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Auto-Saisine n° 15 / 2014
La gouvernance par la gestion intégrée des ressources en eau au Maroc :
Levier fondamental de développement durable
www.cese.ma
Conseil Economique, Social et Environnemental
Auto-Saisine n° 15 / 2014
La gouvernance par la gestion intégrée des ressources en eau au Maroc :
Levier fondamental de développement durable
Le temps est donc venu pour nous de changer radicalement notre perception et
notre attitude à l’égard de l’eau à travers la gestion de la demande de cette ressource
et la rationalisation de sa consommation. Il importe, en outre, de poursuivre les eff orts
qui sont engagés pour mobiliser toutes les ressources hydriques mobilisables. Il nous
incombe, parallèlement, d’aller plus loin dans la réalisation d’installations de stockage
et d’assurer, dans un souci de solidarité inter-régionale, le transfert des eaux à partir
des bassins excédentaires vers les bassins défi citaires.
Afi n d’alléger la charge des investissements, il est devenu nécessaire de rechercher
de nouvelles formules de fi nancement et de gestion des ouvrages hydrauliques. De
même qu’il nous incombe de revoir nos choix et nos options concernant les modes de
production agricole, en tenant compte - pour cette question que Nous considérons
hautement prioritaire - du facteur rareté de l’eau et du coût de production réel dans
notre pays. »
Extrait de l’allocution Royale à la 9ème session du CSEC de 2001
Dépôt légal : 2014 MO1940
ISBN : 978-9954-635-00-1
ISSN : 2351-857X
Conseil Economique, Social et Environnemental
Imprimerie SIPAMA SARL
Auto-Saisine n°15 / 2014
• Conformément à la loi organique n° 60-09 relative à la création du ConseilEconomique,SocialetEnvironnementaletàsonrèglementintérieur;
• Vuladécisiondel’AssembléeGénéraledu26décembre2012des’autosaisirsurlethèmerelatifàLagouvernanceparlagestionintégréedesressourceseneauauMaroc:Levierfondamentaldedéveloppementdurable
• VuladécisiondubureauduConseildu22mars2013d’adopterlanotedecadragerelativeà«LagouvernanceparlagestionintégréedesressourceseneauauMaroc:Levierdedéveloppementdurable»;
• Vulapremièrelectureparl’AssembléeGénéraledu27février2014durapportsur«LagouvernanceparlagestionintégréedesressourceseneauauMaroc:Levierdedéveloppementdurable»;
• Vu l’adoption par l’Assemblée Générale du 27 mars 2014 du rapport sur « LagouvernanceparlagestionintégréedesressourceseneauauMaroc:Levierdedéveloppementdurable»,durésuméexécutifetdel’avisduCESE
Le Conseil Economique, Social et Environnementalprésente son rapport
Rapport préparé par
La Commission Permanente chargée des Affaires de l’Environnement et du Développement Régional
Président de la commission : Mohamed DAHMANIRapporteur de la commission : Nour-eddine CHAHBOUNIRapporteur du thème : Moncef ZIANI
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Levier fondamental de développement durable
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Sommaire
Synthèse
1. Introduction 17
2. Contexte actuel 21
3. Politique de l’eau du Maroc : entre acquis et contraintes 25
3.1. Objectifs stratégiques 25 3.2. Principales contraintes 26 3.3. Grandes réalisations et leur impact sur le développement 29 socioéconomique 4. Gouvernance actuelle du secteur de l’eau du Maroc 33
4.1. Volet institutionnel 33
4.2. Volet réglementaire 36
4.3. Planifi cation des ressources en eau 37
4.4. Mobilisation et valorisation des ressources en eau 39
4.5. Gestion des ressources en eau 40
4.6. Protection des ressources en eau contre la pollution 41
4.7. Information, sensibilisation et rôle de la société civile 42
4.8. Financement du secteur de l’eau 43
4.9. Formation, recherche dans le secteur de l’eau 46
5. Benchmark international : Enseignements issues des bonnes 49 pratiques de gouvernance institutionnelle du secteur de l’eau
6. Recommandations
7. Annexes
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69Annexe 1: Liste des membres de la commission permanente chargée des aff aires environnementales et du développement régional
Annexe 2: Liste des auditions
Annexe 3: Benchmark international de la gouvernance de l’eau
Annexe 4: Références bibliographiques
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Synthèse
Depuis son indépendance en 1956, et pour faire face à des apports pluviométriquesglobalement insuffisants et spatialement hétérogènes, leMaroc amené une politique degestion des ressources en eau qui a permis unemobilisation relativement efficiente desressourcesconventionnelles,surfaciquesetsouterrainesdontdisposeleRoyaume.
InitiéeparfeuSaMajestéleRoiHassanII,lapolitiqueéclairéedesbarrages,enl’occurrence,aétéladirectionprincipaleentrepriseaupays.Cettepolitiquevolontaristequiétaitunélémentstructurantdelagestiondesressourceshydriquesaportésesfruitsentermesdestockagedesapportsponctuels,étendantainsi lasuperficiedesterrains irriguésà1millionetdemid’hectaresetdiminuantsignificativementlesrisquesd’inondation.
Par ailleurs, et en terme de gestion des ressources en eau, le système de gouvernances’articulant autour de l’unité autonome du bassin hydraulique devait constituer un atoutmajeurdansl’établissementd’uneapprochelocaliséedelagestiondelaressourcehydrique,toutenadoptantdesprincipesdesolidarité inter-régionsetdesoutienparsubventiondel’Etatafindepalieràunehétérogénéitéspatialeprononcée.Lastratégiedecréationdeneufsagencesdebassinshydrauliques sevoulaitporteused’unegestion intégrée,décentraliséeetconcertéedesressourceseneau,quiaeupoureffetunegénéralisationdel’accèsàl’eaupotableàhauteurde94%delapopulationruraleetunecouverturetotaledelapopulationurbaine.
Toutefois, en l’absence d’un cadre global structurant, la concertation n’a pas trouvél’environnement propice à sa mise en pratique. En effet, malgré l’existence du Ministèredéléguéchargédel’eauetduConseilSupérieurdel’EauetduClimat,conçuenaccordanceavec l’article 13 de la loi sur l’eau 10-95, et dont la raison d’être est la formulation derecommandationssur lesorientationset lesschémasdirecteursglobauxdelapolitiquedel’eaunationaleet,l’étenduedesattributionsdechacundesacteursn’apasatteintlamaturitéet l’efficiencenécessairespourdevenir suffisammentvisible.Desurcroit, le seulorganederégulationopérationnelque forme laCommission Interministériellede l’Eauacesséd’êtreactifdepuisdesannées,cequilimiteconsidérablementlechampd’actiondesacteurs.Cesderniers,departleurmultiplicitéetlessituationsallantdumulti-recouvrementàl’absencedecouverture,leschémaglobald’interopérabilitédevientextrêmementcomplexe,générateurderisquesmajeursetparconséquentinefficient.
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Sicescarencesorganisationnellesn’ontpasgénéréd’impactmajeurparlepassé,lasituationactuelles’inscritdansunenvironnementautrementpluscontraignant,notammentauseind’unedemandedeplusenpluscroissanteassociéeàuneoffremenacéepardes facteurstels que le changement climatique et l’épuisement ou la dégradation des ressourcesconventionnelles,enraisond’acteshumainsrépréhensiblesaggravésparunegouvernanceinefficienteetdontl’organisationestàreconsidérerprésentement.
Dans ce sens, d’autres alternatives doivent être examinées dans le cadre de la stratégienationalede l’eau initiéeen2009. Il ne s’agitplus ici de se contenterde ceque lanaturenous permettait traditionnellement de mobiliser, mais de pousser les mobilisations desressourcesnonconventionnellesà la limiteduréalisable.Eneffet, l’examendespossibilitésdedessalementd’eaudemer,deréutilisationdeseauxuséesépuréesetdedéminéralisationdeseauxsaumâtres,entreautres, toutenagissantparallèlementsur larationalisationde lademande,devraitpermettreundoublegain.
Eneffet, lesdirectives issuesde l’allocution royale,prononcéeà l’occasionde laneuvièmecession du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat en 2001, s’inscrivent distinctementet explicitement dans la logique de « l’eau et l’assainissement, un droit pour tous », sontincorporéesdansunevisionstratégiquededéveloppementdurableetconfortéesetprônéespardiverstexteslégislatifsoudesaccordsratifiésparleMaroc,notammentl’article31delaConstitutionmarocainede2011, le rapportde2011duCESE intitulé « PourunenouvelleChartesociale:desnormesàrespecteretdesobjectifsàcontractualiser»,laloicadren°99-12portantCharteNationaledel’EnvironnementetduDéveloppementDurable,leseptièmedesObjectifsduMillénairepourleDéveloppement,etplusfondamentalement,laconclusionverslaquelleaaboutil’AssembléeGénéraledesNationsUniesde2010,etquireconnaitledroitàuneeaupotablesalubreetproprecommeundroitabsolu,essentielaupleinexercicedudroitàlavieetdetouslesdroitsdel’Homme.
L’accomplissementdecesrésolutionsrequiertlaconductiond’unepolitiqueàlafoisprotectriceet valorisante de la ressource, mais également et surtout novatrice et bénéficiant desmeilleurespratiquesenmatièredegouvernance.Decefait,unefocalisationsurl’améliorationdel’efficiencedesmodesdegestionactuelsdesressourceseneaus’avèrepertinente.Aussileprésentrapportseveutporteurd’unevisionpartagéedespartiesprenanteetproposedesaméliorationsetdesrupturesmajeurestraduitessousformederecommandationsarticuléesautourd’unegestionintégréedel’eau,commelevierdedéveloppementsocioéconomiquedurabledupays.
Laditeapproche,pourqu’ellesoitjusteetefficace,devraitaffichersonorientationetsefaireselonlesprincipesdechoixpolitiquespertinents,clairsettransparentsdesabordsdécisionnelsspécifiques, sous l’aile de l’organe opérationnel concerné. Idéalement, et en applicationdes principes de la démocratie participative, les choix des projets et d’implémentationdessolutions techniquesdoiventémanerdespopulations localeset intégrer lescontextesrégionauxet locauxetenprésenceeffectivedesacteursdelasociétécivileetdesusagers
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danslesprocessusdeprisededécision.Enoutre,elledoitégalementseprojeterdanslefuturparl’implémentationd’unesolidaritéinterrégionaleettrans-générationnellegarantissantlaréponseaubesoindespopulations futures,à traversuneconsolidationde lagestionde laconnaissancedesrisquesliésàl’eauafindepermettrel’actionanticipativeetlecaséchéantuneadaptationréactivepréalablementplanifiée.
Le diagnostic de la situation actuelle relative à la gestion des ressources en eaumontreque leMinistèreDéléguéChargéde l’Eauet leConseilSupérieurde l’EauetduClimatneconstituentpasdanslefaitdevéritablesentitésdecoordination.Desurcroit,laCommissionInterministérielle de l’Eau est inactive, et les Agences de Bassins Hydrauliques sont peuefficacesàcausedeleurmanqued’autonomiedécisionnelleetdesdotationsfinancièresetdesmoyenshumainsinsuffisants.
Sur le plan réglementaire, bien que la loi 10/95 sur l’eau se veuille en accord avec lesproblématiquesprésentes,elledemeureensituationdedéphasageaveclesréalitésetbesoinsdumomentetsouffred’unefaibleeffectivitédestextesd’application.
Globalement,lesmodesdeplanificationetd’exécutionentrainantdesdélaisexcessifsetdessituationsdedéphasageentresous-projetsdoiventêtrerevus.Concertationetconvergencedoiventconstituerlesmaitresmotsdanstouttracéschématiquedesagentsœuvrantdanslesecteurdel’eau.
Danscetteoptique,l’actionàassumerestdouble.Elleconcerneenpremierlieulavalorisationdelaressourceenprenantenconsidérationsasituationcritiqueàbiendeségards,notammentlesrisquesliésàlasurexploitationdenappesàfaibletauxderenouvellement,lescapacitésthéoriques de stockage des barrages et les capacités réelles du fait de l’envasement, lesdécalagesentrelestempsdestockageparbarrageetd’irrigation,etlaperteparévaporationqui en découle, et finalement, la faible réutilisation des eaux usées épurées. Il convientégalement de signaler la faible contribution des ressources en eau dans la productionhydroélectrique globale du pays. En second lieu vient le volet protection des ressourcesen eau en implémentant, d’une part, les textes relatifs au principe « pollueur-payeur »jusqu’alorsoubliés,endéveloppantensuitel’assainissementetlesstationsd’épurationpourlesgénéraliser,etenfin,enspécifiantlescritèresdespérimètresdeprotectionpourréduirelespollutionsquileurseraientassociées.
Etantdonnéque laproblématiquede l’eauestuniverselle, etnotammentpour lespays àclimatrelativementprochedeceluiduMaroc,ilaétéjugénécessairedemeneruneétudedecaspour4paysvoisinsoudeclimatsimilaireetquipourraientreprésenterdesmodèlesdesquelsdesenseignementsutilesenmatièredegouvernancedel’eaupourraientêtretirés.
Entantquepaysleplusaridedel’Europe,etavecunefortehétérogénéitéentrelenordetlesud,l’Espagneaconvenuuncadreinstitutionnelorganisépourlagestiondel’eau,unegestionqui incombe particulièrement aux confédérations hydrographiques rattachées à chaquebassin,alorsquelaconcertationestassuréeparunorganeconsultatifindépendant:leConseil
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Nationaldel’Eau,représentatifdesdifférentsacteursdudomaine.L’Espagneaégalementlaparticularitéd’êtrelequatrièmeutilisateurdestechnologiesdedessalementdanslemonde.
EnFrance,lapolitiquedel’eauauniveaunationalestportéeparleMinistèredel’Ecologie,duDéveloppementDurable,desTransportsetduLogementetlacoordinationentrelesdifférentssecteursestassuréeparlaMissionInterministérielledel’Eau(MISE).Lagestionlocaliséeestégalementrépartieparbassin,oùlesComitésdeBassinsontchargésdedéfinirlesgrandesorientationsdelagestiondel’eauauseindechacun,etlesAgencesdel’Eaudesamiseenœuvre.Elleestbaséesurlesseptprincipesfondamentauxsuivants:Unegestiondécentraliséeauniveaudesbassinsversantshydrographiques,uneapprocheintégrée,l’organisationdelaconcertationetdelacoordination,uneplanificationetuneprogrammationpluriannuelles,la tarificationde l’eauauvolumedesprélèvementsetconsommations, lamobilisationdesressourcesfinancièresspécifiquesmutualiséesauniveaudubassin,etunerépartitionclairedesresponsabilitésentrelesautoritéspubliquesetlesopérateursprivéspourlagestiondesservicesmunicipauxdel’eaupotableetdel’assainissement.
La Jordanie fait partie des dix pays les plus pauvres en ressources en eau au monde, laJordaniequiplusestpartagesesressourceseneauavecsesvoisins.Lagestioncoopérativedecesressourcestransfrontalièresluiestdoncimposéecommeunenécessitéetsastratégieglobales’orienteselon le recouvrementdesdifférentscoûts liéesà l’eau, lapromotiondestechnologies et des systèmes économes, la recherche de la productivité maximale et lasensibilisationdelapopulationàl’économiedel’eau.Sapolitiqueinterne,elle,s’articuleautourdetroisacteursprincipaux:leMinistèredel’Eauetdel’Irrigation,chargédel’élaborationdelapolitiquenationale,leWaterAuthorityofJordan,quiestuneinstitutionpubliqueautonomeàlaquelleincombentlesmissionsdeplanification,réalisationetmaintenancedel’infrastructurepubliquehydraulique,enparallèleaveclagestiondespermisdeprélèvements, ladesserteen eau potable et la régie de l’assainissement, et le Jordan Valley Authority, organismeresponsabledudéveloppement,del’utilisationetdelaprotectiondesressourceseneaudelavalléeduJourdain.LaJordanies’appuieégalementsurl’implicationdusecteurprivédansledomainedel’eau.
EnTunisie,lapolitiquedel’eauestpasséed’unegestiondel’offreaucoursdestroisdernièresdécenniesàunegestiondelademande,àtraversenparticulierlamiseenplaceen1995d’unProgrammeNational d’Economied’Eau en Irrigation (PNEEI), dont l’objectif est d’atteindreuneefficienceglobalede85%à l’horizon2025.Parailleurs, lagestionde l’eaupotableetcelledel’assainissementsontdifférenciées:Lesecteurdel’eaupotableestgéréparlaSociétéNationaled’ExploitationetdeDistributiondesEaux,alorsquelesecteurdel’assainissementestgéréparl’OfficeNationaldel’Assainissementquiestégalementresponsabledelaprotectioncontrelespollutions.
DanscecadreeteuégardàcescontraintesidentifiéesetfaceauxenjeuxetdéfisàreleverentermedegouvernanceparlagestionintégréedesressourceseneauauMaroc,leConseilEconomique Social et Environnemental incite les pouvoirs publics à accélérer le rythme
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actueldemiseenœuvredesobjectifs,fixésà l’horizon2020,par laStratégieNationaledel’Eauainsiqueparlesprogrammessectorielsdanslesdomainesdel’assainissementliquideetdel’économied’eaudansl’irrigation.Danslemêmecadre,leCESErecommandeégalementlafixationdenouveauxobjectifsliésàlagénéralisationdel’économied’eauàusageindustrielle,touristique et domestique. Ces deux axes permettront la réalisation d’une mobilisationd’eausupplémentaireannuellede6,4milliardsdem3paran,représentantplusde25%desressourcesglobalesannuellesdupaysetplusde6foislesprélèvementsderessourcesnon-renouvelablesactuelles,répartiscommesuit:
31%àtraverslaréalisationde400millionsdem3parand’eauprovenantdudessalementd’eaudemeretdeladéminéralisationdeseauxsaumâtres;
27%àtraverslapoursuitedelapolitiquedebarrage; 25%àtraverslaconversionmassiveàl’irrigationlocaliséeet/ouàl’aspersion; 11 % à travers la réutilisation des eaux usées épures et l’économie d’eau à usage
industrielle,touristiqueetdomestique; et6%àtraversl’améliorationdesrendementsdel’adductionetdeladistributiond’eau.
Afinde concrétiser cette ambition, il convientde rendre lagouvernance institutionnelleactuelleaxéesurlagestionintégréedesressourceseneau,efficienteettransparente.PourcelaleConseilproposedixrecommandationsmajeuresexplicitéessousformedemesuresopérationnelles(voirCh.6recommandations):
1. Lerenforcementdelaconcertationetdelagestionintégréedesressourceseneauàl’échellenationale.
2. Lerenforcementdelaconcertationetdelagestionintégréedesressourceseneauàl’échellerégionaleetlocale.
3. Lamiseàniveauetl’opérationnalisationdudispositif législatifetréglementairedusecteurdel’eau.
4. L’intensificationet ladiversificationdesmoyensdemobilisationdesressourceseneau.
5. Lerenforcementdel’axe«Gestiondelademande»delastratégienationaleàtraversdesprogrammesnationauxdemaîtrisedelademande,d’économieetdevalorisationdesressourceseneauauniveaudetoutelachaînedevaleursdusecteurdel’eau.
6. Le renforcement des dispositifs et des programmes nationaux de protection desressourceseneau.
7. Lapromotiondupartenariatpublic-privédanslesecteurdel’eau.8. Ledéveloppementd’unmodèledegestionéquitableetéconomiquementviable
dusecteurdel’eau.9. L’adaptationdesprogrammesd’éducation,deformation,deR&Detdesensibilisation
auxdéfisdusecteurdel’eau.10. Lerenforcementdescapacitésdesintervenantsdanslesecteurdel’eauenmatière
degestiondelaconnaissancedesrisquesetdeschangementsclimatiques.
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1.Introduction
Conformément aux dispositions du Règlement Intérieur du Conseil Economique, Socialet Environnemental, la Commission chargée des affaires de l’environnement et dudéveloppementrégionalaélaboréleprésentRapport,danslecadred’uneauto-saisine.
L’eauconstitueune ressourcenaturelle incontournable,unenjeumondialetunesituationàrisquepour lamajoritédespays.Lesactivitéssocio-économiquesendépendent ;quandelleestcontrôlée,ellepourraitêtre synonymedepérennitéetdeprogrès.AuMaroc, l’eauestcaractériséeparunehétérogénéitépluviométriquespatiale,uneirrégularitétemporelleetunefortevulnérabilitéaussibienauxchangementsclimatiquesqu’auxméfaitsdesactivitésdel’Homme(prélèvements,rejetsdepolluants…).
Les ressources en eau (RE) auMaroc sont l’objet d’enjeuxmajeurs ; elles conditionnent, àfortiori, l’ambition de développement socioéconomique du pays. LeMaroc a ainsi connudifférentessituations:unealternancedepériodesd’abondancedanslesannéespluvieusesetdecrisesépisodiquesdirectementliéesàlasècheresse.
Une situation passée relativement confortable
L’approchevolontaristeduRoyaumeavait ses raisonsd’êtrepuisqu’il s’agissaitnotammentd’assurer l’équité sociale en terme de redistribution des ressources en eau, de promotiondel’hygièneentermedesantépubliqueetd’assurerlasécuritéalimentairedanslemonderurald’abord,toutenfavorisantledéveloppementsocioéconomiqueglobaldupays.Ainsilapolitiqueinitialeéclairéedesbarragesapufairesespreuves,endotantlepaysderéservoirsdesRE, touten limitant les risquesd’inondation.Cettesituation,avantageusepar lepassé,adûatteindrevoirefranchirseslimitesentermesdecapacité,d’organisationetdemoyensmobilisablespourfairefaceàdenouveauxbesoins.
Une situation actuelle peu pérenne en raison des pressions humaines et des facteurs naturels disparates, aggravée par une Gouvernance ine� cace
L’économieduMarocdemeurerésolumentrythméeparlesfluctuationsdel’activitéagricole,plutôt croissantemalgrédesbilanspluviométriques annuels contrastés. Il est à noter quelebilanpluviométriquenationalestcaractériséparune fortevariabilité spatiale ; certainesrégions(dunord-ouestnotamment)enregistrentunepluviométrienormaletrèsexcédentairealors que d’autres régions (du sud et du sud-est notamment) connaissent régulièrementunesituationpluviométriquedéficitaire.Ainsi leseffetsdirectset indirectsdecettedenréedeviennentdèslorsévidentssurlessecteursproductifsetparconséquentsurlePIBdupays.
