouslesadultesenmêmetemps.

    — Nous nous pencherons sur le cas de Mélissa plus tard, coupaTatiana. Ce qui doit nous préoccuper maintenant, c'est le sort deChristian.C'estunhommeobstiné et s'il tient tête auxmédecins, il y afortàparierqu'ilsluiferontprendredepuissantsmédicamentspourfairefléchirsavolonté.

    —Commentpeut-onlefairesortirdelà ?s'impatientaAlexanne.—Ilfautêtreunmembredesafamillepouradresserunetellerequête

    au directeur de l'hôpital et rien ne nous assure que ce dernier le laissepartir pour autant. Mélissa va demander au père de Christiand'intervenir.

  • — Tu doutes du résultat de ses démarches, n'est-ce pas ? compritAlexei.

    — Je suis rarement d'accord avec tes méthodes, petit frère, mais jecommence aussi à penser qu'un plan d'évasion s'impose. Si Christianrestetroplongtempsàcetendroit,ilsfinirontparlebriser.

    —Non,jeneveuxpasça.

    — Il faudrapar contrequ'uneéventuelleopérationde sauvetage soitmenée avec beaucoup de doigté. Il est hors de question de défoncer laporteprincipaleetd'assommertousceuxquivousempêcheraientdevousrendrejusqu'àlui.

    — Je suis certain que l'équipe de madame Bastien connaît d'autresfaçonsdeprocéder.

    — N'est-ce pas illégal de kidnapper quelqu'un dans un hôpitalpsychiatrique ?s'inquiétaAlexanne.

    —J'allaisjustementlementionner,l'appuyaDanielle.

    —Sansdoute,reconnutTatiana,maiscommentChristianarrivera-t-ilàprouverpar lui-mêmequ'ilestsaind'espritalorsqu'ilaréellementvudeschosesquinesontpascenséesexister ?

    —Ilrefuseradementir,mêmepoursauversavie,ajoutaAlexei.

    —Vouspourriezvousretrouverenprisonsivousmanquezvotrecoup,l'avertitAlexanne.

    —Quandoncroitvraimentàquelquechose,ilfautaccepterdecourirles risquesqui s'y rattachent.Jevaisaller chercherChristianavantquelesmédecinsluibrûlentlecerveau.

    —Ilsn'irontpasjusque-là,voyons,protestasanièce.

    —Veillesurlafamilleenmonabsence.

    —Tuveuxencorem'écarterd'unemissionexcitante ?—Pourl'instant,dumoins.Ilfautquequelqu'unrestepourveillersur

    lamaison.

    —Quandvas-tuarrêterdemetraitercommeunedemi-fée ?—Lesenfants,çasuffit,lesavertitTatiana.

  • Alexanne grommela son mécontentement et alla s'asseoir àl'ordinateurpourcompléteruntravailscolaire.

    —Moi,est-cequejepeuxyaller ?suppliaSara-Anne.—Quandtuserasplusgrande,l'avertitAlexei.

    —Maisjesuismédium !Unseul regardde l'homme-loup lui fit comprendrequ'il était inutile

    d'insister. Elle se colla contre l'épaule de Tatiana, aussi déçuequ'Alexanne.

    —Profitedetajeunesse,luimurmuralaguérisseuse.

    AlexeiembrassaDanielle,puissafille.

    — Je ne peux pas prendre cette décision pour l'équipe, alors je vaist'appelerplustardpourtedirecequ'elleal'intentiondefaire.

    —Soisprudent.

    —Est-ceque jepeuxaumoins tereconduirechezmadameBastien ?tentaAlexanne.

    —Non,refusaAlexeienquittantlesalon.

    Ilconnaissaitdesraccourcisdans la forêtqui luipermettraientdeserendre encore plus rapidement chez la Huronne sur ses deux jambesqu'en voiture. Sans perdre de temps, il enfila sonmanteau et quitta lamaison.Sapropreexpériencedespsychiatres,lorsduprocèsduJaguar,n'avaitpasété trèsagréable. Ilpouvaitdéjà imaginercommentsonamipolicier réagirait devant leurs interminables questions et leur agaçantemaniededéformerlavérité.

    Lorsqu'ilaboutit finalementsur larouteoùsesituait la logeAdhara,Alexeiaccéléralepas.Ilremontal'alléeencourantetvitChaytonsousleporche.

    —Noust'attendions,luiditl'Amérindienenluiouvrantlaporte.

    —C'estTatianaquivousaappelés ?—Non,c'estOphéliaquiaeuunevisiondetonarrivée.

    IlconduisitAlexeidirectementdansl'ascenseurquimenaitaugrenier.Lyetteenavaitmodifiélesystèmedesécuritépourquetouslesmembresdel'équipepuissentl'utiliseràleurguise.Sachiko,OphéliaetChaytonse

  • trouvaientdéjàautourdelagrandetable.Sylvain,quiavaitdéménagésapetitefamilleàSaint-Juillet,allaitbientôtêtrelà.

    —Cequ'Ophéliaavuestdoncvrai,sedésolaLyette.

    — Christian est retenu prisonnier dans un hôpital pour les fous,confirmaAlexei.

    Illeurracontacequ'ilsavaitdecettecurieusehistoire.

    —J'aivulafemmesechangerencendres,confirmaSachiko.

    —Maiselleesttoujoursvivante ?cherchaàcomprendreChayton.— Elle n'est jamais morte, expliqua Lyette. Un démon s'est tout

    simplementemparédesonidentitépourmystifierChristian.

    Sylvain sortit de l'ascenseur et alla s'asseoir à sa place. Sachiko luirésumalasituationenquelquesmots.

    — Qu'attendons-nous pour sortir Christian de là ? proposa lejournaliste.

    Ilsseportèrenttousvolontaires.

    — Si quelqu'un peut y arriver, c'est moi, trancha Sachiko. Ce genred'opérationfaitpartiedel'entraînementquej'aireçu.Personnenesauraquej'étaislà.

    —Sauflescamérasdesécurité,évidemment,luirappelaSylvain.

    —Lesninjasmodernes savent ce qu'elles sont et ce qu'elles font. JesaisquevousaimeztousChristianetquevousêtesprêtsàrisquervotreviepourl'arracherauxgriffesdesesennemis,maislaprésenced'untropgrand nombre d'entre nous ne ferait qu'attirer l'attention du personnelsoignant.

    —Enplusdemettrel'existencedecettelogeenpéril,ajoutaLyette.

    —Vousêtesdoncd'accordavecSachi ?sedésolaOphélia.— Vous possédez tous de grandes forces, surtout Alexei, mais si

    quelqu'unpeutnousramenermonsieurPelletier,c'estelle.

    L'homme-loupnecachapassadéception.

    — Elle aura toutefois besoin d'une voiture pour prendre la fuite etj'aimeraisbienquecesoitsaJeep,abandonnéenonloindelastationde

  • police, continua Lyette. Monsieur Paré, accepterez-vous d'en être lechauffeur ?

    —Biensûrqueoui,maiscommentlaretrouverons-nous ?—GrâceàsonGPS.

    —Etcommentnousyrendrons-nous ?—Enautobus,réponditSachiko.Commejeviensdevousledire,ilest

    impératifdenepasnousfaireremarquer.

    —Préparez-vousàpartir.

    Sachiko bondit de son siège la première, afin d'aller revêtir desvêtementsquiluipermettraientdepasserinaperçue.LyetteremitalorsàSylvainlacléderechangedelaJeepde.Christian,qu'elleavaitconservéelorsqu'elleluiavaitachetélevéhicule.

    —Ai-jebesoindevousrecommanderlaplusgrandeprudence ?—Jepensequevotrepetite-filleseferaundevoirdemelerépéterau

    moinscentfoisjusqu'àcequenousarrivionsàMontréal.

    — Si vous voulez bienm'excuser, j'ai besoin de lui parler avant sondépart.

    Lyette remit le GPS à Sylvain et quitta le grenier à son tour. Nerestaientplusdevantlejournalistequelesmédiumsetl'homme-loup,etleurairlugubren'étaitguèrerassurant.

    — C'est peut-être le bon moment de me raconter la suite de vosvisions,lesprialejournaliste.

    —Personnellement,jesaisquevousréussirez,avouaChayton,mais…

    —Mais ?lepressaSylvain.—Jenesuispascertainquevousreviendreztousdecetteépreuve.

    —Nousnesommesquedeux,alorsquiest«tous» ?— Monsieur Maïkan s'exprime mal, intervint Ophélia. Christian

    traverseunepériodedegranddésespoiretilsepeutquelesauvetagenesoitpassuffisantpourl'entirer.

    —Est-cequevouspourriezarrêterdememénager,touslesdeux ?sefâcha Sylvain. J'ai un fils qui va avoir deux ans et j'ai envie de le voir

  • grandir. Alors, si vous entrevoyez que je me fais tuer aujourd'hui ouemprisonneràvie,ceseraitvraimentlemomentdemeledire.

    Jenesuispasleseuldétenteurd'unpermisdeconduire,ici.

    — Tout ira très bien, à condition que vous suiviez les conseils deSachiko,affirmaOphélia.

    ***

    Pendant que les médiums tentaient d'expliquer leurs révélations àSylvain,Lyetteentraitdanslachambredesapetite-fille.

    — Tu t'inquiètes pour rien, sobo, fit Sachiko en remontant lafermeture-éclairdesacombinaisonnoireentissuélastique.

    —Lesninjast'ont-ilsparlédesdroguesqu'onadministreauxpatientsrécalcitrants ?

    —Non.Ilsm'ontmontréàmefaufileroùjeledésireetàréussirlàoùlesautreséchouent.

    —Alors,laisse-moiparfairetonéducation,jeunefille.

    Elleouvritdevantelleunepetitetroussequicontenaituneseringueetplusieursfiolesclairementétiquetées.

    —Lepremiermotsurchacundesflacons,c'estladroguequ'onapeut-être injectée àmonsieurPelletier et le second, c'est l'antidote.Consultesondossierunefoissurplace.Tunepourraspaslefairesortirdel'hôpitals'ilestdansunétatcatatonique.

