françois sauvagnat la question de la structure du silence en psychanalyse_insi_006_0059

15
LA QUESTION DE LA STRUCTURE DU SILENCE EN PSYCHANALYSE François Sauvagnat ERES | Insistance 2011/2 - n° 6 pages 59 à 72 ISSN 1778-7807 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-insistance-2011-2-page-59.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Sauvagnat François, « La question de la structure du silence en psychanalyse », Insistance, 2011/2 n° 6, p. 59-72. DOI : 10.3917/insi.006.0059 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ERES. © ERES. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © ERES

Upload: patricio-e-labra-lopez

Post on 31-Oct-2015

122 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

LA QUESTION DE LA STRUCTURE DU SILENCE EN PSYCHANALYSE François Sauvagnat ERES | Insistance 2011/2 - n° 6pages 59 à 72

ISSN 1778-7807

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-insistance-2011-2-page-59.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Sauvagnat François, « La question de la structure du silence en psychanalyse »,

Insistance, 2011/2 n° 6, p. 59-72. DOI : 10.3917/insi.006.0059

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour ERES.

© ERES. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 2: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

Je tenterai, dans les lignes qui suivent, de préciser quelle est la struc-ture du silence telle qu’elle a été développée dans la psychanalyse lacanienne à partir des années 1950, au-delà de ce qui avait été proposé jusqu’alors. J-A. Miller, dans un texte que nous avons publié en 1988 et qui a été depuis assez largement diffusé, J.M. Vivès (notion de « point sourd », 2007) et quelques autres ont donné d’intéressan-tes contributions à cette question. Pour notre part, nous essayerons de situer le cadre dans lequel cette notion de silence apparaît et se développe chez Lacan, et comment elle se différencie à notre avis de deux autres développements bien connus sur le silence en analyse : le silence de l’analyste et le silence du patient. Par souci de clarifi-cation, je dirai quelques mots sur tous deux, de façon à déblayer le terrain autant que faire se peut, et montrerai que la notion de silence que Lacan déploie, par exemple dans ses Remarques sur le rapport de Daniel Lagache (Lacan 1966c), ou dans D’une question préliminaire à tout traitement de la psychose (Lacan 1966a), se différencie de ces deux approches « classiques », tout en essayant de situer un préalable à ces deux notions pré-lacaniennes du silence de l’analyste et du patient.

INSISTANCE N° 6 59

LA QUESTION DE LA STRUCTUREDU SILENCE EN PSYCHANALYSEFrançois Sauvagnat

François Sauvagnat est professeur de psychopathologie clinique à l’université de Rennes 2.

Insistance 6.indd 59Insistance 6.indd 59 3/12/11 9:56:303/12/11 9:56:30

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 3: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

60 INSISTANCE N° 6

LES VOI(X)ES DE LA CRÉATION

LE SILENCE DU PATIENT

La question du silence du patient est univer-sellement associée, depuis Freud (1953), à la notion de résistance. Qui se tait en séance est la proie d’une résistance – on sait que Freud, dans Inhibition, symptôme et angoisse (Freud, 2005), en distinguait cinq types (thèse d’An-guelli, 2009), et en traçait l’origine dans le moi, le surmoi ou le ça, sans préjudice de la possibilité qu’une résistance particulière puisse être associée à plusieurs instances. Par analogie, une causalité du même type a été proposée dans le cas du bégaiement. Mais c’est aussi ce qui se déduit de la façon dont Reich a essayé de cristalliser la notion de résistance sur celle de caractère (terme actuellement remplacé, après l’Ecole de Francfort, par la notion de « person-nalité ») (thèse de Fajnwaks, 2006), le caractère impliquant à la fois des défenses du moi, du surmoi et du ça, ce qui a conduit à associer très fréquemment d’ailleurs, dans une notable proportion de courants de l’IPA, la notion de résistance et celle de défense. Pour Reich, et pour presque tous après lui, caractère, résis-tance, défense, s’érigent contre la pulsion (plus ou moins transformée, projetée, etc.), et encore actuellement, le Psychodynamic Diagnostic Manual (S. Greenspan, N. McWilliams, R. Wallerstein, 2006) (une tentative étatsunienne de réformer le DSM IV, soutenue par les associations psycha-nalytiques locales) décrit deux types de « perso-nality disorders », les uns « justifiant » telle ou telle pulsion, les autres tentant de s’y opposer. D’où, au bout du compte le très vif intérêt qu’a soulevé l’article classique de Robert Fliess,

dont nous avions après d’autres proposé une traduction (Sauvagnat, 1988). Pour R. Fliess, l’analyste peut assigner à tout silence chez l’analysant une charge pulsionnelle spécifique, orale, anale, uréthrale, etc., dans laquelle le débit s’interrompt (le terme silence a ici dans le fond le même rôle qu’en musique) de façon plus ou moins intense et pesante, provoquant une perte du fil du discours plus ou moins importante ; le maximum étant bien entendu atteint avec le silence « oral ». C’est en somme la pulsion qui vient faire irruption, trou, dans le débit du discours du patient. Cette notion n’est au reste pas ignorée par Lacan : dans Subversion du sujet et dialectique du désir (Lacan, 1966b), la demande, identifiée à la pulsion ($<>D), désigne le point où le sujet s’évanouit. Il n’est pas inutile néanmoins de remarquer que l’ob-servation en est pré-freudienne : lorsque le pédiatre de Budapest Samuel Lindner rédige son fameux article sur le suçotement chez les enfants en 1879, il note que le suçotement est antinomique avec la parole : qui suçote garde le silence (Sauvagnat, 1999d). On peut aussi en déduire que l’incitation à parler implique quelque espèce de privation par rapport à la jouissance pulsionnelle, formulation que Freud lui-même n’aurait probablement pas reniée.

