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Page 3: La Revue Du Praticien-Neurologie

1939L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

Neurologie

B 228

Accidents vasculaires cérébrauxÉpidémiologie, étiologie, physiopathologie, diagnostic, évolution, traitement

Pr Pierre AMARENCOService de neurologie, hôpital Lariboisière, 75010 Paris.

Le traitement préventif des infarctus cérébraux afait ces dernières années des progrès considérables :• réduction de 30% de l’incidence des accidentsvasculaires cérébraux au cours des 30 dernièresannées attribuée essentiellement au traitement del’hypertension artérielle ;• réduction de 20-25 % du risque de récidived’infarctus cérébral grâce au traitement préventifpar antiagrégeant plaquettaire ;• réduction de 60 à 80 % du risque d’emboliecérébrale en cas de fibrillation auriculaire grâce autraitement anticoagulant oral ;• diminution de 65 % du risque relatif d’infarctushomolatéral après chirurgie d’une sténose carotideO 70 % lorsque celle-ci a été symptomatique.

Points Forts à comprendre Rappel de la vascularisation cérébraleLa vascularisation de l’encéphale est assurée par 4 artères :2 carotides internes et 2 artères vertébrales. Le cerveau aune circulation protégée car ces 4 artères viennent s’unirpour former à sa base un cercle anastomotique (le poly-gone ou cercle de Willis), si bien que l’occlusion de l’unede ces artères peut théoriquement n’avoir aucune consé-quence pour le cerveau lorsque ce système anastomotiqueest fonctionnel.Les artères carotides irriguent le cerveau (système caro-tide). Les artères vertébrales s’unissent pour former le troncbasilaire et irriguent le tronc cérébral, le cervelet et les lobesoccipito-temporaux (système vertébro-basilaire) (fig. 1).Le système carotide a pour principales branches de divi-sion : l’artère choroïdienne antérieure ; l’artère ophtal-mique ; l’artère cérébrale antérieure ;l’artère cérébralemoyenne.Le système vertébro-basilaire donne les artères spinalesantérieures ; les artères cérébelleuses postéro-inférieure,Les accidents ischémiques cérébraux constitués (AIC) sont

cinq fois plus fréquents que les hémorragies intracérébralesspontanées. Ils réalisent un infarctus cérébral, c’est-à-diredes lésions irréversibles du tissu nerveux. Après des décen-nies de nihilisme thérapeutique, un traitement désormaisexiste lors de la phase aiguë de l’infarctus cérébral, le rt-PA, utilisé depuis 2 ans en Amérique du Nord, capabled’augmenter de 30 % le nombre de patients totalement gué-ris à 3 mois sans augmentation de la mortalité, mais au prixd’un risque hémorragique qui nécessite que ce traitementsoit utilisé sous certaines conditions et par des neurologuesentraînés.

C’est dire que l’action médicale doit tout entière être tour-née vers la guérison de l’ischémie cérébrale aiguë : recon-naître les symptômes d’alerte d’une ischémie cérébrale,trai-ter le patient moins de 3 heures après la survenue despremiers symptômes ; vers la prévention : reconnaître etexplorer les accidents ischémiques transitoires, dépister dessténoses carotidiennes symptomatiques O 70 %, traiterl’hypertension artérielle et les autres facteurs de risquesvasculaires, prescrire un traitement antithrombotique pré-ventif par antiplaquettaire chez les sujets à haut risque vas-culaire, prescrire des anticoagulants pour les cardiopathiesemboligènes ; vers la rééducation, la réadaptation fonc-tionnelle et l’amélioration de la qualité de vie.

Arbre artériel cérébral. Notez les possibilités de suppléanceen cas d’occlusion carotide par l’anastomose entre l’artère caro-tide externe (artère faciale) et l’artère ophtalmique et par lesartères communicantes antérieure et postérieures

1

A. communicante antérieure

A. cérébrales antérieures

A. ophtalmique

A.centrale

de la rétine

A faciale

A. carotide externe

A. carotides primitives

Aorte

Tronc brachio-

céphalique

A. sous clavière droite

A. vertébrales

Tronc basilaire

A. communicantes

postérieures

A. cérébrale moyenne

(sylvienne)

A. cérébralepostérieure

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A C C I D E N T S V A S C U L A I R E S C É R É B R A U X

antéro-inférieure, et supérieure ; les artères perforantesparamédianes du tronc cérébral ; les artères cérébrales pos-térieures.Ces deux systèmes communiquent par l’intermédiaire dupolygone de Willis (fig. 2) : l’artère communicante anté-rieure assure la communication entre les systèmes caro-tides droit et gauche ; les 2 artères communicantes posté-rieures assurent la communication entre le système carotideet le système vertébro-basilaire des 2 côtés.Les territoires sont rappelés dans la figure 3.

Épidémiologie• L’accident vasculaire cérébral est la troisième cause demortalité en France après l’infarctus du myocarde et lescancers, la deuxième dans le monde ( voir : pour appro-fondir 1).• Première cause de handicap (un handicap séquellaire atteint75 % des patients et seulement 25 % des patients frappés parl’accident vasculaire cérébral en pleine activité professionnellepeuvent reprendre leur travail). On définit par facteur de risquetout facteur, inné ou acquis qui, lorsqu’il est présent prédisposele patient à la survenue d’un infarctus cérébral. ( voir : pourapprofondir 2 et 3).

Physiopathologie

Débit sanguin

1. Débit sanguin cérébral normalLe débit sanguin cérébral est en moyenne de50 mL/min/100 g de cerveau chez l’adulte normal.La perfusion sanguine cérébrale est assurée par deux artèrescarotides formant la circulation antérieure, et deux artèresvertébrales se réunissant en un tronc basilaire formant lacirculation postérieure. Des ponts anastomotiques existent,congénitalement plus ou moins développés en fonction dechaque individu, entre les deux artères carotides (1 artèrecommunicante antérieure), entre artères carotides et troncbasilaire (2 artères communicantes postérieures) formantle polygone de Willis. D’autres ponts anastomiques exis-tent à la partie distale (corticales et parfois profondes) desterritoires artériels (entre circulation postérieure et anté-rieure ; entre cérébrale postérieure et artère sylvienne ; ouentre artère sylvienne et artère cérébrale antérieure).Le débit est régulé (fig. 4) grâce aux capacités de vasodi-latation et de vasoconstriction des artères cérébrales (varia-tion des résistances vasculaires) constituant une véritableréserve sanguine qui peut être recrutée en cas de nécessité ;réserve hémodynamique cérébrale (variation du volumesanguin cérébral). Cette réserve s’ajoute à la réserve queconstitue l’extraction de l’oxygène du sang (EO2), qui n’estpas maximale en situation de base, et peut augmenter jus-qu’à 100 % en cas de nécessité.

2. Débit sanguin cérébral pathologiqueL’infarctus est le résultat de l’arrêt de la perfusion sanguinedu tissu cérébral, et de la défaillance des systèmes de sup-

Territoire de vascularisation des principales grosses artèresintracrâniennes.

3

Artère communicante

antérieure

Artère communican-te postérieure

Artère cérébrale

moyenne

Artères cérébrales antérieures

Carotide interne

Artères cérébrales

postérieures Tronc basilaire

Polygone ou cercle de Willis dans sa configuration com-plète. L’absence d’une communicante postérieure et/ou d’une-communicante antérieure rendrait une sténose carotide homo-latérale serrée beaucoup plus menaçante.

2

A. cérébrale antérieure

A. cérébelleuse supérieure

A. cérébelleuse antéro-inférieure

A.choroïdienne antérieure

A. cérébrale postérieure

A. cérébrale moyenne(sylvienne)

A. cérébelleuse postéro-inférieure

Hémisphères cérébraux

Fosse Postérieure

Fosse postérieureHémisphéres cérébraux

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Neurologie

pléance chargés habituellement de maintenir le débit san-guin cérébral : défaillance des anastomoses et des phé-nomènes d’autorégulation du débit sanguin cérébral (dimi-nution des résistances vasculaires et augmentation du tauxd’extraction d’oxygène). La gravité de l’expression cli-nique d’une occlusion artérielle cérébrale varie en fonc-tion de l’importance de cette défaillance. Il y a donc unegrande variété interindividuelle du retentissement d’unemême occlusion artérielle en fonction de la qualité dessuppléances anastomotiques qui sont congénitalementacquises ( voir : pour approfondir 4 et 5).En pratique clinique, le polygone de Willis est étudiépar angiographie par résonance magnétique et l’hémo-dynamique intracrânienne par Doppler transcrânien.

Différentes variétés d’accident vasculaire cérébral (AVC)L’accident vasculaire cérébral est un déficit neurolo-gique soudain d’origine vasculaire présumée. Cettedéfinition très large implique que tout accident vascu-laire cérébral comporte d’une part une lésion (ou auminimum un dysfonctionnement) du parenchymecérébral responsable du déficit neurologique, et d’autrepart une lésion vasculaire sous-jacente qui est la causeimmédiate de l’accident ( voir :pour approfondir 6 ).

Divers profils évolutifsdes accidents ischémiques cérébraux (AIC)1. Accident ischémique transitoire (AIT)Perte focale de la fonction cérébrale ou rétinienne durantmoins de 24 heures.

2. Accident ischémique cérébral constitué

• Il est habituellement de début soudain, avec un défi-cit d’emblée maximal, suggérant une occlusion embo-lique de l’artère intracrânienne.• Lorsqu’il est précédé d’accidents neurologiquestransitoires répétés (crescendo AIT) ou s’installe enplusieurs paliers, cela suggère une occlusion in situ del’artère, comme lors d’une occlusion thrombotique sursténose athéroscléreuse d’une grosse artère extra- ouintracrânienne ou encore d’une occlusion d’unebranche perforante capsulo-lenticulaire ou pontique,ou enfin d’une petite artère de moins de 300 mm dansle cadre d’une artériopathie lacunaire.• Lorsque l’infarctus cérébral survient lors du passa-ge dans certaines positions comme un lever brusque,ou lorsque le déficit neurologique s’aggrave dans lesmêmes circonstances (comme s’asseoir ou se lever) ouencore lorsqu’il est réalisé une baisse de la pressionartérielle intempestive par une déplétion volémique(anémie aiguë, diurétique) ou par inhibiteurs calciques,cela suggère un accident hémodynamique ou uneinstabilité hémodynamique, témoignant d’une perfu-sion de misère dans le territoire ischémié qui est trèssensible à la pression artérielle résiduelle : toute baissede pression artérielle résiduelle se traduisant par uneaggravation du déficit. Ces patients s’améliorent sou-vent lorsqu’ils sont placés en décubitus dorsal strict,voire la tête plus bas que les pieds, avec augmentationdes apports hydriques et de la pression artérielle.• Rarement, le mode d’installation d’une occlusionthrombotique de l’artère carotide ou du tronc basilairepeut apparaître progressif, sans à-coups, sur quelquesheures, quelques jours voire quelques semaines, sur unmode pseudo-tumoral.• Le plus souvent l’évolution ultérieure se fait spon-tanément vers la récupération plus ou moins complè-te.• Dans les accidents ischémiques majeurs, l’œdèmecérébral peut être responsable d’une aggravationsecondaire de la vigilance et de signes d’engagement ;le décès est alors fréquent, conséquence de l’engage-ment (compression du tronc cérébral) ou de complica-tions de décubitus (embolie pulmonaire, pneumopathiede déglutition). Si le malade ne meurt pas, la récupéra-tion est nulle ou très lente, et le handicap fonctionnelrestera souvent très lourd, et au pire le patient resteragrabataire.

Principaux mécanismesdes accidents ischémiques constitués

1. Mécanisme emboliqueIl est suggéré par l’installation soudaine du déficit neuro-logique dont l’intensité est d’emblée maximale.Il s’agit :

Corrélation entre l’état clinique et le débit sanguin cérébral( exprimé en mL/100g de tissu cérébral). Notez combien lafenêtre thérapeutique est brève (moins de trois heures), maisaussi combien elle est réelle et permet d’envisager une récupé-ration complète si l’obstacle hémodynamique élevée.

4

Oligemie

Valeurs normales

Permanente

Temps (heures)Infarctus

Paralysie

1 2 3

50

40

1 2 3

30

20

10

0

DSCml/100g/min

Permanent

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• d’embolies fibrino-plaquettaires provenant de throm-bus blanc formé par l’adhésion et l’agrégation plaquettai-re sur la plaque d’athérosclérose, donnant des accidentsischémique transitoires ;• d’embolies fibrino-cruoriques provenant de la frag-mentation d’un thrombus mural formé sur une plaqued’athérosclérose ulcérée (le thrombus mural formant lepansement de l’ulcération) (fig. 5), ou d’une thromboseformée dans une cavité cardiaque (oreillette ou auriculegauche, ventricule gauche), ou exceptionnellement d’unethrombose veineuse profonde avec passage de l’emboliedans la circulation artérielle à travers un foramen ovaleperméable de la cloison interauriculaire ;• d’embolies de cholestérol provenant de la vidange ducontenu athéromateux de la plaque à travers le perthuisd’une ulcération non couverte par un thrombus ;• d’embolies calcaires (très rares) provenant d’un rétré-cissement aortique calcifié ;• d’embolies de matériel septique dans le cadre d’une endo-cardite d’Osler (qui favorise aussi la thrombose) ;• d’embolies de matériel tumoral exceptionnel, en pré-sence d’un myxome de l’oreillette gauche ou d’une tumeurmétastatique intracavitaire.

2. Accident hémodynamiqueIl est suggéré par la fluctuation de l’intensité des signesneurologiques ayant souvent une origine posturale, avecsurvenue des symptômes lors du passage dans certainespositions comme un lever brusque, ou lorsque le déficitneurologique s’aggrave dans les mêmes circonstances(comme s’asseoir ou se lever) ou encore lorsqu’il est réa-lisé une baisse de la pression artérielle intempestive pardéplétion volémique (anémie aiguë, diurétique) ou par unhypotenseur, témoignant d’une perfusion de misère dansle territoire ischémié qui est très sensible à la pression arté-

rielle résiduelle : toute baisse de pression artérielle rési-duelle se traduisant par une aggravation du déficit. Cespatients s’améliorent souvent lorsqu’ils sont placés endécubitus dorsal strict, voire la tête plus bas que les pieds,avec augmentation des apports hydriques et de la pressionartérielle.Il s’observe :• en cas d’occlusion complète ou de rétrécissement sévèred’une grosse artère (carotide, tronc basilaire, vertébrales…)telles que peuvent le réaliser une sténose athéroscléreuseserrée évolutive ou une dissection d’une artère ;• en cas de baisse globale de la perfusion cérébrale lorsd’un choc cardiogénique ou d’un arrêt cardiaque transi-toire. Dans ces cas les signes cliniques et radiologiquessont volontiers bilatéraux, et l’infarctus siège aux confinsdes territoires artériels cérébraux.

3. SpasmeC’est le mécanisme des occlusions artérielles observéesaprès hémorragie méningée. Son intensité est directementliée à l’importance de l’hémorragie. Ce mécanisme estdepuis longtemps suspecté dans la survenue de certainsinfarctus lacunaires, notamment ceux qui sont immédiate-ment précédés d’une salve d’accident ischémique transi-toire.

4. HyperviscositéComme l’élévation de l’hématocrite, la polyglobulie oul’hyperplaquettose, elle pourrait être une cause ou un fac-teur favorisant ou aggravant une ischémie cérébrale. Elles’observe dans les grands pics de protéine monoclonale.

Étiologie

Accident ischémique lié à l’athérosclérose (25 à 30 % de l’ensemble des infarctus cérébraux)

Une plaque d’athérosclérose compliquée de thrombosemurale est capable d’occlure l’artère qui la porte ou d’en-voyer une embolie bouchant une artère distale de plus petitcalibre.Le siège le plus fréquent est la bifurcation carotide et les 2 ou 3 premiers centimètres de l’artère carotide interne. Vien-nent ensuite le siphon carotide, la terminaison carotide et lesegment M1 de l’artère cérébrale moyenne dans la circula-tion antérieure. Dans la circulation postérieure, il s’agit del’origine de l’artère vertébrale ainsi que sa terminaison (seg-ment V4), la partie proximale du tronc basilaire, puis l’ori-gine de l’artère cérébrale postérieure et de l’artère cérébel-leuse postéro-inférieure. À noter que l’athérosclérose dusegment M1 de l’artère cérébrale moyenne (sylvienne) etcelle du tronc basilaire peut bloquer l’origine des artères per-forantes et être ainsi à l’origine d’infarctus dans le territoirede ces artères. Enfin, l’athérothrombose peut aussi siéger dansla crosse de l’aorte, particulièrement dans sa portion ascen-dante ou horizontale.La sténose carotide interne O 70 % homolatérale à l’in-

Évolution schématique des lésions provoquées par une sté-nose carotide athéroscléreuse.

5

Thrombus mural Thrombus destagnation

Plaqued’athérome(sténose)

Emboles Thrombusocclusif

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Neurologie

farctus est trouvée dans moins de 10 % des cas dans lesséries de patients consécutifs.

Accident ischémiquelié à une cardiopathie emboligène(20 à 30 % des causes selon l’âge)

Il s’agit le plus souvent d’embolies à partie de thrombus déve-loppé dans les cavités cardiaques ou sur prothèse valvulaire.• Fibrillation auriculaire (45 % des causes cardiaques,

augmente avec l’âge ).• Infarctus du myocarde (surtout antérieur), 15 % descauses cardiaques, d’où la règle de répéter les électrocar-diogrammes et de faire systématiquement un dosage d’en-zymes cardiaques devant tout accident ischémique consti-tué.• Anévrisme ventriculaire, 10 % des causes cardiaques.• Valvulopathie, rétrécissement mitral ; plus souvent querétrécissement aortique calcifié donnant des embolies cal-caires.• Endocardite d’Osler : toute hémiplégie fébrile est sus-pecte d’endocardite d’Osler et nécessite en urgence la pres-cription d’hémoculture et d’une échographie cardiaquetransœsophagienne à la recherche de végétations.• Endocardite marastique (dépôt de fibrine sur les valvescardiaques, à l’origine d’embolies) chez les cancéreux(pancréas en premier) souvent en association à une coa-gulation intravasculaire dissiminée, dans le cadre d’un syn-drome des antiphospholipides ou d’un lupus, ou encoredans celui d’une intoxication médicamenteuse (fenflura-mine).• Cardiomyopathies dilatées.• Myxome de l’oreillette gauche, exceptionnel.

Les autres anomalies morphologiques cardiaques dépistéespar l’échographie transœsophagienne ne sont que des fac-teurs de risques potentiels dont le lien de causalité avecl’ischémie cérébrale n’est à ce jour pas encore établi : fora-men ovale perméable, anévrisme du septum interauricu-laire, strands (ou filament) de la valve mitrale, prolapsusvalvulaire mitral, calcifications mitrales. Ils ne peuvent pasêtre tenus pour la cause de l’infarctus cérébral, et la dis-cussion d’un traitement préventif spécifique lié à leur pré-sence doit être extrêmement prudente et toujours faite aucas par cas en attendant les résultats de grandes études pros-pectives évaluant actuellement le risque annuel de récidive(les études rétrospectives ont par exemple évalué le risquede récidive d’infarctus cérébral en présence d’un foramenovale perméable à moins de 1 % par an).

Lacunes (20 % des causes)Il s’agit d’infarctus limités de très petite taille (petitecavité de 2 à 15 mm de diamètre), situés dans le terri-toire des artères perforantes (putamino-capsulo-caudéesou pontiques le plus souvent) dans la substance blancheou les noyaux gris centraux en rapport avec une modi-fication de la paroi des artères de moins de 300 µmcomportant un épaississement de la paroi artérielle faitd’une lipohyalinose artériolaire, une sclérose collagène,

une nécrose fibrinoïde, et dont on pense qu’ils sontfavorisés par la présence d’une hypertension artérielle.Le mécanisme de l’occlusion est moins clair : spasme,thrombus artériolaire, micro-embolie ou occlusion parépaississement des vaisseaux. Ils affectent habituelle-ment un seul faisceau anatomique (pyramidal ou sensi-tif) ou une seule fonction, expliquant leur expressionclinique souvent monosymptomatique.

D’autres causes, plus de 100,sont plus rarement rencontrées (2 à 3 % des causes)• Les dysplasies et les traumatismes des vaisseaux cervi-caux, à l’origine de dissection des artères extracrâniennes,plus rarement intracrâniennes, principalement rencontréschez le sujet jeune (environ 2 % des causes) ( voir:pourapprofondir 7 et fig. a,b,c).• Les sténoses radiques des vaisseaux cervicaux, post-radio-thérapiques.• Les artérites inflammatoires (Horton, périartéritenoueuse, Wegener) et infectieuse (syphilis, tuberculose,aspergillose).• Les dissections spontanées ou traumatiques de l’aortethoracique (exceptionnel).• Les anévrismes carotides sacciformes à l’origine d’em-bolie à partir du sac anévrismal.• Certains états d’hypercoagulabilité : déficit congénital enprotéine inhibitrice de la coagulation (AT III, protéine C,ou protéine S), thrombocytémie, polyglobulie, syndromehyperéosinophilique, anticorps anti-phospholipides (anti-coagulant circulant de type lupique et anticorps anti-cardioli-pine surtout), coagulation intravasculaire dissiminée.• Les toxiques: cocaïne (crack), prise de sympathomimétiquede type phénylpropanolamine ou éphédrine (Actifed, Deno-ral…).

Infarctus cérébraux inexpliquésIls sont les plus nombreux puisqu’ils constituent 30 % de l’en-semble des accidents ischémiques constitués. C’est dans cegroupe que l’on classe ceux pour lesquels aucune anomalieartérielle ou cardiaque n’est trouvée, ou les anomalies dont lelien de causalité n’a pas été prouvé (foramen ovale perméable,anévrisme du septum interauriculaire, anticorps anti-phos-pholipides isolés, etc.). À noter l’existence de thromboses vei-neuses cérébrales à l’origine d’infarctus veineux ( voir : pourapprofondir 8,et fig.d)

DiagnosticClinique : principaux signes cliniques

des accidents ischémiques constitués

1. Mode d’installation des signes cliniques• Souvent il ne permet pas de trancher formellement entreinfarctus et hématome, devant un tableau d’installation sou-daine ou très rapide.• Parfois il peut orienter vers telle ou telle cause :– en faveur d’un accident ischémique cérébral lié à l’athé-rosclérose (AICLA) : précession d’accidents ischémiques

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transitoires, évolution par à-coups, par paliers ;– en faveur d’une embolie : installation soudaine, présencede palpitations ;– une douleur cervicale oriente vers une dissection de l’ar-tère carotide interne ou de l’artère vertébrale.• Rarement le mode d’installation d’une occlusion throm-botique carotide peut être apparemment progressif sansà-coups, sur quelques heures voire quelques jours, dit«pseudo-tumoral».• C’est dire la non-spécificité de tous ces modes d’installa-tion, et les pièges sont fréquents: tel symptôme installé sur unmode pseudo-vasculaire (d’un instant à l’autre, ou sur 24/48heures) révélera un abcès ou une tumeur maligne cérébrale, telautre installé sur un mode pseudo-tumoral (progressivementsur une ou plusieurs semaines) révélera une occlusionthrombotique carotide ou du tronc basilaire.Différents signes cliniques précèdent une attaque cérébrale( voir : pour approfondir 9).

2. Après avoir précisé l’heure du début des troubles, l’examen clinique apprécie le degré de gravité• Niveau de conscience, raideur de la nuque, importance dudéficit hémiplégique, paralysie oculomotrice, pupille, réflexecornéen, troubles végétatifs, signes d’engagement temporal(décérébration du côté de l’hémiplégie, mydriase et paralysiedu III homolatérale à la lésion).• Ainsi on peut distinguer des accidents «mineurs» et«majeurs», ceux vus dans les 3 heures et ceux vus après :– les accidents majeurs: le malade est dans le coma et (ou) latotalité d’un territoire artériel est touchée massivement; dansces cas seul un traitement symptomatique s’impose dans l’im-médiat ;– les accidents mineurs : ne touchent qu’une partie limitée d’unhémisphère ou d’un territoire artériel (hémiplégie motrice pure,aphasie isolée…), ou l’atteinte de ce territoire est d’intensitémodérée ; ces cas réalisent des urgences médicales, qu’ils’agisse d’un accident ischémique transitoire ou d’un accidenten évolution afin d’éviter une aggravation possible dans lesheures ou les jours suivants.

3. Topographie artérielle de l’infarctus• Carotide: syndrome optico-pyramidal : cécité monoculairehomolatérale à l’occlusion (par atteinte de l’artère ophtal-mique), hémiplégie contralatérale.• Sylvien superficiel :– hémiplégie à prédominance brachio-faciale (non propor-tionnelle) ;– aphasie, en cas d’atteinte de l’hémisphère dominant (apha-sie de Broca: atteinte antérieure; aphasie de Wernicke : atteintepostérieure);– syndrome d’Anton-Babinski, en cas d’atteinte de l’hémi-sphère mineur (anosognosie: refus d’admettre l’existence del’hémiplégie ; anosodiaphorie : indifférence à l’hémiplégie ;hémiasomatognosie: refus d’admettre comme sien l’hémicorpsparalysé);– troubles sensitifs à tous les modes, avec souvent extinctionsensitive (la stimulation sensitive appliquée sur le seul côtéatteint est normalement perçue, alors qu’appliquée de façon

bilatérale simultanée elle n’est perçue que du côté sain);– hémianopsie latérale homonyme, souvent incomplète.• Sylvien profond: hémiplégie proportionnelle (affectant l’en-semble de l’hémicorps avec une intensité identique) et absenced’aphasie ou de syndrome de l’hémisphère mineur.• Sylvien total : hémiplégie proportionnelle avec aphasie totale,déviation de la tête et des yeux.• Cérébral antérieur : hémiplégie prédominant au membreinférieur, à la racine, avec ou sans trouble sphinctérien, avecou sans anomie de la main gauche, trouble sensitif de mêmetopographie,grasping reflex; atteinte fréquemment bilatéraleavec possibilité de mutisme akinétique (le patient n’émet aucunson et n’a aucune activité gestuelle spontanée).• Choroïdien antérieur: hémiplégie massive proportionnelle,hémi-hypoesthésie, hémianopsie latérale homonyme.• Cérébral postérieur: hémianopsie latérale homonyme avecou sans alexie, ou agnosie visuelle (selon le côté), avec ou sanstrouble amnésique, cécité corticale en cas d’infarctus bilatéral(avec conservation des réflexes pupillaires).• Thalamique: troubles sensitifs à tous les modes d’un hémi-corps intéressant la face; avec ou sans syndrome cérébelleux,hémianopsie latérale homonyme, syncinésies d’imitation, syn-drome de Claude-Bernard Horner, du côté opposé à l’infarctus.Dans les semaines suivantes des douleurs de l’hémicorps peu-vent apparaître. Des troubles neuropsychologiques sont fré-quents (négligence motrice et spatiale); aphasie sous-corticale,caractérisée par une répétition excellente et un manque du motet d’incitation verbale; troubles de la mémoire).• Du tronc cérébral: ils réalisent fréquemment un syndromealterne; paralysie directe des nerfs crâniens et hémiplégie sen-sitivo-motrice croisée.– Bulbaire: le plus fréquent est le syndrome de Wallenberg parinfarctus de la fossette latérale du bulbe (V, IX, X, XI, paraly-sie de l’hémivoile et de l’hémipharynx, syndromes cérébelleuxet vestibulaire, Claude-Bernard-Horner homolatéraux; perte dela sensibilité à la température et à la douleur contralatérale).– Pontique:. latéral inférieur: paralysie directe de la latéralité du regard etdu VII, paralysie croisée sensitivo-motrice respectant la face(syndrome de Millard-Gubler ou syndrome de Foville infé-rieur);. le locked- in syndrome ou syndrome de déafférentation ponto-pédonculaire: infarctus bilatéral massif médian du pont don-nant une tétraplégie, une double paralysie faciale périphérique,une ophtalmoplégie totale par atteinte des bandelettes longitu-dinales postérieures. Ces patients paraissent dans le coma, enfait ils sont parfaitement conscients et le seul geste moteur quileur reste (grâce auquel on peut communiquer avec eux) estl’élévation des paupières toujours (car il s’agit du seul gestestrictement pédonculaire) et parfois des yeux.– Mésencéphalique :. paralysie directe du III, hémiplégie croisée affectant la face(syndrome de Weber) ;. paralysie directe du III, syndrome cérébelleux croisé (syn-drome de Claude).

• Du cervelet : cliniquement ils sont indistinguables d’unehémorragie cérébelleuse ; céphalée, vertige rotatoire,vomissement, dysarthrie, impossibilité de se tenir debout

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ou de marcher, auxquels peuvent s’associer des signes decompression du tronc cérébral avec troubles de la vigilan-ce et paralysie du VI.

4. Orientation vers tel ou tel mécanismeCliniquement rien ne permet de formellement distinguer unaccident ischémique par embolie cérébrale ou par thromboseartérielle.Par contre les lacunes ont un tableau particulier par le fait qu’ils’agit le plus souvent d’accidents se manifestant par un signe isolé,mais cela est loin d’être une règle absolue. On distingue 4 grandssyndromes lacunaires: les lacunes sont des petits infarctus pro-fonds situés dans le territoire de petites artères de moins de 300µm de diamètre dont la cause est inconnue. Ils sont si petits qu’ilsn’affectent le plus souvent qu’une voie anatomique, pyramidaleou sensitive. Ils siègent principalement dans la profondeur de lasubstance blanche ou dans les noyaux gris centraux: noyaux cau-dés, lenticulaires, thalamus, centre semi-ovale, couronne rayon-nante, capsules internes et externes, tronc cérébral, en particulierle pont.( voir :pour approfondir 10). La sensibilité de ces signes cliniques pour détecter de petiteslésions est bonne. En revanche leur spécificité est mauvaise carles mêmes signes cliniques peuvent parfois révéler un petit héma-tome ou un infarctus non lacunaire par occlusion athéroscléreuseou embolique d’une artère perforante voire du premier segment(M1) de l’artère cérébrale moyenne. L’association de ces signescliniques à des critères scanographiques ou d’imagerie par réso-nance magnétique ( IRM ) ( fig 6) (infarctus < 15 mm de dia-mètre) et à des critères morpho-étiologiques comme l’absencede sténose carotide homolatérale et l’absence de source cardiaqued’embolie, permet d’obtenir une très grande sensibilité et spéci-ficité pour le diagnostic d’infarctus lacunaire par occlusion arté-riolaire.

5. Au terme de l’examen neurologique, il faut :• Rechercher une cardiologie emboligène: antécédents rhuma-tismaux, existence d’un souffle valvulaire, d’une douleur thora-cique, de palpitations, régularité ou non du rythme cardiaque.• Ausculter soigneusement les vaisseaux du cou à la recherched’un souffle.• Rechercher un antécédent d’hypertension artérielle et prendrela pression artérielle aux 2 bras.• Prendre la température.

Place des examens ultrasonoreset de l’imagerie dans les accidents ischémiques constitués

Au terme de l’examen neurologique, ayant établi avec précisionl’heure de survenue de l’infarctus, le mode et les circonstancesd’installation, la topographie présumée de l’infarctus, l’intensitédu déficit neurologique et le niveau de vigilance, et apprécier sonévolution, l’état artériel et cardiaque, des examens complémen-taires sont ensuite nécessaires immédiatement.

1. ÉlectrocardiogrammeIl recherche une fibrillation auriculaire ou des signes d’ischémiemyocardique. Dans cette optique, on prélève systémati-quement des enzymes cardiaques, dosage à répéter ulté-rieurement.

2. Scanner cérébral sans injectionde produit de contrasteC’est l’étape suivante et obligatoire du diagnostic d’un acci-dent vasculaire cérébral (nature ischémique ou hémorra-gique, topographie, éventuellement cause de l’accident,conduite à tenir). Si le scanner ne peut être obtenu sur placeen urgence, le patient doit être transféré aussitôt dans unservice susceptible de l’obtenir immédiatement.• Sémiologie :– l’infarctus apparaît alors soit isodense, soit hypodense(l’hypodensité n’apparaît qu’après un délai minimum de 3 à 4 heures et parfois seulement après quelques jours). Lescanner cérébral en urgence est ainsi souvent normal. Cettenormalité exclut l’hémorragie et constitue un argumentindirect en faveur de l’ischémie ;– l’hypodensité au début est une simple atténuation de ladensité normale du parenchyme avec des bords flous,ensuite elle s’accentue pour atteindre la densité du liquidecéphalorachidien en même temps que ses bords deviennentnets ;– son siège est cortico-sous-cortical respectant les limitesd’un territoire artériel ;– l’effet de masse, lié à l’œdème, n’est pas obligatoire (25 à 70 % des cas) ; il peut apparaître dès la 3e heure, maisle plus souvent entre la 12e et la 48e heure ; il se traduit parun refoulement des structures adjacentes, notamment lesventricules qui peuvent être effacés ;– les pièges à éviter sont de prendre :. une hypodensité d’origine tumorale pour un accidentischémique constitué (la topographie non cortico-sous-cor-ticale et les limites ne respectant pas un territoire vascu-laire) ; scanner après injection de produit de contraste ouIRM;. une hypodensité d’accident ischémique constitué ancienpour un accident récent ;– l’infarctus hémorragique se traduit par une hyperdensitéhétérogène, des limites floues, prenant un aspect « gyri-forme » (suivant les contours sous-corticaux des sillons) ou« en motte » et un œdème périlésionnel important ; il doitfaire rechercher en premier lieu une cause embolique ;– une hyperdensité spontanée de l’artère sylvienne peutparfois être constatée dans la vallée sylvienne : elle est lesigne direct d’un thrombus occlusif de l’artère sylvienne(fig. 7a,7b)).• Topographie :– il est généralement facile de reconnaître des infarctusmassifs du territoire des artères sylviennes, cérébrales pos-térieures et cérébrales antérieures ;– en revanche, les petits infarctus, les infarctus du tronccérébral, et les lacunes ne sont fréquemment pas vus, pourdes raisons d’épaisseur de coupe du scanner et de résolu-tion spatiale de l’appareil. L’imagerie par résonance magné-tique cérébrale permet souvent dans ces cas de préciser la topo-graphie de la lésion;– certains infarctus du cervelet se traduisent radiologiquementpar l’effacement du IVe ventricule et une dilatation des ventri-cules sus-tentoriels, avec pour conséquence une hypertensionintracrânienne aiguë. Ces infarctus nécessitent une interven-tion chirurgicale d’urgence.

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3. Imagerie par résonance magnétique de diffusionC’est une nouvelle technique permettant d’imager la zone desouffrance cérébrale dès les toutes premières heures, ce qui l’afait comparer à l’électrocardiogramme à la phase aiguë de l’in-farctus du myocarde qui montre un courant de lésion dans le ter-ritoire de souffrance myocardique: l’IRM de diffusion va deve-nir dès qu’elle sera largement répandue la techniqueindispensable au diagnostic et au traitement de l’infarctus céré-bral à la phase aiguë, au même titre que l’électrocardiogrammepour l’infarctus du myocarde.

4. Examen ultrasonore en urgenceDoppler cervical, Doppler transcrânien, échographie des artèrescervicales recherchent une sténose hémodynamiquement signi-ficative (supérieure à 75 %).

5. Angiographie par résonance magnétique (ARM)Dans un deuxième temps, elle permet d’identifier une sténoseserrée de l’origine de l’artère carotide interne et dans certainesconditions une sténose plus distale ou de l’artère sylvienne (maisles artéfacts techniques sont encore nombreux en intracrânien);elle montre le polygone de Willis et les anastomoses existantes;elle est aussi désormais l’examen de référence, couplée à l’ima-gerie par résonance magnétiqueen coupes axiales, pour la détec-tion d’une dissection carotide. La nouvelle technique d’ARMen T1 avec injection de gadolinium permettra en moins de 6secondes d’obtenir des images de qualité voisine de l’angiogra-phie conventionnelle de tout l’arbre artériel cérébral.

6. Échographie cardiaqueFaite en l’absence de cause évidente, elle recherche notammentun thrombus intracavitaire, des végétations d’endocardite, etc.).Elle est réalisée par voie transœsophagienne (ETO). L’écho-graphie transthoracique seule n’a pas d’intérêt étiologique enmatière d’infarctus cérébral. La place de l’échographie transœ-sophagienne reste floue, en attendant les résultats des étudesactuellement en cours, car, en dehors d’un exceptionnel throm-bus intracavitaire, elle ne montre que des lésions qui, en 1998,ne modifient pas l’attitude thérapeutique (athérome aortique,anomalies du septum interauriculaire).

7. Angiographie cérébrale par voie fémoraleMéthode invasive (morbidité de 1 %), elle ne sera proposée quelorsqu’il y a discordance entre les résultats de l’examen ultraso-nore et l’angiographie par résonance magnétique (ce qui se pro-duit dans moins de 20 % des cas), ou lorsque l’on ne dispose pasde l’angiographie par résonance magnétique et uniquementlorsque l’on envisage une endartérectomie qui ne pourra se fairequ’au-delà d’un mois après avoir vérifié que la lésion est «cica-trisée», c’est-à-dire ne prend plus le contraste au scanner aprèsinjection d’iode. La seule exception est l’infarctus du sujet jeuneoù l’artériographie est précocement demandée en l’absence decause évidente.

8. Autres examens

Des hémocultures sont réalisées en cas de fièvre. La ponctionlombaire peut être dangereuse, notamment en cas d’infarctus

cérébelleux ou hémisphérique très œdémateux, mais estparfois utile en cas d’infarctus cérébral inexpliqué.

Évolution et pronosticÉvolution

d’un accident ischémique constitué1. Au plan clinique• Dans les accidents majeurs (par exemple l’infarctus syl-vien total), l’œdème cérébral est responsable d’une aggrava-tion secondaire de la vigilance et de signes d’engagement; ledécès est fréquent, conséquence de l’engagement (compres-sion du tronc cérébral) ou de complications de décubitus(embolie pulmonaire, pneumopathie de déglutition); si lemalade ne meurt pas, la récupération sera nulle ou très lente,et le handicap fonctionnel restera très lourd, et au pire il res-tera grabataire.• Dans les accidents mineurs (infarctus sylvien partiel,lacune…), l’évolution peut se faire vers une récupérationcomplète en quelques jours (accident ischémique rapidementrégressif); ou vers la persistance de séquelles plus ou moinsimportantes.• À distance, un syndrome dépressif survient dans 15 à 20%des cas.• Des crises d’épilepsie surviennent dans 5 à 10 % des cas.

2. Au plan radiologique• L’effet de masse atteint son maximum au cours de la pre-mière semaine pour disparaître vers la 4e semaine.• À partir de quelques jours, et pendant plusieurs semaines,l’injection de produit iodé entraîne une prise de contraste dansle territoire infarci de façon homogène.• Ensuite l’hypodensité peut disparaître, ou plus souvent res-ter définitive; il se crée une atrophie, avec radiologiquementélargissement des sillons à la convexité et une dilatation ven-triculaire, en regard du territoire nécrosé.

Pronostic

1. Mortalité

• Environ un tiers des infarctus cérébraux meurent dans lepremier mois, la moitié dans les 6 premiers mois, et deux tiersdans les 5 ans.

• La mortalité immédiate est presque exclusivement liée à l’in-farctus cérébral et à ses complications thrombo-emboliques(phlébite et embolie pulmonaire) et infectieuses (pneumopathiede déglutition).

• La mortalité tardive est liée soit à un nouvel accident vascu-laire cérébral, soit à un accident cardiaque +++ (25 à 50 % descas).

• Pour les accidents vasculaires cérébraux, 3 éléments influentsurtout sur le pronostic vital : l’altération de la conscience(lecoma initial est de très mauvais pronostic)l’âge( la survie à 6mois passe de 65 % avant 75 ans à 33 % après 85 ans) la rapidité d’installation et lamas-sivité d’un déficit hémiplégique.

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2. Pronostic fonctionnel• Les prédicteurs d’un déficit fonctionnel résiduels sont :l’âge plus élevé ; la présence d’un déficit moteur du membreinférieur ; une déviation du regard ; des troubles de la vigi-lance; une incontinence urinaire ; la topographie hémisphé-rique de l’accident vasculaire cérébral et son étendue ; lanature ischémique de l’accident vasculaire cérébral ; l’exis-tence d’un antécédent d’accident vasculaire cérébral (1/4 descas) ; la précocité de la récupération (plus elle est tardive, plusle déficit fonctionnel sera sévère) ; radiologiques : la préco-cité et l’importance d’une hypodensité et de l’effet de masseau scanner sont des facteurs prédictifs d’un infarctus impor-tant et étendu.• Quinze pour cent des malades ne garderont pas deséquelle, 37 % des séquelles discrètes, 16 % modérées.• Un tiers des malades gardent un déficit neurologique ouneuropsychologique sévère ou très sévère.

3. Pronostic à plus long terme• Il est lié à l’âge, à l’hypertension artérielle (qui multipliepar 6 le risque de récidive) et aux autres complications de lamaladie athéroscléreuse.• Au plan social , les indicateurs favorables pour le retour àdomicile sont : la vie avec un conjoint, l’indépendance dansla vie quotidienne, des contacts sociaux fréquents avant l’ac-cident vasculaire cérébral, une incapacité modérée; la contri-bution de la famille est primordiale pour le maintien à domi-cile ; la reprise professionnelle dépend de l’âge, de l’étatfonctionnel à l’admission, de la présence d’une aphasie, etde la profession exercée avant l’accident vasculaire cérébral(les professions manuelles présentent plus de difficultés lorsde la reprise).

Traitement

Démarche diagnostique

Devant des symptômes d’infarctus cérébral, il faut trans-porter d’urgence le patient dans un hôpital équipé pour rece-voir ce type de pathologie, assurer la liberté des voiesaériennes, la respiration, l’état hémodynamique, prévenirdurant le transport qu’un scanner urgent est nécessaire à l’ar-rivée, et faire un examen neurologique qui doit établir avecprécision (cet examen ne prend que quelques minutes) :l’heure de survenue des premiers symptômes (si le déficitneurologique a été constaté au réveil, on considère l’heuredu coucher comme heure de survenue et non pas l’heure dulever) ; le mode et les circonstances d’installation ; la topo-graphie présumée de la lésion (côté ; circulation antérieureversus postérieure ; cortical versus profond ; éventuellementterritoire artériel présumé) ; l’intensité du déficit neurolo-gique et niveau de vigilance, et apprécier son évolution(régression spontanée, stabilité ou aggravation) et la pré-sence de signes de gravité ; l’état artériel et cardiaque: recher-cher une cardiopathie emboligène : antécédents rhumastis-maux, existence d’un souffle valvulaire, d’une douleurthoracique, de palpitations, régularité ou non du rythme car-

Infarctus lacunaire sous la forme d’un hypersignal demoins de 15 mm de diamètre dans la couronne rayonnante( imagerie T 2).

6

Scanner cérébral d’un infarctus sylvien.

a) Hypodensité étendue de l’ensemble du territoire sylvien(artère cérébrale moyenne) droite.b) Sur une coupe plus basse on observe au sein de l’hypo-densité de l’infarctus le signe de l’artère sylvienne hyper-dense qui traduit l’occlusion thrombotique de cette artère.

7a 7b

Sténose athéroscléreuse de l’artère carotide interne. Angio-graphie par résonance magnétiquea)Sténose courte O 70 % se traduisant par une disparitiondu signal du flux sanguin.b) Sténose longue et irrégulière O 70 % dans son segmentinitial immédiatement après la bifurcation.

8a 8b

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diaque, ausculter soigneusement les vaisseaux du cou à larecherche d’un souffle, rechercher un antécédent d’hyper-tension artérielle et prendre la tension aux 2 bras, prendre latempérature.

L’examen neurologique doit être complété par : un scannercérébral sans injection, un électrocardiogramme, un examenultrasonore des artères cérébrales ; une numération globu-laire, taux de prothrombine, temps de céphaline activé(TCA), ionogramme sanguin, créatinine, glycémie, uneradiographie thoracique ; dans certains cas gaz du sang.

Démarche thérapeutique

Au terme de ces examens, il est habituellement possible deposer un diagnostic topographique de la lésion, de suspecterun mécanisme vasculaire, de porter un diagnostic étiologiqueafin de définir une attitude thérapeutique.En urgence, celle-ci dépendra du temps écoulé depuis les pre-miers symptômes (< ou > 3 heures), de la présence de troublesde la vigilance, de l’intensité du déficit neurologique, de laprésence et de l’étendue de signes précoces d’ischémie auscanner. Ces critères sont susceptibles de changer dans lesprochaines années avec l’apparition de nouvelles techniquestelles que l’IRM de diffusion et les résultats des essais encours .Ainsi lorsque le déficit moteur est sévère et stable, sans troublede la vigilance, installé depuis moins de 3heures, en l’ab-sence de signes précoces trop étendus d’ischémie cérébraleau scanner, un traitement hyper-urgent peut être envisagé dansun service spécialisé en neurologie vasculaire afin d’éviterou de limiter l’étendue de l’infarctus cérébral (la thrombo-lyse par le rt-PA est utilisée aux États-Unis depuis juin 1996si les 6 conditions ci-dessus sont réunies mais n’a pas encorel’autorisation de mise sur le marché dans cette indication enFrance en 1998, voir : pourapprofondir 11);– dans tous les autres cas (patient ayant des troubles de la vigi-lance, ou au contraire un déficit neurologique modéré ouincomplet, ou arrivé au-delà de la 3e heure), l’admission dansun service spécialisé (unité de soins intensifs neurovasculaires)permet de réduire de 30 % la mortalité hospitalière et la duréemoyenne de séjour grâce essentiellement à des soins de nur-sing adaptés, à la prévention des phlébothromboses et des com-plications des troubles de la déglutition, à une rééducation pré-coce.En cas d’accident majeur, surtout ne pas nuire, seul un traite-ment symptomatique s’impose.

1. Traitement généralIl associe le maintien d’une bonne hydratation, d’une pres-sion artérielle suffisante (il faut à la phase aiguë éviter toutebaisse de la pression artérielle qui retentirait sur le terri-toire infarci, aggravant l’ischémie), des apports caloriquessuffisants en pratiquant une gastrostomie percutanée en casde troubles persistants de la déglutition, la prescription d’héparine de bas poids moléculaire à faible dose en pré-vention des thromboses veineuses, kinésithérapie avecmobilisation passive des articulations, prévention des atti-tudes vicieuses, puis mise précoce au fauteuil, traitementdes pneumopathies de déglutition par pénicilline (20 mil-

lions intraveineux/j) et Flagyl (3flacons d’unités en intra-veineux /j), traitement d’un diabète.

2. Traitement localLes anti-œdémateux sont déconseillés (le Mannitol car iln’a jamais fait la preuve de son efficacité dans cette indi-cation, les corticoïdes en raison de leur inefficacité et descomplications morbides – infectieuses pulmonaires et uri-naires – dont ils sont la cause dans cette indication), on évi-tera simplement de mettre du chlorure de sodium dans laperfusion ; les inhibiteurs calciques n’ont pas fait la preuvede leur efficacité à la période aiguë de l’infarctus cérébral,ils sont même délétères par voie veineuse ; les neuropro-tecteurs, vasodilatateurs et oxygénateurs cérébraux n’ontpas fait la preuve de leur efficacité ; les vasodilatateurs sontsusceptibles de créer un hémo-détournement au profit desterritoires sains au détrimet de la zone ischémiée.

3. Traitement antithrombotiqueIl n’est pas prouvé que les anticoagulants à dose efficacediminuent la mortalité et améliorent la récupération. Aucas par cas, leur utilisation peut être envisagée dans cer-taines indications après avoir mis en balance le bénéficeattendu du traitement et le risque hémorragique qui est de5 % en moyenne, en l’absence de contre-indication (pas detrouble de la conscience, d’un infarctus de grande taille,d’hypertension artérielle non contrôlée, d’hémorragie auscanner) : prévention des récidives d’embolies en cas decardiopathie emboligène sévère (valvulaires et infarctus dumyocarde avec thrombus mural) en respectant un délai d’aumoins 48 heures après la constitution de l’infarctus, ou cer-taies dissections des artères cérébrales, ou encore certainsaccidents en évolution. Des études sont en cours pourmieux cerner ces indications. Dans tous les cas l’aspirine160 ou 300 mg/j reste le traitement de base à la phase aiguë.

Prévention secondaire● Optimisation du traitement des facteurs de risque vas-culaire en particulierde l’hypertension artérielle, l’hy-percholestérolémie, arrêt de l’intoxication tabagique, exer-cice physique régulier, perte de poids.● Traitement anticoagulant par antivitamines K en cas decardiopathie emboligène(fibrillation auriculaire, prothèsevalvulaire mécanique, valvulopathie rhumatismale, car-diomyopathie non obstructive, thrombus intracardiaque).● Traitement antiagrégeant plaquettaire(aspirine, ticlo-pidine, dipyridamole, association aspirine-dipyridamole,clopidogrel) en cas d’accident ischémique cérébral lié àl’athérosclérose.● Endartérectomie en cas de sténose symptomatique O70 %de l’origine de l’artère carotide interne ipsilatérale àl’infarctus, mais pas avant 4 à 6 semaines après la consti-tution de l’infarctus ( fig. 8).● Traitement spécifique des autres causes: thrombocythé-mie (antiplaquettaire et chimiothérapie), polyglobulie (sai-gnée), etc. ■

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POUR APPROFONDIR

1/ Épidémiologie Incidence : 2 à 3 pour 1 000 habitants/an (100 000 à 150 000 nouveauxcas par an).Prévalence : 4 à 6 pour 1 000 habitants.Mortalité : estimée à 30 % dans les 3 premiers mois ; 45 % des patientssurvivent 6 mois et seulement 30 % des patients survivent au-delà dela 5e année.Fréquence : on compte 4 infarctus cérébraux pour une hémorragie (lesinfarctus cérébraux constituent 70 à 80 % de l’ensemble de AVC).Âge moyen : 68-70 ans. Les sujets jeunes de moins de 45 ans consti-tuent 10 % de l’ensemble des infarctus cérébraux (10 000 à 15 000 caspar an en France, soit plus de 200 000 cas en 20 ans ; par comparai-son le sida a touché moins de 50 000 personnes en France dans lamême période).Sex-ratio : l’incidence de l’infarctus cérébral est 1,25 fois plus élevéechez l’homme, mais, comme les femmes vivent plus longtemps queles hommes, il y a tous les ans plus de femmes qui meurent par acci-dent vasculaire cérébral que d’hommes.Coût : aux États-Unis, où il y a 5 fois plus d’infarctus cérébraux qu’enFrance, mais la même proportion par rapport au nombre d’habitants,le coût de l’infarctus cérébral est estimé à 30 milliards de dollars soit180 milliards de francs en 1995].Parallèlement, en 1996 aux États-Unis, l’argent investi dans larecherche a été (en dollars pour 1 décès) , accidents vasculaires céré-braux : 750 dollars, maladies cardiaques : 1 270; cancers : 4 723; dia-bète : 4 856; sida : 43 257.

• Oligémie maximale tolérée = zone de pénombre ischémique: entre 15et 10 mL/min/100 g de cerveau, un silence électrique complet, réversiblesi le flux artériel est rétabli ; mais si cet état dure plus de quelques dizainesde minutes, on passe au stade suivant de nécrose tissulaire (infarctus).• Fenêtre thérapeutique : la zone de pénombre ischémique ne dure

qu’un moment (cette zone n’est pas un «lieu» défini mais un «moment»durant lequel il faudrait agir). Il faut donc agir dans les premières heures.À partir de la sixième heure, il s’ajoute, en cas de reperfusion, le risqued’hémorragie intra-infarctus déjà constitué. La fenêtre maximale viséedans les essais thérapeutique est, en 1998, de 6 heures, mais tous les cher-cheurs s’accordent à dire qu’il faudrait pouvoir déboucher l’artère occluseau maximum dans les 3 heures.[Note : danger de faire baisser la pression artérielle à ce stade, même sielle est très élevée, sous peine de passer au stade suivant.• Infarctus : au-dessous de 10 mL/min/100 g de cerveau pendant plus de3 minutes, il se produit une nécrose tissulaire irréversible.• Dans les premières 24 heures, la zone altérée devient macroscopique-ment plus pâle, sa consistance est plus molle (ramollissement: terme ancienqu’il convient de remplacer par «infarctus»). Ensuite se produit un phé-nomène de détersion qui aboutit en quelques mois à la formation d’unecavité kystique.• On distingue les infarctus pâles(couleur peu différente de celle du cer-veau sain) et les infarctus hémorragiques. Ceux-ci sont le plus souvent lefait d’une occlusion embolique: la lyse de l’embole lève l’occlusion maisla revascularisation brutale du tissu infarci (avec rupture de la barrièrehémato-encéphalique) entraîne une extravasation d’hématies à l’origined’une hémorragie intra-infarctus plus ou moins importante.• Le territoire ischémié est rapidement le siège d’un œdème, propor-tionnel à l’étendue de l’infarctus, qui est responsable de «l’effet de masse»visible au scanner avec déplacement des structures adjacentes et pos-sibilité d’engagement cérébral.

3/ Facteurs de risque moins bien documentés

Facteurs de risque potentiellement modifiables• Hypercholestérolémie et hypertriglucéridémie interviennent moinsen matière d’accident vasculaire cérébral, contrairement aux cardio-pathies ischémiques et à l’artérite des membres inférieurs ; ils s’addi-tionnent cependant aux effets de l’hypertension artérielle. Ces fac-teurs sont toutefois fortement liés à la sténose carotide.• Obésité et sédentarité, facteurs diététiques, hyperinsuminémie etinsulino-résistance.• Anomalies cardiaques (cardiomyopathie, anomalie segmentaire dela contractilité, endocardite non bactérienne, calcification de l’anneaumitral, prolapsus valvulaire mitral, strands ou filaments de fibrine,contraste spontané auriculaire, rétrécissement aortique, foramen ovaleperméable et anévrisme du septum interauriculaire).• Prise d’œstroprogestatifs (x 2 à 6 )• Migraine (chez la femme jeune, potentialisé par le tabac et les contra-ceptifs oraux).• Hypercoagulabilité et inflammation (formation de fibrine et fibri-nolyse, élévation du fibrinogène, anticorps anticardiolipine), éléva-tion de l’hématocrite.• Augmentation de l’épaisseur intima-média de la carotide primitive,athérome aortique, infarctus silencieux à l’imagerie par résonancemagnétique, augmentation du rapport de pression artérielle bras-che-ville.

Facteurs de risques non modifiables• Saisons et climat.

4/ Conséquence de la chute débitsanguin cérébralUne chute de la valeur du DSC provoque:

•Oligémie sans ischémie: au-dessous de 50 mL/min/100 g de cerveau ily a une augmentation du VSC et de l’EO2 pour maintenir un métabolismecellulaire normal (EEG et potentiels évoqués normaux).

• Oligémie avec ischémie: à 20 mL/min/100 g de cerveau, il apparaît unealtération du tracé EEG et des potentiels évoqués somesthésiques.

2/ Facteurs de risque bien documentés

1. Facteurs de risque modifiables

• L’hypertension artérielle multiplie par 10 le risque d’hémorragie,par 7 le risque d’accident ischémique constitué. L’élévation de la pres-sion artérielle est le facteur de risque le plus important en matière d’ac-cident vasculaire cérébral, quel que soit l’âge ; la survie à 5 ans estdiminuée de moitié si la pression systolique avant l’accident dépasse190 mmHg. L’abaissement de la pression artérielle systolique de 5mmHg serait capable de réduire le risque de récidive d’infarctus céré-bral de 30 % (actuellement en cours d’évaluation prospective dansl’étude internationale PROGRESS).

• Les cardiopathies emboligènes multiplient par 3 à 10 le risque d’ac-cident vasculaire cérébral (la fibrillation auriculaire est de loin le fac-teur de risque le plus fréquent, l’endocardite infectieuse, le rétrécis-sement mitral, l’infarctus du myocarde étendu récent).

• Le tabac (x 2, et x 3 chez les sujets jeunes).

• L’accident ischémique transitoire.

• La sténose carotide asymptomatique.

• La drépanocytose.

2. Facteurs de risque potentiellement modifiables

• Diabète (x 2 à 3).

• Hyperhomocystéinémie.

• Hypertrophie ventriculaire gauche.

3. Facteurs de risque non modifiables

• Âge +++.

• Sexe.

• Facteurs familiaux héréditaires (facteurs de risque génétiques).

• Race et ethnie.

• Lieu géographique.

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7/ Dissection des artères cervicalesElle atteint les sujets jeunes ( 55-60 ans), représente 2 % des causesd’accident ischémique cérébral, et 10 à 15 % des causes chez les sujetsde moins de 45 ans.• Hématome dans la paroi carotide sus-bulbaire ou vertébrale à l’ori-gine d’un rétrécissement ou d’une occlusion de la lumière de l’artère,source de complication thrombo-embolique et (ou) hémodynamique.• Facteurs favorisants : traumatisme artériel ou anomalie préexistante(fibrodysplasie, maladie de Marfan, maladie du collagène).• Signes locaux : douleur +++ céphalique ou cervicale, syndrome deClaude-Bernard-Horner par atteinte du plexus péricarotidien, paraly-sie du IX, X, XI plus rarement ; précèdent souvent les signes céré-braux.• Signes d’ischémie cérébrale ou oculaire.• Diagnostic (fig. a, b, c ) :. examen ultrasonore cervical : peut montrer l’hématome de paroi, éva-lue le degré d’obstruction, son étendue et son retentissement hémo-dynamique d’aval ; angiographie par résonance magnétique coupléeà l’imagerie par résonance magnétique cervicale montre le signe directde l’hématome intrapariétal sous la forme d’un hypersignal semi-lunaire entourant un hyposignal excentré (correspondant au flux cir-culant dans la lumière résiduelle de l’artère et son étendue) ; angio-graphie par rayons X (si les 2 examens précédents ne sont pasconcluants, ce qui devient le cas le moins fréquent) : montre une sté-nose ou occlusion artérielle habituellement longue et irrégulière (nonspécifique de dissection) ; un décollement initial ou une double lumièreartérielle sont tout à fait exceptionnellement rencontrés.

truction tissulaire dont l’expression clinique dépend de l’étendue del’infarctus, fonction du calibre de l’artère occluse, du territoire qu’elleirrigue, et de l’existence et de la qualité de ses anastomoses avecd’autres artères.L’ischémie cérébrale est suffisamment prolongée, et non compenséepar la circulation de suppléance via les anastomoses ou le polygonede Willis, pour que l’infarctus se constitue donnant un déficit neuro-logique permanent durant plusieurs jours ou plusieurs semaines.• L’accident ischémique transitoire est une perte focale de fonctioncérébrale ou oculaire d’installation soudaine, d’origine ischémique,dont les symptômes durent moins de 24 heures, régressant sansséquelle. La plupart des accidents ischémiques transitoires dure moinsde 1 heure, avec une médiane de 14 minutes dans le territoire carotideet de 8 minutes dans le territoire vertébro-basilaire.L’accident ischémique cérébral réversible (RIND des AngloSaxons)est un accident ischémique transitoire qui se prolonge quelques joursmais dont l’évolution est bénigne, toujours régressive en moins de 8jours.• L’hémorragie cérébrale parenchymateuse est l’irruption de sang dansle parenchyme cérébral. La collection sanguine ainsi créée dans laprofondeur du cerveau (hématome) peut se rompre dans un ventriculedonnant une inondation ventriculaire, ou se rompre à la surface (cor-tex) dans les méninges donnant une hémorragie cérébro-méningée.• L’hémorragie sous-arachnoïdienne ou méningée est l’irruption desang dans l’espace méningé, le plus souvent due à la rupture d’un vais-seau situé dans cet espace : rupture de malformation artérielle (ané-vrysme) ou artério-veineuse (malformation artério-veineuse, caver-nome, fistule furale).• La thrombose veineuse cérébrale est l’occlusion d’un sinus veineuxdural ou profond à l’origine d’un arrêt du retour veineux d’une partieplus ou moins étendue du cerveau pouvant aboutir à un engorgementvoire un infarcissement veineux et des déficits neurologiques corres-pondants.

6/ Les 6 variétés d’accident vasculairecérébral

• L’infarctus cérébral :

- est la résultante d’une réduction de l’apport sanguin à tout (isché-mie globale par hypoperfusion systémique ou arrêt cardiaque) ou par-tie (ischémie focale par occlusion d’une artère) du cerveau avec des-

5/ Systèmes d’autorégulation

La gravité de l’expression clinique d’une occlusion artérielle céré-brale varie en fonction de l’importance de la défaillance anastomo-tique et des systèmes d’autorégulation.

• Une occlusion carotide peut être totalement asymptomatique si lepolygone de Willis, au-dessus du siège de l’occlusion, est completavec une bonne communicante antérieure et postérieure, permettantau sang carotide contralatéral et au sang du tronc basilaire de venirirriguer le territoire dont est normalement chargée la carotide occluse.À l’inverse, si ces artères communicantes sont absentes et si les ana-stomoses à la convexité sont peu importantes ou nulles, il n’y a aucunecompensation et l’infarctus ne peut être que massif de venir irriguerle territoire dont est normalement chargé la carotide occluse. À l’in-verse, si ces artères communicantes sont absentes et si les anastomosesà la convexité sont peu importantes ou nulles, il n’y a aucune com-pensation et l’infarctus ne peut être que massif.

• En cas de sténose serrée d’une artère carotide, sans système d’ana-stomose bien développé, en premier lieu il n’y a pas d’infarctus carl’autorégulation cérébrale entre en jeu : il y a certes une diminutiondu débit sanguin cérébral, mais une augmentation compensatrice del’extraction de l’oxygène jusqu’à 100 % si nécessaire, et une vasodi-latation artérielle augmentant le volume sanguin cérébral. Cependantquand ce système compensateur est utilisé à son maximum, le seuilde l’ischémie est atteint et il commence à y avoir souffrance cellulairepuis, après quelques dizaines de minutes, infarctus cérébral.

La pénombre ischémique ne dure qu’un moment.

8/ Thrombose veineuse cérébraleSinus longitudinal supérieur ou sinus latéral le plus souvent, sinus pro-fond, veine cérébrale interne, sinus droit, rarement.• Mode d’installation variable : aigu, subaigu ou chronique.• Principaux signes: céphalées, œdème papillaire, déficits focaux(hémiplégie, aphasie, troubles sensitifs, etc.), crises d’épilepsie +++(généralisées ou focales), troubles de conscience (intensité variable).• Principaux syndromes: hypertension intracrânienne isolée (cépha-lée, éclipses visuelles, œdème papillaire) ; syndrome focal [déficit et(ou) crise d’épilepsie] ; encéphalopathie diffuse (troubles deconsciences et (ou) épilepsie et (ou) déficits ; syndrome de sinus caver-neux (ophtalmoplégie douloureuse).• Diagnostic(fig. d) :. scanner sans et après injection : signe du delta ou du triangle vide(injection des parois du sinus longitudinal supérieur contrastant avecla non-injection du sinus longitudinal supérieur thrombosé) ; hypo-densité (œdème ou infarctus veineux) ou hyperdensité spontanée(infarctus veineux hémorragique) ; effet de masse (petits ventricules,disparition des sillons corticaux) ; parfois examen normal ;. l’image-rie par résonance magnétique (le meilleur examen à partir du 5e jour) :hypersignal du sinus thrombosé en T1 et en T2 jusqu’à la fin du pre-mier mois ;. angiographie (par résonance magnétique ou par rayons X) : le sinusou la veine thrombosé ne sont pas visibles.• Causes multiples : les mêmes que pour les thromboses veineuses desmembres (infectieuses ou non infectieuses, chirurgicales ou obstétri-cales) + les causes locales (infectieuses : otites, abcès, méningites ;tumeurs : méningiomes ; traumatismes crâniens). Cause non trouvéedans un quart des cas.• Évolution : guérissent dans plus de deux tiers des cas ; séquelles oudécès dans un tiers des cas.• Traitement :. symptomatique : antalgique, anti-œdémateux (si nécessaire), anti-épileptique (si crise) ;. étiologique : antibiotiques (infections), corticoïdes (Behçet, lupus,etc.) ;. héparinothérapie (IV ou SC) : encore discutée. Utilisée le plus sou-vent à dose efficace relayée par antivitamines K durant 4 à 6 mois (ouplus si maladie thromboembolique sous-jacente).

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Neurologie

9/ Les cinq signes d’alerte del’imminence d’une attaque cérébrale• Faiblesse ou engourdissement soudain de la face, du bras ou de lajambe d’un côté du corps.• Diminution ou perte de la vision, en particulier d’un œil.• Perte soudaine de la parole, ou difficulté pour parler ou comprendrece qui est dit.• Mal de tête sévère, soudain et inhabituel, sans cause apparente.• Instabilité de la marche inexpliquée ou chute soudaine, en particu-lier en association avec l’un des symptômes précédents.

.Dissection carotide.a) IRM en T1 (coupe axiale) : dissection des 2 artères carotidesinternes. On peut voir l’hématome intramural en croissant avecpour conséquence l’élargissement du calibre des 2 artères caro-tides internes. La lumière résiduelle a une taille variable enfonction de l’importance de la dissection. Cette image est patho-gnomonique, montrant le signe direct de la dissection.b) ARM ( angiographie par résonance magnétique [ image enT2-TOF] ). On distingue la lumière résiduelle toute fine et, toutau cours de la carotide interne sous-pétreuse, l’hématome intra-mural sous la forme d’un hypersignal un peu moins intense quecelui de la lumière résiduelle, élargissant le calibre total de l’ar-tère. Cette image est aussi pathognomonique montrant le signedirect de la dissection.c) Angiographie par rayon X. Cette image typique montre unrétrécissement irrégulier du calibre de l’artère carotide inter-ne sus-bulbaire jusqu’à son entrée dans le crâne c’est-à-diredans son segment sous-pétreux. Cet examen ne montre que lesigne indirect de la dissection c’est-à-dire l’aspect de la lumiè-rerésiduelle.Devant ces irrégularités il est parfois difficile de trancherentre artère dysplasique (non disséquée) et réelle dissection.Le nouveau gold standard est donc désormais l’imagerie parrésonance magnétique et l’ARM comme le montrent lesfigures a et b.

Thrombose des sinus veineux longitudinal supérieur et laté-ral sous la forme d’un hypersignal en IRM en T1, pathogno-monique à partir du 4 e jour. Notez l’effet de masse et l’hyper-signal de l’infarctus veineux hémorragique en régiontemporo-pariétale.

d

10/ Principaux syndromes lacunaires (fig. 6)• Hémiplégie motrice pure (le plus souvent par atteinte de la capsuleinterne, de la couronne rayonnante, du centre semi-ovale ou du pont .• Trouble sensitif hémicorporel pur affectant le plus souvent la face,le bras et la jambe (le plus souvent par atteinte thalamique, et parfoisdu pont) .•Hémiparésie ataxie (l’hémiparésie est souvent à prédominance cru-rale et l’ataxie ou syndrome cérébelleux cinétique est le plus souventobservé lorsque le déficit moteur initial a presque totalement régressé),duquel on rapproche le syndrome dysarthrie-main malhabile (le plussouvent par atteinte pontique ou capsulaire interne, mais parfois paratteinte de la couronne rayonnante, du centre semi-ovale ou de la par-tie supérieure du cervelet).• Syndrome sensitivo-moteur hémicorporel isolé (par atteinte capsulo-lenticulaire).

a

c

11/ ThrombolyseLes résultats de premiers essais ont été contrastés et diversement inter-prétés : de pratique courante aux États-Unis d’Amérique et au Canadadepuis que laFood Drog Administration (FDA) a approuvé l’utilisa-tion du rt-PA en juin 1996 après les résultats positifs de l’essai NINDSrt-PA Trial ;• rt-PA donné dans les 3 heures suivant la survenue des premiers symp-tômes ;• dose de 0,9 mg/kg en 1 heure après un bolus de 10 % de la dosetotale ;• à 3 mois 30 % de patients guéris contre 20 % sous placebo ;

b

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A C C I D E N T S V A S C U L A I R E S C É R É B R A U X

• À la phase aiguë de l’infarctus cérébral :– Le traitement thrombolytique par rt-PA utilisédans les 3 premières heures augmente de 30 à 50 %le nombre de patients guéris à 3 mois (il est utilisédepuis 2 ans en Amérique du Nord mais n’a pasencore l’autorisation de mise en service sur lemarché en France et en Europe) .• Le vieil adage « surtout ne pas nuire » restetoujours la recommandation la plus raisonnable ;–Il est nuisible de donner un traitementcorticostéroïde lors d’un infarctus cérébral .– Il est nuisible de faire baisser la pression artérielleen cas d’infarctus cérébral, même si elle est élevée:tout baisse de la pression artérielle peut aggraverl’ischémie, transformer une zone de souffrance enzone de nécrose et augmenter le déficit neurologique;• Il peut être nuisible de donner un traitementanticoagulant à dose curative dans les 3 premiersjours de l’infarctus cérébral :Les indications habituellement admises del’héparine, sous certaines conditions, sont lescardiopathies valvulaires, les accidentsischémiques cérébraux en évolution ou avec fortretentissement hémodynamique intracrânien, etles thromboses veineuses cérébrales .• Il peut être nuisible de donner des traitementsprétendûment vasodilatateurs ou oxygénateurscérébraux, car ils peuvent créer un hémodétournement au détriment du tissucérébral situé autour du tissu ischémié. De plusleur action n’a jamais été prouvéescientifiquement.

Points Forts à retenir• tolérance médiocre avec 6 % d’hémorragies intracrâniennes symp-tomatiques contre 0,6 % dans le groupe placebo ;• sans excès de mortalité (17 % dans le groupe rt-PA contre 22 % dansle groupe placebo) ;• les études de faisabilité depuis la diffusion de ce traitement ont mon-tré qu’en pratique les résultats sont au moins équivalents .Ces résultats ont été accueillis avec beaucoup d’optimisme aux États-Unis, et, depuis lors, de grandes campagnes d’information et d’édu-cation de la population ont eu pour but d’apprendre aux personnesexposées et à leur entourage l’existence de cette pathologie, pour l’es-sentiel largement ignorée du grand public, et de leur faire savoir qu’untraitement existe désormais et qu’il doit être délivré de façon urgentedans les 3 heures.Indiscutablement il s’agit d’un formidable espoir thérapeutique. Ungrand scepticisme, à l’inverse, a régné en Europe et en Australie carles 3 grands essais streptokinase conduits dans ces pays ont été tota-lement négatifs avec une mortalité double (passant de 20 % à 40 %)entièrement expliquée par l’excès d’hémorragies intracrâniennessymptomatiques.En avril 1998, en Europe, la thrombolyse est encore contre-indiquéedans l’infarctus cérébral.

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Physiopathologie

L’alcool se comporte comme un agoniste des récepteursGABA-A (gamma-aminobutyric acid), propriété qu’ilpartage avec les benzodiazépines et les barbituriques.Cela explique certaines similitudes dans les tableaux cli-niques des intoxications aiguës et chroniques avec cestrois psychotropes, mais aussi lors du sevrage et en parti-culier la possibilité de crises convulsives. Il existe de plusun phénomène de tolérance croisée entre ces substances.Le système gaba-ergique étant globalement un systèmeinhibiteur, sa stimulation par l’alcool explique la dépres-sion corticale induite par l’intoxication. Mais, et de façonparallèle à la stimulation du GABA, l’alcool entraîne, àconcentration élevée, une inhibition du système glutama-ergique, principal système excitateur cérébral.Le cerveau de l’alcoolique chronique se trouve donc enétat d’inhibition excessive du fait de cette stimulationchronique du système GABA inhibiteur et de la dépres-sion du système glutamate excitateur. Or les modèlesbiologiques soumis à ce type de contraintes réagissenten induisant une régulation négative (down-regulation)du système stimulé (ici le système GABA), ce qui se traduit par une réduction de la synthèse endogène dumédiateur et de la densité des sites récepteurs. Des phé-nomènes inverses se produisent pour le système inhibéglutama-ergique (up regulation). Tant que le toxique setrouve en concentration suffisante, ces mécanismes nes’expriment pas, à moins qu’ils n’expliquent la toléranceaux fortes alcoolisations observée chez l’éthylique chro-nique. Au contraire, le sevrage « libère » l’hyperactivitélatente du système excitateur glutama-ergique, lui-même non contrebalancée par les voies gaba-ergiquesqui se trouvent en situation d’inhibition fonctionnelle.Quelques jours sont alors nécessaires pour permettre leretour à un équilibre normal entre les neurotransmet-teurs.La question de la durée et de l’intensité de l’intoxicationnécessaire et suffisante pour entraîner un syndrome desevrage reste débattue. De façon schématique, les symp-tômes mineurs de sevrage peuvent survenir après unesemaine seulement d’intoxication « soutenue » et desconvulsions après 2 ou 3 mois. Un delirium tremens nesurviendrait par contre qu’après une plus longue durée

L’alcoolisme est la toxicomanie la plus répandue enFrance. L’alcool est une drogue « légale » dont l’usageest non seulement admis mais enraciné dans les habi-tudes de vie des Français. Il représente ainsi un vecteurpresque obligatoire dans bon nombre de situationssociales. Si, dans notre pays, environ 65 % des hommeset 30 % des femmes consomment régulièrement de l’alcool, une minorité est dépendante psychologique-ment et physiquement de la prise du toxique à l’intérieurde ce groupe. La dépendance psychologique se définitcomme l’impossibilité pour l’individu de réduire oud’arrêter volontairement son intoxication, alors que ladépendance physique correspond à l’apparition desymptômes organiques lors du sevrage.Après sevrage en boissons alcoolisées chez des sujetsphysiquement dépendants, trois syndromes cliniques,éventuellement associés, peuvent apparaître : les crisesconvulsives, les « signes mineurs » de sevrage (souventqualifiés de « prédelirium » en France), et le deliriumtremens, la forme la plus grave.

Alcoolisme : syndrome de sevrageDiagnostic, traitement

DR Didier DEFFOND, PR Pierre CLAVELOU

Fédération de neurologie, hôpital Fontmaure, CHRU de Clermont-Ferrand, 63400 Chamalières.

• Le syndrome de sevrage alcoolique est très fréquemment rencontré en pratique,le plus souvent sous forme de crise convulsiveisolée ou de symptômes mineurs de sevrage,rarement sous forme de delirium tremens dont la fréquence semble diminuer. Il faut garder à l’esprit que les manifestationsde sevrage ne sont pas les seules susceptiblesd’expliquer une confusion chez l’alcoolique et qu’il convient de prendre toutes les mesuresutiles pour éliminer d’autres pathologies,fréquentes sur ce terrain, comme un hématomesous-dural ou une infection neuro-méningée.

• Il est nécessaire de rappeler que la survenued’une manifestation « organique » doit êtrel’occasion d’une prise en charge globale de l’alcoolique en vue de tenter d’obtenir un sevrage définitif.

Points Forts à comprendre

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de consommation d’alcool, un an environ, et supérieureà 80 g/j. Cependant la consommation des sujets victimesd’un delirium tremens, vus en milieu hospitalier, est enrègle infiniment supérieure.

Convulsions de sevrage

Crises les plus fréquentes chez l’éthylique, elles repré-sentent une des principales causes de première crise épi-leptique chez l’adulte européen.Il s’agit dans la plupart des cas de crises convulsivesgénéralisées de type grand mal qui surviennent 7 à 30 haprès l’arrêt – ou la réduction – de l’intoxication. Lesimple sevrage nocturne peut donc être à l’origine decrises matinales. Environ 50 % des sujets ne ferontqu’une seule crise, l’autre moitié fera 2 crises ou plus,et 2 à 7 % un véritable état de mal convulsif.Si les convulsions de sevrage sont vraisemblablementliées à l’hyperexcitabilité corticale entraînée par le désé-quilibre entre les systèmes gaba-ergique et glutama-ergique, ceci n’exclut pas l’éventualité d’une lésioncérébrale épileptogène, surtout en cas de crises par-tielles. Toute crise inaugurale, même chez un alcooliqueimpose la réalisation d’explorations neuroradiologiquesà la recherche d’une lésion.La survenue d’une crise isolée n’impose pas de traitementspécifique. En cas de crises rapprochées et a fortiorid’état de mal, l’administration d’une benzodiazépine(BZD) permet le plus souvent de contrôler la situation.Toutes les benzodiazépines sont efficaces, mais enFrance, il est habituel d’utiliser le clonazépam (Rivotril,1 à 2 mg par voie intramusculaire ou intraveineuselente) ou le diazépam (Valium, 10 mg par voie intramus-culaire ou intraveineuse lente). L’administration intra-veineuse doit être réalisée avec du matériel de réanima-tion à proximité, en raison du risque de dépressionrespiratoire.

Delirium tremens

Selon l’ancienneté et la sévérité de l’intoxication, lesyndrome de sevrage alcoolique peut revêtir diversaspects, depuis les « symptômes mineurs » de sevrage(« prédelirium tremens ») jusqu’au delirium tremensproprement dit.

Symptômes mineurs de sevrage

Ils apparaissent quelques heures après un sevrage absoluou relatif chez un alcoolique chronique. Le signe le plusconstant est un tremblement d’attitude, prédominant auxextrémités supérieures et à la langue, rapide et un peuirrégulier. Il est habituel d’observer, selon une intensitévariable, une certaine irritabilité, des cauchemars et unehypersudation nocturne. Ces signes sont à leur acmé 24 h après le sevrage. Ils vont alors, soit régresser spon-tanément pour disparaître en moins d’une semaine, soit

évoluer avec apparition d’hallucinations qui augurent del’entrée dans le delirium tremens. Ce continuum faitenvisager, pour certains auteurs, ces symptômesmineurs comme un premier stade de delirium tremens.Cependant, dans l’immense majorité des cas, les symp-tômes mineurs résument le syndrome de sevrage. Dansla mesure où les problèmes de prise en charge et le pro-nostic sont radicalement différents, il nous paraît justifiéde séparer ces deux entités.

Facteurs déclenchants

Le sevrage peut être volontaire mais, le plus souvent, ilse produit à l’occasion d’une pathologie intercurrente :syndrome infectieux, hospitalisation, notamment pourcrise convulsive, traumatisme ou chirurgie. La popula-tion à risque doit autant que possible être identifiée parl’examen clinique et la recherche des marqueurs bio-logiques de l’intoxication (macrocytose, ascension desgamma-GT, signes d’insuffisance hépatocellulaire).

Clinique

Après 24 h d’une symptomatologie constituée par les « signes mineurs de sevrage », apparaissent des halluci-nations multimodales, auditives, somesthésiques maissurtout visuelles à thématique souvent effrayante : zoop-sies, scènes violentes… Il peut s’agir d’une distorsionde la réalité, avec souvent une interprétation de l’envi-ronnement vécu comme menaçant, ce qui peut conduireà des réactions agressives. À ce stade, le patient estagité, confus, tient des propos incohérents et délirants,délire alimenté par les hallucinations auxquelles il adhère totalement. À ce syndrome neuropsychiatriquese surajoute un syndrome neurovégétatif fait de nausées,de sueurs profuses susceptibles d’entraîner une déshy-dratation globale en quelques heures, d’une tachycardiesinusale, d’une hyperthermie en dehors de tout contexteinfectieux. Plus rarement il peut exister une diarrhée,des troubles du rythme, une instabilité tensionnelle.Enfin, dans les cas les plus graves, des crises convulsivesvoire un état de mal épileptique, peuvent survenir en tantque complications de l’évolution du delirium tremens.

Évolution, pronostic

La phase de delirium proprement dite dure habituelle-ment 3 à 5 jours. Puis les troubles végétatifs et l’étatconfusionnel régressent en 24 à 72 heures, laissant uneamnésie totale ou partielle de l’épisode. Au total, laphase des signes cliniques de sevrage dure donc environune dizaine de jours, une évolution plus prolongée doitfaire rechercher une pathologie intercurrente (encéphalo-pathie carentielle, infection neuro-méningée…).S’il faut rappeler qu’il n’y a pas de séquelles neuro-logiques liées au seul delirium tremens, la mortalitéobservée au décours de celui-ci est d’environ 5 à 10 %des cas. La plupart des décès surviennent chez despatients porteurs d’une défaillance viscérale préexistante

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(cardiomyopathie éthylique, cirrhose…) ou du faitd’une infection intercurrente. Une faible part des décèsest liée à un état de mal convulsif ou aux troubles végé-tatifs contemporains de la phase aiguë.

Traitement

Le traitement doit être entrepris dès les premiers signesavant l’installation du tableau complet. Il comporte deuxaxes.

1. Sédation de l’agitationDans la mesure où il existe un « déficit » gaba-ergique,il est logique de faire appel aux benzodiazépines, qui ontde plus des propriétés anticonvulsivantes. Actuellement,on utilise plus volontiers des molécules à demi-vie courte et sans métabolite actif, tel que l’oxazépam(Séresta, 400 à 800 mg/j per os) qui permettent d’adap-ter la posologie de façon plus souple, mais des benzo-diazépines à demi-vie plus longue comme le diazépam(Valium, 0,25 à 1 mg/kg/j per os) ont aussi fait la preuvede leur efficacité et de leur sécurité d’emploi.Il n’y a pas de justification physiopathologique à l’em-ploi des neuroleptiques, d’autant qu’ils abaissent le seuilépileptogène. De plus, le risque de syndrome malin peutêtre majoré chez ces patients souvent déshydratés et déjàhyperthermiques.Les carbamates (Équanil) sont encore souvent utilisésen France, malgré l’absence d’études contrôlées. Ladose toxique, avec risque de choc cardiogénique, étantassez proche de la dose thérapeutique, ils ne devraientpas être prescrits dans cette indication.

2. Prévention des complicationsIl faut éviter la déshydratation liée à l’agitation et à l’hypersudation en encourageant les patients à boire de l’eau, mesure qu’il est nécessaire de compléter parl’administration de perfusions, souvent de l’ordre de 2 à 4 L/j nécessitant une surveillance clinique et bio-logique attentive. Il est aussi indispensable de prévenirles encéphalopathies carentielles par l’administrationparentérale de vitamines B1 (500 à 1 000 mg/j), B6 (200 mg/j) et PP (500 mg/j). ■

Neurologie

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POUR EN SAVOIR PLUS

• Une dysrégulation des systèmes GABAinhibiteur et glutamate excitateur serait responsable des manifestations cliniques du sevrage :1 / crises convulsives généralisées,qui resteront isolées dans 50 % des cas ; 2 / « signes mineurs » comportant un tremblement d’attitude, une irritabilité,des cauchemars et une hypersudation nocturne ;3 / delirium tremens, le plus grave, marqué pardes troubles végétatifs sévères et un délire.

• Le traitement du delirium tremens repose sur la sédation de l’agitation,par les benzodiazépines et sur la prévention des complications, lutte contre la déshydratationet cocktails vitaminiques.

• Un syndrome de sevrage peut révéler une affection neurologique. Il doit aussi permettre d’aborder la prise en charge globaledu patient alcoolique, seul gage d’obtentiond’un sevrage définitif.

Points Forts à retenir

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dehors d’une éventuelle thérapeutique à visée étiolo-gique, salicylés ou paracétamol seront souvent utiles.• Une sinusite aiguëest évoquée car dans la sinusitefrontale, la douleur siège en région sus-orbitaire et asouvent un horaire évocateur (matin et fin de soirée),tandis que la pression locale est douloureuse. Dans lasinusite maxillaire, la douleur est souvent orbito-malaireavec parfois des irradiations dentaires. Il existe souventune douleur provoquée à l’émergence du nerf sous-orbitaire. Dans l’ethmoïdite aiguë, la pression au niveaude l’angle interne de l’œil est très douloureuse. Les sinusites sphénoïdales sont moins faciles à mettre enévidence avec une douleur profonde, postérieure, loca-lisée au vertex et à l’occiput. La notion d’un écoulementpharyngé, l’accentuation de la douleur au froid et à l’humidité vont contribuer au diagnostic clinique quisera confirmé par un examen local et des radiographiesdes sinus. Les vasoconstricteurs locaux avec anti-inflammatoires et antibiotiques par voie générale seronthabituellement efficaces. Parfois, des lavages de sinuspeuvent être nécessaires. • Un syndrome méningé est soupçonné si l’on met enévidence une raideur de nuque.

Syndrome méningé

La mise en évidence d’une raideur de nuque chez unsujet céphalalgique, couché en chien de fusil, photo-phobique, parfois confus, fait porter le diagnostic desyndrome méningé.• Si celui-ci s’est installé brutalement sans fièvre initiale, le malade ressentant une impression d’éclate-ment dans la tête, un diagnostic d’hémorragie méningéeest le plus probable. Un scanner cérébral doit être effec-tué immédiatement de manière à visualiser le sang dansles espaces sous-arachnoïdiens. La présence de sang jus-tifie la pratique d’une artériographie cérébrale à larecherche d’un anévrisme ou d’un angiome. Un scannertrop tardif devient beaucoup moins performant pour dia-gnostiquer une hémorragie sous-arachnoïdienne. Laponction lombaire met alors en évidence un liquide roséou xanthochromique. • Si le scanner ne montre pas de sang, ou si d’embléele diagnostic de méningite paraît le plus vraisemblabledu fait des antécédents (fracture de la base du crâne,mastoïdite), d’un état infectieux local (otite, mastoïdite,accident dentaire) ou général, une ponction lombairesera pratiquée sans délai. L’aspect du liquide oriente

D’un point de vue pratique, les problèmes de diagnosticet de conduite à tenir se posent différemment selon quel’on a affaire à une céphalée ou algie de la face inhabi-tuelle, de survenue aiguë, ou à une symptomatologiedouloureuse évoluant de façon chronique.

Céphalées de survenue inhabituelle

Les causes envisagées sont extrêmement nombreuses etle diagnostic sera orienté par les circonstances de surve-nue et le contexte clinique.

Contexte fébrile

Dans un contexte fébrile, on évoque 3 types d’affection.• Souvent, c’est une affection saisonnière de type grippal, mais en sachant qu’en fait tous les états infec-tieux avec fièvre peuvent donner des céphalées. En

CéphaléesOrientation diagnostique

PR Patrick HENRY

Département de neurologie, hôpital Pellegrin, 33076 Bordeaux Cedex.

• Les céphalées et algies de la face réalisent un symptôme extrêmement banal, rencontréavec une grande fréquence dans la pratiquemédicale quotidienne ; 30 % de la populationadulte française se plaint de maux de tête répétitifs.

• La banalité du symptôme n’a d’égale que la diversité de ses causes, de ses mécanismes et de ses significations.

• Il faut souligner que dans plus de 4 cas sur 5,le symptôme mal de tête ne s’accompagne d’aucune altération lésionnelle décelable par l’examen clinique et (ou) les explorations complémentaires ; ceci signifie que dans la grande majorité des cas, le diagnostic de céphalées est un diagnostic d’interrogatoire.Celui-ci permet en particulier de diagnostiquerles 2 principales causes de céphalées chroniquesque sont la migraine et les céphalées de tension.

• Les céphalées lésionnelles de cause locale ou générale sont moins fréquentes que ne le pensent beaucoup de médecins mais il est néanmoins essentiel de les reconnaîtrepour envisager un traitement des causes.

Points Forts à comprendre

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souvent le diagnostic : clair et sortant sous pression, ilfait penser à une méningite lymphocytaire (virale oubactérienne), louche ou franchement purulent, il évoqueune méningite purulente, rosée, il oriente vers unehémorragie méningée, en se souvenant qu’une ménin-gite peut donner un liquide hématique. Cela justifie quedans tous les cas, un examen clinique et cytobactériolo-gique du liquide céphalorachidien soit effectué. Lamoindre suspicion de méningite bactérienne justifie lamise en œuvre sans tarder d’une antibiothérapie parampicilline (8 à 12 g de Totapen), des modificationspouvant être apportées secondairement à cette orienta-tion thérapeutique, en fonction de l’évolution clinique etdes données bactériologiques.

Contexte post-traumatique récent

• Localisées au niveau de l’impact traumatique,lesdouleurs ne traduisent souvent que la contusion des par-ties molles.• À l’opposé, l’existence de céphalées diffuses etintenses,dans un contexte d’obnubilation témoignesouvent d’une hémorragie méningée avec ou sans contu-sion cérébrale. • Des douleurs postérieures associées à une contrac-ture cervicalepeuvent traduire une fracture, une luxa-tion ou une simple entorse cervicale. Un traitementorthopédique ou plus simplement la pose d’une minervepeut s’imposer. Secondairement, une rééducation pro-gressive évite les contractures musculaires génératricesde la chronicité des douleurs.• Des céphalées avec obnubilation,surtout s’il y a untrait de fracture pariéto-temporale, doivent faire craindre :– un hématome extra-dural qui est confirmé au scannersous forme d’une lentille biconvexe bien limitée. Sonévacuation ne souffre aucun délai ;– la possibilité d’un hématome sous-dural doit resterune préoccupation constante dans les mois qui suiventun traumatisme même bénin. Les céphalées sont detopographie fixe, d’intensité croissante, souvent dans uncontexte de troubles de la vigilance et de la conscience.La moindre anomalie de l’examen neurologique ouélectroencéphalographique, ou même la simple suspi-cion clinique justifie la pratique d’une tomodensitomé-trie qui va révéler une hyperdensité arciforme diffuse.Le traitement consiste le plus souvent en une évacuationchirurgicale.

Signes neurologiques en foyer

L’existence de signes neurologiques en foyer, hémiplé-gie, syndrome cérébelleux d’installation brutale etcontemporaine de la céphalée fait penser à un accidentvasculaire hémorragique ou même ischémique. Le scan-ner visualise d’emblée un accident hémorragique tandisque l’hypodensité d’une zone ischémique n’apparaîtqu’au bout de 2 à 4 jours. Ces céphalées s’estompent enquelques jours. Des céphalées aiguës, surtout si ellessont majorées par l’effort ou par un changement de posi-

tion, plus encore s’il existe un déficit ou une perturba-tion de l’examen neurologique, peuvent faire suspecterune hypertension intracrânienne. Là encore, le scannerou l’imagerie par résonance magnétique oriente le dia-gnostic et précise le siège et la nature de la néoformation.

Causes locales

Des perturbations locales peuvent être en cause.• Des douleurs oculairesdes kératites, des conjoncti-vites, du spasme irien justifient des thérapeutiqueslocales. • Du glaucome aigudonne des douleurs très vives, uni-latérales, ou irradiant à toute la tête. Les signes locauxfacilitent le diagnostic : globe oculaire rouge, cornéetrouble, mydriase, sensation de bille de verre à la palpa-tion du globe oculaire. Un examen ophtalmologiquespécialisé et la mise en œuvre d’une thérapeutique spé-cifique par voie générale (Diamox intraveineux,Glycérotone per os) et locale (Timoptol, pilocarpine)constituent une véritable urgence.• Des douleurs dentaires, maxillaires ou faciales,irra-diant vers l’oreille, doivent faire rechercher un abcèsdentaire, un accident de la dent de sagesse.L’ensemble de ces diverses causes doit également êtreenvisagé chez un céphalalgique habituel dont les cépha-lées se modifient soudainement et qui ne reconnaît pasleurs caractéristiques ordinaires.

Céphalées d’évolution chronique

L’interrogatoire permet de savoir s’il s’agit de céphaléesou d’algies de la face, paroxystiques et récidivantes, ouau contraire s’il s’agit de douleurs plus continues, sansintervalle libre.

Céphalées paroxystiques et récidivantes

La durée de la crise permet de distinguer 3 tableaux biendifférents.

1. MigraineCette maladie, souvent délaissée par les médecinstouche 12 % de la population adulte, soit plus de 5 mil-lions de Français. Les crises vont rythmer l’évolution decette maladie chronique qu’est la migraine, le maladerestant asymptomatique entre ses crises. À large prédo-minance féminine (près de 4 femmes pour 1 homme), lamaladie migraineuse débute souvent aux alentours de lapuberté. Parfois, déclenchée par une émotion, unecontrariété, un excès alimentaire, un moment particulierdu cycle menstruel (ovulation et surtout règles), unchangement de rythme de vie ou sans cause décelable,l’accès peut survenir à n’importe quelle heure, mais ledébut « au petit matin » est le plus caractéristique.• La crise migraineuse sans aura(migraine commune)est de loin la plus fréquente. Elle peut être précédée de prodromes permettant au sujet de prévoir sa crise :

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• Le diagnosticse fait par l’interrogatoire et ne nécessiteaucun examen complémentaire. Il se fait sur la conjonc-tion d’un certain nombre d’arguments : notion d’héré-dité, début dans l’adolescence ou chez l’adulte jeune,parfois dans l’enfance, notion d’évolution par crise, avecintervalles asymptomatiques, hémicrânie alternante,caractère pulsatile de la douleur, nausées et (ou) vomis-sements, photo- et (ou) phonophobie, signes ophtalmolo-giques et (ou) neurologiques précédant l’hémicrânie,déclenchement par des aliments privilégiés, les épisodesde la vie génitale, les variations du tonus émotionnel,l’efficacité des dérivés de l’ergot de seigle lors des crises.La classification de l’IHS (International HeadacheSociety)a précisé ces critères diagnostiques (tableau).

asthénie, nausées, mal à l’aise général, excitation,boulimie, sentiments d’euphorie, etc.La douleur débute généralement en région sus-orbitairedroite ou gauche, plus rarement en région occipitale.Elle peut rester localisée mais habituellement se diffuseen quelques heures à l’hémicrâne (d’où le nom demigraine), parfois à l’ensemble du crâne. La douleur estsouvent pulsatile, mais peut donner une impression deserrement. L’intensité peut être variable mais cette dou-leur, exacerbée par les efforts, gênant les activités, peutcontraindre le sujet à se coucher.Des signes d’accompagnement fréquents contribuent aucaractère pénible de l’accès migraineux. Nausées etvomissements surviennent soit d’emblée, soit au bout dequelques heures. Bilieux ou alimentaires, ils accréditentla notion erronée de « crise de foie ». Photophobie, pho-nophobie, sensations vertigineuses, irritabilité, prostra-tion, contribuent au malaise du patient.Laissée à elle-même, la crise migraineuse va durer de 4à 72 heures. Le plus souvent, elle finit progressivementau cours du sommeil, laissant le malade fatigué ou, aucontraire, libéré, euphorique, comme si rien ne s’étaitpassé.• Les crises de migraine avec aura(migraines ophtal-miques, migraines accompagnées) sont beaucoup plusrares (1 malade sur 8 environ), tout en sachant qu’unmême malade peut faire des crises avec ou sans aura. La phase céphalalgique est alors précédée de signesvisuels et (ou) neurologiques durant d’un quart d’heureà une heure. Il peut s’agir d’un scotome scintillant : unpoint brillant apparaît devant les yeux et s’étend en lignebrisée comme des « fortifications à la Vauban ». Un sco-tome lumineux s’étend en tache d’huile avant de dispa-raître et peut laisser place à un trouble visuel purementdéficitaire, la survenue de la phase céphalalgique annon-çant sa disparition. On peut rencontrer également desparesthésies intéressant le pourtour buccal et la main(cheiro-orale), mais pouvant envahir progressivementun hémicorps de façon plus ou moins extensive.Des épisodes aphasiques et parétiques transitoires sontplus rares. Dans ces migraines avec aura, la phasecéphalalgique est habituellement plus courte, 6 à 8heures en moyenne.• La migraine basilaireest beaucoup plus rare que lesprécédentes mais pose souvent des problèmes diagnos-tiques délicats. Elle débute par des troubles de visionbilatéraux pouvant aller jusqu’à une cécité transitoire,accompagnée de vertiges, de troubles de l’équilibre, defourmillements des extrémités des membres, parfoisd’hypersomnie et même de troubles de la consciencedans un contexte de céphalées diffuses. Bien que passa-gère, cette forme est très impressionnante et peut faireerrer le diagnostic.• La migraine ophtalmoplégiqueest exceptionnelle.Elle est ainsi appelée parce que l’accès céphalalgique estaccompagné d’une diplopie en relation avec une paraly-sie intermittente d’un nerf moteur de l’œil. En fait, ils’agit le plus souvent d’une fausse migraine liée à la rup-ture d’une malformation vasculaire de type anévrismal.

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Migraine sans aura

Notion de crise céphalalgique durant de 4 à 72 heures

Ayant au moins 2 des caractéristiques suivantes❑ unilatérale, au moins en début de crise❑ pulsatilité❑ douleur modérée ou sévère❑ aggravation par les activités physiques de routine

S’accompagnant d’au moins un des signes fonctionnels suivants ❑ nausées et (ou) vomissements❑ photophobie ou phonophobie

L’histoire, l’examen physique et neurologique ne suggèrent pas une céphalée symptomatique

Migraine avec aura

Les crises comportent au moins 3 des caractéristiques suivantes❑ le ou les symptômes de l’aura sont totalement réversibles et indiquent

une perturbation corticale focale ou une perturbation du tronc cérébral❑ le symptôme de l’aura se développe progressivement sur plus de 4 min

et, en cas de 2 ou plusieurs symptômes, ils surviennent successivement❑ la durée de chacun des symptômes de l’aura n’excède pas 60 min❑ la céphalée fait suite à l’aura après un intervalle libre de moins de 60 min

mais peut parfois commencer avant l’aura ou lui être contemporaine

L’histoire, l’examen physique et neurologique ne suggèrent pas de lésionorganique ou celle-ci a été écartée par les examens radiologiques ou tout autre procédé de laboratoire

Ces critères sont peut-être un peu trop stricts mais permettent de faire un diagnosticprécis sans risque de se tromper et ils sont certainement beaucoup plus utiles qu’unedébauche d’examens complémentaires.

Les problèmes de diagnostic différentiel se posent essentiellement avec des lésionsexpansives (hématome sous-dural, tumeurs hémisphériques) ou avec de volumineuxangiomes. Il faut se méfier systématiquement d’une hémicrânie de survenue tardive,strictement unilatérale et ayant tendance à devenir continue. Dans ce cas, le scannercérébral avec injection de produit de contraste ou l’imagerie par résonance magné-tique peuvent s’imposer.

Critères diagnostiques de la migraine (International Headache Society)

TABLEAU II

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2. Algie vasculaire de la faceEncore appelée céphalée histaminique de Horton (clus-ter headache), elle atteint avec prédilection l’homme dela trentaine, rarement la femme.Les caractéristiques de la douleur, les signes d’accom-pagnement et le rythme évolutif, permettent un diagnos-tic facile.• La douleur est unilatérale,ne changeant jamais decôté, temporo-orbitaire ou orbito-faciale, pouvant irra-dier vers les gencives, l’oreille, le cou et même l’épaule.Sa topographie ne correspond pas à la systématisationdes branches du trijumeau. • Il s’agit d’une douleur insupportableà type de brûlu-re profonde, de broiement, de déchirure.• Les signes d’accompagnementse rencontrent dans 70 % des cas et sont du même côté que la douleur.Sensation de narine bouchée, avec ou sans rhinorrhée,larmoiement, érythrose de la pommette, saillie de l’artèretemporale sont plus fréquents que le myosis et le ptosisde la paupière supérieure, traduisant un syndrome deClaude Bernard-Horner.• Le rythme évolutif est très particulier et sa mise en évi-dence est l’un des éléments essentiels du diagnostic.Chaque accès, à début et fin brusques, dure de 20 min à1 h. L’horaire des crises est très stéréotypé pour unmême malade, souvent après les repas et pendant la nuit.Un à 3 accès quotidiens vont ainsi se répéter pendant 3 à8 semaines, rarement plus. Puis pendant des mois, un anau plus, le sujet ne ressent plus rien… en attendant unenouvelle période douloureuse pouvant survenir avec unrythme saisonnier. La forme intermittente est la plus fré-quente. Plus rarement, on a à faire à des formes d’évolu-tion chronique.

3. Névralgies du trijumeau• La névralgie primitive du trijumeau ou « tic doulou-reux de la face » :il s’agit d’une maladie du sujetvieillissant puisque, 3 fois sur 4, la douleur est ressentieaprès l’âge de 50 ans.La douleur résume la symptomatologie. C’est une dou-leur paroxystique, en éclair, à type de décharge élec-trique, de brûlure, de broiement, d’une intensitéeffroyable, entraînant parfois une grimace (tic doulou-reux). La douleur est strictement unilatérale, touchant 1 ou 2 branches du nerf trijumeau, tant dans le territoirecutané que muqueux. Cette douleur a donc une topogra-phie extrêmement stricte. La douleur fulgurante peut serépéter de façon itérative, réalisant un accès de quelquessecondes à quelques minutes avec des intervalles libresde toute douleur. Celle-ci peut survenir spontanément ouêtre déclenchée par la parole, l’attouchement de pointsprécis que l’on appelle les zones gâchettes.Fait essentiel, cette symptomatologie majeure s’accom-pagne d’un examen clinique rigoureusement normal. Lediagnostic est purement clinique sur les données de l’in-terrogatoire. Le traitement repose sur la prescription deTégrétol, plus rarement du Rivotril mais, très vite, il faut

savoir orienter le malade vers un neurochirurgien en vued’une thermolyse du ganglion de Gasser. Certains préfè-rent des interpositions de fragments aponévrotiquesentre le nerf et des boucles artérielles susceptibles deléser le nerf.• Les névralgies secondaires du trijumeau se voient àtous les âges.La douleur est plus continue, avec des paroxysmesmoins nets et un fond douloureux permanent. On neretrouve pas de zone gâchette. Les 3 branches du triju-meau peuvent être touchées successivement ou d’emblée.Il existe des signes neurologiques objectifs : hypo-esthé-sie dans le territoire du trijumeau, abolition du réflexecornéen, les autres signes neurologiques dépendant dusiège et de la nature de la lésion causale. De la périphé-rie vers le centre, on pense à la possibilité de lésions debranches du V (infection sinusienne ou dentaire, trau-matisme facial, tumeur de la base du crâne), lésions duganglion de Gasser, lésions de la racine sensitive (neuri-nome de VIII, méningiome, cholestéatome), lésionsbulbo-protubérantielles (sclérose en plaques, syndromede Wallenberg).La suspicion du caractère symptomatique d’une névral-gie du V conduit à une enquête systématique et à desexplorations parfois complexes (tomographies de labase du crâne, scanner cérébral, imagerie par résonancemagnétique, artériographie vertébrale).