    —Biencompris.Cesdroguesagissent-ellesrapidement ?—Unedizainedesecondesenviron.

    —C'estacceptable.

    LyetterefermalapochetteetlatenditàSachiko.

    —Faisbienattention,mapetitekunoichi.—Tumeconnaismieuxqueça.

    Lyetteétreignitsapetite-fille.

  • —Ajoutezuncouvertdeplus,cesoir,l'encourageaSachiko,carjevousramèneChristian.

    Enfinprête,lajeunefemmedévalal'escalier,aupiedduquell'attendaitSylvain.

    —ChaytonvanousreconduireàSaint-Jérôme,l'informa-t-il.

    —Parfait,mais ildevranousdéposeràaumoinsundemi-kilomètreduterminusd'autobus.VoussavezoùsetrouvelaJeep ?

    —Oui, j'ai jeté un coup d'œil aux informations fournies par leGPS.Bonnechance.

    IlsgrimpèrentdanslavoituredeSylvain,queChaytonramèneraitàlalogeunefoisqu'ilauraitlaissédescendresespassagers.

    — Qu'est-ce que vous avez réellement vu ? demanda finalement lejournalisteaprèsplusieursminutesdesilencesurlaroute.

    —Desformesgéométriques.

    —Pasétonnantquejenefassepaspartiedecetavenir,alors.C'estunesciencedanslaquellej'étaispourriàl'école.

    —Ophéliaaraison:jevoistroploin.

    Chayton arrêta le véhicule sur la rue Parent et serra chaudement lamaindeSylvain.

    —Onserevoitcesoir !lançalejournalistepourserassurer.Il marcha près de Sachiko sur le trottoir en bavardant avec elle,

    commes'ilsétaientdevieuxamis,pourquepersonneàSaint-Jérômenesoupçonne leurs plans, tandis qu'ils se rapprochaient du terminusd'autobus.

  • T

    Chapitre3

    andisqueSylvainmarchaitendirectionduterminusd'autobusavecSachiko,ilrepensaitàtoutcequis'étaitditaudébutdelajournée.

    Afind'êtreperçuscommedevieuxamis,illuifallaitbavarderaveclajeunefemmesansmanifesterlamoindrenervosité,mêmesileurbutétaitdeprocéderàunenlèvement.«Aussibiensatisfairemacuriosité»,songeaSylvain.

    —Jem'intéresseauxphénomènesinsolitessurtoutelaplanètedepuisdenombreusesannéeset j'ignoraisqu'il yavait encoredesninjasactifsdanslemonde,laissa-t-iltomber.

    —C'estsansdouteparcequenousnesommespasinsolites,répliqua-t-elleavecamusement.

    Elleportaitunmanteaudeprintempsgrispar-dessussacombinaisonnoireetunjolibéretquiluidonnaitunaird'étudiante.

    —Vousêtesdoncdessamouraïsdestempsmodernes ?— Pas du tout ! C'étaient des guerriers dont le comportement était

    dictépardesrèglestrèsstrictes,quisebattaientdemanièrenobleetsansdétour. Ils affrontaient leurs ennemis face à face, au grand jour. Leurhonneurpassaitavanttoutets'ilsvenaientàleperdre,ilsétaientforcésdesesuicider.Lesninjassont tout lecontraire.Nousévitons lecombatdirectdetouteslesfaçonspossibles.Pournous,lafinjustifielesmoyens.Noussommespassésmaîtresdessubterfugesetdesstratagèmes.

    — Vous n'êtes pas les assassins vêtus de noir dotés de pouvoirssurnaturels, experts dans tous les artsmartiaux, que l'on voit dans lesfilms ?

    — Oui, parfois, mais nous sommes surtout des mercenaires quimaîtrisentl'artdelafurtivité.

    —Jamaisjen'auraiscruquelesfemmespouvaientenfairepartie.

  • —Parcequel'histoiren'enapasbeaucoupparlé,puisqu'ellesfaisaientrarement partie des commandos. Elles s'infiltraient plutôt chez leursennemis pour les espionner, les compromettre ou les tuer. Ne vousméprenezpas:ellesrecevaientlemêmeentraînementrigoureuxqueleshommes.

    —Qu'as-tuappris ?—Lecombatàmainsnues,àl'épée,aubâton,àlalanceetàlachaîne,

    la manipulation du feu et des explosifs, le déguisement, les méthodesd'infiltration,l'évasion,ladissimulationetlamaîtrisedesesémotionsentoutescirconstances.

    —Maispourquoiune jeuneCanadiennea-t-elle soudaineuenviedes'exilerenAsiepourallerétudiertoutça ?

    —Pour combattre leMal et protégerma sobo. ..ma grand-mère, et,aujourd'hui, pour arracher à ses ennemis un homme qu'elle aimebeaucoup.

    —Vousn'éprouvezjamaislapeur ?— Bien sûr que si, mais ça fait partie des risques du métier. Vous

    n'allezpasmedirequ'unjournalistequiexplorel'étrangenetremblepasparfoisdevantledangerauquelils'expose ?

    —Biensouvent,maissacuriositéfinittoujoursparl'emporter.

    Pendant que Sachiko achetait leurs billets, Sylvain alla acheter desboissonschaudesdansunautomate.Lesdeuxcoéquipierslessirotèrent,assis sur un banc, mais ils n'eurent pas à attendre l'autobus trèslongtemps. Ils se débarrassèrent des gobelets de carton et allèrents'asseoir tout au fond du gros véhicule. Encore une fois, le journalistelaissa errer ses pensées pendant que sa compagne pianotait sur soniPhone. Il commença par remercier le ciel que les ponts reliant la rivenorddufleuveSaint-LaurentetMontréaln'aientpasétédétruits,carunsauvetage à bord d'un hélicoptère aurait un peu trop attiré l'attention.Satisfaitedecequ'elleavaittrouvé,Sachikodélaissasontéléphoneetsemità regarderdehors.Elleavait sansdoutedéjà imaginécommentelleparviendraitàsesfins.

    — Peut-on faire confiance aux renseignements que nous a fournisMélissa ?demandasoudainSylvain,àvoixbasse.

  • —Autrementdit, est-elle lavraieMélissaquiveut sauver sonamantou ledémonquiaprissaplaceetquiveut levoirmourir ?Nousallonsbientôtlesavoir.

    IlsdescendirentàMontréaletsuivirentàpiedlesindicationsduGPSjusqu'àl'endroitoùChristianavaitlaissésavoitureavantd'allerselivrerà la police. Sylvain se glissa derrière le volant pendant que SachikoenlevaitlaplaquedelaJeep.Ellelaglissasouslesiègearrièreetcollasurla vitre un faux document temporaire, puis prit place sur le siège dupassager. Lemoteurdémarra aupremier tourde clé. Pournepas faireinutilement le tour de la ville, la jeune femme réinitialisa le GPS pourobtenirletrajetjusqu'àl'hôpitalSacré-Cœur.

    Lorsqu'ils atteignirent enfin le stationnement, Sylvain sentit sonestomac se nouer. Il avait assisté à des exorcismes, vu des spirites àl'œuvre et rencontrédes gensquimatérialisaientdes objets à partir dunéant,maisriennel'avaitpréparéàperpétrerunactecriminel.

    — Je me charge de tout, lui dit Sachiko en mettant sa main sur lasienne.Soisprêt àdémarrer en catastrophe lorsque tumeverras sortirparcetteportelà-bas.

    —AvecousansChristian ?—Iln'estpasquestionquenousrevenionslesmainsvides.

    Elleluifitunclind'œiletdescenditdelaJeep.Dansl'autobus,entreSaint-JérômeetMontréal,elles'étaitpréparéeàcettemissionenétudiantsur son iPhone les plans de l'établissement, ainsi que les heuresd'ouvertureetlalistedesmédecins.Aucund'entreeuxneluiressemblaitsuffisammentpourqu'ellepuissel'incarner.

    Toutenmarchantverslaporte,elles'ouvritauxinformationsqueluirenvoyait l'univers. C'est alors qu'elle vit une jeune femme d'origineasiatique habillée en infirmière, qui descendait de sa voiture.Subtilement,Sachikolasuivitjusqu'àl'intérieur,dansunesalleréservéeau personnel. Sans bruit, elle verrouilla la porte derrière elle pour quepersonnenelasurprenne,puiselles'approchadesaproie.

    Exerçantunepressionavecleboutdesesdoigtssursanuque,Sachikofit perdre connaissance à l'infirmière, puis la déshabilla et enfila sesvêtementspar-dessussacombinaisonnoire,avantd'enfermer lapauvrefemmedans lasalledebain.Elleaccrochasonmanteaudansuncasier,

  • coiffa rapidement ses cheveux à la façon de sa victime et déposa seslunettesrondessursonnez.Apartirdecetinstant,ellen'avaitplusuneseulesecondeàperdre.

    Sachiko sortit de la pièce et se dirigea tout droit vers un poste degarde. Elle allait inventer une excuse pour éloigner l'infirmière qui s'ytrouvait,lorsqu'unmédecinlaréclamaàgrandscris.Vivecommel'éclair,lakunoichi profitade sondépart et consulta sonordinateur.Elle trouvarapidement les informations dont elle avait besoin pour terminer samission : lenumérode la chambredeChristianet lenomde ladroguequ'onluiadministrait.Elleremitl'écranàsonétatoriginaletfonçadanslecouloir.Unfauteuilroulantavaitétéabandonnéprèsdelaported'unesalle d'examen. Sachiko s'en empara et le poussa dans la caged'ascenseur.

    Christian se trouvait au deuxième étage et venait apparemment derecevoir une autre dose de médicaments. Les yeux bridés de la jeunefemmescrutèrentl'étagetandisqu'ellesortaitdel'ascenseur.Unmédecinpassaprèsd'elleetne luiaccordamêmepasunregard.Forméeparsesinstructeurs japonais à jouer des rôles pour endormir les soupçons del'ennemi, la kunoichi s'acquittait fort bien de celui d'infirmière. Ellepoussa doucement la porte de la chambre deChristian et jeta unœil àl'intérieur.Ilétaitseul,allongésurunlit,pâlecommelamort.

