master - unige

193
Master Reference La responsabilité de différents acteurs scolaires au cours du processus de signalement d'élèves vers les classes spécialisées DOMINICE, Aurelia Aline, ROBERT, Anne-Laurie Abstract Ce travail de recherche, interroge le degré de responsabilité de différents acteurs scolaires et familiaux lors du processus de signalement de l’élève en classe spécialisée. En effet, nous observons une situation paradoxale concernant la responsabilité de ces acteurs. D’un côté, ces derniers s’engagent auprès de l’élève par le biais de clauses prescriptives, de l’autre il existe une procédure de signalement qui, à tout moment, les décharge des responsabilités réglementées. Cette tension entre théorie et pratique nous pousse à nous demander qui est finalement responsable des apprentissages des élèves. Nous sommes donc parties à la rencontre d’enseignants ordinaires, d’enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP), de directeurs, d’enseignants spécialisés et de parents, pour cerner leurs perceptions et saisir les enjeux qui les poussent à endosser ou non une responsabilité durant cette étape du parcours scolaire de l’enfant. C’est donc précisément au niveau de la thématique de la responsabilité, comme concept philosophique et de l’enseignement spécialisé, que [...] DOMINICE, Aurelia Aline, ROBERT, Anne-Laurie. La responsabilité de différents acteurs scolaires au cours du processus de signalement d'élèves vers les classes spécialisées. Master : Univ. Genève, 2011 Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17892 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 1 / 1

Upload: others

Post on 26-Oct-2021

20 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Master - UNIGE

Master

Reference

La responsabilité de différents acteurs scolaires au cours du

processus de signalement d'élèves vers les classes spécialisées

DOMINICE, Aurelia Aline, ROBERT, Anne-Laurie

Abstract

Ce travail de recherche, interroge le degré de responsabilité de différents acteurs scolaires et

familiaux lors du processus de signalement de l’élève en classe spécialisée. En effet, nous

observons une situation paradoxale concernant la responsabilité de ces acteurs. D’un côté,

ces derniers s’engagent auprès de l’élève par le biais de clauses prescriptives, de l’autre il

existe une procédure de signalement qui, à tout moment, les décharge des responsabilités

réglementées. Cette tension entre théorie et pratique nous pousse à nous demander qui est

finalement responsable des apprentissages des élèves. Nous sommes donc parties à la

rencontre d’enseignants ordinaires, d’enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP),

de directeurs, d’enseignants spécialisés et de parents, pour cerner leurs perceptions et saisir

les enjeux qui les poussent à endosser ou non une responsabilité durant cette étape du

parcours scolaire de l’enfant. C’est donc précisément au niveau de la thématique de la

responsabilité, comme concept philosophique et de l’enseignement spécialisé, que [...]

DOMINICE, Aurelia Aline, ROBERT, Anne-Laurie. La responsabilité de différents acteurs

scolaires au cours du processus de signalement d'élèves vers les classes

spécialisées. Master : Univ. Genève, 2011

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17892

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

Page 2: Master - UNIGE

TITRE/SOUS-TITRE

LA RESPONSABILITE DE DIFFERENTS ACTEURS SCOLAIRES AU COURS DU PROCESSUS DE SIGNALEMENT D’ELEVES VERS LES CLASSES SPECIALISEES

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU/DE LA

LICENCE EN SCIENCES DE L'ÉDUCATION, MENTION ENSEIGNEMENT (LME) Veuillez vous référer à la dénomination officielle des titres

figurant dans le guide des étudiants

PAR

(Prénom-Nom) Aurélia Dominicé

Anne-Laurie Robert

DIRECTEUR DU MEMOIRE (Prénom-Nom) Janette Friedrich Greta Pelgrims JURY (Prénom - Nom) Jean-Marie Cassagne

LIEU, MOIS ET ANNEE

GENEVE juin 2011

UNIVERSITE DE GENEVE FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION

SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION

Page 3: Master - UNIGE

2

RESUME

(maximum 150 mots)

Ce travail de recherche, interroge le degré de responsabilité de différents acteurs scolaires et familiaux lors du processus de signalement de l’élève en classe spécialisée. En effet, nous observons une situation paradoxale concernant la responsabilité de ces acteurs. D’un côté, ces derniers s’engagent auprès de l’élève par le biais de clauses prescriptives, de l’autre il existe une procédure de signalement qui, à tout moment, les décharge des responsabilités réglementées. Cette tension entre théorie et pratique nous pousse à nous demander qui est finalement responsable des apprentissages des élèves. Nous sommes donc parties à la rencontre d’enseignants ordinaires, d’enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP), de directeurs, d’enseignants spécialisés et de parents, pour cerner leurs perceptions et saisir les enjeux qui les poussent à endosser ou non une responsabilité durant cette étape du parcours scolaire de l’enfant. C’est donc précisément au niveau de la thématique de la responsabilité, comme concept philosophique et de l’enseignement spécialisé, que s’inscrit notre travail de mémoire.

Page 4: Master - UNIGE

3

UNIVERSITE DE GENEVE

Faculté de Psychologie et des Sciences de l‟Education

Section des Sciences de l‟Education

Licence mention enseignement

LA RESPONSABILITE DE DIFFERENTS ACTEURS SCOLAIRES AU

COURS DU PROCESSUS DE SIGNALEMENT D’ELEVES VERS LES

CLASSES SPECIALISEES

« Chacun est responsable de tout devant tous, et moi le premier. »

Fiodor Dostoïevski, Les frères Karamazov.

Mémoire de licence

Aurélia Dominicé et Anne-Laurie Robert

Juin 2011

Co-direction Commission

Janette Friedrich Jean-Marie Cassagne

Greta Pelgrims

Page 5: Master - UNIGE

4

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier nos directrices de mémoire, Janette Friedrich et Greta Pelgrims

pour l‟aide apportée, leurs conseils et leurs corrections. Nous remercions également Jean-

Marie Cassagne, membre de la commission, pour son investissement dans la lecture du texte

et sa disponibilité.

Nous souhaitons également exprimer nos remerciements à l‟association genevoise de

parents d'élèves de l'enseignement spécialisé (AGEPES), qui nous a aidées à entrer en contact

avec des parents.

Enfin, nous pensons tout particulièrement à nos relecteurs, Gabrielle, Tiphaine et Jean-

Daniel ainsi qu‟à nos proches, et plus directement à Sergio, Jérémy, Matthieu et la petite

famille à venir, qui nous ont accompagnés avec grande patience dans cette aventure.

Page 6: Master - UNIGE

5

TABLE DES MATIERES

1. INTRODUCTION ............................................................................................................ 7

2. CADRE CONTEXTUEL ............................................................................................... 10

2.1. LA RESPONSABILITE DANS LE CAHIER DES CHARGES DE L‟ECOLE PRIMAIRE

GENEVOISE ............................................................................................................................ 10

2.1.1. Rôle et devoirs du directeur ................................................................................. 10

2.1.2. Rôle et devoirs de l’enseignant ordinaire et spécialisé ........................................ 11

2.1.3. Rôle et devoirs de l’enseignant chargé du soutien pédagogique ......................... 13

2.1.4. Rôle et devoirs des parents d’élèves .................................................................... 13

2.2. ENSEIGNEMENT SPECIALISE ....................................................................................... 14

2.2.1. Structure de l’enseignement spécialisé à Genève ................................................ 14

2.3. LE PROCESSUS DE SIGNALEMENT POUR L‟ENSEIGNEMENT SPECIALISE A GENEVE ..... 16

3. APPORTS THEORIQUES ........................................................................................... 19

3.1. RESPONSABILITE : NOTIONS DE DEFINITION ............................................................... 19

3.1.1. Définition .............................................................................................................. 19

3.1.2. Distinction des types de responsabilités............................................................... 23

3.1.3. Distinction entre responsabilité rétroactive et prospective ................................. 26

3.1.4. Histoire et contexte contemporain ....................................................................... 27

3.1.5. Notion de culpabilité ............................................................................................ 29

3.1.6. Fuite de la responsabilité vers un « on » bien commode… ................................. 30

3.2. REVUE DES TRAVAUX SUR LA QUESTION DE LA RESPONSABILITE DANS LE CADRE

SCOLAIRE OU EDUCATIF ......................................................................................................... 30

3.2.1. Les formes de responsabilités dans le domaine de l’éducation ........................... 30

3.2.2. Responsabilité vs responsabilisation ................................................................... 32

3.2.3. Résumé de quelques recherches empiriques ........................................................ 33

3.3. PROCESSUS DE SIGNALEMENT POUR L‟ENSEIGNEMENT SPECIALISE : REVUE DE

TRAVAUX .............................................................................................................................. 34

3.3.1. Facteurs scolaires intervenant dans le processus d’orientation .......................... 34

3.3.2. Mécanismes d’attributions causales .................................................................... 43

3.3.3. Phénomènes implicites ......................................................................................... 48

4. PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE ...................................... 52

4.1. PROBLEMATIQUE ....................................................................................................... 52

4.2. QUESTION GENERALE ET QUESTIONS SPECIFIQUES .................................................... 53

5. METHODOLOGIE ....................................................................................................... 55

5.1. INTRODUCTION .......................................................................................................... 55

5.2. INSTRUMENT DE RECUEIL DE DONNEES : L‟ENTRETIEN .............................................. 59

Page 7: Master - UNIGE

6

5.3. ELABORATION DE L‟ENTRETIEN ET DES VIGNETTES ................................................... 61

5.3.1. Canevas d’entretien pour les directeurs, les enseignants ordinaires et les ECSP

61

5.3.2. Canevas d’entretien pour les enseignants spécialisés ......................................... 64

5.3.3. Canevas d’entretien pour les parents ................................................................... 65

5.3.4. Elaboration des vignettes ..................................................................................... 66

5.4. PROCEDURE DE RECUEIL DES DONNEES ..................................................................... 72

5.5. METHODE D‟ANALYSE DES DONNEES ........................................................................ 72

5.5.1. Etapes d’analyse .................................................................................................. 76

6. PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS ......................................... 81

6.1. CRITERES INVOQUES POUR SIGNALER UN ELEVE : RESULTATS ................................... 82

6.1.1. Choix de situation d’élève à signaler pour l’enseignement spécialisé (vignette) 82

6.1.2. Critères évoqués quant au signalement ou non des cas fictifs d’élèves ............... 85

6.2. PERCEPTION DE LA COLLABORATION ENTRE PROFESSIONNELS DE L‟ENSEIGNEMENT

ORDINAIRE ET SPECIALISE : RESULTATS ................................................................................. 94

6.3. ROLE ET DEGRE DE RESPONSABILITE LORS DU PROCESSUS DE SIGNALEMENT :

RESULTATS .......................................................................................................................... 101

6.3.1. Rôle, tâche et responsabilité des uns et des autres : perceptions du groupe 1 .. 101

6.3.2. Rôles, tâches et responsabilité des uns et des autres : perception des enseignants

spécialisés (groupe 2) ..................................................................................................... 114

6.3.3. Rôle, tâches et responsabilité des uns et des autres : perception des parents

(groupe 3) ....................................................................................................................... 119

6.4. LES LIMITES DE LA RESPONSABILITE DANS LE PROCESSUS DE SIGNALEMENT ET LES

DIMENSIONS SOCIO-AFFECTIVES : RESULTATS ..................................................................... 125

6.4.1. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (groupe 1) .......................... 125

6.4.2. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (enseignants spécialisés) ... 132

6.4.3. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (parents) ............................. 134

7. CONCLUSION ............................................................................................................. 137

7.1. PRESENTATION DES RESULTATS DE RECHERCHE ...................................................... 137

7.2. LIMITES DE LA RECHERCHE ..................................................................................... 140

7.3. PISTES DE RECHERCHE ............................................................................................. 142

Page 8: Master - UNIGE

7

1. INTRODUCTION

C‟est au cours de notre formation universitaire en Sciences de l‟Education en Licence

mention enseignement, et plus directement, à travers les stages effectués dans des classes

ordinaires et spécialisées de l‟enseignement primaire public genevois, que notre

questionnement de départ a vu le jour. Cette alternance théorique et pratique, nous a permis

d‟élargir nos connaissances, afin de rendre possible le questionnement quant à différents

phénomènes observables sur le terrain. Mais c‟est précisément lors du stage d‟un mois du

domaine d‟étude « Unités centrées sur les approches transversales 2 », que nous avons eu

l‟occasion d‟effectuer nos projets pédagogiques à travers les deux divisions de l‟enseignement

ordinaire, à savoir élémentaire et moyenne ainsi que dans une classe spécialisée. Nous exercer

à la profession enseignante en nous immergeant dans ces deux contextes d‟enseignement

distincts en une période rapprochée, a rendu possible la prise de conscience des spécificités et

différences observées en leur sein.

Notre attention s‟est alors portée sur les finalités des classes spécialisées. Pour certains,

ces classes sont un moyen de subvenir aux besoins des élèves rencontrant des difficultés

scolaires, ces élèves étant jugés comme « inadaptés aux critères scolaires ordinaires »

(Biffiger, 2004, p. 34, Jacquemet, Schlaeppi, Biffiger, Dandelot & Oppliger, 1999, p. 27).

Avec un effectif considérablement réduit, les enseignants spécialisés pourvoient davantage

que leurs collègues de l‟enseignement ordinaire, à un enseignement individualisé permettant

ainsi aux élèves d‟évoluer à leur rythme. Toutefois, l‟objectif de l‟organisation médico-

pédagogique (OMP) reste la réintégration de l‟élève dans l‟enseignement ordinaire (site

OMP).

Partant de là, nous nous sommes questionnées sur les motifs valables qui déterminent

l‟orientation scolaire de l‟élève, à savoir l‟enseignement ordinaire ou spécialisé. C‟est

notamment grâce aux cours « Classes spécialisées et intégration : enseignement et

apprentissage » et « La motivation à apprendre en contexte d‟enseignement spécialisé »

dispensés par Pelgrims en 2009, que nous avons pu donner suite à notre questionnement

général pour cibler notre attention sur le passage des élèves de classes ordinaires en classes

spécialisées et plus spécifiquement, sur le processus de signalement et d‟orientation vers

l‟enseignement spécialisé.

Page 9: Master - UNIGE

8

En effet, à travers ce processus d‟orientation de l‟élève vers la classe spécialisée,

différents phénomènes implicites se développent chez l‟élève. En s‟en remettant à d‟autres

professionnels, l‟enseignant de l‟élève déclaré en difficulté risque de lui indiquer qu‟il

n‟attend désormais plus de progrès de sa part et dès lors, lui fait comprendre qu‟il n‟a plus

confiance en ses capacités d‟apprendre. Ainsi, l‟enseignant met en péril le contrat éducatif

implicite de confiance réciproque (Pelgrims, 2003) le liant à son apprenant. Comme le

souligne Pelgrims (2010), « Les élèves de classes spécialisées sont en effet plus d‟un à dire

comment, au cours des derniers mois passés en classe ordinaire, ils ont eu l‟impression

d‟avoir été abandonnés, de ne plus avoir été considérés comme des élèves capables de

comprendre et de réaliser des tâches » (p. 23). Un autre phénomène à prendre en

considération apparaît encore au moment de l‟annonce de l‟orientation de l‟élève. La loi du

silence (Pelgrims, 2010) ou la zone d‟ignorance chez les élèves concernés traduit le manque

d‟explicitations dans les raisons qui leurs sont données pour justifier leur passage en

spécialisé.

De par la prise de conscience de l‟ensemble de ces phénomènes, nous nous sommes

alors demandées pourquoi, au lieu d‟offrir à l‟élève la possibilité d‟être acteur de ses

apprentissages en lui montrant une attitude permettant des explicitations au moment où il en

bénéficierait le plus, l‟école a tendance à se désengager de cet élève-là ? Le passage en classe

spécialisée n‟est-il justement pas un moment propice à une amorce de responsabilisation vis-

à-vis de son métier d’élève (Perrenoud, 1994) ? Ces ruptures entre l‟enseignement ordinaire et

l‟élève n‟opèrent-elles pas finalement plus en profondeur ? Existe-t-il une continuité entre

l‟enseignement ordinaire et l‟enseignement spécialisé ou au contraire, un clivage dont la

principale victime serait l‟élève ? De l‟ensemble de ces interrogations, surgit alors une

question fondamentale : à quel(s) acteur(s) alors, incombe(nt) la responsabilité de

l‟engagement dans le processus de signalement ?

Dans le cadre de ce travail de recherche, nous avons décidé d‟interroger le degré de

responsabilité des différents acteurs scolaires et familiaux lors du processus de signalement de

l‟élève en classe spécialisée. Pour cela, nous avons choisi de partir à la rencontre

d‟enseignants ordinaires, d‟enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP), de

directeurs, d‟enseignants spécialisés et de parents, afin de mieux saisir les enjeux qui les

poussent à endosser ou non une responsabilité durant ce moment délicat du parcours scolaire

de l‟enfant. De là, il s‟agit bien d‟observer une même dimension, à savoir celle de la

Page 10: Master - UNIGE

9

responsabilité et ce, selon cinq points de vue distincts étant donné la différence de statuts.

Aussi, une telle recherche nous semble être un moyen pertinent de discerner s‟il existe ou non

une continuité ou une rupture entre les deux contextes d‟enseignement cités. C‟est donc

précisément au niveau de la thématique de la responsabilité, comme concept philosophique et

de l‟enseignement spécialisé, que s‟inscrit notre travail de mémoire.

Pour mener à bien notre recherche, nous allons d‟abord contextualiser les rôles des

acteurs, la structure de l‟enseignement spécialisé et la procédure de signalement d‟un élève.

Ensuite, nous élaborerons un questionnement d‟ordre théorique permettant d‟éclairer le

lecteur quant aux définitions et mises en pratiques des concepts cités. Nous aborderons les

différentes formes de la responsabilité (responsabilité morale, civile et pénale), la notion de

responsabilité dans son histoire, sa relation à la culpabilité, et divers travaux sur la question,

pour parcourir ensuite une revue de recherches sur le processus de signalement.

Nous en arriverons ensuite, à la problématique et aux questions de recherche, qui

constitueront le fil rouge de notre démarche et qui seront reprises lors de la présentation de

nos résultats. La partie dédiée à la méthodologie rendra compte, quant à elle, de la

présentation de notre recueil de données, à savoir l‟entretien semi-directif, du choix de

l‟échantillonnage ainsi que de la méthode de dépouillement des données choisies. Dans le

cadre du chapitre réservé à la présentation des résultats issus de notre corpus documentaire,

nous prendrons soin d‟alimenter notre discussion par l‟ensemble de la littérature citée au

début de notre travail ainsi que par des interprétations et hypothèses, sans perdre de vue nos

trois questions spécifiques. Enfin, il s‟agira de prendre une distance critique par rapport à

notre problématique de recherche afin, espérons-le, d‟en tirer de nouvelles pistes de réflexion.

Page 11: Master - UNIGE

10

2. CADRE CONTEXTUEL

Afin de situer les responsabilités des acteurs interrogés, nous commencerons par lister

au moyen du cahier des charges, les différentes tâches que ceux-ci se doivent de réaliser.

Nous évoquerons ensuite brièvement la structure de l‟enseignement spécialisé. Enfin, nous

mentionnerons les Dispositions internes n°3 de la procédure de signalement d‟un élève pour

un passage dans l‟enseignement spécialisé.

2.1. La responsabilité dans le cahier des charges de l’école primaire

genevoise

Comme nous allons le voir dans le chapitre 3 « Apports théoriques », la notion de

responsabilité peut se décliner à l‟infini si l‟on ne met pas de limites. Le concept de rôle pose

ces limites pour définir à quelles obligations sont tenus des individus dans un cadre

conventionnel (Pattaroni, 2005). Actuellement, le système de l‟enseignement genevois est en

changement, d‟une part parce que ces dernières années ont vu s‟instaurer des dispositifs -

directeurs, réseau d‟éducation prioritaire (REP), projet et conseil d‟établissement - visant à

une meilleure collaboration entre école, quartier, commune et famille. D‟autre part, parce

qu‟au niveau de l‟enseignement spécialisé, comme nous allons le définir dans la suite du

travail, des changements se font également sentir.

Nous allons donc énoncer les responsabilités de cinq acteurs du cadre scolaire genevois

que sont les directeurs d‟établissement, les enseignants ordinaires, les enseignants spécialisés,

les enseignants chargés de soutien pédagogique et les parents d‟élèves.

2.1.1. Rôle et devoirs du directeur

Les établissements scolaires genevois sont dotés depuis 2008 de directeurs. Voici ci-

dessous les rôles attribués à ceux-ci :

conduire un projet développant les priorités pédagogiques de l‟établissement

prendre les décisions relatives au parcours scolaire des élèves

Page 12: Master - UNIGE

11

engager, évaluer et encadrer les équipes enseignantes

gérer le budget alloué et déterminer ainsi la répartition des postes d‟enseignement au

sein de l‟établissement

développer les relations avec les partenaires de l‟école, notamment en présidant les

conseils d‟établissement

articuler les activités parascolaires avec les études surveillées (site DIP).

2.1.2. Rôle et devoirs de l’enseignant ordinaire et spécialisé

Dans la Charte de l’enseignement primaire genevois, édité par la Direction de

l‟enseignement primaire (DGEP), relevons que le terme de responsabilité est mentionné à

plusieurs reprises. Le point deux s‟intitule responsabilité générale de l’enseignant. Il

mentionne notamment que l‟enseignant a pour devoir « de réunir les meilleures conditions

d‟enseignement et d‟encadrement pour les élèves dont il a la charge. Il entretient des contacts

réguliers avec les autres enseignants, recueille et transmet les informations utiles à toute

action pédagogique » (p. 4).

Par ailleurs, il est dit que :

L‟enseignant généraliste a la responsabilité du développement global des apprentissages

de l‟enfant. A cette fin, il est chargé en liaison avec les autres intervenants de l‟école, de

mettre son activité pédagogique au service de ce développement. Il assume la

responsabilité pédagogique du groupe d‟élèves dont il a la charge et partage, avec ses

collègues, la gestion du cursus scolaire des élèves de l‟école. (p. 7)

Concernant les devoirs et donc, les responsabilités propres aux enseignants de

l‟enseignement primaire genevois, notons que ceux-ci sont identiques pour les enseignants de

l‟enseignement ordinaire et spécialisé. L‟article 4 (59) intitulé Objectifs de l’école publique de

la loi sur l‟instruction publique du 23 juin 1977, rend compte du rôle de l‟enseignement

primaire qui doit :

donner à chaque élève le moyen d‟acquérir les meilleures connaissances dans la

perspective de ses activités futures et de chercher à susciter chez lui le désir permanent

d‟apprendre et de se former

Page 13: Master - UNIGE

12

aider chaque élève à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité

ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques

veiller à respecter, dans la mesure des conditions requises, les choix de formation des

élèves

préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et

économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de

discernement et l‟indépendance de jugement

rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui

l‟entoure, en éveillant en lui le respect d‟autrui, l‟esprit de solidarité et de coopération

et l‟attachement aux objectifs du développement durable

tendre à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire des élèves dès les

premiers degrés de l‟école

Par rapport au rôle spécifique de l‟enseignant spécialisé, Biffiger (2004) établi que

celui-ci doit :

favoriser les situations d‟usage social des objets d‟apprentissage, qui permettent le

développement de stratégies de traitement d‟information et des productions

personnelles

ajuster collectivement les propositions et les attentes au fonctionnement d‟apprenant

réellement possible des enfants, évalués préalablement

ajuster individuellement certaines propositions qui tiennent compte des modalités

personnelles de production et des stratégies de traitement

mettre au point des moyens d‟évaluation adaptés à ces contextes d‟apprentissage

développer les compétences les plus significatives d‟une élève en s‟appuyant sur

l‟observation de son fonctionnement (le portrait) afin d‟établir un projet individualisé

tenir compte des contextes pour déceler les manifestations des potentiels de

fonctionnement de l‟élève afin de choisir les modalités propres à le stimuler

pour l‟élève, de pouvoir apprécier ses performances, mais surtout de connaître et

d‟étendre ses compétences. C‟est l‟entrainer à réfléchir sur ses démarches, ses

procédures, ses erreurs, sa manière d‟apprendre

Afin de garantir les droits fondamentaux de l‟enfant, le code de déontologie des

enseignants membres du syndicat des enseignants romands (SER) en 2004, indique que

l‟enseignant :

Page 14: Master - UNIGE

13

favorise l‟épanouissement de la personnalité de l‟enfant

met tout en œuvre pour un développement optimal de l‟enfant

contribue à la socialisation de l‟enfant et à son intégration au sein de la classe et

associe les élèves à l‟élaboration des règles nécessaires à la vie commune

est à l‟écoute de l‟enfant et des informations le concernant

l‟assiste si son intégrité physique, psychique ou morale est menacée, évite toute forme

de discrimination et se garde de tout fanatisme et prosélytisme

pratique un esprit de tolérance et s‟efforce de le communiquer à ses élèves

2.1.3. Rôle et devoirs de l’enseignant chargé du soutien pédagogique

La formation initiale des enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP) est « celle

d‟enseignants généralistes, au même titre que les enseignants titulaires » (Schubauer-Leoni,

2000, p. 52). Pour connaître le rôle des ECSP, nous avons consulté dans le mémento de

l‟établissement En Sauvy :

Les enseignants chargés de soutien pédagogique permettent d‟augmenter les forces du

corps enseignant de l‟école. Ils sont détachées de la charge d‟une classe pour :

mettre en place les mesures d'accompagnement, au cours du premier trimestre, en

collaboration avec le-la titulaire

apporter du soutien aux élèves en difficultés d‟apprentissage avec une prise en charge

hors de la classe par petits groupes, ou une aide au sein de la classe

participer au suivi collégial du parcours des élèves (évaluations et décisions

concernant les élèves avec lesquels ils ont travaillé)

apporter une aide particulière aux élèves ne parlant pas ou peu français (en

complément aux classes d'accueil), plus particulièrement en 1E-2E

développer des pratiques de différenciation

2.1.4. Rôle et devoirs des parents d’élèves

Sur le site du DIP, le rôle des parents est mentionné comme suit :

Page 15: Master - UNIGE

14

L'intérêt des parents pour les apprentissages scolaires est un élément important dans la

réussite des élèves. Le rôle des parents est de s'intéresser à ce que fait leur enfant, de le

soutenir, de valoriser les activités scolaires, d'observer sa progression, d'être attentifs à

ses difficultés, à la façon dont il s'organise (site DIP).

2.2. Enseignement spécialisé

2.2.1. Structure de l’enseignement spécialisé à Genève

Genève a mis en place différents moyens de répondre aux besoins des élèves rencontrant

des difficultés scolaires. La différenciation structurale est considérée comme le moyen

permettant à l‟enseignement de s‟orienter afin de pallier à l‟hétérogénéité des élèves. Allal et

Wegmüller (1998), la distinguent comme étant « la mise en place de structures de formation

institutionnalisées (filières, sections, cursus) caractérisées par des objectifs, programmes et/ou

méthodes différents » (p. 34). Parallèlement à cette différenciation structurale, la

différenciation pédagogique relève d‟un autre moyen permettant de répondre aux différents

besoins éducatifs des élèves, puisqu‟elle s‟opère à l‟intérieur des différentes classes et filières

de l‟enseignement ordinaire et spécialisé.

A Genève, les « enfants qui ne peuvent suivre la scolarité ordinaire, ou ayant des

troubles de la personnalité, sont placés dans le secteur spécialisé » (Biffiger, 2004, p. 34). Les

populations concernées sont « des enfants à atteinte organique ou psychique majeure et

handicapante : cécité, surdité, infirmité motrice cérébrale, handicap mental, psychoses

déficitaires […] », ainsi que « des enfants inadaptés aux critères scolaires ordinaires » (p. 34).

L‟enseignement spécialisé du canton relève de l‟instruction publique et jusqu‟en janvier 2010,

celui-ci était rattaché à l‟Enseignement primaire et au Service médico-pédagogique (SMP).

Cette imbrication originale a pourtant failli puisque le Service médico-pédagogique s‟est

détaché du Service de l‟Office de la jeunesse pour se réorganiser, devenant un organisme

indépendant appelé désormais Office médico-pédagogique (OMP). A présent, l‟ensemble des

filières dépend directement de l‟OMP et non plus de la Direction de l‟enseignement primaire

(DEP). Toutefois, ces filières font toujours partie du Département de l‟Instruction Publique

(DIP).

Page 16: Master - UNIGE

15

Selon l‟arrêté du Conseil d‟Etat de la République et du canton de Genève, l‟article 64

(10) du Règlement de l’enseignement primaire du 7 juillet 1993 (entré en vigueur le 15 juillet

1993), stipule que :

1 Le service médico-pédagogique (aujourd‟hui appelé Office médico-pédagogique),

compétent pour toutes les questions relatives à l'hygiène et à la santé mentale des

mineurs, intervient sur demande des parents, de la directrice ou du directeur

d'établissement scolaire, de l'inspectrice ou de l'inspecteur spécialisé, du corps

enseignant ou d'autres instances, en faveur des enfants qui présentent des difficultés

particulières de comportement, de relation, de compréhension, d'acquisition ou tout

autre problème de développement psychosensoriel.(12)

2 Après examen de la situation, il propose les mesures appropriées :

a) mesures thérapeutiques individuelles ou collectives;

b) mesures pédagogiques sous forme de conseil, d‟appui ou de placement dans les

classes ou institutions spécialisées.

3 Il participe à la direction, à l‟organisation, à la gestion et à l‟animation des structures

scolaires spécialisées qui sont définies par des dispositions internes.

Pour l‟année 2010-2011, on ne compte pas moins de 21 regroupements de classes

spécialisées dans des écoles primaires ordinaires, recueillant en leur sein 2, 3, 4 ou 5 classes,

soit un total de 62 classes spécialisées pour l‟ensemble du canton de Genève (site OMP). Ces

structures reçoivent des élèves âgés de 6 à 13 ans qui sont ensuite répartis selon deux

regroupements distincts : un premier accueillant des élèves de 6 à 9 ans et un second de 9 à 13

ans.

Les classes spécialisées ne comptent ni de degré annuel ni de cycle d‟apprentissage. Les

enseignants jouissent ainsi d‟une autonomie importante par rapport au programme et à

l‟évaluation des élèves. Cependant, l‟article 45(10) du Règlement de l’enseignement primaire

rend attentif au fait que « dans les regroupements et institutions spécialisés, l'évaluation est

adaptée aux caractéristiques de l'élève ». Les modalités de travail, les rythmes d‟apprentissage

ainsi que les objectifs, diffèrent ainsi d‟élève en élève. Une autre caractéristique de ces classes

réside au niveau de l‟effectif qui est considérablement réduit par rapport aux classes

ordinaires, puisqu‟il ne dépasse aujourd‟hui pas plus de huit élèves environ. Enfin, en vue

d‟assurer au mieux la mission éducative qui leur est confiée, les enseignants spécialisés

Page 17: Master - UNIGE

16

« bénéficient d‟une collaboration régulière avec des médecins, psychologues, logopédistes ou

encore psychomotriciens du Service médico-pédagogique » (Biffiger, 2004, p. 35).

Les institutions proposent, elles, une prise en charge scolaire spécialisée, thérapeutique

ainsi qu‟un appui à l‟intégration pour des enfants de 3 à 18 ans environ. On dénombre

aujourd‟hui 3 centres pour enfants déficients et d‟appui aux handicapés de la vue, 10 jardins

d‟enfants spécialisés et centres de jour pour jeunes enfants, 14 centres de jour pour enfants

d‟âge scolaire, 5 centres de jour pour adolescents, 2 écoles de formation préprofessionnelle et

1 foyer d‟accueil de nuit (site OMP). Une équipe pluridisciplinaire composée d‟enseignants

spécialisés, d‟éducateurs et de professionnels de l‟OMP collabore étroitement afin de

répondre au mieux aux différents besoins éducatifs.

2.3. Le processus de signalement pour l’enseignement spécialisé à Genève

Lorsqu‟un enseignant se retrouve face à un élève présentant des difficultés scolaires,

celui-ci peut faire appel à l‟office médico-pédagogique (OMP) et à l‟ensemble de ses

professionnels compétents dans la santé mentale et l‟hygiène, afin d‟être assisté. De façon

générale, trois modes de signalement sont possibles lorsqu‟une telle situation se présente :

Signalement pour consultation à l‟école

Signalement médico-psychologique

Signalement scolaire

Dans le premier mode de signalement pour consultation à l’école, l‟enseignant qui

rencontre une difficulté ou un problème lié à un de ces élèves peut s‟adresser directement à un

spécialiste de l‟OMP. La fonction de ce dernier est d‟accueillir et accompagner l‟enseignant

dans un espace de discussion où des conseils et des pistes de réflexions devraient permettre de

saisir davantage la situation dans laquelle l‟élève évolue. Dans ce cas, les parents ne sont pas

tenus d‟être avisés étant donné la démarche indépendante et personnelle de l‟enseignant.

Le signalement médico-psychologique, quant à lui, consiste à proposer une consultation

OMP à l‟élève, nécessitant en amont l‟accord des parents. Pour ce faire, l‟enseignant doit

avant tout en informer son directeur d‟établissement qui, à son tour, en avisera les parents.

Toutefois, à ce niveau, la démarche reste indépendante d‟une orientation dans l‟enseignement

Page 18: Master - UNIGE

17

spécialisé. Une fois informée des intentions de l‟école, la cellule familiale reste libre dans le

choix ou non d‟une consultation OMP. Néanmoins, il arrive que la demande provienne

directement des parents, souhaitant ainsi privilégier un soutien pour leur enfant.

Le signalement scolaire, se pose lui, lorsque l‟élève présente des difficultés scolaires

importantes et/ou des difficultés de comportement rendant ainsi problématique toute prise en

charge dans l‟enseignement ordinaire. Lorsque l‟ensemble des mesures prises dans le cadre de

l‟enseignement ordinaire permettant à l‟élève d‟être accompagné dans ses difficultés

d‟apprentissage n‟ont pas apporté les effets attendus, l‟orientation de l‟élève en division

spécialisée peut alors être considérée (Dispositions internes n°3).

De là, il incombe à l‟enseignant titulaire de rédiger un Bilan pédagogique selon un

formulaire réunissant des informations liées au parcours scolaire de l‟enfant (difficultés

scolaires), aux mesures déjà mises en place, aux dispositions psychologiques (difficultés de

comportement) ainsi que des informations liées à ses relations familiales. Pour y parvenir,

l‟enseignant peut s‟appuyer sur sa collaboration avec d‟autres professionnels travaillant avec

l‟enfant, notamment l‟enseignant chargé de soutien pédagogique (ECSP) et autres maitres

spécialistes. Si nécessaire, un Bilan psychologique effectué par un spécialiste de l‟OMP peut

également être exigé par le directeur de l‟enseignement ordinaire et l‟inspecteur de

l‟enseignement spécialisé, afin d‟orienter l‟élève vers une filière davantage adaptée à ses

besoins éducatifs.

Bien que la présence des parents de l‟élève lors des entretiens précédant toute prise de

décision est requise, la décision finale d‟orientation ou non de celui-ci reste et « appartient

aux deux inspecteurs/trices concerné(e)s » (Dispositions internes n°3). A ce moment précis,

l‟enseignant est donc déchargé de toute responsabilité. Par ailleurs, les parents perdent tous

droits sur l‟enfant en cas de refus à une réorientation. « En cas d‟opposition des parents, le

règlement de l‟enseignement primaire est appliqué » (Dispositions internes n°3). Dès lors,

comme souligné dans le Règlement de l’enseignement primaire, « s‟ils ne peuvent admettre

les décisions prises, ils renoncent de ce fait à faire instruire leurs enfants dans une école

publique » (Article 26, al. 3, 1993). Dans l‟attente d‟un éventuel transfert, l‟élève reste dans

sa classe, voire dans son école.

Page 19: Master - UNIGE

18

Au final, en dépit d‟un accord entre les deux inspecteurs/trices, il revient cependant à

celui de la division spécialisée de trancher. Enfin, rappelons la responsabilité et les droits de

l‟instruction publique dans cette démarche :

Lorsque la santé ou le développement de l‟enfant le commande, le département, après

examen approfondi de la situation, peut placer l‟élève dans une autre classe ou une autre

école. L'élève peut être placé dans une classe ou institution spécialisée selon les

procédures internes établies entre le service médico-pédagogique et la direction générale

de l'enseignement primaire. (Règlement de l’enseignement primaire, art. 26, al. 1 & 2,

1993)

Page 20: Master - UNIGE

19

3. APPORTS THEORIQUES

Grâce à un apport théorique, nous allons tenter de cerner des concepts en lien avec notre

objet d‟étude, qui est, rappelons-le, la responsabilité de divers acteurs dans le processus de

signalement d‟élève vers l‟enseignement spécialisé. Il convient en premier lieu de traiter de la

notion de responsabilité, avant de se focaliser plus particulièrement sur le processus de

signalement d‟un élève vers l‟enseignement spécialisé, dans lequel nous allons questionner

cette responsabilité.

Nous commençons par interroger la définition de la responsabilité, ainsi que son

évolution à travers l‟histoire et la société. Ces constats mènent à une distinction des types de

responsabilité. Par la suite, nous mentionnons quelques travaux abordant la responsabilité

dans le contexte éducatif.

Nous poursuivons sur le second versant de notre thématique, à savoir le contexte

spécialisé. Nous aborderons donc une revue des différents travaux abordant le processus de

signalement d‟un élève pour un passage dans l‟enseignement spécialisé.

3.1. Responsabilité : notions de définition

3.1.1. Définition

Etymologiquement le mot responsabilité vient du latin respondere qui signifie répondre.

On peut donc extrapoler en postulant que « la responsabilité, c‟est la capacité de répondre de

ses actes » (Association pour un éveil de la responsabilité à l‟école [AERE], 2001, p. 9).

La notion de responsabilité a évolué à travers le temps selon les valeurs, la morale, la

société, etc. A notre époque, nous utilisons, dénaturons et banalisons souvent le concept de

responsabilité – s‟agit-il d‟ailleurs d‟un concept, d‟un sentiment, d‟un principe ou autre ? –

c‟est pourquoi, nous allons nous appuyer sur des théories pour parvenir à en savoir davantage.

Page 21: Master - UNIGE

20

Desbons et Ruby (2004) avancent une idée qui semble pouvoir servir de base à la

compréhension de la responsabilité. Selon eux, la référence à la responsabilité constitue

l‟individu en sujet de ses actions. Elle renvoie à une double dimension : d‟une part, le fait

qu‟un individu se reconnaisse responsable implique que sa « conscience affirme avoir soumis

ses affects à un contrôle suffisant pour s‟être rendu capable d‟orienter son action vers un but

choisi si possible rationnellement » (p. 4). D‟autre part, le fait que l‟individu se reconnaisse

responsable d‟un acte suppose qu‟il ne reporte pas sa responsabilité sur les générations à venir

ou sur son entourage et que, par extension, sa famille, ses proches, etc. ne sont pas soumis à la

responsabilité des actes commis par l‟individu.

Genard (1999), lui, se base sur les travaux d‟Habermas pour approcher la question de la

responsabilité. Il s‟agirait d‟ « une idéalisation […] que nous opérons nécessairement chaque

fois que nous entrons dans des échanges langagiers à des fins d‟entente » (p. 12). La notion de

responsabilité serait donc en lien direct avec celle de la communication. « En effet, ceux qui

participent à une interaction doivent se considérer réciproquement comme responsables et

donc supposer qu‟ils fondent leurs actes sur des prétentions à la validité » (Habermas, 1997,

cité par Genard, p. 12).

Desbons et Ruby (2004) pensent que la volonté - dans le sens de l‟auto-appropriation de

la décision - et la liberté précèdent la responsabilité, considérée comme le moment de la

réflexion. Cela nous ramène à l‟étymologie du mot : l‟idée de « l‟attribution à quelqu‟un de

l‟obligation de réparer ou de subir la peine encourue au cas où une de ses actions engendrerait

des dégâts ou causerait du tort à un autre » (p. 6). Cela sous-entend une idée d‟imputation

visant à assigner une action à quelqu‟un, qui doit cependant avoir été certifié libre de ses actes

au moment de l‟action en question : « parler de responsabilité, c‟est associer une action à une

causalité absolument libre, ou entendre l‟action comme une causalité absolument libre » (pp.

6-7). Se pose alors la question « des repères normatifs extérieurs à l‟individu » (Pattaroni,

2005, p. 16). Pour pouvoir parler de responsabilité, il faut que ces derniers soient reconnus par

des tiers dans une dimension dite externe. L‟auteur avance l‟idée qu‟il faudrait à la fois des

repères externes et internes à l‟agent pour parler de la dimension de responsabilité.

Cependant, il relève que ces deux aspects sont contradictoires, puisque faisant appel à la fois à

l‟objectivité - dimension externe, c'est-à-dire les normes - et à la subjectivité - dimension

interne, c‟est-à-dire l‟aspect psychologique des capacités - qui sont par là même considérés

comme distincts. Or, nous explique l‟auteur, ses recherches tendent à démontrer que :

Page 22: Master - UNIGE

21

Les capacités humaines sont étroitement liées à la manière dont la personne s‟inscrit

dans le monde. Il n‟y a donc pas d‟un côté des conventions et de l‟autre des capacités

mais un processus qui les fait apparaître de manière concomitante. (p. 17)

Relevons que les définitions de la responsabilité évoquées ci-dessus sont de toute

évidence en opposition avec certains discours :

Chacun se rend parfaitement compte du fait qu‟un fossé immense sépare le discours

religieux (Dieu crée toutes choses), le discours naturaliste (Ma nature m’entraine à faire

ceci ou cela) et le discours de la responsabilité (C’est moi qui ait accompli ceci ou cela).

Car, dans le troisième cas, un je est déclaré auteur ou cause de l‟action. (Desbons &

Ruby, 2004, p. 7)

En allant à l‟encontre de l‟idée qu‟une divinité gouvernerait les humains, ces définitions

apparaissent se distancier du discours religieux. En effet, cela suppose que l‟homme n‟agit

pas sous le coup d‟une puissance divine, mais sur celui de ses propres décisions. De même,

ces théories semblent aller à l‟inverse des discours naturalistes puisqu‟elles nous positionnent

davantage en acteur de notre vie.

D‟autres auteurs (Spaemann, 1999) pensent quant à eux, que l‟éthique de la

responsabilité définit :

L‟attitude d‟un homme qui, lorsqu‟il agit, prend en considération la totalité des

conséquences prévisibles de son agir, qui donc se demande quelles conséquences sont

globalement les meilleures du point de vue de la valeur de la réalité, et qui agit

conformément à ce point de vue même s‟il doit alors faire une chose qui, prise

isolément, devrait être qualifiée de mauvaise. (p. 76)

Il suppose donc une conscience lucide de l‟individu qui agirait en fonction de ce qu‟il

pense être le mieux. A ce titre, Spaemann (1999) explique qu‟une action produit forcément

des effets et qu‟il convient de tous les envisager pour se poser la question : « pour quelles

conséquences de l‟action, et à quelle échéance, l‟agent porte-t-il une responsabilité ? » (p. 78).

Il exprime ainsi que la responsabilité n‟implique pas de ne retenir qu‟une conséquence, mais

de considérer l‟ensemble de ces dernières pour évaluer si la fin justifie les moyens, autrement

dit, si la personne a agit en produisant quelques conséquences négatives, mais pour finalement

provoquer davantage de conséquences positives.

Page 23: Master - UNIGE

22

Pourtant, certains auteurs estiment comme fondamental de ne pas considérer

uniquement une action pour elle-même, mais aussi la conviction, l‟intention et la perception

de l‟individu qui a réalisé cette action. Spaemann (1999) postule donc que la responsabilité

doit être limitée et ne pas comprendre toutes les conséquences des actions engagées ou non

par l‟agent. Quant à Genard (1999), il propose de retenir quatre modalités qui doivent être

évaluées pour définir la responsabilité. Ces modalités sont : le devoir, le vouloir, le savoir et

le pouvoir : « le devait-il ?; l‟a-t-il voulu ?; savait-il ce qu‟il en était, ce qu‟il en serait ?; le

pouvait-il ? C‟est par rapport à ces questions que nous jugerons des responsabilités » (p. 39).

Ces modalités s‟exposent ainsi à des interprétations et des réinterprétations possibles qu‟il

convient d‟interroger pour discuter de la forme et de l‟étendue des responsabilités.

En résumé, nous remarquons que l‟éthique de la responsabilité ne peut se traiter par le

biais de la connaissance scientifique, mais par la réflexion philosophique qui suppose de se

questionner sur les actions que nous réalisons. « L‟éthique de la responsabilité souffre des

défauts propres aux éthiques du sentiment et de la bienveillance. Elle définit davantage des

attitudes et une sensibilité que des normes et des obligations précises » (Métayer, 1997, p.

209). Comme le spécifie cet auteur, la responsabilité semble découler davantage d‟une

sensibilité personnelle que chacun peut définir selon ses propres critères et valeurs. Dans ce

cas précis, elle se rattache donc à une question morale. Au vu de ces propos, nous pouvons

nous demander s‟il est même possible de concevoir la responsabilité comme une qualité, au

sens d‟une aptitude personnelle. Il se peut que la responsabilité ne puisse se définir de la

même manière pour tous, étant donné qu‟elle n‟a pas de caractère obligatoire et est sujette à la

sensibilité intrinsèque. Néanmoins, comme nous le verrons par la suite, il a été érigé des

codes de responsabilité civile et pénale qui, au contraire de la responsabilité morale, ont traits

à des devoirs.

En considérant l‟ensemble des aspects de définition que nous avons identifiés jusqu‟à

présent, il semble que la responsabilité comporte uniquement des aspects négatifs. En effet,

nous avons aperçu que les auteurs associent souvent cette notion à des actes plutôt nocifs qui

nécessitent jugement, peine et réparation. Ils utilisent également à maintes reprises le terme de

conséquence pouvant exprimer une connotation négative. Sommes-nous alors en droit de

penser que la responsabilité implique nécessairement des suites pénibles ? Desbons et Ruby

(2004) font mentir cette question et notent que la responsabilité comporte également des

aspects positifs, notamment concernant la récompense d‟une action. Ainsi, la prise de

Page 24: Master - UNIGE

23

certaines responsabilités peut conduire à des finalités bénéfiques. Donnons l‟exemple d‟un

individu qui prendrait la décision d‟assister une personne en danger. Si cette prise de

responsabilité conduit à son sauvetage, on observe donc l‟aspect positif lié à ce choix.

3.1.2. Distinction des types de responsabilités

Comme nous l‟avons évoqué, on peut distinguer trois types de responsabilité : la

responsabilité morale, la responsabilité civile et la responsabilité pénale (Paturet, 2003).

Responsabilité morale

La responsabilité morale en appelle à la conscience que chaque homme devrait avoir en

lui. Chacun est supposé solidaire de ses actes. Métayer (1997) démontre par la théorie de

Jonas, que la raison a une place importante en morale, mais que le sentiment a davantage

d‟influence. Par exemple, si le côté émotionnel agit, c‟est que la volonté de la personne a été

mise à mal puisqu‟elle a été touchée par la condition d‟une autre personne.

Selon certains auteurs (Canto-Sperber, 2001), « on est moralement responsable que de

ce qu‟on fait intentionnellement » (p. 93). Cette notion de moralité entre donc en jeu avec des

questions d‟intentionnalité. Ainsi, l‟auteur amène une nouvelle dimension à la définition de

responsabilité pour laquelle il convient de comprendre ce qu‟on entend par intentionnel. Selon

Canto-Sperber, ne peuvent être dits intentionnels que les actes dont on a la possibilité de ne

pas accomplir et qui peuvent être décrits précisément. La théorie classique conduit donc à

discriminer action et omission, c‟est-à-dire que « je suis responsable de ce que je fais, mais

non de ce que je ne fais pas, à moins que je ne viole délibérément une norme connue de tous »

(p. 93). S‟opposent à cette conception, les courants dits de conséquentialisme1, selon lesquels

il ne doit pas y avoir de distinction entre action et omission, puisque si je réalise une action,

cela signifie que je suis empêché d‟en faire une autre, donc je suis aussi responsable de ce que

je ne fais pas. L‟auteur donne l‟exemple suivant :

Si je passe une soirée à l‟opéra, c‟est que je ne consacrerai pas ma soirée à faire du

bénévolat ni n‟adresserai l‟argent de mon billet à un organisme d‟entraide international.

Or, dans un monde désormais unifié, je suis responsable aussi de ce que je ne fais pas, et

1 Philosophie qui juge la valeur morale d‟une action en fonction des conséquences que cette action encoure.

Page 25: Master - UNIGE

24

en particulier des malheurs que mon aide ou mon action auraient pu éviter. Autrement

dit, il m‟incombe, il est de ma responsabilité de créer le meilleur état du monde. (p. 94)

On constate ainsi l‟étendue considérable de cette responsabilité qui attache en

considération toutes conséquences occasionnées par nos agissements mais également toutes

conséquences liées aux actions que nous ne pouvons réaliser dans le même temps. D‟autre

part, ces courants s‟élèvent également contre la théorie classique qui ne prend en

considération que les effets proches d‟une action et non les effets imprévus. En effet, Canto-

Sperber (2001) rappelle que notre action individuelle peut produire des résultats opposés à

ceux escomptés dans la mesure où elle entre en interaction avec les conséquences des actions

de tierces personnes. L‟auteur avance l‟exemple de l‟épargne qui est sujette aux actions des

autres. La décision individuelle d‟épargner rend responsable, dans ce cas-là, de l‟état final.

Par ailleurs, le risque existe de se retrouver face à des conséquences disproportionnées, et en

l‟occurrence, non maîtrisables. En prenant en compte ces diverses potentialités, les courants

conséquentialistes parlent alors de responsabilité globale du moment qu‟on implique les

actions que nous faisons ou non et qui conduisent à des effets prévus et imprévus.

Selon Canto-Sperber (2001), on se retrouve ainsi devant deux hypothèses : l‟une est de

dire que la notion de responsabilité s‟étend à l‟infini et est impliquée dans tout ce qu‟est le

monde et l‟autre est de dire qu‟elle est limitée à la sphère d‟action de l‟agent ce qui implique

de parler d‟obligation de réparation en ce qui concerne les effets inconnus de l‟action.

Mais comment peut-on alors définir ce qui incombe à notre responsabilité morale ou

non ? Canto-Sperber nous propose une conception alternative retenant deux exigences. La

première est l‟idée selon laquelle la notion de responsabilité se limite à la sphère de l‟action

intentionnelle. Cette exigence est importante, selon elle, pour « donner un sens à la notion

d‟imputation dont dépend une grande part de notre rapport moral au monde » (2001, p. 96).

Autrement dit, un individu se doit d‟être conscient de la portée de ses actes et aussi de

pouvoir distinguer s‟il agit selon son bon vouloir ou non.

La deuxième exigence de Canto-Sperber (2001) met le doigt sur la nécessité de

catégoriser les rapports entre nos actions et leurs conséquences, étant donné que dans certains

cas, la distinction entre l‟acte et ses conséquences est ambigüe. Autrement dit, il existe divers

concepts qu‟il convient d‟utiliser pour citer ces relations de cause à effet. Elle évoque, par

Page 26: Master - UNIGE

25

exemple, la notion d‟implication qui démontre une participation du sujet, sans responsabilité

stricte. Canto-Sperber pense aussi qu‟il est davantage pertinent de contrôler les actions

humaines au moyen de règles qui, de ce fait, placent la responsabilité de chacun dans la

contrainte à respecter ces règles. « Cela ne fait peut-être aucune différence dans le concret,

mais cela fait une grande différence dans le travail de justifications des normes » (p. 99). Par

là, cette définition tend à démontrer que la notion de responsabilité morale est limitée à

l‟action intentionnelle et qu‟il existe diverses formes de relations entre un individu et un état

de choses. Selon l‟auteur, il faut donc distinguer ces relations, leur donner une définition

conceptuelle, et ne pas confondre la notion stricte de responsabilité « avec les autres formes

que peut prendre cette relation (obligation de réparation, implication morale, obéissance à une

règle) » (Canto-Sperber, 2004, pp. 99-100). Ainsi, selon l‟auteur, il n‟y a, par conséquent, pas

lieu d‟invoquer une responsabilité universelle :

Ce n‟est pas parce que les causalités sont enchevêtrées, ou encore parce qu‟entre un

sujet quelconque et une action quelconque, on peut toujours concevoir qu‟un lien existe,

qu‟il faille étendre à l‟infini la notion de responsabilité en la détachant du schème de

l‟action intentionnelle ni qu‟il faille admettre une responsabilité universelle. (p. 100)

Ainsi, Canto Sperber (2001) est d‟avis que la responsabilité doit être limitée et non

étendue infiniment, et qu‟il faut définir plus précisément l‟action intentionnelle.

Responsabilité civile

La responsabilité civile implique que la personne qui a commis des actions ou des

négligences sur un tiers doit en assumer les conséquences. Cette notion de responsabilité

civile est née au début du 19ème

siècle et a pris une grande importance notamment au travers

de « l‟élaboration du Code civil » (Pattaroni, 2005, p. 13), recueil codifiant les normes

législatives du droit privé.

Responsabilité pénale

Enfin, la responsabilité pénale « vise habituellement les dommages occasionnés à la cité

et à l‟organisation sociale » (Paturet, 2007, p. 111). Il existe un code pénal qui consiste en un

texte relatif aux peines encourues par un individu qui commet des infractions.

Page 27: Master - UNIGE

26

Pour les responsabilités civile et pénale, on remarque donc que, de nos jours, la

responsabilité est codifiée. Il y est même question de jugement, puis d‟obligation de

réparation. La responsabilité dans ce cas se rapproche alors du concept de justice (Pattaroni,

2005).