4. Autres névralgies

D’autres névralgies se rencontrent plus rarement.• Névralgie du glossopharyngienoù la douleur siège en région amygdalienne sur la paroi postérieure du pharynx et de la partie postérieure de la langue. Ellepeut s’accompagner d’épisodes syncopaux.• La névralgie d’Arnoldintéresse l’écaille de l’occipitalet irradie vers le haut et en avant, s’arrêtant en régionpariétale. Elle justifie la recherche d’une cause localevenant irriter la racine C2. Elle peut être liée égalementà un enclavement de l’émergence du nerf au niveau duscalp. Les infiltrations locales de corticoïdes autour dela racine ou du nerf sont habituellement efficaces. Biensouvent, des céphalées myogènes sont prises à tort pourdes névralgies d’Arnold, somme toute assez rares.

5. Circonstances de survenue particulières

Certaines céphalées paroxystiques peuvent attirer l’attention du fait de circonstances de survenue particu-lières. Si elles surviennent à l’effort (défécation, toux,coït) ou lors d’un changement de position, on doitrechercher systématiquement une lésion cérébrale(kyste colloïde du troisième ventricule, malformation dela charnière, tumeur de la fosse postérieure, etc.) mais cebilan s’avère souvent normal et l’on retient le diagnosticde céphalée d’effort de Tinel attribué à des phénomènesde distension veineuse. Une céphalée paroxystique avecsueurs et pâleur doit faire rechercher l’hypertensionparoxystique d’un phéochromocytome.

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3. Céphalées chroniques post-traumatiquesElles sont faciles à reconnaître, mais de mécanisme com-plexe. Quatre grandes variétés de céphalées peuvent êtreindividualisées. Des céphalées unilatérales habituelle-ment du côté de l’impact traumatique se rencontrent dansun tiers des cas. Elles peuvent réaliser des hémicrâniespulsatiles, paroxystiques, réalisant un véritable accèsmigraineux et sont d’ailleurs justiciables des thérapeu-tiques antimigraineuses. Des névralgies peuvent appa-raître des semaines, et des mois après l’accident. Il s’agitde douleurs fulgurantes, spontanées ou déclenchées parl’attouchement ou le simple effleurement d’une cicatricecutanée. Les céphalées d’origine cervicale se rencontrentdans un quart des cas. La douleur est cervico-occipitale,parfois symétrique mais plus souvent unilatérale ou àprédominance unilatérale. Elle réalise une impression detension douloureuse, de contracture postérieure, d’enrai-dissement cervical et se trouve exacerbée par les mouve-ments de la tête. L’examen clinique objective une attitu-de guindée et met en évidence une contracture desmasses musculaires postérieures. Des massages locaux,une rééducation rachidienne, plus rarement des manipu-lations permettent de les faire disparaître en s’aidant dela prescription d’antalgiques et de décontracturants.Les céphalées permanentes sont les plus fréquentes.Elles sont plus souvent fronto-occipitales, en casque,que localisées. La douleur est à type de lourdeur, de sen-sation d’étau, s’exacerbant à l’occasion d’un effort phy-sique ou intellectuel. Elle s’accompagne le plus souventde sensations vertigineuses, de troubles de la mémoire,de troubles du sommeil et de modifications du caractère,réalisant le noyau de ce qu’il est convenu d’appeler lesyndrome subjectif post-traumatique. En dehors descauses propres aux traumatismes, il faut retenir le rôleimportant des facteurs psychosociaux dans la genèse deces syndromes post-commotionnels.

4. Causes générales• Certaines sont facilement identifiables sur un contextequ’il suffit de mettre en évidence : hypertension artérielle,anoxie (anémie, insuffisance respiratoire), intoxicationaiguë ou chronique à l’oxyde de carbone, intoxicationprofessionnelle (nitrates, colles, solvants), intoxicationsmédicamenteuses (dérivés nitrés, indométacine, tartrated’ergotamine, antalgiques contenant de la caféine…).• L’éventualité d’une artérite temporale de Hortonestsystématiquement évoquée devant des céphalées survenantchez un sujet âgé de plus de 55 ans dans un contexte d’as-thénie, de fièvre et d’amaigrissement rapide. On doitrechercher des signes locaux : artère temporale dure, nonbattante et accélération importante de la vitesse de sédimen-tation. L’existence d’une panartérite segmentaire granulo-mateuse à cellules géantes est confirmée par la biopsie. Unecorticothérapie (0,5 à 1 mg/kg de poids de deltacortisone)est mise en œuvre rapidement. Elle est prolongée sur 12 à30 mois à doses lentement dégressives. Le risque évolutifmajeur est celui d’une cécité brutale par névrite optiqueischémique ou thrombose de l’artère centrale de la rétine.

Céphalées continues

1. Hypertension intracrânienne

• L’hypertension intracrânienne est une cause rare decéphaléemais représente néanmoins une préoccupationconstante. La céphalée de siège frontal ou fronto-occipitalpeut réveiller le sujet, s’estomper au cours de la matinéepour devenir continue par la suite, avec une accentuationprogressive. Isolée ou plus encore si elle est associée àdes vomissements, à des troubles de la vigilance ou del’humeur, elle doit faire rechercher une stase papillaireau fond d’œil qui peut d’ailleurs être absente et prati-quer un scanner cérébral avec injection de produit decontraste. Cet examen permet un diagnostic précis de processus expansif tumoral ou non tumoral,l’hydrocéphalie, d’obstacle sur les voies d’écoulementdu liquide céphalorachidien.• En cas d’urgence,une perfusion rapide en moins de 2 h de 500 cm3 de mannitol, parfois en association avec80 à 160 mg de Solu-Médrol peut permettre de gagnerquelques heures pour pratiquer d’autres explorations(imagerie par résonance magnétique, artériographie)précisant le diagnostic et la conduite neurochirurgicale.Dans quelques cas, une dérivation ventriculaire peut êtred’emblée nécessaire.

2. Causes localesDes causes locales peuvent être à l’origine des cépha-lées chroniques mais leur importance est souvent sures-timée.• Causes ophtalmologiques :on évoque un glaucomechronique (traitement local), des vices de réfraction(prescription de verres adaptés), une hétérophorie, uneinsuffisance de convergence (rééducation orthoptique).• Causes ORL et stomatologiques :les sinusites chro-niques sont rarement en cause et il faut être prudentavant de retenir le rôle pathogène d’un nez étroit, d’unedéviation de la cloison, d’un mucocèle ou d’un dysfonc-tionnement de l’articulation temporo-maxillaire [syn-drome algo-dysfonctionnel de l’appareil manducateur(SADAM)].Ce dernier entraîne des douleurs irradiantsouvent à distance de l’articulation, vers la mâchoire,l’oreille et la fosse temporale. La douleur s’exagère lorsde la mastication ou d’une conversation prolongée ou desoins dentaires. Une douleur à la pression, une sensationde craquement : des radiographies locales permettent deconfirmer le diagnostic. L’intervention d’un orthodon-tiste est habituellement plus efficace que la prescriptiond’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et demyorelaxants.• Causes rachidiennes :plus que l’arthrose, il faut incri-miner des ténomyalgies, des syndromes articulaires pos-térieurs cervicaux, des troubles posturaux justifiant desthérapeutiques locales et une rééducation adaptée.À notre avis, ces causes locales sont trop souvent misesen avant et font rater le diagnostic de migraines et plusencore de céphalées de tension.

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5. Céphalées psychogènes, dites de tensionElles représentent avec la migraine le groupe des causesles plus importantes des céphalées chroniques. Le dia-gnostic de céphalée psychogène n’est pas un diagnosticd’élimination où l’on dit « c’est psy » parce qu’on netrouve rien par ailleurs sur le plan organique. Le dia-gnostic positif repose sur les modalités de la douleur, lessignes d’accompagnement, sur la mise en évidence d’unterrain psychique particulier, l’examen somatique s’avé-rant par ailleurs normal.• Les caractères propres de la céphalée et son évolutivitépermettent souvent d’orienter le diagnostic.La douleur est des plus variée, à type de brûlure, defourmillements, d’écoulement liquide, de pesanteur etsurtout d’étau. L’intensité de la douleur est difficile àobjectiver mais elle est vécue comme très pénible, bienqu’elle n’ait pas le caractère empêchant d’une crisemigraineuse. Le siège de la douleur peut être fixe ouvariable mais ne correspond à aucune systématisation.Quatre sièges sont évocateurs : occipito-nucal, occipito-frontal en casque, vertex et racine du nez.L’allure évolutive est particulière : continue, présentedès le réveil, parfois à renforcement vespéral. Lescéphalées psychogènes évoluent sur des semaines, desmois, des années, volontiers exacerbées par tout ce quiaugmente l’état de tension psychologique, elles sont aucontraire atténuées par tout ce qui est facteur de détente.Ni les caractères sémiologiques, ni la normalité del’examen clinique ne sont cependant suffisants pour par-ler de céphalées psychogènes.• Seul un approfondissement du terrain psychologiquepermet réellement de comprendre la genèse du symptôme.Depuis plus de 25 ans, un mécanisme myalgique a étémis en avant pour expliquer les céphalées psychogènes.La mise en tension excessive et prolongée d’une massemusculaire cervicale et temporale créerait la douleur, latension musculaire étant la conséquence d’un désordrepsycho-affectif sous-jacent. Il apparaît cependant qu’iln’existe pas une relation simple et directe entre l’impor-tance de la tension musculaire et la céphalée. Mêmelorsqu’elle existe, la tension musculaire n’est probable-ment qu’un des éléments explicatifs de la céphalée.Dans un certain nombre de cas, les céphalées ne sont pasen relation avec un désordre psychique majeur mais nesont que le reflet d’un état de tension psychique excessi-ve lié à un surmenage, à un effort soutenu, au stress de lavie courante, à des problèmes émotionnels. La person-nalité sous-jacente n’est pas perturbée et la céphaléen’est alors qu’un élément réactionnel.Les céphalées réalisent un symptôme fréquent dans lesétats dépressifs. Dans quelques cas, la céphalée est iso-lée et réalise un véritable équivalent dépressif. Le plussouvent, on retrouve d’autres symptômes de l’étatdépressif : asthénie physique, psychique, sexuelle, senti-ment de désintérêt, de tristesse, inhibition, insomnie,etc.. D’autres fois, les idées dépressives et l’angoissesont exprimées comme secondaires à la céphalée, ce quipeut d’ailleurs être partiellement exact.

L’anxiété sous toutes ses formes, de la banale anxiétéréactionnelle à la véritable névrose d’angoisse, est unegrande pourvoyeuse de céphalées. Celle-ci peut être isoléeou associée à d’autres expressions de l’anxiété, pseudo-vertiges, palpitations, oppression thoracique, etc. Lanosophobie de la tumeur, du caillot dans la tête, exacerbecette anxiété, d’où aggravation des céphalées et instal-lation d’un véritable cercle vicieux.Dans d’autres cas, la tête va être le lieu spécifique d’unsymptôme, expression d’une organisation névrotique leplus structurée. Il peut s’agir d’une hystérie de conver-sion, d’une hypocondrie ou d’une atteinte psychosoma-tique proprement dite.Les céphalées représentent un des symptômes les plusfréquents de la pratique quotidienne. Symptôme parfoisbanal ne justifiant qu’une prescription simple d’antal-giques, elle peut être le symptôme d’affections fortdiverses. Une approche de type interniste abordant l’en-semble des problèmes somatiques et psychosociolo-giques, permet de déceler les causes et de mettre enœuvre une thérapeutique adaptée à chaque problème.■

C É P H A L É E S

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• Le diagnostic des céphalées s’oriente très différemment selon qu’on a affaire à des céphalées de survenue inhabituelle ou à des céphalées d’évolution chronique.

• En cas de céphalées inhabituelles,les origines lésionnelles sont les plus fréquenteset doivent être recherchées de parti pris,en tenant compte des circonstances de survenue et du contexte clinique.

• Dans le cas de céphalées chroniques,on pense d’emblée à une pathologie migraineuse ou à des céphalées de tension qui sont de loin les causes les plus fréquentes.

• Toutefois des causes locales ou générales doivent rester à l’esprit, justifiant dans certainscas des explorations complémentaires spécifiques.

Points Forts à retenir

Headache classification committee of the International HeadacheSociety. Céphalées, névralgies crâniennes, douleur de la face, classification et critères diagnostiques. Rev Prat (Paris) 1990 ; 40(5) : 416-43.

Henry P, Dousset V. La migraine. Impact Medecin Hebdo 1998 ;431 : 1-12

Henry P, Dousset V. Les céphalées de tension : description cli-nique et place nosologique. Doul Analg 1997 ; 1 : 3-8.

POUR EN SAVOIR PLUS

Page 26: La Revue Du Praticien-Neurologie

NeurologieA45

2295L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

d’emblée le pronostic vital et imposer des gestes théra-peutiques immédiats. L’état cardiovasculaire et l’état respiratoire sont appré-ciés : fréquence et rythme cardiaque, tension artérielle,amplitude respiratoire, hypoventilation, hyperventila-tion (mésencéphale, protubérance), rythme, pauses,apnées (protubérance, bulbe), régularité, respirationpériodique de Cheyne-Stokes (diencéphalique), dyspnéede Küssmaul, encombrement, réflexe de toux. La mesure de la température et l’examen de la réactivi-té pupillaire compléteront cet examen.

2. Examen neurologique

• L’examen de la vigilanceapprécie les activités sponta-nées du patient (ouverture des yeux, suivi des yeux,motricité, expression orale) et recherche une réactiond’éveil induite par des stimulations d’intensité croissan-te : ordres, appel, bruit, secousse, stimulation cutanéeextéroceptive puis nociceptive. • L’examen de la motricitérecherche :– une asymétrie dans l’activité spontanée qu’il faut dis-tinguer des mouvements involontaires. L’asymétrie de laréactivité motrice à des stimulations nociceptives symé-triques de différentes régions du corps permet de sus-pecter une hémiplégie. Il faut distinguer les réponsesadaptées qui sont différentes selon le stimulus et finali-sées des mouvements réflexes stéréotypés comme letriple retrait aux membres inférieurs et les mouvementsde décortication (adduction et flexion du membre supé-rieur et extension rotation interne du membre inférieur)traduisant une souffrance hémisphérique, ou décérébra-tion (adduction, extension, rotation interne, enroulementdu membre supérieur s’étendant au membre inférieur,traduisant une lésion mésencéphalique) ;– l’existence d’une paralysie faciale spontanée ou aprèsmanœuvre de Pierre-Marie et Foix ;– les troubles du tonus : hypertonie ou hypotonie d’unhémicorps, asymétrie de la mobilisation passive, du ballant ; – un signe de Babinski, et une asymétrie des réflexes.• L’examen oculaireanalyse :– l’occlusion des yeux, incomplète dans les comas trèsprofonds ;– le clignement. Le clignement spontané ou à la menaceest aboli. La stimulation légère, à l’aide d’un tissu stéri-le de la cornée induit le réflexe cornéen ; on recherche leréflexe naso-palpébral.

L e coma est le plus grave des troubles de la vigilance.Il se définit par la suppression du comportement

de veille (absence d’ouverture des yeux quelle que soitla stimulation) et par l’absence de toute activitéconsciente. Il traduit une souffrance cérébrale.

Orientation diagnostique

Elle repose essentiellement sur l’examen clinique réali-sé en urgence dès l’arrivée du patient.

Examen clinique

Il affirme le diagnostic de coma, évalue sa profondeur etapprécie les fonctions vitales.

1. Troubles végétatifs

Il faut les rechercher en premier car ils peuvent menacer

Coma non traumatiqueOrientation diagnostique

PR Bruno BROCHET,Service de neurologie, hôpital Pellegrin, 33076 Bordeaux cedex.

• Le coma est une urgence diagnostique et thérapeutique.• Certaines causes, en particulier métaboliquescomme l’hypoglycémie, imposent des mesuresd’urgence et doivent donc être recherchées :glycémie au doigt, prélèvement sanguin eturinaire (bilan de base, gaz du sang, acidelactique, corps cétoniques, monoxyde de carbone,alcool et autres toxiques en particuliermédicamenteux...)• Il faut apprécier rapidement la profondeur du coma par l’échelle de Glasgow et l’étude des réflexes du tronc cérébral, ainsi que le retentissement ventilatoire, cardiocirculatoire etneurovégétatif afin d’assurer le maintien des fonctions vitales par des mesures de réanimation adaptées, ventilatoires (au masqueou intubation selon les cas) et circulatoires etenfin, si besoin, traiter un état de mal épileptique.• Il faut enfin réaliser un scanner cérébral à la recherche d’une cause neurologique.

Points Forts à comprendre

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Echelle de Glasgow : score obtenupar addition des scores de chaque

catégorie (coma<7)

– l’état des pupilles (diamètre, anisocorie, réponse pho-tomotrice) qui renseigne parfois sur une étiologietoxique : myosis (intoxication morphinique), mydriase(atropiniques). Il a surtout une valeur localisatrice de lasouffrance cérébrale (tableau I).

– l’oculomotricité : une déviation conjuguée de la tête etdes yeux sera controlatérale à une lésion de la protubé-rance mais ipsilatérale à une lésion plus haut située(regarde sa lésion). Les paralysies du III et du VI sontrecherchées (tableau II). S’ils existent, les mouvementsoculaires spontanés sont étudiés : mouvements pendu-laires normaux, opsoclonus et bobbing oculaire anor-maux. En l’absence d’activité spontanée, on rechercheles réflexes oculo-céphaliques inverses aux mouvementspassifs de rotation, flexion et extension de la tête (enl’absence de lésion cervicale) et les réflexes oculo-vesti-bulaires (si le tympan est normal) à l’instillation d’eauglacée dans le conduit auditif externe, la tête étant fléchieà 30˚ (déviation lente tonique vers le côté stimulé).L’examen pourra être complété par un examen du fondd’œil et la recherche de signes méningés (raideur de lanuque; signe de Kernig et Brudzinski)

3. Classification clinique de la profondeurdu coma

Plusieurs classifications sont proposées. Leur intérêtréside surtout dans la définition de groupes homogènespour les études de suivi mais la surveillance de l’évolu-tion du coma doit reposer sur l’ensemble des données del’examen neurologique et des fonctions vitales.• La classification en stadesdistingue grossièrement :– un stade I (coma vigile ou obnubilation) : réponsesplus ou moins compréhensibles aux stimulations audi-tives fortes, réactions motrices adaptées aux stimula-tions nociceptives légères ;– un stade II (coma) : réveil impossible, réactionsmotrices inadaptées aux stimulations nociceptivesintenses, pas de troubles végétatifs ;– un stade III (coma profond) : absence de réaction, ouréaction de décérébration aux stimulations nociceptives,résolution musculaire, présence de troubles végétatifs ; – un stade IV (coma dépassé ou aréactif) : réactiviténulle, abolition des fonctions végétatives, mydriasearéactive, électroencéphalogramme plat.• Échelle du coma de Glasgow(tableau III) : initiale-ment conçue pour les traumatismes cérébraux, elle est lar-gement utilisée et repose sur la cotation de 3 types deréponses : ouverture des yeux, réponse motrice et réponseverbale. Le coma est défini par un score inférieur à 7.Ces critères cliniques sont associés à des critères élec-troencéphalographiques en 4 stades, pour apprécier laprofondeur et suivre l’évolution d’un coma.

Diagnostic différentiel

Dans un contexte non traumatique, il s’agit de distinguerce qui n’est pas un coma.

C O M A N O N T R A U M A T I Q U E

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- Petites et réactives - diencéphale- Moyennes et non réactives - mésencéphale- Dilatées et non réactives - Tectum- Mydriase unilatérale aréactive - III homolatéral- Myosis punctiforme - protubérance

Valeur localisatrice de l’état pupillaireau cours du coma

État des pupilles Lésion

TABLEAU 1

- Déviation conjuguée - au-dessusdes yeux vers la lésion de la protubérance

- Déviation conjuguée opposée - protubéranceà la lésion

- Abduction spontanée d’un oeil - III homolatéral- Adduction d’un œil - VI homolatéral(paralysie droit externe)

- Ophtalmoplégie internucléaire - bandelette(paralysie adduction homolatérale) longitudinale

Valeur localisatrice des anomaliesoculomotrices au cours du coma

Signes Lésion

TABLEAU 11

Ouverture des yeux - spontanée 4- à l’appel 3- à la douleur 2- aucune 1

Meilleure réponse motrice - volontaire (sur commande) 6à la stimulation nociceptive- localisatrice 5

- évitement, retrait 4- flexion stéréotypée 3- extension, enroulement 2- aucune 1

Meilleure réponse verbale - orientée 5- confuse 4- incohérente 3- incompréhensible 2- aucune 1

TABLEAU 111

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Diagnostic étiologique

1. Orientation étiologique

Elle doit être pratiquée en urgence.• L interrogatoire de l’entourageélimine d’emblée lescomas d’origine traumatique et précise le mode de début(brutal orientant vers une cause vasculaire cérébrale ouprogressif en faveur d’une lésion expansive intracrâ-nienne s’il y a un déficit localisé). Un début confusion-nel sans trouble neurologique peut orienter vers unecause métabolique. Les traitements en cours, les antécé-dents de maladie métabolique connue, d’intoxicationmédicamenteuse ou alcoolique, d’insuffisance rénale ouhépatique, de terrain vasculaire, d’épilepsie, de cancer,ou de troubles psychiatriques sont précisés. • L’examen cliniquecomporte un examen neurologiqueà la recherche de signes de localisation qui oriente versune lésion neurologique. Cependant l’absence de signede localisation n’élimine pas une lésion du système ner-veux central (sous-dural chronique par exemple) et cer-tains tableaux métaboliques (hypoglycémie, états hyper-osmolaires, encéphalopathies hépatiques) peuvent êtreassociés à des signes neurologiques trompeurs.L’examen général recherche en outre une ecchymose,une plaie ; du sang nasal ou dans l’oreille ; une morsurelatérale de langue ; un syndrome infectieux clinique(fièvre faisant suspecter une méningo-encéphalite) etcomporte une auscultation cardiovasculaire et la prise dela tension artérielle.• Les examens complémentaires suivants sont prati-qués en urgence :– biologie : glycémie immédiate digitale puis sanguine,ionogramme (natrémie), créatininémie et bilan hépa-tique, recherche de toxiques et de médicaments orientéepar le contexte (monoxyde de carbone, benzodiazé-pines, barbituriques, antiépileptiques), alcoolémie, cal-cémie, numération formule sanguin (NFS), plaquettes,coagulation, hémoculture si hyperthermie, gazométrie ;– électrocardiogramme, fond d’œil en l’absence descanner à la recherche d’une stase papillaire ;– électroencéphalogramme dès que possible ;– radiographie pulmonaire ;– scanner cérébral: il est systématique si on suspecte unecause intracrânienne expansive ou vasculaire ou en casde coma inexpliqué ;– ponction lombaire devant un syndrome fébrile et (ou)des signes méningés, si possible après contrôle du scan-ner cérébral. Cependant, si le tableau évoque une ménin-gite bactérienne la ponction lombaire d’urgence est unepriorité.

2. Étiologie

• Comas métaboliques :les comas métaboliques sontévoqués en cas d’installation rapidement progressiveavec des antécédents évocateurs. Ils imposent desmesures d’urgence.– Le coma hypoglycémique doit être recherché chez le

1. Aréactivité d’origine psychogèneet simulations

Le diagnostic de faux coma d’origine psychogène parun mécanisme de conversion ou par simulationconsciente devra être prudent et reposer sur des argu-ments solides : les circonstances de survenue ; la résis-tance à l’ouverture des paupières ; le clignement à lamenace, l’évitement de la face lors de la manœuvre dechute provoquée du membre supérieur au-dessus duvisage ; l’absence de tout signe clinique objectif en par-ticulier l’absence de mouvements pendulaires des yeux.L’absence d’anomalies électroencéphalographiquespeut aider.

2. Désafférentation motrice(locked-in syndrome)

Le locked in syndromeest lié à une lésion protubéran-tielle habituellement par thrombose du tronc basilaire ouà une myélinolyse centrale du pont après correction troprapide d’une hyponatrémie sévère en particulier chezl’éthylique. Le tableau associe une conscience normalemalgré une tétraplégie, une diplégie faciale, une paraly-sie labio-glosso-pharyngo-laryngée et une paralysie dela latéralité du regard mais pas de la verticalité et il y apersistance de l’ouverture des yeux à la demande ce quipeut permettre une communication.

3. Mutisme akinétique

Le mutisme akinétique résulte d’une souffrance frontaleinterne bilatérale par lésions frontales ou hydrocéphaliesaiguës, ou de lésions de la formation réticulaire mésen-céphalique ou du diencéphale postérieur. Le patient estvigile mais immobile et présente un trouble majeur del’attention avec négligence motrice et sensitive. Onconstate l’absence de mouvements spontanés, sur ordreou après stimulations mais persistance des mouvementsconjugués des yeux et du clignement à la menace.

4. Hypersomnies

Ce trouble du sommeil caractérisé par des accès de som-meil rapidement réversibles par stimulations, parfoisassociés à des bâillements, peut être idiopathique(hypersomnie essentielle), lié à une narcolepsie (associéalors à des attaques de cataplexie), à un syndromed’apnées du sommeil (associé à des apnées et un ronfle-ment) ou chez l’adolescent au rare syndrome de Kleine-Levin Critchley.

5. Comas après un traumatisme ancien

Certains comas supposés non traumatiques sont en faitdus à un traumatisme initial ancien et négligé car mini-me, en particulier chez le sujet âgé ou éthylique. Dans cecontexte, un scanner cérébral recherche un éventuelhématome sous-dural.

Neurologie

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sujet diabétique traité ou au cours d’ivresses aiguës.Devant un coma inexpliqué, l’injection intraveineuse desérum glucosé hypertonique est systématique du fait durisque lié à la prolongation d’une hypoglycémie.– Les autres comas métaboliques : coma acidocétosique,hyperosmolaire ou acidose lactique chez le diabétique;encéphalopathies hépatiques, respiratoires ou rénalesévoquées sur un terrain connu ; troubles hydroélectroly-tiques (hypernatrémie ou hyponatrémie) et de l’hydrata-tion ; hypothermies. Rarement, les endocrinopathiessont révélées par un coma (hypothyroïdie, insuffisancessurrénale ou de l’antéhypophyse).• Comas toxiques :ce sont les plus fréquents. Ils sont àévoquer systématiquement en particulier devant uncoma profond avec réponse photomotrice conservée.– Intoxications médicamenteuses le plus souvent parbarbituriques, benzodiazépines, antidépresseurs ouautres psychotropes, morphiniques. Les médicamentssont souvent associés. La recherche biologique detoxiques est indispensable. Un contexte dépressif (tenta-tives de suicide) peut orienter.– Intoxications alcooliques aiguës. Le diagnostic sou-vent aisé est étayé par le dosage de l’alcoolémie. Il fautrechercher une hypoglycémie associée.– Intoxications à l’oxyde de carbone : elle seront évoquéesdans un contexte particulier (chauffage défectueux) etconfirmées par le dosage sanguin du monoxyde de carbone.– Autres : éthylène-glycol, paraldéhyde...• Comas avec signes neurologiques focalisés– Si le début est ictal, après avoir éliminé l’hypoglycé-mie, on s’oriente vers un accident vasculaire cérébralsur un terrain vasculaire (hypertension artérielle, souffleà l’auscultation des vaisseaux cervicaux, cardiopathieemboligène connue ou la découverte d’un trouble durythme ou d’une défaillance cardiaque). Le scannercérébral permet la distinction entre accident hémorra-gique et ischémique intraparenchymateux et éliminel’hémorragie sous-arachnoïdienne par rupture d’un ané-vrisme intracrânien, lésion dont la nature éventuelle-ment chirurgicale sera déterminée après angiographiecérébrale. Il est moins contributif en cas de thrombo-phlébite cérébrale avec ramollissement veineux (signedu delta) et le diagnostic repose alors surtout sur l’ima-gerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale, l’an-gio-IRM, voire l’angiographie cérébrale. La survenued’un coma à la phase initiale d’un accident vasculairecérébral est de mauvais pronostic.– Si le début est progressif on s’oriente vers une lésionintracrânienne occupant de l’espace, en particulier si lecoma a été précédé de troubles neurologiques focalisésprogressifs et par des signes d’hypertension intracrâ-nienne (céphalées, nausées, vomissements). Onrecherche des antécédents néoplasiques et une altérationde l’état général. On recherche des signes d’engagementcérébral : mydriase unilatérale, raideur de nuque, crisetonique postérieure... Un scanner en urgence est réalisésans et avec injection de produit de contraste, s’il n’y apas de contre-indication qui montre soit une tumeursus-tentorielle avec réaction œdémateuse, soit une

tumeur sous-tentorielle avec retentissement sur les ventri-cules et hydrocéphalie ou un hématome sous-dural chro-nique. Le traitement en urgence dépend de ce résultat : encas d’œdème, un traitement anti-œdémateux(Mannitol*, glycérol, corticoïdes) est réalisé. Une sondede dérivation ventriculaire sera posée en cas d’hydrocé-phalie. L’évacuation chirurgicale d’un hématome sous-dural peut être envisagée. La chirurgie d’exérèse éven-tuelle d’une tumeur n’est pas réalisée en urgence.• Coma avec signes méningés– En dehors d’un contexte fébrile, on évoque unehémorragie sous-arachnoïdienne en particulier si letableau a été précédé d’une céphalée violente ictale. Lescanner cérébral en urgence peut confirmer le diagnostic(sang dans les espaces sous-arachnoïdiens) et éliminerune hémorragie intraparenchymateuse associée. En casde suspicion clinique et si le scanner n’est pas contribu-tif, on fait une ponction lombaire à la recherche d’unliquide hématique incoagulable sur 3 tubes. En cas dedoute, la recherche des pigments sanguins est utile.Le traitement est fonction du risque de récidive, de l’âgeet des résultats de l’artériographie.– En cas de syndrome méningé fébrile, il faut rechercherune méningite ou une méningo-encéphalite. La ponctionlombaire ramène un liquide purulent, trouble ou clair.Il peut s’agir d’une méningo-encéphalite virale notam-ment herpétique. Le liquide sera clair, lymphocytaire.L’imagerie par résonance magnétique, l’électroencépha-logramme et la PCR (polymerase chain reaction) pourl’herpès virus confirment le diagnostic mais la mise enroute du traitement antiviral (aciclovir) est faite en urgen-ce sans attendre ces confirmations. Il peut s’agir d’uneméningite purulente (à pneumocoques). Le liquide estpurulent et la mise en route des antibiotiques intraveineuxà fortes doses, immédiatement, sans attendre la formulecellulaire et la bactériologie, s’impose. Plus rarement, ils’agit d’une méningite tuberculeuse, d’un empyème sous-dural, ou d’une thrombophlébite cérébrale.• Coma survenant au décours d’une crise comitialeLe récit des témoins, les notions de perte des urines et demorsure de langue latérale feront évoquer le diagnosticmais un coma se prolongeant après une crise comitialeimpose de rechercher une complication comme un étatde mal par l’électroencéphalogramme ou une intoxica-tion médicamenteuse. C’est pourquoi, s’il s’agit d’uneépilepsie ancienne, déjà traitée, on dose les antiépilep-tiques en urgence. Si c’est une première crise d’épilep-sie, on recherche une lésion causale par un scanner céré-bral sans et avec injection intraveineuse de contraste etun électroencéphalogramme.

Orientation du traitement

Elle associe :

1. Mesures de réanimation appropriées

Mises en jeu parallèlement au bilan diagnostique et untraitement étiologique : maintien des fonctions vitales,

C O M A N O N T R A U M A T I Q U E

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ventilatoires et circulatoires (oxygénation, libération desvoies aériennes, si nécessaire intubation pour assurer uneventilation assistée, réhydratation, équilibrage volé-mique), traitement d’un éventuel état de mal épileptique.

2. Traitement étiologique essentiel

Il débute par le traitement d’une éventuelle hypoglycé-mie, d’un trouble de l’osmolarité. Les urgences neuro-chirurgicales sont rares (hémorragies méningées,lésions vasculaires cérébelleuses menaçantes, dérivationd’une hydrocéphalie). Les urgences médicales nonmétaboliques sont représentées par les traitements anti-infectieux des méningo-encéphalites herpétiques ou desméningites bactériennes, le traitement des intoxications(naloxone en cas d’intoxication morphinique, oxygéno-thérapie hyperbare en cas d’intoxication à l’oxyde decarbone, flumazénil en cas d’intoxication aux benzodia-zépines) et le traitement des états de mal épileptiques.

3. Soins infirmiers

Prévention d’escarres, de phlébites ; gouttes oculaires...

4. Surveillance

On met en route une surveillance clinique (pouls, pres-sion artérielle, monitorage cardiaque, ventilation, diurè-se, température ; état de conscience, déficit neurolo-gique, recherche de phlébite, état cutané) et paraclinique(ionogramme, gazométrie, numération formule sangui-ne, électroencéphalogramme...). ■

Neurologie

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• Le diagnostic de coma est clinique, de même que la détermination de sa gravité et des mesuresde réanimation à mettre en œuvre.• Les comas toxiques sont les plus fréquents d’où la nécessité d’une recherche systématique de toxique.• L’hypoglycémie domine les causes métaboliqueset doit être corrigée au moindre doute.• Une fois éliminé le coma post-critique,les accidents vasculaires cérébraux,les hémorragies sous-arachnoïdiennes et les méningites purulentes, dominent les causesneurologiques.• Les diagnostics différentiels sont rares (mutismeakinétique, locked-in syndrome). • Le diagnostic de faux coma par simulation doitêtre étayé par des arguments cliniques positifs et électroencéphalographiques.

Points Forts à retenir

Page 31: La Revue Du Praticien-Neurologie

NeurologieB 222

341L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

est responsable de près de 25 % des épilepsies tardives.Pour pouvoir parler d’épilepsie alcoolique, il faut qu’ils’agisse d’une épilepsie tardive, survenant chez un éthy-lique chronique et avoir éliminé les autres causes d’épi-lepsie tardive. Cela exclut les crises survenant chez unépileptique connu, les crises survenant à l’occasion d’unexcès éthylique, celles d’autres étiologies survenantchez un éthylique chronique.Les crises surviennent lors d’une intoxication aiguë ouplus souvent quelques heures (7 à 48 h) après un sevrageabsolu ou relatif. Très souvent, l’éthylique fait une crisemotivant l’hospitalisation puis une à deux autres (auxurgences et en arrivant dans le service). Un état de malépileptique est rare mais possible. Le plus souvent, ils’agit de crises généralisées tonicocloniques mais descrises partielles (parfois secondairement généralisées)sont possibles et il faut alors bien sûr poursuivre les examens complémentaires même si ceux-ci sont le plussouvent normaux. L’électroencéphalogramme, fait rapi-dement après une crise, peut montrer une sensibilitéimportante à la stimulation lumineuse intermittente et lapoursuite de celle-ci à des fréquences élevées peutdéclencher une nouvelle crise.Ces crises sont peu fréquentes pour un individu donné etne nécessitent pas en elles-mêmes de traitement spéci-fique. Il faut avant tout faire prendre conscience aumalade de son éthylisme et essayer d’obtenir un sevragedéfinitif. Les crises ne se répéteront alors pas. Si aucontraire, l’intoxication persiste, il est illusoire de penserqu’un traitement antiépileptique sera pris correctementet sera efficace. Le pronostic de ces sujets est réservé.Sur 87 malades suivis 7 ans, 19 sont décédés (6 de cir-rhose, 4 de cancer, 3 de problèmes vasculaires, 3 detraumatismes), 21 des 22 sevrés ne font pas de crisealors que 26 des 46 non sevrés en ont encore.Le problème est bien différent s’il s’agit d’une maladieépileptique préexistante primitive ou secondaire à deslésions cérébrales (post-traumatique par exemple). Ilfaut alors insister sur une observance rigoureuse du traitement antiépileptique et sur le rôle déclenchantmajeur de l’alcool.

Je mentionnerai seulement les complications post-trauma-tiques pouvant survenir chez des éthyliques qui tombentfréquemment. Par exemple, un hématome sous-duralchronique est toujours possible. Cet hématome peut sedécompenser en quelques heures et l’évoquer impliquede demander rapidement un scanner cérébral (les radio-graphies du crâne n’ont aucun intérêt) et d’en avoirimmédiatement le résultat.Je n’envisagerai pas les encéphalopathies secondaires àune atteinte hépatique.

Crises d’épilepsie

Cinquante pour cent des sujets vus aux urgences pourune crise d’épilepsie ont des problèmes d’alcool.Il s’agit le plus souvent d’hommes (9 hommes pour unefemme). Le risque pour un éthylique de faire une crisedépend de l’importance de son intoxication : il est multipliépar 3 pour une consommation de 50 à 100 g d’alcool,par 8 entre 100 et 200 g, par 20 au-dessus. L’alcool

Complications neurologiques imputables à la consommation d’alcoolDiagnostic, traitement

PR Jean-Yves GOAS

Service de neurologie, CHU La Cavale-Blanche, 29609 Brest Cedex.

• L’alcool est responsable de très nombreusescomplications neurologiques, tant par un effettoxique direct que par des perturbations métaboliques induites, et par les carences vitaminiques qu’entraîne sa consommationchronique.

• Il faut bien les connaître car le risque est multiple :– ne pas en faire le diagnostic et ne pas traiteralors qu’il peut s’agir de véritables urgences;– ne pas les prévenir;– tout attribuer à un éthylisme chronique malheureusement trop fréquent en France;– s’arrêter à la première carence,alors que plusieurs peuvent s’associer.

Points Forts à comprendre

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Névrites optiques rétrobulbaires

La vision des couleurs peut être la première atteinte.Elle serait perturbée chez 40 % des éthyliques et cet élément peut être le premier signe d’une névrite optiquerétrobulbaire.Le malade va constater une baisse rapide et très importantede l’acuité visuelle (parfois inférieure à un dixième) desdeux yeux. Le fond d’œil, normal au début, montreensuite une impressionnante pâleur papillaire mais c’estsurtout le champ visuel qui est très important à étudiercar c’est lui qui conditionne le pronostic. Celui-ci estmauvais car même après un sevrage total, l’acuitévisuelle reste médiocre (5 à 6 dixièmes) mais surtout lemalade peut garder définitivement un scotome centralgênant la vision de face (fondamental pour la lecture parexemple). Avec l’alcool, le tabac a indiscutablement unrôle majeur dans la survenue de cette atteinte.

Polynévrites

En pratique en France, les polynévrites éthyliques sontrelativement rares si on demande des signes cliniquesobjectifs pour les définir. Il est certain que, si l’on pratiquedes mesures de vitesse de conduction nerveuse à tous leséthyliques, on trouve souvent des anomalies mais il estalors difficile de parler de véritables polynévrites. Cesmesures peuvent parfois servir pour montrer à un maladele retentissement de son éthylisme et lui faire prendreconscience de la gravité de la situation, même avantl’apparition des troubles cliniques.Ces polynévrites éthyliques se rencontrent volontierschez les femmes, peuvent s’installer rapidement aprèsl’établissement de restrictions alimentaires, en particulierde restrictions protidiques. Elles sont certainement enrapport avec des carences vitaminiques, mais il ne fautpas oublier qu’expérimentalement, l’alcool à lui seulpeut en créer. L’éthylique chronique réduit ses apportsde viande parce qu’il a des complications digestives(gastriques surtout) dues à l’alcool, parce que ses dentssont en mauvais état (problèmes financiers surajoutés),parce que son entourage s’est modifié (séparation oudécès du conjoint), etc. De plus, un régime riche enhydrates de carbone (dont l’alcool) augmente les besoinsen vitamine B1. Il existerait aussi une compétitiond’absorption entre l’alcool et les vitamines. La polynévrite éthylique est sensitivo-motrice. Lessignes bilatéraux et symétriques, comme dans toutepolynévrite, débutent aux pieds. Les troubles sensitifssubjectifs sont souvent les premiers et au premier plan,avec outre les paresthésies distales, des douleurs parfoismarquées (spontanément ou au contact des draps, à lapression des muscles, à l’élongation des nerfs). Le déficitmoteur débute sur l’extenseur propre du gros orteil(extension de la première phalange du gros orteil) quenormalement on ne peut vaincre à la main. Il va ensuites’étendre à tous les muscles de la loge antéro-externe dela jambe puis au mollet, au quadriceps, aux muscles desdoigts. L’abolition des réflexes achilléens est précoce,celle des rotuliens surviendra plus tard. Les troubles

trophiques sont souvent importants, pouvant aller jus-qu’à des maux perforants plantaires, torpides car indo-lores. Ils peuvent entraîner des rétractions tendineusesfonctionnellement handicapantes. Ici aussi, le danger est de dire trop vite que l’éthylismechronique est responsable de la polynévrite. Ce nedevrait être qu’un diagnostic d’élimination. Il faut avanttout penser aux autres étiologies toxiques (dont lesmédicaments) et métaboliques. Rappelons les poly-névrites survenant chez des éthyliques sevrés traités parle disulfirame à forte dose.Le traitement est essentiellement l’arrêt de l’alcool, lavitaminothérapie et surtout la rééducation. Un maladegrabataire arrive ainsi en plusieurs mois à retrouver unecertaine autonomie mais il reste particulièrement fragileet une reprise de l’intoxication (quand il retourne dansson milieu antérieur si celui-ci n’a pas évolué) entraîneune récidive particulièrement rapide et grave.

Deliriums

LE DSM-IV (Diagnostic and statistical manual 4th edition) décrit des deliriums dus à l’intoxication par l’alcool mais ceux-ci sont exceptionnels par rapport àceux que l’on observe lors des sevrages.Les critères du DSM-IV sont les suivants :• perturbations de la conscience (c’est-à-dire baisse

d’une prise de conscience claire de l’environnement)avec diminution de la capacité à diriger, focaliser, sou-tenir ou mobiliser l’attention ;

• modifications du fonctionnement cognitif (tel qu’undéficit de la mémoire, une désorientation, une pertur-bation du langage) ou bien survenue d’une perturbationdes perceptions qui n’est pas mieux expliquée par unedémence préexistante, stabilisée ou en évolution ;

• perturbation qui s’installe en un temps court (habituel-lement quelques heures ou quelques jours) et tend àavoir une évolution fluctuante tout au long de la journée;

• mise en évidence, d’après l’histoire de la maladie,l’examen physique ou les examens complémentairesd’une apparition des symptômes, des critères A et Bau moment d’un syndrome de sevrage ou bien peu detemps après.

En pratique, le delirium tremens, classique après unsevrage éthylique, survient quelques jours (2 à 3) aprèscelui-ci, quelle que soit la cause du sevrage (volontaireou après un problème intercurrent médical ou non, voireune hospitalisation). Cette notion est très importante caril faut savoir le prévenir (hydratation suffisante, voire unpeu d’alcool per os ou intraveineux, sédatifs). Les signessont plus marqués à la tombée de la nuit et il faut débu-ter le traitement sédatif à fortes doses dès la constatationdes signes de sevrage (tremblements marqués desmains, agitation psychomotrice même discrète, sueurs,tachycardie supérieure à 100). Le delirium comporte toujours des troubles de la vigilance,une agitation psychomotrice parfois inquiétante et dan-gereuse pour le malade ou l’entourage, des hallucinations.C’est une situation grave qui nécessite une prise en charge

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Syndrome de Gayet-Wernicke

Il est très important à connaître car il n’est pas excep-tionnel et il nécessite un traitement d’urgence.Ce tableau est dû à une carence pure en vitamine B1comme on a pu en produire chez l’animal et chez l’homme(prisonniers anglais à Singapour). Ce n’est pas l’apanagede l’éthylisme chronique et on peut l’observer dansd’autres causes de carence en vitamine B1 : vomissementsde cancer gastrique par exemple (voire dans la grossesse),réanimation parentérale prolongée sans apport vitami-nique. L’éthylisme chronique peut s’accompagner detelles carences, d’autant plus que le sucre (donc l’alcool)nécessite cette vitamine pour son métabolisme.Les lésions bilatérales et symétriques siègent autour duplancher du troisième ventricule et de l’aqueduc deSylvius, dans les tubercules mamillaires, les thalamuspériventriculaires, les tubercules quadrijumeaux posté-rieurs et les noyaux dorsaux du vague. Ces structuressont le siège de nombreuses et petites lésions vasculairesischémiques ou plus souvent hémorragiques. Le tableau clinique comporte des troubles de la vigilance,une hypertonie d’opposition, des troubles de l’équilibre.L’élément le plus caractéristique, mais présent seulementdans la moitié des cas, est une paralysie de la latéralitédes yeux (ou des secousses de nystagmus horizontal).Cette atteinte est difficile à rechercher chez un maladepeu coopérant, il faut y prêter une très grande attention.Si ce diagnostic est suspecté, il est impératif d’administrerimmédiatement au malade de la vitamine B1 par voieinjectable en intraveineuse ou intramusculaire, la voieorale pouvant être source de mauvaises absorptions. Laposologie est discutée. Les besoins sont faibles (10 mgpar jour environ et 500 mg par jour par voie injectablesont sûrement suffisants). Il ne faut pas oublier de rajoutercette vitamine si on est amené à perfuser un éthyliquechronique avec du sérum glucosé. La vitamine B1 estnécessaire et suffisante mais il vaut sûrement mieux yassocier d’autres vitamines (B6, PP...) car les carencesdes éthyliques ne sont jamais pures.Ce traitement est très rapidement efficace avec, enquelques heures, amélioration de la vigilance et destroubles cognitifs, amélioration et disparition destroubles de la motilité oculaire. N’oublions pas que cesmalades non traités meurent.

Syndrome de Korsakoff

Certains malades peuvent avoir après un syndrome deGayet-Wernicke (parfois d’emblée) un syndrome deKorsakoff. Ce trouble très particulier de la mémoire a étédécrit par Korsakoff en association avec une polynévrite.Actuellement, on ne garde sous cette appellation que letrouble de la mémoire. Il s’agit d’une atteinte portantuniquement sur la fixation. Ces malades peuvent répéterimmédiatement une série de chiffres, se rappeler assezcorrectement leur passé mais ils ne peuvent rien retenirde nouveau. Ils « oublient » à mesure, leur comportementreste tout à fait normal et adapté mais ils ne peuvent rienacquérir. On discute encore pour savoir s’il s’agit d’un

en urgence. Même sans tares, sans qu’il y ait eu de com-plications iatrogènes, un éthylique peut mourir au coursd’un delirium, probablement par atteinte neurovégétative.La conduite à tenir comporte l’isolement dans unechambre éclairée, une hydratation importante si possibleper os (car par voie injectable, elle nécessite une contentionimportante), le moins de contention possible (leschambres capitonnées gardent leur intérêt), des sédatifsbien sûr à doses suffisantes mais en se rappelant bienleurs effets secondaires à doses élevées, en particulierleurs actions sédatives sur le plan cardiaque et respiratoire.En cas d’agitation non contrôlée, une injection de Loxapac 50 mg peut permettre d’approcher le malade. Par la suite,deux comprimés de Séresta 50 toutes les 3 à 4 heures sontsouvent suffisants et évitent le recours à la voie injectable.Il vaut mieux que le malade garde une petite agitation plutôt que de le mettre « en coma », ce qui nécessite unplacement en réanimation avec tout ce que cela comporte.Le plus souvent, le malade ne conserve aucun souvenirde cet épisode et on ne peut se servir de cette complica-tion redoutable pour l’inciter au sevrage.Il ne faut pas attribuer à l’alcool tous les troubles ducomportement survenant chez un éthylique chronique.C’est un problème diagnostique très difficile qui donnerégulièrement lieu à des erreurs. Ces malades souventtrop connus sont difficiles à examiner, ils sont sales, necoopèrent pas, voire ne se laissent pas approcher. Il faut seméfier, les examiner correctement en sachant que mettreen évidence une raideur méningée, par exemple, peut êtreimpossible et pourtant ils peuvent avoir une méningitepurulente, plus souvent une hémorragie méningée. Laponction lombaire doit être facile, voire le scanner céré-bral. Il faut les surveiller, les suivre sans trop de calmants.Ces tableaux sont dus aux faits que l’alcool diminue latransmission gabaminergique et inhibe les récepteursNMDA (N-méthyl D-aspartate), ce qui entraîne une augmentation de leur nombre. Lors du sevrage, les cellules deviennent hyperexcitables.

Atrophies cérébelleuses tardives

L’alcoolisme chronique peut être responsable d’atro-phies cérébelleuses tardives qui vont se manifester pardes troubles de l’équilibre d’installation assez rapide,en quelques semaines.L’examen peut montrer en plus un syndrome cérébel-leux cinétique des membres inférieurs.Ces atrophies cérébelleuses sont mal visibles au scannerqui le plus souvent ne montre que l’atrophie vermiennesur les coupes hautes de la fosse postérieure. L’imageriepar résonance magnétique (IRM) en coupes sagittales lamontre mieux mais cet examen est rarement justifié.Le pronostic de cette complication n’est pas trop mauvais.Après quelques semaines de sevrage, la marche est le plussouvent de nouveau possible, même si elle reste perturbée.Cette atrophie est à différencier des autres causes d’atro-phie tardive de l’adulte dont les infections dégénérativesfamiliales et les syndromes paranéoplasiques qui peuventconstituer la première manifestation clinique du cancer.

Neurologie

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trouble de fixation ou du rappel. Souvent, en effet, enchoix multiples, ces malades peuvent donner une répon-se correcte à une information apprise peu auparavant etapparemment oubliée.Le syndrome de Korsakoff éthylique s’accompagne deplus de fausses reconnaissances et de fabulations. Cesmalades joviaux, insouciants, vous connaissent de toujourset ont été hier à la pêche avec vous… Ces deux dernierséléments ne se voient pas dans des syndromes dus àd’autres causes comme l’encéphalite herpétique quidétruit la partie antérieure des lobes temporaux avec leshippocampes. La localisation différente de l’atteintechez les éthyliques (corps mamillaires et noyaux antérieursdu thalamus) explique cette différence. Ce syndrome estdû à l’atteinte bilatérale du circuit de Papez (hippocampo-mamillo-thalamique) quel qu’en soit le niveau, circuitqui sert à la fixation des traces mnésiques.Aucun examen complémentaire ne montre d’élémentpositif. L’atrophie des corps mamillaires est bien difficileà affirmer même en imagerie par résonance magnétique.Le pronostic de cette affection est très mauvais car, s’ilpersiste plus de deux semaines, ce trouble sera définitif.Un tel malade ne pourra plus vivre seul. Lui trouver uneplace en long séjour à 40 ans pose bien des difficultés.

D’autres tableaux peuvent encore se voir chez l’éthylique chronique

Maladie de Marchiafava-Bignami

Elle a été décrite en Italie en 1903 mais n’est pas l’apanagedes vins italiens. Elle est constatée après une intoxicationmassive et prolongée avec ivresses répétées. Cette affectioncorrespond à une nécrose du corps calleux. Le tableau cli-nique associe un syndrome confusionnel aigu à une rigiditéextrapyramidale, voire un état de mutisme akinétiqueavec hypertonie majeure et signes frontaux. L’anomie tac-tile gauche chez un droitier est très caractéristique maisparfois bien difficile à affirmer chez un malade confus,détérioré, peu coopérant : le malade ne peut dénommer unobjet placé dans sa main gauche car les informations doi-vent passer de la région pariétale droite aux zones du lan-gage situées à gauche par le corps calleux alors que sil’objet est placé dans la main droite sa dénomination estparfaite. L’imagerie par résonance magnétique montrebien cette nécrose sur une coupe sagittale médiane mais ilfaut savoir rechercher sur le scanner cérébral une atteintedu corps calleux (hypodensité de cette structure). Lestroubles peuvent régresser si les lésions sont uniquementœdémateuses, alors qu’elles sont définitives en cas denécrose.Il n’y a pas de traitement spécifique mais bien entendu,ici aussi, il ne faut pas se priver de vitamine B à dosessuffisantes.

Myélinolyse centropontique

Elle comporte une atteinte centrale protubérantielle bienvue au scanner et mieux en imagerie par résonancemagnétique.

Cliniquement, ces malades ont une paraplégie (ou tétra-plégie) spasmodique avec plus ou moins d’atteinte desnerfs crâniens. Ce tableau se constate chez des éthyliques chroniques hos-pitalisés pour une affection aiguë, au décours de celle-ci.Il est souvent rencontré chez les malades qui ont eu unehyponatrémie majeure, quelle que soit la cause de celle-ci.Plus que l’importance de l’hyponatrémie, la rapidité desa correction est incriminée dans son mécanisme. Chezles éthyliques chroniques, une hyponatrémie toujourspossible n’est pas le seul élément.Ces malades gardent souvent des séquelles motricesimportantes.

Myopathies éthyliques

Nous ne ferons que les mentionner. Après majorationimportante de l’intoxication, on peut observer un syndromeaigu caractérisé par des douleurs et un gonflement desmasses musculaires avec augmentation des CPK etmyoglobinurie. Il faut se méfier des rhabdomyolyses quipeuvent survenir spontanément ou après crise d’épilep-sie ou delirium tremens. Elles peuvent se compliquerd’une insuffisance rénale, à traiter et surtout à prévenir.Les cardiomyopathies éthyliques sont à connaître. Lesinsuffisances aiguës majeures du béribéri sont excep-tionnelles mais cette atteinte peut être à l’origine d’uneinsuffisance ventriculaire gauche chronique.

Myélopathies alcooliques

Elles sont rares et discutées.

Risque d’accidents vasculaires cérébraux

Si l’alcool peut avoir, à une posologie faible, un effetprotecteur sur le risque d’accident vasculaire cérébral,pour des consommations importantes, il majore indiscu-tablement ce risque surtout chez le sujet jeune, d’autantplus qu’il est associé à une intoxication tabagique.

Détérioration intellectuelle

L’intoxication alcoolique chronique conduit à une détérioration intellectuelle et à des modifications ducaractère et de la personnalité. S’il est impossible deconnaître la fréquence des véritables démences alcoo-liques, la pratique du scanner permet de constater trèsfréquemment dans cette population des atrophies céré-brales (surtout corticales, en région frontale) marquéesmême chez des jeunes. Cette atrophie est pratiquementconstante en cas de troubles cognitifs. Elle peut s’atténuerau bout de plusieurs mois de sevrage. Elle s’accompagned’un hypodébit frontal. ■

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Fréquentes, les complications neurologiquespeuvent être de véritables urgences.

Points Forts à retenir

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sensitivo-moteur après intervalle libre de quelquesheures à quelques jours. Une malformation vasculairesous-jacente est à rechercher.

2. Abcès épidurauxL’incidence de ces abcès est faible (~1/12 000), maistend à s’accroître avec l’augmentation de la toxicomanieet la généralisation des cathétérismes périduraux. Ilssont responsables d’une compression médullaire graveengageant rapidement le pronostic fonctionnel. Le moded’infection privilégié de l’espace péridural se fait soitpar dissémination hématogène d’un foyer infectieux àdistance, le plus souvent cutané, soit par propagationdirecte à partir d’une spondylodiscite, d’un abcès para-vertébral ou par inoculation septique après un gesteinvasif rachidien ou postopératoire. L’agent infectieux leplus souvent responsable est le Staphylococcus aureus(plus de 50 % des cas), viennent ensuite les bacillesgram-négatifs (18 %), les autres coccus gram-positifs(10 %) et les anaérobies (2 %).

3. Métastases vertébrales et épiduralesLes métastases vertébrales et épidurales (épiduritesmétastatiques) sont des complications fréquentes descancers viscéraux (5 à 10 % des cas), elles sont révéla-trices de la maladie dans plus de 30 % des cas. Les cancers pourvoyeurs de métastases rachidiennessont largement dominés par le sein chez la femme (18 %),le poumon (16 %) et la prostate (9 %) chez l’homme.Une place à part doit être faite aux hémopathies (leucémie, myélome, maladie de Hodgkin, lymphomenon hodgkinien) qui donnent préférentiellement des épidurites métastatiques isolées de toute atteinte osseusede contiguïté. Dans près de 20 % des cas, il n’y a pasd’orientation histologique précise.Le rachis dorsal est le siège préférentiel de ces lésionstumorales (plus de 60 %). Une lésion unique vertébraleest retrouvée dans près de la moitié des cas, mais lesatteintes pluri-étagées (3 corps vertébraux ou plus) nesont pas rares (20 %).

4. Tumeurs primitives du rachisElles ne représentent que 10 à 20% des tumeurs du rachis.Elles sont classées en 3 groupes selon des critères anato-miques, pronostiques et thérapeutiques :

On entend par compression médullaire non traumatiquetout syndrome clinique traduisant une lésion de la moelleépinière par un processus, d’évolution lente ou rapide,qui se développe dans un des compartiments suivants :extradural, intradural extramédullaire ou intramédullaire.La sémiologie clinique permet le plus souvent de pré-voir le niveau lésionnel et d’orienter ainsi les examenscomplémentaires.Le pronostic fonctionnel des compressions médullairesen fait toute la gravité. La lésion causale détermine ledegré d’urgence thérapeutique avant l’installation detroubles irréversibles. Ainsi, toute suspicion de com-pression médullaire est une urgence diagnostique et, enfonction de la cause et de l’évolution, bien souvent uneurgence thérapeutique.

Étiologie

Lésions extradurales : rachidiennes et épidurales

1. Hématome épidural spontanéLe plus souvent de siège dorsal ou cervico-dorsal, l’hé-matome épidural est à l’origine d’un tableau assez évo-cateur, parfois favorisé par la prise d’anticoagulants :rachialgie en coup de poignard, installation d’un déficit

Compression médullairenon traumatiqueÉtiologie, physiopathologie, diagnostic

DR Stéphane CLÉMENCEAU, DR Alexandre CARPENTIER

Service de neurochirurgie, hôpital La Pitié-La Salpêtrière, Paris Cedex 13.

• En raison des risques fonctionnels potentiels,le diagnostic de compression médullaire doit être fait le plus précocement possible.

• Le diagnostic est avant tout clinique,fruit d’un examen neurologique précis.

• Une fois le diagnostic posé, il convient de le confirmer rapidement par des examensradiologiques adaptés (scanner, imagerie par résonance magnétique), centrés sur le niveau lésionnel clinique.

• Un avis thérapeutique doit être pris très rapidement en milieu neurologique ou neurochirurgical.

Points Forts à comprendre

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– le 1er groupe correspond aux chordomes et aux tumeursmalignes primitives de la trame osseuse tels que l’ostéo-blastome, le chondrosarcome ou le fibrosarcome, peusensibles à la chimiothérapie et (ou) la radiothérapie ;

– le 2e groupe concerne les tumeurs malignes du« contenu osseux » telles que le sarcome d’Ewing,le plasmocytome solitaire, le lymphome non hodgki-nien, très sensibles à la chimiothérapie et (ou) laradiothérapie ;

– le 3e groupe correspond aux tumeurs osseuses primi-tives bénignes telles que les tumeurs à cellules géanteset les hémangiomes. Leur aspect histologique béninn’est malgré tout pas toujours corrélé avec un bon pro-nostic.

Avant 18 ans, les tumeurs malignes l’emportent (chon-drosarcomes et plasmocytomes), sinon les deux tumeursles plus fréquentes sont les chordomes (20 à 30 %) et leschondrosarcomes (environ 10 %).Le chordome, tumeur embryonnaire, prédomine chezl’homme après 50 ans ; malgré une évolution lente, ondoit le considérer comme une tumeur de mauvais pronostic (médiane de survie de 2 ans au niveau durachis cervical).Le chondrosarcome, développé aux dépens des cellulescartilagineuses, s’observe surtout chez l’homme après20 ans ; l’évolution se fait habituellement sur plusieursannées en dehors des formes indifférenciées de pronosticredoutable.

5. NeuroblastomesLes neuroblastomes et ganglioneuroblastomes font partiedes causes les plus fréquentes de compressions médul-laires chez l’enfant (43 %). L’extension directe dansl’espace épidural, par un trou de conjugaison, à partird’une tumeur extrarachidienne, est le mécanisme le pluscommun. Les formes indifférenciées avec localisationvertébrale, primitive ou secondaire, sont plus rares.

6. Hernies discalesDans le cadre des compressions médullaires, seules leshernies discales cervicales ou dorsales sont incriminées,alors que les hernies localisées à l’étage lombaire (lesplus fréquentes) ne donnent, elles, que des syndromesradiculaires et, au maximum, un syndrome de la queuede cheval.Les hernies discales cervicales sont beaucoup plus fré-quentes que les hernies discales dorsales, qui restent raresen raison de la faible mobilité de ce segment rachidien.Elles se manifestent le plus souvent par une douleurradiculaire isolée, mais peuvent aussi entraîner un syn-drome de compression médullaire, antérieur ou antéro-latéral, si elles sont volumineuses ou anciennes (calci-fiées). Ces hernies peuvent survenir en dehors de touttraumatisme.

7. Myélopathies cervicalesSi les lésions d’arthrose cervicale touchent plus de lamoitié des individus après 50 ans, les complicationsneurologiques comprises sous le terme de myélopathie

cervicale sont en comparaison relativement rares. Lessténoses cervicales d’origine arthrosique correspondentà l’association de lésions à type de dégénérescences discales (C4-C5, C5-C6, C6-C7 notamment), d’hyper-trophie des massifs articulaires postérieurs et de forma-tion d’ostéophytes. Toutes ces lésions tendent à réduirele diamètre du canal rachidien et à comprimer la moelleépinière. Le tableau clinique de ces myélopathies associe,à des degrés variables, des troubles de la marche, unemaladresse gestuelle et des sensations sensitives doulou-reuses des membres supérieurs sans systématisationradiculaire nette.

Lésions intradurales extramédullaires

1. Méningiomes

Les méningiomes spinaux sont responsables d’environ20 % des compressions médullaires lentes. Ils prédo-minent nettement chez la femme (5 fois plus fréquentsque chez l’homme) de 40 à 70 ans et se développent préférentiellement au niveau thoracique (plus de 80 %des cas).Ce sont des tumeurs bénignes d’évolution très lente quis’insèrent sur la dure-mère, le plus souvent en positionlatérale ou antéro-latérale. En général, les méningiomesrachidiens restent purement intraduraux (90 %) et sonttrès rarement multiples.Sur le plan histologique, les formes endothéliales oufibromateuses prédominent.

2. NeurinomesLes neurinomes tiennent une place importante dans lescauses de compression médullaire puisqu’ils représen-tent près d’un tiers des tumeurs intradurales, se répartis-sant pour 80 % d’entre eux tout au long de la moelle etpour 20 % au niveau de la queue de cheval.Le terrain et la répartition topographique des neuri-nomes les opposent en tous points aux méningiomes :prédominance cervicale basse, fréquence rostro-caudalecroissante aux niveaux dorsal et lombaire. La femme esthabituellement atteinte entre 40 et 60 ans, alors quel’homme l’est entre 30 et 40 ans. Les neurinomes del’enfant sont rares : 12 %. Une longue période initialeradiculaire pure caractérise le neurinome.Il s’agit de tumeurs bénignes, nées aux dépens des cel-lules de Schwann des racines rachidiennes (appeléeségalement « schwannomes »). Généralement les neuri-nomes sont des tumeurs uniques, ils peuvent cependantêtre multiples dans le cadre d’une neurofibromatose detypes I ou II. À ce titre, une forme particulière, le neuro-fibrome, est à souligner, envahissant plusieurs racines etdissociant les fibres nerveuses par hyperplasie des éléments de soutien schwanniens et fibroblastiques dunerf ; son pronostic est plus sombre.La forme dite en « sablier » est assez typique du neurino-me, avec un développement de part et d’autre d’un troude conjugaison, qui apparaît agrandi sur les radio-graphies standard.

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Histologiquement, ils sont semblables aux astrocytomesfibrillaires des hémisphères cérébraux. Leur transforma-tion maligne est possible (7 à 8 % d’entre eux sontmalins chez l’adulte). L’âge moyen de découverte sesitue vers 30 ans.

3. HémangioblastomesLes hémangioblastomes sont des tumeurs vasculairesrares, puisqu’ils représentent environ 3 % des tumeursrachidiennes. Ils sont intraduraux intramédullaires, pourla majorité, mais peuvent aussi être extramédullairesextraduraux ou dépendre d’une racine. La localisationintramédullaire de ces lésions, surtout si elle est pluri-focale, est l’indice d’une forme grave car diffuse de lamaladie (54 % des cas) réalisant une hémangioblasto-matose ou maladie de von Hippel-Lindau (autosomiquedominant à pénétrance et expression variables). Leshémangioblastomes se répartissent sans site prépon-dérant le long de l’axe médullaire et siègent presque tou-jours dans la moitié postérieure de la moelle. L’âgemoyen de survenue est autour de 30 ans.

4. Kystes dermoïdes et épidermoïdesTumeurs congénitales rares (2 % des tumeurs de lamoelle et de ses enveloppes) et d’évolution très lente, leskystes dermoïdes (dérivés du mésoderme et de l’ectoder-me) sont pour près de la moitié d’entre eux intra-médullaires avec un développement prédominant dansle cône terminal et dans la moelle dorsale inférieure.Dans l’autre moitié des cas, ils sont responsables dusyndrome de la queue de cheval. L’association à desmalformations vertébrales (spina bifida) ou cutanées(kyste pilonidal) est fréquente. De même, une moelle seterminant en position plus basse que la normale (dite« moelle attachée ») est loin d’être exceptionnelle, surtoutchez l’enfant.

5. Lipomes médullairesLes lipomes sont des tumeurs bénignes rares puisqu’ilsreprésentent 1 % des tumeurs médullaires chez l’adulteet 5 % chez l’enfant. Ils peuvent être isolés ou associés à un dysraphisme spinal. Leur siège de prédilection est cervico-dorsal supérieur, à la partie postérieure ducanal rachidien. Ces tumeurs d’évolution très lente renferment du tissu adipeux mature sans signe de malignité.

6. Métastases intramédullairesLes métastases intramédullaires de néoplasies viscéralessont exceptionnelles (2 %). Les plus fréquemment encause sont le poumon (80 % des cas) et le sein (13 %).Ces lésions médullaires secondaires surviennent le plussouvent dans un contexte polymétastatique, notammentcérébral (près de 80 % des cas).

7. Lésions vasculaires intramédullairesSi les malformations artério-veineuses intramédullairessont rarissimes, les cavernomes (ou angiomes caverneux)sont des lésions mises en évidence plus fréquemment

3. Autres lésions, plus rares

Les médulloblastomes, les pinéalomes, les épendy-momes et les glioblastomes intracrâniens peuvent donnerdes métastases leptoméningées spinales. Les tumeursviscérales ne donnent qu’exceptionnellement des méta-stases de cette localisation.Signalons les rares kystes arachnoïdiens rachidiens,quasiment toujours localisés en région dorsale.

Lésions intramédullaires

Hormis les exceptionnels abcès et tuberculomes (surtoutdans les pays industrialisés), les lésions intramédullairessont d’origine tumorale et représentent 5 % des tumeursprimitives du système nerveux central et 30 % destumeurs intrarachidiennes intradurales. Leur incidenceest évaluée à 4 cas par million d’habitants et par année.Les tumeurs primitives gliales représentent l’essentieldes tumeurs intramédullaires (80 %) ; parmi celles-ci,il existe 2 grandes variétés : l’astrocytome et l’épen-dymome.

1. ÉpendymomesLes épendymomes intrarachidiens représentent 15 %des tumeurs médullaires et environ 60 % des tumeursgliales médullaires. La moitié d’entre eux se dévelop-pent au niveau médullaire, l’autre moitié au niveau de laqueue de cheval. L’âge moyen de découverte se situeentre 40 et 50 ans. Ils prédominent à la jonction cervico-dorsale s’étendant en moyenne sur 4 ou 5 segmentsmédullaires. Certaines particularités distinguent lesépendymomes des autres tumeurs gliales :– les formes mixtes intra- et extramédullaires avec un

prolongement dans la queue de cheval au niveau ducône terminal ;

– la possibilité de tumeurs géantes panmédullaires ; – l’existence fréquente de kystes, soit intratumoraux,

soit surtout satellites intramédullaires sus- et sous-jacents à la tumeur.

Histologiquement, ces tumeurs se développent à partirdes cellules du canal épendymaire. Elles sont en règlebénignes, des variantes malignes n’étant rencontréesque dans 10 à 20 % des cas.

2. AstrocytomesLes tumeurs astrocytaires représentent près de 40 % des tumeurs gliales intramédullaires et gardent, en raison de leur caractère plus volontiers infiltrant, un pronostic à long terme moins favorable que l’épendy-mome. Ils prédominent au niveau de la moelle cervico-dorsale (80 %) s’étendant en moyenne sur 5 ou 6 seg-ments médullaires. Ils peuvent contenir des zonesmicro- ou macrokystiques intratumorales ou adjacentesà la tumeur mais dans des proportions moindres quel’épendymome. L’astrocytome panmédullaire, excep-tionnel chez l’adulte, est fréquent chez les enfants (plus de la moitié des cas).

Neurologie

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avec la pratique courante d’examen par imagerie parrésonance magnétique (IRM). Ces lésions ont commegénie évolutif d’entraîner des saignements intramédul-laires, de petits volumes, à répétition. Un tableau cliniquerécidivant avec récupération plus ou moins complètedans l’intervalle libre doit y faire penser. L’aspectd’imagerie par résonance magnétique est celui d’unelésion associant hyper- et hyposignaux, témoignant dessaignements d’âge différent.

Physiopathologie

La physiopathologie des compressions médullaires estdirectement liée au contenu rachidien et à l’anatomie dela moelle épinière. Le tableau clinique, son évolutivité etson pronostic sont liés à la nature et à la localisation duprocessus lésionnel incriminé.

Rappel anatomique

1. Morphologie

En continuité avec le tronc cérébral, la moelle épinières’étend du trou occipital à L1. La limite supérieure estdéterminée par un plan horizontal passant par le milieude l’arc antérieur de l’atlas (C1) ; la limite inférieure parun plan horizontal passant par le disque intervertébral L1-L2.La moelle épinière, d’où se détachent 31 paires deracines rachidiennes ainsi que les racines médullairesdes nerfs spinaux, présente deux renflements, cervical etlombaire. Elle se termine par le cône médullaire (ou terminal) d’où se détache le filum terminal. La moellecervicale donne 8 racines et s’étend jusqu’en C6-C7 ; la moelle dorsale donne 12 racines et s’étend jusqu’enD10-Dll ; la moelle lombaire donne 5 racines et s’étendjusqu’à Ll ; la moelle sacrée et coccygienne donne res-pectivement 5 racines sacrées et 1 racine coccygienne ets’étend jusqu’au disque L1-L2. L’enveloppe durale quicontient la moelle se prolonge jusqu’au sacrum (S2).Ainsi, au niveau lombaire, le cul-de-sac ne contient plusque les racines lombaires et sacrées dont la compressionréalise un syndrome de la queue de cheval. Ce décalages’explique par la croissance plus rapide de la colonnevertébrale par rapport à la moelle durant la vie embryon-naire et a pour conséquence l’obliquité de plus en plusimportante des racines cervicales (où elles sont horizon-tales) jusqu’au niveau lombaire (où elles sont verticales)ainsi que le décalage entre les segments médullaires etles segments vertébraux (fig. 1).La moelle et son enveloppe durale sont contenues dansle canal rachidien formé en avant par l’empilement desvertèbres, réunies par les disques intervertébraux et maintenues par les ligaments et les muscles para-vertébraux. La dure-mère rachidienne qui n’adhère pasaux parois du canal rachidien laisse place à un espaceépidural, étroit en avant, plus large en arrière, occupépar une graisse abondante et par les plexus veineuxintrarachidiens.

C O M P R E S S I O N M É D U L L A I R E N O N T R A U M A T I Q U E

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Segmentation rachidienne et médullaire.1

Page 39: La Revue Du Praticien-Neurologie

Le système parasympathique est surtout individualisé deS2 à S4 tandis que le système sympathique est retrouvésurtout au niveau de la corne latérale de C8 à L2 (tractusintermédio-lateralis).• Enfin, au niveau cervical,la pars caudalis du noyautrigéminal spinal se termine au niveau des 2 premierssegments cervicaux, se poursuivant par la substancegélatineuse de Rolando. Ainsi, une lésion située à ceniveau peut entraîner une névralgie du trijumeau intéressant le territoire ophtalmique (partie ventrale dunoyau trigéminal spinal) ou le territoire mandibulaire(partie dorsale du noyau trigéminal spinal). De même, laracine médullaire du nerf spinal naît des cornes anté-rieures des 5 ou 6 premiers segments cervicaux et peutdonc être lésée par une lésion se développant dans cetterégion. Notons également que le nerf phrénique naît dela branche antérieure du nerf cervical (accessoirementdes 3e et 5e nerfs cervicaux).

3. Vascularisation

• Afférences artérielles :la moelle reçoit son apportartériel par des artères radiculomédullaires. Ces artèressuivent le trajet des racines nerveuses, pénètrent dans lecanal médullaire par le trou de conjugaison et traversent

2. Systématisation médullaireSur une coupe de moelle, on distingue la substancegrise, formée par les corps cellulaires et la substanceblanche, formée par les fibres de passage. La substancegrise présente 2 cornes antérieures, motrices et 2 cornespostérieures, sensitives. Au niveau des renflements cer-vical et lombaire, ces cornes sont plus volumineuses dufait de l’innervation des membres.La substance grise est subdivisée en couches selon laclassification de Rexed. La substance blanche quant àelle, est divisée en cordons : les cordons antéro-latéraux etles cordons postérieurs. On y distingue les voies ascen-dantes, sensitives, et les voies descendantes, motrices. • Les voies sensitives sont organisées en 2 systèmes :sensibilité tactile épicritique et profonde d’une part,sensibilité thermique et douloureuse d’autre part.Les fibres véhiculant la sensibilité tactile épicritique etla sensibilité profonde cheminent dans les cordons postérieurs homolatéraux et sont disposées selon unarrangement somatotopique : on trouve, de dedans endehors, les fibres provenant des régions sacrée, lombaire,thoracique et cervicale. Elles se croisent au niveau dubulbe, après un relais dans les noyaux bulbaires de Gollet de Burdach, pour former le lemnisque médian.Les fibres véhiculant la sensibilité thermique et doulou-reuse, après un relais dans les couches I, IV, V et VI de lacorne postérieure de la moelle, croisent la ligne médianeau niveau médullaire et cheminent dans la partie latérale du cordon antéro-latéral. Ces fibres ontégalement un arrangement somatotopique : on trouve,de dedans en dehors, à l’inverse des cordons postérieurs,les fibres provenant des régions cervicale, thoracique,lombaire et sacrée. Cette disposition somatotopique permet d’expliquer qu’en cas de compression antéro-latérale, on puisse observer un décalage vers le bas duniveau sensitif déficitaire par rapport au niveau lésionnel.• Les voies motrices descendantessont organisées sché-matiquement également en 2 systèmes :– le système latéral comprend la voie pyramidale pro-

prement dite, issue du cortex moteur, à laquelle vients’ajouter le faisceau rubrospinal, issu du noyau rougeet le faisceau réticulospinal latéral, issu de la réticuléelatérale pontique. Ce système occupe la partie posté-rieure du cordon antéro-latéral et est disposé selon uneorganisation somatotopique : on trouve, de dedans endehors, les fibres se distribuant aux régions cervicale,thoracique, lombaire et sacrée ;

– le système médian comprend les voies interstitio-spinale (issue du noyau interstitiel de Cajal), tecto-spinale (issue du colliculus supérieur), réticulospinalemédiale (issue de la réticulée médiale des 3 âges du tronccérébral) et vestibulospinale (issue des noyaux ves-tillaires). Ce système occupe la partie médiale du cordonantéro-latéral avec le faisceau pyramidal direct (fig. 2).

• Les formations végétativesse situent au niveau de lasubstance grise entre les cornes antérieures et posté-rieures. Surtout développées au niveau de la moelle thoracique, elles forment une corne latérale nettementindividualisée de C8 à L2.

Neurologie

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Systématisation de la substance blanche médullaire.2

a – Faisceau gracileb – Faisceau cunéiformec – Faisceau pyramidal latérald – Faisceau spinocérébelleux

postérieure – Faisceau spinocérébelleux

antérieurf – Fascicule antérolatéral

comprenant :faisceau spinoréticuléfaisceau spinotectalfaisceau spinothalamiquefaisceau spino-olivaire

g – Faisceau pyramidal antérieurh – Fascicule longitudinal médian

comprenant :faisceau vestibulospinalfaisceau réticulospinalfaisceau tectospinalfaisceau interstitiospinal

S : sacréL : lombaireTH : thoraciqueC : cervical

Cordon postérieur

Cord

on a

ntér

o-la

téra

l

Page 40: La Revue Du Praticien-Neurologie

la dure-mère. On décrit des artères radiculomédullairesantérieures et postérieures suivant la racine antérieureou postérieure qu’elles suivent pour pénétrer dans l’es-pace intradural. Les antérieures se rejoignent en avantpour former l’axe spinal antérieur médian et les posté-rieures en arrière dans le sillon collatéral pour formerl’axe spinal postéro-latéral. Ce dernier a un flux longi-tudinal prédominant parmi un réseau artériel pial. Il existe en moyenne 6 à 8 artères radiculomédullairesantérieures et une vingtaine de postérieures. Cela rendcompte de la plus grande fragilité de l’axe spinal anté-rieur par rapport au système postérieur dont les affé-rences artérielles sont distribuées de façon beaucoupmoins systématisée. En pratique, l’organisation métamérique initiale (à unsegment métamérique médullaire correspond une artère)de l’embryon fait place au cours du développement,avec l’involution des arcs aortiques, à une vascularisa-tion à 3 étages pour l’axe spinal antérieur :– l’étage cervicothoracique (C1-T3), dont l’axe spinal

antérieur provient de la réunion des 2 artères spinalesissues des artères vertébrales intracrâniennes (segment V4), puis schématiquement de 2 artèresradiculomédullaires antérieures issues pour l’une del’artère vertébrale en regard de C5-C6 et pour l’autrede l’artère cervicale profonde en regard de C7-T1 ;

– l’étage thoracique moyen (T3-T9) avec une artèreradiculomédullaire antérieure issue de l’artère inter-costale T4 ou T5, le plus souvent à gauche ;

– l’étage thoracolombaire (T10-L1) avec généralement uneafférence unique volumineuse, l’artèred’Adamkiewicz.Son origine est située le plus souvent entre T9 et T12à gauche.

Il est important de savoir que le réseau artériel intramé-dullaire est constitué à 80 % de branches collatérales(perforantes, centrales et sulco-commissurales) issuesde l’axe spinal antérieur. Une place à part doit être faiteau cône terminal où il existe un système anastomotiqueentre les axes spinaux antérieurs et postérieurs (fig. 3).• Efférences veineuses :le drainage veineux médullairese fait suivant le même principe de veines spinales anté-rieures et postérieures puis radiculomédullaires qui sejettent dans les plexus veineux épiduraux. À partir deces plexus, le drainage se fait à l’étage cervical vers laveine cave supérieure via les veines vertébrales et jugu-laires postérieures, à l’étage thoracique vers les veinesazygos, à l’étage lombaire vers les veines lombairesascendantes et à l’étage sacré vers la veine cave inférieu-re via les veines sacrées et hypogastriques.L’anatomie de la moelle épinière mise en place, il devientlogique que tout processus lésionnel, venant la comprimer,sera responsable d’une sémiologie dépendante du siègeen hauteur et en largeur de la compression par rapport àla moelle mais aussi de son mode évolutif (fig 4). On distingue toutefois, un tableau clinique « commun »,associant un syndrome rachidien, un syndrome lésion-nel (en rapport direct avec la lésion) et un syndromesous-lésionnel (en rapport avec la souffrance des voieslongues sous-jacentes).

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Apport artériel de la moelle. D’après Thron AK. Vascularanatomy of the spinal cord. Berlin, Springer-Verlag, 1988.

3

Localisation des tumeurs intra-rachidiennes. D’aprèsPoirier et al. Manuel de neuropathologie, 3e édition. Massonet Cie, Paris.

4

a – Tumeur intramédullaireb – Tumeurs intradurales

extramédullairesc – Moelled – Tumeur extradurale épidurale

e – Tumeur osseusef – Racine postérieureg – Espaces leptoméningésh – Racine antérieurei – Corps vertébral

a – Tronc artériel brachiocéphalique

b – Carotide droite

c – Vertébrale droite

d – Cervicale profonde

e – Cervicale ascendante

f – Artères g radiculomédullaires

antérieures

h – Artère spinale antérieure

i – Artèresj intercostales

k – Artères d’Adamkiewicz

Page 41: La Revue Du Praticien-Neurologie

s’étendent, remontant progressivement jusqu’au niveaude la compression pour rejoindre les troubles créés par lesyndrome lésionnel, s’ils existent.Le syndrome sous-lésionnel au début peut être discret.C’est, une fois encore, souligner l’importance de lereconnaître dès les premières manifestations car sonintensité détermine le pronostic fonctionnel. Il associedes troubles sensitifs subjectifs et objectifs et destroubles moteurs.Les troubles sensitifs subjectifs sont : paresthésies, dou-leurs cordonales postérieures (sensation de striction enétau, de broiement, de ruissellement froid et brûlant),signe de Lhermitte (douleur en éclair irradiant le long dela colonne vertébrale jusqu’aux membres inférieurs lorsde la flexion du cou).Les troubles sensitifs objectifs sont : troubles du sens deposition des orteils et surtout une hypoesthésie de trèsgrande valeur localisatrice (mamelons = T4 ; base duthorax = T7 ; ombilic = T10 ; pli de l’aine = T12).Les troubles moteurs sont : au départ une simple fatiga-bilité à la marche qui s’aggrave plus ou moins vite enfonction de la nature de la lésion, les lésions d’évolutionlente se faisant vers une para- ou tétraparésie spastiqueavec un syndrome pyramidal franc, les autres pouvantévoluer vers un déficit flasque installé en quelques heures.Des troubles sphinctériens à type de rétention s’asso-cient souvent, ils sont peu marqués au début et doiventêtre systématiquement recherchés à l’interrogatoire.Un peu plus tard, le syndrome sous-lésionnel est facile-ment reconnu, associant une hypoesthésie à tous lesmodes avec un niveau sensitif net, une para- voire tétra-parésie et des troubles génito-sphinctériens à type derétention ou d’incontinence avec impuissance.Dans les formes d’aggravation rapide, un processus vas-culaire, myélomalacique peut être évoqué, assombris-sant encore le pronostic.

2. Spécificité de certaines formes cliniques• Suivant le niveau en hauteur :– les compressions cervicales hautes (C1-C4) entraînent

une tétraplégie. À ce niveau, le syndrome rachidien estle plus souvent franc, quelle que soit la cause, marquépar une raideur douloureuse du cou. Le syndromelésionnel peut entraîner une névralgie d’Arnold (C2)[douleur occipitale pouvant irradier vers l’oreille oul’angle de la mâchoire] ou une atteinte de la musculatu-re diaphragmatique unilatérale (C4). Les lésions sedéveloppant au niveau du trou occipital peuvent blo-quer l’écoulement du liquide céphalo-rachidien(LCR) [et être responsables d’une hydrocéphalie et(ou) venir comprimer la région bulbomédullaire(atteinte des derniers nerfs crâniens, nystagmus)],voire le cervelet. L’atteinte motrice des lésions du trouoccipital évolue classiquement en « U » : le membresupérieur du côté de la tumeur est d’abord touché,puis le membre inférieur ipsilatéral suivi du membreinférieur controlatéral pour finir par le membre supérieurcontrolatéral. Rappelons que l’atteinte des 2 premierssegments cervicaux peut venir intéresser le noyau tri-géminal spinal et être responsable d’un trouble de la

DiagnosticIl est avant tout clinique et doit être recherché métho-diquement.

Clinique

1. Tableau clinique général• Le syndrome rachidientraduit la souffrance des com-posants ostéodiscoligamentaires. On comprend aisémentqu’il soit surtout marqué dans les affections extradurales,prenant naissance au niveau d’un corps vertébral (parexemple en cas de métastase osseuse).Ce syndrome, lorsqu’il est présent, est essentiellementrésumé par une douleur rachidienne localisée, spontanéeou provoquée. Une douleur rachidienne spontanée loca-lisée, inhabituelle, doit toujours entraîner la réalisationd’examens radiologiques complémentaires qui permettrontde reconnaître une lésion vertébrale ou discale, et demettre en œuvre un traitement avant que n’apparaissentdes signes de souffrance neurologique. C’est la meilleu-re façon de prévenir l’apparition d’un syndrome de com-pression médullaire. Sinon, en présence de signes neu-rologiques, la recherche d’une douleur rachidiennelocalisée provoquée soit par la palpation, soit par la per-cussion des épineuses permet d’orienter les examensradiologiques vers un niveau particulier, surtout si lessignes sensitifs déficitaires sont peu marqués. Plus rare-ment, le syndrome rachidien comporte une raideur d’unsegment vertébral ou encore une déformation de lacolonne vertébrale qui s’observe plus volontiers chezl’enfant (association tumeur intramédullaire et scoliose). • Le syndrome lésionnelest essentiellement sensitif etradiculaire. Si la compression siège dans le renflementcervical ou lombaire, on peut observer un syndromemoteur de type périphérique affectant les membressupérieurs ou inférieurs. Ce syndrome, s’il existe, peut également être le premiersigne rencontré. Il traduit la souffrance du métamèredirectement comprimé par la lésion en cause. Il peuts’agir de l’atteinte d’une racine (surtout si elle est le siègede la lésion comme c’est le cas pour les neurinomes), soitde l’interruption des voies sensitivo-motrices méta-mériques (rencontrée alors plutôt lors des lésions intra-médullaires). Les caractères fixe, tenace, répondant à une systématisationradiculaire, unilatérale au début, impulsive à la toux etsouvent nocturne caractérisent cette douleur lésionnelle.L’examen clinique doit rechercher systématiquementune hypoesthésie en bande et au niveau des membres undéficit focalisé ou l’abolition d’un réflexe.L’existence d’un syndrome lésionnel signe le niveaumédullaire à explorer sur le plan radiologique.• Le syndrome sous-lésionneltraduit la souffrance desvoies ascendantes et descendantes encore appelées voieslongues.En cas de compression médullaire d’évolution lente et dufait de la répartition topographique des voies motrices etsensitives, on comprend que les troubles intéressentd’abord les derniers métamères sacrés puis, peu à peu,

Neurologie

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sensibilité de la face dans le territoire du nerf ophtal-mique ou du nerf mandibulaire ;

– les compressions cervicales basses (C5-C7) ont uneprésentation clinique marquée par la fréquence designes lésionnels francs avec atteinte motrice, sensitiveet abolition des réflexes correspondants [bicipital(C5), stylo-radial (C6), tricipital (C7) et cubito-pronateur (C8)] ;

– Les compressions dorsales sont les plus fréquentes.Le tableau clinique est marqué par des douleurs enhémiceinture ou en ceinture (correspondant à unmétamère). Les compressions dorsales basses et lom-baires hautes abolissent les réflexes cutanés abdomi-naux correspondants : supérieurs (T8), moyens (T12)et inférieurs (Ll). Le syndrome sous-lésionnel entraîneune paraparésie spasmodique. Il faut rechercher unehypoesthésie en bande, signe du niveau lésionnel, siles douleurs sont absentes ;

– l’atteinte du cône terminal associe des troubles génito-sphinctériens, un syndrome lésionnel déficitaire sensitivo-moteur avec abolition d’un réflexe [crémas-térien (L1-L2), rotulien (L3-L4) ou achilléen (S1)]pouvant en imposer pour un trouble neurologiquepériphérique d’autant que le signe de Babinski peutmanquer ;

– l’atteinte de la queue de cheval associe une paraplégieflasque et une anesthésie en selle, et peut être associéeà une compression du cône terminal.

• Suivant l’atteinte transversale :– les compressions antérieures se présentent sous une

forme motrice pure. Le syndrome lésionnel se traduitpar une paralysie avec amyotrophie et fasciculations,associée à un syndrome sous-lésionnel sous la formed’une paraparésie spastique. De plus, ces lésions peu-vent être responsables d’accidents ischémiques dansle territoire spinal antérieur ;

– les compressions postérieures entraînent des troublessensitifs profonds inauguraux, associés à des douleursde type «cordonales postérieures» (striction, broiement) ;

– les compressions latéro-médullaires sont appelléessyndrome de Brown-Séquard associant un syndromepyramidal et une atteinte sensitive profonde et tactileépicritique du côté de la lésion et une atteinte sensitiveprotopathique et thermo-algique du côté opposé.

– les compressions intramédullaires entraînent unedésorganisation ou une interruption des fibres com-missurales, d’où la possibilité d’un syndromesuspendutype syringomyélique avec diminution de la sensibilitéthermo-algique et conservation du tact et de la sensi-bilité profonde.

L’évolution d’un tableau de compression médullaireétant fort peu prévisible et pouvant très rapidement sedécompenser (phénomènes ischémiques surajoutés paratteinte de l’axe spinal), il convient dès qu’il est suspectéd’établir rapidement un diagnostic étiologique. Celui-cidétermine le plus souvent le pronostic fonctionnel etpeut se révéler être une urgence thérapeutique. Rappelonsqu’à ce stade de diagnostic clinique la ponction lombairedoit être proscrite.

• Bilan neuroradiologique : une fois le diagnostic clinique évoqué, le bilan radiologique doit être réalisé le plus rapidement possible.L’existence d’un syndrome lésionnel et (ou) d’anomaliessur les radiographies standard du rachis, guide les explo-rations autres que sont le scanner et l’imagerie par résonance magnétique, notamment en ce qui concerne lesegment rachidien à explorer.L’imagerie par résonance magnétique est l’examen dechoix pour l’évaluation des lésions rachidiennes oumédullaires. Différentes séquences d’acquisition desimages sont effectuées (T1, T2, T2*, sans et avec injectionintraveineuse de gadolinium). Elle permet en outre uneexcellente vision sagittale de la moelle épinière et durachis. Sa résolution anatomique est précise. En T1, la moelle apparaît bien limitée par l’hyposignaldes structures périmédullaires. En T2, les espaces sous-arachnoïdiens apparaissent en hypersignal tout commeles anomalies de signal du parenchyme médullaire. Lescaractéristiques de signal de la lésion en fonction de laséquence orientent le diagnostic étiologique. L’injectionde gadolinium permet de visualiser des ruptures de barrière membranaire (maladies tumorales ou inflam-matoires aiguës…). Le plus souvent l’imagerie par réso-nance magnétique permet un diagnostic topographiqueet lésionnel précis. La myélographie garde des indications en cas d’impos-sibilité de réaliser une imagerie par résonance magné-tique, comme par exemple pour les patients porteurs depacemaker ou autres prothèses métalliques.Le scanner (sans et avec injection intraveineuse de pro-duit iodé) est utile en première intention, ou en complé-ment de l’imagerie par résonance magnétique, pour lebilan des lésions ostéodiscales et des régions périverté-brales. Il permet une meilleure analyse du contingentosseux et les reconstructions sagittales ou 3D, de pratiquerégulière maintenant, rendent l’examen plus performant.Lorsque le diagnostic clinique de compression médul-laire est posé et que le bilan neuroradiologique l’aconfirmé, il faut, sans plus tarder, adresser le patient enmilieu spécialisé (neurologie ou neurochirurgie) car ilpeut s’agir d’une véritable urgence thérapeutique.■

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• Dans certains cas il s’agit d’une véritableurgence thérapeutique, le pronostic fonctionnelétant en jeu (risque de tétra- ou paraplégie).

• Une bonne connaissance de l’anatomie médullaire permet le plus souvent de porter un diagnostic précis, le niveau lésionnel doit être recherché de façon rigoureuse.

• Il ne faut jamais faire de ponction lombaire si le diagnostic est suspecté.

• La grande majorité des compressions médullaires est due à des tumeurs, le plus souventaccessibles à un traitement chirurgical.

Points Forts à retenir

Page 43: La Revue Du Praticien-Neurologie

Les crises convulsives correspondent à des contracturesbrusques, involontaires, permanentes ou rythmiques dela musculature striée. Elles sont la conséquence d’unprocessus épileptique lié à une activité neuronale exces-sive, paroxystique. Selon le point de départ, on distingue

les crises convulsives généralisées, intéressant d’embléeles deux hémisphères cérébraux et les crises partielles,dont les décharges initiales sont limitées à une partierestreinte d’un hémisphère avec possibilité de diffusionet de généralisation secondaire. Si les termes criseconvulsive et crise épileptique peuvent être confondus,une crise épileptique n’est pas obligatoirement synony-me d’épilepsie. De plus, l’épilepsie peut s’exprimer pardes formes non convulsives qualifiées d’absences.L’épilepsie, affection chronique, se définit par la répéti-tion des crises ou par un risque potentiel de récurrence.Une crise convulsive de nature épileptique peut être pro-voquée par une affection aiguë systémique à retentisse-ment cérébral ou par une atteinte cérébrale directe. Onparle alors de crise occasionnelle ou symptomatiqueaiguë à différencier de crises épileptiques spontanées, enrelation avec une épilepsie.

Orientation diagnostique

L’orientation diagnostique devant une crise convulsivechez l’adulte va dépendre du contexte. La situation estdifférente selon que l’on assiste à la crise ou que l’onvoit le patient après la crise, selon que l’épilepsie estdéjà connue ou qu’il s’agit d’une première criseconvulsive. Le diagnostic est abordé en trois étapessuccessives :• affirmer la nature épileptique de la criseen éliminantles manifestations paroxystiques non épileptiques ;• préciser s’il s’agit d’une crise épileptique occasion-nelle et en rechercher la cause (traumatisme crânien,accident vasculaire, infection cérébro-méningée, alcool,toxique…), ou d’une crise spontanée à rattacher à uneépilepsie ;• préciser le type d’épilepsie généralisée ou partielleetson étiologie idiopathique ou symptomatique.

Diagnostic de crise convulsive épileptique

1. Caractéristiques des différents types de crises

• Les crises généralisées convulsivesont différentesformes.– Crise tonicoclonique, la plus courante chez l’adulte.Elle se déroule en plusieurs phases : un début brutalavec perte de conscience immédiate, émission d’un cri

NeurologieB 234

L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 2291

Crise convulsive de l’adulteDiagnostic et conduite à tenir en situation d’urgence avec la posologie médicamenteuse

DR Arielle CRESPEL, PR Michel BALDY-MOULINIERService explorations neurologiques et épileptologie, CHU Gui-de-Chauliac, 34295 Montpellier cedex 5

• Les crises convulsives, dont la crise généraliséetonicoclonique (anciennement dénommées grandmal) est la forme la plus expressive, résultentd’une activité paroxystique d’une populationneuronale du cerveau. • Elles peuvent revêtir différentes expressions,classées en crises épileptiques généraliséesou partielles. • Il existe plusieurs niveaux d’urgenceselon le type de crise et le contexte.Au cours du déroulement de la crise, il importede protéger le patient contre les conséquencesimmédiates de la crise et prendre des mesurespour éviter que la crise ne se prolongeou ne se répète, situation qui peut aboutirà un état de mal épileptique aux conséquencesvitales et cérébrales dramatiques. L’urgenceest le plus souvent différée, car il est rarequ’on assiste à la crise. • Les problèmes à résoudre sont différentsselon qu’il s’agit d’une première criseou d’une crise survenant chez un épileptique.La conduite à tenir doit être réfléchieet non précipitée.• L’orientation diagnostique dont dépendla stratégie de demande d’examens complémentaireset la stratégie thérapeutique doit être abordéepar étapes successives répondant aux questionssuivantes : S’agit-il d’une véritable criseépileptique ? Quelle est l’origine de la crise,occasionnelle liée à une cause ponctuelleou à rattacher à une épilepsie chronique,débutante ou déjà connue ? Quel est le typed’épilepsie, généralisée ou partielle, d’étiologieidiopathique ou symptomatique ? Autrement dit,quelle est l’orientation syndromique ?

Points Forts à comprendre

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et chute parfois traumatisante ; une phase tonique de10 à20 secondes avec contraction tonique des 4 membres,des muscles axiaux et des mâchoires, entraînant unemorsure de langue, une apnée avec érythrocyanose ;une phase clonique de 30 à 40 secondes avec dessecousses rythmiques massives et une hypersalivation ;une phase stertoreuse de plusieurs minutes avec relâche-ment musculaire, perte d’urines, respiration bruyante.La reprise de conscience est progressive avec possibilitéd’état de confusion parfois prolongé. L’amnésie de lacrise est totale.Aux différentes phases cliniques, correspondent desmodifications électroencéphalographiques : début parune activité rapide, diffuse, d’amplitude croissante, sui-vie durant la phase clonique de décharges de poly-pointes ondes et pointes ondes diffuses, de fréquencedécroissante, puis d’une dépression électrique massive,à l’arrêt des clonies, prolongée en dernier lieu par uneactivité d’ondes lentes lors de la période stertoreuse. Leretour à l’activité électroencéphalographique de base estprogressif. – Crise tonique, marquée par un accès hypertonique glo-bal.– Crise myoclonique, caractérisée par des secoussesbrusques des membres, pouvant provoquer un lâchaged’objet ou un sursaut avec parfois déséquilibre ou chute.Les formes cloniques et hypotoniques sont rares chezl’adulte.

• Les crises partiellesd’expressions diverses en fonctiondu point de départ et de la propagation des décharges :– crise partielle simple, non accompagnée de troubles deconscience. Lorsque la crise intéresse la région centralemotrice, l’expression clonique d’abord limitée à un seg-ment de membre peut s’étendre progressivement à l’en-semble d’un membre ou à l’hémicorps, réalisant lamarche bravais-jacksonienne ;– crise partielle complexe, avec altération de laconscience et production d’automatismes moteurs,amnésie plus ou moins complète de la crise ;– crise secondairement généralisée : le début de la criseest focal ; l’expression de la crise est soit simple soitcomplexe avec survenue ultérieure d’une généralisationtonicoclonique. L’expression focale peut passer inaper-çue. Elle doit être recherchée systématiquement en rai-son de la valeur étiologique. Toute crise partielle chezl’adulte doit être considérée comme symptomatique.

• Les états de mal, définis par la durée prolongée (10 à30 min) d’une crise ou leur répétition à intervalles rap-prochés, de type généralisé ou partiel. L’état de malconvulsif généralisé représente l’urgence la plus impor-tante en raison du risque vital ou de ses conséquencescérébrales.

2. Éléments du diagnosticLe médecin assiste rarement à la crise. Le diagnostic decrise convulsive est le plus souvent différé. Il reposesur :

• les données de l’interrogatoiredu patient et destémoins en insistant sur les arguments en faveur d’unecrise épileptique. Les circonstances de survenue sontprécisées : facteurs déclenchants (stimulation lumineu-se, sommeil…) ou facteurs facilitants (privation de som-meil, absorption ou sevrage d’alcool, de médicamentsantidépresseurs : benzodiazépines, neuroleptiques, théo-phylline) ;• l’examen clinique et neurologiquerecherche dessignes focaux et méningés ; l’examen cardiovasculaireest important pour le diagnostic différentiel.

3. Diagnostic différentielIl concerne essentiellement les crises avec perte ou altéra-tion de la conscience. On doit éliminer :• une syncope à partir d’éléments caractéristiques :– la perte de conscience est généralement progressive, pré-cédée de lipothymie, vertiges, troubles visuels, nausées.Elle peut toutefois être brutale, associée à des mouvementsconvulsifs et à une urination ;– certaines circonstances sont évocatrices : changementbrusque de position, douleur violente ou stress ;– la perte de conscience de brève durée est accompagnéede pâleur. La reprise de conscience est rapide, sans confu-sion post-critique. Le patient se souvient du début de lacrise ;• les crises non épileptiques psychogènesregroupent unensemble de manifestations : crises conversives ou hys-tériques, crises d’angoisse, crises d’hyperventilation,crises simulées. Le diagnostic est parfois facile devantl’expression atypique spectaculaire et la provocation descrises par suggestion. Les difficultés diagnostiques sontliées au fait que le sujet épileptique peut présenter descrises épileptiques et des crises psychogènes, ou parceque certaines épilepsies partielles, notamment d’originefrontale, peuvent avoir une expression hystériforme.

Diagnostic syndromique

Lorsque le diagnostic de crise épileptique est retenu, ilimporte d’en connaître l’étiologie. Deux situations sont àdistinguer : les crises provoquées ou occasionnelles liées àune situation aiguë exceptionnelle, les crises spontanées àrattacher à une épilepsie chronique.

1. Crises occasionnellesLes principales situations et causes à identifier sont :• la phase aiguë(dans les 7 premiers jours) d’un trau-matisme crânien, d’un accident vasculaire cérébral,d’une infection du système nerveux central ;• la prise de drogue(cocaïne), de médicaments (amino-phylline, imipramine), d’alcool ;• les accidents de sevrage de médicaments(barbitu-riques, benzodiazépines, antiépileptiques) ou d’alcool ;• les troubles métaboliques: hypoglycémie, toxémiegravidique (éclampsie), déséquilibre hydro-ionique.Les crises occasionnelles peuvent parfois nécessiter untraitement antiépileptique de « couverture » de courtedurée, jamais un traitement au long cours.

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C R I S E C O N V U L S I V E D E L ’ A D U L T E

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2. Épilepsies de l’adulte

Toute crise épileptique chez l’adulte doit être a prioriconsidérée comme symptomatique, sauf s’il s’agit d’uneépilepsie généralisée idiopathique connue. En effet, lesépilepsies généralisées idiopathiques débutent excep-tionnellement chez l’adulte ; on doit donc systématique-ment insister sur les antécédents. Certaines épilepsiesnotamment les épilepsies myocloniques juvéniles sontdiagnostiquées chez l’adulte jeune après une crise géné-ralisée tonicoclonique précédée pendant plusieursannées par des épisodes de myoclonies que l’on retrou-ve rétrospectivement par l’interrogatoire.