    Sachiko roula le fauteuil près de l'ancien policier et consulta lesmoniteurs en un clin d'œil. Dès qu'elle débrancherait celui du rythmecardiaque,lepostedegardeseraitalerté.Ceseraitdoncladernièrechosequ'elleferait.Ellesortitlapetitetroussecachéesoussablouseblancheetenretiralaseringue.Elleplongeal'aiguilledanslafiolecorrespondantausomnifère mentionné dans le dossier de Christian, puis, tout encontinuant d'épier les bruits sur l'étage, elle injecta l'antidote à soncoéquipier,quinemitquequelquessecondesàreprendreconscience.

    —Sachi ?—Plus un seulmot, ordonna-t-elle. Fais ce que je te demande sans

    poserdequestion.

    Christian avait du mal à comprendre ce qui se passait, mais laconfiance qu'il accordait à cette guerrière suffit à lui faire garder lesilence.

  • —Metsd'abordtespiedssurleplancheretnefaisaucunbruit.

    Incommodéparlapetitequantitédemédicamentsquicirculaitencoredanssesveines,l'ancienpolicierfitdesonmieuxpourglissersesjambessurlecôté.ToutenmaintenantlapincedesaturationauboutdudoigtdeChristian,Sachikoparvintàl'installerdanslefauteuil.Dèsqu'ilfutprêtàpartir,elleledébranchaetlepoussarapidementverslaporte.

    Afin de ne pas faire circuler Christian devant le poste de garde, quiallait bientôt entrer en état de panique, elle recula dans un placard.Comme elle s'y attendait, un commando de médecins et d'infirmièrespassaencourantdevanteux.Sachikofonçaversl'ascenseur.Mêmesiellen'avaitqu'unseulétageàdescendre, ilétaitplusfaciledefairerouler lefauteuilquedesupporterChristiandansl'escalierdesecours.

    Dèsquelesportess'ouvrirent,ellesedirigeacalmementverslasortietout au bout du couloir. Son ami n'allait certainement pas apprécier lamorsure du froid, puisqu'il ne portait qu'une chemise d'hôpital, maisc'étaitlaseulefaçondelesortirdelà.

    —Arrêtez !ordonnaungardiendesécuritéderrièrelesfuyards.Sachikofouillasoussonuniformed'infirmièreetretirauntubedesa

    ceinture.Elleseretournaetsoufflaunefléchettequiselogeadanslecoudel'hommequilapoursuivait.Ils'écroulaaussitôtcommeunepoupéedechiffon. La jeune femme accéléra le pas malgré les gémissements deChristian qui avait l'estomac de plus en plus à l'envers. D'autres crisparvinrent aux oreilles de la kunoichi. Elle frappa le bouton qui ouvraitautomatiquementlesportesetsentitleventfroidsursonvisage.«Nousysommespresque.»

    Elle zigzagua entre les voitures dans le stationnement et s'arrêtaquelquespasavantd'atteindrelaJeep.Mlleouvritlaportièrearrière,tiral'ancienpoliciersursespiedsetlepoussaàl'intérieuravectoutelaforcedesesmuscles,puisgrimpadevant.

    —Fonce !hurla-t-elleàSylvain.PendantqueSachikorécupérait leurami, le journalisteavaitplanifié

    safuite.Ilfituncrochetderrièreladernièrerangéedevoituresetquittales lieuxcommedans les films,enobligeant lesautomobilistesà freinerbrusquementsurleboulevardGouinpourl'éviter.Cefutdoncaumilieu

  • des klaxons et des exclamations de colère que la Jeep fila enfin vers laliberté.

    — Ils ont sûrement eu le temps de noter le numéro de la plaque,grommelaSylvain.

    —Çam'étonnerait,répliquaSachikoenlaramassantàsespieds.Maisils auront sans doute remarqué qu'elle n'en avait aucune, alors il fautarrêterquelquepartpourlaremettre.

    Christian émit une lamentation qui rappelait à ses sauveteurs qu'iln'étaitpastoutàfaitàsonaisesurlesiègearrière.Sylvaintournadoncdans une petite rue tranquille et se rangea sur le bord du trottoir.Pendant que sa compagne reposait la plaque sur le véhicule, il aidaChristianàs'asseoir,luifitenfilersonmanteauetattachasaceinturedesécurité.

    —Tiensbon,monami.

    —Toutvatrèsbien,murmuraChristiandontleteintétaitlivide.

    Quelques secondes plus tard, le véhicule repartait, revenant sur sespas vers l'autoroute. En plus de surveiller leurs arrières dans lerétroviseurdesaportière,Sachikodésactiva la fonctionGPSde laJeep,puis actionna sur son iPhone une application illégale lui permettantd'entendrelesconversationsentrelesvoituresdepolice.

    — Ils sont à notre recherche, annonça-t-elle à Sylvain,mais ils nousontvuspartirversl'ouest.

    Dès qu'ils furent sur l'autoroute 15, le journaliste commença à sedétendre,carSachikon'interceptaitaucunappeldepatrouilleursdanscesecteur.

    —Est-cequ'onarrivebientôt ?leurparvintlavoixfaibledeChristianenimitantlesenfants.

    SylvainetSachikoéchangèrentunsourire.S'ilavaitreprissonsensdel'humour, ilallaitseremettrerapidementdecetépisodeterrifiantdesavie.

    Lorsqu'ilsarrivèrentenfinàSaint-Juillet,Christiandormaitàpoingsfermésetsesamisdurentleréveillerpourlefairesortirduvéhicule.Ilsl'aidèrentàmarcherjusqu'àlamaisonoùlesattendaientLyette,Chayton,Ophélia et Alexei. L'homme-loup prit la relève et balançaChristian sur

  • sonépaulepourlemonteràl'étage,souslesregardsétonnésdurestedel'équipe.

    — Maintenant, on sait qui est le plus fort d'entre nous, plaisantaSylvainenlesuivant.

    Alexei laissa tomber l'ancien policier sur son lit et Lyette le couvritd'unépaisédredon.

    — Dès que les calmants se seront évaporés dans son corps, ilredeviendrafonctionnel,affirmaLyetteenpoussanttout lemondedanslecorridor.

    Ellerefermalaportederrièreelle.

    —J'aimeraisquevouslelaissieztranquillejusqu'àsonréveil,ajouta-t-elle.

    —Çavadesoi,acquiesçaChayton.

    —Toutlemondeausalon.

    La Huronne descendit la dernière pour s'assurer que personne neseraittentédeveillerdevantlaportedeChristian.

    —Toutesmesfélicitations,fit-ellequandilsfurenttousassis.

    —Jenesuispascertaindeméritercecompliment, répliquaSylvain,puisquejeviensdecommettreunacterépréhensible.

    —TouteslesJeepseressemblent,monsieurParé.Àmoinsd'avoirprisvotrephoto,lapolicenepeutpasvousrelieràcetenlèvement.

    —Nousavonsgarélavoituredansunangleoùlacaméradesécuriténevoyaitquelecôtédupassager,lesrenseignaSachiko.

    —Ahoui ?s'étonnaSylvain.—Etdetoutefaçon,j'aibrouillélescaptations.

    Ellesortitdesoncolletunpetitcubequ'elledéposasurlatablebasse.

    —Bienjoué,machérie,seréjouitLyette.

    —Etpourêtrebiencertainequ'onnepourraitpasretrouver laJeep,j'ai substitué saplaqueparunpermis temporaireque j'ai pris le tempsd'imprimeravantdepartir.

    —Demon côté, j'ai inscrit l'ancienne adresse demonsieur Pelletierdanssondossierd'immatriculationdelaSAAQajoutalaHuronne.

  • —Mais si les camérasétaientpointées sur le côtédupassager,alorsellesontcertainementfilméSachiko,s'inquiétaSylvain.

    —Cedispositifrendlesimagesfloues,expliqualakunoichienpointantlecube.Ilsdevinerontsansdoutequejesuisunefemme,maisj'aiaussifait attention de garder le dos à la caméra tandis que je me rendais àl'entrée.

    —Vousavezpenséàtout.

    —Çafaitpartiedemonentraînement.

    —Christianserarecherchédanstoutelaprovince,fitalorsremarquerChayton.

    —Sansdoute, confirmaLyette.C'estpourcette raisonqu'iln'irapassurleterrainpendantunpetitmoment,cequinousdonneraletempsdedéterminersi sonmédecinet l'ancienpatrondemonsieurPelletier fontpartieounondenosennemis.

    —Qu'est-cequivousfaitcroireça ?s'enquitSylvain.— Leur acharnement. La mission des soldats des ténèbres est de

    neutraliserleurscontrepartieslumineuses.

    —Unautresorcier ?sehérissaAlexei.—Nouslesauronsbienassezvite.

    LetéléphonedeSylvainsonnadanslapochedesaveste.Ils'empressaderépondre,croyantquec'étaitsafemmequilecherchait.

    —Avez-vousvu lebulletindenouvelles ?s'exclamaAlexannedans lehaut-parleur.

    Sachiko n'eut pas besoin qu'on lui demande d'allumer le téléviseur.Elle s'emparade la télécommandeet trouva rapidementunechaînequidiffusait des actualités toute la journée. Tout comme la kunoichi l'avaitannoncéà l'équipe, lesseulesimagesdontdisposaient lespolicierspourretrouverlesauteursdel'enlèvementétaienttoutesbrouillées.

    OnvoyaitbienlaJeepàl'écran,maisellesemblaitargentéeplutôtquenoire. Suivirent ensuite les témoignages de l'infirmière qui avait étédépouillée de ses vêtements dans la salle du personnel, du gardien quiavait été paralysé par une fléchette anesthésiante et de quelquespersonnesayantvuSachikopromenerlepatientdansunfauteuilroulant.