LE SILENCE DE L’ANALYSTE

Si nous passons maintenant au silence de l’ana-lyste, remarquons d’abord que la notion ne s’est pas imposée d’emblée : les premières patientes de Freud l’incitent simplement à renoncer à la

Insistance 6.indd 60Insistance 6.indd 60 3/12/11 9:56:303/12/11 9:56:30

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 4: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

INSISTANCE N° 6 61

LA QUESTION DE LA STRUCTURE DU SILENCE EN PSYCHANALYSE

suggestion ; Freud compose progressivement la notion selon laquelle il s’agit d’interrompre le patient le moins possible, une fois la consigne d’association libre donnée, et de garder une attention librement flot-tante. Ce n’est qu’assez tardivement qu’apparaissent des recherches sur le silence de l’analyste ; ceci bien entendu en dehors du courant kleinien, dans lequel les analystes avaient pour règle implicite de parler plus que le patient. D’une façon générale, le silence de l’analyste tend à être discuté dans des termes « personnalistes », posant en particulier la question du type d’« accueil » que l’analyste fait au patient. Ainsi, dans au moins deux articles, Sacha Nacht (1963a, b) s’inquiète du type de silence que l’analyste peut produire comme « cadre » de la cure, et du témoignage implicite que ce silence peut produire de la capacité de l’analyste à supporter la fantasmatique particulière du patient. Insistant sur les modalités de la « présence de l’analyste », Nacht souligne qu’est exigible une acceptation « inconditionnelle », une « compassion authentique ». Il existe également toute une littéra-ture, initiée par Ferenczi, supposant que le silence de l’analyste puisse être le canal d’une communication d’inconscient à inconscient, voire télépathique (Ferenczi, Lucia Tower) (Sauvagnat, 1999e). De façon moins fréquente (dans la littérature analytique à proprement parler), le silence de l’analyste est associé au manque de réponse et à son carac-tère potentiellement déstabilisant pour des sujets pré-psychotiques, à partir des travaux de Bychowsky (Sauvagnat et coll., 2004). Là encore, il est intéressant que Lacan, dans ses remarques sur le rapport de Daniel Lagache, se soit intéressé au type de silence que peut produire l’analyste, mais dans une perspective non-intersubjective – c’est du moins ainsi que nous lisons la fin de son article, où il différencie impli-citement les deux versants présents dans les verbes latins désignant le faire silence : silet (il fait silence [sur quelque chose]) et tacet (il [se] tait quelque chose).Sur la différence entre ces deux termes, donnés comme pratiquement équivalents du point de vue du sens par le dictionnaire Gaffiot (1936), il semble important de noter que silere est plus volontiers utilisé sous forme absolue ou intransitive, et comme tel, tend à désigner une absence de bruit, par exemple dans un paysage ou un voisinage ; en revanche, taceo est transitif, implique immédiatement qu’il y a quelque

Insistance 6.indd 61Insistance 6.indd 61 3/12/11 9:56:303/12/11 9:56:30

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 5: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

62 INSISTANCE N° 6

LES VOI(X)ES DE LA CRÉATION

chose à taire et donc une sorte d’intention ; quelque chose de crucial pourrait être dit – l’auteur le plus cité à ce propos est Cicéron : Tacendo loqui videbantur (en gardant le silence, ils semblaient parler), ou encore Nobis tacentibus (et nous n’osions rien dire !) ; l’usage fréquent du terme chez Cicéron est évidemment à relier aux dénonciations des abus qui ont marqué ses engagements civiques. Les recherches sur l’étymologie ne donnent rien de concluant, la plupart des auteurs évoquant une origine onomatopéique ; il y a certes une similitude entre le latin sileo et les termes grecs siopaô et sigaô (l’un et l’autre s’employant d’ailleurs comme transitifs ou intransitifs et veulent dire taire ou faire silence, sans qu’une différence de sens soit évidente) ; certains ont fait le lien avec le latin signum, ont voulu voir une relation avec l’allemand schweigen (taire, se taire), voire avec sibilare (siffler), sans donner d’ailleurs d’autre justification que leur propre fantaisie, ce que trahit régulièrement, en linguistique histori-que, le recours à l’« origine onomatopéique ».Il est évident par ailleurs que le silence de l’analyste est tout différent, par son intention, des types de silences observés dans les ordres religieux, dans lesquels il s’agit de se rendre disponible à la présence de Dieu en écartant au maximum les sollicitations extérieures – rappe-lons que pour saint Augustin, l’amour chrétien (agapê) est toujours subordonné à une action divine. Dans le silence analytique, argumente Lacan, subsiste certes celui de Blaise Pascal, mais aussi et surtout la question du type d’exis-tence du sujet au regard d’une voix qui peut bel et bien l’annihiler. Cette préoccupation,