Stratégie des examens complémentaires

Il n’y a pas d’attitude systématique. Le type d’examenset l’urgence dépendent du contexte. Certains examensseront faits systématiquement et en urgence. D’autresseront différés selon les nécessités du diagnostic diffé-rentiel ou de l’orientation diagnostique :• les examens systématiques sont :électrocardiogram-me, bilan biologique (numération-formule sanguine,vitesse de sédimentation, glycémie, dosages des antiépi-leptiques).• l’électroencéphalogrammeest indispensable pourobtenir des informations sur la crise épileptique et sonétiologie. En fait, seul l’électroencéphalogramme per-critique et immédiatement post-critique est réellementinformatif. Des anomalies paroxystiques, décharges depointe ou de pointe-ondes, généralisées ou focales, peu-vent être observées sur l’électroencéphalogramme enre-gistré à distance de la crise. L’électroencéphalogrammecontribue dans ce cas au diagnostic d’épilepsie.Toutefois un électroencéphalogramme intercritique peutêtre normal même dans le cas d’épilepsie active.• les autres examens sont fonction du contexte :tomo-densitométrie, imagerie par résonance magnétiquenucléaire, ponction lombaire, recherche de toxiques,enregistrements électroencéphalographiques spéciaux :sommeil, privation de sommeil, EEG-Vidéo.

Conduite à tenir

1. Au cours de la crise et au décours immédiat,les gestes sont préventifs

• Contre la morsure de la langue, si possible à l’aided’une canule, jamais avec les doigts ou avec un mou-choir.• Contre des traumatismes, en plaçant un coussin ouune couverture sous la tête et les membres et en retirantlunettes, collier, etc.• Contre une inhalation liquidienne(salive, vomisse-ment) en plaçant le sujet en décubitus latéral de sécurité.Un traitement urgent est justifié lorsque la crise se prolon-ge ou si d’autres crises surviennent après la première. Ilconsiste, pour prévenir un état de mal épileptique, à admi-

nistrer une ampoule de 10 mg de diazépam (Valium) parvoie rectale ou par voie intraveineuse à raison de 2 à 5 mg/min avec une surveillance cardiorespiratoire, ouune ampoule intrarectale ou intraveineuse de 1 mg de clo-nazépam (Rivotril). La voie intramusculaire est inadaptée.• Si le patient est dans le coma:– assurer la liberté des voies respiratoires et installer unesonde à oxygène ;– rechercher une éventuelle pathologie sous-jacente res-ponsable du trouble de conscience. En période post-cri-tique, possibilité de confusion et de réaction agressive; – éviter toute contention.Lorsque débute un état de mal convulsif, dès la constata-tion de 3 crises successives sans reprise de conscienceou lorsqu’une activité convulsive se prolonge au-delà de5 à 10 min après avoir renouvelé l’administration d’uneampoule de diazépam ou de Rivotril, des mesures d’ex-trême urgence doivent être prises : hospitalisation, trans-port médicalisé, administration d’un antiépileptiqued’action prolongée, sous surveillance cardiorespiratoireen dose de charge intraveineuse : phénytoïne (18 mg/kg)à raison de 1 mg/kg/min ou phénobarbital à raison de50 mg/min (10 mg/kg).La poursuite de l’état de mal au-delà de 20 à 30 minnécessite une prise en charge spécifique en réanimationavec simultanément recherche de la ou des causes quiseront traitées directement.

2. Au décours de la crise • Si la crise survient chez un patient dont l’épilepsieest déjà connue et traitée, il importe : de s’assurerdu caractère épileptique de la crise et d’éliminer unecause organique sous-jacente méconnue, en particu-lier lorsqu’il y a un changement d’expression descrises ; de rechercher les facteurs précipitants : rup-ture du traitement, privation de sommeil, affectionintercurrente, prise de médicament ou d’alcool ;le traitement en cours sera éventuellement modifiésoit en réadaptant la posologie en fonction ducontexte et des résultats des dosages plasmatiquesdes antiépileptiques, soit en instaurant un nouveautraitement, avec maintien d’une monothérapie si lescrises sont rares. Si les crises sont fréquentes, peut seposer le problème d’une bithérapie associant un anti-épileptique conventionnel, valproate ou carbamazé-pine et un antiépileptique de nouvelle génération,vigabatrin, lamotrigine, gabapentine, tiagabine, topi-ramate dont le choix dépend du type d’épilepsie.• S’il s’agit d’une première crise épileptique: être sûrqu’il ne s’agit pas d’une crise non épileptique ou d’unecrise occasionnelle. Dans le cas d’une épilepsie, la ques-tion primordiale est de « traiter ou ne pas traiter ».Un traitement chronique après une première crise n’estjustifié que dans certains cas : crise généralisée tonicoclo-nique ayant entraîné un traumatisme, sujet exposé profes-sionnellement, notion d’épilepsie familiale, importantesanomalies électro-encéphalographiques (le risque de réci-dive est de 80 % , il n’est que de 30 % si l’électroencé-phalogramme est normal), antécédents neurologiques

Neurologie

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précis (traumatisme crânien, accident vasculaire céré-bral…). Dans tous les autres cas, il est préférable pourtraiter d’attendre une deuxième ou troisième crise, qu’ils’agisse de crises partielles ou de crises généralisées.

3. Principes du traitement antiépileptique depremière intentionUne monothérapie est systématique au début. La poso-logie est progressive, propre à chaque médicament.La prescription doit toujours être accompagnée d’infor-mations, en particulier sur la nécessité d’une observancerégulière, et la possibilité d’effets indésirables.Une modification prématurée en cas de survenue decrise ou d’effets indésirables doit être évitée.Une consultation neurologique et un bilan biologique(NFS, tests hépatiques, dosage des antiépileptiques)sont justifiés en cours de titration et au cours des 3 pre-miers mois.Une durée minimale de 2 ans doit être annoncée aupatient. En revanche, l’annonce d’un traitement à vie esttotalement injustifiée.Des informations sur les précautions à prendre concer-nant le sommeil, les boissons alcoolisées, la conduiteautomobile, les bains sont nécessaires.

4. Choix du traitement• Plusieurs critères sont à prendre en considération :le spectre d’action et la pharmacocinétique de l’antiépi-leptique, les contre-indications (induction enzymatiqueet pilule contraceptive), les effets secondaires spéci-fiques (ralentissement psychomoteur), le coût du médi-cament.• Les médicaments les plus utilisés en première inten-tion sont :– le valproate de sodium (Dépakine) en raison d’unlarge spectre avec efficacité dans tous les types d’épilep-sie et absence d’induction enzymatique. La posologiemoyenne est de 25 mg/kg/j ;– la carbamazépine (Tégrétol) est indiquée en premièreintention pour les épilepsies partielles (10 mg/kg/j). Lerisque d’aggravation (absences, myoclonies), dans cer-taines épilepsies généralisées et l’induction enzyma-tique doivent être pris en considération pour des pres-criptions élargies ;– les nouveaux antiépileptiques ne sont pas utilisés enpremière intention chez l’adulte ;– les autres médicaments classiques (phénytoïne, phéno-barbital) ne sont utilisés qu’en deuxième intention, enraison de leurs effets sur les fonctions cognitives.■

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C R I S E C O N V U L S I V E D E L ’ A D U L T E

• Au cours ou au décours d’une crise convulsivechez l’adulte, il faut éviter toute mesure précipitéequi risque d’être inopportune.• L’attention doit porter sur les risques de menaced’un état de mal épileptique qui,sur les lieux de la crise, peuvent justifierla libération des voies aériennes, l’administrationde diazépam (10-20 mg) intrarectalou intraveineux au rythme de 2-5 mg/min,ou de clonazépam (0,5-1 mg) intrarectalou intraveineux répétée une fois. Un transferten unité de soins intensifs est justifié si l’étatde mal épileptique ne cesse pas.• Dans la plupart des cas, l’urgence est différéeet consistera à établir un diagnostic précis,en retenant que les crises convulsives ne sont pas obligatoirement épileptiques, qu’il existe des crises occasionnelles relevant d’un traitementspécifique.• Dans le cas d’épilepsie chronique, la conduiteà tenir sera différente selon que l’épilepsie estdéjà connue ou qu’il s’agit d’une première crise.

Points Forts à retenir

Baldy-Moulinier M. Épilepsies en questions. Paris : John Libbey,Eurotext, 1997.

POUR EN SAVOIR PLUS

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Pédiatrie - Neurologie

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Classification étiologique

La classification des épilepsies est fonction de leur étiolo-gie. On différenciera ainsi :• L’épilepsie idiopathique, du grec ιδιοδ : « propre, per-sonnel, non précédé ou secondaire à ». Par définition, cetteépilepsie n’a aucune cause sous-jacente. Il s’agit donc demanifestations épileptiques qui évoluent pour elles-mêmes.Les épilepsies idiopathiques sont fortement liées à l’âge,ce qui sous-entend une origine génétique probable.• L’épilepsie symptomatique, du grec συν, πιπτειν :« ensemble, arriver ». Ces épilepsies sont toujours secon-daires à une lésion cérébrale et correspondent le plus sou-vent à des formes graves d’épilepsie.• L’épilepsie cryptogénique, du grecκριτον : « caché ».Ces épilepsies présentent suffisamment de critères cli-

Épilepsie de l’enfantÉtiologie, diagnostic, évolution, pronostic, traitement

Pr Louis VALLÉE 1, Dr Joseph VAMECQ 2

1. Service des maladies infectieuses et neurologie infantiles, (Pr J.P. Nuyts), CHRU de Lille, 59037 Lille Cedex2. INSERM - CHRU Lille, Certia, 59651 Villeneuve-d’Ascq

• Tout âge confondu, on évalue l’incidence annuellede l’épilepsie à 50 cas pour 100 000 et la prévalence chez l’enfant de 4,4 à 9/1 000. • Le risque d’apparition d’une épilepsie est maximal durant l’enfance, 50 % des épilepsiesapparaissant avant 10 ans et 75 % avant 20 ans.L’incidence de l’épilepsie à la période préscolaireest estimée à 84/100 000 et de 42,2/100 000 à l’âgescolaire. • Les crises épileptiques doivent être différenciées en fonction de plusieurs critères : leur type(toniques, cloniques, tonico-cloniques,myocloniques, atoniques, absences, spasmes) ; leur durée (l’état de mal correspondant à des crises durant plus de 30 minutes) ; la localisation (partielle ou généralisée). • La classification internationale des épilepsies de 1989 est étiologique et syndromique. • L’intérêt du regroupement syndromique des épilepsies permet de comparer des groupes de malades homogènes et donc de définir une stratégie thérapeutique cohérente, et une recherche étiopathogénique pertinente.

Points Forts à comprendre niques et paracliniques pour faire suspecter une lésion céré-brale de façon quasi certaine alors que l’on ne parvient pasà mettre en évidence ces lésions. Ce concept par les tech-niques d’imagerie sous-entend que les crises n’ont fait querévéler une lésion cérébrale préexistante.

Classification des syndromes épileptiques de l’enfant

1. Épilepsies partielles• Idiopathiques :

– épilepsie à paroxysmes rolandiques ou centrotempo-rales

– épilepsie à paroxysmes occipitaux– épilepsie à symptomatologie affective

• Cryptogéniques ou symptomatiques :– épilepsie partielle continue progressive– épilepsie du lobe frontal– épilepsie du lobe temporal– épilepsie du lobe pariétal– épilepsie du lobe occipital

2. Épilepsies généralisées• Idiopathiques :

– épilepsie absence– épilepsie généralisée tonico-clonique

• Cryptogénique ou symptomatique :– syndrome de Lennox-Gastaut– épilepsie myoclono-astatique– épilepsie avec absence myoclonique– épilepsies myocloniques progressives

3. Épilepsie dont la localisation partielle ou généralisée ne peut être déterminée

– Pointes-ondes continues du sommeil– Syndrome de Landau-Kleffner

Épilepsies partielles

Épilepsies partielles idiopathiques

1. Épilepsie à paroxysmes rolandiques ou épilepsie centrotemporale

Décrite en 1958, c'est la plus fréquente des épilepsies par-tielles bénignes (20 % des épilepsies d’enfants en âge sco-

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É P I L E P S I E D E L ’ E N F A N T

laire) correspondant à la moitié des crises morphéiques ettouchant préférentiellement le garçon (65 % des cas). L’âgede début est de 3 à 13 ans avec un pic entre 8 et 10 ans.

•Diagnostic : la sémiologie clinique est caractérisée clas-siquement par la survenue chez un enfant de 8-9ans, sansantécédent neurologique, une demi-heure après s’être cou-ché, de manifestations critiques orofaciales : paresthésie uni-latérale intéressant la langue, les lèvres, la gencive ou l’in-térieur des joues puis des convulsions unilatérales toniques,cloniques ou tonico-cloniques à prédominance orofacialepuis un arrêt de la parole ou une anarthrie et secondairementune sialorrhée avec toujours conservation de la conscience.Les crises peuvent durer plus d’une à deux minutes. Ellessont parfois moins riches dans leur symptomatologie, ellespeuvent être hémicorporelles, tonico-cloniques ou encoresecondairement généralisées. Dans trois quarts des cas, lescrises sont liées au sommeil. L’expression des crises paraîtdépendre de l’âge ; chez l’enfant plus âgé, des crises hémi-faciales sont plus fréquentes alors que, chez l’enfant plusjeune, ce sont des crises hémicorporelles.• Électro-encéphalogramme: le tracé intercritique enre-gistre des pointes dans la région centrotemporale uni- oumultifocales. Il s’agit de pointes diphasiques de haut vol-tage, isolées ou en bouffées. Le sommeil augmente leursurvenue et leur diffusion sur les deux hémisphères. Chez30 % des enfants, les pointes ne sont enregistrées que pen-dant le sommeil. Un tracé de sommeil est donc nécessairequand le diagnostic clinique est suspecté.• Diagnostic différentiel : vu la bénignité de l’affection, ilfaut éviter les investigations paracliniques abusives. Ondoit différencier cette épilepsie de l’épilepsie temporale,de l’épilepsie bravais-jacksonnienne. L’épilepsie centro-temporale peut s’associer à une épilepsie bénigne àparoxysmes occipitaux.•Traitement : il doit être guidé par le fait qu’il s’agit d’uneépilepsie bénigne, que les crises peuvent être rares et que leplus souvent, elles sont uniquement nocturnes. Pour cetteraison, certains auteurs proposent même l’abstention théra-peutique. Si on décide d’un traitement, on fera appel au val-proate de sodium (Dépakine chrono) (comprimé à 500 mg)à la posologie de 15 à 20mg/kg/j. Le grand principe dansle traitement est d’éviter un excès dans les posologies ettoutes polythérapies.• Évolution : cette épilepsie est bénigne. Cependant, dans20% des cas, les crises peuvent être fréquentes, persistantesmalgré le traitement mais sans influence sur le pronosticqui est toujours bon.

2. Épilepsie à paroxysmes occipitauxL’épilepsie à paroxysmes occipitaux est caractérisée pardes crises à sémiologie visuelle. Elle a été identifiée défi-nitivement entre 1980 et 1982. Elle touche autant les gar-çons que les filles. Cette épilepsie débute à un âge moyende 7 ans et demi avec des extrêmes entre 2 et 17 ans. Dansun tiers des cas, on retrouve des antécédents familiaux etdans 16 % des cas la notion de migraines.•Diagnostic : la sémiologie clinique est constituée de signesvisuels et non visuels. Les signes visuels surviennent aumoment de la crise et sont marqués par une amaurose, des

sensations visuelles élémentaires telles que des phosphènesoccupant tout ou une partie du champ visuel. Les halluci-nations visuelles complexes sont rares. La symptomatolo-gie non visuelle survient habituellement après la sympto-matologie visuelle marquée par une crise hémiclonique danspresque la moitié des cas. Il peut s’agir de crises partiellescomplexes ou de crises généralisées tonico-cloniques.• Électro-encéphalogramme : en période post-critique,l’électro-encéphalogramme est caractérisé par desdécharges de pointe-ondes ou de pointes sur les deux lobesoccipitaux. Il s’agit de pointes survenant de façon ryth-mique de 1 à 3 cycles/seconde. L’activité de fond est nor-male. À l’ouverture des yeux, il y a une disparition quasicomplète des images paroxystiques ; l’hyperpnée n’est pasactivante, ni la stimulation lumineuse intermittente.• Diagnostic différentiel :– les crises partielles simples secondaires à une lésion occi-pitale : il s’agit de cas rares chez l’enfant. Le bilan neuro-radiologique met dans ce cas en évidence une lésion occi-pitale ;– épilepsies du lobe temporal : lorsque les crises partiellescomplexes sont précédées par une aura visuelle qui peutêtre hallucinatoire, on peut évoquer une épilepsie àparoxysmes occipitaux, mais l’analyse sémiologique avecla crise partielle complexe secondaire permet de rétablir lediagnostic ainsi que l’électro-encéphalogramme ;– la migraine basilaire : elle est exceptionnelle et ne s’as-socie pas à des pointes ou pointe-ondes à l’électro-encé-phalogramme.• Traitement : le traitement par la carbamazépine (Tégré-tol LP) ou la Dépakine peut être proposé.• Évolution : dans 60 % des cas, le contrôle des crises estobtenu d’emblée en monothérapie. Les crises disparaissentà la puberté.3. Épilepsies partielles bénignes à symptomatologie affectiveDécrite en 1980, l’épilepsie partielle bénigne à sympto-matologie affective ou épilepsie psychomotrice bénignesurvient autant chez les garçons que chez les filles entre2 ans et 9 ans et demi.• Diagnostic : la sémiologie clinique est caractérisée par unsentiment de peur ou de terreur soudaine qui s’exprime pardes cris, des hurlements. L’enfant appelle sa mère, s’agrippeà elle ou à quelqu’un de l’entourage. Il peut aller égale-ment dans un coin de la pièce en se cachant. Cette expres-sion de terreur peut être associée à des mouvements de mas-tication ou de rire angoissé. Il y a un arrêt de la parole, desgémissements et de la salivation. On peut observer unepâleur, des épisodes sudoraux. L’enfant se plaint de dou-leurs abdominales. Il n’y a pas de véritable perte deconscience mais une modification de la perceptivité. Lescrises durent en moyenne une à deux minutes. Il n’y a pasde déficit post-critique.• Électro-encéphalogramme : l’activité de fond est nor-male. Les anomalies intercritiques sont caractérisées pardes ondes lentes semblables aux pointes observées dansl’épilepsie centrotemporale, localisées dans la régionfronto-temporale ou pariéto-temporale, uni- ou bilatérale.le sommeil augmente leur survenue.

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Pédiatrie - Neurologie

• Diagnostic différentiel : les crises partielles complexesen rapport avec une épilepsie lésionnelle du lobe tempo-ral. Habituellement, il s’y associe d’autres types de crisesou des manifestations de terreur qui ne constituent qu’unephase initiale d’une crise plus longue.• Traitement : le traitement le plus efficace est la carba-mazépine.• Évolution : lorsque les crises sont fréquentes, on peutobserver des troubles du comportement chez l’enfant avecretentissement sur les fonctions d’apprentissage. Sinon,lorsque le diagnostic est posé, le traitement administré,l’évolution est toujours bonne sans aucune séquelle intel-lectuelle.

Épilepsies partielles cryptogéniques ou symptomatiques1. Épilepsie partielle continue progressiveCette épilepsie est rare. Elle débute entre 8 mois et 10 ans.Deux groupes électro-cliniques ont été individualisés :

• Le syndrome de Kojewnikow de type I est caractérisé pardes crises convulsives généralisées ou unilatérales débu-tant en moyenne vers 6 ans ; des états de mal fréquents pré-cèdent l’apparition du syndrome de Kojewnikow. Les crisessurviennent en moyenne une fois par jour et sont résistantesaux traitements antiépileptiques. L’enfant a souvent un défi-cit moteur homolatéral préexistant. Il n’y a pas d’évoluti-vité des lésions cérébrales. Il n’y a pas d’atteinte mentale.

• Le syndrome de Rasmussen, ou syndrome de Kojewni-kow de type II, comporte un début des crises vers l’âge de5 ans chez un enfant sans antécédent. Les crises partiellescloniques sont très fréquentes (1 à 20 par jour) avec appa-rition précoce de crises myocloniques associées à unedégradation de l’état neurologique. Le pronostic est doncsévère du fait de l’extension progressive du processuslésionnel. Vu la résistance aux traitements antiépileptiques,on discute chez ces patients un traitement neurochirurgi-cal. Un traitement par bolus de corticoïdes a été proposépar certains auteurs.

2. Épilepsie selon la localisation cérébrale du foyerLe diagnostic de chaque épilepsie est basé sur la corréla-tion existant entre la sémiologie clinique propre à chaquetopographie lésionnelle du cortex et l’enregistrement élec-tro-encéphalographique. On distinguera ainsi :– les épilepsies du lobe frontal : épilepsie de l’aire motricesupplémentaire, du gyrus cingulaire, fronto-polaire, orbito-frontale, dorso-latérale, operculaire et de la frontale ascen-dante ;– les épilepsies du lobe temporal : épilepsie hypocampiqueet temporale postérieure ;– les épilepsies du lobe pariétal ;– les épilepsies du lobe occipital.Le traitement fera appel avant tout à la monothérapie et enpremière intention à la carbamazépine. Le choix du médi-cament sera fonction du type de crise. De nombreux médi-caments nouveaux sont en cours d’étude chez l’enfant demoins de 12 ans (Diacomit, Felbamate, Gabapentin, Lamo-

trigine, Tiagabine…) ou commercialisé (Vigabatrin).

Épilepsies généralisées

Épilepsies idiopathiques1. Épilepsie-absenceL’épilepsie-absence de l’enfant est la plus connue des épi-lepsies de l’enfant mais n’est pas la plus fréquente des épi-lepsies généralisées idiopathiques (8 % des épilepsies chezl’enfant d’âge scolaire). Elle est plus fréquente chez lesfilles que chez les garçons (60 à 76 % des cas sont desfilles). Les antécédents familiaux d’épilepsie sont retrou-vés dans 15 à 44 % des cas.• Diagnostic : les absences ont une durée courte, le plussouvent 5 à 10 secondes. Elles peuvent être plus brèvesmais aussi plus longues, jusqu’à 2 minutes. Le début et lafin de l’absence sont brusques : l’absence est caractériséepar une perte de la perceptivité, de la réactivité avec arrêtdes activités en cours. L’enfant s’arrête de parler, de man-ger ; il reste figé, les yeux vagues regardant devant lui ouen l’air. Le rythme respiratoire peut se ralentir surtoutlorsque les absences sont prolongées. La conscience peutêtre altérée à différents degrés, certains enfants vontentendre ce qui se passe mais ne pourront répondre. Uneactivité motrice élémentaire peut persister.Dans la classification des crises épileptiques, on différen-cie 6 types d’absence, suivant qu’elles sont isolées ou asso-ciées à d’autres manifestations. Un même enfant peut avoirplusieurs types d’absences. Leur nombre est le plus sou-vent sous-estimé par l’entourage. Le facteur déclenchantprincipal est l’hyperpnée ou l’hyperventilation. Le dia-gnostic d’épilepsie-absences doit être reconsidéré si l’ab-sence n’est pas déclenchée après 2 minutes d’hyperpnée.• Électro-encéphalogramme : il est caractérisé par unedécharge de pointes-ondes rythmiques bilatérales, symé-triques, synchrones. Le début et la fin de ces déchargessont brusques, la fréquence des pointes-ondes est de 3 Hzmais peut se ralentir en fin de décharge à 2,5 voire 2 Hz.L’activité de fond (rythme de base) reste normale entreles décharges. Le sommeil lent active le nombre dedécharges.• Diagnostic différentiel : l’épilepsie-absence doit être dif-férenciée de :– l’épilepsie-absence de l’adolescent, dont l’âge d’appari-tion se situe autour de la puberté ; à l’électro-encéphalo-gramme, il existe des bouffées de pointes-ondes à plus de 3 Hz ;– l’absence de l’épilepsie myoclonique juvénile : desabsences peuvent survenir dans près d’un quart des cas chezles enfants ayant une épilepsie myoclonique juvénile maisil faut savoir qu’elles peuvent aussi précéder l’épilepsiemyoclonique juvénile ;– l’absence révélatrice de lésions cérébrales : une épilep-sie-absence peut être en fait une épilepsie symptomatiqueliée à une lésion cérébrale. Il est important de soulignerl’association absences et lésions frontales.• Traitement : le valproate de sodium (Dépakine) en mono-

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thérapie, associé si nécessaire à l’éthosuximide (Zarontin)sont les médicaments les plus actifs contre les absences.Le valproate de sodium doit être prescrit en première inten-tion ; s’il y a échec, on y adjoindra de l’éthosuximide, quipeut cependant altérer les capacités d’apprentissage. Denouvelles molécules sont étudiées actuellement (lamotri-gène).• Évolution : elle se fait sur trois modes ; les absences dis-paraissent sous traitement adapté ; ou bien elles persistentaprès la puberté, ce qui est rare (6 %). Elles ne surviennentque lors de circonstances favorisantes (manque de som-meil, stress, etc.) ; ou bien surviennent les crises tonico-cloniques généralisées qui sont le plus souvent bien contrô-lées par le traitement.Dans tous les cas, le pronostic intellectuel est bon. Il fautretenir que les cas qui évolueront favorablement sont ceuxqui répondront rapidement au traitement. Les facteurs pré-disposant à la survenue de crises tonico-cloniques sont desabsences ayant commencé avant l’âge de 8 ans, une mau-vaise réponse au traitement initial, un retard à la mise enroute du traitement initial, une activité électro-encéphalo-graphique de fond anormale, une photosensibilité.

2. Épilepsie avec crise généralisée tonico-clonique (crise « grand mal »)Il s’agit d’une épilepsie débutant entre 3 et 11 ans, à pré-dominance masculine (60 %).• Diagnostic : cette épilepsie est caractérisée par la surve-nue de crises généralisées tonico-cloniques. La fréquencede survenue est habituellement rare, une crise ou moins paran. L’état de mal généralisé tonico-clonique est rare. Leretard intellectuel est rare. Il n’y a pas de déficit neurolo-gique. Des antécédents familiaux d’épilepsie sont retrou-vés dans un tiers des cas.• Électro-encéphalogramme : il montre des anomaliescaractéristiques sous forme de pointes-ondes généraliséesdiffuses.•Traitement : le traitement de première intention fera appelà la Dépakine.• Évolution : la réponse au traitement est toujours de bonnequalité ; 95 % des traitements sont efficaces la premièreannée.

Épilepsie cryptogéniques ou symptomatiques

1. Syndrome de Lennox-GastautÉpilepsie débutant le plus souvent avant 8ans avec un maxi-mum de fréquence entre 3 et 5 ans. Il semblerait exister unediscrète prédominance masculine.

• Diagnostic : ce syndrome est caractérisé par des crisestoniques, diurnes et (ou) nocturnes. Il peut s’agir de crisesbrèves pouvant passer inaperçues. Lorsqu’elles sont pro-longées, elles peuvent se terminer par des clonies extrê-mement rapides. Le sommeil lent favorise la survenue deces crises toniques. S’y associent des absences atypiquesavec un début et une fin progressive et parfois une perte deconnaissance qui paraît incomplète. L’enfant peut pour-suivre une certaine activité. Il peut s’y associer des myo-

clonies palpébrales. On observe une diminution progres-sive du tonus musculaire entraînant un affaissement pro-gressif de la tête puis du tronc.

• Électro-encéphalogramme : il est caractérisé par unralentissement du rythme de fond, survenue de pointes-ondes lentes à 2-2,5 cycles/seconde, diffus sur les 2 hémi-sphères. L’électro-encéphalogramme de sommeil est carac-térisé par la survenue de décharges de pointes rythmiquesdiffuses, s’accompagnant ou non de crises toniques. Cesdécharges sont caractéristiques du syndrome de Lennox-Gastaut et surviennent durant le sommeil lent.

• Diagnostic différentiel : les caractéristiques cliniques etélectro-encéphalographiques diurnes et nocturnes sont suf-fisamment spécifiques pour évoquer le diagnostic. La limiteentre syndrome de Lennox-Gastaut et l’épilepsie myo-clono-astatique est encore discutée.•Traitement : il n’y a pas de protocole thérapeutique défini.La carbamazépine, le valproate de sodium, le Di-Hydan,ainsi que les benzodiazépines sont les médicaments les plusutilisés. L’éthosuximide (Zarontin) est proposé pour contrô-ler les absences atypiques. Des nouvelles molécules sontactuellement à l’étude pour ce syndrome (Tiagabine, Dia-comit, Felbamate, lamotrigène…). La place des corticoïdesest difficile à établir. La chirurgie de l’épilepsie (calloso-tomie) peut être proposée lorsque les crises atoniques sontfréquentes, invalidantes, et résistantes au traitement médi-camenteux.• Évolution : on observe un ralentissement du développe-ment des acquisitions motrices et intellectuelles, destroubles du caractère, une instabilité psychomotrice.Lorsque l’enfant grandit, ce sont les troubles d’attentionqui sont prédominants avec une altération des fonctionsintellectuelles rendant l’apprentissage et la scolarisationimpossible. Enfin, on peut observer des troubles de la per-sonnalité associés.

2.Épilepsie myoclono-astatique : il s’agit d’uneépilepsie rare (1 à 2% de l’épilepsie de l’enfant) touchantdeux fois plus souvent les garçons que les filles. Dans untiers des cas, on retrouve des antécédents familiauxd’épilepsie avec une incidence plus élevée dans les fratries(15%) que chez les parents (6%).• Diagnostic : l’épilepsie myoclono-astatique associed’une part, des secousses myocloniques symétriques desépaules et des membres supérieurs accompagnées d’uneflexion de l’extrémité céphalique, pouvant entraîner lachute, et d’autre part, des crises astatiques, forme deperte brutale du tonus musculaire responsable d’unechute. Lorsque la résolution du tonus musculaire estmoins intense, on peut observer simplement une flexionde la tête avec un fléchissement des genoux. Les crisesmyocloniques et astatiques peuvent s’associer, donnantdes crises myoclono-astatiques. Des absences peuventêtre présentes dans la moitié des cas.• Électro-encéphalogramme : à la phase d’état, ilenregistre des pointes-ondes et des polypointes-ondes enbouffées irrégulières à 2-3 cycles/seconde. Il existe unesensibilité à la stimulation lumineuse intermittente.• Traitement : le valproate de sodium est le traitement de

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Pédiatrie - Neurologie

région fronto-temporale. Secondairement, apparition depointes-ondes diffuses à 3 cycles/s en bouffée. Pendant lesommeil apparaissent des pointes-ondes lentes, continues,bilatérales et diffuses durant plus de 85 % du tracé.• Traitement : les corticoïdes peuvent être efficaces sur cesyndrome et améliorer les troubles du langage. Si les cor-ticoïdes sont utilisés, ils sont prescrits à forte dose ; d’autresauteurs ont proposé l’administration de clobazam (Urba-nyl). Un protocole thérapeutique reste à déterminer.• Évolution : les crises peuvent disparaître avant la norma-lisation de l’électro-encéphalogramme ou de façon conco-mitante. Dans 15 à 20 % des cas, les crises persistent aprèsla disparition des pointes-ondes continues du sommeil lent.La gravité du diagnostic est surtout due aux conséquencesneuropsychologiques en rapport avec la longue durée desdécharges. On observe une baisse d’efficience intellectuelleet des troubles d’expression orale. Les troubles du com-portement sont souvent sévères avec instabilité psycho-motrice, déficit attentionnel ; des états psychotiques ontmême été rapportés.

2. Syndrome de Landau-KleffnerIl s’agit d’un syndrome rare : affection caractérisée par deuxsymptômes cardinaux : une aphasie acquise et un tracé élec-tro-encéphalographique caractéristique. Cette épilepsiedécrite par Landau et Kleffner en 1957, intéresse plus sou-vent le garçon que la fille (62 % contre 38 %). L’âge de sur-venue se situe principalement entre 3 et 8 ans, les extrêmesentre 2 et 11 ans.

• Diagnostic : la sémiologie clinique associe une aphasiequi débute dans 70 % des cas avant l’âge de 6 ans. Lestroubles phasiques correspondent à une agnosie auditiveverbale : les patients sont incapables de comprendre lessignaux sonores reçus. Il s’y associe une réduction de l’ex-pression orale, la survenue de stéréotypies et de persévé-ration. Parfois, la parole peut totalement disparaître. Cesdifficultés de compréhension peuvent aussi s’installer pro-gressivement. Il s’y associe des troubles du comportementavec hyperkinésie dans plus de la moitié des cas. Les capa-cités intellectuelles sont habituellement conservées.

Les crises comitiales surviennent dans trois quarts des cas ;il peut s’agir soit de crise unique, soit d’un état de mal sur-venant au début de l’évolution. Leur sémiologie est hété-rogène. Il n’y a pas de crise tonique.

• Électro-encéphalogramme : à l’état de veille, les ano-malies électro-encéphalographiques sont constituées pardes pointes et des pointes-ondes de grandes amplitudesrépétitives, de localisation variable dans le temps et dansl’espace. Ces foyers multifocaux peuvent prédominer dansla région temporale (50 % des cas) ou pariéto-occipitale.Le sommeil active les anomalies électro-encéphalogra-phiques avec une diffusion des décharges de pointes etpointes-ondes, principalement dans le sommeil lent.• Traitement : il n’y a pas de traitement spécifique démon-tré dans le syndrome de Landau-Kleffner. L’acide val-proïque, les benzodiazépines ou l’éthosuximide ont deseffets bénéfiques partiels ou éphémères sur le langage. Lacorticothérapie semble apporter une amélioration plus

première intention. S’il y a échec, on pourra y associer del’éthosuximide puis de la lamotrigène.• Évolution : elle peut être très variable. Dans près de 50 % des cas, il y a une disparition complète des crises. Lepronostic est péjoratif s’il existe des crises généraliséestonico-cloniques fréquentes, si l’on note la survenue d’unétat de mal-absence au début de l’affection et s’il existe unralentissement du rythme de fond persistant à l’électro-encéphalogramme.

3. Épilepsie avec absences myocloniquesÉpilepsie rare, prédominante chez les garçons (69 %),caractérisée par des absences et des myoclonies bilatérales.Elle débute en moyenne à 7 ans ; il s’y associe un retardmental dans plus d’un tiers des cas.• Diagnostic : l’enfant présente des myoclonies des racinesdes membres supérieurs et des cuisses, responsables enposition debout d’un mouvement de vacillement. Parfois,on observe aussi une composante tonique. Il s’y associeune altération de la conscience de degré variable.• Électro-encéphalogramme : l’activité de fond est nor-male en intercritique. Durant les absences myocloniques,on enregistre des bouffées de pointes-ondes à 3 Hz, bilaté-rales, synchrones et symétriques et des myoclonies àl’EMG.• Traitement : l’association valproate de sodium et étho-suximide semble la plus efficace.• Évolution : dans la moitié des cas, les crises persistentquel que soit le traitement.

4. Épilepsie myoclonique progressiveIl s’agit d’épilepsies rares, qui associent myoclonies, crisestonico-cloniques généralisées (inconstantes), détériorationmentale, et un syndrome neurologique où le syndrome céré-belleux est constant. Les causes les plus fréquentes sont lescéroïdes-lipofuscinoses, la maladie de Lafora, les épilep-sies myocloniques progressives dégénératives.

Épilepsie dont la localisation partielle ou généralisée ne peut êtredéterminée

1. Épilepsie à pointes-ondes continues pendant le sommeilSyndrome rare, décrit en 1971 sous le nom d’état de malépileptique électro-encéphalographique caractérisé par laprésente de pointes-ondes occupant 85 % de toute la duréedu sommeil lent. L’âge moyen de la première crise est de4 ans 7 mois avec des extrêmes entre 8 mois et 2 ans.

• Diagnostic : la sémiologie débute soit par des crises géné-ralisées tonico-cloniques, soit par des crises partiellesmotrices ; secondairement, le tableau clinique peut se com-pléter par des crises myocloniques, toniques, généraliséesou partielles ; puis des absences.

• Électro-encéphalogramme : en veille, possiblesdécharges de pointes-ondes généralisées ou non, associéesinconstamment à des pointes ou des pointes lentes dans la

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importante et surtout plus prolongée.• Évolution : l’aphasie persiste quelques mois après la nor-malisation de l’électro-encéphalogramme en veille et ensommeil. Dans 10 % des cas, des troubles phasiques impor-tants persistent ; dans 40 % des cas, on observe des diffi-cultés du langage parlé ou écrit, des troubles du compor-tement ou des troubles d’apprentissage scolaire. Il s’en suitdes difficultés d’intégration dans le milieu socio-profes-sionnel. ■

Roger J, Bureau M, Dravet C, Dreifuss FE, Pervet A, Wolf P. Lessyndromes épileptiques de l’enfant et de l’adolescent ; 2e ed. Lon-don, Paris : John Libbey, 1992.

POUR EN SAVOIR PLUS

• Devant toute manifestation épileptique de l’enfant,l’analyse sémiologique clinique reste l’élémentprincipal de la démarche diagnostique. La corrélation à la sémiologie électro-encéphalographique et à d’éventuels autres examensparacliniques permettra d’en identifier la naturesyndromique.• À cette seule condition, un traitement adaptépourra être proposé. La polythérapie doit être évitéeen sachant qu’elle n’est que l’apanage des formessévères, et relève d’équipes spécialisées. À cette seule condition, on évitera les conséquencesneuropsychologiques sur les capacitésd’apprentissage de l’enfant. La décision de mise enroute d’un traitement antiépileptique ne doit pasinduire la poursuite prolongée de ce traitement.

On pourra envisager un arrêt progressif du traitement antiépileptique dans la plupart des casaprès au minimum 2ans d’une épilepsie totalementcontrôlée.• Seule l’identification rigoureuse des syndromesépileptiques permettra de progresser dans la compréhension étiopathogénique de l’épilepsie(des recherches en génétique par biologiemoléculaire, en épidémiologie, en biochimie), et l’amélioration des stratégies thérapeutiques et l’étude de nouveaux médicaments.

Points Forts à retenir SCHÉMA THÉRAPEUTIQUE

La plupart des nouvelles molécules anti-épileptiques nécessitentactuellement pour les enfants de moins de 12 ans, une autorisationtemporaire d’utilisation (ATU). Ces molécules ont comme principed’action d’agir soit sur les systèmes inhibiteurs, soit sur les sytèmesexcitateurs du neurone ou de la tranmission synaptique. Pour cer-taines molécules anti-épileptiques, le mécanisme d’action n’est pasconnu. Parmi celles-ci, citons :• le gabapentin (Neurontin) ;• la lamotrigine (Lamictal) ;• le stiripentol (Diacomit) ;• le tiagabine (Gabatril).

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Neurologie

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Diagnostic

Comme chez l’enfant, le diagnostic de l’épilepsie et sonclassement reposent sur l’analyse séméiologique des crises.L’étape capitale reste l’interrogatoire, lequel doit passer enrevue tous les détails séméiologiques de la crise, recher-cher d’éventuels facteurs déclenchants, préciser le carac-tère brutal du début. Il est capital d’avoir la description destémoins éventuels.L’examen neurologique qui suit l’interrogatoire est néga-tif dans la grande majorité des cas. Lorsqu’il est perturbé,

Épilepsies de l’adulteÉtiologie, diagnostic, évolution, pronostic, traitement

Pr Michel WEBERService de neurologie, CHU, hôpital Saint-Julien, 54035 Nancy cedex

• Le neurologue d’adultes a une vision del’épilepsie différente de celle du pédiatre. Il n’existe pas chez l’adulte de syndromeépileptique spécifique à l’âge. Certaines formesapparues précocement ne sont plus rencontrées,soit parce que les enfants ont guéri (épilepsiespartielles idiopathiques par exemple), soit parcequ’elles étaient en rapport avec des maladiesneurologiques d’évolution péjorative. On peutcependant observer des épilepsies ayant débutédans l’enfance, mais leur expression clinique seradifférente (crises généralisées convulsives et nonpas absences et (ou) myoclonies dans l’épilepsiegénéralisée idiopathique).• En fait, lorsqu’on parle d’épilepsie de l’adulte, il est classique de se limiter aux affectionsdébutant à partir de 18-20 ans et posant surtoutun problème étiologique. C’est ce qu’on a coutumed’appeler l’épilepsie tardive, répondant plussouvent à une épilepsie partielle symptomatiqueou cryptogénique qu’à une épilepsie idiopathique.• Depuis plusieurs années, on individualise aussiune épilepsie du sujet âgé, au-delà de 65 ans, trèssouvent en rapport avec un accident aigu,notamment un accident vasculaire cérébral ou uneséquelle de ce dernier.• Le diagnostic positif est souvent plus difficile quechez l’enfant, les crises étant moins évocatrices etmoins fréquentes. Il convient d’aborder ce problème avant celui des étiologies.

Points Forts à comprendre il renseigne sur l’existence et le siège d’une lésion éven-tuellement causale et a donc un intérêt étiologique et nonpositif.

Crise généralisée tonico-clonique

1. Signes cliniquesLes arguments en faveur sont un début brutal avec chuteéventuellement traumatisante, mouvements convulsifs,cyanose, stertor, morsure latérale de langue, confusion,céphalées et myalgies post-critiques. La perte d’urine n’estpas spécifique et ne témoigne que de la perte de conscience.

2. Diagnostic différentielLa syncope et les crises névropathiques sont des diagnos-tics à éliminer devant une perte de connaissance brève. Lapremière se caractérise par son contexte étiologique et sur-tout les circonstances déclenchantes (émotion, douleurs,chaleur, lever nocturne), une chute hypotonique, une pâleur,une brièveté de la perte de contact, l’absence de signes post-critiques. La notion d’un bref spasme tonique précédé et(ou) suivi de clonies localisées à la racine des membressupérieurs, entraîne souvent des difficultés diagnostiquesen dehors d’un interrogatoire très précis. La crise névro-pathique comporte une perte de connaissance incomplète,une agitation désordonnée spectaculaire, un terrain parti-culier.

Crises partielles

1. Diagnostic positifLes crises partielles comportent souvent plusieurs signesse succédant rapidement. Seul le premier d’entre eux(signal-symptôme) est pris en compte pour dénommer lacrise, car il renseigne sur la région du cortex initialementconcernée.Le patient peut être conscient de tout leur déroulement(crises partielles simples) ou d’une partie de ce dernier, laperte de contact étant secondaire. Il pourra rapporter alorsla symptomatologie motrice, sensitive, sensorielle, végé-tative (sensation épigastrique indéfinissable remontant jus-qu’à la gorge, premier signe fréquent des crises temporalesinternes), phasique ou psychique.Ailleurs c’est l’interrogatoire des témoins qui sera pri-mordial, recherchant notamment des automatismes : oro-alimentaires (mâchonnements, mastication, déglutition,claquements de langue, pourlèchage des lèvres…), ges-tuels dirigés vers le sujet (se gratter, remanier ses vête-ments, remuer les mains) ou vers l’environnement (mani-

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pulation d’objets, saisie du bras d’un témoin), ambulatoires(marcher, partir), verbaux (exclamations, phrases, chan-tonnements).Enfin, le sujet peut consulter pour une crise apparemmentgénéralisée tonico-clonique, mais pour laquelle un inter-rogatoire orienté va identifier un début partiel.

2. Diagnostic différentielLa variété séméiologique des crises explique que beaucoupd’autres affections puissent être confondues avec elles :accident ischémique transitoire pour les crises motrices,sensitives et dysphasiques ; migraine pour les crises sen-sorielles ; attaques de panique, hystérie, terreurs nocturnespour les crises à symptomatologie psychique ; somnambu-lisme, fugues pour certaines crises partielles complexes.

Électroencéphalogramme

L’électroencéphalogramme (EEG) reste l’examen indis-pensable et le seul pouvant apporter des éléments essen-tiels au diagnostic. S’il est très rare d’enregistrer une crisespontanée, on peut plus souvent objectiver des anomaliesparoxystiques intercritiques (pointes ou pointes ondes foca-lisées ou généralisées) témoignant de l’hyperexcitabiliténeuronale responsable des crises. Des activations peuvent

être réalisées : sieste après privation de sommeil, enregis-trement ambulatoire pendant 24 heures ou plus.Il faut rappeler que la négativité d’un EEG n’élimine pasle diagnostic et que cet examen n’a aucune valeur pris iso-lément : il n’y a pas d’épilepsie sans crise.

ÉtiologiesCrises symptomatiques aiguës

Elles doivent être classées à part. Il s’agit de manifesta-tions survenant à la phase aiguë d’une agression cérébrale(infectieuse, traumatique, vasculaire, toxique, métabo-lique). C’est leur prise en compte, dans de nombreusesétudes épidémiologiques qui explique les taux élevées d’in-cidence chez le sujet âgé. Ce sont des crises isolées ou acci-dentelles et non pas des épilepsies.

Épilepsies généralisées idiopathiquesLe diagnostic est rarement évoqué chez un adulte, cegroupe étant l'apanage de l’enfant et de l’adolescent. Uneépilepsie idiopathique peut cependant débuter à l’âgeadulte, caractérisée par des crises tonico-cloniques géné-ralisées d’emblée, souvent morphéiques, parfois liées chezla femme à des facteurs hormonaux. Les tracés EEGconfortent le diagnostic en objectivant des décharges depointes ondes généralisées bisynchrones survenant sur uneactivité de fond normale.Il faut penser aussi chez un adulte jeune à la possibilitéd’une épilepsie myoclonique juvénile. En fait les crisestonico-cloniques généralisées ont été précédées dans l’en-fance ou l’adolescence de myocolonies du réveil.

Épilepsies partiellesElles représentant les trois quarts des épilepsies de l’adulte.Il est logique de classer dans ce groupe toutes les crises enrapport avec une lésion cérébrale focale, même si elles sontapparemment généralisées d’emblée. Il est souvent impos-sible en effet en dehors d’enregistrements vidéo-EEG deles distinguer d’une crise partielle très rapidement secon-dairement généralisée. Il s’agit d’épilepsies symptoma-tiques secondaires à une lésion focale connue dont on saitle caractère éventuellement épileptogène ou à une encé-phalopathie ancienne ou survenant chez un sujet porteurd’antécédents susceptibles d’expliquer la survenue descrises. Ailleurs, en l’absence d’antécédents, c’est la neuro-imagerie qui pourra découvrir la lésion responsable devantune épilepsie isolée. Une prédisposition génétique épilep-tique peut aussi intervenir en s’ajoutant à un facteur étio-logique. On sait que pour une lésion comparable, le risqued’une épilepsie lésionnelle est plus important chez un sujetappartenant à une famille d’épileptiques.

1. Épilepsie post-traumatique• Définie par l’existence de crises récurrentes apparuessecondairement après un traumatisme crânien et dues auxlésions provoquées par ce dernier, une autre cause étantécartée, elle représente environ 5 % des épilepsies del’adulte du moins dans les statistiques de services hospita-liers, le pourcentage étant beaucoup plus faible si l’on prend

Classification des crises partielles

• Crises partielles simples • Crises partielles complexes(conscience intacte) (avec altération de la conscience– Avec des signes moteurs – Début partiel simple suive par toutes motrices (sans extension) une altération de la consciencejacksoniennes • avec des signes parfois simplesversives suivis par une altération de laposturales consciencephonatoires (vocalisation, • avec des automatismesarrêt de la parole) – Début par une altération de la– Avec des symptômes sensitifs conscienceou sensoriels (hallucinations • avec seulement une altération deélémentaires) la consciencesomato-sensitives • avec des automatismesvisuellesauditives • Crises partielles secondaire-olfactives ment généraliséesgustatives – Crises partielles simples évo-luantvertigineuses vers une généralisation secondaire– Avec des signes ou des – Crises partielles complexessymptômes végétatifs évoluant vers une généralisation– Avec des symptômes psychiques secondaire(perturbations des fonctions – Crises partielles simples évo-supérieures (rarement sans luant vers une crise partiellealtération de la conscience) complexe puis une généralisationdysphasiques secondairedysmnesiques (par exemple :déjà vu)cognitives (par exemple :état de rêve, distorsiontemporelle)affectives (peur, colère, etc.)illusionnelles (par exemplemacropsie)hallucinations structurées(par exemple : musique, scènes)

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en compte tous les traumatismes crâniens bénins. Le risqueest donc très variable selon la gravité du traumatisme ini-tial. Pour que survienne une épilepsie post-traumatique, ilest nécessaire que le traumatisme ait provoqué une contu-sion corticale. Les facteurs de risque sont l’existence d’unhématome intracrânien, d’une séméiologie neurologiquefocale durable, d’un foyer contusionnel visible sur le scan-ner, d’une fracture avec embarrure, d’une amnésie post-traumatique supérieure à 24 heures, de crises d’épilepsiesprécoces.• Le délai d’apparition des crises est variable, plus de lamoitié des blessés auront leur première crise dans les sixmois à deux ans suivant le traumatisme. Le risque diminueavec le temps : après 5 ans il devient mineur, proche decelui de la population générale, bien que des survenues trèstardives (supérieures à 10 ans) aient été signalées. Le délaimoyen d’apparition dépend aussi du siège de la contusioncérébrale, l’apparition étant plus rapide pour les lésionsrolandiques et temporales que pour les lésions frontales etoccipitales.• Tous les types de crises hormis les myoclonies massiveset les absences typiques peuvent se rencontrer : crises géné-ralisées convulsives ou plutôt apparemment généraliséesconvulsives, partielles notamment motrices.• L’évolution est variable, souvent favorable à moyenterme : à 5 ans plus de la moitié de guérisons ou de dimi-nution de la fréquence et de l’intensité des crises. Les fac-teurs de bon pronostic sont la faible fréquence initiale desmanifestations et leur apparition relativement tardive.Préconisée par certains, une chimioprophylaxie doit fairela preuve de son intérêt.• L’épilepsie survenant après intervention neurochirurgi-cale sustentorielle peut être rapprochée de l’épilepsie post-traumatique. L’authenticité est d’ailleurs souvent difficileà affirmer car les crises peuvent être en rapport avec lalésion ayant entraîné l’intervention. La fréquence, toutesinterventions confondues, serait voisine de 20 % avec unrisque accentué en cas de méningiome et d’abcès. Là aussi,la chimioprophylaxie systématique n’a pas fait la preuveévidente de son utilité.

2. Épilepsie vasculaire• Elle concerne les crises liées à plus ou moins long termeà une lésion cérébrale d’origine ischémique ou hémor-ragique correspondant à un territoire artériel. Il ne faut pasporter un tel diagnostic chez un sujet âgé porteur de fac-teurs de risques vasculaires en l’absence de signes d’at-teinte cérébrale.• La fréquence augmente beaucoup avec l’âge : si globa-lement, le pourcentage de cette étiologie représente 10 à15 % des épilepsies de l’adulte, il est nettement inférieurà 10 % en dessous de 60 ans pour atteindre 30, voire 40 %après 60 ans.• À côté des crises précursives (crises focales dans les joursou semaines précédant un accident vasculaire ischémiquese situant strictement dans le même territoire), d’authenti-cité discutée, il est classique de distinguer des crises pré-coces (contemporaines) entrant dans le cadre des crisessymptomatiques aiguës et des crises tardives (séquellaires).

Ces dernières surviennent au cours des deux à trois pre-mières années suivant l’accident vasculaire avec un risquemaximal entre les 6e et 12e mois. L’incidence est de 5 à 8 %sans qu’on puisse incriminer une plus grande responsabi-lité des accidents ischémiques ou hémorragiques.Il est important de connaître aussi la possibilité de crisessecondaires à une lésion vasculaire cérébrale asymptoma-tique découverte à l’imagerie morphologique dans le cadredu bilan d’une crise épileptique inaugurale.• Cliniquement, les crises partielles simples plus souventque complexes et parfois secondairement généralisées, sontdeux fois plus fréquentes que les crises apparemment géné-ralisées d’emblée. La survenue d’un état de mal n’est pasexceptionnelle.• Sur le plan électroencéphalographique, les anomalieslentes sont au moins deux fois plus fréquentes que les ano-malies pointues. Parmi ces dernières, les PLED (periodiclateralized epileptic discharges) sont très significatives.• Le pronostic fonctionnel semble plus sévère dans l’ac-cident vasculaire cérébral compliqué de crises. La possi-bilité d’une aggravation transitoire mais parfois persistantedu déficit neurologique au décours des crises épileptiques,sans augmentation de la lésion causale, est une notionrécente.• L’évolution sous traitement est généralement satisfai-sante, une monothérapie bien conduite étant efficace dansplus de trois quarts des cas.

3. Épilepsie et malformations vasculaires cérébrales• L’anévrisme artériel de taille habituelle ne peut être tenudans l’immense majorité des cas pour responsable de lasurvenue d’une épilepsie tant qu’il ne s’est pas exprimé parun rupture hémorragique. Sa situation extracorticaleexplique bien cette notion. Ainsi la découverte d’un ané-vrisme artériel dans le bilan étiologique d’une épilepsieisolée, doit être interprétée comme une découverte fortuite.Par contre, dans les cas d’un anévrisme artériel géant (dia-mètre supérieur à 25 mm), la révélation par des crises par-tielles, souvent secondairement généralisées, est fréquente.Le diagnostic évoqué sur le scanner est confirmé par l’an-giographie. Le pronostic de l’épilepsie après exérèse, liga-ture ou occlusion endovasculaire de la malformation, resteimprécis. En tout état de cause, il convient de continuer untraitement médical pendant au moins deux ans.• L’anévrisme artério-veineux est le modèle des malfor-mations vasculaires cérébrales associées à l’épilepsie,laquelle est une circonstance de découverte classique repré-sentant environ un tiers des cas. Les crises sont plus sou-vent partielles. L’épilepsie n’est améliorée que moins d’unefois sur deux après exérèse et même certains pensent quela chirurgie serait un important facteur de risque d’épilep-sie dans l’évolution. Les traitements par embolisation parvoie endovasculaire limitent au contraire ce risque.• L’angiome veineux, souvent de découverte fortuite, peutl’être à l’occasion d’une crise dont la relation avec la mal-formation ne doit jamais être acceptée sans discussion.• Les cavernomes ou angiomes caverneux, dont la fré-quence a considérablement augmenté depuis l’avènement

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du scanner et surtout de l’imagerie par résonance magné-tique (IRM), se manifestent fréquemment par des crisesrécurrentes. Il s’agit de manifestations partielles, évoluantgénéralement par périodes de plusieurs semaines ou mois,riches en crises et séparées par des phases d’accalmie. Laséméiologie des crises est toujours identique. Cette évolu-tion s’explique probablement par des saignements intra-ou péri-angiomateux.La décision thérapeutique (exérèse ou non) tient comptedu caractère rebelle de l’épilepsie, de l’existence d’un anté-cédent hémorragique, de la localisation de la malforma-tion. Dans la majorité des cas, l’évolution de l’épilepsie estheureusement influencée par la chirurgie.

4. Épilepsie tumoraleIl est traditionnel de craindre une origine tumorale à touteépilepsie sans étiologie évidente débutant chez un adulte.Cependant, si environ 40 % des tumeurs cérébrales s’ac-compagnent de crises, la fréquence de l’étiologie tumoraledes épilepsies de l’adulte n’est que de 10 à 15 %.Les crises émaillant l’évolution d’une tumeur n’ont pas lemême intérêt pratique que celles qui sont la manifestationinitiale du processus et qui correspondent à la définitionclassique de l’épilepsie tardive : « manifestation et seulsymptôme d’un processus occupant l’espace intracrânienpouvant évoluer ou rester isolée pendant des mois, voiredes années ». Il est évident que ce concept a été considé-rablement modifié par l’avènement du scanner, puis del’IRM qui permettent un diagnostic précoce.• Le risque est lié à l’âge puisque près de trois quarts desépilepsies tumorales surviennent entre 20 et 50 ans. Lestumeurs supratentorielles sont presque toujours en cause,les plus épileptogènes étant les plus bénignes ou de faiblepotentiel évolutif : oligodendrogliome, astrocytome,méningiome. Les gliomes malins et les métastases le sontbeaucoup moins. Les kystes arachnoïdiens n’ont généra-lement pas de relation avec un foyer épileptique et une indi-cation chirurgicale est toujours très discutable.• L’expression clinique est variable, les crises étant plus sou-vent partielles qu’apparemment généralisées. Certainesformes cliniques sont évocatrices : crises partielles simplesnotamment somato-motrices à marche jacksonienne,somato-sensitives, sensorielles en particulier olfactives,«verbales» (arrêt du langage). La séméiologie électroencé-phalographique peut être absente et alors faussement rassu-rante. Plus souvent il s’agit d’un foyer lent et parfois pointu,mais c’est la neuroradiologie qui affirmera le diagnostic.• Lorsque l’exérèse de la tumeur est possible, l’évolutionde l’épilepsie peut être favorable. Parfois se posera le pro-blème d’un traitement chirurgical de l’épilepsie, en mêmetemps ou indépendamment de celui de la lésion causale.

5. Épilepsie alcoolique• L'ingestion excessive d’alcool peut provoquer des crisesépileptiques accidentelles (ivresse convulsive) ou favori-ser la survenue de crises à l’occasion de libations chez desépileptiques authentiques. L’épilepsie alcoolique propre-ment dite se caractérise par la survenue chez un adulte sansantécédent épileptique, de crises généralisées récurrentes,

la seule étiologie éventuelle étant une intoxication alcoo-lique chronique. Elle représente 0,5 à 45 % des épilepsiesde l’adulte, ces très grandes différences statistiques étanten rapport, à côté des différences en fonction des pays, avecle mode de recrutement et les critères retenus pour le dia-gnostic d’épilepsie et d’éthylisme. En France, on peut esti-mer qu’un quart environ des épilepsies tardives de l’adulteest secondaire à une intoxication éthylique et que 5 à 15 %des alcooliques chroniques auront des crises au cours deleur vie.Elle nécessite une longue durée d’intoxication expliquantque l’âge moyen de la première crise soit d’environ 37 à38 ans.• Les crises peuvent survenir lors d’une chute de l’al-coolémie, ce sont des crises de sevrage (absolu ou relatif)pouvant se compliquer d’un delirium tremens dans envi-ron un tiers des cas.• Des crises sans rapport avec une intoxication aiguë ouun sevrage brusque, représentant « l’épilepsie habituelledes buveurs ». Ce sont des crises généralisées motrices defréquence rare (une à trois par an) avec un électro-encé-phalogramme soit normal, soit microvolté, irrégulier à pré-dominance rapide mais sans activité paroxystique. Lescrises généralisées tonico-cloniques auraient des caractèresévocateurs : durée relativement courte, absence de cri ini-tial, prépondérance de la phase clonique, caractère mor-phéique dans un tiers des cas. Des crises focales sont par-fois mentionnées, mais dans ce cas il faudra toujourssuspecter une lésion associée.• Évolution et pronostic : on distingue une forme dite réver-sible disparaissant après le sevrage et concernant des sujetsjeunes pour lesquels la période d’intoxication a été courte,les crises étant surtout liées à des perturbations métaboliquesavec notamment hypoglycémie. À l’opposé, il existe uneforme dite irréversible où les crises persistent après sevrageet concernent des sujets plus âgés intoxiqués depuis long-temps, les crises étant souvent liées à des lésions anatomiquesavec atrophie cérébrale d’abord frontale puis plus diffuse.Outre le sevrage qui est la mesure thérapeutique essentielle,est-il indispensable d’envisager un traitement surtout dansla deuxième forme ? On sait que souvent ces vieux buveursne prennent pas plus leur traitement qu’ils n’interrompentleur intoxication. De plus un arrêt brutal de la thérapeu-tique peut entraîner des crises de sevrage. La décision seraprise au coup par coup.

6. Étiologies diverses• Séquelles de méningo-encéphalite, parasitoses et notam-ment cysticercose particulièrement impliquée dans certainspays notamment en Amérique Latine où certaines statis-tiques lui donnent une fréquence de près de 50 % des épi-lepsies de l’adulte.• Infection par le virus de l’immunodéficience humaine(VIH), de survenue souvent tardive et amenant à recher-cher une affection opportuniste ou un lymphome.• Affections neurologiques évolutives : sclérose en plaques,démence…• Anomalies du développement : responsables d’épilepsiessévères chez l’enfant associées à des retards psychomo-

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teurs, elles peuvent n’être diagnostiquées qu’à l’âge adultesurtout lorsque les perturbations du développement (ano-malies de la migration neuronale) sont tardives. Elles entraî-nent la formation d’hamartomes, d’hétérotopies, detumeurs neuroépithéliales dysembryoplasiques. Là aussi,la connaissance de ces anomalies tient au développementde l’IRM. La relation avec l’épilepsie doit toujours être soi-gneusement argumentée.

Épilepsies d’origine indéterminéeElles concernent surtout les épilepsies dites cryptogéniquesc’est-à-dire présumées symptomatiques, mais pour les-quelles aucune étiologie n’a pu être retenue. Au fur et àmesure des progrès de la neuroradiologie, le pourcentagede ces formes se situant actuellement entre 20 et 40 % sui-vant les statistiques, diminuera. Il est probable cependantqu’un nombre conséquent restera sans cause détectable,permettant de poser la question d’une éventuelle épilepsiepartielle idiopathique de l’adulte.

Épilepsies du sujet âgéToutes les enquêtes épidémiologiques récentes montrentque les taux d’incidence et de prévalence des crises épi-leptiques et des épilepsies remontent d’une manière trèsnette à partir de l’âge de 60-65 ans. Par rapport aux épi-lepsies de l’adulte survenant avant cet âge, on note sur leplan étiologique les éléments suivants : prépondérance del’épilepsie vasculaire ; stabilité de fréquence de l’épilepsietumorale ; net infléchissement des causes traumatiques etéthyliques ; absence d’épilepsie généralisée idiopathique ;apparition d’une nouvelle étiologie à savoir les états démen-tiels ; pourcentage moins élevé des épilepsies de causeinconnue.Il faut savoir aussi que dans 75 % des cas environ il s’agirade crises symptomatiques aiguës en rapport avec une situa-tion ou avec une affection neurologique évolutive.Cliniquement il faut rappeler la possibilité d’un état confu-sionnnel isolé d’installation brutale de longue durée, dont lediagnostic est toujours fait par l’électroencéphalographie.

TraitementTraiter un épileptique, c’est avant tout essayer de suppri-mer ses crises. La démarche la plus rationnelle est la sup-pression de leur cause lorsque cela est possible : ablationd’une lésion responsable (tumeur, malformation vascu-laire), suppression de facteurs favorisants ou déclenchantsdes crises (alcool par exemple), enfin et surtout exérèsed’une zone épileptogène.

Traitement médicalLa plupart du temps en fait, le traitement ne peut être quesymptomatique : prescription de médicaments antiépilep-tiques.

1. IndicationsLe traitement ne sera débuté que si le diagnostic est cer-tain. En cas de doute diagnostique, il faut s’abstenir car unefois le traitement prescrit, l’étiquette d’épileptique est rete-

nue avec toutes les conséquences médico-socio-profes-sionnelles qui s’y attachent.En fait, le problème essentiel est celui de l’attitude à avoiren face d’une crise inaugurale. S’il existe des facteurs (ano-malies électro-encéphalographiques évocatrices, lésionscérébrales responsables) permettant de préjuger qu’il y enaura d’autres, l’indication est absolue. Par contre, après unepremière crise strictement isolée (bilan clinique et paracli-nique normaux) et en l’absence de chiffres statistiquesconvainquants quant au risque de récurrence, il est très dif-ficile de donner une ligne de conduite univoque. Une abs-tention thérapeutique est parfaitement justifiée mais ne seradiscutée qu’en fonction de plusieurs données : âge, activitéprofessionnelle, désir du patient.

2. Quel antiépileptique choisir ?Aucune des drogues utilisées n’a de vertu curative et toutesont des inconvénients. On connaît quatre antiépileptiquesmajeurs permettant de faire face à la plupart des situationscourantes : phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine, val-proate de sodium. Le choix du médicament antiépileptiqueà prescrire en première intention repose sur les critères d’ef-ficacité et d’innocuité. Préférentiellement, carbamazépineet valproate sont privilégiés, particulièrement dans leurforme à libération prolongée. Leurs effets secondaires,notamment cognitifs, semblent limités. Le valoproate estle médicament des épilepsies généralisées mais il est aussiefficace sur les épilepties partielles notamment secondai-rement généralisées. La carbamazépine est particulière-ment indiquée dans les épilepsies partielles. Le phénobar-bital et la phénytoïne gardent de l’intérêt. Le premier a uneindication préférentielle dans les épilepsies généraliséesconvulsives ; sa longue demi-vie permet une prescriptionquotidienne unique. La phénytoïne, de maniement plusdélicat, est très efficace sur les crises partielles.Plusieurs autres produits, de commercialisation plusrécente sont un apport intéressant dans le cadre du traite-ment des épilepsies partielles pharmaco-résistantes. Ils’agit du vigabatrin, du gabapentin, de la lamotrigine (inté-ressante aussi dans le traitement des épilepsies générali-sées), du topiramate et de la tiagabine. Leurs indicationsen monothérapie ne sont pas encore définies. Beaucoupd’autres molécules sont en voie de développement.

3. Comment prescrire ?Une monothérapie de première intention est indiquée etentraîne un résultat favorable dans une majorité de cas. Unéchec justifie un essai d’une nouvelle monothérapie suivied’une bi-, voire d’une trithérapie.

4. Autour de l’ordonnanceLes implications sur la vie quotidienne seront abordées etdétaillées : règles d’hygiène de vie, pratique des sports, pro-blèmes professionnels, conduite des véhicules à moteur,contraception, grossesse.

5. Surveillance du traitementEn général il est logique de prévoir deux consultations assezrapprochées, la première visant à apprécier la tolérance duproduit et la seconde ayant pour objectif essentiel de juger

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de son efficacité. La fréquence des consultations ultérieuresva dépendre des résultats du traitement. Si l’épilepsie estaisément contrôlée, on peut les espacer à six mois ou unan, voire plus, le délai étant plus court pour les épilepsiesdifficiles à équilibrer. La pratique systématique de tracésélectro-encéphalographiques est inutile lorsque le sujet vabien. Le dosage sanguin des médicaments, s’il représenteune acquisition importante, ne se justifie que dans les cassuivants : vérification de la compliance, persistance descrises malgré un traitement bien suivi, suspicion ou exis-tence d’effets secondaires, interaction médicamenteuse.

6. Peut-on arrêter le traitement ?Deux conditions sont indispensables avant de l’envisager :l’assentiment du sujet, la disparition des crises depuis

quelques années. La normalité de l’électroencéphalo-gramme et l’absence d’étiologie péjorative pouvant sug-gérer la présence d’un foyer épileptogène évolutif sont éga-lement souhaitables. Toutes les difficultés résident enl’absence de moyens de définition de l’utilité du traitement.Après quelques années sans crise, on ne peut savoir en effets’il demeure réellement utile ou si l’évolution naturelle del’affection n’est pas spontanément favorable. Dans tous lescas, l’arrêt thérapeutique sera présenté comme un essai etla suppression sera très lentement progressive.

Traitement chirurgicalIl ne s’adresse qu’à des patients ayant une épilepsie sévèreet résistante au traitement médical et son objectif est l’exé-rèse du foyer épileptogène par la réalisation d’une cortec-

Antiépileptiques majeurs

Phénobarbital Phénytoïne Carbamazépine Valproate de sodium

• Pharmacologie pratique • Pharmacologie pratique • Pharmacologie pratique • Pharmacologique pratique. Pic plasmatique : per os 2- . Demi-vie variable : . Demi-vie : 10-25 h ; état . Demi-vie : 8-17 h ; état18 H,1M 1-4H, inutilité 2 prises par jour d’équilibre atteint en 8 à 10 d’équilibre atteint en 2 à 3d’une IM en urgence . État d’équilibre atteint en 8 jours, mais souvent baisse jours.Demi-vie très longue : une à 10 jours d’activité au 10e jour . Inhibiteur métaboliqueseule prise (vespérale) . Puissant inducteur . Inducteur enzymatique (interaction avec lepossible enzymatique (interactions (autres antiépileptiques, phénobarbital). État d’équilibre atteint en médicamenteuses nombreuses) contraceptifs) . Non inducteur2 à 3 semaines . Dose habituelle : . Interactions enzymatique : efficacité des. Inducteur en zymatique 3-5 mg/kg/j adulte médicamenteuses (ex. TAO) contraceptifs conservée : 2 àpuissant (antivitamine K, 3-4 mg/kg-/j enfant 3 prises par jour : intérêt de la 3 prises par jour : intérêt de lacontraceptifs…) . Taux sanguin « efficace » : forme à libération prolongée forme retard (1 par jour). Dose habituelle : 8-15 mg/l (2 prises par jour) . Posologie : 20-25 mg/kg/j2-3 mg/kg/j adulte . Spécialités : Dihydran, . Posologie : 10-15 mg/kg/j adulte : 25-30 mg/kg/j enfant3-4 mg/kg/j enfant Dilantin (présentation I.V.) adulte ; 15-20 mg/kg/j . Taux sanguin « efficace » ;. Taux sanguin « efficace » : enfant ; début très progressif 50-100 mg/L15-25 mg/L • Effets secondaires : . taux sanguin « efficace » : . Spécialités : Dépakine,. Spécialités : Gardénal, hypovigilance, troubles 4-10 mg/L Dépakine chrono 500.Alepsal, Aparoxal… cognitifs, hyperplasie . Spécialités : Tégrétol,

gingivale, anémie Tégrétol LP. • Effets secondaires : troubles• Effets secondaires : mégaloblastique, digestifs, tremblementHypovigilance, troubles symptomatologie cérébello- • Effets secondaires : d’attitude, prise de poids,cognitifs, excitation vestibulaire (surdosage), érythème, syndrome perte de cheveux,paradoxale chez l’enfant. érythrodermie, lymphome. d’hypersensibilité, perturbationsAnémie mégaloblastique, hyponatrémie, perturbations hématologiques, hépatiterachitisme et ostéomalacie, • Indications : épilepsies hématologiques, somnolence, aiguë.algodystrophie, maladie de généralisées en dehors des sensations d’ébriété, diplopie,Dupuytren. Exanthèmes, absences typiques, épilepsies troubles digestifs : surtout si• Indications : ++ épilepsiessyndrome d’hypersensibilité. partielles, état de mal (I.V.). la posologie n’est pas généralisées idiopathiques et

progressive. symptomatiques ;• Indications : toutes les + épilepsies partiellesformes d’épilepsies à • Indications : ++ épilepsiesl’exception des absences partielles, épilepsiestypiques et des épilepsies généralisées en dehors desgénéralisées absences.symptomatiques. Indicationpréférentielle dans lesépilepsies généraliséesconvulsives.

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• Les épilepsies de l’adulte sont plus souventpartielles que généralisées et posent souvent desproblèmes diagnostiques difficiles. Sil’interrogatoire est capital au niveau du diagnosticpositif, l’électroencéphalographie reste le seulexamen paraclinique permettant de l’argumenter.• Une fois le diagnostic affirmé, une doubledémarche s’impose : rechercher la cause, prévenirune éventuelle récidive. La survenue d’une criseépileptique à l’âge adulte pose la question del’existence d’une cause focale et nécessite uneexploration cérébrale par imagerie anatomique.

• Les étiologies sont très diverses, parfois évidentesen raison d’antécédents évocateurs (traumatismecrânien, accident vasculaire cérébral), parfoisprobables (éthylisme chronique), parfoisdécouvertes au cours du bilan neuroradiologique(tumeur cérébrale, malformation vasculairecérébrale). Les crises symptomatiques aiguës sontfréquentes chez le sujet âgé. Malgré les progrès dela neuroradiologie, il faut savoir qu’unpourcentage non négligeable d’épilepsies resterad’étiologie indéterminée.• Un traitement chronique n’est justifié que s’ils’agit bien d’une épilepsie. En face d’une premièrecrise, on ne traite systématiquement que si elletémoigne du début d’une maladie épileptique. Unesolution chirurgicale se discutera devant uneépilepsie partielle pharmaco-résistante.

Points Forts à retenir

Durand G, Jallon P. Épidémiologie et étiologies des épilepsies.Éditions techniques. Encycl Med Chir (Paris-France), Neurologie,17-045-A-35, 1994 : 10 pp.

Loiseau P, Jallon P. Les épilepsies. Paris : Masson, éditeur, 1984.

Épilepsies. Rev Prat 1990 ; 40 : 289-330.

POUR EN SAVOIR PLUS

tomie. Un bilan préopératoire est indispensable, visant àvérifier qu’il n’existe qu’un foyer unique, à délimiter l’éten-due de la zone épileptogène et à s’assurer que la cortecto-mie nécessaire à l’ablation de cette dernière n’aura pas deconséquences fonctionnelles graves. Ce bilan comporte unenregistrement vidéo-électro-encéphalographique de crisesspontanées, un bilan neuropsychologique, une imageriemédicale, des examens d’imagerie fonctionnelle. Il peutêtre complété dans un deuxième temps par un enregistre-ment stéréo-électroencéphalographique. Les résultats descortectomies sont remarquables : 55 à 60 % de succès dansles épilepsies frontales, 80 à 90 % dans les épilepsies tem-porales. ■

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Étiologie

1. Anévrisme artériel intracrânienDans 80 % des cas, l’hémorragie méningée non trauma-tique est due à la rupture d’un anévrisme.• Description : l’anévrisme est une dilatation le plus sou-vent sacciforme de l’artère, fait d’un sac et d’un collet, etsiège au niveau des bifurcations intracrâniennes des grosvaisseaux de la base du crâne. L’anévrisme s’accompagnetoujours d’une modification de la structure histologique dela paroi artérielle, avec une altération de la média et unedisparition de la couche élastique (d’où la fragilité du fonddu sac et la croissance régulière des anévrismes).• Siège : dans 90 % des cas, les anévrismes siègent sur lapartie antérieure du polygone de Willis (région de l’artèrecommunicante antérieure surtout, de l’artère sylvienne, del’artère communicante postérieure, de la terminaison caro-tidienne) ; dans moins de 10 % des cas, on les retrouve surle système artériel vertébro-basilaire ; enfin dans 20 % descas, ils sont multiples.• Terrain : c’est une pathologie de l’adulte ; rare avant 15ans, l’incidence augmente avec l’âge, favorisée en partiepar l’hypertension artérielle.

Hémorragie méningée non traumatiqueÉtiologie, diagnostic, évolution

Pr Michel DJINDJIANService de neurochirurgie, CHU Henri-Mondor, 51, av. du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex

• Les hémorragies méningées non traumatiquessont dues, à 80 %, à la rupture d’un anévrismeintracrânien, soit environ 3 000 cas par an, enFrance. Ils représentent 6 à 8 % des accidentsvasculaires cérébraux.• Elles répondent à l’irruption de sang dans les espaces sous-arachnoïdiens.• Pathologie grave, le diagnostic est évoquécliniquement puis confirmé par scanner.• Le transfert en neurochirurgie s’impose sanstarder pour pratiquer une artériographie afin de visualiser l’anévrisme, instituer le traitementmédical, et prévenir la récidive hémorragique en excluant l’anévrisme de la circulation artérielle.

Points Forts à comprendre 2. Autres causes– Dans 20 % des cas, aucune cause vasculaire décelable nepeut être retrouvée. Dans l’ensemble, ces hémorragies idio-pathiques sont moins sévères, comportent moins de com-plications, sont d’un meilleur pronostic et ne récidivent pas.– Des anévrismes d’autres origines (mycotique, dissé-quants, autres…).– Des hémorragies méningées non anévrismales (tumo-rales, au cours des diathèses hémorragiques…).– Quant aux malformations artério-veineuses, elles sai-gnent exceptionnellement dans les espaces sous-arachnoï-diens et se manifestent en règle générale par un hématomeintracrânien qui peut se rompre secondairement dans lesespaces sous-arachnoïdiens (hémorragie cérébro-ménin-gée).

Diagnostic

1. Forme typique• Le début est brutal, marqué par une céphalée intense,continue, diffuse, inhabituelle, accompagnée de vomisse-ments, le tout parfois à l’occasion d’un effort.• L’examen clinique retrouve chez un patient obnubilé etagité, un syndrome méningé, des signes d’irritation pyra-midale, un fébricule, une élévation de la pression artériellesystémique.• L’examen tomodensitométrique (SPC) confirme le dia-gnostic clinique et a supplanté la ponction lombaire tradi-tionnelle. Si l’examen tomodensitométrique n’a pu être fait,celle-ci est indiquée ; elle ramène un liquide uniformémentrosé ou rouge dans les 3 tubes, éliminant une piqûre vas-culaire. L’examen tomodensitométrique détecte la présencede sang en intracrânien et son importance ; il localise larupture anévrismale dans un cas sur deux ; exceptionnel-lement il peut visualiser un anévrisme géant.Il apprécie enfin la taille du système ventriculaire pourdépister une éventuelle hydrocéphalie.• Artériographie : le diagnostic confirmé (par ponctionlombaire ou examen tomodensitométrique) impose le trans-fert, en urgence, en milieu neurochirurgical pour la pra-tique d’une artériographie.Réalisée idéalement dans les 24 heures qui suivent l’hé-

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liquide xantho-chromique).

Diagnosticdifférentiel

Le problème estessentiellementposé par lesformes frustres etles hémorragiesméningées trau-matiques dans lescas avec perte deconnaissance oucomitialité.On sera parfoisamené après examen tomodensitométrique et ponctionlombaire à aller jusqu’à pratiquer une artériographie.

Évolution

1. Complications liées à l’anévrismeLe resaignement est la cause majeure de mortalité et demorbidité des hémorragies méningées. Il est imprévisible,et peut se produire dès le premier jour. À 30 jours le risqueest de 35 % avec une mortalité de 50 % ; à 6 mois, il est de50 % avec une mortalité de 70 %.Ces chiffres montrent bien la nécessité d’une prise encharge thérapeutique la plus rapide possible.

2. Complications liées à l’hémorragie méningée• L’hydrocéphalie : elle témoigne d’un blocage des citernesde la base du crâne par l’hémorragie avec le reflux duliquide céphalo-rachidien hémorragique, dans le systèmeventriculaire, mais aussi de l’obstruction des granulations

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H É M O R R A G I E M É N I N G É E N O N T R A U M A T I Q U E

morragie, celle-ci explorera la totalité de l’encéphale (arté-riographie dite des 4 axes), même si la localisation tomo-densitométrique de l’anévrisme a pu être suspectée (en rai-son des anévrismes multiples). Elle permet de confirmerle diagnostic, d’apprécier l’aspect de l'anévrisme, l’état del’artère porteuse, pour décider de la tactique thérapeutiqueà adopter et sa date.• Autres examens complémentaires : ils évaluent les consé-quences systémiques de l’hémorragie en même tempsqu’ils précisent l’état préthérapeutique du patient.• La numération des globules blancs : l’élévation est pro-portionnelle à la sévérité de l’hémorragie et est aspécifique ;ils peuvent atteindre 10 à 12 000 ou plus.• L’électrocardiogramme : les modifications du rythmecardiaque sont également fréquentes et aspécifiques ; cer-taines peuvent même simuler une ischémie myocardique.• Une exploration de la coagulation et un bilan biologique.• Le doppler transcrânien, enfin, qui étudie la vitesse cir-culatoire moyenne et permet de dépister un éventuel vasos-pasme. Il est surtout utilisé en période postopératoire ouchez les patients transférés avec retard.

2. Formes cliniques– Forme comateuse d’emblée, évoquant une hémorragieméningée importante avec hydrocéphalie ou une hémorra-gie cérébrale associée.– Forme fruste.– Forme trompeuse, à début comitial.– Forme avec atteinte oculomotrice du nerf moteur ocu-laire commun (IIIe paire) qui évoque d’emblée un ané-vrisme de l’artère communicante postérieure.– Forme spinale, débutant par une violente douleur rachi-dienne évoquant une malformation vasculaire spinale, rare.– Formes diagnostiquées tardivement (20 % des cas), ou àl’occasion d’une complication ischémique, hydrocépha-lique, ou d’une récidive hémorragique (l’examen tomo-densitométrique peut être moins probant, le sang com-mençant à se lyser, mais la ponction lombaire révélera un

Examen tomodensitométrique :hémorragie méningée diffuse de la basedu crâne (vallées sylviennes, scissureinter-hémisphérique) et hydrocéphaliepar stase liquidienne (au niveau des ven-tricules latéraux).

1Anévrisme artériel dit de l’artère com-

municante antérieure. L’anévrisme appa-raît entre les deux artères cérébrales anté-rieures.

2Même cas. Traitement endovasculaire

par « coils », clichés de 3/4.

3

Anévrisme sylvien gauche (->) avecspasme important au niveau de l’artèresylvienne porteuse mais aussi à distance(artères carotide interne et cérébrale anté-rieure (––>), clichés de 3/4.

4

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Neurologie

de Pacchioni qui empêchent la résorption correcte duliquide céphalo-rachidien dans le sinus longitudinal supé-rieur. Elle peut survenir aussi bien dans les premières heuresque dans les premiers jours ; à l’inverse elle peut se consti-tuer tardivement et se comporter comme une hydrocépha-lie chronique active. L’examen tomodensitométriquemontre une augmentation de la taille des ventricules.• L’ischémie cérébrale par vasospasme : elle apparaîtd’une manière retardée (après le 5e jour), généralementassociée à une hémorragie méningée importante. Elle semanifeste par un déficit neurologique focalisé, des troublesde la conscience, une température oscillante.L’examen tomodensitométrique permet d’éliminer uneautre cause (un resaignement en particulier) et de décou-vrir (quelques jours plus tard) une hypodensité dans le ter-ritoire de l’artère porteuse de l’anévrisme, mais aussi quel-quefois dans des territoires plus distants (ischémie focaleou diffuse).Le doppler transcrânien révèle une accélération importantede la vitesse circulatoire dans le territoire suspecté.

Pronostic

L’hémorragie méningée par rupture d’anévrisme intracrâ-nien est une pathologie grave, car seulement deux tiers despatients reviendront à un état proche de la normale.Le pronostic dépend :– de l’âge et de l’état clinique du patient lors de son hos-pitalisation ;– de l’importance de l’hémorragie diagnostiquée à l’exa-men tomodensitométrique ;– de la présence d’une complication évolutive (tomoden-sitométrie, doppler) ;– de la présence d’un anévrisme et alors, de sa topographieet de sa taille (artériographie).

Principes du traitement

La prise en charge de l’hémorragie méningée doit être pré-coce pour éviter le resaignement et prévenir les complica-tions ischémique et hydraulique de la maladie.

1. Prévention de la récidive hémorragiqueC’est exclure l’anévrisme de la circulation artérielle par 2techniques possibles actuellement :• La chirurgie classique, qui aborde sous microscope,l’anévrisme par voie extracérébrale et qui l’exclut de façondéfinitive, en posant un clip sur son collet.• Depuis quelques années, une alternative est réalisée parvoie endovasculaire, au cours de l’artériographie, par lamise en place, à l’aide d’une sonde montée, de petits res-sorts (« coils ») qui remplissent la lumière de l’anévrisme.

• Les hémorragies méningées non traumatiquessont évoquées cliniquement du fait de leur tableaucaractéristique et confirmées par un examentomodensitométrique.• Elles doivent être transférées, immédiatement, enmilieu neurochirurgical pour y subir uneartériographie.• L’anévrisme intracrânien, cause essentielle de ceshémorragies, doit être traité rapidement parchirurgie ou par voie endovasculaire.• L’évolution spontanée se faisant, sinon, vers larécidive hémorragique et (ou) se compliquantd’ischémie par vasospasme ou d’hydrocéphalie.• Le pronostic est fonction de la gravité du tableauclinique initial, et de l’âge du patient ; seulementdeux tiers de ceux-ci reviendront à un état prochede la normale après traitement.

Points Forts à retenir

Hémorragies méningées et anévrismes intracrâniens.

Castel JP, Loiseau H. Collection Scientifique Bayer Pharma.

POUR EN SAVOIR PLUS

Les indications du traitement endovasculaire sont actuel-lement limitées à certaines formes d’anévrismes et à deslocalisations précises ; en outre, le recul est encore insuf-fisant pour valider cette technique définitivement.

2. Traitement des complications• L’hydrocéphalie aiguë nécessite la pose immédiate d’unedérivation ventriculaire externe, dès son diagnostic établiau scanner, avant même toute artériographie.• Le vasospasme doit être prévenu pour éviter la chute dudébit sanguin cérébral, prélude à une ischémie cérébraleretardée. Le traitement repose sur la correction de l’hypo-volémie par des inhibiteurs calciques associés à un solutéde remplissage.

3. Problèmes médicaux essentiels associés• L’hypertension artérielle, fréquemment existante avantl’hémorragie ou associée, peut favoriser une re-rupture. Sacorrection doit néanmoins être prudente et progressive pourne pas précipiter une ischémie cérébrale.• L’épilepsie précoce peut être traitée par des médicamentsanti-comitiaux à action rapide qui seront interrompues à lafin de l’hospitalisation ou à court terme. ■

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NeurologieB 225

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1. Équilibre des volumes

Il obéit à la loi de Monro (1783) précisée plus tard(1824) par Kelly (où V = volume) :

L’hypertension intracrânienne est le syndrome cliniqueen relation avec l’élévation de la pression intracrâniennequelle que soit sa cause. Pour être reconnue, elle imposeun diagnostic des causes précoce, entraînant un traite-ment rapide car elle évolue pour son propre compte,mettant en jeu le pronostic vital et fonctionnel.

Physiopathologie

Pression intracrânienne normale

Il existe à l’intérieur du crâne, ou plus exactement dansl’enceinte craniorachidienne, une pression qui est larésultante de plusieurs phénomènes en équilibre.

Hypertension intracrâniennePhysiopathologie, diagnostic, traitement d’urgence

PR Jacques BRUNON

Service de neurochirurgie, CHU, hôpital de Bellevue, 42055 Saint-Étienne Cedex.

• Le crâne est une enceinte fermée à l’intérieur de laquelle règne une pression(pression intracrânienne : PIC) de l’ordre de 10 mmHg maintenue dans les limites physio-logiques par plusieurs systèmes de régulation.

• L’augmentation de volume de l’un des secteursintracrâniens physiologiques et (ou) l’apparition d’un volume supplémentaire(processus expansif) mettent en jeu des systèmes de régulation qui peuvent êtredépassés, ce qui est à l’origine de l’hypertensionintracrânienne (HIC).

• L’hypertension intracrânienne entraîne des signes cliniques spécifiques qui s’ajoutent à et (ou) modifient ceux de la pathologie initiale.

• Elle évolue pour son propre compte, générantdes séquelles propres et met en jeu le pronosticvital par le biais des phénomènes d’engagement.

• Elle impose un diagnostic positif et étiologiquerapide.

• Le traitement est avant tout étiologique, maisaussi symptomatique dans les formes graves.

Points Forts à comprendre

V crânien = V parenchyme + V liquide céphalorachidien + V sanguin = constante

Le crâne est inextensible chez l’adulte. Chez l’enfant,avant la fermeture des fontanelles et la soudure dessutures, il peut se distendre, ce qui retarde l’apparitiondes signes cliniques remplacés par une augmentationrapide du périmètre crânien. Sur le plan pratique, il fautconsidérer l’enceinte craniorachidienne dans sonensemble : le crâne communique par le trou occipital(foramen magnum) avec le canal rachidien où la dure-mère est extensible car située à distance des paroisosseuses par l’intermédiaire de l’espace extradural rem-pli par de la graisse et des veines qui sont compressibles.Le cerveau peut être assimilé à un matériel viscoélas-tique pratiquement incompressible dans les conditionsphysiologiques, son volume est susceptible de diminuerpar déshydratation.Le sang est incompressible mais le volume du lit vascu-laire est susceptible de variations physiologiques impor-tantes et rapides : l’expansion systolique liée au poulscérébral et la vasomotricité active du secteur artériel.Le liquide céphalorachidien représente un volume d’en-viron 140 mL dont 40 dans les ventricules et 100 dansles espaces sous-arachnoïdiens péricérébraux et périmé-dullaires. Sa sécrétion au niveau des plexus choroïdesest relativement constante et égale à 0,3 mL/min. Il existeune circulation des sites de production vers les sites derésorption situés le long du sinus longitudinal supérieur.Il est résorbé par les villosités arachnoïdiennes et lesgranulations de Pacchioni qui se comportent comme desvalves à seuil et ne résorbent le liquide céphalorachidienqu’au-delà d’un certain niveau de pression. Il existe desvoies de résorption accessoires (à travers l’épendyme etau niveau du cul-de-sac dural) en cas de défaillance desvoies principales.

2. Équilibre des pressions L’équilibre doit se maintenir entre la pression du liquidecéphalorachidien, réglée par la pression d’ouverture desgranulations de Pacchioni et des villosités arachnoï-diennes ; la pression veineuse dans les sinus duraux,

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réglée par la pression veineuse centrale, et la pressionartérielle, qui n’est pas intégralement transmise caramortie par les parois artérielles qui ont une résistanceélastique propre.

3. Équilibre des débits L’équilibre doit exister entre le débit d’entrée (débit desécrétion) du liquide céphalorachidien et le débit de sortie(débit de résorption) : la résorption doit être égale à lasécrétion, les voies de circulation doivent être libres, etentre débit artériel et veineux qui doivent être stablesavec toutefois des possibilités de compensation physio-logique au niveau du volume sanguin.Tous ces phénomènes créent une pression intracrâniennedont la valeur moyenne normale est de l’ordre de 10mmHg. Elle varie selon les lois de l’hydrostatique, laposition de la tête dans l’espace modifie la pressionintracrânienne, en position verticale, la pression duliquide céphalorachidien au niveau du cul-de-sac lom-baire est plus élevée que la pression intracrânienne.Il existe un pouls cérébral avec une onde systolo-diasto-lique reproduisant la tension artérielle variant entre 6 et12 mmHg. Des variations physiologiques de la pressionintracrânienne se produisent en fonction des mouve-ments respiratoires et des variations de la pression vei-neuse centrale : la pression intracrânienne s’élève lorsde l’expiration et s’abaisse lors de l’inspiration en fonc-tion de la toux, des efforts, de l’épreuve de Valsalva quiinduisent une élévation ; enfin elle s’élève pendant lesommeil paradoxal en même temps que le débit sanguincérébral (DSC).

Origine de l’hypertension intracrânienne

Elle est la conséquence de 2 mécanismes principaux.

1. Augmentation d’un des volumes physiologiques• L’augmentation du volume du liquide céphalo-rachidien peut être la conséquence :– d’une hypersécrétion, mais cette étiologie n’est qu’ex-ceptionnellement rencontrée dans certaines variétés detumeurs hypersécrétantes (papillome des plexus choroïdes)et encore dans ce cas souvent associée à un blocage ;– d’un défaut de résorption par pathologie des granula-tions de Pacchioni ou de villosités arachnoïdiennes,mais il s’agit en général d’un phénomène lent permet-tant le développement de sites de résorption accessoiresaboutissant à une hydrocéphalie chronique à pressionnormale. L’exceptionnel syndrome d’hypertensionintracrânienne « bénigne » relèverait de cette étiologie ;– d’un blocage des voies de circulation, rendues étroitespar un processus tumoral ou inflammatoire. La consé-quence est une hypertension intracrânienne par hydro-céphalie obstructive en amont de l’obstacle.• L’augmentation du volume du parenchyme cérébralest essentiellement la conséquence d’un œdème céré-bral, diffus ou localisé, dont les causes sont multiples(tumeurs, inflammation, ischémie…).

• L’augmentation du volume sanguin cérébralest laconséquence soit d’une stase veineuse soit d’une hyper-tension artérielle avec vasoplégie. Outre l’augmentationde volume sanguin, ces symptômes s’accompagnentd’une augmentation de la pression intravasculaire.

2. Apparition d’un volume supplémentairepathologique C’est un processus expansif quelle que soit sa nature :tumeur, abcès, hématomes… L’apparition d’un volume supplémentaire peut entraînerune modification des volumes physiologiques : untrouble de la circulation du liquide céphalorachidienavec hydrocéphalie d’amont ou un œdème cérébral réac-tionnel.Le plus souvent plusieurs de ces mécanismes sont plusou moins associés ; les examens complémentaires doi-vent dans la mesure du possible en faire l’analyse pourdéterminer le traitement le plus adapté : ablation du pro-cessus expansif, drainage du liquide céphalorachidien,traitement médical de l’œdème cérébral.

Moyens de lutte contre l’hypertensionintracrânienne

Ces phénomènes mettent en jeu 3 mécanismes de régu-lation de la pression intracrânienne : tant qu’ils sont efficaces, l’hypertension intracrânienne est dite com-pensée ; quand ils sont dépassés, l’hypertension intra-crânienne est dite décompensée.

1. Vases d’expansion• Leur rôle est essentiellement de chasser du liquidecéphalorachidien vers les espaces périmédullaires :lesvariations physiologiques du volume intracrânien liéesaux variations de la tension artérielle et aux variationsde la pression intrathoracique sont compensées par cemécanisme. Celui-ci suppose la liberté des voies de cir-culation, et devient inefficace en cas d’engagement oude malformation de la charnière craniorachidienne (mal-formation d’Arnold-Chiari) qui réalise un obstacle auniveau du trou occipital. Ce mécanisme suppose aussiqu’il y ait un volume de liquide céphalorachidien dispo-nible, il disparaît quand les ventricules cérébraux sontvides (ventricules fentes).• Les vases d’expansion assurent la vidange des veinescortico-duraleschassant un volume sanguin équivalent,ce qui suppose la perméabilité des veines de drainage(qui peuvent être obstruées en cas de phlébite cérébrale)et a des effets qui ne sont pas toujours favorables :– la vidange entraîne une élévation des résistances vas-culaires périphériques, donc une chute du débit sanguincérébral ;– en cas d’hypertension intracrânienne, il se produit uneélévation de la tension artérielle (effet Cushing) qui,combinée à l’écrasement des veines tend à augmenter levolume sanguin cérébral et entraîne une chute du débitsanguin cérébral.

H Y P E R T E N S I O N I N T R A C R Â N I E N N E

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Conséquences de l’hypertension intracrânienne

1. Relation pression-volume

Tant qu’elle est compensée l’hypertension intracrâniennen’a pas de conséquence grave, elle peut même êtreasymptomatique.Mais la décompensation est rapide, le mode d’élévationde la pression intracrânienne dépend de la vitesse d’appa-rition du volume supplémentaire comme montré expéri-mentalement :• en gonflant un ballonnet dans l’espace extra- ousous-dural,la pression intracrânienne évolue en 2 phases :– la première où la compliance du système est élevée.D’importantes variations de volume entraînent defaibles variations de pression, la compensation se faitpar fuite de liquide céphalorachidien ;– la seconde où la compliance du système est faible. Depetites variations de volume entraînent d’importantesvariations de pression, la compensation implique lesphénomènes vasculaires ;– la limite entre ces deux phases correspond aux phéno-mènes d’engagement (blocage des voies de circulationdu liquide céphalorachidien) ;• en injectant à débit constant un volume de liquide sup-plémentaire dans les espaces sous-arachnoïdiens, onobtient 2 types de réponse en fonction du débit d’infusion :– si le débit est faible (moins de 2 cm3/min), la pressionintracrânienne s’élève jusqu’à un plateau d’équilibre ; à cette nouvelle valeur de pression intracrânienne larésorption est égale à la sécrétion physiologique aug-mentée du débit supplémentaire, les villosités ne sontpas saturées ;– si le débit est plus élevé, la courbe pression-volumeest monophasique car les systèmes de résorption sontd’emblée saturés.

2. Résorption de liquide céphalorachidienLes sites de résorption augmentent leurs capacités enfonction de la pression intracrânienne, la résorptiondébute par une pression d’ouverture voisine de la pres-sion intracrânienne physiologique, le débit de résorptioncroît de façon proportionnelle à la pression intracrânienne.De grands volumes sont disponibles (éventuellementtout le liquide céphalorachidien intracrânien). Ce méca-nisme est dépassé quand tout le liquide céphalorachi-dien est résorbé (ventricule fente).Comme pour la chasse du liquide céphalorachidien versles vases d’expansion, ce mécanisme suppose la librecirculation du liquide vers les sites de résorption.Les voies de résorption accessoires peuvent être misesen jeu quand les voies normales sont obstruées : résorp-tion transépendymaire, d’autant plus efficace que la surface ventriculaire est augmentée en cas d’hydro-céphalie. On peut même aboutir à un nouvel équilibre :après une phase d’hypertension intracrânienne qui dilateles ventricules, la résorption transventriculaire équilibrela sécrétion du liquide céphalorachidien (hydrocéphaliechronique ou arrêtée).

3. Diminution du volume du parenchyme cérébralC’est la conséquence d’une déshydratation du paren-chyme par vidange des espaces extracellulaires. C’est lemécanisme le plus efficace qui peut mobiliser desvolumes importants mais qui a une constante de tempstrès longue. Elle explique que de très grosses lésionsd’évolution lente (méningiomes, hématomes sous-duraux chroniques…) n’entraînent pas habituellementd’hypertension intracrânienne alors que des lésions pluspetites, d’installation rapide (hématomes aigus, ramol-lissements œdémateux…) peuvent entraîner des hyper-tensions intracrâniennes sévères parfois mortelles.

Neurologie

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Pression intracrânienne

Volume

Engagement

Arrêt circulatoirequand PIC = PPC

DV/DP (compliance)élevée, régulation efficace

DV/DP basse,régulation inefficace

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En injectant un bolus de quelques millilitres de sérumphysiologique, on entraîne une brutale élévation de lapression intracrânienne qui revient rapidement à savaleur de départ (comme lors de la toux ou de l’épreuvede Valsalva).

2. Phénomènes d’engagementL’engagement est la hernie, sous l’effet de l’hyperten-sion intracrânienne, d’une partie de l’encéphale à traversles orifices ostéo-duraux physiologiques de la boite crâ-nienne. Il est le stade terminal de toute hypertensionintracrânienne non traitée mettant en jeu le pronosticvital et fonctionnel et imposant des mesures thérapeu-tiques urgentes.• Plusieurs types anatomiques :– engagement sus-calleux pour les lésions hémisphé-riques focalisées. L’hémisphère s’engage entre la fauxdu cerveau et le toit du corps calleux ;– engagement temporal pour les lésions hémisphériquesfocalisées. La partie interne du lobe temporal s’engage àtravers le foramen de Pacchioni entre le bord libre de latente du cervelet et la face latérale du tronc cérébral ;– engagement central de haut en bas à travers l’orificede la tente du cervelet pour les lésions hémisphériquesdiffuses ;– engagement amygdalien phase terminale de toutes leshypertensions intracrâniennes, les amygdales cérébel-leuses franchissent le trou occipital.• Les conséquences des engagements sont multiples :– compression mécanique directe des structures enga-gées (diencéphale, pédoncule cérébral, bulbe). Lesconséquences sont sévères expliquant les signes cli-niques de souffrance du tronc cérébral ;– compression mécanique directe des éléments vasculo-nerveux traversant l’orifice ostéo-dural correspondant,en particulier, au niveau de la fente de Bichat : nerfmoteur oculaire commun responsable d’une mydriaseou d’une atteinte mixte, extrinsèque et intrinsèque, de lamotricité oculaire ; artère cérébrale postérieure avecinfarctus ischémique de certains noyaux gris centraux etdu lobe occipital ;– brutale élévation de la pression intracrânienne par blocage des voies de circulation du liquide céphalo-rachidien entre le crâne et les citernes périmédullaires.

3. Retentissement sur le débit sanguin cérébral Le débit sanguin cérébral obéit à la loi générale d’Ohm(où P = pression de perfusion cérébrale et R = pressionintracrânienne augmentée des résistances vasculaires) :

Débit sanguin cérébral = P/R

• En cas d’hypertension intracrânienne :– dans un premier temps, le débit sanguin cérébral estmaintenu car la tension artérielle s’élève (effet Cushing)expliquant l’hypertension artérielle et la bradycardie quiaccompagnent toute hypertension intracrânienne. Maisce mécanisme de régulation a un effet pervers : il aug-mente le volume sanguin cérébral par vasodilatation ;

de plus l’hypertension intracrânienne entraîne une com-pression des veines cortico-durales ; – dans un second temps, le débit sanguin cérébral s’ef-fondre avec ischémie cérébrale d’abord fonctionnellepuis lésionnelle, en fonction de l’index de perfusioncérébrale (I = pression intracrânienne/tension artérielle).Les conséquences de cette ischémie sont graves : possi-bilité de séquelles propres après guérison de l’engage-ment et au pire arrêt circulatoire cérébral responsable del’évolution vers le coma dépassé.

Diagnostic positif

Hypertension intracrânienne compensée

Elle peut être totalement latente et révélée par ses com-plications oculaires : baisse de l’acuité visuelle par atro-phie optique secondaire ou diplopie horizontale parparalysie des deux nerfs moteurs oculaires externes.Elle peut être de découverte fortuite lors de la réalisationde radiographies du crâne ou d’un examen du fond d’œil.Le plus souvent elle se manifeste par des céphaléesbanales sans valeur d’orientation diagnostique.