  • Toute l'équipes'étonnalorsque laprésentatriceannonçaqu'uneforterécompense était offerte par la police à quiconque pouvait fournir desrenseignementsmenantàl'arrestationdeskidnappeurs.

    —Ondiraitquequelqu'untientàtoutprixàcequeChristiansoithorscircuit,avançaSachiko.

    —Parcequ'ilavutropdechosesétranges ?s'étonnaOphélia.—Non…intervintAlexei.Parcequ'ildevientdeplusenpluspuissant.

    — Je suis d'accord avec monsieur Kalinovsky, indiqua Lyette. Enattendantsonréveil,jesuggèrequenousfassionsdesrecherchessurlesgensquiontorchestrésoninternement.

    Sachikobonditversl'ascenseur,suivied'Ophélia,puisdeSylvain.IlnerestaplusqueChaytonetAlexeidevantLyette.

    — Il a hérité des pouvoirs du sorcier Desjardins lorsqu'il a étépoignardé,expliqual'homme-loup.

    —Saufqueluis'enservirapourlebien,précisaChayton.IlestcertainqueçadéplairaauxdirigeantsduMal.

    — Est-ce en lien avec les formes géométriques que vous avez vues,monsieurMaïkan ?

    —Mesvisionsnesontpasencoreassezclairesàcesujet,maisjevaisméditerlà-dessus.

    —Jevousenprie.

    Alexei se leva en annonçant qu'il devait rentrer chez lui. Lyette lereconduisit à l'entrée et le remercia de les avoir mis sur la piste del'ancien policier. Elle referma la porte et poussa un profond soupir.Pourtant, elle savait depuis longtemps que les choses n'iraient pastoujourscommesurdesroulettes.

    «Ilnousfaudrapasserpartouteslessouffrancesdel'universavantdeconnaîtreenfinlebonheur»,songea-t-elleenremontantl'escalier.

  • I

    Chapitre4

    soléedanssonbureaudepuisplusieursheures,Mélissasepenchaitsurunesériedemeurtresétrangesquis'étaientproduitsnonloindesa

    stationdepolice.Lesphotographiesmontraientdesvictimesquiavaientétédévisagéesavantqu'onleurtranchelagorge.Pireencore,lerapportdumédecinlégisteindiquaitquel'armedetouscescrimesn'étaitpasuncouteau,maisunobjetenformedecrocrecourbé.«Lecapitainecrochet ?»songea-t-elle,découragée.

    Ellesentitqu'onl'observaitetrelevavivementlatête.OlierFontaine,legrandpatron,setenaitàsaporte,l'airsombre.

    —Unautrecrimereliéàmonenquête ?s'inquiéta-t-elle.—Pelletiers'estenfuidel'hôpital.

    —Quoi ?s'exclama-t-elleenfaisantuneffortsurhumainpournepassourire.

    —Avecl'aidedecomplices.

    —Êtes-vousentraindem'accuserdel'avoirsortidelà ?—Jesaisquecen'estpastoi,puisquetuétais icimêmelorsquec'est

    arrivé,maisnoussavonsqu'ils'agitd'unefemme.Alorsj'aimeraisquetunousaidesàl'identifierleplusrapidementpossible.

    — D'accord, mais expliquez-moi pourquoi c'est plus urgent que lesassassinatsquej'essaied'élucider.

    —Dansmonbureau,maintenant.

    Mélissaabandonnasesdossierssursatabledetravailetlesuivit.

    Quelqu'unl'appuiedanssafolieetc'esttrèsdangereuxpourlepublic,continua-t-ilenpianotantsursonordinateur.

    —Dequellefaçon ?Le directeur décocha à la détective un regard cruel qui lui glaça le

    sang.

  • —Voicilavidéoquenousavonsobtenue.

    Mélissalavisionnaavecattention,maisnereconnutnilasuspecte,nilevéhicule.

    —Tu connais suffisamment bien Pelletier pourme fournir une listedesfemmesquiseraientsusceptiblesdeluiportersecours.

    — C'est une blague ? Il en a fréquenté des centaines ! Etmalheureusement, j'ai exigé, pendant que nous étions ensemble, qu'iln'enmentionnejamaisuneseule !

    —LedocteurEdelmanetmoisommesd'avisqu'ilessaierad'entrerencommunicationavectoi.

    —Nousavonsrompuetnousnenousvoyonsplus.

    —Jeveuxêtremisaucourantdetoutcequetupourrasapprendreàsonsujet.

    —Oui,biensûr.Mais,àsaplace,j'auraisdéjàquittélepayspouréviterderetomberdansvosgriffes.

    —Mesgriffes ?—C'estunefaçondeparler.

    —Ceseratout.

    Mélissa s'empressa de quitter le bureau de son patron dontl'atmosphère était soudaindevenue étouffante.Elle retourna s'asseoir àsonpupitreenréfléchissantàcequivenaitdesepasser.Fontainen'avaitjamais voulu prendre Christian au sérieux quand il lui disait qu'ilcombattaitdesdémonsetdes sorciers, alorspourquoiétait-ildevenusiurgentdel'enfermertoutàcoup ?«Ilyaquelquechosequ'ilnemeditpas…»

    Sedoutantquesalignetéléphoniqueétaitsoussurveillance,autantàlastationquechezelle,Mélissanefitaucunappel.Detoutefaçon,ellenesavait pas comment joindre Christian, car on lui avait certainementconfisquésontéléphoneàsonarrivéeà l'hôpital.LesKalinovskyétaientpeut-êtreaucourantdequelquechose,maisellen'avaitaucuneintentiondelesimpliquerdanscettehistoire.

    Même si elle se sentait constamment observée, Mélissa termina sajournée de travail en s'efforçant de ne pas le laisser paraître, puis se

  • dirigeaverslecentredeconditionnementphysiqueoùelleétaitabonnée.Aprèsunevigoureuseséanced'exercices,elleallaacheterdessushisavantdemonterchezelle.Pasquestiond'utilisersonordinateurnonplus.Ellemangeaenregardantlatélévision.LapoliceallaitsûrementquestionnerPriame Pelletier, mais elle n'apprendrait rien de plus. En fait, elleessuierait sûrement une volée de reproches de la part du père de sonancienamant.«C'estàtoidejouer,Christian…»,sedit-ellefinalementavantdefilersousladouche.

    ***

    À la loge Adhara, non loin du village de Saint-Juillet, ChristianPelletieravaitfinalementouvertlesyeux.D'autressouvenirss'ajoutèrentbrusquementàceuxqui luiétaientrevenusenmémoire lorsqu'ilétaitàl'hôpital.Craignantd'êtreencoreattaché, ilseredressabrusquementenpoussant une plainte étouffée. À son grand soulagement, il constataqu'aucune entrave ne le retenait à son lit. Il regarda autour de lui enreprenantsesespritsetvitqu'ilsetrouvaitdanssachambrechezLyetteBastien.

    — Sachi…murmura-t-il en voyant défiler des images confuses de lajeuneAsiatiquedeboutprèsdeluiàl'hôpital.

    Avecdifficulté, ilparvintàseleverets'appuyacontrelemurpourserendrejusqu'à lasalledebain.Uneinterminabledouchechaudeachevade le réveiller. Il s'habilla et tournaprudemment leboutonde laporte,craignantqu'elle soit verrouillée.Voyantqu'elle s'ouvrait, il éprouvauntelsoulagementquedes larmesde joiesemirentàcoulersurses joues.«Ilfautavoirperdusalibertépourl'apprécierlorsqu'onlarecouvre»,sedit-ilens'aventurantdanslecouloir.Ilnesavaitpasquelleheureilétaitnioùsetrouvaitlerestedel'équipe.

    Au lieu de se diriger vers le grenier, il piqua vers la cuisine, car ilmourait de faim. La seule personne qui s'y trouvait, c'était Sachiko quiavait presque fini de ranger la vaisselle.Ayant entendudes pas, elle fitvolte-face.Sonvisagesedétenditaussitôtenapercevantl'ancienpolicier.Ellesejetaàsoncouetleserraàluiromprelesos.

  • —Heureusementquej'aireprismonéquilibre,plaisanta-t-il,ounousnousserionsretrouvéstouslesdeuxsurleplancher.

    Sachikodesserrasonempriseetselaissaglissersurlesol.

    —Pardonne-moi,jen'aipassumecontenir.

    —C'est plutôt confus dansma tête,mais ilme semble t'avoir vue àmonchevet.

    —Jet'aifaitsortirdel'hôpital.

    —Etilst'ontlaisséem'emmener ?—Pastoutàfait.Assieds-toi.

    Christians'installasurl'undestabouretsducomptoiretécoutalerécitdesonsauvetagetandisquesonamieluipréparaitunsandwich.

    —Sylvainettoi,vousavezprisunénormerisque.

    —Ouietnon.Çatombaitdansmescordes.

    Il avala son repas comme un loup affamé et accepta volontiers labouteilled'eauqueluitendaitSachiko.

    —Tesens-tuprêtàaffronterlerestedelameute ?letaquina-t-elle.—Plusquejamais.

    Ils grimpèrent donc au grenier. Lyette, Chayton, Sylvain et Ophéliavinrentl'étreindrechacunàsontour.

    —Oùenétions-nous ?plaisantaChristian.—Nousdiscutionsjustementdetoncas,l'informasonamijournaliste.

    Nous trouvonsvraimentbizarrequ'unhommesoit internéparcequ'il aperduconnaissance.

    —C'estcequejepenseaussi.

    —Àmonavis,c'estAlexquiaoffertlameilleureexplication.Ilditqueta puissance magique grandit de jour en jour et que les ténèbrescherchentàteneutraliser.

    —Sij'étaisaussifortqu'illeprétend,n'aurais-jepaspumesortirmoi-mêmedecemauvaispas ?

    — Pas avec tout ce qu'on vous a injecté dans les veines, monsieurPelletier, intervintLyette.Mêmelessuperhérosauraientsuccombéàunteltraitement.

  • —Superhéros,hein ?— J'ai pris la liberté de vous passer au scanner pendant que vous

    dormiezafindem'assurerquelesmédecinsnevousavaientpasintroduitunimplantquelquepart.

