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RECUEIL DE JURISPRUDENCE DU TSL 2013 Principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban TSL SPECIAL TRIBUNAL FOR LEBANON TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LE LIBAN

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RECuEiL dE juRiSpRudEnCE

du TSL2013

principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban

TSL

Special Tribunal for lebanonTribunal SpÉcial pour le liban

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RECUEIL DE JURISPRUDENCE DU TSL 2013

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RECUEIL DE JURISPRUDENCE DU TSL

2013

Principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban

Tribunal spécial pour le LibanLeidschendam

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Tribunal spécial pour le LibanLeidschendamPays-Bas

©2014 Tribunal spécial pour le Liban

Les documents figurant dans cet ouvrage ne constituent pas les archives officielles du Tribunal spécial pour le Liban et sont uniquement destinés à l’information du public.

ISBN 978-94-90651-12-1

Imprimé aux Pays-Bas

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5

Table des maTières

Préface 7

1. Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Ordonnance relative à la requête de la Défense visant à obtenir le dossier d’instruction libanais, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, 8 février 2013 (« Communication du Dossier d’instruction libanais JME »)

9

2. Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Décision relative à la requête de la Défense en ajournement de la date d’ouverture du procès, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, 21 février 2013 (« Ajournement de la date du procès JME »)

23

3. En l’Affaire El Sayed, Chambre d’appel Version publique expurgée de la décision relative à l’appel interjeté par le Procureur contre la décision rendue par le Juge de la mise en état le 11 janvier 2013, affaire n° CH/AC/2013/01, 28 mars 2013 (« Communication de documents CA »)

35

4. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel Arrêt relatif à l’appel du représentant légal des victimes contre la décision du Juge de la mise en état concernant les mesures de protection, affaire n° STL-11-01/PT/AC/AR126.3, 10 avril 2013 (« Anonymat total des victimes CA », « Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath)», « Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko)»)

57

5. Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Décision relative aux requêtes du Procureur du 8 novembre 2012 et du 6 février 2013 aux fins de déposer un acte d’accusation modifié, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, 12 avril 2013 (« Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME »)

105

6. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre de première instance Décision relative à l’admissibilité de déclarations de témoins présentées en vertu de l’article 155 du règlement, au regard de leur conformité avec la directive pratique, affaire n° STL-11-01/PT/TC, 30 mai 2013 (« Admissibilité de déclarations de témoins CPI »)

125

7. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre de première instance Décision relative aux vices de forme allégués de l’acte d’accusation modifié d 21 juin 2013, affaire n° STL-11-01/PT/TC, 13 septembre 2013 (« Vices de forme de l’acte d’accusation CPI »)

143

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8. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel Version publique expurgée de l’arrêt relatif à l’appel interjeté par la Défense de M. Oneissi contre la décision du Juge de la mise en état intitulée : « Décision concernant des questions relatives à la salle de consultation des pièces et aux registres des données d’appel », affaire n° STL-11-01/PT/AC/AR126.4, 2 octobre 2013 (« Consultation des registres des données d’appel CA »)

167

9. Le Procureur c. Ayyash et autres, Président Décision relative à la requête de la Défense aux fins de réexamen et d’annulation de l’ordonnance portant composition de la Chambre de première instance, affaire n° STL-11-01/PT/PRES, 4 octobre 2013 (« Composition de la Chambre de première instance PRES »)

195

10. Le Procureur c. Merhi, Juge de la mise en état Version publique expurgée de la « Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 5 juin 2013 établi à l’encontre de M. Hassan Habib Merhi » datée du 31 juillet 2013, affaire n° STL-13-04/I/PTJ, 11 octobre 2013 (« Acte d’accusation visant M. Merhi JME »)

205

11. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel Décision relative au recours formé par les Conseils de MM. Badreddine et Oneissi contre l’ordonnance du Président concernant la composition de la Chambre de première instance du 10 septembre 2013, affaire n° STL-11-01/PT/AC, 25 octobre 2013 (« Recours contre une décision du Président CA »)