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Parailleurs, leMarocassistecesdernièresannéesàuneaccentuationdelapressionsur lesressourceseneauenraisondelaconjugaisondeplusieursfacteursdont:
• leshabitudesdeconsommationdesREpeuéconomesvoiredéraisonnéesdanscertainscas;
• les modes d’exploitation utilisés des RE et qui sont rendus parfois agressifs par lesavancées techniques et technologiquesqui peuvent impacter irréversiblement voireanéantircomplètementdesécosystèmesentiers;
• unecroissancenongéréedelapopulationurbaineetpériurbainecequirendcomplexeles processus de collecte, d’évacuation et d’élimination des déchets ménagers etassimilésquiseretrouventsouventévacuésdansdesdéchargessauvagesetdanslescoursd’eau;
• lesautresformesdepollutionengendréeparl’activitédel’Homme,etnotammentdanslessecteursproductifs.
Pourcequiestdel’analysedel’étatdesREauMaroc(qualitéetquantité),etselonleprincipede causalité PER (Pression-Etat-Réponse), les activités humaines exercent des Pressions deplusenplusfortes,impactantnégativement,etced’unemanièrequasiirréversible,laqualitéet laquantitédesRE.En raisondesbesoinsdespopulationsetdesactivitéséconomiquesproductives,etàcausedesprélèvementsetdelasurexploitationdecertainesnappesnonrenouvelables,lapérennitédesREseretrouvesérieusementmenacéepournepasdireentamée.Desurcroit,l’existencedesituationsdesurexploitationdesREdansdessous-secteurspréciscomme celui de l’agriculture irriguée conjuguée à l’usage parfois déraisonnable d’engraisetdepesticidesaltèrent laqualitédesnappesetmenacent leurdurabilité.Cette situationengendredegravesconséquencessurlasantépublique,labiodiversité,l’environnement,etnotammentsurlesressourceseneaudupaysaussibienenquantitéqu’enqualité.
Desurcroit,lesimpératifsenmatièrededéveloppementéconomiqueetsocialimposentderecouriràl’aménagement,àlamobilisation,àlaproductiond’eaupotable,àlagestionetàlaprotectiondesREpoursatisfairelesbesoinsdespopulationsetdessecteursproductifs.Cesbesoinscroissantssontsouventconcurrentiels,voireparfoisopposés,cequirendleprocessusdeplanification,demiseenœuvreetdegestiondel’eaufortcomplexe.Enoutre,lerythmed’exécutiondifférenciédesprojetsrelatifsauxpolitiquessectoriellesaccroîtlacomplexitédel’exercicedesuivietdediagnosticetimposeuntraitementspécifiquedechaquedomaine(infrastructure,équipements)aussibienpour lamobilisationet ladistributionde l’eauquepourl’assainissement.
Euégardàlamultiplicitédesintervenantsdanslagestiondesressourceseneau(RE)etaumanquededonnéesstatistiquesconvergentes,ilimportedesoulignerlanaturecomplexedecesecteurvital.Unetellesituationappelleàlavigilanceetàl’adoptiond’unegouvernanceplusefficienteenmatièredegestiondesREàl’échelledesterritoires.
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Une situation future menaçant la durabilité des RE
Euégardàlavisionetàlavolontéaffichéesauplushautsommetdel’Etat,àl’ambitiondemaintenir leRoyaumesur latrajectoiredespaysenvoiededéveloppement,auxstratégiessectoriellesetauxplansstratégiquesdedéveloppementsocioéconomique(PlanMarocVert,Vision tourisme 2020, Plans Emergence I&II, etc.) et vu les constats du Conseil relatifs auxsituationsdefaiblesseetlesmenacespesantsurlesRE,leMarocdoitétabliruneapprochenouvellepourunmodedegestionintégrée,plusefficace.Ainsi,ildevientimpératifd’asseoirlesbasesd’unegouvernanceresponsabledusecteurdel’eau,permettantd’organiserl’offre,degérerlademande,decontrôlerl’utilisationselonlecyclecompletdel’eau(mobilisation,production,distribution,collecte/traitementetrevalorisation),toutenassurantlaprotectionetlaconservationdesressourceseneaupourlesgénérationsfutures.
Laquestionde l’eauen tantque«bienpublic»devraitêtreérigéeencausenationaleoùpouvoirs publics, acteurs socioéconomiques, citoyens…. assument collectivement leursresponsabilités.Lesuccèsd’unetellepolitiquenécessitelapromotiond’unenouvelleculturedel’eauàl’échellenationale;uneculturequireconnaîtlesvaleursintrinsèqueetextrinsèquedecetterichesse,ycomprisentermedecontributionauPIB,quilaprotègedugaspillageetdelapollutionetquienfaitunvecteurdeprogrès.
Devantlesimpératifsdeprogrèséconomique,desécuritéalimentaireetdesauvegardedubien-êtredespopulationsactuellesetdesgénérations futures, lepaysgagneraàaccélérerlerythmederemiseàniveauetdemiseenœuvreducadrelégislatifetrèglementairepourunsecteuréconomiqueintégréàpartentière,selonuneapprocheterritoriale,etdesmodesdegouvernanceresponsablepourunegestionrationnelle,transparente,équitable,solidaire,participativeetrespectueusede l’environnement.Seule laconjugaisondefaçonéquilibréedel’ensembledecesdispositionspermettrad’atteindredesrésultatssatisfaisantsetdurables.
Laprésenteauro-saisineapourobjetetobjectifsde:
• faire l’état de la gouvernancedu secteur de l’eaupar une analyse des composantesinstitutionnelle, réglementaire, organisationnelle, technique, de planification, degestion,deprotectioncontrelapollution,definancement,detarification….;
• conduireuneanalyseapprofondiede lagouvernanceactuelleenmatièredegestiondesressourceseneauselonlaméthodeSWOTpourfaireressortirlesForces,Faiblesses,MenacesetOpportunités;
• s’inspirer des bonnes pratiques en matière de gouvernance du secteur de l’eau ens’appuyantsurunbenchmarkinternational;
• identifier des pistes d’amélioration et formuler des recommandations permettantd’optimiserlaGouvernancedusecteurdel’eauauMaroc.
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Le travailprésentédans leprésent rapport aétéconduit selon ladémarchehabituelleduConseil,àsavoir:
i. Référentiel de l’étude
• DiscoursRoyaux;• Constitution2011;• RapportsduCESEsur:
- leréférentieldelaChartesociale; - l’économieverte; - nouveaumodèlededéveloppementdesprovincesduSud;
• Recherche,synthèseetanalysedesdonnéesetdeladocumentationnationaleexistantesurlesecteurdel‘eauauMaroc;
• Recherchebibliographiquesurlagouvernancedel’eauauniveaunationaletinternationaletlaréalisationdebenchmarkinternationalenmatièredegouvernanceinstitutionnelledusecteurdel’eaudansquatrepays:Tunisie,Jordanie,EspagneetFrance.
ii. Auditions :• 13acteursinstitutionnels:
• Auniveaucentral:MinistèreDéléguéeChargéedel’Eau,MinistèreDéléguéeChargéede l’Environnement, Ministère de l’Intérieur, Ministère de l’Agriculture, Ministère duTourisme, Ministère de l’Industrie et du commerce, Haut-commissariat des Eaux etForêtsetluttecontreladésertification.
• Auniveaurégional:deuxAgencesdeBassinHydrauliquedeOumRabiaaetdeSebou,ORMVADoukkala.
• 6acteurséconomiques:CGEM,CMPP,OCP,COMADER,ONEE/BrancheEau,LYDEC.• 2ONG:FédérationNationaledesAssociationsduConsommateurFNACetAssociation
EauetEnergiepourtous.• 8Expertsnationaux.
iii. DébatsetéchangesauseindelaCommissionpermanenteenchargedesaffairesdel’environnementetdudéveloppementrégionalduCESEainsiqu’àl’échelledesinstancesduConseil.
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2.Contexteactuel
L’eau au Maroc : une culture ancestrale, avant-gardiste et synonyme de richesse
Detouttemps,lepeuplemarocainaconsacréàl’eautoutel’attentionqu’ellemériteetasucréerdesararetéunerichesse.Lacivilisationetlaculturedel’eauontévoluéauMarocgrâceàdiversapportssuccessifsquil’ontenrichieetdiversifiée.Ainsi:
- lesRomainsontintroduit lesgrandesadductionsd’eaupourlesvillesetontouvertlavoieauxgrandstransfertsd’eau;
- lesIdrissidesontfondéaudébutduIXèmesièclelavilledeFèsetl’ontéquipéededizainesdekilomètresdeconduitesd’eau(eauxdesources,eauxd’oueds,eauxusées)commeilsontfavorisélaconstitutiond’unecorporationpourlesgérer(Kwadsia);
- lesAlmoravidesont introduit, auXIème siècle, les KhettarasprincipalementdanslesrégionsduHaouz,duTafilaletduleSouss;
- ladynastiedesAlaouitesadéveloppécethéritagetechniqueetsocial,enrichipar lesAndalous,créantauNorddupayscommedans lesoasisduSud,depetits périmètres d’intensification des cultures vivrières et industrielles etperpétuantcessavoir-faireingénieuxaccumulésaufildutemps.
Ainsi,leMarocapucapitaliserdessavoirsetdestechniquesdemobilisationetdegestiondesressourceseneauenavancesurleurtemps.
L’arrivéeduprotectoratauMarocen1912,annonçaitl’introductiondel’approchecentraliséede la gestion des ressources en eau. En effet, dès 1914, les autorités du protectorat ontpromulgué lapremière loi sur l’eaupour réglementer lagestiondecette ressourceetdesinstancescentralesdegestionde l’eauontétécréésdans troisdépartementsministériels:l’Intérieur, l’Equipement et l’Agriculture. Chacun de ces départements gérait un volet dusecteurdel’eau.
Les fondements de la politique de l’eau au Maroc : l’eau un vecteur de développement économique et humain
Dès1967,FeuSaMajestéLeRoiHassanII,engrandvisionnaire,ainitiélapolitiquedesbarrages,quiatoutaulongdesonrègnebénéficiédesaHauteSollicitude,luiapportaitlesajustementsquenécessitaientlesévènementsdumomentoulesimpératifsdel’avenir.
Cettepolitique,quivisaitprincipalementl’irrigationd’unmilliond’hectaresavantl’an2000,aétélancéeparFeuSMleRoiHassandanssondiscoursprononcéàTangerle18septembre1067: «Il semble que le Maroc puisse, par l’entremise d’un grand réseau de barrages, irriguer un
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Conseil Economique, Social et Environnemental
million d’hectares. A l’heure actuelle, nous n’arrivons à irriguer que 150 000 hectares sur le potentiel d’un million d’hectares irrigables. …/… Le million d’ha est une réalité et non point un rêve ou un mirage…»
Leplanquinquennal1968-1972aaccordélaprioritéàlaréalisationdesbarragesetl’objectifd’irrigationd’unmilliond’hectaresaétéannoncé.LaconstructiondesbarragesaétéconfiéeauMinistèredesTravauxPublics(DiscoursduTrônele3mars1967).
La Direction de l’Hydraulique fut donc créée en 1967 pour mettre en place un plan dedéveloppementde l’infrastructurehydrauliqueet superviser sa réalisation.Elledevaitaussiassurerlamarocanisationdesonencadrement.
L’eau et l’assainissement au Maroc : un Droit pour tous
• Dans la nouvelle constitution marocaine (2011)
L’importancecapitalequ’accordeleMarocàl’eauaétéconfirméedanslanouvelleconstitution(article31)adoptéeenjuillet2011,promulguéeparleDahirn°1-11-91du27Chaabane1432(29 juillet2011).L’article31de laconstitutionconfirmeeneffet ledroità tous lescitoyensd’accéder à l’eau et à un environnement sain et à un développement durable. L’Etat, lesorganismespublicsetlescollectivitésterritorialesdoiventœuvrerpourlamobilisationdetouslesmoyensdisponiblespourfaciliter l’égalaccèsdescitoyennesetcitoyensauxconditionsleurpermettantdejouirdecedroit.
• Dans le rapport du Conseil Economique et Social intitulé « Pour une nouvelle Charte sociale : des normes à respecter et des objectifs à contractualiser » de 2011
LeCESErappellequeleMarocdevraétendreetgarantirl’accèsàl’eaupotableetaméliorerl’accès aux services d’assainissement afin d’assurer à tous les citoyens une vie digne etpermettrel’améliorationcontinuedubien-êtreindividueletcollectif.
• Dans la loi cadre portant Charte Nationale de l’Environnement et du Développement Durable
Cetteloicadreprécisequetoutepersonnealedroitdevivredansunenvironnementsain,quiassurelasécurité,lasanté,laprospéritééconomique,leprogrèssocialetlaqualitédevie,etoùsontprotégésetvaloriséslespatrimoinesnaturelsetculturels.
• Dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)
LeMarocaadhéréauxOMD,dontl’objectif7quiviseàintégrerlesprincipesdudéveloppementdurabledans lespolitiquesetprogrammesnationauxet inverser la tendanceactuelleà ladéperditiondesressourcesenvironnementales.
Cetobjectifviseàréduiredemoitiéen2015,lepourcentagedelapopulationquin’apasd’accèsdefaçondurableàunapprovisionnementeneaupotableetàdesservicesd’assainissementdebase.
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
• Dans les conventions et traités internationaux rati� és par le Maroc
En2010,l’AssembléeGénéraledesNationsUniesareconnuledroitàuneeaupotablesalubreetproprecommeundroit fondamental, essentiel aupleinexercicedudroit à la vieetdetouslesdroitsde l’Homme.Cedroitdécouledudroit àunniveaudevie suffisant, telqueprévu à l’art. 11 du Pacte International sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels.
La Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement, tenue à Riode Janeiro (Brésil) en 1992, a permis la prise de conscience internationale des problèmesenvironnementauxdusessentiellementàunepopulationmondialeencroissancecontinueet à desmodes de production et de consommation inadaptés. Elle a créé une nouvelledynamique qui a abouti à une série de décisions en faveur d’une meilleure gestion del’environnement,notamment:
• Agenda21:lancementduprogramme«Action21»entantquePland’Actionplanétairesur l’environnement et le développement que la communauté internationale s’estengagéeàmettreenœuvre;
• Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC);Convention sur la Diversité Biologique (CDB) : visant la conservation de la diversitébiologiqueetl’utilisationdurabledeseséléments,ainsiquelepartagedesavantagesquiendécoulent;
• Déclarationdeprincipessurlaprotectiondesforêts;• ConventiondeluttecontreladésertificationetlaSécheresse(résultantdesnégociations
delaCNUED).
LeMarocaratifié:• lesconventionsetprotocolesuivantsissusdelaconférencedeRIOetquisonten
relationavecl’eau: - laconventionCadredesNationsUniessurlesChangementsclimatiques(1992); - laconventionsurlaBiodiversité(1995); - laconventionsurlaluttecontrelaDésertification(1994);
• leprotocoledeKyotorelatifàlaConventioncadredesNations-Uniessurleschangementsclimatiques(1997).
Parailleurs, leconsensusinternationalenmatièredegestiondel’eauaétédécrit lorsdelaconférenceduPNUEsurl’eautenueàDublin(Irlande)en1992.Lesprincipesadoptéssont:• l’eauestunbiencommun;• l’eauestunbienéconomique;• lagestiondel’eaudoitêtreparticipativeetintégrée;• lesfemmesjouentunrôledepremièreimportancedanslagestiondel’eau.
• Dans le programme politique du gouvernement de 2012
Leprogrammedugouvernement(présentédevantleparlementenjanvier2012parlechefdugouvernement)apourobjectifs:• lamaitrisedelademandeeneau;• larationalisationdesonutilisation;
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Conseil Economique, Social et Environnemental
• lapréservationdesressourcesdisponibles;• lapoursuitedelamobilisationdesressources,endiversifiantleursoriginesetendéve-
loppantlamobilisationdesressourceseneaunonconventionnelles.
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
3.1. Objectifs stratégiques
Lesecteurdel’eauauMarocatoujoursbénéficiéd’unintérêtparticulierdespouvoirspublicsetaétéaucentredespréoccupationsdespolitiqueséconomiquesetsocialesduMarocenraisondeson rôledéterminantpourassurer la sécuritéhydriqueetalimentairedupaysetpouraccompagnersondéveloppementsocioéconomique.
Eneffet, leMarocaréussiàbâtirunmodèledegestionde l’eau,propreaupaysetcitéenexempleàl’échelleinternationale.Cemodèleestbasésurunepolitiquede:
planificationàlongtermelancéeaudébutdesannées80(quipermetauxpouvoirspublicsd’avoirunevisibilitéàlongterme:20à30années);
maîtriseetmobilisationdesressourceseneauconventionnelles; développementdescompétencestechniques.
Des avancées majeures ont également été enregistrées dans les domaines législatif,réglementaireetinstitutionnel,notammentaveclapromulgationdelaloisurl’eau10-95quiainstaurélagestionintégrée,participativeetdécentraliséedesressourceseneauparbassinhydrauliqueeta introduitdesmécanismesfinanciersdeprotectionetdepréservationdesressourceseneau.
Les objectifs stratégiques du Maroc dans le secteur de l’eau ont évolué en deux phasesprincipales:-Lapremièrephaseacommencédèsl’indépendanceets’estétaléejusqu’audébutduXXIèmesiècle.Elleestcaractériséeparunepolitiqueaxéenotammentsur:
• la gestion de l’offre à travers la réalisation d’une importante infrastructurehydrauliquepermettant:
• l’accèsàl’eaupotable;• ledéveloppementdel’irrigationàgrandeéchelle;• lasatisfactiondesbesoinseneaudel’industrieetdutourisme;
• ledéveloppementdel’assainissementdanslemilieuurbain.
-Ladeuxièmephase,entaméeaudébutdu21èmesiècle,vialamiseenplaced’unenouvellestratégienationaledel’eauen2009,estcaractériséenotammentpar:
• l’encouragementdel’économieetdelavalorisationdel’eaumobilisée(gestiondelademande),àtravers:
3.Politiquedel’eauduMaroc:entreacquisetcontraintes
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Conseil Economique, Social et Environnemental
• la conversion massive à l’irrigation localisée : Programme Nationald’Economied’EauenIrrigation(PNEEI);
• l’améliorationdesréseauxdedistributionurbainsetd’adductiond’eauverslespérimètresirrigués(permettantd’améliorerleurefficiencehydraulique);
• lapoursuitedelagestiondel’offreàtraversnotamment:• le renforcementde lamobilisationdesressourceseneauconventionnelles
(notammentsuperficielles)parlaréalisationdenouveauxbarrages;• lamobilisationdesressourceseneaunonconventionnelles,notammentle
dessalementdel’eaudemeretladéminéralisationdeseauxsaumâtres;
• la sauvegarde des bassins versants (Programme National d’Aménagement desBassinsVersants;PNABV),desoasisetdeszoneshumides;
• laluttecontreleseffetsdévastateursdesinondations(deplusenplusfréquentes):PlanNationaldeProtectionContrelesInondations(PNPCI);
• la préservation de la qualité naturelle des ressources en eau et leur protectioncontrelapollution:• domestique:MiseenœuvreduPlanNationald’AssainissementLiquide(PNA)
etduProgrammeNationaldesDéchetsSolidesMénagers(PNDM);• industrielle(incitationàl’épurationdesrejetsd’eauxpolluées);• agricole (développement de l’irrigation localisée réduisant le transfert des
engraischimiquesetdespesticidesverslesnappesd’eausouterraine).
3.2. Principales contraintes
Lesecteurdel’eauduMarocestconfrontéàplusieurscontraintesnaturellesetanthropiques,dontnotamment:
3.2.1. Contraintes naturelles :
Ellessontconstituéespar:• l’hétérogénéitéspatialeettemporelledesapportsd’eau(Fig.1);• leurfaiblesse(22milliardsm3/an);• leurraréfactionsousl’effetdeschangementsclimatiques(Fig.2etFig.3etTab.1);• desinondationsdévastatricesdeplusenplusfréquentes;• l’importance de l’érosion des sols et la forte dégradation des sols (23Millions hatouchésparl’érosion),pertedecapacitédestockagedesbarragesparenvasement(75Millionsm3/anetpertetotalecumulée:1750Millionsm3sur17.5Milliardsm3decapacitétotaledestockagedesbarragesduMaroc);
3.2.2. Contraintes anthropiques :
Ellessontconstituéespar:• la surexploitation des ressources en eau souterraine et à la baisse alarmante desniveauxdeplusieursnappes(Fig.4);
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
• ladétériorationdelaqualiténaturelledesressourceseneausuperficiellesetsouterrainesparlesrejetspolluants(Fig.5);
• la faiblessedevalorisationdes ressourceseneaumobilisées (notammentdans le
secteuragricole).
Fig. 1 : Répartition spatiale des apports d’eau superfi cielle du Maroc
Source : Département de l’eau 2013
Fig. 2: Evolution des apports d’eau superfi cielle (Période : 1945-2010)
Source : Département de l’eau 2013
Source : Seconde Communication Nationale Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, 2010
Scénario SRES
A2
B2
-5 -18.82 -34.22
-21.51-13.27-9.79
ΔQ/Q % 2020 ΔQ/Q % 2050 ΔQ/Q % 2080
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Conseil Economique, Social et Environnemental
Fig. 3: Projection des ressources en eau du Maroc à l’horizon 2020
Saturati on des ressources en eau conventi onnelles mobilisables du Maroc en 2020Source : Seconde Communication Nationale Convention Cadre
des Nations Unies sur les Changements Climatiques, 2010
Fig. 4 : Evolution des niveaux de quelques nappes du Maroc
Source : Département de l’eau 2013
Fig. 5: Evolution des volumes d’eaux usées
Source : Département de l’eau 2013
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
3.3. Grandes réalisations et leur impact sur le développement socioéconomique
Les réalisati ons du Maroc dans le domaine de l’eau sont nombreuses, dont les principales sont citées ci-dessous:
3.3.1. Institutionnalisation de la planifi cation et de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau
• InstitutionnalisationduConseilSupérieurdel’EauetduClimat(CSEC);• Institutionnalisationdelagestionintégrée,décentraliséeetconcertéedesressourceseneauàtraverslacréationdeneufagencesdebassinshydrauliques(ABH);
• Planificationintégréedesressourceseneau:• Elaborationd’unenouvellestratégienationaledel’eauen2009;• PlanNationaldel’Eau(PNE);• PlansDirecteursd’AménagementIntégrédesRessourcesenEau(PDAIREs);
3.3.2. Grand eff ort de mobilisation des ressources en eau conventionnelles
• Réalisation de 135 grands barrages, totalisant une capacité de stockage de 17.5Milliardsdem3 (Fig.6). 14grandsbarrages sontencoursde réalisation, avecunecapacitédestockageadditionnellede2.6Milliardsm3;
• Réalisationde13systèmesdetransfertd’eausuperficielle.
