gilbert simondon l'individuation psychique et co

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GILBERT SIMONDON L'individuation psychique et collective L a philosophie de Gilbert Simondon a pour objet le processus d'individuation et son antériorité sur l'individu qui n'est qu'une phase dans.un processus pré- individuei. Sa problématique s'organise autour du fonds grec- la physis des anciens physiologues et les notions platonicienne et aristotélicienne de «forme» - et des · découvertes contemporaines qui en permettent la critique: celles de « potentiel>>, d' « information >>,de « métastabilité >> et de «transductivité>>. Cette problématique est ici mise en ceuvre à propos de l'individuation psychique et collective. En même temps qu'il développe une critique de l'hylémorphisme et logique de l'identité et du tiers-exclu au nom '"' d'équilibre métastable, l'auteur jette les science unitaire. Cet ouvrage écrit en 1958 de maniàre plus que prémonitoire tout un philosophie française contemporaine qui, en-dE>C monisme et du dualisme, veut être une dynamique et une génétique des singularités de l'être et de GllBERf SIMONDON (1924-1989) est l'auteur de nonnbre dont, aux éditions Aubier, Du mode des SLUB. A ubier Philosoph 1111111 3. GILBERT SIMONDON L'individuation psychique et collective Préface de Bernard Stiegler Aubier Philosophie

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GILBERT

SIMONDON L'individuation psychique

et collective

L a philosophie de Gilbert Simondon a pour objet

le processus d'individuation et son antériorité sur

l'individu qui n'est qu'une phase dans.un processus pré­

individuei. Sa problématique s'organise autour du fonds

grec- la physis des anciens physiologues et les notions platonicienne et aristotélicienne de «forme» - et des ·

découvertes contemporaines qui en permettent la critique:

celles de « potentiel>>, d' « information >>,de « métastabilité >>

et de «transductivité>>.

Cette problématique est ici mise en ceuvre à propos de

l'individuation psychique et collective. En même temps

qu'il développe une critique de l'hylémorphisme et

logique de l'identité et du tiers-exclu au nom uv~ '"'

d'équilibre métastable, l'auteur jette les for1dE>mr~ntsd' science unitaire. Cet ouvrage écrit en 1958 ~nno1nr

de maniàre plus que prémonitoire tout un se1~teur

philosophie française contemporaine qui, en-dE>C

monisme et du dualisme, veut être une dynamique et une génétique des singularités de l'être et de

GllBERf SIMONDON (1924-1989) est l'auteur de nonnbre

dont, aux éditions Aubier, Du mode c!'~xistence des

SLUB.

A ubier Philosoph 1111111 3.

GILBERT

SIMONDON L'individuation

psychique et collective

Préface de Bernard Stiegler

Aubier Philosophie

La pbilosopbie est à faire et c'est une bonne nouvelle. Elle n'est pas donnée dans son histoire, ses institutions, ses textes, son inconscient : elle est toujours autre que son passé. Elle doit être inventée à l'occasion des nouveaux savoirs qui hantent l'encyclopédie, par exemple Ies techno­logies et Ies sciences, mais pas seulement elles. L'invention philosophique a un programme : prendre en compte la nouveauté et l'énergie de Ia décision pbilosophique, cesser de • critiquer •· Et un mot d'ordre : Inventez la philo­sophie!

I

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L'INDIVIDU ATION

PSYCHIQUE

ET COLLECTIVE

GILBERT SIMONDON

L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

ET COLLECTIVE

à la lumiêre des notions de Forme, Information, Potentiel et Métastabilité.

Res « L'invention philosophique »

AUBIER

! /

A Michelle Berger, ma femme

© Editions Aubier, 1989 et. 2007 ISBN 978-2-7007-1890-4

L'INQUIÉTANTE ÉTRANGETÉ DE LA PENSÉE

ET LA MÉTAPHYSIQUE DE PÉNÉLOPE

Pour François Laruelle, qui m'a fait connaltre l'reuvre de Gilbert Simondon.

Depuis Jean-Jacques Rousseau, une des questions les plus répandues dans les débats poli tiques ( et par ou se distinguent traditionnellement la droite et la gauche) est de savoir si l'homme est naturellement bon ou mauvais. Or une telle question n' a philosophiquement aucun seus - et lorsque I' on attribue au penseur du contra! social !e propos selou leque! l'homme est foncierement bon, on altere sa pensée précisé­ment là ou elle est philosophique.

Sans aucun doute, pour Rousseau, si I 'homme de la pure nature existait, i! ne pourrait être que foncierement bon. Mais il n 'existe pas. En revanche, nous avons besoin de sa fiction pour penser I 'homme, et ce, parce que Rousseau mel en évidence que l'homme est un processus, qu'il est donc en devenir, et que dans ce devenir, ce qui !e meut est un motif dont Rousseau pose en principe que, tendant à l' équilibre du droit à travers le déséquilibre des faits, tendant en cela à l'unité à travers ses différences, i! affirme une égalité de tous les hommes qui a pour corrélat leur égale bonté.

Car i! s' agit, dans !e fameux Discours, de penser l'homme en droit, c'est-à-dire l'homme à venir. L'homme devient, et unte! devenir n'est pas un mécanisme aveugle: c'est l'exer­cice d'une liberté -la liberté qu'a l'homme d'être ou de ne pas être bon. Autrement dit, l'homme n'est ni bon ni mau­vais, parce qu'il est bon en droit et mauvais en fait : i! est entre deux tendances, celle du réel actuel, et celle de l'ima­ginaire à venir fondé sur la fiction d'un passé absolu : celni de « I 'homme de la pure nature ». Et la fiction de cet homme de la pure nature se mire dans I' avenir posé à I' infini

II L'INDMDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

d'unprocessus d'individuation par essence inteirninable. À l'infmi, cela signifie aussi que cet état d'égal~té et ,de bonté qui définit l'honnne de la pure nature « peut-etre n a JamaiS existé [ et] probablement n' existera jamais 1 » : Rousseau n' ~ jamais prétendu !)i réaliser !e paradis sur terre, m qu'il ai! jamais· eu li eu 2 • Ã cet égard, même !e « bon sauvage » est mauvais en fait - si peu que ce soit.

En fin de compte, poser la question de savoir si l'honnne est bon ou mauvais, c' est ne pas comprendre c e qu' es~ une question philosophique.: c' est ne pas comp~endre la n~ces­sité de distingner ce qm est en fai! de ce qm est en drmt, et que la liberté tient justement à cette différence, tandis que la philosophie tient à cette liberté. Si la philosoph1e _peut faire cette distinction, et sans opposer ies termes qm s'y forment c' est parce que !e philosophe pose, à I' origine même de la philosophie, et connne une question fondatrice de toute philosophie, que l'honnne n'est ni bon ni m_auva1s : i! est irréductiblement les deux. 11 est bon et mauva1s 3•

* Ce et ouvre ce que Simondon, reprenant un terme de la

Théorie de la Forme, qui l'emprunte elle-même à la phy­sique de l'électromagnétisme, appelle un champ 4

: la conjonction de coordination et, dru;'s l'expressio_n << bo?- et mauvais », qui est évidennnent auss1 une d!sJonchon, qm est donc !e nreud d'une contradiction constitutive, nouant en cela un principe dynamique, cette conj~nction disjonctive s~ tient entre des termes formant une relatwn transduchve - ou

1. Rousseau, Discours sur !'origine de l'inégalité parmi les hommes, CEuvres completes, Seuil, 1971, p. 210.

2. « 11 n'est même pas venu dans l'esprit de la plupart des nôtres de douter que l'état de nature efit existé, tandis qu'il est évi_dent,,P~ la lecture des livres sacrés, que le premier homme, ayant reçu munedtatement de Dieu des lumiêres et des préceptes, n'était point lui-même dans cet état, et qu'en ajoutant aux écrits de Mo'íse la foi ~ue leur doit tout philosophe chrétien il faut nier que, même avant le deluge, les hommes se sment jamais Írouvés dans le pur état de na~e •. à moins qu'ils n'y soient retombés par quelque événement extraordina1re : paradoxe fort embarras­sant à défendre et tout à fait impossible à prouver )), ibid., p. 212.

3. Je commente ces an~yses de Rousseau en détail dans La technique et /e temps ]. Lafaute d'Epiméthée, Gali1ée, 1994, p. 122-123.

4. Cf infra, p. 36, 44, 46.

PRÉFACE III

c'est la relation qui constitue ses termes, et ou un terme, par exemple !e bon, n 'existe pas sans l'autre terme, par exemple !e mauvais.

Or, une relation transductive connne celle du bon et du mauvais (qui est un champ) est elle-même inscrite dans une relation transductive d'un type particulier (et qui ouvre un autre champ ), que Simondon appelle une dyade 1 - terme qu'il reprend à Platon. La dyade n'est pas une simple rela­tion transductive en ceei que ses << termes » sont eux-mêmes indéfinis, et en cela interminables ( et indéterminables ). Ils tendent à l'infmi.

Sirnondon pose que le champ ou !e et articule et en cela constitue le bon et !e mauvais en les distinguant est traversé de tendances qui ne s 'actualisent et ne se concrétisent que dans ce et. C'est dans unte! champ que se forme et trans­forme un individu qui, connne processus d'individuation psychique se conjuguant avec une individuation collective tout en s' en distinguant, ou i! s 'individue psychiquement en droit connne en fait, devient !e centre et en ce sens !e milieu de cette relation, et ce, précisément connne sa conjonction disjonctive. Gilles Deleuze reprendra à Simondon, et connne l'un des traits les plus récurrents de son reuvre propre, cette façon de penser à partir d'une conjonction disjonctive en inscrivant les problemes de I 'individuation au milieu d'une relation ou i! faut partir du milieu de la relation plutôt que de ses extrémités pour pouvoir la penser.

Une telle relation dynamique est une tension. Et elle ne peut se tendre qu'à l'intérieur d'un processus d'individua­tion qui dépasse l'individu, et qui le traverse connne les termes indéfinis de la dyade, dont cet individu est un théâtre d'individuation. Qu'il soit un te! théâtre, et que l'individua­tion qui s'y joue connne une piece soit toujours déjà à la fois psychique et collective, que cette individuation, autre­ment dit, dépasse l'opposition de l'intérieur et de l'extérieur, et que, dans ce dépassement, jouent et s'expriment des teu­dances qui correspondent à ce que I' on appelle, dans les expressions morales du jugement, << être bon » ou << être mauvais » (ou << être méchant »), cela veut dire qu'en tant que ce théâtre, ce qui se joue sur la scene d'un te! individu

l. lbid., p. 21, 22, 40, 52, 117.

IV L'IND!VIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECT!VE

s'individuant peut être soit favorable à l'individuation col­lective, par son individuation psychique, soit défavorable à cette individuation collective par cette même individuation psychique. Mais dans ce cas, celle-ci tend à être plutôt une désindividuation psychique : une perte d'individuation psychique.

C'est ainsi que Simondon consacre une breve mais vigou­reuse analyse-à la question de la tentation 1, tout en renouve­lant de fond en comble la question du bien et du mal 2 qu'il ne range donc pas au magasin des antiquités métaphysiques et morales. C'est aussi pourquoi i! en appelle à Socrate sur ce point. Car être défavorable à l'individuation collective, c'est toujours, en fm de compte, être défavorable à sa propre individuation psychique : tous comptes bien faits, c'est nécessairement se désindividuer soi-même.

Et tel est aussi le sens du' et à la fois conjonctif et disjonc­tif, non seulement dans la relation du bon et du mauvais, mais dans le processus d'individuation psychique et collec­tive, ou Simondon pose en principe que je ne peux m'indivi­duer psychiquement qu'en participant à l'individuation collective - tandis que toute évolution de l'individuation collective affecte en retour les conditions de mon individua­tion psychique.

C'est ce que disait déjà Socrate: être défavorable à l'indi­viduation collective, ce que Socrate appelle être injuste, c'est inévitablement se faire tort 3 : tel est l'un des princi­paux enjeux du Gorgias.

* Tendue comme jamais entre bonté et méchanceté, la ques­

tion de l'avenir de l'humanité s'impose aujourd'hui vertigi­neusement - et cette question d' abord moral e devient

I. Ibid., p. 162-163. 2. Ibid., p. 159, 163, 244, 256. 3. Simondon écrit à ce sujet que « le raisonnement de Socrate, ov8et<J'

exmv a:Jlap-ravet, selon lequel nul ne fait le mal volontairement, est remarquablement révélateur de ce qu'est la véritable conscience morale de l'individu et d'une société d'individus ; en effet, comme la conscience morale est auto-nonnative et auto-constitutive, elle est par essence placée dans l'altemative ou bíen de ne pas exister, ou bien de ne pas faire le mal volontairement )>, cf infra, p. 259.

PRÉFACE v

( comme cela s' impose avec Rousseau) la politique même : c'est celle de la philia.

Or, Simondon nous permet d' envisager ces questions de;renues t;ohflques ?aos des termes neufs - qui réinter­pretent et reacflvent 1 ensemble des questions fondatrices de la pensée philosophique à travers un appareil conceptuel absolument original. . Celui-ci décrit le.s proces~us d'individuation vitale, phy­

srqu~ et psychosocmle en s appuyant sur les acquis de la physrque çonte~poraine aussi bien que sur les résultats des scrences hum~mes. Et son but déclaré est de fonder une s~wnce ~umam~. réunifiée -. précisément en c e qu' elle depasse 1 opposltwn du psychrque et du social artificielle­ment pro~uite par !a division du travail intellectuel qui aura donne nar~sance a la ps:rchologie et à la sociologie, au moment ou la philosophie, e?mme pouvoir de synthese, a?~donnalt aux scrences posrflves ses capacités analytiques regwnales. ~e deven~r analytiqu~ des savoirs est issu de la séparation

m7thodologrque des objets de l'intellect devenant les disci­plmes d~ la pensée aussi bien que de la division industrielle du travail ( manuel puis intellectuel) 1,

~sycholo,gie et ~orale se sont séparées dans la philoso­phie ( ce qm ~· avart aucun sens à 1 'époque grecque) à partir du m?n;tent. ou se sont mrses en place des catégorisations et des dr~fl'!ctwns da?s le travail intellectuel qui ont fmalement condmt a une drvrswn entre, d'un côté, métaphysique (ou

VI L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

critique de la métaphysique) et épistémologie, et de l'autre côté, sciences humaines - celles-ci résultant d'une division analytique des objets humains et sociaux selou les méthodes d' observation et de quantification spécifiant de nouveaux champs du travail intellectuel.

Une telle répartition des tâches, qui conduisit à l'éclate­ment des savoirs ( tel que dans le même temps, la philoso­phie se séparait aussi des sciences de la nature ), est contemporaine de la discrétisation des opérations du travail humain (à travers un processus de gramma!lsatron

1) et de

leur extériorisation dans les machines par le capitalisme

industriel. Cet état de fait, qui aura induit un extraordinaire progres

des connaissances, est pourtant aussi ce qui conduit à une sorte d' énucléation de la pensée, voire à sa désindividuation, que tentent de nos jours de surmonter diverses velléités d' agrégations pluridisciplinaires - ainsi par exemple des sciences dites « cognitives ». Or, à de telles arnbitions, la faculté de relier synthétiquement les savoirs analytiquement constitués par leurs méthodes fait largement défaut - tandis que l'reuvre de Simondon est la pensée d'une telle faculté, de sa nécessité, et de ce qui y fait obstacle de façon n?n pas conjoncturelle, mais bien structurelle, et comme ce qm, pour cette raison même, est ce qui donne à penser, et plus précisé­ment, à penser une nouvelle critique de la pensée comme

raison individuante.

* Comme l'a souligné Jacques Garelli 2

, Simondon réactive les questions des Présocratiques : la pensée de l'individua­tion psychique et collective est une grandiose réouverture de la question inaugurale de l'Un et du Multrple et de !'hypokeimenon proton- qui se pose à \'origine de la pensée grecque comme \e probleme surgissant avec et pour la polis

1. J' ai développé ce concept dans De la mishe symb?li~ue 1. L' éP_oqu,e hyperindustrielle, Galilée, 2004, p. 103 et 112 sq. ; Me~reance et dzscre­dit 1. La décadence des démocraties industrielles, Gahlée, 2004, note 1 p. 65-67, et Réenchanter le monde. La valeur esprit contre le capitalisme industriel, Flammarion, 2006, p. 74 sq. et 124 sq.

2. Dans sa Préface à L 'Jndividu et sa genese physico-biologique,

Jérôme Millon, 2005.

PRÉFACE VII

naissante (ou !e principe de son dynarnisme est aussi comme tension de I 'Un et du Multiple, !e principe de ce qui Ia menace - comme danger de cette désindividuation que les Grecs nomment stasis). .

En, revisitant le nreu~ de l'Un et du Multiple, Simondon ten~ a rec~nstJtue~. une epoque synthétique de Ia philosophie ~pres plusteurs stecles de domination de la pensée analy­tJque en phtlosophie - depuis Descartes et sa nouvelle conception de Ia méthode. Cela se voit particulierement bien d~ns L 'Individuation_ psychique et collective qui, outre ses tres abondants _et pmssants d~veloppements sur ce qu'il en est de Ia questron de la relatJon comme prerniere question de la philosophie, et que cet ouvrage creuse dans tous les sens, revendtque explicitement l'ambition de fonder avec ce nouveau conc~pt de Ia relation 1 ·( et dane de Ia synthese) une autre axromatique des sciences humaines qui puisse fonder la science humaine. , Cette !UUbition, cette mission de synthétiser2, réassignée a la _Phtlosophte, et comme réunification d'une science ~umam~,- ce que Sintondon compare au dépassement de 1 oppost!lon entre physique et chintie dans les sciences de Ia nature', n'est pas pour autant un congé donné à l'analyse­

au contratre : raremeJ_J-t on aura vu un ouvrage de philo­, temr compte ausst scrupuleusement des savoirs de epoqu~, et dans tous les domaines, et par leur menu le analy!lque ( sctence physique, science de Ia vi e techno­

. sociologie, psychologie, sciences sociales, sciences du

·~:~~y~::;~~~[~e)~n repassant chaque fois par toute l'histoire de

· agtt en aucun c as d' abandonner Ies considérations nallvtiaues des objet~ de 1~ pens~e, ~ les méthodes qui per­

de les produrre : tl ne s agtt pas de s 'opposer aux

"""'~-souligner le !J'avail im~osant que Jean-Hugues Barthélémy a

s~mondonmenne de la relativité philosophique : . Slmondon et la philosophie de la nature et Penser

et la technique apres Simondon, L'Hannattan' 2005. synthêse n'est_évidemment pas dialectique, et ehe appelle

nott:ve•m c:on<oept ~e ce qu'Il e~ ~st des _conditions de la synthese même 1e dléSl:gne plus snnplement tct ce qm unifie, ce qui produit de l'Un

;etance la m~ltiplicité en l'in-dividuant : dynamique eÍ c est ce que Stmondon appelle une « transduction résolu­p. 27.

p. 34 35.

VIII L'INDMDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

sciences, ou de leur contester leurs objets. Il s'agit tout au contraíre de considérer ces objets au plus pres. Mais il s'agit aussi de réinscrire ces résultats analytiques dans un chemi­nement synthétique, c'est-à-dire dans une méthode qui est la relation même en tant que sun-thésis.

Une telle méthode repose sur le primat donné à la relation qui constitue ses termes, et qui est dite en cela transductive - un primat donné par rapport à la relation déductive a priori et à la relation inductive a posteriori : c'est un nouveau rapport à l'expérience pensée comme étant irréductiblement inscrite dans un systeme dynamique. La philosophie elle­même, et singulierement celle que propose Simondon lui­même, est un cas spécifique d'une telle expérience et d'une telle inscription. Cette nouveauté (qui donne congé à 1' oppo­sition de 1' a priori et de 1' a posteriori) est la transduction comme relation dynamique dans un systeme - et dans un ensemble de systemes, eux-mêmes en relations transductives - pour laquelle il faut se donner le concept de préindividua­lité, et plus précisément, de milieu préindividuel.

* L 'Individuation psychique et collective est 1' ouvrage ou

Simondon établit les conditions de possibilité et les limites de la connaissance de l'individuation sons toutes ses formes - physique, vitale et psychosociale : c'est une critique de la connaissance au sens kantien.

Les conditions de possibilité de la connaissance de l'indi­viduation y sont relatives : ce sont aussi des conditions d'impossibilité, ou encore, ce sont les conditions d'une pos­sibilité limitée et toujours relancée. Ce sont les conditions d'une connaissance essentiellement conçue, des lors, comme le processus d'un inachevement qui caractérise aussi l'indi­viduation en tant que telle.

Cette nouvelle critique est un nouvel appareil concep­tnel ou les catégories qui furent à la base de toute la philo­sophie, et qui tentaient d'appréhender l'individu (comme -r:oôe n et O'VVOÀOV ou comme subjectum et finalement comme sujet), deviennent une région de la pensée, comme les principes de Newton ou l'axiomatique d'Euclide sont des régions de la physique et de la géométrie contemporaines.

PRÉFACE IX

Ce. qui. doit ~ésormais être pensé est le préindividuel corru;ne mtheu ou se produit un processus dont l'individu est un resultat,. et pour leque\ les catégories qui permettent de cemer celu~-ct ,sont inopérantes. Dans une telle pensée du processus, tl n y a plus de privilege accordé à 1'' d' 'd psy.c~que : les individus sociaux sont ni plus ni m:in~v~e~ mdivtdus que les personnes physiques.

L~s C?~ditwns relatives de possibilité dela connaissance de 1 mdJV~duatwn sont alors des conditionsd'impossibilité parce ~u't.l ~'est pas possible de connaltre l'individuatio~ sans 1 rn~IV~dl:ler, et sans s'individuer : sans s'individuer et. sans mdtvtduer du même coup l'individuation ainsi ~onn_ne et redevenant par là même inconnue, c'est-à-dire

' madequate. Connaltre, c'est individuer et individuer c'est • trans-form~r 1' objet. connu, et le ~endre inco~u à · P?nnru.tre, a re-connrutre ; et il en va ainsi parce que l'i~di­

. y:Jduatwn gnoséologique e~t un cas d'individuation psy-.. et soczale qm condmt à la transindividuation. C'est

· le cas par ,e_xcellence ou l'individuation du sujet en .tant qu mdtvtdu psychique, est immédiatement

l~!ftdívidluation, dl! ~avo~r en tant que celui-ci est indissocia­une re.ahte soct~le et une réalité psychique .

. . · •· , psy;hz9u~ et collective est cette critique ·

1 que 1 ouvrage decnt 1 opération de transindividuation

· aquell.e, dans le processus qu' est l'individuation, se pro­la categonsatwn en général, et telle que de cette colnci­

entre le psychique et le social dans 1' acte de connaltre paradoxalement une inadéquation irréductible entre de c~nnaltre et le résultat de cette connaissance à

~~{s"~~ objet : la co~aissance d'un te\ objet est co~e une pro~uctwn de cet objet, mais qui surgit ici

de connats~ance comme « saut quantique » dans dh•idlJation ab~uttssant à une métastabilisation du savoir

une ~s~bilisation potentielle de ce savoir _ et ,,,]..;.,, qm s y est constitné. signifíe . que, la ccinnaissance est un processus sans

,' Pr~::~~l?,~~~~~-a une mdlVlduation collective plus vaste, ,p . porteur de potenttels qu' actnalisent des

ps~chiques ou soci~~·.n~ s'individue qu'à travers d un pro~essus d mdtvtduation ou s'enchalnent

:quiilibres metastables toujours à la limite du

X L'INDIVIDUATION PSYCH!QUE ET COLLECTIVE

C' est en cela que cette critique de la raison individuante procede des questions qu'aur~nt ouverte~ la tJ.le~od~a­rnique et la rnécanrque quantrque ; et c est amsr qu ~lle enchalne sur la Critique de la razson f!Ure dont le mr}reu d'individuation était la physique newtomenne. Cet enchame­rnent cornrne dépassernent de I' opposition de la matiere et de 1~ forme (principal acquis de f'Individu, et sa . genese physico-biologique), suspend du rnerne coupl op~osrtwn de I' a priori et de I' a posteriori, et la rarso~ r~drvrduante ~e peut plus être pensée en dehors du couple mdrvrdu connars-sant/rnilieu connu. ·

La conséquence en est que la connaissance y devient per­forrnative : l'individu qui connalt altere le milieu en le connaissant, c'est-à-dire en l'individuant, et une telle srtua­tion nécessite une réforrne de l'entendernent hurnar~ telle que, cornrne l'opposition de la f?rrne et ~e la ~atrer~ •. et cornrne celle de I' a priori et de I a posterzorz, I opposrtwn de la psychologie et de la sociologie doit être dépassée ( et toutes les oppositions qui s'ensuivent dans l'ensernble des sciences de l'hornrne) : c'est en ce sens que le proJe! de cette critique de la raison individuante qu'est L 'Individua­tion psychique et collective est de refonder ~e scrence hurnaine, c'est-à-dire une connaissance de ce qu'rl en est de cette individuation psychosociale dont la connarssance elle­rnêrne n' est qu'un cas.

* Or une telle science hurnaine doit rendre une dignité plé­

niere' et rnêrne prirnordiale aux questions spiri~el~es, morales et éthiques. L'irnpossibilité de connaitre l'mdiVI­duation sans s 'individuer et sans individuer du rnêrne coup l'individuation - qui signifie que I' opposition du sujet e~ de l'objet ne perrnet plus de penser la connaissance, et qur ms­cri! une inadéquation irréductible au cceur rnêrne de l'~c~e de connaissance - est un cas du défaut qur constrtue en gen~­ral la subjectivation cornrne individuation, et dont l'expe­rience quotidienne de l'individu s'individuant est avant tout mora/e bien plus tôt que gnoséologrque.

Car ce n' est que depuis la pensée d'une inadéquation de l'individu à lui-même, qui tient à ce que l'individu i~téri~­rise toujours déjà son roilieu extérieur, et les potentrahtes

PRÉFACE XI

préin~ivid~elles d'individuation à venir qu'il receie, et telle que l'tndlVldu s'en trouve toujours déjà dépassé par l'indivi­duatwn le _traverse et le soutien!, ce n'est que cornrne

de l'individu à lui-rnêrne que la conjonc-

:lecti'veet,_ ~s le pr?cessus _d'indiyiduation psychique et col­

etant aussr une disJonctron, fait et défait tout à la le cornrne processus d'individuation : \e

.,._,u<' '""'~ _individuation psychosociale est la Pénélope de

n'e~t _que depuis cette conjonction disjonctive, cornme spmtuell~ •. morale et éthique, qu'il est possible de les conditwns générales de l'individuation cornme

?prtai1;sar1ce dans une schize gnoséologique ou la coUllais­"'' ••=•" toujours déjà individuation psychosociale, et en

~;~:~::~ est dane aussi et irréductiblernent politique. penser le suicide de George Eastulann' ? Une est un exernple typique du conflit de l'individu

clui-Jmême qu'est toujours l'iudividuation, et un exern-de ce que la science hurnaine sirnondonienne

et de la rnaniere dont elle le fait en individuant son :car s'~l s'agit de fonder une science humaine, cette

unrfiee de I 'hornrne et de la société hurnaine ne se réintroduisant du haut et du bas · dans la

dans Ie corps social : qu'en faisant de ce qu'elle processu~ dyn~ique fondé par des dyades qui des multrphcJtes, des d1visions, et dont les terrnes

.felati'ion originaire (la transductión), mais qui sont les uns aux autres, en sorte que les relations son~ tout, aussi bien des col:'ples dynarniques

'"'"'uu;e I madequatwn de l'mdividu à lui-rnêrne -une conséquence du caractere intrinsequement processus d'individuation.

cornme indéfi~ition des terrnes entre lesquels 1\lt:~~~~~b~l~dyn~:arniques, engendrent des rnultipli­st dans le cours de l'individuation en sorte que celle-ci donne de la transindividua-

une :< deuxieme individuation », par Si11notrdcm caractense le spirituel dans !e préindivi­

l'expérience rnêrne de l'incomplétude de I'in­seulernent de I' espece : I' épreuve de son

XII L'INDIVIDUATION PSYCIDQUE ET COLLECTIVE

inadéquation à lui-même, et qui ne cesse de se doubler - en passé et en avenir, en mémoire et en imagination. (La doc­trine de l'innnortalité de l'âme retrouve ici un sens, et d'une façon générale, c'est !'une des tres grandes forces de cet ouvrage que de donner leur nécessité et donc leur actualité aux époques passées de la pensée, c'est-à-dire aux stades antérieurs de l'individuation collective.)

I! y a donc chez Simondon du supérieur et de l'inférieur, du haut et du bas : I' individuation . oscille sans cesse entre ces deux termes. Et !e supérieur y est accessible dans les conditions exceptionnelles dont Du mode d 'existence des objets techniques décrit I' expérience à la fois premiere ( ori­ginelle) et quotidienne : comme attrait pour ce que cet ouvrage appelle les points-clés, les moments et les lieux d' exception, les sommets et les fêtes (par exemple comme rituels) 1• lei, la psychologie n' est pas séparable de la moral e et de I' éthique - et i! en v a ainsi parce qu' i! s 'agit de la psychologie d'un être spirituel, c'est-à-dire social, c'est-à­dire transindividuel.

* La psychologie de Simondon, qui est une individuation

toujours déjà sociale, qui est donc une sociologie, est en forme de croix : elle est structurée d'un côté par les relations de la perception et de l'affection 2, et en quelque sorte hori­zontalement, et de l'autre côté par les relations du haut et du bas, c'est-à-dire verticalement 3• L'Individuation psy­chique et collective est l'expérience d'une permanente avan­cée dans l'horizontalité qui monte et retombe, explorant !e vertical, et c'est ainsi qu'est redéfinie la question de la tenta­tion à partir de laquelle est pensé !e temps 4, et ou ce n'est plus I' opposition du bon et du mauvais, du bien et du mal, du supérieur et de l'inférieur, qui fait !e cours du processus, mais leur composition.

1. Du mode d 'existence des objets techniques, Aubier, 2002, p. 166-168. 2. C'est ce qu'explorent les deux premiers chapitres de la premiere

partie de L 'Individuation psychique et collective. 3. Dans Du mode d'existence des objets techniques et ici même p. 159,

161 163 et 240. 4. Cf infra, p. 168.

PRÉFACE XIII

lors, deux concepts fondamentaux s'articulent l'un dans l'reuvre de Simondon, sans y être visibles

ni désignés comme te! : les concepts d'une part et d'autre part de niveaux de l'élévation. C'est par · de ces concepts que Simondon développe sa

de la science humaine comme processus tvi1jmttio'n constitué par des relations transductives.

~ J;~:~~~;~~ transductives sont des croissances : elles 6 des morphogeneses « de proche en proche >>, et

dynamique de ces relations transductives, la ten­crée, c' est !e circuit qui fait qu' à une perception action, et à une affection répond une émotion l de tels circuits que se concrétisent les relations

uct:tve:s, et par cette croissance et cette structuration, ~li!lttOllS produisent de l'information et de la significa­

reliant l'individu psychique à l'individu col­déJpas:sellt ainsi leur différence - la signification ce circuit étant à la fois intérieure et extérieure à psychique et à l'individu social', c'est-à-dire :

W[~:i~~~~c~ir·~cu~l:~an~~t dans l'indéfini de la dyade, et E, même qui ouvre la liberté.

façon générale, tout ce que dit Simondon est par les polarités entre lesquelles apparaissent les Ces polarités s'articulent entre elles, jouent les les autres, et constituent ainsi !e processus de l'in­

comme transindividuation qui produit du tran-3. Entre ces polarités se produisent des drames

1cbom;), par exemple l'épreuve de la tentation, ou l'on lail:em.ent qu'entre !e bien et !e mal, l'inférieur et !e

ne peuvent pas être dans le même plan 4 : cette de l'individuation psychique et collective est une

plans, et de I' immanence qui se constitue dans !e ce processus à la fois horizontalement et verticale­

innnanence n'est pas plate, mais, tout au amplement volumineuse. Elle seule permet de

_perce]>lion et l'affection, cf infra, p. 46, 76-79, 88-93 ; sur 98-100, 106-109, 114-123, 184, 211-213. 197, 199, 207.

p. 104, 153-158, 193, 195, 214. p. 159, 161-163, 240.

XIV L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

poser à nouveaux ftais !e probleme de« croire en ce monde » 1

et la question d'une << nouvelle croyance » 2

Ceci doit être articulé avec ce que dit Simondon du dédoublement de la personnalité : la psyché, à travers la mémoire comme à travers l'imagination, se double en per­manence, et en tant que telle, se temporalise 3 : c' est dans ces doublures qui produisent la symbolisation du moi que se constitue la possibilité de changer de niveau. Et c' est ainsi que Simondon pense le temps à partir de I' expérience de la tentation.

C'est parce que l'on pense toujours polairement, toujours entre deux pôles, horizontaux ou. verticaux, un pôle ne fonc­tionnant pas sans l'autre, ne pouvant donc pas être opposé à l'autre, que Simondon dit qu'il faut penser les choses par leur milieu, ce que Deleuze mettra à la base de la probléma­tique peut -être trop fameuse du rhizome - trop fameuse en ce qu'elle aura trop souvent obéré que s'il y a dans cette polarité du cardinal, de I' est, de I' ouest, du nord et du sud, il y a aussi du vertical : pas de cardinalité sans horizon, et pas d'horizon sans haut et sans bas, ou le temps passe et troue cet horizon avec la course des astres, et comme le processus cosmique affectant I' individu psychique devenant ainsi social - ce que Kant appelle la !oi morale.

Sans cette problématique des points-clés que sont les émi­nences, les sommets et les moments d' exception, on ne comprend rien à la question du doublement à propos de quoi Simondon prétend, c'est peut-être là une de ses faiblesses, pouvoir rapporter la question de la psychanalyse, à savoir la pensée de I 'inconscient, à celle de Janet.

• La théorie simondonienne de l'individuation psychoso'

ciale est aux sciences de l'homme et à la philosophie ce que la mécanique quantique est à la physique.

Elle l'est à la philosophie, dont elle renverse la totalité des catégories fondamentales, mais elle I' est aussi aux sciences

I. Gilles Deleuze, L'Image-temps, Minuit, 1985, p. 221-225. 2. Selon 1 'expression de Nietzsche. Cf. Marc Crépon, Nietzsche, l 'ar!

et la politique de l'avenir, PUF, 2003. 3. Cf infra, p.l64-165, 194.

; ,-. PRÉFACE XV

• elle est une critique au sens ou Kant aura critique de la raison à travers celle de la méta-

. même si cette critique ne consiste pas ici à limi­des sciences .. de I 'homme et de la société, mais le conftonter à la question de l'illimité, et telle en cause la division analytique du travail des

'hcillllme et de la société -, ce qui a pour consé­. tetour des questions éthiques et spirituelles. · pour Simondon, les sciences de l'homme

ne sont pas un avatar de la philosophie, une comme ce fut souvent le cas

~~:~~~~.~~::, ftançais apres I' évanouissement de la n mais bien un nouveau régime du phi-

et plus généralement de la pensée. Si, depuis {éisément, la philosophie s' est séparée des forma­~àtllérna1:iqlles et de la science, qni s'est elle-même

physique, en chimie et en biologie, à leur tour dans des régions de savoirs définissant des onto­qui a fait de l'homme et de la société des objets se séparant de la philosophie en devenant expé­

no:sitives et méthodiques, s'établissant avant tout ~étho,des permettant d'assurer des faits pouvant être ·

par la pensée, la philosophie de Simondon l 'étroiteineJnt à la science de son temps dans son

elle revisite la psychologie de la forme depuis de la cristallographie, elle reconceptualise les

; d'tn-J!t'OUTJ et d' out-group venues de la sociologie se pense depuis ce que la science !ui

que la philosophie n'avait pas donné à la science, re-synthétise, c'est-à-dire réindividue . entrer dans cette pensée, c' est un peu faire un

: c' est s' engager dans une expérience de du familier, c'est faire l'épreuve de l'inquié­

de la pensée ou tout est déj à connu, ou tout vu, et ou cependant tout appara1t, et soudainement,

radicalement nouveau. y fait droit à tous les problemes qu'a rencontré

au cours de son histoire - de la religion au monde n'est ici objet de considération que

· processus qui décrit l'activité même de la pensée de !e pense r ( ce qui est une sorte d' affmité

XVI L'INDIVIDUATION PSYCIDQUE ET COLLECTIVE

transcendantale dynamique '), situation qui décrit notre acti­vité mentale et individuante, et donc déjà sociale, au moment même ou nous lisons Simondon, qui ne pense l'in­dividuation que pour autant qu'il s'individue lui-même en tentant de la penser, et nous individue, donc, avec !ui. lei comme dans la physique quantique, les phénomimes n'appa­raissent plus tels que nous les expérimentons quotidienne­ment : ils requierent une nouvelle conversion du regard, et une sorte d'épokhe, s'il est permis de convoquer ici des caté­gories de la phénoménologie husserlienne.

Bernard STIEGLER.

I. Au sens de la Critique de la raison pure, mais en dépassant le: caractere statique qu'elle y conserve en tant qu'elle reste prise dans une ontologie. Sur ~ette question, cf. La technique et le temps 3. Le temps cinéma et la question du mal-être, Galilée, 2001, p. 78, 106-107.

AVER1riS1>EllilEl'i[T DE L':e.DITEUR

: L'individuation psychique et collective, ici la seconde partie inédite de la these

Gilbert Simondon dont seule la premiere sous le titre : L'individu et sa genese

(PUF, 1964, Collection Epiméthée). et pour le rendre plus intelligible,

une introduction. Celle-ci comprend • la premiere est l'introduction générale

nous reprenons à l' ouvrage édité aux pas destiné à reparaUre actuellement;

une conférence faite à la Société fran­ih~~~~~~~~:~:.e.t qui explicite la problématique 1é Enfin nous avons adjoint égale-

l' essentiel de la conclusion du U1J1riu"' : elle trouve ici sa place normale.

est accompagné de la rééditil)n dans la ~léc:tio•n de Du mode d' existence des objets :;',tu~:m•mt'é d'une préface de John Hart et

de Yves Deforge. Ainsi est reconstituée des muvres les plus inventives de la

française du XX' siecle.

François LARUELLE.

INTRODUCTION

I.- POSITION DU PROBLEME DE L'ONTOGENESE.

Il existe deux voies selon lesquelles Ia réalité de I'être comme individu peut être abordée : une voie substantialiste, considérant l'être comme consistant en son unité, donné à lui-même, fondé sur lui-même, inengendré, résistant à ce qui n' est pas lui-même ; une .voie hylémorphique, considérant I'individu comme engendré par la rencontre d'une forme et d'une · Le monisme centré sur Iui-même de Ia pensée

s' oppose à Ia bipolarité du scheme ttyl<émoi']Jhique. Mais i! y a quelque chose de commun

