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La compétitivité de l’industrie française du médicament Document de travail n °13 NOVEMBRE 2009

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La compétitivitéde l’industrie françaisedu médicament

Documentde travail n°13

NOVEMBRE 2009

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Sommaire

I - Les tendances récentes de l’activité, de la compétitivitéet de l’attractivité de l’industrie française du médicament . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7

Une industrie au premier rang européen mais dont l’avance s’érode . . . . . . . . . . . . .7Une industrie créatrice d’emplois jusqu’à une période récente . . . . . . . . . . . . . . . . . .8La croissance de la demande de médicaments reste supérieure à celle du PIB . . . . .9Une industrie de plus en plus extravertie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12Des échanges extérieurs de médicaments excédentaires

dans le cas de la France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14Les parts de marché à l’exportation de médicaments

ont reculé depuis la fin des années 1990 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15La France reste la première terre d’accueil des investissements directs étrangersen nombre de projets parmi les pays européens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17Conclusion d’étape . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18

II - Les transformations du modèle économique de l’industrie du médicament . . . . . . . . .20

L’intervention de la sphère publique dans le domaine de la productionet de la distribution de médicaments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20

La chaîne de valeur de l’industrie du médicament . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22Les défis auxquels sont confrontés les groupes pharmaceutiques . . . . . . . . . . . . . .25L’enjeu des biomédicaments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27Les bouleversements organisationnels associés à l’émergence

des biomédicaments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28Conclusion d’étape . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32

III - Les déterminants de la compétitivité de l’industrie française du médicament . . . . . . .33

Coût et productivité de la main-d’œuvre dans l’industrie pharmaceutique . . . . . . . .34L’imposition du capital . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39L’image des produits pharmaceutiques français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .42La position de la France dans le domaine de la R&D pharmaceutique . . . . . . . . . . .45La position de la France dans l’attractivité des essais cliniques . . . . . . . . . . . . . . . .47La position de la France dans le développement

des industries de biotechnologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49Les pôles de compétitivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .54Conclusion générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .57

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L’industrie du médicament est aujourd’hui confrontée à deux défis majeurs susceptibles decréer de nouvelles opportunités mais aussi de remettre en cause l’attractivité de notre terri-toire pour la production de médicaments.

Le premier défi est un changement profond du modèle économique de l’innovation phar-maceutique avec le rôle croissant des biotechnologies. Celle-ci entraîne une concentrationdes centres de recherche mondiaux et pose la question de la place future de la France danscette redistribution des pôles d’innovation.

Le second défi concerne le maintien des centres de production de médicaments sur notreterritoire. Cette problématique renvoie à la question classique de la compétition par lescoûts et de façon plus générale, à celle des paramètres institutionnels de la compétitivité.

L’industrie française du médicament est aujourd’hui doublement menacée et la questionde l’attractivité du territoire français pour cette industrie est posée. Le risque pour l’in-dustrie du médicament opérant en France, serait de perdre sur le terrain de la compéti-tivité par les coûts mais en même temps de se faire distancer par d’autres pays plusavancés sur le terrain de la compétitivité par la différenciation qui est celui de larecherche et de l’innovation. Les réponses à ces défis sont un enjeu à la fois de santépublique et de croissance économique.

Le maintien d’une industrie du médicament sur son propre territoire est un atout pour lasanté de la population. Les systèmes de santé doivent répondre à une demande de soinstoujours plus grande. Les progrès réalisés en matière de soins médicaux et de médicamentsy contribuent largement.

On peut penser que la localisation de la production des médicaments est d’importancemineure pour la qualité des soins dès lors que ces médicaments peuvent être obtenus

La compétitivité de l’industriefrançaise du médicament

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sur le marché mondial. Ce serait négliger les enjeux de l’interaction entre la recherche,les essais cliniques et le système de soins ainsi que l’importance d’un accès rapide auxinnovations pharmaceutiques, autant de facteurs largement favorisés par la proximitégéographique.

On ajoutera que les nouveaux médicaments font de plus en plus appel aux techniques des« biotechnologies » et que celles-ci conduisent à des modifications profondes tant dans larecherche de cibles que dans la fabrication des nouvelles molécules. Les médicamentsseront de plus en plus adaptés au profil du patient et intégrés dans la chaîne de soins. Ilapparaît donc que la proximité entre la recherche et le développement du médicament parles essais cliniques et le système de soins hospitaliers constitue un élément important pourla qualité des soins. Par ailleurs, de nombreux industriels considèrent qu’à l’avenir, le médi-cament sera de plus en plus co-produit, c’est-à-dire produit en même temps qu’il est admi-nistré au patient. Il est donc souhaitable de maintenir autant que possible l’intégralité de lachaîne complète du médicament sur notre territoire.

Une industrie du médicament forte est aussi un atout pour la croissance économique etpour l’emploi. Une tendance à la concentration des sites de production au niveau mondials’opère ce qui se traduit par une multiplication des échanges mondiaux. Surtout, lademande mondiale de médicament augmente plus rapidement que le produit intérieurbrut. Les dépenses en pharmacie augmentent avec le niveau de vie et sont tirées à la haussepar les évolutions démographiques. Toutes les analyses montrent que ces tendances vontse maintenir dans les décennies à venir (vieillissement de la population, arrivée à la prospé-rité du continent asiatique et nouvelles avancées thérapeutiques). La demande mondiale enmédicaments devrait continuer à dépasser tendanciellement la demande mondiale globale.Les pays avec une forte industrie pharmaceutique devraient donc en tirer un bénéfice decroissance.

Au-delà de l’intérêt d’un secteur dégageant jusqu’à présent un excédent commercial, d’au-tres arguments peuvent être avancés pour soutenir que la France dispose d’un avantagecomparatif dans l’industrie du médicament : a) l’économie française dispose déjà d’uneindustrie du médicament bien implantée sur le territoire fruit de l’héritage de grands inven-teurs et innovateurs, b) notre système de formation est considéré comme bon, la maind’œuvre est jugée comme étant de qualité (médecins, pharmaciens, ingénieurs, techni-ciens…), et l’industrie du médicament est fortement intensive en personnel qualifié, c) notremarché national est de grande taille et solvable, d) nos infrastructures sont bonnes. Il ne fautpas perdre de vue que la fabrication de médicaments est une industrie lourde, qui néces-site également de bonnes infrastructures.

Maintenir et plus encore développer une industrie du médicament forte et compétitiveconstitue un facteur favorable à la croissance économique globale et donc à l’emploi.

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C’est dans l’aptitude du système productif en son ensemble à apporter des réponsesadaptées aux deux défis de la compétitivité par l’innovation, notamment dans ledomaine des biomédicaments, et de la compétitivité par les coûts associée notamment audéveloppement du marché des médicaments génériques que résidera le potentiel de déve-loppement de cette industrie.

Cette étude est organisée en trois temps. Nous présentons tout d’abord les tendancesrécentes de l’activité, de la compétitivité et de l’attractivité de l’industrie française du médi-cament. Il apparaît que, si l’industrie française du médicament demeure à la première placeeuropéenne, ses parts de marché à l’exportation ont eu tendance à s’éroder. Les échangesextérieurs de médicament continuent de dégager un solde largement excédentaire.Toutefois, le taux de couverture des importations de médicament par les exportations de cemême type de produit tend à s’affaiblir. La compétitivité révélée par ce type d’indicateursreste bonne mais elle paraît s’éroder.

Cette érosion s’opère alors que des changements profonds bouleversent le modèle écono-mique historique de l’industrie du médicament ainsi que nous le verrons dans unedeuxième partie. Historiquement organisée autour de l’exploitation des applications demolécules chimiques au domaine de la santé, l’industrie du médicament est marquée parl’émergence régulière du secteur des biotechnologies de santé et par l’arrivée d’un nombrecroissant de brevets dans le domaine public. Les acteurs du marché sont ainsi confrontés àun véritable changement de paradigme technologique qui induit une réorganisation desprocess le long de la chaîne de valeur du médicament, d’une part, et par une concurrenceaccrue par les coûts associée à la « généricisation » accélérée de médicaments sur lesquelsreposaient leur développement, d’autre part. En particulier, l’émergence des médicamentsissus de la biotechnologie pose la question de l’organisation et de la compétitivité de lachaîne qui va de la recherche fondamentale à l’application de procédés biotechnologiquesau domaine de la santé.

C’est à l’aune de ces deux principaux défis que sont examinés dans une troisième partie lesdéterminants de la position compétitive de l’industrie française du médicament. Face au défiposé par la « généricisation » accrue des médicaments, ce sont notamment les aspects coûtrelatif de la production mais également de l’image du produit de l’industrie pharmaceutiquefrançaise qui sont examinés. Face au défi posé par l’émergence des biotechnologies, ce sontles questions liées à la position de l’industrie française du médicament dans l’économie dela connaissance et de l’innovation qui sont analysées.

Sur ces deux dimensions, il apparaît que la position de l’industrie française du médicamentest fragilisée. La première position française dans la production de médicaments au sein del’espace européen ne sera maintenue que si des réponses appropriées sont apportées auxbouleversements du modèle économique de cette industrie. Cela passe par le soutien aux

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mutations du paysage industriel sous un double aspect défensif et offensif et notamment unsoutien à l’investissement dans les biotechnologies de santé.

Cette étude présente une analyse des déterminants de la compétitivité à même de fournirla représentation la plus exhaustive possible de la position compétitive de l’industrie fran-çaise du médicament. Chaque fois que cela était possible, nous avons mis en évidence lasituation de l’industrie française de ce secteur par rapport à ses concurrentes européennes.

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Une industrie au premier rangeuropéen mais dont l’avance s’érode

Avec une production estimée par l’EFPIA à un peumoins de 35 milliards d’euros en 2007, l’industriepharmaceutique opérant en France est au premierrang européen depuis 1995. Selon les estimationsde l’OCDE, elle s’inscrivait au troisième rangmondial en 2006, derrière les Etats-Unis et leJapon, devant l’Allemagne et le Royaume-Uni. En2006, la production pharmaceutique en France,évaluée en dollars courants était équivalente à unquart de la production américaine. Vingt ans plustôt, la production en France était équivalente à29 % de la production américaine, traduisant uneérosion du poids relatif de l’industrie française.

La première place au classement européen de l’in-dustrie pharmaceutique opérant en France n’a pasété remise en cause depuis 1995 malgré unetendance à la réorganisation de la productionautour des principaux pays à prix libres(Allemagne, Royaume-Uni, Suisse). L’émergencede l’Irlande à la fin des années 1990 et au débutdes années 2000 avait également rebattu les cartesde la répartition géographique de la productioneuropéenne. Cette émergence s’appuyait notam-ment sur une spécialisation dans le domaine de laproduction du principe actif, activité hautementcapitalistique pour laquelle la faible impositionrelative des bénéfices conférait un avantage d’at-tractivité au site irlandais. Depuis 2002, cet avan-tage comparatif irlandais semble avoir perdu deson importance comme en témoigne la stagnationde la production sur ce site.

Le poids de l’industrie pharmaceutique au sein del’économie française est sur une tendance crois-sante. La valeur ajoutée de cette industrie dans lasomme des valeurs ajoutées de l’ensemble desbranches a progressé de 0,54 % à la fin des années

1990 à 0,85 % en 2007. Au cours de cette période,la croissance de la valeur ajoutée en volume del’industrie pharmaceutique française a été de 8 %par an, celle de l’ensemble de l’économie a été de2,1 %.

Fruit notamment d’une concertation efficace entrel’Etat et les opérateurs industriels, au moyen del’accord-cadre de la politique conventionnelleÉtat-industrie de janvier 1994, de l’accord secto-riel de juillet 1999 et du nouvel accord-cadre dejuin 2003, cette première place européenne esttoutefois menacée.

La croissance de la production de l’industrie phar-maceutique française a fortement décéléré depuisle début des années 2000. Estimé en valeur, leniveau de la production est identique en 2007 àson niveau de 2005. En revanche, le chiffre d’af-faires des entreprises du médicament auraitprogressé de 2,7 % en 2008 par rapport à 2007selon le LEEM-Les entreprises du médicament.

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- I -Les tendances récentes de l’activité, de la compétitivitéet de l’attractivité de l’industrie française du médicament

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Production des industriespharmaceutiques nationales en Europe

© Coe-Rexecode

En milliards d'euros

90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 0800

10

20

30

40

FranceAllemagneIrlandeItalieRoyaume-UniSuisse

Source : EFPIA

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Nous ne disposons pas d’éléments de compa-raison à l’échelle européenne pour 2008.

A l’inverse de la situation française, la productionpharmaceutique en Allemagne tend à accélérer denouveau depuis quelques années. Elle aprogressé, en valeur, de 7,6 % par an entre 2005et 2007 pendant qu’elle stagnait en France. Enconséquence, alors que la part de l’industrie phar-maceutique opérant en France dans l’ensemble dela production pharmaceutique des quinzepremiers pays membres de l’Union européenneétait de 22,3 % en 1999 et de 22,5 % en 2004, elleest tombée à 20,9 % en 2007. Une telle proportionavait été transitoirement atteinte en 2002, notam-ment sous l’effet de l’accélération temporaire desproductions irlandaise et britannique. L’affai-blissement récent de la part de l’industrie phar-maceutique française dans l’ensemble européenparaît cependant moins relever de phénomènestransitoires qu’elle ne révèle une érosion tendan-cielle. Celle-ci s’observe également à l’examendes parts de marché à l’exportation (voir infra).Les exportations de produits pharmaceutiqueseffectuées depuis la France reculent notammentpar rapport aux exportations depuis l’Allemagne.

Une industrie créatrice d’emploisjusqu’à une période récente

L’affaiblissement récent de la production pharma-ceutique en France relativement à l’ensembleeuropéen vient menacer un secteur qui, jusquedans les années récentes, a été l’un des principauxpourvoyeurs de créations nettes d’emplois indus-triels. Dans la plupart des pays européens, le tauxde croissance annuel moyen de l'emploi dans l’in-dustrie pharmaceutique entre 2000 et 2007 estsupérieur à celui de l'ensemble des branchesindustrielles, voire de l'économie. Dans le cas dela France et selon les estimations de l’EFPIA, l’em-ploi dans l’industrie pharmaceutique a progresséde 1,2 % par an en moyenne de 2000 à 2007, soità un rythme légèrement inférieur à la progressionde l’emploi dans l’ensemble de l’économie (1,4 %par an). Il a reculé de 1,8 % par an en moyennedans l’ensemble des branches industrielles. Lacroissance de l’emploi est moins forte que celleobservée au cours de la même période dans despetits pays qui ont fait le choix explicite d’unespécialisation dans ce type d’activité (Suisse,Irlande). Surtout, elle tend à ralentir : la crois-sance des effectifs n’a plus été que de 0,3 % en2007 en France et l’industrie pharmaceutique a

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© Coe-Rexecode

En %

Part de la production pharmaceutique françaisedans la production des 15 principaux

pays de l'Union européenne

95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 0820.5

21.0

21.5

22.0

22.5

23.0

Source : EFPIA

Taux de croissance annuel moyen de l'emploientre 2000 et 2007

-2.0

0.0

2.0

4.0

6.0

8.0

UE à 15

Allem

agne

Irlan

de

Fran

ce

Pays-B

as

Suèd

e

Royaum

e-Uni

Suiss

e

Industrie phamaceutique Ensemble de l'économie

Source : Eurostat et EFPIA

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probablement cessé d’être créatrice nette d’em-plois en 2008.

Plus encore, une étude réalisée en 2007 par lecabinet AD Little à la demande du LEEM sur laprojection des métiers de l’industrie pharmaceu-tique à l’horizon 2015 avait mis en évidence unrisque important de recul de l’emploi dans cesecteur. Selon cette étude, les enjeux en matièred’effectifs concernent principalement les popula-tions de production, d’une part, et de promotion etcommercialisation d’autre part, les autres fonc-tions de support étant affectées de manièreproportionnelle.

Plus précisément, le recul attendu par AD Little dunombre de personnels de promotion-commerciali-sation et notamment de visiteurs médicaux s’ex-plique par plusieurs mutations dans le modèleéconomique de l’industrie du médicament :

• la montée des médicaments génériques quivient diminuer le nombre de produits promus,

• l’évolution des portefeuilles produits des labo-ratoires vers des produits de spécialistes hospi-taliers,

• la mise en place de la charte de la visite médi-cale et le renforcement de la régulation sur lavisite médicale,

• l’apparition de nouvelles cibles de croissancenotamment à l’international,

• enfin, empiriquement, le rapport du nombre dedélégués médicaux au nombre de médecinsserait dans le haut de la fourchette des payseuropéens en France.

L’étude de AD Little relevait également que leseffectifs de production en France sont sous lamenace de la faiblesse relative de la bioproductionet de l’absence de façonniers de taille critique(voir infra). Dans le domaine de l’emploi deproduction, les principaux facteurs d’évolution dela production sont :

• les rationalisations industrielles à l’œuvre dansde nombreux groupes entraînant des ferme-tures de sites et leur transfert vers des façon-

niers. Le deuxième élément cléréside dans la liaison entre le cycle devie des produits et celui des sites deproduction car de nombreux sites ont étéconstruits à l’occasion d’un grand lance-ment.

• l’essor de la bioproduction dans l’offre demédicaments : il défavorise indirectement laFrance restée majoritairement positionnée surles productions chimiques (en dehors desvaccins)

• l’évolution des volumes exportés, historique-ment, les volumes exportés ont largementcontribué à la croissance de la production fran-çaise. Le développement accéléré de l’Asieconduit les principaux laboratoires à yimplanter des sites de production qui pour-raient limiter les volumes exportés

• les gains de productivité « mécaniques » dus àl’externalisation

La croissance de la demandede médicaments reste supérieureà celle du PIB

La demande mondiale de médicament a augmentéjusqu’au début des années 2000 à un rythme deuxfois plus rapide que la croissance du produit inté-rieur brut. Si la croissance du secteur est appelée

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Taux de croissance annuel moyendes dépenses pharmaceutiques mondiales

à l'horizon 2013 (en %)

0

2

4

6

8

10

2002 2008 2008/2013

dépenses pharmaceutiques (en dollar constant)

PIB mondial en volume

Source : IMS, et prévisions Coe-Rexecode pour la croissanceannuelle moyenne du PIB mondial de 2008 à 2013

2005 2003/2008

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à se modérer au cours des cinq prochaines années,elle resterait durablement supérieure à celle duPIB. Maintenir voire développer une industrie dumédicament forte et compétitive constitue alorsun facteur favorable à la croissance économiqueglobale et donc à l’emploi.

Depuis 1990 au moins, la consommation mondialede médicaments croît plus rapidement que le PIBmondial. Entre 2003 et 2008, la croissancemondiale du marché du médicament a été del'ordre de 6,4 % (en dollars constants) dans uncontexte de croissance économique mondiale forte(4,2 % par an en volume). Les deux grandeurs nesont pas directement comparables, l’une étantestimée en volume (le PIB), celle du marchémondial du médicament étant exprimée en valeur(en dollars constants). Selon IMS, le marché phar-maceutique mondial a été en croissance de 4,8 %en 2008 à taux de change constant atteignant775 milliards de dollars de ventes totales. Sa crois-sance a fléchi par rapport à 2007 quand elle avaitété de 6,6 % (et de 6,4 % en moyenne chaqueannée de 2003 à 2008). Le taux de croissance dumarché du médicament en 2008 est le plus faiblede ces dix dernières années ce qui confirme latendance à la décélération du marché mondialobservée ces dernières années.

Du fait de cette croissance relative du marchémondial du médicament, la part des dépensespharmaceutiques mondiales dans le PIB en valeura progressé de 1,15 à 1,67 % entre 1990 et 2005.Elle a légèrement diminué depuis pour revenir à1,64 % en 2007. Cette part est proche de 2 % dansle cas des Etats-Unis en 2007, elle était de 1,2 %en 1995. Elle est de 1,8 % du PIB en France(1,55 % en 1995) et de 1,6 % dans les paysmembres de la zone euro. La France est lequatrième pays de l’OCDE en termes de dépensespharmaceutiques par habitant en 2007 derrière lesEtats-Unis, le Canada et la Grèce.

Les français continuent de consommer plus demédicaments que leurs voisins européens selon lechiffre d’affaires du secteur rapporté au nombred’habitants. Selon la DREES (les comptes natio-naux de la santé en 2008), l’importance de cette

consommation par tête provient de la structure dela consommation pharmaceutique française,caractérisée par un poids élevé de produits à lafois plus récents et plus coûteux, et par un déve-loppement du marché des génériques un peu pluslimité que dans l’ensemble des pays européens.Les niveaux de consommation de médicamentsn’ont cependant cessé de se rapprocher entre leshuit principaux pays européens (Allemagne,Danemark, France, Espagne, Italie, Royaume-Uni,Suisse, Pays-Bas) au cours des dernières années,principalement en raison de l’homogénéisationdes pratiques médicales.

La tendance à la stabilisation du poids desdépenses de médicament dans le PIB en valeur enFrance s’explique en grande partie par un effetprix. En France, une progression relativementmodérée en valeur de la consommation de médi-caments masque une progression plus forte envolume. En 2008, la consommation de médica-ments atteint 34,9 milliards d’euros. Elle progresseen valeur de 3 % par rapport à 2007, mais de5,4 % en volume. Les prix ont ainsi reculé de2,3 % en 2008.

Observé sur longue période, l’indice du prix dumédicament se situe à l’indice 87,4 en 2008 pour

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Poids des dépenses de médicament rapportéesau PIB dans les pays de l'OCDE

© Coe-Rexecode

En %

90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 081.0

1.2

1.4

1.6

1.8

Source : OCDE, Eco-Santé 2009, calcul Coe-Rexecode

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une base 100 fixée à 1995. Il a constamment étéorienté à la baisse au cours de cette période. Leprix du PIB se situe pour sa part à l’indice 124,6pour une base 100 fixée également à 1995. Le prixde la consommation de soins et de biens médicauxest à l’indice 118,1. Le prix relatif du médicamentest ainsi sur une tendance baissière. Cettetendance paraît même s’accélérer au cours desannées les plus récentes, notamment sous l’effetde la part de marché croissante détenue par lesmédicaments génériques.