Hypertension intracrânienne décompensée

1. Signes fonctionnels

C’est la forme clinique habituelle qui associe une triadeévocatrice.• Les céphaléessurviennent chez un patient jusque-làindemne de passé céphalalgique ou sont différentes descéphalées habituelles. Elles sont surtout matinales ounocturnes, s’aggravant progressivement et classique-ment insensibles aux antalgiques habituels sauf au début de leur évolution. Elles sont exagérées par lesefforts, la toux et la défécation, soulagées par les vomis-sements. Elles sont peu caractéristiques, continues ou pulsatiles, àtype de serrement ou de tension. Elles peuvent parfoisêtre entrecoupées de phase d’aggravation faisantcraindre la menace d’un engagement.Leur topographie est indépendante de la localisation dela lésion initiale : bifrontale, diffuse ou bi-occipitaleplus rarement unilatérale.• Les vomissementssurviennent au maximum des accèscéphalalgiques et les calment, sans rapport avec lesrepas, ils sont habituellement en jet et s’effectuent sanseffort. Ils sont parfois déclenchés par certaines positionsde la tête.Au début, ils sont remplacés par un simple état nauséeuxdifficile à rattacher à sa cause. Ils peuvent simuler, sur-tout chez l’enfant, une pathologie abdominale.• L’obnubilation se traduit par une bradypsychie, une pertede l’initiative, un défaut d’attention, une lenteur d’idéationet une tendance à la somnolence. Dans les formes sévères,il peut exister une stupeur ou un coma vigil.

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– des troubles respiratoires centraux : bâillements, sou-pirs, pauses respiratoires ou dyspnée de Cheyne-Stokes ;– un myosis bilatéral et un regard de poupée ;– une rigidité de décortication, une hypertonie opposi-tionnelle et une préhension pathologique.• Au stade tardif,on aboutit à :– un coma vigil ;– une hyperventilation neurogène ;– une mydriase bilatérale et une abolition du réflexephotomoteur, une disparition du regard de poupée ;– une rigidité de décérébration bilatérale

4. Engagement amygdalien• Au stade précoce,on observe :– un accès de torticolis ;– une rigidité de la nuque ;– des crises toniques postérieures de Jackson.• Le stade tardif, le plus grave, est rapidement mortel enl’absence de thérapeutique urgente :– troubles de conscience graves avec coma profond oucoma carus ;– hypertonie des 4 membres et rigidité de décérébrationbilatérale ;– arrêt respiratoire ;– bradycardie et arrêt cardiaque ;– pupilles en mydriase bilatérale ou en position intermé-diaire aréactive.Certaines malformations congénitales de la jonctionbulbo-médullaire (malformation de Chiari) ou certainestumeurs du trou occipital qui compriment le bulbe réali-sent une sémiologie d’engagement chronique des amyg-dales cérébelleuses et peuvent se révéler par des dou-leurs de la nuque, des accès de torticolis ou des crisestoniques postérieures de Jackson.

Examens complémentaires

1. Ponction lombaire

Elle est en principe contre-indiquée (risque d’engage-ment), elle peut parfois être réalisée quand on suspecteune pathologie méningée. Dans ce cas, elle doit êtrefaite avec précaution en milieu neurochirurgical, aprèspréparation par les anti-œdémateux, en décubitus latéralet il ne faut retirer que très peu de liquide céphalorachi-dien.

2. Examen du fond d’œilAu début, c’est une simple stase papillaire avec dilata-tion veineuse, puis s’installe un véritable œdème sous laforme d’un exsudat rétinien compliqué ultérieurementd’hémorragies.L’acuité visuelle reste normale à ce stade mais, si l’hypertension intracrânienne n’est pas traitée, l’œdèmepapillaire évolue pour son propre compte vers l’atrophieoptique secondaire (à l’hypertension intracrânienne),responsable d’une baisse de l’acuité visuelle irréversiblepouvant aller jusqu’à la cécité. Elle s’oppose à l’atro-phie optique primaire (sans œdème papillaire préalable)

• Il peut exister des signes d’accompagnementtels quedes vertiges et des troubles de l’équilibre.

2. Examen clinique Il n’existe pas de signes spécifiques de l’hypertensionintracrânienne en dehors de la diplopie horizontale parparalysie des deux nerfs oculaires externes et (ou) unebaisse de l’acuité visuelle en relation avec les complica-tions oculaires. Lorsque des signes neurologiques de localisation sontmis en évidence, ils sont en rapport avec la cause ; aucontraire l’hypertension intracrânienne peut masquercertains signes de localisation rendant le diagnostic de lacause difficile.Il existe souvent une hypertension artérielle et une bra-dycardie.Chez le nourrisson, avant la fermeture des fontanelles etdes sutures, l’hypertension intracrânienne entraîne uneaugmentation du périmètre crânien.

Hypertension intracrânienne compliquée : les accidents d’engagement

De nos jours, grâce à la généralisation des moyensd’imagerie moderne, il est exceptionnel que ces acci-dents fassent suite à une période d’hypertension intra-crânienne méconnue, ils sont parfois annoncés par desprodromes : accès de céphalées aiguës avec raideur de lanuque, hypertonie axiale et vomissements plus abon-dants (crises toniques postérieures de Jackson). Ils sontparfois provoqués par des actes diagnostiques et (ou)thérapeutiques intempestifs : ponction lombaire…Ils sont le mode de révélation habituel des hypertensionsintracrâniennes aiguës post-traumatiques ou vasculaires.

1. Engagement sous la faux (engagement sus-calleux)Il n’a pas de traduction clinique et s’observe exclusive-ment sur les examens complémentaires qui mettent enévidence un déplacement de la ligne médiane (autrefoisdéviation de l’écho médian), déplacement de l’artèrecérébrale antérieure sur les artériographies, déplacementde la ligne médiane sur les scanners ou les imageries parrésonance magnétique.C’est un des signes indirects les plus importants surl’imagerie médicale et le premier à rechercher quand onsuspecte une tumeur hémisphérique.

2. Engagement temporalIl associe des troubles de conscience à type de comaprofond ; une mydriase unilatérale du côté de la lésion ;des signes de décérébration spontanés ou provoqués ducôté opposé à la mydriase et des troubles neurovégéta-tifs tels la bradycardie et l’hypertension artérielle, despauses respiratoires.

3. Engagement central • À un stade précoce,on constate :– des troubles de la vigilance avec somnolence et dimi-nution de la réactivité ;

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qui a la même traduction clinique, et qui est la consé-quence de la compression mécanique directe du nerfoptique.L’œdème papillaire est habituellement bilatéral et grossiè-rement symétrique, mais il peut être unilatéral ou asymé-trique ; dans certains cas de tumeurs frontales peut appa-raître le syndrome de Foster-Kennedy associant un œdèmepapillaire d’un côté avec atrophie optique de l’autre (detype primitif) par compression d’un nerf optique.Mais l’œdème au fond d’œil est un signe inconstant : ilest plus rare chez le sujet âgé, il s’installe avec un délaide quelques jours, il est absent en cas d’hypertensionintracrânienne d’installation rapide (aucun intérêt parexemple dans la surveillance d’un traumatisme crânien).

3. Radiographie simple du crâne

Elle est rarement réalisée de nos jours depuis la généra-lisation des scanners, elle est normale dans les hyperten-sions intracrâniennes récentes, elle n’est pathologiqueque dans les hypertensions intracrâniennes anciennes etchroniques surtout chez l’enfant. Elle peut montrer : une disjonction des sutures, desimpressions digitiformes de la table interne, une érosiondes clinoïdes postérieures, parfois un élargissement etune disparition de la selle turcique.

4. Enregistrement de la pression intracrânienne

Il n’est pas systématique et n’est indispensable que dansles cas difficiles et pour la surveillance de certainspatients, en particulier souffrant de comas traumatiquessévères.

5. Scanner (tomodensitométrie)

C’est le premier examen à demander quand on suspecteune hypertension intracrânienne, c’est un véritable exa-men de débrouillage. Il peut mettre en évidence des signes en relation avecl’hypertension intracrânienne : un œdème cérébralhypodense par rapport à la substance blanche, isolé oudiffus ; une dilatation ventriculaire (hydrocéphalie obs-tructive) en amont de la lésion. Il montre en général des signes en relation avec la lésionresponsable : des signes directs correspondant à la lésionelle-même, souvent mieux vue après injection intravei-neuse de produit de contraste ou des signes indirects(effet de masse) correspondant au déplacement des struc-tures anatomiques normales sous l’effet de la tumeur.

6. Imagerie par résonance magnétique (IRM)

En séquence pondérée en T1 et T2, sans et avec injec-tion d’un agent paramagnétique (gadolinium), parfoisavec des séquences spécifiques, elle donne des résultatsmorphologiques voisins de ceux du scanner mais lanature du signal est différente ce qui permet unemeilleure analyse des structures et apporte des rensei-

gnements complémentaires. L’œdème est plus facile-ment visualisé qu’au scanner.

7. Angiographie cérébrale

Elle est parfois nécessaire soit pour étudier la vasculari-sation encéphalique elle-même dans la pathologie vas-culaire, soit pour étudier la vascularisation des lésionsintracrâniennes dans la pathologie tumorale, progressi-vement l’angio-IRM et l’angioscanner remplacent l’an-giographie conventionnelle qui reste encore toutefoisl’examen de référence.

Diagnostic différentiel

Devant un œdème papillaire

La découverte d’un œdème papillaire signe en générall’hypertension intracrânienne mais il peut exister desœdèmes physiologiques chez le grand hypermétrope.Les neuropapillites peuvent simuler l’œdème papillairemais il n’y a pas dans ce cas de signes cliniques d’hypertension intracrânienne et on observe une baisseprécoce de l’acuité visuelle.La rétinopathie hypertensive peut comporter un œdèmepapillaire.Les thromboses de la veine centrale de la rétine donnentun œdème papillaire unilatéral d’installation aigu.Des anomalies congénitales du fond d’œil (druses) peu-vent simuler un œdème.

Hypertension intracrânienne compensée

Les céphalées idiopathiques comme les céphalées detension sont fréquentes et banales, en général elles sontanciennes, non évolutives et surviennent dans uncontexte particulier ; l’examen neurologique est normalcomme le fond d’œil.Les dépressions s’accompagnent souvent de céphalées,il faut tenir compte du contexte dans leur appréciation.Les migraines ont un profil sémiologique caractéristique :antécédents personnels ou familiaux, topographie unila-térale le plus souvent à bascule, caractère pulsatile etévolution par crises.Les algies vasculaires de la face ont elles aussi un profilsémiologique particulier, évoluant par crises, intéressantla face plus que le crâne. Elles s’accompagnent de mani-festations neurovégétatives dans le territoire de la caroti-de externe : larmoiement, rougeur par vasodilatation,myosis et diminution de la fente palpébrale.Les céphalées du syndrome méningé sont habituelle-ment d’installation plus rapide, et s’accompagnent d’unsyndrome méningé clinique et souvent d’un contexteinfectieux. Dans certains cas difficiles, seule la ponctionlombaire après scanner peut permettre le diagnostic.La présence de troubles digestifs peut faire suspecter

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Hypertension intracrânienne post-traumatique

L’apparition d’une hypertension intracrânienne audécours d’un traumatisme crânien traduit la constitutiond’une lésion secondaire : hématome extradural, sous-dural aigu, intracérébral ou lésions encéphaliques dif-fuses avec œdème cérébral, si le traumatisme est récent;hématome sous-dural chronique si le traumatisme estancien.• Sur le plan clinique,il s’agit d’une hypertension intra-crânienne décompensée évoluant plus ou moins rapide-ment vers un accident d’engagement en l’absence detraitement approprié.• L’interrogatoire révèle le traumatisme, l’examen neu-rologique recherche des signes de localisation qui peu-vent être absents pour certaines topographies de l’héma-tome, et des troubles de conscience.• La radiographiesimple du crâne recherche un trait defracture, et le scanner objective l’hématome hyperdenses’il est récent, iso- ou hypodense s’il est ancien.

Dans un contexte infectieux

Plusieurs éventualités sont à envisager.

1. Avec un syndrome méningéC’est un des rares cas où il faut réaliser une ponctionlombaire tout en connaissant ses risques éventuels avecle maximum de précautions : soit méningite bactérienne,plus rarement de nos jours méningite tuberculeuse austade de blocage, méningo-encéphalite virale.La ponction lombaire fait le diagnostic et en cas deméningite bactérienne isole le germe et oriente le traite-ment.

2. Avec une porte d’entrée ou un contexte d’immunodépressionHabituellement, la porte d’entrée est une suppurationchronique connue et plus ou moins bien traitée : soitsuppuration des cavités de la face ou des cavités oto-rhino-laryngées (sinusite ou otite chronique), soit sup-puration à distance : plaie infectée, suppuration osseuseou pulmonaire, infection de prothèse…L’immunodépression peut être thérapeutique : cortico-thérapie au long cours, immunosuppresseurs ou acquisedans le cadre du sida.L’hypothèse d’un abcès cérébral doit être évoquée et ondistingue :• les abcès de contiguïté,au contact du foyer infectieuxoto-rhino-laryngé ou stomatologique, volontiers uniqueet en relation avec une ostéite de la base du crâne, unebrèche ostéo-méningée, et (ou) une phlébite cérébrale ;• les abcès métastatiquesà distance du foyer initial, sou-vent multiples, par un mécanisme septicémique ou bac-tériémique.Le diagnostic est suspecté par le scanner, confirmé parla ponction de la lésion, guidée par échographie, scannerou mieux en conditions stéréotaxiques.

une pathologie abdominale.

Accidents d’engagement

Les mêmes tableaux cliniques peuvent être induits pardes lésions primitives du tronc cérébral, du trou occipi-tal ou du rachis cervical supérieur, mais les examenscomplémentaires redressent rapidement le diagnostic.Les syndromes méningés graves avec troubles deconscience posent les problèmes pratiques les plus diffi-ciles car dans l’hypothèse d’une pathologie infectieuseune ponction lombaire est obligatoire pour confirmer lediagnostic avant toute décision thérapeutique.

Diagnostic des causesIl repose sur des arguments cliniques : antécédents,contexte général et examen neurologique à la recherchede signes de localisation et examens complémentaires.

Hypertension intracrânienne « bénigne »

Le terme « bénigne » désigne des hypertensions intra-crâniennes non tumorales ne se compliquant pas d’acci-dents d’engagement dont le pronostic est dominé exclu-sivement par les complications oculaires avec risqued’installation d’atrophie optique secondaire.La plupart du temps, l’hypertension est idiopathique etpourrait correspondre à une pathologie des villositésarachnoïdiennes entraînant un trouble de la résorptiondu liquide céphalorachidien. Dans cette éventualité, ils’agit le plus souvent de femmes jeunes et obèses. Elle peut s’observer au décours de certains traitementsen particulier une corticothérapie au long cours pour uneautre pathologie. Ce syndrome peut parfois être révélateur d’une phlébitecérébrale silencieuse asymptomatique ou d’une fistuleartério-veineuse méningée spontanée responsable d’hypertension intracrânienne par hypertension veineuseintracrânienne. Ce tableau s’observe aussi exceptionnellement dans lecadre des tumeurs bénignes géantes de la queue de che-val, responsable d’une hyper-albuminorachie importantegênant la résorption du liquide céphalorachidien.Sur le plan clinique, il s’agit d’une d’hypertension intra-crânienne compensée révélée par quelques céphaléesbanales et la découverte d’un œdème au fond d’œil ouune baisse de l’acuité visuelle. L’examen neurologiqueest normal en dehors des signes ophtalmologiques.Le scanner est évocateur en montrant l’absence de toutelésion expansive et des petits ventricules (ventriculesfentes). L’imagerie par résonance magnétique n’apportepas d’éléments supplémentaires.L’angiographie cérébrale recherche une thrombose sinu-sienne ou une fistule artério-veineuse.Non traitée, elle évolue vers la cécité par atrophieoptique secondaire.

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Dans le même contexte de suppuration chronique, unepossibilité existe de phlébite cérébrale.

3. En l’absence de tout contexte étiologiqueL’abcès cérébral reste l’hypothèse la plus probable : ilexiste des abcès primitifs (dont la porte d’entrée n’estpas retrouvée ou retrouvée qu’a posteriori), outre lesétiologies ci-dessus rechercher un court-circuit artério-veineux pulmonaire (angiome) ou cardiaque (shuntdroite gauche).Si le scanner élimine un abcès, une possibilité d’encé-phalite virale peut être diagnostiquée sur la ponctionlombaire.

Hypertension intracrânienne d’originevasculaire

Dans ce cas, l’hypertension intracrânienne est d’instal-lation brutale et peut s’accompagner d’emblée de signesd’engagement.

1. Hémorragies méningéesUne hypertension intracrânienne peut compliquer leshémorragies méningées graves par le biais d’une hydro-céphalie aiguë. Le scanner confirme le diagnostic en montrant outrel’hyperdensité spontanée des citernes de la base, unehydrocéphalie et souvent une inondation ventriculaire.Dans cette hypothèse, on doit rechercher la malfor-mation vasculaire responsable par une angiographiecérébrale.

2. Hémorragies cérébralesL’hypertension intracrânienne est dans ce cas sous ladépendance du volume de l’hématome.Le diagnostic est suspecté sur le contexte étiologique :hypertension artérielle, maladies hémorragipares, traite-ments anticoagulants au long cours, mais il existe deshématomes spontanés, en dehors de tout contexte étiolo-gique, qui justifient une angiographie cérébrale à larecherche d’une malformation vasculaire.

3. Phlébites cérébralesLe diagnostic est difficile et repose sur :– le contexte étiologique : suppuration chronique devoisinage, maladie générale en particulier [collagénose,hémopathies, cancers viscéraux, maladie thrombo-embolique post-chirurgicale, prise de contraceptifsoraux et (ou) tabagisme], mais 20 à 25 % sont idiopa-thiques ;– la clinique : hypertension intracrânienne avec signesde localisations déficitaires et (ou) irritatifs volontiersbilatéraux, d’installation aiguë ou rapidement progressive ;– les examens complémentaires : scanner, angiographiecérébrale, imagerie par résonance magnétique et surtoutangio-IRM qui permet d’explorer la circulation encé-phalique sans réaliser d’artériographie ni même injecterde produit de contraste intraveineux.

4. Infarctus cérébraux

Une hypertension intracrânienne peut accompagner cer-tains infarctus cérébraux étendus avec réaction d’œdèmeperilésionnel (ramollissement œdémateux). Outre lessignes d’hypertension intracrânienne, il existe dessignes de localisation en fonction de la topographie del’infarctus.

Hypertension intracrânienne d’originetumorale

Toute hypertension intracrânienne doit faire suspecter apriori une tumeur cérébrale, elle est sous la dépendancede plusieurs facteurs : rapidité d’évolution (plus fré-quente pour les tumeurs malignes), volume de la tumeur,proximité avec les voies de circulation du liquide cépha-lorachidien entraînant leur blocage et une hydrocéphalied’amont, œdème périlésionnel, topographie de la tumeur(les tumeurs en zone non fonctionnelle se révéleront parl’hypertension intracrânienne avant de donner dessignes de localisation).Le diagnostic repose sur plusieurs facteurs.

1. L’anamnèseElle comprend :– l’âge (fréquence des tumeurs cérébrales chez l’enfant) ;– l’absence d’antécédent pathologique significatif ;– ou au contraire l’existence d’un néoplasme périphé-rique connu en particulier poumon, sein, rein… enfaveur d’une métastase cérébrale ;– le mode d’évolution rapidement progressif.

2. Examen neurologique Il recherche des signes de localisation en fonction de latopographie de la tumeur, mais ceux-ci peuvent êtreabsents pour certaines localisations. L’hypertensionintracrânienne, dans ce cas, représente toute la sémiolo-gie clinique.

3. Examens complémentairesLe scanner est le plus souvent suffisant. Il est parfois complété par une imagerie par résonancemagnétique ou une angiographie cérébrale.La biopsie stéréotaxique est réalisée pour les tumeursprofondes, ou pour les lésions que l’on peut espérer trai-ter sans exérèse chirurgicale.

Autres causes

Plus rares, à évoquer en l’absence de contexte étiolo-gique lorsque le diagnostic de tumeur cérébrale a été éli-miné, il s’agit de la décompensation d’une malforma-tion congénitale telle que la sténose de l’aqueduc deSylvius, l’intoxication (plomb, arsenic, triéthylétain…),la méningite carcinomateuse (rôle de la PL), le dysfonc-tionnement de valve chez un patient porteur d’une déri-vation interne de liquide céphalorachidien pour traiterune hydrocéphalie…

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– diminuer le volume sanguin cérébral en produisantune vasoconstriction cérébrale en provoquant une légèrehypocapnie (PCO2 < 25 mmHg) ;– barbituriques ;– dérivations de liquide céphalorachidien interne ouexterne en cas d’hydrocéphalie.• Assurer une correction des perturbations généralesliées aux troubles neurovégétatifs du coma :– assurer une excellente hématose ce qui impose dans laquasi-totalité des cas d’assurer la liberté des voiesaériennes supérieures et de permettre une ventilationassistée ;– maintenir une pression veineuse centrale basse par desmoyens simples et efficaces comme la lutte contre lesfacteurs d’hyperpression thoracique, l’apaisement de latoux, ce qui impose une sédation ;– maintenir une tension artérielle normale ; – lutter contre tous les facteurs de collapsus par des per-fusions voire des vasopresseurs en sachant que lesmesures utilisées pour faire baisser la pression intracrâ-nienne peuvent entraîner un collapsus ;– à l’inverse traiter les accès hypertensifs par neurolep-tiques et hypotenseurs (clonidine). Toutefois, une hyper-tension modérée doit être respectée dans le cadre del’effet Cushing, elle cède dès normalisation de la pres-sion intracrânienne ;– corriger la bradycardie (atropine 0,5 à 1 mg) ;– maintenir une normothermie ou une discrète hypo-thermie, en tout cas lutter contre l’hyperthermie.• « Neurosédation » :tous ces objectifs ne peuvent êtreatteints que chez un patient calme, se laissant ventilerdans de bonnes conditions, d’où la nécessité de mettreen route une anesthésie générale prolongée obéissant àplusieurs objectifs :– elle doit être facile à moduler en fonction de l’évo-lution de la clinique et des paramètres physiologiques ; – elle doit être rapidement réversible et ne pas avoird’effet secondaire ;– tout en sachant qu’il y a antagonisme entre une bonneneurosédation et la possibilité d’une surveillance cliniquerégulière ; par conséquent une surveillance paracliniqueest nécessaire : scanners répétés, enregistrement de lapression intracrânienne dans les formes graves.Les médicaments utilisés varient selon les habitudes dechaque équipe : neuroleptanalgésie, analgésiques morphi-niques purs ou associés à des curares, gamma-hydro-xybutyrate de sodium (Gamma-OH), propofol (Diprivan).• « Neuroprotection » :elle a pour objectif de diminuerle métabolisme cérébral pour permettre la survie desneurones en situation d’ischémie et d’interrompre lesréactions métaboliques qui aboutissent à la destructioncellulaire. À ce jour, cet objectif n’est pas atteint en cli-nique même si des molécules paraissent actives in vitro :– les barbituriques en intraveineux à hautes doses(Nesdonal 5 à 10 mg/kg) diminuent le métabolismecérébral, la consommation d’oxygène et la pressionintracrânienne par vasoconstriction cérébrale, mais ilsont des effets secondaires qui doivent ne les faire utiliserque dans les conditions extrêmes ;

Traitement d’urgence

Le traitement est avant tout étiologique, ce qui imposeoutre de faire le diagnostic d’hypertension intracrânienne,d’en reconnaître rapidement la cause et de la traiter.Toutefois l’hypertension intracrânienne doit bénéficierd’un traitement symptomatique, quand la cause n’estpas reconnue, quand elle ne peut bénéficier d’aucun trai-tement de celle-ci et quand elle met en jeu le pronosticvital (accidents d’engagement) ou fonctionnel (atrophieoptique).

Traitement symptomatique

1. Hypertension intracrânienne compensée et décompensée

• La corticothérapie(par ex. 1 à 5 mg kg/j de méthyl-prednisolone), sans diminuer de façon significative lapression intracrânienne améliore les symptômes deshypertensions intracrâniennes tumorale, inflammatoireet post-traumatique en relation avec une contusion céré-brale ou des lésions encéphaliques diffuses. • Les perfusions rapides de solutés hypertoniques(diu-rétiques osmotiques) agissent en créant un gradientosmotique entre le sang périphérique et le parenchymecérébral, mais leur action est limitée et leur effet s’épui-se au bout de quelques jours.Toutes les solutions hyperosmolaires peuvent être utili-sées en théorie, mais en pratique le mannitol qui diffusepeu à travers la barrière hémo-encéphalique est le plusutilisé, sous la forme de solution à 20 % à la dose de 1/3 g à 1 g/kg toutes les 4 à 6 heures pendant 2 à 3 jours(perfusion chez l’adulte de 100 à 200 cm3 toutes les 4 à6 heures, en fonction du poids chez l’enfant). C’est lemédicament à utiliser en priorité dans les hypertensionsintracrâniennes aiguës.• Les dérivations de liquide céphalorachidien(intra-cérébrale, interne extracérébrale ou externe) en amontde l’obstacle sont utilisées quand il existe une hydro-céphalie aiguë.

2. Accidents d’engagementLe traitement doit être mis en route d’extrême urgenceen raison du pronostic vital et associe plusieurs mesurespour maintenir l’index de perfusion cérébrale et éviter lasouffrance neuronale.Ce traitement impose un équipement du malade et unehospitalisation en secteur de réanimation neurochirurgi-cale, pour pouvoir être réalisé dans de bonnes condi-tions.• Faire baisser la pression intracrânienne :– surélever la tête (position demi-assise pour faire bais-ser la pression veineuse intracrânienne) ;– corticothérapie à forte dose (par ex. : de 200 mg à 2 gde méthylprednisolone en intraveineuse directe) ;– mannitol comme ci-dessus ;– éventuellement diurétiques en intraveineux (furo-sémide) ;

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– d’autres molécules ont été proposées sans efficacitéclinique prouvée telles que les capteurs de radicauxlibres (CDP choline), les calciums bloqueurs (nimodipi-ne, Nimotop) et les ACTH (adreno-corticotrophic hor-mone)de synthèse (Synacthène).

Traitement des causes

Déterminé par la cause de l’hypertension intracrânienne,il est dans ce chapitre impossible d’être exhaustif :– exérèse d’une tumeur cérébrale, impératif s’il s’agitd’une tumeur bénigne, discutable en cas de tumeurmaligne en fonction de la topographie, de l’âge et del’état général ;– ponction évacuatrice d’un abcès ou exérèse suiviesd’une antibiothérapie adaptée aux germes en cause ;– évacuation d’un hématome extracérébral post-trauma-tique ;– à discuter en fonction du contexte : l’évacuation d’unhématome intracérébral spontané ou post-traumatique ;– traitement anticoagulant d’une phlébite cérébrale àdiscuter en fonction de l’état clinique et des signes sca-nographiques… ■

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• L’hypertension intracrânienne est un syndrome clinique indépendant de sa cause dont la sémiologie n’est pas toujours explicite et auquel il fautpenser de parti pris devant toute céphaléeinexpliquée s’aggravant progressivement.

• Avec le développement de l’imagerie moderne,on observe plus rarement qu’autrefois la formedécompensée avec œdème papillaire chroniqueévoluant vers l’atrophie optique secondaire.

• Les accidents d’engagement sont le mode d’expression habituel des souffrances cérébrales aiguës quelles que soient leur cause,en particulier post-traumatique ou vasculaire.

• Toute hypertension intracrânienne imposela réalisation dans les délais les plus brefs d’un diagnostic étiologique.

• Le scanner est l’examen complémentaire de débrouillage qui permet le plus souvent de faire le diagnostic étiologique et de guider le traitement d’urgence, associant neurochirurgie et neuroréanimation dans des services spécialisés.

Points Forts à retenir

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NeurologieB 386

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Douleur d’origine nociceptive

1. PhysiopathologieElle est provoquée par une hyperstimulation de récepteurs périphériques, les nocicepteurs, constituéspar les terminaisons libres des fibres nerveuses sensi-tives de petit diamètre Aδ et C. Le stimulus intensemécanique, thermique ou chimique agit directement et (ou) par l’intermédiaire de substances libérées lors de la lésion tissulaire. Ces substances interviennentdans les phénomènes inflammatoires ou de sensibi-lisation des nocicepteurs [catécholamines, substance P,prostaglandines, calcitonine, CGRP (calcitonin gene-related peptide)…].Les afférences sensitives primaires Aδ et C gagnent lamoelle par la racine rachidienne postérieure. Elles seprojettent sur des neurones spinaux nociceptifs spécifiques et non spécifiques, les neurones conver-gents, qui reçoivent des projections nociceptives et nonnociceptives d’autres régions, expliquant le phénomènede la douleur projetée (convergence somato-viscérale).Au moins 20 substances sont libérées au niveau de cettepremière synapse, dont des acides aminés excitateurs(AAE) comme le L-glutamate et des peptides (substanceP, CGRP…).Les axones des neurones spinaux forment dans les cordons antéro-latéraux controlatéraux, les faisceauxspinothalamiques et spinoréticulaires qui se projettentsur la formation réticulée, le mésencéphale et le thala-mus (figure).Les afférences sensitives tactiles non nociceptives (proprioception) de gros diamètre Aα et Aβ empruntentelles, sans relais, les colonnes dorsales homolatéralesdès leur entrée dans la moelle.Comme en périphérie, toutes ces structures possèdentdes récepteurs pour les substances neuro-excitatrices,dont quelques-unes ont déjà été citées, et inhibitrices(sérotonine, adrénaline, opioïdes endogènes…) qu’ellesou des interneurones fournissent.La dernière projection se fait sur de nombreuses airescérébrales qui participent au traitement de l’informationsur les composantes de la douleur (intensité, durée, loca-lisation…) et à l’élaboration de réactions émotionnelles,comportementales et neuro-endocriniennes qui endécoulent.Toute stimulation nociceptive intense et (ou) durabledonne lieu au stockage d’une information « douleur »qui peut se réactiver ultérieurement, à la suite d’une

Mécanismes de la douleur

La douleur est un phénomène perceptif pluridimensionnelqui signale une perte de l’intégrité physiologique. Ellerésulte de plusieurs mécanismes : d’une part de l’inté-gration dans le système nerveux central d’un messageafférent nociceptif modulé par des systèmes de contrôleinhibiteurs, selon une organisation anatomo-biologiqueformée d’un système neuronal et de substances neuro-excitatrices et neuro-inhibitrices qui peuvent subir desmodifications fonctionnelles et structurelles (plasticité) ;d’autre part, de phénomènes centraux d’ordre émotionnelsplus difficiles à appréhender.Cette organisation complexe explique l’absence deparallélisme entre les lésions observées et l’importancedes manifestations douloureuses.On distingue plusieurs mécanismes générateurs de ladouleur.

La douleur Moyens et stratégies thérapeutiques

DR Catherine LASSALLE-FONTAINE

Unité de traitement de la douleur-SARC, hôpital Broussais, HEGP, 75674 Paris Cedex 14.

• Le traitement de la douleur passe avant toutpar le traitement de sa cause. Parallèlement,sa prise en compte symptomatique doit toujoursêtre envisagée parce que la douleur a des conséquences néfastes physiques et psychologiques, immédiates ou retardées.C’est aussi une réponse à l’attente des patientsen termes de soulagement.

• Il s’agit soit d’un traitement adjuvant temporaire entourant la démarche diagnostique et thérapeutique étiologique,soit d’une prise en charge exclusive lorsqu’iln’existe pas de traitement spécifique.

• Pour traiter efficacement, il faut au préalable reconnaître le mécanisme générateur de la douleur, évaluer son intensité et son retentissement, tenir compte du modeévolutif, principalement aigu ou chronique et du terrain.

• Les médicaments antalgiques et co-antalgiquesont une large place dans l’arsenal thérapeutique.D’autres moyens comme des techniques anesthésiques ou neurochirurgicales,des méthodes physiques et psychothérapiques,peuvent être proposées.

Points Forts à comprendre

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lésion nerveuse (exemple de l’algo-hallucinose) ou sousl’influence de facteurs psychologiques, ce qui pourraitexpliquer certaines douleurs qualifiées de psychogènes.Une stimulation nociceptive peut aussi induire uneréponse réflexe motrice ou sympathique dont la pérennitéengendre une douleur (contracture réflexe, algoneurody-strophie).

2. SémiologieL’excès de nociception est le mécanisme générateur leplus fréquent de la douleur. Constante après la lésion,elle siège au foyer lésionnel et dans sa région, ou à dis-tance (douleur projetée, douleur référée). Elle s’exprimeselon un mode mécanique ou inflammatoire, s’accom-pagnant d’une réaction exagérée à toute stimulation nondouloureuse (hyperesthésie) ou douloureuse (hyper-algésie), sans déficit sensitif objectif.

3. Approche thérapeutiqueLa douleur par excès de nociception est sensible auxantalgiques qui agissent sur l’inflammation (inhibiteursde la synthèse des prostaglandines) ou qui renforcent lemécanisme inhibiteur physiologique opioïde endogène(morphinomimétiques). Les anesthésiques locaux inter-rompent la transmission nerveuse du message nociceptif.La recherche s’oriente vers la synthèse d’antagonistesde la substance P et des récepteurs aux acides aminésexcitateurs, comme le récepteur N-méthyl D-aspartate(NMDA).

Douleur neurogène

1. PhysiopathologieToute lésion périphérique, médullaire ou centrale dusystème nerveux sensitif, qu’elle soit d’origine trauma-tique, infectieuse, métabolique ou ischémique, est sus-ceptible d’entraîner une douleur. La lésion provoque undysfonctionnement de la transmission des messages,une hyperexcitabilité des neurones spinaux et supra-spinaux, une perturbation des contrôles inhibiteurs physiologiques.

2. SémiologieLa douleur est décrite en termes de dysesthésies,sensations anormales et désagréables, spontanées ou pro-voquées (brûlures, décharges électriques, coups de poignard,striction, fourmillements…) plus ou moins intenses,continues et (ou) paroxystiques. Ces sensations sontinfluencées par la pression atmosphérique, le nycthémère,les phénomènes d’attention ou de diversion, l’humeur.L’examen retrouve des signes d’hypersensibilité commel’allodynie (douleur provoquée par une stimulationhabituellement non douloureuse, l’hyperpathie (réactionexcessive et durable après une stimulation répétée), et(ou) d’hyposensibilité comme l’hypoalgésie (diminu-tion de la sensibilité à une stimulation douloureuse) oul’anesthésie douloureuse (absence de sensibilité à unestimulation nociceptive, dans une zone spontanémentdouloureuse).

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540 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

Les voies de la douleur.

Cortex

Thalamus

Bulbe inférieur

Moelle épinière

Voie cordonale postérieure système lemniscalgrosses fibres Aα et Aβ

Voie spinothalamique système extra-lemniscalfibres fines A, δ et C

PÉRIPHÉRIE

Page 75: La Revue Du Praticien-Neurologie

1. Échelles unidimensionnelles d’intensité • L’échelle verbale simple(EVS) est constituée de 4 à 5 qualificatifs (ex. : douleur absente, faible, modérée,importante, extrême). • L’échelle numérique(EN) permet de donner une noteà la douleur entre 0 et 10.• L’échelle visuelle analogique(EVA) est constituéed’une ligne de 100 mm présentée sous forme écrite ou de réglette allant de « pas de douleur » à « douleur maximale imaginable ».

2. Questionnaire douleur de Saint-Antoine C’est une échelle multidimensionnelle qui possède unevaleur d’orientation sur le mécanisme de la douleur, sonintensité et sa répercussion affective (tableau I).L’auto-évaluation systématique, qu’elle utilise une ouplusieurs des méthodes citées, permet d’identifier lesmalades douloureux qui ne se plaignent pas, et facilite,grâce à des critères communs, la communication au seind’une équipe soignante.

3. Approche thérapeutiqueLes douleurs neurogènes sont peu sensibles aux antalgiques usuels, même morphiniques. Certains anti-dépresseurs et anticonvulsivants sont efficaces. Ils agissent par effet stabilisant de membrane et (ou) de renforcement des systèmes de contrôle physiologiques.Les techniques d’électrostimulation renforcent l’inhibi-tion segmentaire exercée par des collatérales à destinéemédullaire des fibres de la sensibilité tactile et proprio-ceptive de gros diamètre A αβ.

Douleur psychogène

L’origine psychogène d’une douleur est rarement évoquée précocement. Il s’agit soit du phénomène déjà cité de réactivation d’une douleur sous l’influencede facteurs psychologiques (douleur mémoire), soitd’une origine psychopathologique pure (hystérie deconversion, dépression, hypocondrie), soit de troublessomatiques mineurs majorés par des difficultés psycho-sociales. L’approche thérapeutique est souvent pluri-dimensionnelle et pour une grande part psychothérapique.

Caractéristiques de la douleur

Douleur aiguë et douleur chronique

• La douleur aiguë est d’évolution brève et souvent deforte intensité. Elle a un début et une fin bien précis. Elle s’accompagne de manifestations physiques,psychiques et comportementales du domaine du stress.C’est un signe d’alarme utile qui appelle un diagnosticet un traitement étiologique.• La douleur chroniqueest sans début précis et sanslimite. C’est une douleur qui perdure au-delà de la gué-rison d’une lésion ou plus généralement qui évoluedepuis 3 à 6 mois. D’intensité variable, elle s’accom-pagne de modifications émotionnelles du registre del’anxiodépression, et de modifications du comportementsocial, familial et professionnel. On l’évoque devant uneplainte hors de proportion avec les données cliniques etparacliniques, chez des patients qui ont déjà beaucoupconsulté et qui ne sont pas soulagés par les traitementsdéjà entrepris. Elle appelle une évaluation pluridimen-sionnelle et un programme thérapeutique multifactoriel .

Évaluation de l’intensité

La douleur, phénomène subjectif, est difficile à évaluerobjectivement. C’est pourtant une étape essentielle pourune prise en charge thérapeutique efficace. Outre sonmécanisme générateur et sa qualité aiguë ou chronique,l’évaluation de la douleur doit porter sur ses composantessensorielles, émotionnelles et comportementales. Elleest facilitée par l’usage d’échelles et de questionnaires.

Neurologie

541L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

Élancement

Pénétrante

Coups de poignard

En étau

Tiraillement

Brûlures

Fourmillements

Lourdeur

Épuisante

Angoissante

Obsédante

Insupportable

Énervante

Exaspérante

Déprimante

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0 : absent ; 1 : faible ; 2 : modéré; 3 : fort ; 4 : extrêmement fort.

Questionnaire douleur Saint-Antoine (QDSA)

TABLEAU I

Page 76: La Revue Du Praticien-Neurologie

Évaluation du retentissement

Elle consiste à repérer des signes de comportement douloureux, signes émotionnels (mimique, cris, pleurs,crispation, agitation ou à l’inverse prostration), neuro-végétatifs (tachycardie, hypertension, tachypnée, sueurs…),posture (attitude antalgique, protection de la zone dou-loureuse).Certains sont des indicateurs de sévérité, comme lestroubles du sommeil, de l’appétit, la restriction de l’activité.Cette hétéro-évaluation est particulièrement utile dansles situations de non-verbalisation (ex. : enfant en basâge, sujet âgé…).

Médicaments antalgiques

À côté des médicaments susceptibles d’améliorer ladouleur en agissant sur le processus pathologique de lamaladie, comme par exemple les antimigraineux ou letraitement de fond d’une affection rhumatologique, ondistingue deux groupes d’antalgiques : les antalgiques

non morphiniques et morphiniques qui agissent directe-ment sur la nociception ; les coantalgiques qui sont dessubstances dont le mécanisme d’action participe indirectement à l’antalgie en particulier sur les douleursd’origine neurogène.

Antalgiques non morphiniques (ANM)

Ils agissent principalement en périphérie. Certains sontantalgiques purs (néfopam), d’autres ont aussi des propriétés antipyrétiques (paracétamol) et (ou) anti-inflammatoires [aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)]. Leur puissance antalgique est toujours inférieure aux morphiniques (tableau II).

Antalgiques morphiniques (AM)

1. Action antalgiqueLes antalgiques de type morphinomimétiques se lientaux récepteurs mu, delta, kappa des opioïdes endogènes etont un effet antalgique central et périphérique. Leur puis-

L A D O U L E U R

542 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

Voie d'administration Présentation Posologie Effets indésirables

Paracétamol

Dafalgan per os-rectale ❑ gel 500 mg❑ suppositoire 600 mg

Efféralgan ❑ comprimé 500 mg adulte: 500 mg à 1g effervescent toutes les 6 h

Doliprane ❑ comprimé 500 mgper os-rectale ❑ suppositoire 1 g

Dafalgan ❑ sachet 80/150 mg enfant: 60 mg/kg/j ❑ suppositoire en 4 à 6 prises80-150-300 mg

Efféralgan ❑ sol. 60 mg/c mesure Hépatiques en cas d'utilisation prolongéeà forte dose

Doliprane ❑ sachet 80-150-250 mg❑ suppositoire80-170-350 mg

Propacétamol

Prodafalgan intraveineuse ❑ flacon 1 et 2 g adulte: 1 à 2 g toutes les 6 henfant: 120 mg/kg/j en 4 prises

Acétylsalicylates

Aspégic per os-intraveineuse ❑ sachet 500 mg - 1 g adulte: 500mg à 1g ❑ fl. 0,5-1 g toutes les 4 à 6 h

Aspirine per os ❑ comprimé 500 mg gastro-intestinaux,allergiques – Hypo-agrégeant plaquettaire

Aspégic per os-intraveineuse ❑ sachet 180 mg enfant: 25 mg/k/j ❑ fl. 0,5 g en 4 à 6 prises

Catalgine per os ❑ sachet 100-250 mg

Néfopam

Acupan intraveineuse- ❑ ampoule 20 mg adulte: 20 mg parasympatholytiquesintramusculaire toutes les 4 à 6 h

Principaux médicaments antalgiques non morphiniques(palier I de l’Organisation mondiale de la santé)

TABLEAU II

Page 77: La Revue Du Praticien-Neurologie

situations favorisant l’accroissement de la concentrationsérique du morphinomimétique (insuffisance hépatique,rénale, hypovolémie). Cependant, si le traitement estbien conduit, la douleur semble agir comme un anta-goniste physiologique de la dépression respiratoire.• Effets fréquents :ce sont les nausées, les vomisse-ments, la somnolence, surtout en début de traitement. Laconstipation est constante, à prévenir pendant toute ladurée du traitement. Le myosis est signe d’imprégnationpour les agonistes.• Effets plus rares :ce sont la rétention d’urine, le prurit,les myoclonies, les sueurs, les troubles de conscience(hallucinations, cauchemars, confusion…). La toxico-manie et l’assuétude n’apparaissent qu’avec une utilisa-tion exagérée en quantité ou en durée.L’apparition d’un ou plusieurs de ces effets ne doit pasentraîner l’arrêt d’un traitement antalgique utile maisplutôt son adaptation et le recours à un traitement symp-tomatique de ces effets secondaires.

sance dépend de leur affinité respective pour les différentsrécepteurs. La substance de référence est la morphine.• Les agonistesmiment les effets de la morphine.L’analgésie est dépendante de la dose.• Les agonistes antagonistes(pentazocine, nalbuphine,buprénorphine) se comportent comme des agonisteslorsqu’ils sont utilisés seuls ou avec des antalgiques nonmorphiniques. Leur puissance est limitée par un effetplateau. Il y a réversion de l’antalgie s’ils sont associésentre eux ou à un agoniste (tableaux III, IV et V).

2. Principaux effets secondairesTous les morphinomimétiques peuvent avoir des effetssecondaires, plus ou moins intenses, et ne dépendant pasforcément de la dose administrée.• Dépression respiratoire :c’est l’effet secondaire leplus connu et le plus craint. La dépression respiratoireest potentialisée par l’association à d’autres dépresseursdu système nerveux (benzodiazépines) ou dans des

Neurologie

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Voie d'administration Présentation Posologie Particularités

Dextropropoxyphène

Antalvic per os ❑ comprimé 65 mg adulte: 65 mg toutes les 6 h

(+ paracétamol)Diantalvic per os – voie rectale ❑ gélule 30 mg adulte: 60 mg Hypoglycémie

toutes les 6 h❑ suppositoire 60 mg adulte: 60 mg Irritation digestive

toutes les 8 hPhosphate de codéine

Codenfan per os ❑ sirop 0,62 mg/mL enfant: 2 à 4 mg/kg/j en 4 à 6 prises

(+ paracétamol)Efféralgan codéine ❑ comprimé adulte: 60 mg Constipation

effervescent 30 mg toutes les 6 hDafalgan codéine per os ❑ gélule 30 mg adulte: 60 mg Constipation

toutes les 6 h

Dihydrocodéïne

Dicodin per os ❑ comprimé adulte: 60 mgà libération toutes les 12 hprolongée 60 mg

Tramadol

Topalgic per os ❑ gélule 50 mg adulte: 50 à 100 mg MorphinomimétiqueContramal libération immédiate toutes les 6 h plus effet mono-

per os ❑ comprimé adulte: 100 à 200 mg aminergique centralà libération prolongée toutes les 12 h100-150-200 mg

Zamudol per os ❑ gélule adulte: 50 à 200 mgà libération prolongée toutes les 12 h50-100-150-200 mg

Topalgic intraveineuse ❑ ampoule 100 mg adulte: 100 à 150 mgtoutes les 4 à 6 h

Médicaments antalgiques morphiniques(palier II de l’Organisation mondiale de la santé)

TABLEAU III

Page 78: La Revue Du Praticien-Neurologie

L A D O U L E U R

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Voie d'administration Présentation Posologie Particularités

Chlorhydrate de morphine

Morphine per os ❑ ampoule sol. 10 mg à partir deadulte: 10 mg toutes les 4 henfant: 1 mg/kg/j en 6 prises

sous-cutanée ❑ ampoule 10 mg à partir de Selon la présentationadulte: 5 à 10 mg répartir la posologietoutes les 4 à 6 h journalière efficaceenfant: 0,5 mg/kg/j en 1, 2 ou 6 prisestoutes les 4 à 6 h

Sulfate de morphine

Moscontin ❑ comprimé Dose de morphine/j10-30-60-100 mg répartie sur 12 h

Skenan per os ❑ gélule (2 prises)10-30-60-100 mg

Kapanol ❑ gélule Dose de morphine/j20-50-100 mg répartie sur 24 h

(1 prise)Pethidine

Dolosal sous-cutanée ❑ ampoule 100 mg 50 à 100 mg spasmolytiqueintramusculaire toutes les 6 h épileptogène

Dextromoramide

Palium per os ❑ comprimé adulte: 5 mg toxicomanogène intramusculaire ❑ ampoule 5 mg ponctuellement réservé à la douleur

intense de courtedurée

Fentanyl

Durogésic transdermique ❑ patch 25-50-75 µ/h 1 patch tous les 3 j réservé au traitement de la douleur intense stable

Médicaments antalgiques morphiniques(palier III de l’Organisation mondiale de la santé)

TABLEAU IV

Voie d'administration Présentation Posologie Particularités

Pentazocine

Fortal intramusculaire ❑ ampoule 30 mg adulte: 15 à 30 mgsous-cutanée toutes les 4 à 6 h

Nalbuphine

Nubain ❑ ampoule 20 mg adulte: 10 à 20 mg usage hospitaliertoutes les 4 à 6 h

Buprénorphine

Temgésic sublingual ❑ glossette 0,2 mg adulte: 0,2 à 0,6 mgtoutes les 8 h

sous-cutanée ❑ ampoule 0,3 mg adulte: 0,3 mg usage hospitalierintramusculaire toutes les 8 h

Médicaments antalgiques agonistes-antagonistes(palier intermédiaire II-III de l’Organisation mondiale de la santé)

TABLEAU V

Page 79: La Revue Du Praticien-Neurologie

et des délais d’action inférieurs à ceux nécessaires àl’effet antidépresseur. Ils agissent préférentiellement surla composante de fond de la douleur neurogène.L’amitriptyline (Laroxyl, Elavil) et la clomipramine(Anafranil), de la famille des tricycliques, sont les plusefficaces, pour des posologies initiales de 10 à 20 mgprogressivement augmentées jusqu’à 50 à 100 mg chezl’adulte et de 1 mg/kg/j chez l’enfant. Ils sont contre-indiqués en cas d’adénome prostatique, de glaucome,de troubles de la conduction auriculo-ventriculaire.Leurs effets secondaires anticholinergiques et sédatifsen limitent l’emploi.La paroxétine (Deroxat), la fluvoxamine (Floxyfral), lecitalopram (Séropram), inhibiteurs de la recapture de lasérotonine entraînent une diminution modérée maissignificative de la douleur, à posologie antidépressive.

2. Antiépileptiques

Ils agissent sur l’hyperexcitabilité pathologique desmembranes excitables. Ils sont efficaces sur la compo-sante paroxystique des douleurs neurogènes.La carbamazépine (Tégrétol) est très efficace aux dosesanticonvulsivantes. Son emploi est limité par ses effetssecondaires, vertiges, diplopie, sédation, troubles desfonctions hépatiques et hématologiques.Le clonazépam (Rivotril) bien que sédatif est d’utili-sation plus aisée. La posologie habituelle n’excède pas 4 mg/j chez l’adulte. Elle est de 0,1 mg/kg/j chezl’enfant.En cas d’échec ou d’intolérance à ces traitements, onpeut utiliser le baclofène (Liorésal) qui n’est pas un anti-convulsivant, aux doses progressivement croissantes de30 mg/j ou les nouveaux antiépileptiques comme lagabapentine (Neurontin), efficace pour des posologiesde 900 à 1 200 mg/j ou la lamotrigine (Lamictal), 25 à400 mg/j, posologies atteintes très progressivement, parpaliers d’une semaine, pour éviter la survenue d’un syndrome de Lyell.

3. Corticoïdes

Ils sont utilisés, souvent de façon ponctuelle du fait deleurs effets secondaires, dans les douleurs à forte com-posante inflammatoire, en particulier en rhumatologie eten cancérologie. Ils pourraient aussi réduire l’excitabiliténeuronale par action directe au niveau des membranes.

4. Anesthésiques locaux

Ils agissent par inhibition de la conduction de l’influxnerveux. Pour être efficaces, ils doivent être administrésà proximité des fibres impliquées dans la transmissionde la douleur. Aussi, en dehors de l’anesthésie de surfaceobtenue par le mélange de lidocaïne et de prilocaïne(EMLA), et de l’anesthésie topique locale, leur manie-ment relève des techniques anesthésiologiques (blocstronculaires, radiculaires, anesthésie péridurale ourachidienne).

Classification des antalgiques selon leur puissance

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a établi uneéchelle des antalgiques, selon leur intensité d’action.Initialement proposée pour la douleur cancéreuse, elleest maintenant utilisée pour le traitement de toute douleur par excès de nociception.• Le palier I regroupe les antalgiques non morphi-niques, paracétamol, aspirine, néfopam. On en rap-proche les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Ils sontindiqués dans les douleurs faibles à modérées.• Le palier II regroupe les antalgiques morphiniquesdont la puissance d’action est inférieure à la morphine,dextropropoxyphène, codéine, tramadol. Ils sont indiquésdans le traitement des douleurs modérées à intenses.• Le palier III regroupe les antalgiques morphiniquesde puissance égale ou supérieure à la morphine, péthidine,dextromoramide, fentanyl. Ils sont indiqués dans le trai-tement des douleurs intenses.Les agonistes-antagonistes, pentazocine, nalbuphine,buprénorphine, ont une puissance d’action intermédiaireentre les paliers II et III.

Règles de prescription des antalgiques

Le choix thérapeutique est fonction de l’intensité de ladouleur et non de la gravité de la maladie. La voie d’ad-ministration doit être la plus simple et la mieux adaptée.L’administration du médicament est reconduite à horairefixe, en tenant compte de sa durée d’action, pendanttoute la période supposée douloureuse.La prescription des antalgiques de palier III se fait surdes ordonnances sécurisées pour une période maximalede 28 jours (décret 99-249 du 31 mars 1999). Il n’y a pasde dose maximale limitante.Il n’y a pas lieu d’associer 2 antalgiques d’un mêmepalier. En revanche, il y a potentialisation de l’antalgiepar l’association antalgiques non morphiniques et morphiniques (exemple paracétamol + codéine).Il faut s’adresser à un antalgique de palier supérieur encas d’inefficacité d’un traitement bien conduit dans lepalier inférieur.À tous les paliers, il faut envisager un traitement adjuvant à visée antalgique.En cas d’inefficacité et (ou) de mauvaise tolérance d’untraitement de palier III, il faut envisager le recours àd’autres techniques antalgiques.

Médicaments coantalgiques

Ils ont un effet antalgique propre et (ou) accroissent l’efficacité des antalgiques

1. AntidépresseursL’effet antalgique n’est pas lié à l’effet sur l’humeur.Les antidépresseurs sont efficaces pour des posologies

Neurologie

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Page 80: La Revue Du Praticien-Neurologie

Autres moyens thérapeutiques

Autres méthodes d’administration des médicaments

1. Analgésie contrôlée par le patient (PCA)Cette méthode est basée sur l’existence de variationsinter- et intra-individuelles multifactorielles, dans lesdemandes d’antalgiques. Elle vise à soulager rapide-ment des pics douloureux par des doses minimes etrépétées de médicaments (bolus), au moyen d’unepompe programmable. Le médecin fixe la nature et laconcentration de l’antalgique, la voie d’administration,le plus souvent sous-cutanée ou intraveineuse, la dosedu bolus, une période réfractaire, une dose maximaleautorisée sur un temps donné et la possibilité d’une per-fusion continue en parallèle. Le patient s’administre lui-même l’antalgique, en agissant sur un bouton pressoirqui transmet l’information à la pompe. L’analgésiecontrôlée par le patient est indiquée dans les douleursintenses, par excès de nociception, comme la douleuraiguë postopératoire et certaines douleurs chroniquesrebelles malignes (cancer). Elle demande une formationpréalable à son maniement.

2. Autres voies d’administration des médicamentsElle sont issues des progrès réalisés dans la reconnais-sance et la localisation des substances et des récepteursimpliqués dans la nociception, principalement au niveaude la corne dorsale de la moelle, mais aussi en péri-phérie et à l’étage cérébral.Ce sont les substances morphinomimétiques qui sont les plus utilisées, par voie péridurale, intrathécale,intra-articulaire, voire intracérébro-ventriculaire.Administrées à proximité des récepteurs opioïdes, ellesprocurent une analgésie puissante pour de faibles poso-logies. Leurs indications sont limitées au traitement desdouleurs aiguës ou des douleurs malignes mal contrôléesmême par l’administration d’antalgiques de palier IIIpar voie parentérale continue plus analgésie contrôléepar le patient.La clonidine (Catapressan),α2-agoniste, procure uneffet antalgique en partie expliqué par le renforcementdes voies inhibitrices descendantes adrénergiques.Elle procure une synergie antalgique, tant des morphino-mimétiques que des anesthésiques locaux. Mais sonadministration, concomitante par voie intraveineuse,périmédullaire ou périnerveuse, doit se faire sous sur-veillance du fait de l’importance de ses effets secon-daires à type d’hypotension et de sédation.

Techniques d’interruption des voies de la douleur

1. Techniques d’interruption réversible Elles visent à bloquer transitoirement la conduction nerveuse nociceptive.

• Anesthésiques locaux :ils permettent d’effectuer desblocs de courte durée, de quelques heures en administra-tion unique à quelques jours en administrations répé-tées, au moyen d’un cathéter, pour traiter une douleuraiguë. Par ailleurs, leur administration par infiltrationsnerveuses périphériques répétées, au contact d’une zonedouloureuse gâchette comme un névrome peut induireune analgésie durable.• Substances neurolytiques :l’alcool aux concentra-tions de 50 à 100 % et le phénol en solution aqueuse ouglycérinée à 5 ou 10 % permettent d’obtenir des blocsnerveux de plus longue durée. Ils agissent par dénatura-tion protéique des fibres nerveuses. Le phénol est plussélectif des fibres de petit diamètre. Les principales indi-cations sont le bloc du plexus cœliaque, dans le traite-ment des douleurs solaires malignes et la sympathecto-mie chimique, pour certaines algoneurodystrophies.D’autres indications sont plus rares, comme la radicotomiechimique sacrée en cas de douleurs malignes pelvienneset la neurolyse du ganglion de Gasser dans la névralgieessentielle du trijumeau.• Techniques de neurostimulation :elles renforcent lecontrôle inhibiteur physiologique médullaire de la noci-ception, exercé par les fibres de gros diamètre Aαβ de lasensibilité tactile et proprioceptive.Les impulsions d’un courant électrique bipolaire dehaute fréquence (environ 100 Hz) et de faible intensitésont délivrées par un boîtier générateur à des électrodesplacées sur la peau (électrostimulation transcutanée) ouau contact des cordons postérieurs (électrostimulationmédullaire). Pour être efficace, la stimulation doit êtreperçue dans la zone douloureuse. Elle s’effectue parséances de 30 minutes à 1 heure. L’analgésie obtenuepeut perdurer à l’arrêt de la stimulation (post-effet).L’électrostimulation est indiquée pour soulager les douleurs par lésion nerveuse périphérique.

2. Techniques d’interruption irréversibleElles font appel à la neurochirurgie. Les interventions por-tent à différents niveaux du système nerveux, depuis la péri-phérie jusqu’au cerveau. Leurs indications sont très limitéesdu fait du déficit fonctionnel et du risque de douleurs neurogènes secondaires qu’elles entraînent. On peut citer :• la cordotomie antéro-latéralequi interrompt le faisceau

spinothalamique. Elle procure une analgésie avec anes-thésie de l’hémicorps opposé. La section est réalisée parvoie chirurgicale ou percutanée. Elle est réservée au trai-tement des douleurs malignes à mauvais pronostic vital,quand toutes les autres approches antalgiques ont échoué;

• l’intervention de Nashold ou DREZ(dorsal root entryzone) qui consiste en la coagulation du 2e neurone,dans la corne dorsale. Elle est proposée pour traiter lesdouleurs d’avulsion plexique.

Physiothérapie

C’est un excellent traitement complémentaire des dou-leurs à forte composante mécanique, ostéo-articulaireou musculotendineuse. Il fait appel selon les cas : aux

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Page 81: La Revue Du Praticien-Neurologie

techniques d’immobilisation temporaire par contentionpermanente ou intermittente ; aux techniques de massagequi ont un effet antalgique par action mécanique muscu-laire, veineuse et lymphatique (œdème douloureux) ; àla rééducation fonctionnelle active ou passive et aux cor-rections de posture.

Psychothérapie

Basée sur la notion incontournable d’interrelation entrele somatique et le psychique, elle a de nombreuses indications face à la douleur, dont le vécu est plurifactoriel,qu’elle soit aiguë ou chronique. Elle n’est donc pasréservée aux seules douleurs psychogènes. Différentes techniques sont possibles : relaxation, cognitivo-comportementalisme, psychothérapie de soutien.■

Neurologie

547L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

• Le symptôme douleur est difficile à traiter du fait des différents aspects qu’il peut revêtir.Généralement, les médicaments sont utilisés de première intention. Ce n’est pas la gravité de la maladie mais le mécanisme générateur dela douleur et son intensité, évaluée par l’échellevisuelle analogique (EVA), qui dicte le choix du produit et de sa voie d’administration (per os,intramusculaire, sous-cutanée, intraveineuse).

• Les antalgiques « habituels », non morphiniqueset morphiniques, s’adressent aux douleurs par excès de nociception. Ils sont classés selonleur puissance (échelle OMS) : palier I (paracétamol, aspirine, néfopam), palier II(codéine, dextropropoxyphène, tramadol),palier III (morphine, dextromoramide, fentanyl).

• Certains antidépresseurs et anticonvulsivantssoulagent les douleurs neurogènes.

• Parallèlement, il faut souvent envisager uneapproche psychothérapique (dont la relationmédecin-malade) et (ou) physiothérapique,qu’il s’agisse de douleurs aiguës ou chroniques.Au-delà, certaines méthodes plus spécifiques,comme l’analgésie contrôlée par le patient,d’autres voies d’administration peuvent être proposées. Elles font appel à des praticiensformés pour les appliquer.

Points Forts à retenir

Brasseur L. Traitement de la douleur. Collections Conduites.Paris : Doin, 1997.

La douleur chez l’enfant. Rev Intern Pediatr. Hors série, tomeXXVIII ; juin 1997.

POUR EN SAVOIR PLUS

Page 82: La Revue Du Praticien-Neurologie

NeurologieB 232

1831L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

Diagnostic

Diagnostic positif

La maladie d’Alzheimer est une entité clinique et neuro-pathologique et le diagnostic de certitude nécessite l’association des deux. Cependant, la validité diagnos-tique des critères cliniques est de 80 à 90 % (voir :Pourapprofondir 1). Jusqu’à présent, le diagnostic clinique demaladie d’Alzheimer ne peut être affirmé que devant untableau de démence, c’est-à-dire un trouble de lamémoire suffisamment invalidant pour gêner la vie quotidienne, qui dure depuis au moins 6 mois et qui estassocié à une atteinte d’au moins une autre fonctioncognitive (définition de l’Organisation mondiale de lasanté). Le diagnostic précoce est d’autant plus justifiéque des traitements symptomatiques efficaces sont disponibles et que des traitements visant à arrêter ouralentir la progression de la maladie sont en évaluationou en développement.La démarche diagnostique comporte un entretien avec lepatient et l’accompagnant, un examen clinique incluantune évaluation des fonctions cognitives, la prescriptionéventuelle d’examens complémentaires (examen neuro-psychologique, examens biologiques, imagerie cérébrale).

1. Entretien avec le patient et l’accompagnant• L’histoire de la maladieest l’élément essentiel dudiagnostic. Il est important de comparer l’histoire rap-portée par le patient à celle qui est rapportée par lafamille proche. Le patient peut minimiser ses troubles,n’en avoir qu’une conscience partielle et variable dansle temps (anosognosie).La maladie s’installe insidieusement par des troubles dela mémoire épisodique, c’est-à-dire des évènements ins-crits dans un contexte (lieu et temps) précis. Ces oublissont plus importants à la fois par leur fréquence et leurqualité que les oublis banals que chacun peut connaître àtout âge. Ils doivent correspondre à un changement(déclin) par rapport à l’état antérieur. Ils touchent sur-tout les faits récents, mais pas uniquement.• Des troubles des fonctions exécutives(programmationsde tâches complexes) sont fréquents à un stade précocede la maladie. Dans la vie quotidienne, ils correspondentà une difficulté plus grande à gérer par exemple lesquestions financières ou la déclaration d’impôts, à pré-parer un voyage, à organiser une réception importante,qui s’exprime soit par la nécessité d’un temps plus longpour réaliser la tâche, soit par l’abandon des activités.

La maladie d’Alzheimer est une maladie liée à l’âgedont la prévalence a considérablement augmenté du faitde l’élévation croissante de l’espérance de vie et duvieillissement de la population, faisant de cette maladieun problème majeur de santé publique. Elle touche 5 %des sujets de plus de 65 ans, 20 % des sujets de plus de80 ans et jusqu’à 40 % des sujets de plus de 90 ans. C’estla cause de démence la plus fréquente chez l’adulte (50à 75 %), d’autant plus que les patients vieillissent.Encore aujourd’hui, le diagnostic n’est pas fait dansenviron la moitié des cas. Le début de la maladie estinsidieux, mais il fragilise déjà le patient et l’expose àdes complications somatiques (syndromes confusionnels).

Maladie d’AlzheimerDiagnostic, évolution

PR Florence PASQUIER

Clinique neurologique, centre de la mémoire, CHRU, 59037 Lille Cedex.

• La maladie d’Alzheimer est la cause de démencela plus fréquente (50 à 75 %), d’autant plus que les sujets sont âgés. C’est une maladie neurologique qui débute par un déclin de la mémoire puis touche les autres fonctionscognitives. Elle s’accompagne souvent de modifications affectives et de troubles du comportement. Elle conduit à une perted’autonomie. La perte d’autonomie entraîneune charge psychologique puis physique de plus en plus lourde pour l’entourage.

• Son diagnostic doit être porté tôt, pour éviterles malentendus de l’entourage, le désarroi despatients, les situations dangereuses, les mesureset les traitements délétères voire les situationsde rupture, et pour protéger le patient.L’annonce du diagnostic est facilitée et justifiée par les possibilités de traitementssymptomatiques (dont les inhibiteurs de la cholinestérase) qui stabilisent les troubleset retardent la perte d’autonomie, indiquésdans les formes légère et modérée.

• Quand d’autres affections se surajoutent à la maladie d’Alzheimer, d’autant que cette maladie survient surtout chez des sujetsâgés, elles se manifestent souvent comme une aggravation brutale de l’état cognitif ou des troubles du comportement et sont difficiles à diagnostiquer. Les patients démentsont facilement des syndromes confusionnels.

Points Forts à comprendre

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• Les troubles du langagesont en général plus tardifsque les troubles de la mémoire. Les patients ont du malà trouver les mots justes et peuvent les remplacer par desmots généraux ou par un mot plus ou moins proche(paraphasies). Des troubles subtils de la compréhensionsont possibles, de même que des fautes d’orthographeinhabituelles.• Les troubles des praxiesse manifestent par les difficultés à manipuler des objets nouveaux (utilisationd’un nouvel appareil ménager, d’une nouvelle voiture).• Les troubles des gnosiessont initialement limités à ladifficulté à reconnaître des visages peu familiers ou présentés récemment. • Les troubles de l’orientation temporelle(erreurs surun jour, sur le mois, mauvaise notion du temps passé) etde l’orientation spatiale (difficultés récentes à s’orienterdans les lieux nouveaux) peuvent être assez précocesdans l’évolution de la maladie.L’entretien évalue également les symptômes comporte-mentaux et psychologiques de la démence (SCPD). • Des manifestations dépressivessont possibles, parti-culièrement en début de maladie. Le patient paraît triste,parfois pleure, et est affecté par ses oublis et ses échecs.Cependant, il est rare que cette tristesse soit permanenteet s’accompagne de trouble du sommeil ou de l’alimen-tation comme dans les épisodes dépressifs majeurs. Ilest fréquent que le patient abandonne des activités voires’en désintéresse, ce qui peut être interprété comme unsymptôme dépressif mais peut correspondre aussi audéclin des performances, rendant pénibles certainesactivités requérant de la mémoire ou des capacités deprogrammation que le patient a perdues. Les troublesanxieux sont fréquents.• Des idées délirantes(idées de préjudice, de vol, dejalousie) sont possibles en début de maladie. Les hallu-cinations ne sont précoces que dans une forme cliniquede la maladie : la forme à corps de Lewy. Des modifica-tions de caractère et de personnalité sont plus tardives,de même que les troubles du comportement alimentaire. Le patient garde longtemps une bonne présentationsociale qui peut retarder le diagnostic.• L’interrogatoire évalue le retentissement sur les acti-vités de la vie quotidienne,par exemple sur l’utilisationdu téléphone, des transports, la prise des médicaments,ou la gestion des finances.• Les antécédents médicaux,notamment les facteurs derisque vasculaire, qui sont des facteurs de risque dedémence (hypertension artérielle, hypercholestérolémie,diabète, coronaropathie, cardiopathie, antécédents car-dio- ou cérébrovasculaires), l’alcoolisme, les troublesmétaboliques ou endocriniens, les facteurs de risquemnésiques (troubles métaboliques ou endocriniens,l’intoxication à l’oxyde de carbone, les antécédents detraumatisme crânien), et les traitements médicamenteuxen cours ou prescrits antérieurement (notamment lespsychotropes) sont à noter. • Les antécédents familiaux(neurologiques, notammentde démence, psychiatriques, cardio- et cérébrovasculaires)peuvent orienter vers une étiologie.

2. Examen clinique et évaluation des fonctionscognitives

• L’examen neurologiquerecherche :– des signes de focalisation(asymétrie faciale, de la

motricité, de la sensibilité – extinction sensitive –, desréflexes, hémianopsie latérale homonyme, signe deBabinski) qui orienteraient vers des lésions vascu-laires ;

– des symptômes parkinsoniens,des troubles oculo-moteurs qui orienteraient vers une pathologie dégéné-rative d’autre nature ;

– un syndrome cérébelleux, des signes de polynévrites,dans le cadre, par exemple, d’une intoxication alcoo-lique.

• L’examen général recherche des signes en faveurd’une pathologie cardiovasculaire, d’un trouble métabo-lique ou d’une maladie générale.• L’évaluation des fonctions cognitivescomprend uneévaluation globale par le Mini Mental State(MMS) ouun équivalent et la recherche de troubles :– de la mémoirepar des tests d’apprentissage de mots et

de rappel différé, l’évocation d’événements de la viepublique, ou autobiographique facilement vérifiablepar l’accompagnant ;

– du langage (dénomination d’objets ou d’images d’objets, écriture) ;

– des praxies gestuelles :imitation de gestes sans signification et de gestes symboliques comme le salutmiliaire, le signe d’adieu, ou de mimes tels que jouerdu piano ou peler une banane ; et des praxies construc-tives : copie de figures géométriques, test de l’horloge(on demande au sujet de dessiner un cadran d’horloge,d’y inscrire les chiffres et d’y indiquer une heure pré-cise, par exemple 8 h 20) ;

– des gnosies(identification de visages célèbres, recon-naissance d’images d’objets).

Au stade débutant, les anomalies peuvent être subtiles etnécessiter un bilan neuropsychologique complémentaire.

3. Examens biologiquesLeur indication a pour but de détecter une cause nécessi-tant un traitement étiologique. Le plus souvent ces causessont responsables d’un syndrome confusionnel plus qued’un déclin progressif, mais ce peut être exceptionnellementle cas. C’est pourquoi la numération sanguine, la vitessede sédimentation, le dosage de la protéine C réactive, leionogramme incluant la calcémie, le dosage des hor-mones thyroïdiennes, de la vitamine B12 et des folatessont recommandés. En fonction du contexte, on peutêtre amené aussi à faire une sérologie syphilitique ou duvirus de l’immunodéficience humaine (VIH), une éva-luation des fonctions hépatiques.

4. Imagerie cérébraleL’imagerie par résonance magnétique (IRM) est plusperformante que le scanner cérébral pour évaluer uneatrophie globale ou focale et dépister des anomalies vas-culaires et de la substance blanche.

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les démences dégénératives. Une atrophie corticale estalors présente. Dans l’hydrocéphalie, la dilatationventriculaire contraste avec le peu d’atrophie corticaleet montre des hypodensités périventriculaires en scanner X correspondant aux troubles de résorptiondu liquide céphalo-rachidien.

5. Autres examensL’électroencéphalogramme (EEG), comme l’imageriefonctionnelle (tomographie d’émission monophotonique[TEMP], tomographie à positons [TEP]) n’ont pasactuellement d’indication en pratique courante devantune suspicion de maladie d’Alzheimer.

6. Examen neuropsychologiqueEffectué par un neuropsychologue, il est indispensablesurtout en début de maladie, car il contribue à authentifierun trouble de mémoire et des autres fonctions cognitives,à les qualifier et donc déterminer un profil de troublesqui contribue au diagnostic étiologique de la démence. Il montre :– un déclin global des fonctions cognitivesque l’on

mesure avec des échelles globales, composites, éva-luant l’ensemble des fonctions cognitives (commel’échelle de démence de Mattis) ;

– une atteinte de la mémoire verbale épisodique.Dansla maladie d’Alzheimer, l’évocation des souvenirsn’est pas facilitée par un indice et les informationsnouvelles s’effacent vite (ce qui est mis en évidencepar l’oubli des mots appris pendant une phase d’ap-prentissage après un délai de quelques minutes) ;

– des troubles du langage :diminution des fluencesverbales (évocation du maximum de mots commençantpar une lettre donnée ou appartenant à une catégoriedonnée comme les fruits, ou les animaux, dans untemps imparti de 1 ou 2 minutes), dysorthographie,paraphasies en dénomination d’images ;

– des troubles des praxies gestuelles ;– des troubles des habiletés visuo-constructives ;– des difficultés dans la résolution de problèmes com-

plexes.

Formes cliniques

1. Formes de début (prédémentielle) (voir : Pour approfondir 3)La maladie d’Alzheimer est détectable avant le stade dedémence, c’est-à-dire avant que le retentissement dansla vie quotidienne soit notable. Les patients consultent le plus souvent pour un trouble de la mémoire ou des difficultés récentes à mener à bien des tâches complexes.Il est souvent nécessaire de répéter l’évaluation pours’assurer qu’il s’agit bien d’un déclin, quand les perfor-mances sont initialement dans les valeurs basses de lanorme. Ce tableau entre dans le cadre des MCI (pourmild cognitive impairment) ; 12 à 15 % par an des MCIévoluent vers la démence, la plupart vers une maladied’Alzheimer.

Elle a pour objectif de montrer des arguments en faveurde la maladie d’Alzheimer comme une atrophie temporaleinterne (région hippocampique, la première touchée parle processus pathologique) (figure), et de rechercherd’autres causes au déclin cognitif.• L’atrophie temporale interneest un bon marqueur demaladie d’Alzheimer. Une atrophie globale est présenteà des degrés divers, qui s’accentue avec la progressionde la maladie, mais qui n’a guère de valeur à titre individuel. Cependant, la sévérité de la progression del’atrophie a une valeur diagnostique.• Autres signes d’imagerie pouvant contribuer ou être responsables d’un déclin cognitif :– des images vasculairesqui, si elles sont discrètes et

n’expliquent pas l’ensemble du tableau clinique, n’ex-cluent cependant pas l’existence d’une maladied’Alzheimer. La présence d’anomalies limitées de lasubstance blanche est fréquente, surtout chez lessujets les plus âgés et hypertendus ;

– une tumeur,généralement d’évolution lente commeun méningiome, parfois d’autre nature ;

– un hématome sous-duralest rarement révélé par undéclin cognitif progressif isolé ;

– une hydrocéphalie,diagnostic différentiel classique,est caractérisée par la dilatation des ventricules, sou-vent en rapport avec une atrophie sous-corticale dans

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Atrophie temporale interne.En haut : en scanner X.En bas : en imagerie par résonance magnétique, coupescoronales T1 et T2.

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2. Forme mnésique pureLes troubles mnésiques sont isolés, sans perte d’autonomie,pendant des années. C’est une variante de la forme précédente. L’histologie montre des lésions Alzheimerimportantes mais confinées aux régions hippocampiques.

3. Forme avec trouble du langage prédominantLes troubles du langage peuvent être prédominants etsévères en début d’évolution. Ils ne restent pas isolésplus de 2 ans. Apparaissent progressivement destroubles de la mémoire, verbale puis non verbale et destroubles de l’orientation spatiale et temporelle. Cesformes sont classiquement de moins bon pronostic.

4. Forme avec troubles visuels prédominantsUne impression de flou visuel, une mauvaise appréciationdes distances, une mauvaise coordination visio-motrice,des troubles d’attention visuelle et des troubles visuo-spatiaux peuvent être prédominants, voire isolés endébut de maladie. Progressivement, des troubles de lamémoire et des autres fonctions cognitives complètentle tableau.Ces formes focales s’accompagnent d’une atrophie pré-dominant dans les régions concernées (régions fronto-temporales gauches pour l’aphasie, pariéto-occipitalespour les troubles visuels).

5. Forme présénileUn début précoce, avant 65 ans, est plus rare, maisc’était le cas de la description princeps par Alzheimer.La plupart des mutations génétiques découvertes dansles formes familiales s’expriment entre 40 et 60 ans.Elles sont considérées comme de moins bon pronostic.

Diagnostic différentiel

Il faut distinguer ce qui n’est pas une démence desautres causes de démences. Il est important de faire lediagnostic étiologique précis : la maladie d’Alzheimerrelève d’un traitement par les inhibiteurs de la cholines-térase, l’évolution d’une démence vasculaire pourraitêtre modifiée par un traitement approprié de la maladievasculaire, l’hypersensibilité aux neuroleptiques dans ladémence à corps de Lewy engage le pronostic vital etcontre-indique formellement cette classe thérapeutiquedans cette affection. Non seulement le traitement n’estpas le même selon les démences, mais le pronostic et lerisque génétique sont différents. Toutefois, certainespathologies (notamment dégénératives et vasculaires)peuvent s’intriquer.

1. Ce qui n’est pas une démence• Les troubles psycho-affectifss’accompagnant detroubles de mémoire :– troubles dépressifs: ils peuvent présenter de nombreuses

caractéristiques d’une démence débutante, notammentune altération de la mémoire, un ralentissement psychiqueet un manque de spontanéité. Cependant, les critèresde dépression ne sont pas réunis : la tristesse de l’humeur,

les idées de culpabilité ne sont pas quasi permanentescomme dans la dépression, et les symptômes somatiques(perte de l’appétit, troubles du sommeil) rares ;

– anxiété généralisée: les oublis sont surtout d’origineattentionnelle et le patient se plaint de troubles deconcentration. Ils s’accompagnent de symptômes phy-siques de l’anxiété. Les performances mnésiques entests sont normales, mais au prix d’un grand effort.

• Syndromes confusionnels :ils sont plus fréquentschez les personnes âgées démentes et un syndromeconfusionnel doit faire rechercher à distance un déclincognitif. Le début est typiquement rapide et non lente-ment progressif, il y a une altération de la vigilance, uneinversion du rythme veille/sommeil (qui n’est pas unélément de maladie d’Alzheimer). Une agitation toutcomme une apathie sont possibles. Les causes les plusfréquentes sont les infections (particulièrement urinairesou bronchiques), les fécalomes, les troubles ioniques etmétaboliques, iatrogéniques et tout inconfort, notammentles douleurs (par exemple angineuses ou rhumatologiques).• Troubles iatrogéniques (médicamenteux).• Retard mental et un fonctionnement cognitif sub-normal imputable aux carences sociales et d’instruction.Cependant, la démence peut coexister avec ces troubles.

2. Démence vasculaireC’est la 2e cause de démence (15 à 20 %). Le terme«démence vasculaire» implique la présence d’un syndromedémentiel dont la cause est attribuée à une pathologie céré-bro-vasculaire, de nature variable (maladies des gros et despetits vaisseaux). La présence de lésions vasculaires enimagerie est nécessaire mais non suffisante pour parler dedémence vasculaire. Toute démence faisant suite à unaccident vasculaire cérébral n’est pas nécessairement dueà la seule pathologie vasculaire et peut être aussi de naturedégénérative, révélée à la suite de l’épisode vasculaire. À l’inverse, une démence vasculaire peut survenir enl’absence d’histoire clinique d’accident vasculaire céré-bral (histoire progressive des leucopathies vasculaires).Typiquement, la démence vasculaire se caractérise par :– une progression en marches d’escalier :les symptômes

sont stables pendant un temps, voire s’améliorent pro-gressivement, avec des périodes d’aggravation en lienavec un nouvel épisode vasculaire ou une affectionsomatique surajoutée, d’autant que ces patients sontpolypathologiques (insuffisance cardiaque, coronaro-pathie, insuffisance rénale, diabète…). Cependant, undéclin progressif et sans à-coup est possible, notam-ment dans les formes lacunaires et avec anomalies desubstance blanche) ;

– une évolution fluctuante ;– la présence de signes et symptômes focaux ;– des symptômes affectifs et comportementaux non

spécifiquesmais évocateurs tels que : troubles de l’humeur, en particulier symptômes dépressifs, hyper-émotivité, parfois indifférence affective, apathie, irri-tabilité, hallucinations (non récurrentes, ayant tendanceà disparaître spontanément), idées délirantes, urina-tions. Les troubles obsessionnels compulsifs orientent

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précoces (même avant que le déclin cognitif soit patent),une évolution fluctuante, d’un moment à l’autre de lajournée, d’une journée à l’autre ou par périodes, et dessymptômes parkinsoniens, essentiellement akinéto-rigides. Deux de ces symptômes sont suffisants, avec ladémence, pour porter le diagnostic. Sont évocateurs : leschutes, les hallucinations dans d’autres modalités, lescauchemars. L’association de lésions Alzheimer et dedémence à corps de Lewy s’observe dans un tiers descas. Ces patients ont une hypersensibilité aux neuro-leptiques qui contre-indique formellement cette classethérapeutique, même en cas d’hallucinations.

5. Causes plus rares• Les démencesde la maladie de Parkinson, de la maladiede Huntington, de la paralysie supranucléaire progressive,de la dégénérescence corticobasale s’accompagnent desymptômes moteurs.• La maladie de Creutzfeldt-Jakobsurvient chez despatients de la soixantaine, commence par des manifestationspsychiatriques (souvent de type dépressif) et s’accompagnerapidement (quelques semaines ou mois) de symptômesneurologiques, troubles de la marche, de l’équilibre,troubles visuels, signes cérébelleux, puis de myoclonies.L’électroencéphalogramme et l’électrorétinogrammesont caractéristiques. Un taux élevé de protéine 14-3-3dans le liquide céphalo-rachidien est un bon marqueuren l’absence d’autre cause de nécrose évolutive.L’évolution se fait vers un coma myoclonique et le décèssurvient en moyenne à 9 mois.

Diagnostic histologique

Les principales lésions neuropathologiques de la maladied’Alzheimer sont :– les dépôts de peptide amyloïdesous forme de plaques

séniles, de dépôts diffus et d’angiopathie amyloïde.Le peptide contenu dans la substance amyloïde de lamaladie d’Alzheimer est connu sous le nom d’Aβ. À euxseuls, ces dépôts ne provoquent pas de détériorationintellectuelle. Leur topographie est diffuse ;

– les lésions neurofibrillaires sous forme de dégéné-rescence neurofibrillaireet aussi de couronne neuritiquedes plaques séniles et de fibres tortueuses. Les lésionsneurofibrillaires sont constituées de paires de filamentsdisposés en hélice composées de protéines anormalementphosphorylées. Il existe une corrélation entre la densitédes lésions et la détérioration intellectuelle. La patho-logie neurofibrillaire, contrairement aux dépôts d’Aβ,se produit selon un certain ordre : aire entorhinale,hippocampe, puis isocortex. L’atteinte isocorticale estégalement hiérarchique : aire associative multimodale,aire associative unimodale, puis aire sensorielle primaire ;

– la perte neuronale et la perte synaptique :il est admisque l’atteinte précoce des neurones cholinergiques etle déficit central en acétylcholine qui en résulte sont ledéterminant essentiel des troubles cognitifs de la maladied’Alzheimer, ce qui a été la base des développement destraitements cholinergiques (voir :Pour approfondir 4).

vers une atteinte des noyaux caudés, pallidum, ou thala-mus. Psychoses et dépressions tardives et sévères sontliées aux lésions étendues de la substance blanche ;

• un profil neuropsychologique de dysfonctionnementsous-cortico-frontal(troubles du rappel des informa-tions, ralentissement psychomoteur), plus ou moinsassocié, selon l’étiologie, à des signes corticaux(aphasie, apraxie ou agnosie) ;

• une conscience des troubles longtemps préservée,avec toutefois parfois une anosodiaphorie.

• L’IRM est plus sensible que le scanner Xpour mon-trer les lésions vasculaires. Elle montre des lésions dansla substance blanche comme dans la substance grise, ycompris dans les régions sous-corticales et des noyauxgris centraux. Des images d’infarctus anciens peuventêtre détectées. Les seules hyperdensités périventricu-laires et de la substance blanche telles qu’on peut lesobserver sur le cerveau de personnes âgées en bonnesanté ne suffisent pas à porter le diagnostic. L’atrophiehippocampique, bon marqueur de maladie d’Alzheimer,est variable dans la démence vasculaire.Si la démence est révélatrice de la pathologie vasculaire,les examens complémentaires visent aussi à rechercherla cause de la pathologie cérébrovasculaire. Un traite-ment approprié peut éviter l’aggravation.La démence de la maladie d’Alzheimer peut être associéeà une démence vasculaire, notamment chez les sujetsplus âgés, par exemple quand des accidents vasculairescérébraux viennent se surajouter à un tableau clinique età des antécédents faisant évoquer une maladie d’Alzheimer.De tels accidents vasculaires peuvent aggraver brutale-ment les manifestations de la démence. Les 2 types dedémence seraient associés dans 15 % des cas.

3. Dégénérescences fronto-temporalesElles surviennent dans le présenium, et débutent engénéral dans la cinquantaine. Les anomalies en imageriesont limitées aux régions antérieures du cerveau (atrophieet hypofixation du traceur de fixation en imagerie fonc-tionnelle). L’électroencéphalogramme a la particularitéd’être normal. Il n’y a pas de désorientation spatiale,même à un stade évolué de la maladie. Certaines formessont associées à une maladie du motoneurone.• La démence fronto-temporales’exprime par des troublesdu comportement isolés qui précèdent souvent et prédo-minent toujours sur les troubles de mémoire et le déclincognitif. Ils sont de 4 types : troubles du contrôle de soi,négligence physique, baisse d’intérêt et troubles affectifs(principalement indifférence affective).• L’aphasie progressive et la démence sémantiques’expriment avant tout par un trouble du langage, quireste isolé pendant au moins 2 ans.

4. Démence à corps de LewyLes corps de Lewy sont des inclusions intraneuronalesdécrites dans la substance noire de la maladie deParkinson. Certaines démences sont associées à la pré-sence de ces inclusions dans les neurones corticaux.Elles sont caractérisées par des hallucinations visuelles

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Diagnostic étiologique

La maladie d’Alzheimer peut être considérée comme unsyndrome, puisque des causes multiples peuvent aboutirau même tableau clinique et histologique : mutationsgénétiques diverses, trisomie 21, traumatismes crâniensmultiples comme dans la démence pugilistique.

1. Causes génétiques• Dans les cas familiaux de maladie d’Alzheimeràdébut précoce et à transmission autosomique dominante,les mutations identifiées les plus fréquentes concernentle gène de la préséniline 1 porté par le chromosome 14.Elles expliqueraient 6,5 % des maladies d’Alzheimerpréséniles, 9 % des formes familiales précoces, maisseulement 6,5 pour 10 000 de l’ensemble des maladiesd’Alzheimer. La présénéline 1 interviendrait dans lemétabolisme (comme γ sécrétase) de la protéine précur-seur du peptide amyloïde.• Les mutations sur le gène de la préséniline 2 sur lechromosome 1sont beaucoup plus rares.• Les mutations sur le gène du précurseur du peptideamyloïde sur le chromosome 21sont les plus ancienne-ment découvertes, mais elles sont très rares : elles expli-quent moins de 5 pour 100 000 des maladies d’Alzheimer. Au total, au niveau de la population générale, ces muta-tions génétiques expliquent moins de 1 % des maladiesd’Alzheimer.

2. Facteur de susceptibilité génétiqueIl existe 3 formes de l’apolipoprotéine E (E2, E3, E4)codées par les gènes correspondants ε2, ε3, ε4, situés surle chromosome 19. Le risque de maladie d’Alzheimerest presque triplé chez les hétérozygotes ε4 et plus quedécuplé chez les homozygotes. Cependant, si l’intérêtpour la physiopathologie est grand, le génotypage del’APOE n’a aucun intérêt diagnostique en pratique,puisque la possession d’un allèle ε4 n’est ni nécessaireni suffisante pour développer une maladie d’Alzheimer.Les dépôts de peptide Aβ sont plus abondants chez lespatients dont le génotype comprend 1 ou 2 allèles ε4.D’autres gènes candidats sont étudiés avec des résultatscontroversés témoignant du caractère polyfactoriel de lamaladie.

3. Autres facteurs de risque • L’âge, un antécédent familial de démence et le syn-drome de Down (trisomie 21) sont les seuls facteurs derisque constamment retrouvés. Le sexe féminin est aussiun facteur de risque surtout au-delà de 75 ans.• Les facteurs de risque vasculairesont été identifiéscomme des facteurs de risque de maladie d’Alzheimer :hypertension artérielle, principalement, mais aussihypercholestérolémie, diabète, tabagisme, cardiopathies.Une prévention paraît possible : le traitement hyperten-seur diminue l’incidence de la maladie d’Alzheimer. Unhaut niveau d’éducation, le traitement hormonal substitutifde la ménopause par des œstrogènes, les anti-inflamma-toires non stéroïdiens et la vitamine E pourraient êtreprotecteurs. Ces hypothèses sont en cours d’évaluation.

ÉvolutionAprès une période relativement stable en plateau, l’évo-lution est progressive, et toute aggravation brutale doitfaire rechercher une affection intercurrente. On parle de stade léger quand le Mini mental state(MMS) estsupérieur à 18, modéré quand il est compris entre 10 et 18 et sévère quand il est inférieur à 10 (voir :Pourapprofondir 5).Avec le temps :– les troubles de la mémoire s’accentuent,le patient a

tendance à répéter les mêmes choses. Il oublie à mesure ;– la désorientation temporelle et spatiale est totale,au

point de se perdre dans sa propre maison ;– le langage se réduit,tant en fluence qu’en vocabulaire.

Les propos peuvent paraître incohérents. En fin d’évolu-tion, la parole peut devenir incompréhensible. Enphase terminale, le patient est mutique ;

– l’apraxie se majore,touche l’habillage et entrave tousles gestes de la vie quotidienne, jusqu’à la dépendancetotale ;

– l’agnosie touche les visages connus puis les visagesfamiliers. La non-reconnaissance des proches est uneétape difficile à vivre pour l’entourage. Certainspatients ne se reconnaissent pas dans la glace et lavision de leur reflet peut générer une agitation impor-tante. L’agnosie des objets contribue à la dépendancecar certains objets sont utilisés à mauvais escient ;

– les signes comportementaux et psychologiques semodifient avec l’évolution(voir : Pour approfondir 6).Avec la progression de la maladie, les manifestationsdépressives sont plus rares. D’autres troubles peuventapparaître : déambulations incessantes, hallucinationsvisuelles auditives ou cénesthésiques, agitation en finde journée (avec l’idée fixe de rentrer chez soi alorsmême que le patient est bien chez lui). L’apathie s’ac-centue. À l’inverse, des périodes d’agitation, d’agres-sivité, de cris, l’apparition récente d’hallucinationsdoivent faire rechercher une affection somatique carun trouble récent du comportement est généralementle témoin d’un inconfort, d’une gêne ou d’une douleur.Ce peut être aussi l’expression d’un syndrome confu-sionnel qui se manifeste par un trouble de vigilance etune inversion du rythme veille-sommeil, une accen-tuation rapide du déclin cognitif. La recherche du facteur déclenchant doit être systématique par ordrede fréquence : infection urinaire, fécalome, mycosedigestive, affection pulmonaire, coronaire ou car-diaque…

• L’apparition de troubles du comportement est indé-pendante de celle des troubles cognitifset leurs évolu-tions ne sont pas parallèles. Il y a de grandes variabilitésd’un patient à l’autre. Les symptômes comportementauxou affectifs évoluent pour leur propre compte et mêmela réponse aux traitements symptomatiques varie avec letemps.• L’état neurologique se dégrade :l’hypertonie est fréquente, la marche devient impossible et le patient estcomplètement dépendant, mais il est exceptionnel qu’il

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ne puisse rester dans un fauteuil. Des crises convulsiveset des myoclonies s’observent dans un tiers des cas.• L’évolution de la maladie,à partir du moment où elleest diagnostiquée est d’environ 8 à 10 ans. Elle se fait defaçon très régulière. Les patients décèdent souvent debronchopneumopathie, facilitée par les fausses routes.D’une façon générale, les patients Alzheimer sont plusfragiles et décèdent de complications de pathologiessomatiques d’autre nature, difficiles à diagnostiquer.■

Neurologie

1837L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

• La maladie d’Alzheimer est un problème de santé publique majeur de par son incidenceet le vieillissement de la population.

• Elle est encore peu diagnostiquée et tardivement. Elle retentit pourtant sur la vie quotidienne du patient et de son entourage et favorise la survenue de syndromes confusionnels.

• Tous les troubles de mémoire ne sont pas dus à une démence et la maladie d’Alzheimer n’estpas la seule cause de démence.

• Le diagnostic précoce permet de traiter la maladie à un stade léger, d’anticiper l’aveniret de contrôler les troubles comportementauxéventuels, d’informer sur la maladie,et de soutenir le patient et sa famille.

Points Forts à retenir

1 / Critères diagnostiques

Les critères diagnostiques les plus utilisés sont ceux du NationalInstitute of Neurological and Communicative Disorders and Stroke-Alzheimer’s Disease and Related Disorders Association work group(NINCDS-ADRDA) (McKhann et al., 1984), ceux du DSM-IV et ceuxde la Classification internationale des maladies (CIM) (OMS, 1993).

2 / Examens complémentaires

L’électroencéphalogramme peut montrer des anomalies non spécifiqueset des signes de comitialité, éventuellement au cours de l’évolution.La tomographie d’émission monophotonique et la tomographie à posi-tons montrent typiquement un hypométabolisme temporopariétalmais ces anomalies ne sont ni sensibles ni spécifiques à l’échelon indi-viduel. En revanche, ces examens sont utiles pour confirmer une atteintedégénérative focale comme une dégénérescence fronto-temporale.Dans cette affection, en effet, l’électroencéphalogramme est normalet l’imagerie fonctionnelle montre des anomalies limitées aux régionsantérieures du cerveau, et même dans les régions antérieuresgauches en début d’aphasie progressive. De même, l’examen du liquidecéphalo-rachidien n’apporte pas encore d’argument diagnostique suf-fisant même si la recherche de marqueurs biologiques est une voie derecherche d’avenir.

3 / Évolution

L’évolution se fait en 3 phases. Une phase présymptomatique de plusieurs années, pendant lesquellesles lésions histologiques sont silencieuses et confinées au cortex

POUR APPROFONDIR

entorhinal.Une phase prédémentielle avec troubles de mémoire et parfois modifi-cations du comportement à type de baisse d’intérêt ou de motivation.Le diagnostic serait possible à ce stade, mais il peut échapper à un examen rapide non orienté. C’est un des enjeux thérapeutiques d’ave-nir.Une phase démentielle quand les lésions ont atteint le néocortex etque les troubles ont un retentissement sur la vie quotidienne avecperte progressive de l’autonomie.

4 / Traitements symptomatiques cholinergiques

Les seuls traitements ayant montré une efficacité cognitive, avec uneamélioration des activités de vie quotidienne sont les inhibiteurs de lacholinestérase. Actuellement, 3 molécules ont été mises sur le marché :la tacrine (4 prises par jour, toxicité hépatique), le donépézil (1 prisepar jour, 5 mg et 10 mg), et la rivastigmine (2 prises par jour, posologieprogressive de 3 mg à 12 mg/j). L’initiation du traitement est faite parun spécialiste (neurologue, psychiatre, gériatre). Ces traitements sontindiqués dans les stades légers à modérément sévères (MMS 10-26).

5 / Évolution

Le Mini-mental state décline spontanément d’environ 3 points par anavec de grandes variations individuelles. Des échelles globales reflètentle stade clinique de la progression : la CDR (clinical dementia rating deBerg) distingue 5 stades de gravité croissante grâce à un entretiensemi-structuré du patient et d’un proche. Elle évalue séparément lamémoire, l’orientation, le jugement, la gestion des affaires courantes,les passe-temps et les soins personnels et permet la distinction entreune absence d’atteinte (0), une atteinte discrète (0,5), légère (1),modérée (2) et importante (3). La GDS (global deterioration scale deReisberg) classe la détérioration en 7 stades de gravité croissante.Aux stades = 3, seule la mémoire est concernée.

6 / Troubles du comportement selon la progression et la sévérité de la démenceFréquence en pourcentage (d’après Cummings)

Bakchine S et al. Le dictionnaire de la maladie d’Alzheimer. Paris :Phase 5 éditions médicales, 2000.

Classification internationale des troubles mentaux et des troublesdu comportement. Organisation mondiale de la santé. Paris :Masson, 1993 : 42-4.

Maladie d’Alzheimer. Rev Prat 1998 ; 48 : 1869-927.

Maladie d’Alzheimer. Actualités et perspectives. Supplémentcoordonné par H. Petit. Rev Neurol 1999 : 155 (suppl. 4) : 4S7-

POUR EN SAVOIR PLUS

Signes et symptômes MMS > 21 MMS : 12-21 MMS <11 Totalcomportementaux

Apathie 53 62 84 64Anxiété 57 66 47 60Dysphorie 50 54 26 47Agitation 50 38 42 42Irritabilité 39 46 21 38Déambulation 32 28 58 35Alimentation 36 26 37 30Délire 18 22 37 24Sommeil 28 10 31 20Désinhibition 18 10 16 14Hallucinations 3 10 31 12Euphorie 14 8 5 9

MMS : Mini-mental State.

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NeurologieB 231

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de la voie dopaminergique nigro-striatale, une diminu-tion des terminaisons dopaminergiques au niveau dustriatum, une diminution de concentration de dopaminedans le striatum.

Anatomopathologie et physiopathologie

Lésions anatomopathologiques et neurochimiques

La perte des neurones dopaminergiques est la lésion laplus manifeste, elle est massive et relativement sélectivedans la maladie de Parkinson. Les lésions observéessont :– une dépigmentation du locus niger(ou substantianigra ou substance noire) ;– une perte neuronale dopaminergique (pars compactade la substantia nigra) ;– des corps de Lewy et une gliose astrocytaire associés àla perte neuronale.La perte de neurones dopaminergiques est variable selonles groupes cellulaires : la perte massive dans la sub-stantia nigra (-70 à 80 %), et minime dans la substance grise périaqueducale (-7 %).Des lésions non dopaminergiques, moins sévères, sontaussi observées : neurones noradrénergiques (locusceruleus), sérotoninergiques (noyaux du raphé), choli-nergiques (nucleus de Meynert et noyau tegmento-pédonculo-pontin). Ces lésions hétérogènes, variables d’un patient à l’autrepourraient rendre compte de certaines particularités cliniques (troubles cognitifs, troubles posturaux ).

Physiopathologie

1. Mécanismes de la mort neuronaleIls sont complexes et multiples et mettent en jeu le « stress oxydatif ». Les cellules dopaminergiques meurent par apoptose (mort cellulaire programmée). • Stress oxydatif : les radicaux libres oxygénés peuvent être produits dans la substance noire par dégra-dation oxydative de la dopamine. Ils interagissent avecdes molécules biologiques et sont capables de détruireles membranes cellulaires. Les neurones fortementmélanisés (dans lesquels la production de radicauxlibres est très intense) sont les neurones les plus vulné-

La maladie de Parkinson atteint en moyenne 2 personnessur 1 000 avec une égalité hommes-femmes. La grandemajorité des cas survient entre 40 et 70 ans avec une âgede début moyen de 55 ans. L’hérédité ne semble pasjouer un rôle majeur même s’il existe de rares familles àtransmission autosomique dominante (chromosome 4,α-synucléine) ou récessive (dans les formes juvéniles,souvent avant 40 ans, chromosome 6, parkine). Les facteurs environnementaux retrouvés le plus souvent enassociation avec la maladie de Parkinson sont laconsommation d’eau de puits, l’habitat en milieu indus-triel, le fait de ne pas fumer. Un syndrome parkinsonientoxique induit par le méthyl-phényl tétrahydropyridine(MPTP) constitue le modèle expérimental chez le singe,avec une toxicité quasi élective pour les cellules dopa-minergiques. Les symptômes cliniques sont la consé-quence d’une destruction massive des neurones mélanisésdopaminergiques de la pars compactade la substantianigra (qui projette essentiellement sur le striatum). Cetteperte neuronale a pour conséquence une dégénérescence

Maladie de ParkinsonPhysiopathologie, diagnostic, évolution, traitement

PR Marie VIDAILHET

Service de neurologie, hôpital Saint-Antoine, 75571 Paris Cedex 12.

• La maladie de Parkinson est une maladie fréquenteaprès 60 ans, liée à une perte des neurones dopaminergiques dans la substance noire.

• Le diagnostic uniquement clinique repose sur l’asymétrie des signes, la rigidité, l’akinésieet l’amélioration prolongée par le traitement.Dans ces conditions, le risque d’erreur de diagnostic est inférieur à 20 %.

• La stratégie thérapeutique doit tenir compte de l’âge du patient, de son handicap et dessignes associés tels des troubles psychiques.Très schématiquement, chez le sujet jeune,la réponse thérapeutique est excellente mais ces sujets vont relativement rapidementprésenter des fluctuations d’effets thérapeutiques et des dyskinésies. Un traitement privilégiant les agonistes dopaminergiques ou l’association si nécessairede doses modérées de L-dopa. À l’inverse,des patients plus âgés doivent bénéficier d’un traitement simple, le plus souvent en monothérapie par la L-dopa.

Points Forts à comprendre

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rables. Certaines enzymes de protection contre le stressoxydatif sont déficientes. Dans les régions où la vulné-rabilité des neurones dopaminergiques est maximale,l’environnement astrocytaire (qui a également un rôle dedéfense des neurones) est faible. • Mort cellulaire par apoptose :des lésions spécifiquesde ce type de destruction cellulaire ont été observéespost mortem dans la substance noire de sujets parkin-soniens. Ce programme d’apoptose est déclenché à partir d’une cascade irréversible de réactions mettant enjeu le TNFα (tumour necrosis factor) puis un facteur detranscription, le NF κB, au niveau du noyau.

2. Anomalies fonctionnelles du circuit moteurdes ganglions de la base • Chez le sujet normal,le striatum reçoit des projec-tions excitatrices du cortex moteur primaire et du cortexprémoteur (aire motrice supplémentaire). Le putamenprojette sur le pallidum externe (GPe), le pallidum inter-ne (GPi) et la substantia nigra reticulata(SNr). À leurtour, le GPi et la SNr projettent sur les noyaux moteurs

du thalamus qui projette sur le cortex. Les noyaux desortie des ganglions de la base, GPi et SNr, exercent uneffet tonique inhibiteur sur les noyaux cibles du thala-mus. Cette activité inhibitrice est modulée par deuxvoies parallèles, la « voie directe » et la « voie indirecte ».L’activation de la « voie directe » tend à désinhiber l’activité thalamique. La « voie indirecte » fait relaisdans le GPe et dans le noyau sub-thalamique. Cette voieexerce un effet tonique inhibiteur sur le thalamus.Schématiquement, les deux voies tendent à avoir deseffets opposés sur les noyaux moteurs du thalamus. Ladopamine tend à renforcer l’action de la « voie directe »et à inhiber l’action de la voie « indirecte ».• Au cours de la maladie de Parkinson,l’hyperactivitéde la « voie indirecte » entraîne une désinhibition dunoyau sub-thalamique qui conduit à une activationexcessive des noyaux de sortie (GPi et SNr) avec uneforte inhibition du thalamus. Cela est renforcé par unehypo-activité de la voie directe. La connaissance de cesanomalies est à la base de la chirurgie fonctionnelle dansla maladie de Parkinson (fig. 1).