typique du courant lacanien, va bien au-delà de la question de l’« attention flottante », elle pose la question de ce que peut l’analyste vis-à-vis des différents types de surmoi dont le sujet peut être affecté.L’intervention de l’analyste peut être en effet comprise, par contraste avec le silence invitant à l’association libre, ou par opposition au refus de réponse, comme une sorte d’irruption brisant le silence. Le rôle de l’analyste oscille donc entre deux pôles, l’intervention ou l’interprétation d’un côté, et de l’autre un silence que Lacan cherche à associer, dans ses Remarques sur le rapport de Daniel Lagache (Lacan, 1966c), avec le terme ignosco, pardonner. Ce qui suppose, bien entendu, que les interventions de l’analyste s’efforcent de tenir compte du phénomène du surmoi – non pas nécessairement le surmoi interdicteur, le surmoi « prégénital » kleinien par exemple était caractérisé par Lacan comme « obscène et féroce ».Mais le point important est que Lacan décon-necte la fonction du langage de l’intersubjec-tivité – c’est la célèbre dévalorisation de la relation imaginaire par rapport à la structure symbolique. Cette structure symbolique du langage, il en fait un au-delà de l’intersub-jectivité, non pas pour en faire une instance mystique, mais pour la rattacher à deux figures particulièrement non-intersubjectives, le surmoi et les hallucinations verbales commentatrices, insultantes et impératives.Ceci nous introduit bien entendu à notre troi-sième aspect, que nous pourrions désigner dans un premier temps comme phénoménologie psychanalytique du silence, si on prend le terme

Insistance 6.indd 62Insistance 6.indd 62 3/12/11 9:56:303/12/11 9:56:30

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 6: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

INSISTANCE N° 6 63

LA QUESTION DE LA STRUCTURE DU SILENCE EN PSYCHANALYSE

phénoménologie dans un sens proche de celui promu par Merleau-Ponty, c’est-à-dire de ce qui est constitutif de la chair. Ceci nous conduira à discuter des relations entre le silence et trois autres termes : surmoi, limites du corps et réalité. Nous allons voir pourquoi.

SILENCE ET SURMOI

Le passage des Remarques sur le rapport de Daniel Lagache que nous venons d’évoquer cherchait à substituer à la notion de personnalité comme résultat d’une intégration continue (soutenue par Lagache) la notion d’un sujet tout entier sous-tendu par le lien fait par Lacan entre surmoi et silence. Pour le dire crûment, le sujet lacanien est ce qui soutient son existence contre le surmoi. Comme ce point n’a guère été commenté, disons quelques mots sur ce qu’il suppose : rien de moins que ce qui est développé par Lacan dans les premiers chapitres de son séminaire III à propos de D.P. Schreber. Il s’agit d’une profonde remise en cause d’un préjugé tout à fait massif à cette époque (années 1950), celui selon lequel un « vrai sujet » est celui qui est capable d’entrer en dialogue « authentique » avec un autre sujet. Lacan discute deux auteurs qu’il considère particulièrement représentatifs de ce qu’on appelait à l’époque personnalisme, Martin Buber et Edouard Pichon (il aurait pu évidemment en citer bien d’autres, de Husserl à Lévinas en passant par Heidegger, pour ne prendre que les plus célèbres). Le nom de Pichon est ici fort inattendu ; il a l’intérêt d’être linguiste en plus d’être analyste, ce qui lui confère une complexité intéressante pour son propos. Le point crucial de sa réflexion porte sur le rapport entre le je et le tu. Pichon, comme son collègue Benveniste, considère que le je et le tu sont des personnes « différenciées » (au contraire de la troisième personne) ; Pichon estime par ailleurs que l’acquisition des pronoms personnels suppose que le sujet se soit « décentré » par rapport à une « autocentration » originaire. Nous avons montré que J. Lacan, dans sa première présentation de la relation de D.P. Schreber à son Dieu, utilise une théorie de Damourette et Pichon concernant l’accord de personne entre le verbe de la proposition relative et celui de la propo-sition principale, dans le cas spécifique ou ce dernier est à la deuxième

Insistance 6.indd 63Insistance 6.indd 63 3/12/11 9:56:303/12/11 9:56:30

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 7: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

64 INSISTANCE N° 6

LES VOI(X)ES DE LA CRÉATION

personne. Selon eux, deux cas de figures sont possibles : soit cet accord est fait, et l’indépen-dance, la séparabilité du sujet de la relative est déniée (la troisième personne étant une « non-personne ») ; ou bien le verbe de la relative est à la deuxième personne, et dans ce cas le sujet de la relative est individualisé, doté d’une certaine indépendance par rapport au procès décrit dans la principale (Sauvagnat, 2010).Un des exemples proposé par Damourette et Pichon, aux accents évidemment bibliques (le Livre de l’Exode, en hébreu Chemot, les noms, n’est pas loin), est le suivant : « Tu es celui qui me suivras/Tu es celui qui me suivra. » Lacan, dans sa reprise – où il ne cite pas Damourette et Pichon, nous avons montré, dans notre inter-vention au colloque de Cerisy sur ces derniers, que si Lacan se réfère au moins une quinzaine de fois à eux, il ne les cite que très rarement – différencie nettement à l’aide de cet exemple le cas de D.P. Schreber, qui est envahi par les impératifs divins, du cas du névrosé.Ultérieurement, Lacan, par exemple dans son graphe du désir, continuera cette veine (en utilisant tout autant les travaux de Pichon), pour différencier les cas psychotiques, suppo-sant le seul premier étage du graphe, et les cas névrotiques et pervers, supposant un deuxième étage, où entrent en fonction la fonction de la séparation et le nom du père.Néanmoins, la fonction du langage, telle qu’il avait cru pouvoir la caractériser à partir des règles des échanges symboliques, se trouvait par la suite mieux caractérisée par la notion de parasite langagier (ce terme est également appliqué au phallus – on pense à la référence à