243

12. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel Décision relative à la requête des conseils de MM. Badreddine et Oneissi aux fins du réexamen de la Décision de la Chambre d’appel du 25 octobre 2013, affaire n° STL-11-01/PT/AC, 10 décembre 2013 (« Réexamen d’une décision CA »)

253

13. Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Version expurgée de la version corrigée du rapport du Juge de la mise en état établi conformément à l’article 95, paragraphe a) du Règlement de procédure et de preuve, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, 11 décembre 2013 (« Rapport de mise en état JME »)

267

14. Le Procureur c. Merhi, Chambre de première instance Décision portant engagement d’une procédure par défaut, affaire n° STL-13-04/I/TC, 20 décembre 2013 (« Procédure par défaut CPI »)

351

Index 403

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PRÉFACE

Ce recueil de jurisprudence inaugure une collection que le Tribunal spécial pour le Liban prévoit de publier tout au long de son existence, qui contiendra une sélection des décisions les plus importantes rendues chaque année par ses juges. Cette initiative s’inscrit dans la stratégie de communication du Tribunal. Le but recherché est de rendre la jurisprudence du Tribunal plus accessible au Liban comme ailleurs.

Ce volume contient quatorze décisions importantes rendues par le Tribunal en 2013, toutes également accessibles sur le site Internet du Tribunal (www.stl-tsl.org). Il contient également un index analytique visant à faciliter les recherches des étudiants et universitaires.

Le Tribunal spécial pour le Liban étant le premier tribunal international compétent pour connaître des affaires de terrorisme, la portée de sa jurisprudence s’étend bien au-delà du prétoire. J’espère que cette publication sera utile aux étudiants, professeurs, universitaires, érudits, juges, avocats et autres acteurs de la communauté juridique, tout comme au grand public – au Liban comme ailleurs – désireux de s’informer, d’étudier et de commenter la jurisprudence du Tribunal.

David Baragwanath Président

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1.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : Juge de la mise en état

Titre : Ordonnance relative à la requête de la Défense visant à obtenir le dossier d’instruction libanais

Titre réduit : Communication du Dossier d’instruction libanais JME

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LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ

Devant : M. le juge Daniel Fransen

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 8 février 2013

Original : Anglais

Type de document : Public

LE PROCUREUR c.

SALIM JAMIL AYYASH, MUSTAFA AMINE BADREDDINE,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA

ORDONNANCE RELATIVE À LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE VISANT À OBTENIR LE DOSSIER D’INSTRUCTION LIBANAIS

Bureau du Procureur : M. Norman Farrell

Conseils de Salim Jamil Ayyash : M. Eugene O’Sullivan

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes

Conseils de Mustafa Amine Badreddine: M. Antoine Korkmaz

Conseils de Hussein Hassan Oneissi: M. Vincent Courcelle-Labrousse

Conseils de Assad Hassan Sabra: M. David Young

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Communication du Dossier d’instruction libanais JME

I. Introduction

1. Par la présente ordonnance, le Juge de la mise en état statue sur la requête déposée par le Conseil d’Oneissi (« la Défense d’Oneissi ») le 6 décembre 2012 (« la Requête »)1, à laquelle se sont joints sur tous les points les Conseils respectifs de Ayyash, Badreddine et Sabra (collectivement « la Défense »), qui vise à obtenir l’intégralité du dossier libanais tel qu’il a été constitué par les juges d’instruction libanais intervenus dans l’affaire relative à l’attentat contre le premier ministre Rafiq Hariri et d’autres personnes (« le Dossier d’instruction libanais » et « l’affaire Hariri »).

II. Rappel de la procédure

2. Le 6 décembre 2012, la Défense d’Oneissi a déposé la Requête conformément à l’article 110 B) du Règlement de procédure et de preuve (« le Règlement »), demandant au Juge de la mise en état d’ordonner à l’Accusation de communiquer à la Défense l’intégralité du Dossier d’instruction libanais sous la forme dans laquelle il a été transmis au Procureur2.

3. Le 10 décembre 2012, les Conseils de Ayyash3 et Badreddine4 se sont joints à la Requête. Le Conseil de Sabra5 s’y est également joint le 11 décembre 2012.