· ces manieres d'aborder Ia réalité de l'indi-: toutes deux supposent qu'il existe un principe

~~~~ii~l=tii~~ antérieur à I'individuation elle-même, l§i de I' expliquer, de Ia produire, de Ia

A partir de l'individu constitué et donné, ::j~~:':': de remonter aux conditions de son exis­

maniere de poser le probleme de l'indi­à partir de Ia constatation de l'existence

receie une présupposition qui doit être ree,,. parc:e qu'elle entraine un aspect important

que I' on propose et se glisse dans la príncipe d'individuaiion : c' est l'individu

1icitt'irtdiviclu constitué qui est la réalité inté­.· réalité à expliquer. Le principe d'indivi­

recherché comme un principe susceptible des caracteres de I'individu, sans

éé•~ssair·e avec d'autres aspects de l'être qui

----··--

10 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

pourraient être corrélatifs de l'apparition d'un réel individué. Une telle perspective de recherche accorde un privile.ge ontologique à l'individu constitué. Elle risque donc de ne pas opérer une véritable ontogénese, de ne pas replacer l'individu dans !e systeme de réalité en leque! l'individuation se produit. Ce qui est un postulat dans la recherche du principe d'individuation, c' est que l'individuation ait un principe. Dans cette notion même de príncipe, il y a un certain caractere qui préfigure l'individualité constituée, avec les pro­priétés qu'elle aura quand elle sera constituée; la notion de principe d'individuation sort dans une cer­taine mesure d'une genese à rebours, d'une ontogénêse renversée : pour rendre compte de la genese de l'indi­vidu avec ses caracteres définitifs, i! faut supposer 1' existence d'un terme premier, le príncipe, qui porte en !ui ce qui expliquera que l'individu soit individu et rendra compte de son eccéité. Mais i! resterait précisément à montrer que l'ontogénese peut avoir comme condition premiere un terme premier : un terme est déjà un individu ou tout au maios quelque chose d'individualisable et qui peut être source d'eccéité, qui peut se monnayer en eccéités multiples ; tout ce qui peut être support de relation est déjà du même mode d'être que l'individu, que ce soit l'atome, particule insécable et éternelle, la matiere prime, ou la forme : I' a tome peut entrer en relation avec d'autres atomes par !e clinamen, et i! constitue ainsi un indi­vidu, viable ou non, à travers le vide infini et devenir sans fin. La matiêre peut recevoir une to!rm.e) et dans cette relation matiere-forme git l' ont•og<!ne:s~ S'il n'y avait pas une certaine inhérence de 1 à l'atome, à la matiere, ou bien à la forme, aurait pas de possibilité de trouver dans ces invoquées un príncipe d'individuation. Re:chen:hén principe d'individuation en une réalité l'individuation même, c' est considérer n1~a:tvtauar comme étant seulement ontogénese. Le príncipe viduation est alors source d'eccéité. De fait, aussi:.t le substantialisme atomiste que la doctrine phique évitent la description directe de l'nnt<><ré elle-même ; 1' atomisme décrit la genese du

INTRODUCTION 11

comme le corps vivant . ' ' et périssable, qui sort 'd~ na qu une unité précaire se dissoudra à e rencontre de hasard et f nouveau en ses élém t 1 ~rce plus grande que la fo d . e? s orsqu'une l attaquera dans son unit;c~ e cohesi<~n des atomes de cohésion elles-mêmes

1 ~ compose: Les forces

comme príncipe d'individuqu~ on P,':'u':a.lt considérer sont rejetées dan 1 atiOn de l mdividu composé taires qui existen~ Je s~~ctu~e de~ particules élémen~ tables individus . !e ~te. eterrute et sont Ies véri-1, • pnnc1pe d" di 'd . atomisme, est I'exist - m VI uation, dans atomes : i! est toujou~~ce ~eme de l'infinité des pensée veut prendre co ?éJa ldà au moment ou Ia viduation est un fait n~cience e sa nature : l'indi­propre existence dom:. c est, pour chaque atome sa qu'il est ce qu'il est en ~=~t, pour !e composé, !e 'fait Se!on le scheme h 1 • ~ une rencontre de hasard individué n'est pas yd:~o~phtque, au contraíre, I'êt~ la matiere et Ia forme Jqu' ~no~ lodrsque l'on considere . pas à I' t é 1 evien ront !e o6voAov * . on . on og nese parce q ' I . • avant cette prise de forme .u on ~e p ace .tou-

d'individuat' , qUI est 1 ontogénese. ~'~~~:ti~~ même c;::O~ ~st. do~c pas .saisi dan~ it. . . opérati b . peratwn, mais dans ce on a esom pou .

•. · .. une matiêre et f r pouvolr exister, une orme . !e . . · t d · prmc1pe est · ·. · ~01 aos la matiere soit d • ·. que 1 opération d'indi 'd , 'aos la

d' VI uatiOn n est pas , · apporter le principe 1 . _ !e m tt UI-meme

e re e~ ceuvre .. La recherch~ r· s ?ccompht soit aprês

mdividuation, selon que t ~t thfsique (pour l'atomisme

rpttiqtieec:). ~ ~gi':lue et vital (pour le rus 11 existe dans les deux

recouvre l'opération d'i d'­CO!Oltne est consid~r~e comme ch~s~

. ce en quOI I explication doit notion ~e. príncipe d'individua­

considerée comme chose à pensée est tendue vers l'être

1037• 32.

":::~:~·-:--,-_~_-·_:-:':-:'-'-."'-:-:~~-::-·•-"_'~-:-_·-·-:::-::_-.;:.,i~--oO:~;;~i.;,;,~,:;;,,;._;_,,,.~~-·"-·-····"7"'" ---•~-'"_'",.;_,;;;,_"',c;,mCXo-~'~~~~..--~"~v•••" """""-~'""'~"'"•«•M"'""•---•-------"-·---·---•• ,,._:_..__;;~~-~_;:.:;._ .. ---• -

12 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

individué accompli dont il faut rendre compte, en passant par r étape de l'individuation pour aboutir à l'individu apres cette opération. Il y a donc suppo­sition de l'existence d'une succession temporelle : d'abord existe le príncipe d'individuation ; puis ce principe opere dans une opération d'individuation ; enfin l'individu constitué apparait. Si, au contraíre, on supposait que l'individuation ne produit pas seule­ment l'individu, on ne chercherait pas à passer de maniere rapide à travers l'étape d'individuation pour arriver à cette réalité derniere qu'est l'individu : on essayerait de saisir l'ontogénese dans tout le dérou­lement de sa réalité, et de connattre l'individu à travers l'individuation plutôt que l'individuation à partir de

l'individu. Nous voudrions montrer qail faut opérer un retour-nement dans la recherche du principe d'individuation, en considérant comme primordiale 1' opération d'indi­viduation à partir de laquelle l'individu vient à exister et dont il reflete le déroulement, le régime, et enfin les modalités, dans ses caracteres. L'individu serait alors saisi comme une réalité relative, une certaine phase de l'être qui suppose comme elle une réalité préindividuelle, et qui, même apres l'individuation, n'existe pas toute seule, car l'individuation n'épuise pas d'un seul coup les potentiels de la réalité préindi­viduelle, et d'autre part, ce que l'individuation fait apparaitre n' est pas seulement l'individu mais le couple individu-milieu '. L'individu est ainsi relatif en deux sens : parce qu'il n'est pas tout l'être, et parce qu'il résulte d'un état de l'être en lequel il n'existait ni comme individu ni comme principe d'individuation.

L' individuation est ainsi considérée comme seule ontogénétique, en tant qu' opération de 1' être co,mP'let. L'individuation doit alors être considérée résolution partielle et relative qui se manifeste un systeme recélant des potentiels et renfermant certaine incompatibilité par rapport à lui-même, patibilité faite de forces de tension aussi bien d'impossibilité d'une interaction entre termes des dimensions.

Le mot d'' ontogénese prend tout son sens si,

INTRODUCTION 13

de lui accorder 1 . . de l'ind' 'd ( e sens, restremt et dérivé de gene lVl u par opposition à ' se

par exempie celle de l'es une g.ene?e plus vaste, caractere de devenir de rftece), on !UI f~It,.désigner Ie en tant qu'il est :_e, ce par qu01 1 etre devient t d d ' comme etre L'oppo 't' d 1'

e u evenir peut n'être v 1' d , ~1 IOD: e être certaine doctrine s a 1 e qu à I mténeur d'une l'être est Ia substa~~~o:n~ que le modele même de -supposer que le deve ·. ais li est possible aussi de correspond à une ca ~~~t:st un';. dimension de J'être, par rapport à lui-mfme d(ue 1 etre a de se déphaser sant ; I' être préindividu:z est i7 .Jésoudr en se dépha­pas de phase - l'être a . e re en equel il n' existe individuation ~st cel . u s~m duque! s'accomplit une rait par Ja répartitioUl r J~•quel une résolution appa­Ie devenir. le dev _n ,e etre en phases, ce qui est l'être exist~ . I'l estendl'r n es! pads un cadre dans leque! 1 . ' lmenswn e r·t d l!tlon d'une incompatibilité . . .a'l_ re,. mo e de réso-tiels '. L'individuation corre rrutl e n~he en poten­phases dans [' être qui t ;vond à l apparition de n'est une conséquen:ndé;~/haset dd Ntre; elle

mais cette opérationee a~ or du devenir :,slltccorrlplir . meme en train de . ' on ne peut la comprendr 'à .

. . . . sursaturation initiale d J'•tr e qu partir · . e e e sans devenir · _ _ mdi~~~s~~t:,~fi structure et devient, faisant

résoiution des ten . eu, selon le devenir qui est ·-· . d s1ons premieres et e ces tensions sous f d une conserva-

dire e . orme e structure ; on n un certam sens que le seul . .

on puisse se guider est celui de l prmcipe à travers z d . a conser-

~ .tra•vei:s de é h e evenzr ; cette conservation s c anges entre structure et opéra-

succ~Jsp:saifr's. sauts quantiques à travers des r·t Pour penser l'individuation iJ

&fo:rrn:ee, re !lon pas comme substance, 'ou ~rus comme systeme tendu sursa mveaudel' 'é ' •

cffli'nlêrne. unlt ' ne consistant pas et ne pouvant pas être adé-

~-~~.~~0~'~ du príncipe du tiers exclu . com~let, c'est-à-dire J'être pré.

être qm est plus qu'une unité de l'être individué, et l'identité.

'

14 L'INDIVIDUATION PSYCIDQUE ET coLLECTJVE

autorisant l'usage du priocipe du tiers exclu, ne s'ap­pliquent pas à l'être préindividuel, ce qui explique que 1' on ne puisse recomposer apres coup le monde avec des monades, même en rajoutant d'autres principes, comme celui de raison suffisante, pour les ordonner en univers ; l'unité et l'identité ne s'appliquent qu'à une des phases de l'être, postérieure à l'opération d'individuation ; ces notions ne peuvent aider à décou­vrir le príncipe d'individuation ; elles ne s'appliquent. pas à l'ontogénese entendue au sens plein du terme, c'est-à-dire au devenir de l'être en tant qu'être qui se dédouble et se déphase en s'individuant.

L'individuation n'a pu être adéquatement pensée et décrite parce qu'on ne connaissait qu'une seule forme d'équilibre, l'équilibre stable; on ne connaissait pas 1' équilibre métastable ; l'être était implicitement sup­posé en état d'équilibre stable; or, l'équilibre stable exclut le devenir, parce qu'il correspond au plus bas niveau d'énergie potentielle possible; il est l'équilibre qui est atteint dans un systeme lorsque toutes les transformations possibles ont été réalisées et que plus aucune force n' existe ; tous les potentiels se sont actualisés, et le systeme ayant atteint son plus bas niveau énergétique ne peut se transformer à nouveau. Les Anciens ne connaissaient que l'instabilité et la stabilité, le mouvement et le repos, ils ne connais­saient pas nettement et objectivement la métastabilité. Pour définir la métastabilité, il faut faire intervenir la notion d' énergie potentielle d'un systeme, la notion . d'ordre, et celle d'augroentation de l'entropie; il est ' ainsi possible de définir cet état métastable de l'être;. tres différent de l'équilibre stable et du repos, Anciens ne pouvaient faire intervenir dans laL ~~~~~;{~!~ du principe d'individuation, parce qu'aucun > physique net ne pouvait pour eux en éclairer l'eJnp.Loi: Naus essayerons dane d'abord de présenter 1 duation physique comme un cas de résolution systeme métastable, à partir d'un état de comme celui de la surfusion ou de la sUJrsatut~ati qui préside à la genese des cristaux. La criist:1llisat est riche en notions bien étudiées et qui peuvent employées comme paradigroes en d'autres do1main

INTRODUCTION 15

16 L'INDJ.V!DUATION PSYCHIQUB m: COLLECTIVB

échelle macroscopique un phénom<me qui repose sur des états de systeme appartenant au domaine micro· physique, moléculaire et non molaire ; elle saisirait l'activité qui est à la limite du cristal en voie de formation. Une telle individuation n'est pas la ren· contre d'une forme et d'une matiere préalables existant comme termes séparés antérieurement constitués, mais une résolution surgissant au sein d'un systeme méta· stable riche en potentiels : forme, matiere et énergie préexistent dans le systeme. Ni la forme ni la matiere ne suffisent. Le véritable principe d'individuation est médiation, supposant généralement dualité originelle des ordres de grandeur et absence initiale de comnlU· nic.ation interactive entre eux, puis communication entre ordres de grandeur et stabilisation.

En même temps qu'une énergie potentielle (cclnili' tion d'ordre de grandeur supérieur) s'actualise, matiere s'ordonne et se répartit (condition d'ordre grandeur inférieur) en individus structurés à un de grandeur moyen, se développant par un procc~ss\ médiat d'amplification. C' est le régime énergétique du systeme mc,ta!<tat qui conduit à la cristallisation et la sous-tend, forme des cristaux exprime certains caracteres culaires ou atomiques de l'espece chimique

tuante. Dans le domaine du vivant, la même nc•tic1n métastabilité est utilisable pour caractériser duation ; mais l'individuation ne se produit comme dans le domaine physique, d'une façon ment instantanée, quantique, brusque et laissant apres elle une dualité du milieu et vidu, le milieu étant appauvri de l'individu pas et l'individu n'ayant plus la dimension Une telle individuation existe sans doute le vivant comme origine absolue ; mais elle d'une individuation perpétuée, qui est la selon le mode fondamental du devenir conserve en !ui une activité nente ; il n'est pas seulement résultat <~';.n.1;..n< comme le cristal ou la molécule, mais thcéât•re'C duation. Aussi toute l'activité du vivant "'" ... :.

18 L'INDIVIDUATION PSYClllQUE ET coLLECT!VE

une véritable intériorité, parce que l'individuation s'accomplit au-dedans ; l'intérieur aussi est constituant, dans l'individu vivant, alors que la limite seule est constituante dans l'individu physique, et que ce qui est topologiquement intérieur est génétiquement anté­rieur. L'individu vivant est contemporain de lui-même en tous ses éléments, ce que n' est pas l'individu phy· sique, qui comporte du passé radicalement passé, même lorsqu'il est encore en train de croitre. Le vivant est à l'intérieur de lui-même un nreud de communi· cation inforrnative ; il est systeme dans un systeme, comportant en lui-même médiation entre deUJt ordres

de grandeur •. Enfin, on peut faire une hypothese, analogue à celle des quanta en physique, analogue aussi à celle de la relativité des niveaux d' énergie potentielle : on peut supposer que l'individuation n' épuise pas toute la réa· lité préindividuelle, et qu'un régime de métastabilité est non seulement entretenu par l'individu, mais porté par lui, si bien que l'individu constitué transporte avec lui une certaine charge associée de réalité préindivi-duelle, animée par tous les potentiels qui la · risent ; une individuation est relative comme un gement de structure dans un systeme physique ; certain niveau de potentiel demeure, et des tions sont encore possibles. Cette nature prtéindi duelle restant associée à l'individu est une d'états métastables futurs d'ou pourront sortir individuations nouvelles. Selon cette serait possible de considérer toute vA'rHnnlP comme ayant rang d' être, et comme se dé;veloPl à t'intérieur d'une individuation nouvelle; la ne )aillit pas entre deux terrnes q_ui seraient individus ; elle est un aspect de la ré~;on.an,~e d'un systeme d'individuation; elle fait partie de systeme. Ce vivant qui est à la fois plus que l'unité comporte une problématique peut entrer comme élément dans une tJroi>J!ei plus vaste que son propre être. La partitcipatic l'individu, est le fait d' être élément dans duation plus vaste par l'interrnédiaire de la

20 L'INDIVIDUATION PSYCHlQUB ET COLLECTIVE

tique ayant sa propre métastabilité ; i1 exprime une condition quantique, corrélative d'une pluralité d'ordres de grandeur. Le vivant est présenté comme être problématique, supérieur et inférieur à la fois à l'unité. Dire que le vivant est problématique, c' est considérer le devenir comme une dimension du vivant : le vivant est selon le devenir, qui opere une médiation. Le vivant est agent et théâtre d'individuation ; son devenir est une individuation permanente ou plutôt une suite d'acces d'individuation avançant de métasta­bilité en métastabilité ; l'individu n' est ainsi ni subs­tance ni simple partie du collectif : le collectif intervient comme résolution de la problématique individuelle, ce qui signilie que la base de la réalité collective est déjà partiellement contenue dans l'individu, sous la forme de la réalité préindividuelle qui reste associée à la réalité individuée; ce que l'on considere en général comme relation, à cause de l'hypothese abusive de la substantialisation de la réalité individuelle, est en fait une dimension de l'individuation à travers laquelle l'individu devient : la relation, au monde et au collec­tif, est une dimension de l'individuation à 1a<IUt:H~ participe l'individu à partir de la réalité pn!indh•idJ~elile qui s'individue étape par étape.

Aussi, psychologie et théorie du collectif sont c' est 1' ontogénese qui indique ce qu' est la pa.rticip,atioJ au collectif et qui indique aussi ce qu' est 1' opé1ratic psychique conçue comme résolution d'une nroblén tique. L'individuation qu'est la vie est conçue découverte, dans une situation conflictuelle, d'une matique nouvelle incorporant et uniliant en contenant l'individu tous les éléments de cette tion. Pour comprendre ce qu' est l' activité à l'intérieur de la théorie de l'bldiviilm>ti<ln résolution du caractere conftictuel d'un et:at ~roe,tas il faut découvrir les véritables voies d'i.ns·tit11ti< systemes métastables dans la vie ; en bien la notion de relation adaptative de milieu • que la notion critique de relation · · connaissant à l'objet connu doivent être la connaissance ne s' édilie pas de m:ani.erE: .a1 .à partir de la sensation, mais de m1mii~re:::l

22 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

. di · d lle qui est associée individué à la réalité pré~ . V1 e ~u taxique et la per-à !ui, comme l'unité troprs~{·q~ Le psychisme est fait ception le rattachent au ;r'1 re · rmettant à l'être de d'individuations success~vest. p~es correspondant à la résoudre les é~ats problema r9cation du plus grand et permanente mrse en .commum du plus petit qu~ lw. t se résoudre au niveau

Mais le psychisme ne P7f st le fondement de la de l:ê~re _individué ~e~~d~a~on plus vaste, celle _du partrcrpatr~n à ~~ 1;'=1 seu! se mettant en questron collectif; 1 être md;~rduel d là 'des limites de l'angoisse, lui-même, ne peut ~ er au- ~ ermanente qui n'arrive opérati~n sans a~~n, tt:~;r:!uve par laquelle l'êt~e Pas à resoudre 1 ec d ' . d'e"tre sans pouvmr . 1 · imensrons . indivrdué exp ore ses

11 t"f pris comme axiomattque

les dépasser. Aubl~o ~~q~e psychique correspond la résolvant la pro ma 1

notion de transindivid~~l. s des notions est soutenu Un tel ensemble de r ormell ne information n'est

d• es laque e u . par l'hypothese apr . o . ue et homogime, mars jamais relative à une réadhted~qration . l'information,

d en état e tspa · . . à deux or res . de l' "té troprstique ou au que ce soit au. m':e~u .:

1 ·amais déposée dans

niveau du transmdrv:duel,dn é/ elle est la tensioll: une forme pouv~t etre es oclie e~t la signification qut entre deux réels drsparaot '. d't"ndividuation décou-

. 1 • une operatwn . surgtra orsqu . 1 la uelle deux réels dtsparates vrira la dimen~ton se.on . \nformation est donc ';me Peuvent deventr sys~eme • 1 t"gence d'individuatwn,

d,. di "d atron une ex . . amorce m vr u bl table elle n'est Jamars de passage du métasta e au sd'um"té' et d'identité de

o ·1 n'y a pas chose do11:nee: I '"nf rmation n'est pas un terme; l'informatron, ca: Ir , 0 steme d'être pour la rece­elle suppose tensro~ ~~Y:: !~ peut être qu'inhérente ~ voir adéquatement • ,. f f on est ce par quot une problématique; lr~ ormanr résolu devient dimen­l'incompatibilité du system

1 e n~

1 11•0n . l'information

. · dans a reso u ' sion organtsatnce d hase d'un systeme, car suppose un changem~nt o e p réindividuel qui s'indi­elle suppose ~ pre~m~ etaàé~ouverte ; l'information vidue selonull odrgal~rsdi~duation, formule qui ne peut est la form e e m

INTRODUCTION 23

préexister à cette individuation ; on pourrait dire que I'information est toujours au présent, actuelle, car elle est le sens selon leque! un systeme s'individue '.

La conception de l'être sur laquelle repose cette étude est la suivante : l'être ne possede pas une unité d'identité, qui est celle de l'état stable dans leque! aucune transformation n'est possible; l'être possede une unité transductive, c'est-à-dire qu'il peut se dépha­ser par rapport à lui-même, se déborder lui-même de part et d'autre de son centre. Ce que l'on prend pour relation ou dualité de príncipes est en fait étalement de l'être, qui est plus qu'unité et plus qu'identité; !e devenir est une dimension de l'être, non ce qui lui advien t selon une succession qui serait subi e par un être primitivement donné et substantiel. L'individua­tion doit être saisie comme devenir de l'être, et non comme modele de l'être qui en épuiserait la signifi­cation. L'être individué n'est pas tout l'être ni l'être premie r ; au li eu de saisir 1' individuation à partir de 1' étre individué, il faut saisir 1' étre individué à partir de 1' individuation, et 1' individuation à partir de 1' étre préindividuel, réparti selon plusieurs ordres de gran­deur.

L'intention de cette étude est donc d'émdier les formes, modes et degrés de l'individuation pour repla­cer l'individu dans l'être, selon les trois niveaux phy­siques, vital, psychique et psycho-social. Au lieu de supposer des substances pour rendre compte de l'indi­viduation, nous prenons les différents régimes d'indi­viduation pour fondement des domaines tels que matiere, vie, esprit, société. La séparation, l'étagement, les relations de ces domaines apparaissent comme des aspects de l'individuation selou ses différentes moda­lités ; aux notions de substance, de forme, de matiere, se substituent les notions plus fondamentales d'infor-11lation premiere, de résonance interne, de métastabi-

. lité, de potentiel énergétique, d'ordres de grandeur. Mais, pour que cette modification de notions soit

possilJle, i! faut faire intervenir à la fois une méthode une notion nouvelles. La méthode consiste à ne pas

<i!!;sa:yer de composer l'essence d'une réalité au moyen relation conceptuelle entre deux termes extrêmes

24 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

préexistants, et à considérer toute véritable relation comme ayant rang d'être. La relation est une modalité de l'être; elle est simultanée par rapport aux termes dont elle assure 1' existence. Une relation doit être saisie comme relation dans l'être, relation de l'être, maniere d'être et non simple rapport entre deux termes que l'on pourrait adéquatement connaitre au moyen de concepts parce qu'ils auraient une existence effecti­vement séparée et préalable. C' est parce que les termes sont conçus comme substances que la relation est rapport de termes, et l'être est séparé en termes parce que l'être est primitivement, antérieurement à tout examen de l'individuation, conçu comme substance. Par contre, si la substance cesse d'être le modele de l'être, il est possible de concevoir la relation comme non-identité de l'être par rapport à lui-même, inclusion en l'être d'une réalité qui n'est pas seulement iden­tique à !ui, si bien que l'être en tant qu'être, anté­rieurement à toute individuation, peut être saisi comme plus qu'unité et plus qu'identité '. Une telle méthode suppose un postulat de nature ontologique : au niveau de l'être saisi avant toute individuation, le principe du tiers exclu et le principe d'identité ne s'appliquent pas; ces principes ne s'appliquent qu'à l'être déjà individué, et ils définissent un être appauvri, séparé en milieu et individu; ils ne s'appliquent pas alors au tout de l'être, c'est-à-dire à l'ensemble formé ulté­rieurement par l'individu et le milieu, mais seuleroent à ce qui, de l'être préindividuel, est devenu individu. En ce sens, la logique classique ne peut être employée pour penser l'individuation, car elle oblige à penser l'opération d'individuation avec des concepts et des rapports entre concepts qui ne s'appliquent qu'aux résultats de l'opération d'individuation, considérés de maniere partielle.

De 1' emploi de cette méthode considérant le prin-cipe d'identité et !e principe du tiers exclu comme trop étroits se dégage une notion possédant une mul­titude d'aspects et de domaines d'application : celle dé transduction. Naus entendons par transduction une opération, physique, biologique, mentale, sociale, par laquelle une activité se propage de proche en proche

INTRODUCTION

àl' ~ intérieur d'un dom . gation sur une structU:m_e, en fondant cette propa-place en place : cha ue :~I~n du domaine opérée de sert à la réaion sm~v t gidon de structure constituée d' .,. an e e princ' d , amorce de constitution . b. I~e et e modele, s étend ainsi progressiv' SI Ien qu une modification cette · · ement en même t

d' operatwn structurante U . emps que un germ t , · n cnstal qui à rt.

I di . e res petit, grossit et s' ét d ' pa Ir

es rectwns dans son e , en selon toutes r- au-mere Image Ia plus sim !e de I' ~ursaturoée fournit chaque couche mol~culaire ~~:atwn t_r~sductive : base structurante à 1 h Ja constituee St'rt de !e résultat est une at couc e en train de se former . L' s ructure · t" u1 · • ?Pération transductive est re. Icd_ ~Ire amplifiante. gres ; elle peut dans le d ~e m IVIduation m pro-de 1 "' ' omame physique • ff a mamere Ia plu . 1 , s e ectuer progressive ; mais elle SI~~ e sous forme d'itération complexes, comme les d P _t, en des domaines plus ou de problématique p~r:;hlnes de métastabilité vitale constamment variable t '9-ue, avancer avec un pas d'hétérogénéité . il y ' : s ~endre dans un domaine ':ité partant d'~ cen~rer~~s ~~~tion lorsqu'il Y a acti­twnnel, et s'étendant en d' e re, structural et fone­de ce centre comm . d Iverses_ directions à partir l'être apparaÍssaient :usti e dmultip!es dimensions de tio our e ce centre · I tr d

n est apparition corrê! f d . ' ~ ans uc-s~ructures dans un • a IVe ~ dnnenswns et de cest-à-dire dans un ê~tre d~ tenswn préindividuelle qu'identité et qui n re, qm est plus qu'unité et plu; rapport à' lui-même e e~ est. pas ~ncore déphasé par termes extrêmes atteints drm~nsi?ns. multiples. Les ne préexistent pas à cett par •1 o~eratwn transductive provient de Ia primit' e op~ratwn; son dynamisme hétéroglme qui se /v~ tenswn du systeme de l'être sions selon lesquelle=~l ase ~t développe des dimen­d'une tension entre les t~~eruct~re ; il ne vient pas déposés aux extrêmes lim't ~ ql1 seront atteints et transduction peut être 1 es e ~ t~ansduction

10

• La e~prime en particulier !e ::s ~~~;i~~; d vi~~le ; elle mque ; elle peut être

0 é . . 1 ua wn orga­

logique effectif bien qui/ llatwn P?YCh1que et procédé à la pensée logique. oa:s ~end;mt_ nuldlement !imitée mame u savorr, elle

définit la véritable démarche de l'invention, qui n' est ni inductive ni déductive, mais transductive, c'est-à­dire qui correspond à une découverte des dimensions selon lesquelles une problématique peut être définie ; elle est 1' opération analogique en ce qu' elle a de valide. Cette notion peut être employée pour penser les diffé­rents domaines d'individuation : elle s'applique à tous les cas ou une individuation se réalise, manifes­tant la genese d'un tissu de rapports fondés sur l'être. La possibilité d'employer une transduction analo­gique pour penser un domaine de réalité indique que ce domaine est effectivement le siege d'une structura­tion transductive. La transduction correspond à cette existence de rapports prenant naissance lorsque l'être préindividuel s'individue ; elle exprime l'individuation et permet de la penser ; c' est donc une notion à la fois métaphysique et logique ; elle s' applique à 1' onto· génese et est l'ontogénese même. Objectivement, elle permet de comprendre les conditions systématiques de l'individuation, la résonance interne

11, la probléma­

tique psychique. Logiquement, elle peut être employée comme fondement d'une nouvelle espece de paradig· matisme analogique, pour passer de l'individuation physique à l'individuation organique, de l'individuation organique à l'individuation psychique, et de l'indiVi· duation psychique au transindividuel subjectif et objectif, ce qui définit le plan de cette recherche.

On pourrait sans aucun doute affirmer que la trans· duction ne saurait être présentée comme modele à procédé logique ayant valeur de preuve ; aussi nous ne voulons pas dire que la transduction est procédé logique au sens courant du terme ; elle un procédé mental, et plus encare qu'un procédé démarche de l'esprit qui découvre. Cette consiste à suivre I' être dans sa genes e, à accomplir genese de la pensée en même temps que s'accc>m·pl la genese de l'objet. Dans cette recherche, elle appelée à jouer un rôle que la di!tlec:tiotuee :,\~ji~~~~ jouer, parce que l'étude de l'opération •;, ne semble pas correspondre à l'apparition du comme seconde étape, mais à une immanence du tif dans la condition premiere sous forme arotbi~·ale

26 L'INDIVJilUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

28 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

fication ; il n'y a pas appauvrissement de J'information contenue dans les termes ; la transductiOn se carac­térise par !e fait que !e résultat de cette opér~t!~n es~ un tissu concret comprenant tous les termes mlttaux , le systeme résultant est fait de concret, et comprend tout !e concret ; I' ordre transductif con~erve t?~t !e concret et se caractérise par la conservatwn de I mfor­mation, tandis que l'induction ~écessite J?le J?erte d'information ; de même que la demarche dialectique, la transduction conserve et integre les aspects . oppo­sés ; à la clifférence de la dialectique, la transduction ne suppose pas ]'existence d'un teml?s préalable comm~ cadre dans leque! la genese se deroule, le te.mps. lm­même étant solution, dimension de Ia systemattque découverte : le temps sort du préindivid~~l c_or;tme !es autres dimensions selon lesquelles 1 mdzvzduatwn s' effectue ". .

Or, pour penser l'opération transd~ctive, 9-m cst !e · fondement de l'individuation à ses divers mveaux, la

notion de forme est insuffisante. La notion de fo~e hylémorphique fait partie du même systeme de pensee que celle de substance, ou celle de rapport comme relation postérieure à l'existence des termes : ces notions ont été élaborées à partir d~~ résu,ltats ?e l'individuation ; elles ne peuvent s~lSlr q~ un reei appauvri, sans potentiels, et par consequent mcapable de s'individuer.

La notion ·de forme doit être remplacée par celle d' information, qui suppose I' existence d'~ .s~stemc; en état d' équilibre métastable pouvant s t~dtv~due~, l'information, à la différence de la _forme: n est. J~ais un terme unique, mais la significatiOn qm surgtt d une disparation. La notion ancienne de forme: telle que la livre le schéma hylémorphique, est trop md~J?endante d toute notion de systeme et de métastabthté. Celle q~e ]a Théorie de la Forme a donnée con;porte au contraíre la notion de systeme, et est d~fime comme l' état vers leque! tend le systeme lorsqu 1~ trouve son équilibre : elle est une résolution de ~ens10n. Malheu­reusement, un paradigmatisme phystque trop . som­maire a amené la Théorie de la Forme à ne con.stdérer comme état d'équilibre d'un systeme pouvant resoudre

INTRODUCTION 29

des tensions que l'état d'équilibre stable : Ia Théorie de Ia Forme a ignoré la métastabilité. Nous voudrions r.~prendre _Ia T~éorie de Ia Forme, et, au moyen de I mtroductwn d tine condition quantique montrer que les problemes posés par Ia Théorie de' Ia Forme ne peu_vent pas . ~tre directement réso!us au moyen de Ia notwn d eqmhbre stable, mais seulement au moyen de celle d'équi!ibre.métastabie; Ia Bonne Forme n'est p!us a!o7s Ia forme stmpie, Ia forme géométrique prégnante mats la forme significative, c' est-à-dire celle qui établit ~-ordre transductif à l'intérieur d'un systeme de réa­hte comport~t. des potentieis. Cette bonne forme est celle qm mrunttent Ie niveau énergétique du systeme conserve ses potentiels en les compatibilisant : ell~ est Ia structure de compatibilité et de viabilité elle est la ~il?~nsionnali~é inventée seion Iaquelle iÍ y a co~pattbthté ~~ns degradation li!. La notion de Forme mente alors d etre rempiacée par celle d'information Au cours de ce rempiacement, Ia notion d'informatio~ ne d~it_ jamais .~tre ramenée aux signaux ou supports ou ve~tcules_ d tnforn;ation dans un message, comme t~nd a_le faz;e la theorie technologique de l'informa­twn, tzrée ~ ~bord par abstraction de la technologie 1es transmzsswns. La notion pure de forme doit donc e!re sauvée deux fois d'un paradigmatisme technoio­gtque trop sommaire : une premiere fois reiativement à ~a cult~e ancienne, à cause de I'us~ge réducteur q~ est falt de cette notion dans Ie schi!:me hylémor­P_hzque; une seconde fois, à l'état de notion d'informa­tiOn, pour _sauver l'inf<;>rrnation comme signification de la théorze technologzque de I'inforrnation dans Ia culture moderne avec I' expérience des tran~missions d_ans un canal. Car c'est bien, dans Ies théories succes­s.~ves de l'~yiémorphisme, de la Bonne Forme, puis de I ~formatwn, Ia même visée que I' on retrouve : celle qu~. cherche à ?écouvrir I'inhérence des significations à I etre ; cette inhérence, nous voudrions la découvrir dans I' opération d'individuation.

Ainsi, une étude de I'individuation peut tendre vers une réforme des notions philosophiques fondamen­tales, car il est possible de considérer l'individuation comme ce qui, de l'être, doit être connu en premier.

30 L1INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

Avant même de se demander comment il est légitime ou non légitime de porter des jugements sur les êtres, on peut considérer que l'être se dit en deux sens : en un premier sens, fondamental, l'être est en tant qu'il est ; mais en un second sens, toujours superposé uu premier dans la théorie logique, l'être est l'être en tant qu'il est individué. S'il était vrai que la logique ne porte les énonciations relatives à l'être qu'apres individuation, une théorie de l'être antérieure à toute logique devrait être instituée ; cette théorie pourrait servir de fondement à la logique, car rien ne prouve d'avance que l'être soit individué d'une seule maniere possible ; si plusieurs types d'individuation existaient, plusieurs logiques devraient aussi exister, chacune correspondant à un type défini d'individuation. La classification des ontogéneses permettrait de pluraliser la logique avec un fondement valide de pluralité. Quant à l'axiomatisation de la connaissance de l'être préindividuel, elle ne peut être contenue dans une logique préalable, car aucune norme, aucun systeme détaché de son contenu ne peuvent être définis : seule l'individuation de la pensée pe,ut, en s'accomplissant, accompagner l'individuation des êtres autres que la pensée; ce n'est dane pas une connaissance immé­diate ni une connaissance médiate que naus pouvons avoir de l'individuation, mais une connaissance qui est une opération parallele à I' opération connue ; naus ne pouvons, au sens habitue! du terme, connaitre l'individuation; naus pouvons seulement individuer, naus individuer, et individuer en naus ; cette saisie est dane, en marge de la connaissance proprement dite, une analogie entre deux opérations, ce qui est un cer­tain mode de communication. L'individuation du réel extérieur au sujet est saisie par !e sujet grâce à !'indi­viduation analogique de la connaissance dans le sujet ; mais c'est par l'individuation de la connaissance et non par la connaissance seule que l'individuation des êtres non sujets est saisie. Les êtres peuvent être connus par la connaissance du sujet, mais l'individuation des êtres ne peut être saisie que par l'individuation de la connaissance du sujet.

INTRODUCTION 31

POURitNE CONCEPTS DIRECTEURS RECHERCHE DE SOLUTION .

FORME, INFORMATION PO • L' b ' TENTIELS ET MÉTASTABILITÉ

a sence d'une théori humaines et de la psycholo ~ ~é~érale des sciences à. chercher Ies conditions ~~!cite 1:'- pen~ée réflexive sible. En vue de ce tra il . e axzomatzsation pos­un certain apport d'I"nva 9-m comporte nécessairement d' ventwn et ne peut 't 1 une pure synthese ·r . e re e résultat les principaux syste I convient de remettre au jour emp!oyés, sans accord:e~e co~~eptuels qui ont été les découvertes de théoriepnvi!e~e aux plus récents : XI:x" siêcle ont repris de hê chimique au début du depuis plus de vin ~ se mes atomistiques définis l'appo~ de l'analysr P~!~:::u:t les ont enrichis de ~msi pourrait-on, de fa 0 •

pnncipes de Dyade indé~t ::yalo~e, réévoquer Jes et de Matiêre et les ra e, Archetype, de Forme récents de Ia 'Psycholo:kr~~~': ;es model~s explicatifs la Cyb~rnétique et de la Thé . arme,, puis de ceux de al~ant Jusqu'à faire a one de I ~nformation, en sciences physiques ppel à des notwns tirées des voudrions montrer' q~?mme cel_Ie de potentiel. Naus sciences humaines ou t':e esqws~e d'axiomatique des .est possible si l'on essay~t du ~o~ns de la psychologie

; de forme, informati~n s::sir ens:mbie les trais ajo•ut!~r pour les relier et les po_tent~el, .à. condition

·· • · définition d'un typ ?rg~mser mteneurement !PJ>arait Iorsqu'il y a fo~ea~ulier .d'opération, qui L!JP!llt~TJ:ON TRANSDUCTIVE ' ormatiOn et potentieJ :

La NOTION DE FO~ · . ' en toutes Ies doctrines , JOUe un rôle fonctionn 1 ou

structural possédant e cons~ant : celui r.ecteur et organisateur . elle un certam pouvoir

·. deux types de' réal" s;tppose une dualité de et celle qui est la fo Ite, la réalité qui reçoit

•.rivilê~'e de la forme é "d rme ou recêle Ia forme .

~~:~~~;.~;~,k~~~~~~ r SI e en son un · t , ' essentielle avec elle-mêm;. eM~~~t~lité, la Forme . ' ans

à aucune matiere ' qw n est plus anté­, conserve pourtant sa supé-

32 L'INDIVIDUATION PSYCBIQUE ET COLLECTIVE

riorité de Ganzheit, et il y hiérarchie des formes (bonne forme, meilleure forme). Immanente ou transcendante, antérieure à la prise de forme ou contemporaine de cette opération, elle conserve son privilege de supério­rité par rapport à la matiere ou aux éléments ; ce qui est !e fondement de toute théorie de la forme, arché­typale, hylémorphique ou gestaltiste, c'est l'asymétrie qualitative, fonctionnelle et hiérarchique de la Forme et de ce qui prend forme.

2° LA NOTION n'INFORMATION est au contraíre Ia clef de vou te de toute doctrine de la réciprocité, de I' équi­valence, voire même de la réversibilité du terme actif et du terme passif dans I' échange. L' émetteur et !e récepteur sont les deux extrémités homoglmes d'une ligne en laquelle l'information est transmise avec !e maximum de sftreté lorsque I' opération est réversible ; c' est non seulement le fait du contrôle, mais la condi­tion même de l'intelligibilité qui suppose réversibilité et univocité. Codage et décodage s'operent selon des conventions communes à I' émetteur et au récepteur : seu! un contenu, et non un code, peut être transmis. On peut associer à la Théorie de !'INFORMATION tout type d'explication supposant la symétrie, l'homogénéité des éléments qui s'associent et prennent forme par un processus additif ou de juxtaposition ; plus générale­ment, !es phénomenes quantitatifs de masse, de popu­lation, relevant de la théorie du hasard, supposant la symétrie des _éléments ( et leur caractere quelconque) peuvent être pensés en théorie de l'information.

3• L'OPÉRATION TRANSDUCTIVE serait Ja propagation d'une structure gagnant de proche en proche un champ à partir d'un germe structural, comme une solution sursaturée cristallise à partir d'un germe cristallin ; cela suppose que !e champ soit en équilibre métastable, c' est-à-dire receie une énergie potentielle ne pouvant être libérée que par le surgissement d'une nouvelle structure, qui est comme une résolution du probleme ; des lors, l'information n'est pas réversible : elle est la direction organisatrice émanant à courte distance du germe structural et gagnant le champ : le germe est émetteur, !e champ est récepteur, et la limite entre émetteur et récepteur se déplace de façon continue

INTRODUCTION 33

quand l'opération de prise d f progressant ; on pourrait diree orme ~e _Produit en germe structural et le ch que la lnmte entre Je est un MODULATEUR . c'est~p str;'c~rable, métastable, champ, donc de la ~at"e ne~gxe e métastabilité du donc à la forme d' ' re, qUI permet à Ia structure dans Ia matiere 'et r:~~ce_r : les potentieis résident est un reJais am'p!ificate:.Ite entre forme et matiere

Les phénomenes de m ger, mais on doit les con~~~;e sont nullement à négli-de l'accumuiation d'énergie p;;:~~~ked des conditions

~~ !J!:~r::::~t Pq~!ed des. conditi?ns d~s 1: c~~:::r; vité ce · omame poss1ble de transducti­rép~rtiti~~~ ;~~~se une rei~tive homogénéité, et une tiques ; Ja relation f~~!'~~~e des potentieis énergé­relation transductive et re ,se transpose aiors en rant-structuré à travers en pr':'g~es du coupie structu­sage d'informa' t' une Inmte active qui est pas-

IOn.

fo,bi<,etxis1n ~e certaine relation entre une étude d 'llnw"'"' te~ fIque ~t le probleme ici prése1•té à savoir:

tech ~ orm~tton et . Potentiels. Tout~fois, !'oh: :d~<,xemt>lnPtque n est destmé qu'à servir de m de/

- d'un:eft-€tre de paradigme, pour int~rpri. açon que I on ne cherche pas à ré­

comme nouvelle, mais que l'on voudrait e% li - le probl~me des rapports entre la notionpd;

•uLZon_s~~~~ ~ér~ntes especes, la notion d'infor-C . ce e u potentie/ ou d'énergie poten

e qt UI nous a déterminé à rechercher une corré. en re forme inf · · li'lrol•Dnlté d ' ormatwn et potentiels c'est

e trouver !e point de départ d' ' . des se· h une axwma-Iences umaines De nos . sci.en•ces h · · JOurs, on parle

~::~:~:~u:m:ames. et il ~xiste bien des techniques hu~am, mais ce mot de « sciences », est tOUJOUrs au pluriel Ce plun'el . 'fi

I' , · s1gn1 e

que on n est pas arrivé à définir une

34 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUB ET COLLECTIVB

axiomatique unitaire. Pourquoi y a-t-il des science~ humaines alors qu'il existe une physique ? Pourq11:o1 sommes-nous toujours obligés de parler de psychologre, de sociologie, de psycho-sociologie ; pourquoi so~es­nous obligés de distinguer différents champs d étude à l'intérieur de la psychologie, de la sociologie, de la psychologie sociale ? Et ron ne parle pas des autres sciences humaines possibles. Pour ne pren,dre CfUe ces trois à savoir celle qui se propose d étudrer les groupes, celle qui se propose d'é~dier rêtr~}ndi~d~e~, et celle qui explique la corrélatiOn entre l etr~ mdiVI· duel et les groupes, nous ·trouvons une m~trtud~ de champs et un fractionnement presque mdéfim de rétude ; ceei révele que même à propos ~·u~e seule de ces sciences humaines, la recherche de 1 unit.é ~st tres problématique et qu'il f~ut ~on~e~ l;ffie ~heor~e sou­vent réductrice pour arnver a 1 unrte à l m~éneur de chacune de ces sciences. On observe ~e umté ~e t~n­dances plutôt qu'une unité de princrpes exph~atifs. Si nous comparons la situation actuelle des scre~ces humaines à celle des sciences de la nature, telle qu elle se présentait dans r Antiquité, au xvf' siecle,. ou au début du xrx• siecle, nous trouvons que, au. debut du xrx' siecle, il y avait une chimie et une p?ysrque,, p~ut­être même plusieurs physiqu~s et plusrt;,ur~. chrmres. Au contraíre, peu à peu, au debut du ~IX srecle et au début du xx' siecle, nous avons vu naltre des grande~ théories qui ont apporté des possib!lités .d'.axiomatl· sation. Ainsi, dans le domaine de l électncrté et ~u magnétisme, on a vu apparai~re, vers 1864, la th~one électro-magnétique de la lumiere de Maxwell, qm est et restera probablement r exemple d'une synthese créa· trice ; synthese, parce qu' elle réunit les .élément~ anciens des différentes recherches sur les actrons réci· proques des courants et des champs,. sur les phéno­menes d'induction, et créatrice, parce qu'elle apporte une notion nouvelle grâce à laquelle la synthese e~t possible et sans laquelle raxiomatisation n'existeralt pas : les courants de déplacement ; ~s courants de déplacement sont devenus la propag~tion du champ électro-magnétique, telle que Hertz 1 a rendue mani· feste, expérimentalement, vingt ans plus tard.

INTRODUCTION 35

Ne pourrait-on accomplir la même reuvre dans Ies scien~es humaines ? Ne pourrait-on fonder la Science h~at~e, ~n respec~ant, bien entendu, des possibilités d ~pphc~tiOns multiples, mais en ayant, au moins, une axwmatique commune applicable aux différents domaines?

Ce qui naus incite à agir de la sorte c'est Ia vision de l'~volution des sciences de la natllr:. I! existait une physrque et une chimie séparées : i! existe maintenant une physico-chimie, et nous voyons les corrélations entre physique et chimie devenir de plus en plus fortes N'y aurait-il pas entre Ies deux extrêmes c'est-à-dir~ entre la .théorie .~es. g;oupes, qui est la s~ciologie, et la théone de 1 mdiVIdu, qui est Ia psycho!ogie, à recherche~ un moyen terme qui serait précisément !e centre actif et commun d'une axiomatisation possible ? l'!ous voyons, en effet, dans plusieurs cas, que, même SI. naus prenons la psychologie individuelle Ia plus directement monographique et intérioriste, même si naus prenons la sociologie des ensembles les plus graiids, naus sommes toujours amenés à une recherche de ~orrélation, rendue nécessaire par !e fait qu'il n: eXIste pas, en s~ciolo~e,le groupe de tous les groupes, m, en psychologre, à 1 intérieur de l'individu, un élé­ment, un ~tom~ de pensée que l'on pourrait isoler pour en faire 1 aiialogue du corps simple chimique, permettant de tout recomposer par des combinaisons avec d'autres éléments simples. L'isolement d'une m~nade •. atome psy~hol~gique, .ou d'un groupe ;'Iumain qw. serait une totahté, c est-à-dire une espece d univers social, se trouve impossible. I! n'y a pas, en sociologie ~e « human~té », et il n'y a pas, en psychologie, ~ élement dermer ; naus sommes toujours au niveau des corrélations, que naus allions vers la recherche des éléments intérieurs à l'individu, ou que naus allions vers celle des groupes sociaux Ies plus vastes.

?=s ces conditions, Ia leçon tirée de I' évolution des S~Iences de la na~ure n~us ~nci~e à réévoquer Ies prin· Clp.~s les. plus anc1e~s d exphcatwn qui ont été proposés à I mténeur des sc1ences humaines, daiis Ia mesure ou ces prin~ipes sont des principes de corrélation. Voilà pourqum naus avons cni pouvoir choisir des notions

36 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

telles que forme, information et potentiels, en commen· çant par la notion de forme. Cette notion est proba· blement une des plus anciennes qui ait été définie par les philosophes qui se sont intéressés à 1' étude des problemes humains.

Certes, elle a évolué beaucoup, mais nous la trou­vons dans 1' Archétype platonicien ; puis, dans la rela­tion Forme-Matiere chez Aristote et dans le scheme hylémorphique; c'est elle que nous retrouvons apres un tres long cheminement, tantôt platonicien, tantôt aristotélicien, au Moyen Age et au xvl" siecle ; c'est elle que nous retrouvons encore à 1' extrême fin du xxx• et au xx" siecle, dans cette reprise des notions anciennes sous une influence nouvelle qu'est la Gestalt· psychologie. La Gestaltpsychologie renouvelle la notion de forme et fait dans une certaine mesure la synthese de la forme archétypale platonicienne et de la forme hylémorphique aristotélicienne, grâce à une notion explicative et exemplaire, tirée des sciences de la nature : le champ. Nous tenterons de montrer que la notion de forme est nécessaire, mais ne permet pas, à elle seule, de fonder une axiomatique des sciences humaines, si on ne la présente pas à l'intérieur d'un systeme comprenant celle d'information et celle de potentiels, au sens ou l'on parle d'énergie potentielle. J' essaierai donc de tracer une évolution historique de la notion de forme, archétypale d'abord, hylémor· phique ensuite, gestaltiste enfin, puis je tenterai de montrer en quoi elle est insuffisante pour notre propos axiomatisant; j'ajouterai alors un certain nombre de considérations relatives à l'Information, et enfin j'essaierai de présenter ce qui permettrait de réunir la notion d'Information à celle de Forme : c' est ce que j'ai appelé l'opération transductive ou encore la modulation, ne pouvant exister que dans un domaine de réalité en état métastable, contenant de 1' énergie

potentielle. On doit ajouter un mot explicatif au sujet du terme

de modulation. On ne prend pas ce mot au sens technic que large qu'il a lorsqu'on parle de la modulation de 1' étage final d'un émetteur, mais au sens plus restreint qui désigne l'opération s'accomplissant dans un relais

lNTRODUCTION

amplificateur à nombre . . '. 37 exernple, un tube à cathod~' J etats, comrne, par penthode, - ou un transi c au ~· - triode, tétrode laqu.;lle un signal de faibl ~tor. _c est l'opération pa; envOJe sur la grille d e energJe, comrne celui qu'on lise e cornrnande d' · . avec un certain nombre d une tnode, actua-f.'ffipotentielle représentée e ~egr~s P?ssibles l'éner­

e e~teur qui est la ch par ~ ~zrcmt anodique et ~odJque. Le terme n'e~ge extenem;e de ce circuit

gerernent ambivoque étant P;~ P:rrt~t, puisqu'il est par rnodulation cette infl nne qu on entend aussi gies, !'une qui est supportuefnce rnutuelle de deux éner par e 1 utur d'info · • I' xernp e, une oscillation d h rmatwn comrne ~utre, qui est de l'éner ·e de. a~te fréquence, et SignaJ, cornrne, par exem r éJà mformée par un duen~e qui module I' oschl~ti~ c~ur~t de basse fré­Ilans e procédé de modulatio n d~ aute fréquence

Y a !à, clone une ré . . n an~ Ique des érnetteurs' ~pporter, des le,début ppo::~~~~~rnantique qu'il faui m~eraction physiqu~ Ir ce type d' opération S1 la h · . psyc ologie pure et l .

Irnpossibles parce qu'il n' a socJ~l~gie pure sont en psychologie et pas d' Y a pas d élernent extrêrne en sociologie, i! est né~~::~bledde to~s 1es ensembles psychologues ou les . ;uz-e e vozr comrnent ]e

Ies processas d~m_octe!Or ogut_ es de I'Antiquité onst d' b • ac wn et d'" fi ~ ord 1 opposition si "fi . m uence. Pre-

. · .· qm existe entre la fo gm cati~e et complérnen-la forme hylérnorphiqu~h:cke~ype chez Platon

chez Platon est I nstote. La forme supérieur, éteme] et uniq e mo]dele de tout ce qui

;~~~:~~~~~ L' Ar ue, se on un rn d . chétype de án~ I' . . o e vertzcal - c'est Ie mdde p : ongme, et <Ó"o;

au remJer Ce mot d · · ' moyen duque] on f. eszgne !e coin, comme on dJ. lpeut rapper des mon-

' rapus tard L • et c est aussi Je . e '&'unoç, c'est gr

a · ' coup · avec ve, on peut imprim d un morceau ~. ·· .. ''1• ~laquetlte de méta] précieuxer es cara<:teres sur

•· . Ia même figure I' et ~et archetype per­déformable u'' ai m me configuration

. . . . est de bon a~ierestt a plaquette de métal: · • outes les p"' f : com se ressembl t Ieces rap-en entre elles et sont

38 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUB ET COu.ECTIVE

de façon causale, elles reconnaissables, parc,e que, ération de modulation, à proviennent de la meme C 0~ l'Archétype peut se partir de l'Archétyp~. e :s~er sa supériorité onto­dégrader, mais on dOit rema q iece on ne perd logique : si 1' on vtd' ~nt à p~rfo~ ~e:f à p;rdre 1' Arché­que du métal, tan IS que SI tr à partir de la piece, type, il faut en grav~r un ~u :rfection moindre que et la piece peut recelelr und ~me archétype ne sera

d 1' h 'type · e eUXIe di celle e are e blable au premier. Autrement t, pas absolument sem . fra ée avec le même d'une piece à une autre PI~ce pbp d fluctuations

. "I a un certam nom re e . • d Archetype, 1 Y . d oussiere telle inégal1te u aléatoires - tel gram e P tend~ce centrale ; cette métal - recouvertes par une én"eure est repré-

' a1 rmative et sup • . tendance centr e, no " re qui est celle du com, sentée par la forme premie

de l'archétype. dei de processus d'interaction lei se trouve _un mo e d''nteraction mais qui est

qui mérite à peme le nom 11 autres types possibles

un terme extrême d~. tous e_s n non réciproque, irré­d'interaction : c' est I znte~acttfa piece et l'archétype, versible, sans ret~u~, e~r:st fondamentale : 1' Arché­recélant une asymetne q ., .1 n'y a pas de rapport .. · la pkce · 1 type est supeneur a 1' hétwe n'a pas besoin des complémentaire, caril a~c térieur comme il est supé­pieces pour exister : es an . e e Cela est !e modele rieur ; il existe avant to:te Jl~t~~ . <i< us11 les Formes, de la théorie de?d~ ~é~;pes pe~ettant d' expliquer qui sont comme es . c . ces' sensibles sont compa· 1' existence des sensibl_es ' . t été frappées avec des rables à des pieces qm_ auraie~ immuables, ils existent coin~. les Idées: les dcom~:~net ne se dégradent pas. · par-delà la sphere . es dans la r'""'' et dans ~o.,&, L'être engendré qm es~ d mais la Forme, elle, le sensible, peut se d d gra eine n'est pas non plus , 0 .!ao;, ne se dégra e pas. . nduit à une théorie susceptible. de prog~e~Ít~~~ ::eo peut que se rappeler de la connrus~ance ?u d la rencontre du sensible et Ia forme, à 1 occaswn. e d I su. et connaissant des difficultés _qui s'éleven!ui~e s: ra~peler la vision aborde le sens1ble. li ne P

1 q "bl à partir de cette

des formes, et interpréter . e sensl e

INTRODUCTION 39

vision, sans véritable démarche inductive de Ia pensée. Pourquoi ? Parce que toute Ia perfection de Ia forme, toute la perfection du contenu structural, est donnée à !'origine. Platon construit un univers métaphysique et un systeme épistémologique dans lesquels la per­fection est donnée à l' origine. La perfection, Ia plus haute richesse de structure, réside da11s ce monde qui est au-delà de la sphere des fixes, c'est-à-dire qui est lui-même éternel et tra11scenda11t et qui n'est soumis ni à dégradation ni à progres. La dégradation caracté­rise seulement ce qui est engendré ; ce qui est engendré à partir de la relation d' exemplarisme peut se dégra­der, ou bien, dans la mesure seulement ou I'âme est S<eur des Idées, elle peut gouverner une remontée vers la perfection originelle ; c' est là !e premier Platonisme, en leque! I'intention de la phi!osophie est de remonter à partir de cette garderie * des Dieux ou nous sommes, -'- I' expression est attribuée à Socrate - vers !e monde ou nous retrouverons les archétypes. ' Si nous voulions dépeindre d'un trait cette maniere

considérer la forme, nous dirions que Ia forme étant des 1' origine, Ie Platonisme constitue un sys­

de conservation et de respect de l'Idée donnée fois pour toutes, ou bien de retour à I'Idée ; Ia

est un rappel, une O.v&l'-v~"''• elle est aussi une pmten1platilon lorsqu'on a redécouvert ce que I'âme iirappc~Jle parce qu'elle est 0.8sÃ~~ <ôív .rs.,v, sreur des

La morale inclividuelle est une conservation ; Ia conservation de Ia structure de I'individu

r'Iaqtielle i! réalise I'idée de I'homme; elle est la du rapport qui doit exister justement

vou;, Ou11-6; et '"''Oul'-t~. selon un príncipe de justice en fait, i! faudrait clire « justesse ») qui sauve­le systeme structural caractérisa11t I'individu. Ia Forme, telle qu'elle est présentée da11s !e

supérieure et inlmuable, convient par­te~nerlt pour représenter la structure du groupe, et

une sociologie implicite, une théorie politique t'gr·outJe idéal. Ce groupe est plus stable que Ies

Uividuts et i! est doué d'une telle inertie qu'il parait

40 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

permanent; d'ai!leurs la permanence relative est consi­dérée par Platon comme étant ou devant être une fixité vraie : nous savons que la cité idéale est ce qui ne doit pas varier. Le phUosophe-magistrat, qui connait le nombre de la cité et la mesure qui caracté­rise Ies rapports entre les différentes classes sociales, comme il connait le rapport entre les vertus de l'indi­vidu (du voii<, du 6ul'-ó' et de l'<•n6u!'-i~).- le philosophe­magistrat a pour tâche d'être le gardien de la consti­tution ; Ia !oi est ce qui permet à la cité de ne point se modifier, à la façon dont les lois physiques nous rap­pellent les invariants. C' est bien une découverte de l'invariant que Platon a faite ; or, nous savons, d'apres l'exemple des sciences, que l'on pourrait considérer un invariant comme caractéristique d'une théorie phy­sique : conservation de 1' énergie, conservation de la matiere, conservation de la totalité constituée par la matiere et 1' énergie. L'invariant, pour Platon, c' est l'Idée, mais cette Idée, c' est la structure du groupe, fondant une sociologie métaphysique, une sociologie pure devenue métaphysique. Une teHe conception de la forme conduit à un idéalisme réaliste et à une répu­diation de toute possibilité d' empirisme logique ou de combinatoire physique comparable à celle de Leu­cippe et Démocrite, constituant l'être à partir des éléments et d'une rencontre fortuite due au hasard. Sans doute Platon n' était·il pas absolument satisfait de sa doctrine, puisque nous voyons, grâce à ce que nous a laissé Aristote dans les livres M et N de la Métaphysique, que, vers la fin de sa vie et dans l'ensei­gnement initiatique, Platon voulait trouver une for­mule capable d'expliquer le devenir : au lieu de cher­cher à fuir d'ici là-bas, il voulait s'immortaliser dans le sensible. La doctrine des idées-nombres manifeste peut-être un désir de découvrir une signification plus précise, plus essentielle, dans le devenir. De même. encare, la notion de Dyade indéfinie ( du grand et dU. petit, du chaud et du froid), qui permet avec plus de précision le 1'-••~•ov, s'applique =,eux 1' .lao, aux sensibles et à leur devenir génétique. tant, l'essentiel de l'inspiration platonicienne (tout woins sous la forme qui a passé à la postérité et

INTRODUCTION d 41

evenue le platonisme) ' c' est-à-dire l' explication' e~ ist la o forme archétypale, cessus d'influence qui lac: presentation d'un pro­avant tous les êtres enge:d é la structure complete

Au contraíre la f r s et au-dessus d' eux jelle qu' el_le se 'trouv~r;::s!~ o sch~me hylémorphique, orme qm est à l'intérie ee ;, ez Anstote, est une

le oóvoÀov dans I ur de 1 etre individue! d "d ' e « tout-ens bl , ans VI, uel; elle n'est lus o e_m e " qu'est l'être indi-ym .. , et à la ~Oo~~ pà la a~t~neure ni supérieure à Ia elle intervient à l'Íntérie~:'Ja~on e~_ à la corruption; ~;ucture et matiere à r· t~ _Jeu d mteraction entre t autre part, elle n'e~t pas ~t ?~ur de l'être sensible out cas immuable ui ' nc ement éternelle ou e~

à l'actualité à l'intédeU:q;ee~l.~ ~~s.se de la virtualité r; rapport avec la matiere ~nl IVIdu. __ Elle n' est pas

t:n;:C:s c~':u~e11aJ::~lle v~rsa z'::~fee; ~p:~ v~;: actwns réciproq • qm est un champ d'" t

h . ues et complo . m er-

« onzontale "• et non ement:;nres. Une relation . Platon, entre l'être indiv" ~l~s verticale comme chez le penser sous les especesi d ue et la forme, interdit de cosme qui est un anafo u groupe, comme un micro­?~s . cette doctrine une ~e _de 1~ cité. Nous avons !~dlVI~uel, à partir d'une ~mfic~ti~n d?nnée à l'être Cit;. SI Platon représente ubwiSogi~ Imphcite ou expli-metaphy · ne ocwlog· sique, selon laquelle 1 Ie pure devenue . . . groupe de tous les es structures du groupe , ,. forme archétypale fr~~fo~s, l'Univers, sont deve:

. . la tendance in;erse Ie eh ~u contraíre, repré-. pour trouver d ' c OIX premier de l'être

·. . qu'il renferme !'ex a~s l~s processus d'inter­apparait alors com p ICatwn du devenir. Le

' Aristote une onto ~~ constitutif de l'être . il genese t . . que chez Platon il n' OUJOUrs sons-jacente le couple hylémo e~ va pas de même. D'autr~

chez Aristote exrpr· que, la relation forme-o • Pique le dev · .

' son etat d' entéléchie d e~Ir qui pousse , . . Platon, avec la fo 'é e pleme réalisation

, pour expliquer ~~ev!~nelle, e,st obligé d~ . à un moteur à r et meme la créa-

qui n'est pas struct ' un pouvoir qui n'est ure : ce pouvoir c'est le

42 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

Bien, ,; iyo.66• qui est &,.luwo. <ii• oüoEo.;, éclairmt le monde des idées et projetant, si l'on peut dire, l'ombre des idées sous forme de sensibles, tout comme le solei! projette les ombres des objets ou comme, encare, !e ""~ 11-óyo. :x.«•61'-•••• « le grmd feu qui flambe » des thaumaturges projette l'image des planches découpées et des iv8~"""'«<, sur le mur-écran qu'admirent les spectateurs. La relation d'exemplarisme, avec dégra­dation progressive à partir de l'idée, montre bien l'exis­tence d'un moteur qui n'est pas l's!Soç, ni la relation entre l'idée et !e sensible, entre la forme et la matiêre ayant reçu forme. Ce pouvoir, éventuellement complété par celui du démiurge, n'est jamais inhérent à l'idée ni au rapport de l'idée et du domaine qui reçoit la structure. Au contraíre, chez Aristote, il existe un pou­voir de devenir dans !e couple hylémorphique ; la relation forme-matiere à ,J'intérieur du vivant est une relation qui pousse vers l'avenir; l'être tend à passer à son état d'entéléchie; l'enfant grandit parce qu'il tend vers l'adulte; !e gland qui contient l'essence virtuelle du chêne, la forme du chêne à 1' état implicite, tend à devenir un arbre adulte entierement développé. lei, il y a bien une interaction, en quelque façon hori­zontale entre forme et matiere, avec un certain degré de réciprocité. Dans !e domaine de la connaissance, ceei conduit Aristote à un empirisme, puisque c'est l'individu qui est premier, et qui, étant le aúvol.ov, receie le pouvoir du devenir ; l'homme peut se fier à la rencontre sensible de l'être individuei pour fonder la connaissance, et la forme ne contient plus seule toute la connaissance. Sans aucun doute, la démarche de la connaissance consiste à aller d'abstraction en abstrac­tion : des différents sens, on passe au sens commun, puis aux notions plus abstraites ; mais Iorsqu' on va de l'appréhension des sensibles vers les notions d'especes, puis des notions d' especes vers celles de genres, on perd de l'information, de la perfection de la connais­sance; et, chez Aristote, la notion la plus haute, ceJle .. d'être, est aussi la plus vide ; il y a corrélation · de la compréhension et de r extension ; un terme s'applique à tout, comme celui d'être, est presque de contenu, alors que chez Platon, parce que la formt;

INTRODUCTION 43 archétype est premiere la c . la connaissance du Bie~ onnrussance de l'Un, ou plus riches. Nous avons cÍ sorr;,ies plus hautes et Ies qui s'opposent D'ai'll onc aire à deux démarches t . d . eurs on pourr 't di Oire e la pensée depui 'pJ ru re que I'his· à opposer les deux sen; de aJon et. Aristote s'est plue ces deux penseurs en e f . a notwn de forme chez du rôle que I' on p~ut att~b aisa~\ les pôles extrêmes ture, lorsqu'on veut e I! uer a forme, à la struc­action. La forme d'Ar·"f Iquer d~s processus d'inter­devenir et à l'individuise~t~ con:"Ient parfaitement au por.te la virtua!ité, la tend evenuj .. pru:ce qu' elle com­notwn éminemment o ér an~e, mstmct; c'est une par conséquent pour !'t atoz;e. Elle convient bien

' ' · ' m erpreter Ies ' genetiques, mais elle con . b processus onto-pour comprendre les VIent eaucoup moins bien Aristote fait appel ~roupe~. La notion de cité chez convention interindivid censrur~ment à la notion de réalité premiere est I ue e, a ors qu~ chez Platon la I'individu est conn e groupe, la Cité, si bien que un u comme un anal d 1 e reproduction de sa st ogue e a cité oppos.ition à ce macrocosr:ct~~e, un ~icrocosme pa; organisation qui reproduit I q est la Cité, une micro­entrame une typologie . d~ ~aclloorganisation; cela t?'Pologie sociale et polit~n u IVI. ~e e fondée sur une tique ou tyrannique I'

0 q ~ · . a structure démocra­

de magistrat ou d' ti· rganisation mentale et morale yiduels ; la cité et fa ~~:e son\ ~es mod~s d'être indi­

se reflêtent dans le , ~on . e~ ::éahtés premiêres lui donnent une struc~me mteneur de I'individu

long cheminement d~ Moye A n 'a pas parfai tement n ge et de la

corrélation, un i'-««~ú véritabl tr?uvé, _se~ble-t-il, complete 1 t e q?I réunirait en lui,

~~~jmorplltiqu;. S ' a orme archetype et la forme · ans aucun doute il . d

extrême intérêt ' existe es doc· !ii•lri!~r•n B . . ' comme, par exemple celle

· . t ~o, qm Identifie les différents 'typ . e qui, à travers un vocabula. 1 es .. ·. d permettrait peut-être d'esqui_re p utôt

e forme archét ai Isser une Cependant il mi: e_et de la forme aristo­

processus d:interactiquait une cl~, dans I'ana­on, une notton que I' on

44 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

puisse prendre comme paradigrne, et cette notion est seulement apparue à la fin du XIX' siecle, dans la Psycho­logie de la Forme : c'est celle de champ; el!e est un présent fait aux sciences hurnaines par les sciences de la nature. Elle établit une réciprocité de statuts onto­logiques et de modalités opératoires entre le tout et l'élément. En effet, dans un charnp, que! qu'il soit, électrique, électro-magnétique, de gravité, ou de n'im­porte quelle autre espece, I'élément possede deux statuts et remplit deux fonctions : 1 • en tant que recevant l'influence du charnp, il est soumis aux forces du champ ; il est en. un certain point du gradient par leque! on peut représenter la répartition du charnp ; 2• il intervient dans !e champ à titre créateur et actif, en modifiant les lignes de force du charnp et la répar­tition du gradient ; on ne peut pas définir !e gradient d'un champ sans dé.!inir ce qu'il y a en te! point. Prenons 1' exemple d'un charnp magnétique : nous dis­posons un aimant ici, un autre au fond de la salle, un autre dans ce coin ; ils sont orientés d'une façon défi­nie, et possedent des masses magnétiques mesurables. Aussitôt, un certain champ magnétique existe comme résultat de l'interaction des champs de ces trois aimants. Apportons maintenant un morceau de fer doux de 1' extérieur - préalablement chauffé à une température supérieure au point de Curie, donc non aimanté ; ce morceau de fer ne possede pas ce mode sélectif d' existence qui se caractérise par 1' existence de pôles. Or, des que nous !e plaçons dans !e champ, il prend une existence par rapport à !ui, il s'aimante. I! s'aimante en fonction du champ créé par les trois aimants préalables, mais des qu'il s'aimante, et par le fait même qu'il s'aimante, il réagit sur la structure de ce champ, et devient citoyen de la république de 1' ensemble, comme s' il était lui-même un aimant créa: teur de ce charnp : telle est la réciprocité entre la fonc­tion de totalité et la fonction d'élément à l'intérieur du champ. La définition du mode d'interaction caracté' ristique du charnp constitue une véritable découvertc conceptuelle. Avant cette découverte, Descartes a cher­ché des complications mécaniques qui font honneur son génie créateur, mais qui n'aboutissent pas à

INTRODUCTION 45

élucidation définitive des hé ter, par des processu pd' no_menes, pour représen­influences à distance ; actionl. par contact, les aimant attire un . t our exp Iquer comment un

e au re masse magn 't' '1 ~ontraint d'imaginer des vrill e_~que, I est Issues des pôles de 1' . e~1 de matiere subtile ; unes dans les autres aimant, e es se visseraient les qui est d'a'll ' se repoussant ou s'éloignant ce

I eurs - même au . h ' formei - malaisé à . . mveau ypothétique et . Imagmer . si un des s d twn rapproche les P •1 1 · ens e rota­

aimants de . o es, e retournement de l'un des tance et no:~;é:;~.:~~~t fa_ir~ c~sser l'action à dis-indique. Descartes n'a u n rep sive que l'expérience cessus d'interaction s.it· /r.ouver un scheme de pro­pas la notion de champ ~~ ais~nt I?arce q'!:il n'avait de tous les caracteres q~. a ': arâ~ I~ matiere subtile aux charnps. Or, cette \·aUJodr hm, sont attribués développe , no IOn e c arnp a connu un fin d ment tr.,s remarquable au XIX' siecle A 1

u XVIII' et au d 'b d · a c~amp magnétique e~ l~t ch~ XIx', siecl~s, ce ~rent !e decouverts et anal sés . _mp ~lec~:Ique qui furent les courants et lesych ' ens(mAte vmt 1 mteraction entre

amps rago Ampere) · apparut la théorie é! ' , . • pms, vers

lwmii,re. Elle défin't ectromagnetique de la él I un nouveau type de champ !e

ectr?"magnétiq_ue, qui n'est pas seulern'ent .;;~~~~r:;r. quo~ po~rnut appeler statique comme les

