le trolling politique : comment une pratique du web 2.0 s'est-elle immiscée dans le débat et...
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UNIVERSITE MONTPELLIER 1
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
Aurélien BELLANGER
Le « trolling » politique :
Comment une pratique du web 2.0 s’est-‐elle immiscée dans le
débat et l’arène politique ?
Mémoire de recherche pour l’obtention du
Master 1 Science Politique
Directeur : Alexandre DEZE
Avril 2013
REMERCIEMENTS
Je souhaiterais tout d’abord remercier Alexandre Dézé, pour m’avoir fait confiance dans
le cadre de la rédaction d’un mémoire sur un sujet peu conventionnel.
Je voudrais aussi remercier Dominique Cardon pour ses conseils avisés pour débusquer
le spécialiste du « Troll » qui n’est autre qu’Antonio Casilli ; ce dernier a éveillé en moi
un réel intérêt pour un sujet encore peu connu.
Je tiens également à remercier Sylvain Maretto et Lucas Riveill pour l’aide qu’ils ont pu
m’apporter, en m’orientant de la meilleure des manières dans mes recherches.
Sommaire
Introduction
Première partie – Les origines du « trolling »
Les origines du détournement en politique
Définition et fonction politique du « troll »
Renouvellement sur le web d’une ancienne pratique
Deuxième partie – Une progressive descente du web dans l’arène
politique ?
Historique de l’utilisation du web à des fins politiques
Internet use d’une symbolique de la démocratie
L’empowerment des citoyens sur internet
Entremêlement de la sphère publique/privée du politique
Troisième partie – Le trolling à l’usage des partis politiques dans la
lutte pour le pouvoir
La bataille UMP/PS
Le FN et son usage des fachosphères
La communication politique s’empare de nouvelles armes
Conclusion
Bibliographie / Webographie
1
Introduction
Le 6 mai 2012 restera une date importante dans l’histoire de la politique en
France. François Hollande est alors élu 24ème président de la République Française. Son
élection marque le coup d’arrêt de 17 ans de présidence de l’UMP, et avant 2002 du RPR.
Cette élection présidentielle arrive dans un contexte totalement nouveau, qui n’avait pas
autant d’importance lors des élections précédentes : nous sommes rentrés depuis la
dernière décennie dans l’ère du numérique et du « tous-‐connectés ».
Cette nouvelle notion incluant la technologie, est venue se greffer dans la vie de
tous les jours, et dans les usages des français. Il va alors de soit que la politique a
également évolué dans le même sens, en intégrant progressivement de nouveaux outils
de communication. Le succès de l’utilisation d’Internet depuis l’élection de Barack
Obama en 2008 n’est plus à démontrer. En effet, dorénavant toutes les campagnes
électorales ont nécessité ces nouveaux outils numériques dans le but de mieux
communiquer instantanément, mais également pour fédérer et coordonner un électorat.
Internet est donc venu se greffer progressivement à une fonction politique qui a
elle-‐même totalement évolué à l’heure ou les médias se sont élargis et ont envahi
l’attention de toute une société. Les politiques ont des interactions dorénavant
totalement différentes avec cette société, même si c’est derniers connaissent des
pratiques vieilles de plusieurs siècles. Ce qui va nous intéresser dans ce travail de
recherche, c’est justement la manière avec laquelle cette révolution numérique est
venue chambouler le fonctionnement politique, le transit de l’information, et les
relations entre les hautes sphères et la population. Pour être plus précis, c’est d’avantage
la notion de confrontation des politiques qui va nous intéresser. En effet, depuis que la
politique existe, il a toujours existé des confrontations, rivalités et autres animosités
entre les dirigeants ; d’autant plus lorsque les premiers partis politiques ont été crées.
Le développement de l’utilisation du web en politique va s’inscrire dans cette même
continuité concernant ces rivalités, utilisant désormais de nouvelles pratiques liées à la
révolution du numérique. Avant même de concerner la sphère politique, certains
individus se sont adonnés à de nouveaux usages d’Internet, et notamment dans tout ce
qui touche au débat, c’est à dire les forums, fils de discussions, site web participatifs et
2
journaux en ligne. Il y a encore eu peu de recherches scientifiques sur ces individus,
appelés « trolls ». Nous allons donc essayer de comprendre les nouveaux usages en
politiques, notamment en mettant en adéquation directe les anciennes et nouvelles
pratiques de confrontations en politique, l’évolution numérique et l’incidence qu’elle a
eu dans chez les citoyens, médias et politiques eux-‐mêmes ; tout cela pour essayer de
comprendre les apports d’Internet dans les luttes de pouvoir.
Trois grands axes se recouper sur ce sujet : tout d’abord nous allons analyser et
définir ce qu’est le « trolling ». Pour cela, il convient essentiellement de comprendre les
origines de cette pratique, et notamment les plus anciennes méthodes de lutte dans
l’arène politique, c’est à dire les obstructions parlementaires et les batailles
d’amendements. Suite à quoi nous délimiterons alors les fonctions du « troll ».
Nous verrons ensuite comment Internet est venu s’insinuer dans la vie des
citoyens, et de quelles manières a t’il pris une importance certaine dans le
fonctionnement de la vie politique actuelle. Pour cela, nous ferons un court rappel de
l’historique de l’utilisation d’Internet en politique pour en connaître l’origine, pour
ensuite se demander si cet outil est réellement démocratique. A partir de là nous
verrons ce qui a pu insuffler un nouvel intérêt des citoyens et partisans politiques via les
outils numérique, créant ainsi cette notion « d’empowerment » qui va nous intéresser
dans le cadre de cette recherche, notamment suite à l’élection de Barack Obama en
2008. Pour terminer cet axe, nous essayerons de comprendre dans quelles mesures les
sphères privées et publiques des hommes politiques ce sont entremêlées, notamment
via le web et de la médiatisation de la vie politique.
Pour terminer ce travail de recherche, nous essayerons de comprendre comment
les nouveaux usages d’Internet tels que le trolling, ont réussi à s’immiscer
progressivement dans la vie politique, et plus précisément dans le débat et la
confrontation entre les partis. Pour cela nous analyserons la bataille devenue
« classique » de l’UMP et du PS pour conquérir le pouvoir, tout en passant par les
pratiques du Front National et ses partisans, en terminant sur les nouveaux usages
utilisés dans la communication politique découlant directement de la révolution
numérique.
3
Première partie : Les origines du « trolling »
Avant de parler des origines et la naissance du trolling, il convient de revenir sur
les origines du détournement dans le débat politique. Lorsque j’emploie le terme
« détournement », il s’agit plus précisément d’un moyen utilisé lorsqu’il existe un
contexte d’opposition, qui servirait à faire durer le débat de quelconques manières.
Malgré le fait que la présente recherche s’axe particulièrement sur le rapport entre la
naissance de l’internet participatif et de son entrée dans le débat politique, il est
important de remarquer que ces phénomènes de détournements, sous différentes
appellations, existaient bien avant la naissance d’internet. Nous allons voir dans ce
premier chapitre, que cette notion a évolué avec le temps, en changeant de formes et de
noms, en commençant tout d’abord par l’exemple américain, pour ensuite s’intéresser
au cas de la France.
1. Les origines du détournement en politique
a. La naissance de l’obstruction parlementaire aux Etats-‐Unis
La pratique politique qu’est l’obstruction est née à l’origine sur le continent
américain lorsque la constitution des Etats-‐Unis d’Amérique de 1787 fut ratifiée. On
parlait alors de « Filibustering »1, qui signifierait « agir en flibustier des hémicycles ». Le
terme qui correspondra le mieux en France notamment au sujet de la pratique en elle-‐
même, sera « l’obstruction parlementaire ». A l’origine, le sens ancien de flibustier se
réfère directement à un acte de piraterie ou de pillage, d’une personne agissant dans
l’illégalité ; mais ce qui nous intéresse dans le cadre de cette recherche, c’est l’aspect
politique de la flibusterie.
L’utilisation de ce terme renvoie tout d’abord à la période 1840-‐1860 aux Etats-‐
Unis, lorsque de nombreux hommes politiques des états du sud ont fait de longs
discours durant les débats au Sénat, dans le but ultime de retarder au maximum un
projet de loi ou en prévenir le vote. L’apparition de cette pratique intervient notamment 1 http://uspolitics.about.com/od/glossary/a/whatisfilibuster.htm
4
pendant la période ou la question de l’esclavagisme se posait, durant laquelle les
politiciens du sud ont usé de cet outil pour tenter de bloquer toutes les lois de droits
civils. L’acte de flibusterie est devenu populaire dans cette période d’avant-‐guerre. Le
premier politicien a en avoir fait usage aux Etats-‐Unis est Henry Clay2, qui était
notamment contre l’esclavage et se trouvait également être un des premiers hommes
politiques à tenter des conciliations entre états du nord abolitionnaires et états du sud
esclavagistes, dans le but de prévenir une guerre imminente.
Dans le règlement du Sénat américain, il existe une règle qui définit parfaitement
la structure dans laquelle les hommes politiques peuvent prendre la parole. Il s’agit là de
la règle XIX, qui stipule que lorsqu’un sénateur souhaite prendre la parole, il en a le droit
sans que le président du Sénat puisse s’y opposer, ou encore l’interrompre. Mais ce qui
est le plus important dans cette règle de fonctionnement, concerne cette non-‐
interruption ; en effet il est dit qu’un sénateur a le droit de parler de la manière qu’il
souhaite et autant de temps qu’il le veut, à la simple condition que ce dernier ne s’arrête
pas, ne s’assis pas, ou encore ne boit ou ne mange pas. C’est dans cet aspect de la règle
que l’exercice de flibusterie prend tout son sens. Dès lors, si un sénateur souhaite
bloquer le débat ou en détourner l’attention, il peut le faire en prenant le temps qu’il lui
faudra pour s’attirer tout l’intérêt, et faire valoir ses idées. Une disposition récente a
cependant posé des règles concernant cet exercice. Il s’agit de la « règle de Pastore »,
appelée de cette manière en l’honneur du sénateur John Pastore de Rhode Island, qui
stipule que la question ou le discours d’un sénateur participant au débat, se doit d’être
pertinente sur le sujet ou la loi abordée. Avant cela et notamment durant les années
1930, plusieurs politiciens actaient de flibusterie en lisant des recettes de cuisine, le
Congressional Record, ou encore la déclaration d’indépendance. Le record de temps
passé au pupitre du Sénat est encore aujourd’hui détenu par le sénateur républicain
Wayne Morse3, qui en 1953 a prononcé un discours interminable de 22 heures et 26
minutes, pour bloquer un projet de loi pétrolière, le speaker ne pouvant pas l’arrêter. En
France, il existe également une possibilité de détourner ou prolonger le débat en
politique, même si elle ne prend pas la même forme qu’aux Etats-‐Unis.
2 http://bioguide.congress.gov/scripts/biodisplay.pl?index=c000482 3 http://en.wikipedia.org/wiki/Wayne_Morse
5
b. Les batailles d’amendements
L’usage de l’amendement en France a pris son essor en 1981, à la suite de
l’élection de François Mitterrand. Comme je l’ai dit, l’acte de flibusterie en question ne
prend pas du tout la même forme qu’aux Etats-‐Unis, même s’il y existe également la
possibilité pour le parti minoritaire d’en faire usage. La technique employée est celle de
la « bataille d’amendements ». De manière générale, les amendements sont utilisés
lorsque le parti minoritaire souhaite imposer des biais à un projet de loi déposé par la
majorité, soit dans le but de faire entendre ou imposer son avis sur le sujet, soit tout
simplement pour marquer son opposition et faire courir le débat sur le long terme, voir
interpeller l’opinion publique. En 1984, plusieurs élus de droite ont ainsi déposé 2200
amendements lors de l’examen du projet de loi Savary4 concernant l’éducation. Le
record d’amendements en France est survenu lors du dernier quinquennat de Jacques
Chirac, lorsque l’opposition déposa 137 665 amendements (annexe 1) concernant la loi
sur la privatisation de GDF-‐Suez5 en 2006.