4. Le 19 décembre 2012, l’Accusation a déposé sa réponse, demandant au Juge de la mise en état de rejeter la Requête (« la Réponse »)6.

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Requête de la Défense de M. Hussein Hassan Oneissi visant à obtenir les dossiers des juges d’instruction libanais, 6 décembre 2012.

2 Ibid., par. 30.

3 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Ayyash Joinder in “Requête de la Défense de M. Hussein Hassan Oneissi visant à obtenir les dossiers des juges d’instruction libanais”, 10 décembre 2012.

4 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n STL-11-01/PT/PTJ, Adjonction de la Défense de M. Mustafa Amine Badreddine à la Requête de la Défense de M. Hussein Hassan Oneissi visant à obtenir les dossiers des juges d’instruction libanais, 10 décembre 2012.

5 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Sabra Joinder in “Requête de la Défense de M. Hussein Hassan Oneissi visant à obtenir les dossiers des juges d’instruction libanais”, 11 décembre 2012.

6 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Response to the Defence

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Communication du Dossier d’instruction libanais JME

5. Le 29 janvier 2013, la Défense d’Oneissi a déposé une requête supplétive par laquelle elle a réitéré la demande de communication de pièces formulée dans sa requête initiale et a ajouté que ladite communication devait se faire via Legal Workflow (« la Requête supplétive »)7. En outre, la Défense d’Oneissi a demandé au Juge de la mise en état de constater qu’à ce jour, la communication par l’Accusation d’une partie du Dossier d’instruction libanais s’était faite de manière désorganisée, inefficace et incompréhensible, ce qui la rendait insuffisante et inacceptable8.

a. La Requête

6. La Défense fonde sa Requête sur deux arguments principaux. Le premier se rapporte à une interprétation restrictive de l’article 1119 et le second aux droits de l’accusé tels que prévus par la procédure pénale libanaise10.

7. La Défense interprète l’article 111 comme créant une exception à l’obligation générale de communication limitée aux seuls documents internes établis par l’Accusation ou par la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (UNIIIC)11. Ainsi, la Défense fait valoir qu’aucun document établi par les juges d’instruction libanais ne saurait relever du champ d’application de cet article12.

8. De surcroît, si le Dossier d’instruction libanais devait contenir des documents de l’UNIIIC, la Défense fait valoir qu’il conviendrait alors de les communiquer13, et

Request for an Order to Compel Disclosure of the Lebanese Investigative Case Files, 19 décembre 2012.

7 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Requête supplétive à la Requête de la Défense de M. Hussein Hassan Oneissi aux fins d’obtenir les dossiers des juges d’instruction libanais, confidentiel, 29 janvier 2013 avec une version publique expurgée déposée à la même date.

8 Ibid., par. 26.

9 L’article 111 dispose : « Les rapports, mémoires ou autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants, dans le cadre de l’enquête ou de la préparation du dossier n’ont pas à être communiqués ni signifiés en vertu du présent Règlement. S’agissant du Procureur, ces documents comprennent les rapports, mémoires et autres documents internes établis par la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (UNIIIC), ses assistants ou ses représentants, dans le cadre de ses enquêtes ».

10 La Requête, par. 1.

11 Ibid., par. 14.

12 Ibid., par. 16.

13 La Défense opère une distinction concernant les documents de l’UNIIIC antérieurs au 16 juin 2005, en faisant

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Communication du Dossier d’instruction libanais JME

ce, malgré la décision rendue le 19 juillet 2011 par la Chambre d’appel dans l’affaire El Sayed (« la Décision de la Chambre d’appel »)14, qui précise que trois catégories de documents de l’UNIIIC sont exemptés de l’obligation de communication conformément à l’article 11115. La Défense avance que le contexte de la présente affaire est à distinguer de celui de l’affaire El Sayed. Premièrement, la procédure relative aux quatre accusés en l’espèce se distingue de celle qui concernait M. El Sayed dans la mesure où celui-ci n’a pas été mis en accusation par le Tribunal. Deuxièmement, la Décision de la Chambre d’appel se fonde sur une jurisprudence où les accusés étaient présents, alors qu’en l’espèce, la procédure par défaut rend crucial l’accès aux documents16.