Le marché français du médicament connaît parailleurs de fortes disparités de croissance selon lessegments de marché. Les ventes de médicamentsgénériques ont progressé de 6 % en 2008 parrapport à 2007, alors que le taux de croissance duchiffre d’affaires des médicaments remboursablesn’a été que de 1,1 %. Le nombre de classes théra-peutiques comportant des génériques ne cessed’augmenter (90 en 2008 contre 64 en 2002 sur untotal de 348 classes thérapeutiques selon laDREES). Par ailleurs, chaque fois qu’ils peuventse substituer à un princeps, les génériques repré-sentent plus de 60 % des ventes en 2008 contre43 % en 2003 de sorte que la part des génériquesdans l’ensemble du marché des médicaments

remboursables est passée de 4,1 % envaleur en 2002 à 11 % en 2008. Lesventes de produits de prescription médi-cale facultative non remboursables ont parailleurs fait un bond de près de 12 % en 2008portées par un effet périmètre lié aux dérem-boursements de médicaments par l’assurancemaladie.

Malgré la tendance au recul du prix relatif dumédicament qui s’observe à l’échelle mondiale, lesprévisions (en valeur) d’évolution du marchémondial du médicament proposées par IMS retien-nent que la progression des dépenses pharmaceu-tiques mondiales en valeur resterait supérieure àcelles du PIB au moins jusqu’à 2013. Les prévi-sions d’IMS pour la progression du marchémondial du médicament sont de 2,5 à 3,5 % pour2009 et de 3 à 6 % de taux de croissance annuelmoyen pour la période allant de 2008 à 2013.

Le ralentissement tendanciel de la croissancemondiale du marché masque un déplacement deszones de croissance avec une faible progression,sinon un recul, du marché nord-américain selonIMS (de -1 à 2 % de taux de croissance annuelmoyen de 2008 à 2013), une progression de 3 à6 % du marché européen (contre 6,4 % en taux decroissance annuel moyen de 2003 à 2008). A l’in-verse, la progression des dépenses pharmaceu-tiques dans les économies émergentes d’Asie etd’Amérique latine serait de 11 à 14 % par an enmoyenne de 2008 à 2013.

Les causes du ralentissement du marché de lapharmacie dans les économies développées tien-nent notamment à la diminution du nombre delancements de nouvelles molécules, à la « généri-cisation » accrue des grandes molécules dumarché des produits de « généralistes », au déve-loppement de l’innovation dans des niches théra-peutiques aux indications limitées ou encore aurenforcement des politiques de maîtrise des coûtsde la santé.

Sous l’effet de ces tendances, un basculement despoids relatifs des différents marchés s’opère : ainsila part des Etats-Unis dans les ventes mondiales

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Prix relatif du médicament en France

© Coe-Rexecode

En %

95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 0970

80

90

100

110

Prix de la consommation de médicaments/prix de la consommation médicale totalePrix de la consommation de médicaments / prix du PIB

Source : DREES, Comptes nationaux de la santé

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

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est tombée de 50 % au début des années 2000 à38 % en 2008 avec une croissance de seulement1,9 % en 2008. A l’inverse, la Chine est devenue lecinquième marché pharmaceutique mondial en2008. Elle n’occupait que le dixième rang en 2003et elle pourrait occuper la troisième place en 2012selon IMS1. En France, les ventes de produits phar-maceutiques représentent 5 % des ventesmondiales avec plus de 30 milliards de dollarspour l'année 2006.

Sur plus longue période, les projections réaliséespar la DGTPE dans le cadre du rapport triannuelde la Commission européenne sur les consé-quences du vieillissement relèvent que l’ensembledes dépenses de santé pourraient voir leur poidsdans le PIB progresser de 1,5 point à l’horizon2050 du fait notamment du vieillissement de lapopulation et de la montée de la dépendance. Cepoids pourrait également progresser de 1,5 pointde PIB (depuis 8 %) à l’échelle de l’ensemble del’Union européenne d’ici à 2060.

De telles perspectives de développement à moyencomme à très long terme font du secteur du médi-cament un enjeu majeur pour les économies natio-nales disposant de ressources industrielles à

même de répondre à cette demande croissante.Elles supposent aussi une adaptation de l’outil deproduction et de commercialisation aux nouveauxgisements de croissance de la demande qui sesitueront plus dans les zones émergentes qu’ausein des économies développées.

Une industrie de plus en plusextravertie

Le déplacement du centre de gravité du marchémondial du médicament se traduit par une ouver-ture croissante de cette industrie sur le marchémondial. Dans le cas de l’industrie pharmaceu-tique française, le montant des exportations adépassé le montant de la production à usagedomestique dès 2004. En 2006, dernière annéerenseignée par l’Insee, le montant des exporta-tions (y compris réexportations) est équivalent à56 % du montant de la production de l’industriepharmaceutique. Le développement des échangesextérieurs de médicaments est la conséquenced’une organisation continentale de l’activité résul-tant du choix d’implantation d’unités de produc-tion, choix souvent conduits à l’échelle internatio-nale par les grands acteurs du secteur.

n° 13

1 IMS Pharma News, n°9, 10 juillet 2009

Destination de la productionpharmaceutique française

entre 2000 et 2006

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1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

Exportations Production à usage domestique

Source : Insee

France : Evolution de la part desimportations dans la consommation de

produits pharmaceutiques (%)

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1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

Source : Insee, TES

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Cette extraversion accrue de l’industrie du médi-cament s’observe aussi à travers une tendance àl’accroissement de la pénétration du marché localpar les importations. Le montant des importationsrapporté à la consommation de produits pharma-ceutiques était de 37,8 % en 1999 et de 44,2 % en2000. Cette part est de 48,2 % en 2006, dernièreannée renseignée par les données de l’INSEE.

La progression soutenue des importations demédicaments n’est pas propre à la France. Ellesemble même plus forte dans les autres pays euro-péens. La part des importations françaises demédicaments dans les importations de l’Unioneuropéenne à 15 avait en effet reculé de 14 à 10 %entre 2000 et 2005, avant de remonter à 12 % en2007 et 2008. La part des importations allemandesdans les importations européennes de médica-ments est quant à elle passée de 15 % à 19 % surla période 2000-2008. Elle est de fait le premierimportateur européen.

La France est le cinquième exportateur mondial deproduits pharmaceutiques en 2007 derrièrel’Allemagne, l’ensemble constitué par la Belgiqueet le Luxembourg, les Etats-Unis et la Suisse (esti-mation sur la base des données de Chelem). Dansle cas de plusieurs pays, le montant des exporta-

tions dépasse celui de la productionlocale, situation reflétant probablementd’importants flux de réexportation deproduits préalablement importés.

La position de l’industrie pharmaceutique fran-çaise sur les marchés à l’exportation tend à s’af-faiblir. Elle a perdu une place au rang des princi-paux pays exportateurs de médicaments depuis ledébut des années 2000. Les exportations fran-çaises ont été d’un montant de près de30 milliards de dollars en 2007 contre 14 milliardsen 2001, soit une progression annuelle moyenne(en dollars courants) de 15 % entre 2001 et 2007selon les données extraites de la base Chelem. Aucours de cette même période, la croissanceannuelle moyenne des exportations de produitspharmaceutiques effectuées par les 24 principauxpays exportateurs a été de 18,5 % en dollarscourants. Le classement en fonction du taux decroissance annuel des exportations fait figurer laFrance à la 17e place parmi les 24 principaux paysexportateurs de médicaments. A l’échellemondiale, c’est Singapour qui a connu la plusforte progression des exportations de médica-ments entre 2001 et 2007 (+36 % de taux de crois-sance annuel moyen) et l’Inde qui a la plus faiblecroissance (+4,9 % par an).

13

Novembre 2009

Exportations de produits pharmaceutiques en 2007(milliards de dollars et taux de croissance annuel moyen entre 2001 et 2007)

+22,9%

27,6%13,4%+18,6%

+13,9%+15,4%

+18,2%

+14,8%+20,1%

+13.1% +13%+22.4

+26.9%+23,7%+22.1%e

+4.9%+25.9%

+25%+36%

+17.3%

+25%+25.6%

+34.7%+12.1%

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Singap

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Grèce

Polog

ne

Portu

gal

Source : Chelem

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

14

Des échanges extérieursde médicaments excédentairesdans le cas de la France

Au niveau des pays membres de l’Union euro-péenne à 27, les exportations de médicamentsdepuis les principaux pays sont en forte crois-sance. Le solde du commerce extérieur européende médicaments a constamment été positif de2000 à 2008, bien que la croissance annuellemoyenne des exportations européennes (12,7 %en euros) durant cette période ait été un peu plusfaible que celle des importations (13,5 % sur l'en-semble de la période). L’essentiel de l’écart atoutefois été réalisé avant 2004. Depuis cette date,la progression des exportations européennes aralenti à 7 % par an en moyenne, mais elle estredevenue supérieure à celle des importations(6,6 % par an en moyenne de 2004 à 2008).Mesurées en valeur, les importations européennesde médicaments ont été d’un montant de121 milliards d'euros en 2007 et les exportationsannuelles de 151 milliards d'euros.

En France, le solde des échanges extérieurs demédicaments est très nettement positif. Il s’estfortement accru au cours de la période allant du

milieu des années 1990 à 2002 avant de plafonner.Il s’est redressé en 2008 à 6,1 milliards d’eurosaprès 5 milliards en 2007 selon les estimationsfournies par Eurostat. Il s’est également élevé à6,1 milliards d’euros en rythme annualisé au coursdu premier semestre 2009.

L’industrie du médicament jouit donc d’une positioninternationale forte à la fois relativement aux autreséconomies européennes mais également au sein dusystème productif opérant en France. Toutefois,plusieurs signes d’affaiblissement de cette positioninternationale privilégiée apparaissent.

Tout d’abord, la progression du solde excédentairedes échanges extérieurs de médicaments masqueune tendance à l’érosion du taux de couverture desimportations de ce type de produits par les expor-tations. Ce taux de couverture a culminé à près de180 % en 2002 avant de retomber à 137 % en 2007puis de remonter à 144 % en 2008.

Surtout, les parts du marché mondial à l’exporta-tion du médicament détenues par les exportateursopérant depuis la France ont eu tendance à s’effriterdepuis la fin des années 1990 relativement à l’en-semble des exportateurs européens de médicament.

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Importations

Les échanges européens de médicaments(intra et extra communautaires) - UE27

Source : Eurostat

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Solde commercial Exportations

Importations

France : échanges extérieurs des médicaments

Milliards € Milliards €

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Les parts de marché à l’exportationde médicaments ont reculé depuis la findes années 1990

Depuis 1999, l’économie française en sonensemble a pâti d’un déficit de compétitivité surles marchés à l’exportation. Celui-ci peut êtreillustré par le recul marqué de la part des exporta-tions françaises de marchandises dans les exporta-tions effectuées par l’ensemble des pays membresde la zone euro. Entre 1998 et 2007, la part desexportations françaises de marchandises dans lesexportations de la zone euro a reculé de 16,9 % à13,2 %. Elle s’est stabilisée depuis à ce niveau. Atitre d’illustration, et toutes choses égales parailleurs, le montant des exportations françaises demarchandises en valeur aurait été en 2008 d’unmontant supérieur de 117 milliards d’euros à celuiobservé si la part de marché des exportations fran-çaises avait été stabilisée à son niveau de 1998,soit un montant équivalent à 6 % du PIB en valeurde 2008. Compte tenu du niveau de productivitémoyen dans l’économie (estimé par le rapport duPIB en valeur à l’emploi intérieur total, soit74 450 euros par emploi), approximativement1,5 million d’emplois n’ont pas été créés oupréservés du seul fait du recul des parts de marché

des exportations françaises de marchan-dises par rapport à nos concurrents de lazone euro. Cette évaluation doit toutefoisêtre corrigée à la baisse, dans des proportionsdélicates à estimer, du fait de la fuite à l’im-portation qu’aurait nécessairement impliquéel’accroissement du montant des exportations.

L’industrie du médicament n’a pas échappé à cettetendance générale. Entre 1998 et 2008, la part desexportations françaises de médicaments dans lesexportations de médicaments effectuées par lesquinze premiers pays membres de l’Union euro-péenne a reculé de 15,4 % à 13,2 % selon lesdonnées fournies par Eurostat. Un repli significatifa été observé en 2002. Il s’est poursuivi jusqu’en2007, année durant laquelle cette part est tombéeà 12,2 %. Elle s’est en revanche redressée en 2008,et s’est stabilisée au premier semestre 2009,période durant laquelle elle est de 13,3 %. La partdes exportations françaises dans les exportationsdes pays membres de la zone euro a reculé plussignificativement encore : elle a chuté de 21,7 %en 1998 à 16 % en 2008.

Si la part des exportations françaises de médica-ments dans les exportations de médicamentseffectuées par les 15 premiers pays membres de

France : taux de couverture des importationsde médicaments par les exportations

© Coe-Rexecode

En %

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Source : Eurostat

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Part des exportations de médicamentsdes principaux pays de l'UE dans les exportations

totales de méédicaments de l'UE à 15

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Source: Eurostat

En % (moyenne mobile/3 mois)

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

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n° 13

l’Union européenne avait été stabilisée en 2008 àhauteur de son niveau de 1998, alors le montantdes exportations effectuées depuis la France auraitété de 22,4 milliards d’euros en 2008 et non pas de19,1 milliards d’euros comme estimé par Eurostat.Compte tenu d’une valeur de la productionrapportée au nombre d’emplois dans la branchedu médicament équivalente à 332 000 euros paremploi, on peut estimer à 9 800 postes le nombred’emplois qui n’ont pas été créés ou préservésdans l’industrie du médicament opérant en Francedu fait de l’érosion de la part de marché à l’expor-tation. Là encore, cette évaluation doit êtrecorrigée à la baisse, dans des proportions délicatesà estimer, du fait de la fuite à l’importation qu’au-rait probablement impliquée l’accroissement dumontant des exportations. Ce calcul n’est fourniici qu’à titre indicatif du manque à gagner entermes de production et d’emplois qui a purésulter du déficit de compétitivité sur les marchésà l’exportation relativement aux pays membres del’Union européenne.

Le recul de la part de marché à l’exportation del’industrie française du médicament s'est expliquédans un premier temps par la montée du poids de

l'Irlande dans les exportations européennes.L'Irlande a réalisé 14 % des exportations euro-péennes en 2002 contre 5 % en 1996. Le poids del’Irlande dans les exportations européennes demédicaments a ensuite eu tendance à reculer pourrepasser en-dessous de 10 % dès 2005. De manièreplus récente, le recul relatif de la part de marchédes exportateurs français de médicaments a pourcontrepartie la progression de la part détenue parles exportateurs allemands. Après avoir chuté en2002 à près de 14 %, la part des exportations alle-mandes de médicaments dans les exportationseuropéennes s’est nettement réorientée à lahausse. Elle a été de 21,9 % en 2008, dépassantainsi son précédent record à la hausse touché en1998 (21,7 %). En revanche, la part des exporta-tions allemandes s’est affaiblie au cours dupremier semestre 2009, période durant laquelleelle est retombée à 21,2 %.

Le recul de la part des exportations françaises demédicaments dans les exportations européennesde médicaments s’explique principalement par unrecul de la part du marché européen détenu parles exportateurs français. La part des exportationsfrançaises à destination des pays membres del’Union européenne à 27 dans les exportations des

Part des exportations de médicamentsdes principaux pays de l'UE dans les exportationsintra-européeennes de médicaments de l'UE à 15

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En % (moyenne mobile/3 mois)

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Source: Eurostat

Part des exportations de médicamentsdes principaux pays de l'UE dans les exportationsextra-européeennes de médicaments de l'UE à 15

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En % (moyenne mobile/3 mois)

1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 200900

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Source: Eurostat

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15 premiers pays membres de l’UE vers l’UE à 27a chuté de 17 % en 1998 à 10 % en 2008. Lesexportations de médicaments vers l’Union euro-péenne à 27 sont les destinations de 46 % de l’en-semble des exportations françaises de médica-ments. Ce recul de la part de la France dans lesexportations à destination des pays membres del’Union européenne s’est effectué en premier lieuen faveur des exportations depuis l’Allemagne.

A l’inverse, la part des exportations françaises demédicaments à destination de pays situés hors del’Union européenne dans l’ensemble des exporta-tions effectuées par les pays membres de l’UE à 15a eu tendance à progresser. Elle est de 17,4 % en2008 contre 13,8 % en 1998.

Les observations précédentes décrivent ainsi uneperte d’influence des exportations françaises demédicaments sur le marché européen et à l’inverseune présence renforcée sur les marchés situés horsdes pays membres de l’Union européenne.

La France reste la première terre d’accueildes investissements directs étrangersen nombre de projets parmi les payseuropéens

Si les parts de marché à l’exportation de l’indus-trie française du médicament ont eu tendance às’éroder, la France reste en revanche un pôle d’at-tractivité important de l’investissement interna-tional dans le domaine de l’industrie pharmaceu-tique.

En l'absence de statistiques sectorielles précisesquant aux montants des investissements directsinternationaux dans le domaine de l’industrie dumédicament, l'attractivité du territoire pour lesentreprises du secteur du médicament est évaluéeà partir du nombre de projets étrangers d'implan-tation de sites dans ce domaine d’activité. Selonles statistiques de l’AFII (Agence Française desInvestissements Internationaux), la France ressortà la première place du classement européendurant la période 2002/2008 quant au nombre deprojets d’implantation ou d’extension de sites via

l’investissement international. Unelimite de la statistique précédente tient àce que seul le nombre de projets à destina-tion de chacun des pays est estimé alors quele montant des capitaux investis ou une esti-mation plus précise du nombre d’emplois asso-ciés à ces projets serait probablement plus signifi-catif de l’attractivité relative. Par ailleurs, lenombre de fermeture de sites associés à une déci-sion d’investissement international ne peut pasêtre connu à partir de cette information, ce quiréduit là encore la portée de cet indicateur.

Toutes catégories d’implantation confondues, laFrance reste la première destination européennedes investissements directs étrangers avec 17,5 %du nombre de projets d’investissement interna-tional recensés par l’AFII et 22,3 % du nombre deprojets d’investissement international recensésdans les seuls pays membres de l’Union euro-péenne à 15. Ce poids est proche de celui de laproduction française de l’industrie pharmaceutiquedans l’ensemble de la production de l’UE à 15.

Un peu moins de la moitié des projets d’investis-sements internationaux en France (dans ledomaine du médicament) consistent en projetsd’implantation d’unités de production. Les projetsd’implantation de centres de R & D représentent16 % des projets d’investissement et l’installation

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Novembre 2009

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

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de bureaux commerciaux ou de liaison expliquent23 % des projets.

Plus spécifiquement, la France aurait attiré 26 %des projets d'implantation ou d’extension de sitesde production au sein de l'Europe à 15, ce quireprésente 64 projets. Plusieurs éléments spéci-fiques à l’attractivité du site France peuvent expli-quer cette bonne performance. La main-d’œuvreest souvent reconnue de qualité par les investis-seurs internationaux, fruit d’un long héritage entermes de savoir-faire dans le domaine des indus-tries de santé. La taille du marché local joue aussiun rôle décisif dans l’attractivité de la productiondans la mesure où l'implantation dans un paysconstituant un marché porteur représente uneoptimisation du point de vue de la rentabilité(notamment des coûts de transport).

Au-delà des bonnes performances de la France entermes d'attractivité des investissements produc-tifs, il peut être important d'étudier la natureexacte de ces investissements afin de déterminerquels en sont les déterminants et surtout l'apporten termes d'évolution technologique ou decontenu en valeur ajoutée. Les projets d’implanta-tion sont distingués en deux groupes, les usinesd'excellence produisant le principe actif et lesusines de conditionnement. C'est l'investissement

dans les premières qui constitue le vrai enjeu d'at-tractivité des capitaux étrangers, validant unsavoir faire et participant au maintien à un hautniveau des compétences et des savoirs liés auxexigences de ces productions de pointe. Les statis-tiques disponibles ne permettent toutefois pasd’effectuer une telle décomposition.

Favorable quand il s’agit d’examiner l’accueil desites de production, l'attractivité du territoire fran-çais pour les projets d’implantation ou d’extensionde centres de recherche et développement paraîtégalement plutôt positive. Selon cette même statis-tique de l’AFII, la France se classe au premier rangeuropéen quant au nombre de projets d’implanta-tions de sites de R&D en Europe, à égalité avec leRoyaume-Uni. Elle a été destinataire de 21,5 % desprojets d'implantation de ce type de sites enEurope (soit 26 sites) entre 2002 et 2008.

Les indicateurs d’attractivité du site français deproduction comme de recherche paraissent ainsiplutôt favorables. Se pose toutefois la question dupositionnement de ces sites. Il apparaît en effetque parmi les sept projets de création de sites debioproduction de lots commerciaux de médica-ments en Europe d’ici 2011, aucun n’était prévu enFrance jusqu’à l’annonce de la reconversion d’unsite de Sanofi-Aventis en site de bioproduction.

n° 13

Conclusion d’étape

L’industrie pharmaceutique française est issue d’une tradition de grands inventeurs etinnovateurs. Le site français de production de médicaments occupe la première place ausein de l’ensemble européen. L’industrie pharmaceutique opérant en France occupeégalement une place honorable dans la compétition mondiale, même si plusieurs indi-cations montrent une érosion de sa position compétitive. L’attractivité du site françaisde production mais également de recherche paraît demeurer forte, même si deséléments de comparaison internationale plus complets font défaut.

Le renforcement de cette première position tenue par l’industrie du médicament au seindu système productif est un enjeu de santé publique en premier lieu mais également decroissance économique et d’emploi. La demande mondiale de médicament augmenteplus rapidement que le produit intérieur brut et toutes les projections montrent que ce

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19

mouvement est appelé à se poursuivre durablement. Maintenir et plus encore déve-lopper, une industrie du médicament forte et compétitive constitue un facteur favo-rable à la croissance économique globale et donc à l’emploi.

Si l’industrie du médicament est une industrie principalement tournée vers la consom-mation finale pour laquelle les effets de diffusion au secteur aval restent a priorimodestes, l’expansion à un rythme élevé du marché mondial constitue une opportunitéde développement. La France a acquis dans le passé une position forte assez largementfondée sur le marché domestique. Le rôle des exportations s’est accru au point que l’in-dustrie du médicament exporte aujourd’hui plus de la moitié de sa production et quel’excédent des échanges extérieurs de médicament est passé de 1,4 milliard en 1995 (eneuros constants actuels) à plus de 6 milliards d’euros actuellement.