Plus récemment, le débat sur le mariage pour tous incarne le parfait exemple
d’une obstruction parlementaire s’étalant dans le temps et créant ainsi une vive réaction
de l’opinion publique. Le dépôt de 4999 amendements par les députés UMP bloqua le
débat pendant près d’une semaine complète jusqu’au vote, créant ainsi un tollé
médiatique ainsi que de nombreuses manifestations et autres indignations. Des mesures
ont été prises pour éviter ce type d’exercice de flibusterie, notamment lorsque l’UMP en
2009 lança un clip6 dénonçant « les ravages de l’obstruction parlementaire », qui fini par
aboutir sur une réforme du règlement de l’Assemblée Nationale limitant ainsi l’examen
de l’ensemble d’un texte, malgré les protestations de la gauche qui craint d’être
« bâillonnée ». Durant le débat sur la loi pour le mariage pour tous, Bruno Le Roux,
patron des députés socialistes, pris l’occasion de fustiger la droite, trouvant « aberrant,
voir « atterrant », le fait que ces derniers déposent un tel nombre d’amendements. Le
débat politique n’est cependant plus limité uniquement à l’Assemblée Nationale ou au
Sénat. Suite à l’émergence d’une nouvelle forme supposée de « démocratie 4 http://www.lefigaro.fr/actualite-‐france/2013/01/11/01016-‐20130111ARTFIG00612-‐mariage-‐pour-‐tous-‐vers-‐le-‐meme-‐sort-‐que-‐la-‐loi-‐savary.php 5 http://actu.dalloz-‐etudiant.fr/a-‐la-‐une/article/point-‐sur-‐le-‐droit-‐damendement//h/43e1f3b7d3421b437441b10ad8bb6c99.html 6 http://www.dailymotion.com/video/x8066s_obstruction-‐parlementaire-‐quand-‐le_news#.UXKaXyt5yVQ
6
participative », nous avons pu voir apparaître de nouvelles formes de contestation. Les
batailles politiques et l’obstruction existent depuis bien des siècles, mais l’apparition
d’internet et notamment du web 2.0 a vu naître de nouveaux processus sociaux visant à
faire valoir une forme de contestation ou de détournement.
2. Définition et fonction politique du « troll »
a. Définition
L’utilisation du mot « troll » peut paraître très étrange au sujet de la politique, il
pourrait même en faire sourire quelques-‐uns. Il s’agit pourtant là du sujet principal qui
est abordé dans cette recherche, malgré une appellation pour le peu particulière. On
aurait pu l’appeler « détourneur » ou encore « perturbateur », mais c’est l’utilisation du
mot « troll » qui est dorénavant utilisée pour parler du type de personne sur laquelle je
vais m’attarder en terme de définition.
La première question qui vient à l’esprit est donc : « Qu’est ce qu’un troll ? ». Pour
y répondre, il faut reconnaître qu’en 2013 il existe encore très peu de travaux sur un
point de vue sociologique. Cela dit, la meilleure définition que j’ai pu synthétiser lors de
mes recherches, est celle d’un chercheur en sociologie et maître de conférences à
Telecom ParisTech, qui n’est autre qu’Antonio Casilli. Dans son livre intitulé « Les
liaisons numériques »7, il nous propose une première définition de ce qu’est un troll :
« Lorsque l’on parle d’un troll, on parle d’une personne de plus
en plus importante sur les réseaux, souvent anonyme dans la
vie de tous types de forums, qui se démarque par l’utilisation
de la provocation, des insultes et autres arguments de
mauvaise foi. Il possède l’art de détourner le débat, décentrer
les discussions… ».
Avant même de donner une définition, je vais revenir sur l’étymologie du mot
« troll ». Il existe deux sens dont il faut faire une certaine distinction : le premier sens
7 CASILLI Antonio, Les liaisons numériques, Editions du Seuil, Paris, 2010.
7
remonte à la mythologie scandinave ; on parle du troll8, comme étant un personnage
dont l’image est d’être immense, et qui serait presque impossible à détruire. Le second
sens, vient de la langue anglaise et plus précisément du verbe to troll9, qui correspond à
une pratique venant de la pêche. Dans le cadre de cette recherche, on peut dire que les
deux sens étymologiques peuvent être utiles. En effet, une personne définie comme
étant un « troll » a vu son apparition sur les réseaux via la première définition du
personnage scandinave, enracinée dans une culture du jeu, dont l’image est fantaisiste.
On voit le troll comme cette personne qui est dans une certaine mesure indestructible
via sa possibilité de changer d’avatar, de pseudonyme et de continuer ses méfaits sur le
web participatif à l’infini. Le second sens étymologique peut également correspondre,
via l’idée qu’un troll utilise ou lance des propos qui ont pour unique but de lui ramener
l’attention de ses congénères. Yann Leroux10, psychologue, psychanalyste et blogueur,
remonte également à l’utilisation d’une facette de ce personnage qu’est le troll par
Alfred Jarry, qui ce dernier a crée le docteur Faustroll11. Le nom de ce personnage de
roman n’est pas tel qu’il est pour rien, car il incarne le créateur de la pataphysique, qui
n’est autre que la « science des solutions imaginaires » / une science de l’absurde. Et ce
qui peut caractériser le troll des temps modernes, c’est son utilisation de l’absurde dans
son discours. Il utilise l’absurdité comme arme afin de renvoyer les autres interlocuteurs
vers leurs limites et contradictions. Il est important de noter que le troll n’est pas
seulement un individu, mais la dimension centrale de sa définition, est qu’il s’agit d’un
processus social : il est dans l’interactivité, dans le regard et dans l’échange avec les
autres. Pour comprendre ce point de vu, il convient d’étudier quel est le mobile
psychologique du troll.
On parlera d’un processus groupal : le troll pour exister a besoin d’un groupe, il a
même la passion du groupe. Ses motivations sont doubles : tout d’abord individuelles,
son mobile est proche du narcissisme, il a besoin d’être vu et entendu, que les autres le
voient ; ses motivations envers le groupe sont autres, il a besoin d’une certaine méprise,
de pouvoir et de puissance, de sentir qu’il s’agit d’un détournement vers soi. Le troll est
une personne qui est à l’origine intéressée par le sujet dans lequel elle va rentrer, mais
8 http://www.cnrtl.fr/definition/troll 9 Traduction vers le français : To troll : « Pêcher à la traîne ». 10 http://www.psyetgeek.com/ 11 JARRY Alfred, Gestes et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien, Gallimard, Paris, 1980.
8
elle prend cette figure de troll lorsqu’elle considère que le sujet n’est pas abordé comme
il doit l’être, que les informations sont fausses ou autre ; le troll se confère un rôle
messianique de démasquement dans l’erreur, mais aussi comme la personne la plus
capable de lever le voile des apparences civilisées dans les discours des forums et des
groupes de discussions. On parlera d’une fonction destructrice, mais également créatrice
de sujets de discussion. Pour terminer avec ce profil psychologique du troll, le plaisir
qu’il en tire, au delà du rôle qu’il se donne, est un plaisir de déliaison : ce qui était
maintenu en ensemble est dissout et prend une autre forme. Il joue le jeu social ou le jeu
de groupe, pour se mettre en dehors lui-‐même du groupe. Quoiqu’il arrive, il s’agit d’une
personne qui reste seule : il lui est impossible de créer sa propre communauté. Une
chose est très importante à travers l’image de ce type d’individu, c’est le fait
qu’aujourd’hui on veut se trouver et se vanter d’un lien social ; contrairement à cela, le
troll remplace l’impossibilité d’établir un réel lien social, par une connectivité sociale : Il
ne peut se lier aux autres, mais peut faire tout de même en sorte d’y être connecté d’une
certaine manière. L’individu va donc « troller » dans le but ultime de provoquer des
modifications structurelles des autres individus au sein du réseau. Cela reste un
phénomène relativement complexe, découlant du fait que les structures sociales en ligne
sont fondées sur des liens faibles, rappelant ainsi la théorie de Mark Granovetter12 sur la
force des liens sociaux.
b. fonction politique du troll
Après avoir compris ce qui est aujourd’hui représenté par le terme « troll », et le
sens que ce dernier prend dans le cadre de cette recherche, nous allons maintenant
essayer de comprendre l’utilité politique de ce dernier, et pourquoi s’insère t’il dans le
débat.
La Transcendance du troll est assez violente. On peut considérer que son
apparition sur Internet peut correspondre à la fin de la possibilité d’un humour de
guerre. On peut prendre par exemple le journal Hara-‐Kiri du professeur Choron, qui
incarnait dans les années 1960-‐1980 les vertus de la guerre à travers l’humour bête et
12 GRANOVETTER Mark, Strength of weak ties, American Journal of Sociology, Vol.78, No. 6 (May, 1973), pp. 1360-‐1380.
9
méchant. Le problème c’est que le politique à partir du milieu des années 1970 a « perdu
son utilité première de souveraineté des prises de décision, abandonné au monde industriel
et financier, il est devenu la section divertissement de ces secteurs » dixit Frank Zappa13.
Tous les hommes politiques à partir des années 1970 ont commencé à apparaître de
plus en plus dans les médias naissants, considérés alors par certains comme de
nouveaux professionnels du divertissement et du « stand-‐up ». Pour prendre un exemple
concret en France, Jean Marie Le Pen a commencé très tôt ce type de pratiques, cette
manière de se faire voir et entendre autre que dans l’arène politique restreinte.
Aujourd’hui, on peut presque considérer que celui qui aura le plus d’audience,
sera celui qui fera le plus de blagues, ou celui qui aura la palme de la transgression. C’est
ainsi grâce à l’apparition des nouveaux médias que le troll peut agir, grâce à l’apport
entier du web 2.0, de tout l’internet participatif, notamment via les réseaux sociaux tels
que Facebook, Twitter, Myspace, mais également tous les forums, les fils de discussions,
d’articles de journaux, les commentaires. On peut prendre par exemple la campagne de
François Hollande durant laquelle il opérait un tour de France : sur le réseau social
Twitter, désormais miroir internet de nombreux hommes politiques, ce dernier a
annoncé «Et profiter de mon passage dans la Capitale de la chaussure14 pour m’en offrir
une paire». C’est exactement de ce type d’information que le troll a besoin ; une
information très simple, mais qui peut donner du grain à moudre dans les discussions
sur internet. Le troll va à ce moment la détourner cette information pour en faire
quelque chose qui se trouvera entre l’humour et le sarcasme. Cela peut être une image
« photoshopée », ou un simple détournement verbal.
Le troll utilise ce pouvoir de l’humoriste qui lui, n’arrive pas à aller à la vitesse de
transgression du pouvoir ; il incarne une figure de la libération dans l’économie de
l’attention et dans l’économie de la conversation actuelle. On peut donc voir cette
pratique comme un sabotage de l’attention. Mais peut-‐on dire concrètement que ce type
d’usage d’Internet est uniquement à voir comme néfaste ? Le troll n’a pas seulement
vocation à faire de l’humour à un certain degré, il est aussi le porte parole du malaise de
la civilisation, sans pour autant qu’il faille approuver sa façon de faire. Les politiques ne
13 http://www.standardsandmore.fr/vu-‐lu-‐entendu/40-‐en-‐librairies/359-‐pacome-‐thiellement-‐interview-‐l-‐humour-‐arme-‐de-‐guerre 14 http://www.directmatin.fr/politique/2012-‐03-‐13/francois-‐hollande-‐romans-‐capitale-‐de-‐la-‐chaussure-‐6996
10
peuvent le congédier ou le réprimer sans brider l’une des sources principales de
changement d’innovation de la sociabilité en ligne : le fait d’être confronté à des
contenus, postures et réactions inhabituelles. L’Angleterre a essayé récemment de
trouver une solution à ce type de problème, en modifiant ses lois sur la diffamation
(2011)15 , comprenant dans un de ces articles un alinéa concernant la diffamation sur
internet ; ce qui passa très mal dans le monde du web sous-‐terrain. En effet, la
diffamation sur Internet peut être très liée au phénomène de trolling. Mais pourquoi
avoir peur de cette pratique et ainsi déployer une arme juridique contre ce type de
pratique ?
Le « Trolling » menace de court-‐circuiter et de remodeler, de façon dialectique et
conflictuelle, les espaces de discussions civilisées que les démocraties modernes
considèrent toujours comme leur espace politique idéal. L’existence même des trolls
anonymes, intolérants et aux propos décalés, témoigne du fait que l’espace public défini
par le philosophe Jürgen Habermas 16 , comme un espace gouverné par la force
intégratrice du langage contextualisé de la tolérance et de l’apparence crédible, est un
concept largement fantasmatique.
3. Renouvellement sur le web d’une ancienne pratique
Comme je l’ai indiqué dans les origines du détournement en politique, cette
pratique du trolling n’est pas nouvelle. Malgré le fait qu’elle existait précédemment sous
d’autres noms et dans d’autres formes, cet usage de détournement a vu le jour très tôt
notamment après la signature de la constitution des Etats-‐Unis. Ce que nous cherchons à
comprendre, c’est la raison qui implique un renouvellement de ces pratiques que sont
les obstructions parlementaires ou le dépôt massif d’amendements, sur la toile du web,
et sous des formes totalement différentes. Dans cette partie nous traiterons
essentiellement du modus operandi du troll.
15 http://www.ifex.org/united_kingdom/2011/01/12/libel_law_reform_promises/fr/ 16 HABERMAS Jürgen, L’espace public, archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Editions Payot, rééd. 1988, 324p.
11
Il convient donc de connaître la manière avec laquelle cette notion de
détournement ancienne s’est insérée dans le débat public via Internet aujourd’hui. Mais
il existe des premières traces de cette pratique avant même l’arrivée du web 2.0, sur ce
que l’on appelait auparavant « Usenet17 » (l’ancêtre d’Internet). Je parle notamment de
la « guerre des miaou-‐miaou »18, déclenchée en 1996 entre un groupe de discussion des
étudiants d’Harvard et de leurs étudiants voisins. Il s’agissait alors de répondre à chaque
intervention par « meow meow bang bang » sur leurs fils de discussions respectif. Cette
guerre dura près d’un an et alla même jusqu’à menacer le fonctionnement de Usenet, qui
fonctionnait à l’époque par un réseau de bas débit.