    —Comme lespetitschiensqu'onveutpouvoirretrouver lorsqu'ilsseperdent ?

    Même s'il tentait de faire de l'humour pour détendre l'atmosphère,Christian se rendit compte que les membres de la loge étaientvéritablementinquiets.

    —LeMalsaitsûrementquevousn'agissezpasseul,poursuivitLyette.Ilvoudrasedébarrasseraussidetousvosalliés.

    —Maisvousn'avezrientrouvédansmoncorps,n'est-cepas ?—Non.

    —Est-cequemaprésenceicimetlegroupeenpéril ?—Enfait,nousétionsentraind'envisager lasituationsousunangle

    différent,soulignaChayton.Nossuccèscontrelesdémonsassassinsnousont attiré de puissants ennemis et c'est peut-être le moment de lesfrapperalorsqu'ilss'yattendentlemoins.

    —VousparlezdudocteurFrankensteinquitravaillepourlapolice ?—Ophéliaestd'avisqu'ilyaaussidesmonstresdansvotreancienne

    unité.

    —Sil'und'euxs'appelleFontaine,alorsjesuisparfaitementd'accordavecelle,fitChristianenjetantunregardapprobateuràlamédium.

    —Nousavonseffectuédesrecherchessurcesdeuxhommes,l'informaSachiko.Leurparcoursn'indiqueriendeparticulier,cequinousporteàcroire que les puissances maléfiques se sont emparées d'eux plus tarddurantleurcarrière.

    —J'iraismêmejusqu'àdireaumomentoùjemesuisintéresséaucasd'Alexei,ilyadeuxans,ajoutaChristian.

    —C'estpossible,convintChayton.

    L'undesmoniteurssemitàlancerdesbipsaigus.Sachikos'empressad'allervoircequ'ilavaitàsignaler.

  • — Je pense que ça va vous intéresser, déclara-t-elle en transférantl'imagesurleplusgrosdesécrans.

    Une explosion venait de se produire à Moscou dans une usinedésaffectée. La nouvelle fut tout de suite suivie de plusieurs autresconcernant également des déflagrations ayant eu lieu exactement à lamêmeheurepartoutdanslemonde.

    —LesamisdeNarciziu ?suggéraChristian.—Ya-t-ildesvictimes ?demandaOphélia.—Seulementdestasdecendres,réponditSachiko.

    LavisiondeMélissasedésagrégeantsoussesyeuxrevintàl'espritdel'ancienpolicier.

    —Desdémons,conclut-il.

    —Seseraient-ilsautodétruits ?seréjouitChayton.—Malheureusement,non,déploraSylvain,mais jecroiscomprendre

    cequisepasse.Souvenez-vousdecequenousaditAssael.Sescopainsetluiontréussiàplacerdesinsimulsdanslaplupartdescachettesdeleursennemis afin de les épier.Mais ces objets de puissance ne servent pasqu'àcommuniquer…

    —Ellespeuventaussidevenirdesbombes !serappelaChristian.—C'estimpossible,protestaaussitôtOphélia.Cescréaturesn'ontpas

    uneoncedeméchanceté.Jamaisellesnerecourraientaumeurtre.

    — Se pourrait-il que d'autres entités, terrestres ou extraterrestres,connaissentlesecretdespierresnoires ?demandaChayton.

    —J'aisuffisammentenquêtésurdessujetssupranormauxpournepasrejeteraprioricettehypothèse,leurfitsavoirSylvain.

    —Siquelqu'unconnaîtlanaturedesinsimulsetqu'ilaapprisàlesfaireexploser de façon locale, sans emporter toutes les villes environnantes,nousdevonsdécouvrirdequiils'agitavantqu'ilnefasseéclatersurcetteplanèteuneguerrequenousnepourrionspasgagner,tranchaLyette.

    —Etons'yprendcomment ?s'enquitSachiko,prêteàsebattre.— Si je pouvais seulement communiquer avec les autres loges sans

    risquerdedénoncerleurscoordonnées…

  • — Un petit génie pourrait sûrement nous bricoler ça, suggéraChristian.

    —Unvolontaire ?serisquaChayton.—Nousavonsdebellescompétences,maisjecrainsquel'informatique

    n'en fasseparpartie,déploraSylvain.Toutefois, je vais enparleràunepersonne qui vit dans la région et qui, à mon avis, s'y retrouve plutôtbien.

    Touslesregardssetournèrentverslejournaliste.

    —Defaçonprudente,jevouslejure.

    —Pendantque tu tepenches là-dessus, j'aimeraisque les autresmedressentuntableaucompletdelacatastropheplanétairequivientdeseproduire,lançalaHuronne.Jeveuxparticulièrementsavoirs'ilyaeudesexplosionsdanslaprovince.

    —Toutdesuite,madame,réponditChristianquiavaitdéfinitivementreprissonaplomb.

    Ils allèrent s'installer devant les moniteurs pour prendre des notes,tandisqueSylvainquittaitlegrenierenmêmetempsqueLyette.

    — Je vais retourner chez moi pour faire cet appel, l'informa lejournaliste.Jeneveuxpasqu'ilsoitretracéjusqu'ici.

    —Bienpensé,monsieurParé.Laissez-le-nous savoir si vousavezdusuccès.

    LaHuronnesortitsurleperronavecluietleregardamonterdanssavoiture. Dès qu'il fut parti, elle remonta la fermeture éclair de sonmanteau, contourna la grande maison et traversa la clairière afin des'enfoncer dans la forêt. Elle se fiait beaucoup à ses instrumentsscientifiques,mais riennevalait l'informationdirecte.Elle s'arrêtaprèsd'unruisseauetappelaAssael.Leventsemitàsoufflerdans leshautesbranchesenlesfaisantmurmurer,annonçantl'arrivéedugéantblond.

    —Merciderépondreàmonappel.

    —Nousnesommespasresponsablesdesnombreusesexplosionsquiviennent de se produire mais quelqu'un se sert de nos pierres pourdétruirelesdémons,l'informa-t-il.

    —Vousnesavezpasdequiils'agit ?

  • —Pasencore,maisnouscherchonstoutcommevous.

    —Queferez-vouslorsquevouslesaurez ?—Noustenteronsdefairecomprendreàcesnouveauxjusticiersqu'ily

    ad'autresmoyensderétablirl'équilibresurlaplanète.

    —Nousn'arriveronsdoncjamaisàéradiquerleMalàtoutjamais ?—Rienn'estimpossible,maiscelanécessiteraitdessiècles.

    —Jevois…

    —Pourl'instant,cequicompte,c'estdelimiterlesdégâtsetlespertesde vieshumaines.Nousnous apprêtons à venir en aide aux architectessur toute la planète afin que les ponts soient reconstruits, mais celaprendradesannées.Leboncôtédecedésastre,c'estqu'ilarapprochélesgensetobligélesfamillesàseressouder.

    —Jesuisd'accord:ilestimportantdenepasvoirquelenégatifdecegenredesituation.Espéronsquedesinnocentsn'aurontpasététuésparlesinsimuls.

    —Jereviendraiversvouslorsquej'ensauraidavantage.

    —MerciAssael.

    —C'estplutôtàmoidefélicitervoseffortspourveillersurvotrerace.

    LemagedeThulés'enfonçaentrelesarbres,oùilsedématérialisa.

  • E

    Chapitre5

    narrivantchezlui,danslacoquettemaisondelarueprincipaledeSaint-Juillet,oùilavaitinstallésafamille,SylvainembrassaMaryse

    etFélix,puissurveillacedernierpendantquesafemmepréparaitlerepas.Sonfilsavaitdeuxansmaintenantetildevenaitdeplusenplusindépendant.Pendantqu'ilétaitconcentrésurlaconstructiond'ungratte-cielenblocsdebois,SylvainenprofitapourpasseruncoupdefilàAlexanneetluidemandersisonpetitcopainMatthieusecherchaitdutravailpourl'été.

    —Iltienthabituellementlaboutiquedesonpère,répondit-elle.Avez-vousunemeilleureoffreàluifaire ?

    —MadameBastienabesoind'unexpertdansl'installationdelogicielsplusoumoinslicitesetelleaimeraitqueçarestedanslafamille,situvoiscequejeveuxdire.

    —Matthieuesteneffetdouépourl'informatique,maisj'ignoresiçaluiplairait.Jevaisluienparleretnousverronsbien.

    DèsqueSylvaineut raccroché,Alexanne tentade joindre soncopainpar lebiaisd'Internet.Un signal sonore l'avertit quelquesminutesplustardqu'ilétaitenligne.L'adolescenteappuyasurunetoucheetlevisagesouriantdesonamiapparutàl'écran.

    —C'estpourmedirequetum'aimesquetum'appellesaubeaumilieudemapérioded'études ?

    —Maisbiensûr,Mou !EtaussipourtetransmettreunmessagedelapartdeSylvain.

    —SylvainParé ?—Ilaimeraitt'offriruntravailpourlasaisonestivale.

    —Maisj'enaidéjàun.

  • —Jenepeuxpastediremaintenantdequoiils'agit,maisaccepteaumoinsd'écoutersaproposition.

    —Maisjeneconnaisrienaujournalisme,moi.

    —N'essaiepasdemetirerlesversdunez,MatthieuRichard.

    —JefaisunsautàSaint-juilletcettefindesemaine,alorsonpourraenrediscuteràcemoment-là,Ilfautvraimentquej'étudieparcequej'aideuxexamensdemain.

    —Alors,jenetedérangepaspluslongtemps.Jet'aime,Mou.

    —Moiaussi.

    Matthieuluisoufflaunbaiseretmitfinàlacommunication.

    — Pas très romantique quand il est en fin de session, déploraAlexanne.

    EllerappeladoncSylvainchezluipourl'informerquelejeunehommeacceptaitdelerencontreretfixaunrendez-vousaveclui.

    —C'esttoutcequejedemandais.Merci,Alexanne.