Fig. 6 : Evolution du nombre et de la capacité de stockage des grands barrages du Maroc
Source : Département de l’eau 2013
3.3.3. Quasi-généralisation de l’accès à l’eau potable
• Enmilieuurbain:Tauxdedessertede100%,avec94%commetauxdebranchementauréseaudedistribution;
• Eaupotablerurale:Tauxd’accèsestpasséde14%en1994àplusde93%actuellement(Fig.7).
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Conseil Economique, Social et Environnemental
Fig. 7: Evolution du taux de branchement et de desserte en eau potable en milieux urbain et rural
Source : Département de l’eau 2013
3.3.4. Développement du dessalement de l’eau de mer• Capacité actuelledeproduction : environ30000m3/jpour l’alimentationeneaupotable(AEP)desvillesdeLaâyoune,deBoujdouretd’Akhfennir;
• De nouvelles stations de dessalement sont programmées pour l’AEP des villesd’Agadir(100000m3/j),deSidiIfnietdeTantan(10000m3/j).
3.3.5. Développement de l’assainissement liquide et de l’épuration des eaux usées
- Milieu Urbain : • Elaboration etmise enœuvre du Plan National d’Assainissement (PNA) lancé en2006 au profit de 300 villes et centres (taux de raccordement actuel au réseaud’assainissement:72%);
• Tauxd’épurationdeseauxusées:26%(volumedeseauxuséesrejetées:600Mm3/an);
- Milieu rural : • 40%delapopulationdisposed’undispositifd’assainissement.
3.3.6. Développement de l’irrigation dans l ’agriculture
• Irrigationde1.5millionsd’hectares,dontles2/3sontéquipésparlespouvoirspublics(Fig.8).
• Participationdel’agricultureirriguéeà:• 14%duPIBnational;• 45%delavaleurajoutéeagricole;• 75%desexportationsdusecteuragricole;• 40%desemploisenmilieururaletà25%auniveaunational.
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
Fig. 8 : Répartition des systèmes d’irrigation et des superfi cies irriguées
Source : Département de l’eau 2013
3.3.7. Développement de l’énergie hydroélectrique
• Puissancetotaleinstalléedel’ordrede1730MW,cequiapermisd’assurerjusqu’à10%delaproductiontotaled’électricitédupays(Fig.9).
Fig. 9: Evolution de la puissance installée en Méga Watt d’origine hydraulique
Source : Département de l’eau 2013
3.3.8. Protection contre les inondations
• ElaborationetmiseenœuvreduPlanNationaldeLutteContre les Inondations(PNLCI):400sitesvulnérablesoupointsnoirsontétéinventoriés,dont100ontététraités(Fig.10).
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Conseil Economique, Social et Environnemental
Fig. 10: Répartition par bassin des sites vulnérables aux inondations
Source : Département de l’eau 2013
3.3.9. Protection des ressources en eau contre la surexploitation et la pollution • Instaurationd’unrégimed’autorisationetdecontrôledel’utilisationdesressources
eneau;• Instauration en cours des zones de protection contre la surexploitation et la
pollution(contratsdenappes);• Instauration d’instruments financiers en application des principes de préleveur-
payeuretdepollueur-payeur(loisurl’eau10/95).
3.3.10. Développement des compétences nationales
• Autonomieentermesd’ingénierieetd’entreprisesdetravauxhydrauliques;
• Renforcementdecapacitédescadresetpersonneldusecteurpublic;
• Contribution audéveloppementde la recherche appliquée enpartenariat avecl’Université.
Conclusion
Lesgrandssuccèsenregistrésparlapolitiquedel’eauauMarocdansledomainedel’offre,ne doivent pas cacher les baisses alarmantes et continues des niveaux de la plupart desnappes(dépassantparfois2m/an),laforteetl’étenduedelapollutiondesressourceseneausuperficiellesetsouterrainesetlafaiblessedelavalorisationdesressourceseneaumobiliséesdupaysetdelanonmaîtrisedelademandeauniveaudessecteursproductifsetdesménages.
Unedesprincipalescausesàlaracinedecettesituationestliéeaumodeactueldegouvernancedusecteurdel’eau,c’estlaraisonpourlaquelleleCESEaprocédéàundiagnosticapprofondi,selon l’approcheSWOT,decettepolitique,qui fait l’objetduchapitre4suivantduprésentrapport.
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
4.Gouvernanceactuelledusecteurdel’eauau
maroc
Une analyse SWOT (Forces, Faiblesses, Menaces et Opportunités) approfondie de lagouvernancedusecteurdel’eauduMarocaétéeffectuéeàpartirdesdonnéesetdocumentsofficiels collectés lors des vingt-huit auditions organisées par le CESE avec plusieursdépartementsministériels,organismespublics,lesecteurprivé,lesusagersdel’eau,lasociétécivileetdesexpertsnationaux.
Cetteanalyseaconcernétouslesaspectsdelagouvernancedel’eau:voletsinstitutionneletréglementaire,planification,gestion,mobilisation,valorisation,protectiondesressourceseneau,financement,information,sensibilisation,formationetrecherche-développement.Les résultats de l’analyse SWOT ont été analysés en détail et débattus par la commissionpermanentechargéedesaffairesdel’environnementetdudéveloppementrégionalduCESE.
LasynthèsedecetteanalyseSWOTfaitl’objetdesparagraphessuivants:
4.1. Volet institutionnel
L’examendel’organisationinstitutionnelledusecteurdel’eauduMarocfaitressortirplusieursavancéesquiontpermisauMarocdesedistinguerauniveauinternational,dontnotamment:
• lamiseenplaceduConseilSupérieurdel’EauetduClimat(CSEC,prévuparlaloisurl’eau10-95,article13),chargédeformulerlesorientationsgénéralesdelapolitiquenationaleenmatièredel’eauetduclimat.
Le CSEC examine également et formule son avis sur la stratégie nationaled’amélioration de la connaissance du climat et la maîtrise de ses impacts sur ledéveloppement des ressources en eau, le plan national de l’eau et les plans dedéveloppement intégré des ressources en eau des bassins hydrauliques et enparticulierlarépartitiondel’eauentrelesdifférentssecteursusagersetlesdifférentesrégionsdupaysoud’unmêmebassin,ainsiquelesdispositionsdevalorisation,deprotectionetdeconservationdesressourceseneau.LeCSCEestprésidéparlechefdugouvernementetsonsecrétariatestassuréparleministrechargédel’eau.
• lamiseenplaced’uneCommissionInterministérielledel’Eau(CIE,instauréeparunecirculaireduPremierMinistre),quiapourmissiond’examineretdemettreenoeuvrelesdispositionsnécessairespourassurerundéveloppementcohérentetconcerté
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Conseil Economique, Social et Environnemental
dusecteurdel’eau,deveilleretd’assurerlesuividelamiseenoeuvredesrecommandationsduCSEC.Elleestconstituéeparlesreprésentantsdetouslesdépartementsministérielsconcernésparlesquestionsdel’eau;
Fig. 11. Organisation du secteur de l’eau du Maroc
Source : Département de l’eau, 2013
Tab. 2 : Attributions des diff érents départements ministérielsintervenant dans le secteur de l’eau
Source : M. Chaouni, 2005
1Planification2Inventairedesressourceseneau3Financement4Mobilisationdesressourceseneau5Irrigation6Alimentationeneaupotableetindustrielle
7Hydroélectricité8Maintenancedesouvragespublics9ProtectionduDPH10Sensibilisationdupublic11Policedel’eau
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
• lamiseenplaced’unministèredéléguéchargédel’eau(MDCE,auprèsduministèredel’Energie,desMines,del’Eauetdel’Environnement)quialaresponsabilitédelamiseenoeuvrede lapolitiquenationalede l’eau. Il est représenté auniveaurégionalparlesAgencesdeBassinsHydrauliques(établissementspublicsdotésdelapersonnalitémoraleetdel’autonomiefinancière,chargésdelamiseenoeuvred’unegestiondécentralisée,intégréeetconcertéedesressourceseneaupargrandbassinhydraulique)etauniveauprovincialparlesservicesdel’eau.
Plusieursautresinstitutions,conseilsetcommissionsinterviennentégalementdanslamiseenœuvredelapolitiquenationaledel’eauduMaroc,dontnotamment:
• des départements ministériels : Ministère Délégué Chargé de l’Environnement,Ministèredel’AgricultureetdelaPêcheMaritime,Ministèredel’Intérieur,Ministèrede la Santé, Ministère de l’Economie et des Finances et le Haut-CommissariatChargédesEauxetdesForêtsetdelaLutteContrelaDésertification;
• des organismes de concertation du secteur de l’eau : Conseil National del’Environnement(CNE),ConseilsRégionauxdel’Environnement(CRE),CommissionsPréfectoralesetProvincialesdel’Eau(CPPE);
• les collectivités locales : régions, assemblées préfectorales, et provinciales etconseilscommunaux;
• desétablissementspublicsetprivés: - OfficeNationaldel’Electricitéetdel’EauPotable(ONEE); - OfficesdeMiseenValeurAgricole(ORMVA,neufautotal); - RégiesAutonomesdeDistributiondel’Eauetdel’Electricité; - Concessionnairesprivés(REDAL,LYDEC,AMENDIS).
Lesattributions,compositionetfonctionnementdecesdifférentesinstitutionsdusecteurdel’eauontfaitl’objetd’uneanalysepréalableàl’élaborationdecerapport.
Cependant,malgré la réussitedece schéma institutionnelqui a fait sespreuves,des axesd’améliorationsontnécessaires,relatifsnotammentà:
• l’absenced’unorganederégulationopérationneldusecteurdel’eau(laCIEn’estpasopérationnelledepuisdenombreusesannées);
• laclarificationdesattributionsetdufonctionnementduCSEC(notammentdansle cadre de la nouvelle constitution duMaroc et de la régionalisation avancéeprojetée);
• lamultiplicitédesintervenantsetopérateursetauchevauchementparfoisdeleursattributions (multiplicité d’intervenants devenue une contrainte pour la bonnegouvernancedusecteurdel’eauaussibienauniveaunational,régionalquelocal);
• l’insuffisancedecoordinationentrelesdépartementsconcernésparl’eau;• l’insuffisanced’autonomieetd’indépendancedesABHsvis-à-visdudépartement
del’eau.
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Conseil Economique, Social et Environnemental
LamiseenœuvredelanouvelleconstitutionduMaroc,larégionalisationavancéeprojetée,l’actualisation en cours de la loi sur l’eau 10-95, la mise enœuvre de la nouvelle CharteCommunale constituent autant d’opportunités à l’amélioration et à l’adaptation du cadreinstitutionnelactueldusecteurdel’eau.
4.2. Volet réglementaire
L’arsenaljuridiquedel’eauduMarocestconstituénotammentparlaloisurl’eau10-95etparsestextesd’application.Cetarsenala introduitunchangementprofonddans la législationantérieuredel’eauetl’aégalementcomplétépardesdispositionsrelativesàdesdomainesqu’ellenecouvraitpasauparavant.Laloisurl’eaus’estfixéelesobjectifssuivants:
• uneplanificationcohérenteetsoupledel’utilisationdesressourceseneau,tantàl’échelonnationalqu’auniveaudesbassinshydrauliques;
• unemobilisationoptimaleetunegestionrationnelledetouteslesressourceseneau,entenantcomptedesprioritésfixéesparlePlanNationaldel’Eau;
• unegestiondes ressourceseneaudans lecadred’uneunitégéographique ; lebassin hydraulique (qui constitue une innovation importante permettant demettreenœuvreunegestiondécentraliséedesressourceseneau);
• uneprotectionetuneconservationquantitativeetqualitativedudomainepublichydrauliquedanssonensemble;
• unevalorisationdesressourceseneauetunerentabilisationdesinvestissementsyafférentstoutenprenantenconsidérationlesdroitsàl’eauacquis.
Cependant,malgrécetapportimportantdelaloisurl’eau10-95etdesestextesd’application,quelquesaxesd’améliorationsontnécessaires,notammentceuxrelatifs:
• auretarddepublicationouàl’absencedecertainstextesd’application:pollueur-payeur,valeurs limitesdes rejets industriels (paruesen2014,soitenviron19ansaprèsladatedepromulgationdelaloisurl’eau,etdontl’applicationn’estprévuequ’en 2018), gestionde l’eau enpériodede sécheresse, déclarationde l’état depénuriedel’eau,modalitésd’octroidesaidesfinancièrespourlaréutilisationdeseauxuséesépurées,...;
• àlanonapplicationdequelquesarticlesdelaloisurl’eau:instaurationetrespectdezonesd’interdiction(danslesquelleslesniveauxdesnappesoulaqualitédeseauxsontdéclaréesendangerdesurexploitationoudedégradation),instaurationdespérimètresdeprotectiondescaptagesd’eaupotable(telsquelessources,lespuits,lesforages,lesimpluviums...);
• àlacarenceauniveaudel’applicationdecertainstextes:délimitationetrespectdudomainepublichydraulique,préleveur-payeur,pollueur-payeur,instaurationetrespectdespérimètresdesauvegarde(zonesoùledegréd’exploitationdeseauxsouterrainesrisquedemettreendangerlesressourcesexistantes)...;
• au suivi et à l’évaluation de l’application et de l’efficience de l’arsenal juridiqueactuel.
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
D’autres axes d’amélioration du volet réglementaire de l’eau sont également possibles,notammentceuxrelatifs:
• àl’absenceducodedel’eauduMaroc(rassemblantl’ensembledestexteslégislatifsetréglementairesrelatifsàl’eau);
• aux délais excessifs séparant les dates d’établissement des Procès-Verbaux desinfractionsconstatéesparlesagentsdelapolicedel’eauetcellesdel’exécutiondesjugementsparlestribunaux;
• àl’absencedetribunauxspécialisésdansledomainedel’eau;• àl’absenced’expertseneauindépendantsetassermentés...
Parailleursplusieursopportunitésontétéidentifiéespourrendrel’arsenaljuridiquedel’eauopérationneletplusefficientàtraversnotammentlamiseenplaceduprojetderégionalisationavancée,delanouvelledémarched’élaborationdelaloiorganiquedesfinances,desnouvellesexigencesdelaloicadreportantchartenationaledel’environnementetdudéveloppementdurable,larévisionencoursdelaloisurl’eauetlafinalisationduplannationaldel’eau,etc.
4.3. Planifi cation des ressources en eau
LeprocessusdeplanificationdesressourceseneauduMarocesttrèsdéveloppéets’appuiesurplusieursinstrumentsmodernesetlaconcertation,permettantaupouvoirpublicd’avoirunevisibilitéàlongterme(20à30années).Ceprocessuscomporteplusieursniveaux:
• LeMarocs’estdotéeen2009d’unestratégienationalede l’eau (SNE) innovanteetambitieusequiapermisàl’Etatd’avoirunefeuillederouteglobaleenmatièredegestiondesressourceseneauetdesobjectifschiffrésà l’horizon2030.Cettestratégieestbaséesurlesaxessuivants:lagestiondelademandeetlavalorisationdes ressourceseneau, lagestionet ledéveloppementde l’offre, lapréservationetlaprotectiondesressourceseneau,laréductiondelavulnérabilitéauxrisquesliésà l’eau, l’adaptationauxchangementsclimatiques, lapoursuitedesréformesréglementaireset institutionnelles, lamodernisationdesSystèmesd’Informationetlerenforcementdesmoyensetdescompétences;
• La stratégie nationale de l’eau a fait l’objet d’une mise en cohérence et deconvergenceaveccelledusecteuragricoledocumentéedanslePlanMarocVert.
• lePlanNationalde l’Eau (PNE),quidéfinit lesprioritésnationalesenmatièredemobilisationetd’utilisationdesressourceseneau,leprogrammeetl’échéancierderéalisationdesaménagementshydrauliquesàl’échellenationale,lesarticulationsqui doivent exister entre ce plan et les plans d’aménagement intégré desressources en eau par bassin hydraulique (PDAIREs), les plans d’aménagementduterritoire…, lesmesuresd’accompagnementnécessairesàsamiseenœuvre(d’ordreéconomique,financier, réglementaire,organisationnel,de sensibilisationetd’éducationdespopulations), lesconditionsdetransfertdeseauxdesbassinshydrauliquesexcédentairesversceuxquisontdéficitaires…
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• LaPNEestétablipourunepérioded’aumoinsvingt(20)ansetpeutfairel’objetderévisionspériodiquestouslescinqans,saufencasdecirconstancesexceptionnelles(exigeant une modification de son contenu avant cette période). Le PNE estélaborépar ledépartementministériel chargéde l’eau sur labasedes résultatset conclusions des plans directeurs d’aménagement des bassins hydrauliques(PDAIRE).Ilestapprouvépardécret,aprèsavisduConseilSupérieurdel’EauetduClimat;
• lesplansdedéveloppementintégrédesressourceseneau(PDAIREs)desbassins.
• La planification des ressources en eau du Maroc est décentralisée au niveaudesbassinsversantsdesgrandsoueds,baséesurdesapprochesparticipativeetterritorialeetsurlaparticipationdesusagers.
L’analyse du processus de planification suivi montre quelques insuffisances et des axesd’améliorationsontidentifiésrelatifsnotamment:
• aux délais excessifs d’élaboration et de validation du Plan National de l’Eau et desPDAIREs;
• à l’absence de participation effective de la société civile et des usagers de l’eau àl’élaborationetàl’évaluationdelastratégienationaledel’eau,duPlanNationaldel’Eau,desPDAIREs…
• InsuffisancedeconvergenceentrelaSNEetdesplanssectorielsdesquelquessecteurproductifs industriel et touristique et déphasage entre les dates de réalisation dequelquesbarragesetcellesdeséquipementshydro-agricolesdespérimètres irriguéssituésenaval,choixdesitesdequelquesbarragesdansdeszonesvulnérablesàl’érosiondessolsdesbassinsversantsengendrantl’envasementdeleursretenuesetlaréductionde leur capacité de stockage, aménagement de zones industrielles dépourvues destationsd’épurationdeseauxusées...);
D’autresaxesd’améliorationconcernentégalement:
• lesrôlessimultanésdeplanificateuretd’aménageurremplisparledépartementchargédel’eau;
• laprédominancedelapolitiquedel’offreparrapportàcelledelademandeeneau;
• l’absence d’une adaptation planifiée aux risques liés à l’eau (sécheresses excessives,pénuriesdel’eau,désertification,rupturesdebarrages,remontéeduniveaudelamer…).
PlusieursopportunitésseprésententpouraméliorerlaplanificationactuelledesressourceseneauauMaroc,dontnotammentlamiseenplaced’unnouveauministèrechargédel’eau,larégionalisationavancéeprojetée,lafinalisationencoursduPlanNationaldel’Eau,l’évaluationencoursdelastratégienationaledel’eau,l’actualisationprojetéedelaloisurl’eau10-95,leprojetdeloiencoursdepréparationparledépartementdel’eausurlasécuritédesbarrages,lapréparationencoursdelastratégienationaledel’environnementetdudéveloppementdurable…
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4.4. Mobilisation et valorisation des ressources en eau
LeMarocaréussiàassurerlaquasigénéralisationdel’accèsàl’eaupotable(100%enmilieuurbain et 94% enmilieu rural), l’irrigation d’une superficie de 1.5millions d’hectares et lasatisfactiondesbesoinseneauindustrielle,c’estgrâceàl’effortcolossaldemobilisationdesressourceseneauconventionnellequ’ilaconsentietcedèsl’indépendance.
Plusieurs programmes nationaux ont été mis en place ayant pour objectifs de favoriserl’économieetlavalorisationdesressourceseneauenagriculture,oncitenotamment:
• leProgrammeNationald’Economied’EauenIrrigation(PNEEI)ayantpourobjectifslareconversionde550000haàl’irrigationlocalisée(2008-2020),l’accroissementdelaproductivitéetdelavalorisationdel’eauetlagestiondurabledesressourceseneau;
• leProgrammed’Extensiondel’Irrigation(PEI),ayantpourobjectifslavalorisationde1,2Milliarddem3/an,larentabilisationdesinvestissementspublicsdemobilisationdesressourceseneau(barrages),l’augmentationdelavaleurajoutéeagricoledeprèsde2,3MilliardsdeDH/an,lacréationdeprèsde60000emploispermanents,l’accroissementdesrevenusdesagriculteurs,l’atténuationdel’exoderuralverslesvilles…;
Lesmesuresprévuesparlastratégienationaledel’eaupermettrontdefairedeséconomiesde2.5Milliardsdem3/an(àtraversdesactionssurlademande)etdedégageruneressourceeneauadditionnellede2.5Milliardsdem³/an(àtraversl’actionsurl’offre).
Cependant,malgrétousceseffortsetréussites,desaxesd’améliorationsontencorepossiblespourl’améliorationdelamobilisationetdelavalorisationdesressourceseneauduMaroc,relatifsnotammentà:
• la surexploitationdesnappes (1milliarddem3/anenmoyenne)ayantengendrédesbaissesalarmantesdeleursniveaux(casdesnappesdeSouss,duSais,duHaouz…);
• l’insuffisancedemobilisationdesressourceseneaunonconventionnelles(dessalementde l’eau de mer, déminéralisation des eaux saumâtres, réutilisation des eaux uséesépurées,collectedeseauxpluviales,utilisationdel’humiditédel’air...);
• l’insuffisanced’utilisationdeseauxdequelquesouvrageshydrauliques(casdesbarragesALWahdaetHassanII);
• la faiblessedesopérationsde rechargeartificielledesnappes (notammentcellesquisontsurexploitées).