et ~ais qui co~J?Orte Ia propagation d'une o re, entre I element et !e tout une , .

~~~':~~~a,~~~u~~~~ p!u b , reei~ ,~ défi ~ remarqua le, et plus richement

;~~:~o~::a~~~~e~n;:=· ~Issant un couplage dynamique SI nous posons ici un oscillateur pourvu d'une antenne po •·1

rayonner autour de !ui un ch . . ur quI au fond d 1 11 arnp , SI nous met-

t!elquf~s k'l ,e a sa e, ou beaucoup plus loin à . I ometres, un autre oscillateur de mê~

~~ lds d<;~x oscillateurs ont la même fréquenc: 1 euxie~e entrera en résonance avec !e pre-

!qttenac,oer,s '!que, s Ils ne sont pas réglés sur Ia même rés I s n entreront pas en résonance : on aura

?nance floue, tantôt résonance aigue et la ~ éfergie échangée entre les oscillate~s sera

e eur accord de fréquence, et non pas seule-

46 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUB BT COLLECTIVE

ment de Ieur distance et de l'importance des organes de couplage. Nous voyons ici des processus beaucoup plus raffinés d'interaction entre les parties par l'inter­médiaire du tout ou interviennent des échanges sélec­tifs. Voilà sans doute pourquoi la notion de champ, à Ia fin du XIX' siecle, possédait une prégnance toute particuliere et est entrée, presque par effraction, dans !e monde des sciences humaines. Elle a été introduite par des philosophes qui avaient médité sur les notions anciennes d'interaction, sur Ies processus de relation entre Ia forme et la matiere. I! ne faut pas oublier que c'est Brentano qui a été !e précurseur de la théorie de la forme, et a inspiré les travaux de von Ehrenfels, qui a publié Ueber Gestalt Qualitiiten, Au sujet des Qualités de forme. Plus tard, Kohler, Koffka, et tous les autres théoriciens de la forme, ont utilisé de plus en plus la notion de champ, et on pourrait dire qu'elle est la notion fondamentale au niveau du dernier déve­loppement qu'a reçu cette doctrine, avec Kurt Lewin, fondant une théorie des échanges psycho-sociaux et sociaux avec son interprétation dynamique d'un uni­vers hodo!ogique et topologique.

Or, la théorie gestaltiste, qui est sortie de l'applica­tion de la notion de champ, refuse à la fois la vision empiriste et la vision idéaliste de la forme qui étaient celle d' Aristote et celle de Platon ; elle les remplace par un génétisme instantané ; la perception est Ia saisie d'une configuration du champ perceptif. I! y a un champ, !e champ perceptif; les divers éléments qui s'y trouvent et le constituent (c'est Ia double situation caractéristique du champ ), sont en interaction, comme des aimants dans un champ magnétique. Ce n'est pas seulement Ia perception, mais aussi l'action qui est la saisie et la réalisation d'une configuration ; il suffit d'étendre la notion de champ ; s'il existe un champ extérieur, un champ phénoménal dans !e processus de Ia perception, pourquoi ne pas considérer !e sujet comme étant dans !e champ, donc réalité de champ ? I! existerait un champ total qui se subdiviserait en deux sous-ensembles, !e champ sujet, !e champ objet ; l'action serait la découverte d'une structure, d'une configuration corom\llle au champ extérieur et au

INTRODUCTION 47

c~amp int~rieur._ Mais ici précisément apparatt I'insuf­ftsance ax10mattque de la théorie de Ia forme : Ia s~ruct_u~e est envisagée comme !e résultat d'un état d équtltbre. Sans cette insuffisance, on pourrait penser que la forme archétypale et la forme hylémorphique sont réunies dans la théorie de la forme : la forme archétypale c'est !e tout, Ganzheit; la forme hylémor­phique, ce serait l'ensemble des structures élémentaires en c_orrélation les _unc;s avec les autres, puisqu'il y aurmt !à une orgarusation traversant la matiere même du champ; on r~ndrai~ compte à la fois de l'aspect élémentarre, de I organ1sation des sous-ensembles et de l'organisation globale du tout. Mais, pour re~dre compte de cette structure, qui est une configuration les théoriciens de la forme ont recours à la notio~ d'équilibre. Pourquoi y a-t-il une structure qui est structure du tout ? Pourquoi cette structure du tout est-elle réellement participable par chacune des par­ties ? Parce qu'elle est la bonne forme, la meilleure forme. La meilleure forme, c'est une forme qui pos­sede de~ aspects : 1. Elle est celle qui enveloppe le plus poss1ble d' éléments et qui continue !e mieux ce qu'on pourrait appeler la tendance à s'acheminer de chacun des sous-ensembles. 2. Elle est la plus pré­gnante, c'est-à-dire, selon les théoriciens de la forme, la pl~.s stable, celle qui ne se laisse pas dissocier, celle qw s rmpose. Et les théoriciens de la forme font appel à une analogie entre le monde physique et !e monde ps~chique, ce qui les conduit au postulat de l'isomor­phisme, fondement d'une théorie de la connaissance · ils_ montrent qu'il y a des geneses de formes, et qu'iÍ eXIste une morphologie expérimentale possible, étudiant la morphogénese dans !e monde physique ; ces formes, ce sont, par exemple, celles de Ia répartition d'un champ éle~trique autour d'un corps conducteur : sup­pqso?s qu un corps conducteur (comme, par exemple, ce nucrophone s'il n'était relié à rien) - soit posé sur des cales isolantes; si on charge d'électricité une baguette d'ambre ou de verre, et si on apporte au corps conducteur la charge électrique de Ia baguette elle s.e répartit à Ia surface du conducteur,. en suivant des lois connues. : ainsi, le champ sera plus fort autour

48 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COILECTIVE

des pointes. Si on apporte une nouvelle quantité d'élec­tricité elle se répartit encere de la même façon, Ia quantÍté augmente, mais la forme reste la même; il ~ aurait donc une certaine constance des formes qm ne dépend que de la relation entre .t~us les él~me?ts et reste indépendante de toute cond1t10n quant1tat1ve. Von Ehrenfels montrait qu'à l'intérieur d'une mélodie, on change beaucoup plus I' aspect total de la mélodie en modifiant une seule note qu' en élevant toutes les notes à I' octave ou en Ies abaissant toutes à I' octave inférieure. Mais il y a - à notre avis - une contradic­tion entre la notion d'équilibre stable, qui serait !e fon­dement de la prégnance des formes, et l'autre notion, celle de bonne forme. I! nous semble tres difficile ·de dire qu'une forme est une bonne forme parce q~'el~e est la plus probable, et ici déjà se dessine une theone de I'information. « Une forme est une bonne forme parce qu'elle est la plus probable », qu'est-ce à dire? Supposons que nous prenions cett~ salle, ':lue nous la soumettions à un traitement phys1que qm la secou~ rait tres violemment en tous sens, au hasar?, pu~s J'abandonnerait comme un systeme fermé et la hvrera1t à son propre et unique devenir. Au bo';l~ d:~ siecle, on aurait certainement obtenu un état d eqmhbre défi­nitif et tres stable dans ce systeme isolé, ce qui ve~t dire que tout ce qui est accroché au plafond ser:nt tombé à terre ; toutes les différences de potent~el, électriques, chimiques, de gravité, auraient donné h_eu aux transformations possibles : toutes les énerg1e_s pouvant s'actualiser se seraien~ effectivement ~ctuah­sées ; i1 y aurait eu augm~ntatwn. ~':' ~a temperatur':', augmentation du degré d homogene1te, et on ~ura1t perdu ce qui fait qu'il y a ici des bonn~s formes, c es_t-à­dire des êtres vivants et pensants qm ont d;s motrva­tions et des représentations variées et coherentes, -sources d'action, - et, plus généralement, tout~s les réserves énergétiques ici présente.s en tous. doma~es une pile un accumulateur charges se sera1ent dechar­gés ; le~ condensateurs chargés de I' enregist:eur magnétique seraient déchargés et toute~ les actw.ns chimiques qui peuvent s~ exercer se sera1ent e~ercees entre J' électrolyte et les armatures. Autrement dlt, tout

INTRODUCTION 49

ce qui peut advenir serait advenu ; i1 n'y aurait plus d' évolution possible pour cette salle · elle serait entierement dégradée, dégradée comm~ se dégrade I'énergie potentielle contenue dans une horloge dont les poids sont au haut de la cage ; Iorsque Ies poíds sont au bas de leur course, un processas írréversible s' est accompli, et, sans intervention extérieure, l'hor­loge ne peut plus fonctionner : cet état de non-fonction­nement est stable, et i! est le plus probable. En tous domaines, l'état le plus stable est un état de mort · c' est un état dégradé à partir duque[ aucune tran;. formation n'est plus possible sans intervention d'une énergie extérieure au systeme dégradé. C'est un état qu'on pourrait dire pulvérulent et désordonné · i1 ne contient aucun germe de devenir et n'est pas une'bonne forme, n' est pas significatif. Si on traitait comme sys­teme fermé cette salle, on obtiendrait un résultat qui serait tres analogue à celui que 1' on obtiendrait si on traitait de même n'importe quelle autre salle, ou n'im­porte que! autre ensemble d'objets de même volume. To~t .traitement de cette espece, désorganisant, appli­que a un ensemble hautement cohérent et hautement valorisé, riche en potentiels, aboutirait à des résultats semblables, a_u terme de la perte de forme; ce n'est pas ce chemznement vers la stabilité homogene qui amorce la genese des formes prégnantes. I! semble donc qu'il y ait confusion entre la stabilité d'une f?rme pour l'esprit (son pouvoir de s'imposer à l'atten­twn et de rester dans la mémoire), qu'on pourrait appeler la qualité d'une forme, et, d'autre part, Ia stabilité des états physiques. lei, une insuffisance carac­téristique se manifeste dans la théorie de Ia forme car une évolution convergente ne peut pas explique; une stabilité de forme ; elle ne peut expliquer qu'une stabilité d' état, et non la supériorité d'une forme, qui est faite d' activité et de rayonnement, de capacité d' éclairer des domaines nouveaux. I! est nécessaire de penser ici à la forme archétypale de Platon pour éviter cette erreur, car la supériorité de la bonne forme est ce qui lui donne sa prégnance ; elle est plutôt Ia perma­

. nence d'une métastabilité. ·· Autrement dit, Ia Psychologie de Ia Forme a une

50 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUB ET COLLECTIVB

valeur exemplaire, parce qu'elle a cherché à réunir la forme aristotélicienne et la forme platonicienne pour interpréter les processus d'interaction, mais elle a un défaut fondamental, car elle présente des processus de dégradation comme des processus de genese de bonne forme. Serait·il possible, des lors, de faire appel à une théorie de l'information pour enrichir et pour corriger la notion de forme telle qu' elle nous est pré­sentée par la théorie de la forme ? Serait-il possible de faire appel à la théorie de Shannon, de Fischer, de Hartley, de Norbert Wiener? Ce qu'il y a de commun à tous les auteurs qui ortt fondé la théorie de l'infor­mation, c'est que pour eux l'information correspond à l'inverse d'une probabilité ; l'information échangée entre deux systemes, entre un émetteur et un récepteur, est nulle lorsque l'état de l'objet sur leque! on doit être informé est totalement prévisible, absolument déterminé d'avance. I! y a information nulle, et il n'est pas nécessaire de faire passer im message lorsqu'on est certain de l'état de l'objét : autant vaut ne pas envoyer de message du tout. Si on envoie un message, si on en recherche un, c'est parce que l'état de l'objet n'est pas connu. -

La théorie de l'Information est le point de départ d'un ensemble de recherches qui ont fondé la notion d'entropie négative (ou négentropie), montrant que l'information correspond à l'inverse des processus de dégradation et que, à l'intérieur du schéma tout entier, l'information n'est pas définissable à partir d'un terme seul, tel que la source, ou tel que !e récepteur, mais à partir de la relation entre source et récepteur. La question posée, à laquelle répond fonctionnellement une information, c'est : que! est l'état de la source ? On pourrait dire que !e récepteur se pose la question : « Que! est l'état de la source ? » et l'information est ce qui apporte au récepteur la réponse. C'est pourquoi il est possible de présenter la quantité d'information comme - log P, P étant la probabilité de 1' état de la source. Pour des raisons secondaires, mais importantes, on a pris les logarithmes à base 2 pour définir l'infor­mation en Hartleys ou en bits.

Malgré cela, nous ne savons pas si la théorie de l'In•

INTRODUCTION 51

forma~ion po~rrait s'appliquer directement à notre pro­pos,_ c est-à-d1re pourrait nous permettre de saisir en qu~1. une foz;ne est une bonne forme ou une forme ~el11eure ~u une autre. En effet, dans la théorie de 1 Informat10n, on considere en fait- tres légitimement d~ns le d~maine technologique ou cette théorie a un role _fonct10nnel à jouer - comme fondamentale la relat~on , entre un émetteur et un récepteur qui ont besom d une corrélation, si bien que l'information est ce yar quoi un certain systeme, le récepteur, peut se ~der sur un autre systeme, l'émetteur; on pourrait drre que !e but du passage d'information c'est de resserrer Ia corré!ation entre l'émetteur et le ~écepteur de r~pprocher !e fonctionnement du récepteur de ce!uÍ de 1 e'?let~eur ; .te! est le cas, par exemple, de Ia syn­chr.omsation ; des signaux de synchronisation sont ém1s , pour permettre au récepteur de se synchroniser sur ! émette~r. Un te! schéma convient à une théorie de 1 apprentlssage, comme celle qui a été développée ~ar Ombredane. et Faverge dans l'ouvrage consacré à I étude du travall. La théorie de l'information est faite pour cela, pour permettre la corrélation entre émet­teur et . récept~ur dans Ies cas ou il faut que cette c~rrélat10n eXIste ; mais, si on voulait Ia transposer d~rectement da'?-s !e domaine psychologique et sociolo­g~que, elle ~ontlendrait un paradoxe : plus la corréla­twn entre l émetteur et le récepteur est étroite moins est grande la quantité d'information. Ainsi par e~emple d~s un. appren~issage totalement réalisé, l'opérateu~ na besom que d une tres faible quantité d'information ~enant ~e l'émetteur, c'est-à-dire de l'objet sur leque! il travrulle,_ de la machine qu'il conduit. La meilleure f~;me sera_1t donc celle qui exige la moindre quantité d informat10n. I! y a !à quelque chose qui ne paratt pas possible. On ne peut pas accepter sans modifica­tio'?- la théorie de I'information dans !e domaine psycho­socml parce que, dans ce domaine, i! faudrait trouver quelque chose qui permette de qualifier Ia meilleure forme comme étant cel!e qui possede !e plus haut degr~ d'information, et cela ne peut pas être fait à P~: ~u scheme négentropique, de la recherche pro­babilitaire. Autrement dit, il faudrait apporter un

52 L'INDIVIDUAT!ON PSYC HIQUE ET COLLECTIVE

. . . à 1 théorie de l'informatioo. terme non probabtlttat~e a • t là le point de Peut-être serait-il poss1ble ll e~u~ el~ on voudrait pré­départ de la these perdsonne le d'une qualité d'infor-

. tenant - e par er senter mam • . n d'information. Dans une mation, ou d une ten~w . ri ue on tient compte énergie comm~ l'énerg1:t;le(~~t;nslté multipliée par d'un facteur • e quan t ualitatif se rapportant à la Temps), et d un fac~eur q 1 bornes de la source. différence de pot~ntlel e~ttre e~ssible de caractériser D • e il seralt peut-e re p • .

e mem • fin d' ex li uer les processus d interact~on, la forme, a P q fté mais par sa tenswn, non seulement par sa qu~nc~ll~ qui correspond à une et la bonne forme, ce .sera1 't . 'demment un terme

. '1 • Tenswn » parru eVl . tenswn e evee. " ,.1 t permis de contmuer . rer. pourtant s 1 es d 1 assez smgu 1 • 1 · •. ntre les sciences e a

à employer cette ana ?g:e e • · ce ]e erme struc- . nature ~t ce q~i voudhralt ~tre ln~s~~ait-il ~as possible tural d une sc1ence umame, e e ? La quan-de f;ire appel à une notion de cet.tee;sda~s ~ conden­tité d'énergie qu'on peut ~;m~:ga~~r une certaine sur-sateur est d'autant plu~~~~= 's~nt plus rapprochées, · face des armatures, q · ' la décharge t . lées sinon on arnve a tout en. restan 1so 1 • d" él ctrique. N'y aurait-il pas disrupt1Ve à tra~ers e : ;ans la bonne forme ? Ne quelque chose d analo~ t'ent en elle un certain serait-elle, pa~ ~elle, fUl f c~n ~n isolement entre deux champ, c es_t-a-.d~re a a o adictoires, et pourtant une . termes, ant1thet1ques, cortr e serait-elle pas .celle corrélation? La bonne d ofe ~ élevé c'est-à-dire une qui conti.en~ u~ champ b~n or:lement' entre les deux . bonne d1stmct10n, ~é d termes qui la constituent, termes ou la plura 1t U: champ intense, c' est-à-dire et pourtaJ?-t• entre d_u:'• des effets énergiques si on y un pouvOlr de pro mre ? Le fait qu'il y ait un champ introduit quelq~e chose · tre deux armatures de électrostatique 1mpor:antarefe fait que si on introduit condensateur se tradmt p '1 e charge intensément. dans ce champ un corps, ~ s de semblable dans la N'y aurait-il pas quelque ~ 0.s; comme l'a pressenti bonne forme ? Elle pou~.a~ ~: pluralité de • Platon, ~e dyade bolu ~est-à-dire déjà un réseau, coordonnees ensem e, c e

INTRODUCTION 53

scheme, quelque chose d'un et de multiple à la fois, qui contient une corrélation entre des termes différents, une corrélation riche entre des termes différents et distincts ? Un et multiple, liaison significative de l'un et du multiple, ce serait la structure de la forme. Si cela était, on pourrait dire que la bonne forme est celle qui est pres du paradoxe, pres de la contradiction, tout en n'étant pas contradictoire en termes logiques ; et l' on définirait ainsi la tension de forme : le fait de s'approcher du paradoxe sans devenir un paradoxe, de la contradiction sans devenir une contradiction. Ce ne peut être qu'une hypothese, supposant une analogie entre sciences de la nature et sciences de l'homme. Ainsi, on parlerait d'une tension de forme et, dans la même mesure, d'une qualité d'information, qui serait concentration jusqu'à la limite disruptive, une réunion de contraíres en unité, l'existence d'un chrunp intérieur à ce scheme d'information, une cer­taine dimension réunissant des aspects ou des dyna­mismes habituellement non compatibles entre eux. Cette bonne forme ou forme riche en potentiel serait un complexe tendu, une pluralité systématisée, concen­trée ; dans !e langage, elle deviendrait un organisme sémantique. Il y aurait en elle compatibilité et réver­bération interne d'un scheme. Et peut-être aussi serait-il possible de mesurer !e potentiel de forme, la tension de forme, comme on mesure une tension ·électrique, c' est-à-dire par la quantité d' obstacles qu'elle arrive à vaincre, la résistance extérieure à tra­vers laquelle elle arrive à produire un effet. On peut dire qu'un générateur possede aux bornes une tension

élevée que celle d'un autre générateur s'il peut >arrnrer à faire passer un même courant à travers une ch:al:rte de résistances plus grande, à travers des résis-

dont la somme est plus élevée. Çe serait cette p~c)priété <Iui caratériserait la prégnance de la forme. .a ])régnan,ce de la forme, ce ne serait pas sa stabilité ·

de la thermodynamique des états stables et convergentes de transformations, mais sa

de traverser, d' animer et de structurer un varié, des domaines de plus en plus variés

La différence entre cette hypothese et

54 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

celle de la théorie de l'information provient du fait qu'une théorie de la tension d'information suppose ouverte la série possible des récepteurs : la tension d'information est proportionnelle à la capacité qu' a un scheme d' être reçu comme information par des récepteurs non définis d' avance. Ainsi, tandis qu'une théorie probabilitaire peut s'appliquer à la mesure de la quantité d'information dans la prévision d'un échange entre émetteur et récepteur, une mesure de la tension d'information ne pourrait guere être faite que par expérience, actuellement au moins. Par exem­ple, on peut dire que le scheme hylémorphiq~e, ou,_ la notion d'archétype, possedent une haute tens10n d m­formation parce qu'ils ont suscité des structures de significations à travers vingt-quatre siecles de cultures tres variées. La tension d'information serait la pro­priété que possede un scheme de structurer un domaine, de se propager à travers !ui, de l'ordonner. Mais la tension d'information ne peut agir seule : elle n'apporte pas avec elle toute l'énergie capable d'assu­rer la transformation ; elle apporte seulement cette tension d'information, c'est-à-dire un certain arrange• ment capable de moduler des énergies beaucoup plus considérables, déposées dans le domaine qui va rece­voir la forme, qui va prendre une structure. !1. ne peut y avoir prise de forme que si deux condltlons se trouvent réuuies : une tension d'information, appor­tée par un germe structural, et une énergie recélée par le milieu qui prend forme : le milieu - correspondant à l'ancienne matiere - doit être en état métastable tendu comme une solution sursaturée ou en surfusion, qui attend le germe cristallin pour pouvoir passer à l'état stable en libérant l'énergie qu'il receie.

Ce · type particulier de rapport qui existe entre la tension d'information du germe structural et le domaine informable, métastable, recélant une énergie potentielle, fait de I' opération de prise de ~orme une modulation : la forme est comparable au s1gnal co~­mandant un reJais sans ajouter de 1' énergie au trava1l de l'effecteur. Cependant, des structures comparables aux modulateurs techniques sont beaucoup plus rares que les domaines ou on releve des processus de

INTRODUCTION 55

de. form~. Pol;ll" que l'hypothese que naus avons falte p~ss~ s appliquer à tons Ies cas, il convient dane d I!"ldiquer selon que! processus peut se dérouler une P~Ise de forme par modulation dans un domaine ui n est pas contenu dans un modulateur Nous sup~o­~ons que l'opération de modulation pe~t se dérouler , ans une mzcro-structure qui avance progressivement ~ t~avers le domaine qui prend forme, constituant Ia lunite mo1;1vante entre la partie informée (donc stable) et la partie non encore informée (dane encore méta­stable) d1;1 domaine. Dans le plus grand nombre des c~s de, pnse de forme, cette opération serait transduc­tzve, c e~t-_à-dire ~vançant de proche en proche, à partir de la re_g10n qui a déjà reçu la forme et allant vers celle qm reste métastable ; naus retrouverions ainsi l'as~étrie motrice du couple hylémorphique, avec la matiere capable de tendance, et le pouvoir archétypal de I_a forme qui préexiste à la prise de forme. , SI ~ette hypothese mérite d'être retenue, elle doit

s apphquer aux différents types de prise de forme depuis l'ontogénese jusqu'aux phénomenes de· groupe' et permettre d'y relever des processus d'interactioU: conformes au schéma de la modulation, généralement selon un mode transductif.

Dans !e domaine de l'ontogénese somatique des éru~es comme_celles d'Arnold Gesell, sur la crois~ance ~t 1 em?ryol~gie du comportement, paraissent pouvoir etre ~XlO~atisées au moyen de notions telles que celles que I on vient de proposer comme hypothese. En effet, pour_ Arnold Gesell, I'ontogénese du comportement deJ?UIS la conception jusqu'à la mort, est une évolutio~ qm marque la succession d'un certain nombre d'étapes tan~ôt d'ad_ap~ation aux mondes extérieurs, tantôt d~ dédiffér~nciatiOn au moins apparente des ajustements adapta~Ifs et de recherche de nouveaux ajustements. Les cn~es par lesquelles ces nouveaux ajustements adaptatifs sont recherchés se caractérisent par ce que Gesell ap:r.elle d_es fluctuations auto-régulatrices. Les

• qu il a frutes sur le régime d'auto-alimentation enfants 1~ ~nt montré qu'un enfant est capable

lm-me~e les structures d'adaptation pour behavzour (comportement alimentaire) et

56 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

pour Ie régime de repos et de veille, tout aussi bien si on Ie Iaisse agir de Iui-même que si on !ui impose des cadres définis. Si on Ie Iaisse agir de Iui-même pendant un certain temps, il se met au régime, par exemple, de sept repas par jour et dort pendant un certain temps. Puis, Iorsque la maturation a engendré de nouvel!es tendances et de nouvelles demandes, inter­vient une période de dédifférenciation et de désadap­tation. L' enfant s' éveille à n'importe quels moments, et demande, par ses cris, de Ia nourriture; tout à coup, il restructure son activité, mais sur la base de six repas par jour. Au bout d'un certain temps, c' est à nouveau une phase de dédifférenciation, puis un ordre à cinq repas, et ainsi de suite. Le scheme est clair : alternance d'adaptations au monde extérieur et de désadaptations, les désadaptations marquent un moment de recherche d'une structure nouvelle, Iors­que Ie régime d'adaptation déjà constitué ne corres­pond plus aux tendances internes, et au niveau de maturation de l'organisme (maturation du systeme nerveux, du systeme digestif, du systeme moteur ). Chez Ies auteurs américains, Gesell et Carmichael, on trouve une généralisation de cette idée dans Ia notion d' ontogénese du comportement, qui consiste en une succession de démarches d'adaptation suivies de désadaptation et de dédifférenciation. Les « patterns »,

c' est-à-dire Ies schemes d'une premiere adaptation paraissent perdus au moment ou on arrive à Ia dédiffé­renciation, mais, en fait, ils se trouvent réincorporés dans Ia nouvelle adaptation. Ainsi, dans l'étude de ce qu'il appelle « prone progression in human infant »;

c'est-à-dire !e fait d'avancer en position de pronation en parlant du nourrisson humain entre zéro et un an, Gesell découvre quatre cycles successifs : la reptation, puis la marche à quatre pattes à genoux, puis la m••rc.he à quatre pattes en extension, enfin Ia marchtee~;~~~~:;; Or, les patterns, qui sont acquis dans la r arrivent à une espece de perfection à la fin premiere période, puis, brusquement, lorsque la ration est suffisante, il se produit une dé,saclaptat.ior I' enfant rampe mal ; il rampe mal et il se dresse les bras, se met à genoux; il n'avance plus, il

INTRODUCTION 57

désadapté. Il recherche ai tation, et à l'intérieur de c ors un nouveau type d'adap­sont réutilisées des relat' e no~ve:'u type d'adaptation, rales, d'inhibition, de fa l.~ns ~psilaté_:ale~, contralaté­la reptation . la reptat' Cl tatJOn, qm eX1staient dans de la reptati~n n'est p~~~ ~stl perdue, mais le contenu corporé. Il existe donc uno a e:.;nent perdu, il est réin­cet apprentissage appren~ espece de dia!ectique dans ~e . pair, si bien que, dansls;aget e~ maturation allant

-etrut une liaison . .1 a s ation debout, ce qui la reptation devien~PSl atérale ou contralatérale dans d . b mouvements alternés d b

es ~am es permettant l'équilib h . es ras et poss1ble d'interpréter l'onto . .re armomeux. IJ est comme faite de la successiogenese .du comportement adaptation au monde exté . n de moments de pleine ~ien individualisés _ et ~eur hautemen~ formalisés, nsent au contraire par la m~:::'ents q~ se caracté­(pouvant apparaitre à l'ob P sence d Ulle tension riste comme Ulle désa t t~ervateur purement behavio­régression), mais qui ~na 1?~.:~· par conséquent, Ulle ni~me est en train d; con:~~~ e, mon~rent q';le I' orga­rrut appeier des systemes de ;~t:n /U: c~ qu o~ pour-

ce domaine de sche . . n te s, a partlr des-liquéfiés . mes elementaires en quelque

, const1tuant Ull ch é COlrrinle une solution en surfu . amp m tastable

vite SlOn, pourra se structurer ~·corg:aniisaptiaron sa propre énergie autour d'Ull theme

presentant Ulle plus haute tension de

• auteurs qu l' · d 1' ~ , on VIent de citer mettent ces pul

e ontogenese du comporte sa-des découvertes de gé 't' . men~ en parallele

.. structures des genes coX::: lClens_ qm représentent • entre chaines de molécul:s ~ell agencements croi­

. __ · base ·beaucoup plus géné Í .s veulent t.rouver ·~~!~~i~::!;~e~ntre des chain ra e a cette notJOn de i!: de l' . es; pour eux, d'ailleurs

gtradient, se1o~1:::r:ph~i!~~~3~f~t sperloo~ ud. e on pourra't 'd. X1mo-

rgatnismte •, consJ erer Ia maturation d ._ comme s opérant à partir d'Ull •1 , e

~~t::~~~~:~:!et pa t · po e, 1e ssan a travers l' orgrulism • · (comme s'il Y avait des :par

contenus dans l'axe céphalique) g nmes , se pro-

58 L'INDIVIDUAnON PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

. t à travers le corps tout pageant transduct.Jvemen ani ue elle-même, par consé-entier. La m~tura:wn odrtionq de cette alternance entre quent, - qm es~ a c~n - s'accomplirait selon un adaptation et evolu~JO~s leque! il y aurait prop~­processus transduc~ f e extension d'une orgam-gation d'une prise e orm. ' des formes ou d'un lieu

· d'un réservmr 1 sation à partir dans l'organisme. Des ors, de naissance . des foTI?es dans une pareille doc-on serait obligé de dJre h'l;~;pale en un certain sens, trine, la forme reste are e nl ·mmanence initiale au

· · 'té et sa no • par son antenon . . a matiere ; toutefois, cette champ structurable qm est 1 hamp que parce que forme ne peut structurer ! c eut passer à 1' état celui-ci est en état métasltabf e ete P. dans 1' opération

d i1 't a orm · stable quan reçmul . ui est véritablement d · de mod atwn q •· rte trans uctive n'est pas n 1mpo .

l'opération hylé~orphiqd~~le':cher l'actualisation • de quelle forme qm peut •· orte quel champ meta­l'énergie potent.ielle dfo~pd'un scheme dépend du stable : la tens!on, de r ue Un liquide sursaturé ou champ auquel il s ap? Hlr · à partir de n'importe surfondu ne J?eut cnsta J~er erme cristallin soit du que! germe : il f~ut 11que :e gle corps cristallisable : même systeme cnsta m q ossibles de forme et il y a donc dans les. cour~~r;::_~ ~ais une liberté limi­de matiere une certau~~~ ont~génese, les apports de tée. Ainsi, au cours J. circonstances extérieures germes structuraux us aux rtaJ·ne mesure la structu­

. ter dans une ce . . M ·s peuvent o;:ten . . une dédifférenc~ation. ~1 ration qu1 surv~ent apr~s , écarte trop des caracténs­un germe structural qui sbl ne possede plus aucune tiques du champ s~ructura a e ort à ce champ. tension d'informa~fn Sta:o~:P donc, on trouve l'i~ée

Dans une pare e e liquer la genese d un selon !aquelle on n~ peut ~t~ :ux principes tres dis-e'tre vivant sans frure app . . l'axe céphalo-cau­. . d s formes - JCI, tincts : une ongme e d aine qui reçoit ces formes dai - et un champ, un o~. du pôle d'origine des et à travers leql;lel,, à P~o~ rogressive. Faudrait-~1 formes, se pro~~t / e:;;:~rie de~ organisateurs .bi~~ogJ· rapprocher cec1 e a t t cas on doit retemr l1dée ques ? - Peut-être ; en ou '

lNTRODUcnoN

selon laquelle une dédifférenciation du champ (champ de comp,ortement ou champ corporel), est nécessaire pour qu une nouvelle structuration puisse se trans­~ett;~ en lui. No1;1s ~riverions donc, pour l'étude de I mdiVIdu, à un pnnc1pe nouveau qui tiendrait compte 1es deux aspects de la forme évoqués tout à I'heure : I aspect archétypal, l'aspect hylémorphique. Il faut un ch~mp qui extérieurementse dédifférencie parcequ'in­téneurement et essentiellement, il se potentialise ; ce champ serait peut-être le correspondant de la matiere aristotélicienne, pouvant recevoir une forme. Le champ qui peut recevoir une forme est le systeme en leque[ des énergies potentielles qui s'accumulent constituem une métastabilité favorable aux transformations. Une conduite qui se désadapte, puis se dédifférencie, c' est un domaine en leque! il y a incompatibilité et tension : c'est un domaine dont I'état devient métastable. Une adaptation qui ne correspond plus au monde extérieur, et dont l'inadéquation par rapport au milieu se réver­bere dans l'organisme, constitue une métastabilité qui correspond à un probleme à résoudre : i! y a impossi­bilité pour l'être de continuer à vivre sans changer d'état, de régime structural et fonctionnel. Cette méta­stabilité vita!e est analogue à la sursaturation et à la surfusion des substances physiques. Cet état surtendu et par conséquent métastable est propice à une prise de forme transductive à partir d'un germe structural ; des que ce germe est présenté, il module la région du champ la plus proche ; la prise de forme se propage

59

et parcourt tout le champ. Dans cette conception, Ia totalité qui était simultanée et globale, cohérente avec elle·même et liée à elle-même des !'origine, en théorie ·de la forme, qui fait du tout une structure orgai!Íque de totalité (Go!dstein évoque le Sphairos parménidien) devient le domaine métastable qui est capable de cris­talliser des qu' on !ui apporte un germe formei. L'archétype serait ce germe formei qui ne peut amorcer de prise de forme qu'à un certain moment de sursa­turation et par conséquent de maturation d'un orga­nisme. Voilà peut-être comment on pourrait appliquer à l'ontogénese du comportement, et à la maturation des systemes orgai!Íques, la notion de forme archéty-

60 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

pale et de relation hylémorphique, grâce à une théorie énergétique de la forme s'appliquant aux champs de métastabilité.

L'espace manque pour dire comment cette doc-trine pourrait s'appliquer aussi à la genese de la pen­sée. On dira pourtant ceei : on pourrait considérer l'acquisition de l'il'-"•'1!~, la réduplication des. expé­riences, comme l'activité qui fait passer !e domame du contenu mental d'un état non saturé à un état sursa­turé. L'expérience relative à un même objet ajoute et superpose des aspects partiellement contradictoires, produisant un état métastable du savoir relatif à l'objet. Qu'à ce moment-là apparaisse un germe struc­tural sous la forme d'une dimension nouvelle, et nous avons une structuration qui s' étend sur ce champ métastable qu' est I' expérience ; i! y a opération de prise de forme. Par exemple, le demi-champ gauche et !e demi-champ droit dans la vision conduiraient à de la diplopie si !e contenu direct des messages appor­tés par chacune des rétines subsistait dans la vision du sujet. Incompatibilité et sursaturation se trouvent évitées si nous découvrons la dimension de détache­ment des plans en profondeur. Cette découverte de structure ne se borne pas à conserver tout ce qui est apporté par !'rei! gauche et tout ce qui est apporté par !'rei! droit" : i! y a, en plus, utilisation de ce qu' on appelle la disparation binoculaire, c' est-à-dire du degré de non-cozncidence des messages gauches et droits pour percevoir 1' étagement des plans ; une théorie de la perception ( théorie de la relation entre les différents messages sensoriels) serait possible à partir de cette notion de structuration des champs sursaturés. Ce serait donc l'indication d'une nouvelle voie de recherches pour la psychologie individuelle ". Le principe analogique qui est à 1' origine de cette théo­rie énergétique de la prise de forme est tiré de 1' étude physique de la cristallisation, s' opérant à partir d'un germe cristallin dans un domaine ou i! y a soit sur­fusion, soit sursaturation, conditions à peu pres équi­valentes et qui rendent possible la formation d'un cristal artificiel à partir d'un germe cristallin. Une conception énergétique de la prise de forme peut

lNTRODUCTION 61

rejo,i_ndre les _schêmes de pensée communs à la théorie de 1 mformatwn et à la cybernétique. En effet, l'action du germe structural sur le champ structurable en é~at métastable, qui contient une énergie potentÍelle, c est un_e modulation. Le germe archétypal peut être yes petit ~~ ne p~s ajouter d' énergie, ou presque pas ; I s~fit qu il possede un tres faible champ modulateur. Ma1s ce ch.amp est c?mpa;:-able au courant faible qui est app~rte sur la gnlle d une triode, et cette énergie toute fruble, avec le champ minime qu' elle crée entre cathode et grille de commande, est capable de contre­balancer le fort champ qui existe entre anode et ~athode. Ce champ minime - quelques volts - arrive a contrebalancer le champ de sens contraíre, beau­coup plus grand (de 100 à 300 volts) qui existe entre ca~~ode et ano_de ; et c' est grâce au f~it que ce champ ~ree par 1~ gnlle est plus ou moins l'antagoniste de l_autre quI! est capable de moduler l'énergie poten­tielle. de la source de tension anode-cathode et par consequent de conditionner des effets considérables dans_ l'effect~ur extérieur. Ne s'accomplirait-il pas un parei! exerc1ce de causalité conditionnante lorsqu'un g~rme s_truc~al, venant dans un milieu métastable, c est-à-dire nche en énergie potentielle, arrive à répan­dre sa stru~ture à l'intérieur . de ce champ ? Au Jieu de c~n~cev01r une forme archétypale qui domine la totalite, et ~~yonne au-dessus d'elle, comme l'arché­~e. pl~torucien, ne pourrait-on pas poser Ia possi­bilite d une propagation transductive de Ia prise de forme, avançant étape par étape, à l'intérieur du champ ? 11 suffirait, pour cela, de supposer que ]e g~rme archétypal, apres avoir modulé une zone immé­d~atement en contact avec !ui, utilise cette zone immé­d~atement proche comme un nouveau germe arché­typal pour all_er plus loin. Il y aurait changement local progress1f de statut ontologique du milieu : le. germe archétypal primitif produirait autour de 1~ m:e . premiere zone de cristallisation ; i! crée­rrut ams1 un modulateur un peu plus grand, puis ce modulateur un peu p!us grand modulerait autour de lui, et s'agrandirait de plus en plus, Ia limite restant modulatrice. C'est ainsi qu'avance un cristal,

62 L'INDIVIDUAnON PSYC!tiQtm ET COLLECTlVE

. cristal artificiel; à partir d'un quand on nournt un . eut produire un germe cristallin micr<~scop!~~~i::Jes cube. L'acti· monocristal de plusteurs .

1 processus

"té de la pensée ne recelera!t-el e pas un. ch cher VI . a· ? On pourra!t er compar~bl~, muttftzs dm~~~~ :fu · pouvoir de découve;te en part!cuher !e on . e ' . résolu au moyen d un de l'analogie : !e frut af ivorr problemes d'un champ certain scheme ment es ensée nous permet de limité de notre ~ontenu ~e t! autre élément, et de passer transductivemedt t Voilà tout au moins, « réformer notre e~ten :n;:!~~éter ~ des chemine· un scheme propose pau . laisse ramener ni à ments de la pensée, qUI ne s~ e Si naus quit-l'induction pure ni à la déductw~e~der si la réalité tons l'être indi~duel, ona~~~it ~=s potentiels. On expli­sociale ne contient pas d cessus d'interaction les que généralement par es prho . ux Mais comme

· et psyc o-soc1a · • phénomene~ soc1aux . t tres difficile de faire Norbert. Wiener le _note, ~~a~litaires dans !e domaine intervemr des thém;es pro . on que je ne peux social. Il a employe_ une compa~~sume ainsi : faire développer en totalité, et é q:n~illonnage dans l'étude intervenir un plus vaste cill r. ue d'accroitre !'ou· probabilitaire n'est

1P1

as 1 me e: laq précision de cette ·

verture d'une lenti e: . orsqu n eur d'onde de Ientille n'est pa~ bu!'er;eu::! ;o!~oT: résolutif supé-la lumiere. On '7 ° tien, P rt d'une Jentille si la rieur en accrmssant I ouve urarlaite Norbert Wiener Ientille n'est pas suffi~~men\~atoires. dans Ies échan· veut dire que le~ vanat~ons ::rnain n: permettent pas tillons du doma'?cll s?~~~l! une ;éritable explication, une véritable pre ctlvid

1 , hantillons plus ils sont

parce que plus on éten _es ~c cette idée' que les théo­hétérogenes. L'auteur aiT!~e dans Je domaine socio­ries probabilitaires so_nt frubl~stÍne théorie énergétique Iogique et psycho-social. Ave urions une méthode non-

de la p?:se. de f~~:~r~~~~ :ucun privilege aux c~;rfi­probabilitrure, n a . dérerions que ce qu !I Y gurations stables. Naus. consii. dans !e domaine

I . ortant a exp Iquer . a de pus. rm~ . . se roduit lorsqu'on a affarre psycho-SOC!al, C estb ele q~ ' r la prise de forme accom­à des états métasta es · c es

INTRODUCTION 63

plie en champ métastable qui crée les configurations. Or, ces états métastables existent ; je sais bien que ce ne sont en général pas des états de laboratoire, ce sont des états chauds, comme dirait Moreno, et sur lesquels on ne peut expérimenter longuement. On ne peut en ce cas organiser de psycho-drames ou de socio-drames, et on ne peut pas non plus tracer les sociogranimes qui leur correspondent. Mais un état pré-révolutionnaire, voilà ce qui parait le type même de I' état psycho-social à étudier avec l'hypothese que naus présentons ici ; un état pré-révolutionnaire, un état de sursaturation, c'est celui ou un événement est tout prêt à se produire, ou une structure est toute prête à jaillir ; i! suffit que !e germe structural apparaisse et parfois !e hasard peut produire l'équivalent du germe structural". Dans une tres remarquable étude de M. P. Auger i! est dit que !e germe cristallin peut être suppléé dans certains cas par des rencontres de hasard, par une corrélation de hasard entre des molécules ; de même, peut-être, dans certains états pré-révolutionnaires, la résolution peut advenir soit par le fait qu'une idée tombe d'ailleurs, - et immédiatement advient une structure qui passe partout, - soit peut-être par une rencontre fortuite, encare qu'il soit tres difficile d'adc mettre que le hasard ait valeur de création de bonne forme 18•

En tout cas, nous arriverions à l'idée selon laquelle une scü'ince humaine doit être fondée sur une énergé­tique humaine,. et non pas seulement sur une morpho­logie ; une morphologie est tres importante, mais une énergétique est nécessaire ; i! faudrait se demander pourquoi les sociétés se transforment, pourquoi les groupes se modifient en fonction des conditions de

,~,etllst:abiilíté. Or, naus voyons bien que ce qu'il y a plus important dans la vie des groupes sociaux, ce

pas seulement le fait qu'ils sont stables, c'est certains moments ils ne peuvent conserver leur

: ils deviennent incompatibles par rapport eux-m~mes, ils se dédifférencient et se sursaturent;

comme 1' enfant qui ne peut plus rester dans un d'adaptation, ces groupes se désadaptent. Dans

a c:ol<>ni.saltio:n, par exemple, pendant un certain temps,

64 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

i! y a cohabitation possible entre colons et colonisés, puis tout à coup ce n'est plus possible parce que des potentiels sont nés, et i! faut qu'une structure nouvelle jaillisse. Et i! faut une vraie structure, c' est-à-dire sortant vraiiDent d'une invention, un surgissement de forme pour que se cristallise cet état ; sinon, on reste à un état de désadaptatión, de dédifférenciation, com­parable au malajustement de Gesell et Carmichael. Nous voyons ici, par conséquent, une perspective pour créer une science humaine. Ce serait une énergétique en un certain sens, mais ce serait une énergétique qui tiendrait compte des processus de prise de forme, et qui essaierait de réunir en un seu! príncipe I' aspect archétypal, avec la notion de germe structural, et l'aspect de relation entre matiere et forme.

En conclusion, dans l'unité de l'opération de prise de forme transductive du champ métastable, nous proposerions que l'on distingue, en science humaine, Je champ du domaine. Nous réserverions la notion de champ à ce qui existe à l'intérieur d'un archétype, c'est-à-dire à ces structures presque paradoxales ayant servi de germe pour l'individu, comme nous disions tout à l'heure ; ce serait la tension de forme qui serait un champ, comme i! existe un champ entre les deux armatures d'un condensateur chargé. Mais nous appel­lerions domaine I' ensemble de la réalité qui peut rece­voir une structuration, qui peut prendre forme par opération transductive ou par une autre opération (car l'opération transductive n'est peut-être pas la seule qui existe ; i! y a aussi des processus disruptifs, qui ne sont pas structurants, mais seulement destructifs). Le domaine de métastabilité serait modulé par !e champ de forme. La seconde 'distinction, qui se pro­longe en príncipe axio!ogique, consiste à opposer désadaptation et dégradation : la désadaptation à l'intérieur d'un domaine, I'incompatibilité des configu· rations à l'intérieur du domaine, la dédifférenciation intérieure, ne doivent pas être assimilées à une dégra­dation ; elles sont la condition nécessaire d'une prise de forme ; elles marquent, en effet, Ia genese d'une énergie potentielle qui permettra la transduction, c'est-à-dire !e fait que Ia forme avancera à l'intérieur

INTRODUCTION 65

de ce domaine. Si cette dé d · jamais s'il n' sa aptatron ne se produit une ré~erbéra~o~ k~~=: sur~aturation, c'est-à-dire bles homogenes Ies qw rend les sous-ensem­comme l'agitation th=/~~ raJ?PO':í aux autres, _ rno]écules se rencontrent J 1 qur fart que toutes Jes dans un espace - la transedp u~ en ~Jus fréquemment Autrement dit nous cons·d~ctr?n n est pas possible. dédifférenciati~n à J'r'nt. .

1 red?ons le processus de

]'' té . eneur un corps 'al m neur d'un indiv' d socr , ou à comme les alchiiDiste~ de=~~ant en P~riode de crise, la Liquefactio ou la Ni re~a I?PS pas~es. considéraient moment de J'O · M g 1' ctzo, c est-a-d1re Je premier les matieres mi~: da~~n~m~o:que~ i~s soumettaient commençait par tout di d ue · 1 Opus Magnum tout réduire à J'état d shsoub re dan~ le mercure ou d' t' e c ar on - ou plu · rs rngue, Jes substance d s nen ne se indiVidualité leur isole s P~~ ant leur limite et Jeur sacrifice Vi;nt d~en ' apres cette crise et ce l'Albefactio puis~ d rfférenciation nouvelle; c'est objets de I~ nuit confusa pavonis, !J.Ui fait sortir les t!ngue par Ieur cou]eur. ej:mme 1 aurore qui !es dis­twn des Alchimistes Ia g . découvre, dans 1 aspira­viduat · d ' traductron de l' opération d' · d · Sl~P!>Oszeo:nn1, et e toutes les formes de sa 'fi m z:

.. ·.•. . retour à un état co bl cn ce, qur ~ai~sance, c'est-à-dire retour à umpara .e à celui de Ia tJalisé, non encore déterminé d n é~t nchement poten­gation nouvelle de la v· ' omame pour la propa-

S''I re. 'préci:sl€ ~rest p~ssibl~ de ~~néraliser ce schême et de !e

J~~~~~~~:~: ~ notwn ~ ~nformation, par l'étude de la d;s con~rtrons, on peut vouloir fonder " une scrence humaine sur une nouvelle •onne.

66 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

NOTES DE L'INTRODUCTION

' . e as être simple, homo-1. Le milieu peu~ dê~~~~ell~ment traversé par ~~

gene, uniforme, mats rdres extrêmes de grandeur q tension entre deux 0 d il vient à être. médiatise l'individu quan es extrêmes, d'un ordre

2. Et constituti?n,. e1ntr~ t;~ ontogénétique lui:m~me de grandeur médiat , . e ev considéré comme m~diat.u?n. peut être en un certatnl sAnens iens des équivalents mtmtifs

3 n a existé chez es c bilité . mais. comme et ~ormatifs de la notion de .fr'~~~~t à Ía fois la pré­la métastabilité suppâse géndeur et l'absence de commu­sence de deux or?res e gran ce. concept doit beaucoup nication interactlve entre. eux, au développement d!'st scd':,~'ij~~ que le vivant fait ceuvre

4 C'est par cette m ro . ême un nreud de commu-inf~rmationnelle,. devenant lm-~rdre de réalité supéri!'ur nication int!'ractive entfu ~érieur à elle, qu'i~ organise.

à s~ g~~~n:'lcu~~i~ ~iJdiU:t~oEe:te~~~~~·m"ili~; relais par rapport . u vivant de fatre co~unl­vivant réalise, ce qm pdrmet o~mique (par exem. pie l.éner­quer un ordre de 1w:;an) eu; ~ ordre de grandeur infra· gie lumineuse so atre e . · . . moléculaire. 1 t" au milieu ne sauratt

6. Particulierement, la re ~ l'individuation, ~omme être envisagée, ~-:ant et. penet homogene : le rni11eu est relation à un rmheu u~qO::ent synthétique de dc:w< . ou lui-même systeme, gro péal"té sans intercommumcatiOn plusieurs é~elon~ de r 1 ' . . . . . avant l'indiVIduatlO'.'- . là I' a priori et l'a posteno'!

7. Nous voulons dire par que aissance ; ils ne sont ru ne se trouve~t pads dins la ~~ance, car ils ne sont. pa!' forme ni matiere e a conn t êmes d'une dyade prémdi· connaissance, mais te'ée~;: ~rénoétique. L'illusion de viduelle et .PII! cons qu 1 réexistence, dans le sys­formes a _pndio~•d pr1oc~~e g;nd~ti~ns de total!té, dont !a teme prém VI ue ' . à celle de l'indiVIdu en vOie dimension est supéneur~ l'illusion de r a posteriori pro­d'ontogén~se_. Inversd~en ~éalité dont l'ordre de grand!'ur, vient de 1 eXIstedifi!'ce ti" unse spatio-temporelles, . est inféneur . quant aux mo ca on - , · · · ni ti pos-à l . de l'm"dividu Un concept n est ru a pnon . ti"on·

ce UI · . il est -une commun1ca teriori mais a praesentl, car . lus and que informa tive et interactive entre ~e. qm es~ P gr l'individu et ce qtt! est plus ~~i: ~~: ~"::"antester la vali·

8. Cette affi~atiOn n~.~~hres de l'information et des dité des théones quar' \é mais elle suppose im état fo~d.!sen~ la ~~p .fe'\•être préindividuel - ·

INTRODUCTION 67

à toute dua!ité de l'émetteur et du récepteur, donc à tout message transmis. Ce qui reste de cet état fondamental dans le cas classique de l'infonnation trallSmise comme message, ce n'est pas la source de l'infonnation, mais la condition primordiale sans laquelle il n'y a pas d'etfet d'infonnatton, donc pas d'information : la métastabilité du récepteur, qu'il soit être technique ou individu vivant. On peut nommer cette infonnation « infonnation pre­miere ».

9. Particulierement, la pluralité des ordres de grandeur, l'absence primordiale de communication interactive entre ces ordres fait partie d'une telle saisie de l'être.

10. li exprime au contraíre l'hétérogénéité primordiale de deux échelles de réalité, l'une plus grande que l'indi­vidu - le systeme de totalité métastable -, l'autre plus petite que lui, comme une matiere. Entre ces deux ordres de grandeur primordiaux se dével'Jr,I;,~ l'individu par un processus de communication amp · te dont la trans­duction est le mode le plus primitif, existant déjà dans l'individuation physique.

11. La résonance interne est le mode le plus primitif de la communication entre des réalités d'ordres ditférents ; elle contient un double processus d'amplification et de condensation.

12. Cette opération est parallele à celle de l'individuation vitale : un végétal institue une médiation entre un ordre cosmique et un ordre infra-moléculaire, classant et répar. tissant les especes chimiques contenues dallS le sol et dans l'atinosphere au moyen de l'énergie lUUiineuse reçue dans la photosynthêse. Il est un nreud interélémentaire, et il se développe comme résonance interne de ce systeme préindividuel fait de deux couches de réalité primitive­ment sans communication. Le nreud interélémentaire fait un travail intra-élémentaire.

13. La forme apparait ainsi comme la communication ' .. ac:uv,e, la résonance interne qui opere l'individuation :

apparait avec l'individu. Ce champ n'est global et simultané par rapport à

llli·mf!mle que comme champ, avant la prise de forme;

~~;!~~~in~té~r~if,eu~r~e!ide frontieres traduit la montée des et l'homogénéité par déditférenciation à la prise de forme d'avancer transduc­

est champ métastable avant la prise la prise de forme est précisément un

métastabilité à la stabilité : la matiere infor­différ<enc:ie et n'est plus un · champ; elle perd sa

"§O}'!".n!t;e. La théorie de la forme attribue à la les caracteres d'un champ et ceux d'un cluzmp existe avant la prise de forme,

:o~;é;~tl~~ apres. La prise de forme, envisagée comme . < de modulation transductivement propagée,

68 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE ET COLLECTIVE

fait passer !e réel de l'état métastab!e à l'état stable et remplace une configuration de champ par une configura­tion d'organisme. Comme corollaire, la théorie énergétique, que nous présentons, de l'opération de prise de forme, n'emploie pas la notion de virtualité qui est supposée par !e concept de bonne forme; le potentiel, conçu comme énergie potentielle, est du réel, car i! exprime la réalité d'un état métastable, et sa situation énergétique.

15. Au lieu d'opérer un appauvrissement (que !aisserait supposer une théorie inductive hylémorphique) consis­tant à supprimer tous les messages non communs aux deux yeux. La théorie que nous proposons, qui est une doctrine de l'intégration, permet d'éviter l'appauvrisse­ment inductif du « sens commun », puis de la formation des notions communes, et le nomina!isme qui en découle.

16. Cette théorie se distinguerait de l'innéisme réaliste (lié à la théorie archétypale) et de l'empirisme nominaliste (lié à une théorie hylémorphique) : !e progres de la connaissance serait bien une formalisation, mais non pas un appauvrissement ni un éloignement progressif délais­san t !e concret senso ri e! ; la forma!isation serait une prise de forme, consécutive à une résolution de probleme : elle marquerait le passage d'un état métastable à un état stable du contenu de la représentation. La découverte d'une dimension organisatrice du savoir utilise comme indice positif d'organisation structurale ce qui, dans le contenu en état métastable, était précisément le fonde­ment de l'incompatibilité : dans !e cas de la perception binoculaire, c'est la disparation des images monoculalres que les rend incompatibles. Or, c'est précisément ce degré de disparation qui est pris comme indice positif de la distance relative des plans, dans la perception tridinien­sionnel!e. Donc, le savoir avance en positivisant les incom­patibüités, en en faisant les bases et les criteres d'un sys­teme plus élevé du savoir. La théorie déductive du savoir est aussi insuffisante que la théorie inductive; la théorie inductive décrit les conditions de champ métastable qui précedent la prise de forme ; mais elle oublie le germe structural, et veut rendre compte de la formalisation par l'abstraction - qui appauvrit le contenu du champ sans positiviser les incompatibilités, puisqu'elle !es é!imine : el!e s' éloigne donc du réel. La théorie déductive décrit !e jeu du germe structural, mais ne peut montrer sa fécondité, parce qu'elle !e considere comme un archétype et non comme un germe. La théorie de la prise de forme, par positivisation des incompatibilités de l'expérience ' devrait permettre de reprendre le probleme du schéma" tisme sur des bases nouvelles, et de donner peut-être un sens nouveau au relativisme, en même temps qu'elle four­nirait une base pour l'interprétation de tous les processus , psychiques de genese et d'invention.

INTRODUCTION 69 17. La criminologie dé . .

dans I'étude des situatio~~~vre une dimenston nouvelle tions constituent un III!ger~uses : de te!Ies situa­métastable, qui ne pe,w'ê~r~a:g.,culier d'état psy~h'!"social une théorie déterministe . 1 quatement pense ru selon Iibre des actions. ru se on une théorie du choix

un1!j,~~ ~:f~~atke';étique d~ Ia prise de forme dans d~ phénomenes à la f~~s garatf conveniz: à I'explication genes, quoique progressifs ~!:mmp exels, Graptdes, et homo-

, e a rande Peur.

PREMIERE PARTIE

L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

CHAPITRE PREMIER

" L'INDIVIDUATION DES UNITES PERCEPTIVES

ET LA SIGNIFICATION

1. Ségrégation des unités perceptives ; théorie géné­tique et théorie de Ia saisie holistique ; le détermi­nisme de la bonne forme.

Tout d'abord, on peut définir un probleme de I'in­dividuation relativement à la perception et à la connaissance prises dans Ieur totalité. Sans préjuger de Ia nature de Ia perception qui peut être envisagée comme une association d'éléments de sensation ou comme la saisie d'une figure sur un fond, i! est pos­sible de se demander comment !e sujet saisit des objets séparés et non un continuum confus de sen­sations, comment i! perçoit des objets ayant leur indi­

éJI<lUallte déjà donnée et consistante. Le probleme de ségrégation des unités n'est résolu ni par I'asso-

Illtitonnisme ni par la psychologie de la Forme, car théorie n'explique pas pourquoi l'objet

l~~~~!~~~'~sé possede une cohérence interne, un lien !.t qui !ui donne une véritab!e intériorité

ne peut être considéré comme !e résultat de i;SS<JCI,atlon. L'habitude, qui est alors invoquée pour

la cohérence et I'unité de la perception est un dynamisme qui ne peut communiquer à la

ceP'tíon que ce qu'il possede lui-même, à savoir ,. Luu''" et cette continuité temporelles qui s'inscri­

I'objet sous forme d'unité et de continuité du perceptum. Dans cette théorie génétique

'Pllretlce pure qu'est l'associationnisme, !e recours

74 L'INDJVlDUATION PSYCIDQUB

à l'habitude (ou, sous une forme plus détournée, à un lien de ressemblance ou d'analogie qui est un dyna· misme saisi statiquement) constitue en fait un emprunt à un innéisme caché. La seule association par conti· guité ne pourrait expliquer la cohérence interne de l'objet individualisé dans la perception. Ce dernier ne resterait qu'une accumulation d'éléments sans cohé­sion, sans force attractive mutuelle, restant les uns par rapport aux autres partes extra partes. Or, l'objet perçu n'a pas seulement l'unité d'une somme, d.'un résultat passivement constitué par une « vis a tergo » qui serait l'habitude et la série de répétitions. L'objet perçu est si peu un résultat passif qu'il possede un dyn<UilÍsme lui permettant de se transformer sans perdre son unité : il n'a pas seulement une unité, mais aussi une autonomie et une relative indépendance énergétique qui fait de lui un systeme de forces.

La théorie de la Forme a remplacé l'explication génétique de la ségrégation des unités perceptives par une explication innéiste : l'unité est saisie d' emblée en vertu d'un certain nombre de lois (comme les lois de prégnance, de bonne forme), et ce phénomene psychologique ne doit point surprendre puisque le monde vivant, avec les organismes, et le monde phy· sique en général, manifestent des phénomenes de totalité 1 • La matiere en apparence inerte receie la virtualité des formes. La solution sursaturée ou le liquide en surfusion laisseront apparaitre des cristaux dont la forme est prédestinée dans l'état amorphe. Or, la théorie de la Forme laisse subsister un probleme important, qui est précisément celui de la genese de~ formes. Si la forme était véritablement donnée et déterminée, il ny aurait aucune genese, aucune ticité, aucune incertitude relative à 1' avenir teme pbysique, d'un organisme, ou d'un perceptif ; mais ce nest précisément pas le cas. une genese des formes comme il y a une la vie. L'état d'entélécbie nest pas en1tierem.ent déterminé dans le faisceau de virtualités cedent et le préforment. Ce qui IIlllnCIUe tionnisme comme à la théorie de la "Fr•rn>P étude rigoureuse de l'individuation, c'€%t··à-cl1Il

L'INDIVIDUATION DES UNITÉS PE.RCEPTIVES 75

moment critique ou l'unité la sent. Un véritable sens de la e:otal'~~hérbli~nce apparais-que la théorie de la F . , ~ 0

ge à affirmer BLE ABSOLU. L'ensem~~=b~ erVIs.age pas l'ENSEM­dans le monde h · 0 u n est pas seulement c'est le solvan~ ):I~e,le s~lvant et le corps dissous ; forces et des ~ergies X:~ di~sfius et l'ensemble des par le mot de métastabu1'~ue e~. qui sont traduites solution sursaturée e app Iqué à l'état de la tallisation s'opere ;u moment ou le début de cris­aucun déterminis~e ad~cfu n:obent de métastabilité, suffisant pour prévoir . onne forme » n'est men. es co=e l'ép't .ce qUI se produit : des phéno-tant . . I axxe montrent qu'il e . t à I''

. . . cntique (au moment o' l'é . XIS e ms­maximum) une sorte d f . n~rgi': potentielle est résultat : la présence :u re ative ~determination du extérieur même d' . plus petit germe cristallin a1 ' . une autre espece chimi

l,ors amorcer la cristallisatio I' . que, peut apparition du remi . n, ~t onenter. Avant

. sion qUI. . met à 1a di er c.~stal eXIste un état de ten-lo

1 sposition du plus 1' 'd .~ une énergie considérable C . eger acci ent

hilité est comparable à . · et etat de métasta­l'instant de plus ha t ~ etat. de conflit dans leque!

' l'instant le plus dé ~ ~f mcertitude est . précisément ' ... et des séquences gén~~~I ~e~our~e des déterminismes t}>:ri~ine absolue D lq qUI prennent en lui leur · · ans emondedel · il, ... . . une genes e des formes . a VI e, s opere " question des formes t. . qui suppose une mise

au milieu vital O an eneures et de leur adap· ·. . de forme tot1t~ tr~n~fo~~utt'considérer comme

peut être une dé a I'?n, car une trans­sont formés 1'. .gradation. Lorsque des

· .1

. ' eroswn !'abras' l'eff . , a calcination modifi '1 f IOn, nte-. sont en é ér

1 ent a orme du cristal

subsister ~u~lq~et~s dées geneses de forme , ~éepenrumt 1 ons quences de la f a cristallisation comme par orme

. . . p1vilégi.ées de 'clivage, duesex{ry~ • . · u cnstal composé d'un d

. . .. élémentaires . m . . . gran de la f ' rus on assiste alors . touteso~:e, ;:on : une ~enese des

• ~stormations d'une peuvent etre mterprétées comme

76 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

genese de formes. Il y a genese de formes lorsque la relation d'un ensemble vivant à son milieu et à lui­même passe par une phase critique, riche en tensions et en virtualité, et qui se termine par la disparition de l'espece ou par l'apparition d'une forme nouvelle de vie. Le tout de la situation est constitué non seule­ment par I' espece et son milieu, mais aussi par la tension de l'ensemble formé par la relation de l'es­pece à son milieu et dans leque! les relations d'incom­patibilité deviennent de plus en plus fortes. Ce n'est d'ailleurs pas l'espece seulement qui est modifiée, mais bien tout l'ensemble du complexe vital formé par l'espece et son milieu qui découvre une nouvelle struc­ture. Enfin, dans !e domaine psychologique, l'ensem­ble dans lequel·s'opere la perception, et que l'on peut appeler avec Kurt Lewin !e champ psychologique, n'est pas seulement constitué par !e sujet et !e monde, mais aussi par la relation entre !e sujet et !e monde. Lewin dit bien que cette relation, avec ses tensions, ses conflits, ses incompatibilités, s'integre au champ psychologique. Mais c'est préCisément id que, selon la théorie que . nous soutenons, la théorie de la Forme ram1me à deux termes ce qui est un ensemble de trois termes indépendants ou tout au moins distincts : ce n'est qu'apres la perception que les tensions sont effectivement incorporées au champ psychologique et font partie de sa structure. Avant la perception, avant la genese de la forme qui est précisément perception, la relation d'incompatibilité entre !e sujet et !e milieu existe comme un potentiel seulement, au même titre que les forces qui existent dans la phase de métastabi­lité de la solution sursaturée ou solide en état de surfusion, ou encore dans la phase de métastabilité de la relation entre une espece et son milieu. La per­ception n'est pas la saisie d'une forme, mais la solu­tion d'un conflit, la découverte d'une compatibilité, I'invention d'une forme. Cette forme qu'est la percep­tion modifie non seulement la .relation de I' objet et du sujet, mais encore la structure de l'objet et celle du sujet. Elle est susceptible de se dégrader, comme toutes les formes physiques et vitales, et cette dégra-

L'INDIVIDUATION DES UNIT.ilS PERCEPTIVES 77

:~~! e;~:::s:a~nep;~agati1'on de tout !e sujet, car e a structure du sujet.

2. fTension psychique et degré de métastab 'lit. B orme et forme • 't . I e. onne

. d'équilibre. geome rique ; les différents types

La perception serait donc un acte d'ind' 'd . comparable à ceu . IVI uation biologie. Mais po':rr q~o ma~Ife;tent la. p~ysiqu? et la est nécessaire d'introdw~vOir a considerer amsi il

re un terme que I' noinnier « tension s h. " . on peut métastabilité car 1/ ~~ 1~ue » ou ~eux degré de employée po~ dési !r rruere ~x~r~sswn a déjà été puisqu'elle ne part ~s de une r~hte assez différente, les !ois de la bo~e for~a notwn _de crise. Des Iors, expliquer Ia ségrégation d:s s~:itté~ns;tfisru;tes hpour perceptif ; elles ne tienne ans e c amp caractere de solution ap nt /'-as, compte en effet du senté par Ia perception !J?r ee, a ~ probleme pré­formation et à la d. · d ~s s apphquent à la trans­leur genese. En pa::J.ra/twn des formes plus qu'à

· de laboratoire qui pre:e~~· ,!eau~oup d'expériences faitement en sécurit. .

1.. SUJet peu tendu, par-

d I e, ne rea Isent pas les di .

ans esquelles s' operent I , con twns devons noter le caractere a g;.ne~e des formes. Nous « bonne forme » Une f am Iva ent de la notion de carré se dégage f;cileme~r~e com~e Ie . cercl~ ou le rentes sur leque! elle existe e: Ia~Is de h_gnes m~ohé­cercle ou un carré so t "I sunmpresswn. Mais un formes supérieures à~~~~· malgrl~ Ie_ur s~mplicité, des en. était ainsi la 1 e que art1ste mvente ? S'il

I. • co onne la plus f · . cy mdre . elle est . par aite serait un

. • au contra1re une fi d . tion non seulement am. . d . . gure e revolu-mités • mais encore non~~;:·. t ~gradee aux deux extré­centre, Ie plus grand cll , e n'!ue par rapport à son du milieu de la hauteur am~tre ttant placé au-dessous L'auteur de cet ouvrag'ese on ~ds' Ordres de Vignolle.

'il d consJ cre les . qu onne comme résul • . . proportions que les Anciens n'ont p t~n~ d une ventable invention éprouvaient eux aussi ~e rure.t_Quant aux Anciens, ils

sen Irnent d'avoir été des

78 L'INDIVIDUATION PSYCmQUE

inventeurs, et Vitruve montre comment Ies trais ordres classiques furent successivement inventés · dans des conditions ou les formes antérieures ne convenaient pas. I! est nécessaire d' établir une distinction entre FORME et INFORMATION ; une forme comme !e carré peut être tres stable, tres prégnante, et recéler une faible quantité d'information, en ce sens qu'elle ne peut que tres rarement incorporer en elle différents éléments d'une situation métastable ; il est difficile de découvrir !e carré comme solution d'un probleme per­ceptif. Le carré, le cercle, et plus généralement les formes simples et prégnantes, sont des schemes struc­turaux plutôt que des formes. I! se peut que ces schemes structuraux soient innés ; mais ils ne suffisent pas à expliquer la ségrégation des unités dans la per­ception ; la figure humaine avec son expression amicale ou hostile, Ia forme d'un animal avec ses caracteres extérieurs typiques, sont aussi prégnants que !e cercle ou !e carré. Portmann remarque dans son ouvrage intitulé Animal Forms and Patterns que la perception d'un lion ou d'un tigre ne s'efface pas, même si elle a lieu une seule fois et chez un enfant jeune. Cela sup­pose que Ies éléments géométriques simples n'entrent pas en ligne de compte : il serait tres difficile de définir la forme du lion ou du tigre, et les motifs de leur pelage, par des caracteres géométriques. En réalité, entre un enfant tres ~eune et un animal existe une rela­tion qui ne semble pas emprunter aux « bonnes formes » des schemes perceptifs : l'enfant montre une étonnante aptitude à reconnaitre, à percevoir, chez !es animaux qu'il voit pour la premiere fois, les différentes parties du corps, même si une tres faible similitude entre la forme humaine et celle de ces animaux oblige à exclure l'hypothese d'une analogie extérieure entre Ia forme humaine et la forme de ces animaux. C'est en fait !e schéma corporel de I'enfant qui, dans une situa­tion fortement valorisée par la crainte, la sympathie, la peur, est engagé dans cette perception. C'est la ten­sion, !e degré de métastabilité du systeme formé par l'enfant et !'animal dans une situation déterminée, qui se structure en perception du schéma corporel de

L'INDIVIDUATION DES UNITÉS PERCEPTIVES 79

~'anim~. I;a ~ercep~on saisit ici non pas seulement Ia orm~ ~ I objet, mars son orientation dans l'ensemble

sa po ant~. qui _fait qu'il est couché ou dressé sur se; pattes, qu ri frut face ou fuit a une attitude ho t"l ou confi te S'il ' . ' s r e . ru:'- • n Y avrut pas une tension préalable ~ P?te~trel, Ia perception ne pourrait parvenir à un~

gregatron des ~tés qui est,en même temps Ia décou­verte de Ia polanté de ces unités. L'unité est r {~and une ré?rientation du champ perceptif p':t~= :e. en fonc~on de, la polarité propre de l'objet. Per-

vorr =. ann~al, c est découvrir l'axe céphalo-caudal f,t son o:r;rentatron. Percevoir un arbre, c' est voir en !ui T ax~ qj f _des racines à l'extrémité des branches éou ~ es ors que la tension du systeme ne peut s~

~;~~jet e~~esf~;~;;-tée~e ~!";bJ~:a:~tla po~a?té que l'habitude a de la peine à détruire "se su. srste danger est écarté. • meme Sl tout

3. Relation entre Ia sé · t" . grega ron des unités perceptives ::él~ autr~~ types ~'individuation. Métastabilité et

I ?rre de lmformation en technologie et en psycho­

ogre. .

unf ~t·tésp~~~~::~v~sy~~~~~ :t lqa u~é!~:r:~otén pdares ar ement mis 1 "' · -

théorie de 1 ;n um:er;. p~r. les fondateurs de la . .a ~~e · 1 mdrvrduation n'est pas un

processus reserv~ a un domaine uffique de réalité ~:rl:x~:f.~~ celm ~e la réalité psychologique ou celuÍ t . . 1 P ysrque. Pour cette raison toute doc­rme qu~ se borne. à privilégier un do maU: e de réali té

pour frure de lm le príncipe d'indi "d . •· s'agisse du domaine d . . . vr uatron, qu rl de celui de la réalité m:tJ~efl:ali::t psy~~ologique ou

;:~t:s!t~:J:ali·e·séepossibledande 'dire ~~·n ~~:~t~e~~ que s un mixte E

nous tenterons de délinir l'indi "d . n ce .se~s, transductive. Nous voulons dire pvr u comme reahté di ·d • ar ce mot que r·

.vr u n est ni un êtte substantiel comme un élémem; m un pur rapport, mais qu'il est la réalité d'un~

80 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

relation métastable. Il n'y a de véritable individu que dans un systeme ou se produit ~ éta~ métasta?Ie. Si l'apparition de l'individu fait. disparaltre cet etat métastable en diminuant les tensions du syst~me dans lequel il appara!t, l'individu devie~t tou~ enti~r s.tr:uc· ture spatiale inimobile et inévolutive : c est l.~d~v~du physique. Par contre, si cette apparition ?~ ~ mdiv1du ne détruit pas le potentiel de métastab1ht~ .du sys­teme alors l'individu est vivant, et son équili.bre est celui• qui entretient la méta~tabilité : il est. en ce cas un équilibre dynamique, qUI s.uppose en genéral une série de structurations success~ves nouvelles, sll;'ls les­quelles l' équilibre de métastabilité ne pourrrut êt~ maintenu. Un cristal est comme la structure fixe laiS· sée par un individu qui aurait vécu un seu! ~stant, celui de sa formation, ou plutôt de la formauon du germe cristallin autour duque! des couches succes· sives du réseau cristallin macroscopique sont venues s'agréger. La forme que nous rencontrons n'est q~e le vestige de l'individuation qui _iadis s'est accomphe dans un état métastable. Le v1vant est comme un cristal qui maintiendrait autour de lui et ?~s sa relation au milieu une permanente métastabilité. Ce vivant peut être doué d'une vie ~définie, co~me dans certaines formes tres élémentrures de la v1e, ou au contraíre limité dans son existence parce que sa propre structuration s'oppose au maintien d'une permanente métastabilité de l'ensemble formé par l'individu et le milieu. L'individu perd peu à peu sa plasticité, .sa capacité de rendre les situations métastables, de frure d'elles des problemes à solutions multiples. On pour­rait dire que l'individu vivant se structure de plu~ en plus en lui-même, et tend ainsi à répéter ses condUI· tes antérieures lorsqu'il s' éloigne de sa naissance. En ce sens, la li~itation de la durée de vie n'est pas absolument liée à l'individuation ; elle est seulement la conséquence de formes tres complexes de l'indi· viduation dans lesquelles les conséquences du passé ne sont pas éliminées de l'individu et lui. servent à la fois d'instrument pour résoudre les difficultés à venir et d'obstacle pour accéder à des types nouveau_x de problemes et de situations. Le caractere successif

L'INDIVIDUATION DES UNITÉS PERCEPTIVES 81

de l'apprentissage, l'utilisation de la successivité dans l'accomplissement des différentes fonctions, donnent à l'individu des possibilités supérieures d'adaptation, mais exigent une structuration interne de l'individu qui est· irréversible et fait qu'il conserve en lui, en même temps que les schemes découverts dans les situations passées, le déterminisme de ces mêmes situations. Seul un individu dont les tranformations seraient pré· visibles pourrait être considéré comme inlmortel. Des que les fonctions de succession des conduites et de séquences temporelles des actes apparaissent, une irré­versibilité qui spécialise l'individu est la conséquence

, de cette apparition des lois temporelles : pour chaque type d' organisation, il existe un seuil d'irréversibilité au-deià duque! tout progres fait par l'individu, toute structuration acquise, est une chance de mort. Seuls les êtres n'ayant qu'une innervation tres sommaire et une structure peu différenciée n' ont aucune limite à leur durée de vie. Ils sont aussi en général ceux pour lesqueis il est le pius difficiie de fixer les linll· tes de l'individu, en particulier lorsque piusieurs êtres vivent agrégés ou en symbiose. Le ·degré d'individua­lité structuraie, correspondant à la notion de limite, de frontiere d'un être par rapport à d'autres êtres, ou d'organisation intérieure, est donc à mettre sur le même plan que le caractere de structuration tempo­rene entra!nant l'irréversibilité, mais n'est pas sa cause directe ; 1' origine commune de ces deux aspects de la réalité de l'individu semble être en fait le processas selon leque! Ia métastabilité est conservée, ou aug­mentée, dans la relation de l'individu au milieu. Le probleme essentiel de l'individu bioiogique serait donc relatif à ce caractere de métastabi!ité de 1' ensemble formé par l'individu et le milieu.

Le probleme physique de l'individualité n'est pas seulement un probleme de topoiogie, car ce qui man· que à Ia topoiogie e'st la considération des potentiels ; les potentiels, précisément par ce qu'ils sont des potentiels et non des structures, ne peuvent être repré· sentés comme des éléments graphiques de la situation. La situation dans laquelle prend naissance l'indivi· duation physique est spatio-temporelle, car elle est

82 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUB

un état métastable. Dans ces conditions, l'individua· tion physique, et plus généralement l'étude des. ~or· mes physiques, releve d'une théorie de la métastabil1té, envisageant les processus d'échange entre les configu· rations spatiales et les séquences. temporelles .. c:tte théorie peut se nommer allagmatique. ~lle do~t etr~ en rapport avec la théorie de l'informat10n, qm env1· sage la traduction de séquences teiD:por~lles en. org~­nisations spatiales, ou la transformation mverse , ~1s la théorie de l'information, procédant sur ce pomt comme la théorie de la Forme, envisage plutôt des séquences ou des configurations déjà données, et, ne peut guere définir les conditions de leur genese. C est au contraíre la genese absolue comme les échanges mutuels des formes, des structures et des. séquen· ces temporelles qu'il faut envisager. Une pare11le théo­rie pourrait alors devenir le fondement co~un de la théorie de l'Information et de la théone de la Forme en Physique. Ces deux théories en effet sont inutilisables pour l'étude de l'individu parce qu:elles emploient deux criteres mutuellement mcoiD:patiJ;>l~s. La théorie de la Forme privilégie en effet la srmphc1té et la préguance des formes ; au co~traire;.la quan~té d'information que définit la théone de I information est d'autant plus élevée que le nombre de décision;; à apporter est plus grand ; plus la fo~e est prévl· sible, correspondant à une !oi mathémat1que éléme~­taire, plus il est facile de la ,transmettre av~c une fru: ble quantité de siguaux. C est au cont;arre c_e q~ échappe à toute monotonie, à toute streréotypie qm est difficile à transmettre et exige une quantité élevée d'information. La simplification. des formes, l'élixni· nation des détails, l'augmentation des contrastes cor­respond à une perte de la quan.tité d'~ormat!o~. Or l'individuation des êtres phys1ques n est assrmi· lable ni à la bonne forme géométrique simple ni à la haute quantité d'·information entendue comme grand nombre de signaux transmis : elle comporte les ~eux aspects, forme et information, réunis en une uruté ; aucun objet physique n'est seul~ment une · bo.IJ?e forme ; mais par ailleurs la cohés10n et la stabil1té de l'objet physique ne sont pas proportionnelles à

L'INDIVIDUATION DES UNITJ!S PERCEPTIVES 83

sa quantité d'information, ou plus exactement à la quantité de signaux d'information qu'il faut utiliser pour transmettre correctement une connaissance à son sujet. D'oit la nécessité d'une médiation; l'individua­tion de l'objet physique n'est ni du discontinu pur comme le rectangle ou le carré, ni du continu comme les structures exigeant pour être transmises un nom­bre de signaux d'information qui tend vers I'infini.

<1. Introduction de Ia notion de variation quantique dans Ia représentation de findividuation psychique.

11 semble qu'une vaie de recherche pnisse être découverte dans la notion de quantum. Subjective­ment, il est possible d'augmenter tres paradoxalement la quantité de signaux utiles en introduisant une c?.ndition 9-uantique qui, en fait, diminue la quantité ? infor;nat10n d~ syst~me véritable à l'intérieur duque! Il Y a 1nformat10n. Ainsi, en augmentant Ie contraste d'une photographie ou d'une image de télévision on aiDéliore la perception des objets, bien que l'on p~rde de l'information au sens de la théorie de l'infonna­~ion •. C~ .que l'hoill;"De. perçoit dans Ies objets quand Il les sa.Isit. co~e m?ividuels, ce n'est dane pas une source mdefini~ de si~ux, une réalité inépuisable, comme la mat1ere qm se laisse indéfiniment analy­ser; c'est la réalité de certains seuils d'intensité et de qu~ité m~n~enus Pa: Ies objets. Pure forme ou pure matiere, 1 obJet phys1que ne serait rien ; alliance de forme et de matiere, il ne serait que contradiction · l'?bjet physique est organisation de seuils et d~ ruveaux, qui se maintiennent et se transposent à tra­ve;s les diverses situ.ations ; I' objet physique est un frusceau. de. relations' différentielles, et sa perception co.mme mdividu est la saisie de Ia cohérence de ce fa1sceau de relations. Un cristal est individu non parce qu'il poss~de une forme géométrique ou un ensemble de p~cules ~Iémentaires, mais parce que ~oute~ les propnétés optiques, thermiques, élastiques, electnques, p1ézo-électriques subissent une variation brusque Iorsqu'on passe d'une face à une autre; sans

84 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

cette cohérence d'une multitude de propriétés. à vaJ;urs brusquement variables, !e cristal ne ~eralt . q': une forme géométrique associée à une espe~ chumtq':e!

. . di "d L'h Jémorph1sme es 101 et non un véntable m V1 u. y •· . . u définir radicalement dinsulffisi~:é ~~~~eéeq~tlld':i~e plura1isée ce caractere e P ura 1 . . C' t our fait d'un faisceau de relations quant1q~esd.. "des ph .

. ·v u même de Jm 1V1 u p ys1-cqeutete lraa1~~~i.;~ed:u :O~a~té est prépondérdante ; sanl s

• · ~- J' "té e ces re a-elle on ne pourrait comprenu..e um . . di tio~s quantiques. IJ se peut d'ailleu~que cette ~~~ob: tion quantique permette de comp:en e pourdu01 . et physique peut être perçu directement ~ns son kdividualité : une analyse de la réalité phys1q';l~ ne

. d'une réflexion sur les conditwns peut se separer mêmes de Ia connaissance.

5 L problématique perceptive ; quanti~ d'info~a­. ti:n, qualité d'information, intensité d'mformahon.

I . ·re de définir avec plus de précision ce r est necessa1 · d'inf f t ue J'on peut entendie par quantité arma 10n ~

~ar forme. Deux sens tres différents so;'lt . préset;tes I théorie de la Forme et par la theone de I In­

f~:-rn:tion. La théorie de la Form~ dé~~t Jes bonnes formes par la prégnance et par la s~:nphclté : ~a bonne forme celle qui a !e pouvoir de s 1mposer, I emporte sur d~s formes ayant moins de cohéren:e,. de netteté, de ré ance .. Le cercle, !e carré, sont runs1. de bonnes for~es~Par contre, la théorie de J'Info;matwn ~épond à un ensemble de problemes techmqu~s qm so~t contemporains de l'usage des courants frubles. d~s a transmission des signaux et dans J'usage des different.s modes d'enregistement des signa~ sonores et 1=­neux. Lorsqu' on enregistre une scene par 1~ photo­graphie, !e film, le magnétophone ou !e magnetoscope, 00 doit décomposer la situation globale en un e'?sem?Ie d' éléments qui sont enregistrés par une mod1fic~t1on imposée à un tres grand nomb.re d'ind~vidus phys1ques ordonnés selou une organisatwn spat1ale, temporelle, ou mixte, c' est-à-dire spatio-temporelle. Comme exemple

L'INDIVIDUATION DES UNirnS PERCEPTIVES 85

d'organisation spatiale, on peut prendie la photogra­phie : une surface photographique, dans sa partie active, support des signaux, est constitllée par une émulsion contenant une multitude de grains d'argent, primitivement sous forme de combina<ison chimique. L'image optique étant projetée sur cette émulsion, si l'on suppose parfait !e systeme optique, on obtient une transformation chimique plus ou moins accen­tuée de la combinaison chimique constituant 1' émul­sion; mais la capacité qu'a cette émulsion d'enre­gistrer de petits détails dépend de la finesse des par­ticules : la traduction en réalité chimique, au sein de l'émulsion, d'une ligue optique continue est constituée par une trainée discontinue de grains sensibles ; plus ces grains sont gros et rares, plus i! est diffioile de fixer un petit détail avec une fidélité suffisante. Exa­minée au microscope, une émulsion qui, si elle était à structure col).tinue, devrait révéler de nouveaux détails, ne montre qu'un brouillard informe de grains discontinus. Ce qu'on nomme !e degré de définition ou le pouvoir de résolution d'une émulsion peut dane être mesuré par !e nombre de détails distincts suscep­tibles d' être enregistrés sur une surface détenninée ; par exemple, sur une émulsion de type courant, un millimetre carré peut contenir cinq mille détails dis­tincts.

Si naus considérons par contre un enregistrement sonore sur ruban revêtll d'une couche d'oxyde magné­tique de fer, ou sur fi! d'acier, ou sur disque, naus voyons que l'ordre devient ici un ordre de succession : les individus physiques distincts dont les modifications traduisent et transportent les signaux sont des grains d'oxyde, des molécules d'acier, ou des amas de matiere plastique ordonnés en ligue et qui défilent devant l'entrefer d'un électro-aimant polarisé ou sous !e saphir ou !e dirunant d'un équipage de lecture. La quantité de détails qui peut être enregistrée par unité de temps dépend du nombre d'individus physiques distincts qui défilent pendant cette unité de temps devant !e lieu ou s'effectue l'enregistrement : on ne peut graver sur un disque de détails plus petits que l' ordre de gran­deur des chaines moléculaires de la matiere plastique

86 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUB

qui Ie constitue ; on ne peut non plus ~gistrer sur une bande magnétique des fréquences qm corres­pondraient à un nombre de détails (particules aiinan­tées à des degrés variables) supérieur au nombre de particules ; on ne peut enfin enregistr~r sur ~ fil d'acier des variations de champ magnétique qm cor­respondraient à des sections trop petites pour pou­voir recevoir une aimantation particuliere à chacune. Si l'on voulait aller au-de!à de ces limites, !e son se confondrait avec le bruit de fond constitué par Ia discontinuité des particules élémentaires. Si au contraíre on adapte une vitesse de défilement assez grande, ce bruit de fond se trouve rejeté vers Ies fré­quences supérieures ; i! corr~spon? tres exac_tement a? brouillard indistinct de grams d argent qm apparrut Iorsqu'on regarde une photographie au microscope•; !e son est enregistré sous forme d'une série d'amas de particules plus ou moins aimantées ou disposées dans un sillon comme la photographie consiste en une juxtaposiÍion et une distribution d'amas de grains d'argent plus ou moins concentrés. La limite à Ia quantité de signaux est bien !e caractere discontinu du support de l'information, !e nombre fini d' éléments représentatifs distincts ordonnés selon 1' espace ou le temps et en lesque!s l'information trouve son support.

Enfin, Iorsqu'un mouvement est à enregis~rer, !es deux types de signaux, temporels et spatiaux, se combattent en quelque maniere, si bien que l'on ne peut obtenir les uns qu' en sacrifiant partiell~ent Ies autres, et que le résultat est un comprorms : pour décomposer un mouvement en images fixes ou pour Ie transmettre, on peut avoir recours à la cinémato­graphie ou à la télévision; dans les deux .oas,,. on découpe les séquences temporelles en une séne d ms; tantanés qui sont successivement fixés ou transmis ; en télévision chaque vue séparée est transmise point par point g~âce au mouvement d'explotatiori d'un « spot » analyseur qui parcourt toute l'image, gén~ ralement selon des segments de droite successifs, comme l'a!il qui lit. Plus le mouvement à transtnet:tre est rapide, plus le nombre d'images à transtnet:tre. pour le rendre correctement est élevé; pour un mclW···

' L INDIVIDUATION DES UNllÉS PllRCEPTIVEs 87

vement Ient, comme celui d'un homme. qui marche cinq à huit images par seconde suffisent ; pour ~ ~ouvement rapide comme ce!ui d'un véhicule automo­bi!e, !e ryt~e de vingt-cinq images completes par seconde est msuffisant. Dans ces conditions Ia quan­tité de signaux à transmettre est représentée par !e nombre de détails à transmettre par unité de temps, se~blable à la mesure d'une fréquence. Ainsi, pour ~tiliser completement tous les avantages de sa défini­tJOn, la té~évision. à 819 ligues devait pouvoir trans-mettre envrron qmnze millions de détails par seconde.

Cette notion technique de quantité d'infonnation conçue comme nombre de signaux est donc tres diff~ rente de celle qui est élaborée par Ies théories de I~ Forme : la bonne forme se distingue par sa qua­~té structurale, non pas un nombre ; par contre c est le degré de complication d'une donnée qui exig~ une haute quantité de signaux pour une transmission correcte. A cet .ég:rrd, I,a quantité de signaux exigée pour la transm1ssion d un objet détenniné ne tient aucun co!'llpte du caractere de « bonne forme » ·qu'il peut avmr : la transmission de l'image d'un tas de sable ou d'une surface irréguliere de rache granitique d_emande la même quantité de signaux que Ia transmis­Sion de I'image d'un régiment bien a!igné ou des c?lonnes d~ Parthénon. La mesure de Ia quantité de s~gnaux quI! faut employer ne permet ni de définir ru _de .compa:er les différents contenus des données o_bJective~. : I! y a un hiatus considérable entre Ies s~gnaux d information et Ia forme. On pourrait même dire que la quantité de siguaux parait augmenter Iors­que les qualités de Ia forme se perdent ; i] est techni­quement plus faci!e de transmettre l'image d'un carré o? ~'un cerc!e que c\llle d'un tas de sable ; aucune difference. d~s Ia, quantité de siguaux n'apparait entre I~ tran.srmssJOn d une image de texte ayant un sens et d une rmage de texte faite de Iettres distribuées au hasard•.

Il semble dane que ni le concept de « bonne forme , celui de quantité d'infonnation pure ne conviennent

,. pour définir la réalité information. Au­de I Infonnation comme quantité et de I'infor-

88 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

mation comme qualité existe ce que l'on pourrait nommer l'information comme intensité. Ce n'est pas nécessairement l'image la plus simple et la plus géo­métrique qui est la plus expressive; ce n'est pas non plus nécessairement l'image la plus foui!lée, 1~ plus méticuleusement analysée dans ses déta1ls ~u1 a 1~ plus de sens pour le sujet qui ~erç~it. On dmt consi­dérer le sujet entier dans une s1tuat10n concrete, avec les tendances, les instincts, les passions, et non le sujet en laboratoire, dans une situation qui a e?I général une faible valorisation émotive. 11 apparalt alors que l'intensité d'information peut être ~c~rue grâce à une diminution volontaire de la quantite de signaux ou de la qualité des formes : une photogra­phie três contrastée, avec un clair-obscur viol~nt, ou une photographie légerement floue peuvent avmr ~lu~ de valeur et d'intensité que la même photographie a gradation parfaite respectant la valeur de chaque détail, ou que la photographie géométriquement cen­trée et sans déformation. La rigueur géométrique d'un contour a souvent moins d'intensité et de sens pour le sujet qu'une certaine irrégularité. Un visage par­faitement rond ou parfaitement ovale, incarnant une bonne forme géométrique, serait sans vie; i! resterait froid pour le sujet qui le percevrait.

L'intensité d'information suppose un sujet orienté par un dynamisme vital : l'information est alors ce qui permet au sujet de se situer dans !e monde. Tout signal reçu possede en ce sens un coefficient d'inten­sité possible, grâce auquel nous corrigeons à tout ins­tant notre situation par rapport au monde dans leque! nous sommes. Les formes géométriques prégnantes ne nous permettent pas de nous orienter ; elles sont des schemes innés de notre perception, mais ces schemes n'introduisent pas un sens préférentiel. C'est au niveau des différents gradients, lumineux, coloré, sombre, olfactif, thermique, que l'information prend un sens intensif, prédominant. La quantité de signaux ne dorme qu'un terrain sans polarité ; les structures des bonnes formes ne fournissent que des cadres. 11 ne suffit pas de percevoir 'des détails ou des ensembles organisés dans l'unité d'une bonne forme : i! faut encore que

L'INDIVIDUATION DES UNI'ffiS PERCEPTIVES 89

ces détails comme ces ensembles aient un sens par rapport à nous, qu'ils soient saisis comme intermé­diaires entre le sujet et le monde, comme signaux permettant le couplage du sujet et du monde. L'objet est une réalité exceptionnelle ; de maniere courante, ce n'est pas l'objet qui est perçu, mais le monde, polarisé de mauiere telle que la situation ait un sens. L'objet proprement dit n'apparait que dans une situa­tion artificielle et en quelque façon exceptionnelle. Or, les conséquences três rigoureuses et absolues de la théorie de la Forme relativement au caractere spontané des processus perceptifs méritent d'être exa­minées avec plus de précision. 11 est sans doute vrai que la saisie des formes est opérée d'emblée, sans apprentissage, sans recouvs à une formation qui s'accomplirait grâce à l'habitude. Mais il n'est peut­être pas vrai que la saisie du sens d'une situation soit aussi primitive, et qu'aucun apprentissage n'inter­vienne. L'affectivité peut se nuancer, se transposer, se modifier. Elle peut aussi dans certains cas s'in­vertir : un des aspects de la conduite d'échec est le négativisme général· de la conduite subséquente ; tout ce qui . jadis, avant l'échec, attirait le sujet, est repousse ; tous les mouvements spontanés sont refu­sés, transformés en leur contraíre. Les situations sont prises à rebours, lues à l'envers. Les névroses d'échec rilanifestent cette inversion de polarité, mais le dres­sage d'un animal présentant des tropismes ou taxies définis montre déjà cette possibilité de l'inversion de polarité.

Cette existence d'une polarité perceptive joue un rôle _Prépm~dérant dans la ségrégation des unités per­ceptlves ; m la bonne forme ni la quantité de signaux ne peuvent rendre compte de cette ségrégation. Le sujet perçoit de mauiere à s'orienter par rapport au monde. Le sujet perçoit de mauiere à accroitre non la quantité de signaux d'information ni la qualité ~'info:;;mation, ~ais l:intens~té d:information, le poten­tiel d tnformatlon d une sttuat10n •. Percevoir, c'est, c?mme le, dit N?rbert Wi~ner, lutter contre l'entropie d un systeme, c est organ1ser, maintenir ou inventer une organisation. 11 ne suffit pas de dire que la per-

90 L'JNDIVIDUATION PSYCIDQUE

o o d t rgaruosés o en fait ception consiste à salSlr o es tou s o o . 11 Íntroduit elle est 1' acte qui orogamse des otouts , e l formes l'organisation en reliant analogtquement es o contenues dans le sujetdaux sift~uder:i;a:!;:~~~fe est retenir la plus gran e quan 1 , dan dans les formes les plus profond<!me?-~ ancreefs s

o o • st pas seulement sa1srr des ormes le s~;: 'o s~;e: :es données multiples juxtaposées o ou ~~ccessi~s ; ni la qualité, ni la qu~ntité, ni le co~~ll~~é ni le discontinu ne peuvent exphquer c~tt~ ac 1V1 perceptive; l'activité perceptive est J?lédia:wn e~t~e 1 ualité et la quantité ; elle est mtens1té,o sa1Sle a q o toon des mo tensités dans la relat10n du et organ1sa 1

monde au sujeto o d f Quelques expériences sur la percel?t~on esuf~rmes

ar la vue ont montré que la quahte ne s ot pas ~ la perception ; il est tres difficile de percevmr .des formes représentées par des couleurs ayant meme intensité lumineuse ; au contraíre, ces JI?-ême~ f?rmes sont tres facilement perçues si une légere difference d'intensité les marque, même lorsque les coule~rs sont identiques ou absentes ( degrés de gris )o Les semls différentiels d'intensité sont remarquablement bas pour 1 ( 6 f 1000) mais les seuils de fréquence sont e~c:r: plus bas dans la percepti;m c?ff~renti~~le ; on ne peut donc pas attribuer le fruto qm y1ent d ~tre cité à des conditions organiques pénphénqueso C es~ le processus perceptif central de saisie des formes qm est en jeuo De même, une modulation de fréqu~nce faible d'un son est difficilement discernable ~une modulation d'intensité, ou encore de tres courtes mte;­ruptions dans 1' émission du son, qoue, 1' on pourra1t nommer modulation de phase : les differents types de modulation convergent vers la modulation d'intensité, comme si les dynrunismes impliqués dans la per~p­tion retenaient essentiellement ce type de modulatwno

Si percevoir consiste à élever l'information du sy~ teme formé par le sujet et le champ dans lequel 11 s'oriente les conditions de la perception sont analo­gtles à ~elles de toute structuration stable : il faut qu'un état métastable précede la perceptiono ~t a voulu expliquer la perception par la synthese du divers

L'INDIVIDUATION DES UNirás PERCBPTIVES 91

de la sensibilité; mais en fait il existe deux esperes de divers : le divers. qualitatif et !e divers quantitatif, le divers hétérogene et le divers homogene ; la théorie de la F~mne a montré que l'on ne peut expliquer la perceptwn par la synthêse du divers homogene : une poussiere d'éléments ne peut donner une unité par simple additiono Mais il existe aussi une diversité intensive, qui rend le systeme sujet-monde compara­ble à une solution sursaturée ; la perception est la résolution qui transforme en structure organisée les tensions qui affectaient ce systême sursaturé o on pourrait dire que toute véritable perception est ~éso­l~tion d'~e problême de oompatibilité •o La percep­t1on rédult le nombre des tensions qualitatives et les compatibilités, en les transformant en potentiel d'in­fonnation, mixte de qualité et de quantitéo Une figtrre sur un fond n'est pas encore un objet; l'objet est la stabilisation provisoire d'une série de dynamismes qui vont des tensions aux aspects de la détennination caractérisant une situationo C'est en s'orientant dans cette situation que le sujet peut rrunener à l'unité les aspects de l'hétérogénéité qualitative et intensive, opé­rer la synthêse du divers homogene ; cet acte d'orien­tation réagit eno effet sur le milieu qui se simplifie ; le monode multiple, probleme posé au sujet de la percept10n, et le monde hétérogene, lle sont que des a~pects du temps qui prjkede cet acte d'orientationo C est dans !e systême foriné par le monde et le sujet, que, par son geste perceptif, !e sujet constitue l'unité de la perceptiono Croire que !e sujet saisit d'emblée des ~onnes toutes constituées, c'est croire que la per­ception est une pure connaissance et que les formes sont o entiêreinent contenues' dans le réel ; en fait une relatwn récurrente s'institue entre le sujet et le monde dans leque! il doit percevoir. Percevoir est bien pren­dr~ à travers ; sans ce · geste actif qui suppose que !e SUJet fait partie du systême dans lequel est posé le problême perceptif, la perception ne saurait s'accom­pliroo On p~urrait, en empruntant le langage de l'axio­mat1que, dom; que le systême monde-sujet est un champ surdétennme, ou sursaturéo La subjectivité n'est pas défonnante, car c'est elle qui opêre la ségrégation des

92 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

objets selon les formes qu'elle apporte ; elle pourrait seulement être hallucinatoire si elle se détachait des signaux reçus de l'objet. L'acte perceptif institue une saturation provisoire de l'axiomatique du systeme qu'est le sujet plus le monde. Sans ce couplage _1 d~ sujet au monde, le probleme resterait absurde ou mde­terminé : en établissant la relation entre la surs~tu­ration et l'indétermination, !e sujet de la perception fait apparaitre un nombre fini de solutions nécessai­res ; le probleme peut, dans quelques cas, comporter plusieurs solutions (comme dans les figures à pers­pective réversible), mais il n'en comporte géné~a_le­ment qu'une seule, et cette unicité fait la stahl11té de la perception.

Il faut cependant distinguer la stabilité de la per­ception de sa prégnance. La perception d'un cercle ou d'un carré n' est pas prégnante, et pourtant elle peut être tres stable ; c' est que la prégnance de la percep­tion provient de son degré d'intensité, non de . sa qualité ni du nombre de signaux ; telle perceptwn peut être prégnante pour un sujet, et telle autre per­ception pour un autre sujet : la perception est d'au­tant plus prégnante que !e dynamisme de 1' état anté­rieur d'incompatibilité est plus fort ; la crainte, !e désir intense, donnent à la perception une grande intensité, même si la netteté de cette perception est faible ; la perception d'une odeur est souvent confuse, et ne trouve pas d' éléments solidement structurés ; pourtant, une perception qui incorpore une donnée olfactive peut avoir une grande intensité. Certaines tonalités, certaines couleurs, certains timbres peuvent entrer dans une perception intense même sans consti­tuer une bonne forme. Il semble donc qu'il faille dis­tinguer entre la netteté et la prégnance d'une percep­tion ; la prégnance est véritablement liée au caractere dynamique du champ perceptif; elle n'est pas une conséquence de la forme seulement, mais aussi et surtout de la portée de la solution qu'elle constitue pour la problématique vitale.

Ce qui a été dit de la ségrégation des unités per­ceptives peut s'appliquer à la genese des concepts. Le coricept ne résulte pas de la synthese d'un certain nom-

L'INDIVIDUATION DES UNITÊS PERCEPTIVES 93

bre de perceptions sous un scheme relationnel leur co;:>féran~ une _unité. Pour que la formation du concept so1t pos~1ble, 11 faut une tension interperceptive met­!ant e~ Je!' le seus de la relation du sujet au monde t à lm-meme .. Un assemblage de données perceptives

ne peut se fru.re avec seulement des perceptions · il ne · ~eut s~ faire non plus par la rencontre des per. cept1ons. d une. part et d'une forme d'a priori d'autre ~art, meme s1 elle est médiatisée par un schéma­tisme. L~ médiation entre l'a priori et !'a posteriori ne ~eut etr~ découv~rt~ ni à partir de 1' a priori ni à pa.rt1r de 1 a posterwn; la médiation n'est pas de ~eme ':ature _q_u~ les termes : elle est tension, poten­tlel, metastabil1te du systeme formé par les termes. De. plus, ~es. formes a priori ne sont pas rigoureu­sement preex1stantes aux perceptions : dans Ia maniere do.nt les. perceptions ont une forme chacune pour elle­meme, 1~ exi~te déj~ quelque chose de ce pouvoir de syncnstalliser qu1 se manifeste à un niveau plus haut dans la. naissance des concepts : on peut dire en ce sens que la conceptualisation est à la perception ce ~ue la ~~cristallisation est à la cristallisation d'une e_spece chim1que uuique. De plus, comme la percep­twn, le con7ept ~écessite une permanente réactivation pour, se. mamtemr dans son intégrité; il est maintenu P~r _I ex~stence de seuils quantiques qui soutiennent Ia d1stmct~on_ ~e~ c~ncc;pts; cette distinction n'est pas une pno:lte mt,rmseque de chaque concept, mais une fonctwn de 1 ensemble. des concepts présents dans le champ logi9ue. L'entrée de nouveaux concepts dans c; champ log1que peut amener la restructuration de 1 ense.mble des concepts, comme le fait toute nouvelle doctnne métaphysique ; elle . modifie, avant cette restructuration, le senil de distinction de tous Ies concepts.

94 L1INDIVIDUATION PSYCHIQUE

NOTES CHAPITRB I

1. La Théorie de Ia Forme n'établit pas la distinction essentielle entre un ensemble, dont l'unité n'est que strocturale, non énergétique, et un systeme, unité méta­stable faite d'une pluralité d'ensembles entre lesq.uels existe une relation d'analogle, et un potentiel énergétique. L'ensemble ne possl:de pas d'information. Son devenir ne peut être que celui d'une dégradation, d'une augmen· tation de l'entropie. Le systeme peut au contraíre se maintenir en son être de métastabilité grâce à l'activité d'information qui caractérise son état de systeme. La Théorie de la Forme a pris pour une vertu des totalités, c'est-à-dire des ensembles, ce qui est en fait une propriété que seuls possedent les systemes ; or Ies systemes ne peuvent pas être totalisés, car !e fait de les considérer comme somme de Ieurs éléments mine la conscience de ce qui en fait des systemes : séparation relative des ensembles qu'ils contiennent, structure analoglque, dispa­ration et, en général, activité relationnelle d'information. Ce qui fait la nature d'un systeme est !e type d'informa­tion qu'il receie ; or, l'information, activité relationnelle, ne peut être quantifiée abstraitement, mais seulement caratérisée par référence aux stroctures et aux schemes du systeme ou elle existe; on ne doit pas confondre l'information avec les signaux d'information, qui peuvent être quantifiés, mais qui ne sauraient exister sans une situation d'information, c'est-à-dire sans un systeme.

2. Bn effet, !e nombre de décisions diminue lorsque !e contraste s'accuse : s'il n'y a dans une image que des blancs et des noirs, il n'y a que deux états possibles pour chaque unité physique de surface ; s'il y a différentes nuances de gris, il y a un plus grand nombre d'états possibles, donc de décisions.

3. La lecture à grande vitesse d'un roban magnétique est l'équivalent de la perception à grande distance d'une photographie.

4. On pourrait seulement tenir compte du degré de probabilité d'apparition de cette forme; les bonnes formes sont en nombre fini, alors que les assemblages quelconques peuvent être indéfiniment variés. Mais ce n'est que par là, par l'intermédiaire d'un codage possible et impliquant un nombre moins élevé de décisions, que la bonne forme est plus facile à transmettre. Un codage tres simple, dans le cas des ligues, consiste à réduire !e nombre d'états possibles à deux : blanc et noir. C'est en ce sens que le dessin au trait est plus facile à transmettre qu'une image en différents tons de gris.

L'INDIVIDUATION DES UNIT!ls PERCEPTIVES 95

5. Déjà, dans les réflexes d' d • fn trouv~ à Ia f ois des fonctio::~~ts atiol_l perceptlve, ~ quantlté. de. signaux (bombement dj'U:,J~grn7ntent

md autrt eis q~ onentent !e vivant et privilément tallinsél >ti. et en es sigDaux intér . . .,.. ec ve­

poursuite oculaire d'un eosbsl!Dtts . fixation, mouvement de 6 L · . .~e en mouvement.

mo;_,vo't-s~p~ev~~of:néi!!rns po!ent)e!s ne peut pro­genes quartz . feldsp. ath gr . t est frut d éiéments hétéro­méta;table. ' ' IWca, et P0 urtant il n'est pas

7. Ce mot est pris ·c· en particulier dans 1! fu~u s_ens que la Physique Iui dorme oscillateur et résonateur. one des échanges d'énergle entr~

CHAPITRE II

INDIVIDUATION ET AFFECTIVITE

1. Conscience et lndividuation ; caractere quantique de la conscience.

Une pareille recherche oblige alors à poser le pro­bleme du rapport entre la conscience et l'individu.

probleme semble surtout avoir été masqué par le que la théorie de la Forme a privilégié la relation

rapprt à la relation active et à la rela­Si l'on rétablit l'équilibre en réintro­

''ÇittisEtnt la considération de tous les aspects de la ~elati<on, il apparait que le sujet opere la ségrégation

dans le monde objet de perception, support le ll'ac:tio>n ou répondant des qualités sensibles, dans la ries1are ou ce sujet opere en lui-même une individua­

progressive par bonds successifs. Ce rôle de conscience dans l'individuation a été mal défini

que !e psychisme conscient a été considéré indéfinie pluralité (dans la doctrine atomiste)

1. comme pure unité indissoluble et continue ( dans opposées à l'atomisme psychologique,

s'agisse: du Bergsonisme ou de la théorie de la à ses débuts). En fait si l'on suppose que l'in·

'Vid:Ua]lité des états de conscience, des actes de cons­et des qualités de conscience, est de type quan­H est possible de découvrir une médiation entre

absolue et l'infinie pluralité; alors apparait ?ré:~imte de causalité intermédiaire entre !e déter­

obscur qui fait du psychisme une résultante d'intériorité et de consistance, et la finalité ten-

98 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

due et limpide qui n'admet ni intériorité ni accident. Le psychisme n'est ni pure intériorité ni pure exté· riorité, mais permanente différenciation et intégra· tion, selon un régime de causalité et de finalité asso. ciées que nous nommerons transduction, et qui nous semble un processus premier par rapport à la causa­lité et à la finalité, exprimant les cas limites d'un pro- . cessus fondamental. L'individu s'individue dans la mesure ou il perçoit des êtres, constitue une indivi· duation par l'action ou la construction fabricatrice, et fait partie du systeme comprenant sa réalité indi­viduelle et les objets qu'il perçoit ou constitue. La conscience deviendrait donc un régime mixte de cau· salité et d' efficience, reliant selon ce régime l'individu à lui-même et au monde. L'affectivité et l'émotivité seraient alors la forme transductive par excellence du

·psychisme, intermédiaire entre la conscience claire et la subconscience, liaison permanente de l'individu '·à lui-même et au monde, ou plutôt liaison entre la rela• tion de l'individu à lui-même et la liaison de l'i11di·vidti au monde. Au niveau de I' affectivité et de I' én1otivit:é/ la relation de causalité et la relation de finalité · s'opposent pas : tout mouvement affectivo-émotif à la fois jugement et action préformée ; il est re~utef• ment bipolaire dans son unité ; sa réalité est d'une relation qui possede par rapport à se:ssff::~ une valeur d'auto-position. La polarisation ·.a émotive se nourrit d'elle-même dans la mesure · elle est une résultante ou comporte une int:entio>nalitc~:· elle est à la fois auto-position et hétéro-position. ·

L'individu ne serait ainsi ni pure relation riorité, ni substantialité absolue ; il ne poúrrait identifié au résidu de l'analyse qui échoue devant sécable ou au principe premier qui contient tout son unité d'ou tout découle.

2. Signification de la subconscience alfective.

L'intimité de l'individu ne devrait donc recherchée au niveau de la conscience l'inconscience organique, mais bien · de

INDIVIDUA TION ET AFFECTIVIW 99

' ciellc:e affectivo-émotive. En ce sens, la these que nous '~;~::!o~l~ se séparerait de la doctrine que l'on 01 globalement la Psychanalyse. La psychanalyse ·a lbie:n remarqué qu'il existe dans l'individu un incons­

Mais elle a considéré cet inconscient comme psychisme complet, calqué en quelque maniere sur

que l'on peut saisir. Nous supposerons contraire qu'il existe une couche fondamentale de

qui est la capacité d'action du sujet : montages de l'action ne sont guere saisis par la

:ôntsciertce claire ; c' est sur ce qu'il veut ou ne veut que le sujet se trompe le plus entierement; l'en­

des actes de volonté se déroule d'une ll:laniiire telle que les jalons du processus apparaissant

conscience sont tres rares et parfaitement insuf­pour constituer un fondement valable. La repré­

e~~;~~~ est au contraíre beaucoup plus claire ; les lé représentatifs inconscients sont non pas

mais sommaires, à peine esquissés et en géné­. incapables d'invention et de progres véritables :

des stéréotypes assez grossiers et pau­' en réalité représentative. Par contre, à la limite

conscience et inconscient se trouve la couche ,:la subconscience, qui est essentiellement affecti­

et émotivité. Cette couche relationnelle constitue ;:centt·e de l'individualité. Ce sont ses modifications

les modifications de l'individu. L'affectivité cl'c~moti.vit:é · sont susceptibles de réorganisations mJ.!i~~:, elles procedent par sauts brusques selon f: et obéissent à une loi de seuils. Elles sont

entre le continu et le discontinu pur, entre coJ~sc:ieJlce et l'action. Sans l'affectivité et l'émoti­

conscience parait un épiphénomene et l'action V scóqttertce discontinue de conséquences sans pré-

an!tly!;e de ce que l'on peut nommer l'individua­;;~::~~~~q~~ devrait donc être centrée autour de fc et de l'émotivité. lei encore, la psycha­

a agi avec justesse sans employer toujours une adéquate à sa justesse opératoire; car c'est fait sur le régime affectivo-émotif que le psy-

malys·te agit lorsqu'il s'adresse à l'individu. Ce sont

100 L'INDIVIDUA'l'ION PSYCHIQUE

des themes affectivo-émotifs que Jung découvre dans son analyse de l'inconscient (ou du subconscient) qui est à la base des mythes. Si l' on peut parler en un certain sens de l'individualité d'un groupe ou de cellé d'un peuple, ce n'est pas en vertu d'une communauté d'action, trop discontinue pour être une base solide; ni d'une identité de représentations conscientes, trop . larges et trop continues pour permettre la ségrégation des groupes ; c' est au niveau des themes affectivo' émotifs, mix.tes de représentation et d'action, que se, constituent les groupements collectifs_ La. participa,· tion interindividuelle est possible lorsque les expres• sions affectivo-émotives sont les mêmes. Les vf~~~:~:: de cette communauté affective sont alors les é non seulement symboliques mais efficaces de. la · des groupes : régime des sanctions · et des ré(:ornpe!J.:i ses, symboles, arts, objets collectivement valor·isé;s dévalorisés.

Enfin, il est possible de remarquer que cette trine qui met au centre de l'individu le régime omm-• tique de l'affectivité et de l'émotivité est en avec l' enseignement des recherches sur la et la genese des especes et des organismes êtte vivant ne parait dépourvu qui reste quantique chez les êtres tres comme l'homme aussi bien que chez les êtres · sommairement organisés. Ce sont les couches les anciennes du systeme nerveux qui sont les de cette régulation, et tout particulierement le céphale. La pathologie montre aussi que la dis;sollií tion de l'individualité peut se produire de m~mi•erê tres profonde lorsque les bases organiques de régulation sont atteintes, en particulier dans le des tumeurs du mésencéphale. Il semble alors ce soient les bases même de la personnalité qui cellent, alors qu'un affaiblissement des fonctions la conscience représentative ou des capacités .. !'Qr+l'"'

alterent la personnalité sans la détruire, et de maniere réversible, tandis que les alténlticml;' d l'affectivité et de l'émotivité sont bien rarement sibles.

INDIVIDUATION BT AFFECTIVITÉ 101

L'a.lfe•ethité dans Ia communication et fexpression.

cette théorie du rôle individuant joué par \fonc1tim1s affectivo-émotives pourrait servir de base

doctrine de la communication et de l'expres-Ce sont les instances affectivo-émotives qiíi font

de la communication intersubjective ; la réa­l'on nomme communication des consciences se nommer plus justement communication

Une telle communication s'éta· l'intermédiaire de la participation ; ni la com·

d'action ni l'identité des contenus de ne suffisent à établir la communication

Cela explique qu'une semblable com­puisse s'établir entre des individus tres

comme un homme et un aninlal, et sympathies ou des antipathies tres vives puis­

W·n:aitJ•e entre des êtres tres différents ; or, les iexi•te11t bien lei en tant qu'individus et non éulenaeilt en tant que réalités spécifiques : tel ani­

être en relation de sympathie avec tel autre, tous ceux qui sont de la même espece. On a

indiqué la liaison profonde qui existe entre boe:ufs de labour, assez forte pour que la mort

de l'un des animaux entraine la mort de nip•agnma. Les Grecs, pour exprimer cette rela­

et pourtant muette de la ·sympathie e~~!~~f..~i~~~ même pour le couple humain, !e i'· communauté de joug. 'dcmt•~. un tel aperçu ne permet pas de définir

que! contenu peut être transmis dans la Uhication interindividuelle. I! ne préjuge pas

entierement de la réalité eschatologique. certaines conséquences métaphysiques sont

: la conservation de l'identité personnelle ne parait pas possible sous la forme simple

ê~:~;!::~~~~~~ de l' existence. Certes, !e « senti-Íi:J nos aetemos esse » de Spinoza

bien à un sentiment réel. Mais la teneur · épreuve est affectivo-émotive, et on ne doit

rartspos!lr en définition représentative, non plus léci.sion volontaire ; on ne peut ni démontrer

102 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

l'éternité (ou même à proprement parler la concevoir), ni parier pour l' éternité ; ce sont là deux démarches insuffisantes, inadéquates à leur objet véritable. On doit laisser l'épreuve d'éternité au niveau de ce qu'elle est véritablement, à savoir le sous-bassement d'urt régime affectivo-émotif. Si quelque réalité est éternelle; c'est l'individu en tant qu'être transductif, non en tant que substance sujet ou substance corps, consr­cience ou matif,re active. Déjà pendant son ex:ist:en.ce objective, l'individu en tant qu' éprouvant est un relié. I1 se peut que quelque chose de l'individu éternel, et se réincorpore, en quelque maniere, monde par rapport auquel il était individu. Lorsque l'individu disparait, il ne s'anéantit que relativemenf à son intériorité; mais pour qu'il s'anéantisse nl,; •. ,...

tivernent, il faudrait supposer que le milieu s'améantif lui aussi. Comme absence par rapport au milieu, dividu continue à ex:ister et même à être actifl. dividu en mourant devient un anti-individu, il cllw•ge· de signe, mais se perpétue dans l'être sous forme d'absence encore individuelle; le monde est fait individus actuellement vivants, qui sont réels, et des « trous d'individualités », véritables in<:lividuts; négatifs composés d'un noyau d'affectivité et -"'·'~"H vité, et qui ex:istent comme symboles. Au moment · un individu meurt, son activité est inachevée, et peut dire qu' elle restera inachevée tant qu'il sU:bsiistl,ta des êtres individueis capables de réactualiser absence active, semence · de· coriscience et d':actdo'n.Sutr les individus vivants repose la charge de dans 1' être les individus morts dans une perp€)fuelle vi•••~ *. La subconscience des vivants est cette charge de maintenir dans l'être les morts qui ex:istent comme absence, comme sVJnbole dont les vivants sont réciproques. Bien des do.gnie religieux se sont édifiés autour de ce sentiment mental. La religion est le domaine du tr:am;in<:Uy. duel; le sacré n'a pas toute son origine société; le sacré s'alimente du sentiment de

• Rite d'évocation des morts.

l!'DlVIDUATION ET AFFECTIVITÉ 103

de l'être, perpétuité vacillante et précaire, à la des vivants. Il est vain de rechercher !'origine

sacrés dans la crainte des morts; cette se fonde sur le sentiment intérieur d'un man­

surgit lorsque le vivant sent qu'il aban­lui cette réalité de l'absence, ce symbole

mort parait devenir hostile lorsqu'il est aban­'';<:~·-· en tant que mort mais en tant que vivant

dont la perpétuation est confiée à la posté­, Romains avaient ce sentiment tres forte­

ftí':amoroé en eux-mêmes, et voulaient un héritier 2•

:rÓ'Vatlce vive à l'identité substantielle qui est atta­théologie chrétienne n' a pas détruit ce sen­

Dans la volonté de l'individu de bà qutelctue chose, de faire quelque chose de réel,

en quelque façon l'idée que l'individu ne sel1lement consister en lui-même. Une aséité

"'~'' ··'"-~ fermeture absolue qui pourraient donner parfaite ne seraient pas une condition

RJ;,:' ··~···· l'individu ; subsister ne serait pas ex:is­[efneller-neilt, car ce ne serait pas ex:ister. L'étude

Cumont a faite des croyances sur l'au-delà Perpetua n'est pas seu:lement une analyse

Lin•thol<)gi.e eschatologique, mais aussi une véri­sur le subconcient collectif ou indi­

le mythe prend ici un sens profond, car il seulement une représentation utile à l'action

facile d'action ; on ne peut rendre compte ni par la représentation ni par l'action, car

seu:lement üne représentation incertaine .nr'o"l;iM pour agir; la source du mythe est l'af-l:~I.~i~~~~~!é, et le mythe est un faisceau de sen­ts au devenir de l'être; ces sentiments

avec eux des éléments représentatifs et des :m<en1cs actifs, mais ces réalités sont accessoires,

au mythe. Platon avait vu cette mythe, et l'employait toutes Ies fois que de l'être était en question, comme un mode

de découverte du devenir.

104 L'INDIVIDUATION PSYCHI(IUE

4. Le transindividuel.

On peut se demander dans quelle mesure une telle conception de l'individuation peut rendre de la connaissance, de l'affectivité, et plus de la vie spirituelle. C' est par une sorte • ., que l'on parle de vie spirituelle. Pourtant, cet adjectif a bien un sens ; il indique une valeur et manifeste l'on classe un certain mode d'existence au-dessus autres modes ; i! ne faudrait peut-être pas dire y a une vie biologique, ou purement corporelle, et autre vie, qui serait la vie spirituelle par opposition la premiere. Le dualisme substantialiste doit être en dehors d'une théorie de l'individuation. est pourtant vrai que la spiritualité existe, et nn'',.ll.e' est indépendante des structures métaphysiques

logiques. Quand Thucydide parle d'un ouvra~e~:.~~~:~ en disant : •'<'iif'~ '' &.!, quand Horace dit « tum exegi aere perennius », ces hommes comme auteurs une impression d'éternité : mortalité de l'reuvre n'est que le symbole s:~~!:i~i de cette conviction interne, de cette foi qui t1 l'être individuei et par laquelle i! sent qu'il dé]pas;sl ses propres limites. Lorsque Spinoza encore écrit timus experimurque nos aeternos esse, il révele impression tres profonde que l'être individuei éprmive Et pourtant, nous sentons aussi que naus ne pas éternels, que nous sommes fragiles et que nous ne serons plus pendant que le soleil encore sur les rochers au printemps d'apre~. En de la vie naturelle, nous nous sentons comme la frondaison des arbres ; en nous, !e sement de l'être qui passe fait sentir la précarité répond à cette montée, à cette éclosion de vie nant dans les autres êtres ; les chemins sont dans les voies de la vi e, et nous croisons d' autres de tous âges qui sont à toutes les époques de la vie. même les ouvrages d' espri t vieillissent. Le K '<'iifl.~ lç

s'effrite comme les remparts des villes mortes monument plus durable que !e bronze suit la cotrroJdi de lauriers dans !e dessechement universel. Plus ment ou plus vite, prématurément, comme M<lrc•ellu

INDIVIDUATION BT APFBCTIVITÉ 105

ou dans la plénitude de l'âge accompli parcourue, les êtres montent la pente

sans rester longtemps sur le plateau Ce que par illusion, ou plutôt par

la vie spirituelle dorme l'unique épreuve de 1' être. La massa candida, seu! reste martyrs brúlés de chaux vive, est elle

tf~rt~~~~~1~e'de spiritualité, à travers son symbo­<d fragilité; elle l'est comme le monu­

durable que l'airain, comme la loi gravée s.Aablles, comme les Mausolées des temps pas-1 SJ?ir'itualilté n'est pas seulement ce qui demeure,

ce qui brille dans l'instant entre deux indéfinies d' obscurité et s' enfouit à jamais ;

désespéré, inconnu, de l'esclave révolté est spiritualité comme le livre d'Horace. La culture

de poids à la spiritualité écrite, parlée, enregistrée. Cette spiritualité qui tend à

par ses propres forces objectives n'est pour­seule; elle n'est qu'une des deux dimensions

~;!~~~~r!~ vécue ; l'autre, celle de la spiritua-qui ne recherche pas l'éternité et

la lumiere d'un regard pour s'éteindre tp·..vl••~ aussi réellement. S'il n'y avait pas cette

lumineuse au présent, cette manifestation à l'instant une valeur absolue, qui !e en lui-même, sensation, perception et

n'y aurait pas de signification de la spiri­spiritualité n'est pas une autre vie, et n'est

plus la même vie ; elle est autre et même, la signification de la cohérence de l'autre

·.ni•~me dans une vie supérieure. La spiritualité sig;nifica.tion de 1 'être comme séparé et rattaché,

et comme membre du collectif ; l' être in di-à la fois seu! et non-seul ; i! faut qu'il pos­

deux dimensions ; pour que !e collectif puisse faut que l'individuation séparée la précede

encore du pré-individue!, ce par quoi !e ' s'individuera en rattachant l'être séparé. La

est la signification de la relation de l'être · au collectif, et donc par conséquent aussi

•trdem.ent de cette relation, c' est-à-dire du fait

106 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUB

que l'être individué n'est pas entierement individué, mais contient encare une certaine charge de réalité non-individuée, pré-individuelle, et qu'il la préserve, la respecte, vit avec la conscience de son existence au lieu de s'enfermer dans une individualité substan•. tielle, fausse aséité. C' est le respect de cette relation de l'individué et du pré-individuei qui est la spiritua- · lité. Elle est essentiellement affectivité et émotivité ; plaisir et douleur, tristesse et joie sont les extrêmes autour de cette relation entre !'individuei le pré-individuei dans l'être sujet; il ne faut parler d'états affectifs, mais plutôt d'é~~ru;~::u,:~.· tifs, échanges entre le pré-individuei et dans l'être sujet. L'affectivo-émotivité est un mcmvce: ment entre l'indéterminé naturel et le hic et l'existence actuelle; elle est ce par quoi s'opere le sujet cette montée de l'indéterminé vers le prcósent qui va l'incorporer dans le collectif. On interprete généralle plaisir et la douleur comme signifiant événement favorable ou défavorable pour la vie surgifi et affecte l'être : en fait, ce n'est pas au niveau l'être individué pur que cette signification existe; existe peut-être un plaisir et une douleur pure1nen somatiques.; mais les modes affectivo-émotifs ont une signification dans l'accomplissement de la tion entre le pré-individuei et !'individuei : les affectifs positifs indiquent la synergie de l'itldi:vidluá­lité constituée et du mouvement actuelle du pré-individuei ; les états affectifs nél~at.iif.: sont des états de conflit entre ces deux domaines sujet. L'affectivo-émotivité n'est pas seulement le tissement des résultats de l'action à l'intérieur l'être individuei; elle est une transformation, elle un rôle actif : elle exprime le rapport entre les domaines de l'être sujet et modifie l'action en fm1ctiio de ce rapport, l'harmonisant à ce rapport, et effort pour harmoniser le collectif. L' expression · l'affectivité dans le collectif a une valeur l'action pure n'aurait pas cette valeur la maniere dont le pré-individuei différents sujets pour fonder le collectif ; est cette individuation en train de s'effectuer dans

JNDIVIDUATION ET AFFECTIVITÉ 107

iê.e:. tJ:ancsirldivicluf:lle, mais l'affectivité elle-même l'émotion; elle est, dans l'être sujet,

i. t:rad.uit et perpétue la possibilité d'individua­colllec:tif : c' est 1' affectivi té qui alillene la charge

préindividuelle à devenir support de l'in· collective ; elle est médiation entre le pré·

et !'individuei; elle est l'annonce et le reten· le sujet de la rencontre et de l'émotion

de l'action. Sans la présence et l'action, ivo-én1otivi:té ne peut s'accompli:r et s'exprimer.

ne résout pas seulement le probleme percep· ·.· · la rencontre des mondes perceptifs ; 1' action

'émotion, résoud le probleme affectif, qui la bidimensionnalité incompatible du plai·

·Ia joie ; l'émotion, versant mdividualisé de ré•:oud le probleme affectif, parallele au pro·

íet.ceJltif que résoud l'action. L'action est pour '""'uu ce que l'émotion est pour l'affectivité :

d'un ordre supérieur de compatibilité, synteq~ie, d'une résolution par passage à un

d' équilibre métastable. L' émotion !ih:pré:seiice du sujet à d'autres sujets ou à un

met en question comme sujet ; elle est arai!elle à l'action, liée à l'action ; mais elle il'a.ffecti'vitcé, elle est le point d'insertion de la

:é iifft:ctiive en unité de signification ; l'émotion HgJailiication de l'affectivité comme l'action est

perception. L'affectivité peut dane être !r~:~~~~~~~~! fondement de l'émotivité, de même r•, peut être considérée comme fon­

, l'action; l'émotion est ce qui, de l'action, vers l'individu participant au collectif, alors

est ce qui, dans le même collectif, exprime idi:viduel dans l'actualité de la médiation réa·

et émotion sont corrélatives, mais l'ac· collective saisie du côté du

·son aspect relationnel, alors que l'émo· . même individuation du collectif saisie

. individuei en tant qu'il participe à cette ~~··•uJ~. Perception et affectivité, dans l'être indi·

plutôt dans le sujet, sont plus séparées "soni action et émotion dans le collectif ;

108 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

mais le collectif n'établit que dans Ia présence réciprocité de l'action et de l'émotion; l'affec:tivité dans le sujet, a un contenu de spiritualité plus que celui de la perception, au moins en ,.,,,n~,.,,,,.. parce que la perception rassure le sujet et essentiellement à des structures et à des fm1ction déjà constituées à l'intérieur de l'être individué; contraíre, l'affectivité indique et comporte cette tion entre l'être individualisé et la réalité préin.div duelle : elle est donc dans une certaine mesure rogene par rapport à la réalité individualisée et lui apporter quelque chose de l'extérieur, lui 'incliq;uan qu'il n'est pas un ensemble complet et fermé de lité. Le probleme de l'individu est celui des perceptifs, mais le probleme du sujet est celui l'hétérogénéité entre les mondes perceptifs et le affectif, entre l'individu et le préindividuel ; ce bleme est celui du sujet en tant que sujet : le est individu et autre qu'individu ; il est inc:omtp tible avec lui-même. L'action ne peut résoudre problemes de la perception et l' émotion ceux de fectivité qui si action et émotion sont comi>lémenta res, syniboliques l'une par rapport à l'autre l'unité du collectif ; pour qu'iL y ait l'action et de l'émotion, il faut qu'il y ait une duation supérieure qui les englobe : cette indlividti~ tion est celle du collectif. Le sujet ne peut c~~~:~~ avec lui-même que dans l'individuation du ( parce que l'être individué et l'être préindividuel sont en lui ne peuvent co'incider directement : il disparation entre les perceptions et l'affectivité · si les perceptions pouvaient trouver leur unité ~e action qui les systématiserait, cette s~~~~::~~: t10n resterait érangere à l'affectivité et ne c p~s la recherche de spiritualité ; la spiritualité m dans la pure affectivité, ni dans la pure ré~;ol;uti( des problemes perceptifs ; même si 1' émotion ré~oudre les problemes affectifs, même si l'action vatt ;ésou~re les problemes perceptifs, il un h1atus 1mpossible à combler, dans l'être l'affectivité et Ia perception devenues unité r!',<',.,,...; et unité d'actlon. Mais la' possibilité même

INDIVIDUATION ET AFFECTIVITÉ 109

est problématique ; ce seraient plutôt, dans •o::~;:t:,;respectif, des perceptions communes ~· affectives, sentiments communs, que

actions ou de véritables émotions ayant C' est la réciprocité entre percep­au sein du collectif naissant qui

:C:O;ridiitio•n d'unité de la véritable action et de lb~~;.::~~~~;~!Action et émotion naissent quand # ; le collectif est, pour le sujet,

de I'affectivité et de la perception, réci-unifie ces deux domaines chacun en lui­

donnant une dimension de plus. Dans . du monde universalisé de l'action,

mê:' iiTinllllle!lCe de J'émotion possible ; l'émo­. polarité de ce monde à la fois selon le

'fselon objets ; ce monde a un sens parce Orientté, et il est orienté parce que le sujet '"' tLu selou son émotion ; .I'émotion n'est

i\meht changement interne, brassage de l'être modification de structures ; elle est aussi

iin· .<lo.n à travers un univers qui a un sens ; de l'action. Inversement, .dans l'émo-

\ne: in;téJ:ietire au sujet, il y a une action iinpli­structure topologiquement l'être ;

prolonge dans le monde sous forme d'ac­l'action se prolonge dans le sujet sons

liéi:Jiotion : ui:Je série transductive va de l'ac-1' émotion pure ; ce ne sont pas des especes des 9pérations ou des états isolés ; c'est

~·~~;:~~: que nous saisissons abstraitement à ti) extrêmes en croyant qu'ils se suffisent

et peuvent être étudiés. En fait il fau­saisir 1' émotion-action en son centre, à

,, entre le sujet et le monde, à la limite entre