M A L A D I E D E P A R K I N S O N

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Hyperactivité de la voie indirecte au cours de la maladie de Parkinson.1

Normal

CORTEX

PUTAMEN

SNc

GPe

Thal

STN

GPi

PPNMoelle

Parkinson

CORTEX

PUTAMEN

SNc

GPe

Thal

STN

GPi

PPNMoelle

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• Signes « mineurs » associés :réflexe nasopalpébralinépuisable, hypersialorrhée, hypersécrétion sébacée(front), hypersudation. La dépression est fréquente (50 % des cas au début), ledéclin intellectuel est tardif ainsi que les troubles de lamarche, le freezing (enrayage cinétique) et les chutes.

2. Deux erreurs à ne pas commettre

• Par défaut :la triade peut être incomplète ou le patientse plaindre de symptômes qui risquent d’égarer le diagnostic, tels que des douleurs pseudo-rhumatismalesou un état dépressif (50 % des cas). • Par excès :le patient a pu être traité par des neuro-leptiques (le tableau plutôt akinéto-rigide est, en principe,bilatéral), ou il a un tremblement isolé, bilatéral d’emblée, observé dans l’attitude, s’aggravant trèsprogressivement pendant plusieurs années (tremblement essentiel), ou encore il souffre d’une instabilité posturaleprécoce, ce qui doit orienter vers un syndrome neuro-dégénératif plus complexe. En cas d’hésitation, la réactivité à la L-dopa (par exemple un bénéfice thérapeutique estimé subjectivement à plus de 30 % par le patient pour des doses adéquates de L-dopa) estun élément diagnostique. Si le doute persiste, un scannercérébral devient légitime.

Diagnostic différentiel

1. Tremblement essentiel

Le tremblement parkinsonien est aisément distingué du tremblement essentiel. Celui-ci est un tremblementd’attitude, il apparaît lors de la mise en jeu des musclescorrespondants à une posture. Deux manœuvres doiventêtre demandées : la position bras tendus en avant (posi-tion du serment) et surtout l’attitude en semi-flexion ducoude et en supination (manœuvre du bretteur) qui estsouvent plus révélatrice. Le tremblement d’attitude estassocié au tremblement d’action car il s’observe égale-ment lorsqu’un mouvement est effectué (verser un verred’eau, écrire) (tableau II).

Signes cliniques

1. Le diagnostic est clinique Il ne justifie pas d’examens complémentaires lorsque les critères de diagnostic sont réunis. Les meilleurs éléments sont un début asymétrique, un syndrome akinéto-rigide avec un tremblement de repos, une bonneréactivité à la L-dopa.• L’akinésie se traduit par une rareté et une difficultéd’initiation du mouvement ; elle est souvent révélée parune micrographie, une perte du ballant du bras à lamarche, une difficulté pour réaliser les gestes fins (parexemple chercher une pièce de monnaie dans la poche).Les mouvements deviennent lents (bradykinésie), levisage est peu expressif, la marche est ralentie, les piedstraînant sur le sol.• La rigidité (hypertonie) est plastique, avec une « rouedentée » caractéristique (la rigidité cède par à coups) quise majore à la manœuvre de Froment (en pratique, c’estl’exagération ou l’apparition du phénomène de la rouedentée lors de la mobilisation active du membre contro-latéral). Elle est recherchée au poignet et au coude. Larigidité prédomine sur les muscles fléchisseurs, la pos-ture du tronc est légèrement en flexion.• Le tremblementest de repos, régulier (4 à 8 cycles parseconde), majoré par l’émotion ou l’épreuve du calculmental. Il est asymétrique et touche les membres. Il peutêtre associé à un tremblement de la langue, de lamâchoire ou du menton (tableau I).

Neurologie

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❑ Troubles intellectuels précoces et (ou) syndrome frontal ❑ Troubles oculomoteurs❑ Dysarthrie sévère❑ Rigidité du cou❑ Troubles de la marche et chutes précoces❑ Dysautonomie (hypotension orthostatique et troubles

génito-sphinctériens)❑ Syndrome cérébelleux

Signes ne devant pas être présents au début de la maladie de Parkinson

TABLEAU I

Maladie de Parkinson Tremblement essentiel

❑ Sporadique ❑ Familial dans plus de 50 % des cas❑ Évolution relativement brève (3-5 ans) ❑ Évolution très lente❑ Micrographie ❑ Écriture tremblée❑ Prédominant au repos ❑ Prédominant à l’attitude❑ Distribution hémicorporelle ❑ Moins franchement asymétrique❑ Le tremblement du membre supérieur gagne le membre ❑ À partir du membre supérieur, gagne le membre

inférieur homolatéral avant de se bilatéraliser supérieur controlatéral❑ Associé à un tremblement du menton, de la mâchoire, ❑ Associé à un tremblement du cou et de la voix

de la langue, respecte le cou et la voix (tremblement de négation,voix chevrotante)❑ Effet atténuateur de la L-dopa à forte dose ❑ Effet atténuateur de l’alcool et du propranolol

Éléments distinctifs entre maladie de Parkinson et tremblement essentiel

TABLEAU II

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2. Principaux syndromes parkinsoniens• Syndrome parkinsonien post-neuroleptiques :laprise de neuroleptiques doit être systématiquement cherchée. Habituellement, le syndrome parkinsonien estplus symétrique, moins trembleur et est associé à desdyskinésies tardives ou une akathisie. En règle générale,il disparaît en quelques semaines après l’arrêt des médicaments. Toutefois, les symptômes persistent ous’aggravent parfois après l’arrêt des neuroleptiques et la prise de neuroleptiques était révélatrice d’un autresyndrome parkinsonien sous-jacent.• Autres syndromes parkinsoniens dégénératifs :lesatrophies multisystématisées (dégénérescence strio-nigrique, atrophie olivo-ponto-cérébelleuse, syndromede Shy-Drager) associent un syndrome parkinsonienpeu ou pas sensible à la L-dopa à d’autres signes neuro-logiques (tableau II). Elles représentent environ 10 %des syndromes parkinsoniens.La maladie de Steele-Richardson-Olszewski ou paralysiesupranucléaire progressive, associe une atteinte oculo-motrice de la verticalité vers le haut et vers le bas dansles mouvements volontaires et de poursuite avec un respect des réflexes oculocéphaliques (atteinte supra-nucléaire) et des chutes fréquentes. Elle représente environ 5 % des syndromes parkinsoniens.La dégénérescence corticobasale associe un syndromeparkinsonien asymétrique, une apraxie idéomotrice également asymétrique, une dystonie, parfois un phéno-mène de membre étranger et des myoclonies. Elle représente moins de 1 % des syndromes parkinsoniens.La maladie diffuse des corps de Lewy associe un syndrome parkinsonien, une susceptibilité aux neuro-leptiques, une démence de type cortical, des halluci-nations et des fluctuations des performances intellec-tuelles, des ondes lentes à l’électroencéphalogramme(tableau III).

• Syndromes parkinsoniens à ne pas confondre :– l’état lacunaire : la rigidité est oppositionnelle ; lamarche se fait à petits pas, le ballant des bras est conservé ;l’évolution se fait par à coups ; il y a des facteurs derisque vasculaires et des antécédents d’accidents vascu-laires cérébraux ; l’examen montre des signes pyrami-daux, un syndrome pseudo-bulbaire… en pratique, ça neressemble pas à une maladie de Parkinson ;– la maladie de Wilson : cette maladie exceptionnelle, detransmission autosomique récessive (chromosome 15) setraduit par l’apparition dans l’enfance ou à l’adolescencede troubles psychiatriques, d’un tremblement irrégulierde grande amplitude, de repos, d’attitude et d’action, oud’une dystonie. Malgré sa rareté, il est impératif de larechercher systématiquement devant un syndrome parkinsonien juvénile (avant 40 ans). Un examen ophtal-mologique à la lampe à fente à la recherche d’un anneaude Kayser-Fleischer, un dosage du cuivre plasmatique(diminué) et urinaire (augmenté) et de la céruloplasmine(diminuée), une enquête familiale sont nécessaires. Letraitement est à vie et repose sur les chélateurs du cuivre,D-pénicillamine et sulfate de zinc. Il faut une surveillancede la cuprurie (s’assurer que le traitement est bien pris),de la clinique et de l’imagerie par résonance magnétique(IRM), de la tolérance du D-pénicillamine (cutanée,hématologique et rénale). Les formes asymptomatiquesdoivent être traitées également à vie.

Évolution

Un traitement bien conduit permet de pérenniser l’amélio-ration de l’akinésie, de la rigidité ainsi que le tremblement.

1. Effets secondaires de la L-dopa Ils apparaissent d’autant plus précocement que les patientsont une bonne réactivité à la L-dopa (entre 2 et 6 ans après ledébut de la maladie), souvent lorsque la maladie est sévère.

M A L A D I E D E P A R K I N S O N

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Maladie Atrophie Paralysie supra- Dégénérescencede Parkinson multi-systématisée nucléaire progressive cortico-basale

Syndrome parkinsonien❑ akinésie + rigidité asymétrique symétrique axial asymétrique❑ réponse à la lévodopa + + w w –

Dystonie – cou cou membre supérieur

Instabilité posturale et chutes – + + + + +

Ophtalmophégie supranucléaire – – + + +

Syndrome pseudo-bulbaire – précoce précoce, sévère tardif

Dysautonie❑ Hypotension orthostatique – + + – –❑ troubles génito-sphinctériens – + + – –

Syndrome cérébelleux – w – –

Signes évocateurs – antécolis, stridor pallilalie membre étranger

Apraxie – – – + +

Syndrome frontal + + + + +

Caractères distinctifs des différents syndromes parkinsoniens

TABLEAU III

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• Les fluctuations de performances motricescorres-pondent à des modifications de l’état moteur du parkin-sonien en fonction des prises médicamenteuses ; il s’agit« d’akinésie de fin de dose », c’est-à-dire une réappa-rition des symptômes parkinsoniens à la fin de l’effetd’une prise de L-dopa. • Les dyskinésies provoquées par la L-dopa sont de3 types :– de « milieu de dose », choréiques, peu gênantes, pré-dominant à la face et aux membres supérieurs et appa-raissent au maximum de l’effet d’une dose de L-dopa ; – de « début et fin de dose », classiquement moins fréquentes, sont dystoniques et balliques, souvent trèspénibles, prédominant aux membres inférieurs et appa-raissant lorsque le patient se bloque ou se débloqueaprès la prise de L-dopa ; – crampes dystoniques, parfois inaugurales, surtout dupied (dystonic foot), souvent douloureuses, volontiersobservées le matin.• Les troubles psychiquessont plus rares, souvent alar-mants pour la famille, sous la forme de confusion men-tale, surtout d’hallucinations (souvent riches, peupléesde personnages, en principe non terrifiantes) fréquenteschez le sujet âgé ou en cas de détérioration intellectuelle.Dans quelques cas, une inversion de l’humeur peut êtreobservée, pouvant conduire à une hypomanie. Les fac-teurs favorisant l’apparition des hallucinations et de laconfusion sont l’âge avancé, un déclin intellectuel, lesagonistes dopaminergiques et les anticholinergiques, defortes doses de traitement.

2. Symptômes résistant à la L-dopa Ils constituent après de nombreuses années d’évolutionla principale cause d’invalidité :• instabilité posturaleavec chutes et risque de fracture,troubles de la marche avec enrayage cinétique (les piedsrestant collés au sol au démarrage), ou plus rarementfestination (le patient courant après son centre de gravité) ;• troubles intellectuels inconstants (difficultés deconcentration intellectuelle avec une lenteur idéiqueconduisant dans 15 à 20 % des cas à une véritabledémence). La dépression est fréquente (50 % des cas), àla fois réactionnelle et inhérente à la maladie.

Traitement

1. Principaux médicaments antiparkinsoniens

• La L-dopafranchit la barrière hémato-encéphalique etse transforme en dopamine sous l’action de la dopa-décarboxylase. L’association d’un inhibiteur de la dopa-décarboxylase périphérique (Modopar : L-dopa + bensé-razide; Sinemet : L-dopa + carbidopa) réduit les effetspériphériques de la L-dopa (vomissements ou hypoten-sion artérielle). La dose quotidienne de L-dopa et lenombre de prises sont trouvés par tâtonnement, en com-mençant par des doses faibles (50 mg, 3/j) jusqu’àobtention du bénéfice thérapeutique maximal (en dépassant rarement 1 000 mg/j). Une forme à libération

Neurologie

1919L A R E V U E D U P R A T I C I E N 1 9 9 9 , 4 9

prolongée (Modopar 125 LP ou Sinemet 200 LP) pro-longe l’effet de chaque prise et limite l’akinésie nocturneen cas de prise la veille au coucher. Ces formes « retard » ne sont pas toujours d’utilisation facile en casd’effets on-offou de dyskinésies sévères.• Les agonistes dopaminergiquesse fixent directementsur les récepteurs dopaminergiques post-synaptiques. Ilsont l’avantage d’avoir une durée d’action plus longue.Les principaux inconvénients sont les troubles psy-chiques (hallucinations) et l’hypotension orthostatique.Utilisés par certains en monothérapie en début de traite-ment (sous couvert de dompéridone : Motilium, 3/j), ilssont habituellement associés avec la L-dopa, ce qui permetde diminuer la sévérité des mouvements anormaux etdes fluctuations de performances, en diminuant lesdoses de L-dopa. Les plus fréquents sont la bromocriptine(Parlodel : en moyenne 30 à 40 mg/j), le lisuride(Dopergine : 0,8 à 1,6 mg/j), le ropinirole (Requip). Encas d’effets on-off sévères, l’apomorphine (Apokinon)peut être utilisée par voie sous-cutanée à l’aide d’unstylo injecteur (3 à 4 mg/dose) avec une action rapide(10 min) mais brève (1 h). Elle permet de surmonter desblocages répétés, prévisibles ou non.• Les anticholinergiques(trihexyphénidyle : Artane, 3à 6 mg/j) constituent un traitement classique du tremble-ment à la phase de début (en commençant par un demi-comprimé et en augmentant très progressivement lesdoses) et plus tard en association avec la L-dopa lescontre-indications sont le glaucome à angle fermé,l’adénome prostatique, et la détérioration intellectuelle.• Les inhibiteurs de la catécholo-méthyl-transférase(I-COMT) – entacapone (Comtan), tolcapone (Tasmar) –agissent en diminuant la dégradation de la dopamine eten augmentant la durée d’action de chaque prise de L-dopa. Ils sont indiqués en cas de fluctuations d’effetthérapeutique, lors du raccourcissement de l’effet dechaque prise. L’entacapone est le seul disponible actuel-lement et doit être prescrit à chaque dose de L-dopa.• La sélégiline(Déprényl) est un inhibiteur de la mono-amine-oxydase B (MAO-B) et n’a pas d’effet neuro-protecteur. Ce produit a un effet antiparkinsonien faiblequi réserve son utilisation à des formes très peu sévèresde maladie de Parkinson, avant de mettre en route untraitement symptomatique plus efficace.• La chirurgie fonctionnelleest un traitement d’excep-tion réservé à des formes graves de la maladie deParkinson. La stimulation du noyau sub-thalamique per-met d’améliorer l’akinésie, la rigidité et le tremblement ;les doses de L-dopa sont fortement réduites (ou arrêtées)ce qui diminue ou supprime les dyskinésies et les fluc-tuations d’effet thérapeutique.

2. Modalités de prescription• Au début de la maladie :en cas de tremblement rela-tivement isolé, il est classique de proposer un anticholi-nergique, par exemple trihexyphénidyle ou Artane 2 mg,un demi-comprimé au petit déjeuner en augmentant tousles 3 ou 4 jours jusqu’à un demi-comprimé 3 fois/j. Dans les formes du sujet jeune (commençant avant

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• À un stade plus tardif de la maladie :en pratique,2 situations sont fréquentes, éventuellement intriquées :– le traitement est ou devient insuffisant pendant la jour-née. Il faut augmenter la dose quotidienne de L-dopa, c’est-à-dire augmenter la posologie de chaqueprise sans hésiter à atteindre Modopar 250 ou Sinemet250, 3 fois par jour ;– des effets secondaires tels que des fluctuations de performances ou des dyskinésies apparaissent.Les fluctuations de performance sont constantes au boutde 2 à 8 ans, marquées d’abord par une akinésie de finde dose après chaque prise de L-dopa dont l’action nedure plus que 4 puis 3 puis 2 h, voire moins. Le traite-ment repose sur le fractionnement des doses de L-dopa et de ses dérivés, en multipliant les prises demanière à obtenir une amélioration plus douce et plusrégulière dans la journée. La meilleure solution reposesur l’administration d’une association de L-dopa etd’agoniste dopaminergique. Une autre possibilité estd’associer une forme retard de L-dopa à la forme

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45 ans), qui comportent une déficience dopaminergiquesévère, le risque d’effet secondaire à court terme invitecertains à commencer le traitement par un agoniste dopa-minergique sous couvert de Motilium pour éviter les nau-sées et l’hypotension orthostatique. Ex. : Parlodel 2,5 mg,1 comprimé aux repas en augmentant d’un comprimé tousles 3 ou 4 jours, puis passer à Parlodel 5 mg, 3 compriméspar jour. L’expérience des dernières années invite de plusen plus à proposer un traitement associant L-dopa et ago-nistes dopaminergiques. L’ordonnance type pourrait être :– Modopar 62,5, 1 gélule, ou Sinemet 100, un demi-comprimé à 8 h, 12 h, 18 h ; – Parlodel 2,5 mg, 1 comprimé à 8 h en augmentantd’un comprimé tous les 3-4 jours jusqu’à Parlodel 5 mg,1 comprimé 3 fois par jour. Le malade doit être revu enconsultation pour adapter les doses des médicaments.En règle générale, le résultat thérapeutique est satisfaisant,c’est la classique « lune de miel ».Chez le sujet plus âgé, il faut privilégier la qualité de vie et laL-dopa peut être utilisée dès le début de la maladie (fig. 2).

Traitement au début de la maladie de Parkinson.2

Traitement à un stade plus tardif de la maladie de Parkinson.3

FORME TREMBLANTE

AVANT 50 ANS PLUS TARDIF

FORME AKINÉTO-RIGIDEPEU SÉVÈRE

✓anticholinergiques✓piribédil✓L-dopa

✓agonistes dopaminergiques✓bithérapie L-dopa + agoniste dopaminergique

✓L-dopa✓prudence dans les associations

✓surveillance simple✓ traitement

DÉBUT DE LA MALADIE

GÊNANTE

TROUBLES PSYCHIQUES

DÉBUT ET FIN DE DOSE MILIEU DE DOSE

FLUCTUATIONS

✓arrêter les anticholinergiques et les agonistes dopaminergiques✓diminuer les doses de L-dopa

✓hydrater, calmer

✓agonistes dopaminergiques✓bithérapie L-dopa

+ agoniste dopaminergique✓hospitaliser

✓diminuer la L-dopa✓fractionner les doses

✓ajouter agoniste

✓formes retard de L-dopa

✓fractionner les doses de L-dopa✓ bithérapie : ajouter L-dopa + agoniste dopaminergique

+ I-COMT

STADE PLUS TARDIF

DYSKINÉSIES

DYSKINÉSIES

Page 95: La Revue Du Praticien-Neurologie

Prise en charge sociale

La maladie de Parkinson est prise en charge à 100 %. • La rééducation motricedoit être mise en route dès ledébut de la maladie. Elle doit être faite au moment del’effet maximal de la L-dopa (souvent le matin aprèsquelques années d’évolution). Elle comprend le main-tien de la souplesse des articulations, la marche, le lever,la posture, le demi-tour et les exercices luttant contre lesattitudes en flexion.• L’orthophonie est utilechez les patients ayant unedysarthrie et à un stade plus tardif une diminution ducontrôle du souffle (exercices respiratoires) ou destroubles de la déglutition.Le soutien psychologique,l’information via les associa-tions de patients (France Parkinson) aident à une meilleureacceptation et compréhension de la maladie et du traite-ment. Lorsque la maladie est évoluée des conseils d’ha-billage (chaussures avec fermeture velcro, vêtementslarges, fermetures éclair plus que boutons) et de diété-tique aident au confort de vie. ■

Neurologie

1921L A R E V U E D U P R A T I C I E N 1 9 9 9 , 4 9

standard ou d’associer la L-dopa à un inhibiteur de laCOMT (entacapone) chez les sujets qui ne peuvent recevoir des agonistes dopaminergiques.Les mouvements anormaux involontaires sont plus difficiles à traiter. Schématiquement, l’apparition dedyskinésies de « milieu de dose » nécessite une diminu-tion et un fractionnement des doses de L-dopa. Audébut, le résultat est favorable, un équilibre pouvant êtretrouvé entre un « déblocage » correct dans la journéeavec des dyskinésies de sévérité supportable. Mais ladiminution de la posologie de L-dopa risque de s’ac-compagner d’une réapparition des signes parkinsoniens.Le traitement des dyskinésies « de début et fin de dose »,qui surviennent au début et à la fin de l’effet d’une dosede L-dopa, est beaucoup plus difficile et aléatoire,nécessitant souvent une hospitalisation (fig. 3).• Les signes qui répondent peu à la L-dopa :l’appari-tion de troubles psychiques, qui s’observent chez lesujet âgé ou en cas de détérioration intellectuelle,implique une grande prudence dans la prescriptionmédicamenteuse. En principe, il convient, d’une part deproscrire l’utilisation des anticholinergiques et des agonistes dopaminergiques, donc de se contenter d’untraitement en monothérapie par la L-dopa, d’autre partde réduire la posologie de chaque prise médicamenteusedans la journée. Dans quelques cas, l’apparition brutale d’un syndromeconfuso-hallucinatoire sévère constitue une urgence thérapeutique. Trois gestes s’imposent : l’arrêt de toutethérapeutique pouvant entraîner une confusion ; la L-dopa à dose modérée et fractionnée dans la journée(par ex. : Modopar 125 ou Sinemet 100, 1 comprimétoutes les 4 h) ; l’hydratation.Chez des patients détériorés qui présentent des hallucinations et des troubles du comportement malgréla diminution des traitements et la monothérapie par laL-dopa, la mise en route d’un neuroleptique atypique, laclozapine (Leponex) à de très petites doses (25 à 50 mg/j)nécessite une surveillance hématologique hebdomadaire.L’instabilité posturale et les chutes : ces symptômes sontpeu ou pas améliorés par le traitement antiparkinsonienet apparaissent environ 10 à 15 ans après le début de lamaladie. La rééducation motrice tient une part importantedans le maintien de la souplesse des articulations, ducontrôle de la posture et des manœuvres de rattrapageou de relèvement après la chute.Les troubles sphinctériens sont tardifs et se traduisentpar une impériosité mictionnelle et une pollakiurie. Ilssont le reflet d’une hyperactivité du détrusor. Ils peuventpartiellement être améliorés par la L-dopa ou nécessiterun traitement spécifique (Ditropan ou alphabloquant)après un bilan urodynamique.Les troubles du sommeil sont mixtes : akinésie nocturneavec réveils fréquents, fragmentation du sommeil, dimi-nution du sommeil paradoxal, cauchemars, hallucina-tions. Une diminution des doses du soir et un sédatifléger sont nécessaires.

• La première étape est diagnostique et il ne faut pas se faire piéger par un syndromeparkinsonien post-neuroleptiques, une maladiede Wilson (d’où le dogme de rechercher cetteaffection devant tout syndrome parkinsoniende moins de 40 ans, malgré sa rareté),un autre syndrome parkinsonien complexe(d’où la recherche des signes neurologiquesassociés) dont la réponse au traitement et le pronostic sont plus mauvais.

• La deuxième étape est thérapeutique pour retarder et limiter les inconvénients que sont dyskinésies et fluctuations (liés à l’interaction de la gravité de la maladie etdes traitements) ou pour compenser au mieuxles signes tardifs et peu sensibles au traitementtels que chutes et troubles intellectuels par la prise en charge multidisciplinaire et la simplification du traitement.

• La troisième étape est d’informer et d’organiserla prise en charge sociale.

• Enfin, la dernière étape est la compréhensiondes données de la recherche, stimulation cérébrale profonde qui permet de mieux analyserla physiopathologie des différents symptômes,génétique de la maladie de Parkinson,en particulier dans les formes juvéniles.

Points Forts à retenir

Page 96: La Revue Du Praticien-Neurologie

NeurologieB 221

69L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

Neuropathies inflammatoires ou dysimmunes

L’origine dysimmune de ces neuropathies sembleactuellement bien établie, bien que les auto-antigènes encause et les mécanismes précis conduisant aux lésionsdes nerfs périphériques soient encore mal connus.

1. Syndrome de Guillain et Barré Ce syndrome fait l’objet d’une question entière et nesera donc pas traité ici.

2. Polyradiculonévrites chroniques inflammatoiresElles se définissent par rapport au syndrome de Guillainet Barré par une durée d’installation supérieure à 3 mois.Il s’agit de polyneuropathies sensitivo-motrices à prédo-minance motrice, avec déficit moteur distal et proximal,troubles sensitifs touchant plutôt les grosses fibres myélinisées (tact fin et sensibilité profonde), aréflexietendineuse et atteinte occasionnelle des paires crâ-niennes. Le mode d’installation peut être subaigu surquelques semaines ou beaucoup plus chronique.L’examen électrophysiologique montre en règle uneneuropathie démyélinisante diffuse et multifocale, avecdes anomalies des vitesses de conduction hétérogènes.L’étude du liquide céphalorachidien (LCR) objectiveune hyperprotéinorachie sans hypercytose (< 50 éléments/mm3). Si elle est réalisée, la biopsie nerveuse met en évidence des démyélinisations segmentaires et parfois desinfiltrats de cellules mononucléées : lymphocytes etmacrophages. Elle n’est pas utile dans les formes typiquesde la maladie. L’évolution peut être chronique progressiveou plus rarement à rechutes ; un traitement immuno-suppresseur ou immunomodulateur (corticoïdes, immuno-globulines intraveineuses, échanges plasmatiques, cyclo-phosphamide, azathioprine…) peut être efficace.

3. Neuropathies motrices multifocales avec blocs de conductionCes neuropathies d’individualisation récente sont relati-vement stéréotypées dans leur présentation. Il s’agit leplus souvent de l’installation progressive d’un déficitmoteur pur, débutant aux membres supérieurs de façonasymétrique et de distribution tronculaire. L’aréflexien’est pas constante et les troubles sensitifs sont absents.Des crampes sont habituelles mais l’amyotrophie estgénéralement tardive. Ce tableau clinique peut en impo-ser pour une sclérose latérale amyotrophique (SLA)

Parmi les atteintes du système nerveux périphérique, ondistingue : les polyneuropathies, atteintes en règle sensi-tivo-motrices et symétriques ; les mononeuropathies etmononeuropathies multiples, atteintes focales d’un ouplusieurs troncs nerveux, survenant le plus souvent defaçon aiguë, et dont les mécanismes sont surtout com-pressifs ou ischémiques ; les polyradiculonévrites,atteintes d’origine inflammatoire, surtout démyélini-santes, pouvant toucher les troncs nerveux sur toute leurlongueur (y compris les racines), avec une distributionhétérogène et multifocale ; les neuronopathies sensitives(ou ganglionopathies) et les neuronopathies motricesqui touchent primitivement les corps cellulaires des neurones sensitifs ou moteurs dont les axones dégé-nèrent secondairement.

ÉtiologieLes causes des neuropathies périphériques sont trèsnombreuses et il est illusoire d’en dresser la listeexhaustive. En revanche, il est important de connaître lesgrands cadres étiologiques et la présentation des neuropa-thies périphériques les plus fréquemment rencontrées.

Neuropathies périphériques Étiologie, diagnostic

DR Laurent MAGY, PR Jean-MichelVALLAT

Service de neurologie, CHRU Dupuytren, 87042 Limoges Cedex.

• Il existe plus d’une centaine de causes possibles pour une neuropathie périphérique. L’examen électromyographique vient en complément de l’examen clinique et de l’interrogatoire, pour réaliser un véritablebilan « électro-clinique », qui permet de classerune neuropathie selon son mode évolutif,sa topographie et le processus pathologiquesupposé. Cela permet de limiter le nombre des causes possibles pour un patient donné et donc le nombre d’examens complémentaires.

• Avant de retenir une étiologie, il faut toujoursconfronter le type de neuropathie observéeau(x) type(s) de neuropathie(s) susceptible(s)d’être induite(s) par cette étiologie.

• L’électrophysiologiste doit disposer de renseignements cliniques précis afin d’interpréter au mieux les résultats de son examen.

Points Forts à comprendre

Page 97: La Revue Du Praticien-Neurologie

mais les signes pyramidaux sont absents, et surtout,l’examen électrophysiologique montre la présence deblocs de conduction moteurs en dehors des zones decompression habituelles des troncs nerveux. Ces neuro-pathies sont associées à la présence à forts taux d’anti-corps dirigés contre le ganglioside GM1. Elles répon-dent le plus souvent (et parfois de façon spectaculaire) àun traitement par immunoglobulines intraveineuses àfortes doses. Des formes sensitivo-motrices des ces neu-ropathies ont également été décrites.

Neuropathies toxiques

De nombreux agents toxiques, notamment industriels etmédicamenteux, peuvent être responsables de neuro-pathie périphérique. Il faut savoir évoquer ces différentstoxiques dans certaines situations particulières d’expo-sition, mais leur responsabilité ne doit être retenue quelorsque le type de neuropathie rencontrée est connu pourêtre provoqué par le toxique incriminé.

1. Toxiques industriels et environnementaux(tableau I)

Les neuropathies induites par les toxiques industrielstendent heureusement à disparaître, grâce à l’améliorationdes conditions de travail et aux précautions prises dansla manipulation des produits toxiques par les personnelsexposés. Les neuropathies induites sont le plus souventdes axonopathies distales et les mécanismes précisconduisant à la toxicité nerveuse sont très mal connus.

2. Toxiques médicamenteux (tableau II)Il est important de reconnaître leur responsabilité, carl’arrêt du traitement en cause est généralement suivid’une récupération progressive. Là encore, il s’agit sou-vent d’axonopathies distales, mais on rencontre égale-ment des neuronopathies sensitives comme dans le trai-tement par cisplatine, ou des atteintes myéliniquesprimitives [neuropathies induites par l’amiodarone(Cordarone) ou le maléate de perhexiline (Pexid)].

N E U R O PAT H I E S P É R I P H É R I Q U E S

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Nomdu toxique

UtilisationConditions d’exposition

Type de neuropathie

ParticularitésSignes associés

Acrylamide Agent floculant, Axonale, distale, Atteinte cérébelleuse associéestabilisation des sols sensitivo-motrice(sous forme de polymère)

Hexacarbones Industrie des laques Axonale, distale, Atteinte associée du système et des colles (solvant) avec démyélinisation secondaire nerveux autonomeNB : intoxication volontaire Sévère, motrice si intoxicationchez les « sniffeurs » de colle volontaire

Plomb Intoxication « domestique » : Mononeuropathie multiple Signes associés :enfant ingérant des peintures débutant aux membres supérieurs anémie, amaigrissement,contenant du plomb NB : atteinte pseudo-radiale troubles digestifs(locaux insalubres ) fréquente Traitement possible

par chélateurs (D-pénicillamine)Arsenic Industrie de la fonderie Axonopathie distale Atteinte cutanée et unguéale

sensitivo-motrice (stries)Bisulfate de carbone Production des fibres Axonopathie distale sensitive

de viscose et de la cellophaneCyanure Consommation de manioc Axonopathie distale Troubles visuels et de l’audition,

dans les pays africains sensitivo-motrice, douloureuse syndrome pyramidalAcide dichlorophénoxy-acétique Herbicide Axonopathie distaleOxyde d’éthylène Gaz utilisé comme stérilisant Axonopathie distaleBromure de méthyle Insecticide ou extincteurs Axonopathie Atteinte pyramidale

et cérébelleuseTétrachlorobiphényle Agents plastifiants, Neuropathie axonale sensitive Acné, pigmentation des ongles

isolants électriquesOrganophosphorés Insecticides et industrie Neuropathie axonale chronique Syndrome pyramidal

du pétroleSels de thallium Insecticide, raticide Axonopathie sensitive Syndrome pyramidal,

douloureuse syndrome extrapyramidal,alopécie, stries unguéales

Mercure Exposition environnementale Ganglionopathie Réduction du champ visuel,ataxie

Protoxyde d’azote Inhalation (dentistes, prothésistes) Myéloneuropathie Ataxie, dysmyélopoïèseStyrène Solvant organique Axonopathie distale Troubles du comportement

Principales neuropathies dues aux toxiques industriels et environnementaux

TABLEAU I

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Neurologie

71L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

Classe médicamenteuseDCI

Nom commercial Type de neuropathie Particularités

Antimitotiques

Vincristine, vinblastine Oncovin Axonopathies distales sensitives Récupération longue à l’arrêt,toxicité dose-dépendante

Cisplatine – Neuronopathies sensitives Toxicité cumulativePaclitaxel Taxol Neuronopathies sensitives Jusqu’à 25% des cas traitésAutres : procarbazine,podophyllotoxine, cytarabine Axonopathies distales –

Anti-infectieux

Isoniazide Rimifon Axonopathie distale, Prévenue par administrationsensitive surtout de pyridoxine (vitamine B6)

Métronidazole Flagyl Axonopathie surtout sensitive Si traitements au long coursNitrofurantoïne Furadantine Axonopathie distale Surtout si insuffisance rénale

sensitivo-motriceChloroquine Nivaquine Neuromyopathie Si dose élevée et traitement

prolongéAutres : phénicolés, Axonopathies –DDC, DDI, vidarabine

Médicaments neuropsychiatriques

Disulfirame Espéral Axonopathies chroniques, Utilisé pour désintoxicationvoire aiguës éthylique

Lithium Téralithe Axonopathies à prédominance Atteinte centrale associéemotrice

Autres : phénytoïne, Axonopathies –amitriptyline

Médicamentsrhumatologiques

Sels d’or – Lésions axonales Installation souvent rapideet démyélinisantes

Autres : D-pénicillamine, Axonopathies –colchicine

Médicaments dermatologiques

Dapsone Disulone Axonopathies à prédominance –motrice

Thalidomide – Axonopathies sensitives Effet tératogène associé

Médicaments cardiovasculaires

Amiodarone Cordarone Neuropathies démyélinisantes Atteinte centrale associée (cervelet)

Autres : hypocholestérolémiants Axonopathies –(simvastatine)

Autres médicaments

Almitrine Vectarion Axonopathies surtout sensitives Fenêtres thérapeutiques indispensables

Maléate de perhexiline Pexid Neuropathies démyélinisantes Médicament abandonnéPyridoxine (vitamine B6) – Axonopathies sensitives –Autres : cimétidine, Axonopathies –ciclosporine, carbimazole

Principales neuropathies médicamenteuses

TABLEAU II

Page 99: La Revue Du Praticien-Neurologie

Neuropathies alcooliques et carentielles

Ces deux types de neuropathies sont étudiés dans lemême chapitre car il semble que les deux mécanismessoient fréquemment associés.

1. AlcoolismeL’éthylisme chronique est responsable de neuropathiespériphériques dont le mécanisme n’est pas univoque. Ilexisterait effectivement une toxicité directe de l’alcoolsur le système nerveux périphérique, mais un état caren-tiel est très fréquemment associé. Il s’agit le plus sou-vent d’axonopathies distales chroniques ou subaiguës,débutant par des paresthésies ou des douleurs desmembres inférieurs et une aréflexie. À la phase d’état, ils’agit de polyneuropathies sensitivo-motrices. On ren-contre également, mais beaucoup plus rarement, desformes axonales d’installation aiguë simulant clinique-ment un syndrome de Guillain et Barré. Le traitementdes neuropathies de l’alcoolisme repose sur l’arrêt del’imprégnation associé à une vitaminothérapie du groupe B (surtout thiamine).

2. Carences vitaminiquesLa carence en vitamine B1 provoque le béribéri, quicomporte une neuropathie identique à la neuropathie del’éthylisme chronique. La carence en vitamine B6 n’està l’origine d’une neuropathie périphérique que lors detraitements prolongés par isoniazide. La survenue d’uneatteinte du système nerveux périphérique au cours d’unecarence en vitamine B12 est controversée. Quelques casde neuropathie ont été rapportés au cours de carences enfolates et vitamine E.

3. MalabsorptionsLes malabsorptions, quelle qu’en soit la cause, peuventdéterminer une neuropathie périphérique induite par unecarence vitaminique multiple.

Neuropathies métaboliques et endocriniennes

1. Neuropathies diabétiquesLes neuropathies sont fréquentes au cours du diabète etil n’y a pas une, mais des neuropathies diabétiques. Lesfacteurs susceptibles de déterminer l’apparition d’uneneuropathie au cours du diabète sont multiples : les anomalies métaboliques sont à l’origine de perturba-tions du transport axonal, la microangiopathie déterminedes perturbations endoneurales, et des facteurs immuno-logiques sont également impliqués dans l’atteinte dusystème nerveux périphérique. Les différents types deneuropathies associées au diabète sont les suivants.• La polyneuropathie sensitive est de loin la présentationla plus fréquente. Il s’agit d’une polyneuropathie axonalechronique, symétrique, qui survient généralement chezdes patients dont le diabète évolue depuis plus de 5 ans ;elle est rarement révélatrice d’un diabète non insulino-dépendant (DNID). Des dysesthésies à type de brûlures

accompagnent l’atteinte sensitive objective qui prédo-mine souvent sur les modalités douloureuses et thermo-algiques (fibres sensitives myélinisées de petit diamètreet fibres amyéliniques). Une aréflexie achilléenne estfréquente et le déficit moteur est absent ou très modéré.L’étude électrophysiologique confirme généralementl’atteinte axonale sensitive. Une dysautonomie est souventassociée, à l’origine de troubles fonctionnels gastro-intestinaux (gastroparésie, diarrhée), cardiovasculaires(hypotension orthostatique) ou génito-urinaires (impuis-sance, troubles vésicaux). Rarement, cette neuropathiepeut s’installer de manière aiguë dans certaines circons-tances particulières comme un déséquilibre brutal dudiabète ou l’instauration d’un traitement insulinique.• Les neuropathies focales et multifocales sont plusrares et peuvent toucher tous les troncs nerveux. Les nerfs crâniens sont souvent atteints (surtout le III etle VI), à l’origine de diplopies plus ou moins brutales.Une atteinte douloureuse et amyotrophiante du nerf crural est également fréquente, généralement de bonpronostic. Plus rares sont les atteintes thoraciques ouabdominales, caractérisées par des déficits en bandes etparfois une paralysie des muscles abdominaux. Des neuropathies motrices multifocales peuvent se rencontrer,pour lesquelles l’étude histologique a pu montrer desinfiltrats inflammatoires suggérant un mécanisme dys-immunitaire. Ces neuropathies évoluent le plus souventspontanément vers la guérison, et peuvent être sensiblesà une courte corticothérapie. Pour mémoire, on peut citer quelques cas de polyradiculo-névrites aiguës ou chroniques, pour lesquelles la respon-sabilité du diabète ou d’un « terrain » dysimmunitaireest controversée.

2. Neuropathies endocriniennes autres que diabétiquesL’acromégalie et l’hypothyroïdie peuvent être à l’origined’un syndrome du canal carpien par infiltration locale.Plus rarement, l’hypothyroïdie peut provoquer des polyneuropathies. Enfin, de rares neuropathies peuvents’observer au cours d’hyperlipidémies sévères.

3. Neuropathies de l’insuffisance rénaleL’insuffisance rénale n’entraîne désormais que très rarement une neuropathie chez les patients dialysés. Il s’agit le plus souvent d’une axonopathie sensitivo-motrice distale dont le mécanisme est mal connu. La transplantation rénale a un effet bénéfique.

Neuropathies infectieuses

1. RétrovirusLa sérologie du virus de l’immunodéficience humaine(VIH) fait désormais partie du bilan de première inten-tion d’une neuropathie périphérique. En effet, environun tiers des patients serait concerné à un stade ou l’autrede la maladie et à peu près tous les types de neuropathiespeuvent se rencontrer.

N E U R O PAT H I E S P É R I P H É R I Q U E S

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laire), l’atteinte cutanée est plus diffuse et les troublessensitivo-moteurs sont souvent symétriques prenant laforme d’une polyneuropathie distale. L’agent infectieuxest présent en abondance dans les tissus biopsiés. Lediagnostic de lèpre repose sur le contexte et la mise enévidence du bacille de Hansen (Mycobacterium lepræ)dans les biopsies cutanées ou nerveuses.

4. DiphtérieDepuis la généralisation de la vaccination, la diphtérie,toxi-infection due à Corynebacterium diphteriæ, estdevenue exceptionnelle dans les pays industrialisés. Untableau clinique identique au syndrome de Guillain etBarré succède à la classique angine à fausses membranes.Une méningite lymphocytaire est habituellement associée.L’administration précoce d’antitoxine diphtérique dimi-nue l’intensité des signes cliniques.

5. Mononucléose infectieuseDifférents tableaux d’atteinte du système nerveux péri-phérique peuvent s’associer à cette virose : syndrome deGuillain et Barré, multinévrite, neuronopathie sensitive.Le mécanisme lésionnel est inconnu.

Neuropathies associées à un cancer

Au cours des cancers, l’atteinte du système nerveux péri-phérique peut relever de mécanismes divers : infiltrationdes nerfs et des racines par le processus néoplasique, com-pressions locales, complication des traitements (chimio-thérapie, radiothérapie), atteintes dites paranéoplasiquesau cours desquelles certains antigènes tumoraux déter-minent une réaction immunitaire dirigée contre le nerf.

1. Neuronopathie sensitive paranéoplasique(syndrome de Denny-Brown)La présentation clinique est celle d’une neuronopathiesensitive douloureuse, d’évolution le plus souvent subai-guë sur quelques semaines, avec ataxie, aréflexie, et par-fois dysautonomie. L’examen électrique révèle une alté-ration ou une abolition des potentiels sensitifs, sansanomalie des vitesses de conduction motrices. Il existesouvent une hyperprotéinorachie, associée parfois à une discrète réaction lymphocytaire. Des anticorps anti-neuronaux de type anti-HU sont très fréquemment rencontrés, mais leur rôle pathogène est incertain. Cesneuropathies précèdent la découverte du cancer en cause(le plus souvent cancer du poumon à petites cellules)dans plus des trois quarts des cas et le traitement de lanéoplasie peut avoir un effet bénéfique sur l’évolutionde la neuropathie.

2. Polyneuropathie sensitivo-motrice paranéoplasiqueIl peut s’agir de polyradiculonévrites aiguës du typeGuillain et Barré, décrites en association avec des lym-phomes hodgkiniens, ou de polyneuropathies axonalessubaiguës chroniques pour lesquelles la responsabilitédu cancer n’est pas démontrée.

• La polyradiculonévrite aiguë s’observe à la phase deséroconversion. Elle mime un syndrome de Guillain etBarré, mais comporte une hypercytose du liquide céphalo-rachidien. Elle peut également apparaître plus tardive-ment dans l’évolution de la maladie, alors associée à uneinfection à cytomégalovirus (CMV). • La polyradiculonévrite inflammatoire subaiguë ouchronique ne se distingue pas cliniquement de la formeobservée chez les patients séronégatifs. • La mononeuropathie multiple est une forme associéeà une vascularite nécrosante, susceptible d’être amélio-rée par un traitement corticoïde. Une mononeuropathiemultifocale peut également se rencontrer au cours del’infection à cytomégalovirus, pouvant alors bénéficierd’un traitement antiviral par ganciclovir. • Des polyneuropathies axonales distales sont égale-ment fréquentes au cours de l’infection par le virus del’immunodéficience humaine. Elles se manifestent habi-tuellement au stade sida. Enfin, une polyneuropathieaxonale subaiguë ou aiguë, douloureuse, survient aucours du syndrome DILS (diffuse infiltrative lymphocy-tosis syndrome), associée à des infiltrats lymphocytairesdiffus faits de cellules CD8+.De rares cas d’atteintes du système nerveux périphé-rique ont été décrits en association avec le virus de typeherpès 1.

2. BorréliosesUn tableau de méningoradiculonévrite appelée maladiede Lyme peut survenir après morsure de tique. Il est dû àl’infection par un spirochète, Borrelia burgdorferi, etassocie généralement des radiculalgies diffuses souventpénibles à des paralysies plus ou moins extensives et àune diplégie faciale. Le liquide céphalorachidien montreen règle une méningite lymphocytaire. Ce tableau faitclassiquement suite à une phase d’invasion au cours delaquelle survient un érythème migrant, et s’associe defaçon variable à des arthralgies et une atteinte cardiaque.Le diagnostic est confirmé par la sérologie spécifique(sang et liquide céphalorachidien) et la PCR (polymerasechain reaction), et le traitement fait appel à la ceftriaxone(Rocéphine) en première intention, voire à la pénicillineG ou aux cyclines.

3. LèprePremière cause de neuropathie infectieuse dans lemonde, la lèpre est rarement observée sous nos latitudes,mais la maladie peut parfois se rencontrer chez dessujets ayant séjourné en pays d’endémie. On distingue laforme tuberculoïde (paucibacillaire), au cours de laquellede rares lésions cutanées hypopigmentées sont le sièged’une anesthésie thermoalgique témoignant de l’atteintepréférentielle des petites fibres amyéliniques. Dans cetteforme, l’atteinte nerveuse détermine essentiellement desmononeuropathies multiples avec gros nerfs, souventpalpables et indurés. L’entrée du bacille dans l’organismedéclencherait une intense réaction inflammatoire à l’ori-gine de granulomes, empêchant le multiplication micro-bienne. Au cours de la forme lépromateuse (multibacil-

Neurologie

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Page 101: La Revue Du Praticien-Neurologie

3. Neuropathies radiquesTous les éléments nerveux sont susceptibles d’êtreatteints lors d’une radiothérapie, mais certains syn-dromes sont bien individualisés. Les atteintes plexiques(et parfois radiculaires) sont les mieux décrites et peuventtoucher les membres supérieurs et (ou) inférieurs enfonction du siège de l’irradiation. On distingue desplexopathies précoces et transitoires, survenant enmoyenne environ 4 mois après l’irradiation, et qui évo-luent le plus souvent vers la récupération en quelquesmois ; et des plexopathies tardives, survenant parfoisplusieurs années après le traitement, et qui sont de plusmauvais pronostic. Pour la pratique, il faut surtout retenir que la présence de douleurs au premier plan dutableau et le caractère strictement unilatéral de l’atteinteorientent plutôt vers une infiltration tumorale que versune atteinte plexique d’origine radique.

4. Autres neuropathiesD’autres tableaux cliniques peuvent se rencontrer aucours des cancers, tels que des mononeuropathies mul-tiples en rapport avec une vascularite, des neuropathiesdysautonomiques, ou des polyneuropathies axonales trèsmodérées dont l’origine paranéoplasique est douteuse.

Neuropathies associées à une hémopathie

1. LymphomesOn rencontre principalement au cours des lymphomesdes neuropathies axonales, sensitivo-motrices, souventdouloureuses et asymétriques. L’évolution peut être trèsinsidieuse et la biopsie des nerfs prend tout son intérêtlorsqu’elle montre des infiltrats mononucléés de celluleslymphomateuses. La recherche d’un lymphome systé-mique doit être systématiquement effectuée dans ce typede tableau clinique.

2. LeucémiesAu cours des leucémies, surtout lymphoïdes, lestableaux cliniques rencontrés relèvent essentiellementd’une infiltration néoplasique.

3. DysglobulinémiesLes neuropathies rencontrées au cours de dysglobuliné-mies peuvent être classées dans le chapitre neuropathiesdysimmunes. En effet, pour certaines d’entre elles, lecomposant monoclonal possède une activité dirigéecontre certains déterminants antigéniques du nerf péri-phérique. C’est notamment le cas des neuropathies asso-ciées à la maladie de Waldenström et aux dysglobuliné-mies monoclonales « bénignes » à immunoglobulines M(IgM). Il s’agit le plus souvent dans ce cas de neuro-pathies sensitives ataxiantes, avec atteinte préférentielledes fibres myélinisées de gros diamètre. Sur le planélectrophysiologique, il s’agit d’une neuropathiedémyélinisante avec un allongement marqué deslatences distales motrices. L’immunoglobuline mono-clonale possède fréquemment une activité anti-MAG

(myelin associated glycoprotein), et la biopsie peutmontrer des aspects typiques d’élargissement deslamelles myéliniques en microscopie électronique. Aucours du très rare myélome ostéocondensant, on rencontre dans plus de la moitié des cas un tableau assez stéréotypé de neuropathie sensitivo-motrice ayantles caractéristiques électrophysiologiques d’une poly-radiculonévrite chronique. Ce tableau peut se compléterpour former le syndrome POEMS (polyneuropathy,organomegaly, endocrinopathy, M protein et skinchanges). La neuropathie s’améliore parfois de façonspectaculaire après une radiothérapie focalisée. Aucours du myélome multiple comme au cours des gam-mapathies monoclonales bénignes de type IgG ou IgA,différents types de neuropathies peuvent se voir : neuro-pathies axonales sensitivo-motrices, neuropathiesdémyélinisantes… Enfin, toutes les gammapathiesmonoclonales peuvent s’accompagner d’une amylose,constituée de fragments polypeptidiques de chaîneslégères se déposant dans les tissus, où ils prennent une configuration bêtaplissée, reconnaissable par lacoloration au rouge Congo. Les neuropathies amyloïdesacquises ont les mêmes caractéristiques électro-cliniques que les neuropathies amyloïdes héréditaires.

4. CryoglobulinémiesLes cryoglobulines sont des immunoglobulines précipi-tant de manière réversible à 4 ˚C. Les cryoglobulinémiesdites « essentielles » seraient associées dans près de 80 %des cas à une sérologie positive pour le virus de l’hépatite C.On rencontre principalement 2 types de neuropathies enassociation avec les cryoglobulinémies : des mononeuro-pathies multiples sévères avec signes généraux extraneuro-logiques et vascularite nécrosante à la biopsie de nerfs,qui répondraient favorablement aux immunosuppresseurset aux antiviraux (interféron α) ; et des polyneuropathiesaxonales chroniques sensitives, souvent douloureuses,assez rebelles aux différentes thérapeutiques.

Neuropathies vasculaires et neuropathiesau cours des maladies systémiques

1. Périartérite noueuseCette vascularite systémique touche les vaisseaux demoyen calibre et atteint fréquemment le système ner-veux périphérique. Il s’agit le plus souvent d’une mono-neuropathie multiple d’évolution sévère, avec déficitssensitivo-moteurs tronculaires fréquemment associés à des douleurs. Le diagnostic repose sur la biopsie ner-veuse, qui montre une vascularite nécrosante (infiltratsinflammatoires et nécrose fibrinoïde des vaisseaux demoyen calibre). La perte axonale est généralement trèsmarquée. Enfin, aux frontières de la périartérite noueuse,on peut citer le syndrome de Churg et Strauss, qui associeà l’atteinte nerveuse un asthme et une hyperéosinophiliesanguine. Le traitement de ces vascularites repose essen-tiellement sur la corticothérapie, voire les immunosup-presseurs.

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1. Maladie de Charcot-Marie-Tooth Les différents syndromes de neuropathie héréditairesensitivo-motrice (tableau III) regroupés sous cetteappellation ont pour caractéristique commune la présenced’une amyotrophie péronière, diversement associée àune scoliose et à des pieds creux. L’atteinte motrice pré-domine sur les troubles sensitifs qui sont généralementdiscrets. Ces maladies sont très hétérogènes au plangénétique, électrophysiologique et neuropathologique etla présentation clinique peut être très variable au seind’une même famille.

2. Neuropathies héréditaires à rechutesOn en rencontre 2 types principaux. • La neuropathie héréditaire avec hypersensibilité à lapression (ou neuropathie tomaculaire). Cette neuro-pathie se présente sous la forme d’accès de paralysiestronculaires et de troubles sensitifs, déclenchés par destraumatismes ou des postures susceptibles de comprimerles troncs nerveux, notamment dans les défilés anato-miques. L’anomalie en cause est habituellement unedélétion d’une région de 1,5 mégabases sur le chromo-some 17, contenant le gène de la PMP22 (protéine de lamyéline). Histologiquement, les fibres myélinisées présentent des aspects d’hypermyélinisation aberrante,prenant sur les coupes longitudinales (teasing) un aspecten saucisses (ou tomacula).

Neurologie

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2. Lupus érythémateux aigu disséminé Cette maladie se complique de polyradiculonévritessubaiguës ou chroniques, ou parfois de mononeuro-pathies multiples du fait de la vascularite.

3. Polyarthrite rhumatoïde Plusieurs types de neuropathies peuvent être observés.Des neuropathies par compressions dues aux défor-mations ostéo-articulaires, des neuropathies sensitivesaxonales chroniques apparaissant tardivement dansl’évolution de la maladie, et des mononeuropathies multiples du fait de la vascularite.

4. Syndrome de SjögrenCette maladie associe dans sa forme complète un syn-drome sec et une atteinte systémique. Divers types deneuropathies lui ont été associés. Il s’agit principale-ment de neuronopathies sensitives ataxiantes au coursdesquelles des infiltrats inflammatoires ont été observésdans les ganglions rachidiens postérieurs. Des neuro-pathies axonales sensitives et sensitivo-motrices peuvent également se rencontrer.

Neuropathies héréditaires

Voir : Pour approfondir 1.

CMT1CMT1A autosomique dominante Chr 17p PMP22 (duplication Protéine de la myéline démyélinisant

ou mutation ponctuelle)CMT1B autosomique dominante Chr 1q P0 (mutations ponctuelles) Protéine de la myéline démyélinisantCMT1 ? autosomique dominante Chr 10q EGR2 (mutations Facteur transcriptionnel démyélinisant

ponctuelles)CMT1C autosomique dominante inconnue inconnu inconnu démyélinisantCMT2CMT2A autosomique dominante Chr 1p inconnu inconnu axonalCMT2B autosomique dominante Chr 3q inconnu inconnu axonalCMT2C autosomique dominante Chr 7p inconnu inconnu axonalAutres autosomique dominante inconnue inconnu inconnu inconnuCMTXCMTX dominante liée à l’X Chr X Connexine 32 gap junction démyélinisant,

(mutations ponctuelles) axonal ou intermédiaire

CMT4CMT4A autosomique récessive Chr 8q inconnu inconnu démyélinisantCMT4B autosomique récessive Chr 11q inconnu inconnu démyélinisantCMT4 Lom autosomique récessive Chr 8q inconnu inconnu démyélinisantCMT4 autosomique récessive Chr 5q inconnu inconnu inconnuCMT4C autosomique récessive inconnue inconnu inconnu axonalCMT5Forme associée à un syndrome pyramidal Autosomique dominante inconnue inconnu inconnu axonal

Transmission Localisation Gène en cause Rôle Type(type de mutation) de la protéine électrique

Classification de la maladie de Charcot-Marie-Tooth

TABLEAU III

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N E U R O PAT H I E S P É R I P H É R I Q U E S

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• Les porphyries hépatiques, et notamment la porphy-rie aiguë intermittente, sont dues à des erreurs innéesdu métabolisme de l’hème, et sont également à l’origined’une neuropathie axonale à rechutes, se présentant leplus souvent sous la forme de paralysies ascendantessimulant un syndrome de Guillain et Barré ou d’unemononeuropathie multiple. Les facteurs déclenchantssont multiples (traitements médicamenteux, infec-tions…). La survenue d’accès de paralysie dans uncontexte évocateur (douleurs abdominales intenses,émission d’urines foncées, troubles du comportement)permet d’évoquer le diagnostic, qui est confirmé parl’augmentation des porphyrines urinaires et du taux san-guin d’acide delta-aminolévulinique.

3. Neuropathies amyloïdes héréditairesL’amylose héréditaire se présente sous la forme d’uneneuropathie axonale ascendante chronique, caractériséecliniquement par une hypoesthésie thermoalgique, desdouleurs et une dysautonomie. L’atteinte motrice estgénéralement plus tardive et au second plan. En règlegénérale, l’évolution est sévère et le décès survient enquelques années par complications rénales et (ou) car-diaques et il n’existe actuellement aucun traitement effi-cace pour cette maladie. Le diagnostic de neuropathieamyloïde repose sur la biopsie nerveuse. Ces neuro-pathies sont génétiquement hétérogènes et peuvent êtreliées aux mutations de 3 gènes codant les protéines suivantes : la transthyrétine, l’apolipoprotéine A1 et lagelsoline. L’évolution est mortelle en quelques années et la transplantation hépatique est actuellement à l’étudeà titre de traitement curatif.

4. Autres neuropathies héréditairesDe nombreuses autres neuropathies héréditaires sontdécrites telles que les neuropathies héréditaires sensi-tives et dysautonomiques souvent responsables delésions trophiques cutanées et osseuses (acropathiesulcéro-mutilantes). Enfin, certaines maladies neuro-logiques héréditaires associent atteinte du système nerveux central et du système nerveux périphérique. On peut citer pour mémoire la maladie de Refsum, lesleucodystrophies, l’abêtalipoprotéinémie, la maladie deFriedreich, les cytopathies mitochondriales…

Autres neuropathies

1. Neuropathies au cours des séjours en réanimationDe physiopathologie mal connue, ces neuropathiess’observent habituellement dans un contexte de sepsis etdéfaillance multiviscérale. Le diagnostic est difficilechez des patients sous assistance ventilatoire et sédationprofonde, et il est souvent évoqué devant des difficultésde sevrage de la ventilation mécanique. L’électro-physiologie confirme la présence d’une neuropathieaxonale souvent sévère. L’évolution est le plus souventspontanément favorable, mais la récupération peutprendre plusieurs mois.

2. SarcoïdoseCette granulomatose peut se compliquer de manifestationsneurologiques centrales ou périphériques, au premier rangdesquelles on trouve la paralysie faciale périphérique.Des polyneuropathies axonales, mononeuropathies mul-tiples et polyradiculonévrites ont également été décrites.

Neuropathies de cause indéterminée

Au terme d’un bilan étiologique bien conduit, 10 à 20 %des neuropathies restent de cause indéterminée. Il s’agitpresque toujours de neuropathies axonales, dont le suivipermet parfois, plusieurs années après le début de laneuropathie, d’identifier une cause potentielle.

Diagnostic

Approche clinique

• L’interrogatoire permet de préciser les antécédentspersonnels et familiaux, la prise de médicaments et l’ex-position éventuelle à des toxiques environnementaux. Il recueille les doléances du patients : gêne motrice,troubles sensitifs subjectifs (intensité, type et facteursdéclenchants éventuels), troubles de l’équilibre, crampes,tremblement, manifestations suggestives d’une dysauto-nomie (troubles génito-urinaires, accélération du transit,malaises évocateurs d’hypotension orthostatique,troubles vasomoteurs, hypo- ou hypersudation) ; et il précise les modalités évolutives (installation aiguë, sub-aiguë ou chronique, évolution progressive ou à rechutes). • L’examen clinique recherche des arguments objectifsen faveur d’une neuropathie périphérique : troubles sensi-tifs objectifs, aréflexie tendineuse, déficits moteurs, amyo-trophie. Il peut mettre en évidence des signes orientantvers une neuropathie héréditaire : pieds creux, amyotro-phie péronière (« mollets de coq »), cyphoscoliose. Il pré-cise la distribution spatiale des troubles : symétrie ou asy-métrie, atteinte d’un ou plusieurs troncs nerveux, atteintedistale exclusive ou distale et proximale. Il détermine enoutre les modalités de l’atteinte sensitive : troubles sen-sitifs profonds (atteinte des grosses fibres myélinisées),déficit thermoalgique isolé (atteinte des petites fibres myé-linisées et des fibres amyéliniques). Un examen généralpourra parfois utilement orienter vers une cause précise.

Exploration électrophysiologique

Elle joue actuellement un rôle crucial, en affirmant lediagnostic de polyneuropathie, en déterminant l’étendueet la distribution des lésions, et en précisant le mécanis-me probable de l’atteinte nerveuse : atteinte myélinique,axonopathie, neuronopathie sensitive, neuronopathiemotrice. Cette exploration permet également de préciserla sévérité des lésions en vue du pronostic. L’explorationélectrique des nerfs et des muscles ne peut apporter desrenseignements utiles que lorsqu’elle s’appuie sur unexamen clinique complet et répond à des questions pré-cises (voir : Pour approfondir 2).

Page 104: La Revue Du Praticien-Neurologie

4. AutresSelon le contexte, on peut être amené à pratiquer diversexamens tels que le scanner thoraco-abdomino-pelvien,des radiographies du squelette, une biopsie ostéo-médullaire à la recherche d’un cancer solide ou d’unlymphome malin ; une biopsie des glandes salivairesaccessoires (pour confirmer un diagnostic de syndromede Sjögren ou d’amylose) ; une recherche d’anticorpsanti-HU (si on craint une neuronopathie sensitive sub-aiguë supposée paranéoplasique). Une biopsie muscu-laire peut être indiquée pour rechercher une cytopathiemitochondriale en cas de contexte évocateur (atteinteoculomotrice, signes centraux, ataxie…) (tableau IV).

Neurologie

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Diagnostic électro-clinique

Au terme du premier bilan que constituent l’examen cli-nique et l’exploration électrophysiologique, le cliniciendoit, dans le meilleur des cas être en mesure de porter undiagnostic électro-clinique, précisant le mode d’installationet l’évolution des symptômes et signes, le type de fibresnerveuses atteintes, la distribution des lésions, le processuspathologique supposé et la sévérité de l’atteinte.

Bilan de première intention

Il comprend un certain nombre d’examens simples quipeuvent permettre de mettre en évidence une cause, ouau moins d’orienter vers certaines causes. Ce bilan peutcomprendre : numération formule sanguine plaquettes,vitesse de sédimentation, ionogramme sanguin, urée,créatinine, aspartate aminotransférase (ASAT), alanineaminotransférase (ALAT), phosphatases alcalines,gamma GT, glycémie à jeun et post-prandiale, électro-phorèse des protéines sériques, immuno-électrophorèse(sang et urines) avec immunofixation, folates, B12, T4,TSHus, sérologie du virus de l’immunodéficiencehumaine, radiographie du thorax.

Bilan selon le contexte et le type de neuropathie

1. Sérologies• Borrelia : si le contexte est évocateur de méningo-radiculonévrite après morsure de tique. • Hépatite B : surtout utile dans un contexte de mono-neuropathie multiple si une périartérite noueuse est sus-pectée. • Hépatite C : devant une mononeuropathie multiple ou neuropathie axonale sensitive, surtout en cas de cryoglobulinémie. • Campylobacter jejuni : en cas de suspicion de syn-drome de Guillain et Barré.

2. Examens immunologiquesAnticorps antinucléaires, anticorps anti-DNA, anticorpsanti-SSA, anti-SSB, anticorps anticytoplasme des poly-nucléaires (ANCA), enzyme de conversion de l’angio-tensine : ces recherches sont intéressantes si l’on suspecteune maladie systémique ou une vascularite associée.

3. Ponction lombaireElle présente 3 intérêts principaux : étayer un diagnosticde polyradiculonévrite aiguë ou chronique en montrantune hyperprotéinorachie isolée ; rechercher une ménin-gite lymphocytaire associée à la neuropathie (dans lecadre d’une méningoradiculonévrite), et la présenceéventuelle de micro-organismes par sérologie ou poly-merase chain reaction (borréliose) ; mettre en évidencedes cellules anormales, notamment si on suspecte unlymphome malin avec infiltration radiculaire.

5. Place de la biopsie nerveuseL’examen histopathologique du nerf périphérique aperdu de son intérêt pour le diagnostic des neuropathieshéréditaires, où il est supplanté par la génétique molécu-laire, et dans les polyradiculonévrites chroniques, oùl’analyse électro-clinique combinée à celle du liquidecéphalo-rachidien peut suffire pour le diagnostic. Dansces neuropathies, la biopsie garde un intérêt pour les casatypiques et à titre de recherche. Les principales indica-tions actuelles de la biopsie nerveuse sont les suivantes :mettre en évidence une vascularite, généralement devantune mononeuropathie multiple ou une polyneuropathieaxonale d’évolution rapide et sévère ; rechercher une amy-lose devant une neuropathie axonale de cause indétermi-née après un bilan approfondi ; affirmer une infiltrationlymphomateuse, surtout si il y a une altération de l’étatgénéral et une neuropathie douloureuse ; confirmer unelèpre ou une sarcoïdose.

6. Étude génétiqueUn diagnostic moléculaire est disponible pour lesformes démyélinisantes de transmission autosomiquedominante de la maladie de Charcot-Marie-Tooth, pourla forme dominante liée à l’X de cette même maladie, etpour les neuropathies amyloïdes héréditaires. ■

Évolution aiguë ou subaiguë❑ Vascularites systémiques : panartérite noueuse,maladie de Churg et Strauss ; lupus érythémateux aigu disséminé ; polyarthrite rhumatoïde ; cryoglobulinémie❑ Diabète❑ Infections : VIH ; borrélioses (maladie de Lyme)❑ Lymphomes malins, très rarement cancers solides❑ Sarcoïdose

Évolution chronique❑ Neuropathies motrices multifocales avec blocs de conduction❑ Neuropathie héréditaire avec sensibilité à la pression❑ Lèpre

Principales causes à évoquer devant une mononeuropathie multiple

TABLEAU IV

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1 / Quand suspecter une neuropathie héréditaire ?

• Lorsqu’il existe une « histoire familiale » : un arbre généalogiquedoit être réalisé. La présence ou non d’une transmission père-fils estdéterminante dans la conduite des analyses génétiques, en raison de lapossibilité d’une transmission dominante liée à l’X (mutations de laconnexine 32). Il faut examiner les autres membres de la famille, ycompris les sujets asymptomatiques, au moins sur le plan clinique et sipossible par un électromyogramme.• Lorsque la neuropathie survient chez un sujet jeune : il s’agitsouvent d’une neuropathie périphérique qui n’occasionne qu’un han-dicap discret voire inexistant, et l’évolution très chronique de l’atteintenerveuse fait que le sujet peut s’adapter pendant longtemps à sessymptômes.• Devant certains signes cliniques : des pieds creux, une amyotro-phie péronière, une cyphoscoliose sont fréquemment observés dansla maladie de Charcot-Marie-Tooth. Des maux perforants plantairessont très évocateurs d’une neuropathie sensitive héréditaire.• Lorsqu’il existe une discordance entre la gêne fonctionnelle etles signes observés : la découverte d’anomalies très sévères desvitesses de conduction nerveuse chez un sujet peu symptomatiqueest hautement évocatrice d’une neuropathie héréditaire. C’est lachronicité de la neuropathie qui explique la tolérance à l’atteinte nerveuse.• Certaines caractéristiques électrophysiologiques sont évoca-trices : lorsque les anomalies sont bilatérales et symétriques, et dedistribution homogène le long des troncs nerveux. La principaleexception est constituée par la neuropathie héréditaire avec hyper-sensibilité à la pression, dans laquelle les anomalies sont multifocales.• Devant certaines neuropathies à rechutes.

2 / Technique et résultats de l’examen électrophysiologique

L’examen électrophysiologique est indispensable dans le bilan d’uneneuropathie. Il est essentiel d’en connaître les grands principes et leslimites.• Étude des vitesses de conduction nerveuse (stimulodétection) :l’étude des vitesses motrices s’effectue en stimulant électriquementles troncs nerveux en différents points de leur trajet, et en recueillantun potentiel moteur en surface, sur les muscles innervés par les nerfsstimulés. Les paramètres enregistrés sont : l’amplitude du potentielmoteur [exprimée en millivolts (mV)] ; la latence distale (c’est la latenceexprimée en millisecondes entre la stimulation la plus distale et ledébut de l’apparition du potentiel musculaire) ; la vitesse de conduc-tion motrice [obtenue en divisant la distance entre 2 points de stimu-lation par la différence des latences obtenues : d/δt ; unité : lemètre/seconde (m/s)] ; la latence des ondes F qui sont des ondes tar-dives donnant des indications sur la conduction proximale.L’étude des vitesses sensitives s’effectue par stimulation des fibressensitives d’un tronc nerveux en un point de son trajet, et enregistre-ment d’un potentiel sensitif en un autre point, sur le même tronc nerveux. Les paramètres enregistrés sont : l’amplitude du potentielsensitif [en microvolts (µV)] ; la vitesse de conduction sensitive (en m/s) obtenue en divisant la distance entre stimulation et recueilpar la latence d’obtention du potentiel.L’étude des vitesses de conduction nerveuses ne renseigne que sur lefonctionnement des fibres les plus rapides, c’est-à-dire les fibresmyélinisées de gros calibre.La myéline engainant de façon discontinue les fibres nerveuses assureune conduction saltatoire rapide de l’influx nerveux en agissantcomme un « isolant ». C’est pourquoi, schématiquement, une neuro-

pathie démyélinisante se traduit par une réduction des vitesses deconduction, et un relatif respect de l’amplitude des potentielsmoteurs (sauf lorsque de nombreuses fibres ont dégénéré). La pré-sence de blocs de conduction ou d’aspects de dispersion temporelledes potentiels est très évocatrice de démyélinisations segmentaires.Au contraire, une neuropathie axonale se traduit généralement parune diminution d’amplitude des potentiels moteurs, avec un relatifrespect des vitesses de conduction (sauf si la perte en fibres myélini-sées de gros calibres, fibres les plus rapides, est très importante).• Électromyogramme (ou examen de détection à l’aiguille) : cettepartie de l’examen consiste à introduire dans les muscles une aiguillede petit calibre et à enregistrer les activités musculaires spontanées(de repos) et lors d’efforts de contraction volontaire. La présenced’activités musculaires au repos (fibrillation) est toujours anormale ettraduit habituellement un dénervation active, c’est-à-dire la présencede fibres musculaires qui ont perdu récemment ou sont en train deperdre leur innervation. Les aspects observés sur les tracés d’effortrenseignent sur l’étendue de la perte en fibres nerveuses, c’est pour-quoi cette partie de l’examen a une valeur pronostique. ■

POUR APPROFONDIR

• Devant une neuropathie chronique avec atteinte des petites fibres associée à des troubles végétatifs, 2 étiologies principalessont à évoquer : le diabète et l’amylose.

• L’éthylisme chronique et le diabète sont les 2 principales causes de neuropathiespériphériques dans les pays industrialisés.

• Quel que soit le type de neuropathie, on doittoujours penser à 2 causes : diabète et infectionpar le virus de l’immunodéficience humaine.

• Environ 10 à 20 % de neuropathies sont d’étiologie indéterminée (presque toujoursdes neuropathies axonales chroniques).

• Une neuropathie héréditaire doit être évoquéemême si la révélation est tardive. L’examen des autres membres de la famille est important.

• La biopsie nerveuse est indiquée en particulierdevant une mononeuropathie multiple avecdouleurs et évolution rapide et une neuropathieaxonale chronique d’évolution défavorable,après un bilan étiologique approfondi.

Points Forts à retenir

Bouche P, Maisonobe T, Le Forestier N. Conduite à tenir devantune polyneuropathie. Rev Neurol 1998 ; 154 : 552-6.

Bouche P, Vallat JM. Neuropathies périphériques. Paris : Doin, 1992.

Bouche P. Électromyographie clinique. Encycl Med Chir (Elsevier,Paris), Neurologie, 17-030-A-10, 1991, 22 p.

Vallat JM,Tabaraud F. Neuropathies périphériques. Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Neurologie, 17-100-A-10, 1997,18 p.

POUR EN SAVOIR PLUS

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Neurologie

B 235

Données anatomiques

Le nerf trijumeau est le cinquième nerf crânien. C’est unnerf mixte constitué par des fibres sensitives et motrices.Les fibres motrices innervent les muscles masticateurs.Mais ce sont les fibres sensitives qui constituent majori-tairement le nerf trijumeau : elles sont responsables de lasensibilité de la face, de la muqueuse des cavités nasaleset buccales, des dents ainsi que des méninges.Les fibres sensitives sont divisées en périphérie en troisbranches (fig. 1) : le nerf ophtalmique de willis (VI), le nerfmaxillaire supérieur (VII), le nerf maxillaire inférieur (VIII ).Les corps cellulaires de ces fibres sensitives constituent leganglion de Gasser situé à la face antéro-supérieure durocher. En amont du ganglion de Gasser, les fibres sensi-tives se regroupent en une racine postérieure qui pénètredans le tronc cérébral à la face latérale du pont.Les influx sensitifs afférents se dirigent ensuite vers lesnoyaux du trijumeau qui s’étendent du pont jusqu’aux pre-miers segments cervicaux. Puis ces influx se projettent surle thalamus et sont transmis au cortex pariétal.

ÉpidémiologieLa névralgie du trijumeau est rare : l'incidence de la mala-die n’est que de 5 nouveaux cas par an pour 100 000 habi-tants.Elle atteint plus fréquemment les femmes (3 cas sur 5) etdébute le plus souvent après 65 ans.

Névralgie du trijumeauDiagnostic

Dr Virginie DOUSSET, Pr Patrick HENRIService de neurologie, groupe hospitalier Pellegrin, 33076 Bordeaux cedex

• La névralgie du trijumeau est une céphaléeparoxystique récidivante, dont le diagnostic est faità l’interrogatoire : la douleur est très intense,brève, en éclair, elle siège dans le territoire d’uneou de plusieurs branches du trijumeau, et peut être déclenchée par l’effleurement d’une zone gâchette.• L’examen neurologique réalisé en dehors d’un accès douloureux est normal (névralgieessentielle).• Une atypie dans la description de la douleur ou un signe de focalisation à l’examenneurologique doivent faire suspecter une névralgiesymptomatique.• Le traitement médicamenteux utilisé en premièreintention est la carbamazépine (Tégrétol) (voir :pour approfondir ).

Points Forts à comprendre

L’apparition de cette névralgie chez un sujet jeune doit fairesuspecter une névralgie symptomatique (tumorale oudémyélinisante).

DiagnosticDiagnostic positif

On distingue deux grands types de névralgie du V : lanévralgie dite essentielle pour laquelle on ne retrouveaucune étiologie ; les névralgies symptomatiques témoi-gnant d’une lésion située au contact du nerf.

1. Névralgie essentielleLe diagnostic repose sur la mise en évidence par l’interro-gatoire de quatre éléments séméiologiques :• le caractère paroxystique de la douleur, décrite le plussouvent comme des brûlures, des décharges électriques,des piqûres, des broiements ; la douleur est très intense,brève, et peut se grouper en salves pour constituer des accèsde 1 à 2 minutes ;• la douleur siège strictement dans le territoire d’une oude plusieurs branches du trijumeau : par ordre de fré-quence : maxillaire supérieur (40 % des cas), maxillaireinférieur (20 % des cas), puis région ophtalmique (10 %)

Territoires d’innervation des trois branches du trijumeau.1

Siège de la douleur.2

Siège de la douleur V 1 V 2 V 3 V 1,2 V 2,3 V1,2,3% 10 40 20 8 20 2

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N É V R A L G I E D U T R I J U M E A U

larmoiement) sont au premier plan.

2. Algies faciales d’origine ORLCe sont les sinusites aiguës ou chroniques ; là encore, ladouleur n’est pas paroxystique et sa topographie n’a pasde systématisation neurologique.

3. Algies ophtalmologiques (glaucome aigu)

4. Névralgie essentielle du glossopharyngienLa douleur siège à la base de la langue, à l’amygdale, àl’hypopharynx, elle irradie à l’oreille, et elle est déclen-chée par la déglutition.

5. Algie psychogèneLa douleur est permanente, moins clairement délimitée sur

POUR APPROFONDIR

Traitement • Le traitement médical de première intention est la carbamazépine (Tégré-tol) ; il constitue quasiment un test diagnostique puisqu’il est efficace àcourt terme dans 70 à 80 % des cas. La posologie efficace est en moyennede 600 à 1 200 mg par jour (cp à 200 ou 400 mg LP), qui sont les dosesseuils en dessous desquelles le traitement n’est pas efficace.Ce traitement doit toujours être instauré de façon progressive, ce qui per-met une meilleure tolérance.En cas d’échec ou de contre-indication de la carbamazépine, on pourraessayer le clonazépam (Rivotril), le baclofène (Liorésal) ou la phénytoïne(Di-Hydan).• Les traitements chirurgicaux sont proposés après échec des traitementsmédicamenteux. Les deux techniques les plus utilisées actuellement sont :la thermocoagulation du ganglion de Gasser ; la décompression vascu-laire microchirurgicale, consistant en l’interposition de matériel entre lenerf trijumeau et une boucle vasculaire, suspectée être à l’origine de lanévralgie.

• Il existe deux grands types de névralgie du V: lesnévralgies essentielles, sans lésion focale sous-jacente et les névralgies symptomatiques en rapportavec une lésion se développant au contact du nerf.• La névralgie du trijumeau est une douleurneurogène paroxystique, d’une intensité effroyable.• Il existe une systématisation topographique de ladouleur (une ou plusieurs branches du V).• Une forme typique évocatrice de névralgieessentielle ne nécessite pas la réalisation d’une IRM,à l'inverse des névralgies symptomatiques.• L’amélioration sous Tégrétol constitue un testquasi diagnostique pour la névralgie essentielle.

Points Forts à retenir

Ollat H, Keravel Y, Laurent B, Sindou M. La névralgie du triju-meau. Monographies de l’ANPP. Volume 2. 2e édition.

POUR EN SAVOIR PLUS

(fréquences d’atteinte des différentes branches : (cf. fig. 2) ;• l’existence de facteurs déclenchants : la stimulationd’une zone cutanée, identique chez un même patient, pro-voque l’apparition d’une douleur ; c’est la zone gâchetteou trigger-zone. Certains actes de la vie courante peuventaussi déclencher les crises : alimentation, toilette, éternue-ments, parole… Mais la douleur peut aussi être spontanée. ;chaque accès est suivi d’une période réfractaire de 1 à2 min, pendant laquelle les mêmes facteurs déclenchantssont inefficaces ;• l’examen neurologique est normal : il n’existe aucunsigne déficitaire (pas de déficit des masséters, absence d’hy-poesthésie en dehors des accès, réflexes cornéens présentset symétriques, absence d’atteinte d’autres paires crâ-niennes). L’existence d’un de ces signes doit faire craindreune névralgie symptomatique.Devant un tableau typique de névralgie essentielle, la réa-lisation d’examens complémentaires et notamment d’unexamen par imagerie par résonance magnétique (IRM)n’est pas nécessaire.L’évolution de la névralgie essentielle est discontinue : lespériodes douloureuses peuvent être séparées par des rémis-sions de plusieurs mois, de plus en plus courtes.

2. Formes atypiques• Névralgies symptomatiques : le début précoce (avant 50ans), l’existence d’un fond douloureux permanent, l’at-teinte simultanée de plusieurs branches du trijumeau,l’existence de signes déficitaires focalisés (hypoesthésiecornéenne, abolition d’un réflexe cornéen, hypoesthésiedans l’un des territoires du trijumeau) font suspecter unenévralgie symptomatique.Mais une névralgie du V symptomatique peut aussi avoirl’expression clinique d’une névralgie essentielle.Les pathologies pouvant se révéler par une névralgie du Vsont nombreuses : sclérose en plaques, zona, tumeurs del’angle ponto-cérébelleux (méningiome, neurinome duVIII), plus rarement accident vasculaire cérébral outumeurs du tronc cérébral, infiltration carcinomateuse dela base du crâne, envahissement du ganglion de Gasser parune tumeur primitive de voisinage, diabète, sarcoïdose,pathologie inflammatoire ou malformation vasculaire dusinus caverneux.Une suspicion de névralgie symptomatique du V imposela réalisation d’une imagerie par résonance magnétiqueencéphalique avec injection de gadolinium.• Névralgies avec signes vasomoteurs : flush de l’hémi-face, larmoiement, rhinorrhée (cluster-tic).• Formes bilatérales.• Formes vieillies des névralgies essentielles : la douleurpeut alors être vécue comme permanente.

Diagnostic différentiel

1. Algie vasculaire de la faceElle survient chez un sujet plus jeune, le siège de la dou-leur n’est pas limité à un territoire du trijumeau, la douleurest permanente pendant 30 à 180 min. Les signes neuro-végétatifs associés (hyperémie conjonctivale, rhinorrhée,

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Paralysie facialeOrientation diagnostique

PR Mathieu ZUBERService de neurologie, centre Raymond-Garcin, hôpital Sainte-Anne, 75674 Paris cedex.

La connaissance de l’anatomie est indispensable à l’ana-lyse sémiologique, elle-même nécessaire à l’orientationétiologique. La systématisation des fibres du nerf facialest résumée sur le schéma (voir :pour approfondir).

Diagnostic positif

Interrogatoire initial

Il oriente d’emblée le diagnostic. Il doit en particulierpréciser les antécédents personnels et familiaux de para-lysie faciale, et, de manière plus large, tout antécédentneurologique (régressif ou non) ; un contexte polyvascu-laire (antécédents et facteurs de risque vasculaire) ; lanotion d’exposition récente au froid, de vaccination,d’infection, de piqûre ; un séjour récent en zone d’endé-mie infectieuse (États-Unis pour la maladie de Lyme).

Examen clinique

Il permet de distinguer paralysie faciale centrale et para-lysie faciale périphérique et recherche l’atteinte d’autrespaires crâniennes. Il faut être attentif à des signes de gra-vité tels que céphalées (hypertension intracrânienne) ouhémiplégie.

1. Paralysie faciale centrale

● Elle résulte de l’atteinte du faisceau géniculé, en unniveau quelconque de son trajet entre le cortex moteur et lenoyau du VII, dans la protubérance. Elle affecte l’hémifa-ce controlatérale et prédomine sur le facial inférieur, l’oc-clusion palpébrale restant possible du côté paralysé.L’orbiculaire des paupières n’est cependant pas indemne,comme le montre le défaut d’enfouissement des cils à lafermeture de l’œil (signe des cils de Souques). ● Le deuxième élément sémiologique caractéristique estla dissociation automatico-volontaire : le déficit, bienapparent lors des mouvements volontaires, s’atténue pourparfois disparaître lors de la mimique émotionnelle (mou-vements automatiques).Ces 2 particularités sémiologiques ont une explicationanatomo-fonctionnelle : les afférences aboutissant aunoyau facial inférieur proviennent toutes de l’hémisphèrecontrolatéral, à la différence de celles destinées au noyaufacial supérieur, qui reçoit aussi des afférences homolaté-rales ; la multiplicité des afférences motrices sur l’en-semble du noyau du VII, qui ne suivent pas toutes le fais-ceau géniculé, explique le maintien d’une certaine activitémotrice en cas d’atteinte de ce faisceau, donc la dissocia-tion automatico-volontaire.● La paralysie faciale centrale s’associe le plus souvent àd’autres signes homolatéraux d’hémiplégie (déficitmoteur, syndrome pyramidal). Une répartition brachio-faciale du déficit évoque un niveau lésionnel cortical.Parfois fruste, la paralysie faciale centrale doit être cher-chée attentivement en cas d’hémiparésie pour poser undiagnostic topographique dont dépendra directement leniveau des examens radiologiques (médullaire cervical oucérébral).● Lors d’un coma, la paralysie faciale centrale peut êtrefortement suspectée par le gonflement unilatéral de la joueà l’expiration (le malade « fume la pipe ») et affirmée parla manœuvre de Pierre Marie et Foix : la pression appuyéederrière les branches montantes du maxillaire provoqueune grimace du côté sain uniquement.

2. Paralysie faciale périphériqueElle est très généralement nette et de diagnostic facile.Elle s’oppose point par point à la paralysie faciale centrale.● Tous les muscles de l’hémiface sont touchés (facial infé-rieur et supérieur). Au repos, la présentation est caractéris-

NeurologieA42

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• Le diagnostic de paralysie faciale, souventfacile, peut être rendu délicat par le caractèrefruste du déficit. Une analyse sémiologiqueprécise permet de distinguer la paralysie facialepériphérique et centrale, et de préciser parfois,en cas de paralysie faciale périphérique, le niveaud’atteinte du tronc nerveux. La paralysie facialecentrale s’inscrit le plus souvent dans le cadred’une hémiplégie.• Les causes de la paralysie faciale recouvrentune gamme très large d’affections neurologiques.Elles sont totalement différentes selon la naturepériphérique ou centrale de la paralysie faciale. • La cause la plus fréquente des paralysiesfaciales périphériques est la paralysie faciale afrigore.

Points Forts à comprendre

Page 109: La Revue Du Praticien-Neurologie

tique avec la commissure labiale abaissée, lepli naso-génien effacé, l’élargissement de la fente palpébrale et ladisparition des rides frontales. Lors des mouvements,les traits du visage sont déviés du côté sain. L’occlusionpalpébrale réflexe (clignement à la menace) est abolie.Lorsque le patient cherche à fermer l’œil, on assiste àl’ascension physiologique du globe oculaire en haut eten dehors (signe de Charles Bell). Ce défaut de fermetu-re de la paupière, avec exposition de la cornée aux infec-tions, constitue le principal danger immédiat de la para-lysie faciale périphérique. Le muscle peaucier du cou,innervé par le nerf facial, est aussi paralysé. ● Toutes les modalités de la motricité(automatique,volontaire ou réflexe) sont touchées, dans les mêmesproportions.● L’analyse sémiologique plus fine permet éventuelle-ment de préciser le niveau lésionnel. Une paralysiefaciale périphérique peut être la conséquence d’uneatteinte dans la protubérance, dans l’angle ponto-céré-belleux, dans le rocher ou dans la glande parotide. Encas d’atteinte proximale, c’est-à-dire en amont du gan-glion géniculé, peuvent s’associer au déficit facial,d’une part une hyperacousie douloureuse avec abolitiondu réflexe stapédien (atteinte des fibres destinées aumuscle de l’étrier), d’autre part des signes d’atteinte duVII bis : agueusie des deux tiers antérieurs de la langue ;tarissement des sécrétions lacrymales et (ou) salivaires ;hypoesthésie de la zone de Ramsay-Hunt.● Une paralysie faciale périphérique ne peut être dia-gnostiquée qu’au stade de ses complications motrices.Il existe alors un hémispasme facial, inversant parfois ladéviation des traits à tel point qu’on pourrait croire aupremier abord que la paralysie siège du côté sain. Surcet aspect de contracture permanente, des myokymies(fines contractions fibrillaires) sont souvent présentes,plus rarement des contractions amples. Des syncinésies(contraction involontaire d’un groupe musculaireaccompagnant la contraction volontaire d’un autre grou-pe) sont possibles : la plus fréquente est l’occlusion pal-pébrale lors du sourire. Le syndrome des larmes de cro-codile (larmoiement unilatéral au cours de lamastication), secondaire à un phénomène de réinnerva-tion aberrante post-paralytique, est plus anecdotique.

Diagnostic étiologique

Paralysie faciale centrale

Les causes sont nombreuses car toute affection touchantle faisceau géniculé entre le cortex cérébral et le noyaudu VII controlatéral peut la provoquer. Un accident vas-culaire cérébral (infarctus le plus souvent, mais aussihémorragie) est la première cause en fréquence. Lesautres sont tumorales (primitives ou secondaires), infec-tieuses (abcès), inflammatoires (sclérose en plaques). Les paralysies faciales centrales bilatérales s’observentsurtout au cours des syndromes pseudo-bulbaires, dontla cause habituelle est l’artériosclérose des artères de

petits calibres, responsable de multiples infarctus depetite taille et souvent liée à la présence d’une hyperten-sion artérielle.

Paralysie faciale périphérique

La liste des causes de paralysie faciale périphériquechez l’adulte est longue (voir tableau).

1. Paralysie faciale a frigore

La paralysie faciale a frigore, de loin la plus fréquente,représente 75% des cas. Son diagnostic repose sur unfaisceau d’arguments : contexte évocateur [expositionau froid, douleur rétro-auriculaire précédant les troublesmoteurs, installation de la paralysie sur quelques heures(jusqu’à 48 h)], examen neurologique classiquementnormal, pouvant en fait révéler une discrète hypoesthé-sie de la joue associée. La palpation de la loge paroti-dienne et l’examen général sont normaux.

2. Paralysie faciale symptomatique

Lorsque ces divers éléments ne sont pas réunis, on sus-pecte une paralysie faciale symptomatique d’une affec-tion évolutive, neurologique ou non. L’examen de choixest alors l’imagerie par résonance magnétique (IRM)cérébrale, qui permet la recherche d’une lésionidentifiable sur les différents segments du nerf etoriente d’emblée la recherche étiologique.L’électromyogramme n’a pas d’intérêt diagnostique. Saseule utilité dans le cadre d’une paralysie faciale péri-phérique se situe, en réalité, à la phase tardive : en cas dedéficit sévère persistant, il permet la recherche de signesde réinnervation débutante. Sans détailler l’ensembledes causes des paralysies faciales périphériques, il fautsignaler certains points particuliers.● L’association d’une paralysie faciale périphérique àune hémiplégie controlatérale épargnant la facesignela topographie protubérantielle de la lésion (syndromealterne de Millard-Gubler). Sa cause en est le plus sou-vent un accident vasculaire cérébral de petite taille.● Le neurinome de l’acoustiqueest suspecté en cas d’at-teinte du VIII associée (vertiges, hypoacousie), et par-fois du V (hypoesthésie cornéenne). Les potentiels évo-qués auditifs complètent l’imagerie par résonancemagnétique pour son diagnostic. ● À tous les niveaux de son trajet, l’atteinte du VII peutrévéler un néoplasme,primitif ou secondaire. En cas decoulée néoplasique à la base du crâne, la paralysie facialepeut s’inscrire dans le cadre d’un syndrome de Garcin.● La ponction lombaire permet le diagnostic de ménin-gite infectieuse ou inflammatoire, révèle la dissocia-tion albuminocytologique d’une polyradiculonévrite.Dans ce dernier cas, la paralysie faciale est volontiers bila-térale. La paralysie faciale périphérique peut s’inscrire dansle cadre d’une neuropathie périphériquediffuse ; le tableauréalisé est celui d’une multinévrite (diabète, périartéritenoueuse). L’atteinte du VII est, après celle du VI, la plus fré-

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P A R A L Y S I E F A C I A L E

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Causes des paralysies faciales périphériques

quente des paires crâniennes au cours du diabète. La paraly-sie faciale périphérique uni- ou bilatérale est, avec la ménin-gite lymphocytaire (les 2 étant volontiers associées), la com-plication neurologique la plus fréquente de la maladiede Lyme.● La recherche d’une éruption bulleuse dans la zone deRamsay-Hunt(zona du ganglion géniculé) doit être soi-gneuse, ainsi que celle d’une otite, surtout dans l’optiqued’une corticothérapie brève, proposée au plus vite lorsque lediagnostic de paralysie faciale a frigore est retenu. L’otiteaiguë purulente compliquée de paralysie faciale périphé-rique nécessite une paracentèse d’urgence. ● Le syndrome de Melkersson-Rosenthal, d’origine incon-nue, associe des paralysies faciales récidivantes uni- ou bila-térales, un œdème facial concomitant régressant enquelques jours et une langue plicaturée. Au fil des paralysiesfaciales, le déficit facial tend à récupérer plus difficilement.● Chez l’enfant, la paralysie faciale périphérique est le plussouvent la conséquence d’une infection ORL (otite, mastoï-dite). Le diagnostic du déficit est difficile chez le nouveau-

né (asymétrie des traits lors des cris) : la cause en est le plussouvent traumatique (malposition durant la vie intra-utérine,traumatisme obstétrical).

Diagnostic différentiel

Parfois fruste, la paralysie faciale centrale pose surtout leproblème de sa reconnaissance. Elle peut être, notammentchez le sujet âgé, difficile à distinguer d’une déformationfonctionnelle du visage, que celle-ci soit constitutionnelleou acquise (appareil dentaire). Une paralysie faciale périphérique unilatérale peut êtrede reconnaissance difficile en contexte traumatique,lorsqu’il existe un œdème du visage. La découverte d’unécoulement sanguin de l’oreille, évocateur de fracturedu rocher, est alors importante. Une paralysie facialebilatérale peut poser des difficultés avec une hypotonielors d’une affection musculaire ou de la jonction neuro-musculaire (myasthénie sévère). ■

Neurologie

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• Avec lésion focale identifiable du nerfà l'IRM :- dans la protubérance, toute lésion pouvant se développer dans le tronc cérébral :

. infarctus cérébral

. hémorragie intraparenchymateuse

. malformation artério-veineuse, cavernome

. tumeur primitive (gliome) ou métastase

. sclérose en plaques

. abcès (listériose)

. syringomyélobulbie- dans l’angle ponto-cérébelleux, les tumeurs de l’angle :

. neurinome du VIII le plus souvent

. plus rarement : méningiome, cholestéatome

- à la base du crâne : . tumeur osseuse primitive. extension d’un cancer du cavum. métastase

- dans le rocher : . traumatismes (fracture du rocher). . otites aiguës ou chroniques de l’oreille moyenne

(infectieuses, inflammatoires)

- en extracrânien : . tumeur de la parotide

• Sans lésion focale identifiable:- Paralysie faciale a frigore- Polyradiculonévrite (le plus souvent aiguë : syndrome de Guillain et Barré)- Causes infectieuses : . bactériennes : (maladie de Lyme, listériose, tuberculose)

. virales : zona du ganglion géniculé, infection par le virus de l'immunodéficiencehumaine (VIH), mononucléose infectieuse, coxsackie, oreillons, poliomyélite

- Causes inflammatoires et vascularites : toute maladie systémique pouvant toucher les nerfs périphérique :. diabète. périartérite noueuse et syndromes apparentés. lymphomes. sarcoïdose

- Syndrome de Melkersson-Rosenthal

Tableau

Page 111: La Revue Du Praticien-Neurologie

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P A R A L Y S I E F A C I A L E

POUR APPROFONDIR

Rappel anatomique

Le nerf facial est constitué :• d’une racine motrice, le nerf facial proprement dit. Sesfibres naissent du noyau du VII, à la partie basse de la protubé-rance, en avant et en dehors du noyau du VI et se dirigent ini-tialement vers l’arrière pour contourner le noyau du VI avantde se diriger vers le bas et l’avant pour émerger au sillonbulbo-protubérantiel (dans l’angle ponto-cérébelleux), entre leVI et le VIII. Le nerf facial pénètre alors dans le conduit audi-tif interne, et suit un long trajet dans le rocher au cours duquelil donne une collatérale pour le muscle de l’étrier, avant de sor-tir du crâne par le trou stylo-mastoïdien, puis de pénétrer dansla glande parotide où il se divise en ses 2 branches terminalesdestinées à l’innervation des muscles de la face ;• d’une racine multifonctionnelle, le nerf intermédiaire deWrisberg (VII bis). Elle est elle-même formée d’un contingentsensitivo-sensoriel, avec des fibres centripètes gustatives (pourles deux tiers antérieurs de la langue), sensitives (venant de lazone de Ramsay-Hunt : conque de l’oreille, conduit auditifexterne), et d’un contingent végétatif (parasympathique) cor-respondant à des fibres sécrétoires, pour les glandes lacry-males, nasales et salivaires. Le VII bis, qui ne forme initiale-ment qu’un seul tronc avec le VII, s’en sépareanatomiquement au ganglion géniculé, situé à la partie initialedu trajet du nerf facial dans le rocher et constitué par les corpscellulaires des fibres centripètes.

Systématisation des fibres du VII et du VII bis

SÉCRÉTIONglandes salivaires

GOÛT

glandes lacrymaleset nasales

Gangliongéniculé

noyausalivaire

noyaudu faisceau

solitaire

Corde dutympan

2/3 antérieurde la langue

noyaudu V (spinal)

zone de Ramsay-Hunt

SENSIBILITÉ

noyau - supérieur

du VII - inférieur

TRONC CÉRÉBRAL

muscles de la face

MOTRICITÉ

VII bis

VIImuscle de l’étrier

• Le diagnostic de paralysie faciale a frigore est un diagnostic « de facilité » qu’il ne faut poserdevant une paralysie faciale périphérique qu’enprésence d’un faisceau d’arguments positifs et négatifs. • L’imagerie par résonance magnétique cérébraleest l’examen de première intention dès qu’uneaffection évolutive sous-jacente est suspectée. • Les causes infectieuses, non exceptionnelles,sont à considérer avant une corticothérapie. • Le traitement de toute paralysie facialepériphérique doit comporter une surveillanceattentive de la cornée (larmes artificielles,compresses occlusives, voire tarsorraphie).

Points Forts à retenir

de Recondo J. Sémiologie du système nerveux : du symptôme au diagnostic. Paris : Médecine-Sciences, Flammarion, 1995.Mihout B, Onnient Y. Décision en neurologie. Paris : Vigot, 1996.

POUR EN SAVOIR PLUS

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Page 112: La Revue Du Praticien-Neurologie

Chez l’homme, le syndrome de Guillain et Barré estune des causes les plus fréquentes de paralysie

acquise par atteinte des nerfs périphériques. Il évolue en3 phases : installation rapide, plateau de durée variableet récupération généralement longue (quelques mois).Son incidence annuelle est d’environ 1 à 2 pour100 000 ; il touche les 2 sexes, sans distinction d’âge oude race. Bien que son pronostic soit réputé favorable,environ 5 % des patients décéderont, et 15 à 25 % garde-ront des séquelles définitives. Cependant, les progrèsréalisés durant les 15 dernières années dans la prise encharge du syndrome de Guillain et Barré ont sensible-ment diminué sa mortalité et sa morbidité. La physiopa-thologie pourrait impliquer des mécanismes infectieuxet/ou immunologiques(voir : Pour approfondir 1).

Diagnostic

Le diagnostic du syndrome de Guillain et Barré repose

dans sa forme typique sur l’association de signes cli-niques et paracliniques dont aucun n’est spécifique de lamaladie. C’est donc la réunion d’un faisceau d’argu-ments qui permet de porter le diagnostic de syndrome deGuillain et Barré. Des critères diagnostiques ont été pro-posés (tableau I), ils ne s’appliquent qu’aux formestypiques de la maladie.

Signes cliniques

1. Phase d’installation

Typiquement, il s’agit d’une paralysie ascendante d’ins-tallation rapide, touchant d’abord les membres infé-rieurs puis les membres supérieurs de façon grossière-ment symétrique, et accompagnée ou précédée detroubles sensitifs, généralement à type d’engourdisse-ments ou de paresthésies.L’abolition des réflexes ostéo-tendineux témoigne ducaractère périphérique de la paralysie, mais plus rare-ment, les réflexes peuvent être seulement diminués ounormaux.Une atteinte des paires crâniennes est fréquente, leplus souvent représentée par une paralysie facialepériphérique bilatérale (dans environ 50 % des cas).L’atteinte des dernières paires crâniennes, quant àelle, peut être responsable de troubles de la phona-tion et de la déglutition imposant une alimentationentérale.La paralysie des muscles respiratoires est généralementplus tardive lorsqu’elle survient, mais sa perspectivenécessite une surveillance étroite des paramètres venti-latoires car la décompensation peut être très rapide,imposant un transfert en réanimation. On estime qu’en-viron 20 à 30 % des patients auront besion d’une venti-lation mécanique.Des douleurs sont présentes initialement dans un quartdes cas sous formes de rachialgies ou sciatalgies, quipeuvent être inaugurales et retarder le diagnostic.La durée d’installation des paralysies est par définition

NeurologieB223

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Polyradiculonévrite aiguëinf lammatoire (syndrome de Guillain et Barré)Diagnostic, évolutionDr Laurent MAGY1, Pr Jean-Michel VALLAT2

1. CJF 9608, hôpital de la Salpêtrière, 75651 Paris cedex 13.2. Service de neurologie, CHRU Dupuytren, 87042 Limoges cedex.

• C’est une maladie inflammatoireet démyélinisante caractérisée par une atteintedes racines et des troncs nerveux avec lésionsmultifocales.• La paralysie est d’évolution ascendanteavec atteinte des nerfs crâniens.• Le diagnostic fait appel à la clinique, à la mesuredes vitesses de conduction nerveuse.• Le pronostic vital est engagé par l’atteinterespiratoire et le risque d’arrêt cardiaque.• L’évolution est spontanément favorablesauf 5 à 10% des cas avec décés, essentiellementdus aux complications de décubitus.

Points Forts à comprendre

Page 113: La Revue Du Praticien-Neurologie

inférieure ou égale à 4 semaines et le déficit moteur estmaximal en une douzaine de jours en moyenne. Dansdeux tiers des cas environ, le syndrome de Guillain etBarré est précédé d’une infection bactérienne ou virale.L’absence d’un tel antécédent ne remet donc pas encause le diagnostic.

2. Phase de plateau

Le déficit moteur est constitué, il s’agit d’une tétraplégieou d’une tétraparésie d’intensité variable, habituelle-ment symétrique.Les troubles sensitifs sont le plus souvent au secondplan. Les paresthésies peuvent persister et l’examen cli-nique révèle généralement une hypoesthésie vibratoireet une altération du sens de position, témoignant d’uneatteinte concernant plutôt les grosses fibres myélinisées.L’aréflexie généralisée est la règle, même si les réflexespeuvent être préservés.Outre l’atteinte du VII et des dernières paires crâ-niennes, une ophtalmoplégie ou un ptosis, témoignantd’une atteinte des nerfs oculomoteurs, peuvent survenirdans 15 % des cas environ.Des douleurs à ce stade seraient présentes dans 9 cas sur10, nécessitant un traitement symptomatique.Le système nerveux autonome serait atteint dans 70 %des cas. Cela peut se traduire par des anomalies pupil-laires, une labilité tensionnelle avec possibles accèshypo- ou hypertensifs, mais surtout des troubles du ryth-me ou de la conduction cardiaque (notamment des bra-dycardies paroxystiques) pouvant causer des mortssubites. La détection de ces troubles souvent latents doitêtre systématique et fréquente.