Lesaxesd’améliorationdelavalorisationdel’eauconcernentégalement:
• lafaibleefficiencedel’irrigationgravitaire(majoritaire;68%);• l’importancedesfuitesd’eaudanslesréseauxd’irrigation(environ30%);• lafaiblevalorisationdel’eauparlesculturespratiquées;• lesprélèvementsillicitesd’eaud’irrigation(àcausedeladifficultéd’assurerdescontrôles
permanents);
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• lafaibleréutilisationdeseauxuséesépurées;• la faible contribution des ouvrages hydrauliques à la production de l’énergie
hydroélectrique (lapuissance installée,de l’ordrede1730MW, représentantàpeine10%delaproductiontotaled’électricitédupays);
Leprocessusdecoordination,deconcertationetdemiseencohérencedesprogrammeset stratégies sectoriels instauré en 2010 par le département de l’eau (dans le cadre de lamiseenœuvredelastratégienationaledel’eau)aveclespartiesconcernées(Ministèredel’AgricultureetdelaPêcheMaritime,leMinistèredel’EnergieetdesMines,leDépartementde l’Environnement, le Haut-Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte Contre laDésertification,lesABHsetl’ONEE)constitueuneopportunitéidéalepourmettreenœuvrelesaxesd’améliorationidentifiés,notammentceuxrelatifsàlavalorisationdesressourceseneauenagriculture.
4.5. Gestion des ressources en eau
LeMarocaoptédepuisunevingtained’annéespourcetteapprocheterritorialeparbassinhydraulique (institutionnalisée par la loi sur l’eau 10-95) qui constitue une des principalesforcesdelagestionintégréedesesressourceseneau(GIRE).
La répartitiondes ressourceseneaumobilisablesparbassin (dans lecadrede la solidaritéinterrégionale)etleurallocationpartyped’usagesontdéfiniesdanslePlanNationaldel’EauetlesPDAIREs(élaborésetadoptésaprèsunlongprocessusdeconcertation),enattribuantlapriorité à l’AlimentationenEauPotable, suiviepar la satisfactiondesbesoinseneaudel’agricultureetendernierlieulesbesoinsdel’hydro-électricité.Cesderniersnepeuventêtresatisfaitsquelorsqueleseauxalimentantlescentraleshydro-électriquessontutiliséespourl’irrigationdespérimètresagricolessituésenavaldescentraleshydro-électriques.
Plusieursdépartementsetorganismesinterviennentégalementdanslagestiondesressourcesen eau, notamment : ABHs (développement et gestion des ressources en eau, arbitragesentrelesdifférentsusages…),OfficesRégionauxdeMiseenValeurAgricole(gestiondel’eaud’irrigationauniveaudespérimètresirrigués),ONEE(productionetgestiondel’eaupotable),communes(distributiondel’eaupotable,assainissementetépuration),MinistèredelaSanté(contrôlede laqualitéde l’eau,gestiondeseauxminéralesetd’intérêtmédical),HCEFLCD(gestiondesmilieuxaquatiquescontinentauxetdeszoneshumides)...
Cependant,malgrélesuccèsglobaldelaGIREparbassinhydraulique,desaxesd’améliorationsontencorepossibles,notammentparrapport:
• à ladifficultéd’instaurerunegestion intégréeefficientepargrandbassinhydraulique(enraisondel’insuffisancedeconvergencedesprogrammesetprojetssectorielsliésàl’eau);
• l’insuffisancedeclartédesattributionsenmatièredegestiondesmilieuxaquatiquescontinentaux(zoneshumides)etdelaréutilisationdeseauxusées;
• l’insuffisanceducontrôledudomainepublichydraulique(DPH);• l’insuffisancedesopérationsderechargeartificielledesnappessurexploitées;• ….
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Plusieursopportunitésseprésententpourl’améliorationdelagestionintégrée,décentraliséeetconcertéedesressourceseneau,dontnotamment:
• l’évaluationencoursdelastratégienationaledel’eau;• lafinalisationencoursduPlanNationaldel’Eau;• larévisionencoursdelaloisurl’eau10-95;• larégionalisationavancéeprojetéeauniveaunational;• lamiseenplacedul’ONCA(OfficeNationalduConseilAgricole);
4.6. Protection des ressources en eau contre la pollution
Plusieursprogrammesnationauxontétémisenœuvrepourlaprotectiondelaqualitédesressourceseneau,dont leProgrammeNationald’AssainissementLiquide (PNAayantpourobjectifs l’épurationde100%desvolumesdeseauxuséesà l’horizon2030), leProgrammeNational des Déchets SolidesMénagers (PNDM), le ProgrammeNational d’AménagementdesBassinsVersants(PNABV),leProgrammedePréventionetdeTraitementdesEauxUséesIndustrielles,leProgrammedePréventionetdeTraitementdesEauxUséesArtisanales…
LesuividelaqualitédeseauxsuperficiellesetsouterrainesestassuréparlesABHs(àtraversdesréseauxdemesuresavecunefréquencegénéralementsemestrielle),ledépartementdel’environnement(observatoiresetservicesrégionaux),l’ONEE(captagesd’eaupotable),
lesORMVA(auniveaudespérimètresirrigués),leministèredelasantéetlesopérateursdeladistributiond’eaupotable(régiesetconcessionnairesprivés).
Plusieursaxesd’améliorationdelaprotectiondesressourceseneauduMarocsontidentifiésetconcernentnotamment:
• l’absenced’uneloisurlaprotectiondulittoralcontrelapollution;
• leretardexcessifdel’assainissementliquide(notammentenmilieurural)etsolide;
• ledysfonctionnementdeplusieursstationsd’épuration;
• laquasi-absencedecontrôledesrejetspolluants;
• l’usagenoncontrôlédesengraischimiquesetdespesticidesenagriculture;
• l’absencedepérimètresdeprotection (rapprochéeetéloignée)autourdescaptagesd’eaupotable;
Touscesdéficitssontàl’originedel’importantedégradationdelaqualitédesressourceseneausuperficiellesetsouterrainesduMaroc.Eneffet,environ45%despointsdemesuredesABHs indiquentunemauvaisequalitéde l’eau.Lesbassins lesplusaffectéspar lapollutionsontceuxduSebou,duLoukkosetduSouss.
La nouvelle constitution marocaine (considérant la qualité de l’environnement commeun droit humain), l’adoption de la loi portant la Charte Nationale de l’Environnement etduDéveloppementDurable, lamise enœuvre des différentes stratégies sectorielles (eau,environnement,agriculture,industrie…)etdesloisconnexes(protectionetmiseenvaleurde
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l’environnement;n°11-03,étudesd’impactsurl’environnement;n°12-03,gestiondesdéchetset leur élimination ; n°28-00), la préparation en coursde la loi sur le littoral…constituentautantd’opportunitéspourlerenforcementdesmesuresdeprotectiondesressourceseneaucontrelapollutionetpourl’améliorationdeleurqualité.
4.7. Information, sensibilisation et role de la société civile
L’analysede lasituationactuelleauMarocmontre l’existencedequelquesavancés(depuisquelques années) enmatière d’information sur le secteur de l’eau.On cite notamment lamise en place de sitesWEB des départements de l’eau, de l’environnement, duministèrede l’agriculture et de la pêchemaritime, des ABHs, de l’ONEE, l’élaboration et la diffusionde bulletins périodiques sur l’eau (hydraulique en chiffres, situation des barrages, état dequalitédel’eau….),l’organisationdeséminairestechniques,laparticipationàdescolloquesnationauxetinternationauxetlapublicationdesrésultatsd’étudesréalisées…
L’ouverturesur lasociétécivileet lasensibilisationdugrandpublicetdesusagersde l’eauà lararéfactiondesressourceseneau,à leurvulnérabilitéà lapollutionontégalementétérenforcées ces dernières années. C’est le cas du Débat National sur l’Eau (organisé par ledépartementdel’eauen2006)etdeceluisurlaCharteNationaledel’EnvironnementetduDéveloppementDurable(organiséparledépartementdel’environnementen2010).
Malgrécesquelquesavancées,desaxesd’améliorationsontnécessairesdanslesdomainesdel’éducation,del’information,delasensibilisation,del’ouverturesurlasociétécivileetdelacommunication.Eneffet,ilyaabsence:
• d’un système d’information intégré de tout le secteur de l’eau (les informationsdisponiblesetdiffuséessontgénéralementdisparates,peudétaillées,nonmisesàjourdemanièresystématiqueetdifficilementexploitables);
• l’informationdisponibleestinsuffisantesurlasituationdesressourceseneau,lescoûtsderéalisationdesouvrageshydrauliques,lesvolumesd’eaumobilisésparlesdifférentsusages,laqualitédesressourceseneau…
Parailleurs, l’accèsauxdonnéespubliques relativesà l’eauetauclimatestdevenupayantdepuisquelques années (ABHs etDMN), cequi est en contradiction avec les objectifs duservicepublic.Cecise répercutesur lecoûtdesprestationseffectuéespar lesecteurprivédanslesdomainesdel’eauetduclimat.
Lesopportunités suivantes seprésententpour améliorer ladiffusionde l’informationet lasensibilisationdupublicsurtoutlecycledel’eauduMaroc:
• ledroitàl’informationinscritdanslanouvelleconstitutionduMaroc;• ledéveloppementdel’intérêtaccordéparlasociétécivileauxproblèmesdel’eauetde
l’environnement;• ledéveloppementdesnouvellestechnologiesdel’informationetdelacommunication;• lalibérationdesmédiasécritsetaudio-visuels;• l’ouvertureduMarocsurl’international;
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4.8. FINANCEMENT DU SECTEUR DE L’EAU
Financement public
LeMarocaconsentiuneffortcolossalpour ledéveloppementdufinancementpublicdesgrandsaménagementsetinfrastructureshydrauliques(barrages,périmètresirrigués,ouvragesde transfertd’eauentrebassins, adductionsd’eaupotable, stationsde traitement, stationsd’épuration,stationsdedessalement…).Cefinancementestévaluéàenviron20milliardsdeDH/an,répartisen60%pourl’eaupotableetl’assainissement,20%pourl’irrigationet20%pourlamobilisationdesressourceseneau.
Le coûtmoyen de développement de l’eaumobilisée varie entre 2 et 6 DH/m3 pour lesbarrages,entre10et20DH/m3pourledessalementetplusde3.5DH/m3pourletransfertd’eauentrebassins(cf.auditiondudépartementdel’eau).
Les autres sources de financement du secteur de l’eau sont constituées par les grandsprogrammesnationauxetparquelquesprojetsministérielsetfondsdivers.C’estlecasdu:
• PlanNationaldel’AssainissementLiquide(PNA):budgetglobalde43milliardsdeDHàl’horizon2020.Sonfinancementestassuréàhauteurde70%parl’ONEEet30%parl’Etat(Départementdel’EnvironnementetleMinistèredel’Intérieur);
• ProgrammeNationald’Economiede l’Eauen Irrigation (PNEEI) :budgetglobalde37milliardsdeDH;
• Programmed’Extensiondel’Irrigation(PEI):budgetglobalde19.5milliardsdeDH;• NouvelleProcédureVolontairedeLutteContreLaPollutionIndustrielle(MVDIH)miseen
placeparledépartementdel’environnementpourlefinancementdesopérations• d’épurationdeseauxusées industrielles (budgetde100millionsdeDHréservéentre
2011et2013,géréparlesABHs);• ProgrammeNationaldePompageSolairedanslesProjetsd’Economied’EauenIrrigation
(misenplacedanslecadred’unpartenariatentreleministèredel’énergie,desmines,del’eauetdel’environnement,leministèredel’agriculture,l’agencenationalepourledéveloppementdesénergiesrenouvelablesetdel’efficacitéénergétique(ADEREE)etleCréditagricoleduMaroc.Budgetglobalde400millionsDHapourbutl’installationd’unparcde3000systèmesphotovoltaïquesdepompage,dontlapuissancetotaleseraitde15MégaWatt;
• ProjetsMoussaada,Imtiyaz….duMinistèreduCommerce,del’industrieetdesNouvellesTechnologiesdestinésàlamiseàniveauenvironnementaledesentreprisesmarocaines;
• ProjetsMoussanada,Siyaha,Rénovotel3et‘’chaquegouttepourl’économiedel’eau’’duministèredutourisme,quifinancentdesactionsd’économied’eauetdeprotectiondel’environnementparlesétablissementshôteliers;
• FondsdeLutteContre laPollution Industrielle (FODEP) :finance (àhauteurde40%ducoûtglobaldel’investissement)lesactionsdemiseàniveauenvironnementaledesentreprises;
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• Centre Marocain de la Production Propre (CMPP) : finance des actions à caractèreenvironnementaldesentreprisesprivées;
• PartenariatPublicPrivéenIrrigation(casdupérimètredeGuerdanedanslebassindeSouss).
Redevances d’occupation et d’utilisation du domaine public hydraulique
LesredevancesverséesauxABHsparlesdifférentsusagersdel’eausontde0.02DH/m3pourl’eaud’irrigation,0.04DH/m3pourl’eaupotable,0.02DH/m3pourl’eauindustrielleet0.02DH/KWHpourl’hydro-électricité.
Tarifi cation du service de l’eau
LatarificationappliquéeauMarocestréglementéeparl’Etat(commissioninterministérielle)etbaséesurdesprincipesdeprogressivitéetdesolidaritéentrelesdifférentescouchessocialesdesusagersetentrelesdifférentesrégionsduRoyaume.
La tarificationde l’eaupotablepratiquéeestbasée surdes tranches,dont le coûtunitaireaugmenteaveclevolumedel’eauconsommé.Letarifmoyendel’eaupotableàlaproductionde 3,72 DH HT /m3 (ONEE) englobe deux composantes : la surtaxe de 0,75 DH/m3 pourrésorberledéficitd’exploitationdanslesgérancesetprojetsprogrammésdanslesprovincessahariennesetlasurtaxePAGER;0,17DH/m3destinéeàfinancerledéficitd’exploitationdesinstallationsrurales.Danslesrégiesetsociétésdélégatairesmultiservices,lesactivitésdel’eauetdel’assainissementbénéficientdestransfertsdetrésorerieetdecapacitéd’endettementdel’activitédel’électricité.
Dans le secteur de l’irrigation, le rattrapage tarifaire a été poursuivi jusqu’en 2009 pour lerecouvrementdescoûts,visantàassurer lapérennitéduservicede l’irrigation.Lecoûtdeventedum3d’eauagricolevarieentre0.3et0.6DH/m3d’eau.LetauxderecouvrementmoyenparlesORMVAauniveaunational(pourlesprélèvementsd’eaud’irrigation)estd’environ75%etdépasse90%danslepérimètreirriguédeTadla.
Malgrétousceseffortscolossauxdefinancementpublicdusecteurdel’eau,plusieursaxesd’amélioration subsistent pour assurer la pérennité des différents services (eaupotable etindustrielle,irrigation,assainissement,productionhydro-électrique...):
• la limitationdubudgetde l’Etat (environ20MilliardsdeDH/an, représentantàpeine30%desbudgetsprévusparlesPDAIREs)etlafaiblessedesressourcesfinancièresdesABHs (comparées à leurs nombreuses attributions et auxgrandes étenduesde leurszonesd’action),dontlestatutfiscaln’estpasencoreéclairci;
• l’absenced’unmodèleéconomiqueclairetfiabledusecteurdel’eau,d’unecomptabiliténationaledel’eauetd’unréférentielstandardducoûtdel’eauparrégionetpartyped’usage;
• la faiblecapacitéderecouvrementdescoûts (autofinancement)de l’eauà travers lesredevancesetlatarificationappliquées(enraisondelafaiblecapacitédepaiementdesusagers),cequinécessitederecourirauxsubventionspubliques;
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• l’absencedecollecteparlesABHsdesredevancesdesrejetsd’eauxuséesdomestiquesetindustrielles(nonapplicationduprincipedepollueur-payeurdelaloisurl’eau10-95);
• l’inadaptationdusystèmedestranchestarifairesdel’eaupotablepratiqué,quirevientàunesubventionmassivedesménagesaiséscomptetenuduniveaudelaplusbassetranchetarifaire,cequinepermetpaslarécupérationduprixdeventeengrosdel’eau;
• la tarification pratiquée (notamment en assainissement liquide) ne permet pas decouvrirleschargesdefonctionnementdesopérateursdeceservice.Lesrecettespara-tarifaires couvrent en partie les frais de fonctionnement des régies au lieu qu’ellessoient consacrées entièrement à l’investissement. Ces recettes para-tarifaires sontcontinuellementenrégression.Certainesrégiesnedégagentpasdemarges (margesquasimentnullesounégatives)etledéficitd’exploitationestdevenustructurel;
• les surcoûts engendrés par le traitement tertiaire des eaux usées domestiques(nécessitantuncoûtsupplémentairede25%,prisenchargeparlesopérateursetnonparlatarificationpratiquée)etdesprojetsderéalisationdesouvragesdecollectedeseauxpluviales(nonprisencompteparlacouverturetarifaire);
• l’absence de prise en charge par le PNA des coûts de réalisation des réseauxd’assainissementséparatifs,ladépollutionindustrielleetl’assainissementdesquartierspériphériquesdesvilles;
• l’absence de généralisation de recouvrement des redevances par les ABHs dans leszonesd’irrigationprivée(prélèvementsd’eaudanslespuitsetforages).
Les axes d’amélioration du système fiscal appliqué à l’eau concernent notamment lesnombreux impôts, taxes et redevances appliquées aux opérateurs de ce secteur : la taxesurlavaleurajoutée,l’impôtsurlessociétés,laContributionSocialedeSolidarité,lataxedeformationprofessionnelle,lestaxesdesCollectivitésLocales,lesredevancesd’occupationdudomainepublic,laredevanced’utilisationdel’eau«principepréleveur-payeur»,laredevancededéversement«principepollueur-payeur»,lestaxesautitreduPAGERetdesolidaritéaveclesprovincessahariennesetlataxepourlapromotiondupaysageaudiovisuelnational.
L’ONEEestégalementimposéesurlessubventions,dons,cessionsgratuites,taxesriverainesetcontributionsdesabonnésdestinésaufinancementdesinfrastructuresd’approvisionnementen eau potable et d’assainissement, achats des biens d’investissement relatifs aux projetsd’alimentationeneaupotable,àl’assainissementetaudessalementdel’eaudemer.
Toutescestaxespénalisentlesbudgetsdesdifférentsopérateursdel’eauetdel’assainissementetlimitentparconséquentleurcapacitéd’investissement.
Plusieursopportunitésseprésententpourl’améliorationdufinancementdusecteurdel’eau,dontnotamment:
• l’augmentationdessubventionspubliquesdusecteurdel’eau;• laréformeprojetéedusystèmefiscalmarocain;• lamiseenœuvredelaloicadreportantlaCharteNationaledel’Environnementetdu
DéveloppementDurable;• larévisionencoursdelaloisurl’eau10-95;• leprojetderégionalisationavancée;
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• lapromotiondupassageprogressifversl’économieverte;• lecodedesinvestissementsagricoles;• ledéveloppementduPartenariatPublicPrivé(projetdeGuerdane,projetdeproduction
del’énergiehydrauliquedanslebassind’OumErRbiaa);• le développement de la coopération internationale dans le domaine de l’eau et de
l’environnement…
4.9. Formation et recherche dans le secteur de l’eau
LeMarocaaccordéunegrandeimportanceàlaformationdescadresettechniciensspécialisésetaudéveloppementde la recherchescientifique.Eneffet, la formationuniversitairedansledomainedel’eaus’estbiendéveloppéedanslesdernièresannées(notammentdepuisladécennie80dusiècledernier).Plusieursécolesd’ingénieursetinstitutssupérieursassurentla formation annuellement de plusieurs dizaines d’ingénieurs, de cadres supérieurs et detechniciens spécialisés dans le domainede l’eau (EHTP, EMI, IAV, ENIM, ENFI, ENAMeknès,centresdeformationdetechniciensdeRabat,deMarrakech,Oujda…).
Plusieursfilièresdeformationetmastersspécialisésdansledomainedel’eauontégalementétémis en place dans les universités (universités de Rabat, de Casablanca, deMarrakech,d’Oujda….)etaccréditésparleMinistèredel’EnseignementSupérieur,delaFormationdesCadresetdelaRechercheScientifique.L’OfficeNationald’Electricitéetdel’EauPotableamisenplace(depuisquelquesannées)un Institut Internationalde l’Eauetde l’Assainissement,chargédurenforcementdecapacité(dansledomainedel’eau)descadresettechniciensduMarocetdespaysétrangers(notammentafricains).
Lacollaborationentre l’Universitéet lemilieuprofessionnel spécialisédans ledomainedel’eau,del’environnementetleclimatcommenceàsedévelopperégalementdepuisquelquesannées,notammentaveclaDirectionGénéraledel’Hydraulique(DGH), l’OfficeNationaldel’Electricitéetdel’EauPotable(ONEE),lesAgencesdeBassinsHydrauliques(ABHs),laDMN,l’INRA,leCNRTS,leCNESTEN,leCRTS,l’OCP…
Plusieursgrandsbureauxd’étudesmarocains spécialisésdans lesdomainesde l’eauetdel’environnementmènentdesgrandsprojets aussibien auniveaunationalqu’internationalpourcertains.
Grâce à tous ces acquis, le Maroc a développé une expertise dans le domaine des eauxconventionnelles (prospection, planification, aménagement, mobilisation, gestion,irrigation, traitementde l’eaupotable….).Cetteexpertiseest reconnueauniveau régionaletinternational,manifestéeparlamiseenplaceduGrandPrixHassanIIdel’EauattribuéparleMarocauxpersonnalitésouinstitutionsnationalesouinternationalesquicontribuentaudéveloppementetàlaprotectiondesressourceseneau.