~~~~~~~~e~t1~le collectif. Alors on comprendrait est la réunion de ces deux versants

vers le même faite, celui de l'ac-de l' émotion. Celui de l' action exprime en tant qu'elle sort du sujet et s'ins­

objective, en monument plus dura­en langage, institution, art, ceuvre.

exprime la spiritualité en tant

110 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

qu'elle pénetre Ie sujet, reflue en !ui et I'emplit I'instant Ie rendant symbolique par rapport à même, ;éoiproque par rapport à lui-~ê~e, se.co•m]pn::. nant lui-même par référence à ce qm 1 envahit. v"'""'' ser l'humanisme de l'action constructrice à l,'intériof rité d'une retraite dans l'émotion, c'est diviser le ne pas saisir la réalité conditionnelle du leque! i! y a cette réciprocité de l'émotion et de tion. Apres cette division i! ne reste plus que 1';..,~,,;, appauvrie de l'action, sa structure. déposée en ment d'étemité .indifférente, la sc1ence; en face la science, l'émotion intériorisée, séparée de son port et de sa condition d'avenement qui est !e tif s'individuant, devient la foi, émotion privée tion, s'entretenant au moyen du renouvellement taire du collectif asservi à cette fonction d'e:nt:retie~ 'de I' émotion, sous forme de ri te ou de pratique rituelle. ,La rupture entre l'action et l'émotion la science et la foi, qui sont deux existenl<C~e~s~:;t~~i~ irréconoiliables parce que plus aucune i ne peut les réUllir, et qu'aucune série transductive peut les relier ; seuls des rapports extérieurs exíster entre ces deux manieres d'être qui ni<mtd

transindividualité sous sa forme réelle. Science et sont les débris d'une spiritualité qui a échoué et partage le sujet,l'oppose à lui-même au lieu de l'anner1~ à découvrir une signification selon le collectif. L spirituelle est dans ce rapport transductif entre tion et l'émotion; on pourrait nommer ce sagesse à condition de ne pas entendre par !à humaniste. Ni requête d'immanence ni requête transcendance, ni nat:uralisme ni théologie ne rendre compte de cette relation transductive ; en son milieu que 1' être doit être choisi ; ce pas l'homme in,dividuel qui produit ses ceuvres à tir de son essence d'homme, de l'homme espece selon une classification par genre co,mrnun différences spécifiques. Ce n'est pas non plus pouvoir entierement extérieur à l'homme et s'exprimeradt à travers l'homme en lui enlevant tance et intériorité. Cette opposition est inf'ru<:tu•eus elle traduit le caractere problématique du

INDIVIDUATION ET AFFECTivrrti 111

mais ne va pas jusqu'au bout; elle '':,~{;;ircie~,n~rtermes une bipolarité premiere au ••r la signification de cette bipolarité ; ;Xame:n de l'être humain, i! y a les fondements

humanisme ou d'une théorie de la trans­mais ce sont deux arrêts dans l'examen qui

ces deux voies divergentes. L'une exploite sujet de la science, l'autre comme

la foi.

se, demander quelle est la signification de seJb.tim<m1ts qui paraissent être en même temps

comme l'angoisse. L'angoisse ne peut ni à un sentiment ni à une émotion

sentiment, 1' angoisse indique la détachement entre la nature assooiée

et cet être individué; !e sujet, dans se sent être sujet dans la mesure ou i! , ,,, porte en lui-même son existence, i! est

existence comme s'dl. devait se porter lui­f:it·de:au de la terre *, comme dit Homere, mais

soi-même avant tout, parce que l'être lieu de pouvoir trouver la solution du perceptions et du probleme de I'affec­

refluer en !ui tous les problemes ; dans , , le sujet se sent exister comme probleme n-n~êrne, et i! sent sa division en nature pré­

et en être individué ; l'être individué est 1iJ~~~:d et cet ici et ce maintenant empê­:e d'autres ici et maintenant de venir

sujet prend conscience de !ui comme •'-·-a indéterminé ( ll.""~ov) qu'il ne pourra tmui!;er en hic et nunc, qu'il ne pourra jamais

est au terme opposé à celui du par leque! on se réfugie dans son ind:ivi·

· l'angoisse, !e sujet voudrait se résou­sans passer par !e collectif ; i! voudrait

112 L'INDIVIDUATION l'SYCHIQUE

arriver au niveau de son unité par une résolution son être préindividuel en être individuei, directe, sans médiation, sans attente; l'angoisse une émotion sans action, un sentiment sans tion ; elle est pur retentissement de l'être en lUi-m1em Sans doute, l'attente, l'écoulement du temps, pe,uv,er apparaitre dans l'angoisse; mais on ne peut dire la produisent ; car, même lorsque I' angoisse présente, elle se prépare, la charge d'angoisse train de s'aggraver avant de se. répandre dans I' être ; I' être angoissé demande à lui-même, à action sourde et cachée qui ne peut être qu' én1otio parce qu'elle n'a pas l'individuation du colllec:tif, !e résoudre comme problême ; le sujet prend cience de lui-même comme sujet en train de ··~·""'';' ser, de se mettre en quest:ion, sans pourtant n~1rve1ni à s'unifier de façon réelle. L'angoisse s;ee~~:~i~~~-~­jours elle-même et n'avance pas, ni ne o elle sollicite profondément l'être et le fait dev•eni réciproque par rapport à lui-même. Dans l'antgo:iss.• l'être est comme son propre objet, mais un objet important que lui-même ; on pourrait dire que devient objet et assiste à son propre étalement des dimensions qu'il ne peut assumer. Le sujet monde et remplit tout cet espace et tout ce dans leque! les problêmes surgissent : il n'y de monde et plus de probleme qui ne soit nrohlen du sujet : ce contre-sujet universel qui se dévelloJl>JJ est comme une nuit qui constitue l'être même sujet en tous ses points ; le sujet adhere à tout il adhere à lui-même; il n'est plus localisé, il est versalisé selon une adhésion passive et qui le souffrir. Le sujet se dilate douloureusement en ner·dru son intériorité ; il est ici et ailleurs, détaché un ailleurs uni versei ; il assume tout I' espace et le temps, devient coextensif à l'être, se spatialise, temporalise, devient monde incoordonné.

Cet immense gonflement de l'être, cette ulJ.au<u< sans limites qui enleve tout refuge et toute in1:ériori traduisent la fusion, à l'intérieur de l'être, ~u•·•~ charge de nature associée à l'être individue! individualité : les structures et les fonctions de

INDIVIDUATION BT AFFECTIVI'fá 113

se: n:tél:ml!er.tt les unes aux autres et se dila­qu'elles reçoivent de la chaJ:ge de nature

;;;Y,il't>t,..;,. sans limites : l'individué est envahi 'êirtdi11id1t1el ; toutes les structures sont atta­Pfo:inc:ticms animées d'une force nouvelle qui :ncobérfmt·es. Si l'épreuve d'angoisse pouvait

vécue asse:~:, elle conduirait à une irtcl~':iiduation à l'intérieur de l'être même,

métamorphose ; l'angoisse comporte :es,;enttinllerlt de cette nouvelle naissance de

à partir du chaos qui s'étend; l'être qu'il pourra peut-être se reconcentrer en

un au-delà ontologique supposant un · de toutes les dirnensions ; mais pour que

naissance soit possible, il faut que la des anciennes structures et la réduction des anciennes fonctions soit complete, ce acceptation de l'anéantissement de l'être

a11éantissement comme être individué ··~:U!:~r~~~;: contradictoire des dimensions ~~ I' être individué pose ses problemes

affectifs ; une sorte d'inversion des est le début de I' angoisse ; les choses

lointaines, sans lien à l'actuel, · êtres lointains sont brusquement pré­

Le présent se creuse en per­; la plongée dans le passé et dans

la trame du présent et lui enleve chose vécue. L'être individuei se fuit, pourtant dans cette désertion i! y a

d'une sorte d'instinct d'al!er se recom. et autrement, en réincorpora11t le

· que tout puisse être vécu. L'être angoissé univers pour trouver une subjectivité

avec l'univers, plonge dans les l'univers. Mais ce contact avec !'uni· pas par l'interrnédiaire de I' action et

corrélative de l'action, et n'a pas recours transindividuelle, telle qu' elle apparait

du collectif. L'angoisse traduit la l'être sujet seu!; elle va aussi loin que être seu! ; elle est une sorte de tentative

114 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

pour remplacer par un échange avec l'être non l'individuation transindividuelle que l'absence ,·~ntr. sujets rend impossible. L'angoisse réalise ce que seul peut accomplir de plus haut en tant que mais cette réalisation parait bien ne rester état, ne pas aboutir à une individuation no1llve:1! parce qu'elle est privée du collectif. C~1:r:':~~~;~~ peut avoir sur ce point aucune certitude cette transformation de l'être sujet vers laquelle l'angoisse est peut-être possible dans quelques três rares. Le sujet, dans l'angoisse, sent qu'il pas comme il devrait, qu'il s'écarte de plus en du centre et de la direction de l'action; s'amplifie et s'intériorise ; le sujet continue à et à opérer une modification permanente en lui, tant sans agir, sans s'insérer, sans individuation. Le sujet s' écarte de encore ressentie comme possible ; il parcourt les inverses de l'être ; l'angoisse est comme le par:co11.r inverse de l'ontogénese; elle détisse ce qui a eU e va à rebours dans tous les sens. L' angoisse renoncement à l'être individué submergé par préindividuel, et qui accepte de traverser la tion de l'individualité allant vers une autre íncliVJlCIU tion inconnue. EU e est départ de 1' être.

6. La problématique affective : affection et

L'affectivité est de nature problématique, qu'elle ne consiste pas seulement en plaisir et leur ; plaisir et douleur sont peut-être les selon lesquelles la polarité premiere de opere sur le monde et sur !e sujet ; mais on ne pas plus ramener l'affectivité au plaisir et à la leur qu'on ne peut ramener la sensation à des et des angles ; il y a des sensations dans un qui s'oriente et se polarise selon lignes et comme il y a affectivité consistant en affectives qui s'orientent selon plaisir et leur ; mais on ne peut rien tirer des différentes affectives du plaisir et de la douleur, pas plus

115

surgir les sensations des dimensions elles s'ordonnent; les dimensions des le champ du mouvement qui s'accorde ; ···~:~~:m~~. plaisir et douleur sont le champ

;, l'être vivant des qualités affectives; ; d<lul<eur sont 1' enracinement de 1' éprouvé

l'existence du vivant, dans les structures qui le constituent ou qu'il possêde.

u~~~;;~LV~ne sont pas seulement le retentis­,; dans 1' être ; ce ne sont pas seu­

jg;,ettets:, ce sont aussi des médiations actives fonctionnel ; même en considérant

• comme une réaction, on peut affirmer de ce retentissement est la dimension

1' état affectif polarise le vivant ; plai­sont, pour chaque épreuve affective,

led':aff,ec1:ivité ; les affections ont un sens :e85<em:atiorts ont un sens ; la sensation s'or-

la bipolarité de la lumiêre et de l'obscu­et du bas, de l'intérieur et de 1' exté-

...• droite et de la gauche, du chaud et du .ffection s'ordonne selon la bipolarité du gai

l'heureux et du malheureux, de 1' exal­tA1déprrirrtant, de l'amertume ou de la félicité,

ou de l'ennoblissant. Plaisir et douleur aspects élaborés de l'affection; ce sont

selon tout l'être, alors que les qua-

~;:~rtll~~i~~~:;~~s. peuvent n'être pas stricte-l}: entre elles sans la commune inté-

plaisir et la douleur ; le plaisir et plutôt des « formes a priori » de l'af­

·le donné affectif, si l'on exprime cette

i~~~~§~~~::critique. Chaque affection est selon une directivité intérieure Les multiples dyades qualita-incoordonnées ; elles consti-

de relations entre le sujet et 1' éprouvé ·· coordination entre les différents éprou­

intégration au sujet qui se fait selon nl1~té\t selon des dimensions qui consti­

~éritable univers affectif. Cependant, Ies uni­ou plutôt les univers affectifs naissants,

116 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

n'aboutissent qu'à des sous-ensembles distincts coordonnés entre eux tant que l'action, ou l'armlc>g de l'action en son aspect d'intériorité, n'intervient La coordination des dimensions affectives ne peut s'accomplir completement dans !e sujet l'intervention du collectif, car le collectif est saire pour que l'émotion s'actualise; il y a dans fectivité une préémotivité permanente ; mais ne peut sortir des affections par voie de sin1pl:ificatic ou d'abstraction ; l'abstraction exercée vité ne pourrait aboutir qu'à une synthese in~éric:u appauvrissante et réductrice ; les affections n'ont leur clef en elles-mêmes, pas plus que les sertsaltior il faut un plus-être, une individuation nouvelle que les sensations se coordonnent en percf:ptiorts faut aussi un plus-être du sujet pour que les affc~ctilo deviennent monde affectif ; ce ne sont pas les sensations, mais aussi quelque chose du sujet, de du sujet, qui fait naitre la perception; ce ne pas non plus les seules affections, mais quelq[ue du sujet, qui est condition de naissance de l'illté:grattí(j selon le plaisir et la douleur, ou les différentes gories affectives ; sensation et affection corrf:sponde'l à deux types de mise en question de l'être monde ; la sensation correspond à la mise: ce~~n~i~~~::~ de l'être par le monde en tant qu'être iJ qui possede des organes des sens, donc qui s'orienter dans un monde selon diverses nolaritéis.:' qui correspond au troisieme unidimensionnel et rectionnel ; la sensation est cette présence au des gradients, et elle a pour corrélatif la rép•oruse c tropisme, non !e réflexe. Car le tropisme est correspond à une mise en question del'individu vidué tout entier ; mais i! ne correspond pas à mise en question par !e monde unique ; il y a mondes des tropismes, des mondes divergents qui incitent à des tropismes sans de fuite commun. La perception cherche le sens · · tropismes, c'est-à-dire !e sens des réponses cocordlg nées aux sensations ; la sensation est la base pisme ; elle est une mise en question du vivant · le monde selon un sclreme unidimensionnel

117

:uctu1~e unidimensionnelle de la réponse est dans la nature de la mise en question,

ruc:tm~e de la sensation ; la problématique ni1reau de la sensation est une problé­

selon un axe qui est déjà · la dyade indéfinie du chaud et du froid,

léger, du sombre et du clair qui est la monde sensoriel, et par conséquent aussi

qui !ui correspond ; la sensation est 'l;!r·opisr:ne, signal d'information pour !e tro­

ce qui oriente !e vivant à travers le ne comporte pas l'objet, car elle ne loca­

pas à un être défini le pouvoir effets éprouvés dans la sensation ;

':m1miêre pour l'être d'être mis en question est antérieure à toute consistance

;•::t'objec:tiv·ité n'est pas premiere, non plus )iectivité. non plus que le syncrétisme; c'est

qui est premiere, et c'est la totalité de qui comporte le couple sensation-tro­

.::sc!nsati!on est la saisie d'une direction, non ti':' elle est différentielle, impliquant la recon­

selon leque! une dyade se profile ; ~ésth.ennic[Ue:s, !es qualités tonales ou chro-

sont des qualités différentielles, centrées centre correspondant à un état moyen, à

de sensibilité différentielle. I! y a un .r:::r·annoJrt auquel la relation se déploie, pour

réalité. I! n'y a pas seulement le plus grave, le plus chaud et !e plus froid ;

aigu et !e plus grave que la voix humaine, et le plus froid que la peau, le plus

!e plus obscur que l'optimum d'éclaire­par l'reil humain, le plus jaune ou le

!e vert-jaune du maximum de sensibilité chromatique humaine. Chaque espece réel dans chaque dyade, et c'est par

medium que la polarité du monde du saisie. L'erreur constante qui a faussé

de la sensation a consisté à relation était la saisie de deux termes :

polarité du tropisme implique saisie simul-

118 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

tanée de trais termes : le medium de l'être entre le plus chaud et le plus froid, le plus lurrtin~ et le plus obscur. L'être vivant cherche dans le dient la zone optima ; il apprécie par rapport au tre en leque! il réside les deux sens de la dyade il occupe le centre. Le premier usage de la sensat est transductif plus que relationnel : la s:~~~~~;;~ met de saisir comment le .medium se plus chaud d'un côté et en plus froid de le medium de température qui s'étend et se déciottl:i directivement en plus chaud et plus froid; la est saisie à partir de son centre; elle n'est pas mais transduction ; symétriquement par ra]ppcort centre se déploient le plus chaud et !e symétriquement encore par rapport au mfldi•umt ;; couleur sortent ]e vert et le jaune ; et dans les sens procedent les qualités de la dyade vers les extrêmes au-delà desque]s il n'y a plus que ou absence de sensation. La sensation se ra·on•ort:e l'état du vivant installé en une région opltirnta que dyade qualitative, coincidant avec un r~;~~:~i monde ; elle est la saisie du milieu d'une b Medium et bipolarité font partie de la même d'être qui est celle de la sensation et du tropisme, la sensation pour orienter le tropisme ; la est déjà tropisme, car elle saisit la structure · laquelle le tropisme s'actualise ; pour que le tropis1 soit, il n'est pas nécessaire qu'une désadaptation surgir la nécessité d'un mouvement ; le tr<>pisrrte aussi bien dans ·I'immobilité que dans le ré;aju.ste:me La sensation est tropistique en elle-même, coincider le vivant avec !e medium d'un gr:adiierit, lui indique le sens de ce gradient. I! n'y a pas la sensation une intention de saisir un objet même pour le connaitre, ni Ie rapport entre un et l'être vivant ; Ia sensation est ce par quoi · Ie regle son insertion dans un domaine trans•duc:til', un domaine qui comporte une réalité poiarité d'un gradient ; la sensation fait partie ensemble qui, en certains cas, se dédouble en tion pure et réaction pure, mais qui, comporte l'unité tropistique, c' est-à-dire Ia sen.sat:

119

actualisé. Une psychologie des condui­~fign•orf:r ]e rôle de Ia sensation, car cette

saisit que Ia réaction séparée sous ; le réflexe est un éiément de réac­

dans l'unité tropistique, de même éiément re]ationnel abstrait pris dans

tropistique dont on a ôté le versant

contient des structures comparables à sensation, prises dans l'unité est à une réalité transductive au sujet) ce que la sensation

transductive objective. I! y a des vivant qui ne sont pas des modes

qui se développent d'eux-mêmes selon dimensions sans impliquer une réfé­à ce monde, sans s 'organiser directe­

dimensions d'un gradient, c'est-à-dire de la sensation. On traite assez sou­

te s:en:sat:ion intéroceptive un type de réalité fait de sensations, et qui est en réalité

Les affections constituent une orienta­i!•n:orfie de l'êt:re vivant par rapport à lui-

. réillisent une polarisation d'un moment vie par rapport à d'autres moments ;

êoiincidflr l'être avec lui-même à travers le avec la totalité de lui-même et de

un ét,tt affectif est ce qui possede une unité à la vie; c'est une unité temporelle qui

tout, selon ce que l'on pourrait nom-a~::~~~n~de devenir. La douleur de la faim lu ce qui est éprouvé et retentit dans '' ~,, .. ; et surtout la maniere dont la faim

physiologique doué du pouvoir de se ms•ere dans le devenir du sujet; l'affecti­tég~ratiion auto-constitutive à des structures

désir, la fatigue grandissante, l'enva­le froid sont des aspects de I'affecti­

;ctiivi1:é est bien loin d'êt:re seulement piai­; elle est une maniere pour l'être ins­situer selon un devenir plus vaste ;

l'indice de devenir, comme la sensation

~- ---·--------~-------------------------------------

120 L'INDIVIDUATION PSYCHIOUB

est l'indice de gradient ; chaque mode, chaque chaque geste et chaque état du vivant sont monde et l'être vivant ; cet être est polarisé part selon !e monde et d'autre part selon !e Et de même que Ies différentes dimensions selon quelles I'orientation dans le monde s'effectue ne cident pas nécessairement entre elles, dee a~~~:~~ différents aspects affectifs réalisent des i1 des sous-ensembles du devenir du vivant, non devenir unique. Il reste un problême affectif i! reste un probleme perceptif ; Ia pluralité des tations tropistiques appelle l'unification pe1rce.pti'v~ la connaissance de l'objet comme la sous..ensembles affectifs appelle la naissance de tion. L'émotion nait Iorsque l'intégration de actuel à une seule dimension affective est imjpm;sil:J comme la perception nait lorsque Ies sensations lent des tropismes incompatibles. L' émotion est diction affective surmontée comme Ia pei·ce])tic•n '' contradiction sensorielle. Ce n'est d'ailleurs pas diction affective et contradiction sensorielle dire, car ce ne sont pas les sensations et tions en elles-mêmes qui sont contradictoires par ports à d'autres sensations ou affections : ce sous-ensembles tropistiques et les so·us-enseinbles:'i: devenir qui comprennent ces sensations et ces tions qui sont contradictoires ·par rapport à sous-ensembles sensoriels et tropistiques. La diction n'existe pas au niveau des sensations ment dites ou des affections proprement dites ; ne peuvent être aperçues si cette rencontre des ensembles ne s'effectue pas; sensations et aff'ec1:i< sont des réalités incomplêtes prises en dehors des ensembles dont elles font partie et dans Iesquels operent. La non-co'incidence des affections l'émotion comme la non-coincidence des SeiiSalti• pousse à Ia perception. L'émotion est une déc011Ve de l'unité du vivant comme Ia perception est découverte de l'unité du monde ; ce sont deux viduations psychiques prolongeant vivant, la complétant, la perpétuant. L'univers rieur est émotif comme l'univers extérieur est

121

dire que l'affection découle de l'émo­présence de l'objet, car l'émotion est

riche que l'affection ; l'affection est WJ',~motion au ralenti, de l'émotion non

dans son unité et dans Ia puissance maitre de son propre cours ; I' émo·

áét:éri1;e par !e fait qu'elle est comme une insulaire, ayant sa structure : elle

v~~~~~'itl~ui donne un sens, le polarise, â et l'unifie ; l'émotion se déroule,

Iáffectivité est seulement éprouvée comme de l'état actuel à une des modalités du

vi,~ailt ; 1' émotion répond à une mise en plus complete et plus radicale que

tend à prendre !e temps pour elle, elle rcc>mJme une totalité et possede une cer­

interne qui !ui permet de se perpétuer, d'elle-même et de se prolonger; elle

un état auto-entretenu, alors que pas tant de consistance active et se et chasser par une autre affection • ;

êeitaiine fermeture de 1' émotion, alors qu'il fermeture de l' affection ; I' affection

'fe]lréseiJtte, mais ne résiste pas ; l'émotion comme la perception qui, ayant décou·

les perpétue et les impose sous forme qui prend appui sur lui-même ; il existe

de I' être à persévérer dans son être la perception et au niveau de I' émotion,

de la sensation ou au niveau de l'affec· et affection sont des réalités qui

l'être vivant individué sans assumer une dividtlatiion ; ce ne sont pas des états auto­''ils ne se fixent pas en eux-mêmes par

ÍlditiClOlleDnellt ; au contraire, Ja perception d'ordre métastable : une perception

présent, résiste à d'autres perceptions est exclusive; une émotion s'accroche

présent, résiste à d'autres émotions · .. c'est par rupture de cet équilibre Vm'n'"'" perception en remplace une autre;

ne succede à une autre émotion qu'à

122 L 0INDIVIDUATION PSYCHIQUE

la suíte d'une sorte de cassure interne. I! y a tion d'une émotion à une autre. Ce qui nise I e vivant, dans 1' émotion, ce n' est pas 1' .<·onro+;

elle-même, car l'émotion est organisation d:~~~:~~~~ c'est le passage d'une émotion à une autre. on pourrait dire que la perception opere au''"' désorganisation : mais cette désorganisation est sensible parce qu'elle est seulement une rupture deux organisations perceptives successives, le monde ; comme la désorganisation qui esiste deux émotions porte sur l'être vivant, elle est sensible que celle qui sépare deux perceptions. dant, perception et émotion sont encore des correspondant à un mode transitoire d'activité; ception et émotion appellent par leur pluralité · intégration plus élevée, intégration que l'être ne faire advenir avec sa pure individualité dans la contradiction perceptive et dans les émotionnelles, 1' être éprouve son caractere linlib!; face du monde par la perception, en face du par 1' émótion ; la perception 1' enferme dans un de vue comme l'émotion l'enferme dans une Points de vue et attitudes s'excluent mtttw~lle,me Pour qu'un réseau de points-clés, intégrant points de vue possibles, et une structure a.<ro.<r,,J.,., la maniere d'être, intégrant toutes les émotions sibles, puissent se former, il faut que la nouvelle viduation incluant le. rapport au monde et le du vivant aux autres vivants puisse advenir : il · que les émotions aillent vers les points de ceptifs, et les points de vue perceptifs vers les tions : une médiation entre perceptions et émotic est conditionnée par le domaine du collectif, ou individuei ; le collectif, pour un être le foyer mixte et stable en leque! les des points de vue perceptifs et les points de émotions possibles. L'unité de la modification du et de la modification du monde se trouve collectif, réalisant une convertibilité de J•,,,;P,,to< par rapport au monde en intégration au temps Le collectif est le spatio-temporel stable ; il est d' échange, príncipe de conversion entre ces deux

123

de l'être que sont la perception et le vivant ne pourrait aller au-delà et de I' émotion, c' est-à-dire de la

;ceJlthre et de la pluralité émotive.