3.1.3. Distinction entre responsabilité rétroactive et prospective

Métayer (1997) qui s‟appuie sur le travail de Jonas, distingue la responsabilité

rétroactive qui est liée à nos actes passés et aux conséquences qui les ont suivi, de la

responsabilité prospective, qui vise les actes à réaliser et qui dépendent de nous. La

responsabilité prospective est une responsabilité à assumer relative à des actes futurs et qui

implique des personnes de notre sphère d‟influence et dont le sort dépend de nous, soit par

besoin, soit parce que nos actions le menacent. Métayer donne l‟exemple d‟un père de famille

qui a une addiction pour les jeux de casino et perd tout son argent. Il est vu comme

irresponsable, puisqu‟il nuit à ses enfants dont il doit s‟occuper. La responsabilité prospective

semble engendrer de plus grandes exigences que la responsabilité rétroactive. En effet, cette

dernière est liée au passé, il est donc difficile d‟en changer les conséquences. Métayer

explique que « dans une véritable morale de la responsabilité, la responsabilité n‟est pas

consécutive à un acte passé, mais est plutôt à la source de l‟acte. Elle commande un acte à

accomplir » (p. 194). Ainsi, la responsabilité prospective présume d‟un pouvoir d‟action de la

personne responsable.

De plus, Métayer (1997) explique que, dans nos sociétés actuelles, pouvoir et savoir

sont souvent associés, ce qui suppose des responsabilités aux personnes qui savent vis-à-vis

des personnes ignorantes. Le savoir est ici défini comme le fait d‟avoir conscience de ce

qu‟impliquent certaines actions. Cette vision augure donc d‟une inégalité entre le sujet

responsable et la personne sous sa sphère d‟influence. Il n‟y a donc pas de réciprocité, mais

un sens unique. L‟auteur élargit le concept à toutes les personnes qui ont des compétences

puisque leurs actions engendrent des effets sur les personnes qui n‟ont pas ces compétences.

Métayer pense aux professionnels, aux cadres, aux professeurs, ou encore aux techniciens.

Ainsi, ces individus « sont directement visés par ce concept dans la mesure où leurs actions

influent sur le bien-être de certaines personnes vulnérables qui dépendent d‟eux » (p. 196).

Comme nous le voyons, l‟enseignant est donc concerné par la responsabilité prospective. Le

cadre de ces activités professionnelles est défini par des normes explicites inscrites dans un

Page 28: Master - UNIGE

27

« code de déontologie » auquel on se réfère de plus en plus souvent pour interpréter les

responsabilités des professionnels. Pourtant, d‟après Métayer, cela ne suffit pas pour régler

tous les cas de conscience : « une véritable éthique de la responsabilité exige davantage que le

respect d‟un code de déontologie ou le strict respect des lois ou d‟un contrat de service » (p.

200). D‟après ces propos, il semble donc complexe de ne s‟arrêter qu‟au strict « cahier des

charges » de chaque professionnel pour établir leurs responsabilités. Par ailleurs, l‟auteur

signale :

La responsabilité prospective dépend de notre pouvoir d‟intervention. Dans un contexte

où une personne occupe une position d‟autorité supérieure à la nôtre, il peut être tentant

de nous dégager d‟une responsabilité morale en nous disant que c‟est à notre supérieur

hiérarchique qu‟il revient de l‟assumer, puisque celui-ci a encore plus de pouvoir que

nous ». (p. 201)

On peut concevoir, à travers ces paroles, qu‟un problème, un obstacle ou une difficulté

peut, dans un contexte hiérarchique, inviter à se décharger de sa responsabilité, en la

déléguant à l‟individu qui occupe une fonction supérieure.

3.1.4. Histoire et contexte contemporain

Le terme responsabilité dans l‟usage que nous lui connaissons aujourd‟hui et dans nos

sociétés occidentales est récent. En effet, Genard (1999) nous enseigne que son utilisation

date de la seconde moitié du 18ème

siècle. Cette idée est née simultanément à l‟idée de sujet.

Pour Desbons et Ruby (2004), dire que le terme de responsabilité a une histoire signifie un

début et une fin. Il va sans dire qu‟il en découle ainsi une signification qui s‟est développée en

fonction du contexte historique.

Selon plusieurs auteurs (Canto-Sperber, 2001 ; Desbons & Ruby, 2004 ; Métayer, 1997 ;

Paturet, 2003 ; Spaemann, 1999), la notion de responsabilité est au centre de l‟éthique. Au

sens traditionnel, elle se basait sur l‟idée que la nature et la vie étaient invulnérables ainsi

qu‟immuables et que l‟action humaine ne prévalait pas sur ces dernières. Or, selon Paturet

(2003) qui traduit le discours de Jonas, nous vivons dans une époque qui remet en cause cette

conception, étant donné que le pouvoir technologique met à mal l‟ordre cosmique. Cela

implique ainsi une nouvelle dimension de la responsabilité puisqu‟elle ne se limite plus au

rapport de l‟homme avec son prochain mais tend à un rapport nouveau avec l‟avenir.

Page 29: Master - UNIGE

28

Actuellement, et selon Desbons et Ruby (2004), plusieurs études montrent que le monde

contemporain va au-delà d‟« un affaiblissement de la conscience de la responsabilité » (p. 9).

Ils vont même plus loin en spécifiant que selon ces mêmes études, « plus personne n‟en

prendrait (des responsabilités), nous ne nous sentirions plus responsables de rien, et d‟une

certaine façon, nous n‟avons plus besoin de cette idée » (p. 9). Par ailleurs, les auteurs se

basent sur le constat que :

Notre société est organisée pour que la responsabilité individuelle soit définitivement

dépassée, comme horizon de l‟action humaine. Ne sommes-nous pas pris dans un

système général d‟assurances, dont le résultat est qu‟il dilue la responsabilité de chacun

dans le collectif ? (p. 15)

Desbons et Ruby (2004) s‟appuient sur une étude de François Ewald démontrant que la

construction du système d‟assurance est passé par trois étapes dévoilant un passage de la

responsabilité individuelle à la responsabilité collective et dont résulte la notion de

responsabilité actuelle. L‟âge de la faute est vu comme le premier âge de la responsabilité,

c‟est-à-dire, l‟idée de la responsabilité individuelle. Le deuxième âge est celui de la

responsabilité sans faute avec pour principe qu‟il est impossible de lutter individuellement

contre un mal collectif, comme, par exemple, les accidents. Enfin, vient l‟âge actuel de la

sécurité qui implique que la responsabilité incombe à tous, mais non dans une optique

individuelle : « nous sommes entrés dans l‟âge adulte de la socialisation des risques. Il n‟y a

plus d‟autre responsabilité que celle de tous, ce qui ne signifie pas de chacun » (p.15). Cela

suppose que nous n‟allons plus au devant d‟une responsabilité individuelle, mais d‟une

responsabilité sociale collective. Par ailleurs, les auteurs s‟appuient sur les dires d‟Alexis de

Tocqueville2 pour expliquer que cette responsabilité s‟est dissoute à travers le consumérisme

qui pousse les individus à s‟isoler de la société en se réfugiant dans des valeurs matérielles

déchargeant ainsi l‟homme de sa responsabilité face au sort du monde.

Les changements survenus au travers des époques conduisent à deux hypothèses. La

première serait de penser qu‟il faut restaurer la responsabilité. Cette réaction est celle prônée

notamment par Hans Jonas, qui relevait l‟intérêt de mener les Hommes à une attitude

responsable. Elle est vue davantage comme une responsabilité collective se préoccupant de

2 Penseur politique, historien et écrivain français du 19ème siècle, Alexis de Tocqueville a écrit un ouvrage de référence

s‟intitulant De la démocratie en Amérique, en 1835. Il y analyse le système démocratique américain et prédit certains risques

liés à cette forme de société.

Page 30: Master - UNIGE

29

l‟avenir lointain qui implique que l‟humanité se doit d‟être responsable de sa survie et de

façon plus générale, du monde. Comme le dit Jonas : « Agis de telle sorte qu‟il existe encore

une humanité après toi et aussi longtemps que possible » (Jonas, cité par Desbons & Ruby, p.

13, 2004). En effet, selon Jonas, et dans le contexte de développement technologique de nos

sociétés occidentales, « nous sommes mis en demeure d‟assumer collectivement la

responsabilité des dangers et des destructions qui attentent à la vie de la nature dont nous

faisons partie » (Desbons & Ruby, 2004, p.11). Dans cette théorie, la restauration de la

responsabilité est donc vue comme inévitable pour assurer l‟avenir et devient par là-même un

devoir collectif : « nous devons organiser à l‟échelle planétaire la responsabilité de l‟humanité

quant aux conséquences et aux effets secondaires découlant de ses actions collectives »

(p.12).

La deuxième hypothèse est une réaction inverse. En effet, dans le cas où il est avéré que

la responsabilité s‟affaiblit, comme le questionnent Desbons et Ruby (2004), il pourrait

résulter que « nous arrivons à nous débarrasser d‟un poids historique, celui de l‟exercice de la

responsabilité, et que de ce fait, s‟ouvre devant nous un éventail de comportements inédits à

explorer » (p. 9). Cette idée trouve sa source dans les théories de Nietzsche qui affirme que la

responsabilité n‟est pas dans la nature humaine, mais est le résultat d‟un rôle donné à

l‟homme dans sa quête de civilité. Voilà pourquoi les auteurs mettent en avant l‟idée de se

débarrasser du poids de la responsabilité, puisqu‟elle restreint l‟existence de l‟homme en

l‟empêchant d‟agir selon ses pulsions. Cette idée semble rejoindre le concept de culpabilité,

puisqu‟ « en se portant garant de ce qu‟il accomplit […], [l‟homme] déploie non seulement

une capacité à répondre de soi-même, mais il se place sous le jugement intériorisé des autres »

(p. 18). La responsabilité que porte l‟individu semble donc être le fruit d‟une contrainte qui

implique également que sa conscience se plie à une norme qui, s‟il la transgresse, conduit, au

demeurant, à la culpabilité. Nous pensons qu‟il est donc pertinent de spécifier, en quelques

mots, en quoi consiste cette culpabilité.

3.1.5. Notion de culpabilité

La notion de responsabilité semble étroitement liée à celle de culpabilité : « au-delà des

actions et des valeurs, vient la conscience de se sentir coupable ou plus simplement la cause

d‟un mal ou d‟un bien commis » (Desbons & Ruby, 2004, p.3). Autrement dit, les limites

établies par certaines lois peuvent conduire un individu qui les aurait dépassées, à ressentir de

Page 31: Master - UNIGE

30

la culpabilité. Les auteurs montrent par le travail de Schopenhauer qu‟il existe une souffrance

liée à la responsabilité, « car cette idée est liée à une représentation distanciée du monde et de

l‟homme […], à une croyance en une autonomie du sujet qui le noie dans la culpabilité » (p.

20). Schopenhauer promouvait l‟idée, d‟aspirer à la volonté - dans le sens de la pulsion -

plutôt que de se soumettre à la conscience, et ce, pour ne pas se sentir perpétuellement

coupable. Il était d‟avis de ne pas se faire de reproches continuels, puisque, selon lui, le cours

de la vie n‟était pas l‟œuvre de chacun, mais d‟une „„puissance secrète‟‟.

Il nous semble difficile malgré tout de concevoir la responsabilité sans la notion de

culpabilité ou de faute, étant donné que la conscience de l‟homme paraît guider nos actes.

Toutefois, les auteurs prétendent que le concept de responsabilité peut être distingué du

concept de faute et par conséquent, de la culpabilité. Ils s‟appuient sur les propos de Kafka

qui postulait, qu‟il est possible d‟être responsable sans être coupable.

3.1.6. Fuite de la responsabilité vers un « on » bien commode…

Dès lors, il nous semble pertinent d‟essayer de percevoir comment la responsabilité et la

culpabilité peuvent se transcrire dans le langage. En effet, comme le suggèrent Desbons et

Ruby en 2004, les êtres humains ont tendance, pour se décharger de leurs responsabilités, à

utiliser le pronom personnel on, qui a valeur de fuite. Ces auteurs reprennent à Heidegger

l‟expression de dictature du on qui expose qu‟un individu se cache derrière ce pronom qui a

l‟avantage de ne transcrire ni un je, ni un nous. Il indique par là-même la faculté de montrer

que l‟on est indifférent et indéterminé. Il retire ainsi sa responsabilité à l‟individu qui ne prend

pas de risque en se servant de ce pronom qui décharge de tout.

3.2. Revue des travaux sur la question de la responsabilité dans le cadre

scolaire ou éducatif

3.2.1. Les formes de responsabilités dans le domaine de l’éducation

Nous venons d‟essayer de définir le terme de responsabilité. Il convient dorénavant de

se focaliser sur la responsabilité dans le domaine de l‟éducation. En effet, ce domaine appelle

Page 32: Master - UNIGE

31

à diverses responsabilités vis-à-vis des élèves et il est souvent mentionné que les enseignants

et autres acteurs du système scolaire en endossent de plus en plus. Pattaroni (2005) parle de la

sémantique de la responsabilité comme ayant un rôle croissant dans notre société. Il prétend

que cette société demande, pour vivre ensemble, des gestes qu‟on rapproche souvent de la

responsabilité. On remarque effectivement que ce constat s‟applique aussi dans le domaine de

l‟éducation. Signalons que par la suite, nous développerons les facteurs d‟attributions causales

(cf. point 3.3.2) en lien avec la responsabilité traitée ci-dessous.

En 2003, Paturet répertorie trois formes de responsabilité dans le domaine de

l‟éducation. La première est la responsabilité comme éthique de l‟engagement. Il explique, en

parlant de l‟éducateur, que ce dernier :

Ne s‟engage pas seulement dans l‟immédiateté de sa relation à l‟éduqué, mais pour

l‟avenir […]. La responsabilité pour l‟avenir entraine un nouveau rapport dans la praxis

éducative : elle doit viser à ce qu‟une vie proprement humaine soit toujours possible sur

la terre. (p. 113)

La responsabilité qu‟accorde Paturet (2003) aux éducateurs ou aux enseignants porte

donc sur un engagement pour l‟avenir des « éduqués » et de l‟humanité en général. Cet

engagement est donné dans la relation asymétrique éducateur-éduqué, comme un droit et un

devoir des éducateurs qui doivent se lier à leurs sujets par une promesse sur l‟avenir.

« S‟engager signifie donner des gages aux éduqués et donc garantir une vie proprement

humaine aux hommes futurs pour que leur humanité puisse se déployer en eux comme être

raisonnable et comme ipséité » (p. 114). Nous pouvons tirer un parallèle avec la conception

de Jonas dont nous avons parlé plus haut. En effet, rappelons que ce dernier s‟attache à

expliquer quelle responsabilité endossent les hommes quant à leur avenir et à la survie de leur

espèce.

La deuxième forme est celle de la responsabilité comme éthique de la singularité. Ce

que tend à démontrer Paturet en 2003, est l‟idée que la « praxis éducative » doit reconnaître la

singularité, l‟unicité à la fois de chacun et de chaque objet d‟apprentissage. Dans cette

optique, enseigner n‟est pas basé sur la transmission de savoirs mais sur la capacité à faire

apprendre, avec le postulat que l‟enseignant est également susceptible de s‟instruire. Ce

dernier doit donc chercher à s‟adapter à la singularité de l‟élève, et c‟est donc là que se situe

sa responsabilité.

Page 33: Master - UNIGE

32

Enfin, la troisième notion de responsabilité est celle de l‟éthique du don. En préambule à

cette position, l‟auteur s‟interroge sur la fin de la relation éducative : à quel moment faut-il

s‟arrêter pour que l‟éduqué puisse se lancer dans son propre projet ? Il est important que

l‟éducateur envisage la fin de cet acte éducatif, il doit être « celui qui invite l‟éduqué à se

mettre en marche […] vers la découverte de lui-même » (p. 119). Paturet envisage la fin de

l‟acte éducatif comme une « mort ». C‟est en cela que se retrouve l‟idée de don, qui traduit un

abandon de soi-même pour laisser l‟autre vivre sa propre vie. La responsabilité de l‟éducateur

implique donc également l‟idée de fin de la praxis éducative.

3.2.2. Responsabilité vs responsabilisation

Ces considérations nous amènent à examiner la possibilité d‟une transmission de la

responsabilité. Nous changeons à présent de niveau pour nous concentrer sur certaines

pratiques éducatives. Desbons et Ruby (2004) s‟opposent à l‟imposition de la responsabilité.

En forçant trop les individus, on risque d‟arriver à l‟opposé de ce qui était voulu, à savoir

risquer de les conduire vers l‟irresponsabilité. Ils prêchent davantage pour un concept de

responsabilisation, ce qui implique :

Un nouveau rapport entre soi et les autres, puis entre chacun et le monde. Cela signifie

simultanément que nous devons apprendre à situer notre action en fonction des

conséquences factuelles qu‟elle produit (responsabilité classique), et que nous devons

sans cesse rendre compte publiquement de ce que nous accomplissons dans le rapport

entretenu avec les autres (responsabilisation). (p. 43)

Cette pensée engage donc un travail personnel par l‟interaction avec les autres qui

implique qu‟il n‟y a pas d‟imposition mais une constitution propre à chacun. Il s‟agit donc de

mettre en avant l‟action réciproque par opposition à l‟action du seul sujet. Les auteurs sont

d‟avis que la responsabilisation naît d‟une formation autour d‟exercices particuliers, à savoir

de pratiques visant à changer les rapports humains : « nous pouvons envisager un travail de

chacun sur soi par la médiation des autres, orienté vers la conscience du rapport à l‟autre et,

de ce fait, la capacité à prendre des responsabilités partagées » (p. 40). Ces exercices visent,

entre autre, à dégager l‟individu de sa passivité et à « relever les moments de l‟existence au

cours desquels chacun peut revendiquer une mise en œuvre de soi qui ne soit ni contrôlée ni

Page 34: Master - UNIGE

33

contrôlable par une autorité extérieure » (p. 43). Les auteurs insistent donc sur l‟idée que nous

devons travailler sur nous-mêmes pour bâtir la responsabilité.

Desbons et Ruby (2004) s‟appuient sur les recherches de Michel Foucault qui s‟est

attelé à explorer comment « un pouvoir construit les processus d‟exclusion des acteurs de

l‟histoire, à partir d‟une domestication des corps » (p. 45). Le pouvoir produit donc des effets

empêchant la responsabilisation. Les auteurs rapprochent ainsi de l‟ouverture à des formes de

résistances de Foucault, le processus de responsabilisation vu comme une « libération de soi à

partir de soi, sur le mode d‟une reconnaissance du rapport à l‟autre » (p. 46).

3.2.3. Résumé de quelques recherches empiriques

Le travail de diplôme d‟éducatrices spécialisées de Christen et Pittet (1989) intitulé

Responsabilité où es-tu ? a pour objectif de comprendre quelles sont les responsabilités des

éducateurs. Leur démarche ne vise pas à chercher les responsabilités dans des définitions

théoriques, mais plutôt à aller observer et interroger des niveaux de responsabilités dans un

contexte. Cette approche permet ainsi de se centrer sur la réalité et l‟identification des rôles et

responsabilités des acteurs de terrains éducatifs.

Elles ont donc commencé par schématiser l‟organigramme des rôles de chaque acteur

impliqué dans quatre institutions, foyers ou autre. Elles ont ainsi pu dégager les

responsabilités de ces derniers. Concernant les responsabilités propres aux éducateurs, elles

ont procédé par entretien autour de cinq thématiques : l‟argent de poche, les loisirs et les

devoirs (cours), le perfectionnement, la procédure d‟admission, la prise en charge de la

famille et du réseau.

Leurs conclusions indiquent que la responsabilité n‟incombe pas seulement aux métiers

présents dans les lieux visités, mais également aux „„éduqués‟‟. La responsabilité des

éducateurs n‟est donc pas totale face aux personnes qui leur sont confiées, puisque elles-

mêmes ont leurs responsabilités propres. Elles pensent même que le rôle des éducateurs est

d‟aider ces personnes à prendre petit à petit leurs responsabilités.

Thorimbert (1999) propose d‟étudier L’autonomie et la responsabilité comme source de

motivation. Pour ce faire, il met en route un projet collectif dans un atelier avec des ouvriers

Page 35: Master - UNIGE

34

en difficultés rejetés par le système économique. Ce projet vise notamment à étudier les

comportements professionnels de ces personnes et à rendre l‟ouvrier responsable de l‟activité

conçue dans ce projet. Il atteint en partie cet objectif, mais veut surtout démontrer que ce

genre de projet aide la population étudiée à l‟autonomie et à la responsabilité.

Etonnement, les deux travaux cités, bien que mentionnant la responsabilité dans le titre-

même de leur recherche, ne nous permettent pas de découvrir de manière explicite quelles

définitions se cachent derrière cette notion. En effet, ces travaux ne s‟attardent à aucun

moment sur la notion de responsabilité, ni ne cherche à la conceptualiser. Les auteurs ne

développant pas cette thématique, il ne nous est donc pas possible d‟en tirer des conclusions.

3.3. Processus de signalement pour l’enseignement spécialisé : revue de

travaux

Après avoir tenté de définir la notion de responsabilité, il est nécessaire de nous

focaliser sur les différents aspects du processus de signalement, à l‟intérieur duquel nous

souhaitons traiter de la responsabilité. Ainsi, nous aborderons trois thèmes (facteurs scolaires

intervenant dans le processus d‟orientation, mécanismes d‟attributions causales et

phénomènes implicites) faisant état de biais venant interférer dans la procédure de

signalement de l‟élève vers la classe spécialisée.

3.3.1. Facteurs scolaires intervenant dans le processus d’orientation

Genre et contexte socioculturel

Il est intéressant de constater à la vue des données recueillies dans le tableau 1 ci-

dessous que les enfants de genre masculin sont davantage orientés vers les classes spécialisées

que ceux de genre féminin. On dénombre notamment 67% de garçons contre seulement 33%

de filles et ces chiffres sont pour le moins révélateurs si nous les comparons ensuite avec ceux

relevant de la division ordinaire.

Page 36: Master - UNIGE

35

Tableau 1 : Effectifs et pourcentages des élèves de l‟école primaire pour l‟année scolaire 2009-2010, scolarisés

dans les divisions ordinaires et spécialisées en fonction du genre

L‟ensemble des données des tableaux de ce chapitre est issu de l’Annuaire statistique de l’enseignement public à

Genève (SRED, 2009-2010)

Types de classes

Nombre d’élèves

Genre

Masculin Féminin

Cycle élémentaire 16659 50% 50%

Cycle moyen 16800 50% 50%

Classes spécialisées 491 67% 33%

TOTAL 33950 51% 49%

Or, le travail de recherche de Sadker et Sadker (1994, cités par Pelgrims, 2009, p. 5)

distingue qu‟à performance égale, le genre féminin fait l‟objet de moins de sollicitation pour

un signalement que le genre masculin.

Dans la recherche de Schubauer-Leoni (2000), il ressort que les garçons sont dépeints

plutôt négativement à travers les fiches de signalement décrites par les enseignants et ce, par

des caractéristiques liées à des dysfonctionnements psychologiques et/ou sociales, des

difficultés relationnelles et par un rejet de l‟école. Aussi, « rares sont les remarques

concernant les difficultés spécifiques dans une branche d‟enseignement » (p. 47). Mais « au

lieu d‟interroger la surreprésentation des garçons en classe spéciale, on peut dès lors se

demander si le problème n‟est pas autant celui de la sous-représentation des filles » (Pelgrims

& Doudin, 2000, p. 13). A l‟inverse des garçons, les élèves décrits positivement sont ceux

«ayant des qualités sur le plan social, affectif et relationnel, […] manifestant une attitude

positive à l‟égard du travail scolaire ». Autrement dit, ce sont « les filles, les élèves de

nationalité étrangère et ceux d‟origine sociale défavorisée » (Schubauer-Leoni, 2000, p. 47).

De plus, ces filles sont signalées pour le soutien pédagogique au Tessin (où les classes

spéciales ont été abolies) deux à trois ans plus tard que les garçons. Pelgrims et Doudin

attirent alors l‟attention quant au risque de maintenir ces filles en classe ordinaire et par là, de

retarder leur passage en classe spécialisée :

L‟absence de signalement des filles qui auraient pourtant besoin d‟une mesure scolaire

spéciale, ou leur signalement tardif, les maintient plus longtemps dans la passivité face

aux situations d‟apprentissage et pourrait rendre compte de la faible estime de soi

scolaire dont elles font plus fréquemment preuve que les garçons. (Sadker & Sadker,

1994, cités par Pelgrims & Doudin, 2000, p. 13)

Page 37: Master - UNIGE

36

L‟enquête menée par Baumberger, Doudin, Moulin et Martin (2007) rend compte par

ailleurs que « la force de signalement d‟un problème de comportement est plus grande

(orientation vers une filière spécialisée) que celle d‟un problème de difficultés

d‟apprentissage » (p. 27). Les enseignants privilégieraient « leur décision de signalement sur

d‟autres informations, pas nécessairement déclarées, que les compétences et performances

strictement scolaires » (Pelgrims & Doudin 2000, p. 12).

Un autre constat alarmant tiré des recherches de plusieurs auteurs (Gardner, 1987 ; Prout

& Frederickson, 1991, cités par Pelgrims & Doudin, 2000), illustre que les adultes ont

tendance à penser que les troubles du comportement des garçons relèvent de difficultés

nécessitant d‟être prises en charge plutôt que d‟être comprises. Par ailleurs, ils attribuent plus

de priorité à traiter les difficultés des garçons que celles des filles. De là :

Les filles resteraient en classe ordinaire „„parce qu‟on veut bien les comprendre‟‟, alors

que les garçons sont orientés au traitement par des mesures spéciales. Il s‟agirait d‟une

attitude culturelle différentielle à l‟égard des filles et des garçons conduisant à des

étiquetages et à des prises de décision différenciées. (p. 13)

Les éléments de synthèse du travail de recherche de Kummer et Molnarfi (2002),

mettent en exergue deux pistes de réflexion significatives dans la surreprésentation des élèves

de genre masculin lors du signalement en classe spécialisée. D‟une part, l‟élève de genre

masculin présentant des troubles comportementaux importants et passible de venir déranger le

groupe-classe ainsi que l‟enseignant dans la tenue de ce dernier, « se verra (beaucoup) plus

facilement signalé pour la classe spécialisée qu‟un élève de sexe féminin présentant des

troubles du comportement similaires » (pp. 130-131). De l‟autre, les résultats tendent à

confirmer le fait que les enseignants ordinaires ne signaleraient pas nécessairement les élèves

aux difficultés scolaires ou avec des comportements introvertis propres aux filles, « mais que

ce sont plus souvent les élèves perturbateurs présentant des comportements extravertis et

violents, propres aux garçons, qui auraient une probabilité plus grande d‟être signalés » (p.

131).

D‟autre part, à la lecture des données des tableaux 2 et 3, nous pouvons constater une

nette surreprésentation des élèves d‟origines culturelles étrangères et de catégories

Page 38: Master - UNIGE

37

socioprofessionnelles plutôt défavorisées dans les classes spécialisées pour l‟année scolaire

2009-2010.

Tableau 2 : Effectifs et pourcentages des élèves de l‟école primaire pour l‟année scolaire 2009-2010, scolarisés

dans les divisions ordinaires et spécialisées en fonction du niveau socioprofessionnel

Types de

classes

Nombre

d’élèves

Catégorie socioprofessionnelle des parents

Cadres

supérieurs et

dirigeants

Petits

indépendants

Employés et

cadres

intermédiaires

Ouvriers

Divers et

sans

indication

Cycle

élémentaire

16659 19% 4% 39% 29% 9%

Cycle

moyen

16800 18% 5% 39% 31% 7%

Classes

spécialisées

491 3% 4% 23% 51% 19%

TOTAL 33950 18% 4% 39% 30% 8%

Page 39: Master - UNIGE

38

Tableau 3 : Effectifs et pourcentages des élèves de l‟école primaire pour l‟année scolaire 2009-2010, scolarisés

dans les divisions ordinaires et spécialisées en fonction de la nationalité

Types de

classes

Nombre

d’élèves

Nationalité

Suisse

Espagne

Italie

France

Portugal

Sud Est

Europe

Autres

pays

Apatrides

et sans

indication

Cycle

élémentaire

16659 62% 2% 2% 3% 11% 4% 16% 0%

Cycle

moyen

16800 62% 3% 2% 2% 12% 4% 14% 0%

Classes

spécialisées

491 39% 4% 4% 1% 22% 11% 19% 0%

TOTAL 33950 62% 3% 2% 2% 12% 4% 15% 0%

Suite à ces données, nous pouvons relever que la nationalité et le milieu

socioprofessionnel entrent également en compte dans les biais possibles du processus

d‟orientation. En effet, quand :

Le milieu dominant correspond à la culture scolaire, il y a plus de probabilités qu‟un

élève ne provenant pas de ce milieu soit perçu comme plus différent que les autres et

fasse l‟objet d‟un signalement, bien que dans une école où son milieu serait dominant il

ne serait pas signalé. (Pelgrims, 1999, p. 3)

Par ailleurs, les observations menées par Sturny-Bossart (1996a) dans le cadre de sa

recherche sur l‟ensemble de la Suisse, ont montré que pour l‟année scolaire 1994-1995,

« 79% des 764'274 élèves de l‟école obligatoire ont un passeport suisse et 21% un passeport

étranger » (p. 25). L‟auteur poursuit en précisant notamment que « dans les classes de

développement, les élèves ayant un passeport étranger sont majoritaires (52%) » (p. 25). Au

vu des résultats de son travail, l‟auteur lie le pourcentage élevé d‟élèves étrangers dans le

secteur de la pédagogie spécialisée à la surreprésentation de ces derniers dans les classes de

développement.

L‟ensemble de ces résultats tend à désigner combien les facteurs tels que le sexe, la

nationalité et le niveau socioprofessionnel peuvent influencer une prise de décision.

Effectivement, nous nous sommes aperçues à travers la lecture des tableaux que ce sont « les

élèves de sexe masculin, les élèves issus de familles de statut socio-économique défavorisé, et

Page 40: Master - UNIGE

39

des élèves de certains groupes d‟étrangers en condition difficile d‟immigration qui sont

surreprésentés dans les classes spécialisées » (Pelgrims, 2003, p. 229 ).

Système scolaire et école

Intéressons-nous à présent au système scolaire, autre facteur influençant le taux de

signalement. Pelgrims (1999) identifie que « le taux de signalement et d‟orientation dans

l‟enseignement spécialisé peut varier par la politique scolaire suivie et l‟organisation

structurale du système scolaire qui en découle » (p. 2). A l‟origine de la multiplication des

structures d‟enseignement spécial et spécialisé, la politique ségrégative tend ainsi à augmenter

les probabilités d‟y orienter des élèves, contrairement à une politique intégrative, privilégiant

l‟inverse. Se basant sur les statistiques fédérales, Sturny-Bossart (1996b) nous apprend que le

taux d‟élèves dans les classes de développement et les classes AI (assurance invalidité) varie

entre les cantons. Or, remarquons que le canton du Tessin ne dispose plus de classes

spécialisées ou de développement, alors que Bâle a recouru à une politique inverse en

étendant son système de différenciation structurale, impliquant ainsi plus d‟élèves qui seraient

dans d‟autres cantons scolarisés en classe ordinaire à poursuivre une filière spécialisée.

Au niveau de l‟école maintenant, la politique peut adopter une vision à la fois

ségrégative et intégrative. Comme évoqué par Pelgrims (1999), « L‟équipe d‟un établissement

scolaire peut avoir pour principe de ne pas signaler un élève pour l‟enseignement spécialisé,

mais de rechercher d‟autres moyens pour gérer des élèves en difficulté » (p. 2). Différentes

études rendent compte de l‟influence du travail d‟équipe et plus directement, de la dimension

de collaboration dans le taux de signalement. En comparant les effets de deux modèles de

travail d‟équipe, une collaboration entre enseignants ordinaires et conseillers pédagogiques

pour décider de stratégies d‟enseignement d‟une part, et une même collaboration mais

incluant l‟évaluation des stratégies mises en œuvre d‟autre part, l‟étude de McNamara et

Hollinger (1997, cités par Pelgrims, 1999, p. 2) découvre que le taux de signalement est

identique selon les deux modèles. Cependant, celui impliquant l‟évaluation des stratégies

d‟enseignement provoque un taux davantage élevé de signalements aboutissant à une décision

de réorientation. « Si pour les auteurs, il s‟agit là d‟un effet positif du modèle de

collaboration, c‟est en fait omettre le fait qu‟entre signalement et décision interviennent un

certains nombre de biais […] » (Pelgrims, 1999, p. 3).

Page 41: Master - UNIGE

40

Dans un même ordre d‟idées, Short et Talley (1996, cités par Pelgrims, 1999) ont étudié

l‟évolution des taux de signalement d‟écoles, entre l‟année précédant l‟entrée dans une

politique de réforme scolaire, et les trois années successives à la réforme. Le travail d‟équipe

est présent dans certaines écoles, mais absent dans d‟autres. Il en ressort « que le taux de

signalement diminue dans toutes les écoles la 1ère

et 2ème

année de réforme et qu‟il en demeure

similaire en 3ème

année » (p. 3). Précisons que les auteurs ont donné leur soutien lors des deux

premières années de la réforme. Dès lors, « l‟efficacité de la collaboration en équipes est donc

confirmé et le fait d‟être signalé et orienté vers l‟enseignement spécialisé dépend donc aussi

du type de collaboration qui est mise en place dans les écoles » (p. 3). Baumberger, et al.

(2007) constatent aussi l‟utilité de partenariat entre collègues : « Dans le canton de Fribourg,

les enseignants qui travaillent souvent en partenariat au primaire, excluent moins „„les élèves

à problèmes‟‟ de leur classe » (p. 29).

Par ailleurs, la recherche de Vanier Muller (2008), s‟est intéressée à savoir si la présence

d‟enseignants de classes ordinaires et d‟enseignants de classes spécialisées au sein d‟un même

établissement pouvait contribuer à favoriser une certaine décentration concernant

l‟interprétation des difficultés des élèves. Elle constate au gré de ses résultats que :

Le taux de signalement est plus important dans les établissements scolaires ayant des

classes spécialisées […]. Il pourrait donc intervenir un biais dans le jugement des

enseignants quant à une décision de signalement-réorientation des élèves en difficultés

du également par la proximité de ces deux types de classes. (pp. 71-72)

Enseignant

Comme constaté ci-dessus, le taux de signalement des élèves pour l‟enseignement

spécialisé dépend aussi de la culture et de la politique d‟établissement. Concentrons-nous à

présent sur l‟influence que peut détenir l‟enseignant, car « ce sont en grande majorité les

enseignants ordinaires qui signalent un élève pour une éventuelle orientation » (Gottlieb,

Gottlieb & Trongone, 1991, cités par Doudin & Pelgrims Ducrey, 2000, p. 12). Certaines

recherches les impliquent d‟ailleurs fortement et aboutissent majoritairement à l‟idée selon

laquelle les critères évoqués pour un signalement d‟élève dépendent vivement de leur

sentiment d‟efficacité professionnelle et de leurs approches pédagogiques (Pelgrims Ducrey

& Doudin, 2000).

Page 42: Master - UNIGE

41

Ainsi, l‟influence des pratiques d‟enseignement mises en place au sein des classes par

l‟enseignant, et plus directement les stratégies de différenciation pédagogique, sont bien

souvent perçues comme permettant de diminuer le taux de signalement. Or, les résultats de

différentes études consistant à réaliser des formes de différenciation, comme l‟apprentissage

coopératif ou l‟évaluation formative pour observer les effets sur le taux de signalement,

divergent grandement (Pelgrims, 2009). En revanche, les résultats de la recherche de Cooper

et Speece (1990), qui a consisté à suivre des élèves de la 1ère

année à la 4ème

année de l‟école

primaire sont du moins éloquents. En effet :

Les élèves à risque d‟échec scolaire se trouvant dans des contextes offrant peu

d‟enseignement de la lecture en petits groupes, pas d‟apprentissage coopératif ou de

tutorats entre pairs ont plus de risque d‟être signalés et placés dans l‟enseignement

spécialisé que leurs pairs, de même niveau initial mais qui sont dans des classes où de

telles approches pédagogiques sont mises en œuvre. (Cités par Pelgrims, 2009, pp. 3-4)

D‟autres travaux comme la recherche de Podell et Soodak (1993, cités par Pelgrims &

Cèbe, 2010) mettent en lien que ces stratégies de différenciation pédagogique permettent aux

enseignants de résoudre des situations complexes, renforçant ainsi leur sentiment de

compétences professionnelles et diminuant par là même, le taux d‟élèves signalés. Aussi, en

attribuant les difficultés scolaires des élèves à des facteurs externes à l‟école, les enseignants

agissent comme s‟ils n‟avaient pas de contrôle pour renverser la tendance :

Attribuer les difficultés à des causes incontrôlables est aussi en lien avec un sentiment

que personnellement en tant qu‟enseignant on est peu efficace à modifier les difficultés

scolaires, ainsi que le sentiment que l‟enseignement en général est peu efficace à lutter

contre les difficultés scolaires. (Pelgrims, 1999, p. 4)

L‟étude de Meijer et Foster (1988, cités par Pelgrims, 1999) indique en revanche que

« plus les enseignants se perçoivent comme compétents pour gérer des situations-problème,

moins ils prévoient que les élèves auront des problèmes et seront signalés pour

l‟enseignement spécialisé » (p. 4).

Concernant le lien possible entre le type d‟enseignement et le type de scolarisation

intégrée ou séparée des élèves jugés difficiles, Baumberger, et al. (2007) avancent que :

Les enseignants qui pratiquent peu ou pas d‟enseignement „„ouvert‟‟ ont tendance à plus

exclure les « enfants à problèmes » de leur classe, de même, au Tessin, les enseignants

Page 43: Master - UNIGE

42

qui pratiquent l‟enseignement frontal séparent plus les élèves de la classe ordinaire. (p.

28)

Formulant l‟hypothèse selon laquelle le maintien ou l‟intégration en classe ordinaire

d‟enfants en difficultés risque d‟augmenter la charge professionnelle et essentiellement le

surmenage au travail, ces mêmes auteurs renversent cette idée : « les enseignants du canton

qui séparent le plus et qui d‟une certaine manière „„se débarrassent des gêneurs‟‟ sont parmi

ceux qui ont le plus l‟impression d‟être surmenés au travail » (Baumberger, et al., 2007, p.

29). Ce constat doit solliciter l‟envie des enseignants à accepter dans leur classe un élève

„„différent‟‟, sans que cela n‟accentue leur charge de travail, critère souvent invoqué pour

refuser une intégration.

Difficultés d’apprentissages

Les difficultés d‟apprentissage rencontrées dans certaines disciplines scolaires semblent

nourrir également les biais possibles dans les processus d‟orientation. Là-dessus, l‟analyse

effectuée par Pelgrims (2003), des bilans pédagogiques rédigés par les enseignants ordinaires

pour le signalement des élèves, indique « que tous les élèves […] sont déclarés comme ayant

d‟importantes difficultés dans l‟acquisition de la lecture, difficultés qui affectent les activités

d‟apprentissage requérant la lecture dans d‟autres disciplines » (p. 230). A côté, pas moins de

89% des élèves souffrent de difficultés en mathématiques. Il semble donc que les difficultés

d‟apprentissage observées à la fois en lecture et en mathématiques soient perçues comme de

véritables critères inhérents à toute décision d‟orientation.

Synthèse

De l‟ensemble de ces observations découle que bien que « de nombreux chercheurs et

acteurs en pédagogie spécialisée admettent le rôle que joue l‟environnement dans la

construction des difficultés d‟apprentissage, […] sa prise en compte dans leur modélisation

demeure souvent implicite » (Pelgrims & Cèbe, 2010, p. 113). Dès lors, il est tout aussi

surprenant de considérer que « les éléments de contexte et les pratiques d‟enseignement sont

peu convoqués tout au long de la procédure de désignation des difficultés » (p. 118).

L‟absence de ces précieux outils rendant possible de saisir les besoins scolaires spécifiques

Page 44: Master - UNIGE

43

des élèves, justifie peut-être pourquoi les enseignants spécialisés sont nombreux à faire des

hypothèses sur les causes des difficultés rencontrées, allant de déficits de nature

motivationnelle au manque d‟engagement des élèves dans les tâches d‟apprentissage.

3.3.2. Mécanismes d’attributions causales

Que cela prenne forme à travers nos stages en école primaire ou à travers la littérature, il

arrive souvent que les enseignants attribuent le manque, voir le refus de l‟élève de s‟engager

dans les tâches d‟apprentissages à des problèmes relevant de motivation, de confiance en soi

ou encore d‟estime de soi. Dès lors, cette perception de manque d‟engagement relève-t-elle

d‟une question de motivation davantage perçue comme une disposition psychologique, voir

un trait de personnalité ? Cette dimension est « pourtant dépassée au profit des approches

théoriques soulignant, depuis les années 1990, le rôle du contexte dans la motivation à

apprendre des élèves » (Bouffard, Mariné & Chouinard, 2004 ; Volet & Järvelä, 2001 cités

par Pelgrims, 2009, p. 140).

Par définition, nous entendons par attributions causales « des attitudes et des croyances

que les élèves intériorisent à propos des apprentissages en contexte scolaire » (Pelgrims,

2009, p. 143). Ces attributions causales de la réussite et de l’échec alimentent « les théories

subjectives que développent les élèves quant aux causes responsables de leurs réussites et de

leurs échecs dans les différentes disciplines » (p. 142). En référence à la théorie de

l‟impuissance acquise traitée par Peterson et Seligman (1987, cités par Pelgrims, 2009),

plusieurs travaux identifient que les élèves dits en difficultés, adoptent des attitudes de type

« impuissance acquise » de par l‟accumulation d‟échecs perpétrés. Ainsi, plus fréquemment

que les élèves sans difficulté, ils expliqueraient leurs réussites et leurs échecs comme

provenant de causes incontrôlables, « telles que réussir grâce à la chance, échouer en raison

d‟un manque d‟intelligence » (Pelgrims, 2009, p. 142). Ainsi :

Ne percevant plus de relation entre leurs propres actions et les résultats produits, ils

s‟attendraient plus fréquemment à échouer qu‟à réussir ce qui les conduirait plus

fréquemment à l‟évitement qu‟à l‟engagement, à l‟échec qu‟à la réussite. (p. 142)

Cependant, si certains élèves s‟engagent peu dans les tâches, c‟est davantage en raison

des conditions qui ne leur autorisent pas à actualiser leurs bonnes intentions d‟apprentissages

initiales qu‟en raison de leurs croyances (Pelgrims, 2009).

Page 45: Master - UNIGE

44

En revanche, dans le cadre de notre recherche, il ne s‟agit pas de chercher à comprendre

les attributions causales en lien avec l‟engagement de l‟élève dans les tâches d‟apprentissage,

mais bien de cerner les différentes causes attribuées par les acteurs scolaires interrogés face au

processus de signalement de l‟élève jugé en difficulté.

La recherche de Schubauer-Leoni (2000) a pour objectif de développer des outils

conceptuels et méthodologiques mettant en évidence le lien résidant entre le niveau individuel

et le niveau social des dysfonctionnements déclarés par certains représentants de l‟institution

scolaire. Autrement dit, elle s‟intéresse prioritairement aux professionnels chargés de faire

face aux difficultés diagnostiqués chez certains élèves. Au travers de son travail, nous

apprenons que différents travaux relatifs aux difficultés scolaires avancent l‟idée selon

laquelle la question des difficultés d‟apprentissage est comprise comme une disposition

psychologique de l‟élève et moins comme une conséquence liée au contexte institutionnel

dans lequel les difficultés ont été situées. D‟autres encore, soulignent le fossé existant entre

l‟appartenance culturelle et sociale de l‟élève et les valeurs prônées par l‟école. Cependant,

comme l‟ajoute l‟auteur, ces travaux « perdent souvent de vue les mécanismes interactifs et

situationnels qui amènent tel élève particulier à donner des signes de difficulté et tel

enseignant à émettre un verdict en conséquence » (p. 38). Ce constat, rappelons-le, déjà

évoqué par Pelgrims (2009) précédemment, nous pousse par conséquent à interroger la

culpabilité du contexte scolaire dans les difficultés d‟apprentissage de l‟élève.

Ainsi, à travers le travail de Schubauer-Leoni (2000), notre attention est

particulièrement centrée sur les différents objets d‟étude qui projettent une compréhension de

l‟ensemble des processus en vigueur dans les phénomènes d‟attribution de difficultés à l‟école

primaire, étant donné que notre recherche s‟intéresse de près à la responsabilité de différents

acteurs scolaires dans la procédure de signalement de l‟élève en classe spécialisée, et

notamment aux critères invoqués par les acteurs scolaires pour signaler ou non un élève (cf.

chapitre « Problématique et questions de recherche », question spécifique de recherche 1).

Au niveau d‟analyse micro-systémique, et plus précisément au niveau de l’étude

d’interactions entre enseignants titulaires, maîtres de soutien et parents, il ressort des

entretiens menés auprès de ces acteurs concernant des cas d‟élèves ayant fait l‟objet d‟un

signalement par l‟enseignant titulaire, que chacun identifie des facteurs explicatifs extérieurs à

lui-même :

Page 46: Master - UNIGE

45

Les parents voient, par exemple, dans le passage d‟un type de scolarité à un autre l‟une

des causes principales des difficultés de leur fils ou fille, et ceci sans jamais remettre en

cause, face au chercheur, les capacités intellectuelles de leur enfant. Les titulaires, en

l‟absence des parents, identifient ceux-ci en tant que source importante de l‟inadaptation

scolaire de l‟élève. (Schubauer-Leoni, 2000, p. 45)

Ce constat illustrant les causes des difficultés de l‟élève invoquées par les parents et les

titulaires nous invite sans plus attendre à interroger la notion de responsabilité de ces acteurs.

En d‟autres mots, en privilégiant une cause externe susceptible d‟éclairer les difficultés de

l‟élève, ces locuteurs ne pourvoient-ils pas implicitement à déléguer leur responsabilité ?

Toujours selon le même niveau d‟étude, il convient de distinguer à présent, un des

résultats majeurs de cette recherche, émergeant lors d‟entretiens prévus à l‟effet du colloque

de signalement, cette fois :

Il s‟agit davantage de convaincre les parents du bien-fondé, voire de l‟opportunité,

d‟une prise en charge par le soutien plutôt que d’engager un échange en vue d’une

décision commune pouvant éventuellement déboucher sur d’autres solutions que la

prise en charge par le Service de soutien. (Schubauer-Leoni, 2000, p. 45)

Par le manque de faits attestant l‟utilité d‟une prise en charge de l‟élève par les

représentants institutionnels, le danger ici est de voir les difficultés, à leur tour banalisées, et

acquiescées par le parent. L‟auteur poursuit en soulignant que « l‟élève est alors „„passé‟‟ aux

mains du spécialiste du soutien qui va s‟en charger sans se sentir obligé d‟en spécifier le

„„comment‟‟ » (Schubauer-Leoni, 2000, p. 46). La connotation négative que nous croyons

percevoir à partir du terme passé, nous engage encore une fois à considérer peut-être une

forme de délégation de responsabilité d‟un professionnel à un autre.

Au niveau d‟analyse méso-systémique, l‟analyse des 534 « fiches de signalement »

rédigées par les enseignants titulaires du canton du Tessin met en avant la prédominance des

mécanismes d‟attribution dispositionnelle sur le dysfonctionnement dans la relation au savoir

de la relation didactique. Ce sont les caractéristiques psychologiques des élèves qui ont donc

constitué la part la plus importante des expressions délivrées par les maitres titulaires. De là :

Les enseignants tendent à soumettre le rapport aux objets de savoir au rapport de l‟élève

à d‟autres objets qui tiennent à la personne et à son entourage (cf. les troubles

Page 47: Master - UNIGE

46

relationnels, l‟attitude négative à l‟égard de l‟école, la motivation, etc.). (Schubauer-

Leoni, 2000, p. 47)

En dépit de nous permettre de généraliser ce constat à l‟ensemble des enseignants, nous

percevons néanmoins et ce, de façon synthétique, que si l‟enseignant a davantage tendance à

invoquer que les difficultés scolaires sont inhérentes à l‟élève et à son entourage, et non pas à

son enseignement, celui-ci recourra plus facilement à l‟orientation en classe spécialisée. A

l‟inverse, si l‟enseignant a tendance à invoquer que les difficultés scolaires de l‟élève sont

davantage inhérentes au contexte institutionnel, alors le phénomène s‟inverse et la tendance à

l‟orientation en classe spécialisée s‟amenuise.

Par ailleurs, il est tout aussi frappant de constater qu‟à travers la recherche de

Baumberger, et al. (2007), menée à travers une enquête sur les représentations des

enseignants, un des résultats privilégiés incite un constat quasi similaire quant aux critères

invoqués pour justifier les difficultés constatées en classe. En effet, nous apprenons que le

signalement est plus invoqué pour des problèmes de comportement, alors que les difficultés

d‟apprentissage sont elles, plus résolues en classe. De même, « la force de signalement d‟un

problème de comportement est plus grande (orientation vers unes filière spécialisée) que celle

d‟un problème de difficultés d‟apprentissage […] » (p. 27).

Enfin, au niveau d‟analyse macro-systémique, les résultats de l‟étude portant sur les

représentations sociales que se font les représentants institutionnels vis-à-vis des difficultés

d‟apprentissage des élèves et relevant du questionnaire écrit adressé à des acteurs scolaires

genevois et tessinois autour de la problématique de la collaboration, tendent à converger vers

le fait que les représentants institutionnels cherchent à protéger leur sphère de compétence et

leurs gestes de travail. Ainsi « l‟enseignant apparaît plus enclin que d‟autres à invoquer des

raisons familiales des difficultés, en situant ainsi la cause en dehors de son intervention

directe » (Schubauer-Leoni, 2000, p. 50). Par là, l‟auteur propose que « déclarer un élève en

difficulté suppose un travail d‟interprétation de la part de chaque RI (représentant

institutionnel) des manifestations décelées chez l‟élève » (p. 51). A ce sujet, nous pouvons en

déduire que certains acteurs scolaires se réfèrent davantage à un travail d‟interprétation qu‟à

un travail réfléchi en fonction des résultats des élèves. Là-dessus, Pelgrims et Cèbe (2010)

attirent l‟attention sur l‟importance du facteur environnemental que représentent les normes

scolaires dans la désignation des difficultés :

Page 48: Master - UNIGE

47

En classe, le temps d‟enseignement et d‟apprentissage d‟un objet est contraint par des

échéances institutionnelles de programmes et d‟évaluation. […]. Les normes scolaires

qui contraignent le rythme de progression et l‟évaluation des compétences scolaires

exercent donc un effet important sur la désignation des difficultés et le signalement des

élèves. (p. 115)

Aussi, les propos de professeurs français d‟histoire-géographie recueillis dans le cadre

d‟une étude menée par Do (2007) sur les représentations de la grande difficulté scolaire,

rendent compte que ces derniers sont convaincus de la « précocité du risque et de l‟influence

de l‟environnement social et familial ». Risque culminant avant l‟entrée au collège car la

maitrise des bases de la langue française est la compétence faisant le plus défaut, selon eux, à

leurs élèves en situation d‟échec. Toutefois, ils sont nombreux à déclarer vouloir s‟occuper

des difficultés eux-mêmes au lieu de les confier à d‟autres structures en tâchant en priorité de

les faire progresser par l‟acquisition de méthodes :

Ils souhaitent travailler davantage en interdisciplinarité, notamment avec les professeurs

de français, et bien qu‟ils ressentent autant que la moyenne un sentiment d‟impuissance,

ils se veulent surtout combatifs ou dévoués face à un phénomène qu‟ils sont les plus

nombreux à juger inacceptable, confirmant un penchant à refuser la fatalité de

l‟inégalité. (p. 127)

La recherche de Babel et Bourrit (2004) s‟attachant aux représentations des parents sur

leur degré d‟implication et d‟informations reçues durant la procédure de passage de leur

enfant en classe spécialisée, révèle une différence considérable dans les contacts de ces

derniers avec les professionnels des secteurs ordinaire et spécialisé. Effectivement, « 77% des

parents considèrent avoir eu une véritable relation de partenariat avec le secteur spécialisé,

contre seulement 36% avec le secteur ordinaire » (p. 63). Afin de répondre à ces chiffres, les

auteurs poursuivent en précisant que « les parents considèrent parfois la réorientation de leur

enfant en classe spécialisée comme un rejet, une expulsion de la division ordinaire » (p. 62) et

continuent en tentant de trouver des éléments de réponse à ce meilleur partenariat entre les

parents et les professionnels du secteur spécialisé :

Il revient aux professionnels de cette division la tâche de redonner confiance aux parents

en leur exposant les côtés pratiques de l‟intégration de leur enfant en classe spécialisée.

En effet, les parents ont souvent des attentes très fortes envers les spécialistes, raison

pour laquelle l‟aspect concret, amené par les professionnels du secteur spécialisé,

Page 49: Master - UNIGE

48

semble les associer plus directement dans la scolarité de leur enfant, que les propos de la

division ordinaire, souvent moins explicites aux yeux des parents. (p. 89)

3.3.3. Phénomènes implicites

En parallèle à la procédure prescriptive liée au signalement de l‟élève pour

l‟enseignement spécialisé, nous pouvons également considérer la présence de phénomènes

scolaires implicites prenant part chez l‟élève. Ces phénomènes davantage informels ont

tendance à s‟étendre sur une période plus ou moins étalée, débutant avant même la décision

de signalement à proprement parler, et plus précisément dès que l‟apprenant est étiqueté

comme étant en difficulté, puis à travers le moment où l‟annonce de son orientation en classe

spécialisée aura été faite jusqu‟à ce qu‟il l‟intègre.

A partir du moment où l‟enseignant en charge de l‟élève commence à faire part à ses

collègues des difficultés de celui-ci en amorçant des discussions informant de son éventuel

intention de le signaler pour l‟enseignement spécialisé, les échecs informels de l‟élève vont

avoir tendance à se renforcer, comme notamment celui lié au sentiment de ne pas ou ne plus

être compétent ou encore celui lié à la peur de l‟échec et à la gêne de ne pas réussir. Si les

savoirs ne leur sont plus enseignés, certains élèves risquent d'activer des stratégies

réactionnelles d‟évitement des tâches comme le retrait en silence, l‟agitation et la

perturbation, la négociation et l‟agressivité pouvant « se manifester dès qu‟une leçon ou une

tâche est perçue comme une menace pour leur bien-être » (Pelgims, 2010b, p. 22). S‟en

remettant à d‟autres collègues, l‟enseignant peut désormais retourner s‟occuper des autres

élèves de sa classe mais en s‟exposant au danger de ne plus ajuster les tâches d‟apprentissage

à l‟élève jugé en difficulté, autrement dit, de lui indiquer qu‟il n‟espère plus de progrès de sa

part, ceci engendrant à son tour « la rupture du contrat éducatif implicite de confiance

réciproque selon lequel l‟enseignant a confiance en l‟éducabilité de l‟élève et l‟élève fait

confiance à l‟enseignant pour lui enseigner les savoirs lui permettant de réussir » (p. 22).