Hans Sperber chez Freud) [Sauvagnat, 1999e], c’est-à-dire que derrière l’ordre, l’intimation du surmoi se profile une figure plus radicale, enva-hissante, en même temps que Lacan resserrait ses travaux de plus en plus sur la question de la consistance du corps.À partir de là, la question du silence doit s’envi-sager au minimum comme un point de surdité permettant de faire taire la voix de l’Autre dans ce qu’elle peut avoir de plus dérégulé, voire envahissant. Mais en même temps, et parado-xalement, le sujet chez Lacan est finalement une instance qui doit être tolérée par le surmoi – comme le marque bien l’expression célèbre « un signifiant ce qui représente un sujet pour un autre signifiant » (Lacan 1964/1974) : la question est de limiter, par un autre signifiant, le signifiant impératif qui nomme (ou persé-cute !) le sujet. On peut nommer « capacité de faire silence » cet aspect du sujet.

UN EXEMPLE CLINIQUE

M*** me confie que s’il n’arrive plus à suivre ses cours, c’est parce que dès qu’il entre dans l’amphithéâtre, il guette. Il voudrait bien écou-ter tranquillement, mais c’est impossible. À chaque fois, quelqu’un soupire. Ce qui, pour d’autres, névrosés, se confond dans un bruit de fond auquel il peut tout simplement se fermer pour prêter l’oreille à l’orateur, ceci l’envahit, prend consistance sous forme de soupirs, qu’il interprète à minima : « Que je sois là, ça embête les gens, probablement. » En fait, au moment où je le reçois, c’est le seul symptôme

Insistance 6.indd 64Insistance 6.indd 64 3/12/11 9:56:303/12/11 9:56:30

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 8: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

INSISTANCE N° 6 65

LA QUESTION DE LA STRUCTURE DU SILENCE EN PSYCHANALYSE

dont il parle de façon détaillée ; toute sa déception est focalisée sur ce point ; les bruits des rues qu’il traverse, la foule bruissante du métro, s’ils le « fatiguent », comptent moins que ces soupirs dans les salles de cours, qui constituent le plus clair de ses préoccupations. Ce sujet a de lui-même tenté de remédier à ces hallucinations par des contentions corporelles.Un autre exemple :V***, âgé de 7 ans, explique qu’il est ennuyé par des voix qui se manifestent à lui de façon insupportable. Sollicité sur la question de comment cela a commencé, il explique qu’il a d’abord une brutale-ment une sensation bizarre, en même temps qu’un bruit sourd se produisait alors qu’il se trouvait dans les toilettes de son école. Il a eu le sentiment qu’une catastrophe se produisait. Depuis, ces voix, assez indistinctes mais s’adressant à lui, le suivent. Son silence est parti. Son analyste s’efforce bien évidemment de repérer les coordonnées de ce surgissement.Je ne rentrerai pas dans des considérations neurophysiologiques – on sait qu’il existe un réglage complexe de l’oreille interne, dont les oto-laryngologues se préoccupent lorsqu’ils ont affaire à des patients présentant des acouphènes. Mais ici, il ne s’agit pas seulement de sifflements, chuintements, etc. d’allure purement mécanique (au sens de purement déficitaire). Les bruits sont subjectivement déstabilisants, ils interviennent dans des circonstances tout à fait importantes. Il s’agit du bruit perçu en tant que le sujet ne peut pas faire autrement que lui prêter signification – au sens d’Augustin d’Hippone, c’est-à-dire de désignation – désignation du sujet, qui peut aller soit du côté de la nomination, soit du côté de l’hallucination (Sauvagnat, 2003).Si la nomination, typiquement, décerne au sujet un signifiant qui prend sa valeur par rapport à un autre signifiant, et au-delà, comme l’expliquait Jakobson, l’insère dans un code, le surmoi, et bien plus l’hallucination désignatrice, s’impose au sujet comme à quelqu’un pour qui aucun code ne tient. C’est ce désarroi, ce décrochement dont ces deux sujets se plaignent chacun à sa façon. Remarquons au passage qu’aucun des deux n’a constitué, au moment décrit, de délire explicatif : ils sont simplement concernés, mais d’une façon insupportable.

