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L’ÉPÉE DE CHARLEMAGNE Margot Bruyère et Titre_Charlemagne:Gab/int/les histoires 6/03/12 15:30 Page 1

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L’ÉPÉE DECHARLEMAGNE

Margot Bruyère

et

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L’EMPIRE DE CHARLEMAGNE

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LA BRETAGNE DE NOMINOÉ

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LES PERSONNAGES

La famille impériale :

Louis Ier le Pieux empereur d’Occident

Judith de Bavière impératrice d’Occident

Charles fils de Louis Ier et de Judith

Lothaire fils aîné de Louis Ier

Pépin et Louis autres fils de Louis Ier

Les sept élus de Charlemagne :

Roland héros légendaire, ami de

Charlemagne

Éginhard savant, secrétaire de Charlemagne

Efflam comte de Glay-Acquin, filleul de

Charlemagne

Amaury Bayard fils du comte Bayard, fidèle de

Charlemagne

Barthold le Frison commandant en chef des flottes de

Charlemagne

Hervé de la Tour fils du général en chef des armées

de Charlemagne

Guillaume conseiller de Charlemagne

du Plessis

Autres personnages importants :

Landrik écuyer du comte Efflam de Glay-Acquin

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Clothilde épouse d’Efflam

Nominoë duc de Bretagne

Morona druidesse bretonne et veuve du roi

Morvan

Ganelon beau-frère de Charlemagne, traître

Tailledru valets du comte de Glay-Acquin

et Coupesoif

Romarik cousin de Landrik

Janika servante et amie de Clothilde

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Première partie

Les sept épées du moine

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En ce mois de mai 833, Landrik et son chien couraient

dans la forêt depuis des heures. Pourtant, ni l’un ni

l’autre ne montrait le moindre signe de fatigue. Landrik,

un colosse en pleine force de l’âge, allait de son grand

pas élastique sur ses sandales de cuir. Tann, un superbe

dogue, le précédait. À une croisée de chemins, ils virent

déboucher sur leur droite un cheval au galop. Le cavalier

tira sur les rênes et arrêta sa monture.

–Je suis bien sur la route qui mène au château de

Glay-Acquin ? demanda-t-il.

C’était un moine, mais un moine qui se tenait en selle

avec l’aisance d’un chevalier. Son long manteau de

bure* était tout poussiéreux, preuve qu’il avait fait un

long voyage.

– Oui, répondit Landrik. Tournez à gauche au prochain

chemin. Vous verrez le château à votre droite en sortant

de la forêt.

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– Je vous remercie, mon fils, dit le moine. Savez-vous

si le comte Efflam est sur ses terres actuellement ?

– Oui, répondit Landrik, puisque je suis là.

Le moine l’examina avec attention. L’homme était

vêtu d’une simple tunique de chanvre beige, et de braies*

de même teinte. Ses souples sandales de cuir étaient lacées

sur les mollets. Il ne portait pas l’épée, signe distinctif

de la noblesse, mais un scramasaxe, le sabre court des

soldats francs.

– Seriez-vous son écuyer ?

Le visage de Landrik s’éclaira :

– Tout juste, mon père ! Je suis son écuyer depuis

dix ans.

Le moine sourit sous son capuchon et, regardant le

splendide molosse d’un œil connaisseur, ajouta :

– Vous avez là une bien belle bête.

– C’est Tann, répondit Landrik avec fierté. Mon

meilleur compagnon. Je l’ai dressé moi-même. Nous

revenons de la chasse.

Et Landrik frappa de la main sur la gibecière* bien

remplie qu’il portait en bandoulière.

– Nous rentrons justement au château de Glay.

Suivez-nous.

Sans attendre la réponse, Landrik siffla son chien

et reprit sa course.

– Peste, pensa le moine en pressant sa monture.

Ce diable d’homme court aussi vite que mon cheval

galope.

Il faut dire qu’en ce temps-là les routes n’étaient que

de mauvais chemins caillouteux, et les coursiers

ressemblaient plus à de lourds chevaux de labour qu’à

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des pur-sang. Néanmoins, Landrik était sans conteste

le meilleur coureur de Bretagne.