Cependantmalgrétouscesacquis,desaxesd’améliorationsontnécessairespourdévelopperdavantage la formation et la recherche scientifique dans le domaine de l’eau. On citenotamment:
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
• lagrandevaguededépartàlaretraitedesenseignantsuniversitairesetingénieursdusecteur public dans les dernières années et celle prévue dans les toutes prochainesannées.Elleconstitueunrisquedepertedel’expertisenationaleetunemenacepourl’encadrementdes jeuneschercheursetcadresspécialisés,surtoutque lenombredepostescréesannuellementestfaibleparrapportàl’importancedesbesoinsexprimés;
• l’insuffisance en compétences nationales spécialisées dans des domaines en pleinecroissance (ressources en eau non conventionnelles, changements climatiques,énergiesrenouvelables…).Celarisqued’entraverlebondéroulementdesgrandsprojetsnationauxenrapportavec l’eau(PNA,PMV,PNEEI,PNEEI,PNDM,DéveloppementdesRessourcesenEauNonConventionnelles…);
• lafaiblessedubudgetdédiéàlarecherche(notammentdanslesécolesd’ingénieurs);• l’accès aux données publiques nécessaires à l’élaboration de travaux scientifiques
de qualité portant sur l’eau et l’environnement (thèses, masters, mémoires, articles,communicationsauxcolloquesetcongrès…)généralementtrèsdifficile;
• lacollaborationscientifiqueentrelemilieuprofessionneletlescollectivitéslocalesestàunstadeembryonnaire:peudeprojetsderechercheportantsurl’eausonteneffetfinancésparlesecteurpublicouprivé,àpartquelquesraresexceptions:départementdel’eau,l’ONEE,l’OCP...
• lacoopérationinternationaledans ledomainedel’eauestassezfaible : raressont lesétudiantsetleschercheursquibénéficientdecettecoopérationpourpoursuivreleursétudesàl’étrangeroubénéficierdestagesdeperfectionnementdansdeslaboratoiresetcentresdeformationetderecherchedesautrespays.
Plusieursopportunités importantesseprésententpour ledéveloppementde la formation,delarechercheetdel’innovationdansledomainedel’eauauMaroc.Oncitenotamment:
• lamiseenplaceduConseilSupérieurdel’Enseignement;• lamiseenœuvredelaréformeuniversitaire(notammentlamiseenplacedemasterset
demastersspécialisésdansledomainedel’eau)etdel’initiativeNationaledeformationde10000ingénieursparan;
• ledéveloppementdelaformationcontinuedanslesécolesd’ingénieursetlesuniversités;
• la promotion du passage progressif vers l’économie verte (besoin en formation deplusieursmilliersdecadresetdetechniciensspécialisés);
• leprojetderégionalisationavancée;• ledéveloppementdel’intérêtdusecteurprivéàlaformationdescadresettechniciens
spécialisés;• lamiseenplaceprojetéeauMarocduCentreInternationalMohammedVIdesétudeset
desrecherchessurl’eaudanslemondearabe;• lamiseenplaceduGrandPrix(international)HassanIIdel’EauetduprixHassanIIde
l’environnement.
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
5.BENCHMARKINTERNATIONAL:ENSEIGNEMENTSISSUESDESBONNESPRATIQUESDEGOUVERNANCEINSTITUTIONNELLE
Lasynthèsedel’expérienceinternationaledelagouvernancedel’eauaétéeffectuéepourquatrepaysayantdesclimatsetdescontraintesderessourceseneausimilairesàceuxduMaroc.Lespayschoisissont:l’Espagne,laFrance,laJordanieetlaTunisie.
5.1. Gouvernance de l’eau en Espagne
L’Espagne connaît le plus grand taux d’aridité de l’Europe et une forte hétérogénéitéclimatique spatiale. Lapartienord représente11%de la superficiedupayset reçoit 40%des ressources en eau. Les besoins en eau de l’Espagne sont en forte augmentation, enraisond’uneurbanisationcroissante,d’uneagricultureintensiveetd’untourismedemasseconsommantdegrandesquantitésd’eaudouce.
La loi de l’Eaude 1985 a confirmé le choix (établi dès 1926) de la gestiondes ressourcesen eau par bassin hydrographique et le rôle des organismes de bassin (ConfédérationsHydrographiques)pourlagestiondesressourceseneau.L’Espagne a mis en place un Conseil National de l’Eau, qui est un organe consultatifindépendant permettant d’avoir une large concertation entre les différents intervenantset ladiscussiondesplansdegestionde l’eausoumispar legouvernement. Ilestcomposéd’unecentainedemembres,représentant l’administrationcentrale, lesrégionsautonomes,lesorganismesdebassins,lesreprésentantsdesusagersdel’eau(agriculteurs,industrielsetcompagnieshydroélectriques),dumondeprofessionneletassociatif.
Les Communautés Autonomes (17 au total) assurent la responsabilité de tous les projetshydrauliques,aménagementshydrauliques,canauxettravauxd’irrigationlorsquelatotalitédubassinducoursd’eausetrouvesurleterritoiredelacommunauté.LesConfédérationsHydrographiques (organismesdebassins,neuf au total) sont chargéesde gérer les ressources en eau des bassins dont les limites dépassent celles d’une seuleCommunautéAutonome.Cesontdesentitésdedroitpublicdotéesdepersonnalitéjuridique
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propreetdistinctedecellede l’Etatetsontreliéesadministrativementaudépartementdel’environnement.Ellescomprennent:
• un organe de direction : comportant 1/3 des représentants des administrations del’Etat, 1/3 des représentants des communautés autonomes et 1/3 des représentantsdesusagersde l’eau (irrigants,municipalités,entrepriseshydroélectriques,entreprisespiscicoles...);
• un organe de planification : représenté par le Conseil de l’Eau du bassin (mêmecompositionquecelleduConseilNationaldel’Eau);
• desorganesdegestion:Assembléedesusagers,CommissiondeGestiondesBarrages,Assembléesd’exploitation,AssembléesdesOuvrages...
Les Communautés des irrigants sont des Corporations de Droit Public, chargées del’administrationetdeladistributiondel’eaud’irrigation.Ellessontconstituéesderegroupementsdetouslespropriétairesd’unezoneirrigablequis’unissentpourl’administrationautonomeetcommunedeseauxpubliquessansfinlucratif.
L’irrigationconstitue leplusgrandconsommateurde l’eaumobiliséeenEspagne, avecunvolumeannueld’environ24.5milliardsdem3/an(environ80%duvolumed’eaumobilisédanslesdernièresannées).Cetteconsommationabaisséactuellementà63%(environ16milliardsdem3/an)enraisondu fortdéveloppementdestechniquesd’irrigationéconomeseneau,dont lasuperficieestpasséede17%en2000à48%en2011(1.66millionsd’hectares).Lesystèmegravitaireaparcontrebaisséde59%en2000à30%en2011.
Laplanificationde l’eauestbasée sur lesPlansHydrologiquesdeBassins (P.H.B) et lePlanHydrologiqueNational (P.H.N.).Lespremierssontapprouvéspar legouvernementnationalet le second est approuvé par le parlement (Loi). Les plans hydrologiques de bassin sontapprouvésavantlePlanNationaldel’Eau.
LegouvernementEspagnolaproposéen1993unplandetransfertd’eauàgrandeéchelle(4Milliardsdem3d’eau/an)desbassinsexcédentairesverslesbassinsdéficitaires.Lesprojetsde transfertd’eauentrebassinsontcependant toujours fait l’objetde forteoppositionparlesgouvernementsdesCommunautésAutonomesconsidéréescommeexcédentaires(doncdonneusesd’eau).
L’Espagnealancéégalementen2004unvasteprogrammenationaldedéveloppementdedessalementdeseauxmarines,notammentlelongdulittoralméditerranéenoùlesbesoinseneausontlesplusélevés(principalementdanslarégiondusud).Actuellementl’Espagneestconsidéréecommelequatrièmeutilisateurdestechnologiesdedessalementaumonde,avecuneproductiond’environ2millionsdem3d’eaudessalée/jour.Cependant, ledessalementde l’eauestvud’unmauvaisœilpar lesassociationsdeprotectionde l’environnement,enraisondesproblèmescausésparlessaumures(résultantdudessalement).LesONGcraignentégalementqueledessalementdevientunesolutiondefacilitéetsoitdéveloppéauxdépensdemesuresdegestiondel’eauetd’économied’eau.
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
5.2. Gouvernance de l’eau en France
Le volume total des ressources en eau renouvelables de la France atteint environ 200milliardsdem³/an(Francemétropolitaine).Lesbassinsversantsdesquatreprincipauxfleuvesfrançais(Garonne,Loire,RhôneetSeine)drainent63%deseauxdeFrance.Surlepourtourméditerranéen,leclimatestplussecetsujetàdeviolentesvariationsdepluviométrie.
La politique de l’eau au niveau national est portée par le Ministère de l’Ecologie, duDéveloppementDurable,desTransportsetduLogement(MEDDTL)quiproposeetmetenœuvrelalégislationetlaréglementationnationalerelativesàl’eau.Lacoordinationentrelesdifférents secteurs concernéspar l’eau est établiepar laMission Interministériellede l’Eau(Mise) :commissionadministrativequidépendduministèrechargéde l’environnementetcomposéedesreprésentantsdesministèresexerçantdesresponsabilitésenlamatière.
L’instancenationaledeconcertationetd’orientation(préalablesàladéfinitiondelapolitiquedel’eau)estconstituéeparleComitéNationaldel’Eau.C’estunorganeconsultatif,composéd’élus,d’usagers,d’associations,desprésidentsdescomitésdebassinetdes représentantsdesservicesdel’Etat.
Auniveaudubassinhydrographique,troisinstancesontétécrééesafindemettreenœuvreunegestionconcertéedesressourceseneau.Cesont:
- Lecomitédebassin‘’parlement localde l’eaudubassin‘’ estchargéd’arrêter lesgrandesorientationsdelagestiondel’eauauseindechaquebassin,d’adopterleSchémaDirecteurd’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) et les programmes d’intervention desagencesdel’eau,ainsiquelesredevancesnécessairespourleurfinancement.Laconcertationentrelesdifférentsacteursdel’eauesteneffetlaclédevoûtedusystèmefrançaisdegestiondel’eau.Lecomitédebassinestcomposédestroiscollègessuivants:
• 40%dereprésentantsdescollectivitéslocales;• 40%de représentantsdesusagersde l’eau : industriels, agriculteurs, associationsde
défensedel’environnement,associationsdepêche,associationsdeconsommateurs;• et20%desreprésentantsdel’État.
-LesAgencesdel’Eau:sontchargéesdemettreenœuvrelapolitiquedel’eaudéfinieparlecomitédebassin.Cesagencesontlestatutd’établissementspublicsadministratifsdel’État.Ellesprélèventdesredevancessurlesutilisationsdel’eauetapportentdesaidesfinancièresaux actions d’intérêt commun (relatives à l’eau) : production de l’eau potable de qualité,épurationdeseauxusées,miseenplacedeprocédésdeproductionpluspropres,restaurationetentretiendesmilieuxaquatiques…-LesCollectivitésLocales:
• Lesrégionsinterviennentdanslespolitiquespubliquesdirectementliéesauxenjeuxdel’eau:développementéconomique,aménagementduterritoire,schémasdecontinuitéécologique...;
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• Lesdépartements (provinces) interviennentdans leséquipementsd’adductiond’eaupotable, la réalisation des barrages et leur interconnexion pour l’alimentation eneaupotable, l’aménagement rural, le suivi et la surveillancede la qualité de l’eau, laparticipationàl’élaborationdesschémasdeplanificationdel’eau(SAGE)...;
• Les communes interviennent dans la distribution publique de l’eau potable,l’assainissementetlacollectedeseauxpluviales.
Chaque bassin hydrographique est doté d’un Schéma Directeur d’Aménagement etde Gestion des Eaux (SDAGE) qui fixe les orientations fondamentales et les dispositionspermettant d’instaurer une gestion équilibrée et durable des ressources en eau. Lesdocumentsd’urbanismeetlesdécisionsadministrativesdansledomainedel’eaudoiventêtrecompatiblesaveclesdispositionsduSDAGE.
Les SAGE (Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux) constituent la déclinaisonconcrètedesorientationsetdesdispositionsduSDAGEdanslecontextelocal.Ilspeuvents’appliqueràunsousbassin,àunaquifèreouàtouteautreunitéhydrologiquecohérente.LeSAGEestélaboréparlesacteurslocauxauseindelaCommissionLocaledel’Eau(CLE)etilestsoumisàenquêtepubliqueetestapprouvéparl’État.
LagestiondesressourceseneauenFranceestbaséesur lesseptprincipesfondamentauxsuivants : unegestiondécentralisée auniveaudes bassins versants hydrographiques, uneapproche intégrée (quiviseàprendreencomptetous lesusagesde l’eau, lesbesoinsdesécosystèmes aquatiques, la prévention des pollutions et le contrôle des risques naturelsetaccidentels), l’organisationde laconcertationetde lacoordination,uneplanificationetuneprogrammationpluriannuelles (SDAGEetSAGE), la tarificationde l’eauauvolumedesprélèvements et consommations, la mobilisation des ressources financières spécifiquesmutualiséesauniveaudubassin,unerépartitionclairedesresponsabilitésentrelesautoritéspubliquesetlesopérateursprivéspourlagestiondesservicesmunicipauxdel’eaupotableetdel’assainissement. 5.3. Gouvernance de l’eau en J ordanie
Leterritoirejordanienestconstituéà80%dezonesdésertiquesrecevantmoinsde100mm/andepluie.Avecunratiomoyende150m³/hab/an,laJordaniesesitueparmilesdixpayslespluspauvresenressourceseneauaumonde.Cettepénuriepénalisetouslessecteursdel’économiejordanienne,notammentl’agriculturequiconsommeenviron65%desvolumesd’eaumobilisés,maisquinecontribuequ’àseulement2,5%duPIBdupays.
Parailleurs,laplupartdesressourceseneaudelaJordaniesontpartagéesavecsespaysvoisins:leJourdainavecIsraëletlesterritoirespalestiniens,leYarmoukaveclaSyrieetlanappefossiledeDisiavecl’ArabieSaoudite.LagestioncoopérativedesressourceseneautransfrontalièresestdoncunenécessitévitalepourlaJordanie.
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
Lesprincipauxacteursdusecteurdel’eauenJordaniesontconstituéespar:
- Le Ministère de l’Eau et de l’Irrigation (MWI) : chargéde l’élaborationde la politiquenationaledel’eaudelaJordanie(élaborationdesstratégiesetpolitiquesnationalesdel’eau,garantiedel’approvisionnementgénéraleneaupotabledupays,planificationetgestiondesressourceseneau,épurationdeseauxusées,miseenplacedessystèmesd’information)etdelamiseenplacedubudgetdusecteurdel’eau;
- Le Water Authority of Jordan (WAJ) : crééeen1988,c’estunétablissementpublicdotéd’une autonomie financière et administrative chargéde la planificationdes ressources eneauauniveaunational,delaréalisation,dufonctionnementetdelamaintenancedetoutel’infrastructure publique hydraulique, de l’octroi des autorisations de prélèvements d’eausouterraine,del’approvisionnementeneaupotableetdel’assainissementsurtoutleterritoire.LaWAJcomprend18antennesrégionales,couvrantl’ensembleduterritoirenational.
- Le Jordan Valley Authority (JVA) : crée en 1977, c’est l’organisme responsable dudéveloppement, de l’utilisation et de la protection des ressources en eau de la vallée duJourdainetgèrenotamment lecanalduRoiAbdallah.A l’instarduWAJ, leJVAaunstatutd’administrationpublique autonome, financièrement indépendante, sous la responsabilitéduMinistèredel’Eauetdel’Irrigation(MWI).
Lastratégiede l’eaude laJordanieélaboréeen1997évoque lesgrandsprincipessuivantsdelagestiondelademandeeneau:lerecouvrementdescoûtsd’exploitation,dutransportetdeladistributiondel’eau, lapromotiondestechnologiesetdessystèmeséconomeseneau, la recherchede laproductivitémaximalede l’eau, lasensibilisationde lapopulationàl’économiedel’eau...
Cettestratégieévoqueégalementlaparticipationdusecteurprivéauxactivitésdedistributionetdegestiondel’eau.Aucuneprivatisationtotaledesressourceseneaun’estenvisagée,seulelagestiondecetteressourcepeutêtreprivatisée.Entaméeen1999dansl’agglomérationdeAmman(àtraverslaSociété‘’LEMA’’:LyonnaisedesEaux–MontgomeryWatson–ArabtechJardaneh), cettegestionprivéede ladistributionde l’eaupotable s’est étendue àd’autresrégionsdelaJordanie.
La participation du secteur privé intervient également dans la réalisation et la gestiond’infrastructures hydrauliques dans le cadre de contrats BOT (Build, Operate andTransfer)pendant une période déterminée avant de les transférer au domaine public. La stationd’épurationd’As-Samra,chargéedel’épurationdeseauxuséesdelavilled’Amman,fonctionneaveccesystèmedegestion(BOT).
5.4. Gouvernance de l’eau en Tunisie
LaTunisie fait partie des paysméditerranéens lesmoins dotés en ressources en eau. Sonpotentieleneaumobilisableestévaluéàenviron4.8Milliardsm3/an.Leratioparhabitantest
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Conseil Economique, Social et Environnemental
inférieurà500m3/hab/an,ilseraitde360m3/anàl’horizonen2030(audessousduseuildepénuriedel’eau).88%desressourceseneaumobilisablesdelaTunisiesontdéjàmobilisés.
Lapolitiquedel’eauestpasséed’unegestiondel’offreaucoursdestroisdernièresdécennies(une importante infrastructure hydraulique a été réalisée) à une gestion de la demande.Dès1995, laTunisieamisenplaceunProgrammeNationald’Economied’EauenIrrigation(PNEEI),dontl’objectifestd’atteindreuneefficienceglobalede85%àl’horizon2025.Letauxd’équipementavecl’irrigationlocaliséeestpasséde3%en1995à25%en2011.
Lesecteurdel’eaupotableestgéréparlaSociétéNationaled’ExploitationetdeDistributiondesEaux(SONEDE):c’estunétablissementpublicàcaractèrenonadministratif,placésouslatutelleduMinistèredel’Agriculture.Ilapourmissionslaproduction,letraitement,letransportetladistributiondel’eaupotableenmilieuurbainetunepartiedumilieurural.Ladistributiondel’eaupotableenmilieururalestassuréepardesgroupementsd’intérêtcollectif(GIC).LaSONEDE amis enplaceune stratégied’économied’eaupotablequi viseà atteindre une efficienceglobaledeladesserteeneaupotablede80%àl’horizon2025.
Lesecteurdel’assainissementestgéréparl’OfficeNationaldel’Assainissement(ONAS):c’estunétablissementpublicàcaractère industrieletcommercial,dotéde lapersonnalitécivileetdel´autonomiefinancière,placésouslatutelleduMinistèredel´Environnement.Ilapourmissionslagestiondusecteurdel´assainissement,laprotectiondumilieuhydriqueetlaluttecontretouteslessourcesdepollution.
Les domaines d’intervention de l’ONAS englobent les études, les travaux, l’exploitation etl’entretiendesréseauxetdesouvragesd’assainissement,ainsiquel’assistancetechniqueauxcollectivitéslocalesetautresorganismespublicsouprivésdansledomainedelaluttecontrelapollutionhydrique.
Le financement des programmes d’économie d’eau en irrigation a bénéficié d’uneaugmentationdutauxdessubventionsvariantentre30%et60%desinvestissementsselonles différentes catégories d’agriculteurs. L’acquisition des équipements économes d’eau abénéficiéégalementdeplusieursavantagesfiscauxprévusparl’article30ducoded’incitationauxinvestissements.Leséquipementsbénéficiantdecesavantagesontfaitl’objetdelistesparuespardécretsen1995et1998.
5.5. Principaux enseignements pour la gouvernance par la gestion integrée des ressources en eau au Maroc
LesprincipauxenseignementstirésduBenchmarkinternationalréalisédelagouvernancedel’eausontrésumésci-dessous:
• La gouvernancedu secteur de l’eau auMaroc est basée sur lesmêmesprincipes etorganisationinstitutionnellequeceuxdeplusieurspays.Oncitenotamment:
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
i.Orientationetconcertationdelapolitiquedel’eau:
- au niveau national : se fait au niveau du Conseil National de l’Eau (organeconsultatif indépendant et autonome) contenant tous les départementsministérielsconcernés,lesusagersetopérateursdel’eau,chercheurs,sociétécivile…(Espagne,France);
- au niveau régional : se fait au niveau des comités de bassins (sorte deparlementsrégionauxdel’eau)contenantlesreprésentantsdel’administration,desusagersetopérateursdel’eau,sociétécivile…(Espagne,France);
ii.Miseenœuvredelapolitiquenationaledel’eau:sefaitparleministèrechargédel’eau(touslespays);
iii. Coordination des politiques sectorielles concernées par l’eau : se fait par unecommission interministérielle de l’eau présidée par le chef de gouvernement(France);
iv. Planificationdel’eau:
- auniveaunational:baséesurdesplansnationauxdel’eau; - auniveaurégional:baséesurdesplansrégionauxdel’eau(Espagne,France);
v. Gestionintégréedesressourceseneau:sefaitparbassinshydrauliques(Espagne,France);
vi. Miseenœuvredelagestionintégréeparbassin:sefaitpardesagencesdebassinshydrauliques:organesayantuneautonomieadministrativeetfinancière(Espagne,France).