Insistance 6.indd 65Insistance 6.indd 65 3/12/11 9:56:303/12/11 9:56:30

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 9: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

66 INSISTANCE N° 6

LES VOI(X)ES DE LA CRÉATION

SILENCE ET CORPS

Ici tout d’abord, une évidence tirée de la clini-que des hallucinations verbales. Si celles-ci ont une telle prévalence dans les psychoses, cette prévalence est consistante avec la notion selon laquelle le sujet peut se définir comme étant un obstacle, une objection au surmoi. En outre, les hallucinations ont toujours été plus ou moins associées par des auteurs classiques comme Benedikt Morel, ou par les « phénoménologues » comme Gerd Huber (Ecole de Bonn ; Huber a démontré que la très grande majorité des psycho-tiques décompensant à l’âge adulte présentaient bien avant des phénomènes de corps allant du malaise indifférencié à des plaintes hypocondria-ques) à des troubles des sensations corporelles, notamment de type hypocondriaque (Sauvagnat, 1999b). Que le « sac du corps » ne fasse pas nécessairement enveloppe, que les limites du corps soient fragiles, toute une série de phéno-mènes cliniques nous le signalent.L’expression « silence des organes » (en fait : « La santé est la vie dans le silence des organes »), due à René Leriche (1879-1955), un spécialiste de la chirurgie du système sympathique et de la douleur, mérite certainement d’être étendue, et au moins de deux manières. Comme le montre l’exemple des sujets hypocondriaques, la douleur peut être une signification énigmatique incar-née (rappelons que le sentiment de perplexité est une des composantes de la « forclusion » lacanienne, comme l’a bien montré le regretté M. Turnheim) ; et d’autre part, le silence, celui qui nous sépare de l’Autre surmoïque, trouve son incarnation, non pas seulement dans l’absence

de douleurs, mais également, et je dirais, surtout, dans le sentiment que le corps est capable de se fermer. Dans un article sur la structure du corps dans l’autisme et les psychoses infantiles, je rappelais que le corps, qui comporte comme le remarque Lacan, deux types d’intérieurs (comme un tore), est quelque chose qui ne se ferme pas naturellement (Sauvagnat, 2005). Si Freud s’est tant intéressé aux orifices corporels, auxquels il a affecté les pulsions sexuelles, avec l’assentiment de Moll et de Krafft-Ebing, c’est précisément me semble-t-il que la question des ouvertures et des fermetures du corps se trouve être cruciale. Comme l’a fait valoir Lacan, les organes sexuels ont une place d’extimité par rapport au corps comme « globalité spéculaire », extériorité qui se retrouve d’ailleurs dans la curieuse localisation neurologique de ces organes, comme une sorte de rajout au corps, sur l’homoncule de Penfield. On peut dire que la fonction du silence, que nous avons décrite à propos du surmoi, trouve son équivalent du point de vue corporel dans la fermabilité du corps. De la même façon que le sujet ne peut que se faire représenter par du signifiant, mais ne peut se sentir exister que s’il y échappe, il y a dans le fonctionnement des pulsions sexuelles quelque chose qui à la fois possède le reste du corps, le « colore », si l’on peut dire, et en même temps, qui nécessite un mouvement de séparation, de coupure, réalisé à minima par le mouvement des sphincters, mais qui demande à être métabolisé par une sorte de représentation du manque. Ce que Lacan, dans le séminaire qu’il consacre aux observations de Rosine Lefort, décrit comme une symbolisation de l’absence. Il y aurait à vérifier jusqu’à quel

Insistance 6.indd 66Insistance 6.indd 66 3/12/11 9:56:303/12/11 9:56:30

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 10: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

INSISTANCE N° 6 67

LA QUESTION DE LA STRUCTURE DU SILENCE EN PSYCHANALYSE

point silence contre le surmoi et capacité dynamique de faire fonctionner les orifices du corps peuvent se recouvrir. Il est évident, certes qu’une notable partie des énurésies infantiles, voire des encoprésies, représen-tent des mécanismes névrotiques – dont l’aspect surmoïque est évident. Il est néanmoins des formes de ces troubles qui sont beaucoup plus massives. Dans un institut de rééducation où je suis intervenu, plusieurs enfants présentaient ces types de troubles, avec une méconnaissance apparemment totale de la nécessité d’exonération régulière, associée d’ailleurs à des troubles du langage tout à fait massifs.Bien entendu, le vécu de la voix est aussi un point important de cette problématique. La profération de la voix pose d’emblée la question des limites du corps. Il n’y a d’appropriation de la voix, au sens tout à fait fragile que peut avoir cette notion, que si le silence est fondamentalement imposé à l’Autre avant toute interlocution « dialogique » ; je ne peux parler que si je pressens que ma voix ne va pas m’échapper, pour se répandre en échos incontrôlables. Il faut pour cela que silence ait été fait. Car pour ce qui est de ce qui m’est propre dans ce que je dis, on sait que la chose n’est nullement évidente ; les paroles ne m’appartiennent pas (elles appartiennent à un idiome) ; mon accent non plus, ni même ma prosodie et mes mimiques, que j’ai bien empruntés quelque part. Il s’en faut de très peu que mes paroles ne soient pas des paroles imposées, de l’hyperendophasie, comme disait Petit, avant que Clérambault, suivant Janet, n’impose la notion d’automatisme mental (Sauvagnat, 1997). Ceci est en somme la conséquence de ce que disait Lacan : « notre discours nous vient de l’Autre sous une forme inversée ». Si mon discours me vient de l’Autre, si les nourrissons, dans leurs lallations, ont déjà des into-nations, des contours, des prosodies qui leur viennent de leurs parents et de leur langue, faire silence dans l’Autre est plus qu’une nécessité.