Une des premières raisons qui a permis cette évolution, des pratiques politiques
internes à la sphère publique, c’est notamment le fait que l’on rêvait de renouveler la
démocratie par internet, en offrant aux citoyens de nouvelles méthodes participatives
dans la prise de décision publique. Au niveau démocratique il s’agit d’une intention
parfaitement légitime, mais qui bien sûr n’a pas eu que des aspects positifs. Aujourd’hui
lorsque l’on parle de ces citoyens, on s’adresse alors à une population qui avant toute
chose, connaît les usages d’Internet et sait l’utiliser (cette part de la population qui ne
cesse de croître dans le temps). Cette évolution a incarné une porte ouverte pour les
mécontents et perturbateurs de l’attention. Leur méthodologie est relativement vaste,
mais elle est également dorénavant caractérisée par plusieurs pratiques de plus en plus
visibles. On retrouve fréquemment des messages insultants, du dénigrement de
l’adversaire, des techniques qui consistent à « noyer l’ennemi » de commentaires
(flooding), ou même encore, l’utilisation du désormais célèbre Point Godwin19, qui
consiste à faire des références directes inappropriées au nazisme pour qualifier son
adversaire. C’est un mode opératoire très violent qui est utilisé le plus fréquemment.
Des attaques frontales qui peuvent aller jusqu’à poster des contenus scatologiques,
sexuels et totalement injurieux.
Les journalistes qui sont aujourd’hui actifs sur les réseaux sociaux, et
principalement lorsqu’ils parlent de politique, en font les frais d’une manière de plus en
plus fréquente. Des fans de tous bords politiques, de gauche ou de droite, ou encore des
défenseurs des riches entrepreneurs jusqu’aux antinucléaires, chacun de ces domaines a 17 http://www.usenet-‐fr.net/Qu-‐est-‐ce-‐que-‐Usenet.html 18 http://www.psyetgeek.com/la-‐meow-‐war 19 http://quoi.info/actualite-‐politique/2013/01/31/cest-‐quoi-‐un-‐point-‐godwin-‐1123376/
12
désormais des « e-‐militants », s’adonnant de manière consciente ou non au trolling. Qu’il
s’agisse des journalistes, des hommes ou femmes politiques ou encore des blogueurs
célèbres, lorsque ces derniers s’investissent de manière substantielle sur les réseaux
sociaux, ils ont désormais pris l’habitude de ces pratiques. Il faut y voir une raison
évidente, notamment pour les politiques : autrefois politiciens faisaient part de leurs
différentes opinions d’en haut jusqu’à leur électorat (en bas) qui n’avaient pas de réels
moyens d’y répondre. Avec le web 2.0, cet électorat a vu descendre les prescripteurs
d’opinions de leurs piédestaux, et peuvent ainsi leur répondre en utilisant des
commentaires directs, comme par exemple sur Twitter, en répondant de manière
instantanée. Il s’agit là bel et bien d’un progrès, mais la pratique de détournement et
dénigrement s’intensifie à mesure que les politiques entremêlent la sphère publique et
la sphère privée. En contrepartie de cette évolution positive, il devient insupportable
pour les politiques, journalistes et blogueurs de subir à la longue les insultes, tentatives
de détournements d’informations, et autres attaques violentes des trolls.
Cette utilisation nouvelle des hommes politiques d’internet s’inscrit dans une
évolution démocratique, mais également technologique. Le pari fût très risqué dans une
époque ou internet prend une importance majeure au sein des médias, et reflète donc un
des meilleurs moyens de faire parvenir de l’information du haut vers le bas. C’est
pourquoi nous allons voir dans la partie suivante comment le web est descendu dans
l’arène politique, en tentant de comprendre quel est le rapport entre citoyens, Internet
et la politique d’aujourd’hui.
13
Deuxième partie – Une progressive descente du web dans
l’arène politique ?
Après une analyse de ce qui représente les nouvelles pratiques de détournement
politique sur internet, nous allons nous intéresser d’avantage aux processus qui ont
permis cette évolution, ce qui a permis notamment aux citoyens de débattre sur
Internet, pourquoi le font-‐ils aujourd’hui pour faire prévaloir leur parole, et dans quelles
mesures les politiques ont eux-‐mêmes évolué dans le cadre de l’évolution technologique.
Pour traiter cette partie, nous allons tout d’abord voir un historique de l’utilisation du
web à des fins politiques, principalement dans le cadre électoral en reprenant quelques
dates clés, puis essayer de savoir si internet est vraiment ou non un outil démocratique,
pour ensuite tenter de comprendre pourquoi les citoyens utilisent-‐ils dorénavant
Internet dans le débat, puis terminer sur l’analyse de l’interpénétration des deux
univers, que sont Internet et la politique via les usages des hommes politiques eux-‐
mêmes.
1. Historique de l’utilisation du web à des fins politiques
Dans cette partie nous allons analyser quelles sont les évolutions historiques de
l’utilisation d’Internet pour les politiques. Ce sont eux qui ont initié cette descente du
web dans la sphère publique, notamment en lançant des initiatives à buts électorales.
Comme il a été dit auparavant, internet a été vu par ces derniers, et dans une bonne
intention, comme le fait de donner aux citoyens la possibilité de s’exprimer plus
facilement dans le cadre de la prise de décision publique. Il y eut plusieurs stades
d’évolutions pour ce qu’il s’agit de cette arrivée de la politique sur Internet, insufflée par
la nécessité des politiques d’utiliser ce média pour toucher encore plus les masses et de
faire grossir les rangs partisans de leurs partis politiques respectifs. Cela va sans dire,
que dans le cadre de l’évolution numérique, les partis politiques aspirent de plus en plus
à se rapprocher de la notion de partis de masse, comme il a été théorisé notamment par
14
Maurice Duverger dans son livre sur les Partis Politiques20 . Il convient donc de
reprendre cette évolution, qui a notamment eu comme point de départ les élections
municipales françaises de 2001.
a. Les élections municipales de 2001
Internet a fait sa première apparition dans les foyers français à partir de 1994.
Cela dit, à cette époque on parle d’avantage de Usenet, qui représente donc la version 1.0
du web tel qu’on le connaît. On assiste à ce moment là, à la première utilisation libre en
réseau, prenant ainsi la relève d’Arpanet (massivement utilisé à des fins militaires). On
peut dorénavant « surfer » sur le web, tel qu’on le connaît aujourd’hui, via un ensemble
de pages en « HTML » incarnant le mélange de textes, des liens, des images adressables
via une adresse URL et accessibles via un protocole HTTP. L’utilisation de Usenet était
relativement rare à l’époque, en effet, l’équipement nécessaire était cher, et pas toujours
à la portée du grand public technologiquement parlant. L’ascension a été surtout vue au
début des années 2000 avec l’arrivée des connexions haut débit, donc le prix de
l’abonnement variait autour de 30 euros. En 2001, selon une étude Médiamétrie21, nous
n’étions que près de 12 millions d’internautes, représentant approximativement 20% de
l’électorat en âge de voter. Alors que les partis politiques avaient majoritairement lancé
un site Internet, ce n’est réellement qu’avec les élections municipales de 2001 que les
premières expérimentations ont débuté. Cela s’est avéré être un processus relativement
lent, car à cette époque les politiques avaient une certaine peur d’Internet : en effet, il
représentait pour eux un espace non maîtrisable où l’information circule très
rapidement, sans pouvoir la contrôler. Cela n’empêcha pas notamment Bertrand
Denaloë (PS) et Philippe Seguin (UMP), tous deux candidats à la mairie de Paris,
d’utiliser Internet pour « chatter » avec la population.
A ce moment de l’histoire d’Internet, l’outil reste vu par les politiques comme
étant un gadget, on parle d’expérimentations dans la mesure ou son utilisation est
toujours à l’essai, même si plusieurs organisations politiques commencent à lui donner
une certaine confiance.
20 DUVERGER Maurice, Les partis politiques, Paris, Editions Colin, 1951. 21 http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-‐net/nombre-‐internautes-‐france.shtml
15
« On pense que ça va nous apporter un plus chez certains
jeunes qui avaient de Philippe Séguin l'image d'un politique qui
ne connaît rien à Internet. »22
La seconde évolution importante d’Internet intervient en 2005, peu de temps après
l’annonce de Jacques Chirac vis à vis du référendum sur la Constitution Européenne.
b. 2005 : Les premières contestations sur Internet
Après avoir annoncé l’année précédente que le traité européen serait ratifié par voie
référendaire, Jacques Chirac a vu monter une opposition forte sur Internet : Malgré le
fait que tous les partis politiques majeurs s’étaient mis en action pour faire une
campagne majoritaire autour d’un « oui », quelques partis aux « extrêmes », ainsi que
quelques réfractaires à l’intérieur des grands partis, ont opéré une vaste levée de
bouclier. Internet a finalement participé à la victoire du « non ». Etienne Chouard23,
enseignant d’économie au lycée et blogueur, a lancé un manifeste via Internet pour
critiquer le projet de traité européen, face à l’absence de pluralisme dans les médias sur
le sujet. C’est ainsi que le manifeste en question lancé sur son blog, fit le tour du web et
devint célèbre. On voit ainsi que le 2.0 commence à rentrer en ligne de compte pour
l’élaboration de la décision publique. En effet, Etienne Chouard a réussi au fur et à
mesure à passer du statut d’anonyme, à porte drapeau du « non » au traité européen.
Son intervention s’est fortement élargie en étant relayée par plusieurs politiques du
mêmes avis, sans compter sur sa manière de tacler les journalistes, qui pour lui étaient
porteurs d’une idée unique. Dire que cet homme a réussi à lui tout seul à donner une
victoire au « non » serait peut être exagéré, mais il a été prouvé que son action a
fortement pesé dans la balance. Internet devient alors par cet exemple, un lieu
d’opposition, voir un instrument de contre-‐pouvoir. C’est l’avènement du web 2.0, qui
incarne l’Internet participatif.
C’est en 2007 que l’utilisation d’Internet dans le cadre électoral va se massifier,
notamment par les créations des sites de campagnes. 22 Déclaration de Jean-‐Dominique Giuliani, responsable de la campagne de Philippe Seguin lors des élections à la mairie de Paris en 2001. 23http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Constitution_revelateur_du_cancer_de_la_democratie.pdf
16
c. Internet comme outil d’organisation de la campagne électorale
En 2007, la population est désormais très impliquée dans l’utilisation d’Internet.
Selon la même étude Médiamétrie citée précédemment, cette population se porte aux
alentours de 30 millions d’internautes. Le constat est clair, ces nouvelles données vont
faire passer le rapport entre politique et Internet à un nouvel échelon. Cet outil va
devenir le nouveau moyen pour les candidats à l’élection présidentielle de 2007, d’une
part de communiquer, mais également d’établir une organisation puissante pour leurs
campagnes. Plusieurs sites Internet vont être utilisés par chaque candidats, dans le but
de réunir sous leurs bannières un nombre important de partisans, de rassembler ces
derniers, ainsi que de les coordonner pour participer eux-‐mêmes à la campagne.
Ségolène Royal va notamment lever près de 130000 contributions sur internet pour le
financement de sa campagne, via le site « Désirs d’avenir »24. Nicolas Sarkozy va se faire
remarquer en utilisant une « Web-‐TV » 25 . En s’appuyant sur les militants et la
blogosphère, ils leur ont donné une véritable place, un moyen d’expression au delà des
sentiers battus habituels de la campagne électorale. Reste à connaître l’impact réel que
cela a produit en terme d’électorat, mais on peut noter un changement dans l’usage
d’Internet pour les politiques, mais également pour les citoyens qui peuvent participer
plus que jamais au débat. Un an plus tard en 2008, Internet va être réellement érigé au
rôle d’arme de campagne, via la campagne présidentielle américaine de Barack Obama.
d. La campagne américaine de Barack Obama en 2008
En plus d’un succès aux urnes, la campagne électorale pour les présidentielles
américaines de 2008 fut une véritable révolution des usages partisans et militants
d’Internet. Son usage, comprenant les réseaux sociaux, devient le moteur de la
campagne, et devient ainsi un exemple à suivre. Le « Yes we can » d’Obama représente
bien cette dimension participative, totalement impersonnelle de la campagne,
parfaitement taillée pour l’utilisation des réseaux sociaux. Il s’agira de la première
pratique réelle « d’empowerment » des citoyens. Via l’utilisation du site web
24 http://www.desirsdavenir.org/ 25 http://www.politique.net/2008110101-‐sarkozy-‐fr-‐une-‐web-‐tv-‐dupliquee-‐une-‐dizaine-‐de-‐fois.htm
17
« Mybarackobama.com »26, Internet devient une plateforme centrale de coordination qui
fait gagner du temps, de l’efficacité et rapprochant au possible la sphère décisionnelle de
la sphère militante. Tout se fait désormais sur Internet pour recruter et coordonner les
militants. Les réseaux sociaux sont aussi le terrain de recrutement qui va être privilégié,
en organisant ensuite la tractation et les mobilisations. On ne fait plus que simplement
communiquer auprès des électeurs, on les fédère via l’outil du Web. L’exemple sera
d’ailleurs suivi en 2010 en France, pour préparer les élections présidentielles suivantes,
notamment avec l’utilisation de la « Coopol » pour le PS, et par « les créateurs de
possibles » pour l’UMP.