Cet excédent commercial est la résultante du choix qui avait été fait au début des années1990 de doter la France d’une véritable politique industrielle à même de renforcer l’at-tractivité du site français de production pharmaceutique. Ce choix, décliné à travers lamise en place d’une politique conventionnelle, véritable zone de rencontres entre desstratégies d’entreprises et une politique industrielle volontariste, a porté ses fruits enfaisant de la France le premier producteur de médicaments et une forte base d’exporta-tions de médicaments notamment à destination de l’Europe.

Aujourd’hui, l’évolution du modèle économique de l’industrie du médicament vientrebattre les cartes de la compétitivité et de l’attractivité des sites de recherche et deproduction dans le domaine des sciences du vivant. Le besoin d’une nouvelle politiqued’attractivité se pose face au risque de remise en cause de cette première place euro-péenne.

L’industrie pharmaceutique est désormais confrontée à deux défis majeurs. Le premierdéfi est un changement profond du modèle économique de l’innovation pharmaceutiqueavec le rôle croissant des biotechnologies. L’enjeu clé dans ce domaine tient dans laréponse à apporter face au risque de concentration des pôles de recherche mondiaux etla question posée est celle de la place future de la France dans cette redistribution. Lesecond défi concerne le maintien des centres de production de médicament sur notreterritoire, problématique qui renvoie à la question classique de la compétition par lescoûts dans un contexte de montée en puissance des médicaments génériques.

Biomédicaments et médicaments génériques sont les deux segments de marché connais-sant les taux de croissance les plus rapides. Cette tendance va se prolonger. La Francene sera à même de maintenir sa première place dans le paysage européen de l’industriedu médicament que dans la mesure où une réponse adaptée en termes de politique d’at-tractivité et de compétitivité aura été apportée à ces deux défis. Cette réponse met enjeu l’ensemble de la chaîne de valeur du médicament qui part de la qualité de larecherche amont jusqu’à la maîtrise des process complexes associés aux biotechnologies.

Novembre 2009

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

20

n° 13

La persistance d’un solde commercial positif nedoit pas occulter la fragilisation de la positioncompétitive de l’industrie française du médica-ment telle qu’elle est révélée par l’érosion de lapart de marché de leurs exportations relativementà celle des autres pays européens.

La recherche des éléments d’explication à cetaffaiblissement passe par l’analyse des facteurs decompétitivité propres à l’industrie du médicament.L’identification des paramètres de la compétitivité(ou des avantages concurrentiels), appréhendés àl’échelle de l’industrie du médicament, est unpréalable. Elle avait été effectuée par Coe-Rexecode lors d’une étude réalisée en 2004. Nousrappelons les résultats principaux de cette étudeavant d’examiner comment l’émergence à la foisdes biomédicaments et des médicaments géné-riques vient bouleverser en profondeur le modèleéconomique de cette industrie dont l’activité s’ins-crit dans un cadre réglementaire strict avec d’im-portants processus de contrôle. Dans le souci del’intérêt général, il incombe aux pouvoirs publicsd’assurer une cohérence entre des objectifssociaux aussi divers que l’équilibre des comptessociaux et la limitation des prélèvements collec-tifs, la recherche d’un haut niveau de soinspassant notamment par l’innovation dans ledomaine du médicament et un objectif de déve-loppement de l’emploi sur le territoire.

L’intervention de la sphère publiquedans le domaine de la productionet de la distribution de médicaments

L’intervention des pouvoirs publics dans ledomaine des industries de santé renvoie à de légi-times raisons de santé publique en matière demise au point de médicaments. Elle se retrouveainsi :

• au niveau de la recherche et du développe-ment, avec des règles et des contrôles concer-nant la méthodologie et l'éthique des étudessur l'animal et des études cliniques surl’homme,

• au niveau de la mise sur le marché, par le biaisdes autorisations de mise sur le marché quinécessitent la constitution de dossiers dont lacomposition est minutieusement définie et dontla procédure d'examen dure plusieurs mois,

• au cours de la vie des produits, par unesurveillance des résultats de pharmacovigi-lance.

Il existe un ensemble de réglementationspubliques qui influencent très fortement l’activitéde l’industrie du médicament et concernent toutela filière. La situation diffère toutefois selon lesEtats, mais en général, on retrouve une interven-tion administrative :

• au niveau de la fixation des prix, des volumeset des remboursements par la couverturesociale,

• au niveau de la production, dans le cadred'inspections des méthodes de fabrication quidoivent respecter des normes strictes,

• au niveau de la publicité, souvent sévèrementcontrôlée que ce soit a priori ou a posteriori.

De la réglementation découle la classification desproduits en trois segments de marché :

• les produits princeps qui regroupent les médi-caments originaux (protégés au regard de lapropriété intellectuelle). Ils peuvent êtreremboursables ou non, de prescription médi-cale obligatoire ou facultative,

• les génériques qui sont des copies légales demédicaments princeps et dont le brevet estarrivé à échéance,

- II -Les transformations du modèle économique

de l’industrie du médicament

Page 23: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

21

• les médicaments OTC (over-the-counter) quisont les produits d’automédication en ventelibre et de plus en plus non-remboursables.

Ces caractéristiques font du médicament unmarché dont la nature appelle de multiples régula-tions. Du côté de l’offre, les laboratoires disposentd’un pouvoir de monopole par l’intermédiaire desbrevets lorsqu’ils mettent au point un médicamentinnovant. Ils peuvent également user d’un pouvoirdiscrétionnaire vis-à-vis des médecins, notammentpar l’intermédiaire de leurs visiteurs médicaux. Larégulation de l’offre s’est ainsi centrée sur lecontrôle des prix et de la promotion avec la miseen place d’une taxe sur les dépenses de promotion.

L’analyse de la demande s’avère complexe enraison de la multiplicité des acteurs concernés. Siles patients, de par leurs pathologies, « consom-ment » des médicaments, ils ne constituent qu’unedes composantes aux côtés des médecins et, pourune moindre part, des pharmaciens.

Le rôle du prescripteur est essentiel : c'est lui« l'acheteur », il définit les choix et détermine lesquantités. A ce titre, il est d'ailleurs la cible quasi-unique des efforts déployés par les laboratoiresdans la promotion de leurs produits. Par contre, iln'est pas le payeur et il est donc structurellementpeu sensible aux conséquences économiques deses décisions, qu'il motive essentiellement par desimpératifs d'efficacité thérapeutique. Une certaineresponsabilisation à ce niveau peut néanmoinsintervenir, soit indirectement par une prise encompte de l'intérêt financier du patient (s'il estsignificatif), soit plus directement par la mise enplace d'un contrôle plus ou moins direct des pres-criptions, à l'instar de ce qui se passe aux Etats-Unis ou en Allemagne.

Le rôle de la couverture sociale s'avère tout aussidéterminant. Sous ce vocable, il faut regrouper l'en-semble des mécanismes de mutualisation de ladépense de santé : systèmes d'assurance maladieobligatoire ou non, ainsi que systèmes de couverturecomplémentaire volontaire. En effet, par delà lesdivergences internationales, tous ont la même consé-

quence lorsqu'ils existent, à savoir unecertaine « déresponsabilisation » duconsommateur, pour lequel dépense etconsommation individuelles apparaissentdéconnectées, même s'il n'ignore pas que, collec-tivement, il s'agit d'un jeu qui n’est pas à « sommenulle ». Cette constatation ne saurait remettre encause ce mécanisme de mutualisation de la dépense,dont l'impact au plan social est tout à fait positif,mais il convient d'en garder présent à l'esprit leseffets pervers sur la consommation de médicaments.

L’ampleur de la couverture sociale joue un rôleimportant sur la taille du marché intérieur. Unélément d'appréciation de l'attractivité d'un terri-toire, au travers des potentialités de son marchéintérieur du médicament est la « générosité » dusystème de santé en termes de remboursement desdépenses pharmaceutiques. La relative bonne« générosité » du système français illustrée par lapart élevée des dépenses de médicament payéespar les systèmes publics de santé est également unélément atténuateur de la complexité réglemen-taire. Par ailleurs la stabilité et la transparence deséléments d'évaluation du service médical rendusont des facteurs reconnus d'ouverture du marchéaux nouveaux produits qui influence également lalocalisation du site de production. Une tendance àla remise en cause des critères d’évaluation duservice médical rendu relevée par des acteurs dusecteur paraît de ce point de vue dommageable àl’évolution de l’attractivité.

Le plus souvent, le rôle des pouvoirs publicsconsiste en la fixation du prix des médicaments etdes modalités de prise en charge par les systèmesd'assurance maladie. D'autres pays ont adopté dessystèmes formellement différents, mais en faitd'inspiration voisine (Grande-Bretagne parexemple), tandis que d'autres enfin, laissent unetrès grande liberté de manœuvre aux entreprises etaux gestionnaires de soins sur ce sujet (commeaux Etats-Unis). La régulation peut égalements’exercer par un contrôle des volumes, commec’est le cas en France avec le système del’ONDAM2 (Objectif National des Dépensesd’Assurance Maladie) renvoyant à une taxation au-

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2 L’Etat fixe chaque année un objectif national d’évolution des dépenses d’assurance maladie pour les médicaments rem-boursés (ONDAM) en vue d’améliorer la visibilité à moyen terme des industriels pour ce qui concerne leur volume com-mercialisé en France.

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

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delà d’un seuil de chiffre d’affaires industrielles.En matière d'accès au marché, c'est aux États-Unisqu'en général, les médicaments sont commercia-lisés le plus rapidement. Cela s'explique en partiepar le fait que l'administration fédérale américainene fixe ni ne réglemente les prix que les fabricantspeuvent demander pour les médicaments.D'autres facteurs interviennent également, commela longueur du processus réglementaire et la stra-tégie des entreprises concernant le lancement desproduits sur un marché donné.

En France, en Italie ou en Espagne, les autoritésutilisent différents mécanismes pour fixer les prixdes médicaments remboursables : négociationsprix/volumes, références de prix sur d’autresmarchés européens. Des systèmes mixtes(Allemagne, Pays-Bas) font coexister des tarifs deréférence par classes pharmacologiques ougroupes pharmaco-thérapeutiques, et des prixlibres pour les innovations.

Afin de se fonder sur des critères les plus scienti-fiques et objectifs possibles, des études pharmaco-économiques sont demandées dans certains paysdès lors que le médicament se positionne en tantqu’innovation (Pays-Bas, Belgique, Italie, France).D’autres marchés enfin font jouer non pas unepression directe sur les prix mais sur les profits,comme le système anglais du PharmaceuticalPrice Regulation Scheme (PPRS). La Francecumule le contrôle des prix individuels et la taxa-tion des excédents de chiffres d’affaires par classe(ONDAM), au-delà de plafonds fixés par le ComitéEconomique des Produits de Santé en applicationdu taux global de croissance du chiffre d’affairesvoté dans la Loi de Financement de la SécuritéSociale (facteur K, soit le facteur autorisé de crois-sance des ventes sans taxation).

En France, au-delà des qualités intrinsèques duproduit et de l'évaluation pharmaco-économique,

les choix faits en matière de sécurité sociale sontdépendants de la politique de santé : c'est le« Service Médical Rendu » (SMR), mais également« l'intérêt pour la santé publique » d'un médica-ment qui définissent les conditions de sonremboursement. L’appréciation du « ServiceMédical Rendu » prend en compte la gravité del'affection à laquelle il est destiné et les caracté-ristiques du médicament (efficacité et effets indé-sirables, place dans la stratégie thérapeutique,caractère préventif, curatif ou symptomatique).

La chaîne de valeur de l’industriedu médicament

Outre l’importance de l’intervention publique à lafois dans l’organisation du système de prix oudans son rôle de contrôle, les spécificités de l’in-dustrie du médicament tiennent à la longueur duprocessus qui va de la recherche de nouvellesmolécules à leur mise sur le marché3, ainsi qu’àl’apparition d’une nouvelle vague de progrèstechnique.

Appréhendée à partir d’une démarche d’économieindustrielle, la chaîne de valeur du médicamentpeut être décomposée en cinq maillons élémen-taires. A chacun de ces maillons sont associés desfacteurs spécifiques de compétitivité qui doiventêtre analysés de manière distincte. Ces différentsmaillons partent de la découverte du médicament(la recherche), ils passent par le développement,la production du principe actif, la productionfinale et le conditionnement avant d’aboutir à lacommercialisation. A chaque étape correspondentpeu ou prou des facteurs de compétitivité spéci-fiques. De façon générale, les premiers maillons(recherche et développement) relèvent plutôtd'avantages concurrentiels par la différenciation.Les derniers (production finale et conditionne-ment) sont notamment plus sensibles aux avan-

3 Il se passe de dix à quinze ans entre la découverte de l'effet pharmacologique d'une molécule et la mise sur le marchéd'un médicament à partir de cette molécule. Pour une présentation détaillée de l’économie industrielle du secteur du médi-cament et notamment une description des différentes phases de la recherche et du développement, voir l’étude de RexecodeServices : Les enjeux de l’industrie du médicament pour l’économie française, 2004. La reconnaissance de la longueur decette période de développement est un des enjeux majeurs actuels pour assurer une rentabilité de la recherche.

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tages concurrentiels par les coûts. Le tableausuivant présente les paramètres de la compétitivitéselon la position dans la chaîne de production.

Plus précisément, la qualité du maillage d'exper-tises et de compétences est primordiale à l'étapede la recherche amont. Ceci suppose un niveauélevé et une proximité de la recherche publique.Comme le soulignait le rapport Marmot en 2004,« une réflexion sur l’attractivité de la France pourles industries de biens de santé ne peut ignorer lespartenaires que sont les organismes publics derecherche pour la recherche fondamentale et leshôpitaux pour le développement clinique ». Letissu des start-up, qui facilitent le transfert tech-nologique, doit aussi être dynamique, ce quisuppose l’accès à un financement important auregard de moyens engagés, qu’il soit public ouprivé (capital-risque). Les effets d'agglomération(cluster) jouent et ont des effets cumulatifs à ceniveau. Ils s'envisagent dans une articulation quipart d'une recherche pré-compétitive (de dévelop-pement d'une recherche épidémiologique enamont de la recherche et de la production) et quiaboutit au développement des essais cliniques.Cette articulation autour de pôles permet d’attirerde nouveaux projets, de nouvelles entreprises secréent. Il devient alors plus difficile de créer unnouveau pôle ex nihilo.

La phase de développement qui consiste en laréalisation des essais cliniques4 dépend d’autresfacteurs. Des expérimentations doivent êtreconduites rapidement sur un grand nombre depatients. Il faut en premier lieu que les procéduresd’autorisation administrative d’essai cliniquesoient rapides. Ensuite, le recrutement des patientset des médecins investigateurs doit s’effectuer rapi-

dement et aux coûts les plus faibles.Cela suppose que les structures hospita-lières soient sensibles et ouvertes à cesessais, voire incitées à les mener. L’arrivéedes médicaments issus des biotechnologies estprobablement un élément à même d’amplifier cetimpératif d’articulation entre les structures hospi-talières et les centres de recherche. Si les nouveauxmédicaments sont personnalisés, ont une plusgrande « valeur ajoutée », mais que cela nécessiteune meilleure connaissance des patients (testsADN par exemple), alors la qualité du systèmehospitalier sera cruciale pour l’administration dessoins et des traitements et elle sera aussi crucialepour la réalisation des essais cliniques. Il n’estainsi pas exclu que l’on assiste à l’émergence deplateformes techniques spécialisées dans unepathologie et au sein de laquelle s’effectueraientles soins et les essais cliniques.

En matière de localisation des essais cliniques,d’autres facteurs jouent aussi. Les laboratoiresauront toujours intérêt à localiser une partie deleurs essais cliniques sur leurs principauxmarchés, tout simplement parce que ces essais ontégalement une fonction de pré-marketing en direc-tion des professions médicales. Que des médecinslocaux aient pu juger par eux-mêmes de l’effica-cité des traitements est toujours positif dans l’op-tique de la commercialisation. Cette corrélationpositive entre essais cliniques et taille du marchénational peut cependant être contrebalancée sil’autorisation de mise sur le marché et/ou la déci-sion de fixation du prix et du remboursement estlongue à venir.

Dans le domaine de la production, deux phasessont distinguées : la production du principe actif

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4 Les études dites de phase I permettent d'établir la dose thérapeutique maximale administrable chez l'homme. Ces étudessont menées chez des volontaires sains. Les études suivantes de phase II ont pour objectif de déterminer la dose théra-peutique et de démontrer l'effet thérapeutique attendu. Ces études sont aussi menées chez des malades qui ne répondentplus à aucun traitement (dans le cas des cancers par exemple). Les études de phase III incluent plusieurs milliers depatients pour vérifier statistiquement l'efficacité et la tolérance de la molécule étudiée en comparaison avec les thérapeu-tiques de référence ou au placebo. Ces essais sont souvent effectués dans plusieurs zones géographiques, afin de prendreen compte les caractéristiques de diverses populations. S’agissant de travaux « externes », qui ont souvent lieu en milieuhospitalier, ils peuvent être effectués dans des pays où l’entreprise n’a pas d’unité de recherche. Les essais de phase IV ontlieu après que le médicament ait été mis sur le marché et permettent de tester son efficacité sur une population plus large,pour d’éventuelles extensions d’indications thérapeutiques.

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et la finalisation du médicament, étape quicomporte à la fois la galénique (le choix de laforme d’administration du médicament) et sonconditionnement. Dans ces deux phases de laproduction de médicaments, les aspects sanitairessont primordiaux. A chaque étape, des normestrès sévères de qualité sont imposées. Lescontrôles de qualité portent sur la matièrepremière, le produit en cours de fabrication, leproduit fini, y compris les éléments de condition-nement. Il en résulte un coût de la qualité plusélevé que la norme qui existe dans les industriesqui produisent des biens de consommation. L’undes effets d’un contrôle serré de la qualité estd’encourager la fabrication de lots de grande taille,chaque lot exigeant des épreuves, la prise d’échan-tillons et la tenue de dossiers.

La production du principe actif se réalise engénéral dans une usine de chimie fine qui met en

jeu des processus de fabrication moderne, ce quidemande d’importants investissements et exige ladisponibilité d’une main d’œuvre et d’infrastruc-tures de qualité. Pour les entreprises détentricesde brevets, la localisation de la production doit sefaire dans un pays où la propriété industrielle estrespectée. Ces usines réalisent souvent une impor-tante valeur ajoutée, les bénéfices sont impor-tants, si bien que la localisation peut égalementdépendre de l’imposition des bénéfices.L’émergence de l’Irlande dans le paysage de l’in-dustrie du médicament à la fin des années 1990 etau début des années 2000 tient notamment à lafaiblesse de l’imposition des bénéfices.

La production finale (galénique) et le condition-nement des médicaments sont quant à eux desactivités intensives en main d’œuvre. Les coûtssalariaux sont donc déterminants, ce qui expliquele développement d’unités pharmaceutiques dans

Les facteurs des avantages concurrentielsle long de la chaîne du médicament

Phases Facteurs d'attractivité du territoire

1. Découverte (recherche)

L'existence de clustersNiveau et proximité de la recherche publiqueVitalité des sociétés de biotechs (transfert technologique,financement public et privé)Pôle de multicompétences (bioinformatique, génétique,…)

2. Développement

Rapidité des procédures administratives d'essais cliniquesCoût et rapidité du recrutement de patients et d'investigateursQualité du système hospitalier Taille du marché nationalRapidité de l'autorisation de mise sur le marché et de la décisiondu taux de remboursement

3. Production

Production du principe actif (usines d'excellence)Respect de la propriété industrielleQualité de la main d'œuvre et des infrastructuresRéglementation environnementaleTaxation des bénéfices

4. Production finale et conditionnementCoûts de la main d'œuvreProximité des grands marchés (réactivité à la demande)

5. Commercialisation et promotionLocalisation des soins aux patientsCapacité du système de santé à l'exploitation des nouveaux médicaments

Facteurs transversauxRégulation du système de santéPrévisibilité de la fiscalité spécifique au médicamentFacteurs généraux de compétitivité des entreprises

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les pays d’Europe de l’est et du Maghreb. Leurproduction par petits lots doit cependant être trèsréactive à la demande, ce qui exclut une localisa-tion à trop longue distance. Lorsque les médica-ments sont généricables et susceptibles d’êtreproduits à grande échelle, la barrière de ladistance diminue et la production de génériquespeut alors se déplacer dans des pays d’Asie commel’Inde pour desservir directement les grandsmarchés (Etats-Unis, Europe). Un frein à la délo-calisation tient cependant à l’exigence de qualitéque formulent les demandeurs, ce qui induit unehaute qualité de contrôle de l’élaboration et de laproduction du médicament.

La délocalisation du maillon de la distributionfinale est moins évidente. Mais ce maillon entredans le prix de revient final et de ce point de vue,il renvoie par exemple aux problèmes de concur-rence et de coût de la distribution de détail. Lerapport Camdessus (2004) appelle à une dérégle-mentation de certaines professions fermées et noteque le « cas des pharmacies est spécifique à laFrance ». « Si partout en Europe l’activité de phar-macie est encadrée, cet encadrement est beaucoupplus strict en France, puisqu’il concerne la réparti-tion du capital : un pharmacien ne pouvant êtrepropriétaire de plus d’une officine, la constitutiond’une chaîne officinale permettant une diminutiondes prix est impossible. Dans le même secteur, laFrance est l’un des rares pays à étendre le mono-pole de vente des médicaments sur prescriptionaux médicaments hors prescription, ce quiempêche une distribution plus large accompagnéed’une diminution des prix ».

En dehors de ces facteurs de localisation spéci-fiques à ces différentes étapes du cycle du médi-cament, d’autres facteurs, plus transversaux,jouent. Il en est ainsi des facteurs généraux decompétitivité des entreprises. En France comme àl’étranger, la prévisibilité de la fiscalité spécifiqueau médicament est un facteur déterminant desstratégies des entreprises. Un pays où les change-ments non anticipés de la fiscalité sont fréquents,habitue les chefs d’entreprise à la prudence.