Ces enseignements indiquent que le problème de l’insuffisance de l’efficience de lagouvernancedusecteurdel’eauduMarocnerésidepasprincipalementdanssonorganisationadministrative,maisdansl’opérationnalisationetlebonfonctionnementdecesstructures:ConseilSupérieurdel’EauetduClimat,CommissionInterministérielledel’Eau,AgencesdeBassinsHydrauliques,ComitésdeBassins(absents)…
• Le Maroc a accumulé des retards dans les volets suivants:
i. Gestiondelademandeetfaiblessedelavalorisationdesressourceseneaumobilisées:fuitesimportantsdanslesréseauxd’eaupotableetlescanauxd’irrigation,systèmed’irrigationgravitairemajoritaire,assolementsnonadaptésàlararetédel’eau…;
ii. Développement de lamobilisation des ressources en eau non conventionnelles: dessalement de l’eau de mer (Espagne, Jordanie), déminéralisation des eauxsaumâtres,collectedeseauxpluviales,réutilisationdeseauxuséesépurées(Tunisie);
iii. Préservationdesressourceseneaucontrelasurexploitation:inefficiencedelapolicedel’eaudépendantedesAgencesdeBassinsHydrauliquesetdesautresorganesdecontrôledépendantsdesautresdépartementsministériels;
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Conseil Economique, Social et Environnemental
iv. Protectiondesressourceseneaucontrelapollution:retarddansl’assainissementliquideetsolide,l’épurationdeseauxuséesdomestiquesetindustrielles,absencedepérimètresdeprotectiondescaptagesd’eaupotable;
v. Partenariat public privé dans le domaine de l’eau : mobilisation, dessalement,irrigation,productiondel’énergiehydro-électrique…;
vi. Educationetsensibilisationàlararetédesressourceseneauetàleurvulnérabilitéà
lapollution.ECOMMANDATIONS
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
6.Recommandations
Lediagnosticdelagouvernancedesressourceseneauaumarocapermisd’identifierplusieursinsuffisancesquirestentàcombleretdesdéfisàsurmonterdanslesannéesetdécenniesàvenir,notamment:
• Lesdifficultésliéesàl’accèsdespopulationsdumonderuralàl’eaupotable;• l’absence d’accès généralisé de la population au service de l’assainissement et de
dépollution;• l’importance de la surexploitation d’un grand nombre de nappes (engendrant un
approfondissementalarmantdeleursniveaux);• ladégradationdelaqualiténaturelledesressourceseneausuperficiellesetsouterraines
parlesactivitéshumaines(rejetsd’eauxuséesdomestiquesetindustrielles,lixiviatsdesdéchargesbrutes, utilisationnon rationnelledes engrais chimiques etdespesticidesdanslespérimètresagricole);
• l’importancedespertesd’eaudanslesréseauxd’eaupotable;• lafaiblessedevalorisationdeseauxutiliséespourl’irrigation;• lafaiblessedemobilisationdesressourceseneaunonconventionnelles(dessalement
de l’eau de mer, déminéralisation des eaux saumâtres, collecte des eaux pluviales,réutilisation des eaux usées épurées, transfert d’eau entre bassins excédentaires etdéficitaires…).
DanscecadreeteuégardàcescontraintesidentifiéesetfaceauxenjeuxetdéfisàreleverentermedegouvernanceparlagestionintégréedesressourceseneauauMaroc,leConseilEconomique Social et Environnemental incite les pouvoirs publics à accélérer le rythmeactuel de mise en œuvre des objectifs fixés par la Stratégie Nationale de l’Eau élaboréeen2009et lesprogrammessectorielsdans lesdomainesde l’assainissement liquideetdel’économie d’eau dans l’irrigation et à fixer de nouveaux objectifs liés à l’amélioration desrendementsdesréseauxdedistributionetà lagénéralisationde l’économied’eauàusageindustrielle,touristiqueetdomestiquedemanièreàréaliser,àl’horizon2020,unemobilisationd’eausupplémentaireannuellede6,4milliardsdem3paran,représentantplusde25%desressourcesglobalesannuellesdupaysetplusde6foislesprélèvementsderessourcesnon-renouvelablesactuelles,répartiscommesuit:
31 % à travers la réalisation de 400 millions de m3 par an d’eau provenant dudessalementd’eaudemeretdeladéminéralisationdeseauxsaumâtres;
27%àtraverslapoursuitedelapolitiquedebarrage; 25%àtraverslaconversionmassiveàl’irrigationlocaliséeet/ouàl’aspersion; 11% à travers la réutilisationdes eauxusées épurées et l’économied’eau à usage
industrielle,touristiqueetdomestique; et 6%à travers l’améliorationdes rendementsde l’adductionetde ladistribution
d’eau.
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Conseil Economique, Social et Environnemental
Afin de concrétiser cette ambition, il convient de rendre la gouvernance institutionnelleplus axée sur la gestion intégrée des ressources en eau, efficiente et transparente. Pourcela leConseilproposedix recommandationsmajeuresexplicitéessous formedemesuresopérationnelles:
1. Le renforcement de la concertation et de la gestion intégrée des ressources en eau à l’échelle nationale
• Une concertation élargie par lerenforcementdesprérogativesduConseilSupérieurdel’EauetduClimat(CSEC)entantqu’instancenationaledeconcertation,d’orientationetd’évaluationdelapolitiquenationaledusecteurdel’eauetdel’assainissement,en:
- élargissant sa composition (renforcement du rôle des usagers de l’eau et rajoutdes représentants des Conseils Régionaux et des associations de protection del’environnement,etdesassociationsdeprotectiondesconsommateurs);
- instaurantunerégularitédesesréunions; - etendynamisantsonComitéPermanent.
• Une gestion intégrée par :
- L’institutionnalisation par décret et l’opérationnalisation de la CommissionInterministériellede l’Eau (CIE),dont le secrétariat est assurépar ledépartementde l’eau, en tant qu’organe garantissant la coordination et la convergence despolitiquesetdesprogrammessectorielsetentantquecadredeprisededécisionet d’arbitrage entre les différentes priorités de mobilisation des ressourceshydriquesdans lecadrede larégionalisationavancée,etnotammentdesprojetsdetransfertd’eauentrebassinsexcédentairesetdéficitaireseneauduRoyaumecequipermettraitlavalorisationd’unpotentieldeplusde800millionsdem3paranaujourd’huidéversésdirectementenmer,toutentenantcomptedesprojetsdéjàplanifiésàtraversnotammentlePlanNationaldel’eau(PNE)etlesPDAIRESdestinésàmobiliserplus1,7milliardsdem3additionnelsparanàterme.
-L’instaurationdel’approche«programmeintégré»lorsdesphasesdeplanificationà moyen terme, de validation, de budgétisation et de financement des projetsde développement des ressources en eau (mobilisation, traitement, épuration,dessalement,aménagementdesbassinsversants,aménagementshydro-agricoles,usineshydro-électriques,reboisement,aménagementscontrelesinondations…),etced’unemanièresystématiquelorsdel’élaborationannuelledelaloidefinance.
- Lerenforcementde lasynergieentre lastratégienationalede l’eauet lastratégienationaledel’énergiepar:
l’améliorationde laprogrammationet l’agencementdesprojetsdesénergiesrenouvelables (solaire, éolienne, biomasse …) pour le développement des
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
ressourceseneau(dessalementd’eaudemer,irrigationetalimentationeneaupotable au niveau du littoral, déminéralisation, épuration des eaux usées etproductiond’électricitéàpartirdesbouesorganiques);
l’augmentationdelapartdeproductiond’énergied’originehydraulique(usinehydroélectrique et petites et moyennes Stations de transfert d’énergie parpompage (STEP))enencourageant lepartenariatpublic-privéeten intégrantenamontcetteoptiondans les investissementsnécessairesà laconstructiondesbarragesdemobilisationdesressourceshydriques.
- LerenforcementdesprérogativesetdesmoyenshumainsetmatérielsduDépartementdel’Eaudanssesmissionsdeplanification,desuivi,depréservation,deprotectionetdecontrôledesressourceseneau,etenintégrantlesactivitésdegénéralisationduserviced’assainissementetdedépollutiondesrejetsliquides,afind’assurerlesbesoinseneaudequalitépourtouslesusagesactuelsetfuturs.
- La séparation des fonctions de planification, de réalisation et d’évaluation des grandsaménagementshydrauliques.
- La régularitéduprocessusd’actualisation,de validation,depublicationetdemiseenœuvrede la stratégienationalede l’eau,etdesplansnationauxet régionauxdans lesdomainesdel’eau,del’assainissementliquideetd‘épurationdeseauxusées.
2. Le renforcement de la concertation et de la gestion intégrée des ressources en eau à l’échelle régionale et locale par :
- La généralisation des représentations des Agences de Bassins Hydrauliques (ABH) auniveaulocal(régionsouprovincesselonlesspécificitésdechaquebassinhydraulique),ladynamisationdescommissionspréfectoralesetprovincialesdel’eauetlaclarificationdesmissionsdesServicesdel’Eau.
- L’institutionnalisationpardécretetl’opérationnalisationdesComités/ForumsdeBassinsauniveaudesneufsbassinshydrauliquespourenfaireunespacedeconcertationélargieetpériodiquegarantissantlareprésentativitédesélus,desadministrations,desopérateurséconomiquesetdesONGlocales.
- LerecentragedesmissionsdesABHsurlaconnaissance,laplanification,laprotection,lesuivietlecontrôledesressourceseneauetlerenforcementdeleursmoyenshumainsetmatérielseten focalisant lesmissionsde leursconseilsd’administration (CA)sur lesactivitésd’orientation,desuivietdecontrôle.
- L’accélérationde la régularisationdes autorisationsde forage et Lagénéralisationdescontrats de nappes pour réguler l’accès à l’eau, selon une approche participative, enintégrantenamontlesutilisateurs(agriculteurs,ONEEetindustriels),etlesautrespartiesprenantes(administrations,élusetONG…).
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Conseil Economique, Social et Environnemental
3. La mise à niveau et l’opérationnalisation du dispositif législatif et réglementaire du secteur de l’eau par :
- Larévisiondelaloisurl’eau(10-95)enassurantsamiseenconformitéaveclesdispositionsdelanouvelleconstitutionetentenantcomptedesnouveauxaspectssuivants:
• lesnouvellesattributionsdesABHs;• les responsabilités en matière de réalisation, d’entretien, de financement des
ouvrageshydrauliques,desprojetsdedessalementdel’eaudemeretderéutilisationdeseauxuséesépurées;
• la réglementation des normes de constructions et de sécurité des ouvrageshydrauliques,depréventiondesinondationsetdesmodalitésdedéversementsdesrejetsdeseauxuséesenmeretdestauxderedevancedepollutionliquide).
- La publication d’un arrêté fixant les modalités d’octroi des aides financières pour laréutilisationdeseauxuséesépurés.
- Lamiseenplacedesmécanismesnécessairesàl’applicationrigoureusedelaloisurl’eau,notammentlerespectdudomainepublichydrauliqueetlamiseenœuvredesprincipesrelatifsau«pollueur-payeur»etau«préleveur-payeur».
- et l’activation de l’adoption du projet de loi sur le littoral, en tenant compte de sesinteractionsaveclaloisurl’eau.
4. L’intensifi cation et la diversifi cation des moyens de mobilisation des ressources en eau par :
- L’élaboration,danslecadreduPlanNationaldel’Eau,d’unprogrammed’investissementàmoyenetlongtermespourledéveloppementdesressourceseneaunonconventionnelles(dessalementdel’eaudemer,déminéralisationdeseauxsaumâtres,réutilisationdeseauxuséesépurées…).
- La mise en place de la post-évaluation systématique des projets de mobilisation etd’aménagement hydro-agricole afin d’apprécier leurs performances techniques etsocioéconomiquesparrapportauxobjectifsinitialementfixés.
- Le renforcementet lamodernisationduprocessusdemaintenanceetd’entretiendesbarrages,deséquipementstechniquesd’exploitationetdesouvrageshydro-agricolesenvuedemaintenirleursperformancesdansdesconditionsoptimalesetréduirelerisquedebaissedeleurscapacitésdestockagedueauproblèmed’envasement.
- La poursuite de la mobilisation des ressources en eau superficielles et souterrainesconventionnellesrenouvelables,toutenveillantdemanièrerigoureuseàleuréquilibreetà leurdurabilité,et ledéveloppementdestechniquesdecollecteetderéutilisationdeseauxpluvialesnotammentenintégrant lesréseauxséparatifsdans lesfutursplansd’aménagement.
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- L’accélérationduprogrammederechargeartificielledesnappes,notammentcellesensituationdesurexploitation.
5. Le renforcement de l’axe « Gestion de la demande » de la stratégie nationale à travers des programmes de maîtrise de la demande, d’économie et de valorisation des ressources en eau au niveau de toute la chaîne de valeurs du secteur de l’eau par:
- La généralisation et l’accélération des programmes nationaux existants en matièred’économied’eaupourl’irrigation:
• programmenationald’économied’eaudansl’irrigation(PNEEI)pourlareconversiondel’irrigationgravitaireensystèmeséconomeseneau(goutteàgoutte,aspersionàcouverture totale,…)envued’atteindre,à l’horizon2020, la réalisationde80%dupotentiel de 2milliardsdem3d’économies annuelles, une augmentationdesrendementsdes culturesde10%à100%etundoublementde la valeur ajoutéemoyenneparm3d’eau;
• programmed’extensionde l’irrigation (PEI) envued’assurer la valorisationde1,2Milliardm3d’eauetl’augmentationdelavaleurajoutéeagricolede2,3MilliardsdeDH/an.
- Lamiseenplacedescompteursd’eauauniveaudesforagespourl’ensembledespetites,moyennesetgrandesexploitationsagricolesetlaluttecontrelesprélèvementsillégauxdel’eaupourl’irrigation.
- L’élaboration d’urgence d’un Programme National d’Economie d’Eau Potable etIndustrielle(PNEEPI),avecdesobjectifsnationauxchiffrésàatteindreàl’horizon2020,parlamiseenplacedemécanismesincitatifsappropriéspoursonapplication.Ilconvientqueceprogrammeassure:
• l’efficienceet le rendementdesadductionsenvuede réaliseraumoins80%des400millionsdem3des économiespotentielles annuelles pour atteindreun tauxd’adductionde97%àl’horizon2020etdesréseauxdedistributionenvued’atteindreuntauxsupérieurà60%des120millionsdem3d’économiespotentiellesannuellesaméliorant le rendement du réseaunational d’alimentation en eaupotable de 9pointsàl’horizon2020.Ilconvientdedéclinercesobjectifsauniveaudel’ensembledescollectivitéslocalesetlecontractualiséaveclesopérateursdedistributiond’eaupotable(ONEP,RégiesetGestionnairesdéléguésprivés)envuedeluttercontrelesfuitesdanslesréseaux.
• l’économied’eaudanslessecteursindustrielsettouristiques,lesadministrationsetlesménagesenvued’atteindreunobjectifderéductionde30%àl’horizon2020,à travers l’encouragement des audits des installations techniques, l’utilisation deprocédés économes en eau et le changement des pratiques de consommationd’eau;
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• laréutilisationdeseauxuséesépuréesjusqu’auniveautertiairedansl’irrigation,envued’atteindreunobjectifnationalderecyclagefixéà50%àl’horizon2020parlePNA,àtraverslamiseenplacedelaréglementationetlatarificationappropriée.
- Amendement de l’article 6 de la loi 12-03 sur l’Etude d’impact sur l’environnement(EIE)enintégrant l’exigenced’assurer l’efficacitéhydriquedesprojetsd’investissements(agriculture, industrieet tourisme)par lebiaisd’étuded’impacthydriqueduprojetquipermetde comparer l’empreinte en eauduprojet futur aux standards internationauxdansledomaineetd’encouragerlesinvestisseursàchoisirdestechnologieséconomeseneauetdeprivilégierlestypesdeculturesagricolesayantuneempreinteeauoptimaleetuneproductivitéélevéedel’eau.
- L’introduction de nouvelles dispositions dans les cahiers des charges de l’exploitationdes eaux minérales en vue de maximiser leurs retombées socioéconomiques sur ledéveloppementdespopulationslocales.
6. Le renforcement des dispositifs et des programmes de protection des ressources en eau, par :
- L’effectivitédelaréglementationrelativeauxdéversementsdirectsetindirectsdesrejetsliquidesetl’ensembledesarrêtésportantsurlesnormes,lesredevancesetlesconditionsdes déversements des rejets liquides industriels et clarifier le cadre institutionnel,organisationnelettarifairerégissantlaréutilisationdeseauxuséesépuréesetdessous-produitsdel’épuration(ex:boues).
- Ledéveloppementdenouveauxmécanismesdefinancementattractifs (autresque lefondsdedépollutionindustrielle(FODEP)),etunefiscalitéenvironnementaleincitative,àlalumièredesnouvellesnormesfixéespourlesrejetsindustriels,destinésauxindustrielsdésireuxd’investirdansdesprojetsdedépollutionetauxopérateursnationauxsouhaitantinvestirdansdestechnologiesvertes(économeseneauetenmatièrepremière).
- L’élaborationd’unplannationalderéutilisationdeseauxuséesdomestiquesépuréesetd’unplannationaldedépollutionindustrielle.
- L’accélération de la mise en œuvre du Plan National d’assainissement (PNA) et duProgramme National des Déchets Ménagers (PNDM). Il convient aussi d’étendre lesstationsd’épurationdeseauxuséesà l’ensembledesmoyensetpetitscentresurbainsenvued’atteindrel’objectifnationald’épurationfixéà80%àl’horizon2020parlePNAetd’étendresondomained’applicationàl’assainissementruraldestinéàl’habitatdispersé.
- Le renforcement des attributions de la police de l’eau en termes de moyens et decapacité de sanction ainsi que l’instauration d’une coordination effective et efficienteavec lesautresorganesdecontrôleopérantdans ledomainede l’eau (inspecteursdel’environnement,policeetgendarmeriedel’environnementetagentsdeseauxetforêts).
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- L’encadrement de l’utilisation rationnelle des engrais chimiques, des produitsphytosanitairesetdespesticidesdansl’agricultureparuncadrelégalappropriéquifixelesnormesdedosages,unsystèmedecontrôleefficace(delasourceàl’utilisateur)etpardesprogrammesdesensibilisationetdeformationdesagriculteursàl’utilisationdecesproduitspotentiellementpolluantsdesnappesphréatiquesetnuisiblesà la santédesconsommateurs.
- La généralisation de l’établissement des cartes de caractérisation de la vulnérabilité àlapollutiondes ressourceseneau (superficiellesetsouterraines)auniveaudechaquebassinhydrauliqueetl’instaurationdespérimètresdeprotectiondescaptages(barrages,forages,puits,sources…)utiliséspourl’eaupotable.
7. La promotion du partenariat public-privé dans le secteur de l’eau par :
- Lamiseenplacedesmécanismesincitatifsnécessairesaudéveloppementdesopérateursprivés marocains spécialisés dans les domaines de mobilisation, d’assainissement,d’épuration,dudessalementetdeproductiond’énergiehydroélectrique.Cecipermettradesoutenirl’exportdel’expertisemarocainedansledomainedel’eauauniveaurégionaletinternational.
- L’évaluationdanslaperspectivedelarégionalisationavancéedel’expérienceactuelledegestiondirecte et déléguéedes services dedistributionde l’eaupotable, d’électricité,d’assainissement liquide et d’épuration des eaux usées urbaines afin d’en tirer lesmeilleurs enseignements organisationnels, financiers, sociaux et environnementauxdans laperspectivededévelopperunmodèledegestionoptimisédestroisfluides,etéconomiquementviablepourlesbesoinsfutursd’investissementsauniveauduterritoiredechaquerégionduMaroc.
- l’évaluation desmodes existants de gestion des périmètres irrigués et de distributiond’eaupourl’irrigation(ORMVA,concessiond’irrigationdupérimètreAlGuerdane)envued’en tirer les enseignementspermettant unmeilleur choix dumodèlededistributionpourlesprojetsfutursd’irrigationetunrenforcementdelaréalisationdesprogrammesrégionauxduPlanMarocVert.
8. Le développement d’un modèle de gestion équitable et économiquement viable du secteur de l’eau par:
- La mise en place d’un modèle économique équitable et viable du secteur de l’eaubénéficiantdefinancementsadéquatsetdiversifiés,baséssurunréférentielnationaldelacomptabilitédel’eaureflétantlescoûtsréelsdel’eauparrégionetpermettantleciblagedessubventionspubliquesausecteur,enmettantl’accentsurlesdifférentespossibilitésdedéveloppementdescapacitésd’autofinancementdesrégions,departenariats-public-privé,demobilisationd’investissementsdomestiquesetdesIDE.
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Conseil Economique, Social et Environnemental
- Ledéveloppementdesleviersd’actionspermettantl’accroissementdel’autofinancementdusecteurdel’eau,toutenassurantl’équitésocialeetlasolidaritéinter-régionale.Pourcefaire,ilconvientdemenerdesactionsde:
• réformetarifaireassurantlavéritédesprixetprenantenconsidérationlesspécificitésrégionales;
• révision des redevances des prélèvements et d’occupation du domaine publichydraulique;
• révisiondesredevancesdepollutiondanslecadred’unefiscalitéenvironnementaleglobaleetincitativeencohérenceaveclesnouvellesexigencesdelaloicadren°99-12portantchartenationaledel’environnementetdedéveloppementdurable;
• améliorationdedispositifactuelderecouvrementetnotammentdansledomainedel’irrigation.
9. L’adaptation des programmes d’éducation, de formation, de R&D et de sensibilisation aux défi s du secteur de l’eau par :
- L’accompagnementdesprogrammesd’économied’eau,depréventionetdeluttecontrelapollutionetdesuividespolitiquepubliquedel’eauparlamiseenplaced’unecommissionnationaledetypeIEC(informationéducationetsensibilisation).CetteCommissiondevraitêtredotéed’unbudgetspécifiqueetdevraitavoirpourprincipalesmissionsdeplanifieret demutualiser les actions engagéespar les différents acteurs (Ministères en chargedel’éducationnationale,del’eau,del’environnement,del’agriculture,Officesnationaux,opérateursdedistributiond’eau,ONG,et,médias…).
- Lerenforcementdescapacitésdesintervenantsdusecteurdel’eaudansl’objectifd’enfaire une filière industrielle nationale à part entière et un vecteur de développementde l’économie vertepar le biais de lamaîtrise des nouvelles technologies du secteur,etparticulièrement auniveaude la chaînede valeurdes activitésdedessalementdel’eaudemer,dedéminéralisationdeseauxsaumâtres,d’épurationetderéutilisationdeseauxuséesdomestiquesetindustrielles.Untelinvestissementpermettrainfinedesaisirdenouvellesopportunitésdecréationd’emploisetd’exportdusavoir-fairenationalenAfriqueetenrégionMENA.
- Lamiseenplacedeprogrammesetd’unclusterdeR&Detd’innovationstructurésdansledomainedel’industriedel’eau,regroupantlesécolesd’ingénieurs,lesuniversités,lesministèresconcernéset lesopérateurséconomiquesenvuededévelopper l’expertisenationale et créer de nouvelles filières industrielles dans les métiers de l’eau et del’environnement.