Comme lors de la phase d’installation, la recherche sys-tématique d’une atteinte des muscles respiratoires est àeffectuer très fréquemment.D’autres signes cliniques plus rares peuvent survenir,comme un œdème papillaire, des myokymies, des myo-clonies, des troubles du comportement ou des crisescomitiales. Des formes cliniques distinctes du syndro-me de Guillain et Barré ont été décrites (voir : Pourapprofondir 2).

Examens complémentaires

1. Étude du liquide céphalo-rachidien (LCR)

Elle révèle une hyperprotéinorachie généralementmodérée (<1g/L) sans hypercytose. C’est la classiquedissociation albumino-cytologique. Cet élément peutmanquer lorsque la ponction lombaire est réalisée trèstôt dans l’évolution de la maladie (première semaine).Une hypercytose supérieure à 20 cellules par mm3 doittoujours faire évoquer un autre diagnostic que le syndro-me de Guillain et Barré.

2. Étude électrophysiologique

Elle montre habituellement des signes électriques enfaveur d’une démyélinisation segmentaire et multifoca-le. Ces signes sont :– le ralentissement des vitesses de conduction motrice etsensitive ;– l’étalement (dispersion temporelle) de la réponse évo-quée, motrice ;– l’allongement de la latence des ondes F ;

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P O L Y R A D I C U L O N É V R I T E A I G U Ë I N F L A M M A T O I R E

Déficit moteur des membres, Symptômes et (ou) signes sensitifsprogressif, grossièrement symétrique

Aréflexie (ou hyporéflexie) Atteinte des paires crâniennes(particulièrement atteinte du VII bilatérale)

Progression < 4 semaines Dysautonomie

Hyperprotéinorachie

Absence d’hypercellularité du LCR(< 10 cellules / mm3)

Signes de démyélinisation à l’étude des vitessesde conduction nerveuse

Critères diagnostiques du syndromede Guillain et Barré

Critères nécessaires au diagnostic Critères secondaires (non obligatoires)

TABLEAU 1

Page 114: La Revue Du Praticien-Neurologie

– l’allongement des latences distales motrices ;– la présence de blocs de conduction, qui sont le signe leplus caractéristique de la démyélinisation segmentaire(cf. figure).La mise en évidence de signes de dénervation à l’élec-tromyogramme (examen de détection à l’aiguille) estplus tardive. La présence de fibrillation au repos consti-tuerait un facteur de mauvais pronostic.

3. Autres examens complémentaires

Depuis la mise en évidence d’antécédents fréquentsd’infection par Campylobacter jejunidans des cas desyndrome de Guillain et Barré (principalement dansles formes axonales réputées plus sévères), le séro-diagnostic spécifique de cette bactérie est pratiqué defaçon systématique dès la suspicion de syndrome deGuillain et Barré. La positivité de la sérologie pour leCampylobacterne constitue qu’un élément d’orienta-tion supplémentaire, et n’est en aucun cas nécessaireou suffisante pour porter le diagnostic de syndromede Guillain et Barré.

Evolution, pronostic, prise en charge

L’évolution du syndrome de Guillain et Barré se faitspontanément vers la récupération, mais les séquellesdéfinitives concerneront jusqu’à un quart des patients, etle pronostic vital peut être mis en jeu par l’insuffisancerespiratoire, la dysautonomie et les complications liées àl’alitement. C’est pourquoi ces patients doivent bénéfi-cier d’une prise en charge neurologique spécialisée, àproximité d’une unité de soins intensifs. Il faut soulignerque chez ces patients conscients de leur état, toutes lesmesures thérapeutiques ainsi que les différents gestespratiqués et leur but doivent être clairement expliquéspar l’ensemble des membres de l’équipe soignante.

Complications et leur prise en charge

L’évolution spontanée du syndrome de Guillain et Barrése fait en 3 phases avec une tendance à la récupérationspontanée. Les complications menaçant le pronosticvital surviendront lors de la phase d’installation et de laphase d’état.

Neurologie

L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8 2197

Figure :Bloc de conduction

La gaine de myéline disconti-nue assure une conductionsaltatoire rapide le long desfibres nerveuses myélinisées.La démyélinisation segmen-taire de certaines fibres ner-veuses se traduit par uneinterruption de la conductionle long de ces fibres. Àl’échelle d’un tronc nerveux,cela se traduit par un bloc deconduction : le potentield’action recueilli après sti-mulation distale (B) est dedurée et d’amplitude nor-males ; le potentiel d’actionrecueilli après stimulationproximale (A), en amont dela zone de démyélinisation,est d’amplitude diminuée etde morphologie anormale,avec un étalement de laréponse évoquée motrice(dispersion temporelle).

Fibre nerveuse myélinisée

Recueil : fibre musculaire

A

B

Nœud de Ranvier

Gaine de myéline

Zone de démyélinisation

Page 115: La Revue Du Praticien-Neurologie

Polyradiculonévrite lors d’une séroconversion Hypercellularité du liquide céphalo-rachidienpar le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) Phase de séroconversion

Neuropathie aiguë lors d’une intoxication Atteinte plutôt axonale(alcoolique, médicamenteuse, professionnelle) Antécédents évocateurs

Botulisme Notion d’ingestion de conserves avariéesDiplopie et atteinte précoce des nerfs crâniensParalysie d’évolution descendante

Porphyrie aiguë intermittente Antécédents familiauxDouleurs abdominales pseudo-chirurgicalesColoration brune des urines

Maladie de Lyme Déficit souvent asymétriqueMéningite lymphocytaire associéeAntécédent de piqûre de tique et d’érythème migrantSérologie positive pour Borrelia Burgdorferi

Poliomyélite Déficit asymétriqueAtteinte purement motriceAmyotrophie et dénervation précoces

Affection médullaire Niveau sensitifSignes d’atteinte centrale

Syndrome de la queue de cheval Troubles sphinctériens constantsAbsence d’atteinte des membres supérieurs

1. Troubles de déglutition

Lorsqu’ils surviennent, ils imposent une alimentationentérale (au mieux continue pour éviter les risques dedilatation gastrique) par sonde nasogastrique, afin deprévenir le risque de pneumopathie de déglutition.

2. Atteinte respiratoire

Elle engage le pronostic vital, et la surveillance de lafonction ventilatoire constitue un des points les plusimportants de la prise en charge de ces patients puisqueenviron un quart d’entre eux devront être soumis à uneventilation mécanique. L’évolution de la gazométriesanguine constitue un très mauvais indicateur de ladégradation respiratoire chez ces patients, qui garderonttrès longtemps des gaz du sang normaux. La surveillan-ce sera donc essentiellement clinique reposant parexemple sur l’observation de l’ampliation thoraciquemaximale et de l’efficacité de la toux, sur la mesure dela durée maximale d’inspiration bloquée et sur l’appré-ciation du déficit moteur des muscles abdominaux et del’importance de l’encombrement bronchique. La mesure

de la capacité vitale au lit du malade par spirographiepeut également s’avérer utile à la surveillance de lafonction ventilatoire.

3. Troubles cardiocirculatoires

Ils sont dus à l’atteinte du système nerveux autonome.Les poussées d’hypertension artérielle sont en règle peumenaçantes et n’imposent pas de traitement spécifique.En revanche, les accès de bradycardie menacent le pro-nostic vital et imposent une surveillance continue parcardioscope. Ils peuvent être spontanés ou déclenchéspar les changements de position, les aspirations tra-chéales. Leur traitement fait appel à l’atropine par voiesous-cutanée et, en cas d’échec, à la mise en place d’unesonde d’entraînement électrosystolique.

4. Autres

Chez ces patients souvent tétraparétiques, le risque throm-bo-embolique est élevé et doit être prévenu d’emblée parune anticoagulation préventive par héparine de bas poidsmoléculaire. Cela ne dispense pas de la surveillance

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P O L Y R A D I C U L O N É V R I T E A I G U Ë I N F L A M M A T O I R E

Diagnostic différentiel du syndromede Guillain et Barré

Type d’affection Caractéristiques, signes distinctifs

TABLEAU 1I

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Neurologie

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constante des signes de phlébite. La prévention du risquethrombotique passe également par la kinésithérapie passi-ve qui doit être débutée aussi tôt que possible.La survenue d’escarres peut être très rapide chez despatients paralysés, ce qui impose une présence intensiveavec changements de position fréquents, et l’utilisationde matelas adaptés.Les patients souffrant d’un syndrome de Guillain etBarré sont d’autant plus soumis au risque infectieuxqu’ils sont alités et en réanimation. C’est pourquoi lesmesures d’asepsie doivent être draconiennes, et lesinfections (bronchopulmonaires ou autres) traitées aumieux après preuve bactériologique.La douleur sera traitée avec des antalgiques non sédatifschez les patients non ventilés en raison de l’effet délétè-re des sédatifs sur la fonction ventilatoire.Il n’est pas rare de voir survenir une hyponatrémie parsyndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiu-rétique (SIADH), nécessitant la prise en charge habi-tuelle de ces troubles hydro-électrolytiques. Le traite-ment spécifique repose sur les immunomodulateurs(voir : Pour approfondir 3).

Pronostic

1. Pronostic vital

Malgré les mesures générales et spécifiques de la priseen charge en unités de soins intensifs, 5 % des patientsprésentant un syndrome de Guillain et Barré décèdentencore actuellement.

2. Pronostic fonctionnel

On estime que 15 à 25 % des patients garderont desséquelles définitives après un syndrome de Guillain etBarré. Les séquelles motrices peuvent être particulière-ment invalidantes (dans une minorité de cas), ce qui sou-ligne l’intérêt de la mise en œuvre très précoce des trai-tements spécifiques, et d’une prise en charge intensivepar les kinésithérapeutes.

3. Facteurs de mauvais pronostic

L’étude de grandes séries de patients a permis de mettreen évidence un certain nombre de facteurs de mauvaispronostic (vital ou fonctionnel). Ces facteurs sont prin-cipalement : un âge supérieur à 50-60 ans, un début rapi-de (<7j), la nécessité d’une ventilation assistée, unediminution importante des amplitudes motrices à l’élec-tromyogramme (EMG) attestant d’une atteinte axonaleconcomitante et l’absence de traitement spécifique.

4. Formes à rechutes

Environ 5 % des patients feront des rechutes de la maladie.Ces formes cliniques sont à rapprocher des formes à rechutesdes polyradiculonévrites chroniques idiopathiques. ■

PhysiopathologieLa démyélinisation segmentaire est la lésion histopathologiquecaractéristique du syndrome de Guillain et Barré. Elle s’associe à des infiltrats inflammatoires touchant lesracines, responsables de l’hyperprotéinorachie, d’où le terme depolyradiculonévrite. La démyélinisation aiguë est responsabledes déficits observés, et les séquelles seront d’autant plus impor-tantes que la démyélinisation est sévère et prolongée et que l’at-teinte axonale secondaire est marquée. L’arrêt du processusinflammatoire et démyélinisant est spontané, ce qui explique latendance à la récupération spontanée dans le syndrome deGuillain et Barré.La découverte d’antécédents fréquents d’infections parCampylobacter jejunichez les patients atteints de syndrome deGuillain et Barré a conduit au concept de mimétisme moléculai-re, dans lequel des déterminants antigéniques microbiens(variables selon la souche bactérienne) posséderaient une struc-ture proche de certains épitopes portés par les glycolipides dusystème nerveux périphérique, conduisant ainsi à une réactionimmunitaire croisée. D’autres agents infectieux, notammentviraux, pourraient être impliqués dans ces processus par desmécanismes identiques. La pathogénie du syndrome de Guillainet Barré pourrait également faire intervenir l’activation des lym-phocytes T. En effet, dans le modèle animal de la névrite aller-gique expérimentale, il a été possible d’induire l’affection partransfert de lymphocytes T activés à partir d’un animal immuni-sé. Enfin, d’autres acteurs de la réponse immune, tels que lescytokines pro-inflammatoires comme le Tumor necrosis factor(TNF-α) ou l’interleukine 6 (IL-6) jouent probablement un rôleimportant, et sont retrouvés à des titres élevés lors des phases ini-tiales de la maladie.Cependant, la présence d’anticorps anti-glycolipides n’est pasconstante au cours du syndrome de Guillain et Barré, et il n’estpas possible dans certains cas (même autopsiques) de mettre enévidence des infiltrats inflammatoires le long des racines ou destroncs nerveux. Il paraît donc difficile de proposer actuellementune théorie univoque pour rendre compte des mécanismes impli-qués dans la pathogénie du syndrome de Guillain et Barré.Cependant, on peut penser que l’exposition à des agents infec-tieux spécifiques pourrait mettre en jeu les versants humoral et(ou) cellulaire de la réponse immune pour aboutir in fine à uneatteinte myélinique ou axonale dont les macrophages seraient lesderniers effecteurs.

POUR APPROFONDIR 1

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P O L Y R A D I C U L O N É V R I T E A I G U Ë I N F L A M M A T O I R E

• L’évolution se fait en 3 phases : installation,plateau puis récupération.• La surveillance de la fonction ventilatoire estétroite.• Un transfert en réanimation a lieu dès qu’il y atroubles de déglutition, difficultés respiratoires,troubles du rythme ou de la conductioncardiaque.• Il existe un risque de complications infectieuseset thrombo-emboliques (anticoagulationpréventive).• Le traitement spécifique fait appel aux échangesplasmatiques ou aux immunoglobulinesintraveineuses à fortes doses.

Points Forts à retenir

Kuntzer T. Polyradiculonévrites aiguës : le syndrome deGuillain-Barré. In : Bouche P, Vallat JM (eds). Neuropathies péri-phériques Paris : Doin, 1992 ; VII : 478-98.Raphaël JC, Annane D, Chevret S, Schillet P, Gajdos P.Indications respectives des échanges plasmatiques et de fortesdoses d’immunoglobulines dans les polyradiculonévrites et lamyasthénie. Presse Med 1996 ; 25 : 1516-22.Raphaël JC, Chevret S, Jars-Guincestre MC, Chastang C, GajdosP. Traitement du syndrome de Guillain-Barré par les échangesplasmatiques : Proposition d’une stratégie thérapeutique. RevNeurol 1996 ; 152 : 359-64.

POUR EN SAVOIR PLUS

Traitements spécifiquesLa démonstration que le sérum de patients présentant un syndrome deGuillain et Barré pouvait provoquer in vitro des lésions de démyélini-sation a renforcé l’hypothèse d’une origine dysimmunitaire de la mala-die, bien que les mécanismes intimes en restent encore obscurs. Cela acependant conduit de nombreuses équipes à utiliser des traitementsimmunomodulateurs dans le syndrome de Guillain et Barré. Les diffé-rentes études menées ont démontré l’efficacité des échanges plasma-tiques puis des immunoglobulines intraveineuses.• Échanges plasmatiquesPlusieurs études, notamment françaises, ont démontré l’efficacité deséchanges plasmatiques dans le syndrome de Guillain et Barré. Leséchanges plasmatiques améliorent le pronostic fonctionnel à un an,diminuent la durée de la ventilation mécanique et la durée d’hospitali-sation, et accélèrent la récupération fonctionnelle. Ces effets seraientcependant moins marqués dans les formes les plus graves et lorsque letraitement est entrepris tardivement (après 2 semaines d’évolution).Une étude française récente a déterminé le nombre optimal d’échangesplasmatiques selon le degré de sévérité de la maladie. Les auteurs ontpu établir que 2 échanges plasmatiques amélioraient de façon signifi-cative le pronostic des formes modérées et que 4 échanges plasma-tiques étaient nécessaires et suffisants dans les formes sévères. Leséchanges plasmatiques sont, en règle générale, pratiqués 1 jour sur 2.• Immunoglobulines intraveineusesLes immunoglobulines intraveineuses ont démontré leur efficacitédans un certain nombre de maladies auto-immunes comme le purpurathrombopénique idiopathique. Par analogie, elles ont été préconiséesdans le syndrome de Guillain et Barré, et ont été comparées dans 2études au traitement de référence que constituent les échanges plasma-tiques. Les auteurs ont conclu à une efficacité équivalente des 2 traite-ments dans les formes sévères, et à l’absence d’effet supplémentaire del’association des 2 thérapeutiques. Les immunoglobulines intravei-neuses s’administrent en perfusion à la dose de 0,4 g/kg/j pendant unedurée de 5 jours, sous surveillance de la pression artérielle et de lafonction rénale.• Choix du traitementBien que la morbidité des échanges plasmatiques soit relativementfaible entre les mains d’équipes entraînées, ceux-ci sont contre-indi-qués en cas d’instabilité vasculaire, de dysautonomie mal contrôlée oude sepsis, et sont conditionnés par les possibilités d’accès veineux.C’est pourquoi, à coût égal, les immunoglobulines intraveineusesconstitueront probablement à l’avenir le meilleur traitement de premiè-re intention en raison de leur plus grande simplicité d’utilisation, bienque leur efficacité n’ait pas encore été démontrée dans les formes degravité modérée.

POUR APPROFONDIR 3

Variants du syndrome de Guillain et BarréOn individualise un certain nombre de formes cliniques ou de« variants » du syndrome de Guillain et Barré. La parenté réelle deces syndromes avec le syndrome de Guillain et Barré n’est pas tou-jours établie.– Syndrome de Miller-Fisher : il associe une ataxie, une ophtalmo-plégie et une aréflexie. Ce syndrome rare est associé à la présenced’anticorps dirigés contre le ganglioside GQ1b.– Formes axonales : comme leur nom l’indique, ces formes(motrices pures ou sensitivo-motrices) comportent une atteinteaxonale primitive avec diminution des amplitudes motrices àl’électromyogramme, et absence de signes de démyélinisation.Elles sont associées à des antécédents d’infection parCampylobacter jejunimise en évidence par sérologie, et à la pré-sence d’anticorps dirigés contre le ganglioside GM1. Elles survien-nent par épidémies saisonnières dans certaines régions du monde(Chine) et leur physiopathologie ferait intervenir un mimétismemoléculaire entre certains déterminants antigéniques du Campylo-bacter et des épitopes spécifiques du GM1. Le pronostic de cesformes est classiquement plus mauvais que celui des formesdémyélinisantes typiques de la maladie, avec séquelles motricessouvent sévères.– Formes sensitives pures : elles comportent des troubles sensitifstouchant préférentiellement les grosses fibres et l’ataxie est généra-lement au premier plan du tableau clinique.– Pandysautonomie aiguë : cette forme se caractérise par uneatteinte touchant exclusivement le système nerveux autonome, avectroubles génito-sphinctériens et cardiocirculatoires, gastroparésie,anomalies de la sudation, hypotension orthostatique et anomaliespupillaires. La parenté entre ce syndrome particulièrement rare etle syndrome de Guillain et Barré est discutée.

POUR APPROFONDIR 2

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NeurologieB 230

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En France, la prévalence varie selon les régions entre 30 et 100 pour 100 000 habitants, le nombre de maladesest estimé à environ 50 000 avec une densité un peu plusforte dans les régions du nord et de l’est.

Influence de l’ethnie

La sclérose en plaques touche toutes les races et toutesles ethnies mais surtout les caucasoïdes. En Afrique duSud et en Amérique du Nord, les Noirs sont beaucoupmoins atteints que les Blancs. Aux Antilles, la maladieest rare chez les sujets de race noire. Chez lesJamaïcains, la prévalence reste basse chez ceux qui émi-grent à l’âge adulte en Grande-Bretagne, mais elle aug-mente chez leurs descendants, ce qui souligne le rôle del’environnement dans l’enfance. Dans les populationsasiatiques, la prévalence est basse en Inde et la maladieest considérée comme très rare en Chine ou au Japon.Les études des migrations de populations ont donné desarguments en faveur d’un facteur environnemental. Il est observé une diminution de la prévalence lors demigration d’un pays de haute prévalence vers une zonede basse prévalence. Un sujet migrant après l’âge de 15 ans garde le risque de développer la maladie de sonpays d’origine, alors que s’il migre avant 15 ans, ilprend le risque de son pays d’accueil.

Études génétiques

Les études épidémiologiques ont souligné l’importanced’un facteur environnemental mais ont aussi mis en évidence une susceptibilité génétique. En effet, les différences importantes de prévalence selon l’ethnie ausein d’une même région soulignent l’importance d’unfacteur génétique. Le risque de survenue d’une sclérose en plaques dans lafamille d’un patient est multiplié par 10 à 15 pour unparent du premier degré puis diminue pour les parents des2e et 3e degrés. Le taux de concordance pour les jumeauxhomozygotes est de l’ordre de 30 %. Les formes fami-liales sont estimées à environ 7 %. Les résultats les plussignificatifs concernant la susceptibilité génétique ont étéapportés par l’étude du complexe majeur d’histocompati-bilité (CMH), dont on connaît le rôle dans la présentationdes antigènes aux lymphocytes T. Le meilleur marqueurreste la surreprésentation de l’allèle HLA-DR2 chez lespatients d’origine caucasoïde atteints de sclérose enplaques. Les porteurs de cet allèle ont environ 4 fois plusde risque de développer la maladie. D’autres allèles sont

Épidémiologie

Prévalence

La prévalence de la sclérose en plaques (SEP) est trèsvariable selon les pays. On distingue ainsi une zone àhaut risque avec une prévalence supérieure à 30 pour100 000 habitants ; à risque moyen où la prévalence sesitue entre 5 et 30 pour 100 000 et une zone à risquefaible où la prévalence est inférieure à 5 pour 100 000habitants. Les pays industrialisés du Nord de l’Europe,de l’Amérique du nord et le Sud-Est de l’Australieappartiennent à la zone à haut risque. Une partie despays du Sud de l’Europe appartiennent à la zone à risquemoyen ; les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique duSud à la zone à risque faible même si les données épi-démiologiques sont dans ces pays imprécises. Il resteadmis qu’il existe un gradient nord-sud de prévalencedans l’hémisphère nord et inverse dans l’hémisphèresud. Au sein d’une même zone, il existe des différencesimportantes de prévalence avec des foyers à très hauteprévalence pouvant dépasser 100 pour 100 000 habitantscomme dans certaines régions d’Écosse, de Scandinavieou en Europe du Sud, par exemple en Sardaigne.

Sclérose en plaquesÉpidémiologie, physiopathologie, diagnostic, évolution

PR Patrick VERMERSCHClinique neurologique, CHRU de Lille, hôpital Roger-Salengro, 59037 Lille Cedex.

• La sclérose en plaques (SEP) est une maladieinflammatoire démyélinisante du système nerveux central, de cause inconnue. Elle est fréquente chez les sujets de race caucasoïde et la prédominance féminine est la règle.

• Elle débute souvent chez l’adulte jeune et dansun tiers des cas de façon polysymptomatique.Les modes de révélation les plus fréquents sont : les signes moteurs, la névrite optique,les troubles sensitifs surtout subjectifs,une diplopie, un trouble de l’équilibre ou des difficultés sphinctériennes.

• On distingue les formes rémittentes évoluantpar poussées, les formes dites secondairementprogressives où après une phase rémittente,les signes s’aggravent progressivement et les formes progressives primaires où la symptomatologie s’aggrave d’un seultenant. L’évolution est toujours imprévisible.

Points Forts à comprendre

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surexprimés dans les populations atteintes de sclérose enplaques d’origine ethnique différente, par exemple l’allèleHLA-DR4 dans certaines populations arabes ou enSardaigne. D’autres gènes sont probablement en cause, lasusceptibilité étant certainement d’ordre multigénique.

Âge de début

Le début se manifeste dans 70 % des cas entre 20 et 40 ans, dans 10 % des cas après 40 ans et dans 20 %avant 20 ans. Des cas à début très précoce ou très tardifsont décrits, avant 10 ans ou après 60 ans.

Sexe

Selon les études, il y a entre 1,5 à 2 femmes atteintespour un homme.

Physiopathologie

La sclérose en plaques est une maladie inflammatoiredémyélinisante chronique du système nerveux central,d’étiologie inconnue. Les progrès de l’immunologie ontpermis d’analyser les mécanismes dysimmunitaires aucours de la sclérose en plaques. L’affirmation de l’originedysimmunitaire s’appuie sur 4 types d’arguments : l’in-filtration précoce des lésions par des cellules immuno-compétentes ; la présence quasi constante d’une distri-bution oligoclonale des gammaglobulines dans leliquide céphalo-rachidien (LCR) ; l’association entresclérose en plaques et marqueurs du système HLA(human leucocyte antigen) ; et l’influence de l’adminis-tration des interférons (IFN) délétères de l’IFNγ et béné-fiques de l’IFNβ.

Antigènes

La connaissance des antigènes potentiellement impli-qués dans la sclérose en plaques vient surtout des tra-vaux de modèles animaux de cette sclérose, principale-ment de l’encéphalomyélite allergique expérimentale(EAE). Toutefois, aucun antigène n’a démontré qu’ilétait impliqué spécifiquement dans la pathogénie de lasclérose en plaques. De nombreux antigènes sont proba-blement en cause et les épitopes impliqués sont trèsvariables d’un individu à l’autre. La majorité des travauxse sont focalisés sur la protéine basique de la myéline,induisant dans plusieurs espèces animales une encéphalo-myélite allergique expérimentale. D’autres antigènes,constituants mineurs ou majeurs de la myéline sontencéphalotigènes, par exemple une glycoprotéine de lamyéline et des oligodendrocytes. On ne peut exclurequ’un antigène environnemental, viral par exemple, initiela réaction immune, et que la chronicité soit liée à unmimétisme moléculaire entre un épitope de ce virus etun ou des épitopes de la myéline. La réaction immunepourrait aussi se pérenniser par la persistance du virusou d’un fragment viral dans le système nerveux central

et jouant le rôle de superantigènes. De nombreux virusont été suspectés. Récemment, en utilisant des tech-niques de biologie moléculaire sur des fragments biop-siques ou autopsiques, l’attention s’est focalisée sur certaines séquences rétrovirales et sur un virus du groupeherpès (HHV6).

Immunité cellulaire

La sclérose en plaques semble principalement une mala-die de l’immunité cellulaire. Le rôle des cellules T a étéparticulièrement étudié tant dans l’encéphalomyéliteallergique expérimentale que chez les patients. Le trans-fert passif des lymphocytes T d’un animal immunisé etatteint d’encéphalomyélite allergique expérimentalesuffit à provoquer la maladie chez un animal naïf. Dansles modèles animaux et chez les patients, l’initiation duprocessus inflammatoire se fait au niveau périphérique,responsable de l’activation de lymphocytes T. Cette acti-vation nécessite la présentation d’un antigène aux lym-phocytes T par une cellule dite présentatrice d’antigènesde la lignée monocytaire, à la condition que cet antigènesoit associé à des molécules du complexe majeur d’his-tocompatibilité (CMH) et en présence de signaux coac-tivateurs. Si cette molécule du complexe majeur d’histo-compatibilité est de classe I, les lymphocytes activéssont de type « suppresseurs » et expriment à leur surfaceles marqueurs CD8. Ces cellules peuvent limiter l’am-plitude de la réaction immunitaire. Si ces molécules ducomplexe majeur d’histocompatibilité sont de type II,les lymphocytes T sont de type helpers ou inducers etexpriment à leur surface des marqueurs CD4. Sous l’in-fluence de certaines cytokines, notamment l’interleuki-ne 12 (IL12), ces lymphocytes T se différencient en deux catégories aux propriétés très distinctes, les cellules Th1 jouant ici un rôle majeurentraînant un mécanisme d’hypersensibilité retardéeavec synthèse de cytokines pro-inflammatoires et lescellules Th2, influençant l’immunité humorale et res-ponsables de cytokines limitant la réaction immunitaire. Alors qu’en situation normale de rares cellules mono-cytaires pénètrent la barrière hémato-encéphalique(BHE) pour effectuer quelques patrouilles de surveillanceimmunitaire, durant les poussées de sclérose en plaques,les lymphocytes pénètrent en masse dans le parenchymecérébral. Ce passage est actif. Initialement et au niveaudes petits vaisseaux, les lymphocytes par le biais d’inter-actions physico-chimiques et de glycoprotéines mem-branaires, les intégrines, se rapprochent de la paroiendothéliale. Ces lymphocytes T vont ensuite s’accoleraux cellules endothéliales grâce à des molécules d’adhé-sion fortement exprimées par ces cellules. Elles serontensuite aptes à se déformer puis à pénétrer au travers dela barrière hémato-encéphalique grâce à la synthèse de « métalloprotéases » qui ouvrent les jonctions inter-cellulaires. Dans le parenchyme cérébral, elles serontattirées par des chémokines vers des cellules essentielle-ment microgliales aptes à nouveau à leur présenter desantigènes et à amplifier l’activation lymphocytaire.

S C L É R O S E E N P L A Q U E S

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gliales parfois regroupées en nodules, des infiltratsmononucléés et une démyélinisation. L’analyse ultra-structurale montre en outre une altération de la barrièrehémato-encéphalique. Des macrophages chargés dedébris myéliniques sont observés notamment dans lesespaces de Virchow-Robin. Dans ces lésions récentes,les images de remyélinisation sont précoces et nom-breuses avec prolifération oligodendrogliale. L’analysede la substance blanche en apparence saine à l’imageriepar résonance magnétique ou macroscopiquementmontre dans la majorité des cas une infiltration anormalede cellules mononucléées. Ces lésions sont en règle centrées par un vaisseau où on observe dans les lésionsaiguës un afflux de cellules monocytaires et de lympho-cytes. Les lésions anciennes sont paucicellulaires, trèsdémyélinisées et constituées essentiellement de gliosefibrillaire. Les oligodendrocytes sont très rares. Bien que signalées il y a très longtemps, des donnéesrécentes ont démontré la présence de lésions axonalestrès précoces et irréversibles, associées aux lésionsinflammatoires et de démyélinisation.

Diagnostic

Diagnostic clinique

Le diagnostic clinique est aisé devant un patient décri-vant une évolution par poussées et présentant une symp-tomatologie multifocale. Il est plus difficile devant untableau médullaire évoluant souvent d’un seul tenant età un âge plus tardif.Les signes inauguraux sont par ordre de fréquencedécroissante : les signes moteurs (de 35 à 40 %), lesnévrites optiques (environ 25 %), les troubles sensitifssurtout subjectifs (environ 20 %), une diplopie (5 à 10 %),un trouble de l’équilibre (5 à 10 % des cas), et destroubles sphinctériens (environ 5 %). On considèrequ’un peu plus d’un tiers des patients sont polysympto-matiques dès le début. • Les signes moteurs sont fréquents dès le début etconcernent tous les patients dans les formes progres-sives ou évoluées. Il s’agit soit d’une symptomatologielimitée à un phénomène de claudication médullaireaprès un long périmètre de marche, le patient rapportantune lourdeur progressive des membres inférieurs volon-tiers associée à des contractures musculaires, soit d’undéficit moteur plus sévère sous la forme d’une hémi-parésie ou d’une hémiplégie, d’une paraparésie ou d’uneparaplégie volontiers plus spastique que déficitaire oud’une monoparésie. Si les symptômes concernent parfois longtemps un membre, l’examen montre uneatteinte pyramidale plus diffuse avec hyperréflectivitéostéotendineuse, signe de Babinski et équivalents. Destrépidations épileptoïdes des pieds, considérées par lepatient comme un « tremblement », sont fréquentesnotamment après un effort physique ou la nuit, provo-quées par un contact prolongé avec les parois du lit. La spasticité est très fréquente. Si elle est parfois utile au

Cytokines

Une fois orientés dans le sens Th1, les lymphocytes Tprolifèrent et sont intensément recrutés grâce en particu-lier à l’IL2 (interleukine). Ces lymphocytes Th1 vontsynthétiser de nombreuses cytokines, notamment l’IL1,l’IL2, mais surtout l’IFNγ (interféron) et du TNFα(tumor necrosis factor). Le TNF stimule la réactioninflammatoire et contribue au passage des lymphocytesà travers la barrière hémato-encéphalique. L’IFNγ a uneaction toxique pour la myéline mais son rôle délétère sefait surtout par une activation des macrophages qui syn-thétisent une quantité importante de TNFα. Ce TNFαest capable d’induire des lésions myéliniques sur descultures d’oligodendrocytes in vitro. En présence decomplément, il est directement toxique pour les oligo-dendrocytes. Les macrophages activés libèrent égale-ment des quantités importantes de monoxyde d’azote etde radicaux libres pouvant induire une lyse membranaireet une dégradation de la myéline. L’IFNγ augmente l’expression des molécules du complexe majeur d’histo-compatibilité de type II dont on connaît le rôle dans laprésentation antigénique et des molécules d’adhésion,favorisant le passage des lymphocytes activés à traversla barrière hémato-encéphalique. L’IFNβ, utilisé en théra-peutique, s’oppose point par point aux effets de l’IFNγ.Les cellules Th2 expriment d’autres cytokines notam-ment l’IL4, l’IL6, l’IL10 et le TGFβ (transforminggrowth factor). L’une d’entre elles, l’IL10, semble jouerun rôle important dans les rémissions survenant dans lesmodèles animaux ou en pathologie humaine. Son tauxaugmente lors des rémissions alors que celui des cyto-kines associées aux poussées (IL2, TNFα, IFNγ) diminue.L’activation de ces lymphocytes Th2 n’a peut-être pasque des effets positifs. Certaines de ces cytokines sontcapables d’activer les lymphocytes B et d’augmenter lasynthèse d’anticorps qui, associés au complément, sontpotentiellement myélinotoxiques.

Anatomopathologie

• Aspects macroscopiques : l’aspect du cerveau est nor-mal ou montre un aspect discrètement atrophique. À lacoupe, les lésions sont multiples et concernent la sub-stance blanche, avec une prédilection pour les régionspériventriculaires mais n’épargnant pas la substanceblanche profonde, ni certaines zones à la jonction cortico-sous-corticale. Les plaques surtout récentes sont biendélimitées et légèrement rosées alors que les lésionsanciennes sont grisâtres. Les nerfs et voies optiques sonttrès touchés. Au niveau de la fosse postérieure, leslésions sont nombreuses au niveau du plancher du IVe

ventricule, de l’aqueduc de Sylvius, du faisceau longitu-dinal médian et des pédoncules cérébelleux. La moelleépinière surtout cervicale est volontiers atrophique et leslésions nombreuses notamment dans les cordons posté-rieurs et latéraux. • Aspects microscopiques : l’analyse des lésionsrécentes montre une hypercellularité associant une pro-lifération astrocytaire, la présence de cellules micro-

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patient, facilitant notamment grâce à l’extension desmembres inférieurs la station debout, elle est volontiersresponsable d’attitude vicieuse (varus équin des pieds,adduction des cuisses…) et de douleurs. Dans lesformes rémittentes, la constitution d’une paraparésieaiguë sévère est volontiers inaugurale, réalisant untableau de myélite. Le plus souvent ce tableau s’installesur plusieurs jours et est précédé de troubles sensitifssubjectifs et objectifs. Des hémiplégies d’installationrapide voire brutale sont très rares et font à juste titreévoquer une origine vasculaire, d’autant que c’est dansces cas que sont également observés des signes excep-tionnellement rapportés dans la sclérose en plaques, destroubles du langage, de la vigilance ou une hémianopsielatérale homonyme par exemple. La simple constatationd’une abolition des réflexes cutanés abdominaux est degrande valeur, si la paroi abdominale est par ailleursbien tonique, car elle témoigne le cas échéant d’uneatteinte multifocale si la présentation clinique est mono-focale et sans rapport avec une atteinte médullaire. Onobserve rarement, dans des cas évolués, une aréflexieostéotendineuse aux membres supérieurs, a priorisecondaire à des lésions sévères des cordons postérieursétendus aux racines postérieures lésant l’arc réflexe, etune amyotrophie. • Les troubles visuels sont dominés par la névriteoptique rétrobulbaire. Fréquemment inaugurale, elles’observe aussi au cours de l’évolution. Elle débute sou-vent par une douleur oculaire ou rétro-orbitaire, dontl’intensité est majorée par la pression du globe oculaireet les mouvements des yeux. La baisse de l’acuitévisuelle survient rapidement et en quelques heures peutconduire à l’amaurose totale. Parfois, le trouble s’instal-le plus progressivement et la baisse de l’acuité visuellese limite à un léger flou ou à une impression de voile.Une atteinte bilatérale est rare et l’atteinte de l’œilcontrolatérale survient de façon décalée. La place desnévrites optiques bilatérales d’emblée et sévères seradiscutée dans les formes frontières. Une anisocorie estfréquente.Le fond d’œil est souvent normal. Un œdème papillaireest observé dans environ 5 % des cas, correspondant auxformes antérieures des névrites optiques. Quoique nonspécifique, la constatation d’occlusion veineuse connuesous le terme de périphlébite rétinienne est évocatrice.L’évolution la plus fréquente se fait vers la régression,mais à un an environ 5 % des patients gardent un déficitvisuel fonctionnellement gênant et irréversible. Le fondd’œil réalisé à distance d’une poussée ou même chezdes patients n’ayant jamais présenté de troubles visuelsmontre fréquemment une pâleur de la papille principale-ment dans le secteur temporal. Des uvéites sont beaucoup plus rares et en général peusévères. Il s’agit parfois d’uvéites de découverte fortuiteavec infiltrat cellulaire du vitré volontiers associé à uneatteinte périveineuse rétinienne. Des épisclérites sontexceptionnellement rencontrées. Comme pour d’autressignes de la maladie, l’exercice physique ou la chaleuraggravent les troubles (signe d’Uhthoff). Certains patients

rapportent par exemple une baisse de l’acuité visuelle lorsdu bain ou en cas d’exposition solaire prolongée.• Les troubles sensitifs sont volontiers inauguraux etisolés. Au début ils sont souvent purement subjectifs eten raison d’une description parfois fort riche, ils peuventfaire errer le diagnostic. Les patients signalent des pares-thésies touchant un membre ou un segment de membre,parfois au niveau des troncs. Chez d’autres, il s’agit dedysesthésies, de brûlures, d’impressions d’épines ou decoussins sous les pieds, de marcher sur du coton.Parfois, les patients rapportent des sensations d’eau quicoule sur la peau ou de toile d’araignée notamment surle visage. La présence d’un signe de Lhermitte est carac-téristique, les patients rapportant une impression dedécharge électrique du rachis, parfois des membres, lorsdes mouvements de flexion du cou. Ce signe témoigned’une atteinte de la moelle cervicale.Plus de 80 % des patients vont rapporter des douleurs aucours de l’évolution de leur affection. Elles sont soit detype névralgique, sous la forme d’éclairs douloureux,soit à type d’écrasements ou de broiements. Les névral-gies faciales sont assez fréquentes et peuvent survenirindépendamment des poussées cliniques de la maladie. Les signes objectifs peuvent manquer au début maissont rarement absent après quelques poussées évolu-tives. L’atteinte de la sensibilité profonde est souventprédominante, avec diminution marquée de la pallesthé-sie et participe aux troubles de la marche des patientsavec une composante ataxique. Dans ces cas, le signe deRomberg est parfois démonstratif. Aux membres supé-rieurs, la sensibilité épicritique est souvent émoussée, demême que la graphestésie. Les patients rapportent defréquents lâchages d’objets. Les manœuvres doigt-nezsont parfois beaucoup moins bien réalisées les yeux fer-més, évoquant une ataxie proprioceptive. • Signes d’atteinte du tronc cérébral :– troubles oculomoteurs : la diplopie est fréquente, par-

fois révélatrice. L’atteinte du VI est la plus fréquente,d’autres patients signalent un flou visuel qui disparaîtà la fermeture d’un œil, ou une oscilloscopie. Parfois,des paralysies de fonction sont constatées : paralysiede latéralité ou de verticalité du regard. L’analyse del’oculomotricité peut également mettre en évidencedes saccades hypométriques, une poursuite sacca-dique, ces derniers éléments étant en rapport avec lesyndrome cérébelleux. Chez un sujet jeune, la consta-tation d’une ophtalmoplégie internucléaire, caractériséelors du regard latéral par une limitation de l’adductionde l’œil controlatéral associée à un nystagmus de l’œilhomolatéral, est hautement évocatrice du diagnostic desclérose en plaques;

– syndrome vestibulaire et nystagmus : les patientssignalent plus souvent des sensations vertigineusesque des vertiges vrais. Le syndrome vestibulaire est enrègle dysharmonieux et s’associe volontiers à une ouplusieurs composantes du syndrome cérébelleux. Laconstatation d’un nystagmus est d’un grand intérêt dia-gnostique chez un patient consultant pour un symptômeisolé sans rapport avec un syndrome vestibulaire;

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• Les troubles cognitifs : une authentique démence estrare alors que la prévalence des troubles cognitifs estestimée entre 17 et 60 % selon la méthode d’évaluationutilisée et le mode de sélection. Aux tests d’intelligenceglobale, une baisse significative est observée chez 10%des patients environ. Les troubles de la mémoire sont lesplus fréquents, notamment la mémoire récente. Lamémoire visuo-spatiale est aussi touchée que la mémoireverbale. Des difficultés de raisonnement sont observées.Ces troubles volontiers associés à des difficultés deconcentration et d’attention rappellent ce qui est observédans certains dysfonctionnements frontaux. Les fonc-tions symboliques (praxies, gnosies, langage) sont enrègle préservées, hormis dans d’assez nombreux cas lesfluences verbales. Ces troubles cognitifs sont rarement inauguraux maispeuvent être observés à des stades précoces. Ils peuventsurvenir dans les différentes formes de la maladie et sontle plus souvent peu évolutifs. L’intensité de ces troublescognitifs n’est corrélée ni au handicap moteur, ni àl’âge, ni au syndrome dépressif.• La fatigue : la quasi-totalité des patients se plaignentd’une grande fatigue. Celle-ci n’est pas liée à la sévéritéde la maladie. Elle accompagne presque systématique-ment toutes les poussées évolutives et les précède sou-vent, parfois de plusieurs semaines. La persistance decette fatigue gêne la reprise des activités quotidiennes etprofessionnelles. • Les manifestations paroxystiques : en dehors desnévralgies faciales déjà décrites, d’autres manifestationspeuvent survenir de façon paroxystique notamment des accès très brefs de dysarthrie isolée ou associée à une ataxie, de diplopie, des blocages moteurs ou au contraire des crises toniques d’un membre. Ces accèsne durent que quelques secondes mais peuvent se répéter de très nombreuses fois dans la journée. Defaçon plus exceptionnelle, ces crises toniques sont provoquées par le mouvement et présentent parfois descaractéristiques de postures dystoniques ou de mouve-ments choréiques.• Les manifestations épileptiques : la survenue decrises d’épilepsie est considérée comme un symptômede la sclérose en plaques. La fréquence de survenue de cescrises est de l’ordre de 2 à 7 % alors que dans la populationgénérale, la prévalence de l’épilepsie est estimée de 0,5 à 1 %. Il s’agit plus souvent de crises partielles quede crises généralisées. Elles sont en règle bien contrôléespar le traitement. Les plaques corticales ou juxtacorti-cales sont associées à ces manifestations.• Autres manifestations cliniques : des manifestationsdysautonomiques sont fréquentes chez les patients para-parétiques ou paraplégiques, notamment vasomoteurs etde la sudation. De façon plus rare, une hypotension arté-rielle orthostatique peut s’observer. Dans des cas trèsévolués, des épisodes de coma transitoire ou d’hypo-thermie profonde sont observés. Quelques patientsdécrivent des troubles importants du sommeil et dessymptômes rappelant une narcolepsie.

– autres atteintes de nerfs crâniens : en dehors de lanévralgie faciale déjà décrite, associée dans certainscas à une hypo-esthésie dans le territoire du trijumeau,la paralysie faciale est assez fréquente, inauguraledans près de 5 % des cas. Contrairement à la paralysiefaciale dite a frigore, elle est de régression souventrapide. L’atteinte de la déglutition s’observe souventdans les cas évolués. L’abolition du réflexe nauséeuxtémoigne potentiellement d’une atteinte multifocale.

• Le syndrome cérébelleux : en raison des troubles pos-turaux et de l’équilibre, la composante statique et loco-motrice du syndrome cérébelleux contribue souvent lar-gement aux troubles de la marche et de la station debout,fréquemment associée à l’atteinte pyramidale, respon-sable de la classique démarche ataxo-spasmodique. Lesdifférentes composantes du syndrome cérébelleux ciné-tique sont souvent observées, principalement la dysmétrie.Même en présence d’un syndrome pyramidal, une hypo-tonie est fréquente. Le tremblement cinétique com-plique souvent les cas sévères de sclérose en plaques. Ils’agit d’un tremblement d’intention isolé ou associé àune composante d’attitude qui, dans les cas les plussévères, correspond aux dyskinésies volitionnellesempêchant toute activité coordonnée. Ce tableau est parfois complété par une dysarthrie cérébelleuse,caractérisée par une voix explosive et scandée.• Les troubles génito-sphinctériens sont fréquents etquasi constants en présence d’une paraparésie. De façonisolée ou souvent associée, les patients décrivent soit desmictions impérieuses, responsables de fuites urinaires, soitune dysurie, avec difficultés à déclencher la miction oudes sensations de miction incomplète. Cette dysurie estvolontiers responsable d’une tendance à la rétentionchronique source d’infections urinaires répétées, de distension vésicale et potentiellement de retentissementsur le haut appareil. L’évolution vers l’incontinencen’est pas rare. Ces troubles urinaires s’associent volon-tiers à une constipation. Les difficultés sexuelles sontfréquentes, notamment l’impuissance ou les difficultéséjaculatoires chez l’homme.• Les troubles thymiques : l’euphorie, classiquementdécrite chez les patients pourtant conscients d’un handicapparfois lourd, est considérablement plus rare que ladépression. Celle-ci est fréquente et pas uniquementréactionnelle aux troubles physiques. En effet, elle estsouvent rencontrée un peu avant le début des troubles oualors associée à des symptômes mineurs chez despatients ignorant le diagnostic. Elle est davantage corréléeà l’activité de la maladie qu’au handicap proprement dit.Le taux de suicide est environ 3 fois plus élevé que dansla population générale. Il existe une association probable-ment non fortuite avec la psychose maniaco-dépressivemême si le déterminisme génétique n’a pas été démontré.Un état de dysphorie n’est pas rare associant une hyper-émotivité, une hypersensibilité et une hyperexpressivité.Dans ce cadre, signalons le rire ou les pleurs spasmo-diques. Les troubles thymiques participent au déclin dela qualité de vie de ces patients, souvent plus diminuéeque ne le voudrait leur handicap physique.

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Diagnostic paraclinique

Les moyens paracliniques à notre disposition ont surtoutpour rôle de démontrer la dissémination dans le temps etdans l’espace des lésions. Ils aident également à exclurecertains diagnostics différentiels.• L’imagerie par résonance magnétique a transforméla prise en charge diagnostique de la sclérose en plaques.Elle a permis en outre de suivre in vivo l’évolution deslésions. Différents éléments sont apportés par l’imagerie. La mise en évidence d’hypersignaux en substanceblanche (SB) sur les séquences pondérées en T2 (fig.1):ces images ne sont pas spécifiques mais leur répartitionet leur aspect évoquent des lésions de démyélisation.Elles sont surtout périventriculaires ou en substanceblanche profonde mais n’épargnent pas les régionsimmédiatement sous-corticales. Elles sont arrondies ouovalaires et pour les lésions périventriculaires, à grandaxe perpendiculaire à l’axe des ventricules latéraux.Leut taille est très variable, y compris chez un mêmesujet, de quelques millimètres à plusieurs centimètres.Les topographies calleuse ou péricalleuse sont égale-ment évocatrices du diagnostic. Grâce à des incidencesspécifiques, des lésions hypersignaux peuvent êtremises en évidence au niveau des nerfs optiques. Leshypersignaux sont également bien visibles en fosse pos-térieure au niveau périaqueducal ou du 4e ventricule oude façon plus typique au niveau des pédoncules cérébel-leux moyens. De façon moins sensible, ces lésions peu-vent apparaître en hyposignal sur les séquences pondé-rées en T1. Les séquences appelées FLAIR ont encoreaugmenté la sensibilité de l’examen d’imagerie parrésonance magnétique en montrant davantage de lésionsprincipalement au niveau sus-tentoriel. Des hyper-signaux en T2 sont également visibles au niveau de lamoelle épinière, principalement cervicaux, sous la formed’un hypersignal postérieur ou latéral de forme souventoblongue entraînant parfois un discret élargissement dela moelle dans les présentations médullaires aiguës de lamaladie ou lors d’une poussée évolutive. Les séquencespondérées en T1 après injection de gadolinium sont par-ticulièrement informatives. En effet, les lésions rehaus-sées par le gadolinium sont évolutives car ce produit nemarque les plaques que lorsqu’il existe une rupture de labarrière hémato-encéphalique (fig. 2). L’hypersignalinduit par le gadolinium est souvent annulaire en péri-phérie de la lésion. L’atrophie tant encéphalique quemédullaire est mise en évidence à l’imagerie par réso-nance magnétique. L’atrophie médullaire est parfois pré-coce et assez bien corrélée avec les scores de handicap.La preuve d’une dissémination dans l’espace : en effet,l’imagerie par résonance magnétique met souvent enévidence des lésions multiples et sans rapport avec lasymptomatologie présentée par le patient. On admetcomme significative la présence d’au moins 4 lésionsdont une périventriculaire.La preuve d’une dissémination dans le temps : l’aspectdifférent des lésions mais surtout le rehaussement de certaines d’entre elles par le gadolinium témoignent de

lésions d’âges différents. Les lésions en hyposignal sur lesséquences T1 témoignent en règle de lésions anciennes.Bien que très sensibles, les données de l’imagerie parrésonance magnétique ne doivent être considérées qu’enfonction des données cliniques. Ces hypersignaux nesont pas spécifiques et peuvent se rencontrer notammentà l’étage encéphalique dans beaucoup d’autres affec-tions vasculaires ou inflammatoires ou même chez desindividus normaux surtout de plus de 45 ans. La norma-lité de l’imagerie par résonance magnétique n’exclut pasle diagnostic, surtout au début et dans les formes pro-gressives de la maladie. • L’analyse du liquide céphalorachidien garde uneimportance capitale. Elle permet de démontrer le méca-nisme inflammatoire. L’hypercytose est très inconstanteet souvent modérée, classiquement inférieure à 30 élé-ments par mL. La protéinorachie est souvent modéré-ment augmentée, au profit des gammaglobulines. Desrapports spécifiques démontrent que ces gammaglobu-lines sont de synthèse intrathécale. C’est surtout l’électro-phorèse qui apporte un élément crucial pour le diagnosticen montrant une distribution oligoclonale des gamma-globulines. En utilisant une technique par iso-électro-focalisation, la sensibilité est de l’ordre de 95 %.• Le bilan neurovisuel : nous avons déjà abordé l’intérêtdu fond d’œil. Les analyses automatisées du champvisuel mettront souvent en évidence des déficits fasci-culaires. Même si là aussi la spécificité n’est pas bonne,les potentiels évoqués visuels (PEV) objectivent trèssouvent des troubles de conduction avec une latenceallongée principalement de l’onde P100, suggérant deslésions de démyélinisation des voies optiques. Leur inté-rêt est donc majeur dans les atteintes monosymptoma-

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Hypersignaux disséminés en substance blanche évo-quant des lésions de démyélinisation. Séquences pondéréesen mode T2.

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lésion dans au minimum 2 régions distinctes du systèmenerveux central. L’une de ces lésions peut toutefois êtremise en évidence grâce aux moyens paracliniques (ima-gerie par résonance magnétique ou potentiels évoqués).• Sclérose en plaques certaine et définie biologique-ment : les patients ont fait soit :– au moins 2 poussées de plus de 24 h chacune à au moins

1 mois d’intervalle dans au minimum 2 régions distinctesdu système nerveux central. Une seule de ces lésions aété objectivée cliniquement ou paracliniquement;

– une poussée ou une évolution progressive sur plus de 6 mois mais avec mise en évidence clinique de 2 lésionsdistinctes apparues à au moins 1 mois d’intervalle;

– une poussée ou une évolution progressive de plus de 6 mois avec la constatation clinique d’une lésion etd’au moins une autre par les examens paracliniques,séparée d’au moins 1 mois de la lésion clinique.

Dans ces 3 circonstances, le liquide céphalorachidiendoit être caractéristique.• Sclérose en plaques cliniquement probable : lespatients ont fait soit :– 2 poussées distinctes concernant 2 régions distinctes

du système nerveux central mais l’examen clinique nemet en évidence qu’une seule lésion ;

– ou alors 1 seule poussée clinique ou une évolutionprogressive de plus de 6 mois mais mise en évidence clinique de 2 lésions distinctes ;

– ou encore 1 seule poussée ou évolution progressivesur plus de 6 mois avec constatation clinique d’unelésion et mise en évidence d’une autre, grâce aux examens paracliniques.

• Sclérose en plaques biologiquement probable : lespatients doivent avoir présenté 2 poussées à au moins unmois d’intervalle dans 2 régions distinctes et ont uneanalyse du liquide céphalorachidien évocatrice.• Sclérose en plaques possible : les patients ont présentéun premier épisode neurologique compatible avec unelésion de démyélinisation.La reconnaissance de ces formes est capitale car la miseen route de certains traitements spécifiques repose sur cescritères. En pratique, on ne pose le diagnostic de scléroseen plaques qu’après la 2e manifestation clinique évocatrice.

Diagnostics différentiels

Les principaux diagnostics différentiels sont les affectionsinflammatoires systémiques ayant une expression neuro-logique parfois proche et éventuellement révélatricenotamment le lupus érythémateux aigu disséminé, lessyndromes de Gougerot-Sjögren primaires ou secon-daires, le syndrome primaire des antiphospholipides etla maladie de Behçet. La sarcoïdose comprend des signes neurologiques dansenviron 5 à 10 % des cas, volontiers inauguraux.Dans le cadre des pathologies infectieuses, on évoque deprincipe la possibilité d’une maladie de Lyme. Dansquelques cas, les diagnostics de brucellose ou de tétra-parésie spastique tropicale à HTLV1 sont discutés.Devant un tableau de myélite aiguë, les causes virales

tiques, par exemple motrices ou sensitives. Les poten-tiels évoqués visuels sont en effet altérés chez plus de 80% des patients, que ceux-ci aient présenté ou non dessignes visuels.• Les potentiels évoqués somesthésiques, moteurs etauditifs ne doivent certainement pas être demandés defaçon systématique. Ils sont surtout utiles pour objectiverune atteinte infraclinique sur les voies longues ou dutronc cérébral ou affirmer une origine organique devantdes symptômes purement subjectifs• Autres examens paracliniques : la sclérose enplaques est une maladie inflammatoire strictement loca-lisée au système nerveux central, le bilan sanguin seradonc normal. L’absence de syndrome inflammatoire estun argument du diagnostic différentiel avec certainesmaladies systémiques, à expression neurologique parfoisproche. La recherche de stigmates d’auto-immunité nedoit pas être systématique en l’absence d’arguments cliniques ou biologiques. La sarcoïdose étant l’un desdiagnostics différentiels à évoquer de principe, uneradiographie de thorax doit être réalisée.

Critères diagnostiques

Le diagnostic de sclérose en plaques est essentiellementclinique. Les critères dits de Poser proposés par un grouped’experts en 1983 reposent sur la mise en évidence cli-nique et paraclinique d’une dissémination dans le temps etdans l’espace de lésions inflammatoires démyélinisantes.• Sclérose en plaques certaine et définie selon des cri-tères cliniques : ces patients ont fait au moins 2 pousséesde plus de 24 h chacune à au moins 1 mois d’intervalle,avec à chaque fois la constatation clinique objective d’une

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Lésions rehaussées par le gadolinium. Séquences pondé-rées en mode T1.

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sont recherchées alors que devant des tableaux d’atteintedu tronc cérébral et des nerfs crâniens, les diagnostics delistériose ou de tuberculose sont à évoquer. Certaines cytopathies mitochondriales donnent volon-tiers des atteintes multifocales mais les données del’imagerie par résonance magnétique sont différentes.Dans ce cadre, l’atrophie optique de Leber est parfoisévoquée devant une symptomatologie visuelle bilatéralepeu ou non régressive. Certaines affections dégénératives associant volontiersune ataxie et des signes pyramidaux sont des diagnosticsdifférentiels notamment des formes progressives pri-maires de sclérose en plaques. Dans ces affections,l’imagerie par résonance magnétique est normale oumontre des signes d’atrophie et le liquide céphalo-rachi-dien est normal.Enfin, devant une symptomatologie médullaire exclusive,toutes les causes de lésions médullaires doivent êtreenvisagées, d’origine compressive, vasculaire ou mal-formative. Chez l’adulte jeune de sexe masculin, le dia-gnostic d’adrénoleucodystrophie repose sur le dosagedes acides gras à chaînes longues.

Évolution

L’évolution de la maladie est largement imprévisible.Même s’il existe beaucoup de formes bénignes, plussouvent reconnues grâce à l’imagerie par résonancemagnétique, la sclérose en plaques reste une maladiepotentiellement grave, responsable de séquelles parfoislourdes et de conséquences sociales et personnellesimportantes. Des études de cohortes ont montré que lamoitié des patients atteignaient le score de 3 sur uneéchelle de 0 à 10 après environ 7 ans de maladie, signi-fiant un début de gêne à la marche ou un autre handicapfonctionnel perturbant les activités quotidiennes, et lescore de 6 après environ 15 ans signifiant la nécessitéd’une aide à la marche.

Formes évolutives habituelles

La connaissance de ces formes est essentielle car lechoix de certains traitements dépend de la forme cli-nique. On distingue classiquement 3 formes.• Les formes rémittentes pures : environ 85 % despatients débutent par cette forme et à un âge moyen deprès de 30 ans. Les patients présentent des poussées res-ponsables ou non de séquelles. Le handicap permanentdans ces formes est lié à la sévérité des séquelles maisnon à la sévérité de la poussée elle-même. La duréed’une poussée est très variable, de l’ordre de 3 à 4semaines, et par définition supérieure à 24 h. L’aggra-vation des troubles durant un syndrome infectieux ouaprès une exposition à de fortes chaleurs ne doit pas êtreconsidérée comme une poussée. La régression des pre-mières poussées est en général satisfaisante mais esttoujours imprévisible même après le 1er ou le 2e épisode.Dans ces formes, l’état clinique est stable entre les

poussées, les patients ne décrivant que des fluctuationsminimes. L’intervalle entre les poussées est extrême-ment variable, de quelques années à plusieurs décennies.Des intervalles très longs sont classiques après un épisodede névrite optique par exemple. On classe ici les formesdites bénignes où les patients ne présentent après denombreuses années qu’un handicap très modeste, secon-daire à de rares poussées. Le taux de poussées est plusélevé au début de la maladie. Les études où des image-ries par résonance magnétique étaient réalisées de façontrès régulière ont montré que les poussées uniquement « radiologiques » étaient environ 10 fois plus fréquentesque les poussées cliniques de la maladie.• Les formes secondairement progressives ou rémit-tentes progressives : la grande majorité des patientsayant eu une phase rémittente vont évoluer vers cetteforme après en moyenne 7 à 10 ans de maladie. Danscette forme, le handicap s’aggrave de manière progressiveà vitesse très variable parfois de façon très sournoise.Beaucoup de ces patients présentent néanmoins despoussées surajoutées. Ces patients ont dans cette formeun handicap assez marqué dans souvent plusieursdomaines fonctionnels comprenant fréquemment uneparaparésie et des troubles sphinctériens. • Les formes progressives primaires : environ 15 % despatients, plus souvent des hommes, débutent par cetteforme d’emblée progressive, caractérisée par une aggra-vation inéluctable des symptômes avec un handicap sou-vent lourd après quelques années. La maladie débutesouvent plus tardivement vers 40 ans par une paraparé-sie isolée. Les lésions encéphaliques sont peu nom-breuses à l’imagerie par résonance magnétique et rare-ment rehaussées par le gadolinium. Contrairement aux deux autres formes, les lésions sont peu inflammatoires,faisant soupçonner un mécanisme lésionnel différent.

Facteurs pronostiques

Ces facteurs ne sont à considérer que pour une largepopulation. Sont considérés comme plutôt de bon pro-nostic les éléments suivants : un âge de début précoce,des symptômes inauguraux uniques, visuels ou sensitifs,une fréquence faible des poussées durant les 2 premièresannées, une régression complète de la première poussée,un long délai entre les 2 premières poussées, un handicapfaible après les 5 premières années. À l’opposé, la survenue chez l’homme est considérée comme plutôtpéjorative, de même que les signes inauguraux moteursou cérébelleux. Il est désormais admis que la présenced’une charge lésionnelle élevée lors de la premièremanifestation est associée à un risque beaucoup plusélevé de passage au diagnostic de sclérose en plaquesdéfinie cliniquement et à une évolution plus péjorative.

Influence de la grossesse

D’une manière générale, la grossesse n’a aucuneinfluence sur l’évolution du handicap. La fréquence despoussées diminue au cours du 2e et surtout du 3e tri-

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stance blanche d’allure tumorale avec parfois un effet demasse. La majorité des lésions est fortement rehausséepar le gadolinium. Dans certains cas appelés de typeMarburg, l’évolution est rapidement fatale. Le diagnosticde ces formes pseudo-tumorales nécessite souvent unebiopsie pour exclure formellement certaines tumeurs etprincipalement un lymphome.• Autres formes cliniques : une atteinte démyélinisantediffuse de la substance blanche encéphalique, grossière-ment symétrique caractérise la maladie de Schilder. Elledébute en règle chez l’enfant ou l’adolescent.L’évolution est subaiguë ou chronique. La scléroseconcentrique de Balo n’est plus reconnue comme uneentité distincte de la sclérose en plaques mais commeune forme histologique particulière avant le développe-ment de lésions plus caractéristiques. Elle est caractériséepar l’existence de bandes concentriques alternéesd’axones démyélinisés et myélinisés. ■

mestre de la grossesse mais augmente beaucoup durantles 6 premiers mois du post-partum. Si l’on considère la période avant, pendant puis après la grossesse, la fréquence des poussées n’est pas significativementmodifiée. Hormis les cas de troubles urinaires de traite-ment difficile, l’accouchement peut se faire par voiebasse. De même, la pratique de l’anesthésie périduralen’expose pas à un risque particulier.

Influence des vaccinations

La polémique vient des cas de sclérose en plaques sur-venus dans les semaines ou mois après une vaccinationcontre l’hépatite B. Il est reconnu que toute stimulationimmunitaire peut provoquer une poussée évolutive de lamaladie. Le rapport bénéfice-risque doit être évaluédans tous les cas. Quelques centaines de manifestationscompatibles avec un épisode de démyélinisation ont étédéclarées au centre de pharmacovigilance. Durant lamême période, il est admis qu’un nombre au moinséquivalent de patients décèdent des conséquencesdirectes ou indirectes de l’hépatite B. Une étude cas-témoins récente n’a pas démontré de rapport de cause àeffet entre la vaccination contre l’hépatite B et la scléroseen plaques. Néanmoins, cette vaccination est contre-indiquée chez les sujets ayant une sclérose en plaques et chez ceux ayant présenté un premier épisode neuro-logique compatible avec une lésion de démyélinisation.La survenue plus fréquente de complications post-vaccinales chez les sujets ayant dans leur famille du premier degré un cas de sclérose en plaques conduit à limiter la vaccination dans ces familles ou à évaluer au cas par cas le rapport bénéfice-risque. Les autres vac-cinations ne semblent pas incriminées. Récemment, il amême été constaté une fréquence légèrement plus bassedes poussées chez des patients vaccinés contre la grippe.

Formes cliniques frontières

• La neuromyélite optique de Devic : le tableau asso-cie, soit d’emblée soit de façon très rapprochée, uneparaparésie sévère et une neuropathie optique bilatérale.Les signes initiaux sont plus souvent visuels quemoteurs. L’évolution peut se faire sur un mode rémit-tent, surtout pour la paraplégie mais souvent les symp-tômes persistent. L’imagerie par résonance magnétiquemontre des lésions des nerfs optiques et des anomaliessouvent étendues de la moelle, avec peu ou pas de lésionsau niveau encéphalique. La distribution oligoclonale desgammaglobulines est plus rare que dans les cas habituelsde sclérose en plaques. Très rare en Europe et aux États-Unis, cette forme clinique est fréquente dans certainesrégions d’Asie notamment au Japon.• Les formes pseudo-tumorales : certains sujets présen-tent de façon rapidement progressive ou aiguë untableau sévère d’allure tumorale avec parfois altérationde la vigilance. L’imagerie par résonance magnétiquemontre des plages très larges et disséminées dans la sub-

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• Le diagnostic clinique est aisé devant une symptomatologie multifocale évoluant par poussées. Il est plus difficile devant des signes souvent médullaires s’aggravant progressivement.

• L’examen d’imagerie par résonance magnétique, en objectivant des lésions d’âgesdifférents et disséminées dans l’espace,ainsi que l’analyse du liquide céphalorachidiensont les principaux examens complémentaires. Les séquences d’imagerie par résonancemagnétique, pondérées en T2 ou « FLAIR »,vont objectiver des hypersignaux en substanceblanche au niveau encéphalique, parfois médullaires notamment à l’étage cervical. En utilisant des techniques adaptées,une distribution oligoclonale des gamma-globulines du liquide céphalo-achidien est observée dans environ 95 % des cas.

Points Forts à retenir

Lublin FD, Reingold SC for the National Multiple Sclerosis Society(USA) Advisory Commitee on Clinical Trials of New Agents inMultiple Sclerosis. Defining the clinical course of multiple sclerosis:results of an international survey. Neurology 1996 ; 46 : 907-11.

Mathews WB. Clinical aspects. In : Mathews WB (ed). McAlpine multiple sclerosis. Édimbourg : Churchill Livingstone, 1991 : 43-298.

Poser CM, Paty DW, Scheinberg L et al. New diagnostic criteria for multiple sclerosis: guidelines for research protocols.Ann Neurol1983 ; 13 : 227-31.

Weinsheinker BG, Bass B, Rice GPA et al. The natural history of multiple sclerosis: a geographic based study.Brain 1989 ;112 :133-45.

POUR EN SAVOIR PLUS

Page 127: La Revue Du Praticien-Neurologie

Diagnostic positif

1. Trouble de la conscience aigu

Le syndrome confusionnel est un trouble de consciencequi préserve les capacités de communication verbale etmotrice avec l’extérieur. Le malade peut donc parlermais fait preuve d’une impossibilité à penser et à s’ex-primer avec la clarté, la justesse et la vitesse habituelles.Toutes les fonctions cérébrales sont atteintes à desdegrés divers. Deuxième caractéristique, il s’agit d’untrouble aigu, d’intensité fluctuante et d’évolution habi-tuellement réversible à condition que l’urgence du dia-gnostic et du traitement n’ait pas été méconnue.

2. Analyse sémiologique

L’analyse sémiologique montre le déficit plurimodal desfonctions cognitives.• La vigilance est fluctuante,alternant des phasesd’éveil et de somnolence.• L’attention ne peut être soutenue(distractibilité).• L’élocution est perturbée(dysarthrie) : manque dumot, paraphasies et troubles de compréhension sonthabituels (aphasie) ; le discours spontané est souventpeu informatif, incohérent et le malade passe volontiersd’un sujet à l’autre (troubles du cours de la pensée).• Conscience de soiet pensée peuvent être altérées à unpoint tel qu’un véritable délire se fait jour. Il est volontierscomplexe, structuré, souvent à tonalité persécutoire. Sonvécu est intense, rendant compte d’une agitation extrême,d’un comportement agressif, de conduites de fugue.• Toutes ces raisons rendent difficile la communicationverbaleavec le malade. L’examen systématique permetcependant de constater la défaillance des différentesopérations intellectuelles :– l’orientation pour la date, le lieu et les personnes : ladésorientation temporo-spatiale est ainsi l’une descaractéristiques cardinales du syndrome confusionnel ;– la mémoire : le trouble de la mémorisation aboutit àun « oubli à mesure » et explique l’amnésie lacunairequi fera suite à l’épisode confusionnel ; le rappel desfaits récents et anciens est lui aussi perturbé ;– le calcul mental ;– le raisonnement (critique d’histoires absurdes…).• Perceptions et reconnaissances sont souvent émous-sées, pouvant aboutir à de fausses reconnaissances,expliquer des troubles de l’interprétation responsablesde convictions morbides. Illusions (déformation de per-ceptions réelles) et hallucinations (perceptions sansobjet) sont présentes. Elles sont le plus souventvisuelles (animaux, individus, monstres…), parfoisauditives ou olfactives. • Les praxies(manipulations avec ou sans objet, habilla-ge, conduites alimentaires, conduites sphinctériennes,marche…) sont aussi touchées à des degrés divers.

3. Il est habituel de distinguerdeux formes sémiologiques :

• les syndromes confusionnels calmes :le malade estspontanément silencieux, apathique et inerte, et la

NeurologieA 43

L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

Syndrome confusionnelOrientation diagnostique

Dr Françoise BOUHOUR, Pr Christian CONFAVREUXService de neurologie, hôpital de l’Antiquaille, 69321 Lyon cedex.

• Continuum des troubles de la consciencedans leur intensité:– syndrome confusionnel et syndrome démentielcorrespondent à une perturbation de la conscience ;cet état demeure compatible avec unecommunication verbale et motrice avec l’extérieur ;– un coma est une perte de la consciencequi empêche toute communication verbaleet motrice avec l’extérieur. dans leur durée:– le syndrome confusionnel est un trouble aiguet réversible, d’intensité fluctuante par oppositionau syndrome démentiel qui est définitif.Un syndrome confusionnel peut compliquertransitoirement un syndrome démentiel.• La conscience normale nécessite l’intégritéde la formation réticulaire activatrice ascendantedu mésencéphale et des thalamus ainsi quedes connexions qu’elle échange avec l’ensembledu cortex cérébral. Toute lésion qui touchecette structure, tout dysfonctionnement cérébraldirect ou indirect, peut aboutir à un syndromeconfusionnel.• Un syndrome confusionnel peut être considérécomme une insuffisance cérébrale globale, aiguëet réversible.• C’est une urgence médicale. Tout retard apportéau diagnostic et au traitement peut être fatal ouaboutir à des lésions définitives des structuresactivatrices avec séquelles psychomotrices.

Points Forts à comprendre

1469

Page 128: La Revue Du Praticien-Neurologie

sémiologie déficitaire cognitive est au premier plan ;• les syndromes confuso-hallucinatoires,ou « déli-rium », où prédominent l’agitation psychomotrice par-fois violente, les illusions et les hallucinations, le délire,avec volontiers une recrudescence vespérale et nocturne.

Diagnostic différentiel

Un syndrome confusionnel ne doit pas être confonduavec :• un déficit aigu mais sectorisé(unimodal) des fonc-tions cognitives ; c’est en particulier le cas de :– l’ictus amnésique ;– l’aphasie de Wernicke ;• un déficit global(plurimodal) des fonctions cognitivesmais persistant ; c’est le cas du syndrome démentiel ;• un déficit cognitif focalisé et persistant : le syndrome deKorsakoff qui se caractérise par un trouble mnésique antéro-grade au premier plan avec oubli à mesure, désorientationtemporo-spatiale, fabulations et fausses reconnaissances.

Diagnostic de gravité

Tout syndrome confusionnel a un retentissement soma-tique qui peut aboutir à un véritable état d’épuisementphysique et en fait toute la gravité :– altération de l’état général ;– troubles végétatifs : fièvre, déshydratation, oligurie,tachycardie ;– troubles du sommeil avec inversion du rythme nychté-méral ;– mouvements anormaux : tremblement d’attitude etd’action, astérixis, secousses myocloniques ;– hypertonie (souvent oppositionnelle) et vivacité desréflexes ostéotendineux.

Cet « inventaire somatique » doit permettre de repérerimmédiatement les désordres susceptibles de mettre enjeu le pronostic vital :– encombrement des voies respiratoires ;– absence d’autonomie ventilatoire ;– chute de la pression artérielle, état de choc ;– hémorragie...En fonction des constatations faites, les gestes de sau-vetage doivent être effectués en priorité (intubationendotrachéale, administration d’oxygène, d’agentsvasopresseurs, de sang, de glucose...).La profondeur de la confusion peut ensuite être cotéeen fonction de la classification de Glasgow. Ce scoreservira de référence pour la surveillance de l’évolution.

Diagnostic étiologiqueDans la pratique, cette étape est intriquée à la précéden-te. La solution de cette question est souvent indispen-sable au contrôle du syndrome confusionnel par un trai-tement adapté. C’est une urgence : toute confusion quise prolonge peut aboutir à des séquelles irréversibles.

1. Démarche logique et systématique

• L’interrogatoire de l’entouragefamilier mais aussides personnes qui ont donné l’alerte et les premierssoins. Un regard sur les effets personnels du malade estsouvent riche d’informations : ordonnance, carnet desanté, découverte de médicaments ou de drogues...• L’examen clinique :– neurologique avec recherche de signes neurologiquesde localisation et de signes méningés ;– viscéral :. l’haleine : fetor hepaticus, l’odeur de « pomme reinette » …,. les téguments : contusions, érythrose, éruption, pétéchies, …. les appareils : cœur, poumons, foie, reins...

1470 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

S Y N D R O M E C O N F U S I O N N E L

Ouverturedes Yeux

Spontanée 4

À la commande 3

À la douleur 2

Jamais 1

Confusions ComasMeilleure réponseVerbale

Parle, orienté 5

Parle, désorienté 4

Motsinappropriés 3

Sons incom-préhensibles 2

Aucune 1

Meilleureréponse motrice

À la consigne 6

Localisationde la douleur 5

Retraiten flexion 4

Contracturestéréotypéeen flexionà la douleur 3

Contracturestéréotypéeen extensionà la douleur 2

Aucune 1

Échelle des confusions et comas de GlasgowTABLEAU I

Total du score de Glasgow = 3 à 15

Page 129: La Revue Du Praticien-Neurologie

– général : température, poids.• Examens complémentaires :– en première ligne :. VS,. NFS,. ionogramme avec glycémie, natrémie, calcémie,. gazométrie, biologie hépatique, biologie rénale,. scanner cérébral ;– en deuxième ligne :. dosage sanguin et urinaire : médicaments, toxiques(alcool, oxyde de carbone...), drogues illicites,. LCR,. EEG ;– en troisième ligne : ammoniémie, dosages hormonaux.

2. Causes

Elles sont très nombreuses mais peuvent être regroupéesen quatre catégories :• en présence de signes cliniques et (ou) scanogra-phique évoquant :– traumatisme crânien : contusion, hémorragie céré-brale, hématome extradural, hématome sous-dural ; – accidents vasculaires cérébraux :. ischémiques : thrombotiques et emboliques,. hémorragiques,. thrombophlébite cérébrale,– tumeurs cérébrales,– infections cérébrales :. abcès,. encéphalite herpétique ;• en présence de signes méningés(clinique, ponctionlombaire) :– méningites ; – hémorragie sous-arachnoïdienne ;• en l’absence de signes(cliniques) :– toxiques :. alcool : intoxication aiguë, sevrage brutal (deliriumtremens),

. monoxyde de carbone,

. drogues illicites : cocaïne, LSD, amphétamines, crack...– médicaments :. barbituriques,. tricycliques,. corticoïdes,. opiacés,. L-Dopa...(Dans certains cas, le sevrage brutal a la même consé-quence que l’intoxication aiguë.) – métaboliques :. glycémie : hypoglycémie (injection de glucose 30 %ou injection de glucagon), hyperglycémie,

. hydroélectrolytiques : hypo- ou hypernatrémie, hyper-calcémie...,

. anoxie (hypercapnie),

. carences vitaminiques : encéphalopathie de Gayet-Wernicke (B1), B12, acide folique, ...

. endocrinopathie : dysthyroïdie, insuffisance surrénaleaiguë...,

. insuffisances viscérales : hépatique, rénale, cardiaque,

respiratoire ;• 3 cas particuliers :– l’épilepsie : status petit mal (= état de mal d’absence),syndrome confusionnel post-critique ;– les causes psychiatriques avec, en particulier, letableau de la bouffée délirante aiguë ;– les syndromes confusionnels compliquant transitoirementun syndrome démentiel sous-jacent, à l’occasion d’un trau-matisme physique ou psychologique, même mineur.

Diagnostic de l’évolution

1. Soins en milieu hospitalier

– Dans une chambre calme, éclairée. Éviter toutecontention physique. Rassurer le malade.– Sédation si besoin : en général par benzodiazépine ouméprobamate. En cas d’hallucinations ou de délire, neu-roleptiques.– Cotation répétée de l’échelle de Glasgow de façon àapprécier le sens dans lequel se fait l’évolution du syn-drome confusionnel.

2. Traiter les conséquences du syndromeconfusionnel

– Assurer les apports hydro-électrolytiques, vitami-niques et caloriques.Attention : ne jamais apporter de sérum glucosé sansapport parallèle de vitamine B1 chez le sujet éthyliquesous peine d’aggraver le syndrome confusionnel.– Assurer la liberté des voies aériennes, une hématosecorrecte, le maintien de la pression artérielle, le main-tien d’une diurèse correcte...– Traiter préventivement ou curativement les surinfections.– Prévenir les thrombophlébites

3. Traiter chaque fois que cela est possiblela cause du syndrome confusionnel. M

Neurologie

1471L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

• C’est une urgence diagnostique et thérapeutique.La sémiologie est dominée par un déficitplurimodal des fonctions cognitives.• Certaines confusions sont plurifactorielles :intrication d’intoxication et d’infection par exemple.• Certaines étiologies doivent être évoquéessystématiquement, même en l’absence de signesd’orientation : l’hypoglycémie, l’intoxicationau monoxyde de carbone, l’hémorragie méningéeà forme volontiers confusionnelle purechez le vieillard, l’épilepsie.

Points Forts à retenir

Page 130: La Revue Du Praticien-Neurologie

Diagnostic positif

Il est avant tout clinique et sera orienté par l’imageriemédicale pour l’étiologie. Selon le site lésionnel, le syn-drome de la queue de cheval associe à des degrés divers,des troubles sensitivomoteurs, génito-sphinctériens etune anomalie des réflexes.

1. InterrogatoireIl précise :– le mode de début (aigu ou non) ;– l’évolution des symptômes (douleurs++, troublessphinctériens) ;– la notion d’une claudication radiculaire avec son péri-mètre de marche ; les signes (paresthésies, radiculalgiesou déficit moteur) entraînent des troubles de la marche,absents au début de la marche, empêchant sa poursuiteet disparaissant après un court repos ;– les antécédents (cancer++, maladie rhumatolo-gique…) ;– les signes d’accompagnement (fièvre, baisse de l’étatgénéral) ;

– la profession (travail de force) et les habitudes de vie(jardinage, bricolage).

2. Examen clinique (patient déshabillé)

Il comporte un examen du rachis lombosacré (modifi-cations posturales, douleur provoquée) et surtout unexamen neurologique soigneux qui précise les racinesatteintes en recherchant les signes déficitaires ou le tra-jet d’une douleur radiculaire. Réalisé en décubitus dor-sal, le signe de Lasègue évoque une atteinte sciatique,en déterminant l’angle d’élévation du membre inférieuren hyperextension par rapport au plan du lit. Lamanœuvre de Leri (hypertension de la cuisse sur le bas-sin, membre inférieur en extension) reproduit une dou-leur L3 ou L4. Un examen général est nécessaire orien-té par le mode de survenue des troubles et lesantécédents.

3. Explorations complémentaires

• Radiographies standard (FP 3/4) et tomogra-phies :de moindre intérêt depuis l’avènement du scan-ner et de l’IRM, elles objectivent une cause de com-pression (spondylolisthésis, fracture, tassement,arthrose favorisant l’étroitesse du canal, élargissementd’un trou de conjugaison évoquant un neurinome surdes clichés de profil et de trois quarts, élargissement ducanal lombaire en faveur d’une tumeur intradurale…).• Examens de contraste :la radiculographie ou la myé-lographie réalisée après injection d’amipaque précise lesiège et les limites de la compression. Elle oriente lediagnostic étiologique : arrêt en dôme pour les neuri-nomes et méningiomes, en bec de flûte en cas de com-pression extradurale, image fusiforme d’une tumeurintramédullaire. La réalisation d’un scanner après l’in-jection précise l’image anormale.Ces examens sont indiqués en cas de discordance clini-co-scanographique et dans certains cas de canal lombai-re étroit.La discographie et le disco-scanner sont d’indicationexceptionnelle.

NeurologieB 227

L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

Syndrome de la queuede chevalDiagnosticDr Françoise BILLÉ-TURCService de neurologie, fondation hôpital Saint-Joseph, 13245 Marseille cedex 08.

• L’interrogatoire et l’examen neurologiquesoigneux sont primordiaux pour l’orientationétiologique d’un syndrome de la queue de cheval.

• L’installation rapide des troubles en fait uneurgence diagnostique et thérapeutique. S’il n’y apas de notion de traumatisme il faut réaliser, enurgence, une imagerie par résonnance magnétique(IRM) dorsolombaire (ou un radiculoscannersi l’imagerie par résonance magnétique n’est pasdisponible) pour éliminerune cause tumorale ou compressive d’autrenature qui indique une intervention chirurgicale.Si ces examens sont négatifs il faut les compléterpar des explorations biologiques, l’étude du liqui-de céphalo-rachidien (LCR), un électromyogram-

Points Forts à comprendre

1959

Page 131: La Revue Du Praticien-Neurologie

• Scanner rachidien (PAS 2) :il est pratiqué au niveaude la zone lésionnelle suspectée, parfois après myélo-graphie (lésions intradurales) ou injection intraveineusede produit de contraste. En première intention, il est réa-lisé sans injection de produit de contraste, en fenêtresmolles (disques, sac dural, graisse, racines) et osseusesavec coupes de 5 mm d’épaisseur. S’il n’y a pas de pointd’appel particulier, il faut réaliser une exploration systé-matique de tous les étages. Le scanner peut aussi servirde repère pour une ponction guidée.• L’imagerie par résonance magnétiquepermet demieux apprécier l’extension de la lésion qu’avec lescanner et d’orienter le diagnostic étiologique.• Phlébographie et artériographie :seule l’artériogra-phie garde un intérêt pour explorer une malformationvasculaire ou une tumeur hypervascularisée. Elle précè-de parfois une embolisation à visée thérapeutique.• La ponction lombairereste utile dans les syndromesde la queue de cheval d’allure infectieuse ou néopla-sique (recherche de cellules anormales). La positivité dela manœuvre de Queckenstedt Stookey et une dissocia-tion albumino-cytologique évoquent une tumeur.• Explorations électrophysiologiques (PAS 3) :l’élec-tromyogramme et l’étude des vitesses de conduction

nerveuse permettent de confirmer l’atteinte de certainsterritoires (sciatique, crural…) et ont surtout un intérêtpour le diagnostic différentiel. Les potentiels évoquésmoteurs et sensitifs sont parfois utiles pour préciser lalocalisation lésionnelle.• Selon l’étiologie suspectée(cancer ++) on complèteles explorations par une scintigraphie osseuse qui sertégalement de bilan d’extension.• Les examens biologiques sont orientés :vitesse desédimentation (VS), numération-formule sanguine(NFS), recherche de bacilles de Koch (BK), sérologie dela brucellose, du cytomégalovirus (CMV) ou de lasyphilis, marqueurs tumoraux.

Formes cliniques

1. Syndrome complet• Les troubles moteursréalisent une paraplégie flasque.L’amyotrophie est en général tardive.• Les réflexes rotuliens, crémastériens, achilléens et analsont abolis.Les cutanés plantaires sont indifférents. Lesréflexes cutanés abdominaux, crémastériens et médiopubienssont conservés.

1960 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

S Y N D R O M E D E L A Q U E U E D E C H E V A L

L2 L2

L2L2

L1L1

L3L3

L5

L3L3

L4

L4L4

L5

L5

S2S2

S2S2

S3

S4

S1S1

S1 S1

C3

C2

C4

C4C4

C5C5

D2

D3D4D5D6

D7 D8D9

D10

D11D12

C6 C6D1D1

C6C6

C 7

C7

C 8 C

8

L1S3

S 1

L2 L2

L3 L3

L4 L4

L5 L5

S1 S1

V3C3

C3 C4C4

C5C5

D2

D3

D4

D5

D6D7 D8D9

D10

D11

D12

D1 C6C6

D1

C6 C6

C6 C6

C7C7

Territoire d’innervation sensitive des racines lombosacrées: face postérieure

1Territoire d’innervation sensitive des racines lombo-

sacrées : face antérieure

2

Page 132: La Revue Du Praticien-Neurologie

• Les troubles sensitifs subjectifs souvent inauguraux(lombalgies, radiculalgies mono ou multiradiculaires)peuvent persister à ce stade. Ils sont en règle augmentéspar l’hyperpression abdominale (toux, défécation…),qui augmente la pression du liquide céphalo-rachidien(LCR).• L’hypo ou l’anesthésie est à tous les modes,intéressantla totalité des membres inférieurs et le périnée. L’atteintede la région périnéale, des organes génitaux externes, del’anus et de la partie haute de la face interne des cuissesréalise une anesthésie dite « en selle ». Le patient seplaint parfois également de sensations inhabituelles (perteou diminution) lors de la défécation ou des mictions.• Les troubles sphinctériensréalisent une incontinenceurinaire (mictions impérieuses au début) voire anale[gaz et (ou) matières] ou des difficultés à uriner avecmictions par regorgement pouvant aboutir à une réten-tion vésicale.• Les troubles génitauxcomportent une impuissance etdes troubles de l’éjaculation chez l’homme, une frigidi-té chez la femme, en relation avec l’anesthésie de lavulve et du vagin.

• Les troubles trophiques précoces sont à type d’es-carres aux points d’appui.

2. Syndromes partiels

• Syndrome d’atteinte haute(territoire du plexus lom-baire : nerfs crural et obturateur). Le déficit est proxi-mal. Les réflexes rotuliens sont abolis ou diminués.• Syndrome moyen lombosacré :il associe des troublesgénito-sphinctériens et une atteinte sciatique. Lesréflexes achilléens peuvent être abolis.• Syndrome sacré :il concerne l’atteinte des 3 ou 4 der-nières racines sacrées. Le diagnostic est difficile. Lesdouleurs sacrées et périnéales sont parfois inaugurales.Il n’y a pas de déficit moteur apparent hormis une fai-blesse des muscles fessiers : les réflexes anaux et bulbo-caverneux sont abolis. L’anesthésie en selle est limitée ;l’impuissance et la frigidité sont de règle de même queles troubles sphinctériens.• Hémisyndrome de la queue de cheval :secondaire àune compression unilatérale, il correspond le plus sou-vent à une forme de début où les signes déficitaires sont

Neurologie

1961L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

Innervation motrice tronculaire et radiculaire(membres inférieurs)

Nerfs

Branches collatérales

Nerf crural

Nerf obturateur

Branches collatérales

Tronc du nerf sciatique

Sciatique poplité exter-ne (SPE)

Sciatique poplité interne(SPI) continué par lenerf tibial postérieur quise termine par les deuxnerfs plantaires externeet interne

Plexus

Plexus lombairede (L1 à L4)

Plexus sacré(de L4 à S3)

RacinesMouvements principaux(et principaux muscles les réalisant)

Flexion de la hanche (psoas, illiaque)

Extension du genou (quadriceps)

Adduction de la cuisse (adducteurs)

Extension de la hanche (fessier)

Extension du genou (ischio-jambiers)

« Éversion du pied » (abduction + rotationexterne) (péroniers latéraux)

Flexion dorsale du pied (jambier antérieur+ extenseur des orteils)

Extension des orteils (extenseur des orteils)

« Inversion du pied » (adduction + rotation)(jambier postérieur)

Flexion plantaire du pied (triceps sural)

Flexion des orteils (fléchisseur des orteils)

L1

+

L2

+

L3

+

+

+

L4

+

++

++

+

+

+

L5

+

+

+

+

+

S1

+

+

+

++

+

S2

+

+

S3

TABLEAU I

Page 133: La Revue Du Praticien-Neurologie

homolatéraux à la lésion. Une sciatalgie est souventinaugurale puis apparaissent des troubles respiratoires,une anesthésie en selle et un déficit pluriradiculaire.

Diagnostic différentiel

1. Neuropathies périphériques

Les troubles sensitivo-moteurs s’installent le plus sou-vent progressivement et prédominent en distalité. Il n’ya pas de troubles génito-sphinctériens ni d’anesthésie enselle. Le diagnostic est confirmé par l’électromyogrameet l’étude des vitesses de conduction nerveuse.

2. Plexopathies lombosacrées

Le contexte est souvent évocateur (néoplasie, radiothé-rapie). Les investigations complémentaires (imagerie etétude électrophysiologique) font le diagnostic.

3. Polyradiculonévrites

Les signes neurologiques peuvent apparaître rapidementdans les formes aiguës type Guillain et Barré. L’étude élec-trophysiologique confirmera le diagnostic, de même que laponction lombaire qui révèle une hyperprotéinorachie.

4. Atteinte du cône médullaire

Il existe des signes pyramidaux qui se résument le plussouvent à un signe de Babinski. La recherche étiolo-gique est identique et les causes souvent communesavec les syndromes de la queue de cheval.

Diagnostic étiologique

Nous insisterons plus particulièrement sur certaines causesfréquentes ou qui relèvent d’un traitement spécifique.

1. Hernies discales médianes

Elles représentent une des causes les plus fréquentesde syndrome de la queue de cheval et une urgenceneurochirurgicale. Parfois inaugurale, la hernie sur-vient le plus souvent chez un patient aux antécédentsde lombalgie, lombosciatalgie voire hernie discaleopérée. Le début est brutal, volontiers lors d’uneffort, avec des sciatalgies très violentes puis s’instal-lent un déficit sensitivomoteur, des troubles sphincté-riens et une anesthésie en selle qui, paradoxalement,peuvent s’accompagner d’une sédation des douleurs.Le scanner rachidien et surtout l’IRM sont les exa-mens de choix ; ils mettent en évidence une volumi-neuse hernie qui peut avoir migré à l’étage sus- ousous-jacent, médiane (syndrome complet ou non avecsignes bilatéraux) ou latérale (hémisyndrome de laqueue de cheval).

Compressions extradurales (fréquent ++)

1. Hernies discales +++

2. Lésions épidurales et vertébro-épiduralesTumeurs• Secondaires +++

– Métastases d’un cancer (prostate ++,sein, rein…)

• Primitives– Bénignes (ostéome ostéoïde,kyste anévrismal, ostéochondrome,ostéoblastome, granulome éosino-phile)– Malignes (chondroblastome,sarcome)

• Hémopathies– Myélome, lymphome hodgkinien,lymphomes malins non hodgkiniens,leucémies

Spondylodiscites infectieuses(mal de Pott, staphylococcie, brucellose)Parasitose(échinocoque)

3. Lésions osseusesSténoses acquises

– arthrosiques– acromégalies– maladie de Paget

Sténoses congénitalesPost-traumatiques +++

Lésions intradurales

1. TumeursNeurinomes ++MéningiomesÉpendymomesAutres tumeurs :– Cholestéatomes, lipomes,métastases méningées,méningites carcinomateuses,tumeurs congénitales(tératomes, tumeurs du tractus sacro-coccygien,myéloméningocèle), paragangliomes, histiocytose X

2. Causes non tumoralesMalformations artérioveineusesHématomes sous-durauxArachnoïditesSpondylarthrite ankylosante

3. Causes infectieuses au cours du sida +++(CMV++, Mycobactéries, syphilis)

4. Post-radiothérapie

Lésions iatrogèniques

1. Hématomes (ponction lombaire, anticoagulants,péridurale)

2. Post-chirurgicales

1962 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

S Y N D R O M E D E L A Q U E U E D E C H E V A L

Causes des syndromesde la queue de cheval

TABLEAU II

Page 134: La Revue Du Praticien-Neurologie

En cas de doute, une radiculomyélographie (suivie d’unscanner) révélera un arrêt extradural du produit decontraste. Le pronostic fonctionnel dépend de la rapiditéde l’intervention (laminectomie en urgence).

2. Canal lombaire étroit

L’étroitesse est souvent congénitale, aggravée par desremaniements arthrosiques, une maladie osseuse (Paget,acromégalie…) ou un spondylolisthésis. Le tableau cli-nique s’installe progressivement, le plus souvent chezun patient de plus de 60 ans, avec une claudicationintermittente sensitivo-motrice, non douloureuse quiréduit progressivement le périmètre de marche. Le scan-ner lombaire permet de mesurer le diamètre du canalrachidien, montre un aspect trifolié évocateur et parfoisune zone élective de rétrécissement qui pourra bénéfi-cier d’une laminectomie. L’IRM lombaire ou la radicu-lographie (plus invasive) peuvent être réalisées à laplace ou en complément du scanner.

3. Neurinome de la queue de cheval

C’est la tumeur intradurale la plus fréquente. Elle semanifeste chez l’adulte par une longue phase de dou-leurs monoradiculaires qui évoquent parfois à tort unehernie discale. Il n’y a cependant pas de facteurdéclenchant, pas de signe de Lasègue et les douleurssont surtout nocturnes. Il faut rechercher des stigmatescutanés et des antécédents familiaux de maladie deRecklinghausen (risque de multiples localisationsnécessitant alors un bilan d’extension). Le scanner faitle diagnostic en découvrant une lésion arrondie homo-gène intracanalaire (parfois extracanalaire : neurinomeen sablier) rehaussée par le produit de contraste.L’IRM montre un hypersignal et la myélographievisualise la lésion. Le pronostic est bon après exérèsetotale.

4. Épendymomes

Ce sont les tumeurs primitives les plus fréquentes(80 %) du filum terminale et du cône médullaire. Ilssont diagnostiqués chez l’adulte après une longue phasede latence devant un syndrome de la queue de cheval.Le diagnostic est parfois difficile devant une hémorragieméningée (coup de poignard lombaire ou sciatiqueaiguë signant la rupture des vaisseaux tumoraux), unehypertension intracrânienne ou une hydrocéphalie demécanisme non univoque. La myélographie montre unarrêt intradural et des images pseudo-angiomateuses quipeuvent nécessiter une artériographie (utile également àvisée préopératoire). Le scanner et l’IRM montrent lalésion et son étendue mais le diagnostic différentield’avec les autres tumeurs intradurales est parfois diffici-le. Le pronostic dépend du caractère complet de l’exérè-se (risque de récidive surtout dans les formes géantes) etdu grade tumoral (nécessitant parfois une radiothérapieet pour certains une chimiothérapie).

5. Métastases vertébrales et épidurales

Elles sont très fréquentes et le contexte est souvent évo-cateur. Il peut s’agir d’une compression par tassementd’une vertèbre métastatique (début brutal) ou d’un enva-hissement de l’espace épidural par coulée métastatique(évolution plus lente). La scintigraphie complétera lesexplorations locorégionales habituelles. Le pronosticdépend du cancer primitif et du nombre de lésionsosseuses (laminectomie et en fonction radiothérapie,hormonothérapie dans certains cancers prostatiques outhyroïdiens).

6. Arachnoïdites

Elles doivent être connues car elles contre-indiquenttout acte invasif (ponction lombaire, radiculo- ou myé-lographie, chirurgie rachidienne). Elles correspondent àune fibrose méningée avec adhérence et engainementdes racines. Il existe des antécédents de ponctions lom-baires répétées, d’injections intrathécales ou de chirur-gie rachidienne. Les douleurs sont au premier plan ;lombosciatalgie surtout nocturne avec dysesthésies, par-fois troubles génito-sphinctériens et atteinte pluriradicu-laire. Les troubles moteurs sont rares. L’IRM est évoca-trice, montrant l’atteinte méningée avec un hypersignalen T2. Le traitement est symptomatique, médical, axésur la prise en charge de la douleur.

7. Malformations artérioveineuses

Elles sont rares à ce niveau et se traduisent le plus sou-vent par une atteinte du cône médullaire probablementen raison d’un hémodétournement. L’artériographiemontre une malformation artérioveineuse du filum ter-minale ou une fistule artérioveineuse durale et précise lavascularisation (artérielle et retour veineux) en vued’une chirurgie ou d’une embolisation.

Neurologie

1963L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

POUR APPROFONDIR

1 / Anatomie La queue de cheval correspond à l’ensemble des racines nerveusessituées au-dessous du cône terminal. Elle est constituée des 5 der-nières paires de racines lombaires (L2 à L5), des 5 paires de racinessacrées et de la paire de racines coccygiennes. Ces racines provien-nent de la moelle lombaire et du cône terminal et ont un trajet d’au-tant plus vertical que leur origine médullaire est plus basse. Ellesentourent le filum terminale, cordon fibreux qui relie le cône termi-nal au coccyx et baignent dans le liquide céphalo-rachidien.

2 / InnervationLes racines de la queue de cheval innervent les membres inférieurs,le périnée et les organes génitaux externes.– Sensibilité (cf. figure).– Motricité et réflexes tendineux (cf. figure).– Fonctions sphinctériennes et génitales.L’érection et les réflexes anaux et bulbocarverneux (S2 et S4) sontconcernés mais pas l’éjaculation qui est sous la dépendance deD11 à L1.

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8. Syndrome de la queue de chevalpost-radiothérapique

Il complique une irradiation abdomino-pelvienne(rechercher des traces de tatouage). Il peut être précoce(quelques semaines à quelques mois après l’irradiation)et se traduit par des paresthésies distales et bilatéralesdes membres inférieurs qui régressent le plus souventspontanément en quelques mois.La radiculoplexopathie tardive apparaît jusqu’à 30 ansaprès la radiothérapie (moyenne de 5 ans) avec installa-tion progressive d’un déficit moteur distal et asymé-trique. Les troubles sensitifs sont au second plancontrairement aux envahissements néoplasiques.L’aggravation est le plus souvent inéluctable.

9. Syndromes de la queue de chevalau cours du sida

Ils surviennent uniquement au stade tardif de la maladie.Le début se fait par des lombalgies et des radiculalgiesdans un tableau d’altération de l’état général avec fièvre.En quelques jours ou semaines se constitue un déficitsensitivomoteur asymétrique des membres inférieurs quipeut aboutir à une paraplégie flasque, et des troublessphinctériens. Plus rarement, l’atteinte diffuse auxmembres supérieurs ou aux nerfs crâniens. L’étude élec-trophysiologique est évocatrice de syndrome de laqueue de cheval. Il existe une hyperprotéinorachie par-fois très importante et une hypercytose à lymphocytesou à neutrophiles (très évocatrice alors d’une infection àCMV). L’IRM en T1 après injection de gadolinium

montre parfois un rehaussement des espaces méningésqui entourent la queue de cheval et le cône médullaire.L’atteinte de la queue de cheval n’est pas directementliée au VIH. Dans la très grande majorité des cas ils’agit d’une infection à CMV qui est associée une foissur deux à une autre localisation du virus (rétine, pou-mon, appareil digestif). L’évolution spontanée estdéfavorable mais sous traitement spécifique [dihydroxy-propoxy-méthyl-guanine (DHPG) ou foscarnet] uneamélioration spectaculaire voire une guérison est pos-sible. En dehors du CMV, un lymphome, une infectionmycobactérienne ou syphilitique peuvent exceptionnel-lement donner le même tableau clinique. M

1964 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

S Y N D R O M E D E L A Q U E U E D E C H E V A L

N’Guyen JP, Gaston A, Keravel Y, Djindjian M. Syndrome de laqueue de cheval. Encycl Med Chir (Paris-France). Neurologie,17044 F10, 10-1987 : 13 pp.

POUR EN SAVOIR PLUS

L’obtention d’une bonne imagerie médicale(scanner et IRM) est primordialedans le diagnostic d’affections où les atteintesmécaniques et les processus expansifs dominentl’étiologie. Malgré un bilan exhaustif,les investigations peuvent être négativesce qui nécessite un suivi évolutif.

Points Forts à retenir

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NeurologieA 50

419L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

est isolé : il n’existe pas d’autre signe neurologique. Lesréflexes ostéo-tendineux sont normaux, il n’y a pas desyndrome pyramidal, de trouble de la sensibilité, ni desyndrome cérébelleux. Un certain nombre de caractéris-tiques cliniques, évolutives et biologiques permettentd’identifier les différentes causes de ce syndrome myas-thénique. La cause la plus fréquente est la myasthénieacquise, maladie auto-immune provoquée par l’existenced’anticorps dirigés contre le récepteur de l’acétylcholine(Ac anti-RACh). La discussion diagnostique du syndromemyasthénique vise donc a priori à affirmer ou éliminerune myasthénie.

Signes en faveur de la myasthénie

La myasthénie s’observe à tout âge et dans les 2 sexes.L’âge de début se répartit en 2 pics de fréquence, l’unentre 20 et 40 ans avec une prédominance féminine(deux tiers environ), et l’autre autour de 50 ans avecautant de femmes que d’hommes atteints. La myasthéniese manifeste par une fatigabilité musculaire atteignantles muscles des territoires spinaux et (ou) céphaliques.Cette fatigabilité est variable dans son intensité, dans lajournée et d’un jour à l’autre, et évolue le plus souventpar poussées survenant à intervalles plus ou moins longs. Le diagnostic de myasthénie est rendu parfois difficiledu fait de cette variabilité topographique du déficit mus-culaire et de l’évolution, variabilité qui a souvent amenéle patient à consulter divers spécialistes. L’interrogatoirequi doit reconstituer une histoire parfois déjà ancienneest ainsi un élément crucial du diagnostic.