NOTES CHAPITRE li

d'un systeme, il était un des sym­~~~ta!~JP,'!! rapport à un autre symbole :

dons le systeme entre individu qui n'est pas vrai de l'individu physique. en effet !ui aussi un double de l'actuel, l'actuel est réciproque. L 'héritier, sym-

•avoemr l'absence d'être que contient certains groupes primitifs, !e

le nom du dernier défunt. module la vie psychique, alors que l'affec­seulement comme contenu.

CHAPITRE III

le signal et la signification est ---'-"- constitue un cri tere fidele

ió~~i;~~~~~~~ une véritable individua-i:ll du fonctionnement d'un sous-

il-iiídividlué. Les criteres statiques, comme matérielles et même du corps de

· ne sont pas suffisants. Des cas comme parasitisme, la gestation, ne peuvent

au rotoy·en des criteres spatiaux ou pure­au sens habituei, c'est-à-dire ana­

du terme. Selon la distinction signiticatioJa, nous dirons qu'il y a y a processus d'individuation réelle,

5r5ctue des significations apparaissent ; par. quoi et ce en quoi apparaissent

alors qu'entre les individus il n'y a L'individu est l'être qui apparait

JsigtJ.ific:atiion ; réciproquement, il n'y a lorsqu'un être individué apparait ou l'être en s'individualisant; la genese

:õn:es]lO!ltd à la résolution d'un probleme résolu en fonction des données

elles n'avaient pas d'axiomatique ndivíd'u est auto-constitution d'une topo­

une incompatibilité anté· d'une nouvelle systématique ;

126 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

ce qui était tension et incompatibilité devient struc­ture fonctionnante ; la tension fixe et inféconde devient organisation de fonctionnement ; l'instabilité se commue en métastabilité organisée, perpétuée, sta­bilisée dans son pouvoir de changement ; l'individu est ainsi une axiomatique spatio-temporelle de l'être qui compatibilise des données auparavant antagonis­tes en un systeme à dimension temporelle et spatiale ; l'individu est un être qui devient, dans le temps, en fonction de sa structure, et qui est structuré en fone- ' tion de son devenir ; la tension devient tendance ; qui n'était que selon l'instant avant linc:livid1Iat:im1, devient ordre dans le successif continu ; l'individu ce qui apporte un systeme selon le temps et l'esJ>ac,e, avec une convertibilité mutuelle de 1' ordre selon pace (la structure) et de l'ordre selon le temps devenir, la tendance, le développement et le sement, en un mot la fonction). Les signaux spatiaux ou temporels ; une signification est temporelle ; elle a deux sens, l'un par rapport structure et 1' autre par rapport à un devenir tionnel ; les significations constituent de l'être duel, bien qu'elles demandent une existence --""'1~, de l'être partiellement individué; un être n'est completement individualisé ; il a besoin pour de pouvoir continuer à s'individualiser en les problemes du milieu qui 1' entoure et qui milieu ; le vivant est un être qui se perpétue en çant une action résolvante sur le milieu ; il avec lui des amorces de résolution par ce vivant ; mais quand il effectue ces résolutions, effectue à la limite de son être et par làL ~~~~~~ia~ dividuation : cette individuation apres 1': initiale est individualisante pour l'individu mesure ou elle est résolvante pour le milieu. cette maniere de voir l'individuation, une --"-··• psychique définie serait une découverte de tions dans un ensemble de signaux, si~:ni:fic;lti<Jn í longeant l'individuation initiale de l'être, et ce sens rapport aussi bien à l'ensemble des extérieurs qu'à l'être lui-même. En tant qu'elle une solution à une pluralité de signaux, une

PROBLáMATIQUE DE L'ONTOGENllSE 127

a une portée vers 1' extérieur ; mais cet exté­n'est pas étranger à l'être comme résultant individuation ; car avant l'individuation cet être

pas distinct de l'ensemble de l'être qui s'est en milieu et en indivddu. De la même maniere,

de solution significative a une portée 's ],'intéJieTir de l'être, et accroit pour !ui l'intelligi-

de sa relation au monde; le monde n'est que est complémentaire de l'individu par rapport indivision premiere ; l'individualisation conti­

l'inidi,llÍ.duation. Chaque pensée, chaque décou,verte chaque surgissement affectif est une

l'<individuation premiere ; elle se développe reprise de ce scheme de l'individuation

dont elle est une renaissance éloignée, par­fidele. Si la connaissance retrouve les

JiJ•erme:ttfmt d'interpréter le monde selon les n'est pas parce qu'il existe dans le

a priori de la sensibilité dont la -"~'•~- données brotes venant du monde

serait inexpldcable ; c' est parce que i"s,uie:t et 'l'être comme objet proviennent : ;r,éalité primitive, et que la pensée qui na1·ait instituer une inexplicable relation

le sujet prolonge en fait seulement !ll!~~~~~in~i~!tiale ; les conditions de possibi­i! sont en fait les causes d' exis­

individué. L'individualisation di:fféren­uns par rapport aux autres, mais

,..,, "''" relations entre eux ; elle les rat-autres parce que les schemes selon

li~~t~:1:i~~ se poursuit sont communs à te de circonstances qui peuvent se

plusieurs sujets. L'universalité de 9nnaiiss:anc:e est bien en effet universalité iSccette universalité passe par la média­

d'inilividualisation, identiques placés dans les mêmes circons-

tt Jrec:u à la base les mêmes fondements parce que l'individuation est

fondement de la relation entre que la connaissance se dorme de

128 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUll

mandere valide comme universelle. L'opposition du sujet empirique et du sujet transcendantal recouvre celle du sujet parvenu hic et nunc à tel résultat de son individualisation personnelle et du même sujet en tant qu'exprimant un acte uniqll:e, opéré une fois ~our toutes, d'individuation. Le sujet comme résmtat ~~e individuation qu'il incorpore est milieu des a pnort ; !e sujet comme milieu et agent d7s découv~rt~s pro­gressives de signification dans ,les s1gna:ux _qu~.vie~en_t du monde est le principe de 1 a posterwn. L etre mdi­vidué est !e sujet transcendantal et l'être individual.is~ le sujet empirique. Or, il .n'est pas absolument legi­time d'attribuer au sujet transcendantal une respon­sabilité dans le choix du caractere du sujet empirique ; !e sujet transcendantal ~·ol?ere l!as un <;hoix; il est lui-même choix, concrétisatmn d un chmx fondateur d'être · cet être existe dans la mesure ou il est solu­tion ~ais ce n' est pas l'être en tant qu'individu qui existait antérieurement au choix et qui est príncipe du choix · c'est J'ensemble, !e systeme dont il est sorti et dans !~que! il ne préexistait pas à titre individué. La notion de choix transcendantal fait remonter trop loin l'individualité. Il n'y a pas de caractere trans­cendantal, et c' est précisément pour cette raison que la connaissance est universalisable ; les problemes sont problemes pour !e moi transcendantal, et le seul caractere, le caractere empirique, est ensemble des solutions de ces problemes. Les schemes selon lesquels les problemes peuvent se résoudre sont vrads pour tout être individué selon !e même mode d'individua­tion, tandis que les aspects particuliers de ~h~que solution contribuent à édifier le caractere empmque. Le seul caractere qui se constitue est le caractere empi­rique ; le sujet transcendantal est ce par rapport à quoi il y a probleme ; mais pour qu'il y ait probleme il faut qu'il y ait expérience, et le sujet transcendantal ne peut opérer un choix avant toute expérience. 11 ne peut y avoir choix des príncipes de choix avant l'acte de choix. On pourrait nommer personnalité tout ce qui rattache l'individu en tant qu'être individué à l'individu en tant qu'être individualisé. L'être indi­vidualisé tend vers la singularité et incorpore l'acci-

PROBI2MATIQUE DE L'ONTOGENt!SE 129

dentel sous forme de singularité ; J'individu en tant qu'être individué existe lui-même par rapport au sys­teme d'être dont il est issu, sur leque! il est formé, mais il ne s'oppose pas aux autres individus formés selon les mêmes opérations d'individuation. L'être en tant qu'individualisé diverge des autres êtres qui s'in­dividualisent ; par contre, ce mixte d'inddviduation et d'individualisation qu'est la personnalité est le príncipe de la relation différenciée et asymétrique avec autrui. Une relation au niveau de l'individuation est du type de celle de la sexualité; une relation au niveau de l'individualisation est du type de celle qu'apportent les événements contingents de la vie quotidienne ; enfin, une 'relation au niveau .de la personnalité est comme celle qui integre dans une situation unique sexualité et histoire individuelle événementielle. Le concret humain n' est ni individuation pure ni inddvi­dualisation pure, mais mixte des deux. Le caractere qui serait l'individualisation pure n'est jamais résul­tat détaché ; il le deviendrait seulement si cette acti­vité relationnelle qu'est la permanence de la personna­lité cessait de pouvoir réunir individuation et indivi­dualisation. En ce sens, le caractériel n'est pas celui qui a des troubles du caractere, mais celui en qui ]e caractere tend à se àétacher, parce que la personnalité ne peut plus assumer son rôle dynamique; c'est la personnalité qui est malade chez le caractérdel, non le caractere. La personnalité est ainsi une activité relationnelle entre príncipe et résultat · c'est elle qui fait l'unité de l'être, entre ses fonde~ents d'univer­salité et les particulardtés de l'individualisation. La relation interindividuelle n'est pas toujours interper­sonnelle. Il est tres insuffisant de faire appel à une communication des consciences pour définir la relation interpersonnelle. Une relatdon interpersonnelle est une médiation commune entre l'individuation et l'indivi­dualisation d'un être et l'individuation et l'individua­l~sation d'un autre être. Pour que cette unique média­tion valable pour deux individuations et deux individualisations soit possible, i! faut qu'il y ait com­munauté séparée des individuations et des individuali­sations; ce n'est pas au niveau des personnalités

130 L"INDIVIDUATION PSYCHIOUB

constituées que la relation interpersonnelle existe, mais au niveau des deux pôles de chacune de ces person­nalités : la communauté ne peut intervenir apres que les personnalités sont constituées ; il faut qu'une com­munauté préalable des conditions de la personnalité permette la formation d'une unique médiation, d'une unique personnalité pour deux individuations et deux individualisations. C'est pourquoi il est rare que le domaine de l'interpersonnel soit véritablement coex­tensif en fait à toute la réalité de chacune des per­sonnalités · la relation interpersonnelle ne prend qu'une ce;taine zone de chacune des personnalités ; mais la cohérence particuliere de chacune des person­nalités fait croire que la communauté existe pour tout. l'ensemble des deux personnalités ; les deux person­nalités ont une partie commune à titre véritable, mais aussi une partie non-commune : les deux parties non­communes sont rattachées par la partie commune ; il s'agit d'identité partielle et de rattachement par cette identité plutôt que de communication. Les conscien­ces ne suffiraient pas à assurer une communication ; il faut une communication des conditions des cons­ciences pour que la communication des consciences existe.

2. La relation au milieu.

La relation interpersonnelle a quelque ressem­blaD.ce avec la relation au milieu ; pourtant, la rela­tion au milieu se fait soit au niveau de l'individuation, soit au niveau de l'individualisation. Elle s'accornplit au niveau de l'individuation à travers 1' émotion qui indique que les príncipes d'existence de l'être indivi­duei sont mis en question. La peur, l'admíration cos­mique, affectent l'être dans son individuation et le situent à nouveau en lui-même par rapport au monde ; ces états comportent des forces qui rnettent l'individu à l'épreuve de son existence comme être individué. Cette relation se situe au niveau de l'individualisation quand elle touche 1' être dans sa particularité, à tra­vers la propriété des choses familieres, des événements

PROBLJWATIQUB DE L'ONTOGBNEsE 131

accoutumés et réguliers, intégrés au rythme de vie, non surprenants, intégrables dans les cadres anté­rieurs. Impression de participation profonde ou per­ception courante sont les aspects de ces deux rapports. Ces deux types de relation ne se combinent guere, mais se succedent dans la vie. Au contraire, la per­sonnalité comporte présence des deux aspects, et l' épreuve qui correspond à la personnalité est rela­tive aux deux conditions : elle comporte partiellement mise en question de l'individuation et partiellement aussi modification de l'invidualisation, intégration dans les cadres acquis. La relation à autrui nous met en question comme être individué ; elle nous situe et naus affronte à d'autres comme être jeune ou vieux, malade ou sain, fort ou faible, homme ou femme : or, on n'est pas jeune ou vieux absolument dans cette relation, mais plus jeune ou plus vieux qu'un autre ; on est aussi plus fort ou plus faible ; être homme ou ofemme, c'est être homme par rapport à une femme ou femme par rapport à un homme. 11 ne suffit pas de parler ici de simple perception. Per­cevoir une fei:nme comme femme, ce n'est pas faire entrer une perception dans des cadres conceptuels déjà établis, mais se situer soi-même à .Ja fois quant à l'individuation et à l'invidualisation par rapport à elle. Cette relation interpersonnelle comporte une rela­tion possible de notre existence comme être individué par rapport à la sienne. Le perçu et 1' éprouvé ne se dédoublent que dans la maladie de la personnalité. Minkowski cite le cas d'un jeune schizophrene qui se demande pourquoi !e fait de voir une femme dans la rue lui cause une émotion déterminée : il ne voit aucune relation entre la perception de la fernme et l'érnotion éprouvée. Or, les caracteres spécifiques ne peuvent suffire à expliquer l'unité de l'éprouvé et du perçú, non plus que l'habitude ou tout autre principe d'unité extérieure. L'individualité de l'être peut être efl'ectivement perçue : une femme peut être perçue comme ayant telle ou telle particularité qui la distingue de toute autre personne; mais ce n'est pas en tant que femme qu'elle est ainsi distinguée : c'est en tant qu'être humain, ou être vivant. La connaissance

132 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUB

concrete correspondant à une complet~ ~cc~i~é ( c~tte femme-ci, telle femme) est ce en qum md1v1duat~on et individualisation coincident ; c' est _ u~e certame expression, une certaine signification qu1 falt qu~ ce_tt~ femme est cette femme ; tous les ~spects de I, mdlVl· dualité et de l'individuation sont mcorporés a_ cette expression fondamentale que l'être ne yeut avmr que s'il est réellement unifié. La psy~holog1e_ de la F~~e, développée en psychologie de 1 expre_ss10n, cons~dere comme réalité primitive .la significat10n ; en fa1t, la signification est donnée par la cohérence de ~eux ordres de réalité, celui de l'indi':idu~tion et c_elm de l'individualisation. L'expres~ion d un etre ~st. b_Ien ~e réalité véritable, mais ce n est pas un~ rea!!te sal~ls­sable autrement que comme express10n, c est-à-d1re comme personnalité; il n'y a pas d'é!éments. de l'ex­pression, mais il y a . d~s ba~es de 1 ex~ress10n, car l'expression est une unlte rda~1?~ell~ mamte'?ue ~ans I'être par une incessante act1v1te; c est la v1e meme de l'individu manifestée dans son unité. Au niveau de I'expression, l'être est dans_ la m~su~e. ou i! se mani­feste, ce qui n'est pas vra1 de 1 mdiv1duat10n ou de l'individualisation.

3. Individuation, individualisation et personnalisation. Le bisubstantialisme.

On peut se demander s'il existe .~es individu~ autres que physiques ou vivants e~ s 11 est ~o~s1ble de parler de l'individuation psych1que. ~n fa1~, 11 se~bl~ bien que l'individuation psychique smt plutot une mdi­vidualisation qu'une individuation, si l'on accepte de désigner par individuation un processus de . type plus restreint que l'individualisation et qui a besom du support de l'être vivant déjà indiv_idué P?ur se déve­lopper ; Ie fonctionnement psychiq~e n est ~~s -~ fonctionnement séparé du vital, mrus, apres 1 mdlvl­duation initiale qui foumit à un être vivant son ori­gine, il peut y avoir dans l'unité de cet être individuei deux fonctions différentes, qui ne sont pas superpo· sée!, mais qui sont !'une par rapport à l'autre (fone-

PROBLÉMATIQUE DE L'ONTOGENESE 133

tionnellement) comme l'individu par rapport au milieu associé ; la pensée et la vie sont deux fonctions complé­mentaíres, rarement paralleles ; tout se passe comme si l'individu vivant pouvait à nouveau être le théâtre d'individuations successives qui le répartissent en domaines distincts. Il est exact d'affirmer que la pensée est une fonction vitale par rapport à un vivant qui ne se serait pas individualisé en se séparant en être phy­siologique et en être psychique ; le physiologique et le psychique sont comme l'individu et le complément de l'individu au moment ou un systeme s'individue. L'indi­vidualisation, qui est l'individuation d'un être indivi­dué, résultant d'une individuation, crée une nouvelle structuration au sein de l'individu ; pensée et fonctions organiques sont du vital dédoublé selon un clivage asymétrique comparable à la premiere individuation d'un systeme ; la pensée est comme l'individu de l'in­dividu, tandis que le corps est le milieu associé complé­mentaire de la pensée par rapport au oúvoÀov déjà individué qu'est l'être vivant. C'est lorsque le systeme vivant individué est dans 1' état de résonance interne qu'il s'individualise en se dédoublant en pensée et corps. L'unité psychosomatique est, avant l'individua­lisation, unité homogene ; apres individualisation, elle

· devient unité fonctionnelle et relationnelle. L'indivi· dualisation n'est qu'un dédoublement partiel, dans les cas normaux, car la relation psycho-physiologique maintient l'unité de l'être individué ; de plus, certaines fonctions ne deviennent jamais uniquement psychi· ques ou uniquement somatiques, et, de cette maniere, elles maintiennent dans le vivant le statut d'être indi­vidué mais non individualisé : telle est la sexualité ; telles sont aussi, d'une façon générale, les fonctions interindividuelles concretes, comme les relations socia­les, qui portent sur l'être individué. Selon cette voie de recherche, on pourrait considérer l'ensemble des contenus psychiques comme !e résultat de la résolu­tion d'une série de problemes qui se sont posés au vivant, et qu'il a pu résoudre en s'individualisant ; les structures psychiques sont l'expression de cette individualisation fractionnée qui a séparé l'être indi­vidué en domaine somatique et domaine psychique. On

172 L'INDIVIDUATION PSYCHIQUE

nisme ; faire, comme Goldstein, de la conscience un aspect de l'organisme, c'est l'englober dans l'unité organismique. Or, !e monisme parménidien qui inspire Goldstein, ne donnant pas à la temporalité un rôle constituant dans l'être, ne peut introduire de diversi­fi.cation dans l'être que par la notion d'un « plissement de l'être », selon l'expression imagée de J'auteur; l'âme ne pourrait être alors qu'un être imparfaitement détaché à l'intérieur d'une totalité qui perdrait ainsi son unité réciproque de plénitude circulaire. Si, par contre, J'âme est conçue comme ce qui perpétue l'opé­ration premiere d'individuation· que l'être exprime et integre parce qu'il en résulte, mais la renferme et la prolonge, si bien que la genese qui l'a fait être est véritablement sa genese, l'âme intervient comme pro­Jonguement de cette unité ; elle a référence à ce qui n'a pas été incorporé dans l'individu par l'individua­tion ; elle est présence à ce symbole de l'individu ; elle est au centre même de l'individu, mais elle est aussi ce par quoi i! reste attaché à ce qui n' est pas individu.

NOTES CHAPITRE lii

1. Nous prenons ce mot au sens platonique des •Ó!'~oÀo; (les deux morceaux d'une pierre brisée) reconstituant l'objet originei entier quand on les rapproche à nouveau pour authentifier une relation d'hospitalité.

2. On peut songer, en particulier, aux récents déve­loppements de la théorie des quarks.

3. Songer, par exemple, au suicide incompréhensible de Georges Eastman, industriel américain en produits pho· tographiques ayant inventé en 1886, les rouleaux de pelli­cules en celluloid, et lancé, en 1888, l'appareil Kodak. Voir RoussEAU (P.), Histoire des techniques et des inventions, p. 421.

I.

DEUXIEME PARTIE

LES DU

FONDEMENTS TRANSINDIVIDUEL L'INDIVIDUATION ET COLLECTIVE

CHAPITRE PREMIER

L'INDIVIDUEL ET LE SOCIAL, L'INDIVIDUATION DE GROUPE

1. Temps social et temps individuei.

Une telle vue de la réalité individuelle visant à éclairer les problemes que la psychologie se dorme pour tâche de résoudre ne permettrait pourtant pas d'aboutir à une représentation claire du rapport de l'individu à la société. La société rencontre l'être indi­viduei et est rencontrée par lui dans le présent. Mais ce présent 'n'est pas le même que ce qu'on pourrait nommer à la limite le présent individuei, ou présent somatopsychique. Le rapport social est bien au pré­sent, du point de vue de chaque individu. Mais la société rencontrée dans ce rapport possede elle-même son équivalent de substantialité, sa présence, sous forme d'une corrélation entre avenir et passé ; la société devient; une affirmation de permanence est encore un mode de devenir, car la permanence est la stabilité d'un devenir ayant dimension temporelle. L'individu rencontre dans la société une exigence défi­nie d'avenir et une conservation du passé; l'avenir de l'individu dans la société est un avenir réticulé, condi­tionné selou des points de contact, et qni a une struc­ture tres analogue à celle du passé individuei. L' enga­gement dans la société pour l'individu le dirige vers le fait d'être ceei ou cela; le devenir ne s'effectue plus, comme dans l'individu non-social envisagé par hypo­these, de l'avenir vers le présent : il s'effectue en sens inverse, à partir du présent ; l'individu se voit pro-

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poser des buts, des rôles à choisir ; il doit tendre vers ces rôles, vers des types, vers des iiDages, être guidé par des structures qu'il s'efforce de réaliser en s'accordant à elles et en les accomplissant; la société devant l'être individuei présente un réseau d'états et de rôles à travers lesquels la conduite individuelle doit passer.

Ce qui iiDporte surtout pour la société est le passé individuei, car l'accord de !'individuei et du social se fait par la coincidence de deux réticulations, l'individu est obligé de projeter son avenir à travers ce réseau social qui est déjà là ; póur se socialiser, l'individu doit passer ; s'intégrer est coincider selon une réticu­lation et non selon cette force immanente à l'avenir de l'être somato-psychique. Du passé social, l'individu retire tendance et poussée vers telle action plutôt que souvenir véritable ; i1 en retire ce qui en lui s'associerait au dynamisme de son avenir et non à la réticulation de son passé individuei ; le rapport au social exige qu'entre l'âme individuelle et le contact social inter­vienne une sorte de renversement, de commutation. La socialité exige présence, mais présence retournée. L'âme sociale et l'âme individuelle operent en sens inverse, individuent à rebours !'une de l'autre. C'est pourquoi l'individu peut s'apparaitre à lui-même comme se fuyant dans le social et se confirmant dans l'opposition au social. Le social apparait ainsi comme une réalité fort différente du milieu par rapport à l'individu; ce n'est que par une extension de sens et de maniere assez iiDprécise que I' on peut parler de milieu social. Le social pourrait être un milieu si l'être individué était un simple résultat d'individuation accomplie une fois pour toutes, c'est-à-dire s'il ne continuait pas à vivre en se transformant. Le milieu social n' existe comme tel que dans la mesure ou i1 n' est pas saisi comme social réciproque ; une telle situation ne correspond qu'à celle de l'enfant ou du malade; elle n'est pas celle de l'adulte intégré. L'adulte intégré est par rapport au social un être également social dans la mesure ou il possede une conscience active actuelle, c' est-à-dire dans la · mesure ou il pro­longe et perpétue le mouvement d'individuation qui

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lui a donné naissance, au lieu de résulter seulement de cette individuation. La société ne sort pas réel­le~ent de I~ présence mutuelle de plusieurs individus, m~rs elle !1 e_:;t pas non plus une réalité substantielle qm devralt etre superposée aux êtres individueis et c~>nçue comme indépendante d' eux : elle est I' opéra­tion et la condition d'opération par laquelle se crée un mode de présence plus complexe que la présence de 1' être individué seu!.

2. Groupes d'intériorité et groupes d'extériorité.

. La relation d'un être individué à d'autres êtres indi­VIdués pe~t se. faire soit de maniere analogique, !e pas~é et. I averur de chacun coincidant avec !e passé ~t I a':emr des autres, soit de maniere non analogique I avemr de chaque être individué trouvant dans l'en: semble des autres êtres non pas des sujets mais une structur: réticulaire à travers Jaquelle il doit passer. I:e ~remrer cas est celui de ce que les chercheurs amé­z;cams nomment in-group ; le second, celui de ce que I on nomme out-group; or, il n'y a pas d'in-group qui ne_ ~u~pose un out-group. Le social est fait de la medratwn entre l'être individuei et l'out-group par l'intermédiaire de l'in-group. li est vain de procéder à la maniere de Bergson en opposant groupe ouvert et groupe fermé * ; le social, à breve distance est ouvert; à grande distance, fermé; l'opération so'ciale est plutô~. situé~ ~ la limit~. entre l'in-group et l'out· group qu a la hffilte entre I mdividu et le groupe · le corp~ propre de l'individu s'étend jusqu'aux limftes ?e l.m-group; comme il existe un schéma corporel, ~I exrste un schéma social qui étend les liiDites du moi JUsqu'à la. f~ontiere entre in-group et out-group. On ~eut consrderer en un certain sens le groupe ouvert (m-~~oup >. com~e !e corps social du sujet ; la person· nahte socrale s étend jusqu'aux limites de ce groupe · la cr?y~ce, cox;nme mode d'appartenance à un groupe: défimt I expansron de la personnalité jusqu'aux limites

• Cf. Les Deux Sources de la Morale et de la Religion.

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de J'in·group; un te! groupe en effet peut ê~re ':a~ac· térisé par la communauté des croyances Implicltes et explicites chez tous Jes membres du groupe.

Certes, i! peut arriver dans certains, cas q';le !e gr~upe ouvert se réduise tellement autour d un SUJet atyptque que l'expansion sociale de la personnalité soit nulle, et que par conséquent tout groupe soit ?':lt-group ; c'est ce qui se produit dans les cas de dehnquance, d'aliénation mentale, ou chez les • déviants », à l'in: térieur d'un groupe déterminé ; i! peut se faire ausst que par un immense effort de dilatation de la person· nalité, tout groupe, même ceux qui normalem~nt paraissent des out-groups: soit accepté pa: le S~Jet comme in-group. La charité est la force d expansiOn de la personnalité qui ne veut reconnaitre auc~e limite à l'in-group et !e considere comme coextenstf à l'humanité entiere ou même à toute Ia création ; pour saint François d'Assise non seulement les hommes mais Jes animaux eux-mêmes faisaient partie de l'in­group, du groupe d'intéx;iorité .. De même, le ~hrist ne se reconnaissait pas d ennem1s, ayant une attitude d'intériorité même envers ceux qui !e frappaient.

Entre ces deux extrêmes qui réduisent absolument ou dilatent infiniment les frontieres du groupe d'inté· riorité se trouve !e statut de la vie courante, c'est-à· dire de Ia vie sociale habituelle, qui situe à une certaine distance de l'individu la ·limite entre !e groupe d'inté· riorité et !e groupe d'extériorité. Cette limite est définie par une seconde zone de présence qui se rattache à Ia présence de J'individu. L'intégration de l'individu au social se fait par Ia création d'une analogie de fonctionnement entre l'opération définissant la pré­sence individuelle et I' opération définissant la présence sociale ; l'individu doit trouver une individ!lation sociale qui recouvre son individuation personnelle ; son rapport à l'in-group et son rapport à I'out-group sont l'un et l'autre comme avenir et passé; l'in-group est source de virtualités, de tensions, comme l'avenir individuél · il est réservoir de présence par ce qu'il précede l'htdividu dans la rencontre du groupe d'exté­riorité · il refoule !e groupe d'extériorité. Sous forme de croyance, l'appartenance au groupe d'intériorité se

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définit comme une tendance non structurée, campa· rable à l'avenir pour l'individu : e!le se confond avec l'avenir individue!, mais elle assume aussi !e passé de I'individu, car l'individu se dorme une origine dans ce groupe d'intériorité, rée!le ou mythique : il est de ce groupe et pour ce groupe; avenir et passé sont simplifiés, amenés à un état de pureté élémentaire.

3. La réalité sociale comme systeme de relations.

Ainsi, i! est difficile de considérer le social et l'indi· viduel comme s'affrontant directement dans une rela­tion de I'individu à la société. Cet affrontement cor­respond seulement à un cas théorique extrême dont approchent certaines situations pathologiques vécues ; le so~i~. s~ substantialise en s?ciété pour !e délinquant ou I ahene, peut-être pour I enfant ; mais !e social véritable n'est pas du substantiel, car !e social n'est pas un terme de relation : i! est systeme de relations systeme qui comporte une relation et !'alimente. L'in: dividu n'entre en rapport avec !e social qu'à travers le social ; !e groupe d'intériorité médiatise la re!ation entre l'individué et !e social. L'intériorité de groupe est une certaine dimension de Ia personnalité individuelle non une relation d'un terme distinct de l'individu : c'est une zone de participation autour de l'individu: La _vie sociale est relation entre !e milieu de partici­patiOn et !e milieu de non-participation. . Le p~ycholo~sme est insuffisant pour représenter Ia

vte socmle, car 1! suppose que les relations intergroupes peuvent être considérées comme une extension des relations de l'individu au groupe d'intériorité · en extériorisant partie!lement les relations de l'indÍvidu au groupe d'intériorité, puis en intériorisant partiel­l~~e~t. !e~ z:e!ations des groupes d' extériorité au groupe d mtenonte, on peut arriver, de maniere illusoire à identifier les deux types de relation · mais cett~ i?entific~tion ~éco~ait la nature propr~ de Ia rela· tion soctale, pmsqu e!le méconnait la frontiere d'acti· "!té re!at~onnelle en~re ~oupe d'intériorité et groupe d exténonté. Le soc10!ogrsme méconnait encare de Ia

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même façon la relation caractéristiq~e de la,vie s~ci~~· en substantialisant le social à partir de 1 exténonte, au lieu de reconnaitre le caractere relationnel de l'acti­vité sociale. Or, i! n'y a pas du psychologique et du sociologique, mais de l'humain qui, à la ~ite extrême et dans des situations rares, peut se dedoubler ~n psychologique et en sociologique. La psyc~olog~e comme la sociologie sont deux regards qw fabnquent leur objet propre à partir de l'intériorité ou de 1' exté­riorité : l'abord psychologique du social se fait par l'intermédiaire des petits groupes : or, cette man1ere d'aborder le social à partir du psychologique oblige à charger le psychologique de quelque chose de. social : telle est la stabilité affective des psychosoc10logues américains caractere de l'être individuei qui est déjà du social ~u du présocial. De même, l'adaptabilité et la capacité d'acculturation sont des aspects p:ésociaux de 1' être. L' être individuei est vu selon des mstances qui débordent son existence individuelle.

De même, l'attitude sociologique enferme dans le social des contenus qui sont du pré-individuei et qui permettront de retrouver la réalité individuelle en la reconstituant. Dans cette mesure, on comprend pour­quoi des problemes comme ceux de l'étude du. travail sont viciés par l'opposition entre le psycholog~sme et !e sociologisme ; les relations humaines qui c:u-acté­risent !e travail ou qui, tout au moins, sont m1ses en jeu par !e travail ne peuvent être ramenées ni au jeu du substantialisme sociol?gique ni à un ~chéma interpsychologique ; elles se s1tuent à la frontiere du groupe d'intériorité et du groupe d'extériorité. Or, envisagées comme relations interpsychologiques, les relations humaines du travail sont assimilées à la satisfaction d'un certain nombre de besoins dont la liste pourrait être dressée à parti: d'une. inspec~ion de l'être individuei pris avant toute mtégration soc1ale, comme s'il y avait un individu pur et complet avant toute intégration possible. Le travail est pris alors comme satisfaction d'un besoin individuei, comme rela­tif à une essence de l'homme, collective mais !e défi­nissant en tant qu'individu, en tant qu'être fait d'âme et de corps (ce qui se retrouve dans la notion de

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travail manuel et de travail intellectuel, avec une distinction hiérarchique entre ces deux niveaux du travail). A partir du sociologisme, au contraíre, le travail est envisagé comme un aspect de l' exploitation de la nature par les hommes en société, et il est saisi à travers la relation économico-politique. Le travail se substantialise alors comme valeur d'échange dans un systeme social d' ou disparait l'individu. La notion de classe est fondée sur le fait que !e groupe est toujours considéré comme groupe d'extériorité; l'intériorité de la classe propre n'est plus celle d'un corps social c?extensif aux limi_tes de la personnalité, car Ia classe n est plus excentnque par rapport à l'individu ; Ia classe propre est pensée comme classe propre à partir du choc contre la classe adverse; c'est par !e retour de. ~a prise de conscience que la classe propre est saisie comme propre ; Ia prise de conscience est secon­daire par rapport à cette premiere opposition ; i! n'y a plus structure de cercles successifs mais structure de conflit, avec une ligne de front.

4. Insuffisance de la notion d'essence de l'homme et de l'anthropologie,

o:. on peut se demander si une anthropologie ne seralt pas capable de donner une vision unitaire de l'homme susceptible de servir de príncipe à cette étude de la relation sociale. Mais une anthropologie ne comporte pas cette dualité relationnelle contenue en ~ité qui caractérise !e rapport; ce n'est pas à partir d une essence que l'on peut indiquer ce qu'est l'homme, car toute anthropologie sera obligée de substantialiser soit !'individue! soit !e social pour donner une essence de l'homme. Par elle-même, la notion d'anthropologie comporte déjà I'affinnation implicite de la spécificité de l'Homme, séparé du vital. Or, i! est bien certain que l'on ne peut faire sortir l'homme du vital si I'on retranche du vitall'Homme ; mais !e vital esÚe vital comportant I'homme, non le vital sans I'Homme · c'est !e vital jusqu'à I'Homme, et comprenant l'Ho~e · il y a le vital entier, comprenant l'Homme. '

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Le regard anthropologique supposerait ainsi ~e abstraction préalable, du roêroe type que celle que 1 on rencontre dans les subdivisions en individuei et social, et principe de ces abstractions ultérieures. L'anthro· pologie ne peut être principe de l' étude de l'Hororoe ; ce sont au contraire les activités relationnelles huroai­nes cororoe celle qui constitue le travail, qui peuvent êtr~ prises pour principe d'une anthropologie à édifier. C'est l'être cororoe relation qui est preroier et qui doit être pris cororoe principe; l'huroain est social, psycho­social, psychique, soroatique, sans qu'aucun · de ces aspects puisse être pris · cororoe fondaroental alors ·que les autres seraient jugés accessoires. Le travail, en particulier, ne peut être défini seuleroent co~e un certain rapport de l'hororoe à la nature. Il eXIste un travail qui ne se réfere pas à la Nature, par exerople le travail accoropli sur l'Hororoe roêroe ; un chirur· gien travaille ; I'exploitation de !a ~ature par. ~es Hororoes associés est un cas parttculier de 1 actlvtté relationnelle qui constitue le travail ; le travail ne peut être saisi dans son essence, selon un cas parti­culier, que si cette essence découpe sa particularité sur tout le spectre des activités de travail possibles ; un cas particulier ne peut être pris cororoe fonderoent, roêroe s'il se rencontre tres fréqueroroent. Le travail est un certain rapport entre le groupe d'intériorité et le groupe d'extériorité, cororoe la guerre, la propagande, le cororoerce. Chaque groupe par rapport aux autres peut être considéré, dans une certaine roesure, cororoe un irtdividu ; mais l' erreur des conceptions psycho· sociologiques traditionnelles consiste à prendre le groupe pour un aggloroérat d'individus à la roaniere dont il existe des aggloroérats d'individus dans les sciences - doroaines des sciences biologiques ; en fait, le groupe d'intériorité ( et tout groupe par rapport à lui-roêroe existe dans la roesure ou il est un groupe d'intériorité) est fait de la superposition des person· nalités individuelles, et non de leur agglonlération ; l'aggloroération, organisée ou inorgani9.ue, suppo?erait une vision prise au niveau des réalttés soroatlques, non des enserobles soroato-psychiques.

Un groupe d'intériorité n'a pas une structure plus

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~o~~Iexe qu'une seule personne ; chaque personnalité mdivtduelle est coextensive à ce que l'on peut nom· mer la personnalité de groupe, c'est-à-dire au lieu commun des personnalités individuelles constituant le groupe. Or, cette maniere d'envisager le groupe n'est pas un psychologisroe, pour deux raisons : la preroiere est que le mot de personnalité n' est pas pris en un sens psychique pur, mais réellement et unitaire­ment psychosomatique, incluant tendances, instincts, c:oyances, attitudes soroatiques, significations, expres­ston. La seconde, plus importante et constituant le fonderoent de la preroiere, est que ce recouvrement d_es _P~r?onnalités. individuelles dans le groupe d'inté­nonte JOUe un role de structure et de fonction auto­constitutive. Ce recouvrement est une individuation la r~solution d'un conflit, l'assomption de tension~ confhctuelles en stabilité organique structurale et fonc­tionnelle. Ce ne sont pas des structures de person­nalités antérieureroent définies, constituées et toutes faites avant le moment ou !e groupe d'intériorité se constitue qui viennent à se rencontrer et à se recou­vrir ; la personnalité psycho-sociale est contemporaine de la genese du groupe, qui est une individuation.

Ce n' est pas !e groupe qui apporte à l' être .individue! une personnalité toute faite comme un manteau taillé d'avance. Ce n'est pas l'individu, qui, avec une person­nalité déjà constituée, s'approche d'autres individus ayant la même. personnalité que lui pour constituer avec eux un groupe. Il faut partir de l'opération d'indi­viduation du groupe, en laquelle les êtres individueis sont à la fois milieu et agents d'une syncristallisation ; le groupe est une syncristallisation de plusieurs êtres ~di~duels: et c'est le résultat de cette syncristal­hsatl.on qu1 est la personnalité de groupe; elle n'est !'as mtroduite dans les individus par !e groupe car 1! faut que l'individu soit présent pour que cette' opé­ration se produise; il ne faut pas seulement d'ailleurs que le group~ soit présent ; il faut aussi qu'il soit tendu et partte!lement indéterroiné, cororoe l'être pré­individuei avant l'individuation ; un individu abso­Iuroent complet et parfait ne pourrait entrer dans un groupe ; il faut que l'individu soit encore porteur

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de tensions, de tendances, de potentiels, de réalité structurable mais non encare structurée pour que le groupe d'intériorité soit possible ; le groupe d'inté­riorité prend naissance quand les forces d'avenir recélées par plusieurs individus vivants aboutissent à une structuration collective ; la participation, le recou­vrement se réalisent à cet instant d'individuation du groupe ~t d'individuation des individus groupés. L'in: dividuation qui dorme naissance au groupe est auss1 une individuation des individus groupés ; sans émo­tion, sans potentiel, sans tension préalable, il ne peut y avoir d'individuation du groupe ; une société de monades ne peut exister ; le contrat ne fonde pas un groupe, non plus que la réalité statutaire d'un groupe déjà existant ; même dans le cas limite ou le groupe déjà constitué reçoit un nouvel individu et !'incorpore, l'incorporation du nouveau est pour ce dernier une nouvelle naissance (individuation), et pour le groupe aussi une renaissance ; un groupe qui ne se recrée pas en incorporant des membres nouveaux se dissout en tant que groupe d'intériorité.

Le membre d'un groupe alimente en lui la person­nalité collective en recrutant des êtres nouveaux et en les introduisant dans le groupe. La distinction entre psychogroupes et sociogroupes ne vaut que comme maniere de définir une certaine polarité à l'intérieur des groupes : tout groupe réel est à la fois un psycho­groupe et une sociogroupe. Le sociogroupe pur n'aurait aucune intériorité, et ne serait que substance sociale ; un groupe est un psychogroupe à l'instant ou il se forme ; mais cet élan du psychogroupe ne peut se perpétuer qu'en s'incorporant, en donnant naissance à des structures sociogroupales. Ce n' est que par abstraction que l'on peut distinguer psychogroupes purs et sociogroupes purs.

5. Notion d'individn de groupe.

I1 n'est dane pas juste de parler de l'influence du groupe sur l'individu; en fait, le groupe n'est pas fait d'individus réunis en groupe par certains liens,

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mais d'individus groupés ; d'individus de groupe. Les individus sont individus de groupe comme le groupe est groupe d'individus. On ne peut dire que le groupe exerce une influence sur les individus, car cette action est contemporaine de la vie des individus et n' est pas indépendante de la vie des individus ; le groupe n'est p~s n?': plu~ réalité interindividuelle, mais complément d md1viduat10n à vaste échelle réunissant une plu­ralité d'individus.

Ce type de réalité ne peut être pensé si l'on n'accepte pas qu'il y ait une convertibilité mutuelle des struc­tures en opérations et des opérations en structures, et si l'on ne considere pas l'opération relationnelle comme ayant une valeur d'être. Le substantialisme oblige à penser le groupe comme antérieur à l'individu ou l'individu comme antérieur au groupe, ce qui engendre le psychologisme et le sociologisme, deux substantia­lismes à des niveaux différents, moléculaires ou molaires. Le choix d'une dimension intermédiaire microsociologique ou macropsychique, ne peut résou: dre le probleme, car il n'est pas fondé sur le choix d'une dimension adéquate à un phénomene particulier, intermédiaire entre le social et le psychique. I1 n'y a pas un domaine psychosociologique, qui serait celui des groupes restreints ; cet aspect privilégié de cer­tains groupes restreints provient seulement du fait que les crises successives d'individuation, les acces de structurations fonctionnelles par lesquelles ils pas· sent sont plus visibles et peuvent être plus facilement étudiés. Mais ces phénomenes sont les mêmes que dans les groupes plus vastes, et mettent en jeu les mêmes rapports dynamiques et structuraux ; seuls les ~7s de médiation entre individus sont plus complexes, ut1hsant des modes de transmission et d'action qui impliquent un délai et dispensent de la présence réelle ; mais ce développement des réseaux de commu­nication et d'autorité ne donne pas une essence à part aux phénomenes macrosociaux en tant que sociaux; -dans leur rapport à ce que l'on convient de nommer l'être individuei. Le rapport de l'individu au groupe est toujours le même en son fondement : il repose

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sur I'individuation simultanée des êtres individueis et du groupe ; il est présence.

6. Rôle de la croyance dans Yindividu de groupe.

Dans l'individu, la croyance est l'ensemble latent de références par rapport auxquelles des significations peuvent être découvertes. La croyance n'est pas l'im· manence du groupe à l'individu qui ignorerait une telle immanence et se croirait faussement un individu autonome alors qu'il ne ferait qu'exprimer !e groupe; Ia croyance est cette iridividuation collective en train d'exister; elle est présence aux autres individus du groupe, recouvrement des personnalités ; c'est sous forme de croyance que les personnalités se recou­vrent : pius exactement, ce qu'on nomme croyance collective est l'équivalent, dans Ia personnalité, de ce que serait dans l'individu une croyance ; mais cette croyance n' existe pas à titre de croyance ; i! n'y a croyance que Iorsque queique force ou obstacle oblige l'individu à définir et à structurer son appartenance au groupe, sous une forme exprimabie en termes intei­ligibles pour des individus qui ne sont pas membres du groupe. La croyance suppose un fondement de Ia croyance, qui est la personnalité faite dans l'indivi­duation du groupe ; Ia croyance se déveioppe en I'indi­vidu sous forme de véritabie croyance lorsque l'appar­tenance au groupe est mise en question ; la croyance est véritablement interindividuelle ; elle suppose un fondement qui ne soit pas seuiement interindividuel, mais véritablement groupal.

C' est pourquoi I' étude des croyances est un assez mauvais moyen de connaitre l'homme en tant que membre d'un groupe. L'homme qui croit se défend, ou veut changer de groupe, est en désaccord avec d'autres individus ou avec lui-même. On accorde à la croyance un privilege causal dans l'appartenance au groupe parce que la croyance est ce qu'il y a de plus facile à manifester, à projeter, et par conséquent à saisir dans une enquête au moyen des procédés habi· tuels de connaissance de la réalité psychosociale. Mais

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la croyance est un phénomene de dissociation ou d'altération des groupes, non une base de leur exis­tence :. ell~ a plutô~ une valeur de compensation, de cons~hdatwn, de reparation provisoire qu'une signi­ficatiOn fondamentale relativement à Ia genese du groupe et au mode d' existence des individus dans !e groupe. Peut-être pourrait-on distinguer en ce sens !e mythe, croyance collective, de I'opinion, qui serait la croyance individuelle. Mais mythes et opinions se correspondent en couples symboliques ; quand Ie groupe élabore des mythes, les individus du groupe exprimen~ des ~pinio~s corrc;spondantes ; Ies mythes son~ d~s !1e~ ge~métnques. d ?Pinions. Entre Ie mythe et I op1mon I! n y a de difference que reiativement au mode ~'irihérence : I'opinion est ce qui peut s'expri­mer reiatiVement à un cas extérieur précis ; c'est Ia norme ~·?D jugement défini et Iocalisé, portant sur une mat1ere précise ; le mythe est une réserve indé­~e de jugements possibles ; i! a valeur de para­digme, et est tourné vers l'intériorité groupaie plutôt que vers des êtres extérieurs à juger par rapport aux normes groupaies ; !e mythe représente !e groupe et Ia per~o~lité dans. ~a consistance interne, alors que les oprmons sont déJa diversifiées dans des situations définies, objectivées, séparées les unes des autres.

Mythes et opinions sont !e prolongement dynamique et structt,Ir~l de~ opérations d'individuation du groupe dans des situatwns ou cette individuation n'est plus actueile, plus P,~ssi.b~e, plus réactivable; l'opinion est e~portée par I mdlVldu, et elle se manifeste dans Ies Slt~atio~s ou I'individu n'est plus dans !e groupe, bien qu il smt du groupe et tende à agir comme étant du groupe; l'opinion permet à I'individu d'affronter Ies autres ind~vidus appartenant au groupe d'extériorité tout en mamtenant sa relation au groupe d'intériorité s?u~ J;1 forme d'un affrontement avec le groupe d'exté: nonte. Le mythe, au contraíre, serait !e Jieu commun des opinions obéissant à une systématique d'intériorité du groupe, et pour cette raison !e mythe ne peut avoir cours pa;~aite~e~t, s?us sa forme pure, que dans Ie groupe d mténonté ; li suppose une logique de parti-

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cipation et un certain nombre d' évidences de base qui font partie de l'individuation de groupe.

7. Individuation de groupe et individuation vitale.

On peut se demander quelle est la signification de Ia réalité sociale par rapport à l'individu vivant. Peut-on parler d'individus vivant en société, c' est-à­dire supposer que Ies individus seraient des individus même s'ils ne vivaient pas en société ? L'exemple des especes animales nous montre qu'il existe des cas ou Ia vie de l'individu solitaire est possible ; en d'autres cas, des périodes de vie solitaire alternent avec des périodes de vie collective. Enfio, en de nom­breux cas, Ia vie est presque toujours sociale, sauf en quelques moments tres rares (pariade, accouplement).

Faut-il dire alors que la socialité réside en I' espece et fait partie des caracteres spécifiques ? Si l'on admet cette proposition, on devra considérer un individu non intégré à un groupe social, dans une espece habituel­lement sociale, comme un individu inachevé, incom­plet, ne participant pas à ce systeme d'individuation qu'est !e groupe; si, au contraire, !e groupe est fait d'êtres qui pourraient être par eux-mêmes des indi­vidus complets, l'individu isolé n' est pas nécessaire­ment incomplet.

Or, la réponse à cette question parait contenue dans Ia morphologie et Ia physiologie des especes. Lors­qu'une spécialisation morphologique et fonctionnelle intervient et modele Ies individus au point de les rendre impropres à vivre isolés, on doit définir la socialité comme un des caracteres de l'espece; l'Abeille ou Ia Fourmi est nécessairement sociale, parce qu'elle n'existe qu'à titre d'individu tres spécialisé, ne pou­vant vivre seu!. Dans les especes ou au contraire i! n'existe pas une différenciation extrêmement nette entre Ies individus Ies rendant incomplets par eux­mêmes, Ia nécessité de la vie sociale appartient moins directement aux caracteres spécifiques : selon l'éco­logie ou d'autres conditions, la vie isolée temporaire prend naissance ou s'arrête; !e groupe peut être inter·

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mittent ; le groupe est plutôt alors un mode de conduite de l'espece par rapport au milieu ou à d'autres especes que l'expression du caractere imparfait et inachevé de l'être individue!. C'est le type d'existence général des sociétés de mammiferes.

Pour l'homme, !e probleme est plus complexe ; l'in· dépendance somatique et fonctionnelle de l'individu existe, comme chez les autres mammiferes ; la possibi· bilité d'une vie tantôt groupée et tantôt solitaire existe aussi, comme conséquence de cet achevement soma­tique et fonctionnel de l'individu. Dans ces conditions, i! peut y avoir des groupements qui correspondent à un mode de conduite par rapport au milieu ; Marx inter-, prete l'association caractéristique du travail en ce sens. Mais i! semble qu'en plus de cette individuation somato­psychique autorisant indépendance ou association au niveau des conduites spécifiques, l'être humain reste encare inachevé, incomplet, évolutif individu par indi­vidu ; auc:une conclui te spécifique n' est suffisante pour répondre à ce devenir si fort que, tout en ayant un achevement somatopsychique au moins aussi parfait que celui des animaux, l'homme ressemble à un être tres incomplet. Tout se passe comme si, au-dessus d'une premiere individuation spécifique, l'homme en cherchait une autre, et avait besoin de deux indivi­duations de suite. Reçu comme vivant dans !e monde, i! peut s' associer pour exploiter !e monde ; mais i! manque encore quelque chose, il reste un creux, un inachevement. Exploiter la Nature ne satisfait pas jus­qu'au bout; l'espece en face du monde n'est pas groupe d'intériorité ; i! faut en plus une autre relation qui fasse exister chaque homme comme personne sociale, et pour cela, i! faut cette deuxieme genese qui est l'individuation de groupe.

Apres avoir été constitué comme être achevé, I'homme entre à nouveau dans une carriere d'inache­vement ou i! recherche une deuxieme individuation ; Ia Nature, et I'homme en face d'elle, ne suffisent pas. I! reste encare des forces et des tensions qui vont plus loin que !e groupe en face de Ia nature; c'est pour­quoi l'homme se pense comme être spirituel, et avec raison quoique Ia notion d'esprit soit peut-être mythi-

190 LES FONDEMENTS DU TRANSlNDIVIDUEL

que en tant qu'elle conduit à la sub~tantialisation de l'esprit et à un dualisme somato-psychique. En plus des groupes fonctionnels qui sont comme les groupes d'animaux ou en plus de la teneur fonctionnelle des groupes, iÍ y a quelque chose d~~~rf~n~tionnel ~ Ies groupes, précisément leur. m!~nc:'r~te; cette. mté­riorité crée une deuxieme fms 1 ~dlVldu. h~~· 1<: recrée à travers son existence d etre déjà mdivi~~e biologiquement ; cette seconde b~dividuation est. 1m­dividuation de groupe ; mais elle n est nullement reduc­tible au groupe spécifique, exploitation de 1~ Nature par les hommes ~sso~iés ; ce ~rc:'upe, que 1 on P;~t nommer groupe d actiOn, est distmct du groupe d m-

tériorité. h · Rien ne prouve d'ailleurs que les groupes umruns

soient les seuls à posséder les caracteres que. naus définissons ici : il se peut que les groupes animaux comportent un certain coefficient qui correspond à ce que naus recherchons comme base de spiri~alité ~s Ies groupes humains, de maniere plus fugitive, mo~n~ stable, moins permanente. Nous ne p~enons pas ICI,

dans cette opposition des groupes humams aux groupes anbnaux, les animaux comme étant vé~tablement ce qu'ils sont, mais comme répondant, fi~tive~e~t pe.u~­être à ce qu'est pour l'homme la notiOn d animahte, c'est-à-dire la notion d'un être qui a avec ,la ~ature des relations régies par les caracteres de ! espece. !1 est alors possible de nommer groupe social ~umam un groupe qui aurait pour base et pour fonctiOn ~e réponse adaptative spécifique à.la Natu_re; ce serait !e cas d'un groupe de travail qu~ n.e ;errut qu~ groupe de travail si cela pouvait être reahse de maniere pure et stab!e.' La réalité sociale ainsi définie r:ster~~ au niveau vital ; elle ne créerait ~as la relatwn d mté­riorité de groupe, à moins que I on accepte !e schéma de conditionnement marxiste des superstructures par !'infrastructure économico-sociale. . .

Mais il s'agit précisément de savorr SI on peut traiter !es autres types de groupes et les autres conte­nus de vie de groupe comme des superstructures par rapport à cette unique infrastructure. Il Y a peut-etre d'autres infrastructures que l'exploitation de la nature

L'INDIVIDUEL ET LE SOCIAL 191

par les hommes en société, d'autres modes de rela­ti,on au ~ilieu que ceux qui passent par la relation d élaboration, par le travail. La notion même d'infra­structure peut être critiquée : le travail est-il une structure, ou bien une tension, un potentiel, une cer­taine façon de se rattacher au monde à travers une activité qui appelle une structuration sans être elle­même une structure. Si l'on admet que les condition­nemell:ts soci<_>-na~ure~s sont multiples au niveau spéci­fique, il est difficJle d en extraíre un et d'affirmer qu'il a val~ur ?e st~ctur~ ; peut-être Marx a-t-il généralisé un falt histonque reei, à savoir la dominance de ce mode de relation à la Nature qu'est le travail dans les relations humaines du XIX' siecle ; mais il est difficile ~e trouver le critere qui permet d'intégrer cette rela­tw_n ~ ~~ an~opo_logie. L'homme qui travaille est déjà mdlVldué bwlogiquement. Le travail est au niveau biologique comme exploitation de la Nature · il est réaction de l'humanité comme espece, réactio~ spéci­fique. C' est pourquoi !e travail est si bien compéné­t~a?Ie aux relation~ interindividuelles : il n'a pas sa r~sistll;'"'ce propre, il ne produit pas de seconde indi~ VIduation proprement humaine ; il est sans défense · l'!ndividu: e~ _Iui, reste individu biologique, individ~ Simple, mdividu déterminé et déjà donné. Mais au-?essus ~e c~s . r~lations biologiques, biologico­soci~es et mtenndividuelles, existe un autre niveau que 1 on pourrait nommer niveau du transindividuel : c'est celui qui correspond aux groupes d'intériorité à une véritable individuation de groupe. '

. ~a relation interindividuelle va de l'individu à l'in• diVIdu ; elle ne pénetre pas les individus · 1' action transindividuelle est ce qui fait que Ies indivfdus exis­tent ensemble comme les éléments d'un systeme c?mport:mt potentiels et métastabilité, attente et ten­SIO~, pms d~couverte d'une structure et d'une organi­satwn fonctwnnelle qui integrent et résolvent cette p~oblématique d'inunanence incorporée. Le transindi­~du~l. passe dans l'individu comme de l'individu à 1 mdiVIdu ; les personnalités individuelles se consti­tue;'lt ensemble par recouvrement et non par agglomé­ratiOn ou par organisation spécialisante comme dans

192 LES FONDBMENTS DU TRANSINDIVJDUEL

le groupement biologique de solidarité et de divis.ion du travail : la division du travail enferme les umtés biologiques que sont les individus dans l~urs fonc­tions pratiques. Le transindividuel ne locahse p~s les individus : i! les fait coincider ; i! fait commumquer Ies individus par les significations : ce sont les rela­tions d'information qui sont primordiales, non les rela­tions de solidarité, de différenciation fonctionnelle. Cette comcidence des personnalités n'est pas réduc­trice car elle n'est pas fondée sur l'amputation des diffé~ences individuelles, ni sur leur utilisation au.x fins de différenciation fonctionnelle ( ce qui enfermera1t l'individu dans ses particularités), mais sur une seconde structuration à partir de ce que la stru~tu­ration biologique faisant les individus vivants la1sse encore de non-résolu.

On pourrait dire que l'individuation biologiqu~ n'épuise pas les tensions qui !ui on~ se:':i à s~ consti­tuer : ces tensions passent dans I md1v1du ; Il pas~e dans !'individu du pré-individuei, qui est à la fo1s Inilieu et individu : c' est à partir de cela, de ce non­résolu de cette charge de réalité encore non-individuée que l'homme cherche son semblable pour faire un groupe dans leque! i! trouvera la présence par une seconde individuation. L'individuation biologique, chez !'homme, et peut-être aussi chez !'animal, ne ré~oud. pas entierement les tensions : elle laisse la problematlque encore subsistante, latente; dire que c'est la vie qui porte l'esprit n'est pas s'exprimer droitement; car la vie est une premiere individuation ; mais cette pre­miere individuation n'a pas pu épuiser et absorber toutes les forces; elle n'a pas tout résolu ; nous avons du mouvement pour aller toujours plus loin, dit Male­branche · en fait nous avons de la tension, des poten­tiels po~ devenfr autres, pour recommencer une indi­viduation qui n'est pas destructrice de la premiere.

Cette force n'est pas vitale ; elle est pré-vitale; la vie est une spécification, une premiere solution, complete en elle-même, mais laissant un résidu en dehors de son systeme. Ce n'est pas comme être vivant que l'hom~e porte avec !ui de quo~ s'individ1;1er spirit_uel~e?Ient, mrus comme être qui conbent en lm du pré-mdiVIduel et du

L'INDIVIDUEL ET LE SOCIAL 193

pré-vital. Cette réalité peut être nommée transindivi­d~elle. Elle n'est ni d'origine sociale ni d'origine indi­VI?uell~ ; elle est déposée dans l'individu, portée par lm, mais elle ne !ui appartient pas et ne fait pas partie de son systeme d'être comme individu. On ne doit pas parler des tendances de l'individu qui !e portent vers le groupe ; car ces tendances ne sont pas à propre­~ent parler des tendances de l'individu en tant qu'indi­vidu; elles sont la non-résolution des potentiels qui ont précédé la genese de l'individu. L'être précédant l'individu n'a pas été individué sans reste · i! n'a pas é~é totalement résolu en individu et milleu ; l'indi­y:td~ .a conservé avec !ui du pré-individue!, et tous les md1v1dus ensemble ont ainsi une sorte de fond non structuré à partir duque! une nouvelle individuation peu t se produire.

Le psycho-social est du transindividuel : c'est cette réalité que l'être individué transporte avec lui, cette ch~rge d'être pour des individuations futures. On ne dmt pas la nommer élan vital, car elle n'est pas exac­tement en continuité avec l'individuation vitale bien qu'elle prolonge la vie qui est une premiere indi~idua­twn. Porteur de réalité pré-individuelle, l'homme ren­contre en autrui une autre charge de cette réalité · !e surgiss~ment de structures etr de fonctions qui peut se J?rodmre à ce moment n' est pas intérindividuel, car Il apporte une nouvelle individuation qui se super­!'os~ . à l'ancienne et la déborde, rattachant plusieurs m?Ivi?us en un groupe qui prend naissance. On pour­ralt d1re en ce sens que la spiritualité est marginale p~r r~pport à l'individu plutôt que centrale, et qu' elle n mstltue pas une communication des consciences . . . ~:Us .~e s~erg1e et commune structuration des êtres. L md1v1du, ~ est pas seulement individu, mais aussi réserve d etre encore impolarisée, disponible en attente. Le transindividue] est avec I'individu m;us il n'est pas l'individu individué. I! est avec I:individu s.~lo~ une relation pl~s pr~mitive que l'appartenance, ! mherence ou la relat10n d extériorité ; c' est pourquoi Il est contact possible au-delà des limites de l'individu · pa~ler d'âme, ~·es~ ~rop in'!.ividualiser et trop particu: lanser le transmdiv1duel. L rmpression de dépassement

194 LES FONDBMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

des limites individuelles et l'impression opposée d'exté­riorité qui caractérisent le spirituel ont un sens et trouvent le fondement de leur unité de divergence dans cette réalité pré-individuelle. La divergence de la transcendance et de l'immanence de la spiritualité n' est pas une divergence dans le tr~s~~vid~el_ 1~-même, mais seulement par rapport à I mdiVIdu mdiv1dué.

S. Réalité préindividuelle et réalité spirituelle : les phases de l'être.

La notion même d'unité psycho-somatique n'est pas completement satisfaisante, et on sent cette. ins~­fisance de la théorie organismique sans pouvmr d1re en quoi elle réside. Or, il semble bien qu'elle réside dans ce débordement de réalité préindividuelle par rapport à la réalité de l'individu. L'~n~ivid~ n'.est que lui-même, mais il existe comme supeneur a lu1-même, car il véhicule avec lui une réalité plus complete, que l'individuation n'a pas épuisée, qui est neuve encore et potentielle animée par des potentiels. L'individu a conscience d~ ce fait d'être lié à une réalité qui est en sus de lui-même comme être individué ; par une réduction mythologique, on peut faire de cette réalité un a~li'-•>V, un génie, une âme ; on voit alors en :He un second individu qui double le premier, le surve1lle et peut le. contraindre, lui survivre c~mme in?ividu. On peut aussi trouver dans cette meme réahté, en accentuant l'aspect de transcendance,le témoignage de I'existence d'un individu spirituel extérieur à l'indi-vidu. 1

Ce sont différentes manieres de traduire pour a conscience et la conduite ce fait que l'individu ne se sent pas seul en lui-même, ne se sent pas limité comme individu à une réalité qui ne serait .que lui-même ; l'individu commence à participer par association au-dedans de lui-même avant toute présence mani· festée de quelque autre réalité individuée. A partir de ce sentiment premier de présence possible se déve­loppe la recherche de ce second accomplissement de l'être qui lui manifeste le transindividuel en structu­rant cette réalité portée avec l'individu en même

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temps que d'autres réalités semblables et au moyen d'elles. On ne peut parler ni d'immanence ni de transcendance de la spiritualité par rapport à l'indi­vidu, car la véritable relation est célle de !'individuei au transindividuel : le transindividuel est ce qui est à l'extérieur de l'individu comme au-dedans de lui; en fait, le transindividuel, n' étant pas structuré traverse l'i?di~du; il n'est pas en relation topologlque avec lw ; tmmanence ou transcendance ne peut se dire que par rapport à de la réalité individuée ; il y a une anté­riorité du transindividuel par rapport à !'individuei qui empêche de définir un rapport de transcendance ou d'immanence ; le transindividuel et l'individué ne sont pas de la même phase d'être : il y a coexistence de deux phases d'être, comme l'eau amorphe dans un cristal. C'est pourquoi le groupe peut apparaitre comme un milieu : la personnalité de groupe se consti­tue sur un fond de réalité préindividuelle qui comporte, apres structuration, un aspect individuei et un aspect complémentaire de cet individu. Le groupe possede ~ ~~~~e de l'~e et ~ analogue du corps de I etre mdiv1duel ; mms cette ame et ce corps du groupe sont faits de la réalité apportée avant tout dédouble­ment par les êtres individués.

La conscience collective n'est pas faite de la réunion des. conscien~s individuelles, pas plus que le corps social ne prov1ent des corps individueis. Les individus portent avec eux quelque chose qui peut devenir du collectif, mais qui n'est pas déjà individué dans l'indi­vidu. La réunion des individus chargés de réalité non­individuée, porteurs de cette réalité, est nécessaire pour que l'individuation du groupe s'accomplisse; ce~t~ réalité non-individuée ne peut être dite purement sp1ntuelle ; elle se dédouble en conscience collective et en corporéité collective, sous forme de structures et de limites qui fixent les individus. Les individus sont à la fois animés et fixés par le groupe. On ne peut créer de groupes purement spirituels sans corps sans limites, sans attaches ; le collectif c~mme l'indi: viduel, est psycho-somatique. Si les indÍviduations suc­ces~ives se font rares et s'espacent, le corps collectif et I âme collective se séparent de plus en plus, malgré

196 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

la production des mythes et ?es o~i~ons q~ l_es main­tiennent relativement couples : d ou le v1ellhssement et la décadence des groupes, qui consiste en un déta­chement de l'âme du groupe par rapport au corps du groupe : le présent social n' est plus un présent in~égré, mais erratique, insulaire, détaché, comme la consc1ence du présent qui, chez un vieillard, n'est plus ~ire~t:­ment rattachée au corps, ne s'insere plus, ma1s s ah­mente d'elle-même dans une itération indéfinie. On peut affirmer qu'il existe u11:e rel~tion _du co~lectif et du spirituel, mais cette relat10n n est ru au ruveau d: l'interindividuel, ni au niveau du social naturel, Sl

I' on entend par social naturel une réaction collectiye de l'espece humaine aux conditions naturelles de v1e, par exemple à travers !e travail.