Là-dessus, comme le soulève Pelgrims (2010b), nombreux sont les élèves qui, au cours

des derniers mois passés dans l‟enseignement ordinaire, ont ressenti un sentiment d‟abandon

et celui de ne plus être à la hauteur des demandes de l‟enseignant :

Or un élève qui perçoit que l‟enseignant n‟attend plus rien de lui, qui n‟a plus la

possibilité d‟interagir à propos des savoirs, est affecté dans son sentiment de

Page 50: Master - UNIGE

49

compétences scolaires, se sent de plus en plus exclu de son rôle d‟élève et de moins en

moins appartenir au groupe-classe et, en conséquence, augmente les comportements

réactionnels peu compatibles avec les attentes scolaires. (p. 23)

Outre la rupture du contrat éducatif implicite de confiance réciproque s‟opérant en

classe ordinaire, un autre phénomène implicite d‟ampleur tout aussi considérable prend racine

lors de l‟orientation de l‟élève dit en difficulté vers l‟enseignement spécialisé. Il s‟agit de « la

loi du silence qui creuse une zone d‟ignorance chez les élèves concernés » (Pelgrims, 2010b,

p. 23). En effet, bien qu‟il n‟existe, à priori aucune forme institutionnelle permettant de

considérer cette annonce, celle-ci n‟est pas nécessairement menée dans un entretien pensé à

cet effet. Du coup, nombreux sont les élèves qui, mal informés, voir désinformés se

retrouvent sans raisons évidentes justifiant leur passage. Effectivement, certains l‟apprennent

directement de leurs parents, d‟autres de leur enseignant mais à un moment inapproprié, etc.

Cette zone d‟ombre les pousse ainsi à se créer toutes sortes d‟explications par des motifs

internes comme le sentiment d‟incompétence et/ou des motifs externes comme le rejet à

l‟égard de l‟école. Ainsi, nous supposons qu‟à défaut de leur permettre de mieux cerner leurs

difficultés et de leur donner les éléments essentiels pour se responsabiliser face à leur

parcours, tout se passe comme si l‟école désengageait ses élèves au risque de les voir se

retourner contre elle.

Aussi, lors du transfert « est amorcé le contrat social d’aides par lequel les acteurs, hors

classe spécialisée, promettent à l‟élève la mise à disposition en classe spécialisée de toutes les

aides dont il aura besoin, et par lequel l‟élève comprend que pour réussir il a besoin d‟aides »

(Pelgrims, 2009, p. 139). Le sentiment de l‟élève de ne pas être à la hauteur est renforcé et le

risque permanent d‟invoquer ce contrat social implicite d’aides pour toute situation difficile

sera dès lors engagé par l‟élève. Effectivement, les interventions de l‟enseignant et les effets

Topaze reflètent des particularités courantes au sein de ce contexte. Les enseignants octroient

de nombreuses aides, notamment « avant qu‟un obstacle ne provoque du désengagement et de

l‟indiscipline » (p. 140). La recherche de Schubauer-Leoni (2000) met d‟ailleurs en avant la

présence de ce phénomène mais en contexte ordinaire cette fois-ci. En effet, au niveau

d‟analyse micro-systémique, et plus précisément au niveau de l’étude de classes

« ordinaires » et de groupes d’élèves en soutien, les résultats recueillis de ces observations

ciblées sur le champ disciplinaire des mathématiques, relèvent que « plus l‟enseignant

considère que tel élève est en difficulté, plus il est tenté de l‟aider en contrôlant pas à pas le

Page 51: Master - UNIGE

50

raisonnement jusqu‟à l‟obtention de la „„bonne‟‟ réponse pour laquelle l‟élève est alors

félicité ! » (p. 42). L‟auteur met en garde contre une prise en charge ne laissant aucune place à

la prise de responsabilité de l‟élève lui-même.

Aussi, lors de son arrivée en classe spécialisée, il peut s‟avérer souvent délicat pour

l‟élève d‟intégrer un nouveau groupe-classe, au vu du sentiment de honte ou encore de

culpabilité qui l‟étreint. A ceci s‟ajoute le poids d‟un bilan scolaire faisant davantage étal de

ses difficultés que de ses compétences. Autrement dit :

Les procédures officielles imposent rarement une trace des aspects positifs, un

document qui fait mémoire des acquis scolaires de l‟élève : les savoirs qu‟il maitrise, les

objectifs qu‟il a atteints, les tâches qu‟il a réussies, les défis scolaires qu‟il a relevés, les

objets qui l‟intéressent, ses qualités en tant qu‟élève et camarade… (Pelgrims, 2010b, p.

23)

Afin que l‟élève puisse se créer une place au sein du groupe, il relève de la tâche de son

enseignant de rendre compte socialement, de par l‟aide d‟outils évaluateurs, de ses

connaissances et de ses acquis.

L‟hétérogénéité des élèves de classes spécialisées est considérablement importante. En

effet, ces classes :

Réunissent des élèves dont les parcours scolaires antérieurs sont très variables du point

de vue du nombre d‟années réalisées dans les conditions de l‟enseignement ordinaire,

des programmes scolaires abordés, des réussites et échecs encourus, des ruptures

sociales, pédagogiques et didactiques subies lors d‟un redoublement et des transitions

scolaires, du nombre d‟années d‟apprentissages dans les conditions d‟une ou plusieurs

classes spécialisées. (Barnett, Clarizio & Payette, 1996 ; Pelgrims, 2003, 2006, cités par

Pelgrims 2009, p. 138)

Ainsi, cette hétérogénéité scolaire tend plus que tout à fragiliser l‟équilibre entier de la

classe, équilibre au combien nécessaire à « l‟activité d‟enseignement et à l‟activité

d‟apprentissage » (Pelgrims, 2010b, p. 23). Les parcours scolaires des élèves n‟autorisent

ainsi peu ou pas la formation d‟une véritable culture scolaire, « volée » à laquelle pouvoir

s‟identifier, amenuisant de la sorte, toute tentative d‟expériences socio-affectives,

pédagogiques, didactiques vécues communément. Pour pallier le manque de mémoire

Page 52: Master - UNIGE

51

collective, il incombe alors à l‟enseignant de créer une culture, « des règles, des expériences,

des accords, mutuels, des ajustements, des savoirs et savoir-faire, tant sociaux, pédagogiques

et didactiques nécessaires à l‟ordre en classe, à la progression de l‟enseignement et des

apprentissages » (Pelgrims, 2009, p. 138).

Comme nous venons de l‟apercevoir, le passage d‟un élève en classe spécialisée revêt

différentes contingences scolaires plus ou moins implicites encourageant des émotions et

comportements peu concordants avec les attentes scolaires. Cependant, ceux-ci tendent

parfois à être « compris comme étant des „„symptômes‟‟ qui confirmeraient que les difficultés

seraient inhérentes aux enfants, alors qu‟il s‟agit de modalités de réaction des élèves à l‟école

qui les désigne „„en échec‟‟, „„en difficulté‟‟, „„ayant des besoins éducatifs particuliers‟‟ »

(Pelgrims, 2010b, p. 24). Aussi, à défaut d‟une réglementation explicite entre les différents

acteurs scolaires, nous comprenons aisément qu‟il relève davantage du choix et de la

responsabilité morale de l‟enseignant que de recourir ou non aux mesures efficaces permettant

d‟inverser ces phénomènes.

Page 53: Master - UNIGE

52

4. PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE

La thématique de notre recherche s‟inscrit dans le processus du passage en classe

spécialisé d‟un élève jugé en difficulté d‟apprentissage scolaire en classe ordinaire. L‟objectif

de notre travail a pour but de saisir les perceptions de différents acteurs du cadre scolaire et du

cadre familial quant à leur degré de responsabilité vis-à-vis de l‟orientation scolaire de

l‟élève.

4.1. Problématique

Comme perçue à travers notre littérature de recherche, les acteurs scolaires et familiaux

(les directeurs, les enseignants ordinaires, les enseignants chargés de soutien pédagogique, les

enseignants spécialisés et les parents) semblent détenir un nombre important de

responsabilités. Le cahier des charges incite de manière générale les protagonistes impliqués

dans le processus de signalement d‟élèves à s‟engager à leur offrir le meilleur développement

qui soit. Or, nous entrevoyons une situation paradoxale concernant la responsabilité de ces

acteurs. D‟un côté, ces derniers s‟engagent auprès de l‟élève par le biais de clauses

prescriptives, de l‟autre il existe une procédure de signalement qui, à tout moment, les

décharge des responsabilités réglementées. Cette tension entre théorie et pratique nous pousse

à nous demander qui est finalement responsable des apprentissages des élèves. De là, nous

nous questionnons quant à une possible déresponsabilisation de l‟école vis-à-vis des élèves, et

souhaitons percevoir si cette ambivalence se retrouve dans les représentations des acteurs

concernés.

Dès lors, en ciblant l‟apprenant comme point de départ, nous nous sommes rendues à

l‟évidence qu‟il nous fallait aller à la rencontre des acteurs impliqués dans son orientation,

afin de cerner davantage leur degré de responsabilité tout en comparant leurs perceptions. En

effet, au travers de la littérature citée, nous nous apercevons que les acteurs scolaires et

familiaux tendent tous deux à pourvoir à l‟éducation des enfants, mais par des droits

différents. Aussi, la réflexion nous pousse à interroger les notions de responsabilité

rétroactive et prospective de ceux-ci lors de l‟orientation de l‟élève.

Page 54: Master - UNIGE

53

Selon les différents acteurs, nous choisissons de nuancer le contexte dans lequel se vit

cette responsabilité. Notre recherche contribue à cerner la démarche de prise de responsabilité

ou non de ces acteurs. Pour les directeurs, enseignants ordinaires et ceux chargés du soutien

pédagogique, nous recourons à l‟utilisation de cas fictifs d‟élèves signalés pour les classes

spécialisées. Concernant les enseignants spécialisés, nous ciblons l‟accueil de l‟élève et sa

réorientation. Enfin, nous observons la responsabilité des parents à travers le vécu des enfants

ayant été confrontés au processus de signalement.

4.2. Question générale et questions spécifiques

S‟attachant aux différentes conceptions de la responsabilité, notre recherche met en

avant l‟engagement, sinon l‟implication de l‟environnement scolaire et familial lors de la

procédure de passage d‟un élève de classe ordinaire en classe spécialisée. Dès lors, notre

recherche tente de contribuer à répondre à la question générale suivante :

Dans quelle mesure les différents acteurs de la scène scolaire et de la scène familiale

conçoivent-ils leur responsabilité dans le processus de signalement d’un élève de

l’enseignement ordinaire pour un passage dans l’enseignement spécialisé ?

En soulevant la question de la responsabilité de ces acteurs, tous parfaitement liés à

l‟élève, nous nous attachons à attirer l‟attention sur les possibilités et limites de l‟engagement

tenu par ces différents rôles lors de l‟orientation d‟un élève. Comme nous avons pu l‟observer

à travers différents ouvrages, la notion de « responsabilité » est encore récente et ceci

explique sans doute la raréfaction du traitement de notre problématique dans la littérature

existante.

De ce fait, nous jugeons utile de nous pencher sur la question, afin de permettre

l‟élaboration d‟éventuelles pistes de réflexion, alimentant ainsi les connaissances en Sciences

de l‟éducation. A propos, Deslauriers (1991) ajoute que :

Le but premier de la recherche est d‟élargir le champ des connaissances ; il est aussi de

partager les résultats avec les pairs et le public. C‟est en confrontant son analyse à la

critique que le chercheur pourra juger de la pertinence, de l‟à-propos et de la force de

ses résultats. (p. 106)

Page 55: Master - UNIGE

54

Outre l‟apport scientifique, notons que pareille recherche permet également de donner la

parole à certains groupes d‟acteurs encore peu sollicités, voir peu considérés ou peu mis en

avant par l‟institution scolaire, à savoir les enseignants chargés du soutien pédagogique et les

parents.

Ainsi, nous pouvons à présent faire part de nos questions spécifiques qui se sont

construites au fil de nos apports théoriques et suite à notre problématique. Remarquons

qu‟elles ont ensuite fait l‟objet d‟un travail de réflexion plus ciblé, ceci afin d‟élaborer nos

questions d‟entretien. Les questions spécifiques découlant de notre question générale sont les

suivantes :

1. Quels sont les critères invoqués par les acteurs scolaires pour justifier le

signalement d’un élève pour la classe spécialisée ?

2. Dans quelle mesure les acteurs scolaires et les parents perçoivent-ils la

collaboration entre enseignement ordinaire et spécialisé, au sein d’un contexte en

changement ? Par ces indicateurs, peut-on saisir ou non une continuité ou à

l’inverse, une rupture entre ces deux filières ?

3. Comment les acteurs scolaires perçoivent-ils leurs rôles et leur degré de

responsabilité, lors d’un processus de signalement ?

4. Quelles sont les causes invoquées quant aux limites de la responsabilité et quelles

dimensions socio-affectives se dégagent des différents acteurs scolaires ?

Page 56: Master - UNIGE

55

5. METHODOLOGIE

5.1. Introduction

Notre travail, réalisé dans le contexte scolaire de l‟enseignement public genevois, adopte

une démarche de recherche qualitative caractérisée par des données textuelles, à savoir des

énoncés. « Le terme recherche qualitative désigne ordinairement la recherche qui produit et

analyse des données descriptives, telles que les paroles écrites ou dites, et le comportement

observable des personnes (Taylor & Bogdan, 1984, cités par Deslauriers, 1991, p. 6).

C‟est par l‟élaboration et le recueil des énoncés d‟entretiens, que nous allons

appréhender le degré de responsabilité des différents acteurs dans l‟orientation d‟élèves en

classes spécialisées. Cependant, notre recherche vise davantage l‟étude inductive, voire

descriptive ou encore comparative qu‟une étude tendant à la généralisation, compte tenu de

notre faible représentation d‟échantillonnage.

A l‟intérieur de ce chapitre dédié à la méthodologie, nous commençons par présenter

l‟échantillon des acteurs scolaires et familiaux. Puis, nous présentons la méthode de recueil de

données, à savoir la démarche d‟entretien. Les apports et les limites de cette méthode retenue

seront ensuite étayés. Par la suite, nous présentons les différents canevas élaborés en fonction

des acteurs, comprenant la construction et le contenu de vignettes d‟entretien et l‟élaboration

de questions. Dès lors, nous présentons la procédure de recueil des données avant une

description détaillée de la méthode de dépouillement des données choisies. Enfin, nous

explicitons le type d‟analyse et la démarche pour le traitement des données.

Afin de mener notre recherche, nous avons décidé d‟interroger des acteurs de différents

contextes, à savoir d‟une part, 20 acteurs de la scène scolaire, soit 5 directeurs, 5 enseignants

ordinaires, 5 enseignants chargés du soutien pédagogique (ECSP) et 5 enseignants spécialisés.

D‟autre part, 5 parents d‟enfants scolarisés en classes spécialisées feront également partie du

travail. Bien que cet échantillonnage semble disproportionné au vu de l‟inégalité des nombres

d‟acteurs de chaque groupe, précisons qu‟aux prémisses de notre recherche, nous avions

prévu de donner uniquement la parole au groupe d‟acteurs de la scène scolaire.

Page 57: Master - UNIGE

56

C‟est cependant au fil d‟entretiens réalisés avec ces derniers que nous nous sommes

rendues compte de l‟importance majeure de place et de la tâche des parents dans le processus

d‟orientation d‟élèves. En effet, plutôt que de trancher, nous avons décidé d‟un commun

accord de traiter des deux environnements jouant chacun un rôle clé, voire déterminant dans

l‟éducation des enfants, et plus spécifiquement au niveau de leur responsabilité dans

l‟éducation de ces derniers. Toutefois, nous n‟avons pu nous entretenir qu‟avec cinq parents.

Concernant la sélection des acteurs scolaires, nous avons jugé pertinent de considérer

leurs années d‟expérience dans l‟enseignement. Au début, nous avons pensé nous entretenir

avec des ECSP, enseignants ordinaires, enseignants spécialisés et directeurs expérimentés,

étant donné que les débuts dans l‟enseignement ne poussent pas à quantité de signalements.

Mais la réalité du terrain en a été toute autre puisque nous avons également dû accepter de

jeunes professionnels en raison du manque de réponses favorables à notre appel d‟entretiens.

Les données sont donc recueillies auprès de professionnels novices et plus expérimentés

comme l‟indiquent les tableaux.

A présent, l‟échantillon complet de notre travail est représenté ci-dessous à l‟aide de

cinq tableaux par groupe d‟acteurs. Remarquons que les caractéristiques varient en fonction

de ceux-ci. Les directeurs n‟étant pas en place depuis longtemps dans les écoles primaires

genevoises (depuis 2008), il n‟a pas été question de les distinguer en fonction de leur

expérience dans ce domaine. Nous les avons donc choisis au hasard.

Tableau 4 : Echantillon de directeurs (Dir.)

Acteurs Sexe Autres expériences*

Dir.1 masculin 11 ans en division moyenne

Dir.2 féminin 6 ans en division moyenne

Dir.3 masculin 4 ans en division moyenne et 10

ans en école d‟ingénieur

Dir.4 masculin 7 ans comme inspecteur et

quelques années en division

moyenne

Dir.5 féminin 8 ans en division moyenne

* Etant donné que le poste de directeur a ouvert à la rentrée scolaire 2008, il n‟a pas été jugé nécessaire de

mentionner le nombre d‟années de travail.

Page 58: Master - UNIGE

57

Pour les enseignants ordinaires, nous avons opéré notre choix en fonction de l‟école, de

leur profession et de la division dans laquelle ils enseignent. Nous avons choisi des

enseignants travaillant dans des écoles ne regroupant pas de classes spécialisées, afin que les

signalements qu‟ils ont pu opérer ne soient pas biaisés par un rapport de proximité facilitant

peut-être l‟orientation de l‟élève, comme l‟a montré l‟étude de Vanier Muller (2008). Comme

perçu au cours de la recherche de Pelgrims (2006), c‟est dans la division élémentaire,

regroupant les deux classes enfantines et les deux premières années primaires que l‟on

retrouve le taux le plus élevé d‟enfants signalés pour un passage en classe spécialisée. Nous

avons de plus réussi à nous entretenir avec cinq enseignants de cette division.

Tableau 5 : Echantillon d‟enseignants ordinaires (E.O)

Acteurs Genre Degré Expérience Autres expériences

E.O.1 féminin 2P 5 ans spécialisé

E.O.2 masculin 2P-4P 31 ans assistant à

l‟université et

éditeur de journal

E.O.3 féminin 2P 10 ans

E.O.4 féminin 1P-2P 7 ans employée de

commerce

E.O.5 féminin 2P 7ans

Page 59: Master - UNIGE

58

Tout comme les enseignants ordinaires, les ECSP ont été sélectionnés en fonction de

leur établissement. En effet, nous avons également pris soin de ne pas choisir d‟école

présentant une filière spécialisée.

Tableau 6 : Echantillon d‟enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP)

Acteurs Sexe Expérience Autres expériences

ECSP 1 féminin 4 ans 24 ans titulaire classe

ordinaire

ECSP 2 féminin 1 an et demi 18 ans titulaire classe

ordinaire

ECSP 3 féminin 12 ans 10 ans titulaire classe ord

et secrétaire dans le

bâtiment

ECSP 4 féminin 3 ans

ECSP 5 féminin 12 ans 10 ans titulaire classe

ordinaire

Quant aux enseignants spécialisés, ils ont été choisis à l‟intérieur d‟écoles comportant

des classes spécialisées, mais pas au sein d‟institutions.

Tableau 7 : Echantillon d‟enseignants spécialisés (E.S)

Acteurs Sexe Regroupement Expérience Autres expérience

E.S.1 masculin petits 8 ans cuisinier

E.S.2 féminin petits et grands 6 ans Institutions, EFP,

EOLE

E.S.3 femme grands 11 ans 25 ans division

ordinaire

E.S.4 femme grands 21 ans

E.S.5 femme petits et grands 35 ans

Pour l‟échantillon des parents, nous avons sélectionné ceux ayant ou ayant eu leur

enfant dans l‟enseignement spécialisé et plus spécifiquement en classes spécialisées.

Précisons que la démarche pour trouver ces parents fut délicate et que l‟association genevoise

de parents d‟élèves de l‟enseignement spécialisé (AGEPES) nous a fortement épaulé.

Toutefois, de manière générale, nous n‟avons pas cerné l‟utilité de définir des critères de

recherche d‟échantillonnage par rapport au sexe et à la situation géographique.

Page 60: Master - UNIGE

59

Tableau 8 : Echantillon de parents (P.)

Acteurs Sexe Degré de signalement de l’enfant

P.1 féminin 5P

P.2 féminin 1P

P.3 féminin 4P

P.4 féminin 1P

P.5 féminin 1E

5.2. Instrument de recueil de données : l’entretien

La démarche d‟entretien retenue pour interroger les acteurs familiaux et les acteurs

scolaires, reste à ce jour une des plus pertinentes pour récolter les données et pistes de

réflexion qui alimenteront notre recherche. Tel Hérodote, qui aspirait à « connaître les

cultures étrangères et les milieux nouveaux » (Deslauriers, 1991, p. 33), l‟entretien, également

connu sous le nom d‟entrevue, a été longtemps le propre du voyageur. Par entrevue de

recherche, Deslauriers entend « une interaction limitée et spécialisée, conduite dans un but

spécifique et centrée sur un sujet particulier » (p. 33).

En choisissant l‟observation indirecte, nous interrogerons le sujet pour obtenir

l‟information recherchée (Quivy & Van Campenhoudt, 2006). De ce fait, elle est perçue

comme « indirecte » puisqu‟il n‟y a pas d‟observation directe des actions, mais des

intermédiaires entre l‟information recherchée et obtenue (le sujet répondant et l‟instrument

proposant des questions).

Ajoutons que nous procéderons par entretiens semi-directifs qui ont l‟avantage de n‟être

ni trop ouverts, ni entièrement fermés. Ils permettent ainsi aux locuteurs de s‟exprimer et aux

chercheurs de suivre un certain canevas visant à recentrer l‟attention sur les objectifs

poursuivis. Cette méthode reste pertinente dans le cas où les acteurs doivent exprimer les

interprétations de leurs pratiques, de certains évènements, de leurs représentations, etc.

(Quivy & Van Campenhoudt, 2006).

Page 61: Master - UNIGE

60

Toutefois, deux ombres au tableau surgissent, pour lesquelles nous devrons anticiper des

difficultés. D‟une part, cette méthode présuppose que le chercheur construise une démarche

stable, aidant ainsi à une interprétation sans interférences avec ses valeurs et représentations.

Il faudra donc être attentif à ne pas se laisser guider par ses propres jugements ou normes

implicites, mais travailler sur des critères clairement définis. D‟autre part, le moment de

retranscription invite déjà à l‟interprétation du chercheur. Effectivement, la mise à l‟écrit la

plus littérale (la simple ponctuation, la place d‟une virgule par exemple, pouvant commander

tout le sens de la phrase) est déjà une traduction, voir une interprétation » (Bardin, 2007).

De par nos entretiens, nous cherchons tout d‟abord à faire réagir les acteurs scolaires

interrogés quant à leurs perceptions de la responsabilité dans l‟orientation d‟élèves en classes

spécialisées. L‟utilisation de vignettes, aussi fictives soient-elles, permettra à ces acteurs

(hormis les enseignants spécialisés et les parents) de les envisager comme étant de véritables

cas d‟élèves, leur permettant ainsi de se projeter dans la situation. Cette première phase de la

démarche introduit les acteurs dans la thématique retenue, à savoir le degré de responsabilité

qu‟ils auraient face à des situations qu‟ils pourraient vivre. La phase d‟entretien succédant à

l‟exercice de ces vignettes permet quant à elle, le partage de situations et expériences vécues

par les acteurs.

Ensuite, nous cherchons également à faire réagir l‟environnement familial, à savoir les

parents, quant à leur degré de responsabilité face au passage de leur enfant en classes

spécialisées. Précisons que dans ce cas-ci, l‟utilisation de vignettes n‟a pas été jugée

pertinente, le choix s‟est donc porté tout naturellement sur un entretien de la situation vécue

de ces acteurs. Cette option augmente la fiabilité des réponses étant donné le face à face à

propos de situations réelles. L‟interlocuteur est ainsi plus enclin à l‟honnêteté et la spontanéité

des relances agit comme pour affiner à souhait le grain des réponses. Pour aller plus loin :

Les interventions en forme de déclaration sont une tentative pour aider l‟interviewé à

produire un discours plus complet et plus cohérent. Les complémentations visent

l‟exhaustivité, alors que les interprétations s‟appliquent à souligner l‟existence de

chaînes causales impliquant l‟opinion ou les sentiments de l‟interviewé. (Blanchet &

Gotman, 2007, pp. 84-85)

Par l‟ensemble de ces aspects, nous nous rendons à l‟évidence que la démarche de

questionnaire ou encore d‟observation directe n‟auraient pu être efficientes.

Page 62: Master - UNIGE

61

Les vignettes ont été utilisées dans d‟autres études, notamment dans les travaux de

Baumberger, Doudin et Martin (2009) et dans différents mémoires de licence (Kummer &

Molnarfi, 2002). L‟intérêt majeur de cette méthode est qu‟elle propose, de par un support

écrit, des situations d‟élèves fictives permettant ainsi aux enseignants de se représenter de

véritables cas. En mettant ces professionnels en action, le chercheur guide l‟interlocuteur dans

ses représentations. Cependant, le caractère artificiel de la méthode et le peu d‟informations

délivrées lors des descriptions d‟élèves fictifs empêchent quelque peu que les enseignants

perçoivent vraiment les difficultés évoquées de la même manière que s‟ils y étaient confrontés

dans la réalité.

5.3. Elaboration de l’entretien et des vignettes

Etant donné les différents acteurs interrogés, nous avons élaboré trois canevas

d‟entretiens distincts dans le but de proposer des questions adaptées selon la fonction

institutionnelle des interlocuteurs. En effet, au vu des différents rôles et responsabilités

endossés par les interviewés dans le processus de signalement d‟un élève en classe

spécialisée, nous ne pouvions généraliser nos questions pour les professionnels de la division

ordinaire (directeurs, enseignants ordinaires et ECSP), les enseignants spécialisés et les

parents.

5.3.1. Canevas d’entretien pour les directeurs, les enseignants ordinaires

et les ECSP

Le canevas d‟entretien pour les directeurs de l‟enseignement ordinaire, les enseignants

ordinaires et les ECSP comprend trois parties distinctes : des questions liées aux vignettes,

des questions générales ainsi que des questions institutionnelles, selon les formulations

suivantes :

Questions liées au sentiment de responsabilité dans l’orientation de l’élève et posées en lien

avec les vignettes

Page 63: Master - UNIGE

62

1) Dans le ou les cas d’élèves que vous jugez susceptible(s) d’un passage en division

spécialisée, jusqu’où vous sentiriez-vous responsable et inversement, où s’arrêterait

votre responsabilité ? Pourquoi ?

Cette question posée à la suite de la lecture des quatre vignettes associe une question

ouverte et une question plus ciblée. Pour y répondre, les acteurs ont le choix d‟un ou plusieurs

cas fictifs d‟élèves qui les auraient interpellés et sur qui ils souhaiteraient émettre des

suggestions, voire des pistes d‟action en lien avec leur sentiment de responsabilité dans

l’orientation de l’élève. Nous attendons des professionnels qu‟ils se livrent d‟une part quant

à leur rôle institutionnel, qui est lié à leur cahier des charges, et d‟autre part qu‟ils évoquent

une responsabilité davantage morale.

2) A partir de quel moment ne vous sentez-vous plus responsable de cet ou ces élèves ?

Cette question-relance est prise en considération si nous jugeons que les interlocuteurs

n‟ont pas suffisamment justifié leur choix quant aux limites de leur responsabilité lors de la

question précédente.

3) Pourquoi ? Pensez-vous n’être plus en mesure ? Où pensez-vous que c’est à

quelqu’un d’autre de s’en charger ?

Ces questions qui s‟apparentent également à des relances ont pour but d‟accompagner

et de guider les acteurs dans leurs réponses s‟ils n‟ont toujours pas pu se justifier quant aux

limites de leur responsabilité. Toutefois, ces relances ont été utiles puisque nous cherchons

spécifiquement à intercepter s‟il existe un moment-clé où l‟acteur ne peut plus endosser la

responsabilité de l‟élève et si tel est le cas, à qui revient-elle donc.

4) Si vous deviez décrire ce que vous feriez dans ce ou ces cas d’éventuel(s)

signalement(s), quelle description donneriez-vous ?

a) j’endosse la responsabilité

b) je garde la responsabilité

c) je renonce à la responsabilité

d) je délègue la responsabilité

e) j’évite la responsabilité

Page 64: Master - UNIGE

63

f) je refuse la responsabilité

g) je fuis la responsabilité

h) autre

Cette question dirigée interroge la responsabilité prospective des interviewés dans le

ou les cas d‟élèves qu‟ils ont traité(s) dans les questions précédentes. Cette manière directe de

les guider à travers différents degrés de responsabilité nous permet de cibler davantage notre

objectif.

Questions générales

5) Que pensez-vous de ces affirmations :

« Signaler un élève n’est pas un acte responsable ».

« Il ne faut jamais lâcher un élève ».

Après des questions liées aux vignettes, nous proposons aux acteurs de revenir sur des

questions plus générales, ayant trait à la perception de leur responsabilité, ne leur

demandant plus de parler d‟un point de vue strictement personnel étant donné qu‟ils ne sont

plus en situation. Bien qu‟à première vue, ces interrogations peuvent refléter un caractère

plutôt banal, nous attendons cependant qu‟ils les justifient en s‟aidant de leurs expériences

professionnelles, personnelles, ainsi que des vignettes, s‟ils le souhaitent.

Questions liées aux rôles

6) Dans le processus de signalement, quel est votre rôle ? Comment agirez-vous avec

l’élève tout au long du processus ?

Cette question directe replace les interlocuteurs au cœur de leur fonction

professionnelle. Il s‟agit pour eux de décrire leur rôle endossé lors de l’orientation d’un

élève en classe spécialisée tant d‟un point de vue personnel qu‟institutionnel. Précisons que

cette question n‟intervient seulement qu‟en fin d‟entretien, ceci dans l‟espoir qu‟une

confiance se soit établie entre l‟acteur et le chercheur puisqu‟aucun détour n‟est ici possible,

comme il en était peut-être le cas lors des questions relatives aux vignettes.

Page 65: Master - UNIGE

64

7) Quel est le rôle des autres acteurs du système scolaire (directeurs, enseignants

ordinaires, ECSP, enseignants spécialisés) ?

En fonction des expériences et représentations des interviewés, nous visons à recueillir

les rôles qu’ils attribuent à chacun des acteurs précités, et ce, toujours lors du processus de

signalement. Les réponses à cette interrogation sont essentielles pour comprendre les

différentes représentations des groupes d‟acteurs quant au degré de responsabilité.

5.3.2. Canevas d’entretien pour les enseignants spécialisés

En ce qui concerne le canevas d‟entretien pour les enseignants spécialisés, celui-ci

n‟inclut pas de questions liées aux vignettes. En effet, étant donné que la responsabilité de ces

professionnels n‟est que très peu, voire pas du tout considérée dans le processus de

signalement de l‟élève, nous n‟avons pas jugé utile de leur proposer des cas fictifs d‟élèves

sur lesquels les questionner. Au contraire, il s‟agit ici de recueillir des données dans l‟espoir

de mieux saisir leur degré de responsabilité lié à la période suivant le signalement de

l’élève. Ainsi, nous espérons cerner s‟il existe chez les acteurs scolaires, une continuité ou

une rupture de sentiment de responsabilité morale lorsque l‟élève passe de l‟enseignement

ordinaire à celui de spécialisé.

1) Lorsqu’un élève arrive dans votre classe, de quelle manière vous sentez-vous

responsable ou non, de ce dernier ?

Ici, nous tâchons de comprendre si les enseignants spécialisés interrogés ressentent un

degré de responsabilité lorsqu’ils accueillent un élève et durant l’ensemble de sa

scolarité dans sa classe. Nous nous attendons à ce qu‟ils évoquent des cas liés à leurs

expériences.

2) Sur quoi porte cette responsabilité ? Sur quoi ne porte-elle pas ?

Cette question-relance invite ces enseignants à différencier leur engagement et leur

limite quant à leur degré de responsabilité. Ici, la demande du chercheur est donc directe et

précise.

Page 66: Master - UNIGE

65

3) Comment vous positionnez-vous par rapport aux passés d’élèves ?

Les enseignants spécialisés interrogés prennent-ils en compte le passé de leurs élèves, et

donc leurs vécus, leurs parcours scolaires ainsi que leurs orientations en classe spécialisée ou

ne s‟en soucient-ils pas ? Le but est de saisir si ces acteurs contribuent à créer une continuité

ou une rupture entre l‟enseignement ordinaire et l‟enseignement spécialisé. De là, leur degré

de responsabilité morale se cantonne-t-il à leur classe ou s‟enquiert-t-il de la globalité de

l‟élève et donc, de ses années scolaires précédentes ?

5.3.3. Canevas d’entretien pour les parents

Le canevas d‟entretien destiné aux parents rend compte de questions plus personnelles

que les deux derniers puisque nous souhaitons les interroger sur le processus de signalement

de leur enfant en particulier.

1) Lors des démarches du signalement de votre enfant de l’enseignement ordinaire à

l’enseignement spécialisé, pensez-vous que les différents acteurs de la scène scolaire

(directeurs, enseignants ordinaires, ECSP, enseignants spécialisés) ont eu à endosser

une responsabilité ? Si oui, laquelle ? Si non, pourquoi et quel rôle ont-ils alors eu ?

Cette question ouverte a pour tâche de solliciter les parents quant à la responsabilité

des rôles des acteurs scolaires. Il nous faudra être vigilantes quant à la formulation de cette

question en contexte étant donné qu‟elle peut représenter un sujet sensible.

2) En cas de réponse négative à la question 1 : Mais à votre avis, peut-on dire que ces

acteurs auraient dû endosser une responsabilité dans cette orientation ?

Cette question ciblée, en lien avec celle demandant aux parents de réfléchir si

l‟ensemble des acteurs scolaires ont pris leur responsabilité dans l’orientation de leur

enfant, leur propose de réfléchir quant à ceux qui auraient éventuellement failli à leur tâche.

Autrement dit, nous nous interrogeons quant à la manière dont le passage de leur enfant en

classe spécialisée a été réalisé.

Page 67: Master - UNIGE

66

3) Avez-vous personnellement jugé avoir une responsabilité pendant ce changement ?

Comment la définiriez-vous ? Pensez-vous avoir à un moment donné « lâché » cette

responsabilité ? Pensez-vous que c’était à quelqu’un d’autre d’endosser cette

responsabilité ?

Cette question vise la responsabilité des parents afin de saisir s‟ils ressentent une part

de responsabilité ou non dans le signalement.

5.3.4. Elaboration des vignettes

Avant de débuter, nous avons tout d‟abord voulu expérimenter nos vignettes et nos

questions d‟entretiens afin de recevoir un point de vue critique nous renseignant sur les points

positifs et les limites de notre démarche. Avec ces entretiens pilotes, cette exploration a pour

objectif principal de tester la vraisemblance du contenu de nos vignettes et par la même

occasion, de tester la pertinence de nos questions. En effet, comme le suggèrent Blanchet et

Gotman « les entretiens exploratoires ont pour fonction de compléter les pistes de travail

suggérées par les lectures préalables et de mettre en lumière les aspects du phénomène

auxquels le chercheur ne peut penser spontanément » (2007, p. 39).

Contenu des vignettes

Rappelons que sur l‟ensemble de nos acteurs interviewés, seuls les enseignants

ordinaires, les ECSP ainsi que les directeurs d‟établissements primaires ordinaires ont

bénéficié du contenu de quatre vignettes permettant ainsi de répondre aux questions posées en

situation. Ces quatre vignettes mettent en scène des cas fictifs d‟élèves aux profils distincts.

Une fois ces vignettes soumises aux interlocuteurs, des questions liées à leur responsabilité

quant aux mesures prises pour d‟éventuels signalements d‟élèves ont été posées. Afin d‟y voir

plus clair, la lecture du tableau ci-dessous permet d‟éclaircir les caractéristiques alimentant les

vignettes.

Tableau 9 : Résumé des vignettes

Page 68: Master - UNIGE

67

Vignette 1

Clara

Vignette 2

Paul

Vignette 3

Soraya

Vignette 4

Karl

Genre féminin masculin féminin masculin

Age 9 ans 8 ans 10 ans 9 ans

Origine Vénézuélienne Franco-suisse Tunisienne Suisse-allemand

Ecole REP Milieu favorisé Milieu modeste Milieu populaire

Degré 3P 2P 4P 3P

Difficultés Retard scolaire dans

presque toutes les

matières

N‟atteint pas les

objectifs de 3P

Difficultés en

français et en

mathématiques

Difficultés à

répondre aux

attentes de 4P

Retard scolaire

important pour

atteindre les

objectifs de 3P

Attitude face aux

apprentissages

scolaires

Lecture : mauvaise

compréhension

Mathématiques :

difficulté dans le

dénombrement

Français : lacunes

en lecture et

stratégies

d‟évitement en

écriture

Dépend beaucoup

de l‟aide de

l‟enseignant

Français : grandes

difficultés mais a

l‟aide d‟une

répétitrice

Attitude générale Discrète, appliquée

mais angoissée

quand elle

s‟exprime

Troubles de

concentration,

attitude agressive

Tendance à la

manipulation et au

mensonge

Comportement

positif, grand

investissement

Page 69: Master - UNIGE

68

Voici les vignettes présentées dans leur intégralité :

Vignette n°1 : Clara

Clara est une élève de 9 ans. Elle est scolarisée en 3P dans une école en REP.

Cette élève et sa famille viennent du Vénézuela et sont arrivés à Genève lorsque Clara avait 6

ans. La langue parlée à la maison est l’espagnol.

Son père travaille pour une entreprise de sécurité et sa mère est vendeuse en rayon dans une

grande surface.

A l’école, cette élève est très discrète et travaille de manière appliquée. Cependant, elle a des

difficultés d’apprentissage et présente un retard scolaire dans presque toutes les matières.

Après avoir passé deux années non-évaluées en tant qu’élève allophone, elle ne semble

maintenant pas en mesure d’atteindre les objectifs de la 3P. En effet, son niveau scolaire se

rapproche davantage de la 1P : elle a, par exemple, beaucoup de difficultés en lecture,

notamment au niveau de la compréhension. En mathématiques, elle démontre encore de la

difficulté à dénombrer une quantité d’objets, objectif faisant pourtant l’objet d’un temps de

sensibilisation dès la 1E pour devenir un temps de consolidation dès la 2

E.

Au niveau social Clara a quelques difficultés à nouer des relations et se montre très timide.

Elle parle de mieux en mieux le français, mais n’ose encore que très peu prendre la parole.

Elle semble souvent angoissée devant une situation dans laquelle elle doit s’exprimer et se

met parfois à pleurer ou se bloque et ne dit rien. Sa mère affirme que cela provient seulement

du fait qu’elle ne maîtrise pas encore la langue française, puisqu’elle soutient qu’à la maison

Clara n’a pas de problème de ce genre.

Page 70: Master - UNIGE

69

Vignette n°2 : Paul

Paul est un élève de 8 ans. Il a redoublé sa 1P et se trouve aujourd’hui scolarisé en 2P dans

une école de quartier plutôt favorisé.

Cet élève présente la double nationalité franco-suisse. Sa mère est directrice d’un centre de

luxe et son père mannequin.

Concernant les apprentissages, Paul présente toujours quelques lacunes en français. Sa

lecture n’est pas encore fluide et il utilise diverses stratégies d’évitement lorsqu’il s’agit

d’écrire. En mathématiques, il montre davantage d’intérêt, mais abandonne vite s’il ne trouve

pas la réponse immédiatement. Malgré une envie de progresser, il peine aussi à se mettre à

la tâche et ceci surtout à cause d’importants troubles de la concentration. Néanmoins, cet

élève participe activement en classe et montre de l’intérêt à vouloir « s’en sortir ».

Cependant, Paul manifeste un comportement dérangeant tant par une attitude agressive

envers ses camarades et parfois envers son enseignant, que par un comportement

irrespectueux envers les règles de l’école. Il prend souvent la parole alors qu’on ne la lui a

pas donnée, dérange ses camarades en se promenant sans cesse dans la classe et est souvent

concerné dans des conflits lors des récréations. Pour l’enseignant, son attitude quelque peu

insolente (il répond souvent à un ordre donné) pose des difficultés étant donné que Paul

s’intègre très difficilement au « groupe classe ». Par ailleurs, l’enseignant s’est aperçu

quelques temps après avoir affiché les règles de vie en classe que seul Paul n’avait pas signé.

Lorsqu’il lui a demandé pourquoi, ce dernier a répondu qu’ainsi il ne pouvait pas être mis en

tort puisqu’il n’avait pas signé…

Page 71: Master - UNIGE

70

Vignette n°3 : Soraya

Soraya a 10 ans et est au milieu de sa quatrième primaire dans une école de quartier plutôt

modeste. Soraya et sa famille viennent de Tunisie et sont arrivés à Genève il y a 2 ans pour

des raisons professionnelles (sa mère travaille à l’ONU). Son père quant à lui est resté en

Tunisie. A la maison, elle parle le français avec son grand frère et arabe avec sa mère.

A l’école, l’élève parle bien le français mais manifeste un comportement assez préoccupant

pour son enseignant étant donné qu’elle s’est retrouvée plusieurs fois au cœur d’histoires qui

la faisaient passer pour victime, alors qu’en réalité, il a été découvert qu’elle manipulait les

adultes et n’hésitait pas à mentir. En effet, elle a par exemple soutenu pendant longtemps

qu’un garçon l’embêtait régulièrement aux cuisines scolaires, alors que ce n’était pas le cas.

En classe, Soraya ne participe que très peu aux activités de groupe qui lui sont demandées et

refuse de travailler avec ses camarades qui se moquent d’elle à maintes reprises à cause du

léger accent arabe qu’elle a gardé. De plus, bien qu’elle souhaite souvent y arriver par elle-

même lorsqu’elle travaille individuellement, sa bonne volonté ne suffit pas à ce qu’elle

progresse. Très souvent, elle semble ne pas être attentive lors d’explications de l’enseignant

et par la suite, l’appelle constamment pour demander de l’aide. Elle ne se montre pas

autonome dans son travail. Par contre, elle participe beaucoup en collectif, mais n’est pas

forcément toujours dans le sujet. Ses interventions sont parfois difficiles à gérer pour

l’enseignant qui en conséquence, lui donne de moins en moins la parole. Ainsi, ces diverses

attitudes semblent la bloquer dans ses apprentissages et ne lui permettent pas aujourd’hui de

progresser assez pour combler les attentes de fin de 4P.

Page 72: Master - UNIGE

71

Vignette n°4 : Karl

Karl a 9 ans et est scolarisé en 3P dans une école d’un quartier populaire. D’origine suisse-

allemande, son père est sans emploi fixe et la garde de son enfant lui a été retirée cette année.

Karl ne peut pas vivre chez sa mère qui va et vient en cure de désintoxication. Karl vit en

foyer.

Karl est passé en 2P avec mesure d’accompagnement, car il avait accumulé un retard

important dans l’ensemble des apprentissages. Une fois par semaine, une répétitrice s’est

engagée à le faire travailler en français, branche dans laquelle il peine le plus. Son

enseignante lui a même dispensé quelques heures en début d’année mais malheureusement,

elle n’a plus de temps à lui consacrer. Aujourd’hui, au mois de février, son enseignante

constate qu’il est encore loin d’avoir acquis les objectifs de 3P. Ceci la préoccupe étant

donné que Karl est un élève qui se met volontiers au travail, qui s’investit régulièrement et

qui s’efforce de comprendre ses difficultés afin de les surpasser au mieux.

Au niveau social, Karl est très bien entouré dans sa classe et participe avec bonne humeur à

l’ensemble des activités collectives. Il s’exprime souvent, fait partager son avis et fait preuve

d’une grande maturité pour son âge.

Page 73: Master - UNIGE

72

5.4. Procédure de recueil des données

Nous avons mené 25 entretiens, une étudiante a interviewé 13 acteurs et l‟autre 12.

Nous avons choisi de les mener individuellement dans le but d‟instaurer un contact direct

entre l‟interlocuteur et le chercheur. Nous avons cherché par là à établir une relation d‟égal à

égal même si « les faits démentent cette prétention ; même si le chercheur dépend de

l‟interviewé pour obtenir des renseignements, la plupart du temps, il possède quand même

plus de pouvoir » (Kahn & Cannell, 1957, Denzin, 1978, cités par Deslauriers, 1991, p. 34).

Les entretiens se sont déroulés en dehors des temps scolaires pour les enseignants

ordinaires, les ECSP et les enseignants spécialisés. En revanche, pour les directeurs, les

entretiens ont été menés durant leur temps de travail. Quant aux parents, nous les avons

interrogés dans le lieu de leur choix mais majoritairement chez eux. En général, les entretiens

ont duré 30 minutes, avec un maximum de 50-60 minutes en particulier lors des rencontres

avec les parents. Précisons que chaque entretien a été enregistré sur support audio, ceci dans

le souci de n‟omettre aucune information et de pouvoir les retranscrire fidèlement (rires,

soupirs, silences, hésitations, etc.) et ce, dans leur intégralité. Cependant, nous leur

demandions leur accord en nous appuyant sur la confidentialité des données de leur identité.

En nous présentant aux différents acteurs interrogés, nous avons souhaité être explicites

quant à notre identité, ainsi qu‟à l‟objet d‟étude de notre recherche. Nous nous sommes alors

décrites comme deux étudiantes en fin de formation en vue d‟obtenir une licence mention

enseignement, faisant une recherche dans le cadre de leur mémoire traitant des différentes

perceptions des acteurs de la scène scolaire et familiale quant à leur degré de responsabilité

lors du processus de signalement de l‟élève en classe spécialisé. Nous n‟en avons cependant

pas dévoilé davantage dans le but que les interviewés ne modalisent pas leur discours risquant

de conduire au concept de désirabilité sociale.

5.5. Méthode d’analyse des données

Comme explicité par Blanchet et Gotman (2007), « l‟entretien ne parle pas de lui-

même » (p. 89), de là, l‟analyse des discours reste fondamentale pour extraire les données

susceptibles de confronter les hypothèses au fait (p. 89). L‟objectif de cette analyse

Page 74: Master - UNIGE

73

s‟effectuant sur le corpus est double : « stabiliser le mode d‟extraction du sens et produire des

résultats répondant aux objectifs de la recherche » (p. 89). Cependant, nous nous pencherons

davantage sur une analyse de contenu que sur une analyse du discours étant donné que cette

dernière s‟intéresse plus largement à l‟étude des composants langagiers et plus précisément

aux analyses linguistiques englobant les structures formelles du langage, contrairement à

l‟analyse de contenu qui vise à extraire les sens des discours afin d‟éclairer les perceptions

véhiculées par ces derniers. Ainsi, de par le matériau spontané livré par les interviewés, le

chercheur doit faire parler le texte pour en extraire du sens.

L‟analyse de contenu envisagée et donc le choix de découpage du corpus recueilli doit

se subordonner aux objectifs et finalités de notre recherche. Cette analyse consiste à porter

une attention particulière aux « termes utilisés par le locuteur, leur fréquence et leur mode

d‟agencement, la construction du “discours” et son développement » (Quivy & Van

Campenhoudt, p. 201). L‟analyse retenant notre attention est dite thématique car elle « défait

en quelque sorte la singularité du discours et découpe transversalement ce qui, d‟un entretien

à l‟autre, se réfère au même thème (Blanchet & Gotman, 2007). Elle cherche donc « une

cohérence thématique inter-entretiens » (p. 96), mais aussi à dégager les représentations

sociales ou jugements des locuteurs en pointant des éléments de leurs discours (Quivy & Van

Campenhoudt, 2006). Par là, nous allons relever, à travers notre corpus d‟entretiens, les

éléments qui nous permettront de créer des inférences selon les différentes perceptions des

acteurs scolaires et familiaux quant à leur degré de responsabilité lors du processus de

signalement de l‟élève en classe spécialisée.

Afin d‟élaborer la production de résultats de notre recherche, nous devons, après avoir

pris connaissance du corpus, construire des thèmes et des grilles d‟analyse permettant de

classer les énoncés selon les rubriques que nous aurons élaborées. Pour procéder au

classement des énoncés, il nous faut d‟abord songer à la procédure de déconstruction de

données, appelée plus précisément codification. Par là, « le chercheur prend un élément

d‟information, le découpe et l‟isole, le classe avec d‟autres du même genre, le

désindividualise, le décontextualise » (Deslauriers, 1991, p. 70). Pour Holsti, le codage entend

« le processus par lequel les données brutes sont transformées systématiquement et agrégées

dans des unités qui permettent une description précise des caractéristiques pertinentes du

contenu » (cité par Bardin, 2007, p. 134).

Page 75: Master - UNIGE

74

Effectuer ce système de codage consiste à déceler tout d‟abord les noyaux de sens, en

effet, ce sont :

Les plus petites unités de sens qui peuvent être, dans une même suite textuelle, tantôt un

mot, tantôt un groupe de mots, tantôt une phrase, tantôt un groupe de phrases, selon que

c‟est telle ou telle de ces unités linguistiques que contient l‟unité de sens. (Muchielli,

1979, cité par Deslauriers, 1991, p. 70)

Cependant, il faut rester vigilant à ce que le code ou encore le symbole permettant

d‟identifier, de rassembler et de classer les informations recueillies par entretiens ne soit pas

trop général ni trop concret, risquant alors de placer le chercheur dans un flou d‟informations

ou un dédale de détails. A ce propos, Deslauriers insiste quant à la qualité d‟un bon code qui

est selon lui, « de regrouper de façon discriminante le plus de données possible » (1991, p.

71).

A cette démarche succède la construction progressive de catégories dans lesquelles les

données sont regroupées de part leur similitude. « La catégorisation est une opération de

classification d‟éléments constitutifs d‟un ensemble par différenciation puis regroupement par

genre (analogie) d‟après des critères préalablement définis » (Bardin, 2007, p. 150). Les

chercheurs ont « tendance à coder les informations selon leurs besoins, en prenant comme

point de départ les questions qu‟ils se posent et les dimensions qu‟ils veulent approfondir »

(p. 73). L‟essentiel résidant à produire une recherche pertinente. Pour ce faire, nous

utiliserons des tableaux, outils utiles mis en avant notamment par Deslauriers (1987, cité par

Deslauriers, 1991), nous permettant de présenter les éléments les plus importants ainsi que de

bénéficier d‟un support visuel.

La difficulté pour le chercheur réside davantage à respecter le placement des données

dans des catégories exclusives. Par là, Muchielli (1979) entend qu‟ « aucune donnée ne peut

appartenir à deux catégories différentes (l‟exclusivité), chaque catégorie doit regrouper toutes

les données observables (l‟exhaustivité) et les catégories doivent être intelligibles à plusieurs

chercheurs (l‟objectivité) » (cité par Deslauriers, 1991, p. 73). Toutefois, que le chercheur ne

s‟y méprenne pas, la réalité n‟en est pas univoque et la multiplicité de sens, comme l‟évoque

L‟Ecuyer (1987), n‟est pas non plus signe de fausseté :

Il faudra un jour reconnaître l‟importance d‟accepter le principe de la double

classification lorsqu‟un même énoncé renferme plus d‟un sens clairement exprimé par le

Page 76: Master - UNIGE

75

sujet lui-même. Cela parce que l‟analyse de contenu se veut essentiellement une

recherche de sens. Pour autant que ces circonstances soient clairement précisées, et sans

doute limitées, il n‟y a pas de raison que cela constitue une embûche à l‟objectivité, à

l‟homogénéité et à la clarté des définitions des catégories. (Cité par Deslauriers, 1991, p.

73)

Blanchet et Gotman (2007) viennent contrecarrer les dires de Muchielli en affirmant que

« l‟analyse de contenu n‟est pas neutre » (p. 92). Quoi qu‟il en soit, le chercheur doit ainsi se

faire une raison : la classification idéale n‟est donc qu‟un leurre, la réalité ne demeurant en

rien univoque.

Aussi, lors de ce dépouillement de données, face à une quantité d‟entretiens, le

chercheur visant à inférer à propos d‟une réalité, reflétant une population d‟individus ou un

groupe social peut également se voir confronté à une autre difficulté :

Il rencontre aussi, et cela est particulièrement prégnant avec des entretiens, des

personnes dans leur unicité. Comment préserver “l‟équation particulière de l‟individu‟‟,

tout en faisant la synthèse de la totalité des données verbales provenant de l‟échantillon

des personnes interrogées ? Ou encore, comme le dit Michelat, comment “se servir de la

singularité individuelle pour atteindre le social‟‟ ? » (Michelat, 1975, cité par Bardin,

2007, pp. 94-95)

« L‟analyse est un travail d‟artisan qui porte la marque du chercheur ; l‟intuition s‟y

mêle au savoir-faire et à la touche personnelle » (Deslauriers, 1991, p. 79). En d‟autres mots :

La tâche de l‟analyste consiste, dans ce mélange d‟informations, à dégager la façon dont

la personne voit son rapport au monde, l‟interprétation qu‟elle donne à son expérience

globale de vie, la vérité vécue, pour ainsi dire, qui sous-tend l‟ensemble de sa

quotidienneté. (Morin, 1974, cité par Deslauriers, p. 79-80)

Des actions humaines susceptibles d‟influencer, de transformer les rapports sociaux

et/ou de modifier le milieu naturel, le rôle du chercheur consistera à en tirer une interprétation

cohérente. C‟est seulement lorsque le chercheur rétrécit son champ d‟observation et qu‟il

focalise son attention sur un sujet particulier, que celui-ci franchit l‟état embryonnaire de sa

recherche. L‟analyse peut donc débuter. Cependant, l‟analyse de cette approche qualitative

Page 77: Master - UNIGE

76

reste circulaire, effectivement, bien que le déroulement des phases prévale d‟une structure

singulière, rien ne dit pour autant qu‟une phase est un préalable à l‟autre.