Il convient maintenant d’essayer de voir comment ces évolutions érigeant
Internet comme un outil de démocratie participative, ont été vues au niveau scientifique.
Peut-‐on même dire, que cet outil est réellement démocratique ?
2. Internet use d’une symbolique de la démocratie
Nous avons vu dans le point précédent de quelle manière Internet s’est érigé
comme un élément central dans la politique aujourd’hui. D’une part comme étant le relai
d’opinions, détrônant la plupart des médias traditionnels, d’autre part en permettant
aux citoyens de débattre et faire valoir leurs idées plus facilement, et également en
organisant et regroupant les militants. Cette pratique prenant une importance majeure,
plusieurs travaux scientifiques ont alors vu le jour, pour essayer de comprendre si
l’aspect démocratique accordé à Internet est une réalité ou non. On peut notamment
prendre des chercheurs tels que Patrice Flichy27 ou Dominique Cardon28, qui ont
commencé à théoriser les usages d’Internet et son rapport avec la démocratie.
Internet peut être vu comme un outil mettant en situation d’égalité l’émetteur et
le récepteur à première vue, ce qui représenterait un usage idéal de démocratie
participative. Cette agora électronique a démarré notamment dans les années 1990,
26 http://www.barackobama.com/ 27 FLICHY Patrice, L’imaginaire d’Internet, La Découverte, Paris, 2001, 273 p.
28 CARDON Dominique, La démocratie Internet. Promesses et limites, Paris, Seuil, 2010.
18
alors que l’on commençait à comparer l’utilisation du web à l’espace public
Habermassien. Certains l’ont réellement vu comme la possibilité de créer un nouvel
espace de débat, une extension du réel où les informations se partageraient
instantanément. Pour reprendre le terme « d’agora », on peut citer Al Gore29 qui
compara l’arrivée d’Internet comme « le nouvel âge athénien de la démocratie ». Or, il
faut relativiser ce positivisme en analysant de quelle manière Internet fonctionne t-‐il
réellement.
Le débat sur le web est en effet la plupart du temps contrôlé par les participants
eux-‐mêmes, voir des modérateurs si nécessaire. Malgré cette notion d’autocontrôle, le
débat est le plus souvent inégalitaire. On y voit une multiplication de points de vus
contradictoires et une non élaboration de positions communes. Ce qui complique la
participation au débat, est essentiellement la coexistence d’identités sur le web et
l’utilisation d’avatars enlève une part de légitimité dans l’acte discursif.
Internet n’est alors pas entièrement démocratique comme on aurait pu
l’entendre, il existe de nombreux biais dans l’attitude des utilisateurs, empêchant une
réelle utilisation dépassant les limites de la démocratie représentative. Lincoln
Dahlberg30 dans une de ses recherches a observé la mise en place d’un projet dans le
Minnesota en fin des années 1990. Il en tira les conclusions suivantes :
« On peut développer de véritables délibérations en ligne et
retrouver le cadre de l’espace public Habermassien si les
participants respectent des règles formalisées, les acceptent, et
sont modérés par des modérateurs. A ces conditions, Internet
peut favoriser des discussions constructives et relativiser une
démocratie du débat largement ouvert qui peut dépasser les
limites de la démocratie représentative. »
On apprend alors qu’Internet peut être un outil démocratique, la possibilité existe sans
le moindre doute. Mais en suivant cette conclusion de Dahlberg il convient d’y voir l’idée
que cette possibilité ne tient qu’à l’utilisation des usagers eux-‐mêmes. Si ces derniers
choisissent délibérément d’adhérer à une plateforme de débat et d’en respecter les
29 http://www.algore.com/ 30 http://firstmonday.org/ojs/index.php/fm/article/view/838/747
19
règles, alors l’outil utilisé aura une réelle utilité dans le débat. Aux Etats-‐Unis, le site web
communautaire Reddit31 crée en 2005, représente un bon exemple de lieu d’échange,
essentiellement utilisé pour les échanges de liens hypertextes par catégories ou thèmes,
où les utilisateurs se sont mis d’accord dès le départ pour respecter les règles
d’échanges du site Internet. Concernant ce site Internet, le fait le plus frappant est
l’utilisation de Barack Obama32 lors de sa campagne pour les élections présidentielles de
2012. En effet ce dernier a invité les internautes et utilisateurs du site Reddit, à lui poser
n’importe quelles questions33. Cet événement s’est réalisé sans le moindre accrochage,
preuve d’un fonctionnement relativement positif. Pour Cass Sunstein34, spécialiste du
droit constitutionnel américain, la différence entre la souveraineté de l’individu et celle
des politiques réside dans l’intérêt de ceux-‐ci :
« La souveraineté du consommateur et la souveraineté
politique sont fondamentalement différentes : la démocratie
politique est le résultat d’un gouvernement de la délibération ;
les choix politiques répondent aux intérêts du collectif et
moins à ceux de l’individu. L’opinion publique se construit par
le débat, l’échange et la délibération. »
Pour parler du débat sur Internet, on peut alors parler des communautés
d’intérêts : en effet, il s’agit essentiellement d’une demande de rencontre d’individus
d’opinions proches, d’autant plus forte que les individus eux mêmes se retrouvent
idéologiquement isolés dans leurs environnements naturels. Il y aurait donc une
fracture démocratique dans l’usage d’Internet qui n’est pas identique à la fracture
numérique : il ne suffit pas seulement d’être connecté sur le web pour faire de ce dernier
un instrument politique de débat démocratique. Pour conclure, Internet n’est pas
démocratique, il usera plutôt d’une symbolique de la démocratie dans la mesure ou ce
dernier incarne un agrégateur d’intérêts individuels. Il convient maintenant de voir
pourquoi les citoyens ont usé d’Internet comme d’un outil de débat politique.
31 http://www.reddit.com/ 32 http://www.reddit.com/r/IAmA/comments/z1c9z/i_am_barack_obama_president_of_the_united_states/ 33 http://www.lemonde.fr/elections-‐americaines/article/2012/08/30/obama-‐investit-‐reddit-‐quand-‐les-‐republicains-‐investissent-‐romney_1753115_829254.html 34 http://bostonreview.net/BR26.3/sunstein.php
20
3. « L’empowerment » des citoyens sur Internet
L’outil incarné par Internet, est devenu progressivement la cible des politiques
dans le cadre de la passation d’informations, mais également et surtout au moment de
faire campagne. En effet, comme il l’a été cité précédemment, les années 2000 ont vu
l’avènement des usages d’Internet pour une utilisation par le haut des politiques, et par
le bas pour les citoyens. C’est notamment en 2008 que l’on a pour la première fois utilisé
le terme d’« empowerment » des citoyens sur le web. La campagne de Barack Obama et
son « Yes we can », ont montré une posture impersonnelle de l’homme politique, qui au
lieu de parler uniquement de lui comme prescripteur d’opinions, a fait en sorte de
montrer aux citoyens que c’est cet ensemble de la population qui choisit la meilleure
voie à emprunter dans le choix de leur dirigeant. Méthodologie nouvelle pour une
campagne présidentielle qui a valu une victoire nette de Barack Obama. En donnant
l’impression à ces citoyens que la prise de décision politique vient d’eux à la base, il leur
a donné du pouvoir.
On peut citer Benoît Thieulin35, ancien dirigeant du site participatif « Désirs d’avenir »,
utilisé par Ségolène Royal en 2007 qui nous dit :
« Le plus important dans les pratiques qui se développent
actuellement, c’est que le numérique offre des capacités, des
moyens, et donc du pouvoir au gens ; c’est cela la révolution de
l’empowerment ».
Selon la plupart des chercheurs en sciences politiques, nous sommes aujourd’hui
au tout début d’un processus de participation de la part du citoyen. C’est là que Barack
Obama a compris l’utilité d’Internet. Cette imbrication entre le monde physique et le
monde numérique n’existait pas encore il y a 15 ans, alors qu’aujourd’hui on utilise de
plus en plus fréquemment Internet pour faire campagne, pour envoyer les militants
tracter, faire du porte-‐à-‐porte ou manifester. L’utilisation d’Internet à des fins politiques
a d’ailleurs grandi à mesure que l’utilisation d’Internet s’est démocratisée à travers le
monde. Cet exemple d’Obama en 2008 a d’ailleurs été repris en 2010 en France par
divers partis politiques, comme l’UMP, le PS ou encore les Verts. La preuve en est que
35 http://www.lanetscouade.com/equipe/benoit-‐thieulin
21
nous sommes à l’ère ou les politiques eux-‐mêmes veulent donner de plus en plus
d’importance à leur électorat, en les écoutant d’avantage et en les faisant participer, ils
ont compris qu’il s’agit là d’une technique qui fonctionne. Donner du pouvoir aux
citoyens et le meilleur moyen de susciter leur attention. C’est exactement la définition
que l’on pourrait concéder à l’empowerment. Il faut également voir que ce pouvoir
grandissant du citoyen connecté n’a pas uniquement des vues positives pour les
politiques. En effet, depuis 2005 et l’exemple du « non » au traité européen36, on a
également vu apparaître une pratique de contestation de plus en plus courante sur le
web, et gagnant en importance avec le temps. Car les dérives liées au numérique sont
également nombreuses, et elles sont en réalités liées à la société ; cette révolution
numérique ne ferait donc qu’amplifier les tendances, elle n’inventerait rien mais
donnerait plus d’ampleur à des phénomènes anciens, comme celui des rumeurs
notamment.
Beaucoup d’acteurs vont même jusqu’à dire que l’on assiste clairement à une
révolution de type « marxiste », vu que les coûts de production des outils qui servent
aujourd’hui à s’exprimer et à communiquer se sont effondrés, ce qui a provoqué une
démocratisation des pratiques. Le public a qui on a donné des outils d’expression
personnelle participe comme auteur et lecteur, et plus seulement comme spectateur et
électeur à la vie politique sur cette scène de l’Internet. Concernant les pratiques
participatives, Internet a démontré qu’il est possible d’élargir l’espace démocratique,
mais il n’a pas pour autant tout réglé. En effet, grâce à cet outil beaucoup plus
d’individus ont eu l’occasion de participer d’avantage à la vie politique à des coûts
moindres, mais cela n’insinue pas pour autant que toute la population est en passe d’agir
de la sorte. L’audience politique a tout de même considérablement augmenté, vu qu’il
est dorénavant plus simple de pouvoir se tenir au courant, avoir des comptes rendus,
voir un meeting sur Youtube37, sans avoir à se déplacer de chez soit. Internet a donc
permis aux citoyens de pouvoir se créer un avis sur les politiques beaucoup plus
facilement ; au niveau informationnel l’évolution est plus que notable. Mais n’est ce pas
plus compliqué au final lorsqu’il s’agit de participer à la construction de décisions
politiques ? Sans le moindre doute. Cet empowerment des citoyens via Internet a pris
36 FOUETILLOU Guilhem, Le web et le traité constitutionnel européen, Réseaux 1/2008 (n° 147), p. 229-‐257. 37 http://www.youtube.com
22
une dimension très importante dans la vie politique aujourd’hui, mais n’a pas pour
autant permis aux masses de rentrer facilement dans un principe de codécision. Il reste
de nombreux biais contraignant cette possibilité de donner un réel moyen aux individus
de participer à la décision politique. La plupart du temps, lorsque ce principe de
codécision est mis en avant, il peut y avoir un problème de ciblage de la population
concernée, qui peut alors ne pas avoir d’avis sur certaines questions. Cela pose le
problème de la manière de demander leurs avis aux individus, leur niveau d’éducation,
et quelles sont leurs attentes réelles ? La participation du citoyen via Internet est encore
en phase de construction, on apprend toujours aujourd’hui à essayer de faire
fonctionner le processus qui permettrait alors d’assurer un réel pouvoir à ces derniers.
Ce n’est pas parce que nous avons les moyens techniques de participation, que la
technique à utiliser pour faire participer les citoyens à la décision politique est encore au
point. Il faut dorénavant réfléchir d’avantage à la question de légitimité de cette
participation, de la pertinence et du sens que l’on peut lui accorder. C’est pour cela que
nous pouvons dire avec certitudes, que nous sommes encore aujourd’hui au début du
processus d’empowerment des citoyens. Cela dit, il faut également étudier la manière
avec laquelle la sphère publique des politiques et leur sphère privée s’entremêlent de
plus en plus sur Internet.