    À la loge, la liste des villes touchées par lesmystérieuses explosionsn'avait cessé de s'allonger. Comme s'y attendait Lyette, des représaillesavaient rapidement suivi ces attentats de la part de justiciers dont onignoraittoujoursl'identité.SachikoetOphélias'employaientàtoutnoteren essayant de découvrir qui pouvait bien être à l'origine de cettedestructionquisemaitdeplusenpluslapaniquesurlaplanète.

    Pendant ce temps,Christian se remettaitde son séjourà l'hôpital. Ildormait beaucoup plus qu'à l'accoutumée et personne ne venait leréveiller, jugeant qu'il avait besoin de reprendre ses forces. Cettesemaine-là, ilrecommençaàavoirdesvisionsdurantsonsommeil.Pireencore,ellessepassaienttoutesaumêmeendroit:dansungrandchampdeblé.Ilsevoyaitmarcherentrelestigesblondesquisebalançaientaugréduvent.Ilcherchaitquelquechose,maisilnesavaitpasexactementquoi.Verslafindurêve,dessphèresbrillantesfilaientdechaquecôtédelui en émettant un bourdonnement d'abeille et disparaissaient àl'horizon.

    Ilseréveillaensursautencoreunefoisensedemandantpourquoi ilnevoyaitaucunecatastrophecommelorsdesescauchemarsprécédents.Il fit sa toilette, s'habilla et descendit à la cuisine. Il n'y trouva que

  • Chayton,assisdevantlagrandefenêtrequidonnaitsurlaforêt.Ilsirotaitunthé,leregardvide.Croyantqu'ilrecevaitdesprédictionsdel'au-delà,Christianavançasurlapointedespiedsendirectiondelacafetière.

    —Jenesuispasentraindeméditer,assural'Amérindien.

    —Tantmieux, parce que je ne suis pas le plus délicat des hommes.Mêmequandj'essaiedenepasfairedebruit,j'enfaisquandmême.

    Christianseservitducaféetallas'asseoirdevantlemédium.

    —Vousavezdesvisions,vousaussi,luiditChaytonenlefixantdroitdanslesyeux.

    —Commentlesavez-vous ?—C'estécritsurvotrevisage.

    —Enfait,jenesuispasprêtàlesqualifierdeprémonitions,puisqu'ilnes'ypassepasgrand-chose.

    —Vousmarchezdansunchampdeblé,n'est-cepas ?—Commentlesavez-vous ?—Parcequ'ilm'arrive lamêmechose.Ophéliaaunpasd'avancesur

    nous.Elleavulasuitedecettevision.

    — Bon, d'accord, revenons un peu en arrière. Que voyez-vousexactement ?

    —Jesuismoiaussiaumilieud'ungrandchampcultivéetjevoisdesfiguresgéométriquess'éleverdusolversleciel.

    —Alors, ça c'est beaucoup plus bizarre que les boules brillantes quiflottent juste au-dessus des blés et qui se déplacent à une vitessevertigineuse.Maisqu'est-cequetoutçaveutdire,selonvous ?

    — Mes ancêtres prétendaient, dans leurs mots, bien sûr, que lagéométrieétaitlelangagedespeuplesdesétoiles.

    — Donc, quelqu'un essaie de nous dire quelque chose, conclutChristian.

    —Leproblème, c'est que ces symboliques se sontperdues au fil dessiècles et, ce qui n'aide pas les choses, la science s'est ensuite fait undevoirdedonnerunesignificationdifférenteauxformesgéométriques.

  • — Si je comprends bien, ni vous ni moi ne sommes capablesd'interprétercequ'onnousenvoie,encemoment.Maisvousvenezaussidedirequ'Ophéliadétenaitunautremorceauducasse-tête.

    —Elleavulesexpéditeursdumessage.

    — Qu'attendons-nous pour aller les rencontrer et leur demander denoustraduiretoutçaenfrançais ?

    —Cesontdesêtresdelumière.

    —CommeAssael,alors ?Çatombebien,puisqu'ilshabitentderrièrelamaison,danslamontagne.

    —Ophéliaprétendquecesontdesentitéscomplètementdifférentes.

    —Oh…Ilyenacombienquis'intéressentausortdenotreplanète ?—Sionsefieàtousleslivresécritspardesmédiums,ilssontlégion.

    —Commentpouvons-nouslescontacterdirectement ?—C'estjustementcequej'essaiededécouvrir.

    Unlargesourireapparutsurleslèvresdel'ancienpolicier.

    —Simonpsychiatrem'entendaitcematin, jepensequ'ilmejetteraitdansungrandtrouetqu'ilm'youblieraitpourtoujours.

    —Malheureusement,c'estarrivéàbiendesvisionnairesavantvous,

    — Je n'ai jamais tenté de canaliser mes visions afin d'obtenir desréponses claires. Je pense qu'il est temps que j'apprenne à le faire.Pourriez-vousmel'enseigner ?

    —Jenepeuxvousmontrerquecequejesais,maischaqueexpériencedivinatoireestunique.

    —Alors,disonsqueceseramonpremierpasversl'illumination.

    DèsqueChristianeutavaléunboldecéréales,ilsuivitChaytondansuncoinplustranquilledumanoir,soitlabibliothèque.

    —Avez-vouspratiquédesartsmartiaux,monsieurPelletier ?—J'aifaitdukaratéetdujujitsu.

    —Vousavezdoncapprisàrespireravectoutvotreabdomen ?—Çafaisaiteneffetpartiedestechniquesqu'onm'aenseignées.

  • —Pourrendresonâmeplusréceptiveàlaméditation,ilestimpératifdepratiquercetypederespirationpendantunedizainedeminutes.Ellemodifie les fréquences denotre cerveau et lui permet de communiqueravecdesplansd'existencedifférents.

    —Làoùsetrouventlesrêves ?—Trèsjuste,ainsiquelesvisions,lesprémonitionsetlesmessagesdes

    grandsmaîtres.

    —Jepréféreraism'enteniraumondeoniriquepourl'instant.

    —C'estvotreâmequiferacechoix,monsieurPelletier.Lecorpsn'estquesonvéhicule.Sivouslevoulezbien,commençonsparrespirer.

    Désireux d'acquérir unemeilleuremaîtrise de son don, Christian sesoumitvolontiersàl'exercice,ralentissantdeplusenpluschacunedesesinspirations.Unsentimentdeparfaitbien-êtres'emparaalorsdelui.

    —Maintenant,demandezquelquechosedesimple, commecequi sepasserace soiroudemain,parexemple,de façonàpouvoirvérifiervosprogrès.

    —Allons-ypourdemain.

    —Nevousconcentrezque sur cemotet laissez-vousenvahirpar lesvibrationsquevousenverral'univers.

    — Je ne suis pas certain de comprendre ce que ça comporte, maisadviennequepourra.

    Christiansemitàrépétermentalementlemot«demain».Lesvisionsnefurentpaslonguesàsemanifester.Desimagesdéfilèrentàunevitessefolledans sonesprit,puis, sentantquesa tête commençaità tourner, ilouvritsubitementlesyeux.

    — Dois-je conclure que vous avez obtenu un petit résultat ? fitl'Amérindienqui lui avait saisi lesbraspour l'empêcherde tomberà larenverse.

    —Est-ilpossiblequenosvisionsconcernentdesévénementsbanalsetnon seulement des prédictions de fin du monde ? s'inquiéta l'ancienpolicier.

    —Ellesarriventdanstouteslescouleursettouteslestailles,réponditmoqueusementChayton.Qu'avez-vousvu ?

  • —Pouvez-vousgarderunsecret ?—Mieuxquebiendesgensquejeconnais.

    —J'aivuOphéliamefaisantdesavances…

    — Ce sera donc facile à vérifier, mais surtout, ne faites rien pourprovoquerleschoses.

    —Vouspouvezcomptersurmoi.Detoutefaçon,jenesuispasencorecapabled'oublierMélissa,mêmesiellem'aclairementditquec'étaitfinientre nous. Je pense qu'elle cherche seulement à me protéger, maisqu'ellem'aimetoujours.

    —Jecomprends.

    —Peut-onpratiquercettetechniqueplusieursfoisparjour ?—Vousêtesunnéophyte,monsieurPelletier.Jepensequ'ilseraitplus

    prudentquevousnevousenserviezqu'avantd'allervouscoucheretpasnécessairement tous les soirs, car l'utilisation trop fréquente de nosfacultéspsychiquesfinitparaffaiblirnotrecorps.

    —Jeferaiattention.Merci,Chayton.

    Christianpassa le reste de l'avant-midi à se reposer, puis grimpa augrenier pour aider ses coéquipiers à traiter toutes les données quecrachaient les ordinateurs. Les explosions dans des lieux désaffectésavaient été remplacées par des attentats dans des lieux bondés partoutdans le monde. Les démons qui avaient survécu au massacre ne segênaientdoncpaspoursevengersurleshumains.

    Après le souper, Christian accepta de jouer aux cartes avec Lyette,Sachiko et Ophélia. Chayton s'était isolé dans sa chambre sans direpourquoi.L'ancienpolicierallasecoucherversvingt-deuxheuresetnefitaucunrêvesignificatifdurantlanuit.

    Le lendemain, il décida d'aller prendre l'air après le déjeuner, maisévita d'allermarcher sur la rue, au cas où une voiture de police auraitdécidédepatrouillerdanslecoin.Ilsuivitplutôtunsentierplusoumoinssecdanslaforêtderrièrelemanoiretconstata,auboutd'uneheure,qu'ils'agissait d'une ancienne érablière. Il découvrit une antique cabane enbois sur le versant de la montagne, mais voyant qu'elle était toutedélabrée,ilneserisquapasàl'intérieuretrevintplutôtsursespas.

  • Ilrentraaumanoiretrangeasonmanteaudanslapenderieavantdesedirigerverslacuisinepourallersechercheruncafé.Ilsavaitbienquecetteboissonchaudenuisaitàsasanté,maisiln'arrivaitpasàs'habituerauthé.Ilportasatasseàlapetitetablerondedevantlagrandefenêtreeteut une impression de déjà-vu. Ophélia entra alors dans la pièce, sepréparaunthévertetvints'asseoirdevantlui.Christiansavaitcequ'elleallaitluidire,maisilsuivitleconseildeChaytonetsegardad'intervenir.De toute façon, le résultatdeseffortsde la jeune femmedemeurerait lemême.