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10. Le renforcement des capacités des intervenants dans le secteur de l’eau en matière de gestion de la connaissance des risques et des changements climatiques selon le triptyque :
• Savoir : renforcer les systèmes de mesure et de suivi, inventorier les activités et les paramètres exerçant une pression sur les ressources en eau (prélèvements et pollutions).
• Réagir : mettre en place un système d’information intégré, accessible aux concernés et fi able des ressources en eau et en faire un véritable outil d’aide à la décision. Constituer des équipes d’experts et décideurs en mesure d’exploiter les informations disponibles pour prendre les décisions garantissant la sauvegarde des personnes et des biens, prendre les dispositions nécessaires à une adaptation réactive réussie.
• et Prévenir : réaliser les projections, prédictions et scénarios futurs concernant l’état des ressources en eau, les évolutions probables des pressions pouvant être exercées (sur ces ressources) ainsi que les stratégies et plans d’adaptation aussi bien réactive que planifi ée.
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Annexes
Annexe1:Listedesmembresdelacommissionpermanentechargéedesaffairesenvironnementalesetdudéveloppementrégional
Annexe2: Listedesauditions
Annexe3: Benchmarkinternationaldelagouvernancedel’eau
Annexe4: Référencesbibliographiques
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Annexe1:Listedesmembresdelacommissionpermanentechargéedesaffairesenvironnementalesetdudéveloppementrégional
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Catégorie des Experts
ZoubeirHajbouha
IlaliIdriss
LamraniAmina
LamraniAmina
Catégorie des Syndicats
BabaAabaneAhmed
BensamiKhalil
BoujidaMamhamed
BoukhlafaBouchta
BouzaachaneAli
ChahbouniNour-eddine
DahmaniMohamed
MrimiAbdessamad
EssaïdiMohamedAbdessadek
RouchatiMina
ZidouhBrahim
BelfadlaDriss
BencherkiAbdelkrim
Catégorie des Organisations et Associations Professionnelles
Listedesmembresdelacommissionpermanentechargéedesaffairesenvironnementalesetdudéveloppementrégional
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BessaAbdelhai
AlaouiNouzha
FikratMohammed
GaouziSidiMohamed
MouttaqiAbdellah
KsiriAbderrahim
RiadMHammed
BenkaddourMohamed
AhmidouchSaid
Catégorie Membres de Droits
ZianiMoncef
Catégorie des Organisation et Associations œuvrant dans les domaines de l’économie sociale et de l’activité associative
SijilmassiTarik
YazamiDriss
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Annexe2:
Listedesauditions
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Listedesauditions
• 12 Acteurs institutionnels:
Au niveau régional : - AgencedebassinHydrauliqueOumRabiaa, - AgencedebassinHydrauliqueSebou, - OfficerégionaldelamiseenvaleuragricoledeDoukkala,
Au niveau central :
- Ministèredel’eau; - Ministèredel’Environnement, - Ministèredel’Agriculture, - Ministèredel’Industrieetducommerce, - MinistèreduTourisme, - Ministèredel’intérieur:Directiondel’eauetdel’assainissement, - Ministèredel’intérieur:Directiondesrégiesetdesservicesconcédés, - Haut-commissariatdesEauxetForêtsetluttecontreladésertification.
• 6 Acteurs économiques:
- CGEM,CMPP, - OCP, - COMADER, - ONEE:brancheEau, - LYDEC.
• 2 ONG :
- FédérationNationaledesAssociationsduConsommateurFNAC - AssociationEauetEnergiepourtous
• 8 Experts nationaux :
- L.TIJANI:PrésidentdéléguédelaFondationMohamedVIpourlaprotectiondel’environnement,
- M. DINIA : ex Directeur de l’eau et l’assainissement au sein du Ministère del’intérieur,
- M.BENZEKRI:PrésidentduConseild’administrationduBETCID, - M.AitKADDI:PrésidentduConseilGénéraldudéveloppementagricole, - R.BALAFREJ:Chefdeprojetdel’étudeduPNE, - A.GUEDDARI:ancienDirecteurGénéraldel’AGR(génierural), - A.DERJ:Expertmembredel’équipedel’étudeduPlanNationaldel’eau,
- S.MOULINE:ExpertdanslePlanNationaldel’eauetdanslacomptabilitédel’eau.
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Annexe3:
Benchmarkinternationaldelagouvernancedel’eau
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Benchmarkinternationaldelagouvernancedel’eau
I- Cas de l’Espagne
L’Espagne connaît le plus grand taux d’aridité de l’Europe et une forte hétérogénéitéclimatique spatiale. Lapartienord représente11%de la superficiedupayset reçoit 40%des ressources en eau. Le reste de la superficie (89%) reçoit 60%des ressources en eau.
Répartition spatiale des ressources en eau de l’Espagne
Lesbesoinseneaude l’Espagnesontenforteaugmentation,enraisond’uneurbanisationcroissante,d’uneagricultureintensiveetd’untourismedemasseconsommantdegrandesquantitésd’eaudouce(l’Espagneétaitledeuxièmepaysleplusvisitéaumondeen2008).
1. Volet réglementaire de l’eau en Espagne
Laloidel’Eaude1985a:
confirmélechoix(établidès1926)delagestiondesressourceseneauparbassinversant; conservé le rôledesorganismesdebassin (ConfédérationsHydrographiques) pour lagestiondesressourceseneau;
introduit ladomanialitédesressourceseneau.Avant, leseauxsouterrainespouvaientêtreappropriéesprivativement;
instauréuneplanificationde l’eau à l’échellenationale (PlanNational de l’Eau) etparbassinhydrographique.
2. Organisation institutionnelle du secteur de l’eau en Espagne
2.1. Conseil National de l’Eau (CNE)
LeConseilNationaldel’Eauestunorganeconsultatifindépendantmisenplacepourfavoriserune plus large concertation et participation aux plans de gestion de l’eau soumis par legouvernementcentralespagnol.Ilestcomposéd’unecentainedemembres,représentantl’administrationcentrale,lesrégionsautonomes, lesorganismesdebassins, les représentantsdesusagersde l’eau (agriculteurs,industrielsetcompagnieshydroélectriques),dumondeprofessionneletassociatif.
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2.2. Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de l’Environnement
Leministèredel’Agriculture,del’Alimentationetdel’Environnementd’Espagne(Secrétariatd’Étatàl’Environnement)estledépartementministérielchargédelapropositionetdelamiseenœuvredelapolitiquedel’Espagnedansledomainedel’eau.
2.3. Communautés Autonomes
Ces Communautés Autonomes (17 au total) assurent la responsabilité de tous les projetshydrauliques,aménagementshydrauliques,canauxettravauxd’irrigationlorsquelatotalitédubassinducoursd’eausetrouvesurleterritoiredelacommunauté.
2.4. Confédérations HydrographiquesCe sont des organismes de bassin (neuf au total) chargés de gérer les ressources en eaudes bassins hydrographiques, dont les limites dépassent celles d’une seule CommunautéAutonome. Ce sont des entités de droit public dotées de personnalité juridique propreet distincte de celle de l’Etat. Elles sont reliées administrativement au département del’environnement.
Confédérations Hydrographiques d’Espagne (Gestion de l’eau par bassin versant)
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Foncti onnement des Confédérati ons Hydrographiques: Elles sont consti tuées par :
• un organe de direction : comportant 1/3 des représentants des administrations del’Etat, 1/3 des représentants des communautés autonomes et 1/3 des représentantsdesusagersde l’eau (irrigants,municipalités,entrepriseshydroélectriques,entreprisespiscicoles...);
• un organe de planification : représenté par le Conseil de l’Eau du bassin (mêmecompositionquecelleduConseilNationaldel’Eau);
• desorganesdegestion:Assembléedesusagers,CommissiondeGestiondesBarrages,Assembléesd’exploitation,AssembléesdesOuvrages….
Fig. 12. Organisation du secteur de l’eau en Espagne Source : Rapport 29994-MOR/BM, 2004
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2.5. Communautés des irrigants
Les Communautés des irrigants sont des Corporations de Droit Public, chargées del’administrationetladistributiondel’eaud’irrigation.Cesontdesregroupementsdetouslespropriétairesd’unezoneirrigablequis’unissentpourl’administrationautonomeetcommunedeseauxpubliques sansfin lucratif. Le rôledesusagers irrigantsdans laprisededécision(Gouvernance)estfondamentalpouruneexploitationjustedel’eau.
3. Planifi cation de l’eau en Espagne
Selonlaloisurl’eaude1985,laplanificationdel’eaudoitêtreeffectuéesurlabasedePlansHydrologiquesdeBassins(P.H.B)etduPlanHydrologiqueNational(P.H.N.).Lespremierssontapprouvésparlegouvernementnationaletlesecondestapprouvéparleparlement(Loi).LesplanshydrologiquesdebassinsontapprouvésavantlePlanNationaldel’Eau.
Le PlanHydrologiqueNational (P.H.N) préconise lamodernisation de l’irrigation, la remiseenétatdescanalisations(20%del’eauestperduedufaitdecanalisationsdéfectueuses), ledéveloppementdel’assainissementetdel’épurationdeseaux,lapréventiondesinondationsetlarestaurationhydrologiqueforestière.
4. Mobilisation des ressources en eau conventionnelles
L’agricultureutilise80%desressourceseneaumobilisées,contre13%pourl’AEPet7%pourl’industrie.Lesprincipauxbassinsdel’Espagnesontdotésdebarragesquirégularisentleursressourceseneauetdenombreuxaménagementshydrauliquesontété réalisésenmilieurural.
5. Mobilisation des ressources en eaux non conventionnelles
5.1. Transfert de l’eau entre le Nord et le Sud
Enavril1993,legouvernementEspagnolaproposéunplandetransfertd’eauàgrandeéchelle(concernant4Milliardsdem3d’eau/an)desbassinsexcédentairesverslesbassinsdéficitaires.
Infrastructure hydraulique et projets de transfert d’eau en Espagne
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
Les projets de transfert d’eau à grande échelle ont été et sont toujours l’objet de forteopposition par les gouvernements des Communautés considérées comme excédentaires(doncdonneusesd’eau).LaCommunautéd’Aragonestlaplusimportantedubassindel’Ebre(excédentaireeneau),elles’esttoujoursopposéeàtouslesprojetsdetransfertd’eaudepuissonbassinversàunautrebassin,sansqu’unecompensationéconomiquesignificativeneluisoitaccordéesousformedeconstructiondebarragesetdecanauxd’irrigationinternessupplémentaires.
5.2. Dessalement de l’eau de mer
L’Espagnealancéen2004unvasteprogrammenationaldedéveloppementdedessalementdeseauxmarines,notammentlelongdulittoralméditerranéenoùlesbesoinseneausontlesplusélevés(principalementdanslarégiondusud).20nouvellesstationsdedessalementontétéplanifiéesafinderépondreà50%desbesoinseneaudecesrégions.Actuellementl’Espagneestconsidéréecommelequatrièmeutilisateurdestechnologiesdedessalementau monde (derrière l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et les Etats-Unis), avec uneproductiond’environ2millionsdem3d’eaudessalée/jour.
Cependant, le dessalement de l’eau est vu d’un mauvais œil par les associations deprotectiondel’environnement,enraisondesproblèmescausésparlessaumures(résultantdudessalement).
LesONGcraignentégalementqueledessalementdevienneunesolutiondefacilitéetsoitdéveloppéauxdépensdemesuresdegestiondel’eauetd’économied’eau.
6. Irrigation en Espagne
L’irrigation est le plus grand consommateur de l’eau en Espagne, avec un volume annueld’environ24.5milliardsdem3/an(environ80%duvolumemobilisédanslesdernièresannées).Cetteconsommationabaisséà63%actuellement(environ16milliardsdem3/an)enraisondudéveloppementdestechniquesd’irrigationéconomeseneau.22%duvolumed’eaudessaléeenEspagneestutiliséenirrigation.L’irrigationconcerneprèsde14%delasurfacetotalecultivéeetpresque60%delaproductiontotaleagricoleespagnole.Letyped’irrigationmajoritaireactuellementestceluidugoûteàgoûte,dontlasuperficieestpasséede17%en2000à48%en2011(1.66millionsd’hectares).Lesystèmegravitaireabaisséde59%en2000à30%en2011.
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II- Cas de la France
LevolumetotaldesressourceseneaurenouvelablesdelaFranceatteintenviron200milliardsdem³/an(Francemétropolitaine),dont120milliardsm³/anrechargentlesnappessouterraines(dontlestockestévaluéà2000milliardsdem3)et80milliardsm3/anruissellentverslescoursd’eauetleseauxstagnantes.
Lesbassinsversantsdesquatreprincipauxfleuvesfrançais(Garonne,Loire,RhôneetSeine)drainent63%deseauxdeFrance.Sur lepourtourméditerranéen, leclimatestplussecetsujetàdeviolentesvariationsdepluviométrie.
Lesprélèvementsd’eauannuels(2009)s’élèventà33,4milliardsdem3/and’eau,permettantdesatisfairelesbesoinseneaudel’ensembledesusages:alimentationeneaupotable(AEP),irrigation,productiond’électricitéetindustrie.
Répartition des prélèvements et consommations d’eau en France (2009) par ressource et par secteur
1. Volet réglementaire de l’eau en FranceLaloide1964estàl’origined’unegestiondelaressourceeneauàl’échelledegrandsbassinshydrographiquesetdelacréationdescomitésdebassin(véritables‘’parlementsdel’eau’’).C‘estcetteloiquiainstauréégalementleprincipedepollueur-payeuretlessixagencesdel’eauassociéesauxgrandsbassinshydrographiques.
Laloide1992estmarquéeparlatranspositiondesdirectivescommunautaireseuropéennes(DCE) et a instauré la domanialité des ressources en eau (l’eau fait partie du patrimoinecommundupays).
Elle a précisé également la répartition des compétences entre l’État et chaque niveau decollectivitéterritorialeetamisenplacedanschaquebassin(ougroupementdebassins)d’unSchémaDirecteurd’AménagementetdeGestiondesEaux(SDAGE),complétédanschaquesous-bassinpardesschémasd’AménagementetdeGestiondesEaux(SAGE).
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
LaLoin°2006-1772de2006surl’eauetlesmilieuxaquatiques«LEMA».Ellea:
• réformélesredevancesdesagencesdel’eau;
• mis en place un nouvel établissement : l’Office National de l’Eau et des MilieuxAquatiques(ONEMA):chargédemeneretdesoutenir(auniveaunational)desactionsdestinéesàfavoriserunegestionglobale,durableetéquilibréedelaressourceeneau,desécosystèmesaquatiques,delapêcheetdupatrimoinepiscicole.
2. Organisati on insti tuti onnelle du secteur de l’eau en France
2.1. Echelon nati onal de la politi que de l’eau
2.1.1. Etat
Lapolitiquede l’eauestportéepar leMinistèrede l’Ecologie,duDéveloppementDurable,desTransportsetduLogement(MEDDTL)quiproposeetmetenœuvre la législationet laréglementationnationalerelativesàl’eau.
La coordination entre les différents secteurs concernéspar l’eau est établiepar laMissioninterministérielle de l’eau (Mise) : commission administrative qui dépend du ministèrechargé de l’environnement et composée des représentants des ministères exerçant desresponsabilitésenlamatière.
2.1.2. Comité Nati onal de l’Eau (CNE)
LeComitéNationaldel’Eauestunorganeconsultatif,composéd’élus,d’usagers,d’associations,desprésidentsdescomitésdebassinetdesreprésentantsdesservicesdel’Etat.Ilconstituel’instancedesdébatsd’orientationspréalablesàladéfinitiondelapolitiquedel’eauetrenddesavis.LaLEMAluiaconfiéunemissiond’évaluationetdesuividelaqualitéetduprixdesservicespublicsd’eauetd’assainissement.
2.1.3. Offi ce Nati onal de l’Eau et des Milieux Aquati ques (ONEMA)
Sesmissionsprincipalessont:lecontrôledesusagesdel’eau,lacoordinationdelarechercheetledéveloppementdelaconnaissance,lacoordinationtechniqueduSystèmed’Informationsurl’Eau(SIE),laproductiondecertainesdonnéessurl’eauetlesmilieuxaquatiquesetl’appuià l’actionterritoriale (enmettantsesconnaissanceset lescompétencestechniquesdesonpersonnelauservicedudiagnosticdel’étatdeseauxetdesmilieux).
2.2. Echelon du bassin versant
Troisinstancesontétécrééesafindemettreenœuvreunegestionconcertéedesressourceseneauparbassin.Cesont:
2.2.1. Comités de bassin
Lecomitédebassinest‘’leparlementlocaldel’eau»dubassin.Ilestchargéde:
• arrêter les grandes orientations de la gestion de l’eau au sein de chaque bassin, enapplicationdespolitiquesdel’eaunationaleeteuropéenne;
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Conseil Economique, Social et Environnemental
• adopterleSchémaDirecteurd’AménagementetdeGestiondesEaux(SDAGE);• adopter les programmes d’intervention des agences de l’eau et les redevances
nécessairespourleurfinancement.
Composition:Chaquecomitédebassinestcomposédestroiscollègessuivants:
• 40%dereprésentantsdescollectivitéslocales;
• 40%de représentantsdesusagersde l’eau : industriels, agriculteurs, associationsdedéfensedel’environnement,associationsdepêche,associationsdeconsommateurs;
• et20%desreprésentantsdel’État.Laconcertationentrelesdifférentsacteursdel’eauesteneffetlaclédevoûtedusystèmefrançaisdegestiondel’eau.
2.2.2.AgencesetOfficesdel’Eau
Uneagencedel’eauestl’organismeexécutifchargédemettreenœuvrelapolitiquedel’eaudéfiniparlecomitédebassin.Cesagencesontlestatutd’établissementspublicsadministratifsdel’État.
Cesétablissementsprélèventdesredevancessurlesutilisationsdel’eauetapportentdesaidesfinancièresauxactionsd’intérêtcommun(relativesàl’eau)menéesparlescollectivitéslocales,lesindustrielsetlesagriculteurs:productiondel’eaupotabledequalité,épurationdeseauxusées,miseenplacedeprocédésdeproductionpluspropres,restaurationetentretiendesmilieuxaquatiques…
Agences de bassins de France
2.2.3.Préfetscoordonnateursdebassin
Assistés des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement(DREAL),lespréfetscoordonnateursdebassinontpourmissions:
• d’animeretdecoordonner l’actionde l’Étatdans ledomainede l’eauà l’échelledesbassins;
• d’approuverlesSDAGE;• d’arrêterlesprogrammesdemesure.
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LePréfet coordonnateurdebassindisposedesmoyensnécessaires (enparticulierpour lagestiondecrise).Ilpeutprendredesmesuresdelimitationoudesuspensionprovisoiredesusagesdel’eau,pourfairefaceàdesaccidents,inondations,sécheressesoupénuriesd’eau.
2.3. Echelon local de la politique de l’eau
2.3.1.CommissionLocaledel’Eau(CLE)
LaCLEestunecommissiondeconcertationquiconcerneuneunitéhydrographiquelimitée(affluentdecoursd’eau,sousbassinouaquifère).Elleestinstituéeparlepréfetconcernéetestchargéede l’élaboration,de la révisionetdusuivid’unSchémad’AménagementetdeGestiondesEaux(SAGE)quidoitsefaireenconcertationaveclesprioritésduSDAGEdontilestunedéclinaison.
LaCLEestcomposéede50%dereprésentantsd’élus,25%dereprésentantsd’usagerset25%dereprésentantsdel’État(dontunreprésentantdupréfetcoordonnateuretunreprésentantdel’agencedel’eau).Leprésident(élu)doitêtreunmembreducollègedesélus.
Fig. 13. Organisation du secteur de l’eau en France Source : Rapport 29994-MOR/BM, 2004
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2.3.2.EtablissementsPublicsTerritoriauxdeBassins(EPTB)
LesEPTBsontdesétablissementspublicspouvantseportermaîtred’ouvraged’opérationsàl’échelledubassinversantoud’unsousbassinauxcôtésdesagencesdel’eauetdescomitésdebassin.LaLEMAetleGrenelledel’environnementontconférédenouvellesprérogativesauxEPTBetencouragéleurcréation,ainsiquel’investissementdesagencesetofficesdel’eaudansleursactions.
2.3.3.SyndicatsdeRivière
A l’échelle locale,ungrandnombrede syndicatsde rivière (ouégalementde lac,debaie,de nappe), regroupent plusieurs collectivités territoriales (communes, communautés decommunes,voireconseilgénéral),ayantpourobjectif lapriseencomptedesdynamiqueshydrauliquesd’unbassinversant.
Un contrat de rivière d’une durée de 5 ans (avec des objectifs de qualité des eaux, devalorisationdumilieuaquatiqueetdegestionéquilibréedesressourceseneau)estsignéavecl’agencedel’eau,leconseilgénéral,leconseilrégionaletl’État(travauxouétudesnécessairespouratteindrecesobjectifs,désignationdesmaîtresd’ouvrage,dumodedefinancement,deséchéancesdestravaux,etc.).
2.3.4.AssociationsSyndicalesAutorisées(ASA)Lacréationd’uneAssociationSyndicaleAutorisée(ASA)intéressedespropriétairesprivésquiseregroupentpourl’entretiend’unbienqu’ilspartagentsurunpérimètredéterminé.
L’ASA dispose des prérogatives de puissance publique pour exécuter certains travauxspécifiques d’amélioration ou d’entretien intéressant l’ensemble des propriétés. Lespropriétairesdesterrainscomprisdanscepérimètreontobligationd’adhérer.85% des associations syndicales concernent l’agriculture, plus particulièrement l’irrigation,laforêt,l’aménagementfoncier,lepastoralisme,lesmarais,ledrainage,l’aménagementdescoursd’eau,laviticulture,etc.
2.3.5.CollectivitésLocales(régions,départements,communesetleursgroupements)
• Les régions interviennent enmenantdespolitiquespubliquesdirectement liées auxenjeuxdel’eau:développementéconomique,aménagementduterritoire,schémasdecontinuitéécologique…;
• Les départements interviennent dans les équipements d’adduction d’eau potable,la réalisationdesbarrageset leur interconnexionpour l’alimentationeneaupotable,l’aménagementrural, lesuiviet lasurveillancedelaqualitédel’eau, laparticipationàl’élaborationdesschémasdeplanificationdel’eau(SAGE);
• Les communes interviennent dans la distribution publique de l’eau potable,l’assainissementetlacollectedeseauxpluviales.