Les défis auxquels sont confrontésles groupes pharmaceutiques

Dans cette chaîne de valeur, les groupespharmaceutiques jouent un rôle prééminent.Ils sont souvent issus d’un processus de dé-inté-gration et de recentrage. Les groupes pharmaceu-tiques trouvaient initialement place au sein desindustries chimiques au début des années 1970.Depuis, les groupes se sont fortement spécialiséssur certaines classes thérapeutiques ou surcertaines étapes du processus de production, enparticulier la R & D. Ce processus s’est traduit parune forte concentration du secteur avec une exter-nalisation de certaines des activités et une struc-ture de dépenses très concentrée sur les dépensesde R & D qui peuvent représenter de 15 à 21 % duchiffre d’affaires des groupes et des dépensescommerciales pouvant aller de 25 à 35 % duchiffre d’affaires pour les dix premiers groupesmondiaux. L’externalisation des activités aprogressivement touché l’ensemble de la chaînede valeur du médicament : la R&D à travers lerecours à des CRO (Contract ResearchOrganizations), la production ou la commerciali-sation de sorte que les grands groupes entretien-

Exposition des « Big Pharma » aux pertesde brevets par rapport aux revenus de base

(hors impact des molécules en développement)

Rang Groupe 2008 2015 Envol

(%) (milliards de dollars)

1 Novartis 40,5 45,7 12,8

2 Schering-Plough 20,6 20,2 - 1,9

3 Wyeth 22,4 20,5 - 8,5

4 GSK 22,9 20,3 - 11,4

5 Sanofi Aventis 29,3 24,6 - 16,0

6 Merck & Co 29,7 24,4 - 17,8

7 BMS 21,6 16,4 - 24,1

8 Eli Lilly 20,3 15,3 - 24,6

9 Pfizer 48,6 34 - 30,0

10 Astrazeneca 31,5 18,9 - 40,0

Tableau reproduit depuis Y. Legrain, CESE

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nent désormais de nombreuses relations avecd’autres firmes (et des institutions de recherche)souvent plus petites et spécialisées dans une étapedu processus.

Les groupes pharmaceutiques sont confrontésaujourd’hui à un risque de ralentissement de leurcroissance et à une banalisation de leur rentabilitésous l’effet notamment de :

• la fin de la protection par brevets pour denombreux médicaments. Cette situation setraduit par des pertes de chiffres d’affairessuite à la mise sur le marché de produits géné-riques D’ici à 2015, les ventes de produitséthiques (dont les molécules sont protégéespar un brevet, dont la durée est de 15 à 20 ans)d’un montant de 157 milliards de dollarsseront exposées à la concurrence des géné-riques. L’arrivée de la molécule génériqueentraîne un différentiel de prix avec le princepsde l’ordre de 40 à 50 % en France, 45 % au

Royaume-Uni, 70 % aux Etats-Unis dans lesdeux à cinq ans qui suivent son arrivée dans ledomaine public5.

• l’essoufflement du modèle des « blockbus-ters ». Ces médicaments d’origine chimique, àlarge spectre et dont les ventes annuelles tota-lisent plus d’un milliard de dollars, laissentpeu à peu la place à des produits de niche,souvent issus des biotechnologies et nécessi-tant un soutien promotionnel moindre,

• la saturation des marchés de soins primaires,c’est-à-dire les soins essentiels relevant de lamédecine générale,

• le pouvoir croissant des autorités réglemen-taires et des organismes payeurs,

• le rendement décroissant de la R&D classiquede l’industrie pharmaceutique. Datamonitor,cité par N. Weinmann, estime que, pour lesvingt premières compagnies pharmaceutiques,leurs molécules testées dans le pipeline ne vontgénérer que 0,8 dollar en 2010 pour un dollardépensé en R & D en 2003. Un nombre croissantde molécules est présent dans le pipeline qui vade la recherche amont et pré-clinique aux essaiscliniques de phase III (+9 % entre 1995 et2007), mais le nombre de molécules parvenuesau stade de l’approbation tend à reculer, tradui-sant une montée du taux d’attrition. La crois-sance des dépenses de R & D réalisées par les «big pharma » n’empêche ainsi pas un ralentis-sement du nombre de molécules approuvées.

Face à ces défis, les groupes pharmaceutiques ontadopté de nouvelles politiques plus proactives quivont dans deux principales directions : le dévelop-pement des politiques de croissance externe (quise manifestent notamment par d’importantesfusions-acquisitions particulièrement coûteuses),l’émergence de nouveaux modèles de R & D plustransversaux et moins centrés sur l’industrie.Cette situation se traduit par un recours accru àl’externalisation des différentes phases du processde conception-production du médicament.

5 N. Weinmann : « R&D des compagnies pharmaceutiques, ruptures et mutations », Document de travail de la DirectionGénérale des Entreprises, Observatoire des stratégies industrielles, 2008.

Les dépenses de R&D se se sont accruesconsidérablement mais le nombre de

nouvellesentités moléculaires et biologiquesapprouvés par la FDA diminue

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Dépenses de RéD

NMEs et nouvelles biologiques approuvées

Sources : données FDA/CDER, données PhaRMA, analyse PricewaterhouseCoopersNote : N'étant pas disponibles pour l'ensemble de la période de 11 ans, les donnéesdes dépenses de R&D des sociétés ne participant pas au groupement PhRMA nesont pas inclusesGraphique reproduit depuis KPMG Pharma 2020

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En particulier, l’arrivée de brevets dans le domainepublic pour un certain nombre de produits prin-ceps se traduit par la progression du marché desmédicaments génériques. Ces médicamentsprésentent les mêmes principes actifs, les mêmesdosages et le même mode d’administration qu’unproduit princeps. Ce sont des produits ayantdémontré leur bio-équivalence. Une question-cléposée par la « généricisation » accrue tient aucontrôle de la qualité des produits et de leur bio-équivalence effective.

La production de génériques est particulière etconjugue à la fois des processus de productioncapitalistique (la production du principe actif dugénérique) et intensifs en main d’œuvre (le condi-tionnement). La concurrence se fait par les coûts.Contrairement au conditionnement de principesactifs non génériquables, les génériques peuventêtre produits et conditionnés à grande échelle et ladistance des marchés à servir joue moins. Des payscomme l’Inde sont alors susceptibles d’approvi-sionner directement les marchés américains eteuropéens. Toutefois, le développement de cesegment pose la question de l’arbitrage entre lecoût et la sécurité pharmaceutique. Une piste àmême de soutenir l’activité de production de médi-caments sur le territoire consiste dans le dévelop-pement de l’activité de façonnage de produitsgénériques y compris au sein de sites de produc-tion des anciens produits princeps. Il y a là unenjeu de conversion de sites de production dans unobjectif d’industrialisation du territoire dans unsecteur porteur.

L’enjeu des biomédicaments

Le développement des applications des biotechno-logies au domaine des industries de santé ne vientpas modifier l’enchaînement des différentes étapesde la chaîne de valeur du médicament. Il modifieen revanche en profondeur les règles d’organisa-tion tant de la recherche et du développement quede la production.

Les biotechnologies sont définies parl’OCDE comme « l’application dessciences et des techniques à des orga-nismes vivants, qu’il s’agisse d’éléments, deproduits ou d’échantillons, pour transformerles matériaux vivants ou non, dans le but deproduire des connaissances, des biens et desservices ».

Le marché des biomédicaments affiche déjà unrythme de progression élevé, supérieur à 15 % paran à l’échelle mondiale. Il est probable que 15 %des médicaments disponibles en 2012 seront desbiomédicaments contre environ 10 % actuelle-ment. En outre 70 % des biomédicaments traitentde pathologies à forts besoins médicaux, 63 %sont prescrits pour la première fois à l’hôpital,30 % des nouvelles molécules sont des biomédi-caments et 75 % ont moins de 10 ans.

Les produits de biotechnologies représentent 40 %des produits en développement en 2006. Cette partn’était que de 9 % en 1995. Enfin une augmenta-tion de 12 % des ventes mondiales de biomédica-ments est attendue d’ici cinq ans pour un accrois-sement de seulement 4 % des ventes de médica-ments classiques selon le LEEM. Selon l’INPI, prèsde la moitié des brevets de médicaments déposésà l’échelle mondiale entre 1999 et 2004 sont desbiomédicaments. Cette proportion est de 39 %dans le cas des déposants français en 1999 et2004.

Plus en amont, le taux de succès des candidatsbiomédicaments en développement est bien plusélevé que pour les médicaments classiques (35 %contre 7 % selon AD Little, 30,2 % contre 21,5 %selon le Tuft Center). Ces tendances soulignentcombien les biomédicaments représentent unenjeu économique majeur. S’ils sont issus de larecherche nationale ou produits sur le territoirenational, ils développent la croissance et l’emploi.A défaut, ils représentent une charge dans lesdépenses de santé, ainsi que le souligneYves Legrain6.

6 « Les biomédicaments : des opportunités à saisir pour l’industrie pharmaceutique », Avis du Conseil Economique, Socialet Environnemental sur le rapport présenté par M. Yves Legrain, 10 juin 2009.

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Or en 1965, 65 % des nouveaux médicamentsprovenaient d’Europe (origine chimique àl’époque), aujourd’hui 60 % des biomédicamentssont d’origine américaine. Actuellement seuls22 % des biomédicaments sont en développementen Europe. La France ne compte que cinq sites debioproduction sur les soixante recensés en Europeselon le rapport Legrain. Les besoins identifiés,d’après les molécules en fin d’étude clinique,nécessitent une augmentation de plus de 50 % descapacités existantes et, sur les sept projets d’instal-lation annoncés en Europe d’ici 2011, aucun n’étaitprévu en France avant que Sanofi-Aventis n’an-nonce la reconversion de l’un de ses sites deproduction chimique en site de bioproduction.

La place de premier producteur pharmaceutiqueacquise par la France risque ainsi d’être mise encause par le développement des capacités debioproduction à l’extérieur de l’hexagone que cesoit d’ailleurs pour les biomédicaments ou pourles génériques.

Les bouleversements organisationnelsassociés à l’émergencedes bio-médicaments

L’identification des réponses à apporter à ce défipasse par une analyse préalable des modificationsorganisationnelles associées à l’émergence desbiotechnologies.

En particulier, l’organisation de la recherche sur lesbiomédicaments diffère profondément du modèleclassique dans lequel le même laboratoire réalise,dans son centre de recherche, la synthèse chimiqued’un nouveau produit, les tests de screening, detoxicité et les premières démonstrations d’activitéavant d’organiser les essais cliniques à l’hôpital. Lamise au point de nouveaux médicaments dépenddésormais de la coopération entre les composantesd’un triangle vertueux : recherche fondamentale/valorisation et maturation/industrie pharmaceu-tique. Le processus de mise en réseau et de parte-nariats devient un enjeu clé. De ce point de vue, ledéveloppement des pôles de compétitivité estprimordial. En offrant des solutions de mutualisa-

tion des compétences à travers différents disposi-tifs légaux existants, il crée potentiellement uneffet d’agglomération propice à l’innovation.

Les transformations dans le domainede l’organisation de la recherche

Jusqu’au milieu des années 1980, la recherchedans l’industrie du médicament a reposé sur laméthode dite du « screening », sur des familles decomposés chimiques pour trouver des indicationsthérapeutiques.

Il s’agissait du criblage aléatoire de centaines demilliers de molécules afin d’isoler une moléculequi deviendrait un candidat médicament. En effet,un médicament est jugé efficace quand il estcapable de se fixer sur une « cible » biologique etd’en modifier le fonctionnement. Quand l’actionbiologique s’effectue, c’est que « la clé » (la molé-cule qui constitue le médicament) a pu s’intro-duire dans la « serrure » (la cible). La méthode derecherche dite « screening » consiste donc à testertoutes les molécules possibles et imaginables surtoutes les cibles biologiques possibles et imagina-bles. La découverte reposant de façon très impor-tante sur le hasard, il fallait multiplier le nombrede produits testés afin de parvenir à introduire unenouvelle molécule sur le marché.

Ce paradigme traditionnel de la recherche en phar-macie a été remis en cause avec l’arrivée desbiotechnologies dans le champ de la recherchebiomédicale et des techniques informatiques desimulations qui permettent la modélisation desmolécules.

L’objectif de la « pharmacologie rationnelle » estd’identifier, d’un côté, la cible biologique (la« serrure » à l’origine de la maladie) et, d’un autrecôté, le dessin de la molécule (la « clé ») grâce àdes ordinateurs surpuissants. Cette méthode derecherche est dite stratégie « clé-serrure » ou« drug design ». Il s’agit donc de construire entiè-rement une molécule à partir de la connaissancede la protéine sur laquelle la théorie dit qu’il fautagir.

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Par ailleurs, la technique du « screening » a étéfacilitée grâce aux nouvelles techniques d’automa-tion et de miniaturisation. Enfin, la chimie combi-natoire permet de jouer sur la diversité molécu-laire et la procédure de criblage à haut débitpermet de faire se rencontrer une cible biologiqueet des molécules de manière automatique.

Ainsi, les nouvelles technologies telles que lachimie combinatoire ont permis de multiplier lenombre de nouvelles molécules. Mais il reste diffi-cile d’identifier la protéine (ce qu’on a nomméprécédemment la cible biologique ou encore la« serrure ») sur laquelle la molécule doit êtreétudiée. L’industrie du médicament dispose actuel-lement d’un stock de 400 à 500 cibles biologiques.On espère que l’étude du génome permettra d’ac-croître sensiblement ce stock de cibles. Avec l’aug-mentation du nombre de cibles, le taux d’attritionsera vraisemblablement plus élevé en amont de laR & D mais il sera compensé par une créativitédécuplée de la synthèse chimique ou biologique.Le taux d’attrition pourrait alors baisser au niveaudes phases ultimes du développement qui sont lesétapes les plus coûteuses.

Avec ces nouvelles technologies a priori plus ration-nelles et moins aléatoires, la taille des laboratoiresn’est plus une condition essentielle de découverted’un nouveau médicament et l’interaction entre ladécouverte scientifique et l’innovation (le nouveaumédicament mis sur le marché) sera plusprononcée que dans le paradigme traditionnel.

Il est probable que des petites entités innovantes etcréatives feront de la recherche de nouvelles molé-cules et que les grands groupes pharmaceutiquesse chargeront de la phase de développement, c'est-à-dire des essais pré-cliniques et cliniques, puis dela partie commercialisation. Dans ce scénario, onpeut imaginer que les entreprises de biotechno-

logie mais aussi les autres acteurs dumédicament (entreprises pharmaceu-tiques petites et moyennes, institutions derecherche académiques et publiques) ontdavantage de poids dans la maîtrise duprocessus de l’innovation.

D’un côté, les start-up de biotechnologie assurentla créativité et la réactivité nécessaires au déve-loppement de produits innovants et de l’autrecôté, les big pharmas prennent en charge la miseau point finale de produits et les ventes qui néces-sitent des essais cliniques internationaux, ce quisuppose puissance financière et internationalisa-tion. Les start-up et PME biotechnologiques assu-rent ainsi le passage des découvertes scientifiquesvers des innovations en les faisant mûrir jusqu’àun stade où elles peuvent être transformées enproduits et services. Ces entreprises ne dévelop-pent un chiffre d’affaires qu’après plusieursannées d’activité. Elles ont donc des besoins definancement importants et durables couverts pardes apports à différents titres et complétés pardifférents dispositifs de soutien.

Il y a là un point de faiblesse important que rele-vait le rapport de Y. Legrain. Celui-ci souligne quela France en particulier, et l’Europe en général,n’ont pas su constituer un écosystème du finance-ment des PME qui accompagnerait les entreprisestout au long de leur cycle de vie, à tous les stadesde leur développement. Cette observation estconfirmée par France Biotech qui à la faveur d’uneétude sur le développement des entreprises debiotechnologie relevait que 46 % de ces entre-prises étaient confrontés en 2008 à des difficultésde développement liées au financement de leuractivité7.

Face à ce nouveau mode d’organisation de larecherche, il est probable qu’aucun groupe indus-

7 Product pipeline review, France Biotech, juin 2009. Cette étude de France Biotech présente et analyse les principales carac-téristiques du portefeuille des produits innovants en développement dans les entreprises françaises des Sciences de la Vie.Elle a été réalisée d’octobre à décembre 2008. Elle relève les points principaux suivants : 47 % des développements pré-sentent des difficultés, 46 % des difficultés sont de nature financière, 32 % des projets sont confrontés à un retard dedéveloppement et 11 % des projets auraient besoin de l’apport d’une expertise externe ou d’une prestation de service.

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triel ne pourrait mobiliser la totalité des moyensnécessaires à l’ensemble d’une recherche, d’oùl’impératif d’organiser la mutualisation descompétences et des équipements sous des formesdiverses de partenariats.

Les grands groupes pharmaceutiques développentainsi de nombreuses relations avec d’autresfirmes, plus petites et spécialisées dans l’une desétapes du processus, et des institutions derecherche. Ils multiplient les alliances, achats d’in-novation, mettent en place de nouvelles organisa-tions de la recherche et parfois encouragent lacréation de sociétés secondaires. Cette mise enréseau touche progressivement l’ensemble de lachaîne de valeur du médicament : recherche,développement, production, commercialisation.

Le rôle des effets d’agglomération

Dans le domaine des biotechnologies, on assistedans de nombreux pays à l’émergence de clusters,des grappes ou réseaux d’acteurs travaillant enpartenariats sur des sujets connexes et géographi-

quement proches. Ces pôles d’excellence sontactuellement en phase de concentration aux Etats-Unis et en Europe et celle-ci devrait se poursuivre.

Lorsque la technologie développée par la start-upde biotechnologie semble suffisamment mûre et lesproduits suffisamment avancés (notammentlorsque ceux-ci atteignent la phase III des essais),le moment clé est l’établissement d’un accord decodéveloppement entre la start-up et un géant del’industrie du médicament. Le groupe industrielfinance le développement d’un produit (qui coûtedeux fois plus cher que la recherche) en contre-partie de quoi il obtient l’exclusivité de commer-cialisation une fois ce produit autorisé. De fait, lenombre de molécules que peut développer simul-tanément une entreprise est en relation directeavec ses capacités financières. C’est là que jouel’effet de taille.

Autour du centre de recherche privé d’un groupepharmaceutique, gravitent en amont les sociétésde biotechnologie et les centres de recherchepublique. Le centre de recherche privé est souventprésenté comme un « chef d’orchestre ».

Hôpitaux

L’émergence des clusters

Start-up de biotechnologie

Centre de R & Dd’un laboratoire

INSERMrecherche publique

Production de principe actifCentre d’excellence

Essais cliniques

Essais précliniques

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L’essor des start-up de biotechnologies dépendessentiellement d’aspects technologiques pourlesquels l’investissement en R&D de l’Etat estimportant. Un maillage des expertises et desprogrammes de recherche est indispensable audéveloppement d’un cluster. Les alliances sontnombreuses entre la recherche publique et lesstart-up ainsi qu’entre la recherche publique et lesbig pharma.

Parce que la diffusion des savoirs dépend de lamultiplication des échanges, ces trois acteurs nepeuvent être géographiquement trop éloignés. Unedélocalisation des centres de recherches privés desentreprises pharmaceutiques ou des pôles derecherche académique aurait comme conséquencele départ des start-up de biotechnologies pour lessuivre. Il serait ainsi particulièrement inefficace deprivilégier une politique de soutien aux sociétés debiotechnologies sans se préoccuper du développe-ment de pôles de compétences académiques etinversement.

Par ailleurs, les centres de recherche des labora-toires pharmaceutiques ou les sociétés de biotech-nologies créent des synergies avec les hôpitauxpour assurer le développement de leurs produits etla mise en œuvre des essais cliniques. Le dévelop-pement des nouvelles technologies et la personna-lisation des médicaments devraient accentuer ceteffet.

Enfin, il est probable que les centres de productionde principe actif, appelés aussi centres d’excel-lence, soient de plus en plus proches des centresprivés de recherche. Le concours de ces dernierspour la mise au point des processus de fabricationdes médicaments sera vraisemblablement néces-saire. Dans le cas le plus extrême, le passage d’uneusine de fabrication chimique à une « usine biolo-gique » nécessitera une maîtrise de nouveauxprocessus de fabrication que seuls les centres derecherche ayant développé le médicament pour-ront optimiser et contrôler.

Une nouvelle organisationde la production

L’émergence des biomédicaments induit ainsiégalement un changement des méthodes deproduction. La fabrication d’un biomédicamentrelève de processus radicalement différents d’unprocessus chimique. Elle nécessite des installationscomplexes et coûteuses dont la conduite est parti-culière au regard d’une organisation industrielletraditionnelle. La production de biomédicamentss’organise différemment selon que les produitssont destinés aux phases d’études cliniques, soit laproduction de faibles volumes disponibles rapide-ment, où à la fabrication de lots commerciaux.

La décision d’investir dans la construction d’uneusine de bioproduction de lots commerciaux doitse prendre longtemps avant l’obtention de l’autori-sation de mise sur le marché, au début du déve-loppement clinique du futur biomédicament, puis-qu’il faut entre quatre et six ans, de la prise dedécision à l’obtention de toutes les autorisationsdes autorités réglementaires (AFSSaPS, EMEA,FDA). La bioproduction de lots commerciauxdemande des compétences spécifiques et unniveau élevé de qualification, et ce d’autant plusqu’au démarrage d’une production les bioprocédésne sont pas matures et nécessitent un lien fort avecla R & D. Elle nécessite des investissements élevés,de l’ordre de 250 à 400 millions d’euros répartissur quatre à cinq ans pour une unité de 50 000litres avec la nécessité d’une forte anticipationpour des produits dont l’avenir commercial n’estpas certain. Les coûts de fonctionnement sontégalement importants, compris entre 80 et 120millions d’euros (250 emplois environ pour uneunité de 50 000 litres). La rentabilité est largementconditionnée par le taux d’utilisation des capacitésde production.

