navi radjou, the guru of frugal innovation: interview in le figaro (leading french daily)

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Page 1: Navi Radjou, the guru of Frugal Innovation: interview in Le Figaro (leading French daily)

jeudi 12 mai 2016 LE FIGAROA

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Clara Gaymard dit de lui qu’il est « in-classable » : consultant, essayiste,conférencier… De l’Inde où il est né àla France où il a fait Centrale en pas-sant par les collines de Palo Alto, où ilvit, ce quadra au sourire « ultra-bri-ght » passe six mois par an à sillonnerle monde pour prêcher la bonne pa-

role : conférence TED Global de Rio en 2014, World Economic Forum, Harvard Business Review où il est chroniqueur… Au point d’avoir remporté le prix Thinkers 50 Innovation Award à Londres en 2013.

Le rencontrer relève de la gageure : pour nous, cesera au Sheraton de l’aéroport de Roissy, entre deux

avions, au petit matin d’un jour férié. Ce jour-là, le ta-bleau d’affichage de l’aéroport affiche direction Clermont-Ferrand, pour une visite chez Michelin. La veille ou l’avant-veille, c’était chez Unilever ou peut-être Auchan. Car près de la moitié des entreprises du CAC 40 ont sollicité ce consultant indépendant en in-novation pour venir expliquer ses méthodes à leurs salariés. Son credo ? L’innovation frugale, un concept qu’il a popularisé, en publiant en 2013 son best-seller L’Innovation Jugaad (1), préfacé par Carlos Ghosn et vendu à 100 000 exemplaires dans le monde, suivi par L’Innovation frugale (2) en 2015. Persuadé que l’on peut faire mieux avec moins grâce à l’ingéniosité, ce trublion de l’économie s’efforce de convaincre qu’une société meilleure pourrait surgir de pratiques plus so-bres et plus respectueuses des ressources.

Le déclic lui est venu en constatant la faible efficaci-té des sommes faramineuses dépensées en recherche et développement par les mutinationales. D’où l’idée de privilégier une innovation à la portée de tous, et non cantonnée aux laboratoires de recherche, basée

sur le système D et le bon sens. À commencer par les pays émergents, où la rareté est mère de l’ingéniosité et où l’astuce remplace l’opulence. Quoi de plus natu-rel pour celui qui a été élevé à Pondichéry en se dou-chant avec un seau d’eau et a commencé à lire le jour-nal en donnant quelques centimes au kiosquier qui pratiquait la location ? « J’ai été exposé très tôt à l’éco-nomie circulaire, on ne gaspillait rien », se souvient celui pour lequel l’innovation frugale a des airs de retour aux sources, le mot jugaad pouvant se traduire en hindi par débrouillardise ou « système D ».

« Réenchanter le travail »Navi Radjou est persuadé que les pays occidentaux ont beaucoup à apprendre des pays émergents. Qui de mieux placé que lui pour faire le pont entre ces deux mondes ? Né français d’un père ayant servi dans la Marine française, ce dernier a fait ses études en France, notamment à Centrale, puis à Yale, sans pouvoir les achever, pour des raisons financières. Il travaillera dix ans chez Forrester Research, à Boston puis à San

Francisco, comme analyste puis vice-président, avant de diriger le Centre for India & Global Business à la Jud-ge Business School à l’université de Cambridge. Et ce chantre d’un mode de vie à rebours de la société de consommation d’égrener les nombreuses illustrations concrètes de ses idées : Raspberry Pi, un micro-ordi-nateur de la taille d’une carte de crédit inventé en 2012 à Cambridge et commercialisé 28 euros (notre photo), qui s’arrache dans le monde ; Embrace, une couveuse portable pour bébés prématurés, conçue à Stanford pour 200 dollars (contre 20 000) ; ou encore la Logan, le véhicule « low-cost » de Renault destiné initiale-ment aux pays émergents, qui a fait un tabac dans le monde entier. Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, qui a préfacé L’Innovation Jugaad, a d’ailleurs utilisé l’expression d’« ingénierie frugale » dès 2006, pour in-citer ses équipes à « penser low-cost ».