Après avoir déconstruit les données en fonction des analogies existantes, le chercheur

met l‟accent dans un second temps sur la reconstruction et la synthèse. Il outrepasse la

classification sommaire qu‟il a élaborée pour entreprendre un parcours inverse où « il

maximisera les différences, raffinera, nuancera et subdivisera les catégories » (Deslauriers,

1991, p. 82). Par rapport à ce cheminement entrepris à travers l‟analyse de contenu,

n‟omettons pas de préciser que nous ciblons un démarche inductive où « à partir d‟une idée

sommaire, idéalement sans opinion préconçue, le chercheur étudie les faits pour en tirer un

concept plus général qui s‟appliquera à plusieurs cas » (p. 85). A défaut du procédé déductif

cherchant à partir d‟une idée pour en vérifier sa véracité, il s‟agit ici de partir sans idées bien

précises pour faire émerger concepts, théories et hypothèses.

5.5.1. Etapes d’analyse

Nous avons énuméré les concepts, procédures et limites de l‟analyse de contenu.

Rentrons à présent dans le vif de l‟analyse. Notre démarche comporte quatre étapes, décrites

ci-dessous.

Première phase : retranscriptions des entretiens

Cette première étape a permis la retranscription dactylographiée des entretiens

enregistrés, afin de pouvoir travailler à partir de textes. Tous les entretiens ont donc été

retranscrits, avant de passer à la deuxième étape. Un exemple de cette phase est présent en

annexe (cf. annexe 1).

Deuxième phase : identification de dimensions thématiques

Afin de procéder à l‟élaboration de nos catégories thématiques, nous nous sommes

basées sur une démarche sémantique prenant en compte les énoncés des différents acteurs

interviewés. A l‟aide d‟un nombre de protocoles restreint, nous avons tout d‟abord commencé

Page 78: Master - UNIGE

77

à travailler en duo afin d‟identifier, au moyen de différentes couleurs, les énoncés provenant

de thématiques communes élaborées ensemble. Dans le but de présenter nos cinq catégories

thématiques d‟analyse pour examiner les différentes facettes de la responsabilité, ainsi que

nos sous-catégories s‟y rattachant, nous illustrons ci-dessous chacune d‟entre elles à l‟aide

d‟un exemple provenant de notre recueil de données.

1) Collaboration

Cette dimension cherche à relever les discours relevant des notions de collaboration, de

partenariat, de travail d‟équipe, etc.

Ex. : « s‟il n‟y a pas de collaboration derrière, on s‟épuise » (E.O.4).

2) Critères évoqués

Ce thème regroupe les critères cités par les acteurs, conduisant ou ne conduisant pas,

selon eux au signalement d‟un élève vers l‟enseignement spécialisé. Ces informations varient

entre critères institutionnels et critères plus subjectifs.

2.1) Pour le signalement d’élève

Ex. : « ses parents sont très peu présents puisque se mère est directrice d‟un centre de

luxe et son père mannequin, son problème de comportement je pense, se justifie par le fait que

c‟est un enfant qui manque cruellement d‟affection » (Dir.2).

2.2) Pour le non signalement d’élève

Ex. : « toute façon on peut pas passer en spécialisé si on a pas doublé » (ECSP 3).

3) Rôle et tâches personnels

Sous cette catégorie, les propos recueillis peuvent être traduits selon deux sous-

catégories distinctes, à savoir :

3.1) Responsabilité durant le processus

Page 79: Master - UNIGE

78

Ensemble des mesures prises ou envisagées lors du processus de signalement de

l‟élève.

Ex. : « ma responsabilité serait d‟être sûr qu‟on est bien dans un décalage par rapport

aux objectifs de 3P et pas par rapport à des attentes qui seraient elles, locales,

injustifiées » (Dir.4)

La perception de la responsabilité.

Ex. : « je vais me sentir responsable de ses progrès scolaires ou de son bien-être

émotionnel, de sa vie sociale, je dirais même, je vais très loin là, et de son hygiène et

de vie et corporelle dans le temps de l‟école » (E.S.5)

Concernant les enseignants spécialisés, nous avons fait le choix de nommer cette sous-

dimension perception de sa responsabilité, et non responsabilité durant le processus étant

donné que ces acteurs n‟interviennent pas dans le signalement.

3.1) Responsabilité envers l’élève

Ensemble des mesures prises ou envisagées lors du processus de signalement de l‟élève.

Ex. : « malgré tout faut pas le lâcher, notre métier c‟est quand même de le faire

apprendre, donc on doit à tout prix mettre tous les moyens » (ECSP 5)

A noter à propos des parents, qu‟il n‟a pas été jugé pertinent de subdiviser cette

dimension.

4) Rôle et tâches des autres

Cette appellation concerne l‟ensemble des rôles et tâches des autres acteurs. Cette

dimension est subdivisée en six sous-dimensions : directeurs, enseignants ordinaires,

enseignants chargés de soutien pédagogique, enseignants spécialisés, parents, collègues. Nous

n‟avons toutefois pas utilisé cette subdivision pour les parents. Cette dimension

engage plusieurs aspects:

Page 80: Master - UNIGE

79

Ensemble des mesures prises ou envisagées lors du processus de signalement de

l‟élève.

Ex. : « le rôle de l‟ECSP il est important dans ces cas-là au niveau du soutien, de la

compréhension pour les parents » (E.O.3)

Degré, étendue effective de la responsabilité.

Ex. : « si les deux (E.O & ECSP) ne trouvent pas de solutions particulières, y a

l‟obligation d‟en parler avec la directrice qui va donner son point de vue en

l‟observant » (E.S.1)

5) Causes invoquées aux limites de la responsabilité et dimensions socio-affectives

Cette dimension cherche à saisir les causes internes et externes que se donnent les

acteurs pour justifier d‟une limite ou non de la responsabilité.

5.1) Causes internes

En effet, certains acteurs attribueraient la limite de leur responsabilité à des causes

internes, propres à leurs actions respectives.

Ex. : « ça sort de mes compétences, j‟ai pas pu l‟aider » (E.O. 4)

5.2) Causes externes

A contrario, les acteurs attribueraient la limite de leur responsabilité à des causes

externes, voir incontrôlables.

Ex. : « si les parents s‟opposent de toute façon on peut rien faire, donc c‟est plus de ma

responsabilité » (ECSP 3)

5.3) Dimensions socio-affectives

Par définition, le terme socio-affectif se rapporte à l'affectivité dans les relations avec

l'environnement social. Nous avons, sous cette dernière rubrique, répertorié les différents

propos des acteurs relatifs aux sentiments ressentis dans leur façon d‟endosser ou non leur

Page 81: Master - UNIGE

80

responsabilité. Diverses dimensions de sentiments ont pu être relevés tels que la notion de

culpabilité, de faute, d‟incertitude, d‟impuissance ou encore d‟échec.

Ex. : « je veux dire, l‟enfant pour qui ça fonctionne pas, c‟est pas possible de se dire

c‟est ma faute » (E.S.1).

Troisième phase : identification des thématiques dans les entretiens

Cette phase a permis le repérage des extraits en relation sémantique avec les dimensions

retenues, dans chacun des entretiens. Une fois récoltés, ces énoncés ont été répartis en

fonction des différentes rubriques à l‟intérieur de notre gille d‟analyse. Cette grille d‟analyse

prend la forme de tableaux (cf. annexes 2, 3, 4, 5, 6 et 7). Ceux-ci rendent possible la mise en

relation des acteurs avec chaque dimension en vue du travail de comparaison.

Quatrième phase : élaboration de mots-clés

La dernière étape a consisté à abstraire les extraits sémantiques plus en profondeur.

Nous avons synthétisé la matière au maximum pour en récolter des énoncés brefs, concis et

des mots-clés. Précisons que cette phase d‟affinement s‟est révélée indispensable pour nous

permettre d‟acquérir avec davantage de facilité un recueil de données en lien avec nos

questions spécifiques. Comme le précise Schubauer-Leoni (2000), « des filtres successifs ont

été utilisés de façon à obtenir un grain de plus en plus fin dans l‟analyse » (p. 47). Précisons

que les mots-clés ne relèvent pas de concepts théoriques, mais sont issus de notre propre

compréhension.

Voici un exemple de propos d‟enseignant (E.O.3) (cf. annexe 4) et son équivalence, en

mots-clés :

« faire déjà accepter aux parents

un suivi par le SMP ou par un

thérapeute externe, donc voilà

peut-être dans la relation avec

la famille, préparer ce passage

au mieux »

Faire accepter suivi SMP –

Préparer passage avec famille

Page 82: Master - UNIGE

81

6. PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS

Précisons d‟abord que les résultats que nous présentons étant basés sur un échantillon

restreint de la population scolaire, nous ne prétendons donc pas à les rendre généralisables.

Premièrement, il convient d‟indiquer que l‟ensemble des résultats seront présentés en

comparant les positions des divers groupes d‟acteurs interrogés : directeurs, enseignants

ordinaires, enseignants chargés de soutien pédagogique, enseignants spécialisés et parents,

puisque nous supposons que les facettes de la notion de responsabilité varient en fonction de

chaque groupe de professionnels. Toutefois, nous avons regroupé ces acteurs en trois groupes

distincts. D‟un côté les acteurs en amont du processus, directeurs, enseignants ordinaires,

enseignants chargés de soutien pédagogique, forment le premier groupe. De l‟autre, les

acteurs arrivant à réception du processus, c‟est-à-dire les enseignants spécialisés constituent le

deuxième groupe. Enfin, les acteurs présents tout au long du processus, à savoir les parents,

forment le troisième groupe. Nous veillerons surtout à confronter les acteurs au sein de

chaque groupe tout en établissant des liens de comparaison entre les trois groupes à chaque

fois que cela s‟avère pertinent.

Nous présenterons tout d‟abord les critères que les acteurs invoquent pour diriger un

élève vers l‟enseignement spécialisé. Selon nous, avant de nous pencher sur le degré de

responsabilité propre à chaque acteur lié à cette orientation, il s‟avère utile, en amont, de

distinguer les différents arguments que ces ceux-ci avancent pour justifier un signalement.

Nous nous concentrerons uniquement sur l‟échantillon des acteurs du groupe 1, puisque,

rappelons-le, ils sont seuls à avoir répondu aux questions en lien avec les vignettes de

situations fictives d‟élèves les interrogeant quant aux mesures éventuelles qu‟ils auraient à

prendre en fonction de leur responsabilité dans ce processus de signalement.

Dans un deuxième temps, nous discuterons des différents points de vue alimentant la

notion de collaboration entre les divers acteurs (groupes 1, 2 et 3) en lien avec le contexte de

changement concernant la restructuration de l‟enseignement spécialisé. En effet, l‟analyse des

entretiens nous a amenées à examiner comment se situe cette collaboration dans les

changements qui surviennent actuellement. Il s‟agit de voir si les intentions déclarées par les

autorités, le partenariat renforcé et le travail commun tendent, selon les professionnels, vers

une meilleure coopération ou non.

Page 83: Master - UNIGE

82

La troisième partie sera consacrée aux résultats pour les professionnels des groupes 1, 2

et 3, relatifs à deux dimensions d‟analyse de la notion de responsabilité qui sont les suivants :

rôle et tâches personnels, rôle et tâches des autres.

Enfin, la dernière partie traitera des causes invoquées aux limites de la responsabilité

dans le processus de signalement et des dimensions socio-affectives, telles que définies dans

le chapitre dédié à la méthodologie de notre recherche.

La présentation de nos résultats est donc structurée en quatre parties distinctes,

correspondant respectivement à nos quatre questions de recherche que nous rappellerons au

début de chaque partie. Nous reviendrons dans la conclusion sur notre question générale de

recherche qui, pour rappel, est la suivante :

Dans quelle mesure les différents acteurs de la scène scolaire et de la scène familiale

conçoivent-ils leur responsabilité dans le processus de signalement d’un élève de

l’enseignement ordinaire pour un passage dans l’enseignement spécialisé ?

6.1. Critères invoqués pour signaler un élève : résultats

Les tableaux 10 et 11 aux pages suivantes comportent les résultats qui nous permettrons

de répondre à notre première question spécifique, à savoir : Quels sont les critères invoqués

par les acteurs scolaires pour justifier le signalement d’un élève pour la classe spécialisée ?

Nous présentons d‟abord le numéro du cas d‟élève que les acteurs du groupe 1 rapportent

devoir signaler. Nous verrons ensuite les critères qu‟ils invoquent pour justifier leur

proposition de signaler l‟élève.

6.1.1. Choix de situation d’élève à signaler pour l’enseignement spécialisé

(vignette)

Dans le tableau suivant sont résumés les numéros de vignettes choisies par les différents

acteurs du groupe 1.

Page 84: Master - UNIGE

83

Tableau 10: Vignette choisie par les différents acteurs (directeurs, enseignants ordinaires, enseignants chargés

de soutien pédagogique)

Acteurs Dir.1 Dir.2 Dir.3 Dir.4 Dir.5

n° 2 2/3 - 1 3

Acteurs E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O 4 E.O.5

n° 4 - 2/3 1 1/2

Acteurs ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5

n° 1 1 - 3 1

n°1 = Clara ; n°2 = Paul ; n°3 = Soraya ; n°4 = Karl

Tout d‟abord, remarquons que la situation fictive de Clara (n°1) a été désignée par 6

acteurs sur 15 pour être orientée dans l‟enseignement spécialisé. Rappelons que Clara,

d‟origine vénézuélienne, est scolarisée en 3P dans une école en REP. Elle présente des

difficultés d‟apprentissage dans l‟ensemble des disciplines scolaires et se rapproche davantage

du niveau de 1P. Quant à son comportement, il est présenté comme très inhibé. Nous faisons

l‟hypothèse que ce choix tient majoritairement aux difficultés rencontrées en français et en

mathématiques, disciplines, rappelons-le, qui tendent à nourrir les biais possibles dans les

processus d‟orientation (Pelgrims, 2003). Cette tendance peut aussi provenir du fait que son

niveau se rapproche plus de la 1P que de la 3P, critère qui semble décisif aux yeux des

professionnels.

Les situations d‟élèves plébiscitées ensuite à nombre égal sont celles de Paul (n°2) et

Soraya (n°3), désignées par 4 acteurs sur 15. La situation fictive mettait en scène, Paul,

d‟origine franco-suisse, ayant doublé sa 1P et étant scolarisé aujourd‟hui en 2P, dans une

école d‟un quartier favorisé. Malgré des difficultés en lecture, la vignette décrit davantage des

problèmes comportementaux, notamment des troubles de la concentration, et une attitude

insolente et agressive. Nous supposons que Paul a été choisi précisément en raison des

comportements évoqués.

Soraya, tunisienne, est en 4P dans une école d‟un quartier de milieu modeste. La

vignette décrit cette élève comme étant manipulatrice. Son attitude en classe révèle un

manque d‟attention et peu d‟autonomie, la conduisant à demander constamment de l‟aide à

l‟enseignant. Il est possible que Soraya ait été désignée pour ses difficultés de comportement

et en raison de ses constantes sollicitations. Notons que nous n‟avons intentionnellement pas

précisé les difficultés d‟apprentissage dans le descriptif de cette élève. Ainsi, Paul et Soraya

Page 85: Master - UNIGE

84

ont peut-être été choisis pour des problèmes de comportements, plus que pour des difficultés

d‟apprentissage (Baumberger, et al., 2007).

Quant à Karl (n°4), il n‟a été désigné que par un seul professionnel. Cet élève, d‟origine

suisse-allemande, est scolarisé en 3P, dans une école d‟un quartier de milieu populaire. En

raison de graves problèmes familiaux, Karl vit en foyer. Après avoir passé en 2P avec

mesures d‟accompagnement, il n‟atteint pas encore les objectifs de 3P. En revanche, il est

bien intégré dans sa classe. Nous postulons que son histoire de vie contribue à émouvoir

certains acteurs qui, par conséquent ne le signalent pas. Par ailleurs, ses difficultés scolaires

ne sont pas mentionnées, et son comportement est positif. Comme vu précédemment, les

problèmes de comportement semblent pouvoir contribuer à un signalement, or, dans le cas de

Karl, son attitude ne posant pas de difficultés, il peut s‟agir d‟un critère pour ne pas le

désigner.

Concernant les résultats des groupes professionnels, nous constatons que les directeurs

(Dir.) signaleraient davantage les cas d‟élèves de Paul (n°2) et Soraya (n°3). Les enseignants

ordinaires (E.O) ont majoritairement choisi les situations de Clara (n°1) et Paul (n°2). Les

enseignants chargés de soutien pédagogique (ECSP) ont, quant à eux, décidé de manière plus

marquée de signaler Clara (n°1). Nous pouvons relever également que chaque cas d‟élève a

au moins été nommé une fois. Par ailleurs, les directeurs ont écarté la vignette n°4 (Karl) et

les ECSP, les cas n°2 (Paul) et 4 (Karl).

Ce qui ressort clairement de ces résultats est le constat qu‟il n‟y a pas de consensus sur

le choix d‟une situation d‟élève en particulier. Cet état de fait peut paraître étonnant, car on

pourrait en déduire que le choix de signaler un élève découle davantage de critères subjectifs

que de critères convenus et objectivés dans une procédure. Ce fait traduit aussi à quel point le

signalement d‟un élève dépend moins de caractéristiques d‟un élève que de facteurs et

mécanismes psycho-sociaux et scolaires (Pelgrims, 1999 ; Pelgrims Ducrey & Doudin, 2000).

Par ailleurs, les choix varient plus en fonction de chacun qu‟en fonction des groupes de

professionnels. Il n‟y a pas d‟unanimité à propos d‟un cas d‟élève chez les directeurs ni chez

les enseignants ordinaires. Par contre, les enseignants chargés de soutien pédagogique ont

choisi en majorité l‟élève n°1 (3/5). Il y aurait donc plus de critères communément partagés

entre les ECSP pour décider des élèves qu‟il faudrait signaler pour l‟enseignement spécialisé.

Page 86: Master - UNIGE

85

Il est également intéressant de découvrir que dans chaque groupe, il y a un individu qui

ne signalerait aucun des élèves présentés dans les vignettes. De là, deux hypothèses peuvent

être établies. Effectivement, nous pouvons nous demander s‟il s‟agit plutôt d‟un refus de prise

de responsabilité ou au contraire, de montrer de manière intentionnelle que ce choix requière

un degré de responsabilité considérable, ne pouvant ainsi être pris à la légère. Toutefois, ces

acteurs justifient leur choix de ne pas signaler d‟élève, généralement parce qu‟ils n‟ont pas

épuisé les mesures possibles de l‟enseignement ordinaire.

6.1.2. Critères évoqués quant au signalement ou non des cas fictifs

d’élèves

Le tableau 11 retrace les critères qui conduisent, selon les acteurs, à signaler ou non un

élève. Précisons que les extraits originaux d‟entretiens de ces 15 professionnels figurent en

annexe 2.

Tableau 11 : Critères (sous-forme de mots-clés) évoqués par les directeurs, les enseignants ordinaires et les

ECSP pour signaler ou non un élève :

Acteurs

situation

fictive

choisie

Critères du signalement Critères du non signalement

Dir.1 2

Pas redoubler deux fois

Pas de changement

Pas encore redoublé

Pas encore du spécialisé

Type de milieu

Elève intégré

Dir.2 2/3

Manque d‟affection

Parents devant responsabilité

Elève abandonné

Difficulté de mettre en spé

Besoin de s‟adapter

Bilan

Faire redoubler

Bilan OMP

Elève intégré

Parents en cause

Bloqué dans apprentissages

Dir.3 Bilan OMP

Redoublement

Dir.4 1

Gros décalage Volonté de bien faire

Contexte familial rude

Problème ailleurs

Pas assez d‟informations

Dir.5 3 Blocage dans apprentissages

E.O.1 4 Milieu familial

Besoin de cadre rassurant

E.O.2 aucun Seulement difficultés d‟intégration :

Page 87: Master - UNIGE

86

spécialisé = risque de trop particulariser

Elèves victimes risquent de plus pouvoir

sortir du spécialisé

E.O.3 2 et 3

Attitude

Déjà redoublé

Redoublement

Prend du retard

Un tout dans les apprentissages

Petit groupe

Présence plus soutenue de l‟adulte

Dans l‟intérêt de l‟enfant

Préconiser mesures d‟accompagnement

Essayer autre chose

Doit avoir déjà doublé pour aller en

spécialisé

E.O.4 1

Difficultés généralisées

Difficultés d‟apprentissage

Retard dans les apprentissages

Petit groupe

E.O.5 1 et 2

Niveau mathématique

Attitude (manque de concentration et

agressivité)

ECSP 1 1

Pas atteint les objectifs

Cumule difficultés

Mesures au sein de l‟école ne suffisent

pas

Besoin d‟autre chose

D‟abord redoubler

Trop tôt dans l‟année

ECSP 2 1 Attitude (angoisse, pleurs)

Retard mathématiques

Se méfier si non-francophones

ECSP 3 aucun

Comportement

Apprendre le métier d‟élève

Petit groupe

Progresser en spécialisé

Problèmes graves peuvent perturber

classe

Il faut psychologue

Stress pour toute la classe

Pas de moyen en ordinaire

Pour éviter échec permanent

Plus de solution

Autre parcours

Progresser sans être comparé aux

autres

Doubler d‟abord

Pas doubler deux fois

ECSP 4 3 Comportement

ECSP 5 1

Difficultés généralisées Comportement

Remplir conditions

D‟abord doubler

D‟autres mesures avant

On constate que les critères données sont nombreux et divergent d‟un acteur à l‟autre.

Cependant, nous pouvons repérer certaines régularités. Les directeurs sont les plus enclins à

citer le contexte familial (Dir.1, Dir.2, et Dir.4). Quant aux enseignants ordinaires et chargés

du soutien pédagogique, ils pointent davantage les difficultés d‟apprentissage (E.O.3, E.O.4,

E.O.5, ECSP 1, ECSP 2, ECSP 4 et ECSP 5). A titre d‟exemple, un enseignant ordinaire

affirme : « elle a pas mal de retard par rapport au dénombrement des collections » (E.O.5) et

une ECSP dit : « elle arrive toujours pas à dénombrer une quantité d‟objets qui est un objectif

de fin de 2E » (ECSP 2).

Page 88: Master - UNIGE

87

La responsabilité des parents ou de l’élève

Nous pouvons émettre l‟hypothèse selon laquelle les directeurs aspirent plus à placer la

responsabilité sur les épaules des parents contrairement aux autres acteurs de la scène

scolaire, qui semblent voir davantage de critères liés aux difficultés scolaires de l‟élève. Un

directeur (Dir.2) nous confie du reste : « il y a tout un travail à faire avec les parents et

vraiment mettre les parents devant leurs responsabilités ». Pelgrims (Situations de handicap

en contextes scolaires spécialisés et ordinaires, domaine d‟étude « Unités centrées sur les

approches transversales 2 », 2009), nous rend par ailleurs attentives à l‟existence de critères

de signalement autres que strictement institutionnels. On peut penser que les directeurs sont

garants de l‟institution scolaire face aux parents, plus que les enseignants qui eux, sont en

interaction quotidienne avec les élèves. Mais en ce qui concerne les difficultés inhérentes à

l‟élève, telles qu‟invoquées par les enseignants ordinaires et les ECSP, ce constat pose un

problème. En effet, les travaux cités par Pelgrims et Cèbe (2010), montrent que si

l‟enseignant a tendance à penser que les difficultés rencontrées semblent davantage inhérentes

à l‟élève ou à son contexte familial et non pas aux pratiques scolaires, celui-ci recourra plus

fréquemment à l‟orientation en classe spécialisée qu‟à la mise en place de stratégies de

pédagogie différenciée au sein de la classe ordinaire. A l‟inverse, lorsque l‟enseignant juge

que les difficultés dépendent majoritairement du contexte scolaire et des pratiques, il tient

davantage compte des besoins didactiques de chaque élève.

Les directeurs cherchent-ils ainsi à décharger les enseignants de toute responsabilité,

afin de leur montrer qu‟ils sont à leurs côtés en les défendant dans le processus de

signalement? Incriminer les parents ne serait-il pas peut-être aussi une manière de protéger les

enseignants ? Le directeur (n°2) évoqué ci-dessus, suggère même des interprétations quant

aux difficultés des élèves, tel le manque d‟affection, ou encore l‟abandon d‟un élève par ses

parents. D‟après Schubauer-Leoni (1999), « chaque représentant institutionnel cherche en

effet à „„protéger‟‟ sa sphère de compétence, ses gestes et les instruments de travail qui sont

les siens » (p. 50). Ainsi, le groupe des directeurs semble plus enclin que les autres à solliciter

des raisons familiales, « en situant ainsi la cause en dehors de [leur] intervention directe » (p.

50) ou de l‟institution dont ils sont les garants. A noter, de plus, que le contexte familial est

également évoqué par les directeurs, c‟est le cas des n°1 et 4, comme n‟étant pas un critère

valable pour envisager un signalement.

Page 89: Master - UNIGE

88

Ces commentaires ne se retrouvent d‟ailleurs pas dans les propos des autres groupes de

professionnels. En effet, autant les enseignants ordinaires que les enseignants chargés de

soutien pédagogique se concentrent davantage sur les difficultés d‟apprentissage, en ne

développant que très peu les motifs de leur choix. Ces acteurs étant davantage au contact

d‟élèves, nous pouvons supposer qu‟ils s‟appuient prioritairement sur les apprentissages de

ces derniers. Toutefois, relevons que ceci relève de suppositions de notre part, que rien ne

corrobore dans leurs propos. Il est donc complexe d‟établir réellement des allégations à ce

sujet.

Le discours des enseignants ordinaires et chargés de soutien pédagogique qui semblent

porter une attention particulière aux difficultés d‟apprentissage de l‟élève pour un éventuel

signalement, tend à signifier qu‟ils s‟appuient peut-être sur la différenciation structurale

scolaire qui existe à Genève et qu‟ils ont donc à disposition pour répondre à l‟inadaptation des

enfants aux exigences scolaires ordinaires. De par la connaissance de l‟article 26 du

Règlement de l’enseignement primaire, nous comprenons que chaque enfant a le droit de

poursuivre une scolarité définie selon ses besoins éducatifs. Ainsi, nous pouvons nous rendre

compte que le passage en classe spécialisée à tendance à s‟opérer lorsque l‟ensemble des

autres moyens mis à disposition par les différents acteurs proches de l‟élève, ne s‟imposent

plus comme de précieux outils face aux difficultés scolaires de l‟enfant. En effet, il est

prescrit à travers les Dispositions internes n°3 relatives au recours à l‟enseignement spécialisé

que « si les mesures prises dans le cadre de l‟enseignement ordinaire n‟ont pas apporté les

effets attendus, l‟accueil de l‟enfant dans l‟enseignement spécialisé peut être envisagé ». Nous

entendons par « mesures prises dans l‟enseignement ordinaire », celles relatives au

signalement pour consultation à l‟école ainsi que le signalement médico-pédagogique qui

permettent déjà une entrée en matière vis-à-vis de l‟accompagnement de l‟élève présentant

des difficultés scolaires. Le premier signalement a pour but, rappelons-le, d‟offrir à

l‟enseignant un espace de discussion avec un spécialiste de l‟OMP quant à la difficulté

rencontrée, alors que le second propose une consultation OMP à l‟élève, cette fois-ci

nécessitant l‟accord des parents.

Page 90: Master - UNIGE

89

D’autres mesures avant le signalement d’un élève vers la classe spécialisée, surtout le

redoublement

On suppose donc que ces acteurs ont tendance à se représenter la classe spécialisée

comme étant l‟unique recours possible pour pallier aux difficultés d‟apprentissage des élèves

et plus largement pour convenir d‟un lieu en mesure d‟accueillir les difficultés auxquelles

l‟enseignement ordinaire ne peut pas, ou plus, pourvoir. La question inévitable que nous

pouvons par ailleurs nous poser ici est de savoir si l‟enseignement ordinaire déploie

véritablement toutes les mesures possibles pour garder en son sein ces élèves en difficultés ?

De là, il convient également de relever que chaque groupe de professionnels propose un

signalement avec précaution et énonce ce qu‟il faudrait envisager avant de pouvoir signaler

un élève. Ces acteurs évoquent essentiellement les mesures et ressources possibles de

l‟enseignement primaire en faisant référence notamment aux mesures explicitées dans les

Dispositions internes n°3 (cf. point 2.3). Ainsi, ils citent le redoublement, le soutien

pédagogique, les mesures externes thérapeutiques et scolaires. Ils proposent avant tout et dans

la plupart des cas - par exemple pour la vignette n°3 -, un bilan médico-pédagogique. On peut

relever que chaque groupe de professionnels plébiscite une fois ou l‟autre ces mesures

antérieures au signalement. Selon eux, le chemin est long avant d‟en arriver à cette option.

Citons, par exemple, cette enseignante (E.O.3) : « je préconiserais d‟abord des mesures

d‟accompagnement ». Un autre exemple est donné par une enseignante chargée du soutien

pédagogique (ECSP 3) qui développe : « déjà c‟est qu‟un enfant il doit pas doubler deux fois,

donc un enfant qui arrive avec des notes catastrophiques pour la deuxième fois et en ayant

déjà doublé c‟est déjà un pré-signalement d‟office… de toute façon on peut pas non plus faire

passer un enfant qui a pas doublé donc s‟il a des notes catastrophiques on le fait doubler, on

parle pas du tout de spécialisé donc on est déjà au bout d‟une longue démarche quand on

commence à pré-signaler je veux dire ».

Remarquons que ces acteurs privilégient le redoublement et le soutien scolaire comme

mesures d‟accompagnement au sein de l‟enseignement ordinaire, avec toutefois une

préférence quasi systématique pour le redoublement : « il y a pas encore eu de redoublement,

vous parlez pas de soutien extérieur, j‟irais d‟abord explorer ça avant une mise en spécialisé,

il y a d‟autres choses à faire en terme de soutien » (Dir.1), « il n‟a pas encore redoublé, pour

moi non plus ce n‟est pas encore du spécialisé » (Dir.1), « faire redoubler cette enfant, donner

Page 91: Master - UNIGE

90

un maximum de chances avec un répétiteur à la maison, donner une aide logo » (Dir.2),

« solliciter les parents pour qu‟ils aillent faire un bilan OMP et solliciter un redoublement

aussi », « le retard s‟explique pas parce qu‟il est allophone alors on pourrait imaginer un

redoublement » (Dir.3), « peut-être une année de redoublement avant » (E.O.3) et « il a pas du

tout été question de redoublement, c‟est peut-être une question que je me poserais quand

même avant de me prononcer pour un éventuel signalement en spécialisé » (ECSP 1).

Pourtant, les Dispositions internes n°3 ne révèlent pas que le redoublement est une condition

nécessaire au signalement et sont peu explicites par rapport aux mesures requises pour le

signalement: « si les mesures prises dans le cadre de l‟enseignement ordinaire n‟ont pas

apporté les effets attendus, l‟accueil de l‟enfant dans l‟enseignement spécialisé peut être

envisagé ». Ainsi, les acteurs se fondent sur les pratiques scolaires qui font que le

redoublement devient un critère préalable au signalement.

Cependant, les études des parcours scolaires des élèves de classes spécialisées

(Pelgrims, 2003, 2006) montrent en effet que plus de la moitié des élèves ont redoublé en

enseignement ordinaire avant leur passage en spécialisé. La fréquence de telles pratiques

instaurerait l‟idée, chez les professionnels, que c‟est quasiment une mesure obligée à prendre

avant le passage, voir un critère de passage. En effet, le redoublement est parfois cité comme

un véritable moyen préalable à toute tentative de signalement pour l‟enseignement spécialisé,

comme le laisse entendre cet enseignant : « toute façon on peut pas passer en spécialisé si on

n‟a pas doublé » (ECSP 3). Il se révèle surprenant d‟entendre que le redoublement soit décrit

comme une pratique indispensable avant d‟envisager un passage en spécialisé, étant donné les

résultats de nombreuses recherches démontrant l‟inefficacité de cette mesure. En effet, les

résultats de travaux en témoignent :

Le redoublement est la mesure non seulement la plus inefficace mais la plus nocive, et

ceci tant sur le plan des apprentissages cognitifs que sur le plan socio-affectif

(motivation, image de soi, équilibre émotionnel, intégration sociale, persévérance dans

le travail). (Bloom & Fraser, cités par Doudin, p. 4)

D‟autres auteurs dénoncent cette pratique, notamment Crahay (1993-1993, cité par

Doudin, 1996) ou encore Palincsar et Klenk (1992, cités par Doudin, 1996). Même si les

propos recueillis ne nous permettent pas de connaitre les critères pour lesquels les

professionnels proposent le redoublement, avant le passage en spécialisé, nous pouvons

penser en référence à la recherche de Pini (1989-1991, cité par Doudin, 1996), que beaucoup

Page 92: Master - UNIGE

91

d‟enseignants entrevoient cette mesure comme un moyen efficace. En d‟autres mots, et selon

les enseignants, cela « permettrait à l‟enfant de mûrir, de surmonter ses difficultés et de se

réinsérer dans le cursus régulier » (Doudin, 1996, pp. 4-5). Les travaux réalisés avec des

élèves de classes spécialisées révèlent aussi les effets négatifs durables d‟un redoublement

antérieure au passage en filière spécialisée sur le sentiment de compétence, la peur de l‟échec

et le sentiment d‟impuissance face aux apprentissages des élèves (Pelgrims, 2006, 2007).

A la lumière de ces repères théoriques, nous pouvons avancer l‟hypothèse selon

laquelle, nombreux sont les acteurs scolaires de notre recherche qui penchent pour une mesure

de redoublement qui se révèle être davantage déresponsabilisante que bénéfique pour l‟élève.

Bien que cette mesure ne soit pas considérée comme thématique centrale de notre recherche,

nous jugeons pourtant pertinent d‟établir un lien probable entre déresponsabilisation et

pratique du redoublement. En effet, nous entrevoyons par là, un moyen possible permettant à

l‟acteur scolaire de dévoluer à un autre enseignant les difficultés de l‟élève, et les moyens

pour les surmonter.

La classe spécialisée perçue comme bénéfique…

Comme nous l‟avons établi, les critères donnés qui conduisent à un signalement sont

variables, et ce, dans tous les groupes professionnels. Outre l‟environnement familial, les

différences d‟apprentissage et les mesures citées plus haut, mentionnons que certains acteurs

avancent les limites de l‟enseignement l‟ordinaire qui ne peut proposer de structures assez

adaptées aux besoins particuliers de certains enfants. Pour exemple, voici ce que postule cette

ECSP (n°3) : « il y a un moment donné euh… avoir des enfants qui ont vraiment des grosses

difficultés en classe où nous on peut vraiment rien pour eux parce qu‟on est pas équipé, on est

pas psychologue, on sent qu‟il faudrait un psychologue, on sent qu‟il faudrait euh… que

quelqu‟un travaille avec la famille ». Elle accentue cette idée par la suite : « c‟est vraiment

des enfants où nous, on a pas de solutions et que c‟est à chercher autrement quoi, avec

d‟autres méthodes, d‟autres… où il faut simplement un autre parcours pour ces enfants qui

sont pas perdus s‟ils vont en spécialisé ils auront une chance aussi ».

Suite à ces arguments, nous pouvons nous interroger quant aux avantages réels d‟un

placement en classe spécialisée. Là-dessus, l‟article de Doudin (1996), « Elèves en

difficultés : la pédagogie compensatoire est-elle efficace ? », questionne la différenciation

Page 93: Master - UNIGE

92

structurale et celle prenant part dans l‟enseignement. Dans la première, l‟auteur explique que,

l‟enfant perçu « hors norme » par l‟enseignement ordinaire sera placé dans une des filières de

l‟enseignement spécialisé pour répondre ainsi à ses besoins. « L‟homogénéité - supposée - des

élèves permet d‟opter pour des situations didactiques, des stratégies d‟enseignement et des

stratégies d‟apprentissage uniformes pour tout le groupe-classe, chaque élève étant censé en

profiter de manière optimale » (p. 4). En revanche, la différenciation de l‟enseignement invite

l‟élève, de par des mesures d‟accompagnement individualisées, à garder sa place au sein de

l‟enseignement ordinaire. Doudin apparaît ainsi répondre aux propos émis par cette

enseignante chargée de soutien pédagogique, car il nous met en garde contre une

différenciation structurale qui, selon lui, ne résout pas de manière systématique l‟ensemble

des difficultés rencontrées.

Il ne serait donc qu‟un leurre de penser que la différenciation de l‟enseignement aille de

soit avec cette filière spécialisée. Autrement dit, il semble que certains professionnels,

dévoluent la responsabilité à d‟autre spécialistes. Aussi, comme l‟explique Doudin (1996),

cette mesure repose « sur un paradoxe qui consiste à vouloir intégrer scolairement l‟élève en

l‟excluant » (p. 7). Toutefois, le propos de cet enseignant vient contredire ce paradoxe : « je

les (les élèves) verrais plutôt comme des victimes ces gosses et pas forcément comme des

produits à passer directement en classe spécialisée et c‟est déjà difficile de rentrer en classe

spécialisée, mais en sortir, c‟est quasiment impossible» (E.O.2). Il est le seul professionnel à

penser qu‟il faut intégrer l‟élève en le gardant au sein de la classe ordinaire. Cet enseignant

est d‟ailleurs un des acteurs qui n‟a pas choisi de signaler d‟élève dans les vignettes.

Par ailleurs, plusieurs enseignantes justifient un signalement par le besoin des élèves de

travailler en petit groupe qui constitue, selon elles, une solution alternative à l‟ordinaire. Selon

cette enseignante (E.O.3) : « peut-être que le fait de se retrouver dans un petit groupe, de

travailler dans un effectif réduit avec une présence de l‟adulte un peu plus soutenue, peut-être

que dans ces cas-là, ça aide un peu les enfants ». Cette autre enseignante énonce : « peut-être

qu‟en petit groupe, par exemple… » (E.O.4) ou encore : « c‟est parce que je constate certaines

choses et puis je me dis mais ce garçon, là, en petit groupe, il aurait une chance que dans le

grand groupe il a certainement pas » (ECSP 3). Là-dessus, ces acteurs scolaires se rejoignent

sur l‟idée que la classe à effectif réduit de l‟enseignement spécialisé permettrait d‟apporter

des effets positifs, alors qu‟au contraire, cette réduction n‟entrainerait qu‟une péjoration des

résultats des élèves fréquentant ces classes (Bloom, 1984 ; Fraser, 1987, cités par Doudin,

Page 94: Master - UNIGE

93

1996). Cependant, Glass et Smith (1978 et 1979, cités par Doudin, 1996) nuancent en

rappelant que le travail en petits groupes et une formation ad hoc des enseignants tend en

revanche, à des résultats positifs comme le soulignent Glass et Smith. En effet, ce n‟est pas la

taille de la classe qui aurait un effet en tant que tel, mais plutôt l‟utilisation de méthodes

pédagogiques qui ne seraient applicables que dans des groupes restreints. Cette question

d‟effectif réduit qui serait favorable à la présence soutenue de l‟adulte et à la distribution de

nombreuses aides personnalisées peut d‟ailleurs être néfaste à l‟engagement et la mobilisation

des élèves dans les activités d‟apprentissages (Pelgrims, 2006, 2009).

L‟ECSP (n°3) va même plus loin en estimant qu‟un enfant en grande difficulté, par

exemple au niveau de la gestion de l‟émotionnel, risque de perturber toute la classe ainsi que

l‟enseignante : « un enfant qui par exemple aura un problème de gestion de l‟émotionnel très

grand, c‟est-à-dire qu‟en classe, tout d‟un coup, il prend tout, il casse tout, euh… C‟est très

stressant pour toute la classe c‟est très stressant pour l‟enseignant et puis lui-même c‟est pas

bon […]. Nous on est pas équipé pour faire ça moi je veux dire, j‟ai aucun moyen à part

ceinturer l‟enfant pour éviter qu‟il casse tout et puis attendre qu‟il ait finit sa crise, faire

comme si de rien n‟était ». Nous pouvons nous questionner sur l‟éthique de ce critère. En

effet, il est indubitable qu‟il y a une part de vérité dans ces propos, mais ne peut-on percevoir

également une idée qui sous-entendrait qu‟il faut se décharger de l‟élève en le plaçant

ailleurs ? Aussi, les difficultés de comportement représentent-elles un motif suffisamment

valable pour le passage en classe spécialisée ? De là, il est aisé de remarquer toute une

panoplie d‟arguments cachés derrière l’inadaptation aux exigences scolaires de

l‟enseignement ordinaire. Tout un chacun se fait sa propre représentation de ce que peuvent

être les „„bons‟‟ arguments comme le souligne le travail de licence de Besson et Donnier

(2002). L‟exemple de cet enseignant chargé de soutien pédagogique rappelle les résultats de

leur recherche qui nous apprend que les enseignants ordinaires ont majoritairement tendance à

mettre en avant des critères relatifs aux difficultés de comportement de l‟élève pour un

éventuel passage en classe spécialisée, tel que le relève la revue de littérature de Pelgrims

Ducrey et Doudin (2000).

Ainsi, nous constatons que les critères évoqués sont variables et multiples selon chaque

individu. Néanmoins, il existe quelques régularités. Il s‟agit tantôt de critères liés au cadre

familial de l‟élève, tantôt liés à ses apprentissages, tantôt à son comportement. Toutefois, dans

chaque groupe de professionnels sont remémorés certains critères qui semblent être

Page 95: Master - UNIGE

94

indispensables avant d‟entrer dans un processus de signalement. Les acteurs citent par

exemple, comme nous l‟avons vu, le redoublement, les mesures internes ou externes à l‟école,

c‟est-à-dire le soutien pédagogique, le répétiteur, le suivi logopédique, etc. Nous pourrions en

conclure que certains acteurs scolaires du groupe 1 privilégient en amont des mesures dans

l‟enseignement ordinaire avant d‟envisager le signalement d‟élève vers la classe spécialisée.

On peut même élargir le débat en supposant que les acteurs se rattachent de manière

institutionnelle à ces mesures, afin d‟éviter de réellement reconnaître leurs propres

responsabilités dans le signalement d‟un élève. Toutefois, notons bien qu‟il s‟agit d‟une

supposition de notre part, que nous ne pouvons étayer de données.

Quoi qu‟il en soit, nous pouvons tenter d‟apporter des éléments de réponse à notre

question de recherche. Evoquons que le choix des critères pour un éventuel signalement des

acteurs scolaires cités précédemment ne s‟effectue pas seulement à partir de compétences

strictement scolaires des élèves, puisque d‟autres indicateurs moins institutionnels, plus

subjectifs, sont à considérer. Ainsi, les critères principaux qui sont invoqués pour signaler un

élève relèvent de la structure familiale (surtout pour les directeurs), des difficultés scolaires

(surtout pour les enseignants), de l‟inefficacité des mesures prises dans l‟enseignement

ordinaire, des besoins de filières différenciées et des attitudes de l‟élève. Les critères invoqués

semblent en partie dépendre du statut professionnel. D‟un côté les enseignants ordinaires et

les ECSP de par leur statut, sont garants des apprentissages, de l‟enseignement et des savoirs

et de l‟autre, les directeurs sont quant à eux, garant du système scolaire.

6.2. Perception de la collaboration entre professionnels de l’enseignement

ordinaire et spécialisé : résultats

Le tableau 12, de la page suivante, comprend les résultats relatifs à notre deuxième

question spécifique, soit : Dans quelle mesure les acteurs scolaires et les parents perçoivent-

ils la collaboration entre enseignement ordinaire et spécialisé, au sein d’un contexte en

changement ? Par ces indicateurs, peut-on saisir ou non une continuité ou à l’inverse, une

rupture entre ces deux filières ?

Page 96: Master - UNIGE

Tableau 12 : Extraits d‟entretiens à propos de la collaboration entre partenaires au long du processus

Acteurs Dimensions de collaboration

Dir.1

- « C‟est un partenariat, la même institution, pas les mêmes services mais… Enfin, c‟est logique qu‟on bosse ensemble » (en parlant de l‟enseignant spécialisé

lors du signalement).

- « Donc c‟est pour ça que c‟est important d‟avoir tout le monde ensemble, on avance ensemble, on prend en compte les réticences des parents s‟il y en a »

Dir.2 - « il y a une responsabilité commune mais je dois faire en sorte que les choses avancent, qu‟elles suivent leur cours »

-« si les parents ne soutiennent pas l‟école, on peut pas travailler dans ces conditions, c‟est ou vous nous soutenez ou envisagez le privé »

Dir.3 - « par contre, quand il y a un doute, j‟aime bien avoir des informations de l‟OMP, du chef de l‟enseignement spécialisé et éventuellement faire un réseau avec

l‟enseignant, la personne en charge de l‟élève pour voir un petit peu ce que les professionnels en pensent »

Dir.4 - « on travaille avec les parents pour qu‟il y ait cette adhésion au projet, s‟il n‟y a pas d‟adhésion, c‟est encore plus difficile pour l‟enseignant spécialisé, pour

l‟inspecteur spécialisé, pour l‟enfant d‟avancer »

Dir.5

- « réfléchir en équipe aussi sur des situations d‟élèves, essayer de trouver d‟autres pistes de travail, c‟est tout ce qu‟on fait avec le suivi collégial ou avec les

ECSP »

- « c‟est un défaut du système et un manque de temps, on a rarement des retours de l‟enfant qui a été placé en spécialisé, y a aucun retour formel »

E.O.1

E.O.2

- « il y a une espèce comme ça de rupture de la chaîne parce que chacun est persuadé de travailler et d‟être seul »

- « on peut parler de la guerre de l‟éducation. On a pas ces liens, on a pas cette culture du travail en réseau »

- « l‟institution, au fond, transmet, mais ne nous tient pas au courant »

- « on a, en général, aucune nouvelle parce qu‟on part du principe que comme vous n‟avez plus l‟enfant, et bien vous n‟avez plus rien à dire »

E.O.3 - « c‟est pas juste l‟enseignant qui dit, voilà cet enfant je le signale et puis le directeur appuie la demande […]. Il y a une collaboration entre les différents

partenaires de l‟école »

E.O.4 - « s‟il n‟y a pas de collaboration derrière, on s‟épuise »

E.O.5 - « je trouve qu‟il y a une bonne collaboration […], donc je trouve que ça se passe assez bien »

ECSP 1 - « c‟est un partenariat de toute l‟équipe »

ECSP 2

- « ça nécessite beaucoup de collaboration avec les différents intervenants, mais moi j‟ai eu deux expériences où la communication avec l‟institution n‟a pas été

vraiment possible parce qu‟ils voulaient pas vraiment nous dire, donc là, il y a un manque »

- « la communication entre les enseignants et les enseignants spécialisés quand c‟est deux bâtiments différents ou deux structures différentes, si la communication

est possible, et bien c‟est vraiment beaucoup plus positif pour tout le monde et là, c‟était secret professionnel. Mais on est aussi des professionnels ! »

ECSP 3

ECSP 4 - « on est plusieurs partenaires »

- « faut vraiment être sûre et avoir le soutien des autres »

ECSP 5

- « on est une équipe pédagogique »

- « elle prend pas la décision toute seule, on est là »

- « c‟est une collaboration, maintenant chacun a un rôle un peu plus précis »

Page 97: Master - UNIGE

96

E.S.1

- « il faut aller vers les personnes qui sont professionnelles pour avoir un autre avis »

- « on est plusieurs à essayer de trouver des solutions »

- « pour ne pas lâcher un élève, il faut en parler autour de soi »

- « pour moi la responsabilité, c‟est plutôt un travail d‟équipe, ensemble on a plus de compétences, plus de chance de trouver la bonne solution que tout seul »

- « la responsabilité, c‟est une responsabilité pour tout le monde, donc, c‟est une responsabilité qui est partagée »

E.S.2

E.S.3

E.S.4 - « j‟ai de la chance de collaborer avec des gens sympas »

E.S.5 - « quand on est enseignant spécialisé, on est jamais tout seul, sans l‟équipe c‟est mission impossible »

P.1

P.2

P.3

P.4 - « il y a la maîtresse qui est là, moi je pense comme ça, on travaille les deux ensemble »

- « mais il faut qu‟on travaille tous ensemble et il faut qu‟on aille dans le même sens aussi. Si on va pas dans le même sens, l‟enfant il va pas avancer »

P.5

- « c‟est vraiment entre parents qu‟on se raconte ou avec les thérapeutes, puisque les écoles, c‟est normal elles prêchent pour leur paroisse »

- « ce qu‟il se passe c‟est dommage, c‟est qu‟il y a pas assez de collaboration, ils sont trop en fait sur leurs préjugés »

- « je trouve qu‟il y a zéro lien entre l‟ordinaire et le spécialisé, c‟est-à-dire qu‟il y a une coupure totale »

- « c‟est vrai que pour eux, en fait, il faudrait que ce soit plus… Qu‟il y ait une communication meilleure »

- « donc je pense que pour les enseignants ordinaires, le côté spécialisé, pour eux, c‟est vraiment un gros point noir en fait. Donc il y a une communication qui est

plus à faire entre les deux, de dire : „„bin voilà il y a un partenariat qui va se faire un certain moment‟‟ »

Page 98: Master - UNIGE

Nos résultats laissent apparaître que la majorité des personnes interrogées perçoit la

notion de la collaboration de manière positive, c‟est-à-dire en louant son bon fonctionnement.

Par ailleurs, ils la perçoivent comme détenant une place conséquente tout au long du

processus de signalement, de la classe ordinaire à la classe spécialisée. La plupart parle en

termes de collaboration, de partenariat, et d‟équipe. Relevons par exemple les propos de cette

enseignante chargée du soutien pédagogique (n°5) : « on est une équipe pédagogique » et qui

ajoute : « elle [l‟enseignante] prend pas la décision toute seule, on est là ». A travers les dires

des acteurs, il semble donc que l‟ensemble du processus s‟appuie sur un travail commun et

solide entre les divers protagonistes scolaires.

Plusieurs acteurs soulignent d‟ailleurs le fait de se sentir accompagnés dans leur

décision, de ne pas agir seul et de partager les responsabilités. Citons cette enseignante

spécialisée (E.S.1) : « pour moi la responsabilité, c‟est plutôt un travail d‟équipe, ensemble on

a plus de compétences, plus de chances de trouver la bonne solution que tout seul ». Ces

paroles appellent la notion de responsabilité. En effet, on peut s‟interroger, si concevoir la

responsabilité face aux élèves en difficultés comme collective, donc comme une affaire de

collaboration, dégagerait ainsi la responsabilité individuelle. Il s‟avère judicieux de se

demander, quels mécanismes poussent à la collaboration et si ceux-ci ne servent pas à

contrecarrer une trop lourde responsabilité individuelle. En effet, rappelons que pour certains

auteurs comme Desbons et Ruby (2004), la responsabilité individuelle tend à se perdre dans le

collectif. Comme nous l‟avons vu dans les apports théoriques, nous sommes actuellement

dans une époque qui valorise la responsabilité sociale collective, qui a ainsi pour effet

d‟amenuiser la responsabilité individuelle. Il est donc pertinent de faire l‟hypothèse que la

collaboration décharge de la responsabilité individuelle au profit de la responsabilité

collective en apposant celle-ci sur les épaules de plusieurs partenaires, afin que ce ne soit pas

à une seule personne de porter la lourde charge de la responsabilité de signaler un élève pour

un passage en classe spécialisée.

En ce qui concerne les éventuelles différences entre groupes de professionnels, il ressort

de manière distincte que le groupe des directeurs insiste sur la collaboration avec les parents :

« donc c‟est pour ça que c‟est important d‟avoir tout le monde ensemble, on avance ensemble,

on prend en compte les réticences des parents s‟il y en a » (Dir.1) ou encore : « on travaille

avec les parents pour qu‟il y ait cette adhésion au projet » (Dir.4). Les autres protagonistes

abordent davantage la collaboration entre professionnels et n‟impliquent pas, ou peu, les

Page 99: Master - UNIGE

98

parents. Pour illustrer nos propos, citons cet enseignant ordinaire (n° 3) : « c‟est pas juste

l‟enseignant qui dit, voilà cet enfant je le signale et puis le directeur appuie la demande […].

Il y a une collaboration entre les différents partenaires de l‟école » ou encore cette

enseignante chargée de soutien pédagogique (ECSP 5): « on est une équipe pédagogique ».

Ce constat corrobore les travaux qui montrent qu‟on ne peut, dans tous les cas, qualifier de

véritable partenariat les liens entre enseignants et parents, dans le cadre du signalement

d‟élèves vers l‟enseignement spécialisé (voir, entre autre, la recherche de Babel & Bourrit,

2004). On peut percevoir ce fait dans les propos de ce directeur (n°2) : « si les parents ne

soutiennent pas l‟école, on peut pas travailler dans ces conditions, c‟est ou vous nous soutenez

ou envisagez le privé ». Nous émettons donc l‟hypothèse selon laquelle la relation est souvent

difficile entre parents et professionnels, comme en témoignent les divers propos recueillis. Ce

qu‟il conviendrait d‟examiner dans d‟autres recherches, est de savoir si un des nouveaux

aspects apportés par l‟introduction de directeurs d‟établissement serait de faire le lien entre les

enseignants et les parents. En effet, dans le cahier des charges du directeur, il est demandé de

« développer les relations avec les partenaires de l‟école, notamment en présidant les conseils

d‟établissement ». Toutefois, nos résultats relatifs aux critères de signalement tendent à

infirmer cette hypothèse ; en effet, les directeurs concourent à invoquer les parents comme

responsables des difficultés de leur enfant, plutôt qu‟à se positionner en co-responsabilité ou à

invoquer la responsabilité de l‟école.

Au vu de l‟ensemble des résultats, on pourrait être tenté de croire que la nouvelle

réorganisation de l‟enseignement spécialisé, évoquée dans nos apports théoriques, permettrait

une meilleure collaboration et un lien approfondi entre filières ordinaire et spécialisée, bien

que les parents, comme avant, soient rarement pris en considération.