Ce qui utilise de la réalité déjà individuée, somatique ou psychique, ne peut définir une sp!rit~alit~. C'est .a~ niveau du transindividuel que les s1gmficat10ns spln­tuelles sont découvertes, non au niveau de l'interin­dividuel ou du social. L'être individué porte avec lui un avenir possible de significations relationnelles à découvrir : c'est !e pré-individuei qui fende !e spirituel dans !e collectif. On pourrait nommer nature cette réalité pré-individuelle que l'individu porte avec !ui, en cherchant à retrouver dans le mot de nature la signification que les philosophes présocratiques y met­taient : les Physiologues ioniens y trouvaient I' origine de toutes les especes d'être, antérieure à l'individua­tion : la nature est réalité du possible, sous les especes de cet &"••çov dont Anaximandre fait sortir toute forme individuée : la Nature n'est pas !e contraire de l'Homme, mais la premiere phase de l'être, la seconde étant l'opposition de l'individu et du milieu, complé­ment de l'individu par rapport au tout. Selon l'hypo­these présentée ici, il resterait de l'h••çov dans l'indi­vidu, comme un cristal qui retient de son eau-mere, et cette charge d'h••çov permettrait d'aller vers une seconde individuation. Seulement, à la différence de tous les systemes qui saisissent le collectif comme une réunion d'individus, et pensent le groupe comme une forme dont les individus sont la matiere, cette hypothese ne ferait pas des individus la matiere du

L'INDIVIDUEL ET LE SOCIAL 197

groupe ; les individus porteurs d'&.: .. çov découvrent dans !e collectif une signification, que I' on traduit par exemple sous la forme de la notion de destinée : la charge d'&"••çov est príncipe de disparation par rapport à d'autres charges de même nature contenues en d'autres êtres.

Le collectif est une individuation qui réunit les natures qui sont portées par plusieurs individus, mais non pas contenues dans les individualités déjà consti­tuées de ces individus ; c' est pourquoi la découverte de signification du collectif est à Ia fois transcendante et immanente par rapport à l'individu antérieur ; elle est contemporaine de la personnalité nouvelle de groupe, à laquelle l'individu participe à travers les significations qu'il découvre, c'est-à-dire à travers sa nature; mais cette nature n'est pas véritablement nature de son individualité ; elle est nature associée à son être individué ; elle est rémanence de la phase primitive et originelle de l'être dans la seconde phase, et cette rémanence implique tendance vers une troi' sieme phase qui est celle du collectif ; le collectif est une individuation des natures jointes aux êtres indi­vidués. Par cet &,.,çov qu'il porte avec !ui, l'être n'est pas seulement être individué; i! est couple. d'être indi­vidué et de nature ; c' est par cette nature rémanente qu'il communique avec le monde et avec les autres êtres individués, découvrant des significations dont il ne sait si elles sont a priori ou a posteriori. La décou­verte de ces significations est a posteriori, car il faut une opération d'individuation pour qu' elles apparais­sent, et l'être individué ne peut accomplir tout seu! cette opération d'individuation ; il faut qu'il se crée ~~e p~ésen:e avec_ q~elqu'autr_e être que lui pour que 1 mdiv1duat10n, pnnc1pe et mllieu de la signification puisse apparaitre. Mais cette apparition de significatio~ suppose aussi un a priori réel, la liaison au sujet de cette charge de Nature, rémanence de l'être en sa phase originelle, pré-individuelle. L'être individué est porteur d'origine absolue. La signification est la cor­respondance des a priori dans l'individuation qui vient apres la premiere, c'est-à-dire dans l'individuation a posteriori.

CHAPITRE 11

LE COLLECTIF COMME CONDITION DE SIGNIFICATION

1. Subjectivité et signification ; caractere transindivi­duel de la signification.

L'existence du collectif est nécessaire pour qu'une infonnation soit significative. Tant que la charge de nature originelle portée par les êtres individueis ne peut se structurer et s'organiser, il n'existe pas dans 1' être de forme pour accueillir la fonne apportée par des signaux. Recevoir une infonnation, c'est en fait, pour !e sujet, opérer en lui-même une individuation qui crée !e rapport collectif avec l'être dont provient !e signal. Découvrir la signification du message pro­venant d'un être ou de plusieurs êtres, c'est fonner !e collectif avec eux, c'est s'individuer de l'individua­tion de groupe avec eux. I! n'y a pas de différence entre découvrir une signification et exister collectivement avec l'être par rapport auquel Ia signification est décou­verte, car la signification n'est pas de l'être mais entre Ies êtres, ou plutôt à travers Ies êtres : elle est trans­individuelle. Le sujet est l'ensemble fonné par l'indi­vidu individué et ra, .. , •• qu'il porte avec !ui ; !e sujet est plus qu'in:dividu ; il est individu et nature, il est à Ia f ois Ies deux phases de 1' être ; il tend à découvrir la signification de ces deux phases de l'être en Ies résolvant dans Ia signification transindividuelle du collectif; Ie transindividuel n'est pas la synthese des deux premieres phases de l'être, car cette synthese ne pourrait se faire que dans !e sujet, si elle devait être

200 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

rigoureusement synthese. Mais il en est pourtant la signification, car la disparation qui existe entre les deux phases de l'être contenues dans le sujet est enveloppée de signification par la constitution du transindividuel.

Pour cette raison, il est absolument insuffisant de dire que c'est !e langage qui permet à l'homme d'ac­céder aux significations ; s'il n'y avait pas de signi­fications pour soutenir le langage, il n'y aurait pas le langage ; ce n' est pas !e langage qui crée la signifi­cation ; iJ est seulement ce qui véhicule entre les sujets une information qui, pour devenir significative, a besoin de rencontrer cet ~.tstpov associé à J'individualité définie dans le sujet; le langage est instrument d'expression, véhicule d'information, mais non créa­teur de significations. La signification est un rapport d'êtres, non une pure expression; la signification est relationnelle, collective, transindividuelle, et ne peut être fournie par la rencontre de l'expression et du sujet. On peut dire ce qu' est l'information à partir de la signification, mais non la signification à partir de l'information.

Il existe des structures et des dynamismes psycho­somatiques innés qui constituent une médiation entre le naturel (phase pré-individuelle) et l'individué. Telle est la sexualité ; en un sens, on pourrait dire que le fait, pour l'individu, d'être sexué, fait partie de J'individuation ; et en fait la sexualité ne pourrait exister si la distinction psychosomatique des individus n'existait pas ; pourtant, la sexualité n'appartient pas à J'individu, n' est pas sa propriété, et nécessite le couple pour avoir une signification. Elle est encore du pré-individue! rattaché à l'individu, spécifié et dicho­tomisé pour pouvoir être véhiculée de maniere impli­cite, somato-psychique, par l'individu. La dichotomie du pré-individuei permet une intégration plus grande de cette charge pré-individuelle à I'individu ; la sexua­lité est plus immanente à J'individu que !e pré-indivi­due! qui reste véritablement un ~.wpov ; la sexualité modele le corps et l'âme de l'être individué, crée une asymétrie entre les êtres individués en tant qu'indi­vidus. La sexualité est à égale distance entre 1'~'"'1ov de

CONDITION DE SIGNIFICATION 201

la nature préindividuelle et l'individualité limitée, déterminée ; elle réalise l'inhérence à l'individualité limitée, individuée, d'une relation à l'illimité ; c' est pourquoi elle peut être parcourue dans les deux sens, vers l'individualité et vers la nature ; elle fait commu­niquer individualité et nature. Il n' est pas vrai qu' elle soit seulement une fonction de l'individu ; car elle est une fonction qui fait sortir l'individu de lui-même. Elle n'est pas non plus fonction spécifique mise par l'espece dans l'individu comme un príncipe étranger : l'individu est sexué, il n'est pas seulement affecté d'un índice sexuel ; l'individuation est ainsi bimodale en tant qu'individuation; et précisément elle n'est pas une individuation completement achevée comme individua­tíon puisqu' elle reste concretement bimodale : il y a un arrêt dans la voie de I'individuation qui permet de conserver dans cette bimodalité l'inhérence d'une charge d'"'"'pov ; cette traduction de l'illimité dans la limite préserve l'être de l'aséité et !e prive corréla­tivement de l'individuation complete. On peut compren­dre ainsi pourquoi cette bimodalité individuelle a pu être considérée comme príncipe d'ascension dialec­tique; pourtant, !e mythe de l'androgyne reste bien un mythe, car l'androgyne est bisexuel plutôt qu'indi­vidu complet : on peut se demander si l'individu rigoureusement unimodal peut exister à titre séparé ; dans les especes ou la sexualité n' existe pas ou n' est qu' épisodique pour l'individu, il existe souvent des formes grégaires d'existence qui marquent un arrêt dans l'individuation. Dans les especes supérieures, l'adhérence de la sexualité à l'être individue] crée l'inhérence d'une limite d'individuation à l'intérieur de l'individu. La sexualité peut être considérée comme une immanence psychosomatique de la nature pré­individuelle à l'être individué. La sexualité est un mixte de nature et d'individuation ; elle est une indi­viduation en suspens, arrêtée dans la détermination asymétrique du collectif élémentaire, de la dualité unifiée du couple.

Pour cette raison, la sexualité peut être introduc­tion au collectif, ou retraite à partir du collectif, inspi­ration et incitation vers le collectif, mais elle n'est

202 LES FONDI!MENTS DU TRANSINDIVIDUBL

pas le eollectif, et elle n'est pas non plus spiritualité, mais incitation à la spiritualité; mettant l'être en mouvement, elle fait comprendre au sujet qu'il n'est pas individu fermé, qu'il ne possede pas d'aséité; elle est, mais elle reste 1'«o.!;4 et ne peut se détacher de l'être individué, puisqu'elle est déposée dans sa modalité d'individuation. On ne peut, comme le fait Freud, identifier à la sexualité le príncipe même des tendances dans l'être individué ; on ne peut non plus partager l'être entre deux príncipes, celui du plai~ir et celui des instincts de mort, comme tenta de !e farre Freud Iorsqu'il reprit sa doctrine et la modifia apres Ia guerre de 1914-1918. Freud a senti qu'il Y .a à ~a fois unité de l'être individué et dualité en Iw. Mrus l'être ne peut être interprété ni selon l'unité ni selon Ia pluralité pure. La difficulté de toute la doctrine de Freud, vient de ce que le sujet est identifié à l'individu, et de ce que la sexualité est mise dans l'individu comme quelque chose que l'individu contient et renferme ; or, Ia sexualité est une modalité de l'individuation pre­miere plutôt qu'un contenu de l'individu actuel ; elle s'organise ou ne s'organise pas en son développement ontogénétique avec ce que nous avons nommé Nature dans le sujet, si bien qu'elle s'individualise ou au contraíre se rattache au monde et au groupe. La patho­génese devrait être rattachée à un conflit entre la modalité de l'individuation, sous forme de sexualité, et Ia charge de réalité préindividuelle qui est dans le sujet sans être enfermée dans l'individu. Mais il est bien certain que I' accomplissement des désirs, la satisfaction des tendances, le relâchement de toutes Ies tensions de l'être sexué ne mettent pas I'individu d'accord avec lui-même, et ne font pas cesser le conflit pathogene, à l'intérieur du sujet, entre la modalité d'individuation et la nature. Ni 1' étude de I'individu seu! ni I' étude de l'intégration sociale seule ne peuvent rendre compte de la pathogénese. Ce n'est pas seule­ment l'individu, c' est le sujet qui est malade, car il y a en !ui conflit entre individu et nature. .

La seule voie de résolution est la découverte par le sujet des significations grâce auxquelles le collectif et !'individuei peuvent être en accord et se développer

CONDITION DE SIGNIFICATION 203

de maniàre synergique. Goldstein fait remarquer avec raison que l'état normal des tendances n'est pas la résolution, !e calme plat, mais une certaine tension moyenne qui les applique au monde et les attache à leúr objet; ce n'est ni dans l'individu pur en face de lui-même et de sa réalité donnée, ni dans l'insertion au social empirique que le sujet peut trouver son accomplissement et son équilibre. Freud et Karen Homey ont généralisé deux cas-limites. La pathologie mentale est au niveau du transindividuel ; elle apparait lorsque la découverte du transindividuel est manquée, c'est-à-dire lorsque la charge de nature qui est dans !e sujet avec l'individu ne peut rencontrer d'autres charges de nature en d'autres sujets avec lesquels elle poutrait former un monde transindividuel de significations ; la relation pathologique à autrui est celle qui manque de significations, qui se dissout dans la neutralité des choses et laisse la vie sans polarité ; l'individu se sent alors devenir une réalité insulaire ; abusivement écrasé ou faussement triomphant et domi­nateur, !e sujet cherche à rattacher l'être individuei à un monde qui perd sa signification ; la relation transindividuelle de signification est remplacée par l'impuissante relation du sujet à des objets neutres, dont certains sont ses semblables. Szondi, avec la Schicksalsanalyse, a bien troúvé cet aspect de nature qu'il y a dans !e sujet ; mais cet aspect doit se trouver aussi dans les cas ou i! n'apparait pas de forces patho­géniques définies ; c' est encare quelque réalité pré­individuelle qui a guidé !e sujet dans ses choix positifs : le choix en effet n' est pas seulement !e fait de ce qui dans !e sujet est entierement individué ; le choix sup­pose individuation d'une partie de Ia nature non­individuée, car le choix est découverte d'une relation d'être par laquelle !e sujet se constitue dans une unité collective; !e choix n'est pas disposition d'un objet neutre par un sujet dominant, mais individuation qui intervient dans un ensemble tendu, pré-individue!, formé de deux ou plusieurs sujets ; !e choix est décou­verte et institution du collectif ; il a valeur auto­constitutive ; i! faut plusieurs masses de nature pré­individuelle pour que !e choix s'accomplisse ; le choix

204 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVJDUEL

n'est pas acte du sujet seulement; il est structuration dans le sujet avec d'autres sujets ; !e sujet e~t milieu du choix en même temps qu'agent de ce chorx. Onto­logiquement, tout vrai choix est réciproque et sup~ose une opération d'individuation plus profond~ q~ une communication des consciences ou une relat10n mter­subjective. Le choix est opération collective, fondation de groupe, activité transindividuelle.

C'est donc !e sujet, plus que l'individu, qui est impliqué dans !e choix ; !e choix se fait au niveau des sujets, et entraine les individus constitués ·dans le collectif. Le choix est ainsi av1mement d'être. Il n'est pas simple relation. I1 cmiviendrait alor~ d~ :echercher s'il n'existe pas des modes du pré-mdrvrduel, des aspects différents de la nature que comportent les sujets. L'~'"'9ov est peut-être indéterminé seulement par rapport à l'être individué : il y a peut-être d~verses modalités de l'indéterminé, ce qui expliquerart que !e collectif ne peut pas naitre dans n'importe que! cas et de n'importe quelle tension avec autant de chances de stabilité dans tous les cas. On pourrait peut-être définir ainsi des classes d'a priori dans les signifi­cations possibles, des catégories de potentiels, des bases pré-relationnelles stables. Pour effectuer une pareille étude, les concepts manquent.

2. Sujet et individu.

Il semble ressortir de cette étude, partielle et hypo­thétique, que le nom d'individu est abusiv~ment donné à une réalité plus complexe, celle du su]et complet, qui comporte en !ui, en plus de la réalité individuée, un aspect inindividué, pré-individuei, ou encore natu­rel. Cette charge de réalité individuée receie un pou­voir d'individuation qui, dans le sujet · seu!, ne peut aboutir, par pauvreté d'être, par isolement, par man­que de systématique d'ensem~le .. Rassembl~. avec d' autres, le sujet peut être correlativement theatre et agent d'une seconde individuation qui ~ait na~tre le col!ectif transindividuel et rattache le sujet à d autres sujets. Le collectif n'est pas nature, mais il suppose

CONDITION DE SIGNIFICATION 205

l'existence préalable d'une nature attachée aux sujets entre lesquels la collectivité s'institue en les recouvrant. Ce n'est pas véritablement en tant qu'individus que les êtres sont rattachés les uns aux autres dans le co!lectif, mais en tant que sujets, c'est-à-dire en tant qu'êtres qui contiennent du pré-individue!.

Cette doctrine viseralt à considérer l'individuation comme une phase de l'être. Cette phase, par ailleurs, peut ne pas épuiser les possibilités de l'être pré-indi­viduei, si bien qu'une premiere individuation donne nalssance à des êtres qui emportent encere avec eux des virtualités, des potentiels ; trop faibles en chaque être, ces potentiels, réunis, peuvent opérer une seconde individuation qui est !e co!lectif, rattachant les uns aux autres les êtres individués par le pré-individue! qu'ils conservent et comportent. L'être particulier est ainsi plus qu'individu ; il est une premiere fois individu à !ui tout seul, comme résultat d'une premiere indivi­duation ; i! est une seconde fois membre du collectif ce qui le fait participer à une seconde individuation: Le co!lectif n' est pas un milieu pour l'individu, mais un ensemble de participations dans leque] il entre par c~tte .seconde individuation qu'est !e choix, et qui s expnme seus forme de réalité transindividuelle. L'être sujet peut se concevoir comme systeme plus ou moins parfaltement cohérent des trois phases succes­sives de l'être : pré-individuelle, individuée, transindi­viduelle, correspondant partie!lement mais non comple­tement à ce que désignent les concepts de nature, individu, spiritualité. Le sujet n' est pas une phase de I'être opposée à celle de l'objet, mais l'unité condensée et systématisée des trais phases de l'être.

3. L'empirique et le transcendantal. Ontologie précri­tique et ontogénese. Le collectif comme signification surmontant une dispara.tion.

Cette maniere d'envisager !e sujet permet d'éviter Ia difficile distinction du transcendantal et de I' empi­rique. Elle permet aussi de ne pas fermer sur elle­même l'anthropologie comme point de départ absolu

206 LES FONDEAffiNTS DU TRANSINDIVIDUBL

de la connaissance de 1 'homme à partir d'une essence. L'individu n'est pas tout en l'homme, car l'individu est !e résultat d'une individuation préalable ; une connaissance préindividuelle de r être est ~~ce~s~re. On ne doit pas considérer l'être en tant qu mdivtdué comme donné absolument. Il faut intégrer au domaine de l'examen philosophique l'ontogénese, au lieu. de consídérer l'être individué comme absolument pre!Iller. Cette intégration permettrait de dépasser certain~ pos­tulats ontologíques de la critique, postulats qw sont essentiellement relatifs à l'individuatíon ; elle permet­trait aussí de refuser une classification des être~ en genres qui ne correspond pas à leur genese, !IlalS à une connaissance prise apres la genese, et dont nous avons affirmé qu' elle était le fondement de toute scolastique. I! s'agit donc d'assíst:r à la. ge?"~se des êtres indivídués à partir d'une réahté pré-mdivtduelle, contenant des potentiels qui se résolvent et se fixent en systeme d'indivíduation.

Pour essayer d'aboutir à cette institution d'une onto­logíe précritique qui est une ontog~~ese, nous av<;>ns voulu créer la notion de phases de 1 etre. Cette notion nous a paru pouvoir être établie à partir: de celle d'in· formation, destinée à remplacer la not10n de forme telle qu'elle est impliquée dans !e schéma hylémor­phique insuffisant; l'information n'est pas un sys­teme de forme et de matíere, mais un systeme de forme et de forme, supposant paríté et h:omogénéité des deux termes, avec, en plus, un certam décalage fondant signification et réalité _collective ~ co~me. la disparation vísuelle ). La collectif est la stgtUfication obtenue par superposítion en un systeme unique d'êtres qui un par un sont disparates : c'est une ren­contre de formes dynamiques édifiée en systeme, une signification réalisée, consommée, qui exig~ passage à un niveau supéríeur, avlmement du collectlf comme systeme uni fi é d' êtres réciproques ; la personnalit_é c?!· !ective de l'individu est ce qui peut prendre stgmfi­cation par rapport à d'autres personn~lités collecti~es suscitées au même moment par un JeU de causahté réciproque. La réciprocíté, la résonance interne est la condition d'avenement du collectif. Le collectif est ce

CONDITION DE SIGNIFICATION 2CY7

qui résulte d'une indivíduation secondaire par rapport à l'individuatíon vítale, reprenant ce que la premíere indivíduation avait laissé de nature brute inemployée dans !e vivant. Cette seconde individuation ne recouvre p~s totalement la premíere ; malgré le collectif, l'indi­vtdu meurt en tant qu'individu, et la participation au collectif ne peut le sauver de cette mort, conséquence de la premíere individuation. La seconde individuation, celle du collectif et du spirituel, donne naissance à des significations transindivíduelles qui ne meurent pas avec les individus à travers lesquels elles se sont consti­tuées ; ce qu'il y a dans l'être sujet de nature préindi­viduelle peut survívre sous forme de significations à l'individu qui a été vivant ; « non omnis moriar • est vrai en un certain sens, mais il faudrait pouvoir affec­ter ce jugement d'un indice lui ôtant la personnalité en premiere personne; car ce n'est plus l'individu, et c'est à peine le sujet qui se survit à lui-même; .c'est la charge de nature associée au sujet qui, devenue signification intégrée · dans le collectif, survit au . hic et nunc de l'indivídu contenu dans l'être sujet. La seule chance pour l'indivídu, ou plutôt pour le sujet, de se survívre en quelque façon est de devenir sígni­fication, de faire que .quelque chose de lui devíenne signification. Encare y a-t-il !à une perspective bíen peu satisfaisante pour !e sujet, car la tâche de décou­verte des significatíons et du collectif est soumise au hasard. Ce n'est guere pourtant que comme ínforma­tion que l'être sujet peut se survivre, dans le collectif généralísé ; participant à l'índividuation collective le sujet infuse quelque chose de lui-même (qui n'est pas l'indivídualíté) à une réalíté plus stable que !ui. C'est par la nature associée qu'existe le contact avec l'être. Ce contact est information.

4; La zone opérationnelle centrale du transindividuel • théorie de I' émotion. '

Le sens de cette étude est le suivant : i! faut aban­donner le schéma hylémorphique pour penser l'indiví­duation ; la · vérítable individuation ne se ramene pas

208 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUBL

à une prise de forme. L'opération d'individuation est un phénomene beaucoup plus général et beaucoup plus vaste que la simple prise de forme. On peut penser la prise de forme à partir de l'individuation, mais non l'individuation à partir du paradigme de la prise de forme. Le schéma hylémorphique comporte et accepte une zone obscure, qui est précisément la zone opéra· tionnelle centrale. Il est l'exemple et le modele de tous les processus logiques par lesquels on attribue un rôle fondamental aux cas-limites, aux termes extrêmes d'une réalité organisée en série, comme si la série pouvait être engendrée à partir de ses bornes. Selon la méthode proposée pour remplacer le schéma hylémorphique, l'être doit être saisi dans son ensem­ble, et le milieu d'un réel ordonné est aussi substantiel que ses termes extrêmes. La zone obscure transportée avec le schéma hylémorphique projette son ombre sur toute réalité connue à travers ce schéma. Le schéma hylémorphique remplace abusivement la connaissance de la genese d'un réel; il empêche la connaissance de l' ontogénese.

En psychologie, c'est la zone médiane de l'être qui est rejetée dans l'irrationnel et l'inconnaissable qu' on ne peut qu' éprouver et non connaitre : la relation psychosomatique pose des problemes insolubles. Or, il faudrait peut-être se demander si la notion de rela­tion psycho-physiologique n'est pas illusoire, tradui­sant seulement le fait que l'on a voulu considérer l'être comme le résultat d'une prise de forme, et le saisir à travers le schéma hylémorphique apres qu'il a été constitué. L'impossibilité d'aboutir à une relation claire de l'âme et du corps ne traduit que la résistance de l'être à l'imposition du schéma hylémorphique; les termes substantialisés d'âme et de corps peuvent n'être que des artefacts provenant de cet effort pour connai­tre l'être à travers ce schéma, ce qui nécessite d'abord une préalable réduction de tout le spectre de réalité constituant l'être à ses termes extrêmes, considérés comme matiere et forme. L'étude des groupes mani­feste de la même façon 1' existence d'une zone obscure ; le corps des groupes est connu par la morphologie sociale ; 1es représentations groupales sont l' objet de

CONDITION DE SIGNIFICATION 209

l'interpsychologie et de la microsocio1ogie. Mais entre ces deux termes extrêmes s' étend la zone relationnelle ob.s~e, celle ~~ collec!if réel, dont 1' ontogénese parait reJetee dans 1 mconnaissable. Prendre la réalité des gro~pes. co~e un f~t, s~lon.l'attitude d'objectivité socmlogH~ue, c es~ vemr apres l'mdividuation qui fonde lo; collectif. Partir des postulats interpsychologiques c :st s: placer. avant l'individuation du groupe, et vou~ !m~ ~aire sortir ce groupe de dynamismes psychiques mte~~eu:s. aux individus, tendances ou besoins sociaux de 1 ~n~vid~. Or,,. le .c~llectif véritable, contemporain de I operat1<~n d mdividuation, ne peut être connu comme relatlon entre les termes extrêmes du social P~r ~t du psychique pur. Il est l'être même qui se d~J?lo~e en spectre allant de l' extériorité sociale à l'in­tenonté psyc!llque. L: social et le psychique ne sont que de~ 7as-hm1tes ; ils ne sont pas les fondements de la realité, les termes vrais de la relation. II n'existe de termes extrêmes que pour le regard de la connais­sance, parce que la connaissance a besoin d'appliquer un scheme hylémorphique, couple de notions claires enserrant une relation obscure. .

Con_tre le .schéma,. hylémorphique peut se dresser la representation de 1 mdividuation saisissant l'être en son 7entre ?'activité. Mais pour qu~ la notion d'indivi­duatmn PUisse être entierement dégagée du schéma hylémorp~que, i! faut mettre en ceuvre un procédé de pensée qui ne falt pas appel à la classification et qui se pa~se des définitions d'essence par inclu;ion ou exclusmn de caracteres. Car la classification, permet­tant .u~e connaissance des êtres par genre commun et ~fferen~es sp~ifiques, suppose l'utilisation du schema h~le~orp~que; c'est la forme qui donne au gern;7 sa sigmficatmn par rapport aux especes qui sont matiere: ~a pensée qu~ l'on peut nommer transductive ne consid:re pas que 1 unité d'un être est conférée par la. fo;me informant une matiere, mais par rui régime defini ~e l'opération ~'individuation qui fonde l'être '!e ~~mere ~.bsolue. C est la cohésion de l'être qui fait 1 umte de. 1 etre, non point le rapport d'une fo à ~e matiere.~ l'unité de l'être est un régime d'acti'::~ qm traverse 1 etre, allant de partie à partie, convertis-

210 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

. t fonction en structure. sant structure ~n fonct10n ;elation est la résonance L'être est ~~lat10n, car ~rt à lui-même, la façon doD;t interne de 1 etre par ~app à l'intérieur de llll­il se conditionne réclproquement rtissant en unité. même, se dédoublant :/ ~~~~od:e l'être qu'à partir On ne peut compren e, , b 1 L'être est un de l'individuation, ·bonltogdenles~mae·msoe u:~ccordant à sai

'il tsymoe em· • .• parce qu es . 1 'on ne peut jamaiS etre et se réverbérant en ~01• La r: :s termes préexistants, conçue comme r~lation, ~ntr e d'échange d'informa· mais comme ré~e reclpr~q~eme qui s'individue. La

:cl~:~:::~a~~;~:~=n{, bia::i~~==~~ k~~!: logiquem~nt: ~olle':ti1vemlenJ ~o:prime l'individuation, de 1' être mdiVldué , a re a 0

et est au centre d~ l'~tred'être à être soit possible, il Pour que la re at~on ant les êtres entre

faut une individuat10n envelopp 'il existe lesquels la rela~o~ _exi~te : ce~~~f:0~h~~e d'indé­dans _les ê~res m~~1tesr:a:~é préindividuelle qu} a termmé, c est-à·df, , f d'individuation sans etre passé à trave:s . ~pe~a 10n eut nommer nature cette effective~~nt mdi~d~~e·i?nn~ faut pas la concev_oir charge d mdéte:r;mm .' , ui serait une notion comme pure Vlrtuahte (ce q. du schéma

1 d une certaiile mesure abstraite re evant li;DS , 'table réalité chargée hylémorp~que), m~s co~:i~:ts comme potentiels, de potenuels actue ~men. e d'un systeme métastable. c'est-à-~e coiD:me !~~r':{~it être remplacée par celle La not10n de Vlrtua 1t , Le collectif peut pren· de métastabilité d'~ s~sti:~arge de réalité préindi· dre naissance à partir e individués et non par viduelle contenue dans ~s :~~ere préalabÍement exis· rencontr~, d~ frf:~v:'Jua~ion du collectif qui est lla tantes. es • . divl·due's. ce n'est pas a

1 · tre les etres m • re at10n en • . dividués et s'appuyant sur relation p~rtan~ des ~tres In. our terme qui fonde leur indiVldualité ~eme pnse ~ . s individuation la relation et,;onstltue le ê~~ep~~\Íes~clation. Les liens il n'y a pas d etre et sans • d ,. à. m' dividués · tre des .etres eJ qui peuvent exister en 1 . dividualités prises et qui s'établiraient entre eurs m

CONDITION DE SIGNIFICATION 211

à partir d'une individuation du collectif ne seraient qu'une relation interindividuelle, comme la relation interpsychologique. Le collectif possede sa propre ontogénese, son opération d'individuation propre uti· lisant les potentiels portés par la réalité préindivi· duelle contenue dans les êtres déjà individués. Le collectif se manifeste par la résonance interne à l'in· térieur du collectif; il est réel en tant qu'opération relationnelle stable ; il existe ~uaiXÕ>;, et non pas À•r•xÕ>;. La naissance d'une relation intersubjective est conditionnée par l'existence de cette charge de nature dans les sujets, rémanence d'une préindividualité dans les êtres individués.

Des manifestations comme l'émotion dans l'être indi­viduei paraissent impossibles à expliquer d'apres !e seu! contenu et la seule structure de l'être individué. Certes, i! est possible de faire appel à un certain condi· tionnement phylogénétique retentissant sur l'ontogé­nese, et de montrer dans l'émotion des caracteres d'adaptation à des situations critiques. En fait, ces aspects d'adaptation, relevés par Darwin, existent bien, mais n'épuisent pas toute la réalité de l'émotion. L'être, par l'émotion, se désadapte autant qu'il s'adapte, si l'on ramene l'adaptation aux conduites assurant la sécurité de l'individu en tant qu'individu. Si, en fait, l'émotion pose à la psychologie des problemes si dif­ficiles à résoudre, c'est parce qu'elle ne peut être expli­quée en fonction de l'être considéré comme totalement individué. Elle manifeste dans l'être individué la réma­nence du préindividuel ; elle est ce potentiel réel qui, au sein de l'indéterminé naturel, suscite dans !e sujet la relation au sein du collectif qui s'institue ; il y a collectif dans la mesure ou une émotion se structure ; l'émotion, dans la situation de solitude, est comme un être incomplet qui ne pourra se systématiser que selon un collectif allant s'individuer ; 1' émotion est du préindividuel manifesté au sein du sujet, et pouvant être interprété comme intériorité ou extériorité; l'émo­tion renvoie à l'extériorité et à l'intériorité, parce que l'émotion n'est pas de l'individué; elle est l'échange, au sein du sujet, entre la charge de nature et les structures stables de 1' être individué ; échange entre

212 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

Je préindividuel et J'individué, elle préfigure la décou· verte du collectif. Elle est une mise en question ~e J'être en tant qu'individuel, parce qu'ell~ est pouvmr de susciter une individuation du collect1f qm recou-vrira et attachera l'être individué. ,. . .

L'émotion est incompréhensible selon l md1v1du parce qu' elle ne peut trouve~ sa. r~cine dans les s.~ru~­tures ou les fonctions de I indiv1du en t~t qu ~di­vidu ; son adaptation à certains actes ou a ~~rtat~es conduites n'est que latérale; il semb~e q~e I emotion crée une désadaptation pour pouvmr reparer cett~ désadaptation au moyen d'~n certai~ ,nomb;e de m~­festations atmexes. En falt, !e cntere d adaptatwn· désadaptation est insuffisant pour rendre compte de J'émotion parce qu'il la prend apres coup, dans .ses conséquences, ou de manU,re marginale,. dans .~es :~ac· tions d'adaptation de J'individu à l'émotwn ; l md1v1du communique avec l'émotion et s'adapte par rappo~ à elle, non pour Jutter contre elle, c,omm~ on ~e dlt en général, mais afin d' exister avec l émotwn ; Il Y a corrélation de J'individu et de la charge de na~~e préindividuelle dans I' émotion ; mais on ne ~eut salSlr que des conduites qui n'on~ pas ~';'- ell~s-memes leur propre explication si on falt de l emotwn ~~e é~d~ qui veut la contenir dans Jes structures de I etre mdi· vidué · a!ors il faut avoir recours à un ensemble compl~xe de suppositions réductrices, comme, ~elle. de Ja mauvaise foi chez Sartre, pour ramener I emot1on à un phénomime de J'individu. On ne peut non p!us interpréter de façon correcte l' émotion en essayant de la considérer comme sociale, si !e social est conçu comme substantiel et antérieur à la naissance de I' émo· tion, capable de provoquer ~'émotio?- dan.s l'incJf~idu par une action invasive qui v1~nt de I ~~té:u:ur. L.emo· tion n' est pas action du soem.~ s~r. I mdiv1d~el ~ ell~ n' est pas non plus élan de 1 md1v1du constltlle qm constituerait la relation à partir d'un seul ter;ne .; 1' émotion est potentiel qui se découvre comme s1gm· fication en se structurant dans J'individuation ~u col­lectif ; elle est incomplete et inachevée tant qu.elle ne s'accomplit pas dans J'individuation du c?Jlectlf ; elle n'existe pas véritablement comme émotwn hors du

CONDITION DE SIGNIFICATION 213

collectif mais est comme un conflit entre la réalité pr~individuelle et la , réalité individuée dans le sujet, qm est la latence de I émotion, et est parfois confondue a~e~ I' émotion e~le-~ême ; cet~e émotion n' est pas en reahté dé~orgamsatwn d~ SUJet, mais amorce d'une structuratwn nouvelle qm ne pourra se stabiliser que dans la découverte du collectif. L'instant essentiel de ~· émotion est l'individuation du collectif ; apres cet ~stan~ ou ~':ant cet instant, on ne peut découvrir 1 emotmn ventable et complete. La latence émotive inadéquation du sujet à lui-même, incompatibilité d~ sa charge de nature et de sa réalité individuée indique au su~et q~!l est. plus qu'être individué, et q~il receie en lm de 1 energ1e pour une individuation ultérieure · mais ~;tte indiv~duation ultérieure ne peut se fair; dans. 1 etre du ~UJet ; elle ne peut se faire qu'à travers cet etre du SUJet et à travers d'autres êtres comme coll.ec~i~ ~ran~i':dividu~l. L: émotion n' est d~nc pas socmhte 1mphc1te ou mdiv1dualité déréglée · elle est c~ qui, dans ~'êt~e _indi':idué receie la particip~tion pos­Sib.le a des md1v1duatwns ultérieures incorporant ce qui re~te dans !e sujet de réalité préindividuelle.

I! n est pas surprenant que I' émotion se situe dans la zone obscure de }a relation psychosomatique ; elle ne peut n~lement .etre pensée au moyen du schéma hylémorph1que. Na1ssant du préindividuel I' émotion parait pouvoir être saisie avant l'individ~ation sous f~r~e. d'un. trouble invasif dans J'individu, et apres I md1~1duatmn, sous fonne d'une signification définie f~n~twnne!lement au niveau du collectif ; mais ni !'in· ~lVlduel. m 1~ s?c~al p~r ne peuvent expliquer l'émo­twn,. qm est md1v1duatwn des réalités préindividuelles at;. mv~au du collectif institué par cette individuation. L emotmn ne peut être saisie par les tennes extrêmes de son développement qu' elle réunit par sa cohésion propre, à savoir !'individue! pur et !e social pur car ces tennes ne sont des tennes extrêmes de nddivi­duation émotive que parce que !' émotion les localise et le.s définit comme tennes extrêmes d'une activité rela~I~nnelle. q~'e.lle institue. C'est par rapport à la réahte trans!ndiVIduel!e que le social pur et !'indivi­due! pur ex1stent, comme tennes extrêmes de toute

214 LES FONDBMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

. di . d 1 . ce n' est pas l'un par rap-1' étendue du transm 1 :o:! ~e iduel et le social existent port à l'autre que ·ili .; ues Le transindividuel n'a à titre de termes anti e. q · .1 hi ue que parce été oublié dans la réflenon bhi :~p duq schéma hylé­qu'il correspond à la zone o se morphique.

CONCLUSION

L'entrée dans le collectif doit être conçue comme une individuation supplémentaire, faisant appel à une charge de nature préindividuelle qui est portée par les êtres vivants. Rien ne permet en effet d'affirmer que toute la réalité des êtres vivants est incorporée à leur individualité constituée ; on peut considérer l'être comme un ensemble formé de réalité individuée et de réalité préindividuelle : c'est Ia réalité préindi­viduelle qui peut être considérée comme réalité fondant la transindividualité. Une telle réalité n'est nullement une forme en laquelle l'individu serait comme une matif~re, mais une réalité prolongeant I'individu de part et d'autre, comme un monde en leque! i! est inséré en étant au même niveau que tous les autres êtres qui composent ce monde. L'entrée dans le collectif est une individuation sous forme de col­lectif de I' être qui comportait une réalité préindivi­duelle en même temps qu'une réalité individuelle. Ceci suppose donc que I'individuation des êtres n' épuise pas completement les potentiels d'individua­tion, et qu'il n'y ait pas qu'un seu! état possible d'ache­vement des êtres. Une telle conception repose donc sur un postulat discontinuiste : l'individuation ne s'effectue pas de maniere continue, ce qui aurait pour résultat de faire qu'une individuation ne pourrait être que totale ou nulle, puisque ce mode d'apparition de I'être en tant qu'unité ne peut opérer par fractions d'unité (alors qu'à une pluralité s'agrege une pluralité).

216 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

Habituellement le discontinu est conçu comme un dis­continu spatiaÍ ou énergétique, apparaissant seule· ment dans les échanges ou dans les mouvements, pour les particules élémentaires de la physique et de la chimie. lei, l'idée du discontinu devient celle d'un discontinu de phases, jointe à l'hypothese de la. compa· tibilité des phases successives de l'être : un etre un, considéré comme individué, peut en fait exister selon plusieurs phases présentes ensemble, et il peut ch~n; ger de phase d'être en lui-même; i~ ':f a une pl~rahte dans l'être qui n'est pas la plurali~e des pa,rti~s,, ce qui place la pluralité au-desso.us du ruve.au de 1 ':mte de l'être mais une pluralité qUl est au ruveau meme de cette 'umté, la pluralité étant la pluralité de l'être par rapport à lui-même, dans la relation d'une phase de l'être à une autre phase de l'être. L'être en tant qu'être est donné tout entier en chacune de ses phases ; on pourrait dire que l'être a plusieurs formes et par conséquent plusieurs entéléchies, non une seu~e co~e le suppose la doctrine tirée d'une abstractwn. bwlo­gique. La relation de l'être à ses propres partles, ou la considération du devenir de l'être en tant que ce devenir I' altere, ne peut donner la clef du rapport e~tre l'unité et la pluralité de l'être, non plus qu entre l etre individué et les autres êtres. L' être, individué ou non, a une dimensionnalité spatio-temporelle, car, en un instant et en un lieu, il receie plusieurs phases de

l'être. L'être n'est pas seulement ce qu'il ;st e~ tant, q~e

manifesté, car cette manifestation n est l ent~lech1e que d'une seule phase ; pendant que cette phase s ac~ua­lise, d'autres phases latentes et réelles, actuelles ~eme en tant que potentiel énergétiquement présent, eXIstent, et .l'être consiste en elles autant que dans sa phase par laquelle il atteint l'en~él~chie. L'erreur du ~ch~me hylémorphique consiste prmc1palement ::_n ce ~u ~1 ~a~­torise qu'une seule entéléchie pour 1 etre mdiv~due, alors que l'être doit être conçu c_omme ayan.t p~us1eurs phases ; l'être peut avoir plus1eu;s e~télechies • suc­cessives qui ne sont pas des enteléch1es des memes phases et ne sont pas,. pa7 ~onséquent, des it!rations. Le relation de l'être mdiv1dué aux autres etres est

CONCLUSION 217

i?-conc_ev~b~e dans une doctrine qui substantialise 1 être mdiv1dué parce qu' elle considere l'individuation c~mme une apparition d'être absolue, une création, ou b1en comme une formation continue à partir d'élé­ments ne, con~en~t pas en eux que1que chose qui annonce 1 être mdiv1dué et 1e prépare énergétiquement. Le monisi?e de l'individuation doit être remplacé par ~n p1';ll"a1Isme de l'individuation, l'être recevant, au ~eu d une se~1e forme donnée d'avance, des informa­twns success1ves qui sont autant de structures et de f~nctions réciproques. La notion de forme doit être degagée du schéma hylémorphique pour pouvoir être appliquée à l'être polyphasé. Par là même, cet être ne peut être considéré à l'intérieur du schéma général des genres co~~s et de~ différences spécifiques, qui suppose la vahdlte du schema hylémorphique. Dégagée du sc~eme hylémorphique, la notion de forme peut devemr adéquate au caractere polyphasé de l'être en s~ structurant de maniere relationnelle, selon la direc­t~on. de ~echerche. des théoriciens de la Forme ; cette sigmficatwn relationnelle de la Forme est atteinte ~Jus pleinement à l'intérieur de la notion d'informa­t~on! po~ que. l'on entende l'information comme Significatwn relationnelle d'une disparation.

?ne,. te~!~ doctrine suppose qu'il n'y a de relation qu à. I mteneur d'une réalité individuée, et que l'infor­~a~I~n ~st un des aspects de la réciprocité de l'être mdlVldue par rapport à lui-même. La relation de l'être par rapport à lui-même est infiniment plus riche que l'.identité ;,.J'identité, relation pauvre, est la seule rela­tion de I etre à, lui-même que l'on puisse concevoir selon une doctrme qui considere l'être comme pos­sédant une seule phase ; l'identité, en théorie de l'être po~ypha~é, est remplacée par la résonance interne qUl ~ev1ent, en çertains cas, signification. Une telle doctnne suppose que l'ordre des réalités soit saisi comme tr~~~uctif et non comme classificatoire. Les grand_es .divlSlons du .réel, notées par les genres dans la theon~ hy~émorph1que, deviennent les phases, qui ne .sont J~ms. totalement simultanées dans l'actuali­s.at.wn, ma1s eXIstent pourtant soit sous forme d'actua­hte structurale et fonctionnelle, soit sous forme de

218 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUBL

potentiels ; le potentiel devient .~e phase . du r~el actuellement existant, au lieu d etre p~re vtrtu~~tté. Par contre, ce qui, en théorie hylémorpbi9-ue de 1 ~tre individué, était considéré coxmne pure mdéte~a­tion de la matiere, devient série ordonnée transdu~tive ou incompatibilité de plusieurs séries transducuves. L'ordre transductif est celui selon lequel un éc~elon­nement qualitatif ou intensif s' étale de part e~ d ~utre à partir d'un centre ou culmine l'être qu~tatif ou intensif : telle est la série des couleurs, qu 11 n~ faut pas essayer de cemer par ses limites extrêmes, tmpré­cises et tendues, du rouge extrême et du violet extrême, mais qu'il faut prendre en. ~~n. centre •. dan~ le vert~ jaune ou culmine la senstbilite orgaruque , _le ve~ jaune pour l'espece humaine, est le centre a partrr duqu~lla qualité chromatique se déphase vers le rou~e et vers le violet ; il y a deux tendances dans la séne des couleurs, tendances à partir du centre vers les extrêmes, tendances déjà contenues dans le centre e!l tant que centre de série. La série des co~eurs dolt être saisie d'abord en son milieu réel, vanable P?~r chaque espece ; il en va de même pour le~- qua!tte~ tonales et les qualités thenniques ; pour 1 et:e mdt­vidué, il n'y a pas de matiere qui soit I?ure md~ter­mination, ni de diversité infinie du sens1b!e, mrus. 1~ bipolarité premiere des séries transduct1ves unldi­rectionnelles. Au lieu d'une relation entre deux tennes, Ia série transductive se constitue comme terme central unique se déphasant en deux directions opposées par rapport à lui-même, s'éloignant de lui-même en qualités complémentaires.

Une telle représentation de l'être exig~ une :éfo~e conceptuelle qui ne peut être obten!"'e qu à ~art1r d lll!"e révision des schemes de base ; 1 usage d un certam nombre de paradigmes est nécessaire pour remplacer le schéma hylémorphique, imposé directement par la culture. Cependant, le choi;r du dom~ine capable de fournir les premiers paradigmes notio~els ne peut être arbitraire : pour qu'un scheme pmsse être effec­tivement employé comme paradigme, il faut qu'~e analogie opératoire et fonctionnelle entre le domrune d'origine et le domaine d'application du paradigme

CONCLUSION 219

soit possible. Le scheme hylémorphique est un para, di~e retiré de l'opération technique de prise de forme, pms employé pour penser l'individu vivant saisi à travers son ontogénese. Nous avons tenté au contraíre de retirer ,1?' paradigme des sciences physiques, en sachant qu il ne peut être transposé directement dans le domaine de l'individu vivant : l'étude de ce domaine physique est destinée non seulement à former des notions, mais encare à servir de base coxmne étant l'étude d'un premier domaine en lequel une opération d'~dividuation peut exister ; coxmne naus supposons qu il y a des degrés divers d'individuation nous avons ~tilisé le paradigme physique sans opére; une réduc­tion du vttal au phystque, puisque la transposition du scheme s'accompagne d'une composition du scheme.

Nous ne voulons nullement dire que c'est l'indivi­duation physique qui produit l'individuation vitale . : nou~ voulons seulement dire que la réalité n'a pas attemt le degré dernier de l'individuation dans le sys­teme physique d'individuation, et qu'il reste encare dans le réel physiquement individué une disponibilité pour une individuation vitale ; l'être physique individué · peut être investi dans une individuation vitale ulté­rieure sans que son individuation physique soit dis­soute ; peut-être l'individuation physique est-elle la condition de l'individuation vitale sans jamais en être la cause ; l'individuation physique est la résolution d'un premier probleme, et l'individuation vitale vient apres, ~ la s~ite du surgissement d'une nouvelle pro­blématlque ; 11 y a une problématique préphysique et une,pr~b!éma~ique prévitale ; l'individuation physique et 1 mdiv1duat10n v1tale sont des résolutions ; elles ne sont pas des points de départ absolus.

Selon cette doctrine, l'individuation est l'avenement d'une phase de l'être qui n'est pas premiere. Non seu­lement cette phase n'est pas premiere, mais elle enwo~e. avec elle une certaine rémanence de la phase premd.lVlduelle ; seule . la phase préindividuelle peut ~tr~ ~lte ré~llement monophasée ; au niveau de l'être mdivtdué, 1 être .est. 1!-écessairement déjà polyphasé, car le passé prémdivtduel se survit parallelement à l'existence de l'être individué, et reste un germe d'indi·

220 LES FONDEMENTS OU TRANSINDIVIDUEL

viduations nouvelles ; l'individuation intervient dans l'être comme la naissance corrélative des phases dis­tinctes à partir de ce qui n'en comportait pas, étan~ pur potentiel omniprésent. L'individu, résultat et ~uss1 milieu de l'individuation, ne doit pas être cons1déré comme un : il n'est un que par rapport à d'autres individus selon un hic et nunc tres superficiel. En fait l'individu' est multiple en tant que polyphasé, multiple nón comme s'il recélait en lui une pluralité d'individus secondaires plus localisés et plus momentanés, m~s parce qu'il est extension de plusieurs phases à partir de l'unité. L'unité de l'individu est la phase centrale et moyenne de l'être, à partir de laquelle naissent et s' écartent les autres phases en une bipolarité unidi­mensionnelle. L'être apres l'individuation n'est pas seulement être individué; c'est l'être qui comporte individuation, résultat de l'individuation et mouve­ment vers d'autres individuations à partir d'une réma­nence de l'état prinütif préindividuel. Apres l'indivi­duation, l'être a un passé et le préindividuel devient une phase ; le préindividuel est a~~nt to_ute p~~se _; il ne devient la premiere phase qu a partir de 1 mdi­vidution qui dédouble l'être, le déphase par rapport à lui-même. C'est l'individuation qui crée les phases, car les phases ne sont que ce développement de l'être de part et d'autre de lui-même, ce double décadrage à partir d'une consistance premiere. trav~rsée de !en­sions et de potentiels qui la rendment mcompaüble avec elle-même. L'être préindividuel est l'être sans phases, tandis que l'être apres l'individuation est l'ê~re phasé. Une telle conception ide~tifie o~ tout ~~ ~o~ns rattache individuation et devemr de 1 etre : 1 mdJvJdu n'est pas considéré comme identique à l'ê~:e ;_ ~'être est plus riche, plus durable, plus large que 1 mdiVJdu : l'individu est individu de l'être, individu pris sur l'être, non constituant prenüer et élément de l'être.

Proposer une conception de l'individuation comme genese d'un être individué qui n' est pas 1' élément pre­mier de l'être, c'est s'obliger à indiquer le sens des conséquences qu'une telle conception doit avoir pour 1' ensemble de la pensée philosophique. I1 semble en effet qu'une certaine conception de l'individuation soit

CONCLUSION 221

déjà contenue au moins à titre implicite dans la notion de terme. Lorsque la pensée logique et critique, inter­venant avant toute ontologie, veut définir les condi­tions du jugement valide, elle a recours à une certaine conception du jugement, et corrélativement du contenu de la connaissance, de l'objet et du sujet comme te;~es. Or, antérieurement à tout exercice de la pensée cnuq~e portant sur les conditions du jugement et les cond1Uons de la connaissance, il faudrait pouvoir répondre à cette question ; qu'est-ce que Ia relation ? C'est une certaine conception de la relation, et en particulier de l'individualité des termes comme anté­rieurs à la relation qui est impliquée dans une telle théori~ de la co~naissance. Or, rien ne prouve que la conn~ssance solt une relation, et en particulier une relation dans laquelle les termes préexistent comme réalités individuées. Si la connaissance était condi­tionnée par la communauté d'une individuation englo­bant dans une unité structurale et fonctionnelle ]e sujet et l'objet, ce qui est dit des conditions du juge­ment se trouverait ne pas porter sur la réalité de la connaissance, mais sur une traduction · apres coup de la connaissance en schéma relationnel entre des termes individués séparément. yn~ théorie de I'in?ividuation doit se développer en

theone de la sensatwn, de la perception, de J'affec­tio':, de 1' é~otion. Elle doit faire co'incider psycho­logJe et log1que, dont la mutuelle séparation indique une double inadéquation à 1' objet étudié plutôt qu'une séparation des points de vue. C'est la théorie de l'indi­viduation qui ~?it être premiere par rapport aux autres études cntJques et onto]ogiques déductives. C' est elle en effet qui indique comment il est légitime de découper l'être pour le faire entrer dans la relation propositionnel!e. Avant toute catégorie particu!iere, il y ~- ce~J~ de l:être, qui est une réponse au probleme de I mdJvJduaüon ; pour savoir comment l'être peut être pensé, il faut savoir comment il s'individue car c'est cette individuation qui est le support de Ía validité de toute opération logique !ui devant être conforme. La pensée est un certain mode d'individuation secon­daire intervenant apres J'individuation fondamentale

222 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUBL

qui constitue le sujet; la pensée n'est pas nécessaire­ment capable de penser l'être en sa totalité; elle est seconde par rapport à la condition d' existence du sujet; mais cette condition d'existence du sujet n'est pas isolée et unique, car le sujet n'est pas un terme isolé ayant pu se constituer de lui-même ; la substan­tialisation du sujet comme terme est une facilité que la pensée s' accorde pour pouvoir assister à la genes e et à la justification d'elle-même; la pensée cherche à s'identifier au sujet, c' est-à-dire à s'identifier à sa condition d' existence pour ne pas être en retard sur sa propre condition d'existence. Le sujet est substan­tialisé par la pensée pour que la pensée puisse coin­cider avec le sujet. Or, la substantialisation du sujet, supposant que le sujet peut être pris comme terme de relation, lui dorme le statut d'un terme absolu ; la substance est comme le terme relationnel devenu absolu, ayant attiré en lui tout ce qui était l'être de la relation.

Une pareille réduction logique est sensible en tous les cas ou l'individu est pensé ; car l'individu est tou­jours dans une certaine mesure pensé comme étant un sujet ; l'homme se met à la place de ce qu'il pense comme individu ; l'individu est ce qui pourrait avoir une intériorité, une conduite, des volitions, une respon­sabilité, ou au moins une certaine identité cohérente qui est du même ordre que la responsabilité. TI y a une subjectivité implicite de toute conception de l'in­dividu, physique ou biologique, dans les doctrines courantes ; or, par ailleurs, et antérieurement à cette projection du statut de l'individualité subjective dans le monde, il s'effectue à l'intérieur du sujet une réduc­tion qui ramene le sujet à être une substance, c'est-à­dire un terme ayant absorbé la relation en lui ; la substance est un cas extrême de la relation, celui de l'inconsistance de la relation. Dans ces conditions, il parait difficile de considérer la notion d'individu comme devant être premiere par rapport à tout juge­ment et à toute critique; l'être individuei, principe de la notion de substance qui gouveme toute la logique, doit être considéré à travers l'individuation comme opération qui le fonde et l'amene à être; l'ontogénese

CONCLUSION 223

est antérieure à la logique et à l'ontologie. La théorie de l'individuation doit donc être considérée comme une théorie des phases de l'être, de son devenir en tant qu'il est essentiel. Selon la notion de substance en effet, le devenir se raccorde mal à I' essence de I' être ; la notion d'accident est peu satisfaisante, et oblige à des édifices systématiques délicats comme celui de Leibniz, qui ne rendent guere compte du devenir en tant que devenir, puisque, tous les accidents étant compris dans l'essence conçue comme notion indivi­duelle complete, il n'y a plus pour la substance mona­dique un véritable devenir, comportant pouvoir d'ave­nir; l'édifice spinoziste n'est pas beaucoup plus satis­faisant relativement au devenir, qui est nié plus qu'inté­gré, comme l'individu est nié en tant qu'être séparé.

Dans une théorie des phases de l'être, le devenir est autre chose qu'une altération ou une succession d'états comparable à un développement série!. Le devenir est en effet résolution perpétuée et renou­velée, résolution incorporante, procédant par crises, et telle que son sens est en son centre, non à son origine ou en sa fin. Expliquer le devenir comme série au lieu de le poser comme transduction est vouloir le faire sortir de ses termes extrêmes qui sont les plus pauvres et les moins stables ; une vie individuelle n'est ni le déroulement de ce qu'elle a été à son origine, ni un voyage vers un terme demier qu'il s' agirait de préparer; elle n'est, pas non plus tension entre une naissance et une mort, entre un Alpha et un Omega qui seraient de vrais termes ; temporellement aussi l'être doit être saisi en son centre, en son présent au moment ou il est, et non reconstitué à partir de l'ab­straction de ses deux parties ; la substantialisation des extrémités de la série temporelle brise la consistance centralé de l'être; le devenir est l'être comme présent en tant qu'il se déphase actuellement en passé et avenir, trouvant le sens de lui-même en ce déphasage bipolaire. Il n'est pas passage d'un moment à l'autre comme on passerait du jaune au vert ; le devenir est transduction à partir du présent : il n'y a qu'une source du temps, la source centrale qu'est le présent, comme il y·a une sourcé unique des qualités chromatiques en

224 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUBL

leur bipolarité, une source unique de toutes Ies intensives et qualitatives. Le présent de l'être problématique en voie de résolution, étant comme bipolaire selon le temps, phasée parce matique. L'être individué n'est pas la s~!t~::~bll~ l'être mis en question, l'être à travers tique, divisé, réuni, porté dans cette problén~atic qui se pose à travers !ui et !e fait devenir comme !e devenir. Le devenir n' est pas devenir de l' être vidué mais devenir d'individuation de l'être ·· ' advient arrive sous forme d'une mise en qutestiorí l'être, c'est-à-dire .sous forme d'élément blématique ouverte qui est celle que l'iiJtdi'<iduat: de l'être résout : l'individu est contf~mporain devenir car ce devenir est celui de son in,dividllat !e temps même est essence, non point co,mme lement à partir d'une origine ou teilOlmc:e fio, mais comme constitution résolutive de telle conception n'est possible que si l'on notion de phases de l'être. Cette notion est de celles que la dialectique contient :e1t~is~:~~.~~.·,~ dialectique en effet implique bien 1'· devenir significatif et ayant une capacité I' essence ; mais !e devenir dialectique ~~~~!~;f, !'oppose, !e reprend : i! y a une relative e modifications par rapport au modifié ; ]es contraíre .sont phases de l'être; ce n'est pas passe à travers des phases en se modifiant ; qui devient être des phases, qui procede de en se déphasant par rapport à son centre de

La dimensionnalité des phases est !e l'être; l'être est selon les. phases qui sont phases par rapport au centre qu'il est ; I décentre pas en se déphasant en deux sens port à lui-même ; !e temps du devenir est la de la bipolarité se!on laquelle l'être se dé)Jhase•i s'individue comme i! devient ; s'individuer et est un unique mode d'exister. Les phases de I données ensemble, elles font partie d'une d'être ; !e devenir est une maniere d'être, i! est de l'être, non devenir auquel l'être est quelque violence faite à son essence et dont I

CONCLUSION 225

tout en étant ce qu'il est. Dans la concep­clil!lectiqute, l'être a besoin du devenir, mais

pourtant conçu partiellement conime i! !e devenir étai t considéré comme indé-

l'être, étranger à l'être, hostile à son de la dialectique n' est pas assez

qui devient ; !e temps de la dialec­le temps de l'être, intemporel en essence le devenir par son existence. La succes:

dialectiques peut être contractée en phases de l'être si !e devenir est véri­

ev<mir de l'~~re, de maniere telle que l'on que 1 etre est dans le devenir mais

; le devenir est ontogénese, <pó~oç. La ~é]pru:e trop !e, devenir de 1' existence par

, , C~ n e~t pas !e devenir qui modi-.1 etre qu1 dev~ent ; les modifications de

des conséquences du devenir mais phas<~s ?e l'être. L' existence des phases

etre conçue comme un simple : la succession n'existe que sur

des pháses, comme dimension et succession sont des

rendre compte du devenir 1Pl=íMent l'être réduit à une phase unique,

de phases. d.ilriger dans l'~mploi du paradigme phy­:1l,ctérise'r la v1e : celui de la réduction

être évité parce qu'il est possibl~

~~l~:~~~p~:hysique comme support de reposant sur des caracteres ~ais ne se ramenant pas

domame de. la connaissance du ÇI()Jmaine de la connaissance du vivant .

la même façon un domaine réeÍ · réel du vivant, séparés . . également réelle; c'est selon fonctions que !e physique et le sans être séparés selon le réel , mode d'existence du phy­etr~ confondu avec le physique

VItal ; apres I' émergence du

226 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

vital, !e physique est un réel appauvri, détendu, un résidu de la totalité dont la vie est issue en se sépa­rant. Mais i! y a aussi un physique que l'on peut nommer !e naturel, et qui est prévital aussi bien que préphysique ; vie et matiere non-vivante peuvent en un certain sens être traitées comme deux phases du réel, restant complémentaires !'une par rapport à l'autre. Peut-être, ici encore, ne faut-il pas essayer de recomposer la totalité à partirdes termes extrêmes, en considérant ces termes extrêmes comme des bases substantielles susceptibles d' expliquer par leur combi­naison toute la réalité relationnelle qu'elles laissent entre elles. Cette réalité intermédiaire, que I' on consi­dere apres coup comme un mixte engendré par rela­tion est peut-être ce qui porte les extrêmes, les engen­dre, les pousse hors d'elle comme bornes extrêmes de son existence. L'apparence relationnelle suppose peut-être un être pré-relationnel. L'opposition de !'inerte et du vivant est peut·être !e produit de l'appli­cation du schéma dualisant de source hylémorphique, avec sa zone d' ombre centrale caractéristique, laissant croire à l'existence d'une relation là ou en fait i! y a le centre consistant de l'être.

Vie et matiere inerte sont peut-être le résultat, vu à travers Ie schéma hylémorphique, d'un déphasage de la réalité prévitale et préphysique. L'étude de I'indi­viduation par laquelle ce déphasage s'opere ne peut donc être seulement un paradigmatisme : logique­ment, elle est une source de paradigmes ; mais elle peut n'être logiquement une source de paradigmes que si elle est fondaínentalement, au moins à titre hypothétique, une saisie du devenir à partir duque! lesdomaines d'application des schemes qu'elle dégage se délimitent ; Ie paradigme, ici, n'est pas un para­digme analogique comme celui de Platon, mais une ligne conceptuelle et intuitive qui accompagne une genese absolue des domaines avec leurs structures et les opérations qui les caractérisent ; il est une décou­verte de l'axiomatique intellectuelle contemporaine de l'étude de l'être, non une initiation au domaine du difficilement connaissable à partir d'un domaine plus

CONCLUSION 227.

connu et plus facile à explorer (ce qui supposerait une relation analogique entre les deux domaines).

Avant même la genese de l'être individuei en lui­même, une étude du devenir et des échanges qu'il comporte permettrait de saisir cette genese possible de l'être individuei sur un fond de transformations de l'être. Qu'il s'agisse de l'être avant toute individuation ou de l'être dédoublé apres l'individuation, la méthode consisterait toujours à tenter d'appréhender l'être en son centre, pour comprendre à partir de ce centre les aspects extrêmes et la dimension selon laquelle ces aspects opposés se constituent : l'être serait ainsi saisi comme unité tendue ou comme systeme structuré et fonctionnel, mais jamais comme ensemble de termes en relation entre eux; le devenir, et les apparences de relations qu'il comporte, serait alors connu comme dimension de l'être, et nullement comme un cadre dans leque! i! advient quelque chose à l'être selon un cer­tain ordre. Le devenir est l'être se déphasant par rapport à lui-même, passant de l'état d'être sans phase à l'état d'être selon des phases qui sont ses phases.

Une telle conception de l'être suppose que l'on n'uti­lise pas !e principe du tiers exclu, ou tout au moins qu'on !e relativise; en effet, l'être serait d'abord pré­senté comme ce qui existe à l'état d'unité tendue et recélant une incompatibilité qui !e pousse vers une structuration et une fonctionnalisation qui est !e deve­nir, !e devenir pouvant être conçu comme la dimension selon laquelle cette résolution de l'état preinier de l'être est possible par un déphasage de l'être lui-même. Le preinier moteur ne serait donc pas l'être simple et un, mais l'être en tant qu'il est antérieur à toute apparition de phases, recélant énergétiquement mais non en tant que forme ou structure qui peut advenir, comme la position du probleme receie en un certain sens les solutions possibles, une tension vers une signification incorporant les données. du probleme, mais non par une préformation des lignes effec­tives de la solution, n'apparaissant que par !e devenir réel de l'invention résolutrice, et étant ce devenir ; ainsi dans l'être avant tout devenir, c'est la puissance du devenir résolutif qui est contenue, par l'incompa-

228 LBS FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

tibilité qu'il pourra compatibiliser, mais non la ligne d'existence de ce devenir, qui n'est pas déjà donné et ne peut être préformé, parce que la problématique est sans phases. La découverte résolutive en son devenir fait apparaitre structures et fonctions, d'une part, matiere appauvrie de ses tensions, d'autre part, indi­vidu et milieu, information et matiere. La résolution fait apparaitre !es deux aspects complémentaires que sont le domaine informé et !e domaine sans forme ; individu et milieu sont deux phases de l'être, termes extrêmes d'un dédoublement qui intervient comme invention résolutive, supposant une tension et une incompatibilité préalables qu'ils transforment en struc­turation asymétrique; on peut dire que l'être se déphase en individu et milieu, sans d'ail!eurs pouvoir préciser si ce déphasage est total ou partiel, susceptible de degrés ou non, admettant un progres continu ou procédant par bonds.

Une telle théorie ne vise pas seulement à expliquer la genese des êtres individués et à proposer une vision de l'individuation ; elle tend à faire de l'individuation !e fondement du devenir, et place ainsi l'individuation entre un état primitif de l'être non résolu et l'entrée dans la voie résolutive du devenir; l'individuation n'est pas le résultat du devenir, ni quelque chose qui se produit dans le devenir, mais !e devenir en lui-même, en tant que le devenir est devenir de l'être. L'indivi­duation ne peut être convenablement connue si elle est rapportée à son résultat, à savoir l'individu, et si on tend à donner de l'individuation une définition visant seulement à rendre compte des caracteres de l'individu en lui-même ; l'individu ne permet pas de remonter à l'individuation, parce que l'individu n' est qu'un des aspects de l'individuation ; il y a un corrélatif de l'in­dividu, constitué en même temps que !ui par l'indi­viduation : le milieu, qui est l'être privé de ce qui est devenu l'individu. Seul. !e couple individu-milieu pourrait permettre de remonter à l'individuation ; l'individuation est ce qui fait apparaitre le déphasage de l'être en individu et milieu, à partir d'un être préa­lable capable de devenir individu et milieu. Individu et milieu ne doivent être pris que comme Ies termes

CONCLUSION 229

extrêmes, conceptualisables mais non substantialisa· bles, de l'être en leque! s'opere l'individuation. Le centre de l'individuation n'est pas l'individu constitué; l'individu est latéral par rapport à l'individuation. L'être pris en son centre, au niveau de l'individuation, doit être saisi comme être se dédoublant en individu et milieu, ce qui est l'être se résolvant. Ultérieurement, l'être individué peut être à nouveau !e théâtre d'une individuation, car l'individuation n' épuise pas néces­sairement les ressources potentielles de l'être en une premiere opération d'individuation : !e prernier état préindividuel de l'être peut continuer à exister associé au résultat d'une prerniere individuation ; on peut sup­poser en effet que l'individuation s'opere de maniere quantique, par sauts brusques, chaque palier d'indivi· duation pouvant à nouveau être par rapport au suivant comme un état préindividuel de l'être; il se produit alors un rapport des états successifs de l'individuation. C'est de cette maniere en particulier que l'on peut expliquer la relation entre les êtres individués ; cette relation n'est qu'apparemment entre les êtres ; elle est l'individuation collective d'une charge de réalité pré­individuelle contenue dans les êtres ayant reçu un premier statut d'individuation. Ce que l'on définit comme rapport interindividuel est en réalité la cohé­rence d'une systématique d'individuation qui incorpore Ies individus déjà constitués en une unité plus vaste.