    — J'ai beaucoup pensé à toi, depuis que nous avons organisé tonévasion,commença-t-elle.Enfait,jen'arrêtepasdepenseràtoi.

    Christiansirotasoncafépournepasdevancer laconversation,car ilenconnaissaitl'issue.

    — J'aimerais connaître tes sentiments envers moi, laissa tomberOphélia,sansdétour.

    Ildéposalentementsatasse.

    —Tuesunedesplusjoliesfemmesquej'airencontréesdansmavie,maisjen'éprouvemalheureusementaucuneattirancephysiquepourtoi.

    —TuesencoreamoureuxdeMélissa,n'est-cepas ?—Jesaisquecen'estpasraisonnable,maisc'estcequejeressens,oui.

    —Jecomprends.

    Devant ce premier succès de prémonition sur commande, ChristiancontinuadepratiquerlarespirationréguléeetilvitqueMatthieuRichardallait bientôt se présenter chez Lyette, ce qui se produisit le samedisuivant.Ilnelutpassurprisdelevoirsortirdel'ascenseurdugrenierencompagnied'AlexanneetdelaHuronne.

    —Waouh !s'exclamalejeunehomme.Une fois que son copain se fut remis de son émerveillement d'avoir

    traversél'hologrammequimasquaitlapièceetdeseretrouverdansunevéritablebase secrète,Alexanne lui présenta l'équipe.Matthieu serra lamaindetoutlemonde,maisneputrésisteràlatentationdeparcourirduregardlesdiversappareilsscientifiquesplacéssurlestablesquifaisaientletourdelapièce.

  • —Vouspossédez touscesgadgetsetvousne savezpas comment lesutiliser ?lâcha-t-ilaveclaplusgrandecandeur.

    —Nous savons àquoi ils servent et comment lesmettre enmarche,affirmaLyetteavecunsourireamusé.Cesontplutôtnoscommunicationsavec d'autres chercheurs anonymes que nous ne savons pas commentmettreàl'abri.

    —Quelestvotresystèmed'exploitation ?—Àtoidenousledire.

    Le jeune homme ne se fit pas prier pour prendre place devant uneconsoleetjeterunœilauxprogrammesdel'ordinateur.

    —Encemoment,c'estcertainquevousn'êtespastellementprotégés.

    Ce que nous aimerions, c'est pouvoir nous parler sans que desélémentsindésirablesdelasociétépuissentnousretracer.

    —C'estréalisable,àconditionqueceuxavecquivouscommuniquezseprémunissentd'unsystèmedesécuritééquivalent.

    MatthieufitpivotersachaiseversLyette.

    —Maispourquoimoi ?Ilyadesgensforméseninformatiquequisontdevéritablesgénies.

    —Cen'estpasseulementleurtalentquim'intéresse,maisleurloyautéetleurengagement,carnotretravailestsecret.

    —Est-cequevousêtesdesespions ?— Nous sommes des soldats de lumière, répondit Chayton. Nous

    tentonsd'enrayerleMalpartoutoùils'enprendàdesinnocents.

    —Etvousnevoulezpasquelessoldatsdel'ennemisoientcapablesdevousretrouver,crutcomprendreMatthieu.

    —C'estàpeuprèsça,confirmaChristian.

    Le jeunehommegarda lesilencependantquelquessecondes,mais ilétaitévidentpourlesmembresdel'équipequ'ilétaitentrainderéfléchirauxconséquencesd'untelcontrat.

    —Siturefusesl'offredemadameBastien,tunepourrasévidemmentjamaisparlerde ceque tuasvu ici àquiquece soit, l'avertitAlexannepourlepresser.

  • — Je m'en doute bien… Ce que vous me demandez représente desjoursdetravail,voiredessemaines.

    —J'ensuisconsciente,affirmalaHuronne.

    —Melaissez-vousletempsd'ypenser ?— Je ne m'attendais pas à ce que tu me donnes une réponse

    aujourd'hui,Matthieu.

    —Merci.Jeveux justeenparleravecmonpère, sans luidirecequevousfaites,évidemment.Maisils'attendàcequejetravailleaveclui,cetété,alorsjeluidoisbien

    —Fais-le-moisavoirquandtuauraspristadécision.

    —C'estpromis.

    Il était encore sur son petit nuage lorsqu'il quitta la maison avecAlexanne.Ils'installaauvolantdesavoituresansmêmeavoirouvert laportièreàsapetiteamie,cequ'ilavaitpourtantl'habitudedefaire.

    —LaTerreappelleMatthieu.RépondezMatthieu.

    —Quoi ?sursautalejeunehommeensetournantversAlexanne.—Jet'airarementvuaussiemballé,avoua-t-elle.

    — Tu as vu les dispositifs qu'ils possèdent ! On dirait une baseclandestinedansunfilmdescience-fiction !

    —Maisc'enestune,monamour.

    —Dis-moiquecen'estpasunemauvaisefarcequevousêtesentraindemefaire.

    —Jetelejuresurmoncœur.

    — Et comment ont-ils su que l'informatique, c'estmon passe-tempsfavori ?

    — C'est Sylvain qui m'a demandé de te faire part de leur intérêt.Souvent, dans la vie, on se retrouve dans des endroits auxquels onn'auraitjamaiseuaccèssanscontacts.

    —Jesaisqu'onavaitprévudepasserlajournéeensemble,maisest-cequ'onpourraitremettreçaàcesoir ?J'aivraimentbesoindeparleràmonpère,encemoment.

  • —J'allais justement te leproposer.Viensmereconduirechezmoietfaiscequetudois.

    —Jet'aimetellement.

    Matthieu embrassa Alexanne avant de faire démarrer sa petitesportive. Il fit un crochet chez les Kalinovsky, puis retourna au village.Son père travaillait à la boutique le samedi. Il ne procédait auxinstallationsd'équipementquedurantlasemaine.Alors,illetrouvaassisdevant le comptoir du magasin, en train de feuilleter un catalogue depiècesélectroniques.

    — Alexanne n'est pas avec toi ? s'étonna Paul en se penchant pourregardersonfilspar-dessusseslunettesdelecture.

    —Non…j'avaisbesoindeteparlerseulàseul.

    —Ladernière fois que tum'as dit ça, c'était il y a unpeumoins dedeuxans,quandtuasrencontré tapetite fée.Est-cequeça laconcerneencoreunefois ?

    —Ouietnon.

    —Tuvasmefairejouerauxdevinettes ?—C'estquejenesaispascommentaborderlesujet.

    —Depuisquandas-tubesoindetergiverserdevantmoi ?Matthieuprituneprofondeinspiration.

    —Tusaisquej'aitoujoursadorétravailleravectoil'étédepuisquejesuistoutpetit.

    —Maislà,àdix-huitans,tuéprouveslebesoind'essayerautrechose ?—C'estàpeuprèsça,oui.

    —Puisque ça semble relié àAlexanne, j'imagine que ce doit être untrucdangereux.

    —Pastoutàfait,maisc'estsecret.JepourraiscombattreleMalsansm'yexposer.

    Paularqualessourcilsavecétonnement.

    —Jenepeux t'englisserunmotque si tume juresden'enparleràpersonne.

    Lepèremitlamainsursoncœur.

  • — Une organisation secrète aimerait utiliser mes services poursécurisersesinstallationsinformatiques.

    —Quoi ?—Cetravailpourraitégalementprofiteràtoncommerce,puisquec'est

    detoiquej'achèterailespiècesetleslogicielsdontj'auraibesoin.

    —Reviensàlapartiedel'organisationsecrète.

    —Ils'agitd'uneéquipedegensquetuconnaisenpartie,quiabesoinde s'informer des progrès duMal sur la planète et de communiquer cequ'elle apprend à d'autres équipes sans que ses messages soientinterceptés.

    —Pourquoiai-jel'impressionquetumedisçasérieusement ?—Maisparcequejesuissérieux,évidemment !—Oùsetrouveleurbase ?— Sur le chemin de la montagne. Et tu n'aurais pas besoin de me

    véhiculer,puisquej'aimavoituremaintenant.

    —Commentt'ont-ilsrecruté ?—ParAlexanne.

    Le front plissé, Paul étudia le visage de son fils, s'attendant d'uneminute à l'autre qu'il éclate de rire et qu'il lui avoue que c'était uneblague,maisiln'enfitrien.

    — Je veux faire ma part moi aussi pour sauver le monde, insistaMatthieu.

    —Tumejuresquetuneserasjamaisendanger ?—Pasplusquelerestedeshabitantsdelaplanète.Tusaisaussibien

    quemoi que leMal peut frapper partout,même chez nous. C'est pourempêcher qu'il se propage jusqu'à Saint-Juillet que j'aimerais venir enaide à cette équipe. Jepossède suffisammentd'expériencepour faire letravailqu'ilsattendentdemoi.

    —Uniquementdel'informatique ?—Lesgargouillesetlesloups-garous,c'estfinipourmoi.

    —Danscecas,jeseraisbienégoïstedetefairemanqueruneoccasionpareille.

  • Matthieufitletourducomptoiretvintseblottirdanslesbrasdesonpère.

    —Est-cequejet'aidéjàditàquelpointjesuisfierdetoi,fiston ?—Oui,souvent,maisj'aimebienl'entendreencoreetencore.

    —Tuveuxquejeteconfectionneuntableaudechassepourtouteslescréaturesqueturendrasinoffensives ?

    —Papa…

    Paul le saisit par les bras et l'éloigna doucement de lui pourcontemplersonvisage.

    —Qu'est-ce qu'on dit àmaman ? demanda-t-il. Si on luimentionnequec'estsecret,elleauratôttaitdelerépéteràtoutlemonde.