4. Entremêlement de la sphère publique/privée du politique
Nous avons pu voir qu’Internet est un lieu ou le débat politique s’est
progressivement inséré dans le cadre de l’évolution numérique. Mais le débat n’est pas
le seul élément qui s’est vu renouvelé sur le web. L’image des hommes politiques était
autrefois limitée à leur sphère publique : c’est à dire que l’on connaissait peu de choses
de la vie privée de nos dirigeants, tout ce que nous pouvions voir concernait leurs prises
de décisions politiques, et ce que les médias laissaient transparaître à l’heure ou il
existait encore une censure et un ministère de l’information, qui contrôlaient les
parutions médiatiques et sabordaient les informations indésirables pour la vie politique.
Alain Peyrefitte38 était une des grandes figures du musellement de la presse dans les
années 60. Mais la donne a considérablement changé, notamment depuis l’affaire 38 http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/alain-‐peyrefitte-‐le-‐diplomate-‐65723
23
Mazarine, qui fut un des premiers scandales à éclater au grand jour dans le monde
politique, lorsque François Mitterrand présidait la France. Vint alors une période ou
nombres de scandales politiques se sont succédés, et ont fait les choux gras de la presse,
relayant l’information au public. Internet signa l’avènement des médias en ligne, et la
révolution numérique vint encore plus bousculer cette tendance à l’étalage public de la
vie privée des politiques.
Aujourd’hui, voir les hommes politiques se mettre en scène avec leurs femmes et
enfants, laisse se demander si ils ont encore réellement une vie privée. Ce phénomène
s’est plus que popularisé, notamment avec la venue des tabloïds, des paparazzis, et
l’avènement d’Internet comme relai de l’information instantanée n’a fait qu’appuyer la
tendance. Dorénavant nous savons tout de nos hommes politiques, ou presque ; la
récente affaire Cahuzac peut appuyer une antithèse à ce sujet. La thèse des deux figures
du roi de Kantorowicz39, séparant le corps terrestre et mortel de l’homme politique de
son corps politique et immortel, est dorénavant totalement désuète. Si la vie des
hommes publics a gagné totalement en visibilité, le phénomène serait avant tout de leur
fait plutôt que des médias. En effet, depuis l’époque ou Valéry Giscard d’Estaing, était en
charge, les hommes politiques n’ont cessé de se mettre au niveau de la population, en
voulant presque montrer qu’ils sont des individus comme les autres. La question qui se
pose suite à ce fait, serait donc « est-‐ce tout simplement par nature, ou par stratégie
politique ? ». Les deux possibilités sont crédibles, mais les politiques ont avant tout cerné
le fait que les citoyens préfèrent voter pour un homme qui leur ressemble, qui est doté
de sentiments, de désirs, et qui aime sa famille.
Ce qui nous intéresse le plus particulièrement dans cette partie concernant la vie
des hommes politiques, c’est qu’il s’agit également du biais qui a permis un certain
désenchantement de la politique pour les français. En effet, à force de voir dans les
médias que les hommes politiques connaissent des vices, ainsi que des problèmes de
tous types comme n’importe quel citoyen, l’opinion publique n’a de cesse de remettre en
cause chaque personnalité au pouvoir. En effet, la publicité de la vie privée des
politiques n’a pas seulement pour effet d’adoucir la population, elle a aussi un effet
répulsif, faisant perdre toute légitimité à la personne visée. C’est d’ailleurs dans ce
39 KANTOROWICZ Ernst, Les deux corps du Roi, Paris, Gallimard, 1989.
24
processus de désenchantement qu’apparaissent nombre de caricatures, d’injures et
autres quolibets qui sont aujourd’hui inhérents à la vie politique. Aujourd’hui l’image
médiatique des personnalités occupe une place plus importante que les programmes
politiques selon le politologue Bernard Manin 40 . Mêmes les français eux-‐mêmes
commencent progressivement à considérer que la presse française enquête trop sur la
vie privée des hommes politiques. C’est le cas de 68% d’entre eux selon une étude Ifop41
réalisée en 2011 alors que l’affaire Strauss-‐Kahn venait d’éclater dans les médias.
Assiste t’on à un ras-‐le-‐bol de l’étalage de la vie privée des politiques ? Cela est
possible, mais une chose est certaine, c’est que cette tendance n’est pas près de
s’inverser et loin de là. Aujourd’hui il paraît presque impossible de redonner ses lettres
d’or à la figure politique. Le débat fait rage autour de ce point, dans la mesure ou une
partie de la population souhaite avoir une complète transparence de ses dirigeants (ce
qui est notamment arrivé très récemment avec la publication du patrimoine des
ministres français42) ; mais beaucoup souhaitent également que l’on arrête ce battage
médiatique autour de la vie des personnalités politiques, qui ont finalement autant le
droit à une vie privée que n’importe quel citoyen. Dans les deux cas, le gouvernement
Hollande a fait en sorte, suite à l’affaire de fraude fiscale et blanchiment d’argent de
Jérôme Cahuzac révélée par Médiapart en 2012, de mettre en place une nouvelle ligne
de transparence politique. Maintenant reste à savoir de quelle manière cela va se
répercuter dans le temps.
Ce qui nous intéresse plus particulièrement dans cette recherche, c’est le
détournement de l’information réalisé à l’égard de la politique et par la politique, et de
quelle manière ce détournement qui existait auparavant sous diverses formes, a pu
grandir dans de nouvelles pratiques sur Internet et être repris dans l’arène politique.
L’intérêt d’étudier alors l’entrelacement de la sphère privée et de la posture publique
des hommes politiques et de montrer une des raisons qui a pu expliquer cette
démocratisation des pratiques dont il est question. En effet, le fait d’avoir aujourd’hui
facilement accès à des informations qui concernent directement la vie privée de nos
dirigeant, a permis à ces perturbateurs présents sur Internet d’avoir une masse
colossale d’informations à détourner, dans l’idée de saboter les débats. C’est en grande 40 MANIN Bernard, Principes du gouvernement représentatif, Champs essais, Paris, 2012 41 http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=1511 42 http://www.declarations-‐patrimoine.gouvernement.fr/
25
partie la médiatisation des hommes politiques qui a permis au trolling de prospérer
dans les réseaux et forums politiques, mais également dans les réseaux sociaux.
L’exemple du réseau social Twitter est désormais un des plus frappants qui soit.
Depuis l’arrivée de ce réseau social sur Internet, nous avons pu observer que
nombre d’hommes politiques s’en sont servis pour faire parvenir des informations aux
individus qui les suivent. Ce réseau qui sert pour la plupart d’entre eux à relayer des
informations courtes concernant la politique, peut également voir certain de ces
ministres usagers, poster délibérément des informations totalement personnelles. On a
notamment l’exemple de Benoît Hamon qui parle des prouesses de vocabulaire de sa
fille, ou encore Cécile Duflot qui parle de ses envies culinaires (ANNEXE 1 page 47).
Comme je l’ai indiqué précédemment au moment de citer un « tweet » de François
Hollande en campagne dans la « capitale de la chaussure », c’est exactement ce type
d’informations qui intéressent les trolls. Ces informations qui découlent d’une nouvelle
pratique des politiques eux-‐mêmes qui dévoilent une partie de leur vie privée au public.
Mais ce que nous allons voir dans la troisième et dernière partie de cette
recherche, c’est que cette pratique qu’est le trolling, peut être à l’origine des internautes
eux-‐mêmes, mais peut aussi trouver une utilité pour les politiques dans le cadre de la
lutte pour le pouvoir. Fausses informations, détournements verbaux ou visuels, telles
sont les armes qui ont pris leur source sur Internet, et dont des partis politiques eux-‐
mêmes ou leurs partisans ont fini par s’emparer.
26
Troisième partie – Le trolling à l’usage des partis politiques
dans la lutte pour le pouvoir
Aujourd’hui la lutte pour le pouvoir des politiques a pris de nouvelles formes,
notamment via la révolution numérique et la vitesse à laquelle l’information transit.
Nous avons vu dans les deux premières parties de cette recherche, qu’il y a toujours eu
des détournements en politique sous différentes formes, telles que les obstructions
parlementaires et les batailles d’amendements, mais que depuis l’arrivée d’Internet et
des mass-‐médias, ces détournements prennent de nouvelles formes et notamment celle
du trolling. C’est alors que nous avons essayé de comprendre de quelle manière
l’apparition d’Internet a t’elle influée sur la politique, et quelles ont été les évolutions
notables du rapport entre les citoyens et leurs représentants du fait de l’utilisation de
ces nouveaux outils. Cette dernière partie va donc mettre en relation le phénomène de
trolling, avec les politiques eux-‐mêmes. En effet, la lutte pour le pouvoir en politique
nécessite des armes, dont certaines sont utilisées pour déstabiliser son adversaire. C’est
ainsi que les nouvelles pratiques venant d’Internet que j’ai relaté précédemment
prennent leur sens. Le trolling qui est caractérisé tel un processus groupal dans lequel
un individu venait délibérément saboter le débat, a pris une nouvelle tournure au
moment ou les partis politiques eux-‐mêmes, incarnés par leurs partisans, ont commencé
à se servir de ce type de pratique.
1. La bataille UMP / PS
En France, deux partis politiques se partagent la majorité de l’électorat depuis plusieurs
décennies. Même si ces derniers ont eu l’occasion de changer de formes, de directions,
voir de noms. Le Parti Socialiste (PS43) existe depuis 1969, crée par Alain Savary,
prenant ainsi la suite du parti SFIO crée en 1905, un des premiers partis politiques
français. Le Parti d’Union pour un Mouvement Populaire (UMP44) existe quant à lui
depuis moins de temps. En effet, le parti fut fondé en 2002 par Jacques Chirac alors au 43 http://www.france-‐politique.fr/parti-‐socialiste.htm 44 http://www.france-‐politique.fr/chronologie-‐ump.htm
27
pouvoir, ainsi qu’Alain Juppé, dans le but de remodeler l’ancien RPR45, ainsi que dans
l’idée de rassembler les forces de droite et du centre. Ces deux partis politiques sont
aujourd’hui majoritaires dans toutes les institutions politiques françaises, qu’il s’agisse
des ministères, de l’Assemblée Nationale ou du Sénat. Ce partage du pouvoir entre les
deux partis politiques est très ancien, et la lutte entre ces derniers est constante lorsqu’il
s’agit de préparer chaque campagne électorale.
Ce qui va nous intéresser en particulier dans cette analyse, c’est justement cette
lutte de pouvoir entre les deux colosses politiques français, notamment lors de la
campagne électorale pour les présidentielles de 2012. La dualité entre deux partis de
cette taille n’est plus à prouver, mais les manières avec lesquelles l’UMP et le PS
essayent de séduire les électeurs ont changé. En effet, on cherche de moins en moins à
mettre en avant les qualités de son propre parti, plutôt que de tenter de déstabiliser
l’adversaire avec une panoplie de plus en plus développée d’armes. Ces armes ce sont
notamment multipliées de manière exponentielle avec la révolution numérique.
L’insulte en politique est un phénomène ancien, décrit par Thomas Bouchet dans son
livre46 qui y est consacré comme devenu un processus habituel depuis près de 3 siècles
de confrontations pour la quête du pouvoir. Aujourd’hui nombre d’injures, de noms
d’oiseaux et de quolibets de toutes sortes sont utilisés pour donner une image
décrédibilisée de son adversaire. Nous avons notamment pu voir cela lors des dernières
élections présidentielles en France, ou les surnoms de « Babar » ou « Flamby » attribués
au candidat PS François Hollande, ont sans arrêt été repris dans les médias. Il en va de
même pour les attaques lancées contre Nicolas Sarkozy, dont la taille a mérité plus d’un
surnom « le gnôme », « le petit Nicolas » ou « Iznogoud ». Chaque candidat a le droit à
son lot de quolibets, venant la plupart du temps des partisans des partis opposés, ou
mieux encore des cadres de ces partis eux-‐mêmes. En effet, les rivalités peuvent parfois
aller jusqu’à être internes : le surnom de « Flamby » avait été utilisé pour la première
fois par Arnaud Montebourg dans les couloirs de l’Assemblée Nationale en 2003. Il faut
tout de même noter que la plupart du temps les oppositions et insultes se font sur le
terrain ou le ras du sol partisan, plutôt que dans les hautes sphères. C’est à ce moment là 45 http://www.atlantico.fr/rdvinvite/crise-‐ump-‐creation-‐rpr-‐et-‐udf-‐fronde-‐souverainistes-‐et-‐renovateurs-‐unions-‐et-‐scissions-‐droite-‐1976-‐2012-‐ifop-‐jerome-‐fourquet-‐580147.html 46 BOUCHET Thomas, Noms d'oiseaux: L'insulte en politique de la Restauration à nos jours, Editions Stock, Paris, 2010
28
que le trolling peut rentrer en ligne de compte, car nombre de partisans politiques
s’adonnent au trolling parfois sans même le savoir. En recherchant une typologie du troll
politique, un article du Huffington Post offre cette définition :
« Le troll politique est un fan, il a son idole et ne supporte pas
qu’on puisse ne pas en parler objectivement. Ce qui dans son
esprit signifie ne pas dire qu’il est le meilleur, le plus
compétent, le plus intelligent. »
Chaque communauté produit des trolls, sur toutes sortes de forums, de réseaux
sociaux ; mais aujourd’hui les plus fréquents concernent la politique. Ce sont notamment
les journalistes qui commentent les campagnes présidentielles, qui en sont la cible la
plus courante. En effet, un journaliste qui va parler de Jean Luc Mélenchon sur son blog,
dans un article de journal ou encore sur Twitter, va s’assurer de retrouver dans les
commentaires une masse inimaginable de réponses venant des partisans du candidat
Front de Gauche, dénonçant une sorte de calomnie, qui accuseront le journaliste de
mentir, modifier les tenants de la réalité, et d’être ainsi au service d’une puissance dont
il est l’esclave. Ce type de trolling partisan est très souvent directement associé selon
eux à un « complot » des médias, qui ne délivreraient alors que des informations
erronées. Les partis de gauches ont des légions entières de partisans près à inonder
chaque article négatif traitant d’un de leurs leaders. Mais la gauche n’a pas le monopole
sur cette pratique néanmoins douteuse. La droite a également ses hordes de partisans
capables d’aller relativement loin dans « l’art du trolling ». En effet, lors du très récent
débat sur le mariage homosexuel, la contestation des partisans de la droite a envahi les
réseaux sociaux avec nombre de vidéos, d’images obscènes et autres arguments viraux
qui ont fini par circuler sur tout le web. Un exemple choquant concernait une
photographie d’un enfant portant une affiche débitant des obscénités durant une
manifestation47. Cette photographie qui a circulé sur tout le web et en a choqué plus
d’un, était en fait un photomontage de plusieurs étudiants du syndicat de droite « UNI »,
qui a défrayé la chronique. Comme quoi même une poignée d’individus pratiquant le
trolling peuvent polluer le débat jusqu’en s’immisçant dans l’enceinte de l’Hémicycle ou
plusieurs députés reprennent rumeurs et autres photomontages.