La production de biomédicaments s’inscrit égale-ment dans la cadre d’une médecine plus person-nalisée qui rend décisif la maîtrise du process de

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

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production de lots cliniques. Comme le note YvesLegrain (Rapport du CESE, juin 2009), l’élabora-tion des lois de la génétique, la découverte deschromosomes, l’identification de l’ADN commesupport chimique de l’information génétique ontbouleversé l’approche de la biologie moderne etpar voie de conséquence l’approche de la méde-cine et des traitements conduisant, entre autres, àl’apparition des biomédicaments dont la décou-verte et la mise au point relèvent d’une démarchescientifique élaborée et renouvelée en permanenceen fonction de l’évolution des connaissances.

L’analyse des éléments du patrimoine génétiquepermet désormais de caractériser les maladies,exprimées ou latentes, de la cellule. La réponsed’un organisme à une maladie dépend à la fois des

caractéristiques générales d’un individu et de sonhistoire. Un traitement adapté doit donc tenircompte de ces différents paramètres. Le niveau deconnaissances et la performance des techniquesde biologie moléculaire permettent désormais decaractériser finement ces différents paramètresresponsables de la maladie afin de passer du médi-cament « taille unique » (un seul produit pourtraiter tous les malades présentant des symptômessemblables) au « sur mesure » : corriger le méca-nisme déficient conduisant à une maladie en fonc-tion des caractéristiques du malade, améliorantainsi sa prise en charge. Ces découvertes boule-versent l’approche du médicament dont la concep-tion dépend désormais étroitement de la connais-sance des mécanismes responsables d’unemaladie.

8 Voir N. Weinmann, op.cit.

Conclusion d’étape

Un nouveau modèle de croissance de l’industrie du médicament émerge et semblefaire l’unanimité8 : l’objectif de la recherche est la mise au point de produits despécialités, ces molécules proviennent de plus en plus de la biotechnologie, desti-nées à des pathologies mieux ciblées, non encore traitées et encore peu sensiblesà la menace des génériques.

La conséquence est la mise en place d’une nouvelle organisation de la société phar-maceutique. Au niveau de l’innovation, elle se fait désormais dans des structures pluspetites, dont le modèle est la start-up, qui a une meilleure productivité en termes derecherche. Au niveau des groupes, certains se recentrent sur la recherche et lacommercialisation permettant ainsi la captation des marges, la production étantréalisée à l’extérieur.

L’innovation fera la différence entre les producteurs dans un marché globalementen moindre croissance mais où existent d’énormes gisements dans des pathologiesn’ayant pas reçu de réponses satisfaisantes ou celles existantes, mais pouvant êtreaméliorées. A la molécule innovante peut aussi s’ajouter l’innovation galénique quipermet de renforcer le cycle de vie du produit ou l’innovation packaging.L’évolution de la dimension « image » du produit, notamment la dimension qualité-prix du médicament devient alors un élément important de sa compétitivité.

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Nous avons souligné lors des deux premièresparties de cette étude que la France est le premierpays producteur européen de médicaments d’ori-gine chimique. Ces spécialités deviennent forte-ment génériquées et / ou sont remplacées par desproduits de biotechnologie. La France est faible-ment productrice et exportatrice de génériques etde biotechnologie.

Deux types de réponses, nullement exclusivesl’une de l’autre, peuvent être apportées à cesenjeux de manière à renforcer la place privilégiéeque détient l’industrie française du médicamentdans l’ensemble européen.

Un premier type de réponses passe par des aspects« défensifs » de cette position. Ceci passe par ledéveloppement de l’innovation incrémentale(innovation sur les formes galéniques des médica-ments issus de molécules « chimiques », marke-ting…) à même de prolonger le cycle de vie dumédicament d’une part, par le développement del’industrie du façonnage à même d’assurer laproduction de médicaments génériques de qualitésur le territoire, d’autre part. Cette réponse peutapporter une solution de reconversion auxactuelles usines de production chimique de médi-caments. Dans cette première dimension, les para-mètres traditionnels de la compétitivité (aspectscoût, fiscalité, qualification de la main d’œuvre,image des produits…) continuent de jouer un rôledécisif. Ce type de réponses a pour atout un appuisur une histoire industrielle longue et sur descompétences existantes.

Le second type de réponses à même de permettreun développement renouvelé de l’industrie dumédicament sur le territoire passe par des aspectsplus « offensifs ». Se retrouvent dans cet ensemble

les enjeux du développement international, l’effortd’investissement en R & D et notamment de l’in-vestissement dans les biotechnologies. Dans lenouveau modèle de croissance de l’industrie dumédicament associé à l’émergence des biomédica-ments, les enjeux de la proximité entre les diffé-rents acteurs de la chaîne de soins sont détermi-nants. L’effet « cluster » joue. En particulier, unebonne position dans les essais cliniques est unvecteur de croissance de l’industrie.

En dehors de ces facteurs de localisation spéci-fiques aux différentes étapes du cycle du médica-ment, d’autres facteurs plus transversaux jouent.Il en est ainsi des facteurs liés à la régulation del’industrie de santé, de la plus ou moins grandevisibilité associée à la fiscalité spécifique du médi-cament.

Dans cette troisième partie, nous évaluons toutd’abord la position relative de l’industrie françaisedu médicament dans la compétitivité par les coûtset l’image qualité / prix des produits pharmaceu-tiques. Nous examinons ensuite la position de laFrance dans l’économie de la connaissance spéci-fique aux sciences de la vie et dans l’écosystèmede croissance exercé par les effets de clusters.

L’enjeu de compétitivité pour l’industrie françaisedu médicament nous paraît plus directement posépar rapport à ses équivalentes européennes aveclesquels elle est en concurrence pour attirer desinvestissements sur son territoire. Aussi, avons-nous pris le parti d’effectuer le plus systématique-ment possible une comparaison de la situation del’industrie pharmaceutique française relativementà ses concurrentes européennes sur les détermi-nants-clés de la compétitivité et de l’attractivité duterritoire.

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- III -Les déterminants de la compétitivitéde l’industrie française du médicament

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

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Coût et productivité de la main-d’œuvredans l’industrie pharmaceutique

Les coûts d’une entreprise peuvent se décomposeren trois éléments : les achats de biens et services,les dépenses de personnel et les investissementscorporels. Le poids de chacun de ces troiséléments dans la structure de dépenses de l’entre-prise peut être très différent selon les activitéséconomiques. En moyenne, pour les entreprisesnon financières françaises, les achats de biens etservices constituent le premier poste de dépenses(autour de 75 %), les dépenses de personnelautour d’un cinquième et les dépenses d’investis-sement environ 5 %.

Première observation : l’industrie pharmaceutiquefrançaise apparait relativement atypique, le poidsdes dépenses de personnel y étant non seulementinférieur à la moyenne des entreprises non finan-cières en France, mais également à celui des autresindustries pharmaceutiques européennes9.

Deuxième observation : le poids des dépensesd’investissement de l’industrie pharmaceutiquefrançaise est assez modeste au regard de lamoyenne des entreprises opérant en France, maiségalement des autres industries pharmaceutiqueseuropéennes. De même, le taux d’investissementen France est plus faible que la moyenne euro-péenne, à 8 % de la valeur ajoutée en 2006 contre12 % en moyenne dans l’Union Européenne des27. L’investissement en R & D n’est pas pris encompte dans l’investissement en biens corporels

Le poids des différentes composantes desdépenses peut naturellement évoluer au fil dutemps. La hiérarchie apparait toutefois quasi iden-tique en 2000 avec les poids des dépenses depersonnel et d’investissement proportionnelle-ment plus important en Allemagne et auRoyaume-Uni qu’en France, en Espagne et enItalie.

La structure des dépenses est aussi fonction descaractéristiques du pays considéré. Si le niveaumoyen des salaires est, par exemple, plus élevédans un pays que dans un autre, cela influenceraleur structure relative des dépenses. Si un payspratique intensément les activités d’assemblage, lapart des achats sera plus élevée.

Le niveau des coûts salariaux est un élémentdiscriminant de la compétitivité. Sur le plan secto-riel, le coût moyen du personnel est fonction de lastructure des emplois (un secteur employant beau-coup de salariés qualifiés aura un coût moyen dupersonnel élevé) et d’éventuelles tensions entrel’offre et la demande de travail pour des postesspécifiques. En principe, pour des postes nonspécifiques, la mobilité sur le marché du travaildevrait conduire à une égalisation des coûts depersonnel par secteur. De manière transversale,c'est-à-dire par pays et pour un secteur donné, lecoût moyen du personnel peut aussi s’expliquer

n° 13

9 Ce paragraphe portant sur le volet coût et productivité de l’attractivité d’un territoire, nous comparons la France avec lesautres pays européens leaders en matière de production pharmaceutique : Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne. Nouscomparons également la France avec les pays ayant connu une croissance forte ces dernières années (comme l’Irlande parexemple) certains des nouveaux adhérents européens qui peuvent constituer des bases de production alternatives. Les don-nées utilisées sont issues des statistiques d’entreprise rassemblées par Eurostat.

Industrie pharmaceutiqueStructure des dépenses en 2006, en %

Achats debiens et de

services

Dépensesde

personnel

Inv. brutsen bienscorporels

France 82,7 15,0 2,3Allemagne 70,5 24,2 5,3Roy.-Uni 67,4 26,3 6,3Italie 77,4 18,3 4,3Espagne 79,1 17,0 3,9Irlande 82,9 11,4 5,7

France* 79,2 17,4 3,3France** 76,8 18,0 5,1

* industries manufacturières** ensemble entreprises non financièresSource : Eurostat (SBS) calculs Coe-Rexecode

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par les conditions macroéconomiques (niveau dedéveloppement, tensions sur le marché du travail,fiscalité).

Dans l’ensemble de l’UE-27, les coûts moyens depersonnel dans l’industrie pharmaceutique sontsupérieurs à ceux observés en moyenne dans lesindustries manufacturières : de 13 % aux Pays-Basà 167 % en Slovénie.

Parmi les principaux pays producteurs, le coûtmoyen de personnel dans l’industrie pharmaceu-tique est de 35 à 50 % plus élevé que dans l’in-dustrie manufacturière. La France est dans lepeloton de tête des pays où le coût moyen depersonnel est le plus élevé : 64 400 euros enmoyenne en 2006. Elle est dépassée par la Suède(66 200 euros) et l’Allemagne (64 700 euros). Ce

coût est marginalement plus faible auRoyaume-Uni. L’Irlande, quant à elle,conserve un avantage certain par rapportaux quatre grands pays producteurs (France,Allemagne, Italie, Royaume-Uni) : son coûtmoyen de personnel y est 14 % plus faible qu’enmoyenne dans ces quatre pays. On note toutefoisque le coût moyen y a augmenté de 7,1 % enmoyenne par an entre 2000 et 2006, contre 2,5 %en moyenne en France, en Allemagne et auRoyaume-Uni. Le rattrapage est donc significatif.

Le positionnement des nouveaux adhérents estvariable. La Slovénie était en 2006 proche du coûtmoyen de personnel en Espagne (le coût moyen depersonnel a augmenté de 58 % entre 2000 et 2006)tandis que la Pologne gardait un vrai avantageconcurrentiel.

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Coûts moyens de personnel

2006 (1 000 euros par an) 2000-2006Taux de croissance annuels moyens %

Industrie pharmaceutiqueIndustriesmanufacturières

Industriepharmaceutique

Union européenne (2004-2006) 33,3 56,1 3,3Allemagne 47,2 64,7 2,6Irlande 43,8 54,7 7,1Espagne 31,1 52,2 3,1France 44,2 64,4 2,5Italie 34,4 60,1 2,2Pays-Bas 46,4 52,3 2,5Pologne 8,9 17,2 6,8Slovénie 17,8 47,6 7,9Suède 47,2 66,2 1,8Royaume-Uni 41,9 63,7 2,4

Coûts salariaux corrigés par heure travaillée2006 (euros)

Allemagne 28,4 42,8 2,7Irlande 31,6 8,5Espagne 17,4 30,0 3,2France 26,8 39,4 2,6Italie 19,6 36,6 2,7Pays-Bas 29,8 34,3 2,6Suède 28,7 49,3 2,5Royaume-Uni (2001-2006) 23,8 37,8 3,5

Source : Eurostat (SBS) calculs Coe-Rexecode

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

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La comparaison du coût salarial par personneemployée peut toutefois être biaisée par une diffé-rence dans le nombre d’heures travaillées parpersonne. Ce dernier est fonction de la durée dutravail pour un poste à temps complet, de l’impor-tance du temps partiel et des écarts par rapport aunombre habituel d’heures travaillées (heuressupplémentaires, chômage technique, etc.). Il peutdonc être intéressant de calculer un coût horairedu travail qui permette de tenir compte de cesdifférents éléments.

La prise en compte des heures travaillées modifiepeu la hiérarchie des pays : la France reste dans lepeloton de tête avec un coût salarial horaire de39,4 euros. Elle est dépassée par la Suède etl’Allemagne. L’écart se creuse toutefois, avec uncoût salarial horaire français 8 % plus faiblequ’en Allemagne alors que l’écart n’était que de0,5 % sur la base du coût salarial moyen. Maisceci est également vrai pour la comparaisonFrance/Royaume-Uni : le coût salarial horairefrançais est 4 % plus élevé qu’au Royaume-Unicontre 1 % dans le cas du coût salarial moyen.Notons également que la croissance des coûtssalariaux ajustés par la quantité d’heurestravaillées est encore plus forte pour l’Irlande :hausse de 8,5 % en moyenne par an entre 2000 et2006.

Les coûts moyens de personnel peuvent êtredécomposés en deux éléments : les salaires brutset les cotisations employeurs. Cette structure,hormis des mesures spécifiques pouvant impacterplus ou moins certains secteurs (par exemple, lesexonérations de charges au voisinage du salaireminimum limite le poids des charges employeurspour les secteurs intensifs en main-d’œuvre nonqualifiée), diffère peu d’un secteur à l’autre. Lescomparaisons internationales sont donc davantageliées aux conditions macroéconomiques.

La France se distingue des autres pays de l’Unionpar un poids plus élevé des charges sociales(environ 32 % de l’ensemble des dépenses depersonnel). Elle est seulement devancée par laSuède. Ce taux est en augmentation depuis 2000,tout comme au Royaume-Uni (+6,3 points depourcentage pour un taux toutefois encore large-ment inférieur au niveau français). En Allemagne,le poids des charges patronales dans les dépensesde personnel a baissé d’un point de pourcentageentre 2000 et 2006. Celui-ci est proche des niveauxbritannique et irlandais. Il a probablement ànouveau diminué en raison de l’abaissement descotisations chômage compensé par le relèvementde la TVA intervenu début 2007.

La productivité du travail constitue un élémentessentiel de la dynamique de compétitivité. D’unpoint de vue pratique, on peut estimer la produc-tivité apparente du travail par le ratio valeurajoutée/nombre de personnes occupées.Cependant, ce ratio ne tient pas compte de ladurée du travail de chaque actif. Les comparaisonsinternationales peuvent donc être biaisées s’ilexiste par exemple des écarts importants dans laproportion d’emplois à temps partiel ou sur ladurée moyenne du travail par personne occupée àtemps complet.

Le tableau suivant montre que la hiérarchie desprincipaux pays producteurs change peu selonl’indicateur de productivité retenu. La Suède appa-rait comme le pays européen le plus productifdans le secteur de l’industrie pharmaceutique, quece soit en termes de productivité apparente, deproductivité ajustée à l’emploi équivalent temps

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Poids des cotisations employeursdans les dépenses de personnel dans l'industrie

pharmaceutique

2006 % Evolution en points de %entre 2000 et 2006

UE 24,7 ndAllemagne 21,1 -1,0Irlande 20,4 1,6Espagne 21,6 -0,2France 32,1 1,6Italie 31,4 0,2Pays-Bas 21,1 -0,5Pologne 19,8 -0,6Slovénie 13,6 1,9Suède 35,8 0,2Royaume-Uni 19,9 6,3

Source : Eurostat (SBS) calculs Coe-Rexecode

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Productivité du travaildans l'industrie pharmaceutique en 2006

Productivitéapparente (1000 €)

(1)

Productivitéapparente en équivalenttemps plein (1000€) (2)

Productivitéhoraire

(1000€) (3)

Union européenne 116,0Allemagne 111,4 126,7 73,8Irlande 210,2 213,3 121,5Espagne 91,7 93,7 52,9France 130,7 138,8 79,9Italie 92,7 98,8 57,1Pays-Bas 81,8 88,9 53,7Pologne [2002-2006 pour l'indicateur (1)] 43,5Slovénie [2002-2006 pour l'indicateur (1)] 120,2Suède 227,7 275,1 178,2Roy.-Uni [2001-2006 pour l'indicateur (3)] 155,1 164,1 92,4

Source : Eurostat (SBS) calculs Coe-Rexecode(1) = Valeur ajoutée au coût des facteurs / nombre de personnes occupées(2) = Valeur ajoutée au coût des facteurs / nombre de salariés équivalent temps plein(3) = Valeur ajoutée au coût des facteurs / nombre d'heures travaillées

plein ou de productivité horaire. Parmi les quatregrands pays producteurs, le Royaume-Uni est clai-rement en tête, suivi de la France. L’Allemagneconnaît une productivité du travail de 20 à 28 %plus faible qu’au Royaume-Uni. La France se posi-tionne sensiblement au-dessus de l’Allemagne quece soit en termes de productivité apparente (17 %supérieure à celle observée dans l’industrie phar-maceutique allemande), de productivité ajustée àl’équivalent temps-plein (+10 %) et de producti-vité horaire (+8 %). A noter qu’en termes deproductivité horaire (c'est-à-dire la valeur ajoutéerapportée au nombre d’heures travaillées), lesdifférences entre pays sont moins marquées. Lenombre d’heures travaillées et la législation natio-nale portant sur le temps de travail ont à l’évi-dence un impact sur les résultats.

La dynamique récente de la productivité du travailest intéressante à observer. Au cours de la période2000-2006, l’industrie pharmaceutique britan-nique a en effet connu une croissance plus faiblede sa productivité par rapport à ses principauxconcurrents européens, tandis que l’Allemagne etla Suède ont connu une progression plus soutenueà ce niveau : hausse de 6 % en moyenne par an de

la productivité apparente et productivité horairedu travail, hausse de 7,5 % en moyenne par anpour la productivité ajustée à l’emploi équivalenttemps plein. La France est dans la moyenne euro-péenne, avec une productivité du travail en crois-sance de 4 % en moyenne par an, quelque soitl’indicateur retenu. A l’inverse, l’Irlande a connuune baisse de la productivité du travail, de l’ordrede 6 % en moyenne par an sur la période étudiée.

Notons également que la corrélation théoriqueentre le niveau de la productivité par heuretravaillée et les coûts salariaux horaires n’est pasrespectée dans le cas de l’industrie pharmaceu-tique. Si la Suède, pays le plus productif, est égale-ment le plus cher en matière de coût salarial, vientensuite l’Allemagne où les coûts salariaux horairesapparaissent trop élevés au regard de la producti-vité du travail. Le ratio productivité horaire surcoût salarial horaire y est de 1,7 contre 3,9 enIrlande, 3,6 en Suède et 2,4 au Royaume-Uni. LaFrance est dans une position intermédiaire, avecun ratio de 2. A noter la faible rentabilité del’Italie, des Pays-Bas et de l’Espagne estimée sur labase de ce ratio.

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

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Décomposition de l'évolution du coût horaire du travail(2000=100)

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

AllemagneCoût horaire du travail 100 107 104 105 115 116 117

Charges sociales 100 109 106 104 136 123 112

Salaires & traitements bruts 100 107 104 105 110 114 119

IrlandeCoût horaire du travail 100 110 113 126 147 155 163

Charges sociales 100 97 107 119 148 162 177

Salaires & traitements bruts 100 113 115 128 146 153 160

EspagneCoût horaire du travail 100 108 105 109 115 114 121

Charges sociales 100 112 105 107 111 112 120

Salaires & traitements bruts 100 107 105 109 116 115 121

FranceCoût horaire du travail 100 100 100 106 110 114 117

Charges sociales 100 101 102 109 114 117 123

Salaires & traitements bruts 100 99 100 105 109 112 114

ItalieCoût horaire du travail 100 102 107 120 109 110 117

Charges sociales 100 101 107 122 107 109 118

Salaires & traitements bruts 100 102 108 120 109 111 117

Pays-BasCoût horaire du travail 100 97 91 110 114 119 117

Charges sociales 100 87 95 105 112 112 114

Salaires & traitements bruts 100 100 89 111 115 121 118

SuèdeCoût horaire du travail 100 92 88 102 115 111 116

Charges sociales 100 92 85 101 111 114 117

Salaires & traitements bruts 100 92 90 103 107 109 116

Royaume-UniCoût horaire du travail 100 112 125 86 125 111 133

Charges sociales 100 142 202 121 184 201 222

Salaires & traitements bruts 100 107 114 80 115 98 120

Source : Eurostat (SBS) calculs Coe-Rexecode

Page 41: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

Ces données doivent cependant être utilisées avecprécaution, puisqu’elles rapportent des donnéesen monnaie courante (la valeur ajoutée) à deséléments physiques, le nombre de personnesemployées ou le nombre d’heures travaillées. Laproductivité, qui est évaluée ici en calculant lemontant de valeur ajoutée générée par unepersonne ou une heure travaillée, peut donc aussiêtre influencée par les prix. Un positionnementdans le haut de gamme ou la capacité à imposerdes prix élevés grâce à une forte image, ou encoreune poussée d’inflation, risquent d’être interprétésà tort, comme une bonne performance en termesde productivité.

La France figure parmi les pays ayant connu lahausse la plus faible des coûts salariaux horairesau cours de la période 2000-2006 dans le secteurde l’industrie pharmaceutique (+17 % de 2000 à2006). Elle rejoint en cela la Suède, les Pays-Bas,l’Allemagne et l’Italie. La décomposition du coûtdu travail indique que la croissance des salaires ettraitements bruts a été la plus faible parmi les huitpays présentés ici. Ce sont les charges sociales quiont le plus pesé dans la croissance du coût horairedu travail entre les années 2000 et 2006. Cetteévolution est d’autant plus pénalisante que, ainsique nous l’avons vu, l’industrie pharmaceutiquefrançaise est, après la Suède, celle qui connaît letaux de cotisations sociales patronales le plusélevé en Europe.