Toutefois, en examinant les propos des acteurs de plus près, la majorité ne mentionne

que la collaboration entre partenaires d‟une même école et nullement de collaboration entre

enseignement ordinaire et enseignement spécialisé. Nous pouvons alors émettre l‟hypothèse

que le silence sur cette forme de collaboration indique le manque de lien entre ces deux

filières d‟enseignement. D‟ailleurs, cette hypothèse est renforcée, puisqu‟il ressort également

des résultats que quatre protagonistes interrogés parlent en termes négatifs de la collaboration

(E.O.2, ECSP 2, P.4, P.5). Ces professionnels se plaignent à plusieurs reprises du manque de

suivi et des phénomènes de rupture qui se créent lorsqu‟un élève passe dans une filière

spécialisée. Les paroles de l‟enseignant ordinaire n°2 sont d‟ailleurs édifiant à ce propos : « il

Page 100: Master - UNIGE

99

y a une espèce comme ça de rupture de la chaîne parce que chacun est persuadé de travailler

et d‟être seul ». Il surenchérit : « on peut parler de la „„guerre de l‟éducation‟‟. On a pas ces

liens, on a pas cette culture du travail en réseau », ou encore : « l‟institution, au fond,

transmet, mais ne nous tient pas au courant ». Enfin, il termine en disant : « on a, en général,

aucune nouvelle parce qu‟on part du principe que comme vous n‟avez plus l‟enfant, et bien

vous n‟avez plus rien à dire ». Cet enseignant semble soulever un problème relationnel, voire

communicationnel, entre l‟ordinaire et le spécialisé et parle même de „„guerre de

l‟éducation‟‟. Selon lui toujours, ces deux filières sont donc en conflit et n‟avancent pas main

dans la main.

Nous pouvons mieux saisir ces arguments à partir de ce que nous avons pu constater sur

le terrain en cette période de changement. En effet, il semble que la réorganisation

hiérarchique et structurale a conduit le spécialisé et l‟ordinaire à être perçus comme des

secteurs si séparés, que la communication s‟exécute de moins en moins et que chacun se

définit comme étant autonome et fonctionnant indépendamment. Il convient de préciser que

depuis 2010, les enseignants spécialisés et les inspecteurs ne relèvent plus de la Direction de

l‟enseignement primaire, comme les enseignants ordinaires mais de l‟Office médico-

pédagogique, dirigé par un médecin psychiatre. C‟est ce que semble confirmer une

enseignante chargée du soutien pédagogique (n°2) en faisant allusion à de mauvaises

expériences : « ça nécessite beaucoup de collaboration avec les différents intervenants, mais

moi j‟ai eu deux expériences où la communication avec l‟institution n‟a pas été vraiment

possible parce qu‟ils voulaient pas vraiment nous dire, donc là, il y a un manque ». Elle relève

donc une difficulté de communication et par conséquent, un manque de collaboration

devenant à son tour problématique.

Ce qui nous a paru le plus étonnant au vu des résultats, est de constater qu‟un parent

d‟élève (n°5) a cerné ce problème de communication de manière très claire : « je trouve qu‟il

y a zéro lien entre l‟ordinaire et le spécialisé, c‟est-à-dire qu‟il y a une coupure totale ». Elle

ajoute : « donc je pense que pour les enseignants ordinaires, le côté spécialisé, pour eux, c‟est

vraiment un gros point noir en fait. Donc il y a une communication qui est plus à faire entre

les deux, de dire : „„bin voilà il y a un partenariat qui va se faire un certain moment‟‟ ». On

peut donc supposer que de l‟autre côté du miroir, les parents sont peut-être les premiers à

ressentir cette absence de partenariat et que malheureusement, ils se sentent lésés et trop peu

informés pour comprendre les enjeux de ce qui se trame. Cela leur donne par ailleurs sans

Page 101: Master - UNIGE

100

doute l‟impression de ne pas être pris en compte dans les décisions d‟orientation, voire d‟être

écartés totalement du processus. De là, nous pouvons même imaginer sans trop de difficultés

les conséquences encourues chez l‟élève, puisque ne l‟oublions pas, c‟est lui qui est au centre

du processus.

Ces constats nous autorisent peut-être à mettre en lien les lacunes au niveau de la

communication entre ces deux filières d‟enseignement et la zone d‟ombre qui se créé dans la

communication avec l‟élève. En effet, rappelons la rareté des explications justifiant à l‟élève

son passage en classe spécialisée. A ce titre, ce phénomène appelé loi du silence (Pelgrims,

2010) est tout autant porteur de difficultés, puisque l‟élève en sera contraint de s‟inventer des

explications subjectives, souvent intrinsèques comme le fait d‟être incompétent, entrainant un

sentiment d‟impuissance ou encore des motifs liés à l‟école, répercutant alors un sentiment de

révolte à son égard. Tout porte à croire que cet ECSP (n°2), exprimant à son tour un sentiment

d‟impuissance et que ce parent (n°5), choqué par l‟absence de communication, ne sont pas

seuls à subir les conséquences d‟un manque de transparence qui prend racine au niveau du

déroulement même du processus de signalement.

Ainsi, les propos des acteurs dont nous pouvons faire état, tendent à démontrer que les

liens et la collaboration entre ordinaire et spécialisé ne vont pas en s‟améliorant dans ce

contexte de réorganisation de l‟enseignement spécialisé. Il faut, bien-sûr, prendre ces constats

avec précaution puisque nous ne faisons pas une étude comparative entre l‟ancien et le

nouveau système. D‟autre part, ces changements sont trop récents pour affirmer qu‟il y a un

lien entre les perceptions actuelles et les modifications structurelles.

Sur la base des différents propos ayant trait aux notions de rupture, de manque de suivi,

etc., recueillis chez différents acteurs scolaires et familiaux, nous pouvons peut-être nous

risquer à répondre à notre deuxième question de recherche qui a pour objet, rappelons-le,

d‟établir ou non une continuité ou à l‟inverse, une rupture entre les deux filières

d‟enseignement. Nous supposons donc que l‟ensemble des indices relevés sont assez

conséquents pour observer un clivage entre l‟enseignement ordinaire et l‟enseignement

spécialisé. Ces résultats nous sont utiles pour mieux comprendre les conditions dans

lesquelles se trouvent les acteurs, et les perceptions qu‟ils ont de leurs responsabilités et de

celles des autres, au cours du signalement.

Page 102: Master - UNIGE

101

6.3. Rôle et degré de responsabilité lors du processus de signalement :

résultats

A présent, nous allons nous pencher sur la perception que les différents acteurs ont de

leur rôle et de leur degré de responsabilité dans le signalement d‟élèves jugés en difficultés.

Pour ce faire, nous allons présenter et discuter les résultats des deux dimensions : rôle et

tâches personnels, rôle et tâche des autres. Nous commencerons par les résultats des

professionnels du groupe 1, pour ensuite aborder ceux des groupes 2 et 3, afin de dégager des

éléments de réponse à notre troisième question de recherche spécifique, soit : Comment les

acteurs scolaires perçoivent-ils leurs rôles et leur degré de responsabilité lors d’un processus

de signalement ?

6.3.1. Rôle, tâche et responsabilité des uns et des autres : perceptions du

groupe 1

Rôle et tâche personnels : responsabilité durant le processus de signalement (perceptions

du groupe 1)

Les résultats concernant le groupe 1 sont présentés dans le tableau qui suit. Notons que

les extraits d‟entretiens de tous les professionnels dans leur intégralité sont présents en

annexes 3, 4, 5, 6 et 7.

Tableau 13 : Rôle, tâches et responsabilité personnels perçus par les directeurs, les enseignants ordinaires et les

enseignants chargés de soutien pédagogique (mots-clés)

Acteurs Rôle et tâches personnels

Responsabilité durant le processus Responsabilité envers l’élève

Dir.

1

Qui signale - décision finale – échange – entrée en spécialisé

– distance émotionnelle – convaincre parents – ma

responsabilité - Comment signaler – suivi des élèves – travail

avec parents

but du spécialisé

2

Soutenir enseignant – questionner enseignant – signer rapport

– accompagner enseignant – responsabilité partagée Avantage

– solitude – enfant en danger – connaître enseignement

spécialisé – suivi – tête sur épaules – soutien aux parents –

prendre en compte refus parents – motivateur

enfant en danger

Page 103: Master - UNIGE

102

3 Voir en classe – soutien parents – autorité prend le dessus –

signer descriptif – responsabilité la plus importante

4 S‟assurer des difficultés – autorité sur parent – prendre recul –

agir sur l‟immédiat – garant du travail de E.O

Suivi de l‟élève - lui enlever

pression

5 Travail avec Inspecteur spé – convaincre parents – incertain

du choix – responsabilité immédiate

E.O

1

aller dans l‟institution - en parler - accompagner les parents,

l‟élève – faire les démarches – présenter et rassembler

éléments – bilan – rapport -Signaler – endosser – ne pas

lâcher – grosse responsabilité

différencier objectifs – mettre à

l‟aise – éviter d‟enfoncer,

d‟humilier

2

Accompagnement de l‟entourage – bilan mais pas

d‟explication historique ou synergie, ni synthèse –

convaincre : soi-même, parents, institution – signaler =

assumer sa responsabilité professionnelle – opinion pas assez

évaluée – donner des justifications mais pas d‟explication –

oubli des anciens – engagements existentiels

lâcher (= arrêter investissement)

mais pas fuir

3

Faire accepter suivi SMP – préparer passage avec famille –

rapport –expliquer compétences et difficultés enfant -

reconnaître quand on y arrive plus – signaler n‟est pas constat

d‟échec – brosser portrait d‟élève – rôle important dans

relations avec la famille – rassurer – s‟occuper de l‟enfant tant

qu‟il n‟est pas placé

Pas toujours mesures d‟appui car

risque d‟enlever à autre élève –

mesures internes pour ne pas

décourager enfant – mesures

externes – à un moment donné

responsabilité porte sur bien-être

dans la classe, mais plus sur

apprentissages

4

Parler avec collègues – parler au conseil des maîtres –

signaler à la directrice -reconnaître ses limites – signaler vis-

à-vis des collègues – ne pas prendre décision à la légère

trouver moyens d‟aide – diversifier

méthodes – ne pas donner trop, car

d‟autres élèves – être présente –

aider – soutenir

5

Parler avec : parents, directrice – à disposition – remplir

document - Pas les obliger – signaler = devoir – enclencher

qch si pas de progrès – faire ce qu‟on peut – ne pas renoncer

Activités plus faciles – en parler en

collectif

ECSP

1

Discuter avec E.O – rapport à E.O – compléter bilan – pas

responsable du signalement - Faire part de constats – faire le

lien – faire le point – signalement = acte responsable

Faire diverses activités

2

décision pas individuelle – participer à décision – s‟appuyer

sur son travail – discuter avec E.O - Pas de progrès avec

diverses mesures = signaler - Toujours une partie de

responsabilité – endosser responsabilité mais pas seule –

entrer dans l‟apprentissage différemment que E.O – signaler =

acte responsable – pas lâcher élève

3

Accompagner – trouver arguments – parler à E.O – réfléchir –

alerter – observer fonctionnement élève – convaincre –

discuter avec DIR – mettre en route - Pas de vision complète

donc parler à E.O pour voir si signalement – responsabilité

partagée – endosse pas responsabilité car pas de profil entier

de l‟élève – responsabilité de convaincre mais pas de signaler

– co-actrice– alerter – voir si élève pareil en classe et avec

ECSP

Parler – expliquer

4

Pas de prise de décision – soutien – discuter – rapport - Pas

vraiment responsable car c‟est E.O –responsabilité dans

discussions – pas prendre décision à la légère et pas pour se

débarrasser – faire le tour de la question – pas lâcher mais pas

surinvestir – déléguer responsabilité pour décision –

responsabilité de l‟élève – responsabilité pas entière – pas

forcément à nous de l‟aider

Apprentissages – aide à accepter

processus - encouragements

5

Accompagner – soutenir – discuter de ce qui est remarqué –

bilans – parler – donner avis – rendre des compte – modérer –

avoir des traces - Pas laisser au hasard – pas trainer –

responsabilité partagée – aider élève – responsabilité toujours

un peu présente même au départ d‟élève

Pas lâcher – faire apprendre – aider

élève

Page 104: Master - UNIGE

103

A la lecture de nos résultats qui figurent dans le tableau 13, nous observons que

l‟ensemble des acteurs du groupe 1 (directeurs, enseignants ordinaires, enseignants chargés de

soutien pédagogique) investissent beaucoup leur rôle, à en juger par le nombre plutôt élevé de

propos recueillis. Toutefois, en examinant leurs propos, on peut constater qu‟ils ne sont pas de

même nature et se distinguent selon les groupes de professionnels.

En effet, il apparaît tout d‟abord, que les enseignants ordinaires évoquent davantage

leurs responsabilités administratives telles que la rédaction du bilan de compétences de

l‟élève, le signalement au directeur, la justification du signalement : « c‟est à nous d‟écrire, on

a un rapport à faire » ou encore : « on doit expliquer quelles sont les compétences de l‟enfant,

les difficultés, etc. » (E.O.3).

Pour leur part, les enseignants chargés de soutien pédagogique expriment également des

charges administratives tout en ayant de cesse de rappeler qu‟il n‟est pas de leur ressort de

signaler : « je n‟ai pas de responsabilité au niveau d‟un signalement direct » (ECSP 1). Par

contre, ils se voient davantage dans un rôle de soutien et d‟accompagnement : « moi

j‟accompagne ce processus, je soutiens l‟enseignante » (ECSP 5). Nous pouvons donc

constater, qu‟en se percevant davantage comme jouant un rôle d‟appui dans le processus, les

ECSP ont tendance à déléguer la responsabilité du signalement et de la décision à l‟enseignant

ordinaire. Cette enseignante (ECSP 4) explique : « moi, en tant qu‟ECSP, je suis pas vraiment

responsable, parce que c‟est son enseignante qui doit décider ». Pourtant, il est clairement

stipulé à travers le mémento d‟établissement scolaire qu‟une des charges des ECSP consiste à

s‟acquitter des décisions relevant de l‟élève avec lequel ils auraient travaillé : « participer au

suivi collégial du parcours des élèves (évaluations et décisions concernant les élèves avec

lesquels elles ont travaillé) ». Nous pouvons dès lors nous questionner quant aux véritables

marges d‟action ou aux marges de négociation des tâches et des rôles qui s‟offrent à ces

acteurs dans les décisions d‟orientation de l‟élève.

Toutefois, ils ne se déchargent pas de toute la responsabilité. Ils se perçoivent

responsables dans l‟observation de l‟élève, l‟alerte auprès de l‟enseignante ordinaire et la

discussion moyennant des traces de difficultés d‟élèves. Par ailleurs, une enseignante (ECSP

2) souligne la responsabilité d‟avoir essayé d‟enseigner différemment avant d‟aboutir au

processus de signalement : « même pratiquement, entrer dans l‟apprentissage d‟une autre

manière que l‟enseignant ». Les enseignants chargés de soutien pédagogique semblent ainsi

Page 105: Master - UNIGE

104

montrer que leur responsabilité n‟est pas moins importante que celle d‟autres acteurs, mais

qu‟elle concerne d‟autres tâches et rôles.

Les propos des directeurs convergent à montrer que leur degré de responsabilité est des

plus importants dans le processus. En effet, ils déclarent devoir assumer la décision finale :

«ma responsabilité est entière, c‟est moi qui décide du signalement ou pas et de l‟entrée en

spécialisé » (Dir.1). Ils montrent à plusieurs reprises leur impact dans l‟orientation de l‟élève :

« j‟arrive pas à me dire c‟est ma responsabilité ce qui se passe. Après par contre oui, c‟est ma

responsabilité au niveau de l‟orientation » (Dir.5) ou encore : « je peux pas dire que c‟est une

responsabilité partagée, je peux pas faire porter la responsabilité à l‟enseignant parce que c‟est

pas son rôle, c‟est le mien finalement, donc ma responsabilité est quand même plus

importante » (Dir.3). La perception qu‟ils ont de leur responsabilité est fidèle au rôle prévu tel

qu‟il est par le DIP : « prendre les décisions relatives au parcours scolaire des élèves ». Nous

pouvons toutefois nous interroger quant à la charge réelle évoquée par les directeurs qui

tendent à se percevoir seuls à « prendre les décisions ». Effectivement, quelle est la

responsabilité des autres acteurs de la scène scolaire et familiale dans la directive du DIP ?

Les Dispositions internes n°3 nous indiquent cependant que la décision finale d‟orientation

reste et « appartient aux deux inspecteurs/trices concerné(e)s », c‟est-à-dire l‟inspecteur de

l‟enseignement spécialisé et le directeur de l‟établissement scolaire ordinaire.

Les propos des différents professionnels de l‟enseignement ordinaire indiqueraient-ils

que la responsabilité sous l‟angle des tâches et des rôles, relèverait plutôt d‟une question de

hiérarchie ? A savoir que, plus on gravit les marches, plus on endosse de responsabilités ? Il

semble que cette hypothèse, ne soit pas soutenable. En effet, rappelons que les enseignants

ordinaires se sentent très impliqués dans l‟orientation de l‟élève et qu‟ils témoignent d‟une

lourde responsabilité à porter, malgré une place hiérarchique plutôt modeste au sein de

l‟institution scolaire. Métayer (1997), avance l‟idée que dans un contexte impliquant une

hiérarchie, le professionnel peut être tenté de se décharger quelque peu de sa responsabilité

prospective étant donné que son supérieur possède plus de pouvoir d‟intervention. Toutefois,

cela ne peut s‟appliquer dans ce contexte, puisque l‟enseignant ordinaire, bien qu‟ayant un

statut inférieur au directeur, doit remplir et signer le bilan de l‟élève. Ces phénomènes sont

contradictoires, attendu que les directeurs ont tendance à mettre en avant leurs responsabilités,

alors que le signalement incombe à l‟enseignant ordinaire.

Page 106: Master - UNIGE

105

Par ailleurs, cette directrice (Dir.2) rappelle l‟importance de se porter garant dans

certaines conditions, sans pour autant plaider toutes les charges : « ma responsabilité c‟est de

veiller à ce que les enseignants fassent ce qu‟il faut, c‟est de les accompagner dans ces

entretiens difficiles et ne pas les décharger complètement face à leur responsabilité ». Elle

soulève donc l‟idée qu‟un enseignant ordinaire se doit de se montrer responsable et également

d‟avoir envisagé chaque possibilité. En effet cette même directrice estime : « moi j‟ai le

devoir de dire à l‟enseignant „„vous pensez avoir bien réfléchi ? Est-ce la meilleure solution ?

Est-ce que vous avez tout tenté avec cet élève ?‟‟» D‟autres directeurs perçoivent également

qu‟une de leurs responsabilités réside dans l‟assurance que l‟enseignant se base sur des faits

tangibles : « ma responsabilité serait d‟être sûr qu‟on est bien dans un décalage par rapport

aux objectifs de 3P et pas par rapport à des attentes qui seraient elles, locales, injustifiées ».

Le DIP ajoute par ailleurs, qu‟une de leur tâche est d‟« engager, évaluer et encadrer les

équipes enseignantes » (site du DIP), directive qu‟ils semblent remplir.

Nous pouvons affirmer qu‟en définitive, chaque groupe de professionnels conçoit

endosser une responsabilité fondamentale dans le processus de signalement. Cependant, des

distinctions quant aux rôles et aux tâches ainsi qu‟au degré de responsabilité s‟observent entre

groupes en fonction du statut des acteurs.

Rôle et tâches personnels: Responsabilité envers l’élève (perceptions du groupe 1)

Le constat le plus pertinent qui ressort de nos résultats (cf. tableau 13) réside dans la

présence dans les propos de tous les acteurs, d‟un sentiment de responsabilité envers les

élèves. En effet, qu‟il s‟agisse d‟adapter les objectifs, comme l‟exprime cette enseignante

(E.O.1) : « je baisse les objectifs, je vais différencier beaucoup les tâches », ou d‟agir pour

son bien : « je n‟ai eu que comme solution de déplacer l‟élève vers un autre établissement

parce qu‟il devenait tellement stigmatisé ici que tous les parents étaient contre lui » (Dir.2),

même au sein de la classe : « je vais essayer de mettre l‟enfant à l‟aise pendant l‟année pour

éviter d‟enfoncer, d‟humilier ou que les difficultés lui sautent à la figure chaque fois qu‟il a

une feuille » (E.O.1), la plupart des acteurs semble vouloir expliquer qu‟ils se sentent

responsables d‟entreprendre ce qu‟il faut et toujours pour le bien de l‟élève. Cela montre

qu‟ils pensent agir en fonction de ce qu‟ils pensent être le mieux, selon leur conscience.

(Spaemann, 1999).

Page 107: Master - UNIGE

106

Toutefois, nous relevons une divergence entre les propos émis par les enseignants

ordinaires et les enseignants chargés de soutien pédagogique. Ces derniers se sentent

davantage responsables des apprentissages de l‟élève, même en cas de signalement. Or, cela

paraît être en contradiction avec les résultats précédents, indiquant un degré de responsabilité

moins élevé chez les enseignants chargés de soutien pédagogique. Cette nuance peut

s‟expliquer par le fait que ces acteurs placent leur responsabilité, non dans la décision de

signaler, comme évoqué précédemment, mais bien dans le suivi des apprentissages de

l‟élève : « je suis responsable de ses apprentissages, d‟essayer de continuer de l‟aider, de pas

baisser les bras » (ECSP 4) ; « malgré tout faut pas le lâcher, notre métier c‟est quand même

de le faire apprendre, donc on doit à tout prix mettre tous les moyens » (ECSP 5). Ces idées

sont en contradiction avec ce que pensent certains enseignants ordinaires : « lâcher, c‟est

arrêter d‟investir et de mettre des ambitions autour d‟un enfant qui ne pourra pas répondre et

qui va nous amener de la frustration » (E.O.2), « alors je dirais au niveau des apprentissages,

il y a un moment donné euh… […]. Par contre, je me sens responsable jusqu‟au bout de son

bien-être dans la classe » (E.O.3). Nous pouvons supposer que ces divergences sont dues à la

différence de statut et de relation par rapport à l‟élève. En effet, les enseignants ordinaires ont

davantage une relation au groupe, alors que les enseignants chargés de soutien pédagogique

travaillent en relation individuelle. D‟après le règlement d‟une école primaire, les ECSP sont

notamment « détachés de la charge d‟une classe pour apporter du soutien aux élèves en

difficultés d‟apprentissage avec une prise en charge hors de la classe par petits groupes, ou

une aide au sein de la classe ».

Un autre point qui mérite d‟être relevé est que seuls les enseignants chargés de soutien

pédagogique mentionnent l‟importance d‟expliquer à l‟élève les enjeux du processus de

signalement : « il faut parler à l‟enfant donc là aussi il faut qu‟il soit preneur, il faut qu‟on lui

explique le pourquoi » (ECSP 3) et également « l‟aider aussi à bien accepter le processus, à

lui donner des encouragements » (ECSP 4). Ces propos semblent nuancer la loi du silence qui

se manifeste dans de nombreux cas de signalement (Pelgrims, 2010). Peut-être que l‟élève a

plus d‟explications lorsqu‟il bénéficie d‟un soutien pédagogique dans la période du

signalement, ce qui n‟est pas toujours le cas, du moins entre enseignant et élève. On ne peut

affirmer que cette différence tient au statut des acteurs, mais peut-être que la position de

l‟enseignant chargé du soutien pédagogique permet davantage cette communication avec

l‟élève.

Page 108: Master - UNIGE

107

Si l‟enfant n‟est pas totalement lâché, selon les propos des professionnels, et que ceux-ci

nous paraissent encore responsables de ce dernier même lors du processus de signalement,

force est de constater malgré tout que la responsabilité n‟est pas mesurée à niveau égal. Elle

concerne davantage, chez certains, une responsabilité plus en lien avec la sécurité de l‟élève

qu‟avec ses apprentissages, comme l‟explique cette enseignante (E.O.3): « je garde la

responsabilité, mais plutôt au sein de l‟intégration, au sein du groupe-classe, du

comportement, des conflits […] des fois on doit protéger un enfant contre lui-même, ou on

protège ces camarades de cet enfant-là donc ça oui, ça c‟est ma responsabilité d‟adulte ».

Rôle et tâches des directeurs (perceptions du groupe 1)

Evoquons à présent quels rôle et tâches attribue chacun des acteurs du groupe 1 aux

autres. Voici le tableau indiquant l‟ensemble des résultats.

Tableau 14 : Rôle, tâches et responsabilité des autres, perçus par les directeurs, les enseignants ordinaires et les

enseignants chargés de soutien pédagogique (mots-clés)

Acteurs Rôle et tâches des autres

Dir. E.O ECSP E.S Parents Collègues

Dir.

1

Rôle d‟alerte Responsabi-

lité

identique

que E.O

Pas

responsa-

bilité

Mise en

danger de

l‟enfant –

approche

différente

2

Celui qui signale –

assurer dans le

travail

aider Accueillir

l‟enfant

brut

Délèguent

responsabilité

3

Responsabilité plus

importante

importante Réintégrer

division

ordinaire

4

Avoir tout fait _

objectif dans bilan

– au cœur de

responsabilité

Donner

éclairage

Nécessaires –

experts de

l‟enfant

5

Proche de l‟enfant

– erreur dans

signalement

Epauler E.O

E.O

1

grand rôle – soutenir

E.O – proposer

acteurs – venir en

classe - partenaire

Soutenir –

responsables si

refus de l‟aide

2 D‟autres chats

à fouetter

Pas donné

les outils

3

Formel- observer en

classe – démarches

administratives

Appuyer –

expliquer

dans groupe

restreint –

rôle

Page 109: Master - UNIGE

108

important

pour

soutenir et

comprendre

parents

4 Droit de

refuser

5

Venir à entretien avec

parents – observer

élève en classe

Parler

d‟élèves en

difficultés

ECSP

1

Voir élève en classe –

parler aux parents –

rôle important –

connaître enfants en

difficultés

Bilan – rôle très

important

Rôle

pendant

études

surveillées

2

Soutien –

compréhension –

jugement –

approbation ou non –

garant

Différencier –

objectifs pas

atteints –voir les

parents - E.O et

ECSP ont même

responsabilité :

enseigner le mieux

possible

Ne sais

pas

Doivent

donner accord

- partenaires

3

Vérifier : que

enseignants se

trompent pas, que

conditions requises

S‟appuyer sur

ECSP et autres

collègues – rôle

E.O et ECSP = le

même : voir

problème et

imaginer la

meilleure solution

pour élève – parler

aux parents et

enfants

Doivent être

preneurs

4

Important – aide –

soutien – nuancer –

administratif

Prend décision –

responsabilité

partagée avec

directeur – plus

grande

responsabilité –

accompagner

enfant

Accueillir

enfant –

pas

impliqué

dans

processus

- soutenir

- aide

5

Institutionnel -

démarches

Lance processus Agit pas

dans le

processus

Soutien

A priori les rôles attribués aux directeurs sont définis de manière identique chez les

enseignants ordinaires et les enseignants chargés de soutien pédagogique. Ils citent leurs

responsabilités administratives, leur rôle de soutien, de jugement et de vérification et

également d‟implication dans les rencontres avec les parents. Prenons l‟exemple de cette

enseignante ordinaire (n°1) : « le directeur a un grand rôle, c‟est de soutenir l‟enseignant,

proposer d‟autres acteurs, venir dans la classe pour constater si l‟enseignant a raison ou tord,

être partenaire un petit peu de ça ».

Page 110: Master - UNIGE

109

Nous ne constatons donc pas de différence notable concernant la perception des acteurs

quant au degré de responsabilité du directeur. Il est malgré tout intéressant de nous rendre

compte que les responsabilités évoquées ne sont pas aussi nombreuses que celles décrites par

les directeurs eux-mêmes. L‟explication provient-elle du fait que le rôle des directeurs est

récent ? Nous ne pouvons répondre à cette question étant donné le peu d‟informations à ce

sujet.

Rôle et tâches des enseignants ordinaires (perceptions du groupe 1)

Les arguments des directeurs situent le rôle des enseignants ordinaires comme étant au

centre de la responsabilité. Ils leur accordent ainsi un rôle très influant. Les propos suivants

illustrent bien la place déterminante de ces acteurs au sein du processus de signalement et tout

au long du suivi de l‟élève : « l‟enseignant titulaire, c‟est le principal acteur, il a un rôle

d‟alerte » (Dir.1), « l‟enseignant a une responsabilité au quotidien d‟assurer dans le travail

avec l‟enfant » (Dir.2), « c‟est la responsabilité la plus importante, c‟est cette personne qui

connaît l‟élève au mieux » (Dir.3) ou encore « l‟enseignant est au cœur de la responsabilité »

(Dir.4).

Les enseignants chargés de soutien pédagogique semblent pour leur part accorder aux

enseignants ordinaires un rôle identique au leur, à savoir : « l‟enseignant de soutien et

l‟enseignant de classe ont la même… doivent enseigner à tous les enfants le mieux possible,

voilà, on a la même responsabilité » (ECSP 2). Nous avions pourtant constaté que les

enseignants chargés de soutien pédagogique n‟estimaient pas avoir les mêmes responsabilités.

Ceci est clarifié dans les dires de certains qui expriment cette différence au niveau de la

décision de signalement, comme par exemple cette enseignante (ECSP 5) : « elle lance le

processus, c‟est elle qui voit le plus l‟élève dans ses apprentissages et son attitude en

général ».

Rôle et tâches des enseignants chargés de soutien pédagogique (perceptions du groupe 1)

Peu d‟enseignants ordinaires explicitent les responsabilités des enseignants chargés du

soutien pédagogique, alors que ces derniers, eux, appuient l‟importance du rôle des titulaires.

Page 111: Master - UNIGE

110

Nous pouvons avancer l‟idée que les enseignants ordinaires ne considèrent pas le rôle des

enseignants de soutien comme impliquant de nombreuses responsabilités.

Pourtant, les directeurs indiquent le contraire. D‟après la plupart d‟entre eux, les

enseignants chargés de soutien pédagogique ont un rôle influant dans le processus de

signalement. Néanmoins, si certains y voient « la même responsabilité qu‟un enseignant

titulaire » (Dir.1), d‟autres estiment qu‟il s‟agit davantage d‟« une responsabilité où l‟on

épaule l‟enseignant ordinaire » (Dir.5). Ce dernier extrait rejoint les perceptions des

enseignants chargés de soutien pédagogique quant à leur degré de responsabilité qui

s‟apparente, rappelons-le, davantage à une forme de soutien et d‟accompagnement.

Rôle et tâches des enseignants spécialisés (perceptions du groupe 1)

Il ressort principalement du tableau 14 qu‟aucun enseignant ordinaire n‟évoque le rôle

des enseignants spécialisés. Cette constatation appelle plusieurs hypothèses. Premièrement, il

peut s‟agir de la méconnaissance des responsabilités de ces derniers. Cette supposition se

retrouve chez cette enseignante chargée du soutien pédagogique (n°2) : « je connais pas assez

bien le travail des enseignants spécialisés, je sais pas… ». Nous avions auparavant évoqué le

manque de collaboration entre les filières ordinaire et spécialisée, ce qui peut donc aussi se

signaler dans l‟ignorance des rôles de chacun. Effectivement, qu‟un enseignant ne connaisse

« pas assez bien le travail des enseignants spécialisés » pour ainsi ne pas dire qu‟il ne le

connaît pas du tout, rend compte de l‟urgence de la situation dans le probable clivage résidant

entre les deux filières. La question que nous pouvons de suite nous poser est de savoir sur

quelles connaissances cette ECSP se base, lorsqu‟elle a à agir dans le cadre d‟un signalement

d‟élève. Bien que la restructuration de l‟enseignement spécialisé est en cours, les

professionnels de l‟ordinaire et du spécialisé ne sont-ils pas finalement tous regroupés sous la

tutelle d‟un même organisme, à savoir le Département de l‟instruction publique ? Il semble en

effet, qu‟un minimum de connaissance du travail des partenaires de l‟instruction publique

serait nécessaire pour assurer une cohérence entre les filières ordinaires et spécialisées. Une

des priorités du Département de l‟instruction publique (site DIP) est de « Renforcer la

cohérence et la qualité du système scolaire ». Cependant, notons que ces priorités sont liées

aux élèves, et non aux fonctionnaires de l‟instruction publique.

Page 112: Master - UNIGE

111

L‟absence d‟évocation du rôle de l‟enseignant spécialisé peut aussi provenir du fait que

l‟enseignant spécialisé n‟intervient pas directement ou pas du tout dans le processus du

signalement, il n‟a pas de responsabilité en conséquence, comme l‟estiment un directeur

(n°1) : « il n‟a pas de responsabilité » et un enseignant chargé du soutien pédagogique (n°5) :

« l‟enseignant spécialisé, dans le processus il agit pas de toute façon, lui il vient après,

donc…» .

Relevons que les quelques acteurs qui se risquent à attribuer des responsabilités aux

enseignants spécialisés avancent plutôt l‟accueil de l‟élève, l‟aide à accepter le choix

d‟orientation, ainsi que la responsabilité d‟aider l‟élève à réintégrer la division ordinaire.

Nous comprenons par là, que ces acteurs s‟appuient sur leurs propres espoirs

„„déculpabilisant‟‟ ou la visée prioritaire de l‟OMP, comme nous l‟avons déjà aperçu :

« l‟objectif général est la réintégration, si possible, de l‟élève dans l‟enseignement ordinaire »

(site de l‟OMP). Mais nous pouvons émettre quelques étonnements, l‟ensemble des

responsabilités attribuées par les acteurs aux enseignants spécialisés étant, selon nous, bien

limitées, voire cantonnées à l‟après signalement comme le suggèrent le travail d‟accueil,

d‟acceptation de son orientation et la démarche de réintégration de l‟élève. Personne donc

n‟attribue à ces enseignants une responsabilité, voir une tâche lors du processus lui-même.

Autrement dit, cela veux-t-il dire qu‟ils ne considèrent en aucun cas pertinente, leur présence

au sein du processus pour accompagner l‟élève ou pour prodiguer des conseils, mener des

observations en classe et en situation didactique? Nous nous attendions à ce que certains

enseignants ordinaires expriment de telles idées qui nous auraient peut-être permis ici, de

relever une envie, un besoin d‟ouverture entre les deux filières. Mais le silence semble

renforcer l‟idée d‟un possible clivage entre l‟enseignement ordinaire et l‟enseignement

spécialisé telle qu‟avancée lors de la discussion de nos résultats liés à la collaboration.

Rôle et tâche des parents (perception du groupe 1)

Nous pouvons souligner le peu de rôles et de tâches accordés aux parents, et ceci par

l‟ensemble des acteurs scolaires interrogés. Il est souvent évoqué qu‟ils doivent endosser une

responsabilité dans le processus de signalement et par là, soutenir les acteurs scolaires lors de

la décision finale d‟orientation. Pourtant, ce directeur (n°2) prétend que « certains parents ne

veulent pas l‟assumer cette responsabilité dans le signalement » et que « les parents, c‟est des

Page 113: Master - UNIGE

112

acteurs du processus quand même… on peut pas faire sans, hein ». Toutefois, n‟omettons pas

que la décision finale d‟orienter ou non un élève dans l‟enseignement spécialisé ne revient pas

aux parents mais aux deux inspecteurs de l‟enseignement ordinaire et spécialisé (cf.

Dispositions internes n°3). Aussi, les parents perdent tous droits sur l‟enfant en cas de refus à

une réorientation. Dans ce cas, comme stipulé dans le Règlement de l’enseignement primaire,

« s‟ils ne peuvent admettre les décisions prises, ils renoncent de ce fait à faire instruire leurs

enfants dans une école publique » (Article 26, al. 3, 1993). Comment alors assumer la

responsabilité lorsque les parents ne sont pas partenaires du processus de signalement, ni de la

décision selon la loi (comme vu dans le règlement) et dans les faits (Babel & Bourrit, 2004).

Certains acteurs vont même plus loin en pointant du doigt le peu de responsabilité

assumée par les parents comme cet enseignant (E.O.1) : « si les parents sont pas derrière nous

pour nous soutenir », « la responsabilité revient aux parents qui ont refusé de prendre toute

l‟aide nécessaire dans l‟école », « ils délèguent pas, ils s‟impliquent pas ! les trente dernières

années ça se passe comme ça, on laisse gentiment… ils sont quand même obligés de

s‟impliquer un minimum dans l‟éducation des enfants » (ECSP 3), « je pense que je fais

beaucoup plus de chemin qu‟ils n‟en font et ce que j‟espère c‟est qu‟ils en fassent dans le sens

de leur enfant pour accepter les difficultés » (ECSP 4) et encore : « il y a des adultes qui ne

sont pas très cohérents, des adultes qui s‟opposent de toutes leur force à une nouvelle

orientation, et le gosse, il navigue » (ECSP 2). Ces propos exemplifient de manière claire

l‟idée que les acteurs scolaires infèrent des rôles aux parents qu‟ils ne tiennent pas, selon eux.

Ici, il nous paraît évident que le degré de responsabilité rime avec celui lié à la

culpabilité, comme aperçu dans les apports théoriques (Desbons & Ruby, 2004). En effet, la

culpabilité est souvent mise en relation avec la responsabilité, puisque cette dernière engendre

des actions qui engendrent elles-mêmes parfois un sentiment de culpabilité. Dès lors que des

parents refusent l‟aide de l‟école, sont-ils nécessairement rendus coupable de l‟orientation de

leur enfant en classe spécialisée ?

Rôle et tâches des collègues (perception du groupe 1)

Signalons que seuls trois acteurs confèrent une responsabilité à leurs collègues. Il s‟agit

de l‟enseignante n°5 : « c‟est vrai que quand nous on attrape des enfants de la volée d‟avant

Page 114: Master - UNIGE

113

et puis qu‟on en a jamais entendu parler, puis que c‟est un cas difficile et puis que la maîtresse

d‟avant, elle a pas fait son travail de dire aux parents ça va pas, etc. bin elle a le beau rôle

parce que c‟était la gentille maîtresse, parce qu‟elle a rien dit et puis nous, on s‟attrape les cas

des autres » et de l‟enseignante chargé du soutien pédagogique n°1 : « les autres enseignants

aussi ont un rôle dans le sens où on s‟occupe à tour de rôle des études surveillées ». Les

collègues portent une responsabilité à travers le fait qu‟ils sont amenés à être en contact, à un

moment ou l‟autre avec un élève à signaler. Ces deux protagonistes pensent qu‟il est donc

vital d‟assumer cette responsabilité, également vis-à-vis des collègues.

Outre ces deux acteurs, citons également les paroles de cet enseignant ordinaire (n°2) : «

on dit que ce sont des enfants qui n‟y arrivent pas… bin c‟est pas qu‟ils n‟y arrivent pas, c‟est

qu‟on leur a pas donné les outils ». Nous nous sommes interrogées de savoir si cet enseignant

parlait de l‟institution en général, donc y compris de lui-même, des parents, ou des

collègues… En effet, comme nous l‟avons signalé dans les apports théoriques (Desbons &

Ruby, 2004) l‟utilisation du pronom personnel on a pour conséquence de voiler l‟individu

dont il est question et de le décharger ainsi de sa responsabilité. Pouvons-nous alors prendre le

risque de proposer que cet enseignant parle finalement de lui-même et se déleste, par

l‟utilisation du pronom on, de sa responsabilité ? Néanmoins, nous avons fait le choix de

placer ces propos dans la sous-dimension « collègues », car c‟est d‟eux dont il semblait parler.

Il affirmerait par là que certains collègues ayant eu en charge ces élèves, n‟auraient pas pris

toutes les responsabilités qu‟ils auraient du.

Nous pouvons donc constater qu‟il existe certaines différences entre les groupes de

professionnels, notamment dans l‟abstention d‟énoncés de responsabilités chez les autres

acteurs. Toutefois, ces écarts ne peuvent être envisagés comme significatifs, puisqu‟on ne

peut savoir si les acteurs n‟en ont parlé en raison de méconnaissances, ou d‟estimation d‟une

moindre responsabilité. Mais nous pouvons émettre l‟hypothèse selon laquelle les propos

recueillis tendent à plaider la culpabilité d‟une responsabilité rétroactive, en d‟autres mots, la

responsabilité est de l‟ordre des enseignants ou acteurs scolaires précédant qui ont manqué à

leur tâche. La responsabilité est ainsi fortement déléguée. Mais, n‟aurait-il pas plutôt été de la

responsabilité morale de l‟enseignante n°5 de se renseigner davantage sur les élèves qu‟elle

allait recevoir dans sa classe ? Ou encore, n‟incombe-t-il pas davantage à l‟enseignante n°2 le

fait que ses élèves n‟y arrivent pas ? Ne faut-il pas tâcher d‟aller de l‟avant en acceptant la

responsabilité des apprentissages qui est de son ressort au détriment de l‟inculpation

Page 115: Master - UNIGE

114

rétrospective d‟une responsabilité qui ne pourra, dès lors, modifier grand chose ? Cet exemple

tend à démontrer une nouvelle fois, le manque de liens et de collaboration y compris au sein

même d‟une filière, en l‟occurrence l‟enseignement ordinaire, au risque de condamner ses

responsabilités.

6.3.2. Rôles, tâches et responsabilité des uns et des autres : perception des

enseignants spécialisés (groupe 2)

A présent, nous allons nous focaliser sur les résultats du groupe 2, à savoir les

enseignants spécialisés, acteurs arrivant à la fin du processus.

Rôle et tâches personnels : responsabilité dans le processus de signalement (enseignants

spécialisés)

Les résultats de cette dimension sont indiqués dans le tableau 15 à la page suivante.

Page 116: Master - UNIGE

115

Tableau 15 : Rôle, tâches et responsabilité perçu par les enseignants spécialisés (mots-clés)

Acteurs Rôle et tâches personnels Rôle et tâche des autres

E.S.1

Trouver autres stratégies

Lâcher prise

Projet d‟élève

Même responsabilité que E.O

Degré de responsabilité

Suivi

Part de responsabilité

Responsabilité immédiate

Degré de responsabilité

Responsabilité complexe

Ne pas signaler est irresponsable

Décision finale

Soutien de ECSP pour E.O

E.O a obligation de parler à supérieur

Influence des parents

E.S.2

E.S spectateur du processus

Ambigüité du mandat

Incertain du choix

Prendre élève brut

Degré de responsabilité

Responsabilité importante

Responsabilité lourde

Parents s‟opposent

Limite de l‟aide

Signaler c‟est responsable

Pas oser signaler manque de sagesse

E.S.3

Pas de responsabilité dans l‟accueil

Pas trop connaître enfant

Prendre élève brute

Rappeler limites de l‟élève

Responsabilité d‟élève

Même responsabilité entre E.O et E.S

Responsabilité des parents

Se protéger

Faire confiance aux autres acteurs

Implication parents

Décision finale parents

E.S.4

Sas de décompression

Danger à aider parents

Pas réparer erreurs du passé

Déléguer responsabilité

Placer priorités

Profils parents

Peu implication parents

E.S.5

Accueil

Se sentir responsable

Reconstruire élève

E.S accepte plus que E.O

Balle dans leurs camps

Parents mettent pieds au mur

Elèves doivent se mobiliser

Nous relevons en premier lieu que les enseignants spécialisés n‟ont pas la même vision

de leur responsabilité. Cependant, ils s‟accordent tous pour dire que celle-ci est partagée. Pour

exemple, voici ce que nous dit cet enseignant (E.S.1) : « on a une part de responsabilité mais

on est pas responsable en tant que tel ». On relève surtout qu‟ils estiment n‟avoir pas une

responsabilité différente des enseignants ordinaires : « la responsabilité de l‟enseignant est

identique qu‟elle soit en ordinaire ou en spécialisé mais ça paraît une évidence qu‟on se sente

investit d‟un travail à accomplir et d‟une obligation qui fait partie de notre cahier des

charges» (E.S.3).

Page 117: Master - UNIGE

116

Certains vont même jusqu‟à affirmer qu‟ils se sentent peu ou pas responsables, en

rejetant cette responsabilité soit sur les parents, « on peut pas faire le travail des autres [en

parlant des parents]» (E.S.3), soit sur l‟élève, « je me sens peu responsable, parce que pendant

que je travaille avec les enfants, notre boulot c‟est quand même de leur montrer, comme dans

l‟ordinaire d‟ailleurs, que la balle est dans leur camps » (E.S.5), soit sur des collègues de

l‟enseignement ordinaire « responsable ça veut dire comme si j‟y étais pour quelque chose,

soit que j‟allais pouvoir tout faire pour que ça aille mieux, alors non, je pense pas avoir de

mandat, je me sens pas de réparer des erreurs que d‟autres auraient commis ».

En relevant ces résultats, on peut se demander si les enseignants spécialisés s‟orientent

davantage vers le refus d‟endosser certaines responsabilités, étant donné qu‟ils ne s‟estiment

pas impliqués directement dans le processus de signalement : « nous on voit les

professionnels agir mais on donne pas notre avis » (E.S.1). Ce même enseignant pense malgré

tout que les enseignants spécialisés ne doivent pas être impliqués davantage : « on se rend

compte que notre mandat devient très délicat parce qu‟on nous demande de rester avec le

groupe spécialisé et d‟aller à la demande du directeur et de l‟inspectrice du spécialisé, dans

leur classe pour observer les élèves susceptibles d‟un passage, ça a donné une ambiguïté, je

pense que ça serait mieux qu‟il y ait d‟autres gens, le fait d‟être de la même école, ils

finissaient par être signalés ».

Au final, en comparant avec les résultats du groupe 1, nous avons l‟impression que

chacun se rejette la responsabilité et que l‟élève passe de mains en mains, sans que personne

ni quiconque ne se sente totalement responsable de lui. Nous sommes même tentées d‟émettre

l‟hypothèse selon laquelle les acteurs renvoient la responsabilité en dernier recours à l‟élève,

comme le laisse supposer les dires de cette enseignante (E.S.5) « je me sens peu responsable,

parce que pendant que je travaille avec les enfants, notre boulot c‟est quand même de leur

montrer, comme dans l‟ordinaire d‟ailleurs, que la balle est dans leur camp ». Pourtant, il faut

rappeler qu‟il n‟a peu, ou pas eu son mot à dire durant le processus…

Par contre, nous relevons que, dès lors qu‟il s‟agit de réorienter l‟élève, les enseignants

spécialisés se sentent responsables, mais à des degrés différents selon l‟individu. Cette

enseignante (E.S.2) explique : « la responsabilité est épouvantable, elle est très lourde, on peut

se ronger les ongles car on est jamais sûrs ». Cet autre (E.S.1) nuance pourtant: « la

responsabilité reste limitée ».

Page 118: Master - UNIGE

117

Il reste donc complexe de saisir le degré de responsabilité que se donnent les

enseignants spécialisés, ainsi que la teneur de cette responsabilité, au vu des divergences

d‟opinions entre enseignants spécialisés. Toutefois, nous pouvons estimer qu‟ils ne pensent

pas avoir davantage de responsabilités que d‟autres enseignants.

Rôle et tâches personnels : responsabilité envers l’élève (perceptions des enseignants

spécialisés)

Nous nous apercevons que les enseignants spécialisés sont davantage en mesure de

définir leurs responsabilités par rapport aux élèves. Presque tous relèvent l‟importance de

l‟accueil de l‟élève comme l‟illustrent ces propos : « la première des choses à faire quand on

accueille un enfant est vraiment d‟offrir un sas de décompression, de l‟accueillir comme il

est » (E.S.4), « ma responsabilité, c‟est de l‟accueillir et de faire en sorte qu‟il puisse entrer

dans les apprentissages » (E.S.5), « l‟enfant qui vient, on le prend comme il est, on les prend

avec leur fâcherie car ils ont été rejetés de la classe ordinaire, c‟est un rejet des autres

classes » (E.S.2), « quand on reçoit, il n‟y a pas de responsabilité, la responsabilité c‟est

quand on l‟amène mais c‟est pas quand on le reçoit, quand on le reçoit la responsabilité c‟est

de lui transmettre un maximum de compétences scolaires pour le rendre le plus autonome

possible » (E.S 3) et « quand les enfants arrivent, tout est à reconstruire » (E.S.5).

Puis, vient la responsabilité de l‟apprentissage et du bien-être de l‟élève. Une

enseignante (E.S.3) rappelle également qu‟un travail inévitable est d‟aider l‟élève à

comprendre et accepter le choix du spécialisé : « on est obligé parfois de ramener les élèves

au principe de réalité car ils ne comprennent toujours pas pourquoi ils sont là, c‟est terrible

mais de faire des fiches en relation avec son âge, avec son degré pour bien lui montrer que…

c‟est tout un travail de faire accepter à un enfant le bien fondé d‟un choix en spécialisé ».

Par ailleurs, il est pertinent de remarquer que cette même enseignante (E.S.3) énonce les

propos suivants : « j‟avais moins d‟exigence par rapport à lui car je savais ce qu‟il avait

enduré, c‟est pour ça, je pense que c‟est une erreur en soit de vouloir trop en savoir ». Il est

possible d‟envisager un rapprochement avec les résultats de la perception de responsabilité

des enseignants spécialisés que nous avons traités plus haut. En effet, nous pouvons nous

Page 119: Master - UNIGE

118

demander si ceux-ci se désengagent de certaines responsabilités, afin de recevoir l‟élève tel

qu‟il est. Ne pas trop en savoir sur lui, conduit donc peut-être à se déresponsabiliser sur

certains points. On peut par ailleurs se demander quelles sont les informations pertinentes

pour que l‟enseignant spécialisé fasse son travail. Aucun d‟entre eux ne parle de bilan des

savoirs de l‟élève, de leur acquis et des savoirs en construction (Pelgrims, 2010).

Il est donc possible de percevoir un certain accord parmi les enseignants spécialisés

concernant leurs responsabilités envers les élèves, à savoir accueil et bien-être dans la classe.

On peut également mettre en avant l‟idée que les enseignants spécialisés se doivent de mettre

certaines limites à leur responsabilité. Ils montrent donc qu‟ils sont responsables légalement

des élèves, mais qu‟ils n‟ont pas le devoir de porter toutes les responsabilités dues à cette

orientation, car chacun, de l‟élève en passant par les parents et d‟autres professionnels, porte

une certaine responsabilité.

Rôle et tâches des directeurs (perception des enseignants spécialisés)

Seul un enseignant spécialisé (E.S.1) évoque le rôle du directeur. De plus, il ne parle que

d‟un aspect de son rôle dans le processus de signalement, celui de prendre la décision en

accord avec l‟inspecteur du spécialisé. Au vu des résultats, il est possible d‟en déduire que les

enseignants spécialisés considèrent peu, du moins connaissent peu les responsabilités

effectives des directeurs d‟établissements de l‟enseignement ordinaire.

Rôle et tâches des enseignants ordinaires (perception des enseignants spécialisés)

A nouveau, seul un enseignant parle du rôle de l‟enseignant ordinaire. Il s‟agit d‟ailleurs

du même enseignant que précédemment (E.S.1). Ce dernier explique qu‟un enseignant

ordinaire se doit de signaler un élève, quand il perçoit qu‟il n‟est plus en mesure de l‟aider.

D‟après lui, ne pas le signaler serait un manque de sagesse. Il met donc l‟enseignant ordinaire

face à ses responsabilités et semble montrer qu‟elles sont influentes. Il ajoute : « ne pas

signaler un élève, pourrait être un acte irresponsable ». Il montre par là qu‟il accorde

beaucoup de responsabilité aux enseignants dans le processus de signalement.

Page 120: Master - UNIGE

119

Les autres enseignants spécialisés ne s‟expriment pas sur le sujet. Nous ne pouvons

donc pas tirer de conclusions pertinentes sur la perception du rôle des enseignants ordinaires

par les enseignants spécialisés.

Rôle et tâches des enseignants chargés de soutien pédagogique (perception des enseignants

spécialisés)

Aucun enseignant spécialisé ne s‟exprime à propos du rôle de l‟enseignant chargé du

soutien pédagogique. A nouveau, est-ce un signe de la méconnaissance de ce rôle ou de l‟idée

que ces enseignants n‟ont que peu de responsabilité ?

Rôle et tâches des parents (perception des enseignants spécialisés)

Contrairement aux acteurs précédents, tous les enseignants spécialisés sont unanimes

pour reconnaître de nombreuses responsabilités qui incombent aux parents. Ils relèvent

souvent un certain désengagement de ces derniers. Un enseignant (E.S.5) s‟aventure même

dans une explication à propos de ce désengagement : « les parents, la plupart du temps,

mettent les pieds au mur parce que c‟est une souffrance pour eux de voir leur enfant en classe

spécialisée». Ces mots semblent indiquer que refus ne signifie pas nécessairement

désengagement de responsabilité de la part des parents.

Rôle et tâches des collègues (perceptions des enseignants spécialisés)

Les enseignants spécialisés ne s‟expriment pas sur les responsabilités de leurs collègues.

Cela signifie sans doute qu‟ils perçoivent la même responsabilité.

6.3.3. Rôle, tâches et responsabilité des uns et des autres : perception des

parents (groupe 3)

Il nous reste à examiner les responsabilités telles que perçues par les parents tout au long

de ce processus de signalement. Les résultats figurent dans le tableau 16.