***

Le château de Glay-Acquin, comme la plupart des

châteaux de cette époque, était une sorte de grosse

ferme en bois. Autour du logis principal et de la vaste

cour se groupaient les écuries, les granges, les greniers

et les chaumières des serviteurs. L’ensemble était

entouré d’une double palissade d’épieux, que dominait

une tour de guet. La contrée était paisible en ce moment,

le portail était ouvert et Landrik entra dans la cour,

suivi du moine. En cette fin d’après-midi, il régnait

dans l’enceinte du château une grande activité : les

palefreniers rassemblaient les chevaux pour la nuit,

les vachers poussaient leur troupeau dans l’étable pour

la traite, et les porchers ramenaient vers la porcherie

les cochons qui s’étaient égaillés dans la forêt voisine.

Les poules caquetaient, les oies cacardaient, et les

canards cancanaient dans un vacarme assourdissant.

Landrik, habitué à ce tohu-bohu, donna ordre à

un valet de s’occuper du cheval du moine et lui

demanda où se trouvait le comte Efflam.

– Il est près de l’étang, avec madame Clothilde.

– Le comte Efflam est donc marié ? demanda le

moine tout en marchant.

– Oui, dit Landrik, il est marié d’hier. Il a épousé

une orpheline qu’il avait recueillie enfant. Quand

madame Clothilde est devenue une belle jeune fille, il

en est tombé amoureux, et je le comprends ! Elle est aussi

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bonne que belle, et nous sommes tous heureux de

l’avoir pour maîtresse.

Clothilde et Efflam étaient assis sur un banc auprès

d’un étang où évoluaient des cygnes et des grues domestiques.

Ils étaient tous deux vêtus à la mode franque : Clothilde

avait une longue robe de lin bleue recouverte d’un

manteau d’un fin lainage de la même couleur, mais

plus court et bordé d’un large galon de soie brodé de

fils d’or. Ses cheveux blonds étaient serrés sur la nuque

en une lourde tresse. Efflam portait une courte tunique

de lin de couleur rouille, serrée à la taille par une large

ceinture richement brodée, et des braies de laine noires.

Quand le moine aperçut Efflam, il ordonna à

Landrik d’une voix brève :

– Laisse-nous maintenant.

Landrik s’immobilisa, ne quittant pas des yeux le

visiteur. Le comte Efflam vint à sa rencontre. Les deux

hommes se dévisagèrent en silence : ils étaient tous

deux de haute taille, tous deux d’allure imposante.

Le visage du comte, encadré de cheveux noirs, respirait

la franchise. Le visage du moine était à moitié dissimulé

par le capuchon de son manteau.

– Qu’as-tu donc à me dire, moine ? demanda Efflam.

– Filleul de Charlemagne, répondit le moine avec

gravité, je t’assigne* rendez-vous dans un mois, au

coucher du soleil, sur la rive gauche du Rhin, en face

de l’île de Nonnenwerth, qui se trouve à mi-chemin

entre Cologne et Coblence.

– De quel droit m’assignes-tu ? répliqua le comte.

Pour toute réponse, le moine rejeta son manteau en

arrière, découvrant deux épées. Il en appuya une contre

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le banc et, sortant l’autre de son fourreau, il montra du

doigt trois mots qui y étaient gravés. Efflam avait été

élevé à la cour de Charlemagne, il savait donc lire et

écrire. Il se pencha sur l’épée :

– Charles et paix, dit-il en pâlissant.

Puis il se tourna vers sa jeune femme et lui entoura

les épaules de son bras.

– Moine, dit-il, sais-tu que je suis marié d’hier ?

– Je le sais.

– N’ai-je point assez guerroyé pour l’empereur

Charlemagne ? Ne puis-je enfin vivre en paix sur mon

domaine ?

– Souviens-toi de ton serment, dit le moine.

– Je m’en souviens, murmura Efflam avec accablement.

Il releva bientôt la tête et déclara :

– Je partirai dans huit jours.