En résumé, les coûts de la main d’œuvre dansl’industrie pharmaceutique opérant en Francesont proches de ceux pratiqués par ses principalesconcurrentes. Leur évolution depuis le début desannées 2000 a été proche de celle observée chezla plupart de ses principaux concurrents. Elle sedistingue toutefois par une proportion de chargessociales plus élevée que dans le cas de sesconcurrentes.

L’imposition du capital

Dans l’industrie du médicament, l’imposition desbénéfices est un facteur particulièrement impor-tant pour la localisation des usines de production

de principe actif, pour lesquelles l’excé-dent brut d’exploitation est élevé. Celaest d’autant plus vrai que des concurrentstrès dynamiques comme le Royaume-Uni oul’Irlande ont mis en place des politiquesfiscales très favorables. Même si la fiscalité n’estpas le déterminant principal de l’investissementdirect (il y a aussi la localisation au sein dumarché européen, les infrastructures, etc.), on saitqu’elle joue un rôle d’autant plus fort que lesunités de production sont mobiles. Des écarts defiscalité peuvent donc infléchir à la marge unedécision de délocalisation et initier un phénomènecumulatif de concentration de l’activité dans ouhors du territoire national.

Concernant les entreprises et la taxation de leursbénéfices, et indépendamment des questionsposées par la taxe professionnelle, la situationfrançaise en matière d’impôt sur les sociétés (IS)apparaît plutôt mauvaise, et en réalité en bas duclassement des pays européens.

La France compte parmi les pays pratiquant laplus forte fiscalité sur les revenus des entreprises.Le taux moyen d'imposition des bénéfices est del'ordre de 34 %, ce qui place la France en troi-sième position des principaux pays de l'OCDE.Seuls le Japon et les Etats-Unis pratiquent des tauxd'imposition des revenus des entreprises supé-rieurs au taux français.

39

Novembre 2009

Imposition des revenus des entreprises en 2009(en % des revenus)

39.539.1

34.430.2

30.028.027.526.325.525.0

21.2

12.5

10

15

20

25

30

35

40

45

Irlan

de

Suiss

e

Danem

ark

Pays

-Bas

Suèd

eIta

lie

Roy.-Uni

Espag

ne

Allem

agne

Fran

ce

Etat

s-Unis

Japon

(Source: OCDE)

Page 42: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

La compétitivité de l’industrie française du médicament

40

Parmi les pays imposant le plus faiblement lesentreprises, l'Irlande occupe de loin la dernièreposition donnant lieu à un écart de plus de20 points avec le taux pratiqué en France. LaSuisse présente un taux d'imposition extrêmementcompétitif avec un peu plus de 21 %. La fiscalitépratiquée au Royaume-Uni (taux d'imposition desentreprises de 28 %) renforce l'attractivité de ceterritoire, en particulier vis-à-vis de l'Allemagne etde la France qui sont les deux pays avec lesquelsla compétition est la plus forte.

Qui plus est, la position occupée par la France entermes de fiscalité des entreprises s'inscrit dansune tendance forte et généralisée de réduction destaux d'imposition dans les principaux pays déve-loppés. Ainsi, sur la période comprise entre 1995et 2009, le taux d'imposition en France a connuune réduction de l'ordre de 6 %, ce qui représenteà peu près deux points de moins sur le tauxpratiqué. C'est toutefois l'une des plus faiblesbaisses du taux d'imposition constatée sur lepanel des pays étudiés.

On remarque que l'Irlande a obtenu une forteattractivité grâce à une stratégie volontariste deréduction du taux d'imposition des entreprises(baisse de 67 % du taux d'imposition entre 1995et 2009). L'Allemagne et le Royaume-Uni s'inscri-vent également dans cette tendance à l'atténua-tion du poids de la fiscalité des entreprises avecune réduction du taux d'imposition respective-ment de -45 % et -15 % de 1995 à 2009.L'accroissement de la « compétitivité » fiscale alle-mande est d'autant plus spectaculaire que le tauxd'imposition pratiqué par ce pays en 1995 était leplus élevé du panel de pays (55 %).

Toutefois, les taux d’imposition légaux ne reflètentqu’imparfaitement les taux effectifs d’impositionqui intègrent différents effets d’assiettes. Ainsi uneétude de l’Institue of Fiscal Studies reprise parl’OCDE10 montre qu’en 2005, dernière annéeétudiée, les taux effectifs moyens et marginaux del’impôt sur les sociétés en France sont compara-bles à la moyenne non pondérée des pays indus-trialisés. Ils s’établissent respectivement à 25 et20 % en 2005. Cependant, ce taux moyen estglobalement stable depuis 2000, alors qu’il areculé de près de cinq points en Allemagne entre2000 et 2005. A cette date, il restait encore nette-ment supérieur à celui observé en France. L’écarts’est cependant à nouveau probablement réduit enraison du fort abaissement du taux de l’impôt surles sociétés qui a été réalisé en Allemagne début2008.

Les observations précédentes s’appliquent à l’en-semble des entreprises opérant sur le territoire. Ence qui concerne plus spécifiquement le cas desentreprises de l’industrie pharmaceutique, cesdernières ont probablement pu bénéficier relative-ment plus de certains dispositifs d’allègementsfiscaux que cela n’est le cas pour des entreprisesd’autres secteurs. En raison du montant élevé desdépenses en R & D réalisées par les entreprises del’industrie pharmaceutique, elles ont ainsi pu rela-tivement plus bénéficier du dispositif du créditimpôt-recherche. De même, le statut de Jeune

n° 13

Evolution du taux d'imposition dessociétés entre 1995 et 2009 (en %)

-20.9

-25.6

-26.5

-27.1

-45.2

-48.3

-67.1

-1.3

-14.3

-6.1

-6.1

-15.2

-70 -50 -30 -10 10

Etats-Unis

Suède

France

Espagne

Royaume-Uni

Japon

Suisse

Danemark

Pays-Bas

Allemagne

Italie

Irlande

(Source:OCDE

10 « Le défi de redressement de la compétitivité française », Document de Travail du Département des affaires économiquesde l’OCDE, n° 720, Editions OCDE, Août 2009

Page 43: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

41

Entreprise Innovante (JEI) bénéficie fortement auxentreprises issues du secteur des biotechnologiesde santé.

Ce statut, créé par la Loi de finances de 2004,confère aux jeunes PME hautement innovantesdes allègements d’impôts et de charges socialessur les emplois dédiés aux activités de recherche.Les entreprises éligibles à ce statut doivent êtredes PME (employant mois de 250 personnes, ayantun chiffre d’affaires inférieur à 40 millions d’eurosou un total de bilan inférieur à 27 millionsd’euros), créées depuis moins de cinq ans, déte-nues à plus de 50 % par des personnes physiques,ayant réalisé des dépenses de recherche représen-tant plus de 15 % des charges totales et n’ayantpas été créées dans le cadre d’une concentration,d’une restructuration ou d’une extension d’acti-vités préexistantes. Les entreprises éligibles à cestatut peuvent bénéficier d’une exonération totaled’impôt sur les bénéfices pendant trois ans etpartielle les deux années suivantes, d’une exoné-ration d’imposition forfaitaire et d’exonérations detaxes locales. Le statut de JEI inclut des exonéra-tions de cotisations sociales patronales de sécuritésociale pour les salariés qui participent à son acti-vité de recherche.

Selon France Biotech, 20 % des 1700entreprises ayant bénéficié du statut deJEI interviennent dans le domaine desbiotechnologies. Le dispositif aurait permisune réduction de 20,7 % sur le montant dessalaires versés. 76 % des JEI du secteur biotechauraient accru leur effort de recrutement depersonnel de R & D, 72 % auraient lancé denouveaux projets de recherche et 74 % auraientacquis de nouveaux équipements pour la R & D.

En résumé, le niveau du taux d’imposition des résul-tats des entreprises en France est relativement plusélevé que dans les économies concurrentes. Surtout,plusieurs de ces dernières ont mis en place depuis ledébut des années 2000 des politiques de baisse destaux d’imposition apparent comme effectif alorsqu’ils sont restés relativement stables en France.

Des dispositions spécifiques (crédit impôtrecherche, jeune entreprise innovante…) permet-tent certes d’alléger le coût de la fiscalité pour lesentreprises de secteurs innovants comme l’est l’in-dustrie pharmaceutique. Toutefois, cette industriesubit en France plusieurs prélèvements spéci-fiques : contribution sur les dépenses de promo-tion (créée en 1983), contribution sur les gros-sistes pharmaceutiques, taxe sur les ventesdirectes, taxes et redevances versées à l’AFSSaPS,taxe sur le chiffre d’affaires des entreprises phar-maceutiques (créée en 2004), contributions desauvegarde et remises conventionnelles. Ces diffé-rentes taxes spécifiques à l’industrie pharmaceu-tique sont d’un poids de l’ordre de 4 % du chiffred’affaires taxable. Nous ne disposons malheureu-sement pas d’éléments précis de comparaisonsnous permettant de rapprocher les situationsspécifiques des industries pharmaceutiques despays européens du point de vue de la taxationspécifiques de leurs résultats.

Point a priori favorable en revanche, l’annonce dela suppression de la taxe professionnelle, pour sonassiette équipement et biens mobiliers, pourraitlimiter dans les prochaines années le coût ducapital investi, levant ainsi un frein à l’attractivitédu territoire pour l’investissement dans des unitésfortement capitalistiques.

Taux effectif moyen de l'impôt sur les sociétésen comparaison internationale

0

5

10

15

20

25

30

35

40

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PRTGRC FINSW

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ITA ESP

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CANUSADEU JP

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bas

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n %

0

5

10

15

20

25

30

35

40

2005

2000

Source : Institute of Fiscal StudiesReproduit depuis OCDE (op. cit.)

Novembre 2009

Page 44: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

La compétitivité de l’industrie française du médicament

42

n° 13

L’image des produits pharmaceutiquesfrançais

La compétitivité d’un produit sur un marchémondial ne se réduit pas à sa seule dimension decoût. Elle dépend également de la qualité associéeau produit. Cette question prend d’autant plus desens dans le cas du médicament où l’exigence dequalité du service rendu par le produit estpremière, celle-ci dépendant notamment fortementde la fiabilité des contrôles mis en place à chacunedes étapes de la chaîne de valeur du médicament.

Les déterminants traditionnels de la compétitivitésont le plus souvent centrés sur les prix. Mais sides prix élevés peuvent refléter des coûts deproduction élevés, ils peuvent aussi signifier unemeilleure qualité intrinsèque des produits ouencore un positionnement sur une gamme supé-rieure. L’appréciation de la compétitivité-prix nepeut donc être totalement dissociée d’autreséléments sur lesquels s’établit la concurrence, quel’on peut regrouper sous le terme générique decompétitivité hors prix.

Coe-Rexecode réalise ainsi depuis 1990 uneenquête sur l’image des produits en provenance dedifférents pays d’origine, en termes de compétiti-vité-prix et hors prix. Elle compare l’offre des prin-cipaux producteurs mondiaux, mais uniquementsur le marché européen. L’enquête est effectuéeauprès des importateurs qui sont généralementdes grossistes ou des directeurs d’achat.

Sur chacun des six marchés européens enquêtés(France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Belgiqueet Espagne), les importateurs jugent les produitsdes autres pays selon leurs prix et leurs caractéris-tiques hors prix (qualité, contenu en innovationtechnologique, notoriété, ergonomie-design, délaisde livraison, service commercial, service aux utili-sateurs, service après-vente et rapport qualité-prix). Les importateurs évaluent si le produit, sousces différents aspects, est mieux, aussi bien oumoins bien placé que l’ensemble des produitsconcurrents présents sur leur marché (y comprisles produits nationaux). On en déduit donc des

scores moyens relatifs pour chacun des pays d’ori-gine, sur le critère prix et sur l’ensemble descritères hors prix. Un score élevé décrit donc unebonne compétitivité sur le critère analysé. Cetteméthodologie permet ainsi d’apprécier le position-nement relatif des pays, selon une vision que l’onpourrait juger subjective.

Les résultats suivants portent sur l’exploitation del’enquête image sur les biens de consommationconcernant uniquement les produits pharmaceu-tiques. L’échantillon étant plus restreint que pourd’autres produits, les intervalles de confiance sontplus grands si bien que les variations d’uneenquête à une autre sont à prendre avec précau-tion. Une première exploitation sera donc effec-tuée tout d’abord sur une moyenne des résultatsdes trois dernières enquêtes (2004, 2006 et 2008).

Environ 480 importateurs européens sont inter-rogés (80 par pays) dans le cadre de cetteenquête. Les seuls importateurs de produits phar-maceutiques étaient au nombre de 34, 49 et 31successivement en 2004, 2006 et 2008, soit unemoyenne de 38 (8 % de l’ensemble des importa-teurs).

Sur l’ensemble des cinq premiers critères à partirdesquels est jugée l’image hors-prix des produits,le classement est homogène. Toutefois, le critèrede design-ergonomie donne une bonne perfor-mance aux produits italiens et une moins bonneaux produits allemands (seule faiblesse desproduits allemands). On note également que lespoints forts des produits japonais et américains setrouvent dans le contenu en innovation. Celui-ciest en revanche la seule faiblesse relative desproduits français avec, dans une moindre mesure,la notoriété. Par ailleurs, l’image hors-prix desproduits pharmaceutiques issus des paysd’Europe centrale et de l’Est, des pays d’Asie engénéral et de la Chine en particulier paraît parti-culièrement faible.

Le critère synthétique hors-prix récapitule ce clas-sement : l’appréciation des critères hors-prix desproduits pharmaceutiques allemands, français,japonais et américains est positive. Sont mal notés

Page 45: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

les produits pharmaceutiques issus des PECO,d’Asie et de Chine. Les produits pharmaceutiquesitaliens, britanniques et espagnols sont dans unesituation intermédiaire.

Du point de vue des services associés (technique,après-vente, commercial), le classement est iden-tique. On note toutefois la faiblesse relative desproduits américains. L’image des services associésaux produits français est aussi bonne que celle desproduits allemands.

Du point de vue du critère prix des produits phar-maceutiques, la Chine et l’Asie se détachent par lafaiblesse des prix, suivi par les PECO. Par contre,les produits britanniques sont de loin jugés lesplus chers (témoignant d’une mauvaise compétiti-vité prix), suivi des produits allemands et français.Les produits américains et japonais sont dans lamoyenne, proches des produits espagnols etitaliens.

Du point de vue du rapport qualité-prix, le classe-ment est pratiquement celui du critère hors-prix,qui est donc prédominant pour ce rapport. Laseule exception provient des produits britan-

niques, qui étant jugés chers, pâtissentd’un rapport qualité-prix jugé médiocre.Les produits pharmaceutiques françaisapparaissent ainsi à la deuxième placederrière les produits pharmaceutiques alle-mands en ce qui concerne l’appréciation de leurrapport qualité-prix.

Du point de vue évolutif, les résultats sont àprendre avec précaution compte tenu de la faibletaille de l’échantillon. Il semble que depuis 2006,l’image-prix des produits allemands et français sesoit détériorée (depuis 2004 pour les produitsbritanniques) alors que celle des produits japonaiset américains s’est améliorée. L’avantage prix desproduits asiatiques (chinois en particulier) s’estclairement apprécié entre 2006 et 2008. Les imageshors-prix sont plus stables. Sauf dans le cas desproduits pharmaceutiques japonais dont l’imagehors-prix s’améliore fortement.

En résumé, les produits de l’industrie pharmaceu-tique française présentent une bonne image géné-rale de leur rapport qualité-prix. Les points fortsdes produits français tiennent notamment à leurergonomie-design et à leur notoriété. Leur contenu

43

Novembre 2009

Les cinq critères d’appréciation de la compétitivité hors prix des produits pharmaceutiques

-0.60

-0.40

-0.20

0.00

0.20

0.40

0.60

France Allemagne Royaume-Uni Italie Espagne Peco Etats-Unis Japon Asie Chine

Qualité Ergonomie-design Innovation Notoriété Délais de livraison

Source : enquête image Coe-Rexecode

Page 46: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

La compétitivité de l’industrie française du médicament

44

en innovation est jugé plus défavorablement(notamment en comparaison des produits alle-mands). Cette dernière observation peut appa-raître préoccupante dans un contexte où le déve-loppement d’innovations incrémentales (parexemple sur la forme galénique du médicament oudes innovations marketing) peut aider à allonger

le cycle de vie des produits. L’image-prix desproduits pharmaceutiques français est parmi lesplus faibles mais un peu moins dégradée que celledes produits allemands. De 2004 à 2008, l’image-prix des produits français comme allemands a eutendance à se dégrader alors que l’image descritères « hors-prix » restait relativement stable.

n° 13

Appréciation de la compétitivité hors prix desproduits pharmaceutiques

-0.6

-0.4

-0.2

0.0

0.2

0.4

Fran

ce

Allem

agne

Royaum

e-Uni

Italie

Espag

ne Peco

Etat

s-Unis

Japon Asie

Chine

Les services comparés au hors-prix desproduits pharmaceutiques

-0.6

-0.4

-0.2

0.0

0.2

0.4

Fran

ce

Allem

agne

Royaum

e-Uni

Italie

Espag

ne Peco

Etat

s-Unis

Japon Asie

Chine

Hors-prix Services

Appréciation de la compétitivité prix des produits pharmaceutiques

-0.6

-0.4

-0.2

0.0

0.2

0.4

Fran

ce

Allem

agne

Royaum

e-Uni

Italie

Espag

ne Peco

Etat

s-Unis

Japon Asie

Chine

Source : enquête image Coe-Rexecode

Appréciation de la qualité-prixdes produits pharmaceutiques

-0.4

-0.2

0.0

0.2

0.4

Fran

ce

Allem

agne

Royaum

e-Uni

Italie

Espag

ne Peco

Etat

s-Unis

Japon Asie

Chine

Page 47: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

Evolution du positionnement relatif de l'image prix et hors prix entre 2004 et 2008Produits pharmaceutiques

France

Allemagne

Royaume-Uni

ItalieEspagne

PecoEtats-Unis

Japon

Asie

Chine

-0.8

-0.6

-0.4

-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

-0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6

Critère hors-prix

Cri

tère

pri

x

200820062004

Source : enquête image Coe-Rexecode

La position de la France dans le domainede la R&D pharmaceutique

Le secteur de l’industrie du médicament est un dessecteurs qui effectue les plus importants efforts derecherche et développement. Le poids desdépenses de R & D dans le chiffre d’affaires de l’in-dustrie du médicament est de plus de 12 % en2006, à comparer avec un poids de 3,2 % pourl’ensemble des entreprises des secteurs principale-ment industriels. En 2007, ces dépenses représen-tent 4,8 milliards d'euros en France, ce qui laplace derrière le Royaume-Uni (6,5 milliardsd’euros) mais devant l'Allemagne (4,5 milliardsd’euros selon les données de l’EFPIA). Lesdépenses pour la recherche pharmaceutique repré-sentent un montant équivalent à 15,9 % du chiffred’affaires de l’industrie en Europe contre 3,4 %tous secteurs confondus.

L'augmentation des dépenses de R & D est unetendance constatée dans les principaux pays.Toutefois la France a perdu la tête du classementeuropéen des montants des dépenses de R & Dqu'elle occupait en 1995 au profit du Royaume-Uni. L’effort relatif en R&D réalisé dans l’indus-trie pharmaceutique en France s’est ainsi réduit.Plus préoccupant, les montants de R & D de l’in-dustrie pharmaceutique en France ne sontcomparés ici qu’à ses principales concurrenteseuropéennes. Or, comme le notait l’EFPIA en20007, entre 1990 et 2006, l’investissement enR & D pharmaceutique a été multiplié par 5 auxEtats-Unis, tandis qu’il n’était multiplié que par2,9 en Europe. Le retard relatif de l’Europe parrapport aux Etats-Unis en termes de site derecherche puis de production de médicamentsrisque de s’accentuer.

45

Novembre 2009

Page 48: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

La compétitivité de l’industrie française du médicament

46

Exprimés en poids dans l’emploi, les effectifs deR&D français ont légèrement dépassé en 2007 leurniveau de 1995 pour représenter près de 22 % del'emploi total du secteur de l’industrie pharma-ceutique. L’industrie du médicament emploie dansson ensemble, 14 000 chercheurs salariés, soit 14% des effectifs, un niveau élevé par rapport àd’autres secteurs. 80 % de ces effectifs sontconcentrés dans 10 entreprises. L'évolution deseffectifs de R & D est similaire à celle desdépenses, y compris dans le fait que le Franceaffiche une progression moindre sur la période1995-2007 que ses principaux voisins européens.En particulier, la France est le seul pays avec laSuisse à avoir connu une phase de réduction dupoids des effectifs de R & D dans l’emploi total dusecteur entre 1995 et 2000.

Les résultats de la R&D peuvent être appréciés àpartir des statistiques de dépôts de brevets.

La part des brevets de médicaments déposés àl’OEB par des inventeurs français dans les brevetsdéposés par l’ensemble des inventeurs a reculé demanière assez régulière depuis le début desannées 1990. Elle est d’environ 5 % en 2006contre un pic à 7 % en 1990. Elle est inférieure àcelle des brevets déposés par des inventeurs alle-

mands et à celle des brevets déposés par desinventeurs britanniques.

Un constat similaire peut être effectué quand sontpris en compte les brevets triadiques de médica-ments, c’est-à-dire les brevets déposés à la foisauprès des offices européen, américain et japonaisde protection de la propriété intellectuelle. En2006, les inventeurs français avaient déposé 4,4 %des brevets triadiques de la classe des médica-ments. Cette proportion était de 6,4 % en 2000. Lapart des inventeurs allemands dans les brevetstriadiques mondiaux a également reculé. Elle aperdu 2,6 points entre 2000 et 2006. Elle est de7,4 % en 2006.