SILENCE ET RÉALITÉ

Je traiterai ici de la réalité telle qu’elle a été envisagée par J. Lacan comme sous-tendue et encadrée (au sens bien entendu de la théorie de la perspective et du cadre du tableau comme « fenêtre ») par le fantasme. Dans D’une question préliminaire, J. Lacan consacre plusieurs pages à

Insistance 6.indd 67Insistance 6.indd 67 3/12/11 9:56:313/12/11 9:56:31

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 11: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

68 INSISTANCE N° 6

LES VOI(X)ES DE LA CRÉATION

cette question. Je passerai sur les nombreuses influences et débats qui ont préparé cette élabo-ration, et notamment sur le dialogue entre Lacan et Merleau-Ponty (Lacan, 1973 ; Merleau-Ponty, 1945). Je ferai ici un très bref commentaire du schéma R des Écrits de Lacan. Ce schéma se présente comme la jonction de deux triangles, le triangle imaginaire et le triangle symbolique. Le triangle imaginaire oppose à la confrontation mère-enfant le phallus comme élément supplé-mentaire ; le triangle symbolique oppose à la confrontation entre mère et le noyau de l’idéal du moi le nom-du-père (Lacan 1998). Lacan suggère qu’il y a trois moments dans cette jonction entre le triangle imaginaire et le triangle symbolique : la prématuration, la symbiose avec la mère symbo-lique où est expérimenté l’être pour la mort, et finalement la façon dont le sujet joue son exis-tence par rapport au phallus, comme réintroduc-tion de la vie (Sauvagnat, 1999a).À partir de là, le quadrangle de la réalité est produit : 1) par un double effet de bascule, le sujet cherchant à s’identifier à des objets phalliques toujours plus près du désir de la mère comme « origine du corps du sujet », et éprouvant à cet égard des rivalités imaginaires ; 2) par une série d’insignes prenant plus ou moins la valeur de signes de l’idéal du moi (I) ; 3) par le nom-du père comme devant subsister au-delà des confrontations avec le désir mater-nel ; 4) par le phallus en tant qu’il va incarner la séparation, tout en représentant une figure de promesse possiblement liée à la fonction pater-nelle (Sauvagnat, 1999a).Ici encore la question du silence préalable vient s’articuler à la question du nom-du-père, comme

le cas Schreber le montre bien (Sauvagnat, 2003). À la suite de vécus hypocondriaques importants, des fausses couches de sa femme, d’une nomination inconfortable, la décom-pensation, avec une insomnie particulièrement massive, semble avoir été accentuée par l’atti-tude du Pr Flechsig ; le résultat a été une rupture du silence « préalable » et l’apparition d’un dieu dérégulé, sous formes d’hallucinations inter-rompues. Alors que Schreber était haeckelien, et donc athée (Haeckel allait peu après avoir le culot de se faire couronner antipape à Rome par ses amis et collègues), voici que dieu réapparait, par le gouffre de la forclusion. À chaque instant, dieu profère une phrase et exige que Schreber la conclue, de façon à montrer qu’il n’est pas déjà mort. Cette structure, qui s’impose de façon lancinante, Schreber tente de s’y opposer en gardant le silence ; c’est alors que s’élève le miracle de hurlement, arraché de la poitrine de Schreber, dans lequel les témoins reconnais-saient les paroles articulées suivantes : « Je suis Daniel-Paul Scheber, président du tribunal de Leipzig ! » La rupture du silence préalable provo-que donc un vécu menaçant structuré par des questions s’arrêtant au shifter (messages réduits à ce qui dans le code représente le message), ce qui s’oppose bien entendu à la structure de la nomination (message renvoyant au code). Il faut d’ailleurs noter qu’à l’acmé de ces phénomènes, dieu insulte carrément Schreber, le traitant de « Luder ! » (que Lacan traduit par charogne). Le lien entre silence et nomination est donc omni-présent. Le cadre de la réalité est donc en fait constitué par une nomination préalable, dont est tissé le silence.

Insistance 6.indd 68Insistance 6.indd 68 3/12/11 9:56:313/12/11 9:56:31

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 12: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

INSISTANCE N° 6 69

LA QUESTION DE LA STRUCTURE DU SILENCE EN PSYCHANALYSE

Le cadre de la réalité, dans le cas de Schreber, éclate en huit formes diffé-rentes, dont deux restant en consonance avec la « réalité commune » (son rapport préservé à sa femme, et celui aux autres juristes et au lectorat de ses mémoires). Je ne les détaillerai pas ici (voir mon article dans l’European Journal of Psychoanalysis, à paraître). Le point important est néanmoins que l’origine de la catastrophe est nettement située quoiqu’elle demeure bien évidemment énigmatique (meurtre d’âmes, complot des Flechsig avec dieu), et que c’est aussi le lieu d’où le silence est détruit par les hallucinations ; le monde, constitué de rayons divins, s’est trouvé entièrement bouleversé, l’humanité détruite ; un silence relatif intervient grâce à la stabilisation temporaire de Schreber autour d’une transformation corporelle lui permettant de féconder l’humanité, et de l’intuition brutale que les humains, qu’il croyait réduits à des ombres, restent malgré tout vivants.