. C'est l'individuation qui fonde la relation, grâce à un rapport entre états successifs d'individuation restant rattachés par l'unité énergétique et systématique de l'être.

Un monisme substantialiste comme celui de Spi· noza se heurte à une grande difficulté lorsqu'il s'agit de rendre compte de l'être individuei. Cette difficulté ne vient pas tant de l'unité de la substance que de son éternité; cette difficulté est d'ailleurs commune à toutes les doctrines substantialistes, même lorsqu'elles fragmentent la substance au point d'identifier sub­stance et individu, et de tout composer avec des individus, comme le fait Leibniz qui admet une infinité de substances. Cette difficulté est seulement plus apparente chez Spinoza parce que Spinoza accepte

230 LBS FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

jusqu'au bout les conséquences du substantialisme et refuse de placer une genese de la substance sous forme de constitution des notions individuelles completes, c' est-à-dire des essences substantielles, au début du devenir. L'être substantiel peut difficilement devenir parce que l'être substantiel est résolu d'avance; i! est toujours l'être absolument monophasé, parce qu'il consiste en lui-même ; le fait d'être en soi et par soi est aussi le fait d'être cohérent avec soi-même, de ne pouvoir être opposé à soi-même. La substance est une parce qu'elle est stable; elle est actuelle, elle n'est pas tendue par des potentiels. Ce qui manque à la substance, malgré la terminologie spinoziste, est d'être nature, ou encare de n'être pas à la fois et in.dissolu­blement naturée et naturante. Selon la doctrme que naus présentons, l'être n'est jamais un : quand ~1 est monophasé, préindividuel, i! est plus qu'un : 11 est un parce qu'il est indécomposé, mais i! a en lui de quoi être plus que ce qu'il est dans son actuelle struc­ture; le príncipe du tiers exclu ne s'appliquerait qu'à un être résiduel incapable de devenir; l'être n'est pas plusieurs au sens de la pluralité réalisée : i! est plus riche que la cohérence avec soi. L'être un est un être qui se limite à Iui-même, un être cohérent. Or, naus voudrions dire que I' état originei de I' être est un état qui dépasse la cohérence avec soi-même, qui excede ses propres limites : l'être originei n'est pas stable, il est métastable ; il n'est pas un, il est en expansion à partir de lui-même ; l'être ne subsiste pas par rap­port à lui-même ; il est contenu, tendu, superposé à lui­même, et non pas un. L'être ne se réduit pas à ce qu'il est ; il est accumulé en lui-même, potentialisé. Il existe comme être et aussi comme énergie ; 1' être est à la .fois structure et énergie ; la structure elle­même n'est pas seulement structure : à chaque struc­ture correspond un certain état énergétique qui peut apparaitre dans les transformations ultérieures et qui fait partie de la métastabilité de l'être.

Il semble que toutes les théories de la substance, du repos et du mouvement, du devenir et de l'éter­nité, de !'essence et de l'accident reposent sur une conception des échanges et des modifications qui ne

CONCLUSION 231

connait que l'altération et l'équilibre stable, non la métastabilité. L'être, stable, possédant une structure, est conçu comme simple. Mais l'équilibre stable n'est peut-être qu'un cas-limite. Le cas général des états est peut-être celui des états métastables : l'équilibre d'une structure réalisée n'est stable qu'à l'intérieur de certaines limites ; il masque apparemment des potentiels qui, libérés, peuvent produire une brusque altération conduisant à une nouvelle structuration également métastable. Ainsi, être et devenir ne sont plus des notions opposées si I' on considere que les états sont des manieres d'être métastables, des paliers de stabilité sautant de structure en structure ; le devenir n'est plus continuité d'une altération, mais enchainement d' états métastables à travers les libé­rations d' énergie potentielle dont !e jeu et 1' existence font partie du régime de causalité constituant ces états ; l'énergie contenue dans !e systeme métastable est la même que celle qui s'actualise sous forme de passage d'un état à un autre. C'est cet ensemble structure-énergie que l'on peut nommer être. En ce sens, on ne peut dire que l'être est un : il est simul­tané, couplé à lui-même en un sysreme qui dépasse l'unité, qui est plus qu'un. L'unité, et particulierement celle de l'individu, peut apparaitre au seio de l'être par une simplification séparatrice qui donne un être appauvri qui n'est plus qu'un, l'individu, et un milieu corrélatif, sans unité, mais homog1me.

Une telle conception pourrait être considérée comme gratuite, et traitée comme on traite habituellement l'hypothese créationiste : à quoi sert-il de rejeter dans un inconnaissable état de l'être préindividuelles forces destinées à rendre compte de l'ontogénese si l'on ne connait cet état que par celui que le suit ? S'il en était ainsi, on pourrait dire en effet que l'on recule seule­ment le probleme, comme on fait en supposant l'exis­tence préalable d'un être créateur : cet être n' est sup­posé créateur que dans la mesure ou la notion de création sert à rendre compte du créé, si bien que l'essence de l'être invoqué comme créateur est en fait tout entiere connue à partir du résultat sur leque! on doit retomber, c'est-à-dire I'être comme créé. Il

232 lJ3S l'ONDBMENTS DU TRANSJNDlVIDUEL

semble cependant que l'hypothêse selon laquelle il existerait un état de l'être préindividuel joue un rôle différent de celui de l'hypothese créationiste habituelle. L'hypothêse créationiste, en effet, concentre tout le devenir en ses origines, si bien que tout créationisme apporte avec lui le probleme de la théodicée,. as~ect éthique d'un probleme plus général : le devemr n est plus un véritable devenir : il est tout entier comme déjà advenu dans l'acte de la création, ce 9-ui oblige à apporter apres coup de nombreux correctifs locaux à Ia théorie créationiste pour redonner un sens au devenir. Ces correctifs, cependant, ne sont en général apportés que sur les points qui choquent le plus le sentiment que rhomme a de devenir, par exemple sur le probleme de la responsabilité morale. Mais c'est sur tous les points que le créationisme devrait être cor­rigé, car il n'est pas plus satisfaisant d'anéantir la réalité du devenir physique que de diminuer celle du devenir de l'être humain comme sujet éthique : cette différence de traitement ne peut se justifier que par un dualisme lui-même contestable. Il y aurait une véritable théodicée physique à ajouter à la théodicée éthique.

Au contraíre, l'hypothêse d'un état préindividuel de l'être n'est pas totalement gratuite : il y a en elle plus que ce qu'elle est destinée à expliquer, et elle n'est pas uniquement formée à partir de l'examen de l'e~s­tence des individus : elle est dérivée d'un certam nombre de schemes de pensée scientifique, particulie­rement de pensée physique. La physique ne montre pas rexistence d'une réalité préindividuelle, mais elle montre qu'il existe des genêses de réalités individua­lisées à partir de conditions d'état ; un photon est en un certain sens un individu physique ; pourtant, il est aussi quantité d'énergie pouvant se manifester par une transformation. Un individu comme un élec­tron est en interaction avec des champs. Un change­ment de structure d'un édifice moléculaire, atomique ou nucléaire fait apparaitre de l'énergie et engendre des individus physiques. La physique invite à penser rindividu comme étant échangeable contre la modifi­oation structurale d'un systême, donc contre un certain

CONCLUSION 233

état défini d'un systême. Au fondement de l'ontogénêse des individus physiques, il existe une théorie générale des échanges et des modifications des états, que l'on pourrait nommer allagmatique. Cet ensemble concep­tuel suppose que l'individu n' est pas un commence­ment absolu, et que l'on peut étudier sa genêse à partir d'un certain nombre de conditions énergétiques et structurales : 1' ontogénêse s'inscrit dans le devenir des systêmes ; l'apparition d'un individu correspond à un certain état d'un systeme, à un sens par rapport à ce systême. Par ailleurs l'individu physique est rela­tif, il n'est pas substantiel ; il est relatif parce qu'il est en relation, tout particulierement en relation éner­gétique avec des champs, et cette relation fait partie de son être. Un électron, en Mécanique Ondulatoire, a une longueur d'onde associée : on peut faire inter­férer des électrons, cavec le montage de Germer et Davis ; pourtant, les électrons sont bien considérés comme des grains d' électricité, des charges insécables. Cette existence du phénomlme d'interférence, et géné­ralement de tous les phénomênes dont on rend compte en définissant la longueur d' onde associée, montré qu'il y a une sorte de collectif physique dans leque! le rôle de l'individu n' est plus seulement un rôle par­cellaire, dont on pourrait vouloir rendre compte avec la notion de substance ; l'individu microphysique est une réalité énergétiqúe autant qu'un être substantiel : il adhêre à sa genese, reste présent à son devenir parce qu'il est en perpétuelle relation avec les champs. L'individu n'est pas le tout de l'être ; il est seulement un aspect de r être ; ce qui importe est r é tu de des conditions dans lesquelles rêtre se manifeste comme individu, comme s'il s'agissait là non de l'être mais d'une façon d'être. Il y a en physique un être préindi­viduel et un être postindividuel ; un photon disparait et devient changement de structure d'un édifice ato­mique, ou bien il change de longueur d'onde, comme s'il était devenu autre. L'individualité devient en quel­que maniere fonctionnelle ; elle n' est pas 1' aspect uni que de la réali té, mais une certaine fonction de la réalité.

En généralisant cette relativisation de l'individu et

234 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

en Ia transposant dans le domaine réflexif, on peut faire de l'étude de l'individuation une théorie de l'être: L'individuation est alors située par rapport à l'être. Elle apparait comme une modification de l'être à partir de laquelle la problématique de l'être s' enrichit : elle est apparition d'information à l'intérieur du systeme de l'être. Au lieu de traiter l'information comme une grandeur absolue, estimable et quantifiable dans un nombre limité de circonstances techniques, il faut la rattacher à l'individuation : il n'y a d'information que comme échange entre les parties d'un systeme qui comporte individuation, car pour que l'information existe il faut qu'elle ait un sens, c'est-à-dire qu'elle puisse servir à effectuer une certaine opération ; l'in­formation se définit par la maniere dont un systeme individué s'affecte lui-même en se conditionnant : elle est ce par quoi existe un certain mode de condition­nement de l'être par lui-même que l'on peut nommer résonance interne : l'information est individuante et e"!ge un certain degré d'individuation pour pouvoir eXIster; elle et ce par quoi chemine l'opération d'in­dividuation, ce par quoi cette opération se conditionne elle-même. La prise de forme par laquelle on représente en général I'individuation suppose information et sert de base à de l'information ; il n'y a d'information échangée qu'entre des êtres déjà individués et à l'inté­rieur d'une systématique de l'être qui est une nou­velle individuation : on pourrait dire que l'informa­tion est toujours interne ; il ne faut pas confondre l'information avec les signaux et supports de signaux qui sont son médiateur. L'information doit être coJ?lprise dans les conditions véritables de sa genese, qui sont les conditions mêmes de l'individuation dans lesquelles elle joue un rôle : · l'information est un certain aspect de I'individuation; elle exige qu'avant elle, pour qu'elle soit comprise comme ayant un sens (ce sans quoi elle n'est pas information, mais seu­lement énergie faible ), il y ait un certain potentiel ; le fait qu'une information est véritablement informa­tion est identique au fait que quelque chose s'indi­vidue; et l'information est l'échange, la modalité de résonance interne selon laquelle cette individuation

CONCLUSION 235

s'effectue. Toute information est à la fois informante et informée ; elle doit être saisie dans cette transitio~ active de l'être qui s'individue. Elle est ce par quoi l'être se déphase et devient.

Dans ses aspects séparés,. enregistrés, mé?ia~eJ?lent transmis l'information expnme encore une mdivtdua­tion acc~mplie et la résurgence de cet accomplis­sement qui peut se prolong~r en. d'a~tres é~ap~~ d:~­formation : I'information n est Jamais apres I mdiVI· duation seulement car si elle exprime une information actomplie c'est p~r rapport à ~ne a;ttre !nformat!on capable de s'accomplir : expressmn d une Information accomplie, elle est !e germe autour ~uquel une no1;1· velle individuation pourra s'accomphr : ell~ établit Ia transductivité des individuations sucessives, les rangeant en série parce qu' elle les tra:vers~ en port~t de l'une à l'autre ce qui peut être repns. L informatmn est ce qui déborde d'une individuation sur l'autre, parce que !e schême selon leque! ;toe in~vid_u~tion s'accomplit est capable d'amorcer ~ autres. mdividua­tions : l'information a un pouvmr exténeur pare: qu' elle est une solution intérieure ; elle est ce qm passe d'un probleme à l'autre, ce qui peut rayom;er d'un domaine d'individuation à un autre domame d'individuation ; l'information est information signi­ficative parce qu'el!e est d'abord !e scheme selonlequel un systeme a réussi à s'individuer ; c' est grâce à cela qu'elle peut !e devenir pour un autre. Ceci suppose qu'il y ait une analogie entre les deux _syste~es, _Ie premier et le second. Or, dans ~e _do~trme qm évt~.e de faire appel à un postulat creatmmste, pour qu il y ait analogie entre deux systemes il faut que ces deux systemes fassent partie d'un systeme plus vaste ; ceei signifie que lorsque de l'i~ormatiot; app~rait dans un sous-ensemble comme scheme de resolution de ce sous-ensemble elle est déjà résolution non pas seule­ment de ce ;ous-ensemble mais aussi de ce qui en lui exprime son appartenance à l'ensemble : elle est d'emblée exportable vers les autres sous-ensembles, elle est d'emblée intérieure au sous-ensemble d'origine et déjà intérieure à ·J'ensemble comme exprimant ce qui en chaque sous-ensemble est sa marque d'appar-

236 U!S FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

tenance à l'ensemble, c'est-à-dire la façon dont il est modifié par les autres sous-ensembles constituant avec lui l'ensemble.

On pourrait dire que l'information est à la fois intérieure et extérieure ; elle exprime les limites d'un sous-ensemble ; elle est médiation entre chaque seus· ensemble et l'ensemble. Elle est résonance interne de l'ensemble en tant qu'il comporte des sous-ensembles : elle réalise l'individuation de l'ensemble comme chemi· nement de solutions entre les sous-ensembles qui le constituent : elle est résonance interne des struc· tures des sous-ensembles à l'intérieur de l'ensemble : cet échange est intérieur par rapport à l'ensemble et extérieur par rapport à chacun des sous-ensembles. L'information exprime immanence de l'ensemble en chacun des sous-ensembles et existence de 1' ensemble comme ensemble de sous-ensembles, incorporant réel­lement la quiddité de chacun, ce qui est la réciproque de l'immanence de l'ensemble à chacun des seus· ensembles. S'il y a en effet une dépendance de chaque sous-ensemble par rapport à l'ensemble, i! y a aussi une dépendance de l'ensemble par rapport aux seus· ensembles. Cette réciprocité entre deux niveaux dési· gne ce que l'on peut nommer résonance interne de l'ensemble, ce qui définit l'ensemble comme réalité en cours d'individuation.

Une théorie de l'individuation peut-elle, par !'inter· médiaire de la notion d'information, fournir une éthi· que ? Elle peut au moins servir à jeter les bases d'une éthique, même si elle ne peut l'achever parce qu'elle ne peut la circonstancier. L'éthique, dans les systemes philosophiques, se partage en général en deux vaies qui divergent et ne se rejoignent jamais : celle de l'éthique pure et celle de l'éthique appliquée. Cette dualité provient du fait que la substance est séparée du devenir, et que l'être étant défini comme un et completement dormé dans la substance individuée est achevé : d'ou, au niveau des essences et en dehors du devenir, une éthique pure qui ne sert qu'à pré­server la substantialité théorique de l'être individué, et qui en fait l'entoure d'une illusion de substantialité. Cette premiere voie de l'éthique, que l'on pourrait

CONCLUSION 237

nommer éthique substantialisante, ou éthique du sage, ou éthique contemplative, ne vaut que pour un état d' exception, qui ne serait pas lui-même sans son oppo· sition à 1' état de passion, de servitude, de vice, d'existence dans le hic et nunc; sa substantialité n'est qu'une contre-existence, un anti-devenir, et il a besoin qu'autour de lui la vie devierme pour qu'il dorme l'impression de la substantialité ; la vertu contempla· tive a éminemment besoin des marchands et des fous, comme l'homme sobre a besoin de l'homme ivre pour avoir conscience d'être sobre, et l'adulte de l'enfant pour se savoir raisormable. Ce n' est que par un effet de relativité perceptive et affective que cette éthique peut apparaitre comme une éthique de la sagesse visant l'immuabilité de l'être. Il en va de même pour l'autre branche de l'éthique, celle qui se dorme pour pratique ; elle n' est pratique que par opposition à la premiere, et utilise les valeurs définies par la premiere pour pouvoir se constituer de maniere stable : en fait c'est bien le couple des deux éthiques qui possede une signification, non chaque éthique par elle-même. Pourtant, elles définissent des normes qui dorment des directions incompatibles, elles créent la divergence; leur couple même est insuffisant en ce qu'il ne possede qu'une axiomatique logique commune, non des direc­tions normatives mutuellement cohérentes. L'éthique du devenir et de l'action dans le présent a besoin de l'éthique de la sagesse selon l'éternité pour être consciente d' elle-même comme éthique de 1' action ; elle s'accorde avec el!e-même en ce qu'elle refuse plus qu' en ce qu' elle construit, tout comme 1' éthique de la sagesse ; la cohérence interne de chacune de ces éthi­ques se fait par le négatif, comme refus des voies de l'autre éthique.

La notion . d'information comme identique à la résonance interne d'un systeme en voie d'individuation peut au contraíre s' efforcer de saisir l'être dans son devenir sans accorder un privilege à l'essence immobile de 1' être ou au devenir en tant que devenir ; il ne peut y avoir d'éthique une et complete que dans la mesure ou le devenir de l'être est saisi comme de l'être même, c'est-à-dire dans la mesure ou le devenir

____________ ,_

238 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

est connu co=e devenir de l'être. Les deux éthiques opposées, éthique théorique pure et éthique pratique, séparent intériorité et extériorité par rapport à l'être individué, parce qu'elles considerent l'individuation comme antérieure au moment ou la prise de conscience s'accomplit, pour l'éthique de la contemplation, et toujours postérieure à ce même moment, pour l'éthi­que pratique; l'éthique pratique est une nostalgie perpétuelle de l'être individué dans sa pureté, co=e I' éthique théorique est une préparation toujours reco=encée à une ontogénese toujours différée ; aucune des deux ne saisit et n'accompagne l'être dans son individuation. Or, si I'on considere I'individuation co=e conditionnée par la résonance interne d'un sys­teme, et pouvant s' effectuer de maniere fractionnée, par constitutions successives d'équilibres métastables, on ne peut admettre ni une éthique de l' éternité de l' être qui vise à consacrer une structure découverte une fois co=e définitive et éternelle, par conséquent respectable par-dessus tout, terme premier et dernier de référence, structure qui se traduit en normes, abso­Iues co=e cette structure, ni une perpétuelle évo­lution de l' être toujours en mouvement qui devient et se modifie de maniere continue à travers toutes les circonstances mouvantes qui conditionnent l'action et modifient incessa=ent les normes selon lesquelles elle doit se développer pour accompagner cette évo­lution incessante. A cette stabilité de l'absolu incon­ditionnel et à cette perpétuelle évolution d'un relatif fluent i! faut substituer la notion d'une série succes­sive d' équilibres métastables.

Les normes sont les lignes de cohérence interne de chacun de ces équilibres, et les valeurs Ies lignes selon lesquelles les structures d'un systeme se traduisent en structures du systeme qui !e remplace ; les valeurs sont ce par quoi les normes d'un systeme peuvent devenir normes d'un autre systeme, à travers un changement de structure ; les valeurs établissent et permettent la transductivité des normes, non sous forme d'une norme permanente plus noble que les autres, car il serait bien difficile de découvrir une telle norme donnée de maniere réelle, mais comme

CONCLUSION 239

un sens de l'axiomatique du devenir qui se conserve d'un état métastable à I'autre. Les valeurs sont I'in­formation contenue dans les normes, ce sont Ies normes amenées à l'état d'information : elles sont ce qui se conserve d'un état à un autre ; tout est relatif, sauf Ia formule même de cette relativité, formule selon laquelle un systeme de normes peut être converti en un autre systeme de normes. C'est Ia normativité elle-même qui, dépassant le systeme sous sa forme donnée, peut être considérée comme valeur, c'est-à-dire co=e ce qui passe d'un état à un autre. Les normes d'un systeme, prises une par une, sont fonctionnelles, et paraissent épuiser leur sens dans cette fonction­nalité ; mais Ieur systeme est plus que fonctionnel, et c'est en cela qu'il est valeur. On pourrait dire que la valeur est .Ia relativité du systeme des normes, connue et définie dans le systeme même des normes.

Pour que la normativité d'un systeme de .normes soit complete, il faut qu'à I'intérieur même de ce systeme soit préfigurée sa propre destruction en tant que systeme et sa possibilité de traduction en un autre systeme, selon un ordre transductif. Que Ie systeme connaisse à I'intérieur de lui-même sa propre relativité, qu'il soit fait selon cette relativité, que dans ses conditions d'équilibre soit incorporée sa propre métastabilité, telle est la voie selon laquelle les deux . éthiques .doivent co!ncider. La tendance à I'éternité devient alors la conscience du relatif, qui n'est plus une volonté d'arrêter le devenir ou de rendie absolue une origine et d'accorder un privilege. normatif à une structure, mais le savoir de la métastabilité des normes. La volonté de trouver des normes absolues et i=uab]es correspond à ce sentiment véridique selon leque! i! y a quelque chose qui ne doit pas se perdre et qui dépasse I'adaptation au devenir, puis­qu'elle devrait posséder le pouvoir de· diriger !e deve­nir. Mais cette force directrice qui ne se perd pas ne peut être une norme ; une telle recherche d'une norme absolue ne peut conduire q1,1'à une morale de Ia sagesse comme séparation, retraite .et Ioisir, ce qui est une façon de Inimer I' éternité et I'intemporalité à I'inté­rieur du devenir d'une vie . : pendant ce temps, ]e

240 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDT:JEL

devenir vital et social continue, et !e sage devient une figure de sage, i! joue un rôle de sage dans son siecle comme homme qui regarde passer la vie et s'écouler les passions ; s'il n'est pas lui-même dans !e siecle, au moins son rôle d'homme qui n'est pas dans !e siecle est bien dans !e devenir. La sagesse n'est pas universalisable, parce qu'elle n'assume pas tout !e devenir et forme une représentation mythique du devenir ; la sainteté, ou les autres styles de vie indi­viduelle, sont, comme la sagesse, des termes extrêmes qui illustrent des pôles de la vie morale, mais ne sont pas les éléments de la vie morale ; à partir de la sagesse, de la sainteté, ou de toute attitude morale de cette espece, on ne peut refaire la vie morale par combinaison, car i! n'y a pas préoccupation d'univer­salité dans ces styles de vie qui se prennent pour des absolus et ne sont pourtant pas universalisab!es ; ils ont tous besoin de la vie courante en face d' eux pour être ce qu'ils sont : ils ont besoin d'une base de vie courante qu'ils puissent nier. Une véritable éthique serait celle qui tiendrait compte de la vie courante sans s'assoupir dans !e courant de cette vie, qui saurait définir à travers les normes un ·sens qui les dépasse. Tres généralement d'ai!leurs des morales essayent de combler cet intervalle qui existe entre ce par quoi une morale vaut et la tendance à retomber, à partir de príncipes de valeur, sur les normes découvertes dans la vie courante ; mais !e raccordement entre les fon­dements et les normes est souvent arbitraire et mal fait; c'est l'éthique en son centre qui est défaillante; en ce domaine aussi existe la zone d' ombre centrale entre forme et matiere, principe et conséquences. Il faudrait que les valeurs ne soient pas au-dessus des normes mais à travers elles, comme la résonance interne du réseau qu'el!es forment ; les normes pour­raient être conçues comme exprimant une individua­tion définie, et ayant par conséquent un sens struc­tural et fonctionnel, au niveau des être individués. Au contraíre, les valeurs peuvent être conçues comme rattachées à la naissance même des normes, exprimant !e fait que les normes surgissent avec une individuation et ne durent qu'autant que cette individuation existe

CONCLUSION 241

comme état actuel. La pluralité des systemes de normes peut alors être envisagée autrement que comme une contradiction. Il n'y a contradiction provenant de la multiplicité des normes que si on fait de l'indi­vidu un absolu et non l'expression d'une individuation créant un état seulement métastable.

Considéré comme recélant en !ui une réalité non individuée, l'être devient sujet moral en tant qu'il est réalité individuée et réalité non individuée associées ; vouloir accorder !e primat à l'être en tant qu'il est i~dividué ou à l'être en tant qu'il n'est pas individué, c est opposer les normes, relatives à l'être individué dans un systeme, aux valeurs, relatives à la réalité non individuée associée à l'être individué. La morale n'est ni dans les normes ni dans les valeurs, mais dans !e continu qui s'étend des valeurs aux normes, saisi en son centre réel. Normes et valeurs sont des termes extrêmes de la dynamique de l'être, termes qui ne consistent pas en eux-mêmes et ne se soutiennent pas dans l'être par eux-mêmes. Il n'existe pas un pro­bleme de la relation des valeurs aux normes de"l'oppo­sition de la morale dose et de la morale ou~erte, mais un probleme du déphasage de l'éthique selon la dimen­sion qui va duelos à l'ouvert. C'est une illusion rétro­active qui fait croire que le progres historique ouvre progressivement l'éthique et remplace les morales doses par des morales ouvertes : chaque nouvel état d'une civilisation apporte ouverture et fermeture à partir d'un centre unique ; ouverture et fermeture sont la. dimension d'une dyade indéfinie, unidimensionnelle et bipolaire. Tout acte, toute structuration fonction­nelle tend à s' étaler en normes et en valeurs selon un c~uple corrélatif. No:mes e~ valeurs n'existent pas anténe?rement au systeme d être dans leque! elles apparrussent; elles sont !e devenir, au lieu d'apparaitre dans le devenir sans faire partie du devenir ; i! y a une historicité de l'émergence des valeurs comme il Y a une historicité de là constitution des normes. On ne peut refaire l'éthique à partir des normes ou à partir des valeurs, pas plus qu'on ne peut refaire l'être à partir des formes et des matieres auxquelles

242 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

l'analyse abstractive ramlme les conditions de l'onto­

génese. 11 il é L' éthique est 1' exigence selon laque e Y a co~. ·

Iation significative des normes et des valeurs. Sa1s1r l'éthique en son unité exige que l'o~. a~c?mpa?De l'ontogénese : l'éthique est le sens de 1 mdiv1dua?on, Ie sens de la synergie des individuations success1ves. C'est le sens de la transductivité du devenir, sens selon leque! en chaque acte réside à, la fois _Ie .~o~vement pour aller plus loin et le scheme qm s ~tegr~ra. ~ d'autres schemes ; c'est le sens selon Jequell mténonte d'un acte a un sens dans 1' extériorité. Postuler que le sens intérieur est aussi un sens extérieur, qu'il n'y a pas d'ilots perdus dans le devenir, pas de, régio~s étemellement fermées sur elles-mêmes, pas d autarc1e absolue de l'instant, c'est affirmer que chaque. geste a un sens d'information et est symbolique par rapport à la vie entiere et à 1' ensemble des vies. 11 y a éthique dans la mesure ou il y a information, c' est-à-dire signi­fication surmontant une disparation d' éléments d'êtres, et faisant ainsi que ce qui est intérieur soit aussi exté­rieur. La valeur d'un acte n'est pas son caracte~e universalisable selon la norme qu'il implique, mrus l'effective réalité de son intégration dans un réseau d'actes qui est le devenir. 11 s'agit bien d'un réseau et non d'une chaine d'actes; la chaine d'actes est une simplification abstraite du réseau ; la réalité éthique est bien structurée en réseau, c'est-à-dire qu'il Y a une résonance des actes les uns par rapport aux autres, non pas à travers leurs normes implicites ou explicites, mais directement dans le systeme qu'ils forment et qni est le devenir de 1' être ; la réduction à des normes est identique li la réduction à des formes : elle n' em­porte qu'un des te~es extrême~ du rée!. L'acte n'e.st ni matiere ni forme, 11 est devemr en tram de devemr, il est 1' être dans la mesure ou il est en devenant. La relation entre les actes ne passe pas par le niveau abstrait des normes, mais elle va d'un acte aux autres comme on va du jaune-vert au vert et au jaune, par augmentation de la largeur de la bande de fréquences. · L'acte moral est celui qui peut s'étaler, se déphaser

CONCLUSION 243

en actes latéraux, se raccorder à d' autres actes en s' étalant à partir de son centre actif unique. Bien loin d'être rencontre d'une matiere et d'une forme, d'une impulsion et d'une norme, d'un désir et d'une regle, d'une réalité empirique et d'une réalité transcen­dantale, il est cette réalité qui est plus que l'unité et s'étale de part et d'autre d'elle-même en se raccor­dant aux autres réalités de même espece ; en repre­nant la formule de Malebranche relative à la liberté, et selon laquelle l'homme est dit « avoir du mouve­ment pour aller toujours plus loin », on pourrait dire que l'acte libre, ou acte moral, est celui qui a assez de réalité pour aller au-delà ·de lui-même et rencontrer les autres actes. 11 n'y a qu'un centre de l'acte, il n'y a pas de limites de l'acte. Chaque acte est centré mais infini; la valeur d'un acte est sa largeur, sa capacité d'étalement transductif. L'acte n'est pas une unité dans la course vers une fin qui impliquerait une conca­ténation. Un acte qui n'est que lui-même n'est pas un acte moral. L'acte qui est une unité, qui consiste en lui-même, qui ne rayonne pas, qui n'a pas de bandes latérales est effectivement un mais s'insere dans le devenir sans faire partie du devenir, sans accomplir ce déphasage d'être qu'est le devenir. L'acte qui est plus qu'unité, qui ne peut résider et consister seule­ment en lui-même, mais qui réside aussi et s'accomplit en une infinité d'autres actes est l'acte dont la relation allX autres actes est signification, possede valeur d'in­formation. · Descartes, en prenant la générosité comme fonde­. de la moral e a bien révélé ce pouvoir de 1' acte

. . se prolonger au-delà de lui-même. Mais Descartes, . fo~der une morale provisoire, c'est-à-dire une

qu1 regarde seulement en avant, n'a pas indi­la force rétroactive de l'acte, aussi importante sa force proactive. Chaque acte reprend !e passé rencontre à nouveau ; chaque acte moral résiste

et ~e se laisse pas ensevelir comme passé ; proactlve est ce par quoi il fera pour toujours

du s~s~eme du p~ésent, pouvant être réévoqué sa réallte, prolonge, repris par un acte, ultérieur

244 LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL

selon la date, mais contemporain du premier selon la réalité dynamique du devenir de I' être. Les actes construisent une simultanéité réciproque, un réseau qui ne se laisse pas réduire par l'unidimensionnalit~ du successif. Un acte est moral dans la mesure ou il a en vertu de sa réalité centrale le pouvoir de deve­nir ultérieurement simultané par rapport à un autre acte. L'acte non moral est !'acte perdu en lui-même, qui s'ensevelit et ensevelit une partie du devenir du sujet : i! est ce qui accomplit une perte d'être selon le devenir. I1 introduit dans l'être une faille qui l'empê­chera d'être simultané par rapport à lui-même. L'acte immoral, s'il existe, est celui qui détruit les significa­tions des actes qui ont existé ou qui pourront être appelés à exister, et qut, au lieu de se localiser en lui-même comme l'acte non moral, introduit un schême de confusion empêchant les autres actes de se struc­turer en réseau. En ce sens, i! n'est pas à proprement parler un acte, mais comme l'inverse d'un acte, un devenir qui absorbe et détruit les significations rela­tionnelles des autres actes, qui les entraine sur de fausses pistes de transductivité, qui égare !e sujet par rapport à lui-même : c'est un acte parasite, un faux acte qui tire son apparence de signification d'une contre-signification. Te! est l'esthétisme comme contre­morale, unification des actes selon un certain style commun et non selon leur pouvoir de transductivité. L'esthétisme est un parasite du devenir moral ; il est création de formes abstraites dans l'existence du sujet, et illusion d'unification selon ces formes abstraites. L'esthétisme, qui veut des actes toujours nouveaux, se ment à lui-même en un certain sens et devient une itération de la nouveauté selon la norme extrinseque de nouveauté; de même, le conformisme ou l'opposi­tion permanente aux normes sociales sont une démis­sion devant le caractere d'actualité des actes, et un refuge dans un style d'itération par une forme, posi­tive de coincidence ou négative d'opposition, par rap­port à un donné. L'itération traduit la tendance d'un acte à régner sur tout le devenir au lieu de s'articuler aux autres actes; l'acte non moral ou immoral est

CONCLUSION

celui qui, ne comportant pas en lui une relative inadê­~uation à lui-même, tendant à devenir parfait à l'intê­neur de ses propres limites, ne peut qu'être recom­m~cé et non continué ; cet acte est égoiste en lui­meme par rapport aux autres actes ; il a une tendance à persevérer dans son être qui fait qu'il se coupe des autres actes, n'est pas pénétré par eux et ne peut les pénétrer mais seulement les dominer ; tout acte moral c?mporte ?ll~ certaine ~formation interne qui le situe et le hmrte en tant qu acte : i! se développe selon une certaine régulation partiellement inhibitrice qui traduit son existence comme acte dans un réseau d'actes. L'acte en leque! il n'y a plus cet índice de la totalité et de la possibilité des autres actes, l'acte qui se ~onne une aséité malgré le caractere génétique de son ~mergence comme phase du devenir, l'acte qui ne reçort pas cette mesure à la fois activante et inhi­bitrice venant du réseau des autres actes est l'acte fou, en un certain sens identique à l'acte parfait. Un tel acte est celui dans leque! i! n'y a plus présence de cette réalité préindividuelle qui est associée à ·l'être individué ; I' acte f ou est celui qui tend à une total e individuation, et n'admet plus comme réel que ce qui est totalement individué. Les actes sont en réseau dans la mesure ou ils sont pris sur un fond de nature, source de devenir par l'individuation continuée. Cet acte n'a plus qu'une normativité interne ; il consiste en lui­même et s' entretient dans le vertige de son existence itérative. Cet acte absorbe et concentre en lui-même to~te é~ot~on et toute action, il fait converger vers lut les differentes représentations du sujet et devient ~?int ~e vue unique : toute sollicitation du sujet appelle lrtérat10n de cet acte ; le sujet se ramêne à l'individu en tant que résultat d'une seule individuation et l'indi­vidu se réduit à la singularité d'un hic et nu~c perpê­tuellement recommençant, se transportant partout lui­même comme un être détaché du mon de et des autres sujets.

L'éthique est ce par quoi !e sujet reste sujet, refu­sant de devenir individu absolu, domaine fermé de réalité, singularité détachée; elle est ce par quoi !e

246 LES FONDJ!MENTS DU TR,ANSINDlVIDUBL

sujet reste dans une problématique interne et externe toujours tendue, c'est-à-dire dans un présent réel, vivant sur la zone centrale de l'être, ne voulant devenir ni forme ni matiere. L'éthique exprime le sens de l'individuation perpétuée, la stabilité du devenir qui est celui de l'être comme préindividué et s'individuant.

NOTE ·cOMPLÉMENTAIRE SUR LES CONSÉQUENCES

DE LA NOTION D'INDIVIDUATION

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CHAPITRE PREMIER

VALEURS ET RECHERCHE D'OBJECTIVITE

1. V aleurs relatives et valeurs absolues.

La valeur représente !e symbole de I'intégration Ia plus parfaite possible, c'est-à-dire de la complémenta­rité illimitée entre I'être individuei et les autres êtres individueis. Elle suppose qu'il existe un moyen de rendre toutes les réalités complémentaires, et !e moyen le plus simple est évidemment de supposer que tout ce qui est s'integre dans une volonté universelle ; la fina­lité divine, universalisation du principe de raison suf­fisante, suppose et arrête cette requête de valeur ; e!le cherche à compenser l'inadéquation entre tous les êtres existants par une dissymétrie acceptée une fois pour toutes entre I'être créateur et les êtres créés. Dieu est invoqué comme condition de complémentarité. Cette complémentarité peut se trouver soit par la liaison directe d'une communauté au plan de finalité divine (c'est alors le sens de l'Ancien Testament avec la notion du peuple élu), soit par la constitution d'une communauté virtuelle finale des élus, qui ne seront déterminés qu'apres l'épreuve de I'existence terrestre (c'est !e sens, du christianisme communautaire), soit encore comme une possibilité indéfinie de progres ou de recul dans la voie de la découverte de Dieu ; saint Paul et Simone Weil représentent cette volonté de transparence directe. On peut aussi concevoir une perfection absolue et non communautaire, comme celle de Péguy, qui représente un effort d'intégration dépas­sant toutes les pensées abstraites précédentes.

250 NOTE COMPLÉWlNTAIRE

Mais nous devons remarquer que les Présocratiques avaient conçu la complémentarité d'une maniere diffé­rente, comme couple des contraires, naissance et mort, montée et descente, chemin vers le haut et chemin vers le bas. Pour eux, la mort d'un être est condition de la naissance d'un autre; c'est la complémentarité de la somme du devenir qui a pour expression le retour éternel, que Nietzsche a retrouvé comme un mythe essentiel chez les Présocratiques, et qu'il a intégré à son panthéisme.

Dans tous les cas, la valeur est l'action grâce à Jaquelle i! peut y avoir complémentarité. Ce principe a pour conséquence que trois types de valeurs sont pos­sibles : deux valeurs relatives et une valeur absolue. Nous pouvons nommer valeurs relatives celles qui expriment l'arrivée d'une condition complémentaire ; cette valeur est liée à la chose même qui constitue cette condition, mais elle ne réside pourtant pas dans cette chose ; on peut considérer qu' e!le est attachée à cette chose sans pourtant !ui être inhérente ; c'est Ia valeur du remede qui guérit, ou de J'aliment qui per­met de vivre. I! peut y avoir ici la valeur comme condition organique ou Ia valeur comme condition tech­nique, selon que la condition déjà réalisée est technique ou organique. Le troisieme type de valeur est Ia valeur qui permet Ia relation : début ou amorce de la réac­tion qui permet cette activité, et qui s'entretient d'elle­même une fois qu'elle a commencé. Au nombre de ces valeurs, on peut mettre la culture, qui est comme un ensemble de débuts d'action, pourvus d'un schéma­tisme riche, et qui attendent d'être actualisés dans une action ; la culture permet de résoudre des problemes, mais elle ne permet pas de construire ou de vivre orga­niquement ; elle suppose que la possibilité de vie orga­nique et de vie technique est déjà donnée, mais que les possibilités complémentaires ne sont pas en regard et, pour cette raison, restent stériles ; elle crée alors le systeme de symboles qui leur permet d'entrer en réaction mutuelle.

Cela suppose que la culture soit capable de MANI­PULER en quelque maniere les symboles qui repré­sentent te! geste technique ou telle pulsion biologique ;

~ l ':,\ )

VALEURS ET RECHERCHES n'OBJECT~ 251

car, l'inertie et la compacité des conditions organiques ou des conditions techniques est ce qui empêche leur mise en re!ation à l'état brut; nous comprenons pour­quoi Ia culture est liée à la capacité de symboliser les conditions organiques et techniques au lieu de les transporter en bloc à l'état brut : de même que pour amorcer une réaction difficile on ne cherche pas à agir sur toute la masse des corps à combiner, mais au contraire sur des masses réduites qui propageront analogiquement la réaction dans !e tout, la culture ne peut être efficace que si elle possede au point de départ cette capacité d'agir sur des symboles et. non sur les réalités brutes ; Ia condition de validité de cette action sur les symboles réside dans J'authenticité des sym­boles, c'est-à-dire dans !e fait qu'ils sont véritablement !e pro!ongement des réalités qu'ils représentent, et non un simple arbitraire, qui est artificiellement lié aux choses qu'il doit représenter. Platon a montré que Ia rectitude des dénominations est nécessaire à Ia pensée adéquate, et que !e philosophe doit se préoccuper de découvrir !e véritab!e symbole de chaque être, celui qui a un sens même pour Ies Dieux, selon les termes du Cratyle. C'est pour cette raison que tous Ies exer­cices d'expression jouent un rôle majeur dans la culture, sans toutefois que l'on doive à aucun moment confondre la culture avec ces exercices. Les Beaux-Arts, en tant que moyens d' expression, offrent à la culture leur force de symbo!isation adéquate, mais ne consti­tuent pas la culture qui, si elle reste esthétisme ne possede aucune efficacité. '

Il faut de plus que Ia culture, au lieu d'être pure consommatrice de moyens d'expression constitués en genres fermés, serve effectivement à résoudre les pro­blemes humains, c'est-à-dire mette en rapport Ies condi­tions organiques et les conditions techniques. Un pur organicisme ou un pur technicisme éludent !e probleme de l' efficacité de la culture. Le marxisme et !e freu­disme réduisent la culture au rôle de moyen d'expres­sion ; mais en réalité une culture est réflexive, ou bien elle n'est pas : elle reste une mythologie ou une superstructure. Considérons au contraire une culture de type réflexif, qui veut résoudre des problemes : nous

252 NOTE COMPrmmNTAIRE

trouvons en elle une utilisation du pouvoir de sym­boliser qui ne s'épuise ni dans une promotion de I' organique ni dans une expression du technique ; la culture réflexive est sensible à l'aspect problématique de l'existence ; elle recherche ce qui est humain, c'est-à­dire ce qui, au lieu de s'accomplir de soi-même et auto­matiquement, nécessite une mise en question de l'homme par lui-même dans le retour de causalité de la réflexion et de la conscience de soi ; c'est dans l>t rencontre de l'obstacle que la nécessité de la culture se manifeste ; Wladimir Jankélévitch écrit que tout pro­bleme est par essence thanatologique ; c' est que, dans les conditions simples de l'existence, l'homme est orga­nisme ou technicien, mais jamais les deux simultané· ment ; or, !e probleme apparait lorsque surgit, à la place de cette alternance entre Ia vie organique et la vie technique, la nécessité d'un mode de COMPATI· BILITE entre les deux vies, au sein d'une vie qui les integre simultanément, et qui est l'existence humaine. Toutes les cultures donnent une réponse à ce pro· bleme de compatibilité posé en termes particuliers. Platon trouve la réponse dans l'analogie de structure, d'opérations et de vertus qui existe entre l'individu et la cité dans laquelle son activité technique s' expli­cite; c'est la «, cité sans frottement » de la République et des Lois. Le christianisme, rie cherchant plus à éterniser l'homme dans !e devenir, introduit la notion du mérite des reuvres, et raccorde l'effort technique à la vie organique par l'espérance en une vie éter­nelle qui integre les deux aspects : I'effort non orga­nique se convertit en vie spirituelle. Le sacrifice est un mode de conversion qui suppose la possibilité de cette intégration. La relation entre les deux termes est possible par la commune relation à Dieu.

2. La zone obseure entre le substantialisme de l'indi· vidu et l'intégration au groupe.

Nous devons remarquer le caractere particuliere­rement aigu que prend !e probleme quand l'activité technique ne se réduit pas à la guerre ou à Ia gestion

VALEURS ET RECHERCHES n'OBJECTIV'ITá 253

de la cité, comme pour les citoyens des cités ou l'es­clavage délivrait ces derniers du travail ; !e christia­nisme correspond à la nécessité d'intégrer au probleme !e travail, qui n' était pas au nombre des techniques du citoyen. 11 serait tout à fait faux de considérer que la culture chrétienne est dévalorisée parce qu'elle cor­respond au probleme humain de l'esclave, tandis que la culture gréco-latine serait valorisée parce qu'elle correspond à une position du probleme qui ne contient pas la fonction du travail ; si !'une de ces deux cultures est incomplete, l'autre l'est aussi ; elles sont incom· pletes de maniere simultanée et complémentaire. Elles sont des cultures inachevées, en ce sens que chacune d'elles suppose à la fois l'exclusion spirituelle et l'exis· tence matérielle de l'autre culture. Paganisme et chris­tianisme sont des cultures réciproques, qui constituent comme un couple existeritiel. En approfondissant l'étude de la culture gréco-romaine elle-même, on trou­verait que, avant l'apparition historique du Christia­nisme, des traditions culturelles remplissaient la fonc­tion qu'il assuma plus tard avec une ampleur qui était à la mesure du monde intellectuel nouveau : à l'échelle de la cité, les cultes initiatiques comme l'Orphisme et !e Pythagorisme, ou encore les mysteres de Cybele, constituaient un élément non proprement paien de la pensée : l'reuvre de Platon manifeste l'importance des valeurs qu'ils représentaient. Tacite, pour exposer ce qu'est !e Christianisme, le rapproche du culte de Dio­nysos, avec leque! i!le confond plus ou moins compli:­tement. Le Christianisme, considéré comme culture, vient remplacer la pluralité des cultes initiatiques du sacrifice et de la résurrection ; mais i! est doué d'un pouvoir d'universalité qui en fait I'antagoniste de la religion officielle de l'empire Romain; la compatibilité entre !e paganisme pur et les cultes initiatiques, qui déjà avait manifesté sa précarité, cesse lorsque le Christianisme fait converger vers !ui les aspirations qui jusqu'à ce jour s'étaient réparties en mysteres particuliers.

Cet antagonisme d'aspects culturels pourtant complé­mentaires n'a jamais cessé ; i! subsiste encore aujour­d'hui une relative opposition entre une culture civique

254 NOTE COMPLÉMENTAIRE

et une culture religieuse. Or, i! n'y a pas d'unité pos­sible entre ces deux versants de la culture au niveau de leur contenu particulier ; seule une pensée réflexive peut découvrir un sens unitaire des _valeurs ?ans cet antagonisme ; toute volonté de synthese au n1veau de ces deux contenus culturels ne pourrait aboutir qu'à un enfoncement dans des déterminations stéréotypées ; c'est ce que montre l'examen de ces deux syn0~ses tres insuffisantes que constituent la culture CIVIque devenue religion ou la culture religieuse devenue sup­port d'une société fermée ; la pensée maçonnique se ferme sur elle-même dans la méditation de vertus civiques abstraites, et la foi religieuse devient senti­ment d'appartenance pharisienne au petit groupe des fideles affirmant grâce au symbolisme et au rite sa distin~tion d'avec l'autre groupe social. Un civisme devenu religion s'oppose à une religion devenue civisme. Or, seule une pensée capable d'instituer une relation ALLAGMATIQUE véritable entre ces deux aspects de la culture est valable ; elle est alors non pas dogmatique mais réflexive ; le sens des valeurs disparait dans cette incompatibilité des deux cultures ; seule la pensée philosophique peut découvrir une compatibilité dynamiqu; entre ces .d;ux forc~s aveugles qui sacrifient 1 homme à la cite ou la v1e collective à la recherche individuelle du salut. Sans la pensée. réflexive, la culture se dégrade en efforts incompatibles et non constructifs, qui consument dans un affrontement stérile la préoccupation civique et la recherche d'une destinée individuelle. Le sens des valeurs est !e refus d'une incompatibilité dans le domaine de la culture, le refus d'une absurdité fonda­mentale en l'homme.

3. Problématique et recherche de compatibilité.

Cet antagonisme laisse la place à une compatibilité possible si l'individu, au !ieu d'être connu comme une substance ou un être précaire aspirant à la substantia­lité, est saisi comme le point singulier d'une infinité ouverte de relations. Si la relation a valeur d'être,

VALEURS ET RECHERCHES D'OBJECTIVII'É 255

il n'y a plus opposition entre !e désir d'éternité et la nécessité de la vie collective. Le civisme contraignant - sous quelque forme que ce soit - est le symétrique et parfois l'antidote d'une conception de la destinée individuelle isolée ; il répond à un substantialisme de l'individu, et s'y oppose en l'acceptant. Le tragique du choix n'est plus fondamental si le choix n'est plus ce qui fait communiquer une cité et un individu indépen­dants comme des substances. La valeur ne. s'oppose pas aux déterminations ; elle les compatibilise. Le sens de la valeur est inhérent à la relation par laquelle l'homme veut résoudre !e conflit en instituant une compatibilité entre les aspects normatifs de son exis­tence. Sans une normativité élémentaire, subie en quelque maniere par l'individu, et recélant déjà une incompatibilité, il n'y aurait pas de probleme ; mais il importe de remarquer que l'existence d'une problé­matique ne fait pas sortir de l'incompatibilité qu'elle énonce ou désigne ; ce probleme, en effet, ne peut être défini entierement dans ses termes, car i! n'y a pas symétrie entre les termes du probleme moral ; l'indi­vidu peut vivre le probleme, mais il ne peut l'élucider qu'en le résolvant ; c'est le supplément d'être décou­vert et créé sous forme d'action qui permet apres coup à la conscience de définir les termes dans les­quels le probleme se posait ; Ia systématique qui per­met de penser simultanément les termes du probleme, quand c'est d'un probleme moral qu'il s'agit, n'est réellement possible qu'à partir du moment ou la solution est découverte.

Le sujet, devant le probleme, est à un trop faible niveau d'être pour pouvoir assumer la position simul­tanée des termes entre lesquels une relation s'établira ?ans l'action ; dans ces conditions, aucune démarche mtellectuelle pure, aucune attitude vitale ne peut résoudre !e probleme. Le sens de la valeur réside dans le sentiment qui naus empêche de chercher une solu­tion déjà donnée dans le monde ou dans le moi comme scheme intellectuel ou attitude vitale ; Ia vale~ est le sens de l'optatif; on ne peut en aucun cas réduire 1' action au choix, car le choix est un recours à des schemes d'actions déjà préformées et qui, à l'instant

256 NOTE COMPLÉMBNTAIRE

ou nous les éliminons toutes sauf une, sont comme du réel déjà existant dans l'avenir, et qu'il nous faut condamner à n'être pas. Le sens de la valeur est ce qui doit nous éviter de n_ous trouve~ devant ~es pro­blemes de choix ; le probleme du cho~x a~paralt quand il ne reste plus que la forme vide de ~ actwn, qu~d les forces techniques et les forces orgaruques sont di~qu_a­lifiées· en nous et nous apparaissent comme _des u;Idif­férent~. S'il n'y a pas perte initiale des quahtés bwlo­giques et techniques, !e probleme de ~hoix ne peu_t se poser comme probleme moral, car i! n y a pas d ac?ons prédéterminées, comparabi:s. à ces corrs que les am~s platoniciennes doivent ch01~1r p~ur. s mcarner. Il n Y a ni choix transcendant, m ch01x 1mmanent, car le sens de Ia valeur est celui de l'auto-constitution du sujet par sa propre action. Le probleme moral que le sujet peut se poser est donc au niveau de cette pent;ta· nente médiation constructrice grâce à Iaquelle !e suJet prend progressivement conscience du fait qu'il a résolu des problemes, Iorsque ces problemes ont été résolus dans I' action.

4. Conscience morale et individuation éthique.

On pourrait faire remarquer que dans u~e l?areille conception Ia conscience morale sem?Ie n av~1r p~us de rôle à jouer. En fait, il est impos~1bl~ de dissocier Ia véritable conscience morale de I action ; Ia cons­cience est Ia réactivité du sujet par rapport à lui-même, qui !ui permet d' exister comme individu, en étant à lui-même la norme de son action ; !e sujet agit en se contrôlant c' est-à-dire en se mettant dans la commu­nication 1~ plus parfaite possible avec lui-même ; la conscience est ce retour de causalité du sujet sur lui­même, quand une action optative est sur !e poi~t _de résoudre un probleme. La conscience morale d1ffere de Ia conscience psychologique en ce que la conscience psychologique exprime !e retentissement dans !e sujet de ses actes ou des événements en fonction de I' état présent du sujet. Elle est jugement selon une détermi­nation actuelle ; au contraíre, la conscience psycholo-

VALEURS ET RECHERCHES n'oBJECTIVITÉ 257

giqtie rapporte les actes ou les débuts d'actes à ce que le sujet tend à être au terme de cet acte ; elle ne le peut que de façon extrêmement précaire, en « extra­polant » en quelque maniere pour tenir compte de l'actuelle transformation du sujet; elle est d'autant plus fine qu'elle arrive mieux à juger en fonction de ce que le sujet sera; c'est pour cette raison qu'il y a une relative indétennination dans !e domaine de Ia conscience morale, car Ia conscience morale instaure d'abord un prernier type de réactivité comme la cons­cience simplement psychologique, et ensuite un deuxieme type de réactivité qui vient de ce que les modalités de ce retour de causalité dépendent du régime d'action qu'elles contrôlent : dans cette récur­rence de l'information, !e sujet n' est pas seulement un être doué d'une téléologie interne simple, mais d'une téléologie elle-même soumise à une auto-régulation : la conscience psychologique est déjà régulatrice ; la conscience morale est une conscience régulatrice sou­Inise à une auto-régulation interne ; cette conscience doublement régulatrice peut être nommée conscience normative. Elle est libre parce qu'elle élabore elle­même son propre régime de régulation. Cette liberté ne peut se trouver en aucun être ou aucun systeme qui ne dépendrait que d'un seu! ensemble de conditions ; elle aboutirait à une indétennination ou à une activité itérative, oscillatoire ou par relaxation ; cette liberté ne peut se trouver que dans l'auto-création d'un régime de compatibilité entre des conditions asymétriques comme celles que nous trouvons à la base de I'action. Un mécanisme téléologique peut imiter le fonctionne­ment de Ia conscience psychologique, qui peut être ins­tántanée ; mais le mécanisme téléologique ne peut imiter la conscience morale, car il n'a jamais un condi­tionnement double et simultané; il faut que l'orga­nique et le technique soient déjà présents, prêts à être Inis en relation, pour que la conscience morale puisse exister. La conscience valorisante définit donc un niveau d'activité téléologique qui ne peut être ramené à aucun automatisme. La solution au probleme moral ne peut être cherchée par ordinateur,

258 NOTE COMPLÉMENTAIRE

5. Ethique et processus d'individuation.

Certes les conduites automatiques et stéréotypées surgisse~t dês que la conscience morale démissionne ; alors, la pensée par especes et genre remplace, I: sens des valeurs ; la classification morale caracter!se la simple téléologie sociale ou, organique! et es_t d ordr~ automatique. C'est ce que 1 on peut decouvnr en utl· lisant les stéréotypes nationaux comme moyen pour penser moralement : on arriv: au bo~t de peu de temps à un blocage de la consci~nc:, meme _:psyc!Iol~­gique, et on reste au niveau des mstm~ts ~oc1~~ p~si· tifs ou négatifs, comme la xénophob1e, 1 assimilation des étrangers à des êtres sales. La même épreuve peut être tentée avec des sentiments de groupe comme ceux des classes sociales. Ce qui peut faire illusion ici est la facile convergence que possedent les instincts ou les sentiments de groupe, et qui semble leur donner !e pouvoir de résoudre des probleme~ par ~ consent:· ment collectif aisément obtenu. Mrus en fait, les se~ti· ments purement régulateurs sont beaucoup mom.s stables que les valeurs élaborées par les individus ; Il suffit d'un changement dans les circonstances socia~es pour que les stéréotypes se renversent et donnent heu à une convergence différente ; o~ pourr~it co~parer Ies sentiments sociaux à cette rumantat10n qu Il est facile de produire dans un métal magnétique au­dessous du point de Curie ; il suffit d'un c!Iamp un peu intense pour changer l'aima!"J;a~on rémanente; au contraíre, si Ies molécules ont ete rumantées au-des­sus du point de Curie et ont pu s'orienter dans le champ, puis se sont refroidies en co?serv~t cette aimantation il faut un champ démagnétisant b1en plus intense po~ désaimanter le métal; c'est qu'il ~e s'~git plus seulement d'un phénomene de groupe, ~ais d ~e aimantation et orientation de chaque molecule pnse individuellement 1• Des hommes unis par le sens d'une même valeur ne peuvent être désunis par une simple

1. Ce rapprochement est donné à titre de comparaison, non d' analogie.

VALEURS ET RECHERCHES D'OBJECTIVITÉ 259

circonstance organique ou teclmique ; l'runitié contient un sens des valeurs qui fonde une société sur autre chose que les nécessités vitales d'une communauté. L'amitié nécessite un exercice de la conscience morale, et un sens de la communauté d'une action. La commu­nauté est biologique, tandis que la société est éthique.

Par !à même, nous pouvons comprendre que les sociétés ne peuvent exister sans communautés, mais que la réciproque de cette affirmation n'est pas vraie, et qu'il peut exister des communautés sans sociétés ; la distinction que fait Bergson entre société dose et société ouverte est sans doute valable, mais la société ouverte correspond à une emprise des individus sur leurs relations mutuelles, tandis que la communauté, forme statutaire de relation, ne nécessite pas la cons· cience morale pour exister ; toute société est ouverte dans la mesure ou !e seul critere valable y est consti­tué par l'action, sans qu'il y ait un aú!'6oÃov de nature biologique ou technique pour recruter ou exclure les membres de cette société. Une société dont !e sens se perd parce que son action est impossible devient com­munauté, et par conséquent se ferme, élabore des stéréotypes ; une société est une communauté en expansion, tandis qu'une communauté est une société devenue statique ; les communautés utilisent une pen­sée qui procede par inclusions et exclusions, genres et espêces ; une société utilise une pensée analogique au sens véritable du terme, et ne connatt pas seule~ent deux valeurs, mais une infinité continue de degrés de va!eur,. depuis le néant jusqu'au parfait, sans qu'il y ait opposition des catégories du bien et du mal, et des êtres bons et mauvais ; pour une société, seules !es valeurs morales positives existent ; !e mal est un pur néant, une absence, et non la marque d'une activité volontaire. Le raisonnement de Sacra te oóSslç ~xti>v lip.<tp!tá.vst, selon leque! nu! ne fait le mal volontairement, est remarqua· blement révélateur de ce qu'est la véritable conscience morale de l'individu et d'une société d'individus ; en effet, comme la conscience morale est auto-normative et auto-constitutive, elle est par essence placée dans l'alternative ou bien de ne pas exister, ou bien de ne pas faire !e mal volontairement ; Ia conscience morale

260 NOTE COMPLmlENTAIRE

suppose que Ia relation à autrui est une relation d'indi­vidu à individu dans une société.

Au contraire, dans une communauté, les communau­tés extérieures sont, par !e fait qu'elles sont extérieures, pensées comme mauvaises ; les catégories d'inclusion et d'exclusion sont contenues dans leur type implicite, qui est l'intériorité ou l'extériorité par rapport à la communauté ; sur ces catégories primitives d'inclu­sion et d'exclusion, correspondant à des actions d'assimilation ou de désassimilation, se développent des catégories annexes de pureté et d'impureté, de bonté et de nocivité, racines sociales des notions de bien et de mal. Il y a ici des notions symétriques comme celles que l'individu vivant manifeste dans l'opposition bipolaire de l'assimilable et du dangereux. La bipolarité des valeurs manifeste une communauté ; l'unipolarité des valeurs manifeste une société. Nous devons remarquer ici que l'activité technique n'intro­duit pas une bipolarité des valeurs au même titre que l'activité biologique; en effet, pour l'être qui construit, i! n'y a pas !e bon et !e mauvais, mais l'indifférent et le constructif, le neutre et le positif ; la positivité de . la valeur se détache sur un fond de neutralité, et de neutralité toute provisoire, toute relative, puisque ce qui n'est pas encare utile peut !e devenir selon le geste de l'individu constructeur qui saura l'utiliser ; au contraire, ce qui a reçu un rôle fonctionnel dans le travail ne peut le reperdre, et se trouve par !à même pour toujours investi d'un caractere de váleur ; la valeur est irréversible et tout entiere positive ; i! n'y a pas symétrie entre la valeur et l'absence de valeur.

CHAPITRE II

INDIVIDUATION ET INVENTION

1. Le teehnicien comrne individu pur.

L'activité technique peut par conséquent être consi­dérée comme une introductrice à la véritable raison sociale, et comme une initiatrice au sens de la liberté de l'individu ; la communauté identifie en effet I'indi­vi~u avec ~a fo~ction, qui .~st o:ganique ou technique ; maxs, tandxs qu elle peut lxdentxfier totalement avec sa f~~ction organi51ue et son état organique (jeune homme, vxexllard, guerner), elle ne peut !e faire adhérer tota­lement à sa fonction technique : le médecin est, dans les poemes h~mériques, considéré comme équivalent à lux to~t s~ul a plusieurs guerriers ("••ÀÀoov ~ .. ~~~ó~ to«), et partx~~lierement honoré. C'est que !e médecin est !e teclmxcx~n de Ia guérison ; i! a un pouvoir magique ; sa force n est pas purement sociale comme celle du c~ef ou du guerrier; c'est sa fonction sociale qui ~est?~e de so? ~ouvoir individue!, et non son pouvoir l'_ldxvxdue! qm resulte de son activité sociale ; le méde­cxn est plus. que l'homme défini par son intégration au.~rm~pe; .~1 est :par lui-même; i! a un don qui n'est qu a lu~, qu Il ne tient pas de la société, et qui définit la c?nsxstance de son individualité directement saisie. Il n est pas seulement un membre d'une société mais ~ individu pur ; dans une communauté, i! est c~mme d une aut~e espeC: ; i! est un point singulier, et n'est p~s SOUIDis aux memes obligations et aux mêmes inter­dxts que les autres hommes. Le sorcier ou le prêtre

262 NOTE COMPLÉMENTAIRE

sont également les détenteurs d'une technique d'ordre supérieur, grâce à laquelle les forces naturelles sont captées ou les puissances divines rendues f~vor~bles ; un seu! homme peut .tenir tête au chef d armee, un seul !ui imposer le respect : le devin Tirésias ~st plus puissant que tout autre être _d~~ni par s~ fon.ctton, caz: il est le technicien de la prevlSlon de 1 avemr. UD; rOI même est attaché à sa fonction, même s'il est « legtbus solutus » Le technicien, dans une communauté, apporte ~ élément neuf et irrempla~able, celui_ du dialogue direct avec l'objet en tant qu 1l est cac~e ~u inaccessible à l'homme de la communauté ; le medecm connait par 1' extérieur du corps les mystérieuses fonc­tions qui s'accomplissent à l'intérieur des organes. L~ devin lit dans les entrailles des victimes le sort. ca~he de la communauté ; le prêtre est en communtcat~o? avec la volonté des Dieux et peut modifier leurs dect­sions ou tout au moins conna!tre leurs arrêts et les

révéler. d' . L'ingénieur, dans les cités grecques ~o?'te au

vi' siecle avant Jésus-Christ, devient le technicten par excellence; il apporte à ces cités le pouvoir d'exp~­sion et il est l'homme •~1'-Íl%"-'o' 6, ••x•"-<. Thales, Anaxt· mandre, Anaximene, sont avant tout des technic~e_ns. On ne doit pas oublier que la premiere ~ppan_tt?n d'une pensée individuelle libre et d'une réflex10n desm­téressée est le fait de techniciens, c'est-à-dire d'hommes qui ont su se dégager de la communauté par ~ dia­logue direct avec le monde. Tann~ry. a montre ~ans son ouvrage intitulé : Pour une Htstotre de la sct~nce hellime le rôle prépondérant de la pensée techntque dans c~ que 1' on a nommé le « miracle grec » ; le miracle est l'avenement, à l'intérieur de la commu­nauté de l'individu pur, qui réunit en lui les deux conditions de la pensée réflexive : la vie organique e~ la vie technique. Ces premiers techniciens ont _montre leur force en prédisant, comme le fit Thale_s, une éclipse de solei!. On ne peut confondre techruque et travail ; en effet, le travail, perdant son caractere d'opération sur un objet caché, n'est plus une tech­nique à proprement parler ; le véritable technicien est celui qui est un médiateur entre la communauté et

INDIVIDUATION ET INVENTION 263

l'objet caché ou inaccessible. Nous nommons aujour­d'hui techniciens des hommes qui sont en réalité des travailleurs spécialisés, mais ne mettent pas la commu­nauté en relation avec un domaine caché ; une tech­nique absolument élucidée et divulguée n' est plus une technique, mais un type de travail ; les « spécialistes • ne sont pas de véritables techniciens, mais des travail­leurs ; la véritable activité technique est aujourd'hui dans !e domaine de la recherche scientifique qui, parce qu'elle est recherche, est orientée vers des objets ou des propriétés d' objets encore inconnus. ·Les individus libres sont ceux qui effectuent la recherche, et insti­tuent par là une relation avec l'objet non social.

2. L'opération technique comme condition d'individua­tion. Invention et autonomie ; communauté et rela· tion transindividuelle technique.