Page 121: Master - UNIGE

120

Tableau 16 : Rôle, tâches et responsabilité perçu par les parents (mots-clés)

Acteurs Rôle et tâches personnels Rôle et tâches des autres

P.1

Se battre

Dire que ça va pas

Dire qu‟il manque bases

Tout fait

Ecole délègue

Ecole se décharge

Pas à élève de subir

P.2

Mauvaise manière de s‟y prendre

Le SMP décide seul

Inspecteur spé déresponsabilisant

Pas de choix

Besoins de é pas considéré

Se battre pour rdv

Parents doivent beaucoup agir

Signalement trop jeune

Trop imposer

Différente. Hiérarchie

Prendre sur soi

P.3

Tirer la sonnette d‟alarme seul

E.O manque à son boulot

Se battre

Inégalité de prise en charge

SMP prend pas responsabilité

Ecole prend pas responsabilité

Aucune mesure proposée

P.4

Préparer départ

Se battre

Faire tests

Expliquer à enfant

Grande responsabilité pour décider d‟où va

Enfant pousser enfant

Stimuler enfant

Donner confiance

Se mettre au niveau des enfants

Ecole pousse pas assez enfant à écrire

Propose école spécialisée

Ne pas parler d‟enfant devant collègues

E.S : grand rôle

P.5

A l‟écoute des professionnels

Laisser rôle à maîtresse

Faire ce qui est bien pour enfant

Pousser enfant

Prendre décision

Prendre responsabilité de signaler

E.O peut pas tout gérer

Faire travail au niveau de DIR et responsable

spécialisé

Préparer, demander ce qu‟en pensent les

parents

Rôle et tâches personnels (perception des parents)

Il est étonnant de constater que chaque parent souligne l‟importance de se battre,

notamment pour se faire entendre, mais aussi pour faire les démarches nécessaires, alerter les

enseignants et avoir son mot à dire. Cela peut sembler déroutant au vu des dires des acteurs

des groupes 1 et 2 qui avaient souvent tendance à accuser les parents de se désengager. Ces

quelques propos de parents (P.2) sont d‟ailleurs éloquents : « ils tiennent pas forcément

compte du besoin de l‟enfant, sur le moment j‟ai pas toujours eu l‟impression d‟être écoutée,

il a fallu qu‟on dise „„on veut aller voir‟‟ », ce parent rajoute même que : « l‟inspecteur du

spécialisé a finalement accepté mais on a du se battre pour qu‟il accepte ce rendez-vous et ça,

j‟ai pas trouvé normal, alors qu‟ils disent toujours qu‟ils sont ouverts… mais je pense qu‟ils

sont très coincés par les places qu‟ils n‟ont pas et que le choix est très limité et que les parents

Page 122: Master - UNIGE

121

n‟ont pas vraiment le choix » et termine en ces mots : « moi, ce qui m‟a beaucoup frappé c‟est

que les parents doivent beaucoup se responsabiliser, enfin beaucoup agir pour savoir ce qui se

passe avec leur enfant, ce qui va se passer avec leur enfant, avoir des bilans, ne serait-ce que

pour savoir comment il a évolué sur le plan pédagogique, les parents doivent beaucoup agir…

tout ça c‟est très difficile pour les parents ». Nous pouvons dès lors nous demander si

l‟instruction publique privilégie davantage les besoins éducatifs des élèves ou un placement

en fonction du choix limité de places ? Un autre parent semble dénoncer la part de

déresponsabilisation de l‟école : « moi ce qui m‟énervait, c‟est que c‟était toujours moi qui ai

dû… » (P.3).

Selon les parents et au vu de leurs arguments, c‟est davantage l‟école qui est

responsable : « j‟ai tout fait ce qu‟on m‟a dit, j‟ai été l‟amener partout, j‟ai vraiment tout fait

donc moi je me sens pas responsable, au contraire, je sens plus responsable l‟école » (P.1) ou

encore « alors c‟est là où j‟en veux aux maitresses qui pour moi, n‟ont pas fait leur boulot,

pour moi, elles ont pas pris leurs responsabilités » (P.3). Ce qui ressort de manière

incontestable est le décalage entre ce que disent les parents et les professionnels. Les parents

ont le sentiment de ne pas être tenu au courant des décisions prises et de devoir subir ces

décisions. Au contraire, les professionnels semblent penser que les parents refusent de

collaborer. Ce constat confirme les résultats de la recherche de Babel et Bourrit (2004) :

« nous avons pu relever qu‟il réside des manques au niveau du suivi de l‟élève entre ces deux

divisions, ainsi qu‟au niveau de l‟encadrement du parent dans cette démarche » (p. 90). Ces

auteurs ont ainsi mis en relief l‟absence de partenariat entre famille et école alors qu‟à titre

prescriptif, au niveau de la participation des parents, l‟article 37 du Règlement de

l’enseignement primaire, prévoit que « La famille et l‟école doivent collaborer à l‟éducation

et à l‟instruction des enfants ». D‟ailleurs rappelons qu‟ils n‟ont pas la possibilité de refuser

un placement de l‟élève en enseignement spécialisé et s‟ils s‟opposent, ils doivent se tourner

vers le secteur privé (Règlement de l’enseignement primaire, art. 26, 1993).

Par ailleurs, l‟hypothèse de la délégation des responsabilités de personne en personne

s‟avère encore plus vraie dans ces propos : « alors on me dit que de toute façon, on va leur

pousser les notes pour qu‟elle passe juste au cycle, ils se débarrassent du fardeau et après,

c‟est le cycle qui se débrouille. Et la responsabilité, ils se la passent, hein. La deuxième

solution, c‟est l‟école privée mais je vous dis franchement… » (P.1).

Page 123: Master - UNIGE

122

Nous observons également que les parents estiment détenir de grandes responsabilités

au niveau des choix et décisions et finalement tout au long du parcours scolaire de leurs

enfants. D‟après eux, le risque est grand de devoir simplement acquiescer à ce qui est dit,

comme le souligne cette mère (P.2): « le SMP dit „„votre enfant ira là‟‟ et c‟est là, que ça a

commencé à devenir problématique parce qu‟on a pas trop notre mot à dire ». Babel et Bourrit

(2004) ont étudié plus précisément cet aspect de l‟implication des parents dans le processus de

signalement et en sont arrivées à la conclusion « que l‟élément ressortant le plus

régulièrement du discours des parents se trouve au niveau de la douleur persistante, due à la

fois à l‟annonce-même de la situation qu‟au sentiment de manque de participation durant la

démarche » (p. 91). Cette mère surenchérit en précisant : « c‟est vrai que je trouvais l‟attitude

des inspecteurs presque déresponsabilisante vis-à-vis des parents, ils ont toujours été polis

hein mais ça faisait du style „„ si ça vous plait pas, vous allez voir ailleurs‟‟ ».

Nous pouvons dès lors nous interroger quant à la part de responsabilité qui incombe aux

parents lors du processus de signalement de leur enfant. Comme aperçu dans les Dispositions

internes n°3 de l‟enseignement primaire genevois, le recours aux parents est obligatoire aux

entretiens précédant toute prise de décision. Toutefois, précisons que la décision de transfert

de l‟élève dans l‟enseignement spécialisé n‟appartient légalement qu‟aux inspecteurs

concernés. Questionnons-nous dès lors sur la marche de manœuvre qui subsiste aux parents.

Le recueil de certains propos d‟acteurs scolaires et notamment ceux de directeurs,

d‟enseignants ordinaires et d‟ECSP tend à démontrer, lorsque ceux-ci évoquent la

responsabilité des parents dans le processus de signalement de l‟élève, que les parents ont le

droit, selon eux, de refuser un placement en classe spécialisée si celui-ci leur est imposé, alors

que comme les Dispositions internes n°3 l‟exigent, l‟élève peut légalement être orienté vers

une filière de l‟enseignement spécialisé et ce, sans l‟accord de ses parents.

Remarquons qu‟à ce sujet, ce règlement ne reste que peu explicite quant aux démarches

qu‟ils peuvent actionner et ne semble éclairer en rien par exemple, si les parents ont le droit

d‟aller ou non visiter la filière pensée pour pallier aux difficultés de l‟enfant. Certains le font,

alors que pour d‟autres, comme nous l‟avons illustré précédemment, il faut se battre pour en

réclamer le droit. En revanche, il est stipulé que les parents perdent tous droits sur l‟enfant en

cas de refus à une réorientation. Les limites d‟actions sont donc clairement mises en avant à

contrario des droits effectifs que les parents peuvent réclamer durant ce processus pour ne

Page 124: Master - UNIGE

123

citer, par exemple, que celui d‟être mis au courant de manière explicite des mesures qui seront

prises.

Rôle et tâche des autres (perception des parents)

Il est frappant de relever que l‟ensemble des parents incriminent l‟école en affirmant

qu‟elle n‟endosse pas ses responsabilités. Certains attribuent ce fait aux lenteurs

administratives comme l‟entend ce parent (P.1) : « par rapport à la responsabilité, maintenant

l‟école se décharge, effectivement parce qu‟il n‟y pas les moyens, les budgets… bin je pense

qu‟ils auraient du aller plus vite, il y a pas eu cette responsabilité à ce moment là, son passage

aurait été beaucoup plus rapide maintenant au bout, on se retrouve en 6P en situation où elle

va passer au cycle et où il n‟y a pas de continuité dans le cycle », il continue même :

« j‟estime que c‟est pas à un enfant de subir cette responsabilité parce qu‟il est en dehors de

ça, du processus, de la lenteur administrative… je pense que c‟est plutôt à l‟école ».

D‟autres attribuent la responsabilité à l‟école en général, et plus particulièrement aux

enseignants ordinaires et inspecteurs spécialisés : « le SMP non plus, ils ont pas bien fait leur

boulot, ils l‟ont pas prise en charge alors là, je crois que la pédiatre, elle mettait une bombe au

SMP ! Ma fille est allée jusqu‟à vomir sous le préau pour pas aller à l‟école, elle s‟arrachait

les cheveux en plus, elle se taillait les doigts dans le taille crayon !» (P.3). Un autre parent

(P.2) évoque une orientation peut-être trop hâtive : « je pense que l‟école aurait pu continuer à

aider ma fille, à lui mettre des aides, je pense que son enseignante aurait du être plus ouverte,

enfin si un enfant ne fait pas exactement ce qu‟on lui demande de faire en 2E… en tout cas

moi, ça m‟avait choquée cette attitude mais je crois que ça la dépassait », ce parent continue

en ces mots : « peut-être par manque de formation, par manque de… en tout cas, ça nous avait

heurté en tant que parents, en disant que si à cet âge là, on peut pas intégrer un enfant et tenir

compte de ses difficultés dans une classe de ce type là... ».

Les dires de ce parent rejoignent les arguments émis par certains acteurs scolaires lors

du chapitre traitant des critères évoqués quant au signalement ou non des cas fictifs d‟élèves.

Cependant, ici le parent ne perçoit pas que l‟école ait mis en place toutes les aides de soutien

nécessaire pour continuer à scolariser son enfant en 2E. Comme nous l‟avions déjà évoqué,

l‟article 26 du Règlement de l’enseignement primaire, rend compte que chaque enfant a le

Page 125: Master - UNIGE

124

droit de poursuivre une scolarité définie selon ses besoins éducatifs et que le passage en classe

spécialisée prend part lorsque l‟ensemble des moyens mis à disposition par les différents

acteurs proches de l‟élève, ne s‟impose plus comme de précieux outils face aux difficultés

scolaires de l‟enfant. Dans le cas de ce parent, la question que nous pouvons nous poser est de

savoir si l‟enseignante de sa fille a déployé absolument toutes les mesures possibles pour

garder en son sein l‟élève de ce parent ? En effet, comme le rappelle Doudin (1996), la

différenciation structurale ne résout pas de manière systématique l‟ensemble des difficultés

que peut rencontrer l‟élève. Il s‟avère donc erroné de croire que la différenciation de

l‟enseignement aille de soit avec cette filière spécialisée.

D‟autres enfin, n‟incriminent pas nécessairement les enseignants ordinaires, mais

davantage les inspecteurs : « je pense qu‟il y a un travail à faire au niveau de l‟inspectrice, de

la responsable du spécialisé, plus qu‟à l‟enseignante, elle a fait son travail » (P.5). On pourrait

croire en découvrant ces lignes que les parents n‟assument pas leurs responsabilités. Ce n‟est

pourtant pas ce qui transparait en relevant les termes qu‟ils utilisent pour montrer leur

implication. Par ailleurs, cette mère explique : « l‟école a une responsabilité parce que tout

enfant doit être scolarisé, les parents en ont aussi une, ils doivent être partie prenante ». Elle

démontre par là que les parents sont conscients de leur responsabilité et qu‟ils ne la fuient pas.

Il est possible que ce qui peut être interprété comme une déresponsabilisation est finalement

la recherche de ce qui semble être le mieux pour l‟enfant.

A l‟issu de l‟ensemble des résultats de notre troisième question de recherche, qui a pour

but de saisir la perception que les acteurs ont de leurs rôles et de leurs responsabilités durant

le processus de signalement, nous pouvons émettre quelques éléments de réponses. Il ressort

de manière significative, qu‟en dépit de s‟attribuer des rôles et des tâches d‟intensité

différente, l‟ensemble des acteurs a tendance à déléguer la responsabilité à d‟autres. En effet,

d‟une part les directeurs évoquent leur importante responsabilité, d‟autre part leurs discours

tend à mettre l‟enseignant face à ses responsabilités ce qui semble être contradictoire. Il

ressort aussi nettement que les enseignants spécialisés perçoivent davantage leurs rôles et leur

degré de responsabilité au niveau de l‟accueil de l‟élève et de son intégration en classe,

omettant ainsi de faire état des compétences de l‟élève. Un autre aspect à considérer est que

les parents perçoivent leur rôle comme un combat pour faire partie intégrante de la décision et

du choix du parcours scolaire de leur enfant. Par ailleurs, ils expriment qu‟ils n‟ont pas assez

la possibilité d‟invoquer leurs responsabilités tout au long du processus, pointant par là-même

Page 126: Master - UNIGE

125

et de manière paradoxale la déresponsabilisation de l‟école. En effet, rappelons que le

Règlement de l’enseignement primaire, (art. 26, 1993) stipule que les parents doivent

scolariser leur enfant hors de l‟enseignement public, si ceux-ci s‟opposent à un placement

dans l‟enseignement spécialisé.

6.4. Les limites de la responsabilité dans le processus de signalement et les

dimensions socio-affectives : résultats

Les acteurs semblent postuler que leur responsabilité n‟est pas infinie. Nous allons donc

à présent voir quelles causes ils invoquent pour affirmer que la responsabilité est limitée.

Ainsi, nous allons présenter les résultats liés à notre quatrième question de recherche qui est :

Quelles sont les causes invoquées aux limites de la responsabilité et quelles dimensions socio-

affectives se dégagent des acteurs scolaires ?

6.4.1. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (groupe 1)

Le tableau 17, à la page suivante, rend compte des résultats du groupe 1.

Page 127: Master - UNIGE

126

Tableau 17 : Les limites de la responsabilité dans le processus de signalement et les dimensions socio-affectives

évoqué par les directeurs, les enseignants ordinaires et les enseignants chargés de soutien pédagogique (mots-

clés)

Acteurs Causes internes Causes externes Dimensions socio-affectives

Dir.

1 Tant qu‟il est dans établissement - Lâchent quand

part

2 Quand enfant quitte école Choix incertain –

Assumer responsabilité - échec

3 Cahier des charges

4

5 Lâché contrôlé de

l‟élève

E.O.

1

Si a fait son travail Pas de place en spécialisé – refus de l‟inspecteur –

refus d‟aide de la part des parents -responsabilité

s‟arrête en fin d‟année ou jusqu‟au départ de

l‟école – si parents suivent pas : lâche

responsabilité

Coupable si enfant qui aurait du

être signalé ne l‟est pas

2

Problème politique – école limitée – enfant ne

correspond pas au moule – école à la croisée de :

difficultés cognitives, situations sociales, situations

politiques – institution = mur – refus des parents –

problème dans la famille – barrages font lâcher

Responsabilité tourne à

culpabilité – motivation,

angoisse face à situations

d‟enfants – culpabilité de ne pas

y arriver

3

Pas d‟acharnement

pédagogique - si fait

le maximum : pas

responsable

Autres choses empêchent élève d‟avancer - pas

responsable de situation familiale – pas magicien –

ne pas se rendre malade – responsable si pas sûre

du départ de l‟élève – responsabilité apprentissage

dépend de proximité du passage

Pas se culpabiliser si fait le

maximum

4

Perdre trop d‟énergie

– ça sort des

compétences – ne pas

surinvestir

Refus des parents – manque de collaboration des

parents

Surinvestissement

5 plus responsable si élève plus dans la classe

ECSP 1

Parents – responsabilité jusqu‟à prise en charge du

spécialisé – responsabilité tant que l‟élève est là

2

3 Pas psychiatre – pas

de miracle –

Enseignant limité

Parents – direction – disponibilité de l‟élève

4

5 On est pas grand

chose – pas dans les

compétences –

manque

infrastructures

Parents – directeur – pas de place en spécialisé -

Causes internes (groupe 1)

Il est tout d‟abord intéressant de remarquer qu‟un seul acteur du groupe des directeurs

(n°5) évoque une cause interne d‟une éventuelle limite de la responsabilité. Nous pouvons en

déduire que les directeurs ne se sentent pas forcément les plus concernés dans la

responsabilité des élèves, puisqu‟ils prennent souvent le processus en route. Par ailleurs, il est

Page 128: Master - UNIGE

127

surprenant d‟identifier que la limite apposée par la directrice n°5 fait référence à la

responsabilisation. Il s‟agit de l‟idée qu‟il faut viser notre propre constitution de la

responsabilité, car si la responsabilité est imposée, elle risque fort de conduire à l‟effet

inverse, à savoir l‟irresponsabilité (Desbons & Ruby, 2004). En effet, cette directrice avance :

« c‟est le paradoxe de l‟aide, si on ne lâche jamais, ça déresponsabilise l‟élève aussi, il faut le

lâcher à un moment donné, un lâché contrôlé, y a donc des limites dans la responsabilité ». La

limite de la responsabilité tient, selon elle, au fait qu‟il faut pouvoir passer le relai à l‟élève

pour ainsi le responsabiliser. Cette remarque n‟est présente chez aucun autre acteur. Nous

pouvons avancer l‟idée que cette notion de responsabilisation n‟est que peu ou pas travaillée à

l‟école.

Une autre observation réside dans la proximité de la teneur des propos autant chez les

enseignants ordinaires que chez les enseignants chargés de soutien pédagogique. En effet,

nous pouvons dégager plusieurs idées forces de causes internes liées à la limite de la

responsabilité. Ces dernières sont principalement le manque de compétences et l‟impression

d‟avoir fait le maximum. Nous pouvons citer l‟exemple de cette enseignante (E.O.3) : « je me

sens pas la responsabilité, il y a un moment donné, si je sais que j‟ai tout mis en œuvre pour

qu‟il progresse et qu‟il y arrive pas… ». Cette dernière justifie la limite de sa responsabilité

dans le fait d‟avoir tout mis en œuvre dans ce qu‟elle juge possible d‟apporter à l‟élève pour

l‟aider. Seulement, il est important de relever et qu‟aucun ne remet en cause son

enseignement. On peut avancer l‟hypothèse que ces résultats montrent la complexité

d‟impliquer réellement sa propre responsabilité.

D‟autre part, ces dires questionnent le cahier des charges de ces acteurs scolaires. Il

existe souvent un grand écart entre travail prescrit et travail réel. Or, ces résultats viennent

confirmer ces propos, puisque les professionnels interrogés ont leur propre définition de la

limite de la responsabilité. Ce fait se heurte à l‟idée qu‟il existe un conflit entre les normes (le

cahier des charges) et la subjectivité des individus (Pattaroni, 2005). On perçoit donc que la

question de responsabilité provient souvent de la sensibilité de chacun et non de normes ou

d‟obligations précises (Métayer, 1997).

Par ailleurs, les causes de cette limite font souvent référence à la certitude du devoir

accompli. Comme le dit cette enseignante (E.O.1): « ça me pose pas plus de problème que ça,

j‟ai fait mon travail ». Mais qu‟appelle-t-on dans ces cas précis « avoir fait son travail » ?

Page 129: Master - UNIGE

128

Comme nous l‟avons vu, il est complexe de répondre à cette question étant donné que chaque

acteur définit, quelque part, sa propre compréhension du cahier des charges.

Causes externes (groupe 1)

Les directeurs ne citent pas de propos permettant d‟établir des causes externes liées à la

limite de la responsabilité. Ce constat déteint avec le reste des groupes de professionnels

puisque ceux-ci en citent plusieurs. Nous avons mentionné dans les résultats de notre

troisième question spécifique que les directeurs s‟octroient de grandes responsabilités. Cela

explique peut-être qu‟ils ne semblent pas limiter celle-ci. Par contre, selon les enseignants

ordinaires et les enseignants chargés de soutien pédagogique, de nombreuses causes seraient à

l‟origine de la limite de la responsabilité. Ils invoquent le plus souvent dans le cas d‟un

signalement accepté, la proximité du passage et le départ de l‟élève. Pour exemple, cette

enseignante ordinaire (E.O.5) pense n‟être « plus responsable dès l‟instant où ils ont quittés

l‟école », ou « jusqu‟à ce qu‟il parte de l‟école » (E.O.1), « euh moi je vais continuer à

travailler avec elle, jusqu‟à ce qu‟elle soit prise en charge par le spécialisé » (ECSP 1). Cette

enseignante (E.O.3) invoque même une question de temps : « si on sait que le passage en

spécialisé se fait le mois suivant euh bon voilà, peut-être qu‟au niveau scolaire, bon… ». On

peut rapprocher cette conception des théories classiques sur la notion de responsabilité, à

savoir que ces acteurs semblent se montrer responsables de ce qu‟ils font, mais non de ce

qu‟ils ne font pas (Desbons & Ruby, 2004). Ils semblent donc distinguer action et omission,

en montrant que leur responsabilité n‟est mise en cause que dans leurs agissements. Ainsi

donc, ils ne s‟engagent pas vers une responsabilité dite prospective, assurant une éventuelle

continuité dans la responsabilité.

L‟ensemble de ces arguments nous appelle donc à nous interroger sur la responsabilité

morale de ces individus. Dans chaque groupe de professionnels se retrouve cette idée de

délégation de la responsabilité à une tierce personne. Toutefois les directeurs relatent que ce

passage de la responsabilité à d‟autres ne signifie pas qu‟ils ne s‟informent pas de l‟évolution

de l‟élève : « après, on peut prendre des nouvelles, mais du cahier des charges, on a plus rien

à voir » (Dir.3).

Page 130: Master - UNIGE

129

Par ailleurs, certaines causes bloquant le processus de signalement, sont considérées

comme des limites à la responsabilité des acteurs scolaires. Les plus citées sont le refus des

parents, et le manque de place en spécialisé. Il semble que c‟est à partir de ces refus que les

acteurs limitent leur responsabilité. L‟incrimination des parents comme obturateurs de

responsabilité rappelle les critères évoqués, notamment par les directeurs, pour signaler un

élève. Comme démontré dans la recherche de Schubauer-Leoni (2000), « les résultats

montrent que tout le monde s‟accorde à dire que les hésitations tiennent au refus possible des

parents » (p. 51). Même si, dans notre présente recherche, nombreux invoquent le refus

possible des parents dans l‟éventuelle orientation de l‟élève vers le spécialisé, nous ne

pouvons généraliser ce propos à l‟ensemble des acteurs de la scène scolaire. A titre

d‟exemple, relevons les propos d‟une enseignante ordinaire (E.O.4) : « je ne me sens plus

responsable peut-être à partir du moment où les parents refusent… ouais si je sais qu‟à

l‟avenir je vois qu‟il y a pas de collaboration, je vais pas non plus surinvestir ». Elle semble

ainsi déléguer la responsabilité aux parents et se décharge par la même occasion de la sienne.

Cette autre enseignante ordinaire (E.O.1) mentionne également le refus des parents comme

une interruption de sa responsabilité : « là moi je baisse les bras avec l‟accord de la direction

je baisse les bras en disant : j‟ai tout fait ce qu‟il fallait, je prends plus la responsabilité, là je

lâche la responsabilité ».

Si nous comparons à présent les raisons données de la dimension « causes internes » et

celles de la dimension « causes externes », il est frappant de découvrir le nombre supérieur de

propos dans la deuxième dimension évoquée. Cette observation pousse à croire que les

enseignants ordinaires et les enseignants chargés de soutien pédagogique se remettent peu en

cause, voire pas du tout, en évoquant la limite de la responsabilité à des causes extérieures à

eux-mêmes. A ce sujet, en parlant des classes spécialisées, la recherche de Casanova montre

qu‟« on pourrait penser que l‟on maintient ces classes ainsi pour préserver les classes

ordinaires, qui n‟ont plus à se charger de ces élèves perturbateurs, pour dédouaner les

enseignants de cet échec, et les dispenser de remettre en question certaines de leurs pratiques»

(1999, p. 17).

Comme nous l‟avons dit, presque tous les acteurs scolaires signalent des limites à leur

responsabilité. Ces résultats évoquent l‟idée que la responsabilité ne peut pas prendre en

compte toutes les conséquences des actions que nous faisons ou non. En effet, cela supputerait

un nombre presque illimité de responsabilités ce qui impliquerait que les acteurs scolaires

Page 131: Master - UNIGE

130

n‟auraient aucune limite dans celles-ci (Spaemann, 1999). Les acteurs proposent ainsi

diverses causes dont on pourrait croire qu‟elles les poussent à se déresponsabiliser, alors qu‟il

s‟agit peut-être finalement de mettre des limites à leur responsabilité, sachant que celle-ci ne

peut être infinie.

Dimensions socio-affectives

Bien que les acteurs du groupe 1 mettent des limites à leur responsabilité, il n‟en ressort

pas moins des entretiens qu‟ils ressentent une certaine culpabilité lorsqu‟ils évoquent ces

mécanismes de signalement. Un enseignant fait référence à la souffrance est liée à la

responsabilité. En effet, le fait d‟être responsable de quelqu‟un ou de quelque chose aspire à

se demander si l‟on agit de manière juste ou non et peut amener à ressentir une certaine

culpabilité, donc de la souffrance à supporter ces sentiments (Desbons & Ruby, 2004). Voici

ce que cet enseignant expose: « le problème, c‟est qu‟on est toujours très motivé par les

situations des enfants et je dirais même que dans certains cas, on est carrément angoissé »

(E.O.2). On remarque donc qu‟il arrive de se sentir coupable de ne pas parvenir à exercer son

métier autant que faire se peut. Il arrive un moment qui semble mettre en évidence le fait que

dans certaines situations, l‟être humain est limité dans ses actions et n‟a plus de ressources

internes pour agir, ce qui amène parfois à un sentiment de culpabilité.

Par ailleurs, relevons les dires de cette autre enseignante (E.O.1) : « alors ce qui me

toucherait beaucoup c‟est que je sois responsable d‟un enfant que j‟ai pas signalé que j‟aurais

du, c‟est-à-dire si j‟ai un enfant qui souffre dans ma classe et que j‟ai pas fait le nécessaire

pour signaler, là je me sentirais drôlement responsable ». Ce cas précis montre une tendance à

se sentir coupable de n‟avoir pas agit en conséquence. Cette idée se rapproche des courants de

conséquentialisme qui supposent que les actions que nous ne réalisons pas sont également

partie intégrante de notre responsabilité. Autrement dit, nous sommes responsables non

seulement de nos actions, mais aussi des actions que nous ne réalisons pas (Canto-Sperber,

2001).

Les directeurs semblent, eux, peu se sentir coupables. En effet, seule une directrice (n°2)

semble se sentir coupable en évoquant la décision de signaler un élève : «peut-être qu‟on a

pas fait le bon choix, on est jamais sûr, c‟est très difficile, ça t‟empêche de dormir aussi dès

Page 132: Master - UNIGE

131

fois la nuit, c‟est dur, j‟ai une responsabilité » et: «c‟est un échec d‟avoir déplacé cet enfant

dans une autre école, parce que j‟ai pas réussi à aller jusqu‟au bout du dossier, qui était pour

moi, le retrait de cet enfant à son père qui lui faisait subir des sévices physiques ». Cette

directrice se confie donc en termes d‟échec signifiant peut-être l‟ampleur de la responsabilité

qu‟elle semble se donner. Nous pourrions faire, dans ce cas précis, un rapprochement avec la

responsabilité prospective étant donné la propension de cette actrice scolaire à s‟inquiéter du

futur d‟un élève. Pour rappel, la responsabilité prospective s‟attache aux actes futurs et

implique notamment, des acteurs dont le sort dépend d‟une personne, ce qui semble être le cas

dans l‟exemple de cette directrice (Métayer, 1997).

Cependant, les propos d‟une autre enseignante (E.O.3) contrecarrent l‟idée de

culpabilité vis-à-vis de ses limites. En effet, cette dernière nous dit : « si je sais que j‟ai tout

mis en œuvre que j‟ai tout fait pour que l‟enfant progresse et qu‟il y arrive pas, non, je vais

pas me culpabiliser de ça ». Elle met ici en évidence l‟hypothèse qui montre que si le

maximum de nos possibilités a été atteint, il n‟y a pas de raisons de culpabiliser, puisque le

« devoir » a été rempli. On peut alors se questionner sur cette différence antithétique de

conception : provient-elle de sa propre représentation de la responsabilité ? Il semble difficile

d‟y répondre, sachant que le nombre d‟acteurs ayant évoqués cette culpabilité reste trop

mince.

Il ressort également des tableaux que seule une enseignante chargée de soutien

pédagogique sur cinq parle en termes de culpabilité. Elle évoque le cas où l‟élève signalé ne

passerait pas tout de suite en division spécialisée : « on est toujours là pour l‟élève, mais c‟est

plus notre faute s‟il est pas là où il doit être ». Cette absence de culpabilité peut s‟expliquer

par l‟hypothèse que les ECSP se sentent moins responsables des élèves puisqu‟ils ne décident

pas eux-mêmes du signalement. Or, par la force des choses, ils se sentent peut-être également

moins coupables.

Une enseignante ordinaire (n°4) évoque quant à elle, le risque d‟une trop grande

implication affective qui se trame sur fond de processus de signalement : « j‟ai un peu

surinvestit ». Elle pense donc s‟être trop investie dans une situation qu‟elle nous a décrit

comme ressemblant à la vignette n°1. Ce qui l‟a conduit vers une usure et fatigue dangereuse.

Nous pouvons estimer dans ce cas, qu‟elle semble indiquer que la responsabilité doit avoir

des limites, car le risque est grand d‟en pâtir en tant qu‟humain.

Page 133: Master - UNIGE

132

Comme nous l‟avons vu, les dimensions affectives semblent dépendre de la sensibilité

de chacun et peu d‟acteurs en donne la même définition. Ainsi, nous serions tentées d‟avancer

que la responsabilité découle davantage d‟une sensibilité intrinsèque que chacun est

susceptible de définir selon ses propres critères et valeurs (Métayer, 1997). Il est donc peu

envisageable de tirer des conclusions générales en cette matière. Toutefois, nous pouvons

relever que les acteurs les plus impliqués dans la vie de l‟élève, à savoir les enseignants

ordinaires, sont peut-être également les plus sujets aux dimensions socio-affectives.

6.4.2. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (enseignants

spécialisés)

Le tableau 18 présente les résultats liés aux enseignants spécialisés.

Tableau 18 : Les limites de la responsabilité dans le processus de signalement et les dimensions socio-affectives

évoqués par les enseignants spécialisés (mots-clés)

Acteurs Causes internes Causes externes Dimensions socio-

affectives

E.S.1 Pas faire des miracles ! Délègue responsabilité

Se protéger

E.S.2 Erreurs possibles Déléguer orientation à division ordinaire

Difficulté de signaler

Incertain dans choix

E.S.3 Limites de responsabilité

E.S.4

Pression parents et société Culpabilité/soit et au

signalement

Implication

E.S.5

Baisser exigences

Pas échec de signaler

Pas culpabilité

Causes internes (enseignants spécialisés)

Il est intéressant de constater qu‟on retrouve l‟idée déjà exprimée par le groupe 1, à

savoir que les professionnels de l‟enseignement ne peuvent faire des « miracles » : « si l‟élève

a des difficultés, bon ben c‟est pas parce que l‟enseignant a mal fait son travail, on peut pas

non plus faire, euh… des miracles » (E.S.1). Ils rapportent donc la limite de la responsabilité

interne au schéma de compétence qu‟un enseignant possède. Cela se rapproche également des

propos de cet enseignant (E.S.2) qui parle en termes d‟erreurs : « puis on fait des erreurs,

Page 134: Master - UNIGE

133

hein ». Par contre, cette conception apporte davantage une notion de remise en question qui

n‟était par contre pas présente chez les acteurs du groupe 1.

Causes externes (enseignants spécialisés)

Comme nous l‟avions déjà identifié dans le groupe 1, les causes externes sont plus

nombreuses que les causes internes. Les dires de cette enseignante (E.S.2) sont d‟ailleurs

éloquents quant au fort désir de s‟abstraire de toute responsabilité par rapport à l‟orientation

de l‟élève : « on est obligé de réexpliquer aux enfants que c‟est pas nous qui les mettons en

spécialisé », « Ben tu sais, c‟est pas nous qui avons décidé, c‟est ton enseignant qui voyait

que t‟étais pas heureux, que t‟étais pas bien dans ta classe, c‟est la directrice qui est allée voir

que ça n‟allait pas bien » ou encore, « on peut montrer que nous, on sait ce qui s‟est passé

mais ce sont les autres gens qui ont évalué qu‟il avait besoin de venir souffler chez nous et

nous, ça nous dégage vis-à-vis des enfants ». Nous faisons l‟hypothèse que les enseignants

reportent les causes de la limite de la responsabilité sur des effets extérieurs à eux-mêmes et

qui ne sont donc à priori pas vraiment contrôlables, afin d‟éviter peut-être une trop lourde

remise en question de soi.

Dimensions socio-affectives (enseignants spécialisés)

Les enseignants spécialisés évoquent souvent la culpabilité, comme dans le groupe 1. A

ce sujet, cette enseignante (E.S.2) explique : « mais on est jamais sûrs de faire juste, c‟est

tellement délicat parce que nous on voit que les choses immédiates ». Toutefois, ils ont

davantage tendance à relever qu‟il ne faut se sentir coupable, car beaucoup d‟évènements se

jouent dont les enseignants n‟ont pas la totale responsabilité. Ils montrent par ces propos que

responsabilité n‟équivaut pas dans tous les cas à culpabilité. Comme le pense cette

enseignante (E.S.5) : « en revanche, euh, je suis pas responsable de sa vie, je me sens pas

responsable, je me mets des responsabilités de par mon métier, mais j‟ai aucun sentiment de

culpabilité parce qu‟on peut aussi relier hein, sentiment de culpabilité, responsabilité et tout

ça» ou encore celui-ci (E.S.1) « je veux dire, si l‟enfant pour qui ça fonctionne pas, c‟est pas

possible de se dire c‟est ma faute », « faut pas te sentir trop responsable, sinon ça te

bouffe…! »

Page 135: Master - UNIGE

134

On remarque donc que les enseignants spécialisés s‟octroient la possibilité de faire des

erreurs et de ne pas avoir à se sentir coupable. Par ailleurs, ils semblent limiter leur

responsabilité en expliquant qu‟ils n‟ont pas de poids dans la décision de signalement.

6.4.3. Causes invoquées aux limites de la responsabilité (parents)

Le tableau 19 énonce les résultats liés aux parents.

Tableau 19 : Les limites de la responsabilité dans le processus de signalement et les dimensions socio-affectives

évoqué par les parents (mots-clés)

Acteurs Causes internes Causes externes Dimensions socio-

affectives

P.1 Elève pas le choix

Pas continuité primaire et cycle

P.2

P.3

P.4

Maîtresses Pas entendre qu‟enfant

est différent ou

handicapé

P.5

Processus trop rapide

Classes trop grandes

Jeune institutrice

Causes internes (parents)

Force est de constater qu‟aucun parent ne donne de causes internes à la limite de la

responsabilité. Cela signifie-t-il qu‟ils se sentent si responsables qu‟ils refusent d‟y mettre des

limites? Cette image renvoie à l‟idée que l‟individu est sujet de ses actions et par là, aborde

une responsabilité sans limite qui renvoie aux agissements des individus, mais aussi aux actes

qu‟ils ne réalisent pas et qui pourraient engendrer des conséquences (Desbons & Ruby, 2004).

Causes externes (parents)

Comme précédemment, les parents semblent exprimer peu de causes externes à la limite

de leur responsabilité. Nous relevons cependant chez un parent (P.1), des explications

pouvant influencer tout de même leur limite dans la prise en compte de leur responsabilité. A

ce titre, les énoncés suivants sont passibles d‟illustrer ce phénomène ingérable : « mais le

Page 136: Master - UNIGE

135

problème, ils sont bien gentils ils font des classes spécialisées pour l‟école primaire et encore

c‟est vraiment très difficile d‟y entrer, mais après, il y a pas le suivi, alors que quand on avait

vu la directrice des classes spécialisées, elle nous avait dit qu‟éventuellement, en 2011, y

aurait des classes au cycle, mais ça fait 20 ans qu‟ils en demandent… ». Ce même parent

ajoute : « je trouve fort dommage car ça laisse pas vraiment de portes à l‟enfant qui sort des

classes spécialisées. S‟il y a des problèmes scolaires et pas de soucis comportementaux, des

soucis autres que scolaires, bin ces enfants ne peuvent pas rentrer au cycle et la seule chose

qu‟ils ont c‟est l‟école pré-professionnelle », « or s‟ils avaient justement fait une classe de

réintégration au cycle avec justement la continuité de la classe en primaire, pour justement les

intégrer dans une classe progressivement, pas tout d‟un coup, quand ils sortent de l‟école

primaire, une monstre coupure, je me demande comment les enfants s‟adaptent…». Ce parent

clos ses propos par une phrase qui en dit long quant à la collaboration entre deux filières

d‟enseignement : « bin, il y a pas de continuité entre la classe spécialisée et le cycle alors ».

Ces idées semblent exprimer que la responsabilité des parents se trouve limitée par des causes

incontrôlables, qui ne dépendent d‟eux, mais d‟un système.

Dimensions socio-affectives (parents)

Aucun parent n‟évoque directement un sentiment de culpabilité vis-à-vis de sa

responsabilité tout au long du processus de signalement. Par contre, une mère (n°4) expose ce

qui est peut-être une disposition difficile à accepter et qui est à la source de nombreuses

réticences des parents : « nous les parents on aimerait pas non plus qu‟on dise que nos enfants

sont différents on sont handicapés ». Le fait d‟accepter que son enfant a besoin d‟une

structure différente de l‟enseignement ordinaire, peut prendre un certain temps avant de

considérer les besoins éducatifs particuliers de son enfant.

Nous avons dégagé certains éléments susceptibles de répondre à notre dernière question

de recherche. Il ressort que les enseignants ordinaires et les ECSP se rejoignent sur certaines

causes invoquées aux limites de la responsabilité. Celles-ci s‟attachent au manque de

compétence et au sentiment d‟avoir fait son travail au mieux. On en déduit un écart entre

travail prescrit et réel, et par conséquent, une interprétation du cahier des charges concernant

la limite de sa responsabilité. Aussi, ces acteurs citent le refus des parents comme étant une

cause freinant leur responsabilité. Notons également que le sentiment de culpabilité, qu‟il soit

Page 137: Master - UNIGE

136

ressenti ou non, est présent dans les groupes de directeurs, d‟enseignants ordinaires et

d‟enseignants spécialisés.

Page 138: Master - UNIGE

137

7. CONCLUSION

7.1. Présentation des résultats de recherche

Tout au long de ce travail de recherche, nous nous sommes attachées à cerner le degré

de responsabilité à travers les perceptions de cinq groupes d‟acteurs scolaires et familiaux lors

du processus de signalement de l‟élève en classe spécialisée. Ainsi, nous avons voulu saisir

les enjeux qui les poussent à endosser ou non une responsabilité et attirer l‟attention sur les

possibilités et limites de leur engagement durant ce moment du parcours scolaire de l‟enfant.

A travers leur degré de responsabilité, nous avons également souhaité interroger l‟existence

ou non d‟une continuité entre l‟enseignement ordinaire et spécialisé. Nous avons pris soin

d‟interroger les prescriptions du cahier des charges des différents acteurs afin de percevoir

comment elles se traduisent dans la réalité. En effet, nous avons voulu cerner la contradiction

entre le discours officiel impliquant l‟engagement des professionnels et la possibilité

d‟entamer à tout moment une procédure de signalement.

Pour y parvenir, nous avons tout d‟abord cherché à faire réagir les acteurs scolaires

situés en amont du processus, à savoir les directeurs, les enseignants ordinaires et ceux

chargés de soutien pédagogique. Nous leur avons en premier lieu soumis des vignettes,

proposant des descriptions fictives d‟élèves afin de provoquer une discussion quant à un

éventuel signalement. Dans un deuxième temps, nous avons tenté, au moyen de questions

ciblées, de comprendre leur degré de responsabilité au fil des expériences vécues. Par la suite,

nous avons également cherché à faire réagir les enseignants spécialisés, acteurs arrivant à

réception du processus, ainsi que les parents, présents tout au long de la procédure, à travers

des situations vécues. Au final, nous avons mis en relation l‟ensemble des perceptions et

arguments des acteurs interrogés pour tâcher d‟en tirer des pistes de réflexion.

Nos résultats nous ont permis de mettre en évidence des tendances, voir des régularités,

permettant ainsi d‟élaborer quelques éléments de réponses à notre question générale de

recherche, qui pour rappel, cherche à comprendre dans quelle mesure les différents acteurs de

la scène scolaire et de la scène familiale conçoivent leur responsabilité dans le processus de

Page 139: Master - UNIGE

138

signalement d‟un élève de l‟enseignement ordinaire pour un passage dans l‟enseignement

spécialisé.

Dans un premier temps, notre travail nous permet de constater qu‟il n‟y a pas de

consensus sur le choix d‟une situation d‟élève. Cependant, les directeurs signaleraient

davantage des cas d‟élèves présentant majoritairement des difficultés de comportement alors

que les enseignants ordinaires signaleraient des élèves présentant des difficultés d‟ordre

scolaire et comportementales. Concernant les critères invoqués par les acteurs scolaires pour

justifier le signalement d‟un élève pour la classe spécialisée, nous repérons certaines

régularités. Les directeurs sont plus enclins à citer le contexte familial alors que les

enseignants ordinaires et chargés de soutien pédagogique, soulignent les difficultés

d‟apprentissage. Nous pouvons en déduire que le choix de signaler un élève ne s‟effectue pas

seulement à partir de compétences strictement scolaires, mais aussi à partir d‟autres

indicateurs moins institutionnels, voir subjectifs. Ce fait traduit aussi à quel point le

signalement d‟un élève dépend moins de ses difficultés d‟apprentissage que de ses

caractéristiques psychologiques, comme vu notamment à travers les recherches de

Baumberger et al. (2007), Pelgrims Ducrey et Doudin (2000) et Schubauer-Leoni, (2000).

Par ailleurs, il se révèle surprenant de constater qu‟un nombre important d‟acteurs (7/15)

préconisent le redoublement avant de signaler un élève vers la classe spécialisée, alors que les

résultats de nombreuses recherches (Bloom, 1984 ; Fraser, 1987 ; Palincsar & Klenk, 1992,

cités par Doudin, 1996) en dénoncent l‟inefficacité. Aussi, les propos recueillis induisent que

les pratiques scolaires tendent à définir le redoublement comme critère obligatoire pour un

passage en spécialisé. Nous postulons que le redoublement génère une certaine

déresponsabilisation. On pourrait envisager d‟autres moyens « plutôt que de déléguer „„le

problème‟‟ à l‟enseignant suivant » (Doudin, 1996, p. 7).

Notre travail, nous a permis, de mettre en avant d‟autres éléments intéressants. Il ressort

principalement que la majorité des acteurs font état d‟une collaboration entre professionnels

d‟une même école. La responsabilité collective semble donc moins difficile à endosser que la

responsabilité individuelle. Néanmoins, il n‟est aucunement question de collaboration entre

enseignement ordinaire et enseignement spécialisé. Aussi, certains acteurs évoquent le

manque de suivi et les ruptures survenant lorsqu‟un élève est réorienté vers une filière

Page 140: Master - UNIGE

139

spécialisée. Ainsi, nous pouvons percevoir un clivage entre ces deux filières d‟enseignement.

Il est par ailleurs, peu question de partenariat avec les parents.

Concernant les rôles, tâches et degré de responsabilité des différents groupes d‟acteurs,

il nous paraît pertinent de mettre en relief une tendance générale. Il semble fortement que

chacun se rejette la responsabilité, la déléguant ainsi à d‟autres. L‟élève passe ainsi de mains

en mains, sans que personne ne semble se sentir véritablement responsable de lui.

De manière générale, les enseignants ordinaires témoignent d‟importantes

responsabilités à endosser. Ils évoquent ainsi la rédaction du bilan pédagogique de l‟élève, le

signalement au directeur et la justification du signalement. Quant aux enseignants chargés de

soutien pédagogique, ils se perçoivent davantage comme endossant un rôle d‟appui et

délèguent quelque peu la responsabilité du signalement et de la décision à l‟enseignant

ordinaire. Les propos des directeurs se rejoignent sur le fait que leur responsabilité est

primordiale au cours du processus, car ils doivent assumer la décision finale. Paradoxalement,

ils reconnaissent une part de responsabilité aux enseignants ordinaires, sans souligner qu‟il

leur incombe la responsabilité de signer le bilan, trace écrite décisive.

Il se dégage également que les directeurs, les enseignants ordinaires et chargés de

soutien pédagogique ne reconnaissent pas de responsabilité aux enseignants spécialisés dans

le processus. Ce constat concorde avec les propos des enseignants spécialisés qui conçoivent

leur responsabilité davantage dans l‟après-signalement, en citant majoritairement l‟accueil des

élèves et leur intégration pour accepter le choix d‟orientation. Certains vont même jusqu‟à

énoncer qu‟ils se sentent peu ou pas responsables, en rejetant cette responsabilité soit sur les

parents, soit sur l‟élève, soit sur des collègues de l‟enseignement ordinaire. Les

responsabilités prescriptives des enseignants spécialisés n‟étant pas définies clairement, on

constate qu‟il en est de même au travers des propos recueillis. Précisons qu‟aucun d‟entre eux

n‟évoque de bilan des savoirs de l‟élève, permettant de souligner les connaissances et

compétences, travail pourtant nécessaire pour pallier à l‟absence de mémoire individuelle des

acquis scolaires en classe spécialisée (Pelgrims, 2010). Ces résultats nous poussent aussi à

désigner un possible clivage entre l‟enseignement ordinaire et l‟enseignement spécialisé telle

qu‟avancée lors de la discussion de nos résultats liés à la collaboration.

Page 141: Master - UNIGE

140

Nous pouvons également faire état du décalage entre les propos émis par les parents et

ceux des acteurs scolaires. En effet, les parents ont le sentiment de ne pas être tenus au

courant des décisions prises, et de devoir les subir. Tous incriminent l‟école en affirmant

qu‟elle n‟endosse pas ses responsabilités. Paradoxalement, les acteurs scolaires jugent eux,

que les parents refusent de collaborer.

Une autre tendance à souligner, concernant les causes invoquées aux limites de la

responsabilité, met en évidence que l‟ensemble des acteurs scolaires sont davantage sujets à

convoquer des causes externes qu‟internes. Tel constat nous indique qu‟ils remettent peu en

cause leurs pratiques scolaires, voire pas du tout. Nous avons par ailleurs pu observer que ces

acteurs invoquent de manière récurrente le manque de compétences, le sentiment d‟avoir fait

son travail au mieux, la proximité du passage de l‟élève en classe spécialisée, son départ et le

refus des parents, comme facteurs à l‟origine de la limite de leur responsabilité. Etant peu

explicitées dans le cahier des charges des professionnels, il est complexe de savoir si ces

limites existent et si tel est le cas, où elles se situent. Toutefois, les acteurs interrogés

mentionnent explicitement des limites à leurs responsabilités. Peut-être montrent-ils par là

qu‟ils ne s‟engagent pas vers une responsabilité dite prospective, assurant ainsi une éventuelle

continuité dans la responsabilité. Notons également que ce fait conduit certains directeurs,

enseignants ordinaires et enseignants spécialisés à s‟interroger quant à une possible

culpabilité.

7.2. Limites de la recherche

La première tendance ayant freiné notre recherche réside au sein du faible échantillon

choisi. Nous n‟avons pu nous entretenir qu‟avec cinq représentants de chaque groupe

d‟acteurs, par conséquent, notre échantillon n‟est en rien significatif d‟un ensemble de

population donnée. Il aurait peut-être été pertinent de réduire le nombre de catégories

d‟acteurs, permettant ainsi une plus grande représentation des groupes. Cependant, notre

objectif de recherche aurait quelque peu été biaisé, compte tenu du fait que nous cherchions à

rendre compte des perceptions de différents acteurs présents ou touchés de près par le

processus de signalement.

Page 142: Master - UNIGE

141

Lors de nos entretiens, le maniement des vignettes mettant en scène des cas fictifs

d‟élèves a également témoigné d‟une certaine limite auprès des acteurs interrogés. Leur

« caractère artificiel » (Balmer & Uljvary, 2001, p. 63), rendant pour certains délicat la mise

en route de l‟entretien, a plus d‟une fois été sous-entendu comme l‟illustrent ces quelques

exemples : « Donc c‟est pour ça que c‟est un peu difficile, comme ça hors contexte… de se

positionner » (D.1), « Pour moi, la responsabilité elle est, enfin j‟sais pas… Là, j‟ai un doute,

enfin c‟est fictif, donc c‟est difficile de se mettre vraiment dans la situation » (D.5), « bon

évidemment on résonne sur des théories là parce que dans la réalité je dirais on doit être

beaucoup plus fin » (E.O.2) et « mais on peut pas se prononcer là-dessus c‟est pas possible

parce que il faut le sentir, il faut sentir comment l‟enfant évolue » (ECSP 3). En revanche, ce

recueil de données a permis selon nous, de projeter ces acteurs au cœur de situations qu‟ils

pourraient vivre avant de rentrer dans une seconde phase plus intimiste ouvrant alors

l‟échange sur leurs propres expériences.

Enfin, tout au long de notre recherche, nous avons tenté de respecter les règles de

classification de Muchielli (1979) et plus directement celles de l‟exclusivité, de l‟exhaustivité

et de l‟objectivité, même si cela s‟est avéré plus complexe qu‟imaginé au départ. La règle de

l‟objectivité a été la plus difficile à appliquer compte tenu de notre implication dans le sujet

du travail et le manque d‟expérience dans le domaine de la recherche. A ces propos,

Deslauriers (1991) suggère que :

Le chercheur qualitatif fera bien de ne pas exiger de ses données la perfection que la

réalité ne justifie pas. Il est possible d‟identifier une tendance centrale, avec deux ou

trois tendances minoritaires, divergentes qui ne détruisent pas la tendance centrale, mais

indiquent qu‟elle ne dit pas tout. (p. 74)

Rappelons-le : « L‟analyse est un travail d‟artisan qui porte la marque du chercheur ;

l‟intuition s‟y mêle au savoir-faire et à la touche personnelle » (Deslauriers, 1991, p. 79). Au

fur et à mesure de la recherche, nous nous sommes rendues compte du caractère subjectif de

certaines méthodes et interprétations, étant ainsi sans cesse confrontées au risque de nous

laisser porter par le sens commun.

Page 143: Master - UNIGE

142

7.3. Pistes de recherche

Quelles nouvelles réflexions et pistes de recherche nous permettraient d‟alimenter les

résultats de notre présent travail ? En donnant la parole à plusieurs acteurs impliqués dans le

processus de signalement d‟élèves vers les classes spécialisées, à savoir les directeurs, les

enseignants ordinaires, les enseignants chargés de soutien pédagogique, les enseignants

spécialisés ainsi que les parents, nous pouvons constater que l‟élève, sujet central du

processus, n‟est pourtant pas sollicité. En effet, nous avons choisi de ne pas recueillir les

perceptions de la responsabilité de l‟élève lors de ce moment de vie délicat, alors que certains

acteurs scolaires et familiaux interrogés dans le cadre de cette recherche ont évoqué sa part de

responsabilité : « je pense que l‟enfant, quel qu‟il soit doit prendre beaucoup sur lui-même,

alors responsabilité de l‟enfant oui, il a pas le choix » (P.2), « ils sont obligés de faire un bout

du chemin, c‟est de leur responsabilité, ils n‟ont pas que des droits, ils ont aussi des devoirs »

(E.S.3) et : « je me sens peu responsable, parce que pendant que je travaille avec les enfants,

notre boulot c‟est quand même de leur montrer, comme dans l‟ordinaire d‟ailleurs, que la

balle est dans leur camps » (E.S.5). Dès lors, nous jugerions pertinent d‟interroger les

perceptions d‟une nouvelle catégorie d‟acteurs et spécialement des élèves, afin de pouvoir les

mettre en lien avec les propos recueillis, extraits de la présente recherche. Il s‟agirait de

comprendre comment les élèves expliquent leur responsabilité lors de la procédure du passage

en classe spécialisée et comment ils la perçoivent chez les protagonistes présents dans le

processus.

Il serait tout aussi intéressant de poursuivre par une recherche qui permettrait d‟observer

la relation élève-enseignant, au sein de différents contextes d‟enseignement. D‟une part, en

recueillant des témoignages de jeunes adultes ayant commencé leur scolarité dans

l‟enseignement ordinaire, puis ayant été réorientés en classe spécialisée pour finalement

poursuivre leurs parcours en institutions, d‟autre part, en récoltant les propos d‟enseignants

ordinaires et spécialisés qui auraient scolarisés ces élèves au sein de leur classe. En effet, nous

nous demandons comment peut se construire l‟élève qui, „„balloté‟‟ dans différentes filières

d‟enseignement, n‟a finalement pas le temps, ni les outils nécessaires, selon nous, pour

élaborer de précieux points d‟ancrage susceptibles de donner vie aux apprentissages.

Par ailleurs, une question soulevée par un des acteurs interrogés : « c‟est le paradoxe de

l‟aide, si on ne lâche jamais, ça déresponsabilise l‟élève aussi, il faut le lâcher à un moment

Page 144: Master - UNIGE

143

donné, un lâché contrôlé » (D.5) et par la littérature (Desbons & Ruby, 2004) repose sur le

postulat de responsabilisation. Cette démarche est peu mise en exergue, mais mériterait

pourtant qu‟on s‟y intéresse. Comme nous l‟avons vu, certains acteurs s‟attendent à ce que les

élèves soient responsables, mais il est complexe de saisir dans quelle mesure cette

responsabilisation est travaillée ou non. Il serait donc intéressant d‟établir une recherche, afin

d‟explorer ces questions.

Page 145: Master - UNIGE

144

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Allal, L. & Wegmüller, E. (1998). “LEX-EVAL”: en contexte : Différenciation de

l‟enseignement et évaluation. Résonnances, 34-36.