CONCLUSION : PUISSANCE DE LA CURE

J’ai tenté de montrer que la question du silence, comme condition préliminaire de l’existence du sujet à l’égard du surmoi (qu’il faut selon moi faire remonter aussi tôt que naît l’enfant, si l’on veut bien admettre que le langage est tout autant une instance parasitaire que « structu-rante »), doit être envisagée non seulement sous sa forme acoustique, mais également corporelle (le langage, tout autant que la question du phallus, est ce qui structure le « sac du corps », comme s’exprime Lacan dans RSI) et comme constitutive du « cadre » de la réalité. De ceci, nul doute que la musique témoigne, mais je laisserai ce point aux spécialistes… Quant aux analystes, ils ne peuvent ne pas tenir compte de ces données, en tant que la psychanalyse a nécessairement à faire avec le surmoi.

BIBLIOGRAPHIE

ANGUELLI, D. 2009. La question des résistances en psychanalyse, thèse de psychopathologie, université de Rennes 2.

Insistance 6.indd 69Insistance 6.indd 69 3/12/11 9:56:313/12/11 9:56:31

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 13: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

70 INSISTANCE N° 6

LES VOI(X)ES DE LA CRÉATION

FAJNWAKS, F. 2006. Caractère et troubles de la personnalité en psychanalyse (à partir de 1930), thèse de psychopathologie, univer-sité de Rennes 2, 2006.

FLIESS, R. 1988. « Silence et verbalisation. Un supplément à la théorie psychanalytique », dans R. Lew et F. Sauvagnat (sous la direc-tion de), trad. F. Sauvagnat, La voix, Paris, Éditions de la Lysimaque.

FREUD, S. 1953. « Le début du traitement », dans La technique psychanalytique, Paris, PUF.

FREUD, S. 2005. Inhibition, symptôme et angoisse, Paris, PUF.

GAFFIOT, F. 1936. Dictionnaire latin-français, Paris, Hachette.

GREENSPAN, S. ; MCWILLIAMS, N. ; WALLERSTEIN, R. (sous la direction de). 2006. Psychodynamic Diagnostic Manual, Alliance of Psychodynamic Organisations, Silver Spring, Maryland.

LACAN, J. 1966a. « D’une question préliminaire à tout traitement de la psychose », dans Écrits, Paris, Le Seuil.

LACAN, J. 1966b. « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien », dans Écrits, Paris, Seuil.

LACAN, J. 1966c. « Remarques sur le rapport de Daniel Lagache », dans Écrits, Paris, Le Seuil.

LACAN, J. 1973. Le Séminaire XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Le Seuil.

LACAN, J. 1974. Le Séminaire XX, Encore, Paris, Le Seuil.

LACAN, J. 1974-1975. Le Séminaire, RSI, publié dans les numéros 2 à 5 de la revue Ornicar ?

LACAN, J. 1987. Le Séminaire I, Les écrits techni-ques de Freud, Paris, Le Seuil.

LACAN, J. 1998. Le Séminaire V. Les formations de l’inconscient, Paris, Le Seuil.

LERICHE, R. 1937. La chirurgie de la douleur, Paris, Masson.

MERLEAU-PONTY, M. 1945. Phénoménologie de la perception, Paris, PUF.

MILLER, J.A. 1988. « Jacques Lacan et la voix », dans R. Lew et de F Sauvagnat (sous la direction de), La voix, Paris, Éditions de la Lysimaque.

NACHT, S. 1963a. La présence du psychanalyste, Paris, PUF.

NACHT, S. 1963b. « Le silence facteur d’intégra-tion », Revue française de psychanalyse, 29, p. 271-280.

Nouvelle revue de psychanalyse. 1975. Figures du vide, Paris, Gallimard.

SAUVAGNAT, F. 1991. « De quoi les phénomè-nes élémentaires psychotiques sont-ils l’in-dice ? », dans H. Grivois (sous la direction de), Psychose naissante, psychose unique, Paris, ed. Masson, p. 109-122.

SAUVAGNAT, F. 1997. « La “désensorialisation” des hallucinations acoustico-verbales : quelques résultats actuels d’un débat cente-naire », dans Polyphonie pour Ivan Fonagy, ouvrage collectif, Paris, L’Harmattan, p. 165-182.

SAUVAGNAT, F. 1999a. « La forclusion du nom-du-père est-elle inséparable du “pousse à la femme” ? » ; dans Destins sexués du sujet, Section Clinique de Rennes, ouvrage collectif, p. 105-130.

Insistance 6.indd 70Insistance 6.indd 70 3/12/11 9:56:313/12/11 9:56:31

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 14: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

INSISTANCE N° 6 71

LA QUESTION DE LA STRUCTURE DU SILENCE EN PSYCHANALYSE

SAUVAGNAT, F. 1999b. « À propos des conceptions déficitaristes des troubles schizophréniques », dans Sciences et fictions, Presses universitaires de Rennes, p. 167-188.

SAUVAGNAT, F. 1999c. « L’écholalie : un symptôme cardinal des psycho-ses infantiles », L’Envers de Paris, Revue de l’Association psychanaly-tique L’Envers de Paris, n° 21, octobre, p. 10-13.

SAUVAGNAT, F. 1999d. « Les constructions cliniques autour du silence des pulsions », dans J. Giot et J. Kinable (sous la direction de), Langage et constructions cliniques, Namur, Presses universitaires de Namur, p. 259-292.