– Dans huit jours il sera trop tard, répliqua le moine.

Il te faut partir demain et porter la seconde épée au

comte Bayard. Tu le trouveras au camp de Bayeux, en

Neustrie*. Je repars à l’instant. Donne-moi un cheval

frais.

Efflam fit signe à Landrik d’approcher.

– Tu donneras une bonne monture au moine. Toi

et moi, nous partirons demain matin pour un long

voyage. Nous emmènerons deux valets ; choisis-les

toi-même. Occupe-toi de tout. Les quelques heures qu’il

me reste, je les dois à ma femme.

Puis, ayant salué le moine, il prit la comtesse par

la taille et ils s’éloignèrent.

– De quel serment s’agit-il ? demanda Clothilde.

– Il y a un mystère dans ma vie, répondit Efflam.

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Si je ne t’en ai pas parlé, c’est que j’ai promis le secret

à l’empereur Charlemagne sur son lit de mort. J’espérais

pouvoir vivre ici heureux près de toi, mais il me faut

obéir à quiconque me présente cette épée. Il y va de

mon honneur.

– Dans ce cas, dit Clothilde, tu dois partir, et moi,

je dois t’attendre.

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Le lendemain, quatre cavaliers traversaient l’immense

forêt bretonne. Efflam chevauchait en tête, Landrik le

suivait, portant fièrement au côté l’épée d’Efflam.

– J’ai maintenant l’épée du moine, avait déclaré Efflam,

et nul n’est plus digne que toi de se servir de mon épée.

Venaient enfin les deux valets. C’étaient deux frères

jumeaux : mêmes larges épaules, mêmes cheveux en

broussaille. Mais l’un ne manquait jamais une occasion

de se bagarrer, et l’autre aimait le vin plus que de raison.

On les nommait Tailledru et Coupesoif. Landrik les avait

choisis pour leur force et leur courage.

Au soir, ils atteignirent la plaine au milieu de laquelle

s’élève le mont Dol. En son sommet, un gigantesque

brasier éclairait une scène étrange : sur la pierre plate d’un

dolmen* se tenait une femme, vêtue d’une robe blanche

et brandissant une faucille d’or qui resplendissait à la

lumière des flammes. Autour d’elle, une foule innombrable

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chantait. Par moments, les chants s’arrêtaient et la

prêtresse parlait à la foule.

– C’est nuit de pleine lune, murmura Landrik. Les Bretons

qui ne sont pas convertis au christianisme se réunissent

chaque année sur le mont Dol pour y célébrer leur culte.

N’y allons pas, messire. Faisons un détour.

– Pourquoi ? demanda Efflam. Les druides* ne sont pas

dangereux, que je sache.

– Vous avez raison, mais cette druidesse est Morona,

la veuve du roi Morvan mort en combattant contre l’empereur

Louis. Elle a juré de venger son époux en soulevant son

peuple.

– Comment sais-tu cela ? s’étonna Efflam.

– Messire Efflam, vous êtes devenu breton parce que

l’empereur Charlemagne vous a donné le château de

Glay-Acquin pour vous remercier de vos services ; mais

moi, je suis breton depuis toujours. Et vous ne parlez pas

notre langue. Nos druidesses ont des pouvoirs magiques,

et Morona est la plus puissante d’entre elles. Passons notre

chemin, croyez-moi.

– Je suivrai ton conseil, dit Efflam.

Ils contournèrent le mont Dol à l’abri de la forêt et firent

halte quand le mont eut disparu dans la nuit.

Tandis que Tailledru et Coupesoif construisaient une

hutte de branchages et allumaient un feu pour réchauffer

quelques galettes et surtout éloigner les bêtes sauvages,

Efflam demanda à Landrik :

– Que disait Morona ?

– Elle disait ce qu’elle répète sans cesse depuis dix

ans : le peuple breton doit se soulever contre l’envahisseur

franc, et Morona prendra la tête de leur armée.

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– Mais les Francs ne sont pas des envahisseurs !

s’exclama Efflam. Jamais l’empereur n’a voulu détruire la

nation celte. Il veut seulement unifier l’Empire.