Signes de début

Les premiers signes sont oculaires dans la moitié descas. Le ptosis peut être uni- ou bilatéral et dans ce cassouvent asymétrique. Il est variable d’un moment àl’autre, en général plus marqué le soir. Le côté atteintpeut varier d’un jour à l’autre, et ce ptosis à bascule esttrès évocateur du diagnostic. Les paralysies oculomo-trices, responsables de diplopie, sont caractérisées parleur variabilité et leur absence de systématisation. Lamotricité oculaire intrinsèque est normale. Les autres signes de début, isolés ou associés, sont plusrares. Les troubles de la phonation apparaissent progres-sivement au cours de la conversation, la voix devenantnasonnée, voire inintelligible. Les troubles de la masti-cation apparaissent au cours du repas, amenant le patient

Définition

Le syndrome myasthénique, caractérisé par une faiblessemusculaire aggravée par l’effort, regroupe différentesmaladies provoquées par un dysfonctionnement, acquisou héréditaire, de la jonction neuromusculaire (voir :Pour approfondir). Ces différentes affections sont : lamyasthénie, le syndrome de Lambert-Eaton, les syn-dromes myasthéniques congénitaux, les atteintestoxiques provoquées par des médicaments de la jonctionneuromusculaire comme le botulisme ou les intoxica-tions organophosphorées. Le diagnostic de syndromemyasthénique est évoqué devant l’existence d’un déficitmusculaire touchant les muscles striés volontaires. Ilexiste au repos mais est aggravé par l’effort. Ce déficit

Syndrome myasthénique Orientation diagnostique

PR Philippe GAJDOS

Service de réanimation médicale, hôpital Raymond-Poincaré, 92380 Garches.

• Les syndromes myasthéniques sont provoqués par une anomalie de fonctionnement de la synapse neuromusculaire. Ils se traduisent par une fatigabilité musculairequi provoque des déficits musculaires majeurs. Le plus fréquent de ces syndromes est la myasthénie auto-immune acquise.

• La myasthénie est caractérisée par une extrême variabilité de l’intensité du déficit et des territoires atteints. Elle évoluepar poussées, plus ou moins complètement résolutives, qui peuvent menacer le pronosticvital. La variabilité de la symptomatologie,le caractère fluctuant de l’évolution rendent le diagnostic difficile mais en même temps doivent le faire évoquer, surtout si les signes ne rentrent pas dans le cadre d’un autre syndrome neurologique.

• L’établissement du diagnostic doit être étayépar l’électromyogramme et par la recherched’anticorps anti-récepteurs d’acétylcholine qui permettent de les différencier des autressyndromes myasthéniques.

• Ce diagnostic est capital car la myasthénienécessite une prise en charge spécifique et une thérapeutique souvent agressive qui améliorent considérablement le pronostic.

Points Forts à comprendre

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à sélectionner des aliments hachés ou mixés. Le déficitdes masséters peut rendre la fermeture de la boucheimpossible. L’atteinte des muscles pharyngés entraîneune difficulté à la déglutition qui devient lente, décom-posée, et peut aboutir à des fausses routes. L’atteinte dela musculature faciale se manifeste par l’impossibilitéd’une occlusion complète des paupières, une mimiqueréduite donnant au visage un aspect figé. La faiblessedes muscles extenseurs du cou est fréquente dès ledébut, et responsable d’une chute de la tête en avant. Lasymptomatologie initiale peut également intéresser, uni-quement ou non, les racines des membres inférieurs,provoquant une difficulté pour monter les escaliers oupour marcher, ou une atteinte de la racine des membressupérieurs. Exceptionnellement, le début peut être mar-qué par une atteinte des muscles respiratoires entraînantune défaillance respiratoire.

Critères de diagnostic

Ces différents signes ou symptômes évoluent de façonvariable, mais de façon générale l’évolution est marquéepar une extension du déficit à d’autres territoires muscu-laires que les premiers atteints au cours des 3 premièresannées d’évolution. Il est, en effet, rare que le déficitreste localisé aux muscles des territoires bulbaires ouaux muscles spinaux. Toutefois, dans environ 10 % descas, le déficit reste localisé aux muscles oculaires. Lediagnostic évoqué devant l’histoire clinique et le déficitconstaté des muscles des territoires spinaux et (ou)céphaliques sont confirmés par plusieurs critères.

1. Variabilité importante du déficit musculaireLe déficit musculaire est aggravé par l’effort et variabled’un jour à l’autre. Il n’existe aucun autre signe neuro-logique.

2. Test pharmacologiqueL’amélioration importante et objective après injectiond’un anticholinestérasique d’action rapide est un argu-ment important en faveur du diagnostic. L’injectionintraveineuse de Tensilon (2 mg, puis 8 mg en l’absenced’amélioration) provoque une amélioration en 1 à 2 min,durant 4 à 6 min. La Prostigmine intramusculaire à ladose de 1 mg provoque une réponse plus tardive, durant15 à 30 min. Toutefois une réponse négative ne permetpas d’éliminer le diagnostic.

3. Examen électrophysiologiqueIl permet de mettre en évidence le bloc neuromusculairepost-synaptique. La stimulation de 2 à 5 Hz entraînechez le sujet myasthénique une diminution progressivede l’amplitude de la réponse musculaire. Le décrémentest significatif s’il dépasse 10 % au 5e potentiel. Ce testn’est malheureusement pas toujours positif. Il l’est plusvolontiers au niveau des muscles cliniquement défici-taires. Il faut faire la recherche dans au moins 2 terri-toires (par exemple au niveau d’un membre et de laface). L’examen d’une fibre unique permet de mettre en

évidence l’allongement du jitter (intervalle de tempsentre les potentiels d’action de deux fibres musculairesappartenant à la même unité motrice). Cette techniqueest plus sensible que l’électromyogramme classique,mais de technique beaucoup plus délicate.

4. Dosage des anticorps anti-RAChIl apporte la confirmation du diagnostic dans 85 à 90 %des cas. La présence de ces anticorps est spécifique de lamyasthénie. Il n’y a pas de corrélation entre leur taux etla gravité ou l’ancienneté de la maladie. Malheureu-sement, 10 à 15 % des sujets myasthéniques n’ont pasd’anticorps anti-RACh décelables.

Évaluation de la gravité de la myasthénie

La myasthénie se manifeste par une faiblesse musculairedont l’évolution est parfois difficile à juger, d’autantqu’elle est variable. Il est important de mesurer aussiobjectivement que possible ce déficit à l’aide d’un scorede la force musculaire (tableau I) qui permet d’apprécierl’importance du déficit et d’en suivre l’évolution. Lamyasthénie peut menacer le pronostic vital lorsqu’elleatteint certains territoires. Il faut attentivement rechercherles troubles de la déglutition, et surtout une atteinte desmuscles respiratoires : orthopnée, diminution de l’am-plitude thoracique et surtout absence de gonflement épi-gastrique à l’inspiration, voire respiration paradoxalequi signe la paralysie diaphragmatique, faiblesse de latoux par déficit des muscles abdominaux. Cette atteintedes muscles respiratoires est objectivée plus précisé-ment par la mesure de la capacité vitale à l’aide d’unspiromètre. Cette évaluation permet de reconnaître les poussées dela maladie qui se manifestent par une aggravation enquelques jours ou semaines, aboutissant à un déficitsévère et (ou) à des paralysies des territoires bulbaires(difficultés de phonation, de mastication, troubles de ladéglutition). Les poussées les plus graves, appeléescrises myasthéniques, sont caractérisées par une insuffi-sance respiratoire aiguë qui nécessite des mesures théra-peutiques urgentes (ventilation mécanique). Ces pous-sées ou ces crises myasthéniques sont souventfavorisées par une infection, un traumatisme, une gros-sesse, et surtout par la prise d’un certain nombre demédicaments qui interfèrent avec les mécanismes de latransmission neuromusculaire et qu’il convient derechercher systématiquement (tableau II).

Recherche d’affections associées

Le diagnostic de myasthénie étant fait, il faut systémati-quement rechercher un thymome et des maladies auto-immunes.• Un thymome est associé, dans 10 à 30 % des cas, à lamyasthénie, surtout lorsqu’elle a débuté après 40 ans.Un examen tomodensitométrique (ou une imagerie parrésonance magnétique) du thorax doit donc être fait systématiquement. Les anticorps anti-RACh sont en

S Y N D R O M E M YA S T H É N I Q U E

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général en quantité élevée et on trouve également, avecune grande fréquence, des anticorps anti-muscles striésà un taux élevé. Il n’y a pas de corrélation entre la gravitéde la myasthénie et le type histologique du thymome.Certains thymomes sont invasifs, ce qui justifie leurablation systématique. • D’autres maladies auto-immunes sont souvent associées à la myasthénie : dysthyroïdie, lupus érythé-mateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde, diabète,anémie de Biermer, etc. Cette recherche implique unexamen clinique attentif, un bilan thyroïdien et immuno-logique systématique (au minimum anticorps anti-DNA– desoxyribonucleic acid – et anti-thyroïde).

Formes particulières

1. Myasthénie oculaireParmi les myasthénies initialement limitées aux musclesoculaires, la moitié restent purement oculaires sans que cette évolution soit prévisible au départ. Toutefoislorsque l’extension à d’autres territoires n’est pas survenuedans les 2 ans, la probabilité est grande pour que le déficitoculaire reste isolé. Dans ces formes, les anticorps anti-RACh ne sont positifs que dans la moitié des cas, et avecdes taux généralement faibles.

2. Myasthénies dites séronégatives Elles posent un problème diagnostique difficile, surtoutsi le test pharmacologique et l’électromyogramme(EMG) sont négatifs. Dans ces cas, le diagnostic reposeuniquement sur la clinique, sur l’élimination d’autrescauses de déficit musculaire, ce qui peut nécessiter d’aller jusqu’à la biopsie musculaire, et éventuellementsur la réponse à un traitement d’épreuves par les anti-cholinestérasiques.

3. Myasthénie néo-natale Elles est due au passage transplacentaire des anticorpsanti-RACh. Elle touche 10 à 15 % des enfants nés demère myasthénique. Elle est reconnue dès la naissancesur l’hypotonie musculaire, le ptosis, la faiblesse du cri,les troubles de la succion, les troubles respiratoires.L’évolution est favorable dans un délai variant de 2 à 4 semaines, et la guérison va de pair avec la disparitiondes anticorps anti-RACh maternels.

Diagnostic différentiel

Les causes de déficit musculaire autres que le syndromemyasthénique sont assez faciles à éliminer. L’absence designe neurologique autre que le déficit musculaire, lecaractère normal du liquide céphalorachidien (LCR),l’électromyogramme permettent d’éliminer un syndromede Guillain et Barré, une neuropathie périphérique ouune myopathie. Il faut en fait essentiellement reconnaître les autrescauses de syndrome myasthénique qui surviennent dansun contexte assez différent.

Neurologie

421L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

Membres supérieurs étendus à l’horizontale en antéroposition (1 point pour 10 s)

❑ pendant 150 s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15❑ pendant 100 s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10❑ pendant 50 s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Membres inférieurs, malade en décubitus dorsal,cuisses fléchies à 90° sur le bassin, jambes à 90°sur les cuisses (1 point pour 5 s)

❑ pendant 75 s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15❑ pendant 50 s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10❑ pendant 25 s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Flexion de la tête, le malade en décubitus dorsal

❑ contre résistance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10❑ sans résistance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5❑ impossible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0

Passage de la position couchée à la position assise

❑ possible sans l’aide des mains . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10❑ impossible sans l’aide des mains . . . . . . . . . . . . . . . . . 0

Oculomotricité extrinsèque

❑ normale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10❑ ptosis isolé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5❑ diplopie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0

Occlusion palpébrale

❑ complète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10❑ incomplète (mais avec recouvrement cornéen) . . . . . . 5❑ nulle (sans recouvrement cornéen) . . . . . . . . . . . . . . . . 0

Mastication

❑ normale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10❑ diminuée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5❑ nulle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0

Déglutition

❑ normale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10❑ dysphagie sans fausse route . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5❑ dysphagie avec fausse route . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0

Phonation

❑ voix normale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10❑ voix nasonnée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5❑ aphonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0

Score de la force musculaire

TABLEAU I

Contre-indiquésAminosides, colimycine, polymyxine,cyclines injectables, quinine-chloroquine, quinidine,procaïnamide, diphénylhydantoïne, triméthadione,bêtabloquants (même en collyre), dantrolène,D-pénicillamine, curarisants

À utiliser avec précautionNeuroleptiques, benzodiazépines, phénothiazines,carbamazépine

Médicaments pouvant aggraver la myasthénie

TABLEAU II

Page 139: La Revue Du Praticien-Neurologie

Syndrome de Lambert-Eaton

Il survient beaucoup plus souvent chez l’homme quechez la femme, et dans deux tiers des cas est associé àun cancer, le plus souvent cancer pulmonaire à petitescellules. Dans un tiers des cas, il est associé à une autremaladie auto-immune. La fatigabilité est le signe majeur touchant les racinesdes membres, la nuque, et le tronc. L’atteinte oculomo-trice est présente dans 70 % des cas. L’atteinte des terri-toires bulbaires et des muscles respiratoires est parcontre rare. Cette fatigabilité n’a pas la variabilité etl’évolution par poussées de celle provoquée par la myas-thénie. Fait particulier, la force musculaire est diminuéeau repos mais augmente pendant quelques secondes audébut d’une contraction maximale volontaire, puis dimi-nue ensuite. Il existe fréquemment une aréflexie tendi-neuse et des signes végétatifs : syndrome sec, anhidrose,dysgueusie, constipation. Le diagnostic est affirmé parl’examen électrophysiologique. La stimulation à bassefréquence entraîne un décrément de la réponse, mais lastimulation après un effort maximal ou une stimulation àhaute fréquence entraîne une augmentation de la répon-se (potentiation). L’injection d’anticholinestérasiques nemodifie pas le déficit. Les anticorps anti-RACh sont tou-jours absents. Des anticorps dirigés contre les canauxcalciques dépendants du voltage peuvent être mis enévidence.

Syndromes myasthéniques congénitaux

Il s’agit de pathologies rares héréditaires, le plus sou-vent autosomiques récessives. Cliniquement, la maladiese révèle typiquement dans la période néo-natale par dessignes oculaires, bulbaires, ou respiratoires. L’évolutionest fluctuante, entraînant une faiblesse musculaire et unefatigabilité dans l’enfance et l’adolescence. Toutefois,certains syndromes peuvent se révéler plus tardivement,au cours de la 2e ou 3e décennie. Les symptômes peuventapparaître par poussées, posant un problème diagnos-tique difficile avec la myasthénie. Les anticorps anti-RACh sont toujours absents. La réponse aux anticholines-térasiques est très variable. Le diagnostic repose, outresur l’histoire familiale, sur des examens électrophysio-logiques très spécialisés, et sur une étude morphologiquede la jonction neuromusculaire. Ces examens permettentde reconnaître le mécanisme de ces différents syndromes :déficit de la resynthèse de l’acétylcholine, déficit en acétylcholinestérase, ou anomalie du canal ionique durécepteur de l’acétylcholine (syndrome du canal lent).

Botulisme

Le contexte est très différent de celui de la myasthénie.Il s’agit en fait d’une intoxication par une neurotoxineproduite par Clostridium botulinum. L’intoxication estle plus souvent consécutive à l’absorption d’un alimentcontenant des spores de Clostridium botulinum quin’ont pas été détruites par une stérilisation suffisante

(charcuterie ou conserves artisanales, conserves de pois-sons, etc.). Plus rarement, il succède à la colonisationd’une plaie par Clostridium botulinum (en particulieraprès injection d’héroïne) ou du tube digestif, cela sevoyant essentiellement chez l’enfant avant l’âge de 6 mois.Les premiers signes, dans le cas du botulisme alimentairesont digestifs : nausées, vomissements, diarrhées,douleurs abdominales apparaissant en moyenne 12 à 36 heures après l’ingestion de l’aliment contaminé etévoluant sans fièvre. Les signes neurologiques apparais-sent quelques heures plus tard ou sont décalés de 2 ou 3 jours. Ils associent :– une paralysie de l’accommodation, une mydriase bi-latérale, des paralysies oculomotrices entraînant unediplopie ;– une dysphagie, des troubles de la déglutition et de laphonation ;– une faiblesse musculaire atteignant les musclesaxiaux, les membres, s’étendant des racines aux extré-mités distales et éventuellement aux muscles respira-toires. Les réflexes ostéo-tendineux sont diminués ounormaux. Cette évolution descendante, avec atteinte desnerfs crâniens, puis des membres supérieurs, et enfin desmembres inférieurs est assez caractéristique. Ces signessont associés à des troubles dysautonomiques : séche-resse des muqueuses, constipation, hypotension ortho-statique, rétention d’urines. Le diagnostic est assez facile si l’on y pense. Il devientd’autant plus probable que l’on a connaissance de l’ab-sorption d’un aliment potentiellement contaminé et, a for-tiori, si des membres de l’entourage ayant partagé lemême repas présentent des symptômes ou des signessimilaires. L’électromyogramme ne montre pas de décré-ment mais une diminution d’amplitude des potentielsd’action musculaire. Le diagnostic ne peut être affirméque par la mise en évidence de la toxine dans l’alimentincriminé (s’il en reste) ou dans le sérum du patient. Larecherche se fait par injection de dilution successive à deslots de souris protégées par des antitoxines spécifiques. Il existe 7 toxines différentes (A à F), la toxine B étantresponsable en France de 90 % des cas. Le Clostridiumet la toxine peuvent être recherchés dans les selles.

Intoxications organophosphorées

Les intoxications par les insecticides organophosphorésprovoquent un tableau très particulier, lié à l’inhibitionde l’acétylcholinestérase au niveau des synapses neuro-musculaires, mais aussi des synapses du système ner-veux autonome et au niveau du système nerveux central. L’interrogatoire est un élément essentiel quandil apporte la notion de l’exposition à l’insecticide. Lessymptômes et signes apparaissent très rapidement avantla 12e heure. Les signes muscariniques, qui apparaissenten premier lors d’une intoxication modérée, sont unerhinorrhée importante, une bronchorrhée et une bron-choconstriction, une hypersalivation, une lacrymationimportante et des sueurs profuses. Il existe également untrouble de l’accommodation avec un myosis, et fré-

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Physiopathologie

Jonction neuromusculaire

Elle consiste en une région présynaptique représentée par la termi-naison nerveuse et en une région post-synaptique composée par desreplis jonctionnels recouvrant une partie différenciée de la fibre mus-culaire. Les deux régions sont séparées par l’espace synaptique.L’acétylcholine (ACh) médiateur de la transmission neuromusculaireest stockée au niveau de la terminaison nerveuse dans des vésicules.Le contenu de ces vésicules est libéré par exocytose sous l’influencede l’influx nerveux, le contenu de chaque vésicule représentant un « quantum » d’acétylcholine. L’espace synaptique est bordé par unemembrane basale contenant de l’acétylcholinestérase (AChE). Lesrécepteurs de l’acétylcholine (RACh) sont concentrés sur les termi-naisons des replis jonctionnels post-synaptiques. À l’état de repos, desquanta d’acétylcholine sont libérés de façon aléatoire et se combinentavec le récepteur de l’acétylcholine. Cette combinaison provoque unemodification de la conformation du récepteur ouvrant un canalionique.Après un certain temps, le canal se referme et l’acétylcholineest libérée de son récepteur et hydrolysée par l’acétylcholinestérase.La choline est reprise par la terminaison nerveuse et l’acétylcholine est resynthétisée. L’ouverture des canaux ioniques parun seul quantum induit une dépolarisation qui provoque un potentielminiature.

L’influx nerveux provoque une libération d’une grande quantité dequanta. La dépolarisation produite par chaque quantum s’additionneet provoque une dépolarisation et un potentiel de plaque plus impor-tant. Quand le potentiel dépasse un certain seuil, il déclenche lepotentiel d’action musculaire. La différence entre le potentiel deplaque obtenue et celui nécessaire pour déclencher le potentiel d’action musculaire représente la marge de sécurité de la transmis-sion neuromusculaire.

Syndromes myasthéniques

Ils sont liés à l’altération de ce mécanisme complexe aboutissant à laréduction de la marge de sécurité. Il peut s’agir d’un défaut de libéra-tion de l’acétylcholine, d’un déficit en acétylcholinestérase, d’un défautde recaptage ou de resynthèse de l’acétylcholine, d’une réduction dunombre de récepteurs de l’acétylcholine ou d’une altération fonction-nelle de ce récepteur.

Myasthénie

Elle est liée à une atteinte de la membrane post-synaptique : les replissont effacés, le nombre de RACh est fortement réduit, et il existe surla membrane des dépôts d’IgG et de compléments. L’origine auto-immune de la myasthénie est bien établie : une myasthénie expéri-mentale peut être créée chez l’animal par injection de RACh avecapparition d’ac anti-RACh ; 85 à 90 % des sujets myasthéniques ontdes Ac anti-RACh et la maladie est transférable à l’animal par injec-tion d’IgG provenant de sujets myasthéniques. La myasthénie s’associeavec une fréquence remarquable à des anomalies thymiques (thy-momes dans 10 à 30 % des cas ; hyperplasie thymique dans plus

de 50 % des cas, surtout dans les formes à début avant 40 ans). En culture, les lymphocytes thymiques prolifèrent en présence de RAChet produisent des ac anti-RACh. Enfin, le RACh ou des molécules voisines sont présents dans le thymus au niveau des cellules myoïdes.Le thymus est peut-être le siège de l’autosensibilisation initiale contrele RACh mais selon des modalités qui restent inconnues.

Neurologie

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• Le diagnostic de myasthénie acquise auto-immune repose sur des déficits musculairesqui atteignent les muscles des territoires céphaliques et (ou) spinaux. Ce déficit, aggravépar l’effort et variable d’un jour à l’autre,évolue par poussées successives atteignant ou non de nouveaux territoires. Il n’y a aucun autre signe neurologique. Évoqué lors de l’interrogatoire et de l’examenclinique, le diagnostic doit être confirmé par :– l’électromyogramme qui montre un décrément de l’amplitude des potentielsd’action musculaire ;– le dosage des anticorps anti-récepteurs de l’acétylcholine qui sont spécifiques mais sont absents dans 15 % des cas (myasthénieséronégative) ;– la réponse aux anticholinestérasiques qui peut toutefois être douteuse ou manquer.

• La gravité de la myasthénie est liée à la possibilité d’un déficit massif, et surtout de troubles de la déglutition ou d’un déficit des muscles respiratoires qui représente une menace vitale.

• Elle est souvent associée à un thymome qu’il faut rechercher systématiquement partomodensitométrie thoracique, et à d’autresmaladies auto-immunes.

• Elle doit être différenciée des autres syndromesmyasthéniques et en particulier du syndromede Lambert-Eaton, très fréquemment associé à un cancer du poumon, dont le diagnostic est affirmé par la mise en évidence à l’électromyogramme d’une potentiation après stimulation supramaximale.

Points Forts à retenir

POUR APPROFONDIR

quemment une incontinence urinaire, des crampes abdo-minales avec diarrhée, une bradycardie et une hypoten-sion. Les effets nicotiniques, qui sont au premier plandans les intoxications sévères, se manifestent par desfasciculations et des crampes bientôt suivies par unediminution de la force musculaire qui peut aboutir à uneinsuffisance respiratoire aiguë. Il peut exister une tachy-cardie sinusale et des anomalies électrocardiogra-phiques avec notamment des blocs auriculo-ventricu-

laires, des modifications de l’espace ST; des arythmiesventriculaires et des torsades de pointes peuvent survenir.Les signes centraux sont essentiellement une agitation,des tremblements, une confusion, puis des convulsionset un coma. En cas d’intoxication très grave, les 3 types de symptômes sont présents et intriqués. Le diagnostic,fortement évoqué par la clinique, peut être confirmé parla mise en évidence d’une baisse de l’activité de la cholinestérase dans les globules rouges. ■

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la petite enfance pour la maladie de Duchenne, à l’ado-lescence pour d’autres dystrophies musculaires, après50 ans pour les myopathies oculo-pharyngées et lesmyosites à inclusion), l’évolution rapide (pathologiesinflammatoires) ou lentement progressive (maladies àdéterminisme génétique).• Syndrome douloureux: la topographie et le type desdouleurs, leur majoration éventuelle lors de l’effort aucours des myopathies métaboliques, leur déclenchementpar la pression des masses musculaires peuvent apporterdes arguments confirmant le syndrome myogène. Laprédominance des douleurs sur le déficit est en faveurd’une myosite.• Antécédents familiaux: dans la majorité des cas, ilest nécessaire de réaliser un arbre généalogique afin dedéfinir le caractère autosomique récessif (glycogénoseset myopathies métaboliques) ou dominant (myopathieoculo-pharyngée) ou récessif lié au chromosome X,affectant exclusivement ou majoritairement les individusde sexe masculin (dystrophies musculaires).

Examen clinique

• Examen neurologique: à l’inspection, il existe le plussouvent une amyotrophie globale ou sélective (dystro-phies), habituellement symétrique. L’amyotrophie de laceinture scapulaire entraîne un décollement caractéris-tique des omoplates (scapulæ alatæ). Une hypertrophie dutriceps sural ou une pseudo-hypertrophie, liée à l’involu-tion fibreuse du muscle, précède l’atrophie, en particulierdans certaines dystrophies musculaires. Le déficit a leplus souvent une distribution symétrique et sa prédomi-nance aux racines des membres [ceinture pelvienne et(ou) scapulaire] constitue un argument en faveur d’unemaladie musculaire, donnant à la marche une allure par-ticulière : marche dandinante ou marche en canard. Lalocalisation du déficit détermine le handicap fonctionnel :difficulté pour s’accroupir, se lever d’une chaise, courir,monter les escaliers, lever les bras. Dans les myopathiesoculo-pharyngées, le ptosis bilatéral et la dysphagie sontles signes principaux.Le testing musculaire offre une évaluation quantitativedu déficit moteur segmentaire. Ils permet de mesureravec plus de précision la rapidité d’évolution ou encorel’efficacité d’une thérapeutique immuno-suppressivedans les myosites. En cours d’évolution, des rétractionstendineuses et des déformations osseuses aggravent le handicap. Le déficit peut évoluer vers une perte d’au-tonomie.

Le syndrome myogène correspond à un dysfonction-nement primitif localisé ou diffus des muscles squelet-tiques qui est responsable d’un déficit moteur, et demodifications du volume des masses musculaires(amyotrophie ou hypertrophie) en l’absence de lésionsdu système nerveux central (SNC) ou périphérique.

Diagnostic cliniqueClassiquement, le syndrome myogène est constitué parl’association de 4 symptômes cardinaux : déficit moteurglobal ou focal, amyotrophie, douleurs, disparition duréflexe idiomusculaire. Cependant, l’absence du réflexeidiomusculaire peut être difficile à démontrer, et lesautres symptômes constituant le syndrome myogène nesont pas spécifiques car ils peuvent aussi être produitspar des neuropathies périphériques ou des lésions de lacorne antérieure de la moelle épinière.

Interrogatoire

• Histoire de la maladie :il faut obtenir le mode d’instal-lation des troubles : début proximal (cas le plus fréquent) ou distal (myosite à inclusion), l’âge d’apparition (dans

Syndrome myogène Orientation diagnostique

DR Dominique CAPARROS-LEFÈBVRE

Service de neurologie, CHU de la Guadeloupe, 97159 Pointe-à-Pitre.

• Le syndrome myogène, dénominateur commund’un groupe très hétérogène d’affections, necomporte aucun signe qui soit individuellementspécifique de pathologie musculaire.

• Le diagnostic étiologique repose sur l’interrogatoire (antécédents familiaux,évolution), sur l’examen général à la recherched’une pathologie multiviscérale, la biologie etl’électromyogramme qui montrent des signesmyogènes assez spécifiques, sur la biopsie musculaire et surtout sur la génétique qui abouleversé la classification des dystrophiesmusculaires.

• En dépit des progrès de la génétique,la thérapie génique n’a pas apporté de résultatsignificatif à ce jour.

• Plusieurs myopathies métaboliques justifient un traitement. Il faut aussi reconnaître les myopathies inflammatoires, endocriniennesou toxiques qui sont curables.

Points Forts à comprendre

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Certains symptômes ne font pas partie du syndromemyogène : incontinence urinaire ou anale, déficit sensitifou dysesthésies. Leur présence témoigne d’une atteinteneurogène associée, ou d’une pathologie métaboliquecomplexe comme dans les myopathies mitochondriales.Les réflexes ostéo-tendineux sont habituellement présentsmais peuvent être abolis dans les dystrophies musculairesà un stade avancé ou dans les myosites à inclusion.Le suivi évolutif comporte un bilan fonctionnel régulier,avec une évaluation des complications orthopédiques :rétractions tendineuses (surtout du tendon d’Achille),scoliose, évaluation de l’atteinte myocardique et durisque de survenue d’une insuffisance respiratoire liéeau déficit des muscles ventilatoires et aux déformationssecondaires de la cage thoracique. La kinésithérapiepeut prévenir les rétractions. Les indications chirur-gicales correctrices des déformations osseuses sont discutées en fonction du bénéfice fonctionnel attendu.• Recherche de signes associés :en fonction de l’étio-logie (génétique, métabolique ou inflammatoire) dessignes évocateurs d’une pathologie multiviscérale sontrecherchés. Le myocarde, muscle strié, peut être atteintdans certaines dystrophies musculaires ou au cours despolymyosites, alors que les muscles lisses le sont plusrarement. Une défaillance myocardique existe dans lamaladie de Duchenne, dans les glycogénoses et cer-taines myopathies mitochondriales. Elle évolue parallè-lement à l’atteinte du muscle. Un Holter rythmique per-met de dépister des anomalies paroxystiques de laconduction auriculo-ventriculaire dans la dystrophiemyotonique de Steinert. Une insuffisance respiratoirerestrictive est une cause fréquente de décès, en particu-lier dans la myopathie de Duchenne.Les pathologies musculaires, en particulier inflamma-toires ou métaboliques, sont aux confins de plusieursspécialités, et leur diagnostic est difficile en l’absenced’une collaboration interdisciplinaire.

Diagnostic différentiel• Neuropathies :une polyradiculonévrite chroniquepeut faire évoquer à tort une pathologie musculaire, dufait de la symétrie du déficit moteur prédominant à laceinture pelvienne et de la discrétion des troubles sensitifs.La marche a alors une allure pseudomyopathique.L’électromyogramme (EMG) est indispensable pourmontrer les signes neurogènes et les anomalies desvitesses de conduction nerveuse. L’étude du liquidecéphalo-rachidien recherche une hyperprotéinorachie.• Atteinte de corne antérieure de la moelle épinière :certaines amyotrophies spinales d’évolution chroniquepeuvent avoir un aspect pseudomyopathique, lorsquel’amyotrophie prédomine aux ceintures et racines desmembres. L’étude génétique permet d’obtenir le dia-gnostic dans les formes héréditaires [anomalies du gèneSMN (survival motor neuron) sur le chromosome 5 surtout]. L’amyotrophie spinale aiguë du nourrisson oumaladie de Werdnig-Hoffmann se manifeste par unehypotonie non spécifique, comparable à celle des myo-

pathies précoces. Le diagnostic repose alors sur l’élec-tromyogramme, la biopsie musculaire et la génétique.• Myasthénie :cette pathologie de la plaque motrice semanifeste par un déficit moteur symétrique et une fatigabilité. La prédominance des troubles au niveau dela musculature faciale et la variabilité du déficit dans letemps, prédominant le soir ou après un effort est plus enfaveur d’une myasthénie, qui sera confirmée par l’élec-tromyogramme, révélant un décrément des potentielsmoteurs lors d’une stimulation itérative.

Examens paracliniques contributifsau diagnostic • Examens biologiques standards: on procède audosage des enzymes musculaires – créatine phosphokinase(CPK) surtout, mais aussi lactate deshydrogénase(LDH), – l’aldolase est un bon marqueur de la cytolysemusculaire. Les créatines phosphokinases sont très augmentées dans les dystrophinopathies (myopathies deDuchenne, et de Becker), moins dans les dystrophiesmusculaires des ceintures. Elles sont inconstammentélevées dans les autres dystrophies. Au cours des myo-sites infectieuses aiguës (virales ou parasitaires) et desmyosites inflammatoires (polymyosites, dermatomyo-sites), les créatines phosphokinases sont souvent trèsélevées. En revanche, elles peuvent être normales dansles myosites à inclusions.• L’électromyogrammepeut objectiver un syndromemyogène électrique, qui est plus spécifique que le syn-drome myogène clinique. Le tracé est anormalementriche par rapport à l’effort. Les potentiels d’unité motricesont polyphasiques, d’amplitude et de durée diminuées.Par ailleurs, les vitesses de conduction nerveuse desfibres motrices et sensitives sont normales, sauf danscertaines maladies métaboliques où il peut exister uneneuropathie associée.• L’imagerie par tomodensitométrie ou résonancemagnétiqueobjective les anomalies musculaires liées àl’involution et permet d’établir une cartographie desmuscles sélectivement atteints. La spectrométrie parrésonance magnétique nucléaire du phosphore permetde mesurer la concentration de phosphocréatine et lesvariations de pH musculaire à l’effort. Une acidose marquée à l’effort, ainsi qu’une lente récupération de laphosphocréatine et du pH après l’effort sont des arguments en faveur d’une myopathie mitochondriale. • Biopsie musculaire: elle est l’examen majeur enpathologie musculaire et est indispensable dans ladémarche diagnostique de nombreuses maladies neuro-musculaires et d’affections systémiques (maladies desystème, vascularites). L’histopathologie musculaireconventionnelle, après inclusion en paraffine et colora-tion par l’hématéïne-éosine et le trichrome de Masson,permet une description analytique des lésions élémen-taires : atrophie et hypertrophie compensatrices desfibres musculaires, fréquentes dans les dystrophies musculaires ; nécrose et régénération ; modificationsnucléaires ; vacuoles (glycogénoses, myopathies oculo-

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tendons d’Achille sont les premières complicationsorthopédiques. Il existe une hypertrophie des massesmusculaires des mollets. L’enfant marche sur la pointedes pieds et de façon dandinante. De façon lentementprogressive, le déficit s’accentue et la marche devientimpossible vers l’âge de 10 ans. L’atrophie musculaireremplace peu à peu l’hypertrophie. Le décès survientvers 20 ans, du fait de la défaillance cardiorespiratoireou des complications du décubitus. L’atteinte myocar-dique évolue parallèlement à l’atteinte des musclessquelettiques et entraîne une insuffisance cardiaque.La dystrophie musculaire de Becker se distingue clini-quement par un début plus tardif, vers l’âge de 12 ans,avec des extrêmes de 2 à 45 ans. Le déficit apparaît à laceinture pelvienne, puis scapulaire. Les muscles distauxsont préservés. L’hypertrophie des mollets est constante.La marche devient impossible vers l’âge de 30 ans et ledécès survient vers 40 ans, par défaillance myocardiqueou insuffisance respiratoire restrictive liée à la paralysiedes muscles respiratoires, qui peut être transitoirementaméliorée par une ventilation mécanique au masque.Dans la dystrophie musculaire de Duchenne et danscelle de Becker, les enzymes musculaires, en particulierles créatines phosphokinases, sont très élevées (10 à 100 fois la normale). Cette élévation apparaît avant ledébut des signes cliniques et n’est pas corrélée à la gravité de la maladie. En fin d’évolution, les taux decréatines phosphokinases diminuent. La dystrophie musculaire de Duchenne se caractérisepar l’absence de dystrophine, qui est anormale ou enquantité réduite dans la dystrophie musculaire deBecker. Le diagnostic est obtenu par la biopsie médul-laire, dont l’étude immunocytochimique, avec des anti-corps monoclonaux dirigés contre la dystrophine,montre l’absence de marquage dans la dystrophie musculaire de Duchenne, ou une diminution du marquagedans celle de Becker. Un aspect en mosaïque, avec desfibres positives et des fibres négatives apparaît chez lesfemmes porteuses. Le diagnostic génétique repose sur lamise en évidence d’une délétion du gène de la dystro-phine, par amplification génique.

pharyngées, myosites à inclusions) ; anomalies du tissuinterstitiel (involution fibro-adipeuse des dystrophies,infiltrats inflammatoires de l’endomysium ou du péri-mysium des vascularites ou des myosites infectieuses).Des techniques récentes (histo-enzymologie, immunocy-tochimie, microscopie électronique) permettent un dia-gnostic formel des myopathies congénitales et dystrophi-nopathies. Grâce aux études biochimiques et génétiques, ilest possible de caractériser les myopathies métaboliques :déficits enzymatiques des glycogénoses, déficits sélectifsdes complexes de la chaîne respiratoire mitochondriale.• Diagnostic génétique :il s’applique particulièrementaux dystrophies musculaires. Dans un passé récent, leurclassification reposait sur l’aspect clinique : topographiede l’atteinte musculaire, évolution et mode de transmission.Depuis la mise en évidence de plusieurs mutations géné-tiques responsables de la synthèse de protéines anormales,la classification est faite en fonction du type de mutationset de la protéine anormale. Les principales protéines pourlesquelles des anomalies ont été identifiées sont la dystro-phine, les dystroglycanes (dont la mérosine) qui lient ladystrophine aux éléments extracellulaires, les sarco-glycanes transmembranaires (voir :Pour approfondir).

Étiologie

Dystrophies musculaires (tableau I)• Dystrophinopathies : dystrophie musculaire deDuchenne (DMD) et dystrophie de Becker :la dystro-phie musculaire de Duchenne est la plus fréquente et laplus sévère des dystrophies musculaires liées au chro-mosome X. Le mode de transmission explique que seulsles enfants de sexe masculin sont atteints, cependant lesfemmes qui transmettent le gène peuvent développer unsyndrome myogène d’expression modérée.La dystrophie musculaire de Duchenne se manifestevers l’âge de 3 ans, mais la marche a souvent été acqui-se avec un peu de retard, vers 15 à 18 mois. Une diffi-culté pour courir, sauter, monter les escaliers apparaît,puis une hyperlordose lombaire et une rétraction des

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Dénomination Protéine anormale Transmission

Dystrophie de Duchenneet dystrophie de BeckerDystrophie d’Emery-DreifussDystrophie facio-scapulo-huméraleDystrophie des ceinturesDystrophies sévères de l’enfantMyopathie oculo-pharyngéeMyopathies distalesMyopathies congénitales

dystrophine (Xq21)

émerine??

sarcoglycanes??

mérosine

récessif lié à X

récessif lié à XAD chr 4

AR/AD chr 2,5, 15AR chr 4, 13, 17

AD chr 14AD/AR localisation ?

AR chr 6 ou 9

Dystrophies musculaires

TABLEAU I

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En l’absence de thérapeutique, et sur la base de l’histoirefamiliale et de l’étude de la délétion génique, il est possible de détecter les femmes porteuses afin de leurapporter un conseil génétique et faire un diagnostic prénatal. Lorsque la délétion est mise en évidence sur la biopsie trophoblastique du fœtus, l’avortement théra-peutique est proposé.• Dystrophie d’Emery-Dreifuss :dystrophie musculaireliée au chromosome X, elle se caractérise par 3 signescardinaux : rétractions musculaires précoces, déficitmoteur et amyotrophie de topographie huméro-péronière,troubles de la conduction cardiaque. Le handicap fonc-tionnel est modéré jusqu’à la cinquantaine, mais lerisque de mort subite par bloc auriculo-ventriculaire doitêtre évalué et prévenu par la pose d’un pacemaker.L’étude génétique met en évidence un gène patholo-gique responsable de la synthèse d’une protéine, l’émé-rine, dont le rôle pathogène n’est pas encore connu.• Myopathie facio-scapulo-humérale ou myopathie deLandouzy-Dejerine :de transmission autosomiquedominante à pénétrance complète, de nombreusesformes frustes ne sont pas diagnostiquées. L’anomaliegénétique qui est une délétion d’un gène siégeant sur lechromosome 4, en position 4q35 permet le diagnosticpar biologie moléculaire sur un prélèvement sanguin.Elle se manifeste par une atteinte musculaire de topo-graphie très particulière, volontiers asymétrique : inex-pressivité faciale, déficit de la ceinture scapulaire avecdécollement des omoplates, atrophie des muscles desbras alors que les muscles des avant-bras sont respectés.Diverses formes cliniques ont été identifiées en fonctionde la topographie du déficit. L’atteinte péronière peutêtre responsable d’un steppage.• Dystrophies musculaires des ceintures :de transmis-sion autosomique récessive, elles constituent un groupehétérogène, correspondant à des anomalies génétiquesdiverses. La forme la plus fréquente survient chez l’adolescent ou l’adulte jeune. Elles furent initialementindividualisées dans des pays à fort taux de consan-guinité. Ce groupe comporte aussi des myopathies plusgraves atteignant l’enfant, initialement observées enTunisie, dénommées SCARMD (severe childhood auto-somic recessive muscular dystrophy). Elles sont liées àune anomalie d’une des unités des sarcoglycanes :α, β, δ, γ, mais aussi à d’autres protéines identifiées trèsrécemment (calpaïne 3, dysferline).• Myopathies oculo-pharyngées :d’hérédité autoso-mique dominante, elles surviennent toujours après 50 ans, le plus souvent entre 60 et 80 ans. Elles associentun ptosis bilatéral, parfois asymétrique et une dysphagie.Le ptosis peut conduire à une occlusion palpébrale complète. Elles peuvent être confondues avec une myas-thénie, mais le déficit permanent, l’absence de réponseaux anticholinestérasiques et la biopsie musculaire per-mettent de rectifier le diagnostic. L’anomalie génique sesitue sur le chromosome 14. • Myopathies distales :elles affectent initialement lesmuscles de la jambe. L’âge de début est variable.Certaines sont proches des myopathies à inclusion, dufait de la constatation de vacuoles bordées. Le mode de

transmission est autosomique, dominant ou récessif. La forme de Miyoshi s’observe chez l’adulte jeune et s’accompagne d’une augmentation importante descréatines phosphokinases.• Maladie de Steinert ou dystrophie myotonique :Cette affection de transmission autosomique dominantea une expressivité variable. Un phénomène d’anticipa-tion rend compte de la gravité croissante de la sympto-matologie dans les générations successives. L’anomaliegénétique est une amplification anormale d’une séquencetrinucléotidique sur le bras long du chromosome 19,produisant la myotonine protéine kinase. La symptoma-tologie est dominée par une amyotrophie prédominant àl’extrémité céphalique responsable d’un faciès très particulier : ptosis, visage inexpressif et allongé du faitde l’atrophie des muscles masticateurs. La voix estnasonnée. Il existe souvent une calvitie. La myotonie semanifeste par une lenteur à la décontraction après unmouvement volontaire ou après percussion d’un muscle,par exemple l’ouverture de la main après une poignée demain est lente. La myotonie a une traduction électro-myographique spécifique : les averses myotoniques.L’atteinte systémique associe une cataracte bilatérale,des troubles du rythme et de la conduction cardiaque, etdes anomalies hormonales.

Myopathies congénitales

Longtemps confondues avec les amyotrophies spinalestype Werdnig-Hoffmann, il est important de les distin-guer, car le pronostic de certaines formes est bienmeilleur. Elles comportent le plus souvent une hypoto-nie, un déficit modéré et un syndrome dysmorphique :thorax en entonnoir, faciès allongé, palais ogival.Certaines sont caractérisées par des anomalies morpho-logiques intracellulaires, qui les définissent et leur ont donné leur nom : myopathie à « centralcore », àbâtonnets, à « multicores »…

Myopathies métaboliques

• Glycogénoses musculaires :ces maladies de surchargesont secondaires à un déficit congénital d’une desenzymes du métabolisme du glycogène. Elles sont habi-tuellement de transmission autosomique récessive. Uneatteinte multiviscérale est fréquente, affectant le myo-carde, le foie (hépatomégalie, cirrhose), parfois le systèmenerveux central. La maladie de Mac Ardle se traduit parune intolérance musculaire à l’effort et parfois une myo-globinurie d’effort. La biopsie médullaire apporte le diagnostic en montrant une accumulation de vacuolesriches en glycogène, marquées par la coloration PAS (perio-dic acid schiff). L’analyse biochimique du muscle permetd’identifier le déficit enzymatique qui les caractérise.• Myopathies mitochondriales. Les mitochondriesfournissent l’énergie aux cellules en fabriquant de l’adé-nosine triphosphate (ATP) par le cycle de Krebs. Ellessont donc très abondantes dans les tissus consommantbeaucoup d’énergie, comme les muscles. La synthèseprotéique mitochondriale dépend à la fois de l’ADN

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chondrial myopathy encephalopathy lactic acidosis andstroke like episodes) est une vasculopathie cérébralemitochondriale, débutant dans l’enfance par un retard decroissance, des crises convulsives, des céphalées vascu-laires, puis vers l’âge de 40 ans apparaissent des acci-dents vasculaires ischémiques à répétition. Le déficitporte sur le complexe I de la chaîne respiratoire. Le diagnostic de ces mitochondriopathies repose surl’association d’une acidose lactique surtout à l’effort,d’un taux diminué des complexes de la chaîne respira-toire dans le muscle et sur la mise en évidence de l’alté-ration de l’acide désoxyribonucléique mitochondrial ounucléaire. Ces techniques n’ont pas encore une grandediffusion. Sur le plan clinique, une association sympto-matique multiviscérale doit inciter à évoquer le diagnos-tic de pathologie mitochondriale devant l’associationd’une encéphalopathie, avec surdité acquise, et atteintemusculaire ou neurogène périphérique.• Hyperthermie maligne: la rigidité musculaire induitepar les anesthésiques provoque une contracture généralisée,une rhabdomyolyse avec hyperthermie pouvant dépasser41 ˚C, et souvent mortelle. Elle est produite par une anomalie des canaux calciques musculaires. Plusieursévénements métaboliques se succèdent : productiond’énergie excessive, d’où acidose, puis rigidité musculaire.Cette affection est génétique (anomalie du gène codantpour le récepteur ryanodine, sur le chromosome 19).Elle s’associe souvent à la myopathie à « centralcore ».

Myosites inflammatoires

• Dermatomyosites :elles sont la conséquence d’unprocessus dysimmunitaire responsable d’une vascularitedistale avec dépôts de complexes immuns circulants surl’endothélium des capillaires, qui se thrombosent et senécrosent, provoquant une ischémie musculaire. Dans25 % des cas, elles sont associées à un cancer qu’il fau-dra systématiquement rechercher dans le cadre d’unsyndrome paranéoplasique.Les dermatomyosites sont des affections aiguës dont leslésions cutanées caractéristiques sont un œdème et unérythème prédominant sur les zones découvertes : visa-ge, décolleté. L’atteinte musculaire, d’intensité variable,prédomine aux ceintures. Des myalgies sont fréquentes,de même que des arthralgies, une altération de l’étatgénéral et un syndrome inflammatoire biologique. Leslocalisations systémiques peuvent être myocardiques(voire péricardiques), gastro-intestinales, rénales, et pul-monaires. En l’absence de traitement immunosuppres-seur, l’affection est mortelle dans 70 % des cas. La cor-ticothérapie permet d’obtenir souvent une guérison maisdes rechutes sont fréquentes. D’autres traitementsimmunosuppresseurs peuvent être nécessaires.• Polymyosites :elles se distinguent des dermatomyo-sites par leur physiopathologie, et par l’association,beaucoup plus rare, à un cancer, mais fréquente (20 %) àune autre pathologie auto-immune (lupus, myasthénie,sclérodermie). Elles résultent d’une dysimmunité cellu-laire dirigée contre les cellules musculaires, respon-sables de phénomènes de nécrose et de régénération, et

nucléaire, mais aussi de l’ADN mitochondrial intracyto-plasmique (transmis uniquement par la mère). Les mala-dies mitochondriales se divisent donc en 2 groupes :celles liées à une altération de l’acide désoxyribonu-cléique (DNA) nucléaire et celles liées à une délétion ouune mutation de l’acide désoxyribonucléique mitochon-drial. Les déficits en complexes I, II, III, IV ou V de lachaîne respiratoire, d’origine nucléaire, sont respon-sables d’une encéphalomyopathie de gravité variable, enfonction de l’intensité du déficit enzymatique. Le déficiten carnitine ou carnitine-palmityl-transférase produitune insuffisance de transport des acides gras à longuechaîne vers les mitochondries. Le déficit en carnitine estimportant à reconnaître car l’apport de L-carnitine per-met de corriger l’atteinte musculaire. Les altérations del’ADN mitochondrial sont responsables de syndromescliniques plus spécifiques, décrits depuis une vingtained’années. L’expression clinique est très diverse, en fonc-tion du complexe (de la chaîne respiratoire) déficitaire. Les myopathies oculaires, responsablesd’une ophtalmoplégie progressive avec ptosis sont sou-vent liées à un déficit de la cytochrome oxydase (com-plexe IV ou Cox). La biopsie médullaire met en éviden-ce des fibres musculaires anormales : fibres rougesdéchiquetées (ragged red fibers, RRF) par la colorationdu trichrome de Gomori et des fibres Cox-négatives. Lesyndrome de Kearns et Sayre associe une ophtalmoplé-gie progressive, une rétinite pigmentaire, un syndromecérébelleux, une surdité et une détérioration intellectuel-le progressive. La biopsie médullaire montre aussi desRRF. Le syndrome MERRF (myoclonus epilepsy asso-ciated with ragged red fibers) comporte un tremble-ment, une spasticité, une neuropathie périphérique etune démence. La biopsie médullaire montre des RRF etdes fibres Cox-négatives. Le syndrome MELAS (mito-

Neurologie

889L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

Glycogénose Enzyme déficiente

❑Type II dont maladie de Pompe

❑Type III ou maladie de Forbe

❑Type IV ou maladie d’Andersen

❑Type V ou maladie de Mac Ardle

❑Type VII ou maladie de Tarui

❑Type VIII❑Type IX❑Type X❑Type XI

α-glycosidase acide

1,6 glucosidase

enzyme ramifiante(synthèse glycogène)phosporylase musculaire

phosphofructokinase

phosphorylase kinasephosphoglycérate kinasephosphoglycérate mutaselactate deshydrogénase

Glycogénoses et déficitsenzymatiques associés

TABLEAU II

Page 146: La Revue Du Praticien-Neurologie

sont habituellement sensibles à la corticothérapie.Certaines ont une étiologie spécifique : sarcoïdose (sou-vent en association avec une atteinte du système ner-veux central ou périphérique), ou syndrome hyperéosi-nophilique, affection hématologique grave.• Myosites à inclusions :survenant plus souvent après 50 ans, plus fréquente chez l’homme, elle comporte undéficit et une amyotrophie distale, orientant à tort versun processus neurogène, progressant vers les ceintures,affectant surtout les muscles de la face antérieure desmembres, parfois le sterno-cléido-mastoïdien. Ellescomportent des lésions morphologiques à type devacuoles bordées en microscopie optique et des inclu-sions filamenteuses caractéristiques en microscopie élec-tronique. Les lésions inflammatoires sont inconstantes.

Myosites infectieuses

Les plus fréquentes sont les myosites parasitaires. • La trichinose, dont le parasite adulte infeste le tubedigestif, pond des larves qui, par dissémination lympha-tique, produisent un syndrome inflammatoire sévère,avec myalgies, et atteinte du système nerveux central.• La cysticercose, première cause d’épilepsie dans lemonde du fait de sa grande fréquence dans les pays tropicaux (sauf dans les Antilles françaises), est liée àl’ingestion de larves de tænia solium. Le diagnosticrepose sur la mise en évidence des larves calcifiéesayant un aspect en grains de riz, sur les radiographies departies molles (mollets, bras). La migration et l’enkyste-ment des larves dans le parenchyme cérébral se manifes-tent par une encéphalite qui peut guérir spontanément,mais les larves calcifiées sont responsables d’une épi-lepsie séquellaire.• D’autres parasitosespeuvent produire une myositeplus ou moins symptomatique : toxoplasmose, échino-coccose, trypanosomiase, toxocarose…• L’infection par le virus de l’immunodéficiencehumaine (VIH) peut engendrer une myosite, parfoisfavorisée par les traitements antiviraux.• Le myxovirus, le virus coxsackie(et bien d’autresvirus) peuvent être à l’origine de myosites, avec prépon-dérance des myalgies.

Myopathies endocriniennes et toxiques

L’hyperthyroïdie peut induire une myopathie des cein-tures chronique, et une myopathie oculaire basedowienneou exophtalmie maligne. Une myopathie est classiqueau cours de l’hypothyroïdie avec des taux élevés decréatines phosphokinases. Une myopathie peut compli-quer une hyperparathyroïdie, une acromégalie, un syn-drome de Cushing ou une maladie d’Addison. Il estimportant de détecter l’endocrinopathie, car ces myopa-thies sont curables. Les myopathies toxiques peuventêtre dues à : une intoxication alcoolique massive (par-fois avec une rhabdomyolyse), la D-pénicillamine,l’AZT (azidothymidine), l’amphotéricine B, le disulfirame,les psychotropes, la méthadone, les amphétamines et

l’héroïne. Cette liste n’est pas exhaustive. Les corti-coïdes (fluorés surtout) provoquent des myopathieschroniques. Une ascension des créatines phosphoki-nases et des douleurs musculaires sous hypolipémiantsconstituent une des myopathies médicamenteuses lesplus fréquentes. ■

S Y N D R O M E M Y O G È N E

890 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

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Serratrice G, Pellissier JF, Pouget J. Les maladies neuromuscu-

POUR EN SAVOIR PLUS

• Un syndrome myogène est commun à des affections diverses classées en 4 groupes :

– 1 : dystrophies musculaires liées à une mutationdu gène codant les protéines des cellules musculaires ;

– 2 : maladies musculaires métaboliques :glycogénoses et itochondriales ;

– 3 : myosites ; – 4 : myopathies endocriniennes et toxiques.

Le pronostic et les traitements de ces affectionsdépendent donc de l’étiologie.

• Une élévation des créatines phosphokinases,des anomalies à l’électromyogramme caractéristiques contribuent au diagnostic desyndrome myogène.

• Des affections neurogènes : polyradiculo-névrites, maladies du motoneurone peuventmimer un syndrome myogène, de même que la myasthénie.

Points Forts à comprendre

Organisation des protéines contractuelles et desprotéines membranaires de la cellule musculaire

Représentation schématique du complexe multiprotéique reliant à tra-vers le sarcolemme les protéines contractiles intracytoplasmiques liéesà l’actine et la matrice extracellulaire de la lame basale. Ce complexecomporte : la dystrophine, les différentes unités constituant les sarcogly-canes (dont l’adhaline), les dystroglycanes α et β et la mérosine (d’aprèsDesnuelle et coll., 1996.

POUR APPROFONDIR

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NeurologieA 46

783L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 9 , 4 9

• Au membre supérieur,le déficit prédomine sur l’ab-duction des doigts, l’extension des doigts et du poignet,la supination. Un déficit discret peut être démontré parune tendance à la pronation lorsque l’on demande aupatient de garder les membres supérieurs étendus devantlui, paumes tournées vers le haut. Le signe de la maincreuse, recherché en demandant au sujet de présenter lesmains, paumes en avant, en écartant fortement lesdoigts, résulte d’une tendance à l’abduction et à laflexion du premier métacarpien. Un trouble de la motilitédéliée des doigts, recherché par l’opposition successiverapide de l’index sur les autres doigts, est un signe pré-coce d’atteinte pyramidale.• Au membre inférieur,le déficit prédomine sur laflexion : dorsiflexion du pied, flexion de la jambe sur lacuisse, de la cuisse sur le bassin. Il peut être objectivépar la manœuvre de Barré : tendance à la chute de lajambe préalablement fléchie à angle droit sur la cuisse,le sujet étant en décubitus ventral ; par la manœuvre deMingazzini : tendance à la chute du membre inférieur, lesujet étant en décubitus dorsal, jambe fléchie sur la cuisse,cuisse fléchie sur le bassin.• La paralysie faciale centralerésulte de l’atteinte desfibres cortico-nucléaires destinées au noyau du facial.Elle prédomine sur la partie inférieure de la face dont lamotilité très différenciée est sous le contrôle exclusif del’hémisphère controlatéral. L’asymétrie faciale (efface-ment du pli naso-génien, chute de la commissure labialedu côté atteint) est accentuée par la mimique volontaire,alors qu’elle est atténuée par la mimique automatique. Laparésie du peaucier du cou est mise en évidence par l’ou-verture contrariée de la bouche. La motilité de la partiesupérieure de la face, moins différenciée, est peu touchéecar la partie du noyau du facial qui la contrôle reçoit desfibres cortico-nucléaires provenant des 2 hémisphèrescérébraux : l’occlusion volontaire des yeux ne fait pasapparaître de signe de Charles Bell, tout au plus un signede Souques, les cils restant plus apparents du côté atteint.• L’atteinte du contingent corticonucléaire destiné aunoyau du XII se traduit lors de la protraction de lalangue par sa déviation vers le côté opposé à la lésion.• L’apparition de syncinésiestraduit la perte de la fonc-tion pyramidale qui est de permettre l’exécution demouvements volontaires très focalisés : c’est ainsi que ladorsiflexion du pied entraîne une flexion globale dumembre inférieur, que la flexion des doigts provoqueune extension du poignet. D’autres contractions synci-nétiques traduisent le renforcement de la spasticité.

Diagnostic positif

Le syndrome pyramidal associe de façon variable undéficit moteur et des signes qui traduisent la libérationde l’activité de structures du tronc cérébral et de lamoelle : spasticité, modifications des réflexes.

Déficit moteur

D’une façon générale, il prédomine à l’extrémité distaledes membres et sur les aspects les plus élaborés de lamotilité. Il porte sur des groupes musculaires et non surdes muscles isolés ; même lorsqu’il est très limité, commedans la « pseudoparalysie radiale », il ne peut être analyséen termes d’atteinte tronculaire ou radiculaire.

Syndrome pyramidalOrientation diagnostique

DR Catherine MASSON

Service de neurologie, hôpital Beaujon, 92110 Clichy.

• Le faisceau pyramidal, ou corticospinal, a sonorigine dans le cortex moteur prérolandique.Ses projections se font sur les motoneurones de la corne antérieure de la moelle, directementou surtout par l’intermédiaire d’interneurones.Il contrôle la motilité volontaire de l’hémicorpscontrolatéral, la très grande majorité des fibresétant croisées. La décussation des fibres survient pour l’essentiel au niveau de la partiebasse de la pyramide bulbaire, et pour unefaible partie dans la moelle. Il existe cependantdes projections corticospinales bilatérales,destinées à la motilité de l’axe du corps et de la racine des membres.

• Le syndrome pyramidal résulte de l’atteinte du faisceau pyramidal, mais aussi de l’atteinteassociée de voies cortico-réticulo-spinales qui exercent leur action sur les motoneuronesde la corne antérieure de la moelle par l’intermédiaire de relais dans diversesstructures du tronc cérébral.

• Du syndrome pyramidal proprement dit,on rapproche les conséquences de l’atteinte des fibres cortico-nucléaires dont les projections se font sur les noyauxmoteurs des nerfs crâniens. Ces fibres transitent par le genou de la capsuleinterne (faisceau géniculé) et croisent de façonétagée dans le tronc cérébral.

Points Forts à comprendre

Page 148: La Revue Du Praticien-Neurologie

Spasticité

La spasticité, caractéristique du syndrome pyramidal,est liée à l’exagération du réflexe myotatique monosy-naptique. À l’examen, elle se traduit par une résistance àl’étirement passif d’un muscle, d’autant plus marquéeque cet étirement est réalisé plus rapidement. La résis-tance au déplacement passif augmente avec l’amplitudedu mouvement, puis cède brusquement, « en lame decanif ». À la fin du mouvement passif, le membrerevient à sa position initiale. Cette hypertonie « élas-tique » est bien différente de la rigidité plastique, « entuyau de plomb », du syndrome parkinsonien.Au membre supérieur, la spasticité prédomine sur lesfléchisseurs, les pronateurs, les rotateurs internes et lesadducteurs du bras, conférant ainsi à l’hémiplégique uneattitude caractéristique : flexion des doigts recouvrant lepouce, flexion du poignet, flexion-pronation de l’avant-bras, bras collé au corps en rotation interne. Au membreinférieur, elle prédomine sur les extenseurs et les adduc-teurs, avec une tendance au varus équin du pied. Elle estmajorée par la station debout et la marche, pouvant don-ner lieu à un « pseudo-steppage spasmodique », ou à undegré de plus au phénomène du fauchage.La spasticité va de pair avec une exagération desréflexes ostéotendineux, ainsi qu’avec des phénomènesde clonus provoqués par l’étirement soutenu d’unmuscle : clonus du pied déclenché par la dorsiflexion dupied (étirement du triceps sural), clonus de la rotuledéclenché par le déplacement vers le bas de celle-ci (éti-rement du quadriceps).Dans le cas d’une lésion aiguë, d’origine traumatique ouvasculaire, le passage à la spasticité est précédé d’unepériode de flaccidité pendant laquelle les réflexes ostéo-dentineux sont abolis.

Syndrome pyramidal réflexe

Il comporte des modifications des réflexes ostéotendi-neux et des réflexes cutanés.• L’exagération des réflexes ostéotendineux :le réflexeostéotendineux, monosynaptique, résulte de la contrac-tion phasique d’un muscle en réponse à son étirementbrusque.Une vivacité des réflexes ostéotendineux peut être physio-logique. Certains éléments sont en faveur du caractèrepathologique de la réponse : réponse polycinétique, dif-fusée (par exemple adduction de la cuisse associée àl’extension de la jambe lors de la recherche du réflexerotulien), diffusion de la zone réflexogène (par exempleréflexe rotulien déclenché par la percussion de la crêtetibiale à distance du tendon rotulien). D’une façon géné-rale, il est plus facile de reconnaître le caractère patholo-gique d’une vivacité des réflexes lorsque le syndromepyramidal est unilatéral. L’inversion d’un réflexe ostéo-tendineux, observé notamment dans les lésions de lamoelle cervicale, résulte de la conjonction d’une aboli-tion de la réponse directe, liée à une interruption de l’arcréflexe, et d’une diffusion de la réponse réflexe.

De l’exagération des réflexes tendineux, il faut rappro-cher celle de certains réflexes qui mettent aussi en jeu leréflexe myotatique monosynaptique. Le signed’Hoffmann consiste en une flexion brève des doigtslorsque l’on relâche brusquement la dernière phalange del’index placée préalablement en flexion forcée. Le signede Rossolimo est l’exagération de la réponse en flexiondes orteils dont on a percuté la face plantaire. Le signe deMendel-Bechterew, recherché par la percussion de la par-tie externe du dos du pied, est aussi une flexion des orteilsen réponse à une mise en tension directe des fléchisseurs.L’exagération du réflexe massétérin se recherche en per-cutant le doigt de l’examinateur posé sur le menton dusujet, la bouche étant légèrement entrouverte.• Les modifications des réflexes cutanés :à la différencedes réflexes ostéotendineux, il s’agit de réflexes polysy-naptiques, normalement mis en jeu par des stimulationsnociceptives.Le faisceau pyramidal exerce une influence facilitatricesur certains de ces réflexes qui sont diminués ou abolispar une atteinte pyramidale : c’est le cas pour lesréflexes cutanés abdominaux et pour le réflexe crémas-térien. On peut en rapprocher le réflexe cornéen qui peutêtre diminué ou aboli par une atteinte du contingent cor-ticonucléaire, alors même que, au niveau du tronc céré-bral, l’arc réflexe est intact.Le faisceau pyramidal modifie la réponse du réflexecutané plantaire. Chez le nourrisson, avant la maturationdu faisceau pyramidal, la réponse à une stimulationnociceptive plantaire est une extension des orteils quis’inscrit dans une réponse globale de retrait en tripleflexion du membre inférieur. Le faisceau pyramidal per-met une adaptation locale de la réponse aux stimulationsnociceptives plantaires, sous la forme d’une flexionplantaire des orteils, à l’évidence plus compatible avecla station debout et la marche. Le signe de Babinski,extension lente et « majestueuse » du gros orteil asso-ciée à une abduction des autres orteils (signe de l’éven-tail) en réponse au grattage d’arrière en avant du bordexterne de la plante du pied, est le retour à la réponseprimitive du fait d’une lésion du faisceau pyramidal. Ilpeut n’être qu’un élément d’une réponse de retrait plusglobale en triple flexion. Ces réflexes de défense patho-logique diffèrent par leur lenteur du retrait brutal phy-siologique. Ils peuvent parfois être déclenchés par desstimulations ne portant pas sur la voûte plantaire : fric-tion de la crête tibiale (signe d’Oppenheim), pincementdu tendon d’Achille, pincement du dos du pied.

Valeur sémiologique du syndrome pyramidal réflexe

La recherche d’un syndrome pyramidal réflexe, qui peutexister isolément en l’absence des autres éléments dusyndrome pyramidal, est un temps essentiel de l’examenneurologique. Sa présence permet d’affirmer l’existenced’une atteinte du système nerveux central. Sa valeursémiologique est donc considérable, comme cela peutêtre illustré par quelques exemples :

S Y N D R O M E P Y R A M I D A L

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Orientation diagnostiqueUn très grand nombre d’affections du système nerveuxcentral, qu’elles soient de nature lésionnelle, métabo-lique ou toxique, peuvent comporter des signes pyrami-daux dans leur sémiologie. Il ne saurait donc être ques-tion d’être exhaustif, mais seulement de dégagerquelques grandes orientations diagnostiques.

Syndrome pyramidal unilatéral

1. Mode d’installationD’une façon générale, une installation aiguë est enfaveur d’un accident vasculaire, une installation subai-guë en faveur d’une cause inflammatoire (sclérose enplaques), infectieuse (abcès, encéphalite) ou parasitaire(toxoplasmose), une installation progressive est enfaveur d’une cause tumorale.

2. Diagnostic topographiqueUn syndrome pyramidal unilatéral est le plus souventcausé par une lésion supramédullaire, localisée dansl’hémisphère ou le tronc cérébral. Le déficit moteur,controlatéral à la lésion, a habituellement une distribu-tion hémiplégique ; cependant la somatotopie présentesur le cortex moteur est conservée dans le faisceau pyra-midal, de telle sorte qu’une lésion limitée peut donnerlieu de façon préférentielle à une paralysie faciale cen-trale, à une monoplégie brachiale ou crurale.

3. Lésion hémisphériqueUne lésion de la capsule interne, où le faisceau pyrami-dal est très ramassé, tend à donner une atteinte globale,proportionnelle, de l’hémicorps controlatéral, intéres-sant également la face, le membre supérieur et lemembre inférieur : cette formule est observée dans lesinfarctus du territoire profond de l’artère sylvienne, del’artère choroïdienne antérieure, dans les hémorragiescapsulo-lenticulaires ou capsulo-thalamiques.Une lésion limitée (infarctus de type lacunaire) ducentre ovale, où les fibres pyramidales qui convergentdepuis le cortex moteur vers la capsule interne sontproches des fibres cortico-ponto-cérébelleuses, peut êtreresponsable du syndrome de l’hémiparésie ataxique. Cesyndrome peut être réalisé aussi par une lésion du piedde la protubérance.L’origine des fibres pyramidales dans le cortex moteurest étalée, s’étendant de la partie basse de la frontaleascendante (opercule rolandique) pour la représentationcéphalique, à la région interhémisphérique (lobule para-central) pour la représentation du membre inférieur. Dece fait, une lésion corticale peut donner une atteinte pluslimitée ou non proportionnelle, à prédominance bra-chio-faciale dans le cas d’une lésion de la convexité(infarctus du territoire superficiel de l’artère cérébralemoyenne, méningiome de la convexité), à prédominancecrurale dans le cas d’une lésion parasagittale (infarctusdu territoire de l’artère cérébrale antérieure, méningio-me parasagittal).

• dans la sclérose en plaques,dont la première manifes-tation peut être notamment une névrite optique rétrobul-baire ou un syndrome cérébelleux, la mise en évidenced’un syndrome pyramidal est un argument en faveur ducaractère multiloculaire des lésions ;• dans la sclérose latérale amyotrophique (maladie deCharcot), les manifestations initiales sont généralementliées à l’atteinte du motoneurone périphérique se tradui-sant par un déficit moteur, une amyotrophie, des fasci-culations. La vivacité pathologique des réflexes ostéo-tendineux dans le territoire déficitaire indique uneatteinte associée du motoneurone central ;• l’akinésie d’un hémi-parkinsonest parfois interprétéeà tort comme étant une hémiparésie : l’absence de syn-drome pyramidal réflexe fait la différence ;• l’existence d’un syndrome pyramidal réflexeestincompatible avec un diagnostic de polynévrite ou depolyradiculonévrite. Cependant certaines affectionsassocient une atteinte des nerfs périphériques et du sys-tème nerveux central. Dans de tels cas, il existe une « compétition » entre l’atteinte de l’arc réflexe qui tendà abolir les réflexes ostéotendineux et l’atteinte du neu-rone moteur central qui tend à les exagérer : le résultatest habituellement une diminution, voire une abolitiondes réflexes ostéotendineux, le syndrome pyramidalréflexe se résumant alors au signe de Babinski.

Syndrome pseudobulbaire

Il résulte d’une atteinte bilatérale des voies corticonu-cléaires. Les lésions responsables peuvent siéger dansles hémisphères cérébraux ou le tronc cérébral, pasnécessairement au même niveau des deux côtés. Le déficitpseudobulbaire se traduit par un aspect atone du visage,et l’atteinte labio-glosso-pharyngée donne lieu à destroubles de l’élocution et de la déglutition. Le réflexe duvoile est aboli. Aux signes déficitaires sont associés dessignes traduisant la libération d’activités intégrées à unniveau sous-cortical : rires et pleurs spasmodiques. Leréflexe massétérin est exagéré. Le syndrome pseudobul-baire est un syndrome moteur : une détérioration intel-lectuelle, lorsqu’elle existe, est due à des lésions asso-ciées. Des lésions de nature diverse peuvent en êtreresponsables : vasculaires le plus souvent, notammentde type lacunaire, mais aussi inflammatoires (scléroseen plaques), ou dégénératives. Parmi ces dernières, ilfaut isoler la maladie de Charcot dont les formes à débutbulbaire associent souvent un syndrome pseudobulbaireaux signes traduisant l’atteinte des motoneurones desnoyaux moteurs du bulbe, notamment du XII, donnantlieu à une amyotrophie et à des fasciculations de lalangue.

Potentiels évoqués moteurs

À la limite du syndrome pyramidal, il faut mentionner lapossibilité de déceler une atteinte infraclinique de lavoie corticospinale par l’étude des potentiels évoquésmoteurs.

Neurologie

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Page 150: La Revue Du Praticien-Neurologie

L’origine hémisphérique d’une hémiplégie peut souventêtre affirmée sur l’association d’éléments tels qu’unehémianopsie latérale homonyme, une aphasie, un syn-drome de négligence, une anosognosie, une hémiasoma-tognosie, un syndrome frontal.Certaines lésions hémisphériques sévères, compressives(hémorragie cérébrale, infarctus sylvien étendu œdéma-teux) provoquent un coma. Il n’est pas possible d’explo-rer la motilité volontaire. En outre, à ce stade l’hémiplé-gie est flasque et le syndrome pyramidal réflexe serésume au signe de Babinski. Les éléments permettantde reconnaître une atteinte unilatérale des voies corti-cospinales et corticonucléaires sont les suivants : dévia-tion conjuguée de la tête et des yeux (en règle vers lecôté de la lésion), soulèvement de la joue du côté paraly-sé lors de l’expiration (le malade « fume la pipe »), gri-mace asymétrique lors de la manœuvre de Pierre Marieet Foix (compression derrière les branches montantesdes maxillaires), réponses aux stimulations doulou-reuses absentes ou anormales (réponses stéréotypées enflexion ou en extension) du côté paralysé, chute pluslourde des membres préalablement soulevés, notam-ment de la main après qu’elle a été placée en positionverticale (signe de Raïmiste).

4. Lésion du tronc cérébral

Dans le tronc cérébral, le faisceau pyramidal peut êtrelésé dans la partie ventrale du mésencéphale (pédonculecérébral), du pont (protubérance), ou dans la pyramidebulbaire. L’existence d’une paralysie faciale centrale ducôté de l’hémiplégie indique que la lésion siège au-des-sus du départ des fibres corticonucléaires destinées aunoyau du nerf facial situé à la partie inférieure de la pro-tubérance ; une atteinte de l’hémilangue du côté de l’hé-miplégie localise la lésion au-dessus du départ des fibresdestinée au noyau du XII situé dans le bulbe.Le syndrome pyramidal peut être isolé ou associé àd’autres signes du tronc cérébral, réalisant des syn-dromes alternes ayant une grande valeur localisatrice.Ces syndromes alternes sont le plus souvent d’originevasculaire, mais ils peuvent aussi avoir une cause tumo-rale ou inflammatoire.• Le syndrome de Weber(lésion pédonculaire) associeune hémiplégie controlatérale et une paralysie du IIIhomolatérale.• Le syndrome de Foville pédonculaire donne unehémiplégie controlatérale associée à une paralysie de lalatéralité vers le côté opposé à la lésion (les voies com-mandant les mouvements de latéralité des yeux n’ontpas encore croisé : le patient « se détourne de son hémi-plégie et regarde sa lésion »). Cette formule est aussiobservée dans certaines lésions hémisphériques sévères,notamment chez des malades comateux).• Le syndrome de Foville protubérantielassocie unehémiplégie controlatérale à une paralysie de la latéralitévers le côté de la lésion (le patient « se détourne de salésion et regarde son hémiplégie »). On distingue un

syndrome de Foville protubérantiel supérieur danslequel la paralysie de la latéralité est due à la lésion desvoies supranucléaires après leur décussation, et un syn-drome de Foville protubérantiel inférieur dans lequel laparalysie de la latéralité est associée à une paralysiefaciale périphérique du côté de la lésion. Dans cette der-nière variété, due à une atteinte du noyau du VI, la para-lysie n’intéresse pas seulement les mouvements de laté-ralité volontaires, mais aussi les mouvements réflexesoculo-céphaliques ou oculo-vestibulaires.• Le syndrome de Millard-Gubler(lésion protubéran-tielle basse) comporte une paralysie faciale périphériquedu côté de la lésion, associée à une hémiplégie controla-térale respectant la face.Une atteinte bilatérale des voies corticospinales et corti-conucléaires au niveau de la partie ventrale de la protu-bérance abolit totalement la mobilité volontaire desmembres, de la face, des muscles d’innervation bulbaire,ainsi que les mouvements de latéralité des yeux. Lemalade qui est conscient ne peut s’exprimer que par desmouvements de verticalité des yeux dont la commandese fait au niveau mésencéphalique. Ce syndrome (locked-in-syndrome)est dû le plus souvent à une thrombose dutronc basilaire.Une lésion paramédiane du bulbe, au-dessus de ladécussation donne une hémiplégie controlatérale res-pectant la face, associée à une paralysie homolatérale duXII. Une lésion bulbaire siégeant au niveau de la décus-sation donne un syndrome pyramidal bilatéral : quadri-plégie dans le cas d’une lésion bilatérale, ou « hemipla-gia cruciata » dans le cas d’une lésion paramédianetouchant les fibres destinées au membre inférieur qui ontdéjà croisé et celle destinées au membre supérieur quin’ont pas encore croisé. À noter que le syndrome deWallenberg, lié à une lésion postéro-latérale du bulbe,ne touche pas le faisceau pyramidal et ne donne pasd’hémiplégie.

5. Lésion médullaire

Un syndrome pyramidal unilatéral est plus rarement laconséquence d’une lésion médullaire. Il est alors homo-latéral à la lésion, intéressant selon son niveau lemembre supérieur et le membre inférieur (lésion cervi-cale) ou seulement le membre inférieur (lésion dorsale).Le syndrome pyramidal peut être isolé ou associé à dessignes traduisant l’atteinte d’autres structures d’unehémi-moelle pour réaliser un syndrome de Brown-Séquard plus ou moins complet avec, du côté de lalésion, outre le syndrome pyramidal, un syndrome cor-donal postérieur (tact fin, sens de position, sensibilitévibratoire) et du côté opposé des troubles de la sensibilitéthermique et douloureuse (syndrome spinothalamique).Un syndrome pyramidal unilatéral d’origine médullaireest exceptionnellement d’origine vasculaire (infarctuslimité au territoire d’une artère sulco-comissurale) ; lacause en est généralement une compression ou un pro-cessus inflammatoire (sclérose en plaques).

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tant dans le diagnostic de ces myélites : elle confirmel’absence de compression médullaire et montre souventla lésion intramédullaire sous la forme d’un hypersignalen T2 ou d’une prise de contraste (gadolinium). Leliquide céphalo-rachidien est inflammatoire.

2. Installation progressive

Il s’agit d’une paraparésie ou d’une quadriparésie spas-modique.• Devant un syndrome pyramidal bilatéral progressif,de distribution paraparétique ou quadriparétique, lapremière hypothèse à envisager est celle d’une com-pression médullaire.La manifestation initiale est habi-tuellement un trouble de la marche revêtant typiquementl’aspect de la claudication intermittente non douloureuse.Une impériosité mictionnelle doit être recherchée parl’interrogatoire. La mise en évidence du syndrome pyra-midal réflexe est essentielle, permettant d’affirmer l’ori-gine centrale du trouble. Il existe habituellement undéficit sensitif dans le territoire sous-lésionnel et la miseen évidence d’un niveau sensitif est un argument impor-tant en faveur d’une atteinte médullaire. Au syndromesous-lésionnel moteur, sensitif et réflexe, peut être asso-cié un syndrome lésionnel, suspendu, correspondant auniveau de la compression : douleurs radiculaires, déficitmoteur de type périphérique, abolition des réflexes inté-grés au niveau du segment médullaire lésé. Ce syndromelésionnel est surtout net aux membres supérieurs, dansles compressions de la moelle cervicale basse.Lorsque l’on évoque une compression médullaire, l’exa-men de première intention est l’imagerie par résonancemagnétique médullaire, avec injection de gadolinium,en se souvenant que la moelle ne dépasse pas L1 etqu’une imagerie par résonance magnétique lombaire estsans intérêt (elle prend tout son intérêt lorsque l’onévoque une compression du cône terminal ou de laqueue de cheval). Cet examen a remplacé la myélogra-phie avec contraste dans le diagnostic des tumeurs intra-ou extramédullaires, des épidurites inflammatoires ounéoplasiques, de la myélopathie cervicarthrosique. Ilpeut aussi montrer des images évocatrices d’une malfor-mation vasculaire de la moelle (angiome artério-vei-neux) conduisant à poser l’indication d’une artériogra-phie médullaire. Toutefois certaines fistulesartério-veineuses durales peuvent échapper à l’imageriepar résonance magnétique.• La forme progressive d’emblée de la sclérose enplaquesrevêt volontiers l’aspect d’une paraplégie spas-modique s’aggravant de façon insidieuse. Les potentielsévoqués multimodaux, l’imagerie par résonance magné-tique cérébrale peuvent apporter des arguments au dia-gnostic en objectivant une atteinte multiloculaire infra-clinique. Dans le liquide céphalo-rachidien, unesécrétion intrathécale et un profil oligoclonal des immu-noglobulines sont évocateurs. Mais, en l’absence d’untest diagnostique spécifique, il s’agit dans une largemesure d’un diagnostic d’élimination, car un tableauvoisin peut être réalisé par d’autres affections : inflam-

Syndrome pyramidal bilatéral

Il peut être dû à des lésions multiples, bilatérales (acci-dents vasculaires, plaques de démyélinisation, lésionsinflammatoires, infectieuses ou tumorales) siégeantdans les hémisphères ou dans le tronc cérébral.L’existence d’une paralysie faciale centrale et les signesneurologiques associés permettent habituellement dereconnaître cette éventualité. Dans les autres cas, lacause d’un syndrome pyramidal bilatéral doit êtrerecherchée au niveau de la moelle. Le mode d’installa-tion oriente la discussion diagnostique.

1. Installation aiguë

Il s’agit d’une paraplégie ou d’une quadriplégie consti-tuée brutalement ou rapidement, en quelques heures ouquelques jours. La présentation est celle d’une paraplé-gie (lésion dorsale) ou d’une quadriplégie (lésion cervi-cale) qui à la phase initiale est généralement flasque.Les réflexes ostéotendineux peuvent être abolis. Lesréflexes cutanés plantaires sont indifférents ou en exten-sion. Il existe en règle une rétention d’urine. Il existe destroubles sensitifs dans le territoire sous-lésionnel avecun niveau supérieur indiquant le niveau de la lésionmédullaire.Trois diagnostics doivent être évoqués :• une compression aiguë de la moelle,dont l’origine esthabituellement traumatique ;• un infarctus médullairedont le siège habituel est dansle territoire artériel spinal antérieur. Le syndrome neuro-logique, très particulier, associe à la paraplégie ou à laquadriplégie une anesthésie thermique et douloureusedans le territoire sous-lésionnel (atteinte des faisceauxspinothalamiques) contrastant avec la conservation de lasensibilité tactile et du sens de position (intégrité descordons postérieurs qui dépendent du territoire artérielspinal postérieur) ;• une myélite aiguë dont les causes sont diverses. Unemyélite aiguë peut être la manifestation initiale d’unesclérose en plaques : son association à une névriteoptique rétrobulbaire réalise la neuromyélite optiqueaiguë de Devic (un neuro-lupus est une autre cause de cesyndrome). Une myélite aiguë peut aussi être la consé-quence de la localisation médullaire de l’encéphalomyé-lite aiguë disséminée, affection à médiation immunolo-gique qui peut survenir de façon apparemment primitiveou au décours d’une agression virale plus ou moins bienidentifiée. À la différence de la sclérose en plaques,l’encéphalomyélite aiguë disséminée a une évolutionhabituellement monophasique. Dans la mesure où cesdeux affections peuvent se révéler par une lésion uniqueou par des lésions multiples, la distinction à la phaseaiguë, en l’absence du critère évolutif, est difficile. Uneagression virale directe peut aussi être en cause commedans la myélite zostérienne. Parmi les autres causesinfectieuses, il faut mentionner la myélite syphilitiqueaiguë (syphilis méningo-vasculaire). L’imagerie parrésonance magnétique médullaire est un examen impor-

Neurologie

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matoires (sarcoïdose médullaire, maladie de Behçet,syndrome de Gougerot-Sjögren), infectieuses (myélopa-thie liée au virus HTL-V1, maladie de Lyme, brucello-se), parasitaires (schistosomiase médullaire).• La sclérose combinée de la moelle(dégénérescencecombinée des cordons postérieurs et des faisceaux pyra-midaux) se présente comme une myéloneuropathieparesthésique et ataxiante dans laquelle le syndromepyramidal est initialement au second plan. Le syndromeneurologique peut précéder les manifestations hémato-logiques de la carence en vitamine B12. Il faut y penseravant l’évolution vers une paraplégie spasmodique avé-rée. On peut en rapprocher la myélopathie vacuolaire dusyndrome d’immunodéficience acquise (sida) dont leslésions assez voisines ont fait discuter le rôle d’untrouble du métabolisme de la vitamine B12.• L’adrénomyéloneuropathieest la forme médullaire del’adrénoleucodystrophie, affection de transmissionrécessive liée à l’X. Elle débute chez l’adulte jeune desexe masculin, donnant lieu à une paraplégie spasmo-dique progressive associée à une neuropathie périphé-rique, au moins infraclinique, et à une insuffisance sur-rénale. Des formes d’apparition plus tardive peuventêtre observées chez les femmes hétérozygotes, se résu-mant habituellement à la myélopathie, en l’absenced’insuffisance surrénale. Un liquide céphalo-rachidieninflammatoire n’élimine pas le diagnostic qui repose surl’élévation du taux des acides gras à très longue chaîne.• D’autres erreurs héréditaires du métabolisme deslipides peuvent comporter, dans leurs formes d’appari-tion tardive, une symptomatologie pyramidale prédomi-nante, souvent associée à une neuropathie périphérique.Parmi ces affections, dont la transmission est autosomalerécessive, il faut mentionner : la maladie de Krabbe(déficit en galactocéramidase) ; la leucodystrophiemétachromatique (déficit en arylsulfatase A) ; certainesgangliosidoses résultant d’un déficit en hexosaminidase ;la xanthromatose cérébrotendineuse résultant d’untrouble de la dégradation du cholestérol avec accumula-tion de choléstanol.• Les paraplégies spastiques héréditairessont desaffections hérédo-dégénératives dont les lésions portentexclusivement, ou de façon largement prédominante, surles voies corticospinales. La sémiologie reste dominéetout au long de l’évolution par un syndrome pyramidaltrès spastique des membres inférieurs d’évolution lente-ment progressive. La transmission peut être autosomalerécessive ou dominante. Les formes dominantes peuventavoir un début tardif. Ces paralysies spastiques progres-sives peuvent être tout à fait pures ou être associées àd’autres manifestations neurologiques ou somatiques(paraplégies spastiques héréditaires « plus »).Une « note pyramidale » est fréquente, mais au secondplan, dans de nombreuses autres affections dégénéra-tives, telles que les hérédo-ataxies spinocérébelleusesdont il existe des formes récessives (maladie deFriedreich) et dominantes, les atrophies multisystémati-sées, la paralysie supranucléaire progressive (maladie deSteele-Richardson). ■

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• L’existence d’un syndrome pyramidal signel’origine centrale d’un déficit moteur.

• En l’absence de déficit moteur, la mise en évidence d’un syndrome pyramidal purement réflexe a une importance considérable, permettant d’affirmer une atteinte du système nerveux central.

• La distribution uni- ou bilatérale du syndromepyramidal, l’existence ou non d’une paralysiefaciale centrale, et l’analyse des signes neurologiques associés permettent généralement un diagnostic clinique du siège de la lésion. Cette notion topographique, jointeau mode d’installation du syndrome pyramidal,oriente le diagnostic étiologique.

• Un syndrome pyramidal unilatéral comportant une paralysie faciale centraleindique une lésion supramédullaire. Les signes neurologiques associés permettent le plus souvent de reconnaître si la lésion siègedans un hémisphère cérébral ou dans le tronc cérébral.

• Un syndrome pyramidal bilatéral doit faireévoquer une atteinte médullaire. L’analyse du syndrome neurologique permet souvent d’en préciser le niveau. La première hypothèseà envisager est une compression et l’examen de première intention est l’imagerie par réso-nance magnétique médullaire.

Points Forts à retenir

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NeurologieB 285

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La cause est un accident de la voie publique dans 60 %des cas, une chute dans 33 % des cas, les autres circons-tances étant un malaise, une agression, une tentative desuicide…Le coût des dépenses de santé liées au traitement destraumatismes représente le 4e poste après les maladiescardiovasculaires, les cancers, les maladies psychia-triques, de par la durée, le coût d’hospitalisation et lehandicap physique et cognitif, lourd de conséquencessur le plan social.

Physiopathologie

• Les traumatismes crâniens sont la conséquence :– de chocs directs sur la tête avec le maximum delésions en regard du point d’impact et des lésions decontrecoup diamétralement opposées ;– de chocs indirects par phénomènes d’accélération oudécélération entraînant des déplacements du cerveau àl’intérieur de la boite crânienne avec contusion duparenchyme sur les reliefs osseux intracrâniens et (ou)cisaillement des axones et de la substance blanche ;– de l’association des deux mécanismes.• Le traumatisme crânien comporte dans son évolutiontemporelle, 2 types de lésions :– les liaisons primaires sont immédiatement engendréespar l’impact (embarrure, hématome rapidement col-lecté…) ;– pendant les heures et jours qui suivent le traumatisme,peuvent se surajouter des lésions secondaires liées à desfacteurs soit systémiques (hypotension artérielle,hypoxie…), soit intracrâniens (œdème cérébral avechypertension intracrânienne), crises comitiales, appari-tion secondaire d’un hématome intracrânien…). Leslésions secondaires vont aggraver les lésions primairesdu tissu nerveux. Dans les 2 cas, la voie finale communeest constamment ischémique avec des conséquences surla morbidité et la mortalité. Il est donc impératif de cor-riger au mieux les facteurs systémiques et d’organiserune surveillance clinique et radiologique adéquate pourdétecter à temps les lésions secondaires intracrâniennes.

Épidémiologie

Le traumatisme crânien est une des premières causes demortalité chez l’adulte jeune et constitue un problèmemajeur de santé publique. En effet, les lésions cranio-cérébrales sont potentiellement graves tant à court terme(risque vital) qu’à long terme (handicap physique etcognitif).Le traumatisme crânien est plus fréquent chez l’hommeque chez la femme (3 hommes pour 1 femme). En ce quiconcerne l’âge, 3 pics d’incidence ont été relevés : 5 ans,15 à 24 ans et au-delà de 75 ans.

Traumatisme crânien et conduite à tenir en situationd’urgenceDR Évelyne EMERY, PR Aimée REDONDO, PR Alain REY

Service de neurochirurgie, hôpital Beaujon, 92110 Clichy.

• Les traumatismes crâniens les plus fréquents et aussi les plus graves sont responsables de la mortalité de 60 % des polytraumatismeslors des accidents de la circulation.

• Il faut opposer :– les traumatismes crâniens bénins d’évolutionimmédiate habituellement favorable ; – les traumatismes crâniens de gravité moyenne avec troubles de conscience modérés,avec ou sans signe de localisation ne mettantpas a priori en jeu le pronostic vital ; – les traumatismes crâniens graves avec coma,mettant en jeu le pronostic vital.

• Tout traumatisme crânien peut se compliquer dans les premières heuresqui suivent l’accident.

• L’examen initial fait le diagnostic des lésions contemporaines de l’accident(lésions primaires).

• La surveillance (clinique et paraclinique) permet le diagnostic des lésions secondaires.

Points Forts à comprendre

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Conduite à tenir devant un traumatisme crânien

Sur les lieux de l’accident

Un patient traumatisé crânien, a fortiori dans un contexted’accident grave, est pris en charge classiquement parune équipe médicalisée d’urgence (pompiers, SAMU)qui évalue rapidement les points suivants.• Le niveau de conscience :l’évaluation de l’état deconscience se fait en employant l’échelle de Glasgow(Glasgow coma scale – GCS)qui permet par la réalisa-tion de tests simples et facilement reproductibles, d’at-tribuer un score de 15 à 3, en appréciant l’ouverture desyeux, la réponse motrice (en cas d’asymétrie de laréponse motrice, c’est la meilleure qui doit être prise encompte, la moins bonne réponse doit être interprétéecomme un signe de localisation) et l’expression verbale. Toutefois, cette échelle manque de précision en cas denécessité d’intubation-ventilation immédiate ou en casd’hématome orbitaire avec œdème palpébral empêchantl’ouverture spontanée des yeux. En cas de coma grave(GCS < 7), l’échelle de Liège ajoute au GCS 5 réflexesdu tronc cérébral, témoins de la souffrance axiale. • S’assurer de la liberté des voies aérienneset de l’effi-cacité de la ventilation. Dans le cas contraire, il fautintuber et ventiler le patient. L’intubation trachéale per-met de maintenir la perméabilité des voies aériennes,tout en évitant le risque d’inhalation de liquide gas-trique. La ventilation mécanique permet un contrôle dela ventilation alvéolaire et de l’oxygénation du patientavec réduction de l’hypoxémie, source d’aggravationsecondaire des lésions cérébrales. Une fois intubé, lepatient doit être ventilé avec pour objectif le maintiend’une PaO2 O 60 mmHg (Sp O2 > 95%) et d’une PaCO2entre 35 et 40 mmHg.• Maintenir une hémodynamique correcte :l’objectifest d’assurer une stabilité de la pression artérielle et unepression de perfusion cérébrale correcte. Chez l’adulte,le traumatisme crânien isolé ne peut être considérécomme une cause d’hypotension ; celle-ci est en règlegénérale associée à une autre lésion hémorragique. Chezle petit enfant au contraire, une plaie hémorragique duscalp peut être source d’hypotension artérielle par hypo-volémie, ce qui doit conduire à une suture rapide desplaies de scalp.Les solutés de remplissage recommandés en cas d’hypo-tension artérielle sont le sérum salé isotonique à 0,9 %,associé si nécessaire aux macromolécules.En présence de signes évocateurs d’engagement, lerecours au mannitol à 20 % est recommandé à la posolo-gie de 0,25 à 1 g/kg injecté en 20 min. Les médicamentsvaso-actifs sont indiqués dès lors que les conditions deremplissage vasculaire étant correctes, la pression arté-rielle ne peut être maintenue.• Rechercher un polytraumatisme(fracture ouverte…).• Veiller au déplacement du blesséavec la totalité durachis maintenue en traction.

• Rechercher par l’interrogatoire du patient ou destémoins :– les circonstances et l’heure de l’accident ;– la notion d’une perte de connaissance brève initiale ;– les antécédents notables (notion de traitement anti-coagulant…)• Effectuer un examen neurologique rapidepar larecherche d’un déficit moteur, de la sensibilité, une ano-malie des réflexes. L’examen des pupilles doit étudierleur taille (myosis, mydriase, anisocorie), leur réactivitéà la lumière. L’examen du cuir chevelu recherche uneplaie (l’orifice d’entrée et éventuellement de sortie d’unprojectile en cas de plaie par arme à feu), un hématomesous-cutané. Toutes ces informations doivent être claire-ment transcrites sur la fiche d’accompagnement dupatient pour être transmises à l’équipe médicale quirecevra le patient à l’hôpital.Cet examen clinique initial doit être réalisé avant la miseen œuvre de tout traitement de neuro-sédation.

T R A U M A T I S M E C R Â N I E N E T C O N D U I T E À T E N I R E N S I T U A T I O N D ’ U R G E N C E

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Ouverture des yeux

❑ spontanée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4❑ à l’ordre verbal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3❑ à la douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2❑ absente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Meilleure réponse motrice

❑ à l’ordre verbal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6❑ à la douleur

– orientée et opposée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5– orientée en flexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4– en décortication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3– en décérébration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2– absente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Réponse à l’ordre verbal

❑ conversation cohérente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5❑ conversation incohérente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4❑ mots inappropriés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3❑ incompréhensible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2❑ pas d’expression verbale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Échelle de Liège : réflexes du tronc cérébral

❑ fronto-orbiculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5❑ oculo-céphalique vertical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4❑ photomoteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3❑ oculo-céphalique horizontal . . . . . . . . . . . . . . . . . 2❑ oculo-cardiaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1❑ pas de réflexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0

Échelle de Glasgow

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• Au terme de l’examen clinique,on pourra différencier :– les traumatismes crâniens bénins sans trouble de cons-cience (GCS O 13) avec examen neurologique normal ;– les traumatismes de gravité moyenne (8 < GCS o 12)avec peu ou pas de signes neurologiques delocalisation ;– les traumatismes graves (GCS o 8) avec signes neu-rologiques de localisation.Cette classification semble être corrélée au pronosticdes traumatismes crâniens et impose une stratégie théra-peutique adaptée.

Examens paracliniques

• L’examen du fond d’œil est inutilevoire dangereux(notamment en cas d’utilisation de mydriatiques). Enpratique, il n’est plus effectué.• Les radiographies du crâne prêtent à discussion :elles sont inutiles en cas de traumatisme crânien gravecar le scanner indispensable dans ce cas aura un bienmeilleur rendement mais elles restent utiles pour le trau-matisme crânien bénin à condition que la technique soitirréprochable. Elles pourront montrer un trait de fracture,une embarrure, une pneumatocèle. Chez ces patients, laprésence d’une fracture augmente de façon significativele risque d’hématome extradural et invite à une sur-veillance rigoureuse.• La tomodensitométrie crânienne (scanner) lors del’admission n’est pas indiquée en cas de traumatismebénin mais est indiquée en cas de traumatisme de gravi-té moyenne s’il existe des signes de localisation.Elle est indiquée dans tous les cas de traumatisme crâ-nien grave ainsi que si l’on craint une aggravationsecondaire entre la prise en charge sur les lieux de l’ac-cident et l’admission au centre hospitalier.• Les radiographies de rachis cervical sont indispen-sablespour tout traumatisme crânien grave.• L’électroencéphalogramme n’a pas d’intérêt lors dela prise en charge initiale.Il peut être indiqué au coursde l’hospitalisation en cas de suspicion de crises infra-cliniques ou pour la surveillance des comas profonds etdes malades sous sédation.• L’artériographie cérébrale a une indication excep-tionnelle à la phase précoce d’un traumatisme crâniengénéralement grave, notamment pour la recherche d’unedissection artérielle intra- ou extracrânienne, d’une fis-tule carotido-caverneuse ou de la survenue rare d’unanévrisme post-traumatique (un peu plus fréquent dansle cadre des plaies cranio-cérébrales par arme à feu).• L’imagerie par résonance magnétique cérébralen’est pas supérieure au scannerà la phase précoce dela prise en charge des traumatismes crâniens. Sa sensibi-lité est meilleure que celle du scanner dans la détectionen cours d’évolution de petites lésions du tronc cérébralmais en terme de pronostic, il n’a pas été montré de cor-rélation significative entre la récupération neurologique,le nombre et la localisation des lésions touchant le tronccérébral et le corps calleux.

À l’hôpital

Après avoir pris connaissance de l’examen clinique ini-tial et des premières mesures thérapeutiques, il est indis-pensable de refaire un examen neurologique.• Chez le patient conscient,l’examen neurologique doitêtre complet avec :– évaluation précise du score de Glasgow (traumatismecrânien bénin si GCS > 13) ;– examen de la motricité ;– examen de la sensibilité ;– recherche des réflexes ostéotendineux et du réflexecutané plantaire ;– examen des fonctions supérieures (langage, mé-moire…) ;– examen du champ visuel ;– examen des fonctions cérébelleuses ;– examen des paires crâniennes.• Chez le patient obnubilé ou comateux,l’examen neu-rologique est limité. Il faut rechercher :– à réévaluer le score de Glasgow, au besoin complétépar l’échelle de Liège ;– des signes témoins de la profondeur du coma et de lagravité des lésions encéphaliques avec souffrance axiale,diencéphalique ou du tronc cérébral :. une hypertonie bilatérale en décortication ou mouve-ments d’extension uni- ou bilatérale en décérébration,. des mouvements oculaires anormaux spontanés,. une déviation des globes oculaires,. une anisocorie et (ou) aréactivité des pupilles,. des troubles neurovégétatifs (hypertension artérielle,bradycardie, troubles du rythme respiratoire avec pausesrespiratoires, respiration de Cheyne-Stokes…) ;– un signe de localisation (asymétrie motrice à une sti-mulation douloureuse, anisocorie) ;– des plaies, un hématome sous-cutané, une embarruredans le cuir chevelu ;– une fuite de liquide céphalorachidien ou une hémorra-gie par le nez ou l’oreille.• L’interprétation des signes neurologiques est parfoisdélicate.Il peut s’agir :– d’un déficit post-critique en cas de survenue d’unecrise d’épilepsie focalisée au préalable ;– d’un déficit hémisphérique d’origine ischémiquesecondaire à un traumatisme de la carotide extracrânienne(dissection) ou une embolie graisseuse par fracture desmembres.Les nerfs crâniens peuvent être lésés dans leur traverséede la base du crâne ou dans leur trajet extracrânien.Il peut exister une lésion médullaire associée respon-sable de signes neurologiques aux membres ou un trau-matisme du plexus brachial.Il peut exister une pathologie prétraumatique, parexemple un accident vasculaire cérébral à l’origine dutraumatisme crânien et dont les signes cliniques sesuperposent à ceux du traumatisme.Il peut exister des signes méningés en relation avec unehémorragie méningée post-traumatique.

Neurologie

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• La ponction lombaire n’a aucune indicationdans lestraumatismes crâniens sauf s’il y a suspicion clinique deméningite et dans ce cas doit toujours être réalisée aprèsun scanner cérébral.• Autres examens paracliniques :– un bilan biologique minimal d’entrée est prudent(ionogramme sanguin, numération formule sanguine,hémostase, groupe sanguin, recherche d’anticorps irré-guliers anti-érythrocytaires et alcoolémie si suspiciond’intoxication alcoolique aiguë) ;– radiographie pulmonaire ;– gaz du sang s’il y a une anomalie de ventilation ;– échographie abdominale au moindre doute sur unabdomen douloureux, à la recherche d’une lésionhémorragique ;– radiographies des membres si l’examen clinique estanormal ;– radiographies du rachis entier si on suspecte un trau-matisme du rachis.

Diagnostic des lésions secondaires

Quelle que soit la gravité du traumatisme initial, descomplications précoces peuvent survenir et relever d’untraitement spécifique (chirurgical ou médical).Chaque traumatisé crânien doit pouvoir bénéficier :– d’une surveillance clinique avec surveillance de laconscience et de l’examen neurologique ;– d’un scanner cérébral en cas de modification de l’exa-men neurologique initial ;– d’une mesure par enregistrement continu de la pres-sion intracrânienne en cas de traumatisme crânien graveavec signes d’hypertension intracrânienne au scanner etdevant être traité par neurosédation.

Traumatismes crâniens bénins

Après examen neurologique normal et radiographies ducrâne, les patients conscients, ayant eu un traumatismecrânien bénin avec perte de connaissance initiale, doi-vent bénéficier d’une surveillance neurologique à l’hô-pital pendant 24 à 48 heures.Parfois, en présence d’un patient coopérant et d’unefamille proche capable de comprendre les consignes desurveillance, il est possible d’autoriser cette surveillanceà domicile. Le patient devra alors être conduit au centrehospitalier le plus proche si son état clinique se modifie.Néanmoins, il faut garder sous surveillance médicale lespopulations à risque : personnes appartenant à desmilieux défavorisés, éthyliques, sans domicile fixe,âgées, souffrant de troubles de la coagulation spontanésou iatrogéniques (traitements anticoagulants), lespatients avec fracture du crâne.L’évolution est imprévisible :– habituellement favorable avec guérison sans séquelles ; – parfois survenue d’une complication avec hématome

extradural (surtout en présence d’une fracture du crâne)ou d’un hématome sous-dural aigu (sujets éthyliques,troubles de la coagulation, patients âgés).

Traumatismes de gravité moyenne

L’hospitalisation s’impose mais pas systématiquementen milieu spécialisé avec pour objectifs :– une surveillance clinique régulière portant sur l’étatde conscience et l’examen neurologique à la recherched’éventuels signes de localisation secondaires ;– un scanner cérébral initial à répéter éventuellement sil’examen neurologique se modifie ;– la mise en route d’un traitement symptomatiquesimple associant antalgiques, antinauséeux si besoin. Lamise en route d’un traitement antiépileptique prophylac-tique n’est recommandée qu’en cas de lésions cérébralesobjectivées au scanner (contusion cérébrale, hématomeintracrânien ne relevant pas initialement d’un traitementchirurgical). Il devra être de courte durée (maximum 2 mois en cas d’une évolution clinique favorable).