Le rapport de l'Homme au monde peut en effet s'effectuer soit à travers la communauté, par le travail, soit de l'individu à l'objet, dans un dialogue direct qu'est l'effort technique : l'objet technique ainsi éla­boré définit une certaine cristallisation du geste humain c~éateur, et le perpétue dans l'être; l'effort technique n est pas soumis au même réginte temporel que le travail ; le travail s 'épuise dans son propre accomplis­sement, et l'être qui travaille s'ali(me dans son reuvre q~i prend de plus en plus de distance par rapport à lm-même; au contraíre, l'être technique réalise la sommation d'une disponibilité qui reste toujours pré­s~nte; l'effort étalé dans le temps, au lieu de se dis­Sipe~, co~stfl;lit discursiv~me~t un être cohérent qui exprrme 1 actlon ou la smte d actions qui l'ont consti­tué, et les conserve toujours présentes : l'être tech­nique médiatise l'effort humain et lui confere une

que la communauté ne confere pas au tra­L:être technique est participable; comme sa natllre

réstde pas seulement dans son actualité mais aussi l'inform~tion qu'il fixe et qui le constitue, il peut reprodult sans perdre cette information · il est d'une fécondité inépuisable en tant qu'êt~e d'in-

264 NOTE COMPLÉMENTAIRE

à t t geste humain pour l'uti­formation ; il est ouver~. • ou dans un élan de commu­liser ou !e recréer, et s msere h' es ont compris et nication universelle. ~es l'Sffp r:S~echnique qui libere exprimé cette valeur e ~ ~ f . t de I ui un véritab!e l'homme de la com~unaute e cl~ment ~<ií•• "oÀ•<>•Ó•, il individu. L'homme, n est pas s~unication de la pensée est aussi ~ij.o• «)("•••, et la com . d' . ersalité . t d caractere unlv technique est emprem e u 1 frustes ou Jes plus jusque dans ses formes les P us , I'inhérence des élémentaires. Augu~te Codmte a ~a:ç:e » à J' opération « germes nécessalres e posl lVl

techniq~e. . hn' réalise en effet ce que le L'operatlOn tec lque . communautaires ne

travail ou les autrels f~nctt~o?tse' de l'acte . l'activité ' J' • a reac lVl ' peuvent rea !Ser . . ' me J'ima e réelle de son

constructive donne a ! hom t llemg ent obJ" et de la ce qUl est ac ue I ,

acte, parce que . o en d'une construction u te· construction devwnt m y 'di ti'satl• on . c' est ce • · permanente me a • rieure, grace a une t du temps de l' effort tech-é · ntinu et ouver .

r gune co . r·· d'vl'du d'avoir la consC1ence · ·permeta m1 n1que qUl f et d'être sa propre norme. réactive de sa propre achnic u~n, s sont entierement acces-E eff t I s normes te que ·

n e , e . . •·r doive avoir recours à une 'bl à l'ind1V1du sans qu 1 'd

Sl es . . é . I L' oh jet technique est vah e ou non normatlvlt soem e. . ui traduisent le vali?e s7lon :h~:e~t~í~:ff:~~~sle~uel il s'est co?s·

~~~~~t~s:n:ormativité in~rinseque d~~~~e~ !~r:~J~~ qui exige leur cohére'?ce m~erne, se es ne suffisent

~· opé~ati~n t~i~~ui.::::!~~~. c:a~soreur immanence JamalS a pro. . I al'd'té de son effort. Le tech­au sujet cond1t10IJ?e a v li~ 1 ment car la normativité nicien ne peut ag1r que re ' rt au este qui la technique est intrinseque part' ;eauprpoe à l'actfon ou anté-

•tu . lle n'est pas ex en const1 e , e . 1, 1. n n' est pas non plus ano-. re à elle . mms ac 10 hé

n:u IÍ 'est féconde que si elle est co r~te, m1que, car e, e n t normativité. Elle est vahde et cette coherence es , ~a elle·même et non en tant qu'elle existe ve;ltable~ent ~ refu d'un objet dans ~a communauté. L ~~~p~~n s~~Üie ri:n pour ou techmqule pari. d'unté ed:o~~t :bJ' et . la normativité tech-contre a va 1 1 '

INDIVIDUATION ET INVENTION 265

nique est intrinseque et absolue ; on peut même remarquer que c'est par la technique que la pénétra­tion d'une normativité nouvelle dans une communauté fermée est rendue possible. La normativité technique modifie le code des valeurs d'une société fermée, parce qu'il existe une systématique des valeurs, et toute société fermée qui, admettant une technique nouvelle, introduit les valeurs inhérentes à cette technique, opere par !à même une nouvelle structuration de son code des valeurs. Comme i! n'est pas de communauté qui n'utilise aucune technique ou n'en introduise jamais de nouvelles, i! n'existe pas de communauté totalement fermée et inévolutive.

Tout groupe social est un mixte de communauté et de société, définissant en tant que communauté un code d'obligations extrinseques par rapport aux indi­vidus et en tant que société une intériorité par rapport aux individus. L'effort communautaire et l'effort tech­nique sont antagonistes dans une société déterminée ; les forces communautaires tendent à incorporer les techniques dans un systeme d'obligations sociales, en assimilant I' effort technique à un travail ; mais I' effort technique oblige la communauté à rectifier toujours sa structure pour incorporer des créations toujours nou­velles, et i! soumet au jugement selon ses propres valeurs Ia structure de la communauté, en analysant ses caracteres dynarniques que cette structure prédé­tennine. Le technicisme positiviste est un exemple tres net de Ia maniere dont une pareille pensée introduit des valeurs nouvel!es dans Ia communauté. Une sacio· logie qui, croyant saisir Ia réalité humaine dans sa spécificité, élimine la considération de l'individu pur et par conséquent des techniques dans Ieur genese, définit le social par l'obligation, mais laisse de côté une part importante de Ia réalité sociale, part qui peut devenir prépondérante dans certains cas. La réalité collective est indissolublement communautaire et sociale, tnais ces deux caracteres sont antagonistes, et Ia sociologie moniste ne peut rendre compte de cet antagonisme.

Il serait faux de considérer que la communauté ne réagit que contre l'influence dissolvante de l'individu

266 NOTE COMPJ..ÉMENTAIRB

. , - tes · un inventeur cherchant à sat~fair~ les dé,~~: ;~~1~lus' égoiste qu'un ou un homme : sclen~ant Ia communauté accepte peintre ou un poete! po .

5 ~efuse l'invention, parce

le peintre ou le poet~, mal 1 ue chose qui est au-delà qu'il y a dans l'inventlOn que q 1 1· transindi· , . t'tue une re a lOn de la communadte l~t ;sidu à l'individu sans passer viduelle, allan~ e m lV utaire garantie par une par 1'intégrat1on . comml tion immédiate entre des

~~~l~~d~~~c::· ~s~::ce _sociale au sens1 J?~P~:

m d' 1 relatlOn communau arr du terme, tan lS _que ~ . . dividus directement les fait pas commumquer ~5 c~nstitue une totalité par uns avec les autres, IDalS. uni uent indirecte­l'intermédiaire de laquelle ils ~omm le! individualité. ment et s~s conscience p:::~sfru~:e échapper le dyna· Une théone de 1~ ,c~mm~ . 'd . la sociologie, pour misme de la soclo:te. de~ mdivl ~Íude des techniques. être complete, dmt mtegrer un l'humanisme des L'humanisme doit également, comme hn'

, ét de des tec lques. Sophistes, in_tegre~ une u éation technique est

On pourralt obJecter que la cr ditl'ons Ia conduite t ue dans ces con chose rare, e q ue tres exceptionnelle;

individuelle ne peut ~tre d~ t'on des valeurs autour dant '1 y a une 1rra m 1 cepen • 1, duite n'est pas isolée dans

d'une condUlte, et _une d~n l'individu, pas plus ~u'un la somme des. actio:n 1 . milieu social ou il· ex1ste ; individu n'est lsolé • s e d r· dividu de communi· il est de la nature meme e cf 1 · l'information qui quer, de faire ~yo~n:r ~utouda e ufest rendu possible propage ce _qu 11 creo:' c est ~ t <).llimitée dans !'espace par l'inventlOn technique, qUl es 1 s s'affaiblir, et dans le temps i elle. 5~ prop~~= é1~ent ou s'in· même quand elle s assocle a un ~Y•c:euvre de l:individu tegre à un tout plus comple:~ manieres au-delà de peut en effet se propager de technique propre·

. di 'd 1 · ême · comme c:euvre l'm Vl. u Ul-m . nsé uence .de cette c:euvre sous ment dite d~::u~o=c:Ú~~atio~ des conditions collectives I~ f~rme .. liquent des exigences et des vale~rs. d ex1stence, qUllmp ·de de commun1ca· Ainsi l'invention d'un moyen rapl d'un mo en tion ~es~ pas ar:éanti': plar lpa r~~M~;e;!clunques :Ont plus rap1de ; meme s1 es

INDIVIDUATION El' INVENTION 267

totalement transformés, il subsiste une continuité dynamique qui consiste en ce que l'introduction dans la communauté du premier mode de transport a développé une exigence de rapidité qui sert à promou­volr avec force !e second mode : le premier a créé la fonction et I' a insérée dans l'ensemble des dynamismes de la communauté. Tout dispositif technique madifie dans une certaine mesure la communauté, et institue une fonctian qui rend passible l'avenement d'autres dispasitifs techniques ; i! s'insere dane dans une canti­nuité qui n' exclut pas Ie clmngement mais Ie stimule, parce que les exigences sant toujaurs en avance sur les réalisations. Par là, l'être technique se canvertit en civilisatiali ; par ailleurs, un être technique, même peu intégré dans la cammunauté, vaut comme abjet à comprendre ; il exige un type de perceptian et de conceptualisation qui vise à camprendre l'être tecll­nique en !e recréant ; l'être technique existe dane comme un germe de pensée, recélant une normativité qui s'étend bien au-delà de lui-même. L'être teclmique constitue dane de cette seconde maniere une vaie qui transmet de l'individu à l'individu une certaine capacité de créatian, camme s'il existait un dyna· misme cammun à toutes Ies recherclles et une saciété des individus créateurs d' êtres techniques.

Cette seconde direction est également propre à faire de l'être technique un élément de civilisation. La. civi­lisatian est alors I' ensemble des dynamismes de la communauté et des dynamismes des différentes sociétés qui rencontrent dans le monde des êtres techniques une candition de compatibilité. Même si la notion de progres ne peut être directement acceptée et doit être élabarée par un travail réflexif, c'est bien cette compa­tibilité de la communauté et des sociétés qui trouve un sens dans la notian de développement progressif. Le progres est !e caractere du développement qui integre en un tout !e sens des découvertes successives discan­tinues et de l'unité stable d'une communauté. C'est par l'intermédiaire du progres teclmique que communauté

société peuvent être synergiques. Enfin, Ia cansis­propre de l'être teclmique se constitue camme

réalité en expansian dans la continuité temparelle

268 NOTE COMPLllMENTAIRE

de l'univers technique, ou une double solidarité, simul­tanée et successive, relie par un conditionnement mutuel les êtres tecbniques les uns aux autres ; on pourrait parler d'une résonance interne de l'univers technique, dans leque! chaque être technique inter­vient effectivement comme condition d'existence réelle des autres êtres techniques ; chaque être technique est ainsi comme un microcosme qui renferme dans ses conditions d'existence monadique un tres grand nombre d'autres êtres tecbniques valides; une causalité cir­culaire crée une réciprocité de conditions d'existence qui donne à l'univers technique sa consistance et S?~ unité ; cette unité actuelle se prolonge par une umte successive qui rend l'humanité comparable à cet homme dont parle Pascal qui apprendrait toujours sans jamais oublier. La valeur du dialogue de l'in~vidu avec l'objet tecbnique est dane de conserver 1 effort humain et de créer un domaine de transindividuel, distinct' de la communauté, dans leque! la notion de liberté prend un seus, et qui transforme ia notion de destinée individuelle, mais ne l'anéantit pas. Le caractere fondamental de l'être technique est d'in­tégrer le temps à une existence concrete et consistante ; i! est en ceia le corrélatif de l'auto-création de !'in­dividu.

Sans doute, cet aspect de l'objet tecbnique n'a pas été totalement méconnu ; une forme particuliere de l'objet technique comme germe de civilisation a été reconnue depuis longtemps et honorée : 1' objet esthé­tique artificiel, ou encare objet d'art. Les origines religieuses et magiques de 1' oh jet d' art auraient suffi à indiquer sa valeur; mais on doit noter que l'objet d'art s'est dégagé de ses origines, et est devenu instru­ment pur de communication, moyen libre d'expres­sion, même au temps ou le poete était encare « vates ». Cependant, le statut d'existence de l'objet esthétique est précaire ; il se réinsere de maniere oblique dans la vie de la communauté, et n' est accepté que s'il cor­respond à un des dynamismes vitaux déjà existants. Tout artiste reste le Tyrtée d'une communauté ; le dernier recours consiste à former une communauté de gens de goftt, un cénacle a verti d' auteurs et de cri-

INDIVIDUATION ET INVENTION

tiques qui cultivent l'art pur; mais alors, l'art pur devient le o6p.6oÀov des membres de cette communauté, et il perd par là-même son caractere de pureté ; il se ferme sur lui-même. Le surréalisme a été la tentative derniere pour sauver 1' art pur : cet effort a un seus três noble ; il ne naus appartient pas de dire si Ie surréalisme a été paralysé par son propre effort et a malgré !ui abouti à un esthétisme ; mais naus vou­drions remarquer que les vaies libératrices du surréa­lisme conduisent à la construction d'un objet stable, auto-organisé comme un automate, indépendant de sou créateur et indifférent à celui qui le rencontre. Le surréalisme est dans la maniere, pour ainsi dire hyper­fonctionnelle, de construire l'objet; cet objet n'est ni utile ni agréable ; il est consistant et revenu à lui­même, absurde par ce qu'il n'est pas asservi à l'obli­gation de signifier dans une réalité autre que la sienne.

11 est doué de résonance interne, sensible jusque dans Ia forme poétique ou la peinture. L'objet surréa­fiste est une machine absolue. Aucune fonction, même pas celle de la ro'IJnEa., ne lui demeure essentielle. Pour que le hasard le produise, il faut une rencontre qui brise la finalité naturelle d'un ensemble, et fasse appa­nutre un être détaché de sa fonction, et par conséquent absolu, « insolite », L'objet surréaliste tend vers un surréel positif, et une des vaies de ce surréel est celle de l'être tecbnique, insolite par le fait qu'il est nou­veau et au-delà de l'utile. L'être technique reproduit et divulgué par l'industrie perd sa valeur surréelle dans la mesure ou l'anesthésie de l'usage quotidien ôte la perception des caracteres singuliers de 1' objet. Vu ~~~ ustensile, l'être technique, n'a pius de sens pour

.1 mdiVIdu. La communauté se I approprie, le norma-!ise, et lui donne un~ valeur d'usage qui est étrangere a .son essence dyllam!que propre. Mais tout objet tech­ruque. peut être retrouvé par l'individu dont le « goftt technique • et Ia « culture tecbnique • sont assez développés. Ainsi, l'objet technique est un surréel mais iJ. n~ J?eut être senti comme tei que s'il est sai~i par 1 mdividu pur, par un homme capable d'être créateur et non par un utilisateur qui traite l'objet teclmiqu~ en mercenaire ou en esclave.

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270 NOTB COMPlJWBNTAIRE

3. L'individuation des produits de l'elfort humain.

Naus n'avons pas jusqu'ici tenté d'analyser l'objet technique autrement que par la vaie indirecte de son rapport à l'homme qui le produit ou l'utilise, ~ans essayer de définir sa structure et son dynanusme internes. Or, si le rapport de l'objet à l'homme présente dans ce cas les caracteres d'une relation, on doit retrou­ver dans l'objet technique une structure et un dyna­misme humain analogiques. Ces deux caracteres internes de l'objet technique ne peuvent ,êtr: compri~ si l'on confond l'objet technique avec 1 outil, ce qw fait perdre son individualité, et par là même sa valeur propre ; l'outil, comme Piaget I' a si remarquablement montré à partir de considérations archéologiques et ethnographiques, est dénué d'individualité propre parce qu'il est enté sur un membre d'un autre orga­nisme individualisé qu'il a pour fonction de prolonger, de renforcer, de protéger, mais non de remplacer. Une lunette d'approche n'est pas un .être technique doué d'individualité propre, parce qu'elle suppose l'ooil et n'a de sens dynamique que devant un ooil * : son dynamisme est inachevé ; elle est faite pour être mani­pulée et réglée par l'individu qui voit, ou par le photo­graphe, qui sont des hommes. Une pince est le prolon­gement affiné et durei des ongles humains ou des mains humaines. Un marteau est un poing insensible et durei. L'évolution des formes du marteau de porte montre qu'au début il était conçu comme une main tenant une boule de bronze, le poignet étant remplacé par un pivot fixé à la porte. La clef grecque était à I' origine un bras aminci, terminé par un. crochet, et que l'on introduisait dans une fente étroite de la porte, par laquelle on pouvait saisir le verrou intérieur. Théocrite décrit la prêtresse portant sur son épaule la clef d'un temple, insigne de sa fonction et de sa majesté. La clef moderne est encare en quelque maniere

* Ou devant un applireil photographique qui prépare la we que l'reil observera.

INniVIDUATION ET INVENTION 271

un crochet pour ouvrir une porte. A l'inverse, les moteurs, au lieu d'être des prolongements de l'individu humain, sont des êtres qui apportent de l'extérieur une énergie disponible selon le besoin de l'individu ; ils sont doués d'extériorité par rapport à la structure et à la dynamique de l'individu. C' est pourquoi ils appa­raissent des I' origine comme doués d'individualité; 1' esclave est le modele premier de tout moteur ; il est un être qui receie en lui-même son organisation complete, son autonomie organique, même quand son action est asservie à une domination. accidentelle ; !'animal domestiqué est aussi un organisme. Même à travers la dégradation de l'état de domesticité ou d'es· clavage, le moteur organique et vivant conserve de sa spontanéité naturelle une inaliénable individualité. L' escl~ve aveugle fuyant au long de la route de Larissa est un individu, de même que !'animal furieux, rede­venu sauvage au péril de sa vie. La révolte des animaux et des esclaves, malgré les coups et la fourche pati­bulaire, montre que ces moteurs organiques ont une autonomie, une nature, qui peut au moins manifestei" son autonomie par la fureur destructrice, au-delà de toute estimation des dangers ou des chances. Malgré Ia définition célebre, un esclave n' est jamais complete­ment un outil qui parle : l'outil n'a pas d'individualité.

Or, l'être technique est plus qu'outil et moins qu'es­clave ; i! possede une autonomie, mais une autonomie relative, limitée, sans extériorité véritable par rapport à l'homme qui !e construit. L'être technique n'a pas de nature ; .il peut être un analogue fonctionnel de I'indi· vidu, mais n'est jamais un véritable individu orga· nique. Supposons qu'une machine ait été dotée des mécanismes téléologiques Ies plus parfaits par ses constructeurs, et qu'elle soit capable d'effectuer Ies travaux les plus parfaits, les plus rapides ; cette machine, fonctionnellement équivalente à des milliers d'hommes, ne sera pourtant pas un véritable indi· vidu; la meilleure machine à calculer n'a pas !e même degré de réalité qu'un esclave ignorant, parce que l'esclave peut se révolter alors que la machine ne Ie peut ; la machine, par rapport à l'homme, ne peut avoir de véritable extériorité, parce que, en elle-même, elle

272 NOTE COMPLÉMENTAIRE

n'a pas de véritable intériorité. La machine peut se dérégler et présenter alors les caractéristiques de fonc­tionnement analogues à la conduite folle chez un être vivant. Mais elle ne peut se révolter. La révolte implique en effet une profonde transformation des conduites finalisées, et non un déreglement de la conduite. La machine est susceptible de conduites auto­adaptatives ; mais il subsiste entre une conduite auto-adaptative et une conversion une différence qu' au­cune ressemblance extérieure ne peut masquer : l'homme est capable de conversion en ce sens qu'il peut changer de fins au cours de son existence ; l'indivi­dualité est au-delà du mécanisme téléologique, puis­qu'elle peut modifier l'orientation de cette finalité. Au contraíre, la machine est d'autant plus parfaite que son automatisme !ui permet de se régler elle-même d'apres sa finalité prédéterminée. Mais la machine n'est pas auto-créatrice. Même si l'on suppose que la machine, en cours de fonctionnement, regle ses propres mécanismes téléologiques, on obtient seulement une machine capable, au moyen de cette téléologie agis­sant sur une téléologie, d'intégrer à titre de données les résultats des étapes précédentes du fonctionne­ment; c'est une machine qui réduit de plus en plus la marge d'indétermination de son fonctionnement selon les données du milieu, et conformément à un déterminisme convergent. Cette machine, par consé­quent, s'adapte. Mais l'adaptation est possible selon deux processus opposés : celui que nous venons d'évo­quer est le dressage, qui aboutit à une conduite de plus en plus stéréotypée, et à une liaison de plus en plus étroite avec un milieu déterminé. La secunde forme d'adaptation est l'apprentissage, qui augmente au contraíre la disponibilité de l'être par rapport aux différents milieux dans lesquels il se trouve, en déve­loppant la richesse du systeme de symboles et de dyna­mismes qui integrent l'expérience passée selon un déterminisme divergent. Dans ce second cas, la quan­tité d'information caractérisant la structure et la réserve de schemes contenue dans l'être augmente ; les sauts brusques successifs que l'on peut nommer

INDIVIDUATION ET INVENTION 273

conversions marquent les moments ou la quantité d'informations non intégrées étant devenue trop grande, l'être s'unifie en changeant de structure interne pour adopter une nouvelle structure qui integre l'informa­tion accumulée.

Ce caractere de discontinuité, cette existence de s;uils ne se manifeste pas dans l'automate, parce que 1 automate ne change pas de structure ; il n'incorpore pas à sa structure l'information qu'il acquiert ; il n'y a jamais incompatibilité entre la structure qu'il possede et l'information qu'il acquiert, parce que sa structure détermine d'avance que! type d'information il peut acquérir; il n'y a donc jamais pour l'automate un véri­table probleme d'intégration, mais seulement une question de mise en réserve d'une information par définition intégrable puisqu'elle est homogene par rap­port à la structure de la machine qui l'a acquise. L'in­dividu au contraíre possede une faculté ouverte d'ac­quérir de l'information, même si cette information n'est pas homogene par rapport à sa structure actuelle ; il subsiste donc dans l'individu une certaine marge entre la structure actuelle et les informations acquises qui étant hétérogenes par rapport à la structure néces: sitent des refontes successives de l'être, et Ie ~ouvoir de se mettre en question soi-même. Cette capacité d'être soi-même un des termes du probieme que l'on a à résoudre n'existe pas pour Ia machine. La machine a des questions à résoudre, non des problemes, car les termes de la difficulté que Ia rnachine a à résoudre sont hornogenes ; au contraíre, l'individu a à résoudre une difficulté qui n'est pas exprirnée en termes d'in­for~ation homogene, mais qui cornprend un terme ob]et :t un t:~e s~jet. C'est pour cette raison que Je rnécamsrne teleologtque des êtres techniques est uni­vers_ellernent constitué par une causalité circulaire : le stgnal de la différence entre le but poursuivi et !e résultat effectivernent atteint est ramené aux organes de cornrnande de Ia machine de rnaniere à commander ~ fonctionnement qui diminue l'écart qui a causé Ie SI~. Cette causalité réactive adapte Ia machine ; ma1s dans le cas de I'individu, le signal n'est pas cclui

274 NOTE COMPLÉMENTAIRE

d'un écart entre un résultat effectif et un résultat visé : c' est celui d'une dissymétrie entre deux, fina­lités !'une réalisée sous forme de structure, 1 autre ~anente à un ensemble d'informations encare énig­matiques et pourtant valorisées.

La clarté et la compatibilité n'apparaissent dans ce systeme virtuel que si le probleme est résolu grâce à un changement de structure du sujet individuei, ~~lo?­une action qui crée une véritable relation entre I mdi­vidu antérieurement structuré et sa nouvelle charge d'information. La notion d'adaptation demeure insuf­fisante pour rendre compte de la réalité de l'individu ; il s'agit en fait d'une auto-création par sauts brusques qui réforment la structure de l'individu. L'individu ne rencontre pas seulement dans son milieu des éléments d'extériorité auxquels il doit s'adapter comme une machine automatique ; il rencontre aussi une informa­tion valorisée qui met en question l'orientation de ses propres mécanisme~ téléologiques.; il l'in~egre par transmutation de lm-même, ce qui le définit comme être dynamiquement illimité. La problématique indi­viduelle est au-delà du rapport entre l'être et son milieu · cette problématique exige en effet des solutions par dépassement, et non par réduction d'un écart entre un résultat et un but. La problématique individuelle ne peut se résoudre que par constru~ti?ns, au!!Il1entation de l'information selon un détermmisme d1vergent, et non par un calcul. Toutes les machines sont comme des machines à calculer. Leur axiomatique est fixe pen­dant toute la durée d'une opération, et l'accomplisse­ment de l'opération ne réagit pas sur l'axiomatique.Au contraíre, !'individu est un être dans leque! I'accom­plissement de l'opération réagit sur l'a~~matique, pa~ crises intenses qui sont une refonte de I etre. La conti­nuité du fonctionnement de ,Ja machine s'oppose à la continuité entrecoupée de discontinuités qui caracté­rise la vie de I'individu.

Pour cette raison, la réflexion doit refuser I'identifi­cation entre l'automate et l'individu. L'automate peut être r équivalent fonctionnel de la vie, car la vie comporte des fonctions d'automatisme, d'autorégula­tion, d'homéostasie, mais I'automate n'est jamais l'équi-

INDIVIDUATION Er INVBNTION 275

valent fonctionnel de l'individu. L'automate est commu­nautaire, et non individualisé comme un être vivant capable de se mettre en question lui-même. Une commUl!auté pure se conduirait comme un autoJnate ; elle élabore un code de valeurs destinées à empêcher les changements de structure, et à éviter la position des problemes. Les sociétés au contraíre, qui sont des groupements synergiques d'individus, ont pour sens de chercher à résoudre des problemes. Elles mettent en question leur propre existence, tandis que les commUl!autés cherchent à persévérer dans leur être. Norbert Wiener a analysé la maniere dont les pouvoirs de rigidité d'une communauté assurent son homéosta­sie. La communauté tend à automatiser les individus qui la composent, en leur donnant une signification fonctionnelle pure. Des lors, la capacité que l'individu possede de se mettre en question est dangereuse pour la stabilité de la communauté ; rien ne garantit en effet le synchronisme des transformations individuelles, et la relation inter-individuelle peut être rompue par une initiative individuelle pure. Aussi, comme un coef­ficient formei supérieur qui conditionne la valeur fonc­tionnelle d'un individu dans la communauté, la sta­bilité affective devient le critere fondamental qui permet la permanente intégration de l'individu au groupe ; cette garantie de continuité est aussi une garantie d'automatisme social. Cette stabilité est le corrélatif de la capacité d'adaptation à une commu• na~té. Or, ces qua!ités d'adaptation directe par assimi­latiOn et de stabilité structurale définissent l'automate parfait. Toute civilisation a besoin d'un certain taux d'automatisme pour garantir sa stabilité et sa cohé­sion. Elle a besoin aussi du dynamisme des sociétés, seules capables d'une adaptation constructive et créa· trice, pour ne pas se fermer sur elle-même dans une adap,tation stéréotypée, hypertélique, et inévolutive. Or, 1 être humain est un assez dangereux automate, qui risque toujours d'inventer et de se donner des struc­tures neuves. La machine est un automate supérieur à I'individu humain en tant qu'automate, parce qu'elle est plus précise dans ses mécanismes téléologiques, et plus stable dans ses caractéristiques.

276 NOTE COMPLÉMENTAIRE

laf de l'homme <1. L'attitude individ~ante dans la re l&n

à Fêtre technique mventé.

d der quelles valeurs sont On peut alors se .em~ r· dividu à 1' être tech­

engagées dans la r~latlOn e m ue toute tentative nique. Nous voudnons ~ontre~td ue entre l'homme pour constituer .une relatl~n ~ tric~ aussi bien des et l' être te~hn~q~e este d:s ceifes de l' être technique. valeurs de I mdiVIdu qu d'" dentifier la machine à l'in­On peut en effet essayer 1 hin de maniere égale­dividu ou l'individu à la mac m~~r cas la machine ment destructive. Dans le, pre ui ~e glorifie de devient une propriété de 1 homme, q l'asservir à des sa créature ~t ne la proddit ::q~~~dividu, satisfait besoins ou a. des usag_es . e . es ·usque dans ses fan­par ses servlteur~ me~amq~ J oút du machinisme taisies les plus ?u;tguheres · le o!d parfois à un désir dans la vie quohdienne corresdp . t L'homme se

d ander en . omman . déréglé e comm . mme un maitre envers conduit envers. les machin~: ~~avourer dans sa déme­des esclaves, aunant parfo d truction dramatique et sure le spectacle ~ed leur t~sme de civilisé manifeste

• 1 Ce singulier espo IS , d êtr VlO ente. "bl d l'homme a es es une identificatio~ po~sl ~ qu~ se retrouvent dans les mécaniques. Les JeUX ~ cir et les combats de gladia­compétitions de mac es, t de « stock-cars ». Le

d les affrontemen s . d'êt teurs aos d t "bles destruct10ns res cinêma aime à m~n~rer de ::Chines peut prendre une mécaniques. La VISI~n es retrouve une certaine tournure épiqu_e ; 1 ~?~m:ni cette attirude de supé­primitivité. Ma1s precis m

1 :nachine correspond sur-

riorité de l~?~el e~~~:~t: de l'homme que n'étre.int tout aux lmsirs, a ~ . trouve une compensatiOn plus la comm~aut ,fet .(u~ur les sujets mécaniques dans le despotisme ac1 e

asservis. lé taire est celle de L'attirude inverse et comp men . . là il sert

f tion communautrure . ' l'homme dans sa onc hine plus vaste la machine, et il s'integre à c:~ :~chine particu­qu'est la communauté en serv

INDIVIDUATION ET !NVENTION 277

liere selon les valeurs fondrunentales du code de l'auto­matisme (par exemple la rapidité des réponses aux signaux). Parfois, la machine porte elle-même les enre­gistreurs qui permettront à la communauté de juger la conduite de l'homme au travail {boite noire). La rela­tion de l'être individuei à la communauté passe par Ia machine, dans une eivilisation fortement industria­lisêe. lei, la machine s'assimile l'homme, en définis­sant les normes communautaires. De plus, une norma­lité supplémentaire est issue de la machine Iorsque cette derniere est utilisêe pour le classement des indi­vidus d'apres Ieurs performances ou leurs aptitudes; sans doute, ce n'est jamais Ia machine qui juge, car elle est pur automate et n'est utilisée que pour calcu­Ier. Mais, pom- pouvoir utiliser Ia machine, il faut que Ies hommes, dans leur rapport à Ia machine, s'ex­priment selon des systemes d'information qui sont aisément traduisibles, avec Ie codage de la machine, en un ensemble de signaux qui ont un sens pour Ia machine (c'est-à-dire qui correspondent à un fonction­nement déterminê). Cette nécessité pour l'action humaine d'être traduisible en Iangage d'automatisme aboutit à une valorisation de la stêrêotypie des conduites. Enfio, Ia quantité d'information elle-même, dans une relation d'individu à individu, devient un obstacle à Ia transmission de cette information par une voie qui uti!ise l'automatisme. Par exemple, une civilisation qui adapte ses moyens de communication à une transmission automatique des messages est conduite à remplacer l'expression directe et particu­liere des sentiments dans Ies eirconstances communau­taires déjà soumises à des usages par des formules plus parfaitement stérêotypêes, inscrites en petit nom­bre sur un bordereau au bureau de départ, et impri­mées sur des formules toutes faites au bureau d'ar­rivêe ; il suffit alors de transmettre I' adresse du desti­nataire, Ie numéro de Ia formule, et Ie nom de l'envoyeur. lei, l'individu atypique est paralysé dans son choix, car aucune formule prévue ne répond três exactement à ce qu'ii aurait voulu exprimer; L'atypique,

cause à Ia communauté une trop grande dépense d"íJilfo,rmratiion est un être défieitaire à partir du moment

278 NOTE COMPIÉMENTAIRE

· · directement de l'in­oil. l'information est trat,J;srmse ;:t . d'un dispositif dividu à l'individu par 1 mterm · ru.ret-~- grave tres

1' ti" me · une VOIX 1"" • utilisant automa s ' . t lus déformée par ~•gue ou riche en harmoruques es p 1' . trement ~ ' · · élé h ·que ou enreg~s la trans~ssiOn lt E:truences moyennes se situent qu'une volX dont es 9-u s et ui ne pose à l'appa­dans les bandes téléphomque q 1 tif à la transmo-

ill cun difficile probleme re a re a?e au . al"té devient une norme, et le carac­dulation. La norm 1 . . une communauté oi1 tere moyen une supénonté, ~~

t sens statlstique. Ies valeur~ on :tudes inverses de stéréotypie et de

Or, ces eux a . n"vé et d'asservissement e · · d despotrsme P . 1antais1e, e_ t à l'objet technique vren­communautaire par r~ppor 'h e et la machine nent de ce que la rela!10n entr_e ~e o= est une double n' est pas réellement d1ssY1fé1:_rtq a:natogique construc­assinlilation, non une re a!íon . ble entre tive. Considérons a';l c~ntllru.r~ la àr::~~~:~er ni l'un l'homme et la machine . e e vrse ce réside dans le ni l'autre des deux termes. Sond~:::en· elle a une fonc­fait que cette relation a valeur b e et envers tion doublement génétique, eln verds 1 ommprécédents,

hin al rs que dans es eux cas Ia .mac. e, l'h mme étaient déjà entierement ~ons-1a machine et .

0 t ou ils se rencontrru.ent.

titués et définis au momen · ·1 faut que Dans la véritable rel~tion compléie!~~~~~; complete, l'homme soit un être machev:é que a l'homme son

hin •tre qUI trouve en . et .la mac ~ un e ·li . n a· l'ensemble du monde ·re· finalité et sa ru.so um ' sa ' hine sont mutuellement technique ; homme et 1 mac chine possede dans ses médiateurs,,_parce l).ue àal ma t"alité et la capacité de caracteres 1 mtégration a spa 1 · . . dis

d d l'information à travers le temps, tan sauvegar er e f cultés de connaissance et son que l'homme, par ses a . hin à un univers pouvoir d'action,_ sai~ intégrer la :~em;orel et dans de symboles !).UI n est pas. s~a ais être intégrée par lequel.la machine ne ~our~~~~symétriques s'établit elle-mjm;. ;-ngran:e:~ la~:1Íe une double particip~tion une re ~ o . hiasme entre deux univers qUI res­est réalisée ; il Y a c . f . remarquer que la teraient sép;u:és ; ondepo1,u;;a:; h=ain et qu' elle fait macbine est 1ssue euo '

INDrvmUATION ET INVENTION 279

partie, par conséquent, du monde humain ; mais en fait, elle incorpore une nature, elle est faite de matiere et se trouve directement insérée dans le déterminisme spatio-temporel; même issue du travail humain, elle conserve par rapport à son constructeur une relative indépendance; elle peut passer en d'autres mains, elle peut devenir le chainon d'une série que son inventeur ou son constructeur n'avait pas prévue. Par ailleurs, une machine ne prend son sens que dans un ensemble d'êtres t~chniques coordonnés, et cette' coordination ne peut être pensée que par l'homme, et construite par !ui, car elle n'est pas donnée dans la nature.

L 'homme confere à la macbine l'intégration au monde construit, dans leque! elle trouve sa définition fonctionnelle par sa relation aux autres machines ; mais c'est Ia machine, et chaque machine, en particu­lier, qui confere à ce monde construit sa stabilité et sa réalité ; elle ru.nene du monde naturel la condition de matérialité, de spatio-temporalité, sans Iaquelle ce monde n'aurait aucune épaisseur ni consistance. Pour que cette reiation puisse exister entre I'homme et la machine, i! faut une double condition dans l'homme et dans Ia machine. Dans l'homme, i! faut une culture technique, faite de la connaissance intuitive et discur­sive, inductive et déductive, des dispositifs constituant Ia machine, impliquant la conscience des schêmes et des qualités techniques qui sont matérialisés dans Ia machine. L'homme doit connaftre Ia machine selon une connaissance adéquate, dans ses principes, ses détails, et son histoire ; alors, elle ne sera plus pour !ui un simpie instrument ou un domestique qui ne proteste jru.nais. Toute machine cristallise un certain nombre d'efforts, d'intentions, de schemes, et investit tel ou tel aspect de Ia nature des éléments chimiques. Ses carac­teres sont des mixtes de schêmes techniques et de pro­priétés des éléments des constituants de Ia matU~re, et des lois de transformation de l'énergie. La véritabie cuiture technique exige un savoir scientifique ; elle conduit à ne mépriser aucun être technique même ancien ; sous des caracteres extérieurs démodés ou vétustes, elle retrouve le sens d'une loi scientifique et la propriété d'un élément matériel; I'être technique

280 NOTE COMPLÉMENTAIRE

, . , d 'finit une certaine médiati~n.en~re saisi dans sa realite de t 1. c'est cette mediation l'homme et le mon ~ na ure ' et de saisir dans son que la cultur~ ~e~hnique perm authentique réahte. 't technique comparable

Il peut se d~~elopper ~1 go~élicatesse ~orale. Bien au gout esthetique ~ .a e~ de maniere primitive et des hommes se con w~ aux machines, par manque grossiere dans leb.~~~a~~e civilisation qui comporte de culture. La sta Ilt 1 d d'êtres techniques un nombre de plus ~n P ':nf:e la relation entre ne pourra être atte::;!e ne sera pas équilibrée et Thomme et la mac e une mesure intérieure que empreinte de sagesse: selon elle ourra donner. La seule une technol~gie cultur, es:re d'utilisation des frénésie de possesswn ~~ laà d= véritable déreglement machines est compara . e ont traitées comme des des mreurs. Les ma7hine~s une humanité ignorant~ biens de consommatwn P ·d1"té sur tout ce qw

. . 1-ette avec av1 f et gross1ere, qw se d eauté extérieure et ac-présente un carac:re ess~~~vque l'usage a épui~é les tice, pour le répu er au e cultivé doit avorr un quali~es de nouveaut~ \~~~echnique précisément certam . ~espect pou , . table structure et son fonc-parce qu il connrut sa ven . tionnement réel. 11 d l'homme doit corres-

A la déli~t~s~e c~!tu~~e:tic~té de la machin~-. ?r, pondre la vent<;_ eth au ·n est corrompu, la CIV~~sa­tant que le gout umai d ire des machines venta­tion industrielle ?e peut pr~ u ue cette production est blement authent1qu~s: pare o~erciales de la vente ; assujettie aux conditions c ditions de l'opinion et du elle doit se plier alor~ aux co~onsidérons les machines gout collectif. Or, SI nous , de l'individu nous que notre civilisation liV:X:e à \us~ques sont obÍitérés verrons que leurs cara7ter:s é:ble rhétorique, recou­et dissimulés pythar ~e. rmie~'une magie collective que verts d'une m 0.0gi~ ~lucider ou à démystifier. Les I'on arrive avec peme ~. dans la vie quotidienne machines modernes utilis~es . struments de flatterie. sont pour une la~ge_ par~e ~~ :ésentation qui cherche 11 existe une sophistique . à l'être technique, pour à donner une tournure mag~que

INDIVIDUATION ET lNVENTION 281

endonnir les puissances actives de l'individu et l'ame­ner à un état hypnotique dans leque! il goute le plaisir de commander à une foule d'esclaves mécaniques, sou­vent assez peu diligents et peu fideles, mais toujours flatteurs. Une analyse du caractere << luxueux » des objets techniques montrerait quelle duperie ils recelent : sur un grand nombre d'appareils, le féti­chisme du tableau de commande dissimule la pauvreté des dispositifs techniques, et sous un impressionnant carénage se cachent de singiilieres négligences de la fabrication. Sacrifiant à un gout dépravé, la construc­tion technique est un art de façade et de prestidigi­tation. L'état d'hypnose s'étend depuis l'achat jusqu'à l'utilisation ; dans Ia propagande commerciale elle­même, l'être technique est déjà revêtu d'une certaine signification commWiautaire : acheter un objet, c'est acquérir un titre à faire partie de telle ou telle commu­nauté; c'est aspirer à un genre d'existence qui se caractérise par la possession de cet objet : l'objet est convoité comme un signe de reconnaissance commu­nautaire, un aú{'-6oÀov (symbole), au sens grec du tenne. Puis, l'état d'hypnose se prolonge dans l'utilisation et l'objet n'est jamais connu dans sa réalité, mais seule­ment pour ce qu'il représente.

La communauté offre ainsi, à côté des dures contraintes qu'elle impose à l'individu, une compensa. tion qui l'empêche de se révolter et d'avoir une cons­cience aig11e de ses problemes : l'état d'inquiétude, toujours Iatent, est toujours différé par l'hypnose technique, et la vie de l'individu s'écoule dans un balan­cement entre les contraintes de la rigidité sociale et les états gratifiques que la communauté procure par l'incantation technique. Cet état est stable, parce que la commercialisation de l'industrie trouve une voie plus facile dans 1' action sur 1' opiuion collective que dans la véritable recherche et les perfectionnements techniques réels, qui n'auraient aucune valeur commer­ciale tant qu'ils resteraient incompris du grand nombre, qui n'est informé que par les voies commerciales. Pour rompre ce cercle vicieux, il ne suffit pas de dire que l'homme doit commander à Ia macl!ine au lieu de· se laisseT asservir par elle; il faut comprendre que si

282 NOTE coMPIBMENTAIRE

' ' t dans la mesure ou la machine asservit lhomm~, c:~ faisant d'elle une I'homme dégrade la marn~er dans la machine des esclave. Si, au lieu de re er~e facile de merveilleux états d'hypnose, ou une sou . I machine aux états

1,. ant l'homme assoCle a , t pour Ignor • . blement actif et crea eur, dans lesqueis il es~é~~ recherche scientifique, l'as­comme c'est le ca~ s I chi e peut disparaitre. pect commun~u~rure 1e a m~e~ qui sont utilisées Si naus considerou~ e~ mac ous verrons que, même dans la rec1Ierc?7 scientifiqu~, ~atisme tres compiexe, quand elles . utthsent un :'-u o et ne sont pas non elles n'asse:vissent r~s- le~=~= sont pas l'objet de Plus asservtes par UI • non· plus des êtres . t ne sont pas consommat10n, e. ai! rédéterminé dans ses destinés à prodmre un. t~av 1~ communauté qui fait résultats, att~nd~ et exi1•· pd~idu Dans ces conditions, peser son obliga~IOD sur àia chai~e causale de l'effort la ma~~e efl!t Id!é~~e effort dépasse la machin~ ~ue humrun , la . réalise alors Ia médiation l'on actionneà ~\~c.fenfa recllerche et non par rap­par rapport o Je t' Elle s'efface du champ de pe: port. à la co~~~~ ~-i! n'actionne pas Ia machine _; Il ception de 1 ~ b ' 1' b · et à travers la macllme. agit sur l'ob]et e~ 0 s;.rve.

0e Jun cycle qui va de !'ob­

Grâce à I_a macdhine ~ ~n~t~~~bjet : la machine prolonge jet au sujet et u suJe a . t t objet à travers un et adapte l'un à l'autre suJeus~ités. EÍ!e est outil en encllainement complexe d~ ~a d'agir sur I'objet, et ins­tant qu'elle permet au suJe · t des signaux

• lle apporte au suJe trument en tant que , . !'fi transforme,

d 1' b' t. elle vehicule, amp I e, venus e o Je • une action et en sens traduit et co~uit da~s ~ :~~~s est outil et moteur à inverse une ormaréci~n ' e de cette double relation 1 f . Le caractere Iproqu d tt a OIS. 'al' x pas en présence e ce e . l'h mme ne s Iene . La fait que .o h et elle reste machine. machine ; Il reste omme sition de Ia machine ne position de l'ho~me et l~po ort à l'objet ; la machine sont p~s .sym~tnq~~~?t:à l'~~jet, et l'homme. une rela­a. une liadiai_son ~ nt l'objet et l'homme qui sont symé­tiOn mé. te. so à 1 chine L 'homme crée la

. ar rapport a ma · . tnques P 'ell . t'tue et développe )a relatton. maclline pour qu e ms I

INDIVIDUATION ET INVENTION 283

C'est pour cette raison que la relation à la machine n' est valable que si elle traverse la machine pour aller non pas à de l'humain sous forme communautaire, mais à un objet. La relation de l'homme à la machine est asymétrique parce que cette machine institue une relation symétrique entre l'homme et )e monde.

5. Caraetere allagmatique de fobjet technique indi· vidu6.

Une attitude qui consisterait à considérer que la machine . peut être véritablement connue et saisie comme geste humain cristallisé laisserait échapper le caractere propre de la machine ; elle la confondrait avec Pouvrage d'art. · .

L'identification de la machine à l'homme ou de l'homme à la machine ne peut se produire que si la relation s'épuise dans la liaison de l'homme à la machine. Mais si la relation est réellement à trais termes, !e terme médiateur reste distinct des termes extrêmes. C'est l'absence du terme objet qui crée la possibilité de domination de l'homme sur la machine ou de la machine sur l'homme ..

Si l'essence véritable de la machine est d'instituer cette communication, c'est en termes d'infonnation qu'il faut définir une machine afin de pouvoir l'analy­ler, et non selon son utilisation pratique ; en effet, des types de machines identiques peuvent être employés dans des industries et pour des fins pratiques extrê­mement différentes ; toute tecllnologie qui partirait d'un principe de classification issu des métiers ou industries aboutirait à un écllec certain dans la tenta­tive visant à constituer une véritable Clilture techno­logique. La machine ne se laisse pas connaitre par son incorporation à une communauté professionnelle. L'être technique ne peut être défini qu'en termes d'information et de transformation des différentes especes d'énergie ou d'infonnation, c'est-à-dire d'une part comme véhicule d'une action qui va de I'homme à l'univers, et d'autre part comme véhiClile d'une infur­mation qui va del'univers à I'homme. La technologie

284 NOTE COMPLiiMENTAIRE

culturelle devient un mixte d'énergétique et de théorie de l'information. La Cybemétique, théorie inspirée dans une assez Jarge mesure par des considérations tirées du fonctionnement des machines, serait une des bases de la technologie si elle n'avait pas privilégié dês !e début un mixte d'action et d'information qui est !e « feed-back », ou action en retour (causalité récur­rente) ; une machine, en effet, peut exister sans compor­ter aucune relation entre la chaíne de causalité véhi­culant l'action et la chaíne de causalité véhiculant l'information ; quand elle comporte une telle liaison, elle contient un automatisme; mais il existe des machines qui ne sont pas des automates, ou qui tout au moins ne comportent des automatismes que pour des fonctions secondaires ou temporaires et occasion­nelles (par exemple celles qui assurent la sécurité, la servo-commande, ou la télécommande).

La notion de réaction, qui est déjà une notion syn­thétique, est extrêinement utile, mais n'est pas une notion premiere ; elle ne prend tout son sens que dans une théorie plus générale des transformations, que J'on peut nommer allagmatique généra!e. La machine est un être allagmatique. Or, une théorie prag­matiste, préoccupée d'action, ne voit dans la machine que !e rôle de moteur commandé par l'homme et agis­sant sur le monde ; la récurrence d'information par laquelle la machine amene des messages du monde à l'individu est considérée comme naturellement et fonc­tionnellement subordonnée au rôle moteur. Or, !e « feed-back » ne rend pas compte du rôle informateur de toute machine, en ce sens que l'information peut être antérieure à l'action de l'individu. Il n'y a pas une nécessaire antériorité de cette action sur l'infor­mation ; la cybernétique, en considérant l'information comme le signal de l'écart entre le résultat de l'action et !e but de l'action, dans le « feed-back », risque d'amener à sous-estimer !e rôle de l'information directe, qui n' est pas insérée dans la récurrence du c feed­back », et qui ne nécessite pas une iuitiative active de l'individu pour se former. Cette information directe, à l'inverse de l'information récurrente, ne comporte pas une référence à l'action du sujet, et par consé-

INDIVIDUATION ET INVENTION 2SS

quent n' est pas valoris · ces ou d'un échec Q: e~ \~t que marque d'un suc­back » arrive elle ~·· .an Information du " feed­fond d'info ' . mser~ comme une forme dans ce

~u se ~o=!~~r~~:U~:':r~:~; i!o~:ti~ue l:indi-1 ormation large et permanente . ,. ns . une monde comme milieu . t . • qm I J?-sêre dans le temporaire, instantanée em~e inf~rmation étroite et liée à l'action variable eme, qm est éminemment velé~ c?mme 'l'action. ~~~~~e, et .toujow;s renou­type recurrent ne com ort rmation, qm est de richesse que la 'précédent~ e. pas d une . aussi grande Par quelques signaux con~ mruss~ éfinit au contraíre leur, forme, attitude) ~ets ma~s três simples (cou­richesse en inf; . ' qui, en rruson de leur faible 1 • ormation peuvent "tr . .

P aces ou rapidement ~odifié e e a1sem?nt rem­grande dépense d'. . s sans nécesslter une ou une transmissi;:e;;:: ~erv~use ;::s l'opérateur,

La différence entre ces ~ exe s la machine. devient extrêmement sensible , types , d 'information de les traduire I' une et 1' des qu on est obligé qui autre en une forme .

permet de les comparer . la diffi. un:tque deux rôles se manifeste ai ' erence entre les co . dé bl ors comme une diffi.

DSI ra e entre les quant't. d" E • erence le~ indications qu'un pilote

1 ;.s . m orm~twn. Ainsi,

metre ne valent que co avwn reçmt de l'alti­au pilote de régl ~e « feed-back . » . permettant

er son actton de de t de tée selon les indications de 1' . ·ncen e ou mon­elles s'inserent comm f rugm e sur !e cadran; vision globale et s thé~rme dans un fond qui est la et même de l'état: l'a Ique de. la région parcourue, nuages; ce « feed-back » :~sl?~er~,ou du plafond de que les conséquences . e re autant plus précis pilote sont p!us impor~~tiques du geste moteur du simple des hautes aln d es ; par exemple, l'altimetre la distance de l'avion I u es ne peut servir à apprécier de l'atterrissage . on ~= rapp~rt à la piste au moment tant des ondes éÍectrom: me. ors ~ dispositif émet­au sol et reviennent gnétiques qw se réfléchissent

à une variation ~:~a u:' écertain retard, apprécié lac!Ue'lle b ~' quence d' émission av; •· . . est co:!:~~a fréquebce de !'onde réfléchie ~

par ce attement. Dans ce pre-

286 NOTE COMPIJlMBNTAIRB

mier cas, quel que soit !e systeme technique employé, !e príncipe est toujours le même : saisir une grandeur variable selon les résultats de l'action de l'individu et ramener au sujet le signal indiquant le résultat de cette action par rapport à un terme de référence fixe et faisant partie du but. Le signal peut alors être présenté au sujet selon une échelle intensive ou exten­sive sünple, correspondant à un axe orienté sur leque! un point ou une ligne figure !e but, et un autre point ou une autre ligne le résultat de l'action. Cette infor· mation peut être représentée par le déplacement d'un index devant une graduation.

Tout au contraíre, s'U s'agit de transmettre l'infor­mation relative au fond et non à la forme, aucun pro­cédé d'information susceptihle de s'inscrire sur une échelle linéaire hipolaire ne peut réussir : la simul­tanéité d'une multiplicité est nécessaire, et l'individu est !e centre qui integre cette multiplicité. Tous les procédés se heurtent à la nécessité de décomposer la totalité en éléments simples transmis isolément, que cet isolement de la singularité soit réalisé par une multitude de. transmissions simultanées et indépen­dantes (comme dans les premiers dispositifs de télé­vision) ou par la distrihution dans un cycle assurant un synchronisme au départ et à l'arrivée, (chaque élément ayant eu son instant dans le cycle), l'informa­tion étant supposée invariahle pendant un cycle. Comme dans ce cas ce n'est pas la machine qui joue le rôle d'intégrateur, mais le sujet, la.nécessité d'ame­ner au sujet des fonds et non des formes se traduit par une énorme quantité d'information à transporter. C'est cette énorme quantité d'information à collecter et à transmettre sans l'intégrer qui limite la finesse de la détection électromagnétique par le RADAR, qui pose des prohlemes graves à la transmission d'images mouvantes en télévision en I'ohligeant à adopter des vidéofréquences tres élevées et d'autant plus grandes que la définition de I'image est plus haute. La quantité d'information nécessaire à la transmission ne peut être diminuée que grâce à un codage du monde à percevoir, codage connu du sujet, ce qui correspond à un recours à une perception de formes sur un fond qui est déjà

INDIVIDUATION ET INVENTION 287

connu, et qui n'a plus h . •· il est possihle de remplac::]~ h d etre. transmis. Ainsi, des contrées parcouru 0 .servatiOn du terrain et l ell es en av1on p aqu e le pilote fait le · . ar une carte sur de phase entre Jes SI'gnapomt au moyen des relations d'é · · WC venus de tr · · nuss10n · électromagnéti di Ois statiOns comme dans le . syst:eme due '1 sposées en triangle, ou . actuellemént par Ies e .P1 ot~e Decca, Shoran emporte un analogue de I radio-halises. lei, le pilote et grâce à une formalis~t~:lntdée survolée (la carte), ~doptée par convention (! u mon~e, connue et emetteurs et du disp ·tÍf da construction des trois relie)' !e pilote réalise ~~ 1 e synchr~nisation qui les coup pius aisée parce u•·t carte une mtégration heau­ahstraits ; il y ~ ici d!x

1 ~~ere ~ur des éiéments déjà une premiere intégration fondgratiOns concentriques : monde, grâce à laquelle 1 amentale de la carte du lication, et une deuxieme ~t~arte peut avoir une signi-à Ia carte emportée . gratiOn des signaux reçus f · • qm est plusfa il ormation est dé'à é! . c e Parce que I'in-m d J s ectionnée p 1 . on e concret à Ia carte e . ar e . passage du

. tlples aux trois ondes hert . t des signaux visuels mul­te travaii se fait ici sur ~Ienn_es en rapport de phase. symboles (les signaux p ne lmage (la carte) et des ~hro.nisés). Ceci est valahlven~t ~es émetteurs syn­!IsatiOn, !'une par Iaquelle le grace a une douhle loca­unage de telle région a ~arte. est reconnue conune laquelle les pyiônes d~s ;ar. e. pilote, et l'autre par ont été construits en fait r~Is emetteurs synchronisés géographique et non à te] au te] endroit du territoire boles sont localisées dans l'' tre. Les sources des sym. c~hérence sans laquelle 1 ~age, ce. qui établit une s1hle. . . e P otage ne serait pas pos-

La présence du monde n' . par l'utilisation de, la machfst • donc. Jamais éliminée monde peut être fracti ne , mats la relation au diaire de plusieurs éta onndée, et passer par l'intermé-c ges e symhol' ti · orrespond une construction ~sa on, a laquelle au long du monde des technique qui répartit cep~on par l'intermédi~:ed jalahles .selon une per­ception n'est pas ·beaucou . e a machine; cette per­perception directe par 1 P plus · automatique que la

es organes sensoriels ; mais

288 NOTE COMPLÉMENTAIRE

elle correspond à une intégration par paliers, et spé­cialisée dans une certaine mesure selon chaque type d'activité. Mais le concret, même fractionné, rest~ le concret ; le rapport du fond et de 1~ forme est ~a­liénable. La pure artificialité conduir~t ~ l:'l confus10n du fond et de la forme, si bien que 1 mdiv1du s~ trou­verait devant un monde simpli.fié ou il "!:Y ~u~mt ?lu~ d'univers :ni d'objet. La perception de lmdiVIdu mte­gré totalement dans la communauté est. en quel~ue mesure une semblable perception abstrrute ; au Iieu de dégager l'objet du monde, elle découpe le m?nde selon des catégories qui correspondent aux classifica­tions de la communauté, et établit entre les êtres ~es liens de participation affective selo': ces . catégones communautaires. Seule une profonde education techno­logique au niveau de l'individu peut dégag~r du c~nfu­sionnisme de la perception communautrure stéreoty-pée. Une image n'est pas un stéréot)f'e. ,. . .

Les valeurs impliquées dans la relat10n de 1 md1~du à la machine ont donné lieu à beaucoup de confus10ns parce que le récent développement des mac~in~s et de leur utilisation par Ies communautés a modi.fie le rap­port de l'individu à la communauté : cette rela~on, qui était jajlis directe, passe maintenant ~ar la machine, et le machinisme est lié dans une certame mesure au communautarisme ; la notion de travail n'est plus directement une valeur communautaire, parce que le passage de 1' effort humain à t;avers une. organisa~ion mécanique affecte le travail d un coeffic1ent relat1f à ce travail : le RENDEMENT; une morale du rende­ment est en train de se constituer, qui sera une morale communautaire d'une nouvelle espece. L'ef­fort individuei n'est pas intrinsequement valable :. il faut en plus qu'il soit rendu efficace par une certame grâce extrinseque, qui se concrétise ?ans la f~In?-ule ~u rendement. Cette notion a un certam pouv01r mvasif, et se déploie largement au-delà des opérations co~er­ciales ou même industrielles ; elle affecte tout systeme éducatif, tout effort et tout travail. Une certaine résur­gence communautaire du pragmatisme confere à l'éthique un nouveau type d'hétéronomie dissimulée sous Ies especes d'un désir de rationalité ou de préoc-

INDIVIDUATION ET INVBNTION 289

cupations concretes. Quand un ídée ou un acte sont rejetés parce qu'ils sont jugés inefficaces et de faible rend~~t;nt: c' ~st .ef! réalíté parce qu'ils représentent une 1m!~at1ve mdiv1duelle créatríce, et que Ia commu­nauté s msurge avec un permanent instinct misonéiste contre tout ce qui est singulíer. Le misonéisme vise le nouveau, mais surtout dans ce qu'il présente de sin­gulie!, donc d'individuel. .Le nouveau, collectif, a droit ~e ~lté sous la forme de la mode ; i! se trouve même emmemment valorisé par la communauté. C'est Ie no~veau individuei qui est poursuivi et expulsé comme pnvé de rendement. Le critere de rendement est empreint de subjectivité collective et manifeste la grâce que la communauté accorde ou refuse à la création individuelle. Ce n' est pas parce qu'une civilisation aime l'argent qu'elle s'attache au rendement, mais parce qu'elle est d'abord civilisation du rendement qu'elle devient civilisation de l'argent lorsque certaines cir­constances font de ce mode d'échange !e critere concret du rendement.

Or, malgré les apparences, une civilisation du ren­dement, en dépit des apparentes libertés civiques qu'elle laisse aux individus, est extrêmement contrai­gn:mte pour ~ux .et empêche leur développement, parce qu elle asserv1t srmultanément l'homme et la machine · elle r~ise à tra:--ers la machine une intégration commu: nautarre contrrugnante. Ce n'est pas contre Ia machine q~e l'ho~e, so~s l'empire d'une préoccupation huma­mste •. d01t se revolter ; l'homme n' est asservi à la mac~e que quand la machine elle-même est déjà asserv1e par la communauté. Et comme il existe une cohésion interne du monde des objets techniques I'hu­mani~me doit. viser à libérer ce monde des ~bjets teclmiques qUI sont appelés à devenir médiateurs de la relation de l'homme au monde. L'humanisme n'a guêre pu incorporer jusqu'à ce jour la relation de l'humanit.é ~~ monde :. cette volonté qui le définit, de r~~ner. a I et~e hUinam tout ce que les diverses voíes ~ alíe~at10n lu1 ont ~aché en le décentrant, restera rmpUissante tant qu elle n'aura pas compris que la relatíon de l'homme au monde et de l'individu à la communauté passe par la machine. L'humanisme

290 NOTE COMPLÉMENTAIRE

ancien est resté abstrait parce qu'il ne définissait la possession de soi que pour le citoyen, et non pour l'esclave; l'humanisme moderne reste une doctrine abstraite quand elle croit sauver l'homme de toute aliénation en luttant contre la machine « qui déshu· manise ». Elle lutte contre la communauté en croyant lutter contre la machine, mais elle ne peut arriver à aucun résultat valable parce qu'elle accuse la machine de ce dont elle n'est pas responsable. Se déployant en pleine mythologie, cette doctrine se prive de l'auxiliaire le plus fort et le plus stable, qui donnerait à l'huma­nisme une dimension, une signification et une ouver­ture qu'aucune critique négative ne lui offrira jamais. Selon la voie de recherche qui est présentée ici, il devient possible de rechercher un sens des valeurs autrement que dans l'intériorité limitée de l'être indi· viduel replié sur lui-même et niant les désirs, ten· dances ou instincts qui l'invitent à s'exprimer ou à agir hors de ses limites, sans se condamner pour cela à anéantir l'individu .devant la communauté, comme le fait la discipline sociologique. Entre la communauté et l'individu isolé sur lui-même, il y a la machine, et cette machine est ouverte sur !e monde. E!Ie va au­delà de la réalité communautaire pour instituer la relation avec la Nature.

TABLE DES MATIERES

Préface par Bernard Stiegler .......................................... . Introduction :

I. - Position dll: probleme de l'ontogenese .• 11• - Concept~ directeurs pour une recherche

de solution ••••• o • o ••• o ••• o •• o o o o ••••

PREMIERE PARTIE : L'INDIVIDUATION PSY CHIQUE . "

• o ••••• o •••

Chapitre 1 : L'INDIVIDUA~~~ • ~~· ~~~· ~~~ TIVES ET LA SIGNIFICATION • • o •••••••••••••••

1. Sêgré!lation des unités perceptives ; théorie génétlque et théorie de la saisie holistique • le déterminisme de la bonne forme '

2. Tension psychique et degré de métast~bi:tité Bonne forme et forme géométrique . les dif~ férents types d' équilibre . '

3. Rela.tions entre Ia ségrégati~~ 'à.~~ ~té~ ~e~: cepttves et les autres types d'individuat' Métastabi!Jté et théorie de l'information

10

e~ technolog~e et en psychologie ........... .

4· ~troductton de la notion de variation quan­t~que dans la représentation de l'individua-tiOn psychique .......... .

S. La pro?Iématique perceptiv;; q~~ti~é · d;~:

df~;mnfatiOn,. qua!ité d'information, intensité 1 ormat10n

•••••••••••• o ••••• o •••• o o ••

I

9

31

71

73

73

77

79

83

84

292 TABLE DES MATIERES

Chapitre Jl : INDIVIDUATION ET AFFECTIVITÉ 97

1. Conscience et individuatíon ; caractere quan-tique de la conscience . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

2. Signification de la subconscience affectíve. 98 3. L'affectivíté dans la communication et l'ex-

pression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 4. Le transíndíviduel - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 5. L'angoísse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 6. La problématíque affective : àffection et

émotion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

Chapitre IJI : PROBLÉMATIQUE DE L'ONTOGENESE ET INDIVIDUATION PSYCHIQUE • • • • • . • • • . . • . • • . . • • . 12S

1. La sígnífication comme critere d'individua-tion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12S

2. La reiation au milíeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 3. Individuation, individualisation et person­

na:lisation. Le bisubstantialisme . . . . . . . . . . 132 4. Insuffisance de la notíon d'adaptation pour

expliquer l'individuation psychique ..... , . . 143 S. Problématique de Ia réflexivité dans l'indi­

viduation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148 6. Nécessité de l'ontogénese psychique . . . . . . 163

DEUXIEME PARTIE : LES FONDEMENTS DU TRANSINDIVIDUEL ET L'INDIVIDUATION. 173

Chapitre I : L'INDIVIDUEL ET LE SOCIAL. L'INDIVI­

DUATION DE GROUPE . . . . . . . . • . . . . . • • . . • . . . • • 17S

1. Temps social et temps individuei ......... . 2. Groupes d'intériorité et groupes d'extério-

rité ................................... . 3. La réalíté sociale comme systeme de rela-

tions ........................... · · · · · · · · 4. Insuffisance de 1a notíon d'essence de

l'homme et de l'anthropologie ........... . S. Notion d'individu de groupe .......... - .. . 6. Rôle de la croyance dans l'individu de

groupe ................................ . 7. Individuation de groupe et individuation

vitale ........................... · · · · · · · ·

17S

177

179

181 184

186

188

TABLE DES MATIERES

8. Réalité préindividuelle et réalité spirituelle : Ies phases de I' être ..................... .

Chapitre li : LE COLLECTIF COMME CONDITION DE

SIGNIFICATION ••.•...••.••.•.•••••..••••.•.•

1. Subjectivité et signification · caractere trans-individuei de Ia significatio~ ............. .

2 Su"et · d" "d · J etmiVIU ....................... . 3. L'empirique et Ie transcendantal. Ontoiogie

précritique et ontogénese. Le collectif co~e signification surmontant une dispa-ratiOn ...................... ' ........... .

4. La zone opérationnelle centraie du transin­dividuel ; théorie de I' émotion

•••• o •••••••

Conclusion ..................................

TROISIEME PARTIE : NOTE COMPLEMEN­TAIRE SUR LES CONSEQUENCES DE LA NOTION D'INDIVIDUATION ...............

Chapitre I: VALEURS ET RECHERCHE D'OBJECTIVITÉ.

1. Vaieúrs relatives et valeurs absolues ..... . 2. La zone obscure entre le substantialisme de

l'individu et I'intégration au groupe ..... . 3. Probiématique et recherche de compatibilité. 4. Con.science moraie et individuation éthique. S. Ethique et processus d'individuation ..... .

293

194

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199 204

20S

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249

2S2 2S4 2S6 2S8

Chapitre li : INDIVIDUATION ET INVENTION • • • • • • 261

1. 11 techn_icien comi?e individu pur . . . . . . . . 261 2. L opérat10n technique comme condition

d'individuation. Invention et autonomie · communauté et relation transindividuell~ technique . . .. , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263

3. L'individuation des produits de l'effort humain ................................. 270

4. L'attitude individuante dans la reiation de I'homme à I'être technique inventé . . . . . . . . 276

S. Caractere allagmatique de I'objet technique individué . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283

Achevé d'imprimer sur les presses de Nonnandie Roto Impression s.a.s.

à Lonrai (Orne)

Dépôt légal : mars 2007 d'édition : L.01EHVNFV1890.N001- N" d'impression: 070475

Imprimé en France