Landrik haussa les épaules :

– Allez donc faire entendre cela à une femme, une

reine dont le roi est mort au combat !

***

Ils se remirent en route au petit matin et parvinrent

vers le milieu du jour dans un paysage dévasté : villages

incendiés, cultures ravagées.

– Les Normands ! murmura Efflam. Ils sont donc venus

jusqu’ici !

Ils atteignirent le camp de Bayeux au coucher du

soleil.

– Qui va là ? demanda la sentinelle.

– Le comte de Glay-Acquin. Je désire parler au comte

Bayard.

– Le comte Bayard ne reçoit personne. Il a été grièvement

blessé durant la bataille contre les Normands.

– J’ai un message urgent pour lui. Laissez-nous entrer,

moi et mes gens. Nous attendrons dans la cour.

Le capitaine de la garde revint bientôt en courant :

– Le comte Bayard va vous recevoir, messire.

– Attends-moi ici, ordonna Efflam à Landrik.

Landrik s’assit sur une meule de foin et surveilla les

jumeaux : Tailledru cherchait déjà querelle à un soldat et

Coupesoif avait découvert un tonneau qui l’attirait irré-

sistiblement. Landrik les ramena à ses côtés.

– Le comte a dit d’attendre. Attendons.

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– Attendre quoi ? demanda Tailledru qui n’aimait pas

l’inaction.

– Rien, répondit Landrik laconiquement. Attendre,

c’est tout.

– Tout, ce n’est pas rien, grommela Coupesoif.

Landrik leur jeta un regard si noir que, résignés, ils

s’assirent.

Dans la salle principale du château, un lit avait été

dressé sur une estrade ; le comte Bayard y reposait, soutenu

par de nombreux coussins qui le maintenaient assis. À la

droite du lit, un moine récitait les prières des mourants.

Au pied du lit se trouvaient, comme le voulait la coutume

du temps, le destrier du comte et ses trois lévriers favoris

qui gémissaient plaintivement. Dans un angle de la salle,

la comtesse était assise, entourée de ses enfants.

Lorsqu’il vit entrer Efflam, Bayard eut un mouvement

de joie :

– Je suis heureux de te revoir. Qu’as-tu à me dire ?

Efflam prit la main du mourant et la serra. Puis il

sortit la seconde épée de son fourreau, la lui montra et

prononça les deux mots sacramentels :

– Charles et paix !

– Charles et paix, répéta Bayard en écho.

Il se redressa, comme galvanisé, puis retomba sur ses

oreillers.

– Amaury, appela-t-il.

Un adolescent s’avança et mit un genou en terre au

chevet de son père.

– Amaury, dit Bayard. J’ai prêté un serment autre-

fois : tu respecteras ce serment. Le comte de Glay-Acquin

t’en dira plus. Tu partiras avec lui. Tu prendras mon

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cheval ; il m’a conduit à la victoire, il t’y conduira aussi.

Il eut un dernier sourire. Le cheval hennit, les chiens

hurlèrent lugubrement. Le comte Bayard venait de rendre

son âme à Dieu.

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Le rendez-vous

sur le Rhin

Par une belle soirée de juin, Efflam et sa suite atteignirent

la rive gauche du Rhin à l’endroit indiqué par le moine.

Landrik scruta l’horizon à la recherche d’un signal

quelconque.

– Croyez-vous, messire Efflam, que nous soyons à temps ?

– Cela fait exactement un mois que nous sommes

partis ; nous sommes exactement en face de l’île de

Nonnenwerth, et le soleil ne va pas tarder à se coucher.

Nous sommes en temps et en heure. Attendons.

Cette fois, Tailledru se garda bien de demander ce

qu’il fallait attendre. Il obéit.

Le soleil disparut, happé par la forêt.

Soudain Tailledru s’écria :

– Il y a une barque là-bas, devant l’île.

Efflam regarda dans la direction indiquée.

– Je ne vois rien, dit-il.

– Tailledru a des yeux de lynx, expliqua Landrik.