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2.3.6.Policedeseaux
Les agents chargés de la Police de l’eau (services déconcentrés et l’ONEMA) contrôlentl’applicationdelaréglementationetétablissentunprocès-verbalencasd’infraction.Lessanctionsprononcéessontleplussouventd’ordreadministratif(parexemple:l’obligationderéaliserdestravauxpourlamiseauxnormes,voirelafermeturedel’établissement).Danscertains cas, des sanctions pénales sont requises. Le procès-verbal est alors transmis autribunaletlejugepeutprononcerunepeine,soitfinancièresoitd’emprisonnementpourlescaslesplusgraves.
3. Planifi cation des ressources en eau en France
3.1. Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE)
Chaquebassinhydrographiqueestdotéd’unSDAGEquifixelesorientationsfondamentalesetlesdispositionspermettantd’instaurerunegestionéquilibréeetdurabledesressourceseneauetcontribuantàl’atteintedesobjectifsdelaDCE.LesSDAGEdéfinissentlesobjectifsde:
• qualitéetdequantitéàatteindrepourchaquebassin;
• réductionoudesuppressiondesémissionsetrejetsdesubstancesprioritaires.
Le SDAGE est accompagné d’un programme de mesures (Pdm) qui définit les actionsconcrètesàmettreenœuvrepouratteindrecesobjectifs.Lesdocumentsd’urbanisme(SCOT,PLU,cartescommunales)etlesdécisionsadministrativesdansledomainedel’eaudoiventêtrecompatiblesaveclesdispositionsduSDAGE.
3.2. Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE)
LesSAGEconstituentladéclinaisonconcrètedesorientationsetdesdispositionsduSDAGEdanslecontextelocal.Ilspeuvents’appliqueràunsous-bassin,àunaquifèreouàtouteautreunitéhydrologiquecohérente.LeSAGEestélaboréparlesacteurslocauxauseindelaCommissionLocaledel’Eau(CLE)etilestsoumisàenquêtepubliqueetestapprouvéparl’État.
4. Gestion des ressources en eau en France
LagestiondesressourceseneauenFranceestbaséesurlesseptprincipesfondamentauxsuivants:
• unegestiondécentraliséeauniveaudesbassinsversants.Lebassinestl’unitédebasedelagestiondel’eau(quiépouseleterritoiregéographiquedelaressourceetnonpaslesfrontièresadministratives);
• uneapprocheintégréequiviseàprendreencomptetouslesusagesdel’eau,lesbesoinsdes écosystèmes aquatiques, la prévention des pollutions et le contrôle des risquesnaturelsetaccidentels;
• l’organisationdelaconcertationetdelacoordinationdesactionsrespectivementpar: - lecomitédebassin(comparéàun‘’parlementdel’eau’’);
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- lepréfetcoordonnateurdubassinpourlegrandcycle; - etparlemaireoul’élumunicipalprésidentdusyndicatintercommunal(pourlepetitcycle);
• une planification et une programmation pluriannuelles. La gestion de l’eau suit uneplanificationdéfinitparlesSDAGE(bassin)lesSAGE(échellelocale).LesAgences de l’eaudéclinent les objectifs de ces plans directeurs enprogrammesfinanciersde6ansapprouvésparleurscomitésdebassinetconseilsd’administrationpuisvotésparleparlementetinscritsauxloisdefinance;
• latarificationdel’eauauvolumedesprélèvementsetconsommations.Chaqueusager(ménages, agriculteurs, industriels) dispose d’un compteur ou d’un équipement demesuredesquantitésprélevées;
• lamobilisationdesressourcesfinancièresspécifiquesmutualiséesauniveaudubassin;
• unerépartitionclairedesresponsabilitésentrelesautoritéspubliquesetlesopérateursprivéspourlagestiondesservicesmunicipauxdel’eaupotableetdel’assainissement.
5. Financement de la gestion des ressources en eau en France
5.1 Paiement des usagers de l’eau : Facturation
Lesménagess’acquittentd’unefactured’eaucomportanttroisgrandséléments:
• larémunérationduservicedel’eau(productionetdistribution);
• larémunérationduservicedel’assainissement(collecteettraitementdeseauxusées).
• lestaxesetredevances.
Composition moyenne d’une facture d’eau en France (année 2007) Source : Fédération Professionnelle des Entreprises de l’Eau (FP2E) et BIPE, Février 2008
Modalitésdefixationduprixdel’eauetpriseencomptedel’acceptabilité
Lesorganismespublicsfixentlestaxesetlesredevancesapplicablesauprixdel’eau.Leresteestfixéauniveaudelacommunededeuxfaçonsdistinctes,enfonctiondumodedegestionutilisé:
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• gestiondirecte,leprixestfixéparlacommuneoulesyndicat;
• gestiondéléguée,ilyanégociationentrelacommuneetlasociétéprivée.L’acceptabilitésocialeduprixdel’eauestpriseencomptedanslesdécisionsdetarification.Lafixationduprixdel’eauestunedécisionpolitique.
5.2. Redevances des usagers et des pollueurs de l’eau
Cesontlesprincipesde«pollueur-payeur»et«d’utilisateur-payeur»quisontappliqués.C’estleprincipe«de’eaupayel’eau»quiestappliqué.L’objectifdesredevancesperçuesparlesAgencesdel’Eauestd’intégrerlecoûtenvironnemental,enincitantlesusagersdel’eauàsupportereux-mêmeslecoûtliéàleursrejetspolluantsouprélèvementssurlaressourceeneau.Letauxdesredevancesestmoduléenfonctiondesusagesetdelafragilitédumilieurécepteur.
Redevances perçues par les Agences de l’Eau selon les usagersSource : Equilibre � nancier des Agences de l’eau en 2008
(Annexe au projet de loi de � nances pour 2010 des Agences de l’eau)
5.3. Taxes payées par les usagers raccordés au réseau des eaux pluviales
DepuislapromulgationdelanouvelleLoisurl’Eaude2006(LEMA),lescommunespeuventinstituerune«taxepourlacollecte,letransport,lestockageetletraitementdeseauxpluviales».Cettetaxeaundoubleobjectif:
• faciliter le financement de la collecte, du stockage et du traitement des eaux deruissellement;
• inciterlesresponsablesdesdéversementsàdévelopperdesdispositifsderétentionàlasource.
Leproduitdelataxeestexclusivementaffecté:
• à la création, à l’exploitation, au renouvellement, à l’extension des installations decollecte,detransport,destockageetdetraitementdeseauxpluviales;
• àl’entretiendecesouvrages;
• au contrôle des dispositifs évitant ou limitant le déversement de ces eaux dans lesouvragespublics.
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Conseil Economique, Social et Environnemental
5.4. Redevances pour l’usage du domaine navigable
L’organismedesVoiesNavigablesdeFrance(VNF)disposedetroistypesderedevancessurlesusagesdel’eau:lespéages,lataxehydrauliqueetlesredevancesdomaniales.
Recettes des redevances sur les 10 dernières années (en euros courants) Source : Annexe au projet de loi de � nances pour 2010- Agences de l’Eau
CettefigureindiquequecesontlesrecettesdesredevancespourpollutionquicontribuentpourlaplusgrandepartàlatotalitédesrecettesdesAgencesdel’Eau.
III- Cas de la Jordanie
Le territoire jordanien est constitué à 80% de zones désertiques recevantmoins de 100mm/andepluie.Avecunratiomoyende150m³/hab/an,laJordaniesesitueparmilesdixpayslespluspauvresenressourceseneauaumonde(Qatar,Arabiesaoudite,Libye,EmiratsArabesUnis,Egypte…).Cettepénuriepénalisetouslessecteursdel’économiejordanienne,notammentl’agriculturequiconsommeenviron65%desvolumesd’eaumobilisés,maisquinecontribuequ’àseulement2,5%duPIBdupays.
Par ailleurs, la plupart des ressources en eau de la Jordanie sont partagées avec ses paysvoisins : le Jourdain avec Israël et lesTerritoirespalestiniens, leYarmoukavec la Syrie et lanappefossiledeDisiavecl’ArabieSaoudite.LagestioncoopérativedesesressourceseneautransfrontalièresestdoncunenécessitévitalepourlaJordanie.
1. Organisation institutionnelle du secteur de l’eau
Lesprincipauxacteursdusecteurdel’eauenJordaniesontconstituéespar:
1.1. Ministère de l’Eau et de l’Irrigation (MWI)
LeMWI (créé en 1988) est chargé de l’élaboration de la politique de l’eau de la Jordanie(élaborationdesstratégiesetpolitiquesnationalesdel’eau,garantiedel’approvisionnementgénéraleneaupotabledupays,planificationetgestiondesressourceseneau,épurationdeseauxusées,miseenplacedessystèmesd’information(basesdedonnées,SIG…)etmiseenplacedubudgetdusecteurdel’eau.
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1.2. Water Authority of Jordan (WAJ):
LaWAJ (créée en 1988) est un établissement public doté d’une autonomie financière etadministrative. Il est chargé de la planification des ressources en eau au niveau national,de la réalisation, le fonctionnement et la maintenance de toute l’infrastructure publiquehydraulique,desautorisationsdeprélèvementsd’eausouterraine,del’approvisionnementeneaupotableetdel’assainissementsurtoutleterritoire.LaWAJpeutdéléguerl’exploitationdesservicesdel’eauàdesentitéspubliquesouprivées.LaWAJcomprend18antennesrégionales,couvrantl’ensembleduterritoirenational.
1.3. Le Jordan Valley Authority (JVA) :
LeJVA(créeen1977)est l’organismeresponsabledudéveloppement,de l’utilisationetdelaprotectiondesressourceseneaudelavalléeduJourdainetgèrenotammentlecanalduRoiAbdallah.A l’instar duWAJ, le JVA a un statut d’administration publique autonome, financièrementindépendante,souslaresponsabilitéduMinistèredel’Eauetdel’Irrigation(MWI).Cesontdonccestroisadministrations (employantplusde10000personnes)quiassurentlagestionpubliquede l’eauenJordanie.Leurs fonctions furentdéfiniesdemanièreàêtrethéoriquement complémentaires, mais en réalité leurs attributions et leurs compétencessemblentsechevaucher,cequinuitparfoisàleurefficacité.Cesadministrationsconnaissentdepuisquelquesannéesunemutation,quitendverslaprivatisationdelagestiondesservicespublicsdusecteurdel’eau.
1.4. Autres institutions:
D’autresadministrationsinterviennentégalementdanslesecteurdel’eau.Cesont:
• leMinistèredel’Agriculture(MoA)pourlesactivitésdel’irrigation;
• leMinistèredelaSanté(MoH)pourlaqualitédel’eau;
• le Ministère de la Planification et de la Coopération Internationale (MoPIC) pour laplanificationdesprojetsetlacoopérationaveclesacteursétrangers.
1.5. Institutions internationales
Plusieursacteurs institutionnelsétrangersjouentunrôlemajeurdanslapolitiquepubliquede l’eau de la Jordanie. Ce sont principalement la GTZ (coopération allemande), l’USAID(coopération américaine), la JICA (coopération japonaise)…. qui constituent en termesd’apportsfinanciersettechniqueslesplusimportantsdanslepaysaprèslegouvernement.
2. Ressources en eau de la Jordanie
Lesdeuxtiersdesressourceseneaudupaysproviennentdeseauxsuperficielles,desaquifèressouterrains(généralementnonrenouvelables)etdudessalement.LetiersrestantestfourniparIsraël,danslecadredel’applicationduTraitédepaixisraélo-jordanien.
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3. Besoins en eau de la Jordanie
LesbesoinseneauactuelsdelaJordanies’élèventàenviron1,1milliarddem3/anetledéficiteneauestestiméàenviron500Mm3/an.L’agricultureconstituelegrandconsommateurd’eau.LesagriculteursdelavalléeduJourdainperçoiventdessubventionspourpayerl’eaudestinéeàl’irrigation.Aunordd’Amman,lesagriculteursprélèventgratuitementleseauxsouterrainespourl’irrigation,cequiacausélasurexploitationdelanappephréatiquedontdépendentlesdeuxmillionsd’habitantsdelarégion.Lademandeeneau totalede la Jordanieà l’horizon2030devraitatteindre1780Mm3/analorsquelesressourceseneauneseraientquede1138Mm3/an,soitundéficitd’environ642Mm3/an.
4. Développement des ressources en eau
4.1. Ressources en eaux conventionnelles :
Lesprévisionsde l’augmentationdesprélèvementsd’eauconventionnelleà l’horizon2025sontd’environ121Mm3/an.
4.2. Ressources en eaux non conventionnelles
• Eauxuséesépurées:Lastratégiedel’eaudelaJordanieprévoitlamobilisation247Mm3/and’eauxuséesépuréesàl’horizon2025.
• Dessalement:LeProjetNationaldeDéveloppementdesEauxdelaMerRougeapourobjectiflaproductionde700millionsdem3d’eaudessaléeparan.
• Transfertd’eau:
Leprojetdugrandcanalreliantlamerrougeàlamermorteviseàsauverlamermorteentransférantaumoins2,5milliardsdem3d’eau.
5. Gestion de la Demande en Eau de la Jordanie (GDE)
Lastratégiede l’eaude laJordanieélaboréeen1997évoque lesgrandsprincipessuivantsde laGDE: le recouvrementdes coûtsd’exploitation, du transport et de ladistributiondel’eau, lapromotiondestechnologiesetdessystèmeséconomeseneau, larecherchede laproductivitémaximaledel’eau,lasensibilisationdelapopulationàl’économiedel’eau…LapolitiquenationalejordaniennedeGDEcomportecinqgrandsaxesprincipaux:législatif,technique,économique,managementetéducation.
6. Assainissement
98 % de la population jordanienne est desservie par un système d’assainissement basic,seulement63%delapopulationestdesserviepardeségoutsetunefractionseulementdeseauxuséesesttraitéedansdesstationsdetraitement.
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La gouvernance par la gesti on intégrée des ressources en eau au Maroc : Levier fondamental de développement durable
7. Expérience de la participation du privé dans le secteur de l’eau de la Jordanie
7.1 Gestion de la distribution de l’eau potable
Lastratégiedel’eaudelaJordanie(WaterStrategyforJordan,élaboréeen1997)évoquelaparticipationdu secteur privé aux activités dedistribution et degestionde l’eau. Aucuneprivatisationtotaledesressourceseneaun’estenvisagée,seulelagestiondecetteressourcepeutêtreestprivatisée.
Entaméeen1999dansl’agglomérationdeAmman(àtraverslaSociété‘’LEMA’’:LyonnaisedesEaux–MontgomeryWatson–ArabtechJardaneh),cettegestionprivéedeladistributiondel’eaupotables’estétendueàd’autresrégions.Chaquecaspossèdesesspécificités,notammentlesmodalitésetlestypesdeprivatisation.
7.2. Réalisation et gestion d’infrastructures hydrauliques
La participation du secteur privé intervient également dans la réalisation et la gestiond’infrastructures hydrauliques dans le cadre de contrats BOT (Build, Operate andTransfer)pendantunepériodedéterminéeavantdelestransféreraudomainepublic.Lastationd’épurationd’As-Samra,chargéedel’épurationdeseauxuséesdelavilled’Amman,fonctionneaveccesystèmedegestion(BOT).
IV- Cas de la Tunisie
LaTunisie fait partie des paysméditerranéens lesmoins dotés en ressources en eau. Sonpotentieleneaumobilisableestévaluéàenviron4.8Milliardsm3/an.Leratioparhabitantestinférieurà500m3/hab/an,ilseraitde360m3/anàl’horizonen2030(au-dessousduseuildepénuriedel’eau).
88%desressourceseneaumobilisablessontdéjàmobilisés.Lesecteurirriguéutiliseprésde80%decesressources.
1. Politique de l’eau de la Tunisie
LaTunisieadéveloppéaucoursdestroisdernièresdécenniesuneimportanteinfrastructurehydrauliquepoursatisfaireunedemandeeneaupotable(sanscessecroissante):29grandsbarrages,223barragescollinaires,812lacscollinaires,95000puitsdesurfaceéquipéset5000foragesexploités,équipementdeplusieurspérimètresirrigués…..
LapolitiqueactuelledelaTunisieestcaractériséeparlepassageprogressifd’unegestiondel’offreàunestratégiedegestiondelademande.
2. Organisation institutionnelle du secteur de l’eau
-LeMinistèredel’Agriculture:chargédelamobilisationetdel’usagedel’eau;
-LeMinistèredel’Equipementetdel’Environnement :chargédesétudesd’impactetdelasurveillancedel’environnementdessystèmesquiutilisentl’eau;
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-Une commission du domaine public hydraulique et un conseil national de l’eau (2001) :assistentleMinistèredel’AgricultureetdesRessourcesHydrauliquesdansl’exécutiondesesmissions;
- LaSociétéNationaled’ExploitationetdeDistributiondesEaux (SONEDE) : Etablissementpublic à caractère non administratif. Elle est sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture.Sesmissions sont la production de l’eau potable (production, traitement et transport), ladistributiondel’eaupotableenmilieuurbainetunepartiedumilieurural(àtraversunréseaudeconduitesde38651Kmde longueur,de1000réservoirsdedifférentescapacitésetde1100stationsdepompage)etledéveloppement(études,travauxetapprovisionnements).
-Desgroupementsd’intérêtcollectif(GIC):assurentladistributiondel’eaupotableenmilieurural;
-L’OfficeNationaldel’Assainissement(ONAS):apourmissiond´assurerlagestiondusecteurde l´assainissement et principal intervenant dans le domaine de la protection du milieuhydriqueetdelaluttecontretouteslessourcesdepollution.L´ONASestunétablissementpublicàcaractèreindustrieletcommercial,dotédelapersonnalitécivileetdel´autonomiefinancière.IlestplacésouslatutelleduMinistèredel´Environnement.
Les domaines d’intervention de l’ONAS englobent les études, les travaux, l’exploitation etl’entretiendesréseauxetdesouvragesd’assainissement,ainsiquel’assistancetechniqueauxcollectivitéslocalesetautresorganismespublicsouprivésdansledomainedelaluttecontrelapollutionhydrique.
3. Economie de l’eau
3.1. Economie de l’eau en irrigation
L’Administration de l’eau en Tunisie a adopté à partir de 1995 un Programme Nationald’Economied’EauenIrrigation(PNEEI),dontl’objectifestd’atteindreuneefficienceglobalede85%àl’horizonen2025.L’irrigationlocaliséeestpasséede3%en1995à25%actuellement.
Des plans d’action régionaux ont été mis en place par les Commissariats Régionaux deDéveloppementAgricole(CRDA)envued’atteindrel’objectifde100%delasuperficieirriguéedespérimètresirriguésen2009.
3.2. Economie de l’eau potable
LaSONEDEamisenplaceunestratégied’économied’eaupotablequiviseàatteindreuneefficienceglobaledeladesserteeneaupotablede80%àl’horizon2025.
3.3. Financement des programmes d’économie d’eau
- Le financement des programmes d’économie d’eau en irrigation a bénéficié d’uneaugmentationdutauxdessubventionsvariantentre30%et60%desinvestissementsselonlesdifférentescatégoriesd’agriculteurs.
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-L’acquisitiondeséquipementséconomesd’eauabénéficiéégalementdeplusieursavantagesfiscaux prévus par l’article 30 du code d’incitation aux investissements. Les équipementsbénéficiantdecesavantagesontfaitl’objetdelistesparuespardécretsen1995et1998.
4. Mesures entreprises et les politiques adoptées pour l’économie et la valorisation des ressources en eau mobilisées
4.1. Mesures réglementaires
Miseenplaced’uncodedel’eauen1975etsamodificationen1987,1988et2001(notammentsesarticlesrelatifsauxressourceseneau,auxaménagementshydrauliques,àlatarification,àlaréutilisationetàl’économiedel’eau)envuedelapromotiondesinvestissementsetdelarationalisationdelagestiondel’eau.
4.2. Mesures Institutionnelles
-Miseenplace(en1992)decomitésrégionauxdesuivi-évaluationduprogrammed’économied’eauauniveaudesadministrationsrégionales(CRDA)etunsystèmedesuivi-évaluationdesactivitésdel’économiedel’eauauniveaunational.- Généralisation (depuis 1998) du Programme de Promotion des Groupements d’IntérêtCollectif(GIC)auxpérimètrespublicsirriguésàpartirdesgrandsbarrages(GPPI).Cettegestioncouvraiten2005unesuperficiede75000ha,soit53%del’ensembledesGPPIenTunisie(de141000haen2005).
4.3. Mesures techniques
-Projetd’économied’eaudanslespérimètresdepetiteetmoyennehydrauliquedela
TunisieCentrale;
-Projetd’améliorationdespérimètresirriguésdanslesOasisduSud;
-ProjetdemodernisationdesancienspérimètresirriguésdelaBasseBalléedelaMejerda;
-Programmed’économied’eauauniveaudesouvragesetdesréseauxpublicsd’eau
potable;
- Comptage des volumes d’eau produits et distribués. En 2007, tous les réservoirs dedistributiond’eaupotableontétééquipéspardescompteursoupardesdébitmètres.
-Régulationdessystèmesd’eauquiconsisteàéquiper lessystèmesd’alimentationeneaupotable(gravitairesetparrefoulement)pardesmoyensderégulationappropriés(obturateurs,robinetsàflotteur,vanneshydro-altimétriques,lignespilotes,radios,...).Letauxd’équipementaatteint96,6%en2007.
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Evolution en équipement de matériel de régulation des systèmes d’eau potable
- Réhabilitation des branchements et des réseaux. Le taux des abonnés desservis par unbranchementvétusteaétéréduitde24%en1998àseulement6%en2007.
-Détectionetréparationdesfuitesd’eaudanslesréseaux.Durantl’année2007,lelinéairederéseaudedistributioninspectéaatteint8300Km.
Evolution de l’effi cience des réseaux d’irrigation
Evolution de l’effi cience des réseaux d’eau potable
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Annexe4:
Référencesbibliographiques
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Référencesbibliographiques
8.1. Références bibliographiques nationales:
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8.2. Références bibliographiques internationales:
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