Surtout, l’attractivité de l’Europe en général pourl’implantation de sites de R & D paraît s’affaiblir.Un recensement effectué par l’EFPIA des mouve-ments de localisation et de délocalisation des sitesde R & D de 22 groupes pharmaceutiquesmondiaux relevait que seuls deux nouveaux sitesde recherche avaient été implantés en Europeentre 2001 et 2006 alors que 18 sites de rechercheavaient été fermés. Les proportions respectivessont de 6 et 5 sites aux Etats-Unis qui présententdonc un solde positif et de 14 ouvertures de sitesde R & D en Asie contre une seule fermeture.

n° 13

Dépenses intérieures de R&D dans l'industriepharmaceutique (en milliards d'euros)

0

1

2

3

4

5

6

7

Allem

agne

Irlan

de

Fran

ce

Pays

-Bas

Suèd

e

Royaum

e-Uni

Suiss

e

1995 2000 2007

Source : EFPIA et VFA pour l'Allemagne

Emploi R&D dans l'industrie pharmaceutique(en % de l'emploi total dans le secteur)

0

5

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15

20

25

30

35

Allem

agne

Irlan

de

Fran

ce

Pays

-Bas

Suèd

e

Royaum

e-Uni

Suiss

e

1995 2000 2007

Source : EFPIA

Page 49: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

En résumé, il apparaît que dans le domaine de l’ef-fort de R & D, c’est l’Europe qui globalementparaît prendre du retard par rapport aux Etats-Unis, voire à l’Asie. Parmi les pays européens, l’ef-fort de recherche de l’industrie pharmaceutique enFrance a un peu moins progressé que dans l’en-semble des pays européens. Il y a là un risqued’érosion de la position compétitive de l’industriefrançaise d’autant que la part des brevets euro-péens dans le domaine des médicaments détenuspar des inventeurs français a eu tendance à reculerdepuis le début des années 1990.

La position de la France dans l’attractivité des essais cliniques

Les essais cliniques sont des phases essentielles del’activité de développement des entreprises dumédicament, préalables à toute mise sur lemarché.

Lors de précédentes études réalisées parCoe-Rexecode sur les évolutions de l'in-dustrie du médicament (en 2004 et 2005),le segment des essais cliniques a été perçucomme un enjeu important de l'attractivité dusecteur en son ensemble. Une étude réalisée parAEC Partners avait fait ressortir qu'entre 1996 et2003, la part de marché de la France dans lesessais cliniques en Europe était passée de 28 % à13 %.

Le rapport Marmot avait également insisté sur lecaractère très préoccupant du recul de la Francedans le domaine des essais cliniques. Les inquié-tudes portaient sur la sous représentation desexperts, des investigateurs et des patients françaisdans les grands essais cliniques internationaux.Etaient également soulignés dans notre étuderéalisée en 2005, les handicaps en termes d’acces-sibilité aux patients et leur vitesse de recrutement,la qualité des investigateurs. Les entretiens menésalors et certains entretiens plus récents réalisésdans le cadre de l’actualisation de nos précédentstravaux mentionnaient un certain détachement ducorps médical vis-à-vis des études cliniquesmalgré la place importante de la pharmacologieclinique dans les hôpitaux.

La proportion des essais cliniques réalisés enFrance parmi l’ensemble des essais cliniquesréalisés au sein des quinze premiers pays del’Union européenne avait poursuivi son érosion de2005 à 2007. Elle s’est redressée depuis si l’on enjuge par le recensement des essais cliniqueseffectué par le National Institute of Health desEtats-Unis11. En 2005, 15,5 % des essais cliniques,toutes phases confondues (de I à IV), réalisés dansl'Union Européenne à 15 étaient effectués enFrance. En 2007, cette part est tombée à 11,4 %.Elle est remontée depuis à 14,5 % au cours dupremier semestre 2009. Le recul observé entre2005 et début 2009 s’observe pour toutes les

47

Novembre 2009

Parts des brevets déposés à l'OEB dans la classedes médicaments par nationalité de l'inventeur

© Coe-Rexecode

Source : Office européen des brevets

En %

78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 0800

10

20

30

40

50

FanceAllemagneRoy.-UniItalieEtats-UnisJaponChineInde

11 Voir la base de données en ligne de l'Institut national américain de la santé http://clinicaltrials.gov. Le recensement desessais cliniques antérieurs à 2005 par cette source d’information est très lacunaire, empêchant ainsi toute comparaisoninternationale avant cette date. L’exhaustivité des essais cliniques réalisés depuis 2005 n’est pas non plus garantie danscette base de données ce qui invite à prendre avec précaution les résultats issus de ce travail de comparaison du nombred’essais cliniques effectués par pays.

Page 50: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

La compétitivité de l’industrie française du médicament

48

phases des essais cliniques. Il est très fort pour lesessais de phases I et IV. En 2005, les essaiscliniques de phase I réalisés en France représen-taient 12,6 % des essais cliniques de phase I effec-tués dans l’Union européenne à 15. Cette propor-tion est tombée à 10,1 % au cours du premiersemestre 2009. De manière surprenante, alors quele Royaume-Uni est souvent réputé pour l’attracti-vité de son site pour la réalisation des essaiscliniques, il n’accueille début 2009 que 12,2 % desessais cliniques réalisés dans l’Union européenneà 15. Le Royaume-Uni concentre en revanche prèsdu quart des essais cliniques de phase I conduitsen Europe. C’est l’Allemagne qui détient lapremière place au titre de principal pays d’accueildes essais cliniques avec 18,3 % des essaiscliniques effectués en Europe, soit le même niveauque celui de 2005.

La position de la France sur le marché européendes essais cliniques paraît donc avoir interrompuun repli amorcé au cours des années 1990.Toutefois, plus encore que par rapport à l’en-semble européen, l’écart s’accroît par rapport aunombre d’essais cliniques réalisés aux Etats-Unis.Les essais cliniques réalisés outre-Atlantique sontdevenus plus nombreux que ceux réalisés dansl’ensemble de l’Union européenne à 15 à partir de2008. Le nombre d’essais cliniques en France estéquivalent à 13 % du nombre d’essais pratiquésaux Etats-Unis, cette proportion était de 15,4 % en2005. Elle correspond à peu près au rapport detaille des marchés nationaux du médicament : laFrance représentant 5 % du marché mondial dumédicament selon l’EFPIA contre 44 % pour lesEtats-Unis en 2006.

L’étude sur l’attractivité de la France pour larecherche clinique internationale12 fondée sur uneenquête menée auprès d’entreprises a relevéplusieurs améliorations au cours des dernièresannées à même de renforcer l’attractivité du siteFrance. Les délais de signature des contrats hospi-taliers ont été réduits au cours des deux dernièresannées à la faveur de simplifications administra-

tives. La vitesse de recrutement des patients a étéaméliorée ce qui ne s’est pas fait au prix d’uneperte de cohérence avec les objectifs de recrute-ment. Point plus négatif en revanche, la percep-tion par les maisons-mères de la qualité des inves-tigateurs et de l’importance des leaders d’opinions’est dégradée. Plusieurs domaines d’excellenceapparaissent à la lecture de cette enquête en parti-culier dans les phases précoces de développementet les domaines de l’oncologie.

Cette amélioration de la perception de l’attractivitédu site France pour la réalisation d’essaiscliniques s’effectue sur fond de restructuration dela recherche clinique à l’hôpital, lieu privilégié deconduite des essais cliniques.

Plus généralement, la perte d’attractivité de laFrance pour la conduite de recherche clinique àpromotion industrielle avait été prise en compteen 2005 par le CSIS (Conseil Stratégique desIndustries de Santé). Une mesure emblématiqueavait été adoptée avec la création en mars 2007pour une durée de quatre ans du CeNGEPS(Centre National de Gestion des Essais des

n° 13

Part de chaque paysdans les essais cliniques réalisés dans l'UE à 15(toutes phases d'essais cliniques confondues)

© Coe-Rexecode

(source: US National Institute of Health, clinical trials.gov)* 1er semestre 2009

En %

2005 2006 2007 2008 20097

10

13

16

19

FranceAllemagneRoyaume-UniItalie

*

12 C. Lassale et al. : « La France, un pays attractif pour la recherche clinique internationale : enquête 2008 du LEEM »,Thérapie, vol. 63, n° 5, pp. 345-357, 2008.

Page 51: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

Produits de Santé) dont l’objet est de faciliter lacoordination et la gestion des essais cliniques àpromotion industrielle réalisés dans les établisse-ments de santé ou dans le cadre des réseaux desoins.

En résumé, il est probablement trop tôt et troprapide d’attribuer à la création du CeNGEPS lesindices encore ténus d’une amélioration de l’at-tractivité de la France pour la recherche clinique.L’importance de son marché national fait déjà dela France un pays attractif pour les essaiscliniques. L’amélioration permanente des condi-tions de réalisation des essais cliniques devraitcontribuer à renforcer cette attractivité en particu-lier dans le domaine des essais de médicamentsissus des biotechnologies pour lesquels la Franceconnaît un important retard par rapport àl’Allemagne et surtout au Royaume-Uni (voirinfra).

La position de la Francedans le développement des industries de biotechnologie

Les entreprises de biotechnologies

L’analyse statistique de l’importance de l’activitéde biotechnologie de santé se heurte à des choixde définitions de périmètre. L’exemple du recense-ment du nombre d’entreprises de biotechnologieen fournit une bonne illustration. Selon l’OCDE,824 entreprises en France interviennent en 2006dans le domaine de la recherche et du développe-ment en biotechnologie. Selon la base de donnéesnationale des biotechnologies créée à l’initiative

du Ministère de l’EnseignementSupérieur et de la Recherche, 296 entre-prises en France élaborent des produits ouutilisent des procédés faisant appel à desbiotechnologies. Elles constituent le noyau durdu secteur et semblent être un échantillon d’unpanel d’environ 350 à 400 entreprises. Enfin, Ernstand Young13, estimait à 218 en 2006 le nombred’entreprises de biotechnologies en France inter-venant dans le domaine de la santé.

C’est cette dernière donnée qui nous paraît la plusproche du champ d’investigation de notre étude.La divergence des sources utilisées soulignecombien toute comparaison des performances desdifférents sites de production reste encore délicateen l’état de développement de la statistique.L’effort conduit dans le sens d’une harmonisationstatistique par l’OCDE est des plus louables. Des« trous » importants apparaissent cependantencore, ne serait-ce qu’en l’absence de segmenta-tion précise des entreprises de biotechnologiesselon leur domaine applicatif (santé, énergie,alimentation …). De plus, aucune donnée sur ledéveloppement des biotechnologies au Royaume-Uni n’est accessible dans la base de données del’OCDE.

Selon les estimations produites par Ernst andYoung, le nombre d’entreprises de biotechnologieen France représente un peu plus de 60 % dunombre d’entreprises du même secteur opérant enAllemagne. Le nombre d’employés dans lessociétés françaises de biotechnologie cotées repré-sente un peu moins de la moitié des effectifs desentreprises britanniques cotées du même secteur.L’emploi privé dans les biotechnologies de santé

49

Novembre 2009

Les chiffres-clés des entreprisesde biotechnologie en 2006

Etats-Unis Europe Allemagne France Royaume-Uni

Nombre de sociétés 1 452 1 621 355 218 274Nombre de sociétés cotées 336 156 22 11 63Nombre d’employés dans les sociétés cotées 130 600 39 740 13 094 8 142 18 134

Source : Ernst and Young, Beyond borders 2007

13 In Beyond borders, 2007

Page 52: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

La compétitivité de l’industrie française du médicament

50

est estimé à environ 20 000 personnes en Franceselon le LEEM si l’ensemble des entreprises debiotechnologie est pris en compte, un nombreproche des effectifs travaillant dans les seulessociétés de biotechnologie cotées du Royaume-Uni.

La recherche

Les données plus récentes produites par Ernst andYoung montrent que, malgré le développement dusecteur des biotechnologies notamment auRoyaume-Uni, le retard européen par rapport auxEtats-Unis est impressionnant. Si le nombre d’en-treprises de biotechnologies est, en 2008, quasi-ment identique d’une rive à l’autre de l’Atlantique,en revanche, le nombre d’employés dans lesecteur est deux fois plus important aux Etats-Unisqu’en Europe. Plus encore, le chiffre d’affaires desentreprises américaines de biotechnologie qui sontcotées est quatre fois supérieur au chiffre d’af-faires de leurs homologues européennes et leursdépenses de R & D sont dans un rapport de 1 à 5en faveur des entreprises américaines. Lesdonnées fournies pour 2008 ne permettent pasd’apprécier les poids relatifs des entreprisesbritanniques, allemandes et françaises.

De cette divergence des efforts de R & D et plusgénéralement des poids économiques des entre-prises de chaque côté de l’Atlantique, il ressort quele portefeuille français des médicaments en déve-loppement représente 12 % du portefeuille euro-péen, sachant que le portefeuille de médicamentsen développement dans les industries pharmaceu-tiques et des biotechnologies en Europe représente30 % du portefeuille mondial. Celui des Etats-Unisreprésente 57 % du portefeuille mondial.

Les statistiques sur les brevets de biotechnologiesillustrent également le retard relatif de la France. En1994, 5,6 % des brevets déposés à l’OEB l’avaientété par des inventeurs français. Cette proportion esttombée à 4,6 % en 2005, dernière année connue.Dans le même temps, la part des brevets allemandsdans les brevets de biotechnologie déposés à l’OEBest passée de 8,7 % à 10,7 %.

Plus largement, les inventeurs français sont lesdétenteurs de 3,7 % de l’ensemble des brevetstriadiques de biotechnologies en 2006. Cette part alégèrement progressé depuis 2000. Elle était alorsde 3,4 %. Les inventeurs allemands détiennent6,7 % des brevets triadiques en biotechnologie etles britanniques 4,4 % en 2006. La première placerevient aux inventeurs américains qui détiennent43,5 % des brevets triadiques de biotechnolo-giques devant le Japon avec 11,6 % des brevets.

L’examen de la position de la France dans larecherche biomédicale passe par l’analyse de l’ef-fort de recherche publique dans ce domaine. Celle-ci mobilise environ 22 % du potentiel national derecherche, soit environ 10 000 chercheurs mesurésen équivalents emploi-temps plein. La part dusecteur public dans les brevets européens déposéspar la France dans le domaine des biotechnologiesest en effet de 45,3 % en 200614.

Or, l’étude Biomed15 a montré qu’au plan de laproduction scientifique, la recherche biomédicalefrançaise apparaît sensiblement en retrait parrapport à celle du Royaume-Uni et de l’Allemagne.Ce retrait s’observe tant en ce qui concerne levolume de production scientifique que la visibilité(l’impact) de cette production, l’écart avec cespays ayant tendance à s’accroître.

n° 13

14 Le LEEM relevait en 2008 que : « la loi « Allègre » de 1999 a permis l’émergence d’un nombre important d’entreprises debiotechnologies, issues des activités de valorisation de la recherche académique française, aidée par le mécanisme des bio-incubateurs et des financements publiques dédiés à l’amorçage des projets de création d’entreprise et à supporter le déve-loppement des sociétés jusqu’à l’étape de preuve de concept. Malheureusement les projets de R & D n’ont pas atteint ledegré de maturité les rendant suffisament attractifs pour les investisseurs ou de potentiels partenariats industriels, dans unenvironnement international très compétitif ». In Les clés de l’évolution des biotechnologies santé en France, LEEM, avril2008.

15 La recherche publique dans le domaine biomédical en France : Analyse quantitative et éléments de diagnostic,Futuris–ANRT, étude pilotée par Jacques Lesourne, mai 2008.

Page 53: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

Au sein de la recherche biomédicale, le secteur dela recherche médicale est, sur tous les registres, ensituation plus faible que celui de la biologie fonda-mentale. Ce constat est toutefois nuancé par lesauteurs de l’étude Biomed par le fait que les unitéspropres des organismes publics de recherche(Inserm, CNRS, CEA et Institut Pasteur) et cellesen cotutelle entre les universités et ces derniersont une production scientifique particulièrementvisible au plan international tant en biologiefondamentale qu’en recherche médicale.

Il n’en ressort pas moins qu’en comparaison avecl’Allemagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, laFrance connaît la plus forte diminution de ses

parts mondiales de publications tant en biologiefondamentale qu’en recherche médicale (-15 % encinq ans). Le Royaume-Uni se situe à un niveau deproduction 50 % supérieur à celui de la France enbiologie fondamentale et double en recherchemédicale.

En biologie fondamentale et en recherche médi-cale, les parts mondiales de publications scienti-fiques de la France, qui sont respectivement de4,5 % et 4,2 % ont connu une baisse importante,la diminution de la part mondiale en recherchemédicale étant un peu plus marquée et atteint17 % entre 2001 et 2006. La part mondiale de cita-tions en biologie fondamentale recule en 2006pour atteindre 4,3 %.

La part de citations en recherche médicale (3,7 %)est, en 2006, bien inférieure à celle observée toutesdisciplines confondues. La diminution des partsmondiales de citations est, au final, voisine de 11% sur les cinq dernières années pour les deuxdisciplines. La croissance des ressources finan-cières de la recherche a certes été un peu plusfaible en France qu’aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni mais les auteurs de l’étude Biomed n’en fontpas le facteur déterminant du recul relatif.

Un frein peut notamment être isolé dans la faiblemobilité des chercheurs publics vers l’entreprise.En 2004, moins de 200 chercheurs du servicepublic de la recherche ont utilisé l’un des disposi-tifs leur permettant de collaborer avec des entre-prises privées selon cette même étude.

51

Novembre 2009

Les chiffres-clés des entreprisesde biotechnologie en 2008

Monde Etats-Unis Europe US/Europe

Nombre de sociétés 4 717 1 754 1 836 1.0Nombre d’employés 190 400 85 612 2.2Nombre de sociétés cotées 776 371 178 2.1Chiffre d’affaires (millions dollars) 89 648 66 127 16 515 4.0Dépenses de R & D (millions dollars) 31 745 25 270 5 171 4.9Résultat (millions dollars) -1 443 417 -702Nombre d’employés des sociétés cotées 200 760 128 200 49 060 2.6

Source : Ernst and Young, Beyond borders 2009

Part des brevets de biotechnologie déposésà l'OEB par nationalité du déposant

(en % du nombre de brrevets déposés)

© Coe-Rexecode

En %

78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 0800

10

20

30

40

50

FranceAllemagneRoyaume-UniSuisseEtats-UnisJapon

Source : Office européen des brevets

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

52

n° 13

Le développement

Un point critique de la position relative de l’in-dustrie française des biotechnologies de santéapparaît également à l’observation du nombre deproduits biotechnologiques figurant dans le pipe-line du développement des médicaments.

Selon les données recueillies par Ernst and Young,un peu plus de 1000 projets cliniques (toutesphases confondues) sont dans le pipeline desentreprises européennes de biotechnologies et demédicaments de spécialités en 2008. Ce nombreest en augmentation de plus d’une centained’unités par rapport à l’année précédente. LeRoyaume-Uni apparaît comme le premier paysavec plus de 20 % des produits figurant dans lepipeline. Cette part est en recul. 36 % des produitsen développement en 2006 étaient testés auRoyaume-Uni. L’Allemagne vient au troisième rangeuropéen derrière le Danemark, avec un peu plusde 140 produits en développement. La Francevient au quatrième rang européen avec environ120 produits en développement, soit un peu plusde 10 % de l’ensemble des produits en développe-ment à l’échelle européenne. Elle précède laSuisse. En retard dans la recherche en biotechno-logie par rapport à ses concurrents européens, laFrance l’est également dans le domaine du déve-loppement.

Ce faible positionnement relatif dans le processusde développement renvoie à la compétitivité desessais cliniques français dont nous avons soulignéqu’elle a des répercussions importantes dans l'éla-boration et les projets même de développement denouveaux médicaments. L’émergence des biotech-nologies, qui permettent notamment de person-naliser les traitements en fonction des patients,rend encore plus aigu l’impératif d’une bonneposition en matière d’essais cliniques. Cesderniers permettant d'identifier les éléments depersonnalisation des médicaments et leur effica-cité à différents dosages. L’évolution vers une « co-production » accrue du médicament – c'est-à-dired’une production simultanée à l’administration aupatient- crée une incitation forte au maintien del’intégralité de la chaîne de l’industrie du médica-

ment sur un territoire donné. La production demédicaments est ainsi désormais plus proche dudispositif médical comme du patient.

La production

En retard relatif dans les domaines de la recherchecomme du développement de biotechnologies desanté, la France paraît également pâtir d’unhandicap dans le domaine de la productionbiotechnologique, à l’exception de la productionde vaccins qui reste un domaine d’excellence. Laproduction de lots biotechnologiques s’appré-hende dans deux dimensions :

• La production de lots cliniques. Pour mener àbien les phases I et II d’essais cliniques, unaccès à une capacité de production rapide,sécurisée de petites unités de produits estindispensable. Des ensembles de plus grandecapacité sont nécessaires pour la production delots testés en phase III. Comme le noteY. Legrain (Rapport du CESE, 2009), lasegmentation des lieux de production en fonc-tion des volumes nécessaires entraîne unemultiplication des interlocuteurs au cours duprocessus de mise au point puis de commer-

Nombre d'essais cliniques en Europe dans lesbiotechnologies

0 50 100 150 200 250

Roy.-UniDanemarkAllemagne

FranceSuisseSuède

ItalieIsraël

Pays-BasEspagneNorvège

IrlandeBelgiqueAutricheFinlande

Nombre de produits candidats

Source : Ernst & Young, MedTRACK and compagny websitesReproduit depuis Ernst & Young, Beyond Borders, 2009

Page 55: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

cialisation du médicament. Face à cettecontrainte, la production de lots cliniques puiscommerciaux avec le même partenaire seraitun élément attractif pour l’industriel.

• La bioproduction de lots commerciaux : ladécision d’investissement dans la constructiond’une usine de bioproduction de lots commer-ciaux se prend longtemps avant l’obtention del’autorisation de mise sur le marché, au débutdu développement clinique du futur biomédi-cament. Elle demande des compétences spéci-fiques et un niveau élevé de qualification d’au-tant plus qu’au démarrage d’une productionles bioprocédés ne sont pas matures et néces-sitent un lien fort avec la R & D.

Les acteurs de la bioproduction sont de différentstypes : les laboratoires biopharmaceutiques, posi-tionnés historiquement sur le développement des

biomédicaments, les laboratoires phar-maceutiques qui bâtissent une capacitéinterne et les sociétés de production à façonpour les produits biopharmaceutiques. Cedernier modèle est notamment fortement déve-loppé en Allemagne et au Royaume-Uni. EnFrance, la bioproduction est surtout le fait deslaboratoires pharmaceutiques selon Y. Legrain.