47 http://www.ndf.fr/nos-‐breves/17-‐12-‐2012/incitation-‐a-‐la-‐pedophilie-‐dans-‐le-‐cortege-‐de-‐la-‐manifestation-‐pour-‐la-‐denaturation-‐du-‐mariage
29
Lors de la campagne présidentielle, qu’il s’agisse de la gauche ou de la droite,
chaque parti avait mis en œuvre des actions dans le but de décrédibiliser les candidats
François Hollande et Nicolas Sarkozy, via des rumeurs, des propos diffamatoires, images
et photographies douteuses et caricatures (ANNEXES 2 et 3 page 47-‐48). Un des
exemples les plus frappants concernant ces pratiques serait le « Hollande-‐bashing »48
qui s’est constitué sur des blogs et réseaux sociaux même après l’élection du candidat
PS. On peut considérer cet acte relativement violent à l’encontre du président actuel,
comme étant une réponse à « l’antisarkozysme » qui conférait une haine viscérale du
président sortant avant même l’élection de 2012.
Ce type de comportement utilisé et relayé de plus en plus dans les médias ne peut
plus être considéré comme un débat. On parlera plutôt d’une confrontation de blocs à
blocs qui ne fait que créer un sentiment de haine d’un parti à un autre. Que l’on reprenne
des exemples lors de la campagne présidentielle de 2012, ou lors du débat pour le
mariage pour tous à l’assemblée, ces insultes, injures et quolibets n’ont fait
qu’envenimer le débat. Ce type de pratique tend malheureusement à se démocratiser,
dans un contexte ou ces pratiques douteuses venant d’Internet sont de plus en plus
relayées par les médias. La gauche et la droite n’ont cependant pas le monopole du troll.
L’extrême-‐droite a depuis des années pris le statut de parti expert dans le détournement
d’informations, notamment via des sites de la « réacosphère » ou « fachosphère », qui
génèrent un nombre impressionnant de communautés haineuses, déversant un flot de
messages sur les commentaires de sites d’informations dans l’unique but de faire
pencher les réactions dans leur sens.
2. Le Front National et l’utilisation des « fachosphères »
Le Front National (FN)49 est le parti politique crée par Jean Marie Le Pen en 1971,
qui est incarné aujourd’hui par le bord d’extrême droite sur l’échiquier politique. Ce qui
nous intéresse dans le cadre de cette analyse, c’est l’aspect communicationnel du parti
d’extrême droite, et avant tout, les méthodes utilisées par les partisans de ce parti dans
la lutte pour le pouvoir politique. En effet à prima bord, nous avions vu dans la première 48 http://www.francetvinfo.fr/un-‐an-‐de-‐hollande-‐bashing-‐a-‐la-‐une-‐des-‐journaux_316739.html 49 http://www.france-‐politique.fr/chronologie-‐fn.htm
30
partie de ce mémoire, que Jean Marie Le Pen fut un des premiers hommes politiques à
médiatiser son image en dehors du cadre restreint de la politique. Mais ce qui va être
important d’analyser, c’est le comportement et les agissements de ses partisans, que l’on
peut reconnaître aujourd’hui comme usagers des pratiques de trolling. Ces partisans
sont regroupés sur Internet dans ce que l’on appelle au choix des « fachosphères » ou
encore des « réacosphères ». Il convient donc tout d’abord d’en étudier le
fonctionnement.
Le terme de « fachosphère » vient du mot « fascisme ». Le fascisme est un
mouvement politique crée dans les année 1930 par Mussolini, ami socialiste d’Adolf
Hitler. On peut considérer que des individus fascistes sont des personnes qui souhaitent
museler la liberté d’expression. On peut donc trouver sur les fachosphères des religieux
fous, des personnes qui se sont spécialisées dans le lynchage massif de la presse ; ils
produisent des informations d’indignation sélective, contre toutes les personnes qui font
usage de vérité. On peut également trouver chez ses individus, des censeurs de réseaux
sociaux et autres médias online, qui suppriment comme bon leur semble tout ce qui
selon eux n’est pas réellement conforme à la pensée officielle. La question qui alors doit
se poser, est « comment peut-‐on reconnaitre sur les réseaux du web un interlocuteur issu
d’une fachosphère ? » Il s’agit avant toute chose d’une personne qui va produire le plus
souvent des amalgames d’idées et de la confusion mentale. Si on parle avec cette
personne de François Hollande, il va alors parler de Nicolas Sarkozy ; si on parle du
terrorisme, il va nous parler d’Hitler (utilisation du point Godwin très fréquente). Parce
que cette personne refuse de voir ce qu’elle est, elle va s’approprier une sorte de
morale, qu’elle va ensuite déformer au possible. Toute cette méthodologie appliquée de
manière minutieuse n’est pas sans rappeler le trolling. En effet, c’est à ce moment que
l’on s’aperçoit qu’il existe un certain nombre de similitudes entre un troll comme nous
avons pu le définir, et un usager de la fachosphère. Une de ces similitudes et non des
moindres, concerne la pratique de l’insulte. Il s’agit presque d’une passion pour cet
individu ; lorsqu’il cherchera tous les arguments pour contester notre droit d’évoquer
un sujet bien précis qui le dérange, et au moment de percer à jour la comédie qu’il joue,
l’utilisation de l’insulte va devenir massive. Nous en sommes à un stade ou il ne s’agit
plus de débattre avec cette personne ; le débat est presque impossible dans la mesure ou
à partir du moment ou on le contredit, il s’enfermera progressivement derrière une
31
sorte de déni et des injures proférées à tout va. Bernard Raquin, psychologue et
chercheur en psychothérapie nous donne une autre vision du troll de la fachosphère :
« Il cherche à l’extérieur la bête immonde qui est en lui.
Comme il ne la trouve pas, évidemment, il cible n’importe qui,
au gré de ses humeurs et de la mode. »
Ce qu’il faut voir maintenant, c’est le mode opératoire utilisé par les individus de
la fachosphère. La fachosphère est donc représentée par un groupe d’individus dont les
idées sont relativement extrêmes, et la plupart du temps affiliées au Front National. Ils
utilisent la même panoplie d’armes que les trolls de manière générale. Il s’agit le plus
fréquemment d’attaques organisées sur des sites Internets de journalisme, comme par
exemple Le Monde, Le Figaro ou encore des pure-‐players tels que Mediapart, Slate ou
Rue 89. C’est d’ailleurs un article50 de Pierre Haski, le fondateur de Rue 89 qui va nous
donner un certain nombre de précisions par rapport au modus operandi des
fachosphères, notamment après en avoir subit les attaques. Il va alors cibler un des sites
les plus connus, utilisé pour regrouper et coordonner ces attaques que subissent les
journalistes continuellement. Il s’agit ici du site Internet « Fdesouche »51, ou François
Desouche, qui est bien sûr un jeu de mot pour dire « Français de souche ». Nous allons
nous attarder un temps sur ce réceptacle de l’opinion extrême-‐droitière.
En effet, tout d’abord dans son nom, ce site Internet montre à l’utilisateur
connecté qu’il se trouve bel et bien sur un site Internet prônant des idées pro
nationalistes, allant même jusqu’à une haine raciale déguisée sous un discours
paraissant structuré. Aux premiers abords, ce site ressemble à peu de choses près à un
site quelconque d’information, dans la mesure ou il est organisé comme un blog
classique. Mais en analysant un peu mieux sa structure, ses sujets et les images qui sont
incrustées en toile de fond, tout ce qui est visible se rapproche de près ou de loin à des
icônes nationalistes : on y voit des photographies de Jean Marie Le Pen, une sculpture de
Jeanne d’Arc, les emblèmes de la royauté française (fleur de lys), ainsi qu’un vocabulaire
assez fréquent du champ lexical utilisé par les frontistes. Ce qui est le plus frappant, c’est
lorsque l’on analyse la bottom-‐page (bas de page) du site Internet. Nous pouvons ainsi
50 http://archives-‐lepost.huffingtonpost.fr/article/2009/10/13/1739885_reacosphere-‐comment-‐le-‐blog-‐fdesouche-‐catalyse-‐les-‐buzz.html 51 http://www.fdesouche.com/
32
voir apparaître un nuage de mots-‐clés (ANNEXE 4 page 48) qui nous éclaire
définitivement sur les sujets abordés sur le site. On peut y voir notamment des
références aux religions, au racisme, à la justice, et à tous les faits divers qui sont le plus
souvent accordés par ces partisans du Front National aux habitants des « cités
sensibles ». Nous sommes donc sur un site traditionnel et aujourd’hui reconnu de la
fachosphère.
Comme j’ai pu l’indiquer dans cette analyse, le fonctionnement de la fachosphère
est a mettre en adéquation directe avec le fonctionnement des trolls. L’utilisation
verbale d’injures et insultes en tous genres caractérise le plus souvent le mode
opératoire de ces individus qui viennent envahir les sites journalistiques. Il s’agit
d’ailleurs d’un réel envahissement, lorsque l’on parle de l’action fachosphérique. Comme
nous le dit Pierre Haski dans un article de Rue 89 très justement titré « La fachosphère
ne passera pas »52, cette sphère ne se déplace jamais seule, mais en tir groupé. La
pratique la plus courante est une frappe chirurgicale de la part des partisans d’extrême
droite sur Internet, dans les commentaires des articles qui les dérangent. Le site Internet
Fdesouche a justement un rôle important dans ces manœuvres belliqueuses, dans la
mesure ou il s’agit d’un des principaux sites que les usagers utilisent pour se mettre
d’accord et coordonner ces frappes d’insultes, injures et autres dénigrements. Il est
également un outil de buzz servant à faire transiter de nombreuses informations qui
vont être ensuite modifiées ou exagérées, dans l’unique but d’attirer l’attention du
public. En amont le site Internet va attirer les buzz, et en aval les militants du FN vont se
charger de diffuser l’information à grande ampleur. Cela est d’autant plus frappant
lorsque Marine Le Pen elle-‐même reconnaît lire Fdesouche régulièrement, et quand le
chef de projet Internet du Front National, Julien Sanchez, va compléter en disant qu’il lit
également fréquemment le blog dans la mesure où il rejoint en partie leurs idées sur
l’identité et l’immigration dans un article de 2009 du Huffington Post53. De plus, le site
lui-‐même insiste sur le fait qu’il reçoit près de 40000 visiteurs par jour. On comprend
donc facilement l’ampleur des attaques proférées par ces trolls extrémistes sur les
journaux en ligne.