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Il y voit de nuit comme de jour. S’il voit une barque, c’est

qu’il y a une barque.

Effectivement, un bateau apparut bientôt avec trois

hommes à bord : deux rameurs et un chevalier casqué

et masqué. Le bateau accosta et le chevalier se leva de

son banc :

– Paix et Charles ! dit-il.

– Charles et paix ! répondit Efflam en dégainant à

demi son épée.

– Embarquez.

Amaury l’imita, répétant lui aussi le mot d’ordre.

Le chevalier le regarda avec attention.

– Ce n’est point le comte Bayard.

– Le comte Bayard est mort, répondit Efflam. Voici

Amaury, son fils aîné.

– Bayard mort ! dit le chevalier avec une vive émotion

dans la voix. Venez, Amaury.

Quant à Landrik et aux valets, ils reçurent l’ordre

de mener les chevaux dans un enclos, caché derrière

les sapins, et d’attendre avec d’autres écuyers et valets.

– Encore attendre ! grommela Tailledru.

– Encore et toujours ! renchérit Coupesoif.

Mais lorsqu’ils atteignirent l’enclos, leurs visages

s’épanouirent : il y avait là une nombreuse et bruyante

compagnie formée d’écuyers, de valets, de mules et de

chevaux. Un feu était allumé sous un immense chaudron

qui laissait échapper un fumet tentateur de lard

mijotant avec des fèves et des lentilles. Et on venait de

mettre une barrique en perce ! Tailledru joua des coudes

pour s’approcher de la marmite ; Coupesoif fonça

directement vers la barrique.

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– Holà ! leur cria Landrik. Prenez garde, toi Coupesoif,

à ne pas te soûler, et toi Tailledru, à ne pas te faire

abîmer le portrait.

Puis, la conscience tranquille, il s’assit sur l’herbe.

Son maître ne reviendrait pas avant l’aube. Ils avaient

tout leur temps.

***

La barque laissait derrière elle un sillage que la

lune argentait. On entendait seulement le clapotis de

l’eau le long de la coque et, parfois, le hululement d’une

chouette. La barque aborda l’île et les chevaliers

suivirent leur guide sur un sentier qui serpentait à tra-

vers bois. Après un quart d’heure de marche, ils

débouchèrent dans une clairière. Deux ombres se

détachèrent des chênes :

– Paix et Charles ! dirent d’une même voix les

sentinelles.

– Charles et Paix ! répondit le guide.

Une torche s’alluma, tenue par un moine dont le

capuchon dissimulait le visage. Efflam reconnut aussitôt

sa silhouette: c’était le visiteur du château de Glay-Acquin.

– Bienvenue parmi nous, dit le moine. Nous voici

au complet. Nous sommes tous d’anciens compagnons

de l’empereur Charlemagne. Que chacun vienne se

présenter.

L’un des hommes s’avança. C’était un homme âgé,

mais qui semblait avoir conservé toute sa vigueur.

Il retira son casque et dégaina son épée dont la lame

étincela à la lueur de la torche.

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– Je suis Guillaume du Plessis. J’étais conseiller de

Charlemagne.

Les autres chevaliers répétèrent après lui le même

cérémonial.

– Je suis Barthold le Frison. Je commandais les

flottes de Charlemagne.

– Je suis Efflam de Glay-Acquin, filleul de

Charlemagne.

– Je suis Hervé de la Tour, fils du général en chef

des armées de Charlemagne.

Amaury se présenta le dernier :

– Je suis Amaury, fils du comte Bayard.

Le moine laissa alors tomber à terre son manteau

de bure. Il n’eut pas besoin de se nommer, car tous le

reconnurent:

– Éginhard !

C’était en effet le secrétaire de Charlemagne, son

homme de confiance.

– Tu seras notre chef, déclarèrent les chevaliers

d’une même voix.

Éginhard leva la main :

– Il en est un autre plus digne que moi de cet honneur.

S’il consent à se joindre à nous, nous serons invincibles.

Si vous m’entendez sonner l’oliphant*, venez à notre

rencontre.

Cela dit, il gravit la colline.

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