Babel, L. & Bourrit, I. (2004). Procédure d‟orientation d‟un élève dans le secteur spécialisé:

étude des représentations des parents sur leur degré d‟implication et d‟informations reçues

durant la procédure de passage de leur enfant en classe spécialisée à Genève. Mémoire de

licence en Sciences de l‟éducation, Université de Genève.

Balmer, A. & Ujvary. K. (2001). De la surreprésentation des garçons dans les classes

spécialisées genevoises : étude comparative, selon le genre de l’élève, de bilans pédagogiques

inhérents à la procédure de signalement. Mémoire de licence en Sciences de l‟éducation,

Université de Genève.

Bardin. L. (2007). L’analyse de contenu. Paris : PUF.

Baumberger, B., Doudin, P.-A. & Martin, D. (2009). Etude de l‟usage des mesures de

pédagogie spécialisée en Suisse latine. Revue formation et pratiques d’enseignement en

question, 9, 117-134.

Baumberger, B., Doudin, P.-A., Moulin & Martin, D. (2007). Perception de l‟offre et des

mesures de pédagogie spécialisée dans l‟école. Pédagogie spécialisée, 2, 24-31.

Besson, C. & Donnier, J. (2002). Processus de signalement et d’orientation des élèves vers

l’enseignement spécialisé : Etude de la variabilité des représentations de quelques

enseignants et inspecteurs. Mémoire de licence en Sciences de l‟éducation, Université de

Genève.

Biffiger, J.-P. (2004). Le canton de Genève. In C. Berger (Ed.), L’enseignement spécialisé en

Suisse romande et au Tessin : aperçu présenté par les responsables cantonaux (pp. 27-42).

Lucerne : Centre suisse de pédagogie curative et spécialisée.

Page 146: Master - UNIGE

145

Blanchet. A. & Gotman. A. (2007). L’enquête et ses méthodes. L‟entretien (2e éd.). Paris :

Armand Colin.

Canto-Sperber, M. (2001). L‟inquiétude morale et la vie humaine. Paris : PUF.

Caruso, S. & Gianoncelli, L. (2008). Egalité des chances de réussite des élèves sortant de

classes spécialisées : étude des parcours primaires et secondaires. Mémoire de licence en

Sciences de l‟éducation, Université de Genève.

Casanova, R. (1999). La classe spécialisée, une classe ordinaire ? Paris : ESF.

Christen A-D. & Pittet, S. (1989). Responsabilité où es-tu ? Travail de diplôme de l‟Ecole

d‟études sociales et pédagogiques, Lausanne.

Département de l‟instruction Publique. (2011). [Page Web]. Accès :

http://www.geneve.ch/primaire/organisation.asp [17.04.2011]

Desbons, D. & Ruby, C. (2004). La responsabilité. Paris : Editions Quintette.

Deslauriers, J.-P. (1991). Recherche qualitative. Guide pratique. Québec :

Chenenlière/McGraw-Hill.

Direction générale de l‟enseignement primaire. (1996). Charte et cahier des charges de

l‟enseignant primaire.

Direction générale de l‟enseignement primaire. (2011) [Page Web]. Accès : http://www.ecole-

en-sauvy.ch/memento09-10.pdf [17.04.11]

Direction générale de l‟enseignement primaire. Dispositions internes n°3 relatives aux

relations entre l‟enseignement primaire et le service médico-pédagogique. Genève :

Département de l‟instruction publique.

Page 147: Master - UNIGE

146

Do, Ch.-L. (2007). Les représentations de la grande difficulté scolaire par les enseignants.

Note d’information du Ministère de l’éducation nationale, enseignement supérieur,

recherche, 16 mai 2007. [Page Web]. Accès : http: // www.education.gouv.fr

Dostoïevski, F. (2006). Les frères Karamazov. Paris : Gallimard.

Doudin, A. (1996). Elèves en difficultés : La pédagogie compensatoire est-elle efficace ?,

Psychoscope. 4-7.

Ecole En Sauvy [Page Web]. Accès : http://www.ecole-en-sauvy.ch/memento09-10.pdf

[18.04.2011]

Eduquer à la responsabilité. Documents et fiches d’activités. (2001). AERE. Lyon:

Chroniques sociales

Genard, J-L. (1999). La grammaire de la responsabilité. Paris : les éditions du Cerf.

Habermas, J. (1997). Droit et démocratie. Paris : Gallimard.

Jaquemet, F., Schlaeppi, N., Biffiger, J.-P., Dandelot, M. & Oppliger, G. (1999). Le canton de

Genève. In J.-M. Boillat (2d), L’enseignement spécialisé en Suisse romande et au Tessin :

aperçu présenté par les responsables cantonaux (Aspekte, Aspects n°75, pp. 21-33).

Lucerne : secrétariat suisse de pédagogie curative et spécialisée.

Jonas, H. (1992). Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique.

Paris : Les Editions du Cerf.

Kahn. R. L. & Cannell. C. F. (1957). The Dynamics of interviewing : Theory, Technique and

Cases (11e éd.). New York : Wiley.

L‟Ecuyer. R. (1987). « L’analyse de contenu : notions et étapes », in J.-P. Deslauriers, Les

méthodes de recherche qualitative. Sillery : Les Presses de l‟Université du Québec, 49-66.

Page 148: Master - UNIGE

147

Loi sur l‟instruction publique (LIP) du 6 novembre 1940. République et canton de Genève.

[Page Web]. Accès : http://www.geneve.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_C1_10.html [15.04.2011]

Métayer, M. (1997). La philosophie éthique. Enjeux et débats actuels. Saint-Laurent :

Renouveau pédagogique.

Michelat. G. (1975). Sur l’utilisation de l’entretien non directif en sociologie. Revue française

de Sociologie, XVI.

Molnarfi, F. & Kummer, A. (2002). Processus de signalement et surreprésentation des

garçons pour les classes spécialisées : étude de représentations et mesures d’enseignants de

la division ordinaire en fonction des difficultés d’élèves et de leur appartenance sexuelle.

Mémoire de Licence en Sciences de l‟éducation, Université de Genève.

Muchielli. R. (1979). L’analyse de contenu des documents et des communications (3e éd.).

Paris : Editions ESF.

OMP. (2011). [Page Web]. Accès : http://www.geneve.ch/omp/ [11.04.2011]

Pattaroni, L. (2005). Politique de la responsabilité. Promesses et limites d’un monde fondé

sur l’autonomie. Thèse en Science économiques et sociales, Université de Genève.

Paturet J-B. (2003). De la responsabilité en éducation. Ramonville Saint-Agne : Erès.

Pelgrims, G. (1999). Système scolaire intégratif ou ségrégatif : biais possibles dans les

processus d’orientation, Texte présenté au Congrès Suisse de Pédagogie Spécialisée, Berne.

Pelgrims Ducrey, G. & Doudin, P.-A. (2000). La discrimination des garçons : biais dans les

processus de réorientation scolaire. Psychoscope, 5, 11-14.

Pelgrims, G. (2001). Comparaison des processus d‟enseignement et conditions

d‟apprentissage en classes ordinaire et spécialisée : des prévisions aux contraintes. Revue

Française de Pédagogie, (134), 147-163.

Page 149: Master - UNIGE

148

Pelgrims, G. (2003). La motivation à apprendre des élèves en milieu scolaire : des classes

ordinaires aux classes spécialisées. In G. Chatelanat & G. Pelgrims (Ed.) Education et

enseignement spécialisés : ruptures et intégrations (pp. 215-240). Bruxelles : De Boeck.

Pelgrims, G. (2006). Intention d’apprendre, peur de l’échec et persévérance des élèves en

classes spécialisées : des composantes générales aux dimensions situationnelles de la

motivation à apprendre. Thèse de doctorat en Sciences de l‟éducation, Université de Genève.

Pelgrims, G. (2009). Contraintes et libertés d‟action en classe spécialisée : leurs traces dans la

motivation des élèves à apprendre les mathématiques. Formation et pratiques d’enseignement

en questions, 9, pp. 135-158.

Pelgrims, G. & Cèbe, S. (2010a). Aspects motivationnels et cognitifs des difficultés

d‟apprentissage : le rôle des pratiques d‟enseignement. In Crahay, M. & Dutrévis, M. (Ed.),

Psychologie des apprentissages scolaires (pp. 111-135). Bruxelles : De Boeck.

Pelgrims, G. (2010b). Le passage en classe spécialisée : une transition jalonnée d‟implicites.

Educateur spécial, 22-24.

Perrenoud, P. (2004). Métier d'élève et sens du travail scolaire. Issy-les-Moulineaux : ESF.

Quivy, R. & Van Campenhoudt, L. V. (2006). Manuel de recherche en sciences sociales.

Paris : Dunod.

Règlement de l’enseignement primaire du 7 juillet 1993. République et canton de Genève.

[Page Web]. Accès : http://www.geneve.ch/legislation/rsg/f/s/rsg_C1_10p21.html

[10.04.2011]

Schubauer-Leoni, M.-L. (2000). Les élèves déclarés en difficultés à l‟école primaire : une

étude auprès d‟enseignants titulaires et d‟enseignants du soutien pédagogique. In A. Bürli &

G. Sturny-Bossart (Ed.), Apprendre les uns des autres : conférences plénières du Congrès

suisse de pédagogie spécialisée 1999 (pp. 37-56). Lucerne : Secrétariat suisse de pédagogie

curative et spécialisée.

Page 150: Master - UNIGE

149

Service de la recherche en éducation [SRED]. L’Annuaire statistique de l’enseignement

public à Genève 2010 : année scolaire 2009-2010. [Page Web]. Accès :

http://www.geneve.ch/recherche-education/statistiques/annuaire-2010.asp [10.04.2011]

Spaemann, R. (1999). Notions fondamentales de morale. Paris : Flammarion.

Sturny-Bossart, G. (1996a). Classes de développement : un enfant sur deux a un passeport

étranger. Pédagogie spécialisée, 3, 25-30

Sturny-Bossart, G. (1996b). Toujours plus d‟élèves dans les classes de développement et les

écoles spéciales. Pédagogie spécialisée, 1, 9-13

Thorimbert, S. (1999). L‟autonomie et la responsabilité comme source de motivation.

Mémoire de fin d‟étude de l‟Ecole d‟études sociales et pédagogiques, Lausanne.

Vacquin, M. (1994). La responsabilité. La condition de notre humanité. Paris : Editions

Autrement.

Vanier Muller, V. (2008). Dimensions socioculturelles des établissements scolaires et leurs

effets sur l’orientation des élèves dans les classes spécialisées. Mémoire de Licence en

Sciences de l‟éducation, Université de Genève.

Page 151: Master - UNIGE

150

ANNEXES

Annexe 1 Exemple de protocole d‟entretien p. 151

Annexe 2 Critères évoqués par le groupe d‟acteurs 1 p. 157

Annexe 3 Extraits d‟entretiens des directeurs p. 161

Annexe 4 Extraits d‟entretiens des enseignants ordinaires p. 166

Annexe 5 Extraits d‟entretiens des ECSP p. 174

Annexe 6 Extraits d‟entretiens des enseignants spécialisés p. 183

Annexe 7 Extraits d‟entretiens des parents p. 189

Page 152: Master - UNIGE

151

ANNEXE 1

Date : 25 janvier 2011

Enseignante ordinaire n°3

Interviewer : I (A-L Ro)

Interviewée : E.O.3

I : selon vous, après avoir lu ces quatre cas d’élèves lequel ou lesquels pourrai(en)t être

susceptible(s) d’être signalé(s) pour un passage en division spécialisée ?

E.O.3 : en tout cas pas, je vais déjà dire celui que je pense pas qu‟il doit être signalé c‟est le

petit Karl

I : vignette 4 d’accord

E.O.3: voilà parce que visiblement c‟est un enfant qui… qui est appliqué qui essaie qui

s‟efforce de comprendre ses difficultés afin de les surpasser. Il se met volontiers au travail

donc voilà, c‟est peut-être plutôt un élève pour qui je préconiserais d‟abord des mesures

d‟accompagnement au sein de l‟établissement, euh répétiteur ça a déjà été mis en place, peut-

être un suivi psychologique étant donné la situation difficile qu‟il vit, mais je pense pas à

spécialisé. Ensuite la situation numéro une de la petite Clara. Alors visiblement elle a pas mal

de retard, hein, puisqu‟elle a presque deux niveaux de retard, hein, elle est en 3P mais elle a

un niveau qui se rapproche plus de la 1P, cependant elle a quand même l‟air d‟être appliquée

aussi et de travailler donc peut-être là aussi répétiteur. Il faudrait déjà voir avec des mesures

comme ça peut-être, une année de redoublement avant et peut-être des mesures internes

répétiteur, bilan, peut-être dans sa langue aussi, pour voir comment elle se débrouille dans sa

langue. Je suis pas sûre que je la mettrais en spécialisé parce que, euh… Je pense qu‟il faut

essayer d‟autres choses avant de proposer le spécialisé, par contre, c‟est clair que si malgré

des mesures prises assez rapidement elle progressait pas, bin on peut pas laisser ce décalage

de deux ans se creuser comme ça donc, euh… Mais comme il y a rien qui a l‟air d‟avoir été

fait jusque là, je pense qu‟il y a d‟autres choses à faire avant de proposer le spécialisé.

Page 153: Master - UNIGE

152

Maintenant pour les deux autres situations ça a l‟air d‟être des enfants qui posent problèmes

aussi au niveau du comportement et au niveau scolaire donc euh… C‟est pas forcément je

dirais, euh, parce qu‟un enfant pose un problème de comportement qu‟il faut

automatiquement l‟envoyer vers du spécialisé mais euh… C‟est l‟attitude qu‟il a plus par

rapport à son travail, je dirais dans son autonomie, qui m‟interpelle. Donc là, on voit que Paul

il a déjà redoublé une année donc on a plus cette possibilité. Il a toujours des lacunes en

français, ça veut dire qu‟il en a peut-être pas tant tiré de bénéfices que ça donc en tout cas les

difficultés étaient plus importantes que ça euh… Qu‟est-ce que je pourrais dire encore sur lui.

Il participe, il montre de l‟intérêt à vouloir s‟en sortir mais il a un comportement qui dérange,

hein, c‟est ça ? Et agressif. Là c‟est difficile à dire parce que ouais faudrait voir de quel ordre

sont ces difficultés malgré le redoublement est-ce qu‟il y a des mesures qui ont été prises est-

ce qu‟il y a que la lecture qui pêche ? Est-ce qu‟il y a autre chose ? Si c‟est que la lecture, je

pense que voilà, un groupe turbo avec un maître d‟appui, s‟il y a un maître d‟appui dans

l‟école, des choses comme ça, ça peut peut-être aider la situation. Maintenant, s‟il y a tout qui

est difficile, s‟il y a les mathématiques, là on sait pas tellement en fait. Donc si c‟est dans

plusieurs disciplines, c‟est clair qu‟ayant déjà doublé une année, euh… Peut-être que ça serait

un signalement à faire parce que s‟il continue de prendre du retard par rapport aux autres,

alors qu‟il a déjà redoublé une année, ça serait peut-être un enfant que je signalerais. En tout

cas, tout en essayant de mettre en place d‟autres mesures en attendant. Si c‟est un tout dans

les apprentissages, alors oui, je signalerais. Et puis Soraya qui a dix ans, qui a aussi une

attitude assez difficile, hein, elle participe peu aux travaux de groupe et là, visiblement, il y a

un problème de collaboration donc euh… Là, je pense qu‟elle pourrait faire aussi l‟objet d‟un

signalement, dans le sens que je suis pas sûre qu‟un redoublement pourrait apaiser les

problèmes qu‟elle a au niveau de la collaboration avec ses camarades. Alors peut-être que le

fait de se retrouver dans un plus petit groupe, de travailler avec un effectif réduit avec une

présence de l‟adulte un peu plus soutenue, peut-être que dans ces cas-là, ça aide un peu les

enfants à s‟apaiser, à pouvoir mieux entrer dans ses apprentissages. Donc je pense qu‟elle je

la signalerais.

I : d’accord donc avec peut-être quelques mesures vous signaleriez les cas n°2 et 3 on

peut dire ?

E.O.3 : ouais.

Page 154: Master - UNIGE

153

I : d’accord donc si vous vous imaginez avoir ces élèves dans votre classe, jusqu’où vous

vous sentiriez responsable si vous les signaler, et inversement où s’arrête votre

responsabilité ?

E.O.3 : bin, je pense que tant que l‟enfant n‟est pas placé, il faut tout mettre en œuvre pour

essayer de s‟en occuper tant qu‟il est là, parce que tant qu‟il est là, on doit s‟en occuper donc

euh… Alors des mesures d‟appui dans l‟école c‟est pas toujours ce qu‟on préconise, parce

que des fois, il y a un tel retard, qu‟on va prendre beaucoup d‟heures d‟appui pour un élève

qui risque de partir et puis du coup, on enlève des heures d‟appui à d‟autres élèves qui

auraient besoin d‟un petit coup de pouce pour y arriver. Donc parfois, c‟est pas forcément des

élèves qu‟on met à l‟appui, mais je dirais des mesures déjà dans la classe, pour que l‟enfant il

se décourage pas, et puis peut-être des mesures externes aussi, avec des répétiteurs, avec un

encadrement, avec un suivi parce qu‟il y a souvent quand même d‟autres problèmes qui vont

avec. Donc des fois, de faire déjà accepter aux parents un suivi par le SMP ou par un

thérapeute externe, donc voilà peut-être dans la relation avec la famille préparer ce passage au

mieux.

I : d’accord. Et puis est-ce qu’il y aurait malgré tout un moment, si vous les signalez, où

vous sentez que vous êtes par exemple débordée et que vous arrivez plus à vous en

occuper, et que vous vous dites finalement, c’est plus ma responsabilité vu qu’il va

partir?

E.O.3 : alors je dirais au niveau des apprentissages, il y a un moment donné euh… Parce que

ça m‟est arrivé avec des élèves où on sent que l‟enfant, il y a un blocage, il progresse plus.

Donc à ce niveau-là, bin voilà, moi je peux pas être responsable de sa situation familiale, de

ce qu‟il lui arrive à la maison du fait que si l‟enfant a un blocage psychologique qui

l‟empêche d‟avancer, ça je peux pas être responsable de ça. Donc ça, euh, non, je me sens pas

la responsabilité, il y a un moment donné si je sais que j‟ai tout mis en œuvre, que j‟ai tout fait

pour que l‟enfant progresse et qu‟il y arrive, pas non je vais pas me culpabiliser de ça. Par

contre je me sens responsable jusqu‟au bout de son bien-être dans la classe, ça oui, parce qu‟il

fait partie d‟un groupe-classe et ça tant qu‟il est dans ma classe il fait partie du groupe-classe

donc ça oui.

Page 155: Master - UNIGE

154

I : d’accord je vais vous donner plusieurs verbes maintenant par rapport à la

responsabilité et dans le cas de ces deux élèves, dites-moi lequel correspondrait le plus à

ce que vous pensez. Donc à propos de la responsabilité est-ce que vous l’endossez, vous

renoncez, vous déléguez, vous évitez, vous refusez, vous fuyez, vous gardez ou autre ?

E.O.3 : alors moi, je pense que je garde la responsabilité, mais plutôt au sein de l‟intégration,

au sein du groupe-classe, du comportement, des conflits qu‟il peut y avoir avec les camarades,

de protéger l‟enfant et le reste de la classe des violences, hein, parce que des fois, on doit

protéger un enfant contre lui-même, ou on protège ces camarades de cet enfant-là, donc ça oui

ça c‟est ma responsabilité d‟adulte.

I : d’accord et puis je reviens un peu par rapport à ce que vous avez dit avant que vous

gardez la responsabilité mais par rapport à sa vie dans la classe, mais pour le reste le fait

que vous pouvez peut-être plus l’aider pour les apprentissages ça vous pose un éventuel

problème de conscience ?

E.O.3 : non… non… non, parce que je pense que si j‟ai tout fait pour que l‟enfant progresse,

il y a un moment donné où on est pas des magiciens, on a pas la baguette magique et il y a un

moment donné, il y a des fois d‟autres choses qui l‟empêchent d‟avancer que moi je peux pas

résoudre, donc non, au bout d‟un moment je vais pas, je vais pas moi me rendre malade pour

essayer de faire avancer un enfant, il y a un moment donné si je… Mais il faut que j‟ai fait

mon maximum. Si j‟ai pas tout essayé, bin oui je peux encore essayer d‟autres choses, mais

dès le moment où je sais que j‟ai sorti toute une panoplie, euh, voilà…

I : Mmh… Je vais maintenant vous donner deux affirmations et vous me dites ce que

vous en pensez. Alors la première c’est : signaler un élève n’est pas un acte responsable.

E.O.3 : je suis pas d‟accord du tout parce qu‟au contraire il y a un moment donné il faut

admettre que nous dans le cadre où on travaille on peut pas, il faut pas, on parle

d‟acharnement thérapeutique en médecine et je pense qu‟il faut pas faire de l‟acharnement

pédagogique au niveau des classes, il y a un moment donné, c‟est plus de notre ressort et je

pense qu‟il faut arriver à dire là, non, moi j‟y arrive plus, j‟ai fait ce que je pouvais, mais là

j‟y arrive plus, donc je signale et pour moi c‟est pas un constat d‟échec personnel.

Page 156: Master - UNIGE

155

I : et la deuxième c’est : il ne faut jamais lâcher un élève.

E.O.3 : alors lâcher euh… difficile à dire ! Comme j‟ai expliqué il y a un moment donné,

après ça dépend aussi du laps de temps, si on sait que le passage en spécialisé se fait le mois

suivant, euh bon voilà, peut-être qu‟au niveau scolaire bon… Comme je dis au niveau du

groupe-classe non ça je lâcherai jamais, parce que ça, effectivement, l‟enfant il fait partie du

groupe-classe et il doit tant bien que mal respecter les règles et c‟est à moi en tant qu‟adulte

de les faire respecter, de faire en sorte que le climat soit bon. Donc ça non. Maintenant au

niveau scolaire, voilà si je suis pas sûre qu‟il y a un passage et que ça va peut-être se faire

dans une année, etc., alors non, faut pas le lâcher, c‟est pas responsable de le lâcher

maintenant. Si le passage se fait la semaine prochaine et puis que cette semaine, je vais peut-

être pas passer autant de temps pour qu‟il comprenne le problème de maths qu‟on est en train

de faire, oui ça peut-être, ouais, ça dépend dans combien de temps se fait le passage.

I : d’accord c’est une question de temps. Et dans un cas de signalement comment vous

définissez votre rôle ?

E.O.3 : je pense qu‟il est important parce que c‟est à nous d‟écrire, on a un rapport à faire

dans ce cas-là et puis on doit expliquer quelles sont les compétences de l‟enfant, les

difficultés, etc. donc je pense que c‟est important de pouvoir donner, brosser un portrait assez

fidèle à ce qu‟est l‟enfant, à ce qu‟il a pu montrer ou ne pas montrer dans la classe. Donc je

pense que ouais, notre rôle, est assez important d‟autant… Aussi avec les relations avec la

famille, parce que c‟est pas toujours facile pour une famille d‟avoir un enfant qui passe dans

le spécialisé donc rassurer les parents, rassurer l‟enfant, lui expliquer à l‟élève que c‟est pour

son bien, que c‟est pas qu‟on s‟en débarrasse, mais que c‟est vraiment pour qu‟il puisse

progresser, puis c‟est dans l‟intérêt de l‟enfant.

I : et puis est-ce que vous pourriez décrire le rôle des autres acteurs du système scolaire?

directeur, enseignant chargé de soutien pédagogique, enseignant spécialisé ?

E.O.3 : L‟ECSP c‟est souvent des enfants qu‟elle a vu, avec qui elle a travaillé. Et puis

souvent ce qui est important, c‟est qu‟on se rend souvent compte que c‟est des enfants qui

travaillent mieux en petit groupe, c‟est d‟ailleurs pour ça qu‟on les signale, parce que

l‟avantage du spécialisé, c‟est de pouvoir travailler en petit groupe. C‟est pas juste d‟enlever

Page 157: Master - UNIGE

156

un élément dérangeant dans sa classe, c‟est vraiment l‟avantage de travailler en petit groupe.

Donc quand on voit que ça se passe pas bien chez l‟ECSP non plus, on va se dire : „„bon bin

voilà, le petit groupe lui convient pas non plus, il y a autre chose‟‟, mais quand on voit qu‟un

enfant travaille bien en petit groupe, bin l‟ECSP elle va pouvoir appuyer tout ça, elle va

pouvoir expliquer qu‟est-ce qu‟il se passe dans un petit groupe restreint, l‟enseignant va

pouvoir expliquer ce qu‟il se passe quand il y a un groupe-classe. Donc voilà, le rôle de

l‟ECSP il est important dans ces cas-là au niveau du soutien, de la compréhension pour les

parents. Maintenant le rôle de la directrice dans ce cas-là ou du directeur, il est plus formel,

dans le sens que bin bon, c‟est quand même des enfants souvent quand ils sont signalés, le

directeur ou la directrice vient les observer aussi en classe, donc ils se font aussi une idée sur

ces enfants-là, c‟est pas juste l‟enseignant qui dit : „„voilà cet enfant je le signale‟‟ et puis le

directeur appuie la demande euh… Moi ça m‟est arrivé, donc la directrice est venue en classe

observer l‟enfant, on a rencontré plusieurs fois la famille ensemble, donc il y a vraiment tout

un… Et puis ensuite pour le reste, c‟est elle qui a pris les contacts par exemple, avec la

directrice du spécialisé, avec euh, voilà. Après il y a un moment donné, moi je signale je fais

mon rapport sur l‟enfant, mais après les démarches administratives pour trouver une place,

etc. ça c‟est la directrice qui s‟en occupe, donc il y a une collaboration entre les différents

partenaires de l‟école.

Page 158: Master - UNIGE

ANNEXE 2

Acteurs

Numéro de

situation

fictive

choisie

Critères du signalement Critères du non signalement

Dir.1 2

« faire redoubler l‟élève une seconde fois, ça n‟a pas beaucoup de

sens »

« en plus quand il a été tenté et puis qu‟il n‟y a pas de changement net

ça interroge en plus y a des problèmes de comportement »

« il y a pas encore eu de redoublement, vous parlez pas de soutien extérieur, j‟irais

d‟abord explorer ça avant une mise en spécialisé, y a d‟autres choses à faire en terme

de soutien »

« des problèmes de comportement, des problèmes scolaires, j‟arrive pas encore à me

dire c‟est du spécialisé »

« le type de milieu, moi, ça n‟a pas d‟impact pour moi pour le passage en

spécialisé »

« c‟est un élève qui est intégré dans sa classe, qui est motivé, au-delà des difficultés,

il est quand même intégré, il n‟est pas exclu »

« il n‟a pas encore redoublé, pour moi non plus ce n‟est pas encore du spécialisé »

Dir.2 2/3

« ses parents sont très peu présents puisque se mère est directrice d‟un

centre de luxe et son père mannequin, son problème de comportement

je pense, se justifie par le fait que c‟est un enfant qui manque

cruellement d‟affection »

« y a tout un travail à faire avec les parents, et vraiment mettre les

parents devant leurs responsabilités »

« ma responsabilité, c‟est de convoquer les parents pour leur dire qu‟ils

ne s‟occupent pas assez de leur gamin et qu‟il souffre d‟abandon »

« y a un problème affectif parce que le père n‟est pas là je pense mais

avec une famille comme ça, ça va être difficile de la mettre en

spécialisé, les parents vont refuser »

« faut demander un bilan OMP, c‟est une enfant qui a besoin de s‟adapter »

« faire redoubler cette enfant, donner un maximum de chances avec un répétiteur à

la maison, donner une aide logo »

« faut demander un bilan OMP »

« c‟est un enfant qui est bien intégré dans la classe, faire une deuxième cassure en le

sortant du milieu scolaire pourrait être préjudiciable »

« si les parents ne redressent pas la barre rapidement, on pourrait envisager un

placement mais en institution car il est tellement en souffrance »

« envisager un placement en spécialisé car elle est bloquée dans ses apprentissages,

elle ne capte pas grand-chose mais elle n‟a pas encore redoublé »

Dir.3

« solliciter les parents pour qu‟ils aillent faire un bilan OMP et solliciter un

redoublement aussi »

« le retard s‟explique pas parce qu‟il est allophone alors on pourrait imaginer un

redoublement »

Dir.4 1

« elle a mis environ deux ans pour se mettre gentiment à flots, elle

présente vraiment un gros décalage et les difficultés de lecture et

l‟aspect relationnel »

« des retards mais y a tout l‟aspect volonté, investissement, envie de bien faire qui

montre que la classe ordinaire, elle a encore peut-être pas donné ses limites »

« le contexte familial en arrière plan, y a peut-être des difficultés qui demandent une

autre aide »

« j‟ai le ressentiment que le problème il n‟est pas sur le plan des compétences mais

Page 159: Master - UNIGE

158

plutôt ailleurs »

« Paul, le problème de comportement en lui-même c‟est pas une information

pertinente pour la classe spécialisée, ça c‟est clair »

Dir.5 3

« c‟est le trois qui m‟interpelle le plus par rapport au signalement,

problèmes d‟autonomie, problèmes de blocage face à ses

apprentissages »

E.O.1 4

- « parce que le milieu euh le milieu, enfin je veux dire, il… je sais pas

moi, je trouve qu‟il a vécu des choses difficiles par rapport à la drogue,

par rapport à la mère »

- « il a besoin d‟un cadre rassurant et de construire quelque chose qu‟il

pas… sûrement pas pu construire chez lui »

E.O.2 aucun

- « parce qu‟il me semble que ce sont quatre cas de difficultés d‟intégration […] les

mettre dans une classe spécialisée, ça les particulariserait encore plus donc, à mon

avis, ça serait les enfoncer »

- « dans les quatre situations ce sont des enfants qui ne semblent pas avoir saisi la

mesure… défini ce qu‟était le métier d‟élève pour des raisons différentes et donc

[…] je les verrais plutôt comme des victimes ces gosses et pas forcément comme des

produits à passer directement en classe spécialisée et c‟est déjà difficile de rentrer en

classe spécialisée, mais en sortir, c‟est quasiment impossible»

E.O.3 2 et 3

-« il a déjà redoublé une année, donc on a plus cette possibilité»

- « c‟est l‟attitude qu‟il a par rapport à son travail »

- « s‟il continue de prendre du retard par rapport aux autres, alors qu‟il

a déjà redoublé une année, ça serait peut-être un enfant que je

signalerais

- « si c‟est un tout dans les apprentissages »

- « peut-être que le fait de se retrouver dans un petit groupe, de

travailler dans un effectif réduit avec une présence de l‟adulte un peu

plus soutenue, peut-être que dans ces cas-là, ça aide un peu les

enfants »

- « expliquer à l‟élève que c‟est pour son bien, que c‟est pas qu‟on se

débarrasse, mais que c‟est vraiment pour qu‟il puisse progresser, puis

c‟est dans l‟intérêt de l‟enfant »

- « c‟est un enfant qui… Qui est appliqué, qui essaie,… qui s‟efforce de comprendre

ses difficultés, afin de les surpasser »

- « je préconiserais d‟abord des mesures d‟accompagnement au sein de

l‟établissement »

- « peut-être une année de redoublement avant »

- « il faut essayer d‟autres choses avant de proposer le spécialisé»

-

E.O.4 1

- « quand c‟est des difficultés généralisées, c‟est inquiétant »

- « le comportement non, parce que selon la situation qu‟ils ont vécu,

ils ont besoin d‟un peu plus de temps pour s‟adapter, donc non, c‟est

pas forcément le comportement qui m‟inquiète, c‟est plutôt les

difficultés d‟apprentissage »

- « elle a pas mal de retard par rapport au dénombrement des

collections »

Page 160: Master - UNIGE

159

- « peut-être qu‟en petit groupe, par exemple… »

E.O.5 1 et 2

- « le niveau mathématique paraît assez euh… effrayant par rapport à

ce qu‟elle est censée… »

- « au niveau attitude […] le fait qu‟il ait un manque de concentration

[…] qu‟il ait une attitude agressive »

ECSP 1 1

- « elle est là depuis trois ans, donc elle a bénéficié de deux ans

d‟enseignement sans être notée, évaluée, et c‟est la troisième année

qu‟elle est là et elle a euh… de grosses difficultés apparemment, donc

elle a pas les objectifs à la fin de la 3P »

- « le fait qu‟elle cumule des difficultés, surtout de la compréhension,

disons qu‟elle me semble cumuler un certain nombre de difficultés qui

relèvent pas seulement de la langue »

- « le fait d‟essayer différentes choses sur le plan de l‟école, de

l‟établissement et que visiblement ça suffit pas à mener l‟enfant vers

où on aimerait l‟amener et qu‟elle aurait besoin d‟autre chose »

« puis le quatre ça risquerait si ça continue comme ça jusqu‟à la fin de l‟année, mais

étant donné qu‟on constate que c‟est en février […], c‟est encore un peu tôt pour se

prononcer là-dessus »

- « il a pas du tout été question de redoublement, c‟est peut-être une question que je

me poserais quand même avant de me prononcer pour un éventuel signalement en

spécialisé »

ECSP 2 1

- « elle semble angoissée devant une situation, elle se met à pleurer,

elle se bloque, elle ne dit plus rien du tout et puis ça au niveau de son

attitude, de son comportement ça m‟alerterait »

- « elle arrive toujours pas à dénombrer une quantité d‟objets qui est un

objectif de fin de 2E »

- « faut un peu se méfier de mettre un enfant en spécialisé quand ils ont été non-

francophones, dans d‟autres pays avant »

ECSP 3 aucun

- « qu‟il y a certains enfants qui ont des comportements qui sont… qui

les empêchent réellement d‟apprendre et un passage en spécialisé ou ils

apprendraient à se comporter, où ils apprendraient vraiment les ficelles

du métier d‟élève leur permet de revenir après et puis de poursuivre »

- « c‟est parce que je constate certaines choses et puis je me dis mais ce

garçon là en petit groupe il aurait une chance que dans le grand groupe

il a certainement pas »

- « il y a un moment donné où il faut se dire non, cet enfant là s‟il reste

avec nous il va perdre quelque chose alors que en spécialisé il pourrait

progresser et c‟est ça qu‟on doit regarder »

- « ne serait-ce que parce que quand un enfant a des problèmes trop

graves, il peut perturber toute une classe puis ça empêche aussi

l‟enseignement aux autre élèves, je veux dire il y a pas que l‟enfant en

question donc euh… il y a un moment donné euh… avoir des enfants

qui ont vraiment des grosses difficultés en classe où nous on peut

vraiment rien pour eux parce qu‟on est pas équipé on est pas

psychologue, on sent qu‟il faudrait un psychologue, on sent qu‟il

faudrait euh que quelqu‟un travaille avec la famille »

- « un enfant qui par exemple aura un problème de gestion de

- « il faut le sentir, il faut sentir comment l‟enfant évolue, on a des enfants en

difficultés, mais qui peuvent évoluer suivre quand même euh… redoubler une année

je crois qu‟elle a pas doublé, donc elle peut redoubler puis tout d‟un coup ça

démarre parce que elle a des blocages de gêne »

- « dans les comportements bin c‟est plutôt un travail avec les parents pour faire en

sorte que l‟enfant rentre dans le cadre ça veut dire que il y a un travail à faire pour

que les parents nous accompagnent et que l‟enfant soit plus cadré »

- « ils pourraient doubler d‟abord »

- « toute façon on peut pas passer en spécialisé si on a pas doublé »

- « déjà c‟est qu‟un enfant il doit pas doubler deux fois, donc un enfant qui arrive

avec des notes catastrophiques pour la deuxième fois et en ayant déjà doublé c‟est

déjà un pré-signalement d‟office… de toute façon on peut pas non plus faire passer

un enfant qui a pas doublé donc s‟il a des notes catastrophiques on le fait doubler on

parle pas du tout de spécialisé donc on est déjà au bout d‟une longue démarche

quand on commence à pré-signaler je veux dire »

Page 161: Master - UNIGE

160

l‟émotionnel très grand c‟est-à-dire qu‟en classe tout d‟un coup il

prend tout il casse tout euh… c‟est très stressant pour toute la classe

c‟est très stressant pour l‟enseignant et puis lui-même c‟est pas bon

[…]. Nous on est pas équipé pour faire ça moi je veux dire, aucun

moyen à part ceinturer l‟enfant pour éviter qu‟il casse tout et puis

attendre qu‟il ait finit sa crise faire comme si rien était »

- « puis ma foi il fait son parcours, mais s‟il était pas en spécialisé je

veux dire son parcours il serait d‟échec permanent tandis que là au

moins il va vers quelque chose »

- « c‟est vraiment des enfants où nous on a pas de solutions et que c‟est

à chercher autrement quoi avec d‟autres méthodes, d‟autres… où il

faut simplement un autre parcours pour ces enfants qui sont pas perdus

s‟ils vont en spécialisé ils auront une chance aussi »

- «en fait qu‟il perçoive ses difficultés et puis qu‟il sache que nous on

va essayer de le mettre dans un endroit où il sera mieux où il pourra

progresser sans toujours être comparé aux autres »

ECSP 4 3 - « son comportement est assez dérangeant »

- « elle progresse pas »

ECSP 5 1

- « elle a des difficultés partout apparemment » - « même le n° 2 il a doublé mais c‟est plus son comportement qui a l‟air difficile, il

a l‟air d‟avoir décroché la lecture quand même »

- « ils remplissent pas toutes les conditions pour passer en spécialisé »

- « pas les cas n° 3 et 4 parce qu‟ils ont pas doublé »

- « il faudrait d‟abord voir d‟autres mesures avant»

Page 162: Master - UNIGE

ANNEXE 3

Dimensions Dir.1 Dir.2 Dir.3 Dir.4 Dir.5

le e

t tâ

ches

per

son

nel

s

Res

po

nsa

bil

ité

du

ran

t le

pro

cess

us

- « ma responsabilité est entière, c‟est

moi qui décide du signalement ou pas et de l‟entrée en spécialisé, je ne le fais pas

à l‟aveugle, je le fais en discutant avec

mon équipe enseignante, avec tous les intervenants de l‟enfant, s‟il a été dans

un autre établissement, je discute avec

mon collègue de l‟autre établissement » - « au final, c‟est un échange avec ma

collègue du spécialisé et moi mais la

décision vient de ma collègue, ce qui est logique puisqu‟elle a plus d‟expériences

que moi des différents types de

situations du spécialisé » - « ça m‟est arrivé de signaler des

enfants pour le spécialisé en sachant que

c‟était pas forcément l‟option que je privilégiais mais j‟avais besoin d‟un

échange sur la situation… »

- « dès fois, l‟entrée en spécialisée a lieu hyper vite avec très peu d‟échanges car

c‟est une évidence »

- « je crois que la position de directeur, c‟est qu‟il y ait une certaine distance

émotionnelle, moi je mets de la distance

contrairement à l‟enseignant, ça veut pas dire que je n‟ai pas d‟émotions mais moi

je ne dois pas »

- « on voit les parents, on discute une fois, deux fois, trois fois, dix fois et la

dixième fois, peut-être qu‟ils ont

compris le but du spécialisé » - « je l‟assume complètement, ben c‟est

mon job ! je suis payé pour ça »

- « ma responsabilité, c‟est d‟assumer les décision qu‟on prend en lien avec

une enseignante, c‟est moi qui assume »

- « ma responsabilité c‟est de veiller à ce

que les enseignants fassent ce qu‟il faut, c‟est de les accompagner dans ces

entretiens difficiles et ne pas les

décharger complètement face à leur responsabilité »

- « si les parents ne sont pas réceptifs,

n‟écoutent pas la souffrance de leur enfant en division ordinaire, je dois

m‟orienter vers un signalement à la

protection des mineurs » - « quand on signale un enfant on est

responsable, on se défile pas, on a peur

des parents parce qu‟il y en a qu‟il faut combattre bec et ongles »

- « moi j‟ai le devoir de dire à

l‟enseignant „‟vous pensez avoir bien réfléchi ? Est-ce la meilleure solution ?

Est-ce que vous avez tout tenté avec cet

élève ? » - « je dois co signer le rapport fait par

l‟enseignant pour dire qu‟il est suffisant

et y a aussi la responsabilité de défendre le cas devant l‟inspecteur du spécialisé »

- « pas facile de trouver les bonnes

paroles et d‟accompagner les enseignants parce que c‟est eux qui assument une

certaine responsabilité, moi je confirme

le signalement mais c‟est eux qui prennent la responsabilité initiale »

- « nous, on met tout en place mais on a

pas la certitude de la réussite de ces solutions, il y a aussi une part qui doit

être assumée par les parents, les mesures

d‟accompagnement, c‟est pas seulement ce que l‟école met en place, c‟est aussi ce

que les parent mettent en place, on a une

responsabilité partagés à ce niveau là »

- « mon rôle est d‟aller le voir en classe

déjà, me faire un peu mon opinion » - « je suis dans l‟accompagnement des

familles à accepter le fait que l‟enfant va

aller dans le spécialisé, y a beaucoup de familles très résistantes… C‟est pas

qu‟on se dit qu‟on fait plus rien en

attendant qu‟il parte » - « finalement peut-être leur imposer aux

parents car on a déjà fait redoubler

l‟élève à la demande des parents, au bout d‟un moment, c‟est l‟autorité qui dit que

non »

- « quand je signe le descriptif de l‟enseignant qui accompagne le

signalement, ça veut dire que je le

reconnais et la validité de ce qui est énoncé dedans »

- « je peux pas dire que c‟est une

responsabilité partagée, je peux pas faire porter la responsabilité à l‟enseignant

parce que c‟est pas son rôle, c‟est le mien

finalement, donc ma responsabilité est quand même plus importante »

- « ma responsabilité serait d‟être sûr

qu‟on est bien dans un décalage par rapport aux objectifs de 3P et pas par

rapport à des attentes qui seraient elles,

locales, injustifiées » - « ça m‟est arrivé de dire à des parents

„‟là, la décision c‟est comme ça‟‟ »

- « mais il faut prendre un petit peu de recul parce que moi, je suis pas tout

puissant, hein »

- « on a une situation, être responsable c‟est qu‟est-ce qu‟on en fait de cette

situation là ? le passé on peut plus agir

mais sur l‟immédiat, sur la suite » - « je suis que le garant quelque part que

l‟enseignant fasse son travail »

- « le but c‟est de pouvoir parler avec

l‟inspecteur du spécialisé et de regarder ensemble »

- « faut pouvoir convaincre aussi les

parents de leur dire mais c‟est une chance pour l‟enfant »

- « c‟est chaque fois un pari, on est

jamais sûrs » - « j‟arrive pas à me dire c‟est ma

responsabilité ce qui se passe après

par contre oui, c‟est ma responsabilité au niveau de l‟orientation »

Page 163: Master - UNIGE

162

Dimensions Dir.1 Dir.2 Dir.3 Dir.4 Dir.5

le e

t tâ

ches

per

son

nel

s

Res

po

nsa

bil

ité

du

ran

t le

pro

cess

us

(su

ite)

- « signaler un élève, c‟est un acte

responsable puisque ça se prend pas à la légère, on engage des forces au

niveau de l‟établissement, on engage

un impact sur les parents et sur l‟enfant »

- « légalement, je peux imposer aux

parents l‟enseignement spécialisé mais si je fais ça, ça veut dire que j‟ai pas les

parents derrière moi mais on doit avoir

les parents avec nous, ça veut dire que le discours pour l‟enfant, ça sera le

même »

- « quand on est dans un poste de

directrice, c‟est très difficile car on est très seule mais quand on doit faire

quelque chose pour un enfant, les choses

avancent beaucoup plus vite. Parce que dès fois, quand on est enseignant, on est

un peu frustré par toute la machine

sociale, voire judiciaire qui marche pas beaucoup »

- « c‟est beaucoup de responsabilité,

c‟est beaucoup de solitude » - « pour moi, la responsabilité, c‟est

d‟écrire une lettre à un juge si l‟enfant

est maltraité, c‟est de pas fermer les yeux »

- « on a la responsabilité de bien

connaître les structures, de bien connaître où on va envoyer les enfants, avoir visité

un centre de jour, de savoir comment

fonctionnent les institutions de vie etc. » - « après on demande des nouvelles à la

directrice „‟ as-tu bien mis toutes ces

choses en place ?‟‟ » - « j‟ai écrit au juge directeur et je me

suis battue » - « on a la responsabilité de garder la tête

sur les épaules »

- « j‟assume volontiers la responsabilité quand des parents vont pas bien, ils

viennent dans mon bureau, ils posent leur

sac, j‟ai des mamans qui craquent et j‟ai la responsabilité de les mettre en lien

avec le service social de la commune

etc. » - « j‟ai des parents qui ne veulent pas du

spécialisé ! je dois faire avec, ma

responsabilité c‟est aussi de mettre en place autre chose mais aussi à respecter

les parents qui ne sont pas prêts à

entendre que leur enfant doit aller dans une école différente »

- « il y a une responsabilité commune

mais je dois faire en sorte que les choses avancent, qu‟elles suivent leur cour »

- « le rôle d‟un supérieur hiérarchique

qui doit motiver ses troupes »

Page 164: Master - UNIGE

163

Dimension Dir.1 Dir.2 Dir.3 Dir.4 Dir.5

le e

t tâ

che

per

son

nel

s

Res

po

nsa

bil

ité

enve

rs l

’élè

ve - « le but c‟est pas d‟aller en spécialisé,

d‟y rester mais d‟y faire un passage et

de rejoindre la division ordinaire »

- « je ne lâche pas mes élèves, le gros travail de responsabilité, c‟est le suivi

des élèves »

- « je n‟ai eu que comme solution de déplacer l‟élève vers un autre

établissement parce qu‟il devenait

tellement stigmatisé ici que tous les parents étaient contre lui, ni la protection

des mineurs, ni personne n‟a pris ses

responsabilités »

- « quand l‟enfant a sa place dans l‟enseignement spécialisé, on passe le

relais, par contre ce que j‟aime bien faire

et qu‟il faut prendre la peine de faire c‟est voir comment ça c‟est passé et

avoir des nouvelles de cet enfant pour

savoir si oui, on a pris une bonne décision ou pas »

- « je pense qu‟il faut dès fois enlever la

pression sur l‟élève, mais alors, c‟est pas lâcher l‟élève pour moi »

Page 165: Master - UNIGE

164

Dimension Dir.1 Dir.2 Dir.3 Dir.4 Dir.5

le e

t tâ

ches

des

au

tres

Ense

ignants

ord

inair

es

- « la responsabilité de mes enseignants c‟est de me signaler, m‟alerter sur ce

type de situation »

- « l‟enseignant titulaire, c‟est le principal acteur, il a un rôle d‟alerte »

- « c‟est l‟enseignant qui signale » - « l‟enseignant a une responsabilité au

quotidien d‟assurer dans le travail avec

l‟enfant »

- « c‟est la responsabilité la plus importante, c‟est cette personne qui

connaît l‟élève au mieux »

- « sa responsabilité (à l‟enseignant ordinaire) c‟est d‟être bien au clair avec

l‟élève, savoir s‟il peut encore mettre en

place quelque chose ou pas, si les limites sont atteintes ou pas ? »

- « c‟est d‟explorer toutes les stratégies

possibles avec les parents et d‟être le plus exhaustif et objectif possible dans la

rédaction du bilan »

- « l‟enseignant est au cœur de la responsabilité »

- « l‟enseignant ordinaire, c‟est celui qui signale, qui met en œuvre, qui

renseigne, qui va vraiment être proche

de l‟enfant » - « dès fois, ça peut arriver que des

enseignants soient à bout et que le

signalement soit la conséquence de cet état »

EC

SP

- « il a la même responsabilité qu‟un

enseignant titulaire, il doit référer à l‟établissement quand il y a des

difficultés particulières »

- « elle doit aider les enfants en

difficultés »

- « c‟est aussi un regard important dans

le diagnostic »

- « alors ils n‟ont pas la responsabilité

mais ils ont une part de, comme les maitres spécialistes, de contribution à

définir la situation, à donner un

éclairage, oui »

- « c‟est plus une responsabilité où

l‟on épaule l‟enseignant ordinaire »

Spéc

iali

sés

- « il n‟a pas de responsabilité »

- « il a le devoir, je pense de prendre

l‟enfant brute comme ça, comme il est »

- « il a la responsabilité que l‟enfant

acquière les connaissances suffisantes pour réintégrer la division ordinaire,

c‟est le chalenge »

Pare

nts

- « faut bien définir les rôles, moi c‟est pas mes enfants, si les parents ne suivent

pas leur responsabilité, soit y a une mise

en danger de l‟enfant et là, y a des procédures à suivre… »

- « avec les parents c‟est difficile parce

qu‟on a pas du tout la même approche. Emotionnellement c‟est fort »

- « certains parents ne veulent pas l‟assumer cette responsabilité dans le

signalement »

« si les parents ne soutiennent pas l‟école, on peut pas travailler dans ces

conditions, c‟est ou vous nous soutenez

ou envisagez le privé »

- « les parents, c‟est des acteurs du processus quand même… on peut pas

faire sans, hein »

- « nous, on les (les enfants) a une partie du temps, on est des experts de

l‟enseignement et vous (les parents),

vous êtes des experts de l‟enfant »

Page 166: Master - UNIGE

165

Dimension Dir.1 Dir.2 Dir.3 Dir.4 Dir.5

Ca

use

s

Inte

rnes

- « c‟est le paradoxe de l‟aide, si on ne

lâche jamais, ça déresponsabilise

l‟élève aussi, il faut le lâcher à un moment donné, un lâché contrôlé, y a

donc des limites dans la

responsabilité »

exte

rnes

- « tant qu‟il est dans mon

établissement, il est sous ma responsabilité, s‟il est refusé dans le

spécialisé, c‟est à moi de voir sur le

moment ce que je peux aider » - « je les lâche quand ils sont sous la

responsabilité de quelqu‟un d‟autre »

« du moment où l‟enfant quitte mon

école, on va avoir des nouvelles mais c‟est plus quelque chose de

personnel mais au moment où il est passé

en spécialisé, faut lui laisser sa vie là-bas, faut passer le relais à d‟autres

personnes mais je vais continuer à avoir

des contacts pour être sûre que tout ce qui a été fait pour l‟enfant avance »

- « après, on peut prendre des nouvelles

mais du cahier des charges, on a plus rien avoir »

Dim

ensi

on

s so

cio

-aff

ecti

ves

- « peut-être qu‟on a pas fait le bon choix, on est jamais sûrs, c‟est très

difficile, ça t‟empêche de dormir aussi

dès fois la nuit, c‟est dur, j‟ai une responsabilité »

- « donc faut assumer une certaine

responsabilité, maintenant, on est pas sûr du résultat »

- « c‟est un échec d‟avoir déplacé cet

enfant dans une autre école, parce que j‟ai pas réussi à aller jusqu‟au bout du

dossier, qui était pour moi, le retrait de

cet enfant à son père qui lui faisait subir des sévices physiques »

Page 167: Master - UNIGE

166

ANNEXE 4

Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5

le e

t tâ

ches

per

son

nel

s

Res

po

nsa

bil

ité

du

ran

t le

pro

cess

us

- « je vais aussi aller dans

l‟institution, je vais en

parler, j‟ai des liens très

serrés avec le thérapeute ou

je sais pas, je vais

accompagner les parents »

- « je vais faire les

démarches jusqu‟au bout »

- « même l‟accompagner là-

bas enfin même passer une

journée »

- « présenter et rassembler

tous les éléments pour

présenter ça à la direction de

l‟école »

- « faire un bilan complet »

- « rencontrer des personnes

de l‟OMP »

- « passer ça en conseil des

maîtres et d‟expliquer

pourquoi on le fait»

- « rédiger un rapport »

- « ma responsabilité c‟est

de signaler quand un enfant

en a besoin »

- « c‟est pas tellement

l‟enfant que j‟essaie

d‟accompagner, mais c‟est

plutôt son entourage »

- « l‟institution ne nous donne

qu‟un rôle même pas

consultatif, elle nous

demande de faire un bilan,

mais on ne nous demande

jamais d‟expliquer ni

l‟historique, ni la synergie

qu‟il y a entre ces éléments,

on ne nous demande jamais

d‟effectuer une synthèse qui

soit un regard global »

- « on doit d‟abord se

convaincre nous-mêmes, puis

convaincre les parents, puis

l‟institution »

- « on doit lâcher mais pas

fuir »

- « je crois que quand on a la

conviction que cet enfant doit

aller dans une classe

spécialisée,

- « faire déjà accepter aux parents

un suivi par le SMP ou par un

thérapeute externe, donc voilà

peut-être dans la relation avec la

famille, préparer ce passage au

mieux »

- « c‟est à nous d‟écrire, on a un

rapport à faire »

- « on doit expliquer quelles sont

les compétences de l‟enfant, les

difficultés, etc. »

- « moi je signale, je fais mon

rapport sur l‟enfant » - « je pense que c‟est important de

pouvoir donner, brosser un portrait

assez fidèle à ce qu‟est l‟enfant »

- « donc je pense que ouais notre

rôle est assez important d‟autant…

aussi avec les relations avec la

famille »

- « rassurer les parents, rassurer

l‟enfant»

- « mon rôle c‟est dans

parler donc avec les

collègues qui interviennent

auprès de cet élève donc

faudra qu‟on discute par

rapport à ce qu‟ils

observent »

- « d‟en parler au conseil des

maîtres »

- « de le signaler à la

directrice »

- « je suis responsable donc

je la garde »

- « j‟ai quand même la

responsabilité pour moi ça

fait partie du travail »

- « je le signale parce que

ouais j‟ai pas envie que ça

me soit reproché plus tard ou

vis-à-vis des collègues ou

des futurs collègues, je crois

que c‟est important de

signaler, pour moi j‟ai fait

mon travail »

- « on essaie de parler avec les

parents, avec la directrice »

- « nous on se tient à

disposition »

- « on en parle aussi au niveau

de la direction »

- « on a le rôle de remplir un

document »

- « on est toujours embêtés,

parce qu‟on a pas le droit de

les obliger »

- « c‟est notre devoir de

signaler »

- « au bout d‟un certain

temps, on peut peut-être

penser sur le premier

trimestre ou la moitié de

l‟année que c‟est pas notre

responsabilité de le signaler,

mais qu‟on doit l‟aider…

mais plus ça avance si on voit

qu‟il y a pas de progrès, c‟est

vrai qu‟on

Page 168: Master - UNIGE

167

Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5

le e

t tâ

ches

per

son

nel

s

Res

po

nsa

bil

ité

du

ran

t le

pro

cess

us

(su

ite)