52 http://www.rue89.com/making-‐of/2010/10/12/sur-‐rue89-‐la-‐fachosphere-‐ne-‐passera-‐pas-‐170683 53 http://archives-‐lepost.huffingtonpost.fr/article/2009/10/13/1739885_reacosphere-‐comment-‐le-‐blog-‐fdesouche-‐catalyse-‐les-‐buzz.html
33
Les sites Internet d’informations en ligne qui sont la cible de ces pratiques de
plus en plus courantes, ont malgré tout tenté de trouver une parade vis-‐à-‐vis de ces
pratiques, en renforçant leurs chartes de commentaires respectives. En effet aujourd’hui
nous pouvons le plus souvent trouver dans ces chartes des mentions indiquant que
lorsqu’un internaute utilisera un vocabulaire injurieux pour commenter un article, ce
dernier verra son commentaire supprimé par un modérateur. La figure du modérateur
s’est répandue très rapidement sur Internet, car il est le seul à pouvoir empêcher que le
discours s’enflamme dans les commentaires d’articles de presse, comme l’indiquait Cass
Sunstein. Seulement le filtrage de l’information ne permet pas encore d’empêcher
totalement les discours racistes et haineux de la réacosphère, dans la mesure ou il se
limite la plupart du temps à cibler les injures verbales et insultes directes ; si un
utilisateur veut utiliser un discours raciste, du moment qu’il le fait de manière
structurée sans utiliser de mots grossiers, le commentaire sera publié. Ces tentatives
maintenant fréquentes de déstabilisation, sont réalisées dans le but ultime d’attirer
l’attention des lecteurs, mais également des journalistes eux-‐mêmes. Pour ces raisons,
nous pouvons donc affirmer qu’il s’agit d’une des principales pratiques de trolling
utilisée par les partisans de l’extrême droite, et qui est également bénéfique pour leurs
dirigeants.
« Qu'on parle de moi en bien ou en mal, peu importe.
L'essentiel, c'est qu'on parle de moi ! » Léon Zitrone
La dernière partie que nous allons analyser, est totalement en rapport avec
l’utilisation politique du trolling. Car il ne faut pas voir ce processus comme étant
uniquement une arme d’individus solitaires ; l’utilisation grimpante de cette pratique est
venue s’immiscer directement dans la politique, jusqu’à faire partie intégrante des
stratégies de la communication politique actuelle.
3. La communication politique s’empare de nouvelles armes
Nous avons vu dans cette troisième partie que l’utilisation du trolling s’est
démocratisée dans le cadre politique. Il est en effet de plus en plus utilisé par les partis
politiques eux-‐mêmes pour tenter de déstabiliser leurs adversaires, art dans lequel le
34
Front National est devenu maître. Cette dernière partie de l’analyse va traiter de
l’utilisation du trolling dans la communication politique, notamment dans les stratégies
virales de communications utilisées lors des campagnes présidentielles.
La communication politique s’est imposée avec le temps comme étant un outil
plus que nécessaire à l’élaboration de stratégies pour la lutte et la quête du pouvoir. On
peut reprendre la définition de Dominique Wolton54, Directeur de l’Institut des Sciences
de la Communication au CNRS pour comprendre ce que nous allons analyser :
« La communication politique est l’espace où s’échangent les
discours contradictoires des trois acteurs qui ont la légitimité
à s’exprimer publiquement sur la politique et qui sont les
hommes politiques, les journalistes et l’opinion publique à
travers des sondages ».
Nous avons vu que l’utilisation du trolling est une arme redoutable et de plus en
plus importante en politique. Mais faire « troller » des partisans sur Internet n’est pas
suffisant, il faut que cela soit une personnalité politique de premier plan qui use de cette
pratique pour que l’impact médiatique soit certain. Il faut que cette personnalité ait une
certaine audience dans les médias, mais qu’elle n’ait pas forcement une importante
cruciale au sein du gouvernement. En effet, si les propos tenus par cet individu
deviennent trop gênants, il faut pouvoir se séparer de lui. Nous allons nous intéresser
plus particulièrement au cas de l’UMP qui a vu naître en son sein certaines pratiques
chez des hommes politiques, confirmant la théorie comme quoi le trolling se serait
répandu dans les hautes sphères décisionnelles.
Les figures de proue des partis politiques ne s’adonnent que rarement à ce type
de pratiques. Il est très risqué de produire consciemment un certain type de discours qui
sera relativement déplacé voir violent que cela soit au niveau des idées ou au sens
verbal uniquement. Il est assez frappant d’observer à quel point plusieurs personnalités
du gouvernement Fillon ont pu produire un discours allant jusqu'au racisme, voir la
xénophobie. L’homme politique qui s’est spécialisé dans ce type d’apparitions
médiatiques durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy était nul autre que Claude
Guéant. On se rappelle très bien dans les mois précédents l’élection présidentielle que
54 http://www.wolton.cnrs.fr/spip.php?article61
35
l’UMP était accusé de faire une sorte de ratissage électoral auprès du Front National
comme cela est cité dans un article du Courrier International55 en Février 2012. Claude
Guéant n’est pas le seul à pouvoir être accusé de propos de la sorte ; on a également vu
Brice Hortefeux, Nadine Morane ou encore Frédéric Lefebvre déraper dans leurs propos.
Mais peut-‐on réellement considérer ces pratiques comme tenant du dérapage, ou plutôt
de la stratégie politique réfléchie ? Il existe actuellement un consensus qui tend à y voir
des actes totalement contrôlés. Car en effet, les trolls ne font pas de dérapages, ils
« trollent » tout simplement. Claude Guéant, malgré ses nombreuses frasques, reste un
homme très intelligent et mesuré, connaissant parfaitement l’impact des mots qu’il
utilise dans les médias, et l’effet que cela peut créer. Ce mécanisme s’est d’ailleurs très
souvent inscrit dans un contexte politico-‐social, avec des déclarations touchant
notamment la religion musulmane, l’islam et parlant d’une inégalité des civilisations. Le
pure player Slate a d’ailleurs consacré un article56 en 2011 à la veille des élections
cantonales, titré à juste titre « Claude Guéant, le stratège de la gaffe ». Dans cet article on
parle de « gaffes contrôlées », notamment en parlant de l’utilisation du mot « croisade »,
utilisé par Claude Guéant pour qualifier l’action de Nicolas Sarkozy en pleine bataille
diplomatique pour obtenir un accord de l’ONU pour intervenir en Libye. Frédéric
Lefebvre a lui pris l’habitude de produire des propos qui sont plus proches de la
« bêtise » qu’autre chose, mais qui néanmoins ont fait du bruit ; on peut parler
notamment de son discours traitant de la castration chimique des violeurs récidivistes
en 2009 après la médiatisation d’une affaire de viol57.
Ce qui importe le plus dans cette recherche, c’est d’essayer de comprendre la
raison qui implique de telles pratiques chez les hommes politiques eux-‐mêmes, et quels
sont les buts recherchés. Comme il a été dit précédemment, cela peut laisser croire qu’il
s’agit avant toute chose d’une stratégie politique. En effet, rien de mieux pour attirer
l’attention sur soi, que de proférer des propos outrageants. Il y a tout d’abord cette idée
de saboter l’attention en la rejetant sur un sujet qui fera ensuite polémique. La seconde
utilité que l’on retrouve notamment chez Claude Guéant, peut être une tentative
délibérée de séduction d’un électorat adversaire. Les propos que l’ancien ministre de
55 http://www.courrierinternational.com/article/2012/02/08/claude-‐gueant-‐ou-‐le-‐racisme-‐assume 56 http://www.slate.fr/story/36121/gueant-‐islam-‐cantonales-‐fn-‐strategie 57 http://www.slate.fr/story/9199/frederic-‐lefebvre-‐est-‐un-‐troll
36
l’intérieur a proféré à plusieurs reprises, ont été identifiés par les cadres du FN eux-‐
mêmes, comme une tentative de récupération de leur propre électorat. La dernière
utilité que l’on pourrait accorder à cet acte de trolling politique, c’est la possibilité de
tester une idée : si un homme politique envoi de lui-‐même une idée qu’il fera passer
pour personnelle dans les médias, cela peut permettre au gouvernement de jauger la
réaction de l’opinion publique, et ainsi de poursuivre ou non la piste dont il est question.
Nombre d’exemples confirment donc qu’aujourd’hui la communication politique
peut être utilisée comme une arme pour, pas seulement déstabiliser son adversaire,
mais aussi tester l’opinion publique sur certains sujets. Cette tendance trouve d’autant
plus son écho dans l’intérêt que les médias portent à ces informations, qualifiant
certains hommes politiques comme « bons clients ». Cette tendance se confirme d’autant
plus qu’avec les médias « people », les hommes et femmes politiques sont traités
différemment. On peut notamment imager ce fait avec l’affaire du Tweet58 de Valérie
Trierweiler, qui a crée une polémique enflammée alors qu’elle venait à peine de devenir
première dame de France. En effet, elle avait alors encouragé un candidat PS dissident
en lice pour les élections législatives en Charente Maritime, opposé à Ségolène Royal qui
n’est autre que l’ex-‐femme de François Hollande. Ce qui est à retenir de cette affaire,
c’est le fait que la plupart des journaux à tendance politiques ont tenu des unes
similaires à des journaux peoples tels que Closer ou Gala. Alors même que cette affaire
prenait une ampleur démesurée, on parlait bien plus de celle ci que des élections
législatives elles-‐mêmes alors que la position de l’UMP sur l’échiquier politique suscitait
nombre de questionnements, notamment lorsque certaines personnalités telles que
Nadine Morano, Nathalie Kosciusko-‐Morizet ou Christian Estrosi ont fait appel aux
électeurs du FN pour faire barrage au Parti Socialiste.
Pour conclure l’analyse de la communication politique actuelle, nous pouvons
donc affirmer sans mauvaises présomptions que le trolling s’est immiscé
progressivement dans la sphère politique. Même si les individus en faisant usage
appellent à la simple erreur de langage, le constat est clair lorsqu’il s’agit d’y voir des
fins stratégiques.
58 http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/06/12/valerie-‐trierweiler-‐encourage-‐falorni-‐contre-‐royal_1716981_823448.html
37
Conclusion
L’utilisation d’Internet a connu un véritable succès durant la dernière décennie.
Même si ces nouveaux outils ont mis un certain temps à s’imposer, ils sont devenus
nécessaires à la vie politique depuis l’élection de Barack Obama en 2008, notamment
dans le cadre électoral. Mais nous avons pu voir dans cette recherche qu’Internet est
également devenu le nouveau terrain de certaines pratiques qui existaient auparavant.
En effet, les individus ont la possibilité de débattre entre eux depuis plusieurs siècles,
tout comme les politiques rivalisent entre eux depuis que les romains ont inventé le
forum.
Ces nouvelles pratiques qui ce sont développées sur la branche participative
d’Internet démontrent qu’il existe encore de nombreux biais à l’utilisation de cet outil
dans le cadre du débat citoyen. En effet, le trolling est une pratique qui tend à se
démocratiser de la même manière qu’un désenchantement des citoyens au sujet de la
politique continuera à croitre. Il suffit de voir les derniers chiffres dans les sondages vis-‐
à-‐vis de la confiance accordée notamment au président François Hollande, pour
comprendre que malgré une victoire que les citoyens lui ont offert il y a 1 an, ces
derniers retournent leur veste assez rapidement ; l’indice de popularité du président
actuel, dans un sondage ifop59 d’avril 2013, montre près de 74% de participants
mécontents de cette première année du quinquennat. Ce chiffre représente parfaitement
le contexte dans lequel nous nous trouvons.
L’outil participatif qui est Internet, s’est vu devenir une place de forte
contestation ; les citoyens mécontents pour la plupart de la vie politique se réfugient sur
Internet pour donner libre court à leur discours désabusés ; Internet représente un
nouveau pan de l’espace public habermassien. C’est notamment dans ce cadre que ce
sont développées les nouvelles pratiques que nous avons analysé dans ce travail de
recherche. Le trolling est l’archétype du comportement crée par un sentiment
d’incompréhension et de haine de ce que les médias peuvent nous montrer tous les
jours. C’est d’ailleurs la raison qui explique le fait que ces médias sont les principales
cibles des trolls. 59 http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=2224
38
Le rêve d’un nouvel espace démocratique développé par les partis politiques eux-‐
mêmes, a pu se réaliser certaines mesures, comme pour l’organisation des campagnes
électorales et le recrutement des citoyens et leur engagement 2.0 ; mais nous avons
également pu constater qu’Internet n’est pas démocratique, nous ne sommes pas tous
égaux face à cet outil, qui peut être également vu comme étant l’agrégateur d’intérêts
individuels dans les débat, et non d’intérêts collectifs ; c’est pour cela que nous
utiliserons le terme « d’individualisme connecté ».
Si Internet peut être utilisé comme un outil de démocratie participative, il faut
alors qu’il se mette en place une régulation des comportements qui y sont inhérents.
C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’a émergé la figure du modérateur sur les forums et
commentaires d’articles de journaux, pour tenter de palier aux dérives, insultes et
injures qui incarnent le comportement d’individu désenchantés. Il existe tout de même
des exemples d’un fonctionnement efficace en terme de participation, comme nous
l’avons vu sur le site américain Reddit, sur lequel Barack Obama a fait le pari audacieux
de créer le débat. On peut donc retrouver certains débats de société sur Internet qui
peuvent être tout de même riches en informations et qui peuvent attirer une opinion
difficile à capter par ailleurs. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit également du lieu
d’expression privilégié des groupes minoritaires qui investissent le web pour faire
entendre leurs idées : ce que l’on peut qualifier de trolling. Loin de contribuer à
l’expression réelle du pluralisme politique, Internet contribuerait d’avantage à polariser
l’opinion jusqu’à la réduire en des oppositions entre pro et antis. L’anonymat sur
Internet est d’ailleurs devenu un des principaux biais à la participation au débat. Il est
l’apanage des trolls ; cette multiplication des avatars et de l’anonymat sur les forums
montre également la force du malaise, nécessitant pour les individus le besoin de cacher
leur identité pour éviter toutes représailles personnelles.