SAUVAGNAT, F. 1999e. « La question de la réaction thérapeutique néga-tive », Psychologie clinique, n° 6, p. 125-150.

SAUVAGNAT, F. 2003. « Fatherhood and naming in J. Lacan’s works », dans The Dymptom, Online Journal for Lacan.com. http://lacan.com/fathernamef.htm, 2003.

SAUVAGNAT, F. 2004. (en collaboration avec J.M. Alvarez et R. Esteban) Fundamentos de psicopatologia psicoanalitica, Madrid, Sintesis.

SAUVAGNAT, F. 2005. « Body structure in autistic and psychotic children », dans Helena de Preester et Veroniek Knockaert (sous la direction de), Body Image and Body Schema, John Benjamin Publishing Co, Advances in Consciousness research, 62, p. 153-172.

SAUVAGNAT, F. 2010. « E. Pichon et J. Lacan : une tentative d’état des lieux des influences, convergences et divergences », dans De M. Arrivé, V. Muni Toké et C. Normand (sous la direction de), De la grammaire à l’inconscient. Dans les traces de Damourette et Pichon, Limoges, Lambert-Lucas éd.

SAUVAGNAT, F. 2011. « Eight forms of realities in the Schreber case », à paraître dans l’European Journal of Psychoanalysis.

VIVÈS J.M. 2007. « Le silence des Sirènes : une approche kafkaïenne de la voix comme objet a », Figures de la psychanalyse, 2, n° 16, Toulouse, érès.

Résumé : l’auteur essaie de caractériser la structure du silence en psychanalyse, en considérant qu’un pas décisif a été réalisé dans ce domaine par J. Lacan. Jusqu’aux travaux de ce dernier dans les années 1950, en effet, le silence était étudié sous deux rubriques : le silence du patient, généralement rapporté à des

Insistance 6.indd 71Insistance 6.indd 71 3/12/11 9:56:313/12/11 9:56:31

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S

Page 15: François Sauvagnat     La question de la structure du silence en psychanalyse_INSI_006_0059

72 INSISTANCE N° 6

LES VOI(X)ES DE LA CRÉATION

résistances et à diverses problématiques pulsionnelles ; le silence de l’analyste, qui était décrit soit comme lié à une intersubjectivité nécessaire, soit comme participant d’une communication infra-verbale, soit comme risque de déstabilisation du patient, soit comme le lieu d’une réconciliation possible entre le patient et son surmoi. Avec Lacan, la question du silence est fortement liée à la question du surmoi, compris à partir du phénomène des hallucinations interrompues schrébérienne, et a des conséquences sur la façon dont il envisage la structuration du corps et de la réalité. Deux cas clini-ques sont cités, et les conséquences de cette avancée pour le traitement analytique sont évoquées.

Mots-clés : Silence, résistances, surmoi, hallucinations, structuration corporelle, réalité, J. Lacan.

Summary : The author attempts to characterize the structure of silence in psychoanalysis, considering that J. Lacan has brought decisive progress to this issue. Before Lacan’s pathbreaking formulations, silence in psychoanalysis was mainly studied under two aspects : the patient’s silence, generally understood as deter-mined by resistances y various drive issues ; the analyst’s silence, described as determined by a neces-sary intersubjectivity or by infra-verbal communication, or as a risk of destabilization for the patient ; or finally as the locus of a possible reconciliation between the patient and his superego. With Lacan, the question of silence is strongly related to the issue of the super-ego, understood as having a structure similar as the phenomenon of intrerrupted hallucinations in D.P. Schreber’s case ; this has important consequences on

the way he conceives body-structuration and reality. Two clinical cases are quoted, and the consequences of these advances for the analytic technique are mentioned.

Keywords : Silence, resistances, superego, hallucina-tions, body structuration, reality, J Lacan.

Resumen : El autor trata de caracterizar la estructura del silencio en la psicoanàlisis, considerando que J. Lacan ha alcanzado un avance decisivo al respecto. Hasta los trabajos decisivos de J. Lacan en los anõs 1950, el silencio era estudiado bajo dos aspectos : el silencio del paciente, generalmente entendido como determinado por resistencias y varias problematicas pulsionales ; el silencio del analista, describido como determinado por una necesaria intersubjectividad, o como necesitado par una comunicaciòn infra-verbal, o como un riesgo de destabilizaciòn del paciente, o finalmente como el lugar de una posible reconcilia-ciòn entre el paciente y su superyo. Con Lacan, la cuestiòn del silencio esta fuertemente ligada con la cuestiòn del superyo, entendido a partir del fenòmeno de las halucinaciones interruptas schreberianas, y eso tiene consecuencias sobre la manera en que considera la estructuraciòn del cuerpo y la realidad. Dos casos clinicos estàn citados, y las consecuecias de este avance por el tratamiento psicoanalitico son presentadas.

Palabras claves : Silencio, resistancias, superyo, halu-cinaciones, estructuraciòn corporal, reality, J. Lacan.

Insistance 6.indd 72Insistance 6.indd 72 3/12/11 9:56:313/12/11 9:56:31

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

uni

v_pa

ris7

- -

201

.214

.60.

73 -

06/

07/2

012

18h5

3. ©

ER

ES

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - univ_paris7 - - 201.214.60.73 - 06/07/2012 18h53. © E

RE

S