Les Etats-Unis emploient près de quatre fois plus desalariés dans la bioproduction que l’Europe. Cettedernière comprend soixante sites de production delots commerciaux, dont vingt-deux appartiennent àdes entreprises américaines. Sur ces soixante sites,cinq sites en France disposent de capacité indus-trielle, soit moins d’un dixième du nombre de sitesprésents en Europe selon le rapport Legrain. Septsites de production de lots cliniques existent parailleurs en France.

53

Novembre 2009

Plateformespubliques

de production

Manufacturiers(CMDs1)

Bio-génériqueursLaboratoires

pharmaceutiquesSociété

de biotechnologies

Production à petiteet grande échelle

Productionà petite échelle

Petite productionde lots cliniques

pour les laboratoirespublics et les start-up

Copie de produitsbiologiques dont

les brevets ont expiré

R&D, productionet commercialisation

pharmaceutiqueet biologique

Start-upde biotechnologie

Laboratoiresbio-

pharmaceutiques

Sociétésde biotechnologie

émergentes

• Forte R&Dspécialisée

• Portefeuillede produits en coursde constitution

• Pas de produitsur le marché

Production de lotscliniques uniquementet de lots commer-ciaux pour les médica-ments orphelins

• R&D étendue

• Portefeuille deproduits en coursde développementsur le marché

• R&D élargie

• Portefeuille deproduits en coursde développement

• Pas de produitsur le marché

Production de lotscliniques et de lotscommerciaux

Les différentes familles d’acteurs positionnéessur le marché des biomédicaments

1 Petite production de lots cliniques pour les laboratoires publics et les start-upSchéma reproduit depuis le rapport du CESE présenté par M. Legrain.

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La compétitivité de l’industrie française du médicament

54

n° 13

Enfin, un frein important dans le développementdes sociétés de biotechnologie que ce soit en phasede recherche, de développement ou de productiontient à l’accès au financement. Ainsi, en 2007,318 entreprises de biotechnologies ont été finan-cées dans le monde par le capital risque pour unmontant total de 6,9 milliards de dollars. Ces inves-tissements sont pour les trois quarts réalisés auxEtats-Unis. Les start-up européennes éprouvantplus de difficultés pour attirer des investisseursque celles des Etats-Unis. En France, les montantsinvestis par le capital-risque dans les entreprises debiotechnologie semblent se stabiliser selon leRapport Legrain aux environs de 150 à 200 millionsd’euros par an depuis 2005. En particulier, lesmontants dévolus à l’amorçage et au développe-ment représenteraient moins de 20 % de l’en-semble des capitaux investis en private equity.

En résumé, forte de son positionnement historiquedans le développement industriel des vaccins, laFrance dispose a priori d’atouts dans la compéti-tion mondiale pour le développement de l’indus-trie de biotechnologie de santé. Toutefois,plusieurs indicateurs convergent pour souligner lafragilité de la position de l’industrie française quece soit par rapport à ses concurrentes euro-péennes ou, plus encore, par rapport à l’effortd’investissement réalisé aux Etats-Unis dans ledomaine. La part des inventeurs français dans lesbrevets de biotechnologie recule. La part demarché de sa recherche biomédicale est égale-ment sur une tendance négative alors que lesproduits biotechnologiques en développement enFrance sont quasiment inférieurs de moitié aunombre de produits en développement auRoyaume-Uni. Le risque de voir un retard rédhibi-toire sur l’ensemble de la chaîne de valeur dubiomédicament s’installer nous paraît fort.

Les pôles de compétitivité

Le développement des pôles de compétitivitéapparait comme un élément incontournable dedynamisation des territoires autour d’un projetd’indsutrialisation aussi bien pour le secteur phar-maceutique que pour les autres industries.

Toutefois, parvenir à créer un effet d’aggloméra-tion puissant nécessite la mobilisation deressources particulières telles que l'obtentiond'une masse critique de capitaux publics investisdans ces structures dont vont dépendre un certainnombre de problématiques de gouvernance. Laréussite des partenariats public/privé, dans lecadre des projets de R & D notamment, constituel'un des principaux enjeux des pôles de compétiti-vité, tout comme la définition de stratégies etd'objectifs clairs et factuels. Ce souci de lisibilitédoit également s'exprimer à l'échelle internatio-nale pour permettre aux investisseurs étrangersd'identifier clairement les centres et les spécialitésfrançais dans le domaine du médicament.

Les pôles de compétitivité ont été lancés afin defavoriser l'innovation industrielle de haute tech-nologie issue notamment de la R & D développéeen commun entre les sphères publiques et privées.Des retombées positives concernant l'emploi etl'attractivité du site France sont attendues.Identifiés à un territoire, les pôles de compétitivitésanté sont spécialisés dans des domaines derecherche définis (Sciences et techniques du médi-cament à Medicen, nouvelles molécules thérapeu-tiques à Biovalley par exemple) ce qui constitueun élément indispensable au développement del'attractivité.

Parmi les 71 pôles de compétitivité, trois pôlesdédiés à la santé se distinguent par leur vocationmondiale. Medicen pour la région Ile de France,Lyon Biopole et Alsace Biovalley. A cela s'ajoutentcinq autres pôles santé à vocation nationale.Certaines des clés de l'amélioration de la compéti-tivité française sont sans conteste à trouver dansces initiatives.

Les trois pôles de compétitivité mondiaux ou àvocation mondiale ont bénéficié, pour la période2006/2007, de 91,6 millions d'euros d’intentions definancement public. Ces capitaux sont destinés audéveloppement de 96 projets innovants, ce quireprésente 1,05 million d’euros en moyenne parprojet. Dans le cas des pôles nationaux, les inten-tions de financement public pour les années 2006 et2007 sont d’un montant total de 146 millions

Page 57: La compétitivité de l'industrie française du médicament - Document

55

d’euros pour 139 projets, soit là encore 1,05 milliond’euros par projet. Au total, les intentions de finan-cement public pour les pôles de santé se montent à237 millions d’euros pour 2006 et 2007.

La question généralement soulevée dans ce typed'initiative publique est de savoir si les montantsmobilisés sont suffisants, et exercent un effet delevier permettant d'atteindre les objectifs fixés.Dans le domaine, les investissements s'apprécientau regard des pratiques en cours dans les pôles decompétitivité étrangers.

Devant l'histoire récente des pôles de compétiti-vités français, nous ne pouvons les comparer avecles initiatives déjà matures en cours aux Etats-Unis. En revanche l'Allemagne présente un certainnombre de similitudes avec la situation française;un retard relatif dans les biotechnologies au débutdes années 2000, une stratégie de pôles de compé-titivité récente (les « Kompetenznetze ») et uneforte volonté des pouvoirs publics de promouvoirla recherche. Ces derniers ont mis en place unfinancement de 800 millions d'euros entre 2001 et

2005 uniquement pour le programmecadre spécifique aux biotechnologies16.Ces fonds viennent à l'appui duprogramme Bioregio actif entre 1997 et 2001visant à dégager les régions les plus dyna-miques en biotechnologies, sièges des plusimportants clusters allemands actuels (Munich,Heidelberg et Cologne).

La réponse française aux enjeux de la compétiti-vité semble adaptée lorsqu'elle met en avant lespôles de compétitivité. En revanche, dans lesmontants de capitaux publics investis qui préexis-tent à tout engagement privé dans le domaineparaissent en retrait de l’effort accompli notam-ment outre-Rhin

Parallèlement aux pôles de compétitivité, il existela notion de cluster industriel (ou agglomérat) quifournit une grille d'analyse complémentaire de lacompétitivité du secteur du médicament. Les pôlesde compétitivité sont des structures juridiquesregroupant géographiquement des entreprisesautour de thématiques précises au sein d'un

Tableau de bord des pôles de compétitivité du domaine de la santé

Nombred’entreprises1

Nombrede

chercheurs2

Nombrede projetslabellisésen 2007

Financementpublic

des projets(mio d’euros)3

Pôles mondiauxMedicen (Ile de France) 150 150 40 50Lyon Biopôle (Rhône-Alpes) 26 ND 47 23.1

Pôle à vocation mondialeAlsace Biovalley (Alsace) 40 109 9 18.5

Pôles nationauxAtrlantic Biotherapies (Pays de Loire) 46 59 31 8.1Pôle cancer-bio-santé (Midi-Pyrénées) 62 94 13 56Eurobiomed (PACA, Languedoc-Roussillon) 151 ND 37 55.9Nutrition Santé Longévité (Nord-Pas-de-Calais) 43 37 20 9.6Prod’Innov (Aquitaine) 58 100 38 16.4

Source : DGCIS, Insee, Diact(1) = Nombre d’entreprises impliquées dans le pôle en 2007(2) = Nombre de chercheurs d’organismes publics de recherche impliqués dans un projet labellisé par le pôle(3) = Intentions de financement public (cumul des années 2006 et 2007)

Novembre 2009

16 Source: Actinbiotech, Les biotechnologies en Allemagne, novembre 2007.

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secteur d'activité donné, avec une forte dimensioninnovation et Recherche et Développement(comme par exemple les vaccins à Lyonbiopôle).Les clusters sont définis plus largement en identi-fiant géographiquement (généralement à l'échelled'une région) les concentrations significatives demain d'œuvre employée dans un secteur écono-mique (reprenant la classification NACE).

Selon ce mode d'analyse, la région île de Franceest le cluster le plus important du secteur phar-maceutique (médicament et biomédicament) del'Europe à 27 en 2006, employant plus de47 000 personnes. Les deux autres régions sont laLombardie (34 000 employés) et la Catalogne(25 000 employés)17. D'après cette méthoded'identification des agrégats sectoriels, les clustersdu Royaume-Uni, dans le secteur de la biophar-macie, ne présentent pas de caractéristiques suffi-samment significatives au regard des trois critèresd'appréciation pour apparaître dans ce classe-ment. Au niveau national l'Allemagne occupe lapremière place en totalisant l'ensemble desemplois présents dans les clusters biopharmaceu-tiques en 2006 (105 000 personnes pour 12 clustersidentifiés), la France occupe la deuxième position

avec 91 000 personnes réparties dans 6 clustersrelevant de ce secteur d'activité.

On peut obtenir une indication de la performance deces clusters au travers des volumes d'exportationréalisés spécifiquement par ces agglomérats sur lapériode 1997 à 2005 (source: Institut pour la stra-tégie et la compétitivité). La France occupe la

17 L'Observatoire européen des clusters établi un classement des clusters ayant au moins un critère d'excellence parmi les troissuivants; taille (effectifs d'emplois), spécialisation (rapport de la concentration régionale à la moyenne européenne) etfocus (concentration des emplois du secteur d'activité au sein d'un bassin régional d'emploi).

Effectifs nationaux des clusters pharmaceutiquesrégionaux des principaux pays européens en 2006

(les valeurs représentent la part nationale del'effectif des clusters du secteur de l'UE27, en %)

2.85.5

10.7

15.6

21.825.2

020 00040 00060 000

80 000100 000120 000

Irlan

de

Suiss

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Espag

neIta

lie

Fran

ce

Allem

agne

Source : Observatoire européens des clusters

Volume des exportations réalisées par lesclusters de biopharmacie entre 1997 et 2005

(en million de dollars)

$0 $10 000$20 000

$30 000$40 000

Allemagne

Belgique

Suisse

Etats-Unis

France

Royaume-Uni

Irlande

Italie

Reste du monde

Pays-Bas

Suède

Espagne

Danemark

Austriche

Canada

Chine

Japon

Singapour

Inde

Australie

Israel

Source : ISC

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cinquième place avec un volume d'exportationsréalisées par les clusters présents sur son territoirede l'ordre de 22 milliards de dollars sur l'ensembledes neuf années de référence, ce qui représente8,5 % de l'ensemble des exportations mondiales desclusters durant cette période (pour un volume totalde 263 milliards de dollars) et équivaut à près d'uneannée d'exportation de médicaments de la France.

En revanche, l'évolution des exportations des clus-ters français entre 1997 et 2005 montre uneérosion sensible des parts de marché mondialesavec un repli de l'ordre de 1 % alors que les troispremiers pays du classement (hors Belgique) sontstables ou en légère progression (-0,1 % pour lesEtats-Unis, 0 % pour la Suisse et +0,3 % pourl'Allemagne). La France est accompagnée dans labaisse de parts de marché mondiales par leRoyaume-Uni, pays pour lequel le recul est encoreplus net (-2,4 % en détenant 8,2 % des exporta-tions mondiales des clusters). La forte progressionde l'Irlande (+2,6 %) est susceptible de changerprofondément le classement dans les prochesannées à venir si aucune modification n'inter-vient.

Ainsi, le secteur pharmaceutique français présentede réels atouts tant au niveau de sa concentrationgéographique et donc des externalités positivesqui en découlent, que de la compétitivité, appré-ciée au travers des exportations de produits phar-maceutiques en provenance de ces zones d'excel-

lence. La taille et les performances desclusters français du médicament, en parti-culier au regard des autres bassins d'em-plois européens du secteur, confirme l'impor-tance que représente ce secteur d'activité pourl'économie française, notamment au regard de lacompétition internationale. Toutefois, à l'imagedes autres éléments constituant de la compétitivitéfrançaise de l'industrie du médicament, les évolu-tions relatives des dernières années ne permettentpas de présupposer le maintien de notre positionsans un travail de redynamisation et d'adaptationaux nouveaux enjeux productifs et technologiquesdu secteur.

En résumé, si la politique de promotion des pôlesde compétitivité paraît une réponse adaptée parson aptitude à générer des effets de réseaux entredifférentes parties prenantes de la chaîne devaleur de l’industrie du médicament, ce dispositifparaît présenter deux défauts principaux. Toutd’abord, la dissémination de l’effort au sein dehuit pôles différents peut nuire à la visibilité inter-nationale de chacun des pôles voire placer ceux-ciparfois en situation de concurrence à la fois pourdrainer les projets innovants et les financementsassociés. Ensuite, l’effort relatif de financementpublic paraît en retrait des montants qui avaientpu être mis en place notamment en Allemagne audébut des années 2000 afin de contribuer àcombler le retard de développement de l’industrieallemande dans le domaine des biotechnologies.

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Conclusion générale

L’industrie française du médicament est le premier producteur européen depuis près dequinze ans. Cette première position est la résultante des compétences spécifiques dansle domaine des sciences du vivant construites de longue date en France. Elle résulteégalement de choix politiques mis en œuvre au début des années 1990 qui ont façonnél’attractivité et la compétitivité du site français de production dans ce secteur spécifique.

Une politique industrielle volontariste associée à des stratégies d’entreprise a contribuéà faire de l’industrie du médicament opérant en France une industrie compétitive àmême de répondre à des enjeux de santé publique, dégageant un solde commercialexcédentaire, créant de l’emploi sur le territoire.

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Les cartes de l’organisation géographique de la production de médicaments sont toute-fois rebattues par les profondes mutations que connaît le secteur :

• un rendement de la recherche et développement classique qui décroît, • une arrivée dans le domaine public d’un nombre croissant de brevets, • l’émergence de biomédicaments qui renouvelle radicalement les process à la fois de

découverte, de développement et de production des médicaments, • des difficultés d’accès aux financements pour les acteurs du médicament, difficultés

qui ont pu être aiguisés par la crise financière.

Face à ces bouleversements, le site français dispose d’atouts à faire valoir. Des compé-tences et un savoir-faire reconnus internationalement, une situation en termes de coûtssalariaux dans l’industrie pharmaceutique proche de la situation moyenne européennesinon légèrement plus favorable, un marché de grande taille, une bonne image généralede la qualité/prix des produits. En revanche, si l’imposition des revenus du capital estdans la moyenne de celle observée dans les pays européens, certains de nos principauxconcurrents ont fortement abaissé les taux d’imposition, soutenant ainsi leur attractivité,quand la France les maintenait quasiment stables.

Surtout, la position de la France paraît fragile sur certains segments clés de la chaîne devaleur du médicament. Des réponses ont déjà été apportées à certaines faiblesses iden-tifiées par le passé. Le recul de l’attractivité de la France pour les essais cliniques avaitété bien démontré au début des années 2000. La création de CeNGEPS a été uneréponse à cet enjeu clé du développement de cette industrie. S’il est trop rapide d’éta-blir une relation de cause à effet, quelques indicateurs suggèrent que le recul de lacompétitivité du site français pour les essais cliniques est enrayé. Il convient toutefois derester prudent en l’espèce.

Le point le plus préoccupant est celui de la position de la France dans le domaine de l’in-dustrie du biomédicaments. Des faiblesses apparaissent en plusieurs points clés de lachaîne de valeur. L’observation vaut pour la recherche fondamentale située en amont del’industrie du médicament et dont la part de marché mondiale (notamment dans ledomaine biomédical) s’est érodée depuis le début des années 2000. Cette observationvaut également pour le développement d’essais cliniques de biomédicaments, domaineoù la France souffre d’un retard manifeste par rapport au Royaume-Uni ou à l’Allemagne.Elle vaut également pour les capacités de production tant de lots cliniques que de lotscommerciaux installées sur le territoire. Elle vaut enfin pour l’accès au financement parun capital-risque sous-dimensionné par rapport aux mouvements mondiaux.

Une piste de réponse a été trouvée dans le développement des pôles de compétitivité.Toutefois, outre que ceux-ci soient encore par trop récents, ils peuvent pâtir d’une faibleexposition internationale. Les moyens publics dont ils ont pu bénéficier jusqu’à présentparaissent en outre en retrait des efforts qui ont notamment été conduits outre-Rhin.D’une manière générale, une stabilité dans les règles de gouvernance de la politique dumédicament paraît être un élément clé de l’attractivité d’un territoire pour le dévelop-pement de ce secteur.

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18 Discours de M. le Président de la République devant les Laboratoires Internationaux de Recherche, Palais de l’Elysée, 5 juin2009.

En revanche, en promouvant des effets de réseaux et d’agglomération, les pôles decompétitivité sont un levier clé pour le renouvellement du socle sur lequel s’étaitéchafaudé par le passé le développement d’une industrie compétitive. Des réponsesnouvelles sont à apporter afin de combler le retard relatif de la France dans le domainedes industries de biotechnologie. Ce socle industriel, créateur de compétences et desavoir-faire reconnus, peut aussi être mobilisé pour faciliter le développement d’uneindustrie du façonnage à même de fournir à nos concitoyens des médicaments, fiables,génériques ou non, de haute qualité certifiée par des process de contrôle performants.Il y a là un enjeu fort de préservation de l’emploi industriel de production sur le territoireet de reconversion de sites existants.

Deux leviers clés apparaissent ainsi : le renforcement des conditions de la compétitivitédes capacités déjà installées sur le territoire, d’une part, l’adaptation de l’outil derecherche, de développement et de production au défi des biotechnologies, d’autrepart. C’est par une action déterminée sur ces deux leviers qu’il pourra être répondu àl’engagement pris par le Président de la République de : « faire en sorte que les indus-tries de santé deviennent un axe majeur de la compétitivité de la France18 ».

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Coe-Rexecode...L’analyse économique au service des entrepriseset du débat public

Une mission de veille conjoncturelle

Coe-Rexecode assure un suivi conjoncturel permanentde l’économie mondiale et des prévisions économi-ques à l’attention de ses adhérents :

• Réunions de conjoncture et perspectives • Documents : cahier graphique hebdomadaire de

400 séries statistiques, Lettre de quinzaine présen-tant notre lecture de l’actualité économique, présen-tation trimestrielle des perspectives économiques, enFrance et dans le Monde : matières premières, paysémergents…

• Un accès aux économistes pour toute demande ouinterprétation de problématiques conjoncturelles

• Un accès au centre de documentation pour laveille et la recherche d’informations

• Un accès au service statistique : nos statisticiensalimentent quotidiennement la base Teleco riche deplus de 9 000 séries et distribuée par Global Insight.

Une mission de participationau débat de politique économique

La participation au débat public de politique économi-que est soutenue par des membres associés (institution-nels), la Chambre de Commerce et d’Industrie de Pariset des membres partenaires (entreprises). L’activitéde participation au débat de politique économiquecomporte trois volets : des travaux d’études spécifiques,un cycle de réunions de politique économique etl’organisation des Rencontres de la croissance (avecla participation du Premier Ministre) prolongées parl’édition d’un ouvrage sur l’état d’avancement desréformes en France.

• Un cycle de réunions sur des questionsde politique économique

Plusieurs thèmes d’actualité sont abordés lors de réu-nions de travail préparées par Coe-Rexecode auxquel-les participent des représentants des membres asso-ciés et partenaires, des économistes et, le cas échéant,d’autres personnalités extérieures.

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• Les travaux d’études spécifiques

Des travaux d’études sont menés pour analyser lesconséquences économiques du Grenelle del’Environnement, le développement des entreprises dusecteur des services à la personne, le lien entre écono-mie globale et télécommunications. Les axes de recher-che portent sur le financement de la protection sociale,sur l’emploi et les chiffres de la compétitivité françaiseet sur l’évaluation économique des politiques de pro-tection de l’environnement.

• Les Rencontres de la croissance

Coe-Rexecode organise depuis 2003 les Rencontres dela croissance, placées sous la présidence du PremierMinistre. L’institut publie à cette occasion un ouvrageaux Éditions Economica, remis au Premier Ministre etlargement diffusé. Les titres des ouvrages précédentsétaient : Des idées pour la croissance, ouvrage recueil-lant les contributions de 77 économistes, La crois-sance par la réforme et Demain l’emploi si... (dispo-nibles en librairie, Éditions Economica). Ces manifes-tations ont pour but d’éclairer l’ensemble des acteurséconomiques et sociaux (entreprises, fédérations pro-fessionnelles, administrations, personnalités politiqueset de la société civile…) sur les modalités et enjeux dela croissance, de débattre des réformes structurellesqu’elles impliquent, d'examiner le chemin parcouruau cours des dernières années et d’envisager celui quireste à parcourir vers l’objectif d’une croissance dura-ble au rythme de 3 % l’an.

Les adhérentsde Coe-RexecodeL’adhésion à Coe-Rexecode est ouverte à tous, entrepri-ses, administrations, fédérations professionnelles,quelle que soit leur taille. Les 80 adhérents correspon-dants de Coe-Rexecode comptent de grandes entrepri-ses industrielles, des banques, des organismes de ges-tion financière, des fédérations professionnelles et desadministrations. Les membres associés sont les mem-bres qui soutiennent les études sur le système productifet la participation au débat de politique économique.