Traumatismes crâniens graves

Après examen clinique initial et mise en route sur le terrain des premières mesures de réanimation, l’hospita-lisation en milieu spécialisé s’impose, soit dans le sec-teur réanimation d’un service de neurochirurgie, soitdans un service de réanimation polyvalente à proximitéd’un service de neurochirurgie.• Le scanner initial fait état des lésions cérébralesdontcertaines peuvent être immédiatement chirurgicales. Laplupart du temps, il s’agit d’un examen de référence gui-dant la stratégie thérapeutique.• La thérapeutique doit avoir pour objectifs :– une ventilation adéquate avec une PaCO2 entre 35 et40 mmHg. Une hyperventilation ne se décide que surdes arguments objectifs d’aggravation d’une hyperten-sion intracrânienne ;– une bonne pression de perfusion cérébrale (de l’ordrede 70 mmHg) avec par conséquent l’objectif d’unehémodynamique stable ;– un contrôle en permanence de la pression intra-crânienne par enregistrement continu par la mise enplace intraparenchymateuse d’un capteur de mesure ;– une neurosédation adaptée aux valeurs de la pressionintracrânienne et aux données du scanner initial ;– une surveillance clinique et scanographique régulière.

Principaux types de lésions cranio-cérébrales traumatiques

Les lésions cranio-cérébrales peuvent survenir chez tousles traumatisés crâniens. Elles se manifestent par unemodification de l’examen neurologique et sont diagnos-tiquées sur le scanner pratiqué en urgence.

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Hématome sous-dural aigu

Il s’agit d’un épanchement de sang frais entre le cortexcérébral et la dure-mère, consécutif à un choc indirecthabituellement sans fracture du crâne. La lésion primaireest la rupture d’une veine cortico-durale, plus rarementune plaie d’une artère corticale. L’hématome se dévelop-pe rapidement à l’ensemble de l’espace sous-dural. Ils’associe généralement à des lésions parenchymateusessous-jacentes (contusion hémorragique, œdème cérébral).L’hématome sous-dural aigu est plus fréquent chez lepatient âgé ou l’éthylique chronique (en raison de l’atro-phie cérébrale plus fréquemment rencontrée dans cettepopulation).• Le tableau clinique est généralement aiguavec inter-valle libre court après le traumatisme, troubles deconscience d’aggravation rapide, déficit moteur.L’évolution se fait rapidement vers un coma grave avecsignes d’engagement cérébral.• Le scanner cérébralsans injection objective l’hémato-me sous la forme d’une hyperdensité spontanée extra-parenchymateuse, convexe en dehors, concave endedans, volontiers étendue tout le long de l’hémisphèrecérébral, avec engagement de la ligne médiane. Ilmontre les lésions parenchymateuses associées (contu-sion œdémateuse, contusion hémorragique, hématomeintracérébral).• Le traitement est neurochirurgicalen urgence avantla survenue de signes de souffrance irréversible du tronccérébral. Il s’agit d’une chirurgie par volet : ouverture dela dure-mère, évacuation rapide de l’hématome, hémo-stase locale et lavage de l’espace sous-dural au sérumphysiologique puis fermeture rapide avant que l’œdèmecérébral ne soit trop proéminent. On y associe volontiersla mise en place d’un capteur d’enregistrement de lapression intracrânienne.Parfois, on peut être amené à poser une contre-indica-tion chirurgicale en fonction de l’âge, de l’état général,de la gravité du tableau neurologique et de la gravité desséquelles neurologiques prévisibles. Le pronostic estsévère avec une mortalité de 50 % à 80 % selon lesétudes publiées.

Contusion et hématome intraparenchymateux

La contusion est une lésion parenchymateuse associantpétéchies hémorragiques et œdème cérébral réactionnel.Dans certains cas, au cours de l’évolution, les pétéchieshémorragiques s’aggravent pour constituer un héma-tome intracérébral.• Clinique : après un traumatisme important, aggrava-tion neurologique secondaire avec signes neurologiquesde localisation.• Le scanner montre initialement la contusionsous laforme d’une hyperdensité spontanée intraparenchyma-teuse hétérogène et mal limitée au sein d’une zonehypodense (œdème). L’hématome apparaît comme unehyperdensité spontanée collectée.

Hématome extradural

Il s’agit d’une collection de sang frais (caillot frais orga-nisé) située entre la voûte du crâne et la dure-mère quiest ainsi décollée et repoussée.L’origine du saignement est le plus souvent une déchi-rure de l’artère méningée moyenne ou de l’une de sesbranches en regard d’un trait de fracture, ou plus rare-ment de la déchirure d’un sinus dure-mérien en regardd’une fracture. L’hématome extradural est très rare chez le patient âgé en raison de l’adhérence très forte de la dure-mère à l’os.• La symptomatologie clinique habituelleévolue typi-quement en 3 temps (traumatisme, intervalle libre,aggravation neurologique) :– le traumatisme est d’importance variable, le plus souvent associé à une perte de connaissance brève initiale ;– puis, il existe un intervalle libre de 6 à 24 heures,sans symptôme particulier en dehors de céphaléesbanales ;– puis, des signes d’hypertension intracrânienne aveccéphalées tenaces, obnubilation, troubles de la consciencepouvant aller jusqu’au coma, apparition d’un déficitneurologique avec déficit moteur controlatéral à l’héma-tome, engagement cérébral avec mouvement de dé-cérébration, mydriase aréactive homolatérale.L’évolution est rapidement mortelle en l’absence de traitement adéquat.• Dans certaines situations, la clinique est moins typique :– absence d’intervalle libre (ou très court), notammentlors de traumatisme crânien grave où le patient est d’em-blée comateux ;– pas ou peu de signes neurologiques (ou d’apparitionplus tardive) pour les hématomes extraduraux situés enrégion « moins parlante » (cortex préfrontal, vertex,région occipitale).• Le diagnostic est assuré par le scanner sans injection.Il montre l’hématome sous la forme d’une hyperdensitéspontanée extraparenchymateuse, en lentille biconvexe.Il objective la topographie, la taille de l’hématome,l’effet de masse exercé sur le parenchyme cérébral, leséventuelles lésions associées du parenchyme cérébralsous-jacent ou controlatéral.• Le traitement est chirurgicalavec transfert en urgencepar SAMU en neurochirurgie. Il s’agit d’une chirurgiesous anesthésie générale, par volet crânien, permettantl’évacuation de l’hématome, l’hémostase du vaisseau responsable et la suspension de la dure-mère aux bergesde la craniotomie pour éviter la récidive. Le traitementmédical associé comprend des mesures de réanimationavec traitement de l’hypertension intracrânienne et lamise en route d’un traitement anti-épileptique prophy-lactique.Opéré tôt, avant les signes de souffrance du tronc céré-bral, le pronostic est favorable en l’absence de lésionsparenchymateuses graves associées.

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• Le traitement est d’abord médicalau stade de lacontusion sans effet de masse. En cas d’aggravation dela contusion et d’hématome collecté, avec effet demasse, l’indication chirurgicale pour évacuation est dis-cutée en tenant compte de la topographie et de l’impor-tance des séquelles fonctionnelles prévisibles.

Œdème cérébral diffus (brain swelling)

Un œdème cérébral diffus peut se constituer au contactd’un foyer de contusion cérébrale ou en l’absence delésion parenchymateuse visible au scanner initial. Il s’agitalors de lésions axonales diffuses avec œdème vasogé-nique et cytotoxique. L’œdème cérébral diffus se voit plussouvent chez l’enfant ou l’adolescent que chez l’adulte.• Clinique : après traumatisme crânien violent, il appa-raît une détérioration rapide de l’état de conscience évo-luant vers un coma profond avec des signes de souffran-ce axiale et des troubles neurovégétatifs.• Le scanner montre une hypodensité globalede l’en-semble des hémisphères cérébraux, une disparition dessillons corticaux et des citernes de la base, un efface-ment des ventricules.• La pression intracrânienne est élevéeavec instabilitéde la pression de perfusion cérébrale et du débit sanguincérébral.• Le traitement fait appel à la neurosédationavec techniques de réanimation intensive et lourde. Le pro-nostic est grave.

Plaies cranio-cérébrales et embarrures

Les plaies cranio-cérébrales surviennent le plus souventaprès plaie par arme à feu ou arme blanche ou lors dechute ou d’accident de la voie publique violent.Les embarrures représentent une fracture complexe de lavoûte du crâne avec enfoncement d’une partie de celui-ci. Les embarrures peuvent être ouvertes (équivalent deplaie cranio-cérébrale) ou fermées.• La clinique dépend essentiellement des lésions céré-brales associéeset de la topographie de la plaie cranio-cérébrale ou de l’embarrure.• Le scanner cérébral sans injectionpermet d’objectiverles lésions osseuses et les lésions parenchymateusesassociées.• Le traitement neurochirurgical s’impose en urgencepour les plaies cranio-cérébrales et embarrure ouverte. Ilconsiste à faire un parage soigneux plan par plan et à leverl’embarrure sous couvert d’un traitement antibiotiquepériopératoire. À noter que la vaccination antitétaniquedoit être contrôlée et remise à jour si nécessaire. Les plaiescranio-cérébrales par arme à feu (notamment pistolet àgrenaille) sont traitées pour le parage chirurgical despoints d’entrée et de sortie s’ils existent. Par contre, il estimpossible de chercher à extraire les éclats de grenaille ausein du cerveau. Ces patients devront être surveillés à dis-tance de l’accident en raison du risque d’abcès cérébral.

Les embarrures fermées relèvent d’un traitement neurochirurgical si le déplacement de l’os est impor-tant, entraînant une compression du parenchyme cérébral avoisinant ou si l’embarrure est à l’origine de crises d’épilepsie, témoins d’une irritation corticalelocale.

Fractures de la base du crâne

Elles concernent essentiellement l’étage antérieur ducrâne.Elles peuvent être associées à des brèches ostéoménin-gées et se révéler par une fuite de liquide céphalorachi-dien (par le nez ou les oreilles) ou une méningite. Cessignes cliniques sont rarement présents au décoursimmédiat du traumatisme en raison de la présence habi-tuelle d’un œdème cérébral qui « colmate » la brèche. Ilsapparaissent plutôt au bout de quelques jours lorsquel’œdème régresse.• Le scanner cérébral avec étude en « fenêtres osseuses »avec éventuellement injection intrathécale de produitradio-opaque et reconstruction en coupes coronales,permet d’objectiver les lésions osseuses, le ou les sitesde brèche dure-mérienne et la pneumatocèle intra-crânienne (présence d’air dans les espaces sous-arachnoï-diens).• Le traitement neurochirurgical s’impose(sans carac-tère d’urgence) dès lors que la brèche ostéoméningée estsymptomatique.

Hématome sous-dural chronique

Il s’agit d’un épanchement de sang lysé collecté entre lecortex et la dure-mère. Il survient très souvent chez lespatients âgés ou éthyliques chroniques (atrophie céré-brale) ou est favorisé par un traitement anticoagulant aulong cours.• La symptomatologie cliniqueapparaît plusieurssemaines après un traumatisme bénin parfois oublié parle patient sous la forme d’un syndrome d’hypertensionintracrânienne progressif avec céphalées, ralentissementpsychique, syndrome confusionnel ou démentiel, hémi-parésie progressive.En l’absence de traitement, l’évolution se fait vers l’en-gagement temporal et le décès.• Le scanner cérébral sans injectionobjective une col-lection hypodense extraparenchymateuse juxta-osseuseà bords parallèles associée à un effet de masse sur le cer-veau. L’hématome est parfois bilatéral, faisant alors dis-paraître l’effet de masse. Il peut être aussi isodense auparenchyme et ne se remarque que par l’effet de massequ’il entraîne.• Le traitement est neurochirurgicaldès lors que lessignes cliniques sont présents ou qu’il existe un effet demasse au scanner. Il consiste en l’évacuation de l’héma-tome lysé par un simple trou de trépan, généralementsous anesthésie locale. ■

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• Tout traumatisme crânien,même le plus bénin, peut mettre en jeu le pronostic vital et fonctionnel.

• La prise en charge comporte un examen neurologique initial (avant toute thérapeutique)et une surveillance rigoureuse.

• La surveillance est clinique pour les traumatismes bénins et de gravitémoyenne, clinique et paraclinique pour les traumatismes graves.

• Toute aggravation secondaire doit faire immédiatement pratiquer un scanner afin d’en déterminer les mécanismesphysiopathologiques et détecter à temps des lésions relevant d’un traitement chirurgical.

• L’hématome extradural est une indication opératoire formelle dès les premiers signes cliniques.

• Les traumatismes crâniens graves d’embléedoivent bénéficier d’une prise en charge spécialisée et de mesures de réanimation spécifiques.

Points Forts à retenir

Dabadie P, Sztark F, Petitjean ME et al. Physiopathologie et réani-mation des traumatismes crâniens. In : Decq P, Keravel Y (eds).Neurochirurgie. Paris : Ellipses, 1996 : 328-38.

Civit T, Pinelli C, Hepner H. Hématomes intracrâniens. In : DecqP, Keravel Y (eds). Neurochirurgie. Paris : Ellipses, 1996 : 334-9.

Matillon Y, Clavier N, Boulard G et al. Prise en charge des trau-matisés crâniens graves à la phase précoce. Recommandationspour la pratique clinique. AFAR 1999 ; 18 : 1-172.

POUR EN SAVOIR PLUS

Hypertension intracrânienne post-traumatique

Les structures intracrâniennes sont enfermées dans une boîte inex-tensible. Le contenu crânien est constitué de 3 volumes : le paren-chyme cérébral, le liquide cérébro-spinal (LCR) et le volume sanguincérébral (VSC). Le volume cérébral total est constant et la pressionintracrânienne (PIC) dépend des variations de ces 3 volumes.

Dans les conditions physiologiques, la pression intracrânienne estdéterminée par l’équilibre entre le débit de liquide cérébro-spinal etle débit sanguin cérébral (DSC). En pratique, elle se définit commeétant la pression hydrostatique du liquide cérébro-spinal et est à 10 mmHg environ en position couchée. Le débit sanguin cérébral estsous la dépendance de la pression de perfusion cérébrale (PPC) etdes résistances vasculaires (RV) : DCS = PPC/RV. La pression de per-fusion cérébrale est définie comme la différence entre la pressionartérielle moyenne (PAM) et la pression intracrânienne (PIC) : PPC = PAM - PIC .

Physiologiquement, le débit sanguin cérébral reste constant grâce àune autorégulation cérébrale mais il est très sensible aux variationsde la PaCO2. Le CO2 (produit du métabolisme cérébral) est un agentactif sur la vasomotricité cérébrale et une augmentation de la PaCO2s’accompagne d’une augmentation du débit sanguin cérébral et inver-sement.

Le risque essentiel du traumatisme crânien est la survenue d’unehypertension intracrânienne (HTIC). Cette hypertension intracrâ-nienne est liée à l’apparition d’un nouveau volume qui va modifierl’équilibre des pressions avec le risque d’une pression de perfusioncérébrale insuffisante. Ce nouveau volume peut correspondre à unecontusion parenchymateuse, un hématome sous-dural, extradural ouintraparenchymateux, un œdème cérébral, une hydrocéphalie… Lacaractéristique de ces volumes est qu’ils sont expansifs au fil desheures. Le développement de ces lésions expansives entraîne :

– une augmentation de la pression intracrânienne avec apparitiond’une hypertension intracrânienne ;

– des déplacements parenchymateux qui se dirigent des zones dehautes pressions vers celles de basses pressions avec le risque d’enga-gement cérébral et à terme d’ischémie du tronc cérébral.

L’élévation non contrôlée de la pression intracrânienne pour unepression artérielle moyenne constante entraîne une diminution de lapression de perfusion cérébrale et donc du débit sanguin cérébralavec pour conséquence l’aggravation de l’ischémie cérébrale. ■

POUR APPROFONDIR

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Retracer l’évolution et les facteurs favorisants L’interrogatoire précise l’âge de début, l’évolutivité, lesfacteurs ou circonstances qui augmentent ou diminuentle tremblement (en particulier l’influence de l’alcool),les traitements en cours ou antérieurs.

Rechercher des cas familiauxCertains tremblements (tremblement essentiel) sont sou-vent familiaux. Le moyen le plus sûr de retrouver descas familiaux est d’établir un arbre généalogique(remontant jusqu’aux grands-parents) et d’interrogerbrièvement sur chaque membre de la famille. Il faut préciser que le tremblement a pu apparaître tardivementdans la vie (certaines personnes pensent qu’il est « nor-mal » de trembler à un âge avancé).

Préciser les caractères spatio-temporelsdu tremblement• Tremblements de repos et tremblements d’action :unélément clé de l’analyse clinique et de la classificationd’un tremblement est l’appréciation des conditions d’activation musculaire nécessaires à son apparition. La classification traditionnelle française sépare les trem-blements de repos, les tremblements d’attitude et lestremblements d’action. En fait, la classification des trem-blements a été récemment revue et la principale distinc-tion doit s’opérer entre 2 grands types de tremblements :– le tremblement de repos survient dans une région ducorps qui n’est pas volontairement activée et qui est sou-tenue contre l’effet de la pesanteur ;– les tremblements qui accompagnent la contractionmusculaire sont regroupés sous le terme de tremble-ments d’action. Ces derniers peuvent apparaître dansplusieurs circonstances. Les 2 principales sont le main-tien des attitudes (on parle aussi de tremblement « pos-tural ») et le mouvement volontaire (tremblement « cinétique »). On peut pousser plus loin l’analyse deces tremblements liés au mouvement en séparant lestremblements cinétiques « simples », survenant au coursde n’importe quel type de mouvement, et les tremble-ments « intentionnels » dont l’amplitude augmente à lafin du mouvement vers une cible.• Les autres caractères spatio-temporelsdevant êtreanalysés sont :– les segments corporels atteints ;– pour les tremblements des membres, le caractère uni-latéral ou bilatéral, et en cas de bilatéralité, le caractèresymétrique ou asymétrique ;

Les tremblements sont les plus fréquents des mouve-ments anormaux. Leur pathogénie est encore très malcomprise et diffère selon la cause : elle ne sera pas dis-cutée ici. Le diagnostic étiologique repose avant tout surl’interrogatoire et l’analyse sémiologique.

Examen d’un patient atteint de tremblement

Affirmer l’existence d’un tremblementUn tremblement est une oscillation rythmique involon-taire d’une partie du corps autour d’une position d’équi-libre. Cette définition (en particulier le caractère ryth-mique) permet d’exclure la plupart des autresmouvements anormaux. Un problème diagnostique peutse poser dans quelques cas.• Les myoclonies rythmiques sont des secousses muscu-laires brusques qui ont parfois un caractère rythmique.La frontière entre certaines formes de myoclonies ryth-miques et les tremblements est floue. • L’astérixis est dû à des myoclonies « négatives » réali-sant l’interruption brutale, fugace et involontaire de lacontraction chez un sujet maintenant les bras tendus. Ilen résulte des mouvements de flexion-extension du poi-gnet pouvant ressembler à un tremblement. L’astérixiss’observe le plus souvent au cours d’encéphalopathiesmétaboliques ou toxiques. • L’épilepsie partielle continue est une épilepsie focale pouvant produire des secousses rythmiques d’une extrémité.

Tremblement Orientation diagnostique

DR Gilles FÉNELON

Service de neurologie, hôpital Tenon, 75970 Paris Cedex 20.

• Le diagnostic étiologique d’un tremblement est avant tout clinique.

• La classification des tremblements et l’enquête étiologique reposent d’abord sur l’analyse des conditions d’activation musculaire faisant apparaître le tremblement.La principale distinction s’opère entre tremblement de repos et tremblement d’action(postural ou cinétique).

Points Forts à comprendre

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– l’amplitude (aux membres supérieurs, elle est d’autantplus grande que le segment intéressé par le tremblementest plus proximal) ;– la fréquence, qui s’exprime en cycles par seconde (ouhertz). La fréquence peut s’estimer cliniquement mais sadétermination précise (rarement utile en pratique)nécessite un enregistrement électrophysiologique.

Évaluer le retentissement du tremblement

Cette évaluation est un temps important car elle guideles décisions thérapeutiques. Elle concerne la perturba-tion des activités de la vie quotidienne et le retentisse-ment social et psychologique.

Rechercher des signes neurologiquesassociés

Le tremblement peut être isolé (c’est le cas par exempledu tremblement essentiel) ou accompagner d’autresanomalies neurologiques qui contribuent à l’orientationdiagnostique.

Examens complémentaires

Ils ne sont que très rarement utiles, le diagnostic positifet étiologique d’un tremblement étant le plus souventclinique. Dans quelques cas difficiles, l’analyse peuts’aider d’un enregistrement polygraphique (électromyo-graphie et accélérométrie). Un examen d’imagerie ne sejustifie que dans de très rares cas, lorsqu’on suspecte untremblement symptomatique d’une lésion cérébralefocale.

Tremblements de reposUn tremblement de repos se recherche sur une partie ducorps relâchée et soutenue contre l’action de la pesan-teur. Aux membres supérieurs, on demande au sujet deplacer les mains pendantes, les avant-bras en appui surles cuisses. La marche permet aussi d’obtenir une bonnedécontraction des muscles distaux des membres supérieurs.Pour les membres inférieurs, on peut examiner le sujetassis, jambes pendantes, sur le bord d’une table d’examenassez haute pour que les pieds ne touchent pas le sol.

Maladie de Parkinson

• Caractères spatio-temporels :le tremblement de lamaladie de Parkinson est typiquement :– de repos, disparaissant ou s’atténuant lors d’un gesteou d’un changement d’attitude ;– de fréquence lente (3 à 6 cycles par seconde) ;– diminué par le relâchement musculaire complet, abolipar le sommeil et augmenté par les émotions et lesefforts de concentration. Cette dernière caractéristiquepeut être utilisée pour faire apparaître un tremblementau cours de l’examen, en demandant au patient d’effec-

tuer un effort mental (par exemple un calcul mental, oudonner les mois de l’année à l’envers) ;– de topographie surtout distale. Il est plus fréquem-ment observé aux mains, avec une prédominance unila-térale. Le tremblement peut atteindre les membres infé-rieurs, le maxillaire inférieur, les lèvres, la langue, maispas le cou et la tête ;– asymétrique. Il commence habituellement d’un seulcôté. Lorsqu’il se « bilatéralise », il reste plus marqué ducôté où il a commencé.• Retentissement :en l’absence de tremblement d’attitu-de associé (voir plus loin), le tremblement de repos, dis-paraissant au cours du geste volontaire, n’entraîne pasde gêne fonctionnelle. Il peut toutefois être à l’origined’une gêne psychologique ou sociale (en particulierchez des personnes encore en activité professionnelle).• Évolution : le tremblement de repos est caractéristiquede la maladie, mais il peut manquer au début. Il s’observechez plus de 70 % des patients à un moment ou un autrede l’évolution. Le tremblement, comme les autres signescardinaux de la maladie de Parkinson, répond au traite-ment par la lévodopa, mais parfois à des doses plus éle-vées que la bradykinésie. La sensibilité à la lévodopa estun argument diagnostique en faveur de la maladie deParkinson.• Signes neurologiques associés :le tremblement derepos typique peut s’accompagner d’un tremblementd’attitude :– soit de même fréquence (lente) que le tremblement derepos, apparaissant après quelques secondes de latencelors du maintien des attitudes ;– soit de fréquence plus rapide que le tremblement derepos et de faible amplitude.Le tremblement parkinsonien est presque toujoursaccompagné d’autres éléments du syndrome parkinso-nien : akinésie, hypertonie, éventuellement troubles pos-turaux. Les cas de forme purement (et durablement)tremblante de maladie de Parkinson sont rares et leurplace nosographique discutée. Dans ces cas, le tremble-ment est souvent mixte, persistant dans le maintien desattitudes et le geste.

Syndromes parkinsoniens secondairesaux neuroleptiques

Les neuroleptiques sont une cause fréquente de syndromesparkinsoniens (15 à 40 % des patients traités). Classique-ment, les syndromes parkinsoniens dus aux neuro-leptiques se distingueraient de la maladie de Parkinson parle caractère symétrique des troubles et la rareté du trem-blement de repos. En réalité, les tableaux cliniques peu-vent être difficiles à distinguer. Un tremblement de reposest, en particulier, possible. Les arguments diagnostiquessont, outre l’existence d’un traitement neuroleptique, l’as-sociation à des dyskinésies tardives et la régression destroubles à l’arrêt du traitement si bien sûr le sevrage estpossible sur le plan psychiatrique. Dans quelques cas, lessignes parkinsoniens persistent, posant le problème d’uneauthentique maladie de Parkinson associée.

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Tremblements d’action

Aux membres supérieurs, où ils siègent le plus souvent,les tremblements d’action se recherchent d’une part enétudiant segment par segment les membres supérieursdans diverses positions (fig. 1), d’autre part en faisantréaliser divers gestes (porter l’index sur son nez ou sonoreille, porter un verre à ses lèvres, écrire, etc.).

Autres syndromes parkinsoniens

En dehors de la maladie de Parkinson, plusieurs affec-tions dégénératives se traduisent par un syndrome par-kinsonien. Il s’agit principalement de la maladie deSteele-Richardson-Olszewski (ou paralysie supranu-cléaire progressive), des atrophies multisystématisées,de la dégénérescence cortico-basale et de la démence àcorps de Lewy. Cliniquement, toutes ces affections sedistinguent de la maladie de Parkinson d’une part par laprésence de signes neurologiques en plus (par exemple,un syndrome cérébelleux, une dysautonomie, destroubles oculomoteurs, une démence précoce, etc.) etd’autre part par une sensibilité à la lévodopa faible voirenulle. Certaines caractéristiques du syndrome parkinso-nien sont également différentes, en particulier le trem-blement de repos est nettement plus rare. Dans quelquescas toutefois, le tableau clinique ressemble pendantquelques années à celui de la maladie de Parkinsonavant que n’apparaissent des atypies.Quant aux autres syndromes parkinsoniens, symptoma-tiques de lésions cérébrales (vasculaires, infectieuses,hypoxiques, etc.), ils ne s’accompagnent qu’exception-nellement d’un tremblement de repos.

Maladie de Wilson

La maladie de Wilson est une maladie génétique, auto-somique récessive, liée à une accumulation de cuivredans le foie, l’encéphale et d’autres organes. Bien querare, elle doit être connue car un traitement précoce parun chélateur du cuivre améliore sensiblement le pronos-tic. La maladie se révèle le plus souvent au cours de la 2e

décennie, par des troubles neurologiques dans la moitiédes cas. Un tremblement est fréquemment observé, maisil peut prendre plusieurs formes. Il peut s’agir d’untremblement de repos accompagné d’autres signes par-kinsoniens. Tout syndrome parkinsonien chez un sujetjeune doit faire rechercher une maladie de Wilson.Ailleurs, le tremblement est postural et cinétique, avecune composante intentionnelle très invalidante. Danstous les cas, le tremblement peut être particulièrementample. Les troubles neurologiques fréquemment asso-ciés sont une dysarthrie, des dystonies, des troubles dela marche. Les autres manifestations de la maladie sontprincipalement psychiatriques, hépatiques et hémato-logiques. Le diagnostic repose sur l’enquête familiale, la constata-tion d’un dépôt annulaire de cuivre autour de la cornée,l’anneau de Kayser-Fleischer (à rechercher à la lampe àfente), présent dans près de 90 % des formes neurolo-giques ; et sur la mise en évidence des troubles du méta-bolisme du cuivre (taux bas de céruloplasmine, anomaliesde la cuprémie et de la cuprurie). Une biopsie hépatique(pour dosage du cuivre) n’est utile que dans les cas dou-teux. Le grand nombre des mutations possibles dans legène responsable complique le diagnostic génique.Lorsqu’un cas index est connu, il est toutefois possible dedéterminer si ses frères ou sœurs sont atteints.

Neurologie

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Examen d’un tremblement d’action au membre supé-rieur. L’étude du tremblement segment par segment permetde distinguer les formes distales, moyennes et proximales.Un tremblement distal est de fréquence rapide et d’amplitudelimitée ; proximal, il est de fréquence lente, de grande ampli-tude et de ce fait, plus handicapant. Figure reproduite avec l’aimable autorisation du Dr C.P.Jedynak.

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Tremblement essentiel

Avec une prévalence de 0,5 à 1 % de la population géné-rale, le tremblement essentiel est l’une des affectionsneurologiques les plus fréquentes. Il touche égalementhommes et femmes. La cause est inconnue, et il n’estpas certain qu’elle soit unique. • Cas familiaux :il existe une histoire familiale de trem-blement dans plus de la moitié des cas, mais des pro-blèmes méthodologiques sont à l’origine d’une discor-dance entre études. Les études sur les familles concluenthabituellement à une hérédité autosomique dominante àpénétrance élevée. Plusieurs locus ont été identifiés et letremblement essentiel paraît être une entité hétérogènesur le plan génétique. • Caractères spatio-temporels :typiquement, le trem-blement essentiel est :– un tremblement d’action, à la fois postural et ciné-tique (c’est-à-dire qu’il apparaît dans le maintien desattitudes et dans le mouvement) ;– bilatéral, avec habituellement une asymétrie mo-dérée : il reste un peu plus marqué du côté où il a com-mencé ;– le plus souvent prédominant aux mains, mais il peut aussi toucher la racine des membres supérieurs, le cou (tremblement « du chef »), les muscles responsablesde la phonation, ce qui est à l’origine d’un chevro-tement. Aux membres supérieurs, l’amplitude et la fré-quence sont corrélées, et dépendent du siège du tremble-ment : les tremblements distaux sont peu amples etrapides ; les tremblements proximaux sont amples et ont une fréquence plus basse.• Retentissement :dans les formes frustes de tremble-ment essentiel, la gêne peut être limitée à quelques acti-vités manuelles fines telles que l’écriture. Un tremble-ment plus sévère des membres supérieurs peut avoir ungrand retentissement qui doit s’étudier en terme de gêneau cours de diverses activités de la vie quotidienne (écriture, alimentation, habillage, etc.) et en terme dehandicap, notion qui renvoie aux conséquences socio-professionnelles de la gêne fonctionnelle. • Évolution et facteurs favorisants :le tremblementessentiel peut apparaître à n’importe quel âge, avec tou-tefois un pic de fréquence dans la 2e et surtout dans la 6e décennie (le tremblement qualifié de « sénile » esthabituellement une forme d’expression tardive de trem-blement essentiel).Le tremblement est plus marqué le matin au réveil. Il estexagéré par l’émotion ou l’effort mental. Dans environdeux tiers des cas, l’alcool (l’équivalent d’un verre devin ou de 60 mL de spiritueux) diminue la sévérité dutremblement pendant 3 ou 4 heures. Cet effet est souventsuivi d’une exacerbation en rebond.• Signes neurologiques associés :les critères diag-nostiques actuels du tremblement essentiel excluent la présence d’autres anomalies neurologiques que letremblement.

Tremblements métaboliques, toxiques et médicamenteux

La plupart de ces tremblements sont considérés commel’exagération du tremblement « physiologique » sousl’influence de facteurs endogènes ou exogènes. Iln’existe pas de signe d’affection neurologique sous-jacente et le tremblement est habituellement réversible.• Causes métaboliques :le tremblement fait partie desmanifestations possibles d’une hypoglycémie et d’unehyperthyroïdie. • Causes toxiques :le tremblement est le signe le plusprécoce du sevrage chez un sujet alcoolique chronique :il peut apparaître 6 à 8 heures après la dernière prised’alcool. Il est initialement fin et distal, limité auxmembres supérieurs, mais, si le sevrage se prolonge, ils’accentue et se diffuse. Il est alors volontiers irrégulier,plus marqué dans le mouvement, et interfère avec la plu-part des activités. Un tremblement peut aussi s’observerau cours de sevrages d’autres substances prises au longcours, telles que barbituriques ou benzodiazépines.• Causes médicamenteuses :les médicaments le plussouvent en cause sont : les substances bêtamimétiques,les antidépresseurs tricycliques, le lithium, le valproatede sodium, les corticoïdes, la ciclosporine.

Tremblements par lésion cérébelleuseou du tronc cérébral

1. Tremblement cérébelleux

Le tremblement habituellement qualifié de « cérébel-leux » est un tremblement intentionnel de fréquenceassez lente (inférieure à 5 Hz), constamment associé àd’autres éléments d’un syndrome cérébelleux, en parti-culier la dysmétrie, l’asynergie, l’hypotonie et unemanœuvre de Stewart-Holmes positive.

2. Tremblement par lésion du tronc cérébralIl est dû à une lésion pédonculaire, plus rarement protu-bérantielle ou thalamo-sous-thalamique. Il a été appelétremblement « mésencéphalique » ou « du noyaurouge», appellations obsolètes. Le terme de « tremble-ment de Holmes » (d’après l’auteur d’une des premièresdescriptions) a été récemment proposé dans la littératureanglo-saxonne pour éviter toute référence trop précise àune topographie lésionnelle.• Caractères spatio-temporels :ce tremblement toucheplus souvent les membres supérieurs que les membresinférieurs, il est unilatéral ou bilatéral selon la topographielésionnelle. Il prédomine à la racine et est caractérisé parune fréquence lente (< 4 Hz) et une grande amplitude. Ils’agit d’un tremblement d’action, présent lors du maintiendes attitudes et augmentant au cours du mouvement, parti-culièrement le mouvement dirigé vers une cible. Dansquelques cas, il s’y associe un tremblement de repos.• Retentissement :le caractère cinétique et l’ampli-tude de ce tremblement le rendent très handicapant.

T R E M B L E M E N T

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• Évolution : il existe un délai de 4 semaines à 2 ansentre la constitution de la lésion et l’apparition du trem-blement. Après son installation, le tremblement se stabi-lise et parfois régresse (selon la cause).• Signes neurologiques associés :l’association possible àun tremblement de repos a déjà été mentionnée. Des signescérébelleux sont constamment présents, mais le tremble-ment rend difficile leur mise en évidence (valeur de lamanœuvre de Stewart-Holmes). D’autres signes neurolo-giques peuvent s’associer en fonction de la topographie. • Causes :le contexte clinique et les examens d’imagerie(de préférence par résonance magnétique) permettent lediagnostic étiologique. Les causes incluent les accidentsvasculaires (hémorragiques ou ischémiques), les malfor-mations vasculaires, les traumatismes crâniens, lestumeurs, les abcès, et surtout la sclérose en plaques.

Quelques causes rares

• La maladie de Wilson(voir plus haut).• Les tremblements associés à une dystonie :une dysto-nie consiste en des contractions musculaires prolongéeset involontaires entraînant des mouvements répétitifs etdes postures anormales de diverses parties du corps. Ilexiste de nombreuses formes et de nombreuses causesde dystonie. Un tremblement peut accompagner les phé-nomènes dystoniques au cours des dystonies « idiopa-thiques », héréditaires ou sporadiques, généralisées oulocalisées. Il siège habituellement dans le territoireaffecté par la dystonie.• Les tremblements de fonctionsont des tremblementsqui n’apparaissent que dans l’accomplissement d’activi-tés spécifiques. Le moins rare d’entre eux est le tremble-ment de l’écriture. Les relations de ce tremblement avecla « crampe de l’écrivain », qui est une dystonie focale,sont discutées. • Les tremblements associés à une neuropathie :un trem-blement peut s’observer au cours de n’importe quel typede neuropathie, héréditaire ou acquise. Les neuropathiesliées à une dysglobulinémie sont plus souvent en cause.• Le tremblement orthostatique,de cause inconnue,commence habituellement au cours de la 6e ou 7e décen-nie. Les patients ne se plaignent pas d’un tremblement,mais d’une instabilité lors de la station debout, diminuéelors de la marche. Les chutes sont rares. L’examen dusujet debout montre un fin « frémissement » des musclesdes membres inférieurs. L’auscultation des quadriceps(sujet debout) révèle un bruit comparé à celui d’un héli-coptère éloigné. Si nécessaire, le diagnostic est confirmépar l’électromyogramme, qui enregistre une activitérythmique des muscles des membres inférieurs à unefréquence de 14 à 18 Hz. • Les tremblements psychogènes :les arguments enfaveur de ce diagnostic (outre le contexte psycholo-gique) sont la brutalité du début, l’existence de rémis-sions, la variabilité du type (de repos, postural, ciné-tique) et du siège, la diminution de l’amplitude ou lavariation de fréquence lorsque l’attention est détournée,l’association à d’autres somatisations. ■

Neurologie

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• Le tremblement parkinsonien est un tremblement de repos (même si un tremblement postural lui est parfois associé) presque toujours associé à d’autres éléments du syndrome parkinsonien.

• Le tremblement essentiel est un tremblementd’action (postural et cinétique) isolé sur le planneurologique.

Points Forts à retenir

Deuschl G, Bain P, Brin M and an Ad Hoc Scientific Committee.Consensus statement of the Movement Disorder Society on tremor. Mov Disord 1998 ; 13, 2 (suppl. 3) : 2-23.

Jedynak CP, Vidailhet M. Tremblements. Rev Prat (Paris) 1997 ; 47 (10) : 1098-102.

POUR EN SAVOIR PLUS

Traitement du tremblement essentiel

Seuls 2 médicaments ont fait la preuve de leur efficacité sur le trem-blement essentiel. Ils peuvent être associés si l’action de l’un d’entreeux est insuffisante.

Le propranolol

C’est le plus couramment utilisé. Il est plus efficace sur le tremble-ment des mains que sur celui de la tête ou de la voix. L’efficacité esttoutefois inconstante. Les doses nécessaires, à atteindre progressive-ment, sont souvent élevées, ce qui peut limiter son utilisation, surtoutchez les personnes âgées. Les principales contre-indications sont l’in-suffisance cardiaque, les blocs auriculo-ventriculaires du 2e ou 3e

degré, l’asthme et les bronchopneumopathies obstructives.

La primidone

Cet anti-épileptique peu utilisé en France. Il est en partie métaboliséen phénobarbital. L’efficacité sur le tremblement peut être franchemais elle est inconstante. Il est inutile d’aller au-delà de 250 mg par jour. Le traitement doit être commencé à très petitesdoses (un quart de comprimé à 250 mg) en raison du risque élevéd’effets indésirables en début de traitement (somnolence, nausées,sensations vertigineuses, ataxie). L’utilisation comme antitrémoriqueest, en France, hors AMM (autorisation de mise sur le marché).

Autres médicaments

Certains ont une efficacité discutée ou insuffisamment démontrée(c’est notamment le cas des benzodiazépines). Dans certains cas detremblement invalidant, si le traitement médicamenteux a échoué, onpeut discuter un traitement chirurgical : la stimulation du thalamus àhaute fréquence. ■

POUR APPROFONDIR

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• le retentissement fonctionnel du trouble postural :utilisation d’une canne, d’un bras ; sorties extérieures ;montée/descente de voiture ; arrêts de travail ;

• les signes d’accompagnement :vertiges ; chutes ;paresthésies ; acouphènes ; troubles sphinctériens ;détérioration des fonctions supérieures.

Examen clinique

Il comprend différents temps.

1. Examen des troubles posturauxIl recherche des troubles posturaux statiques ou dynamiques:• au lever d’une chaise :embardées, prise d’appui ;• à la station assise,les yeux fermés, sans appui dorsal,

les bras tendus : déviation des index ;• à la station debout pieds joints,yeux ouverts puis

fermés (épreuve de Romberg) : oscillations, déviationlatéralisée, embardées, chutes ;

• à la station debout yeux fermés:résistance aux poussées;• à la marche normale,au demi-tour, à la marche en

arrière, à l’épreuve du funambule (talon devant lapointe de l’autre pied) : embardées, chutes, talonne-ment, déviation latéralisée ;

• à la marche les yeux fermésd’avant en arrière(marche aveugle), ou sur place (manœuvre deFukuda) : déviation latéralisée, non latéralisée, chutes.

De manière schématique, les 3 systèmes sensoriels par-ticipant à la posture sont complémentaires. En cas de perte de référence visuelle, dans l’obscurité parexemple ou lors du test de Romberg, tout va dépendre del’intégrité des autres systèmes sensoriels. Si l’un d’euxest déficitaire, les troubles posturaux vont apparaître, avec des troubles de l’équilibre à la fermeturedes yeux (Romberg, marche aveugle, Fukuda). Parcontre, lors d’une atteinte des voies efférentes motrices,comme une atteinte cérébelleuse, les troubles posturauxne s’aggraveront pas à la fermeture des yeux.

2. Examen neurologique généralL’examen clinique doit par ailleurs être complet sur leplan neurologique, recherchant notamment : des troublesdu tonus ; une incoordination motrice ; des troubles de lasensibilité ; un nystagmus ; une anomalie des réflexes ;une altération des fonctions supérieures.

3. Examen généralIl doit rechercher des causes otologiques, ophtalmologiquesou ostéo-articulaires. Les instabilités, surtout chez lapersonne âgée, sont souvent le fait de pathologies intriquées

Éléments d’orientation

Les instabilités sont une cause très fréquente de consulta-tion. Généralement, l’examen clinique permet d’objectiverdes anomalies à la station debout ou à la marche, voireparfois des anomalies de la posture en position assise,permettant d’orienter le diagnostic physiopathologique(voir : Pour approfondir).

Interrogatoire

Outre l’âge, les antécédents et les traitements suivis, ilprécise :• le type d’instabilité :mauvaise perception du sol ;

maladresse ; impression d’ébriété ; raideur ;• son ancienneté, son mode d’installation, son mode

évolutif ;• le contexte déclenchant :l’obscurité ; les terrains irré-

guliers ; les grandes surfaces, la foule ; à la suite d’ef-forts, notamment à glotte fermée ;

Trouble de l’équilibreOrientation diagnostique

DR Caroline TILIKETE, PR Alain VIGHETTO

Service de neurologie C, hôpital neurologique, 69394 Lyon Cedex 03.

• Les troubles de l’équilibre ou les instabilitéssont un motif fréquent de consultation. Ils sont décrits comme une sensation d’instabilité permanente, de flottement, d’ébriété,et aboutissent parfois à des chutes.

• Il s’agit d’un trouble à expression motrice correspondant à une mauvaise adaptation du contrôle postural, en l’absence de baisse de force. Cet ensemble recouvre assez bien le concept neurologique classique d’ataxie.

• Le contrôle postural est assuré par des systèmesd’information (le système vestibulaire,visuel et sensitif), des systèmes d’intégration(les noyaux vestibulaires, le cortex pariétal et frontal), et des systèmes de rétrocontrôle (le cervelet). L’atteinte de l’un des acteurs du contrôle postural peut entraîner des troublesde l’équilibre.

• L’examen clinique soigneux et méthodique permet le plus souvent de distinguer les ataxiesvestibulaires, sensitives, frontales, cérébelleusesou psychogéniques. Les examens complémentairesadaptés permettent d’aider au diagnostic topographique et étiologique.

Points Forts à comprendre

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qui, isolées, ne donnent habituellement pas de troublesposturaux : c’est par exemple l’association d’une cataracteet d’une prothèse totale de hanche. Il ne faut pas oubliernon plus que les instabilités peuvent être un signe d’appeld’une pathologie fonctionnelle ou psychiatrique avec unexamen clinique le plus souvent discordant.

Examens complémentaires

Peu d’explorations complémentaires sont disponiblespour l’étude des troubles de l’équilibre. Les plates-formes de force ou de posturographie calculent la pro-jection du centre de pression du corps en positiondebout et les variations de ce centre de pression en fonction du temps et à la fermeture des yeux. Ces testsétudient la posture dans sa globalité mais ne différencientpas les différents systèmes impliqués. L’Équitest est unsystème d’exploration posturale plus élaboré qu’uneplate-forme de force, qui utilise un environnementvisuel fictif asservi à la plate-forme mobile. De ce fait, ilaide à différencier les divers systèmes impliqués dans laposture : vision, proprioception et vestibule. En fonctionde l’orientation clinique, d’autres explorations peuventêtre envisagées, comme des radiographies cervicales, unscanner cérébral, un électromyogramme, une imageriepar résonance magnétique (IRM) encéphalique ou rachidienne, une ponction lombaire…

Étiologie

Le problème à résoudre est de reconnaître, par l’analysesémiologique, les structures impliquées. En pratique, ilpeut s’agir d’une atteinte des structures d’informations :atteinte des voies lemniscales, vestibulaires ou visuelles ;d’une atteinte des structures corticales (cortex pariétalpostérieur, cortex frontal) ; d’une atteinte des structuresde contrôle cérébelleuses. Nous éliminons les troublesde l’équilibre qui s’accompagnent d’un déficit moteur(pyramidal ou extrapyramidal). Dans ce dernier chapitresont repris les cadres pathologiques pouvant rendrecompte de troubles de l’équilibre et sont décrits les éléments cliniques permettant de les reconnaître. La plupart des causes sont traitées en détail dans d’autreschapitres et nous n’envisageons que les principaux éléments du diagnostic.

Atteinte des structures d’information

L’aggravation du trouble de l’équilibre par la fermeturedes yeux caractérise l’atteinte sensitive ou sensorielle.

1. Ataxie vestibulaireElle est aussi appelée ataxie labyrinthique. Par le contrôlequ’il exerce sur le tonus musculaire, le système vesti-bulaire est l’un des éléments essentiels du maintien de la position verticale et de l’équilibre. Le système vesti-bulaire périphérique inclut l’organe sensoriel et le nerfvestibulaire jusqu’à sa connexion avec les noyaux vestibulaires dans le tronc cérébral.

L’ataxie vestibulaire s’accompagne d’un syndrome vestibulaire. L’association à un vertige est l’élémentdéterminant, de même que la mise en évidence d’unnystagmus. L’ensemble de la symptomatologie apparaîtou est majoré à la fermeture des yeux.• L’interrogatoire recherche, outre le vertige, dessignes cochléaires comme une surdité et des acouphènesou des signes neurologiques centraux témoignant d’uneatteinte du tronc cérébral.• Lors d’une atteinte périphérique unilatérale aiguë,les troubles posturaux sont accompagnés d’autres signesvestibulaires réalisant un syndrome harmonieux associant :une déviation des index vers le côté atteint ; une déviationvers le côté atteint à la marche aveugle ou à l’épreuve deFukuda. Cette rotation axiale du corps sur lui-même estassez spécifique d’une atteinte vestibulaire (périphériqueou centrale), lorsqu’elle est d’amplitude significative ;un vertige intense ; un nystagmus horizontal ou horizonto-rotatoire battant vers le côté sain. Les troubles posturaux sont violents au début pouvantempêcher la station debout et rentrent rapidement dansl’ordre, donnant rarement lieu à des instabilités posturalesdurables. Les tests vestibulaires (épreuve pendulaire,test calorique) montrent un dysfonctionnement unilatéraldes voies vestibulaires. Les principales causes sont lamaladie de Ménière, la névrite vestibulaire, les causestraumatiques, l’otospongiose…• Lors d’une atteinte périphérique unilatérale chroniqueou lente,les troubles posturaux ipsilatéraux (déviationdes index vers le côté atteint, déviation vers le côtéatteint à la marche aveugle ou à l’épreuve de Fukuda) nesont généralement pas accompagnés de vertige ou denystagmus. Il s’agit surtout du neurinome de l’acoustique.Dans ce cas, il y a généralement des signes auditifs associésaux troubles posturaux. Les examens complémentaires(audiogramme, potentiels évoqués auditifs, imagerie parrésonance magnétique encéphalique) aident au diagnostic.• Lors d’une atteinte périphérique bilatérale,l’insta-bilité posturale est majeure ; il n’y a pas de déviationsystématisée à la marche aveugle ou au test de Fukuda,puisque l’atteinte est symétrique ; l’épreuve de Rombergentraîne une chute ; il n’y a généralement pas de vertigeni de nystagmus ; les patients décrivent des oscillopsiesaux mouvements rapides de la tête traduisant l’hypo-fonctionnement du réflexe vestibulo-oculaire.L’absence de réponse vestibulo-oculaire à l’examen clinique ou aux explorations vestibulaires (épreuve pendulaire, épreuve calorique) permet d’authentifierl’aréflexie vestibulaire et suggère dans ce contexte l’absence de réflexe vestibulospinal. L’exemple le plusdramatique est une neuropathie vestibulaire toxique(gentamycine, cisplatine, diurétique, aspirine).• Lors d’une atteinte centrale,le trouble postural peutmimer une atteinte périphérique pure ; il est le plus souvent dysharmonieux, non latéralisé, de type ébrieux ;parfois il s’agit d’un tableau d’inclinaison statique ducorps (latéropulsion axiale) ; le vertige est peu intense ;le nystagmus est de type central (changeant de direction,vertical pur, rotatoire pur, non inhibé par la fixation

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prédisposant doivent faire évoquer ce diagnostic. Toutesles atteintes du tronc cérébral qui touchent de près ou deloin les voies vestibulaires participant à la posture peuventinduire une instabilité. Il peut s’agir de lésions vasculaires,tumorales, démyélinisantes… L’imagerie par résonancemagnétique encéphalique est l’examen de choix

2. Ataxie sensitiveLa voie sensitive impliquée est la voie dite lemniscale.Sa longueur en fait l’une des structures les plus vulné-rables du système nerveux. • L’interrogatoire recherche :des troubles subjectifstémoignant d’une atteinte de la sensibilité profonde, àsavoir des paresthésies (sensation de fourmillement,piqûres, ruissellement…) ; une décharge électrique irra-diant dans le rachis et les 4 membres à la flexion de lanuque (signe de Lhermitte) ; des troubles de la coordinationdes membres inférieurs à la marche ou lors de la conduiteautomobile (changement de pédale).• L’examen objective :une hypotonie qui se traduit parune marche talonnante ; une instabilité majeure àl’épreuve de Romberg sans direction particulière ; unediminution du sens de position segmentaire ; une dimi-nution de sensibilité au diapason ; des difficultés dansl’épreuve talon-genou ; une main instable ataxique, si ledéficit atteint les membres supérieurs.Toutes ces manifestations sont induites ou majorées à lafermeture des yeux. Une atteinte massive et diffuse dece système sensitif profond peut induire une instabilité,soit par une atteinte diffuse des nerfs, soit par une atteintefocale des cordons sensitifs et le plus souvent au niveaumédullaire. Le problème essentiel est de différencierl’atteinte périphérique de l’atteinte centrale. L’abolitiondes réflexes ostéotendineux est le critère essentiel del’atteinte périphérique. L’atteinte hémicorporelle est undes critères d’atteinte centrale, de même que la présenced’un signe de Lhermitte, d’un syndrome alterne médul-laire (Brown-Séquard) ou du tronc cérébral. La sémiologie lemniscale n’offre aucune spécificitéétiologique ni topographique. Elle peut traduire unepolyneuropathie (comme la polyradiculonévrite aiguëou syndrome de Guillain et Barré), une atteinte médul-laire cordonale postérieure (comme la myélopathie cervicale [fig. 2], le tabès) ou une atteinte au niveaucérébral (comme la sclérose en plaques). La topographiedes paresthésies et les signes associés orientent le dia-gnostic. L’atteinte est bilatérale, symétrique et ascendante,avec des anomalies de l’électromyogramme (EMG) etde la ponction lombaire dans les polyneuropathies.L’atteinte est globale ou hémicorporelle ipsilatérale à lalésion, parfois dans le cadre du syndrome de Brown-Séquard, toujours sous-lésionnelle dans les lésionsmédullaires. L’imagerie par résonance magnétiquemédullaire est l’examen de choix. L’atteinte est hémi-corporelle controlatérale à la lésion, plus ou moins proportionnelle dans les lésions du tronc cérébral, duthalamus ou du cortex. Dans ce cas, le scanner cérébralou l’imagerie par résonance magnétique encéphaliquesont les examens complémentaires nécessaires.

oculaire) ; les troubles posturaux sont associés à d’autressignes neurologiques centraux.Le meilleur exemple est donné par le syndrome deWallenberg, accident ischémique latérobulbaire, touchantles noyaux vestibulaires (fig. 1). Les symptômes vesti-bulaires sont un grand vertige rotatoire, un nystagmus desens de battement variable et des troubles posturaux res-semblant à une atteinte périphérique. Les symptômesvestibulaires peuvent aussi se présenter sous la formed’une latéropulsion axiale. Ces symptômes vestibulairesd’allure parfois périphérique s’associent à des symptômesneurologiques qui ne passent pas inaperçus : une hypo-esthésie hémifaciale, un syndrome cérébelleux, une para-lysie vélo-pharyngo-laryngée (dysphonie, dysarthrie,hoquet, signe du voile, signe du rideau), un syndrome deClaude Bernard-Horner (myosis, ptosis) du côté de lalésion ; une hypoesthésie thermo-algique hémicorporellecontrolatérale à la lésion. Dans les atteintes ischémiques du cervelet inférieur, ilpeut exister une sémiologie vestibulaire isolée, à type de vertige rotatoire, déviation posturale et nystagmushorizonto-rotatoire harmonieux dont le diagnostic diffé-rentiel peut être difficile avec une atteinte vestibulairepériphérique. L’âge du patient et un terrain vasculaire

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Syndrome de Wallenberg. Image IRM T2 montrant unhypersignal latérobulbaire gauche (flèche) témoin d’unelésion ischémique latérobulbaire gauche. Cette patiente de65 ans présentait une ataxie vestibulaire en relation avec unsyndrome vestibulaire central.

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Atteinte des structures corticales

1. Cortex pariétalLes troubles posturaux sont fréquents dans les lésionsintéressant le thalamus et le cortex et notamment lesaccidents vasculaires cérébraux supratentoriels. Indépen-damment des déficits moteurs, somato-sensoriels ouvisuels, ils prédominent dans les lésions hémisphériquesdroites. L’hypothèse est que ces troubles posturaux peuvent partiellement être expliqués par un défaut d’élaboration d’une représentation du schéma corporeldans l’espace, plutôt dévolu à l’hémisphère droit. Lescanner cérébral ou l’imagerie par résonance magnétiquesont les examens de choix pour le diagnostic de cestroubles posturaux d’origine pariétale, permettant d’enreconnaître la cause : lésion tumorale, lésion ischémique…

2. Cortex frontal

L’ataxie frontale ou astasie-abasie est une incapacité àassurer de manière complète ou partielle la positiondebout et la marche alors que l’examen analytique dumalade couché est normal. Elle se caractérise par un

examen analytique normal ; une rétropulsion importante ;une amélioration considérable des performances fonc-tionnelles en lui faisant tendre les bras en avant et en luitenant les mains ; une trépidation sur place au démarrageou au passage des portes.Ce symptôme est le plus souvent révélateur d’unehydrocéphalie à pression normale ; d’une lésion tumoralefrontale (fig. 3) ; d’une atrophie frontale ; d’une encé-phalopathie vasculaire ; d’une maladie de Parkinson oud’un autre syndrome parkinsonien (maladie de Steele,Richardson et Olszewski).Le scanner cérébral ou l’imagerie par résonance magné-tique sont les examens de choix dans l’ataxie frontale.

Atteinte cérébelleuse

Le syndrome cérébelleux induit lui aussi un déficit fonctionnel moteur indépendant d’un déficit de la force.Le cervelet assure le réglage du tonus musculaire audépart, pendant et à l’arrêt du mouvement. Il assure larégularité, la vitesse du démarrage et du freinage.L’élément de base de la sémiologie cérébelleuse estl’hypotonie.

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Myélopathie cervicale. Image IRM T2 en coupe sagittalesur la moelle cervicale montrant une image de compressionmédullaire discarthrosique de niveau C4-C5 avec un hyper-signal intramédullaire en regard, témoin d’une myélopathiecervicale discarthrosique sévère. Ce patient de 60 ans pré-sentait une ataxie sensitive et un signe de Lhermitte en rela-tion avec une compression des voies lemniscales de la moellecervicale.

2 Méningiome frontal. Image IRM T1 avec injection degadolinium montrant une lésion expansive de topographiefrontale, prenant régulièrement le contraste. Il s’agit d’unméningiome. Ce patient de 58 ans présentait une ataxie frontale, des troubles sphinctériens et un ralentissement psychomoteur.

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d’autres troubles psychiques (trouble postural phobique). Les éléments du diagnostic sont : tableau de type astasie-abasie ; chutes théâtrales non traumatisantes ; absence designes objectifs à l’examen ; contexte psychologique :anxiété, phobie, histrionisme, dépression ; survenue dansles grandes surfaces, dans la foule ; intrication possibleavec un trouble initial neurologique comme un syndromevestibulaire ; normalité des examens paracliniques.■

1. Interrogatoire Il recherche une sensation d’instabilité vécue le plussouvent comme une démarche ébrieuse ; une maladressedes membres supérieurs ; un tremblement.

2. Examen de la postureLes troubles posturaux ne sont pas aggravés à la fermeturedes yeux.À la station debout, il existe des oscillations en toutsens, une danse des jambiers antérieurs, un élargissementdu polygone de sustentation.La marche est titubante, ébrieuse et bruyante ; les piedssont écartés, les bras sont en balancier.

3. Autres troubles moteursLes autres troubles moteurs sont une hypotonie, desréflexes pendulaires, une dysarthrie, une écriture irrégu-lière, une hypermétrie, une adiadococinésie, une asyner-gie, une dyschronométrie, un tremblement intentionnel. L’atteinte vermienne entraîne des troubles dominant surl’usage des membres inférieurs dans les activités auto-matiques, comme le maintien de la position debout et lamarche. L’atteinte hémisphérique donne un syndromelatéralisé sur les gestes volontaires. Le syndrome cérébelleux n’a aucune spécificité étio-logique et ses mécanismes d’atteinte sont multiples. Ilpeut s’agir d’affections aiguës comme un accident vas-culaire (fig. 4), une sclérose en plaques ou un abcès ;d’affections subaiguës ou chroniques comme unetumeur, une cause toxique (alcool, médicaments), unepathologie dégénérative, une pathologie paranéoplasique,une maladie de Creutzfeldt-Jakob, une malformationd’Arnold-Chiari. L’imagerie par résonance magnétiqueencéphalique, qui permet de bien visualiser le cervelet,est l’examen de choix dans le bilan étiologique del’ataxie cérébelleuse. En fonction des orientations dia-gnostiques, peuvent ensuite se discuter : ponction lom-baire, prélèvement en biologie moléculaire, électro-encéphalogramme…

Ataxie psychogène

L’instabilité, les chutes et toutes les présentations deperte de l’équilibre peuvent être l’expression d’untrouble somatoforme, d’un trouble de conversion ou

Neurologie

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• Les troubles de l’équilibre sont liés à une atteintede l’un des systèmes participant au contrôlepostural. On les retrouve en pathologie péri-phérique ou centrale et dans de multiples causes.

• Les troubles de l’équilibre liés à une atteinte des systèmes d’information, ataxies vestibulairesou sensitives, sont aggravés à la fermeture des yeux. Les troubles de l’équilibre liés à une atteinte des systèmes de contrôle commeles ataxies cérébelleuses ou l’astasie-abasiefrontale ne sont pas aggravés à la fermeture des yeux. L’épreuve de Romberg est donc une étape importante de l’examen clinique.

Points Forts à retenir

Aimard G, Vighetto A. Neuropsychiatrie clinique : du symptômeau diagnostic. Paris : Medsi McGraw-Hill, 1987.

Massion J. Fonction motrices. Encycl Med Chir. Paris : Neurologie,17-002-D-10, 1994.

Pérennou D, Bénaïm C, Rouget E, Rousseaux M, Blard JM, PélissierJ. Posture et équilibre après accident vasculaire cérébral : désavanta-ge de l’hémisphère droit. Rev Neurol (Paris) 1999 ; 155 : 281-90.

Perrin C. Le vertige. Histoire et actualité. Paris : Louis Pariente,1998.

Shmitt J. Troubles de la coordination. Encycl Med Chir. Paris :

POUR EN SAVOIR PLUS

Accident vasculaire cérébelleux. Image IRM T2 mon-trant un hypersignal cérébelleux de topographie paramédia-ne droite en rapport avec une lésion ischémique du vermiscérébelleux. Cette patiente de 63 ans présentait une ataxiecérébelleuse.

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Acteurs du contrôle postural

Le contrôle postural est l’exemple même d’un système sensori-moteurcomplexe qui fait intervenir des organes sensoriels périphériques, desstructures d’intégration, des voies motrices et des structures derétrocontrôle (schéma). Sa finalité est d’assurer l’équilibre qui estsoumis à la nécessité physique de maintenir la projection au sol ducentre de gravité à l’intérieur du polygone de sustentation, tant enconditions statiques que dynamiques.

Informations sensorielles

Le système postural utilise différentes informations sensorielles.

Entrées sensitives

La somesthésie est représentée par la résultante de toutes les informations qui nous renseignent sur le positionnement de notrecorps. Elle repose sur l’intégrité des sensibilités profonde et super-ficielle. Dans la fonction d’équilibration, c’est la sensibilité profondequi joue un rôle de 1er plan. Elle émane de mécanorécepteurs situésdans les muscles, les tendons, les ligaments et les capsules articulaires.On la désigne sous le nom de proprioception. La plante des pieds possède la plus grande densité de récepteurs de tous types apparte-nant à cette catégorie : derme profond, muscles, tendons, articula-tions. La sensation de pression sur la voûte plantaire constitue uneinformation proprioceptive majeure puisqu’elle permet de savoir si lepoids du corps est également réparti sur les 2 pieds et si ce poidsporte davantage sur la partie antérieure ou postérieure du pied. Lamusculature de la nuque est également très richement pourvue enrécepteurs proprioceptifs.Ce système sensitif fournit des informations concernant le tonusmusculaire, la position et le déplacement du corps par rapport au solet de la tête par rapport au corps.

Entrées vestibulaires

Le vestibule est un organe pair et symétrique, situé dans le labyrinthemembraneux postérieur de l’oreille interne, lui-même logé dans le labyrinthe osseux du rocher de l’os temporal. Ce labyrinthe membraneux postérieur est constitué d’une cavité centrale, le vestibule proprement dit, comprenant 2 vésicules, l’utricule et le saccule, où aboutissent 3 canaux semi-circulaires. On distingue 2 types anatomiques et fonctionnels de récepteurs vestibulaires : les crêtes ampullaires des canaux semi-circulaires et lesmacules de l’utricule et du saccule. Les crêtes ampullaires sont sen-sibles aux accélérations angulaires de la tête, c’est-à-dire aux mouve-ments de rotation de la tête. On parle de récepteurs « canalaires ».Les macules utriculaires et sacculaires sont sensibles d’une part, aux accélérations linéaires de la tête, c’est-à-dire aux mouvements detranslation de la tête et, d’autre part, à la position de la tête par rapportà la gravité. On parle de récepteurs « otolithiques » Les récepteurssensoriels transmettent au neurone vestibulaire un signal correspondantà la position ou au déplacement de la tête dans l’espace.

Entrées visuelles

La vision est un outil essentiel pour la construction et le contrôle de lareprésentation d’un monde environnant nécessaire à la fonction d’équili-bration. Cette fonction est notamment sous-tendue par la vision périphé-rique sensible aux changements relatifs de position ou de vitesse de l’envi-ronnement extérieur par rapport au sujet : c’est le système optocinétique. Les différents systèmes sensoriels sont source d’informations complé-mentaires et non redondantes. Par exemple, le système vestibulaire ren-seigne sur les rotations brèves de la tête à haute fréquence, alors que lesystème optocinétique devient prédominant pour les mouvements lentset prolongés de la tête. Surtout, toutes ces informations sont intégréesà différents niveaux du système nerveux, comparées et analysées pour laconstruction d’un modèle interne de représentation du corps dans l’espace.

POUR APPROFONDIR

Tonus posturalréflexe myotatique

Ajustements posturauxautomatiques

Ajustements posturauxanticipés

Centre intégrateurmédul la i re

Moelle épinièreMotricité réflexe

Centre intégrateurdu tronc cérébralNoyaux vestibulairesMotricité automatique

Centre intégrateur cort ica lCortex temporo-pariétal

postérieurMotricité volontaire

Afférences vestibulaires

Afférences proprioceptives

Afférences visuelles (optocinétique)

Système de contrôleCervelet

CONTRÔLE POSTURAL

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Neurologie

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Différents niveaux de réponse motrice

À partir de ces différents organes sensoriels, le système postural élaboredes réponses motrices issues principalement de la musculature anti-gravitaire de maintien statique de la position debout et de la mus-culature permettant des ajustements posturaux nécessaires en condi-tions dynamiques. Les réponses motrices dépendent de 3 systèmessensori-moteurs localisés à différents niveaux d’organisation du systèmenerveux.

Au niveau médullaire : motricité réflexe

Le tonus des muscles antigravitaires est dépendant des réflexes myo-tatique et d’étirement qui, pour toute traction passive sur un muscle,génèrent une contraction immédiate mettant en jeu un arc réflexecourt. Ces réflexes sont sous le contrôle de structures supramédullairescomme les voies vestibulo-spinales qui ainsi modulent le tonus de lamusculature antigravitaire.

Au niveau des noyaux vestibulaires du tronc cérébral :

motricité automatique

Les noyaux vestibulaires sont situés à la partie postéro-latérale de lajonction bulbo-protubérantielle. Ils reçoivent des afférences issuesdes systèmes somesthésiques, vestibulaire et visuel. Les informationssensorielles, issues des récepteurs proprioceptifs de la musculaturedu cou renseignent sur les mouvements et la posture de la tête parrapport au corps. Les informations visuelles issues du système opto-cinétique renseignent sur le mouvement relatif du sujet par rapport àl’environnement (nystagmus des trains). Les afférences vestibulairesdonnent des informations sur les mouvements et la position de latête par rapport à la gravité. Grâce à ces informations multimodales,les noyaux vestibulaires sont capables d’élaborer à leur niveau unereconstruction de la position de la tête par rapport au corps et à l’environnement extérieur ainsi que d’élaborer des réponses com-

pensatrices posturales. Les réponses motrices de ce deuxième niveaudu système de contrôle postural sont à destination médullaire par lesvoies vestibulo- et réticulo-spinales contrôlant le tonus et les ajustementsposturaux de la tête, du cou, du rachis et des racines des membresinférieurs. Ce système de contrôle de la posture permet d’induire desréponses posturales automatiques en réaction à des déplacements ducorps dans l’environnement extérieur.

Au niveau cortical : motricité volontaire

Le cortex pariétal postérieur reçoit des informations multimodalessensitives, visuelles et vestibulaires. Les informations vestibulairessont intégrées avec les autres informations sensorielles dans la régionpariéto-insulaire postérieure, dite « cortex vestibulaire ». Cette intégration corticale d’informations multimodales participeraitnotamment au sein du cortex pariétal postérieur droit à l’élaborationd’un modèle interne de représentation du corps dans l’espace nécessaire à différents actes moteurs et notamment aux ajustementsposturaux anticipés. Les lobes pariétaux sont étroitement inter-connectés avec les régions des lobes frontaux où sont initiées lescommandes des actes moteurs. Ces voies corticales permettent d’initier des ajustements posturaux anticipés lors de mouvementsvolontaires modifiant la position du centre de gravité du corps dansl’espace environnant.

Systèmes de contrôle : le cervelet

Les voies motrices efférentes sont finalement sous la dépendanced’une boucle de rétrocontrôle installée en dérivation : le cervelet. Le cervelet médian (vermis cérébelleux) intervient dans le contrôledu tonus postural afin de l’adapter aux nécessités des motricitésvolontaires, automatiques et réflexes. Le cervelet inférieur reçoit aussi des informations multimodales vestibulaires, proprioceptives et visuelles et intervient dans l’adaptation et les ajustements

POUR APPROFONDIR (SUITE)

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NeurologieA 51

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Les chutes surviennent plus volontiers chez des sujetsvivant seuls au domicile.Il s’agit de la 2e cause d’appel du médecin en institutionet de la 3e cause de consultations aux urgences.Environ 10 à 12 % des chutes ont des conséquences traumatiques représentées pour la moitié par des fractures.Le risque de rechuter est multiplié par 20 après une première chute. La morbidité est considérable et estimpliquée à des degrés divers dans un tiers des hospita-lisations des plus de 70 ans. C’est une des premièrescauses d’institutionnalisation et l’on estime que 40 %des personnes qui chutent seront institutionnalisés enraison de leur réduction d’autonomie.La mortalité est impressionnante. C’est la premièrecause de décès accidentel en gériatrie (supérieure audécès par accident de la route) ; 20 à 25 % des sujetsayant chuté décèdent dans l’année qui suit. Cette pro-portion augmenterait à 50 % en institution.Chuter est donc un facteur de mauvais pronostic contrelequel il faut lutter avec vigueur.

Vieillissement de l’équilibre et de la marche

Le maintien de la posture lors d’une action statique oudynamique est un mécanisme complexe qui fait appel àdifférents éléments du système nerveux et de l’appareillocomoteur.Lors de la sénescence, il existe une altération de cesafférences et efférences. Les organes sensoriels (vue etaudition) sont moins performants et responsables d’uneperception déficiente de l’environnement. Le systèmevestibulaire devient moins sensible aux stimulationsrapides et complexes. La proprioception musculaire etarticulaire est plus faible notamment au niveau desmembres inférieurs. La vitesse d’intégration des infor-mations de posture est, elle aussi, ralentie, surtout lorsdes tâches complexes. La réponse effective sera de qualitémoindre lorsqu’il existe une réduction de la force mus-culaire et de l’amplitude des mouvements articulaires.On observe alors une altération des performances à lamarche tant au niveau de la rapidité d’exécution qu’auniveau de l’endurance. Le sujet âgé présente un ralentis-sement de la vitesse de marche par un raccourcissement

Épidémiologie

Un tiers des personnes de plus de 75 ans se plaint demanque d’équilibre et de sensations d’instabilité aulever du lit et à la marche.On estime que 30 % des personnes âgées de plus de 65 ans vivant à domicile font au moins une chute dansl’année. Ce chiffre passe à 50 % pour les plus de 85 ans.L’incidence augmente de façon linéaire avec l’âge. Eninstitution, les chutes sont plus fréquentes mais la popula-tion est plus dépendante physiquement et psychiquement. La rapport est de 2 femmes pour 1 homme. Quatre-vingt-cinq pour cent des chutes se font dans la journée,dans les pièces les plus utilisées : chambre et salle àmanger au domicile, chambre et salle de bain en milieuinstitutionnel.

Troubles de la marche et chute du sujet âgéOrientation diagnostique

DR Nathalie FAUCHER, DR Laurent TEILLET, DR Michel ROGER

Hôpital Sainte-Périne, 75016 Paris.

• En gériatrie, la chute est un symptôme fréquent qu’il ne faut pas banaliser. Lorsqu’elle survient dans un contexte de malaise ou de perte de connaissance,la prise en charge est souvent rapide pour la recherche d’une étiologie mais quand elle paraît purement mécanique,les investigations nécessaires risquent de manquer. Pourtant, chuter n’est pas normal chez la personne âgée et toute chute a une ou des causes qu’il convient de dépister et des conséquences qu’il faut prévenir.

• Certes, il existe un certain degré de vieillissement des fonctions liées à l’équilibre et à la marche mais ce n’est pasune explication définitive. La chute est souvent multifactorielle chez dessujets âgés polypathologiques et polymédiqués.Les conséquences débordent largement l’aspecttraumatique initial et peuvent aller jusqu’à la phobie de la marche, la grabatisation,l’institutionnalisation et le décès.Elles représentent un enjeu économique et social majeurs par la morbidité, la mortalitéet les coûts qu’elles génèrent.

Points Forts à comprendre

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du pas avec une réduction du temps d’appui monopodal,une trajectoire moins régulière, un écartement modérédes pieds avec réduction de l’élévation des pointes, unelégère flexion du tronc en avant, une diminution du bal-lant des bras, le tout pour tendre vers une plus grandestabilité.

Étiologie

Les causes de chutes chez le sujet âgé sont le plus souventvariées et intriquées. L’existence de troubles de lamarche est fréquente dans de nombreuses pathologiesresponsables de chutes. Il est nécessaire de distinguerles chutes mécaniques par obstacles (causes extrinsèques)et les chutes dues à un malaise ou à une maladie (causesintrinsèques).

Causes extrinsèques

Les causes environnementales sont à l’origine de 30 à50% des chutes. Ce sont des chutes accidentelles d’originemécanique. Elles surviennent volontiers au domiciledans les pièces les plus utilisées : salle à manger,chambre à coucher, mais aussi escalier.On recherche des facteurs favorisants :– un éclairage de mauvaise qualité surtout dans les

couloirs ou les escaliers ;– l’absence de lumière lors du lever nocturne ;– un sol instable, glissant (parquet trop ciré, carrelage

mouillé, tapis non fixé, descente de lit) ou irrégulier(planchers inégaux, tapis usé, barre de seuil, dénivel-lation imprévue comme la première ou la dernièremarche de l’escalier) ;

– un obstacle imprévu (meuble déplacé, fils de téléphoneou de lampe, objet qui traîne, animal domestique) ;

– des meubles inadaptés (branlant, lit trop haut, roulettesnon freinées) ;

– des efforts déséquilibrants ou risqués (escabeau,échelle, montée sur une chaise…).

En institution, les chutes surviennent essentiellementdans la chambre, la salle de bain ou lors des transferts.On retrouve certains facteurs de risque environnementauxcommuns au domicile mais, le plus souvent, ils sontassociés à des causes intrinsèques.À l’extérieur, il s’agit d’accidents de la voie publiqueavec collision d’un tiers (voiture, vélo, moto), avec obs-tacle (dénivellation d’un trottoir, poubelles, excrémentsde chien), bousculade, difficulté à se hisser dans un bus,agression.On inspecte aussi le chaussage car lorsqu’il est inadapté,il peut être responsable de chute : chaussons qui ne tiennent pas le pied, chaussures trop serrées ou troppetites, absence de talon ou talon trop haut.

Causes intrinsèques

Elles sont le plus souvent découvertes lors d’un interro-gatoire et d’un examen clinique minutieux.

1. Causes cardiovasculaires

Elles représentent environ 25 % des causes des chuteschez le sujet âgé et peuvent s’accompagner d’un malaise.• En premier lieu, l’hypotension orthostatiquequi estprésente chez 1 sujet âgé sur 4. Elle se définit commeune chute de la tension artérielle lors du passage de lastation couchée à la station debout d’au moins 20 mmHg. Elle entraîne une baisse de débit cérébral parmauvaise adaptation à l’orthostatisme. Elle est favoriséepar le vieillissement de l’arc baroréflexe (diminution dela sensibilité des barorécepteurs et de la réponse du système rénine-angiotensine) et majorée en post-prandial.Lorsqu’elle est symptomatique, elle s’accompagned’une sensation de fatigue, de flou visuel, de vertiges.On pratique la mesure au moins 5 min après un repos en décubitus, immédiatement au lever puis au bout de 2 min avec la prise du pouls concomitante.Quand la fréquence cardiaque s’accélère, il s’agit d’unehypotension d’origine hypovolémique ; si elle ne bougepas, on évoque un trouble de conduction cardiaque ouune dysfonction autonomique (Parkinson, diabète). Leplus souvent l’hypotension est multifactorielle et sescauses sont variées : alitement prolongé, troubles hydro-électrolytiques (hyponatrémie, hypokaliémie), insuffi-sance veineuse, hypovolémie (anémie, déshydratation),neuropathies, certains médicaments (antiparkinsoniens,antihypertenseurs, antidépresseurs). • Les troubles du rythme ou de la conduction(blocauriculo-ventriculaire complet, fibrillation ou flutterauriculaire, maladie de l’oreillette, maladie du sinus,tachycardie ventriculaire ou bradycardie) peuvent êtreresponsables de chutes notamment lors des changementsde rythme avec parfois des syncopes à l’emporte-pièce.Les syncopes d’effort associées à un souffle cardiaquesystolique évoquent un rétrécissement aortique serré.• Les syncopes vasovagalessurviennent avec des pro-dromes (pâleur, sueur, sensation de perte de connaissance)lors d’un stress émotionnel ou douloureux. La perte deconnaissance est brève.

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❑ Hypotension orthostatique❑ Troubles du rythme cardiaque ou de la conduction❑ Rétrécissement aortique❑ Anémie, hypoxie, hypoglycémie…❑ Accident vasculaire cérébral, accident ischémique transitoire❑ Vertiges❑ Épilepsie❑ Insuffisance vertébro-basilaire❑ Médicaments

Étiologie des chutes accompagnées de malaises

TABLEAU I

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logie dans l’hydrocéphalie à pression normale souventprécédée par l’apparition de troubles urinaires et intel-lectuels. Au maximum, la marche devient quasimentimpossible lors d’une astasie-abasie.Le syndrome cérébelleux se traduit par un élargissementdu polygone de sustentation, une augmentation destemps d’appui, une démarche ébrieuse. Il s’agit le plussouvent d’une atteinte vasculaire (syndrome deWallenberg) ou dégénérative (atrophie olivo-ponto-céré-belleuse).L’existence de paresthésies uni- ou bilatérales desmembres inférieurs, suivant un trajet radiculaire,apparaissant à la marche, est caractéristique d’un canallombaire étroit.Les polyneuropathies (diabète, myélopathie cervicar-throsique…) donnent une marche sinueuse, talonnanteavec perte de la sensibilité du sol et pas brusques et irréguliers.Les atteintes neurologiques périphériques peuvent donner des chutes. Une paralysie du sciatique poplitéexterne se traduit par un steppage, une paralysie du crural par un dérobement du genou.Les troubles de la marche existent aussi à un stade évo-lué de la maladie d’Alzheimer avec une démarcheinstable, irrégulière. Il s’agit d’une véritable apraxie quis’inscrit dans le cadre d’une atteinte sévère (troubles dujugement, de l’attention, de la mémoire…).Chez nos patients âgés, il peut exister des séquelles depoliomyélite avec des troubles de la marche et deschutes.

3. Causes ostéo-articulairesElles sont responsables de troubles de la marche plus ou moins sévères et sont souvent douloureuses.• Les plus fréquentes sont les atteintes arthrosiques dégénératives touchant la hanche et le genou.La coxarthrose se traduit par une boiterie de hancheavec déficit du moyen fessier et la gonarthrose par undérobement du genou. Les enraidissements de la chevilledonnent une marche avec défaut de déroulement du piedau sol et mauvaise adaptation aux obstacles.Les séquelles d’intervention chirurgicale sur la hanchepeuvent être responsables d’un raccourcissement oud’un allongement du membre, de douleurs résiduelles,d’une persistance de la rotation externe, d’une faiblessedu moyen fessier et entraîner une boiterie de hanche,génératrice de chute.Les fractures passées inaperçues lors d’un traumatisme(fracture engrenée de hanche, bassin, sacrum) sont res-ponsables de douleurs et de troubles de la marche.Les polyarthrites comme la chondrocalcinose articulaire(genou ou cheville), plus fréquente que la goutte, don-nent une impotence fonctionnelle douloureuse avecrisque de chute. Dans la polyarthrite rhumatoïde et dansla pseudopolyarthrite rhizomélique, l’atteinte des ceintures notamment pelvienne (sacro-iliaque) limite lestransferts assis-debout et entrave la marche.L’association à un syndrome inflammatoire et à unealtération de l’état général oriente le diagnostic.

Les syncopes réflexes peuvent être liées à la toux (ictuslaryngé), à la miction, à la défécation mais restent desdiagnostics d’élimination.• Au décours d’une embolie pulmonaire,d’un infarctusdu myocarde, d’un angor syncopal, d’une cardiomyopathieobstructive, d’un myxome de l’oreillette, peut survenirun malaise responsable d’une chute.

2. Causes neurologiquesElles sont responsables de chutes par perte de connais-sance ou par troubles de l’équilibre ou de la marche.La survenue d’un accident ischémique transitoire d’originecarotidienne ou vertébro-basilaire ou d’un accident vasculaire cérébral constitué peut se traduire par untrouble postural aigu avec chute.L’existence de vertiges et (ou) d’étourdissements peutêtre responsable de chutes (8 % des cas). Il s’agit de vertiges positionnels très brefs, violents, répétitifs,déclenchés par les mouvements brusques de la tête et(ou) les variations de position du corps, ou de vertigesassociés à une sensation durable d’instabilité de lamarche. Ils sont centraux (insuffisance vertébro-basilaire,lésions tumorales, hydrocéphalie à pression normale,hématome sous-dural) ou périphériques (neurinome,syndrome de Ménière, vertige paroxystique bénin, iatro-génie). Les drop-attakssont des chutes brusques, sansprodrome et sans perte de connaissance causées par unefaiblesse soudaine des membres inférieurs. Ellesseraient le témoin d’une insuffisance vertébro-basilaireet seraient déclenchées par les mouvements brusques dela tête (flexion-rotation).Lors d’un état confusionnel, le sujet âgé perd ses repèreshabituels et risque de chuter d’autant plus qu’il existeune prise médicamenteuse associée ou un changementde lieu (hospitalisation).L’altération des fonctions cognitives est un facteur derisque propre de chute : il est majoré par la prise de sédatifsou de psychotropes.La survenue d’une crise d’épilepsie sur des lésions vas-culaires séquellaires ou sur un état démentiel plus quesur une atteinte tumorale peut être responsable de chute. Les anomalies de la marche sont corrélées aux risquesde chutes : on retrouve essentiellement les séquellesd’hémiplégies avec fauchage du membre inférieur, pieden varus équin entraînant un hyper-appui au bord externede l’avant-pied et une instabilité latérale de la cheville.Dans la maladie de Parkinson, la marche se fait à petitspas avec piétinement devant l’obstacle, perte du ballantdes bras, tendance à la rétropulsion avec flexum dehanche et de genou. Dans la maladie de Steele,Richardson et Olszewski, les troubles posturaux sontplus précoces, intenses et aggravés par l’existence d’une rigidité axiale.Dans les états lacunaires, la marche est lente à petits pasavec pieds collés au sol. Les risques d’accrochage de lapointe du pied sur les obstacles et de chute en arrièresont importants. L’association à une atteinte des fonctions supérieures de type vasculaire fait suspecter lediagnostic. On peut rencontrer cette même symptomato-

Neurologie

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Page 175: La Revue Du Praticien-Neurologie

• Les problèmes podologiques sont fréquentschez lesujet âgé et souvent négligés. Le médecin traitant n’ypense pas toujours et le patient peut présenter quelques difficultés pour se pencher sur ses pieds et les inspecter.La marche est rendue douloureuse, précautionneuse,voire instable avec perte d’appui correct du pied au solpar des déformations comme le hallux valgus, les orteilsen griffe, les pieds plats, les onychomycoses. Certainstroubles de la statique du rachis comme une vieillecyphoscoliose entraînent une démarche en antépulsionparfois risquée.

4. Causes sensoriellesIl s’agit essentiellement des atteintes visuelles (cataracteet dégénérescence maculaire liée à l’âge) et auditives(presbyacousie). L’altération de ces fonctions entraîneune moins bonne adaptation à l’environnement et unemarche hésitante à petits pas. L’examen des lunettes estimportant car si elles sont mal adaptées à la vue, ellespeuvent faire chuter.

5. Causes métaboliquesL’existence d’une anémie aiguë, d’une déshydratation,d’une hyponatrémie est responsable d’une hypovolémiegénératrice de chute. L’hypoglycémie provoque des vertiges ou des étourdissements, plus ou moins sévèresselon son degré, avec risque de perte de connaissance et de chute. Une anémie chronique peut se traduire par une sensation vertigineuse. L’hypothyroïdie et l’insuffisance surrénale entraînent des hypotensions etune asthénie. Dans l’hyperthyroïdie, il existe une faiblesse musculaire proximale responsable de chutesdans certains cas. L’hypokaliémie liée à une diarrhéechronique, une maladie de Cushing favorise la faiblessemusculaire et donc les chutes de même que les dyscal-cémies. Un sujet âgé dénutri qui a une amyotrophie plusou moins marquée et une faiblesse musculaire chuteplus aisément.La chute peut donc être le témoignage d’affectionsgénérales multiples et parfois masquées : pneumopathie,infection urinaire.

6. Causes iatrogéniquesDevant une chute avec ou sans malaise, il faut suspecterune étiologie médicamenteuse. L’existence de pathologiesmultiples aboutit à des ordonnances très chargées,méconnues par les coprescripteurs. Le sujet âgé a fré-quemment recours à l’automédication. De nombreuxtraitements peuvent être responsables de chutes. • Les médicaments cardiovasculaires :– digitaliques, bêtabloquants, antiarythmiques : troubles

du rythme et (ou) de la conduction ;– diurétiques : hypovolémie, hypotension orthostatique,

troubles hydroélectriques, asthénie ; – antihypertenseurs : hypotension orthostatique et asthénie.• Les psychotropes tels les antidépresseurs, neuroleptiques,anxiolytiques, hypnotiques entraînent, selon le type, unesomnolence, un relâchement du tonus musculaire, unehypotension orthostatique, des troubles du rythme.

• Les antiparkinsoniensgénèrent une hypotensionorthostatique, troubles du rythme.• Les anticonvulsivantsentraînent somnolence ethypotension orthostatique.• Les antidiabétiques oraux et l’insulinesont caused’hypoglycémie.• Les anticoagulants :anémie.• Les anti-inflammatoires non stéroïdiens :entraînentanémie et sensations vertigineuses.Cette liste n’est pas exhaustive.Il ne faut pas méconnaître l’intoxication éthylique aiguë ou chronique et, dans un contexte particulier de chauffage au gaz ou de précarité, l’intoxication àl’oxyde de carbone.

7. Causes psychiatriquesL’hystérie est un diagnostic d’élimination et les chutessont souvent spectaculaires, théâtrales, sans aucun traumatisme.La chute, symptôme d’appel, peut démasquer unedépression sous-jacente. Lors d’une pathologie intercurrente, d’une hospita-lisation avec rupture du milieu habituel, une véritablerégression de la marche avec anxiété majeure, rétro-pulsion et opposition peut apparaître. Cette attitude derefus se retrouve dans le syndrome post-chute.

T R O U B L E S D E L A M A R C H E E T C H U T E D U S U J E T Â G É

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❑ Hypotension orthostatique

❑ Troubles du rythme

❑ Séquelles d’hémiplégies

❑ Accident ischémique transitoire

❑ Syndrome parkinsonien

❑ Neuropathies périphériques

❑ Canal lombaire étroit

❑ Épilepsie

❑ Hydrocéphalie à pression normale

❑ Démences et syndrome confusionnel

❑ Pathologies des articulations portantes

❑ Déséquilibres orthopédiques du tronc

❑ Affections podologiques

❑ Troubles sensoriels

❑ Troubles métaboliques : anémie, déshydratation,hypoglycémie

❑ Iatrogénie

❑ Syndrome de régression psychomotrice

Principales pathologies responsables de chute chez la personne âgée

TABLEAU II

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Examen clinique

L’examen clinique permet de faire le bilan d’éventuellesatteintes traumatiques et recherche des points d’appel. Il est systématique appareil par appareil. • Examen cardiovasculaire :on prend la tension et lepouls couché/debout, aux deux bras à la recherche d’unehypertension, d’une hypotension artérielle orthostatique,d’une asymétrie tensionnelle (vol sous-clavier), d’unrythme irrégulier.L’auscultation cardiaque recherche une tachycardie, unearythmie, une bradycardie, un souffle évocateur d’uneatteinte valvulaire. Les trajets vasculaires sont aussi auscultésà la recherche de souffle. On élimine des signes d’insuf-fisance coronaire, d’infarctus du myocarde ou d’emboliepulmonaire. On examine les jambes et les mollets afin denoter l’existence de varices et d’insuffisance veineuse.• Examen neurologique :on recherche des troubles dela vigilance (obnubilation, confusion post-critique),l’apparition d’un déficit moteur (hémiplégie franche,hémiparésie…), d’une atteinte musculaire, d’une para-lysie faciale avec troubles de l’élocution, des troubles dela sensibilité superficielle et profonde, un syndromeextrapyramidal, cérébelleux.On précise la présence d’une pathologie préexistante,maladie de Parkinson, séquelles d’accident vasculairecérébral.Les fonctions intellectuelles sont à évaluer à larecherche d’une déficience cognitive type Alzheimer,d’une démence vasculaire (mini mental testde Folstein).• Examen ostéo-articulaire :on étudie la statique dutronc, un éventuel raccourcissement de membre, lamobilité de toutes les articulations à la recherche dedouleur, de limitation, de raideur, d’instabilité, d’attitudevicieuse (flessum de hanche, du genou, équinisme), laforce musculaire et l’on examine de façon attentive lespieds et le chaussage.Marche et équilibre étant intimement liés, on se penchede façon très précise sur l’analyse de ces derniers. Onobserve la station debout, le passage de la position assiseà la position verticale, la montée et la descente dequelques marches, la réalisation d’un demi-tour. Onnote la vitesse, la longueur, la hauteur du pas, le balan-cement des bras, la régularité de la trajectoire, le dérou-lement du pas.L’équilibre est exploré :– par la manœuvre de Romberg yeux ouverts et fermés ;– par la mesure d’appui monopodal ;– par les réactions à la poussée brusque vers l’avant,

vers l’arrière et latéralement.Pour être systématique, on peut s’aider de test d’évaluationde l’équilibre et de la marche. Le plus simple et le plusrapide est le Get up and go test. On cote l’épreuve de 1 à5 en la chronométrant :– évaluation de l’équilibre assis droit sur une chaise à

dossier ;– évaluation du lever sur une chaise à accoudoirs ;– évaluation de la marche et de l’équilibre sur 3 m ;– évaluation de l’équilibre pendant un demi-tour ;

Évaluation du patient chuteur

L’interrogatoire et l’examen clinique du sujet âgé chuteur sont les points clés de la démarche diagnos-tique.

Interrogatoire

L’histoire n’est pas toujours simple à reconstituer, s’ilexiste une atteinte traumatique et (ou) vitale qui prédo-mine, un état démentiel ou même anxieux. L’entourageapporte alors un témoignage précieux. Si le sujet étaitseul, il faut avec patience rechercher tous les détailsutiles.On essaye tout d’abord de reconstituer de façon préciseles circonstances de survenue de la chute :– Où s’est-elle produite ? à la maison et dans quelle

pièce ? dans le jardin ? dans la rue ?– À quelle heure ? le jour ou la nuit ?– Était-elle précédée de prodromes ou de symptômes

évocateurs (sueurs, vertiges, palpitations, troublesvisuels, parésie…) ?

– Était-elle brutale, spontanée ou provoquée par un obstacle ?

– Y a-t-il des facteurs déclenchants (mouvementsbrusques de la tête, lever…) ?

– Y a-t-il eu un malaise préalable à la chute ?– Y a-t-il eu des mouvements anormaux (interrogatoire

de l’entourage) ?– Est-ce la première chute ou existe-t-il la notion de

chute à répétition ?– Quels sont la durée de la chute et surtout le temps

passé au sol ?– La personne a-t-elle eu la possibilité de se relever

seule ?On doit préciser les antécédents médicaux et chirurgi-caux du patient, les pathologies en cours qui peuventorienter vers une piste étiologique et bien sûr la prise demédicaments.

Neurologie

1249L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

❑ 3 chutes durant l’année précédente

❑ 1 chute avec blessure durant l’année précédente

❑ Difficulté à se lever d’une chaise

❑ Anomalie de l’équilibre et de la marche

❑ Hypotension orthostatique

❑ Faiblesse musculaire

❑ Problèmes podologiques

❑ Atteinte cognitive

❑ Usage de psychotropes

Facteurs de risque de chute

TABLEAU III

Page 177: La Revue Du Praticien-Neurologie

– évaluation du retour à la chaise et à la position assise.Un test inférieur à 20 s est corrélé avec la possibilitéd’aller à l’extérieur sans danger. Un test supérieur à 30 s traduit le plus souvent une impossibilité de sortirsans aide.Le test de Tinetti est plus détaillé et plus complexe. Ilcomporte une série d’épreuves statiques et dynamiques(tableau IV) cotées de 1 à 3 ; 2 items sont particulière-ment sensibles : l’incapacité de tenir au moins 5 min sur1 jambe en ce qui concerne l’exploration de l’équilibreet l’impossibilité de réaliser un demi-tour sans s’arrêterpour ce qui concerne l’évaluation de la marche. L’intérêt de cette évaluation est de dépister précocementla présence d’une incapacité et de prévenir les chutes parla rééducation.On remarque pendant ces épreuves de marche des mani-festations de peur, d’anxiété, de refus de marcherseul(e), d’agrippement au médecin ou aux meubles alentour, une fatigabilité, une pâleur…On complète l’examen clinique par l’étude des organessensoriels : existence d’une pathologie visuelle, delunettes bien adaptées, d’une surdité appareillable ou non.

On recherche des signes d’anémie, de déshydratation,de dysthyroïdie, de diabète…En fonction de l’hypothèse diagnostique, on réalise certains examens complémentaires soit au domicile soiten milieu hospitalier si nécessaire. Le bilan biologiquerepose sur la numération formule sanguine (NFS), l’iono-gramme sanguin, la glycémie, les hormones thyroï-diennes. L’électrocardiogramme (ECG) oriente vers untrouble du rythme ou de la conduction. On peut le compléter par un Holter-ECG, voire une exploration dufaisceau de His. L’échocardiographie recherche une cardiopathie, une atteinte valvulaire. L’écho-doppler destroncs supra-aortiques dépiste une atteinte athéromateusecarotidienne. Devant la suspicion de crise comitiale, onfait un électroencéphalogramme (EEG). Le scannercérébral retrouve un hématome sous-dural, un infarctusrécent ou ancien, une tumeur, une hydrocéphalie à pression normale. Les radiographies standard retrouventdes lésions ostéo-articulaires.

Conséquences de la chute

Elles sont immédiates et alors facilement décelables ouinsidieuses à plus long terme atteignant le pronosticfonctionnel et psychique du sujet âgé.• Les conséquences à court termesont essentiellementtraumatiques. Ce sont les fractures de hanche, de bassin,d’épaule, de poignet, qui nécessitent l’hospitalisationpour un traitement orthopédique et (ou) chirurgical ainsique les plaies parfois à suturer (penser à la vaccinationantitétanique). La station au sol pendant plusieursheures sans pouvoir se relever entraîne une rhabdomyo-lyse avec hypothermie, lésions cutanées, déshydratation,insuffisance rénale, surinfection. Cette incapacité à serelever retentit sur le psychisme du patient : angoisse,anxiété, peur de rester seul, sentiment d’incapacité.L’existence d’un séjour au sol supérieure à 1 h est unfacteur de mauvais pronostic. La moitié des chuteurs quiont passé plus de 1 h au sol décèdent dans les 6 mois. • À moyen terme,l’hospitalisation entraîne une modifi-cation des repères avec risque de confusion, d’agitation.L’alitement prolongé peut être responsable de thrombosesveineuses, d’escarres, d’infection, de déshydratation, dedénutrition, d’amyotrophie.Il faut penser à l’hématome sous-dural devant tout chan-gement de comportement du sujet âgé qui survient dansles heures ou les jours suivant la chute.• Enfin, à long terme,on se trouve face à certainspatients phobiques de la marche avec apparition d’unsyndrome de régression motrice post-chute. La rétropul-sion perturbe ou empêche la station debout et la marche.Le patient se tient en arrière et a tendance à glisser deson fauteuil. On observe souvent un flessum deshanches et des genoux, une hypertonie oppositionnelleet une anxiété majeure.Seule une prise en charge précoce permet de prévenir ce syndrome qui aboutit sinon à une grabatisation progressive entraînant l’institutionnalisation.

T R O U B L E S D E L A M A R C H E E T C H U T E D U S U J E T Â G É

1250 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

Épreuves statiquesChaque item est coté 1 : normal / 2 : compensé / 3 : anormal

❑ équilibre assis droit sur une chaise❑ attitude en se levant du siège❑ équilibre debout juste après s’être levé❑ équilibre debout pieds joints, yeux ouverts❑ équilibre debout pieds joints, yeux fermés❑ debout, tour à 360 ˚ sur lui-même, yeux ouverts❑ debout, pieds joints, résistance à 3 pressions succes-sives sur le sternum❑ équilibre debout après rotation de la tête❑ appui monopodal pendant 5 secondes❑ équilibre en hyperextension de la tête en arrière❑ saisir un objet sur la pointe des pieds, bras en l’air❑ se pencher en avant pour ramasser un objet❑ équilibre lorsque le patient s’assied

Épreuves dynamiquesChaque item est coté 1 : normal / 2 : anormal

❑ initiation de la marche❑ évaluation de la longueur du pas❑ évaluation de la hauteur du pas❑ évaluation de symétrie du pas❑ régularité de la marche❑ capacité à marcher en ligne droite ❑ exécution d’un demi-tour❑ évaluation de la stabilité du tronc❑ évaluation de l’espacement des pieds lors de la marche

Test de Tinetti

TABLEAU IV

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(grimper sur un escabeau, courir pour répondre au téléphone…). La mise en place d’une téléalarme, detéléphone dans la chambre avec numéros préenregistréspermet de rassurer un sujet qui vit seul et son entourage.L’organisation d’un réseau de surveillance pour les personnes à risque permet de rassurer et de maintenir audomicile plus longtemps.L’attitude face aux sujets âgés chuteurs en institutions’évalue au cas par cas et est un problème difficile. Ilvaut mieux éviter la station prolongée dans un fauteuil ets’investir dans la kinésithérapie d’entretien mais parfois malheureusement il n’existe pas d’autre solution.On doit expliquer au patient, à sa famille et aux soignants le pourquoi de cette immobilisation, sa duréequotidienne. Quant aux barrières de lit, elles peuventrassurer certains malades quand elles sont unilatéralesmais restent potentiellement dangereuses pour d’autresqui les enjambent et tombent de plus haut.La chute, événement fréquent, est souvent la somme deplusieurs facteurs qu’il convient de dépister par une évaluation diagnostique et environnementale méthodiqueet précise.La prise en charge doit être rapide afin de limiter lesconséquences à long terme sur la perte d’autonomie dusujet âgé. ■

Traitement et prévention

On essaye, en premier lieu, de traiter la cause du troublede la marche et (ou) de la chute quand cela est possibleet l’on réévalue la prise médicamenteuse.On prescrit une rééducation précoce et adaptée à lapathologie causale afin de restaurer une marche de qualitéet une confiance en soi : verticalisation avec une tiercepersonne, travail des transferts assis-debout, marche entreles barres parallèles puis avec un déambulateur, des cannes,montée et descente des escaliers, marche avec obstacles,mise en situation dans l’environnement, rééducation del’équilibre avec statique du tronc pour lutter contre larétropulsion, restauration des fonctions parachutes.Le rééducateur apprend au patient à se relever selon unetechnique précise :– se retourner du décubitus dorsal au décubitus ventral ;– se mettre à quatre pattes ;– se rapprocher d’un appui solide ;– passer en position dite « du chevalier servant » avec un

pied au sol et le genou controlatéral à terre ;– et se relever.Le médecin prescrit si besoin des aides techniquescomme le déambulateur fixe ou à roulettes, les cannesanglaises, la canne tripode, la canne en T. On utilise desorthèses plantaires, des chaussures orthopédiques, desreleveurs du pied…Un soutien psychologique est parfois nécessaire dans unsouci de réassurance et de confiance en soi pour le patientmais aussi pour la famille. Une visite à domicile permetd’évaluer les situations à risque (tapis, pièces encombréesde meubles, mauvais éclairage) et de proposer des aménagements (barre d’appui, rehausseur de toilettes…).La prévention passe par une alimentation régulière etéquilibrée, une bonne hygiène du pied, un chaussagecorrect, des exercices physiques pour maintenir la forcemusculaire et l’équilibre, l’abandon de gestes inconsidérés

Neurologie

1251L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

• La démarche diagnostique doit s’appuyer sur l’interrogatoire précis, l’examen du patientet de son cadre de vie ainsi que sur quelquesexamens complémentaires. La prévention reste fondamentale avec notamment le dépistagedes troubles de la marche.

• Il ne faut pas banaliser une chute.• Les facteurs favorisants de la nature

et de la sévérité des troubles de la marche et de l’équilibre doivent être évalués médicalement de façon rigoureuse.

• Le patient doit reprendre au plus vite la marche.• Il doit être soutenu psychologiquement.• Il faut corriger les facteurs étiologiques

et adapter l’environnement.

Points Forts à retenir

Andrieu JM, Allard M, Vellas B et al. Étude de l’équilibre et de lamarche dans une population de 390 sujets âgés vivant au domicile.Rev Geriatr 1992 ; 17 : 423-8.Bouchon JP. Malaises ou chutes chez la personne âgée : incidence,conséquences, étiologies. Sem Hop Paris 1994 ; 70 : 463-6.Nizard J, Potel G, Dubois C. Chutes et pertes d’autonomie du sujetâgé : prise en charge pratique. Concours Med 1999 ; 121-06 : 397-402.Roger M. Malaises et chutes du sujet âgé. Rev Geriatr 1987 ; 12 ; 4 : 155-8.Strubel D, Jacquot JM. Troubles posturaux du sujet âgé : méca-nismes et prise en charge. In : Pellisier J, Brun V, Engalbert M (eds).Équilibre et médecine de rééducation. Paris : Masson, 1993 : 199-206.

POUR EN SAVOIR PLUS

État des sols ❑ tapis❑ revêtements glissants

Aires de circulation❑ supprimer des meubles ❑ libérer les espaces

de circulation ❑ dissimuler les fils

de téléphone et autres

Aménagements d’appuis ❑ meubles stables❑ barres d’appui

Éclairage❑ intensité des lampes❑ accessibilité des interrup-teurs (lumineux)❑ veilleuse

Escaliers❑ rampes❑ état des marches❑ contraste visuelToilettes et salle de bain❑ tapis antidérapant❑ barre d’appui❑ siège devant le lavabo❑ sens d’ouverture

des portesMatériel d’assistance❑ téléalarme❑ téléphone sur table de

nuit (numéros précodés)❑ pince de préhension❑ siège garde-robeAccessibilité des objetsd’utilisation courante

Évaluation de l’habitat

TABLEAU V