Nous avons notamment vu cela dans le cadre de la lutte pour le pouvoir des
partis politiques. Il est atterrant de constater que des partis majoritaires tels que l’UMP
ou le PS, ont repris ces usages douteux. L’exemple du Front National montre également à
quel point les partisans peuvent dorénavant user de pratiques déloyales pour tenter
d’imposer leurs opinions et déstabiliser leurs adversaires. Aujourd’hui tous les moyens
sont bons pour lutter, mêmes si il s’agit saboter l’attention des usagers, créer du buzz
sur de fausses informations, ou encore d’insulter délibérément son adversaire.
39
Il convient tout de même d’adopter une posture de neutralité axiologique lors de
l’étude de l’interaction entre la politique, Internet et l’usage qu’en font les citoyens; nous
ne pouvons pas nous limiter à un point de vu entièrement négatif concernant l’usage
d’Internet et du web2.0 dans le monde politique actuel, autant que nous ne pouvons pas
encore considérer cet outil comme étant un nouvel espace démocratique. En effet, il a
été prouvé que certaines initiatives donnent l’espoir d’une participation légitime et
réfléchie de la part des utilisateurs, et comme nous l’avons vu dans ce travail de
recherche, nous ne sommes qu’au début du processus de participation des citoyens sur
Internet. Mais pour qu’Internet puisse un jour s’imposer comme cet espace
démocratique rêvé par les dirigeants, il va falloir palier aux dérives qu’eux-‐mêmes
opèrent, et qu’une prise de conscience se fasse du côté des utilisateurs qui doivent
tendre vers la création d’un réel débat encadré dans des règles et des protocoles; sans
avoir besoin de la censure qui enlèverait définitivement toute légitimité démocratique à
Internet. Cet espace d’expression est un outil libre et le restera, et nous retrouverons
sans aucun doute toujours cette figure du « troll » dans les commentaires de nos articles
en lignes ou dans certains forums, car il y aura toujours des individus qui auront ce
besoin de créer la contestation en utilisant des méthodes liées à l’humour et au
sarcasme. C’est aussi cela, la liberté d’expression.
40
Table des matières
Introduction 1
Première partie – Les origines du « trolling » 3
1. Les origines du détournement en politique 3
a. La naissance de l’obstruction parlementaire aux Etats-‐Unis 3
b. Les batailles d’amendements 5
2. Définition et fonction politique du « troll » 6
a. Définition 6
b. Fonction politique du troll 8
3. Renouvellement sur le web d’une ancienne pratique 10
Deuxième partie – Une progressive descente du web dans 13
l’arène politique ?
1. Historique de l’utilisation du web à des fins politiques 13
a. Les élections municipales de 2001 14
b. 2005 : les premières contestations sur Internet 15
c. Internet comme outil d’organisation de la campagne électorale 16
d. La campagne américaine de Barack Obama en 2008 16
2. Internet use d’une symbolique de la démocratie 17
3. L’empowerment des citoyens sur internet 20
4. Entremêlement de la sphère publique/privée du politique 22
Troisième partie – Le trolling à l’usage des partis politiques dans la lutte pour le pouvoir 26
1. La bataille UMP/PS 26
2. Le FN et son usage des fachosphères 29
3. La communication politique s’empare de nouvelles armes 33
41
Conclusion 37
Bibliographie 42
Webographie 43
ANNEXES 47
42
Bibliographie
Bouchet T., Noms d'oiseaux: L'insulte en politique de la Restauration à nos jours, Editions
Stock, Paris, 2010
Cardon D., La démocratie Internet. Promesses et limites, Paris, Seuil, 2010
Casilli P., Les liaisons numériques, Editions du Seuil, Paris, 2010
Duverger M., Les partis politiques, Paris, Editions Colin, 1951
Flichy P., L’imaginaire d’Internet, Editions La Découverte, Paris, 2001
Flichy P., Internet et le débat démocratique, Réseaux, n.150, 2010
Flichy P., L’individualisme connecté, entre la technique numérique et la société, in Réseaux,
n° 124, 2004
Fouetillou G., Le web et le traité constitutionnel européen, Réseaux (n° 147), p. 229-‐257,
2008
Granovetter M., Strength of weak ties, American Journal of Sociology, Vol.78, No. 6 (May,
1973), pp. 1360-‐1380
Jarry A., Gestes et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien, Gallimard, Paris, 1980
Kantorowicz E., Les deux corps du Roi, Paris, Gallimard, 1989 Habermas J., L’espace public, archéologie de la publicité comme dimension constitutive de
la société bourgeoise, Paris, Editions Payot, réédition, 324p, 1988
Lefebvre A., Espace public et technologies de l’information, in Serfaty V. (dir), L’Internet
en politique des Etats-‐Unis à l’Europe, Presses Universitaires de Strasbourg, Strasbourg,
2002
Manin B., Principes du gouvernement représentatif, Champs essais, Paris, 2012
Neveu E., Médias et protestations collectives, in Agrikoliansky E., Sommier I., Fillieule O.
(dir), Penser les mouvements sociaux, Paris, Editions La Découverte, 2010
43
Webographie
-‐ Définition du flibustier (Obstruction parlementaire)
http://uspolitics.about.com/od/glossary/a/whatisfilibuster.htm
-‐ Biographie d’Henry Clay
http://bioguide.congress.gov/scripts/biodisplay.pl?index=c000482 -‐ Biographie de Wayne Morse http://en.wikipedia.org/wiki/Wayne_Morse
-‐ Article du Figaro « Le mariage pour tous, vers le même sort que la loi Savary »
http://www.lefigaro.fr/actualite-‐france/2013/01/11/01016-‐20130111ARTFIG00612-‐mariage-‐pour-‐tous-‐vers-‐le-‐meme-‐sort-‐que-‐la-‐loi-‐savary.php
-‐ Article du site Dalloz « le point sur le droit d’amendement » http://actu.dalloz-‐etudiant.fr/a-‐la-‐une/article/point-‐sur-‐le-‐droit-‐damendement//h/43e1f3b7d3421b437441b10ad8bb6c99.html -‐ Vidéo du site Dailymotion « L’obstruction parlementaire » http://www.dailymotion.com/video/x8066s_obstruction-‐parlementaire-‐quand-‐le_news#.UXKaXyt5yVQ
-‐ Définition du troll
http://www.cnrtl.fr/definition/troll -‐ Blog de Yann Leroux http://www.psyetgeek.com/
-‐ Interview de Pacôme Thiellement « L’humour comme arme de guerre »
http://www.standardsandmore.fr/vu-‐lu-‐entendu/40-‐en-‐librairies/359-‐pacome-‐thiellement-‐interview-‐l-‐humour-‐arme-‐de-‐guerre -‐ Article du site Direct Matin « François Hollande à Romans, capitale de la chaussure » http://www.directmatin.fr/politique/2012-‐03-‐13/francois-‐hollande-‐romans-‐capitale-‐de-‐la-‐chaussure-‐6996
-‐ Article du site Ifex “Le gouvernement s'engage à réformer la loi sur la diffamation qui fait l'objet de « moqueries »
44
http://www.ifex.org/united_kingdom/2011/01/12/libel_law_reform_promises/fr/ -‐ Définition de « Usenet » http://www.usenet-‐fr.net/Qu-‐est-‐ce-‐que-‐Usenet.html -‐ Article du blog psyetgeek « la meow war » http://www.psyetgeek.com/la-‐meow-‐war -‐ Définition du “Point Godwin” http://quoi.info/actualite-‐politique/2013/01/31/cest-‐quoi-‐un-‐point-‐godwin-‐1123376/
-‐ Article traitant de l’évolution du nombre d’internautes en France
http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-‐net/nombre-‐internautes-‐france.shtml
-‐ Blog d’Etienne Chouard, article « La constitution européenne et le révélateur du cancer de la démocratie »
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Constitution_revelateur_du_cancer_de_la_democratie.pdf
-‐ Site participatif de Ségolène Royal « Désirs d’avenir »
http://www.desirsdavenir.org/ -‐ Article du site Politique.net « Sarkozy.fr, une web tv dupliquée une dizaine de fois » http://www.politique.net/2008110101-‐sarkozy-‐fr-‐une-‐web-‐tv-‐dupliquee-‐une-‐dizaine-‐de-‐fois.htm
-‐ Site officiel de Barack Obama
http://www.barackobama.com/
-‐ Site officiel d’Al Gore
http://www.algore.com/ -‐ Article sur les recherches de Lincoln Dahlberg, sur le cas du site « E-‐democracy » du Minnesota http://firstmonday.org/ojs/index.php/fm/article/view/838/747
-‐ Page participative de Barack Obama sur le site Reddit.com
http://www.reddit.com/r/IAmA/comments/z1c9z/i_am_barack_obama_president_of_the_united_states/
45
-‐ Article Le Monde sur l’utilisation de Barack Obama du site Reddit.com http://www.lemonde.fr/elections-‐americaines/article/2012/08/30/obama-‐investit-‐reddit-‐quand-‐les-‐republicains-‐investissent-‐romney_1753115_829254.html -‐ Article du site Boston Review traitant de Cass Sunstein http://bostonreview.net/BR26.3/sunstein.php
-‐ Article du blog lanetscouade.com traitant sur Benoit Thieulin
http://www.lanetscouade.com/equipe/benoit-‐thieulin
-‐ Article du site Agoravox.fr traitant d’Alain Peyrefitte
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/alain-‐peyrefitte-‐le-‐diplomate-‐65723
-‐ Sondage Ifop concernant l’avis des français sur le cas des médias et la vie privée des politiques
http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=1511 -‐ Page sur la déclaration du patrimoine des ministres sur un des sites du gouvernement français http://www.declarations-‐patrimoine.gouvernement.fr/
-‐ Histoire du Parti Socialiste
http://www.france-‐politique.fr/parti-‐socialiste.htm -‐ Histoire de l’UMP http://www.france-‐politique.fr/chronologie-‐ump.htm
-‐ Article du site Atlantico.fr sur la crise de l’UMP et la création du RPR
http://www.atlantico.fr/rdvinvite/crise-‐ump-‐creation-‐rpr-‐et-‐udf-‐fronde-‐souverainistes-‐et-‐renovateurs-‐unions-‐et-‐scissions-‐droite-‐1976-‐2012-‐ifop-‐jerome-‐fourquet-‐580147.html
-‐ Article du site ndf.fr sur la manifestation du mariage pour tous.
http://www.ndf.fr/nos-‐breves/17-‐12-‐2012/incitation-‐a-‐la-‐pedophilie-‐dans-‐le-‐cortege-‐de-‐la-‐manifestation-‐pour-‐la-‐denaturation-‐du-‐mariage
-‐ Article du site Francetvinfo.fr sur le « Hollande Bashing »
http://www.francetvinfo.fr/un-‐an-‐de-‐hollande-‐bashing-‐a-‐la-‐une-‐des-‐journaux_316739.html -‐ Histoire du Front National
46
http://www.france-‐politique.fr/chronologie-‐fn.htm
-‐ Article du Huffington Post sur la réacosphère
http://archives-‐lepost.huffingtonpost.fr/article/2009/10/13/1739885_reacosphere-‐comment-‐le-‐blog-‐fdesouche-‐catalyse-‐les-‐buzz.html -‐ Site Internet « Fdesouche.com » http://www.fdesouche.com/
-‐ Article de Rue89 sur la fachosphère
http://www.rue89.com/making-‐of/2010/10/12/sur-‐rue89-‐la-‐fachosphere-‐ne-‐passera-‐pas-‐170683 -‐ Définition de la communication politique par Dominique Wolton
http://www.wolton.cnrs.fr/spip.php?article61
-‐ Article du Courrier International sur les propos de Claude Guéant
http://www.courrierinternational.com/article/2012/02/08/claude-‐gueant-‐ou-‐le-‐racisme-‐assume -‐ Article de Slate sur les propos de Claude Guéant http://www.slate.fr/story/36121/gueant-‐islam-‐cantonales-‐fn-‐strategie -‐ Article de Slate sur les propos de Frédéric Lefebvre http://www.slate.fr/story/9199/frederic-‐lefebvre-‐est-‐un-‐troll
-‐ Article Le Monde sur l’histoire du Tweet de Valérie Trierweiler
http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/06/12/valerie-‐trierweiler-‐encourage-‐falorni-‐contre-‐royal_1716981_823448.html
-‐ Sondage Ifop concernant la côte de popularité de François Hollande
http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=2224
47
ANNEXES
ANNEXE 1
Propos personnels tenus par Benoît Hamon et Cécile Duflot sur leurs comptes Twitter.
ANNEXE 2
Affiche de Nicolas Sarkozy détournée par des militants du PS.
48
ANNEXE 3
Affiche de François Hollande détournée par des militants de l’UMP.
ANNEXE 4
Nuage de mots-‐clés sur le site Internet « Fdesouche ».