Mais plus encore que l’innovation, c’est tout unmode de vie que Navi Radjou aspire à révolutionner. C’est dans cette optique qu’il s’apprête à lancer en sep-tembre un livre sous forme de manifeste en vue de créer un mouvement, La Société frugale. Car à ses yeux « les institutions doivent se réinventer pour mieux impli-quer ces citoyens qui bâtissent une nouvelle société inclu-sive et durable, ces consommateurs devenus consomma-teurs, et comment réenchanter le travail. » On serait tenté de coller une étiquette de gourou à ce célibataire sans enfants qui porte sous son costume cravate un bracelet en rhodochrosite, une pierre aux vertus répu-tées apaisantes. Il explique avoir renoué voilà dix ans, lorsqu’il a connu de graves soucis de santé, avec les ra-cines spirituelles dont il s’était éloigné. Méditation, bouddhisme et yoga font désormais partie intégrante de son hygiène de vie. Il publiera d’ailleurs en juin la traduction française d’un livre paru en 2013, Donner du sens à l’intelligence. Comment les leaders éclairés récon-cilient business et sagesse, préfacé par Matthieu Ricard. Et à la question de savoir si lui-même a atteint la sages-se, la réponse fuse : « La sagesse ne s’atteint pas, elle se pratique tous les jours, comme un muscle se travaille au quotidien. » Même si son prénom, Navi, signifie « pro-phète » en hébreu, en indien c’est un synonyme de « nouveau ». Lui se considère plutôt comme « un pas-seur », le porteur d’un message optimiste. ■(1) « L’Innovation Jugaad. Redevenons ingénieux ! » Avec Jaideep Prabhu et Simone Ahuja. Diateino, 2013. (2) « L’Innovation frugale ». Comment faire mieux avec moins, avec Jaideep Prabhu, Diateino, 2015.

BioEXPRESS1970Naissance à Pondichéry (Inde).1995Master à Centrale Paris.1998Étudie à Yale, puis rejointForrester Research.2006Université de Cambridge.2013Publie L’Innovation Jugaad. Redevenons ingénieux !2015Publie L’Innovation frugale. Comment faire mieux avec moins.

Caroline de Malet£@demaletcaroline

Navi Radjou, gourou de l’innovation frugaleSUCCÈS Ce consultant franco-indo-américain qui souffle à l’oreille des grands patrons prône une société sobre, inspirée des pays émergents. Et s’apprête à lancer un manifeste en ce sens.

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FIGARO-CI ... FIGARO-LÀHommage parisien à Samuel PisarLa famille et les amis de Samuel Pisar, survivant de l’Holocauste, avocat international, écrivain et ambassadeur de l’Unesco pour la Mémoire de la Shoah, se sont retrouvés mardi soir au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris, pour une soirée d’hommage à ce grand personnage disparu en juillet 2015. De nombreux artistes, des pianistes Menahem Pressler et Jay Gottlieb au violoniste Ivry Gitlis et aux comédiens Charlotte Rampling et Lambert Wilson, ont alterné récitals et témoignages retraçant une vie et une œuvre nourries d’allers-retours incessants entre l’Europe et les États-Unis. La soirée a été ponctuée par les évocations de son épouse, Judith Pisar, et de ses enfants, Helaina Pisar-McKibbin, Leah Pisar-Haas et Anthony Blinken, sous-secrétaire d’État américain.

Jesse Jackson en direct sur Public Sénat et Sud RadioHôte officiel de la France à l’occasion de l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage, l’ancien sénateur américain, « icône » des droits civiques, qui fut au côté de Martin Luther King, est l’invité de marque de la matinale de Public Sénat et Sud Radio, ce jeudi. L’émission, présentée par Cyril Viguier, en direct à partir de 8 heures (rediffusion à 10 h 30), sera également diffusée dans 200 pays grâce à un partenariat avec TV5 Monde.

UN DERNIER MOT Par Étienne de Montety [email protected]

Déposer [dé-pô-zé] v. tr.Descendre une loi, en appelant la censure.

Les opposants à la loi travail, de droite et de gauche, ont œuvré toute la journéed’hier pour déposer des motions de censure.Le mot vient du verbe latin deponere, mettre à terre, abandonner. Cela fait

plusieurs jours que les députés déposent : en faveur ou contre le projet El Khomri. Pour ses défenseurs, dépositaires de l’avenir du texte, celui qui est proposé relève du dépôt de la foi ; pour ses adversaires, du dépôt de gerbe sur ce qu’ils espèrent être bientôt la tombe de feu la loi.Pas question pour eux de déposer les armes. Ils prennent plutôt des poses avantageuses et ont hier déposé une motion de censure. Motion de gauche, motion dedroite, chacun a sa marque qu’il a essayé de déposer. Avec plus ou moins de succès. Quoi qu’il en soit, s’il y a un dépôt qui a du succès ces jours-ci, c’est celui de munitions.Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Le gouvernement est désormais en mauvaise posture et un gouvernement, ça se dépose, surtout si le bilan est sur le point de l’être aussi. ■