- « j‟endosse la

responsabilité »

- « signaler un élève, c‟est

un acte responsable »

- « je vais très loin

normalement comme

responsabilité »

- « c‟est pas parce qu‟il

nous embête ou qu‟il nous

casse les pieds ou qu‟il a

une mauvais tête ou que des

problèmes éducatifs qu‟on

arrive pas à surmonter qu‟il

faut le lâcher »

- « on a une grosse

responsabilité »

c‟est au contraire assumer sa

responsabilité d‟enseignant

que de dire bon ça vous fait

peut-être pas plaisir, mais moi

en tant que praticien, en tant

que professionnel de

l‟enseignement, je vous dis

que… »

- « j‟ai pas véritablement

l‟impression que notre

opinion soit évaluée à sa juste

mesure »

- « on nous demande d‟être là

pour donner des cautions, des

justifications, mais il y a pas

véritablement

d‟explications »

- « c‟est vrai que les anciens,

on les oublie, sauf

s‟ils restent dans l‟école »

- « certains enseignants ont

des engagements presque

existentiels par rapport à leurs

élèves »

- « tant que l‟enfant n‟est pas placé,

il faut tout mettre en œuvre pour

essayer de s‟en occuper, tant qu‟il

est là, parce que tant qu‟il est là, on

doit s‟en occuper »

- « je trouve c‟est important,

c‟est vraiment une décision

qu‟on doit pas prendre à la

légère, il faut bien discuter

avec ses collègues »

va essayer d‟enclencher

quelque chose, ça je trouve

que c‟est de notre

responsabilité, de notre devoir

en tout cas »

- « s‟il reste encore dans la

classe, je garde la

responsabilité et puis bin, on

prend la responsabilité de

faire ce qu‟on peut, mais

voilà, on renonce pas »

Page 169: Master - UNIGE

168

Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5

le e

t tâ

ches

per

son

nel

s

Res

po

nsa

bil

ité

enve

rs l

’élè

ve

- « je baisse les objectifs, je

vais différencier beaucoup

les tâches »

- « je vais essayer de mettre

l‟enfant à l‟aise pendant

l‟année pour éviter

d‟enfoncer, d‟humilier ou

que les difficultés lui sautent

à la figure chaque fois qu‟il

a une feuille »

- « lâcher, c‟est arrêter

d‟investir et de mettre des

ambitions autour d‟un enfant

qui ne pourra pas répondre et

qui va nous amener de la

frustration »

- « alors des mesures d‟appui dans

l‟école, c‟est pas toujours ce qu‟on

préconise parce que des fois, il y a

un tel regard, qu‟on va prendre

beaucoup d‟heures d‟appui pour un

élève qui risque de partir et puis du

coup, on enlève des heures d‟appui

à d‟autres élèves qui auraient

besoin d‟un petit coup de pouce

pour y arriver »

- « je dirais des mesures déjà dans

la classe pour que l‟enfant, il se

décourage pas et puis peut-être des

mesures externes aussi avec des

répétiteurs avec un encadrement

avec un suivi »

- « alors je dirais au niveau des

apprentissages, il y a un moment

donné euh… […]. Par contre, je me

sens responsable jusqu‟au bout de

son bien-être dans la classe »

- « je garde la responsabilité, mais

plutôt au sein de l‟intégration, au

sein du groupe-classe, du

comportement, des conflits […] des

fois on doit protéger un enfant

contre lui-même, ou on protège ces

camarades de cet enfant-là donc ça

oui, ça c‟est ma responsabilité

d‟adulte »

- « au niveau du groupe- classe, non

ça je lâcherai jamais »

- « moi c‟est aussi d‟essayer

de trouver des moyens de

lui venir en aide si je vois

qu‟il y a une manière de

faire qui lui convient pas

d‟essayer d‟en trouver une

autre »

- « parce que j‟ai aussi

d‟autres enfants qui sont en

difficultés et je vois pas

pourquoi je donnerais plus à

cet enfant »

- « il faut se montrer

présente et puis aider »

- « pour le soutenir quoi,

pour lui expliquer de

différentes manières »

- « je vais pas laisser un

enfant de côté, maintenant je

sais que je vais pas pouvoir

avoir les mêmes attentes avec

lui qu‟avec d‟autres élèves,

donc je vais prendre d‟autres

activités plus faciles »

- « il y a toujours le problème

du regard des autres élèves

[…]. C‟est aussi d‟en parler

lors des moments collectifs »

Page 170: Master - UNIGE

169

Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5

le e

t tâ

ches

des

au

tres

Dir

ecte

urs

- « le directeur a un grand

rôle, c‟est de soutenir

l‟enseignant, proposer

d‟autres acteurs, venir dans

la classe pour constater si

l‟enseignant a raison ou

tord, être partenaire un petit

peu de ça »

- « le rôle du directeur il est plus

formel »

- « le directeur vient les observer

aussi en classe »

- « les démarches administratives

pour trouver une place, etc. ça c‟est

la directrice qui s‟en occupe »

- « voir si la directrice peut

venir à un entretien avec nous

plus les parents pour essayer

de discuter de la même

chose » - « elle vient en classe pour

euh… pour faire des

observations, elle se met à

disposition si on a besoin

d‟elle pour faire les

entretiens »

EC

SP

- « l‟ECSP elle va pouvoir appuyer

tout ça, elle va pouvoir expliquer

qu‟est-ce qu‟il se passe dans un

petit groupe restreint »

- « le rôle de l‟ECSP il est

important dans ces cas-là au niveau

du soutien, de la compréhension

pour les parents »

En

seig

na

nts

sp

écia

lisé

s

Pa

ren

ts

- « si les parents sont pas

derrière nous pour nous

soutenir »

- « la responsabilité revient

aux parents qui ont refusé

de prendre toute l‟aide

nécessaire dans l‟école »

- « les parents ils ont souvent

d‟autres chats à fouetter »

- « bon, la mère a le droit de

refuser »

Page 171: Master - UNIGE

170

Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5

Co

llèg

ues

- « on dit que ce sont des

enfants qui n‟y arrivent pas…

bin c‟est pas qu‟ils n‟y

arrivent pas, c‟est qu‟on leur

a pas donné les outils »

- « c‟est vrai que quand nous

on attrape des enfants de la

volée d‟avant et puis qu‟on en

a jamais entendu parler, puis

que c‟est un cas difficile et

puis que la maîtresse d‟avant

elle a pas fait son travail de

dire aux parents ça va pas,

etc. bin elle a le beau rôle

parce que c‟était la gentille

maîtresse, parce qu‟elle a rien

dit et puis nous, on s‟attrape

les cas des autres »

Page 172: Master - UNIGE

171

Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5

Ca

use

s

Inte

rnes

- « ça me pose pas plus de

problème que ça, j‟ai fait

mon travail »

- « il faut pas faire de

l‟acharnement pédagogique au

niveau des classes, il y a un

moment donné, c‟est plus de notre

ressort et je pense qu‟il faut arriver

à dire là, non, moi j‟y arrive plus,

j‟ai fait ce que je pouvais, mais là

j‟y arrive plus»

- « je me sens pas la responsabilité,

il y a un moment donné, si je sais

que j‟ai tout mis en œuvre que j‟ai

tout fait pour que l‟enfant progresse

et qu‟il y arrive pas… »

- « je vais pas, moi, me rendre

malade pour essayer de faire

avancer un enfant »

- « il faut que j‟aie fait mon

maximum, si j‟ai pas tout essayé,

bin oui je peux encore essayer

d‟autres choses, mais dès le

moment où je sais que j‟ai sorti

toute une panoplie, euh, voilà… »

- « ça sort de mes

compétences, j‟ai pas pu

l‟aider »

- « ça sort de mes

compétences

d‟enseignante »

- « j‟avais déjà dit à la mère

que l‟école arrivait à ses

limites, que ça sortait des

compétences d‟enseignante

et qu‟il avait besoin d‟autres

spécialistes par rapport aux

difficultés qu‟il a »

- « c‟est important à un

moment donné de

reconnaître ses limites »

Page 173: Master - UNIGE

172

Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5 C

au

ses

Ext

ern

es

- « mais après bon bin

voilà, s‟il y a par

exemple pas de place »

- « ou si par exemple

l‟inspecteur me dit non,

bon bin pour moi ça

s‟arrête là »

- « ou si par exemple un

enfant est en difficultés

puis qu‟on lui a dit

viens aux études

surveillées, puis que les

parents disent je veux

pas qu‟il vienne aux

études surveillées »

- « ça s‟arrête ma

responsabilité, ça

s‟arrête du moment ou

la… la fin de l‟année

s‟arrête »

- « jusqu‟à ce qu‟il

parte de l‟école »

- « [en parlant du refus

des parents] là moi je

baisse les bras avec

l‟accord de la direction

je baisse les bras en

disant j‟ai tout fait ce

qu‟il fallait, je prends

plus la responsabilité, là

je lâche la

responsabilité »

- « on est même plus dans un

problème scolaire, mais dans un

problème politique »

- « l‟école peut faire peu de

choses, à mon avis »

- « je crois que ce sont des enfants

qui ne correspondent pas au

moule que l‟institution a créé »

- « l‟école est toujours à la croisée

de difficultés à la fois cognitives

donc qui concerne l‟enfant seul,

mais aussi de situations sociales

qui sont complexes, mais aussi de

situations politiques »

- « l‟enfant a face a lui une espèce

d‟institution qui représente

comme un mur et nous-mêmes, on

peut hurler, crier dans tous les

sens… »

- « l‟institution nous dit tant que

les parents ne sont pas d‟accord

on ne bouge pas »

- « c‟est au niveau de la famille

qu‟il y a un problème

gravissime »

- « on a de telles retenues, de tels

barrages, qu‟il arrive un moment,

c‟est vrai, où on commence à dire,

bon je lâche »

- « je peux pas être responsable de

sa situation familiale, de ce qu‟il lui

arrive à la maison »

- « si j‟ai tout fait pour que l‟enfant

progresse, il y a un moment donné

où on est pas des magiciens, on a

pas la baguette magique […] »

- « il y a des fois d‟autres choses

qui l‟empêchent d‟avancer que moi

je peux pas résoudre »

- « si on sait que le passage en

spécialisé se fait le mois suivant

euh bon voilà, peut-être qu‟au

niveau scolaire, bon… »

- « si je suis pas sûre qu‟il y a un

passage et que ça va peut-être se

faire dans une année, etc. alors non

faut pas le lâcher, c‟est pas

responsable de le lâcher

maintenant »

- « ça dépend dans combien de

temps se fait le passage »

- « je ne me sens plus

responsable peut-être à

partir du moment où les

parents refusent… ouais si

je sais qu‟à l‟avenir je vois

qu‟il y a pas de

collaboration, je vais pas

non plus surinvestir »

- « mais il y a le refus de la

part de la mère »

- « étant donné que la mère

ne collabore pas »

- « plus responsable dès

l‟instant où ils ont quitté

l‟école »

- « on est plus

responsable de lui, une

fois qu‟il est plus sous

notre responsabilité au

niveau de la classe »

- « je suis responsable

tant qu‟il est au niveau

de la classe où même de

l‟école, si tout d‟un coup

il avait pas encore passé

en spécialisé »

- « tant qu‟il est au

niveau de notre école,

dès qu‟il passe vers une

autre structure, bin on a

passé le relais entre

guillemets »

Page 174: Master - UNIGE

173

Dimension E.O.1 E.O.2 E.O.3 E.O.4 E.O.5 D

imen

sion

soci

o-a

ffec

tives

- « alors ce qui me

toucherait beaucoup

c‟est que je sois

responsable d‟un enfant

que j‟ai pas signalé que

j‟aurais du, c‟est-à-dire

si j‟ai un enfant qui

souffre dans ma classe

et que j‟ai pas fait le

nécessaire pour

signaler, là je me

sentirais drôlement

responsable »

- « j‟aime pas trop le terme parce

que la responsabilité tourne vite à

la culpabilité »

- « le problème, c‟est qu‟on est

toujours très motivé par les

situations des enfants et je dirais

même que dans certains cas, on

est carrément angoissé »

- « on traîne toujours avec nous

une espèce de culpabilité, c‟est

clair dans la mesure où on arrive

pas alors qu‟on pense avoir

identifié les difficultés, dans la

mesure où on y arrive pas, même

si on sait qu‟on est pas

omniscient, même si on sait qu‟on

peut pas résoudre avec nos petits

bras des problèmes linguistiques

ou des problèmes socioculturels,

on a toujours quand même cette

espèce de rage de vouloir vaincre

une espèce de destin, on traîne

toujours une espèce de culpabilité,

mais en même temps on essaie

toujours de s‟en détacher, parce

qu‟on

sait bien que c‟est pas

constructif »

- « on se sent à la fois coupable et

en même temps désarmé dans des

situations véritablement

difficiles »

- « on se sent coupable de pas

pouvoir faire quelque chose »

- « si je sais que j‟ai tout mis en

œuvre que j‟ai tout fait pour que

l‟enfant progresse et qu‟il y arrive

pas, non, je vais pas me culpabiliser

de ça »

- « j‟ai un peu surinvestit »

Page 175: Master - UNIGE

ANNEXE 5

Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5

le e

t tâ

ches

per

son

nel

s

Res

po

nsa

bil

ité

du

ran

t le

pro

cess

us

- « alors, on discute avec

l‟enseignant »

- « - « je fais quand même un

petit rapport à l‟enseignant »

- « si on pouvait le compléter

par des choses que j‟avais

observé moi »

- « donc elle l‟a rempli une

première fois de son côté et

ensuite, on reprend les choses

ensemble »

- « alors moi, en tant

qu‟ECSP, je ne signale de

toute façon pas directement

au… »

- « ça procède d‟une

discussion avec la titulaire »

- « je n‟ai pas de

responsabilité au niveau d‟un

signalement direct »

- « c‟est pas une décision

individuelle »

- « mon rôle va être de pouvoir

participer à la décision »

- « la participation, elle va

pouvoir s‟appuyer sur un

travail »

- « il faut faire un retour régulier

ensemble avec l‟enseignant et

discuter ensemble »

- « s‟il y a eu éventuellement des

mesures à l‟extérieur de l‟école

qui ont été prises soit par logo,

soit par aide psychologique, soit

par assistant social et que tout ça

a été fait avec l‟infirmière, étant

donné qu‟il y a eu un travail

intensif avec l‟enseignant de

soutien, qu‟il y a eu des objectifs

précis qui ont été posés et qui

que cette enfant a toujours pas

progressé, là je pense que notre

responsabilité c‟est de dire, là je

pense que le spécialisé c‟est

peut-être une situation plus

favorable pour elle »

- « mon rôle c‟est aussi

d‟accompagner puis de trouver

des arguments qui font que les

parents peuvent entrer en

matière »

- « je vais parler à l‟enseignante

et puis après elle réfléchit, on

réfléchit les deux »

- «ça peut être d‟alerter donc

d‟abord c‟est de voir, observer,

regarder comment fonctionne

l‟enfant ça c‟est la première

chose »

- « ça c‟est le travail de

convaincre »

- « on en discute aussi avec la

directrice ça c‟est un passage

obligé puis après on met en route

les choses »

- « c‟est pas moi qui prend la

décision, mais je peux quand

même soutenir la titulaire dans

ses démarches »

- « je soutiens l‟enseignante dans

sa décision »

- « je discute avec elle »

- « je peux faire un rapport »

- « moi j‟accompagne ce

processus, je soutiens

l‟enseignante »

- « il y a d‟abord le pré-

signalement, on en discute, enfin

moi en tant qu‟ECSP je peux

signaler à l‟enseignante de

l‟élève ce que je remarque »

- « il faut faire des bilans »

- « on a le devoir de parler,

donner notre avis à

l‟enseignante »

- « rendre des comptes »

- « peut-être il faut modérer »

- « il faut avoir des preuves,

enfin pas des preuves, des traces

de ce qu‟on dit »

Page 176: Master - UNIGE

175

Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5

le e

t tâ

ches

per

son

nel

s

Res

po

nsa

bil

ité

du

ran

t le

pro

cess

us

(su

ite)

- « ma responsabilité en tant

qu‟ECSP, c‟est de faire part

de ce que je constate pendant

les moments où j‟ai l‟enfant

avec moi

- « faire un petit peu le lien

avec ce que constate la

titulaire de faire le point »

- « si, c‟est un acte

responsable quand l‟élève

nous fait tellement souci

qu‟on estime qu‟il doit être

signalé oui »

- « la responsabilité on l‟aura…

on a toujours une partie de la

responsabilité. De la décharger

complètement, non »

- « je dirais j‟endosse la

responsabilité, mais pas toute

seule »

- « même pratiquement, entrer

dans l‟apprentissage d‟une autre

manière que l‟enseignant »

- « je pense que c‟est très

difficile de pas se sentir

responsable »

- « c‟est un acte responsable de

signaler un élève »

- « spontanément, oui on va

jamais lâcher un élève »

- «moi en tant qu‟ECSP j‟ai pas

une vision complète de l‟enfant

donc euh… je fais part de mes

inquiétudes à l‟enseignante, je lui

demande comment ça va en

classe et puis suivant ce qu‟elle

me dit, je peux dire, mais tu sais

là il faudrait quand même

réfléchir s‟il faut pas signaler »

- « moi en tant qu‟ECSP, je suis

pas vraiment responsable, parce

que c‟est son enseignante qui

doit décider »

- « ma responsabilité est

impliquée juste dans le… les

discussions »

- « il faut prendre ses

responsabilités si on décide de

signaler, dans le sens on signale

pas pour s‟en débarrasser, c‟est

qu‟on y a vraiment mûrement

réfléchi en fait, et discuté »

- « il faut avoir fait le tour de la

question, voir s‟il y a pas

quelque chose à faire avant »

- « en fait, je crois que si on a pas

fait le tour de la question avant,

on risque de fuir ses

responsabilités »

- « faut pas lâcher l‟élève, mais

faut pas non plus à tout prix en

faire son affaire »

- « je délègue oui si on parle de

la décision de signaler, mais je

garde une certaine responsabilité

par

- « on va pas laisser ça au

hasard »

- « je laisse pas trainer »

- « bin je garde la responsabilité,

mais bon en tant qu‟ECSP, c‟est

de toute façon partagé »

- « où ça s‟arrête ? je sais pas, je

pense qu‟on est toujours

responsable quelque part, même

si on a signalé et que l‟élève est

parti, peut-être on y pense

encore, parfois on se demande

si… comment va l‟élève, est-ce

qu‟il s‟intègre, est-ce que c‟était

bien la bonne solution… »

Page 177: Master - UNIGE

176

Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5

le e

t tâ

ches

per

son

nel

s

Res

po

nsa

bil

ité

du

ran

t le

pro

cess

us

(su

ite)

- « je partage la responsabilité.

Moi j‟endosse aucune

responsabilité parce que en tant

qu‟ECSP, je n‟ai pas le profil de

l‟élève »

- « moi j‟ai la responsabilité de

convaincre que c‟est mieux, de

de… mais j‟ai pas la

responsabilité de l‟envoyer, je

veux dire c‟est… j‟ai la

responsabilité de chercher son

meilleur parcours, voilà »

- « Maintenant en tant qu‟ECSP,

j‟ai pas cette vision-là donc je

peux que partager avec

l‟enseignante que être co-actrice

là-dedans et de toute façon il faut

les parents, de toute façon il faut

la direction dedans donc de toute

façon tout le monde doit prendre

la responsabilité donc euh ça

peut pas être que nous c‟est pas

possible »

- «il faut lui donner les meilleurs

conditions possible pour qu‟il

puisse s‟en sortir et résoudre ces

problèmes »

- « je vais alerter pour autant que

l‟enseignant ait pas déjà réalisé

la plupart du temps c‟est plutôt

l‟enseignant qui vient vers moi

en me disant tu sais qu‟est-ce

qu‟il faut faire avec cet enfant là

donc c‟est déjà révélé en classe

après je vais voir si ce que moi je

constate est corroboré en classe

si c‟est la même chose ou pas»

rapport à l‟élève, de toute façon,

en tant qu‟ECSP, j‟ai pas

l‟entière responsabilité »

- « il faut pas penser qu‟on doit

pas le signaler parce que c‟est à

nous de l‟aider absolument »

- « il faut pas laisser tomber,

mais pas non plus s‟acharner »

Page 178: Master - UNIGE

177

Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5

le e

t tâ

ches

per

son

nel

s

Res

ponsa

bil

ité

enve

rs l

’élè

ve

- « il faut faire diverses

activités avec elle »

- « il faut parler à l‟enfant donc

là aussi il faut qu‟il soit preneur

il faut qu‟on lui explique le

pourquoi »

- « je suis responsable de ses

apprentissages, d‟essayer de

continuer de l‟aider, de pas

baisser les bras »

- « l‟aider aussi à bien accepter

le processus, à lui donner des

encouragements »

- « malgré tout faut pas le lâcher,

notre métier c‟est quand même de

le faire apprendre, donc on doit à

tout prix mettre tous les moyens »

- « faut pas laisser l‟élève quoi

qu‟il en soit »

- « faut prendre ses

responsabilités et se décider parce

que si on attend trop et qu‟on

compte sur les collègues parce

qu‟on est pas sûre, je sais pas

c‟est grave pour l‟élève, on doit

l‟aider, ça fait partie du métier,

même si l‟aider ça passe par un

signalement »

Page 179: Master - UNIGE

178

Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5

le e

t tâ

che

des

au

tres

dir

ecte

ur

- « alors je pense qu‟à un

moment donné, ça doit être

porté au niveau du directeur,

c‟est à lui, je dirais, de venir

peut-être voir dans la classe

comment est l‟enfant, d‟en

parler aux parents »

- « le directeur a aussi un rôle

très important, je pense qu‟il

faut qu‟il connaisse bien les

enfants qui ont des difficultés

- « la directrice va avoir un rôle

de soutien, ou de compréhension

ou de jugement d‟approbation ou

de non approbation, c‟est un

garant que les choses se fassent

correctement »

- « le rôle de la direction bin

c‟est de vérifier que nous on se

trompe pas de s‟assurer que cet

enfant a bien doublé etc, qu‟il a

bien les conditions requises pour

aller dans le spécialisé »

- « le directeur, lui aussi est

important, parce qu‟il aide dans

tout ça »

- « il doit apporter son soutien,

ou peut-être nuancer, peut-être

qu‟il est pas d‟accord avec le

jugement de la titulaire aussi»

- « aussi au niveau administratif,

il a une lourde charge

- « le directeur doit s‟occuper de

tout ça plutôt de manière

institutionnelle et faire les

démarches vers le spécialisé »

Page 180: Master - UNIGE

179

Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5

En

seig

na

nt

ord

ina

ire

- « remplir un bilan de

compétence, mais c‟est pas

elle qui a pris la décision de

remplir un bilan, mais on

avait parlé au directeur et on

avait exprimé le fait qu‟on se

faisait beaucoup de souci

pour cette petite fille »

- « euh le titulaire a un rôle

très important »

- « alors je pense que du moment

qu‟en classe, l‟enseignante a pu

différencier, a mis des objectifs

qu‟elle a pas réussi à atteindre,

qu‟elle a vu les parents… »

- « l‟enseignant de soutien et

l‟enseignant de classe ont la

même… doivent enseigner à

tous les enfants le mieux

possible, voilà on a la même

responsabilité »

- « si je suis enseignante titulaire,

j‟ai un très bon profil de mes

élèves, je sais, je peux moi-

même dire s‟il est mieux en

spécialisé ou pas, je peux le

sentir mais après je m‟appuierai,

si j‟ai un ECSP, je m‟appuierai

sur son point de vue mais je

demanderai aussi au maître de

disciplines spéciales, le dessin,

comme ça, comment ils le

voient, comment ils le voient à la

gym, etc., pour avoir encore un

regard et puis à ce moment-là je

parle aux parents »

- « … le rôle de l‟enseignant

c‟est simplement le même que le

mien c‟est de voir qu‟il y a

problème, d‟observer l‟enfant, de

l‟imaginer dans le redoublement

de l‟imaginer dans le spécialisé

puis de voir quelle est sa

meilleure place de parler aux

parents de parler aux enfants

c‟est exactement le même rôle

que moi en fait, voilà

- « c‟est elle qui prend la

décision »

- « l‟enseignante n‟a pas non

plus l‟entière responsabilité,

parce qu‟il y a aussi le

directeur »

- « la décision lui appartient »

- « c‟est elle qui a la plus grande

responsabilité là-dedans, parce

qu‟elle vit au quotidien avec

l‟enfant, elle doit

l‟accompagner »

- « elle lance le processus, c‟est

elle qui voit le plus l‟élève dans

ses apprentissages et son attitude

en général »

Page 181: Master - UNIGE

180

Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5

le e

t tâ

ches

des

au

tres

spéc

iali

sés - « je connais pas assez bien le

travail des enseignants

spécialisés, je sais pas… »

- « l‟enseignant spécialisé, bin

lui, je pense qu‟il doit accueillir

l‟enfant même s‟il est pas

impliqué dans le processus, il

doit soutenir l‟enfant, l‟aider »

- « l‟enseignant spécialisé, dans

le processus il agit pas de toute

façon, lui il vient après, donc… »

pa

ren

ts

- « à un moment donné, la

responsabilité va passer aux

parents, les parents ils sont… je

veux dire la… c‟est clair qu‟il y

a la communication, il y a

l‟accord des parents à avoir »

- « il faut que les parents soient

partenaires là-dedans »

- « il faut que les parents soient

preneurs comme étant une

meilleure solution »

- « il y a aussi le soutien des

parents qui compte »

coll

ègu

e

s

- « les autres enseignants ont

aussi un rôle, dans le sens où

on s‟occupe à tour de rôle des

études surveillées »

Page 182: Master - UNIGE

181

Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5

Ca

use

s

inte

rnes

- « on est pas psychiatre on est pas

psychologue on sait pas comment

prendre ces enfants-là qui ont des graves

problèmes relationnels peut-être

familiaux, c‟est pas toujours l‟école qui

est en cause »

- « on peut pas faire des miracles, voilà,

on peut pas remplacer une structure qui

pourrait fonctionner»

« il y a un moment donné c‟est en le

mettant dans les meilleures mains et les

meilleurs mains c‟est pas toujours les

nôtres on a des limites on est très

limité »

- « mais c‟est difficile faut pas se

leurrer, on est pas grand-chose là-

dedans, je

veux dire, l‟enfant on doit

toujours l‟aider du mieux qu‟on

peut mais parfois on peut pas, on

peut plus parce qu‟on a pas les

compétences ou les

infrastructures peut-être »

exte

rnes

- « si les parents n‟étaient

pas d‟accord, c‟est pas

que je me sentirais plus

responsable, mais disons

que je… »

- « si les parents

n‟entrent toujours pas

dans un processus qui

pourrait l‟aider, je

continuerais à faire mon

travail, entre guillemets,

mais tout en sachant que

voilà, c‟est pas ça qu‟il

lui faut

- « euh moi je vais

continuer à travailler

avec elle, jusqu‟à ce

qu‟elle soit prise en

charge par le spécialisé »

- « je garde la

responsabilité, tant

qu‟elle est avec moi »

- « si les parents s‟opposent de toute

façon on peut rien faire donc c‟est plus

de ma responsabilité »

- « on essaie de parler aux parents mais

s‟ils sont totalement fermés »

- « on a pas le choix et si en plus au

niveau de la direction on nous dit que de

toute façon c‟est comme ça que les

classes auront de plus en plus de cas

comme ça qu‟elles doivent s‟y habituer

bin qu‟est-ce que vous voulez on va pas

commencer à dire bon bin je prends

mon bâton de pèlerin pis je le mets

absolument en spécialisé parce que

toutes les portes sont fermées à ce

moment-là »

- « non on est pas tout puissant l‟élève

pour apprendre il faut qu‟il soit

disponible qu‟il ait envie il faut aussi

que intérieurement il soit construit »

- « s‟il y a un blocage à un

moment, par exemple le refus des

parents, bin oui là c‟est plus

vraiment de notre responsabilité »

- « si les parents sont pas

d‟accord, tout est suspendu, ça

c‟est souvent un frein»

- « parfois les parents veulent

pas »

- « ou si c‟est le directeur qui est

pas forcément d‟accord »

- « parfois il y a pas de place pour

le spécialisé »

Page 183: Master - UNIGE

182

Dimension ECSP 1 ECSP 2 ECSP 3 ECSP 4 ECSP 5

Dim

ensi

on

s so

cio

-

aff

ecti

ves

- « on est toujours là pour l‟élève,

mais c‟est plus notre faute s‟il est

pas là où il doit être »

Page 184: Master - UNIGE

183

ANNEXE 6

Dimension E.S.1 E.S.2 E.S.3 E.S.4 E.S.5

le e

t tâ

ches

per

son

nel

s

Per

cep

tio

n d

e sa

res

po

nsa

bil

ité

- « j‟ai pas l‟impression d‟avoir plus de

responsabilité qu‟un enseignant de

l‟ordinaire » - « j‟ai pas l‟impression d‟avoir une

responsabilité supplémentaire, d‟avoir

une responsabilité différente ou d‟avoir des objectifs différents »

- « on a une part de responsabilité mais

on est pas responsable en tant que tel » - « j‟essaye d‟avoir des retours jusqu‟à la

9ème, ce qui permet de modifier mon

travail si nécessaire » - « un élève va au CO ou aux EFP, je me

sens pas forcément responsable en me

disant il est allé aux EFP, pour lui c‟est pas forcément bien, il aurait du aller au

CO

- « Y a une part de responsabilité mais la part de responsabilité ce serait à un

moment donné »

(réorientation) - « quand il part, je n‟ai plus de

responsabilité morale »

(réorientation) - « la responsabilité reste limitée »

(réorientation)

- « la part de responsabilité, elle devient très complexe, très compliqué à savoir

quelle responsabilité on a »

(réorientation)

- « nous on voit les professionnels agir mais on donne pas

notre avis »

- « on se rend compte que notre mandat devient très délicat parce qu‟on nous demande de rester avec le groupe spécialisé

et d‟aller à la demande du directeur et de l‟inspectrice du

spécialisé, dans leur classe pour observer les élèves susceptibles d‟un passage, ça a donné une ambiguïté, je pense

que ça serait mieux qu‟il y ait d‟autres gens, le fait d‟être de

la même école, ils finissaient pas être signalés » - « (en parlant de ré orientation) la responsabilité est

épouvantable, elle est très lourde, on peut se ronger les ongles

car on est jamais sûrs » - « Alors là, la responsabilité est épouvantable, cette

responsabilité, elle est très lourde » (réorientation)

- « la responsabilité de

l‟enseignant est identique

qu‟elle soit en ordinaire ou en spécialisé mais ça paraît une

évidence qu‟on se sente investit

d‟un travail à accomplir et d‟une obligation qui fait partie

de notre cahier des charges»

- « on peut pas faire le travail des autres [en parlant des

parents] »

- « une fois que je quitte l‟école, que je quitte la classe,

euh, c‟est fini »

- « je pense qu‟on doit avoir cette sagesse de faire confiance

dans la suite, de se dire que les

autres, ben ils sont tout autant compétents que nous dans ce

qu‟ils vont apporter à l‟enfant »

®

- « responsable ça veut dire

comme si j‟y étais pour

quelque chose, soit que j‟allais pouvoir tout faire

pour que ça aille mieux,

alors non, je pense pas avoir de mandat, je me sens pas

de réparer des erreurs que

d‟autres auraient commis » - « je pense que ça vaut le

coup effectivement de

déléguer à un autre collègue ou d‟accueillir un enfant

d‟un autre collègue pour qui

ça marche pas » - « quand les enfants

arrivent, ils ont un tel retard

en général que où est-ce qu‟on se place les priorités,

alors là c‟est, en terme de

responsabilité et de cas de conscience, moi j‟ai souvent

à faire à elles »

- « je me sens peu

responsable, parce que

pendant que je travaille avec les enfants, notre

boulot c‟est quand même

de leur montrer, comme dans l‟ordinaire

d‟ailleurs, que la balle est

dans leur camps »

Page 185: Master - UNIGE

184

Dimension E.S.1 E.S.2 E.S.3 E.S.4 E.S.5 R

ôle

et

tâch

es p

erso

nn

els

Res

po

nsa

bil

ité

enve

rs l

’élè

ve

- « puisque ça n‟a pas fonctionné dans l‟école

ordinaire, je vais essayer de comprendre

pourquoi et essayer de trouver d‟autres stratégies »

- « si on lâche un élève, ça veut dire à un

moment donné, on se sent obligatoirement responsable de tout, on veut tout gérer soi-même

et à un moment donné, on dit on y arrive pas »

- « on fait un état des lieux des compétences et puis on ajoute les objectifs à atteindre »

- « l‟enfant qui vient, on le prend

comme il est, on les prend avec leur

fâcherie car ils ont été rejetés de la classe ordinaire, c‟est un rejet des

autres classes »

- « on est responsable des enfants, légalement, du moment où ils entrent

dans la classe, dans l‟école,

institutionnellement, on est responsable d‟eux »

- « on prend des responsabilités très

importantes, en tout cas, moi que je

juge très importantes puisque ça

concerne directement les enfants »

®

- « quand on reçoit, il n‟y a pas

de responsabilité, la

responsabilité c‟est quand on l‟amène mais c‟est pas quand on

le reçoit, quand on le reçoit la

responsabilité c‟est de lui transmettre un maximum de

compétences scolaires pour le

rendre le plus autonome possible »

- « j‟avais moins d‟exigence par

rapport à lui car je savais ce qu‟il

avait enduré, c‟est pour ça, je

pense que c‟est une erreur en soit

de vouloir trop en savoir » - « on les prend comme ils sont »

- « on est obligé parfois de

ramener les élèves au principe de réalité car ils ne comprennent

toujours pas pourquoi ils sont là,

c‟est terrible mais de faire des fiches en relation avec son âge,

avec son degré pour bien lui

montrer que… c‟est tout un travail de faire accepter à un

enfant le bien fondé d‟un choix

en spécialisé » - « ils sont obligés de faire un

bout du chemin, c‟est de leur

responsabilité, ils n‟ont pas que des droits, ils ont aussi des

devoirs »

- « la première des choses à

faire quand on accueille un

enfant est vraiment d‟offrir un sas de décompression, de

l‟accueillir comme il est »

- « alors faire le maximum pour un élève, mais toutes ces

familles où on se retrouvent à

faire à la place de, faire des rendez-vous à la place de… en

fait, je fais beaucoup trop je

pense »

- « ma responsabilité, c‟est de

l‟accueillir et de faire en sorte

qu‟il puisse entrer dans les apprentissages »

- « je vais me sentir responsable de

ses progrès scolaires ou de son bien-être émotionnel, de sa vie

sociale, je dirais même, je vais très

loin là, et de son hygiène et de vie et corporelle dans le temps de

l‟école »

- « quand les enfants arrivent, tout

est à reconstruire »

- « on est là pour les aider, pour

leur apprendre, pour accepter en tant qu‟enseignant spécialisé, pour

accepter beaucoup plus qu‟un

enseignant ordinaire parce qu‟on peut… »

Page 186: Master - UNIGE

185

Dimension E.S.1 E.S.2 E.S.3 E.S.4 E.S.5 R

ôle

et

tâch

e d

es a

utr

es

Dir

ecte

urs

- « celui qui prend la décision de faire passer

c‟est le directeur ainsi que l‟inspecteur du spécialisé »

En

seig

na

nts

ord

ina

ires

- « il a son élève et puis il essaye de faire au mieux avec cet élève là pour qu‟il apprenne »

- « lorsqu‟elle s‟aperçoit que l‟élève a des

difficultés, elle va voir l‟ECSP » « si les deux (E.O & ECSP) ne trouvent pas de

solutions particulières, y a l‟obligation d‟en

parler avec la directrice qui va donner son point de vue en l‟observant »

- « je pense qu‟un professionnel qui signale un

enfant c‟est qu‟il a observé suffisamment de dysfonctionnement et qu‟il se rend compte qu‟il

ne peux plus l‟aider à avancer »

- « c‟est de la sagesse professionnelle que de le signaler »

- « ça serait un manque de sagesse de ne pas oser

le signaler et ça arrive, y a des enseignants qui ne veulent pas »

- « ne pas signaler un élève, pourrait être un acte

irresponsable »

EC

SP

Page 187: Master - UNIGE

186

Dimension E.S.1 E.S.2 E.S.3 E.S.4 E.S.5 R

ôle

et

tâch

es d

es a

utr

es

Pare

nts

- « et puis on a les parents qu‟on a, et ça

n‟influence pas trop le développement d‟un enfant »

- « il y a des adultes qui ne sont pas

très cohérents, des adultes qui s‟opposent de toutes leur force à une

nouvelle orientation, et le gosse, il

navigue »

- « les parents doivent

s‟impliquer par rapport à l‟éducation des enfants et par

rapport à l‟instruction et on a un

peu tendance à l‟oublier, on a terriblement tendance à l‟oublier,

c‟est quand même de leur

responsabilité de faire des enfants et de les assumer »

- « ils délèguent pas, ils

s‟impliquent pas ! les 30 dernières années ça se passe

comme ça, on laisse

gentillement…ils sont quand même obligés de s‟impliquer un

minimum dans l‟éducation des

enfants » - « au final, c‟est de la

responsabilité des parents mais ils

ont pas forcément le choix en fonction des profils des enfants »

®

- « les parents, c‟est soit des

parents qui arrivent hyper braqués ou très contrôlant »

- « je pense que je fais

beaucoup plus de chemin qu‟ils n‟en font et ce que j‟espère

c‟est qu‟ils en fassent dans le

sens de leur enfant pour accepter les difficultés »

- « je pense qu‟il y a une part

de responsabilité à l‟enfant, au parents et aussi à l‟enseignant »

- « les parents, la plupart du

temps, mettent les pieds au murs parce que c‟est une souffrance

pour eux de voir leur enfant en

classe spécialisée »

Coll

ègues

Page 188: Master - UNIGE

187

Dimension E.S.1 E.S.2 E.S.3 E.S.4 E.S.5 C

au

ses

inte

rnes

- « si l‟élève a des difficultés, bon ben c‟est pas

parce que l‟enseignant a mal fait son travail, on peut pas non plus faire, euh… Des miracles »

- « puis on fait des erreurs, hein »

®

exte

rnes

- « c‟est pas nous qui avons décidé de

le mettre en spécialisé »

- « y a des enfants qui peuvent mettre l‟adulte dans un tel état d‟angoisse et

d‟inquiétude, qu‟il ne va pas arriver à

le signaler » - « on est obligé de ré expliquer aux

enfants que c‟est pas nous qui les

mettons en spécialisé » - « Ben tu sais, c‟est pas nous qui

avons décidé, c‟est ton enseignant qui

voyait que t‟étais pas heureux, que t‟étais pas bien dans ta classe, c‟est la

directrice qui est allée voir que ça

n‟allait pas bien » - « on peut montrer que nous, on sait

ce qui s‟est passé mais ce sont les

autres gens qui ont évalué qu‟il avait besoin de venir souffler chez nous et

nous, ça nous dégage vis-à-vis des

enfants »

- « on a pas le contrôle sur ce

qui va se passer après, nous on

présente nos élèves, après on doit se retirer, c‟est plus de

notre ressort »

®

- « c‟est beaucoup de cas de

conscience, une forme de

pression, c‟est clair, essayer de gérer un peu au niveau des

parents qui mettent la pression,

y a la pression par rapport à la société, de se dire, faut quand

même qu‟ils en sachent le plus

possible ces gamins pour s‟en sortir »

®

- « y a aussi une pression extérieure par rapport aux tests

du cycle, aux épreuves

cantonales… » ®

Page 189: Master - UNIGE

188

Dimension E.S.1 E.S.2 E.S.3 E.S.4 E.S.5

Dim

ensi

on

s so

cio

-aff

ecti

ves

- « je veux dire, l‟enfant pour qui ça fonctionne pas

(le choix opéré par l‟enseignant), c‟est pas possible

de se dire c‟est ma faute » (réorientation)

- « faut pas te sentir trop responsable, sinon ça te

bouffe…! » (réorientation)

- « on peut se ronger tous les ongles

parce que, on est jamais sûrs »

(réorientation) - « j‟ai le souvenir d‟avoir appelé,

c‟est déjà ancien mais d‟avoir appelé

mon inspectrice à l‟époque à 11heures du soir en lui disant „‟Ecoutez, on a

décidé que cette fille irait à l‟EFP

mais on peut pas faire ça, ça me tourmente parce qu‟elle a déjà une

image épouvantable d‟elle-même,

toute sa famille dit qu‟elle est bête, si

elle va à l‟EFP, elle est plus rien‟‟… »

(réorientation)

- « certains gamins, ils ont l‟impression qu‟on les lâche au

moment le plus difficile »

® - « mais on est jamais sûrs de faire

juste, c‟est tellement délicat parce que

nous on voit que les choses immédiates »

®

- « qu‟est-ce que j‟ai raté

punaise pour me dire, au bout

de trois ans dans la classe, il est pas fichu d‟avoir sa feuille… »

- « c‟est vrai que souvent je me

sens coupable et que je dois essayer de me dire que ces

parents sont suffisamment de

grandes personnes, mais y a de la responsabilité, de la

culpabilité et de

l‟impuissance… on peut mettre

sur la table des choses, si les

gens se servent pas, on peut pas

les gaver non plus, hein » - « Signalez un élève, ça

s‟accompagne beaucoup trop

souvent de culpabilité et je trouve que c‟est dommage »

- « responsable, je sais pas pour

moi, y a une notion de faute, soit de mission etc., non mais

une implication bien sûr »

- « j‟abandonne pas mais je

baisse, je baisse, je baisse mes

exigences » - « c‟est un déchirement pour les

collègues et ils le vivent comme

un sentiment d‟échec alors que c‟est pas un échec de faire

passer un élève en spécialisé »

- « en revanche, euh, je suis pas responsable de sa vie, je me sens

pas responsable, je me mets des

responsabilités de part mon

métier mais j‟ai aucun sentiment

de culpabilité parce qu‟on peut

aussi relier hein, sentiment de culpabilité, responsabilité et tout

ça »

Page 190: Master - UNIGE

189

ANNEXE 7

Dimension P.1 P.2 P.3 P.4 P.5

le e

t tâ

che

de

soi

- « je me suis battue » - « j‟ai dit en 2 et 3P „‟mais il

faut lui faire refaire son année

pour qu‟elle ait les bases !‟‟, „‟mais non, ça va aller, elle a

jusqu‟à la 6P pour apprendre,

y a pas de soucis » - « moi, je leur ait fait

toujours remarqué qu‟il lui

manquait les bases » - « j‟ai tout fait ce qu‟on m‟a

dit, j‟ai été l‟amener partout,

j‟ai vraiment tout fait donc moi je me sens pas

responsable, au contraire, je

sens plus responsable l‟école »

- « alors on me dit que de

toute façon, on va leur pousser les notes pour qu‟elle

passe juste au cycle, ils se

débarrassent du fardeau et après, c‟est le cycle qui se

débrouille. Et la responsabilité, ils se la

passent, hein. La deuxième

solution, c‟est l‟école privée mais je vous dis

franchement… »

- « et puis c‟est vrai qu‟on a pas toujours été très contents de la manière dont ça été

fait, et c‟est vrai qu‟on aurait préféré

qu‟elle reste dans l‟enseignement public, l‟enseignement spécialisé n‟avait pas très

très bonne presse, mais enfin, on avait un

peu peur de la mettre en spécialisé » - « le SMP dit „‟votre enfant ira là‟‟ et c‟est

là, que ça a commencé à devenir

problématique parce qu‟on a pas trop notre mot à dire »

- « c‟est vrai que je trouvais l‟attitude des

inspecteurs presque déresponsabilisante vis-à-vis des parents, ils ont toujours été

polis hein mais ça faisait du style „‟ si ça

vous plait pas, vous allez voir ailleurs‟‟ » - « je dirais qu‟on était d‟accord de le faire

mais on nous a pas laissé le choix du lieu »

- « ils tiennent pas forcément compte du besoin de l‟enfant, sur le moment j‟ai pas

toujours eu l‟impression d‟être écoutée, il a

fallu qu‟on dise „‟on veut aller voir‟‟ » - « on nous a dit „‟elle va aller là l‟année

prochaine‟‟ » - « l‟inspecteur du spécialisé a finalement

accepté mais on a du se battre pour qu‟il

accepte ce rendez-vous et ça, j‟ai pas trouvé normal, alors qu‟ils disent toujours

qu‟ils sont ouverts… mais je pense qu‟ils

sont très coincés par les places qu‟ils n‟ont pas et que le choix est très limité et que les

parents n‟ont pas vraiment le choix »

- « moi, ce qui m‟a beaucoup frappé c‟est que le parents doivent beaucoup se

responsabiliser, enfin beaucoup agir pour

savoir ce qui se passe avec leur enfant, ce qui va se passer avec leur enfant, avoir des

bilans, ne serait-ce que pour savoir

comment il a évolué sur le plan pédagogique, les parents doivent beaucoup

agir… tout ça c‟est très difficile pour les

parents »

- « j‟ai quand même tiré la sonnette d‟alarme en disant „‟écoutez, y a quand même quelque chose‟‟,

donc c‟est moi qui ait… »

- « alors c‟est vrai que j‟en veux un peu, ouais j‟en veux aux enseignants car ils ont même pas mis la

directrice au courant de tous les problèmes »

- « alors c‟est là où j‟en veux aux maitresses qui pour moi, n‟ont pas fait leur boulot, pour moi,

elles ont pas pris leur responsabilité »

- « ouais qu‟on doive se battre, j‟ai du me battre de tous les côtés, contre la maitresse pour lui dire

„‟mais attendez, elle a quand même un problème,

regardez, elle fait pas exprès‟‟, parce qu‟à un moment, elle croyait qu‟elle faisait exprès ! »

- « moi ce qui m‟énervait, c‟est que c‟était

toujours moi qui ait du… » - « je suis sûre que si elle avait été hyper active,

elle aurait été tout de suite prise en charge »

- « un enfant qui sort de la 2P et qui ne lit pas, faut quand même se poser les questions, même pour

les maths, si elle arrive pas à lire la phrase et

ben… »

- « on a du le préparer au départ » - « je me suis un petit peu battue »

- « il a fallu vraiment que je fasse une

demande pour faire des comment on appelle ça… on va dire un test de mémoire»

- « je me suis quand même un peu battue un

peu énervée » - « il a fallu vraiment me battre pour que il

reste dans cette école »

- « on lui a bien expliqué » - « j‟ai quand même tout fait, c‟est à mes

demandes les examens »

- « Oui, j‟ai une grande responsabilité. Totalement parce que moi si j‟avais laissé

l‟école tout faire et tout gérer mon fils il

serait pas dans cette école et je pense pas qu‟il aurait été à ce niveau-là »

- « c‟est l‟adulte qui doit… les parents qui

doivent le pousser, on doit quand même leur expliquer, les stimuler un petit peu pour

qu‟ils avancent un petit peu c‟est sûr et

surtout leur donner un peu plus confiance» - « c‟est à nous, les adultes de se mettre au

niveau des enfants et pas à eux de se mettre à notre niveau »

- « j‟étais toujours à l‟écoute des professionnels »

- « j‟ai pas le temps de m‟en occuper, ça

c‟était la maîtresse » - « nous on a dit ok super extra si c‟est

bien pour notre enfant c‟est ce qu‟on

veut quoi » - « donc si on est pas là pour pousser en

fait on se rend compte bin que c‟est peut-

être, il se laisse un petit peu aller » - « c‟est nous qui devons prendre la

décision »

- « Oui, alors ma responsabilité pour mon enfant c‟est d‟avoir pris la meilleure

décision qui soit »

Page 191: Master - UNIGE

190

Dimension P.1 P.2 P.3 P.4 P.5

le e

t tâ

che

des

au

tres

- « par rapport à la

responsabilité, maintenant l‟école se décharge,

effectivement parce qu‟il n‟y

pas les moyens, les budgets… ben je pense qu‟ils auraient

du aller plus vite, y a pas eu

cette responsabilité à ce moment là, son passage aurait

été beaucoup plus rapide

maintenant au bout, on se retrouve en 6P en situation où

elle va passer au cycle et où il

n‟y a pas de continuité dans le cycle »

- « j‟estime que c‟est pas à un

enfant de subir cette responsabilité parce qu‟il est

en dehors de ça, du processus,

de la lenteur administrative… je pense que c‟est plutôt de

l‟école »

- « je pense que l‟école aurait pu continuer

à aider ma fille, à lui mettre des aides, je pense que son enseignante aurait du être

plus ouverte, enfin si un enfant ne fait pas

exactement ce qu‟on lui demande de faire en 2E… en tout cas moi, ça m‟avait

choquée cette attitude mais je crois que ça

la dépassait » - « peut-être par manque de formation, par

manque de… en tout cas, ça nous avait

heurté en tant que parents, en disant que si à cet âge là, on peut pas intégrer un enfant

et tenir compte de ses difficultés dans une

classe de ce type là... » - « l‟école a une responsabilité parce que

tout enfant doit être scolarisé, les parents

en ont aussi une, ils doivent être partie prenante »

- « j‟ai trouvé que l‟école

déresponsabilisait les parents, enfin, cherchait à leur imposer des choses et c‟est

pas vous qui décidez, et ça, c‟est ce qui

m‟a le plus gêné » - « alors je pense que les enseignants ont

bien joué le jeu mais je pense que ça n‟a

pas toujours été le cas au niveau de la

hiérarchie »

- « je pense que l‟enfant, quel qu‟il soit

doit prendre beaucoup sur lui-même, alors responsabilité de l‟enfant oui, il a pas le

choix et nous n‟avons nous-mêmes pas le

choix alors euh… »

- « le SMP non plus, ils ont pas bien fait leur

boulot, ils l‟ont pas prise en charge alors là, je crois que la pédiatre, elle mettait une bombe au

SMP ! Ma fille est allée jusqu‟à vomir sous le

préau pour pas aller à l‟école, elle s‟arrachait les cheveux en plus, elle se taillait les doigts dans le

taille crayon !»

- « L‟école n‟a jamais parlé d‟une logo, on m‟a plus ou moins dit „‟oh, si vous voulez faire un

bilan, vous pouvez le faire‟‟, pour eux, c‟était de

la flemmardise, c‟est qu‟elle ne voulait pas » - « et y a jamais eu de leur part une discussion

pour les classes spécialisées »

- « ils auraient du prendre leur responsabilité »

- « je trouve qu‟on pousse pas assez les

enfants à écrire » - « on les pousse pas assez »

- « on m‟a proposé de mettre mon fils dans

une école spécialisée pas dans une classe, carrément le changer d‟école et l‟emmener

dans une école spécialisée »

- « la première maîtresse qu‟il a eu et même l‟éducateur, j‟ai du même intervenir auprès

de la directrice de l‟école parce que je

trouvais pas normal qu‟on puisse parler d‟un enfant devant d‟autres collègues »

- « les maîtresses du spécialisé elles ont fait

beaucoup de bien pour mon fils ça c‟est sûr »

- « je pense que quelque part la maîtresse

et la directrice avaient pas tord non plus moi je peux pas leur en vouloir »

- « donc je pense qu‟ils ont pris leurs

responsabilités » - « et la maîtresse peut pas gérer, soit

tout le monde suit, soit c‟est il y en a un

quand même qui sort du cadre. Donc dans ce sens-là, elle s‟est dit je peux pas

faire autrement donc je vais contacter

l‟inspectrice » - « je pense qu‟il y a un travail à faire au

niveau de l‟inspectrice, de la responsable

du spécialisé, plus qu‟à l‟enseignante elle a fait son travail »

- « on va pas vous préparer, on va pas

vous demander ce que vous en pensez »

Page 192: Master - UNIGE

191

Dimension P.1 P.2 P.3 P.4 P.5

Ca

use

s

inte

rnes

exte

rnes

« mais le problème, ils sont bien gentils ils font des

classes spécialisées pour

l‟école primaire et encore c‟est vraiment très difficile

d‟y entrer, mais après, y a pas

le suivi, alors que quand on avait vu la directrice des

classes spécialisées, elle nous

avait dit qu‟éventuellement, en 2011, y aurait des classes

au cycle, mais ça fait 20 ans

qu‟ils en demandent… » - « je trouve fort dommage

car ça laisse pas vraiment de

portes à l‟enfant qui sort des classes spécialisées. Si y a des

problèmes scolaires et pas de

soucis comportementaux, des soucis autres que scolaires,

ben ces enfants ne peuvent

pas rentrer au cycle et la seule chose qu‟ils ont c‟est l‟école

pré professionnelle »

- « or s‟ils avaient justement fait une classe de

réintégration au cycle avec

justement la continuité de la classe en primaire, pour

justement les intégrer dans

une classe progressivement, pas tout

d‟un coup, quand ils sortent

de l‟école primaire, une monstre coupure, je me

demande comment les enfants

s‟adaptent…» - « ben, y a pas de continuité

entre la classe spécialisée et le

cycle alors »

- « ça c‟est déjà très très mal passé avec certaines maîtresses »

- « alors en fait ce qui c‟est passé c‟est que je pense qu‟ils sont allés tellement

vite que je pense qu‟ils étaient sous le

choc tellement ça allait rapidement en fait, je pense qu‟ils ont l‟habitude surtout

quand c‟est des gens francophones qu‟on

les challenge un peu vite qu‟on dise mais attendez, mais mon fils vous arrivez pas

à travailler avec lui mais on va essayer

de mettre en place quelque chose d‟autre ou bien et en fait moi connaissant pas le

système et faisant totalement confiance,

j‟ai dit ce que vous proposez, j‟imagine c‟est ce que vous voulez de mieux pour

mon enfant, donc voilà, je suis ce qu‟on

me dit de faire » - « si c‟est des classes trop grandes, c‟est

lourd »

- « c‟était une jeune institutrice aussi donc peut-être qu‟elle avait… on sentait

vraiment qu‟elle gérait pas le problème »

Page 193: Master - UNIGE

192

Dimension P.1 P.2 P.3 P.4 P.5

Dim

ensi

on

s so

cio

-

aff

ecti

ves

- « nous les parents on aimerait pas non plus

qu‟on dise que nos enfants sont différents on sont handicapés »