    —Quedirais-tud'unedemi-vérité,soitquej'installedeslogicielspourunedametrèsrichequiestincapablededémêlersesfils ?

    —Çapourraitmarcher…

    Paulembrassasonfilssurlefrontetluirappelaqu'ilétaitattenduavecsabellepourlesouperdelafamilleplustardcejour-là.Heureuxd'avoirreçu la bénédiction de son père, Matthieu gambada jusqu'à sa voiturecomme lorsqu'il avait cinq ans. Il ne lui restait plus qu'à informermadameBastienqu'ilnepourrait lui consacrerqueses finsde semainejusqu'à la findesclassesenmai,maisqu'il seraitàsonservicependanttoutl'été.

  • L

    Chapitre6

    amaisondeSylvainnesetrouvaitqu'àunecentainedemètresdecelledesRichard.PourqueMarysenesesentepasseuledansce

    pittoresquepetitvillagedesLaurentides,lejournalisteluiavaitprésentéLouise,l'épousedePaul.Lesdeuxfemmesétaienttoutdesuitedevenuesamiesetsevisitaientplusieursfoisparjoursibienque,cesamedi-là,lesParéfurentinvitésàsouperenmêmetempsqueMatthieuetAlexannechezlesRichard.Pendanttoutlerepas,lejeunehommenefitpasuneseulefoisallusionàl'offred'emploiqu'ilavaitreçuedelaloge.Ilparlaplutôtdesesétudesquis'achevaient,deladécisionqu'ildevaitprendrequantàsonavenir,carilétaitmaintenantpartagéentrel'informatiqueetl'agriculture.

    Cenefutqu'unefoislafamilleréunieausalonpourlecaféqueSylvainse retrouva enfin seul avec les adolescents dans la cuisine tandis qu'ilsdesservaientlatable.

    — Je ne pouvais pas en parler devant ma mère, qui ne sait rien,chuchotaMatthieuenpassantderrièreSylvain,mais je travaillerai avecvouscetété.

    —Lyetteseracontentedel'apprendre.

    —Jepourraicommencerlesfinsdesemainejusqu'au20mai.Après,jepourraiêtrelàtouslesjours.

    —Sauf les fins de semaine, le corrigeaAlexanne, auquelmoment, ilseraàmoi.

    —Çavadesoi.

    —Àmoinsqu'ilyaituneurgenceouquemadouceamiereparteàlachasseauxsorciers,ajoutaMatthieu.

    —IlyaeuquelquesattentatsdanslesgrandesvillesduCanadaetdesÉtats-Unis,etailleursdanslemonde,mentionnaSylvain,maistroploinpourqu'onpuissemeneruneenquêtesurleterrain.Pourl'instant,notrecontributionàlavictoiredubienestsurtoutintellectuelle.Nousécoutons

  • cequisepassedans lemondeetnoustentonsdedeviner les intentionsduMalpourpouvoirprévoirsesprochainscoups.

    —Maislesexplosionsdanslesvieillesusinesetlesminesfermées ?—Tut'intéressesàl'actualitéenplus ?Excellent.—J'aimesavoircequi sepasseailleurs, révélaMatthieu.Après tout,

    c'estmonavenirquisejouelà-bas.

    —Philosophe,enplus.J'aimebien.

    —Jementiraissijedisaisqueçanem'inquiètepasdevoirautantdebâtimentsvolerenéclatssansraisonvalable.

    —Nouspensonsqu'unepersonneouuneorganisationestentraindejoueraujusticier,maisilestdifficilededécouvrirdequiils'agitsionnepeutpasquestionnerlesautresloges.

    —Etc'estlàquej'arrive.

    —Tum'impressionnesbeaucoup,Matthieu.

    —Monpèreseplaîtàmedirequejesuisperspicace,bienquepastrèscourageux.

    —Cen'estpasvrai !protestaAlexanne.Tuasaffrontédesdangersquela majorité des humains ne connaîtront jamais et tu t'en es très biensorti !

    Louiseentraalorsdans la cuisinepourvoir comment les jeunes s'entiraientetceux-cisemirentspontanémentàparlerdemusique.

    Le lendemain matin, Sylvain informa l'équipe que Matthieu avaitaccepté demodifier ses installations informatiques,mais cette annonceneprovoquaaucunsouriredesoulagement.Toussemblaientatterrésparunemauvaisenouvelledontiln'avaitpasencoreentenduparler.

    —Ophéliaaeudesvisionsdeterriblescatastropheshiersoiretellesontcommencéàseproduire,l'informaLyette.

    — À quel endroit ? s'inquiéta le journaliste en s'approchant d'unordinateur.

    —SurlacôteduPacifique.Destremblementsdeterresous-marinsontcréédestsunamisquiontdévastélaColombie-Britannique,ainsiquelesétatsdeWashington,de l'Oregonetde laCalifornieetmême laportionoccidentaleduMexique.

  • —Lesdémonsnepeuventpasêtreresponsablesdesondesocéaniques,toutdemême.

    — Comment pourrions-nous en être sûrs ? rétorqua Chayton. Ce nesont pas des êtres physiques comme toi et moi, mais des énergiesnégatives qui s'installent parfois dans le cœur des gens qu'ils veulentcorrompre ou dont ils veulent se servir. Peut-être peuvent-ils faire lamêmechoseaveclesvolcansoulesfaillessismiques.

    Malgrétoutcequej'aipuécriresurd'innombrablessujetsésotériquesetoccultes,jamaisjen'aipenséàça,avouaSylvain.

    — Sans vouloir porter de jugement, je trouve étrange que lesprédictionsdemonsieurChaytonseproduisentpartoutsauflàoùillesavues,laissatomberl'ancienpolicier.

    — Nous pourrions bien être les derniers à être frappés, répliqua lemédium.

    Et cette histoire de fin dumonde en décembre 2012 prédite par lesMayas ?

    —Cenesontpaseuxquiontfaitcetteprédiction,maislesprophètesdes temps modernes qui, apparemment, ne savent ni compter, niinterprétercorrectementleurcalendrier,plaisantaSylvain.

    —Ellen'auradoncpaslieu ?—Maiselleadéjàcommencé,affirmaChayton,saufquecen'étaitpas

    avecungrosbangcommeonl'aannoncé.Lesoragesmagnétiquessontàpeineperceptiblespourl'instant,maisilsseproduisentpresquetouteslessemaines. Ils perturbent les équipements électroniques partout sur laplanète.Lesgensordinairespensentquelespannessontcauséespardescaprices de leurs appareils,mais les experts, eux, savent exactement cequi se passe. Les explosions solaires vont devenir de plus en plusviolentesetellesferontéventuellementfriretouslessystèmesquinesontpas protégés. Il n'y aura plus d'électricité, plus de chauffage, plus decommunications,plusdemoyensdetransport.

    —Maismêmesionpouvaitprédirelemomentexactdessoubresautsdusoleiletdeséruptionsvolcaniquessurnotreplanète,quepourrions-nousvraimentychanger ?s'enquitChristian.

  • —Informerlespopulationsquiseronttouchéespourqu'ellesprennentdesmesurespréventives,réponditLyette,maisquinouscroirait ?

    — Moi, j'ai trouvé quelque chose de très intéressant au sujet desMayas,intervintOphélia.Cen'estpaslafindenotremondequeprédisaitleur calendrier, car il est cyclique et non linéaire. Le 21 décembreannonçaitplutôtletransfertdubâtondepouvoirdumasculinauféminin.Seloneux,c'estgrâceausavoirancestraldesfemmesquelesprochainesgénérations survivront. Elles nous enseigneront une nouvelle façon devivrequirétabliral'équilibredelaplanète.

    —Ceseraitdoncenapprenantqu'ilsallaientperdre leur suprématiequeleshommesontconcluquec'étaitlafindumonde ?raillaChristian.

    —Peut-êtrebien, admitOphélia avecun sourire,mais çane s'arrêtepas là. Les Hopis aussi prétendent depuis longtemps que lorsque lesgrands-mèressemettrontàparler,lemondecommenceraàguérir.

    —C'esttrèsintéressant,seréjouitSachiko.

    «Lefaitqu'ellesoitdevenueninjaenversetcontretousn'est-ilpaslapreuvequecemouvementestdéjàentamé ?»songeaChristian.

    —Uneautreprophétie,unpeuplusoccultecelle-là,ditqu'à tous lestreizemilleans, lesgardiensspirituelsde laTerre fontpasser sa tutelled'ungenreàl'autre.Curieusement,cechangementestjustemententraindeseproduiredumasculinauféminin.

    — Les femmes vont diriger la planète pendant les prochains treizemilleans ?fitChayton,amusé.

    —Ellesvontlesauver,messieurs,affirmaOphélia.Cependant,cen'estpasuneraisonpourvousendormirsurvos lauriersetnous laisser fairetoutletravail.

    —Biendit,l'encourageaLyette.

    —Ceuxquipossèdentdesdonsdoivent continuerde lesdévelopper,carils leurserontbientôtutiles,ajoutaOphéliaenjetantunœilducôtédeChristian.

    —Jemedisaisjustementqueceseraitunebonneidée,larassura-t-il.

    —Alors,sions'ymettaitmaintenant ?

  • La jeune femme se leva et marcha vers l'ascenseur. Christians'empressa de la suivre en espérant qu'il ne s'agisse pas d'une nouvelletentative de séduction. Mais Ophélia ne fit rien de tel. Elle l'emmenaplutôtdanslasalleàmangeretposasurleborddelatablediversobjetsdeplusenplusgros.Ellefitensuiteasseoirsonélèveducôtéopposéetluidemandadefaireveniràluichacunedecescibles.

    — Je me sens comme le jeune Skywalker sur Dagobah, soupiraChristian.

    —Danscecas,tusaiscequetuasàfairesituneveuxpasteretrouverfaceàfaceaveclegrandseigneurdesSithsaufondd'unegrotte.

    Christianacceptadeseprêteraujeu,mêmes'iln'étaitpascertaindepouvoirdéplacerlegrille-painqu'elleavaitplacéauboutdelarangée.Il