9. Enfin, la Défense avance que le Code de procédure pénale libanais permet à l’accusé de prendre connaissance des informations recueillies par les juges ou la police concernant les charges portées à son encontre17. En qualité de citoyens libanais, les accusés ne sauraient avoir moins de droits devant le Tribunal que ceux qui leur sont accordés devant leurs juridiction internes18.

b. La Réponse

10. L’Accusation affirme que la Requête est inutile19 dans la mesure où elle entend communiquer les documents « [TRADUCTION] pertinents »20, et où le Règlement ne prévoit pas la mesure demandée21. Elle avance que l’article 110 B) sur lequel se

valoir que rien ne s’oppose à la communication de ces documents car ils ont été établis avant que l’UNIIIC ne devienne pleinement opérationnelle. Ibid., par. 19.

14 TSL, En l’affaire El Sayed, affaire n° CH/AC/2011/01, Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011, 19 juillet 2011.

15 Ibid., par. 92 à 96 ; voir également la Requête par. 20, qui énumère les trois catégories comme suit : i) la correspondance entre les autorités libanaises et l’UNIIIC, ii) les memoranda internes de l’UNIIIC, et iii) les notes des enquêteurs.

16 La Requête, par. 20 et 21.

17 Ibid., par. 22.

18 Ibid., par. 23.

19 La Réponse, par. 12.

20 Ibid., par. 2.

21 Ibid., par. 13 à 16.

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Communication du Dossier d’instruction libanais JME

fonde la Requête prévoit « d’examiner » les documents utiles à la préparation de la Défense, et non de les « communiquer »22. En outre, elle soutient qu’il incombe à la Défense d’établir la pertinence des documents spécifiques sollicités dans le Dossier d’instruction libanais, plutôt que de s’appuyer sur une « [TRADUCTION] requête générale »23.

11. De plus, l’Accusation soutient que les arguments de la Défense relatifs à l’article 111 sont infondés, que le dit article s’applique en l’espèce et qu’il exclut effectivement la communication de certains documents contenus dans le Dossier d’instruction libanais24. Conformément aux conclusions de la Décision de la Chambre d’appel, l’Accusation avance que « [TRADUCTION] les documents internes de l’UNIIIC ne sont pas susceptibles de communication conformément à l’article 111, même s’ils sont détenus par les autorités libanaises et figurent dans le Dossier d’instruction libanais25 ».

12. Enfin, l’Accusation répond aux arguments de la Défense relatifs à la procédure pénale libanaise en affirmant qu’ils ne sont pas pertinents et en rappelant que « [TRADUCTION] les régimes juridiques national et international diffèrent et prévoient des mécanismes différents pour garantir les droits fondamentaux de l’accusé26 ».

III. Analyse

a. La Requête supplétive

13. Le Juge de la mise en état fait observer que le délai imparti pour déposer une réponse à la Requête supplétive n’a pas encore expiré et que, par conséquent, il ne staturera dans la présente décision que sur la Requête.

22 Ibid., par. 13.

23 Ibid., par. 16.

24 Ibid., par. 17 à 22.

25 Ibid., par. 19.

26 Ibid., par. 20.

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Communication du Dossier d’instruction libanais JME

b. Accès de la Défense à l’intégralité du Dossier d’instruction libanais

14. Le Juge de la mise en état fait remarquer que la qualification juridique du Dossier d’instruction libanais permettra de déterminer s’il convient d’autoriser la Défense à y avoir accès. Pour que cette qualification soit correctement établie, il estime nécessaire de rappeler la procédure à l’origine du transfert du dit Dossier à l’Accusation :

- le 1er mars 2009, le Tribunal a commencé ses travaux et le Procureur a pris ses fonctions. Le 27 mars 2009, à la demande du Procureur, le Juge de la mise en état a ordonné aux autorités libanaises saisies de l’affaire Hariri de se dessaisir en faveur du Tribunal et de transmettre ainsi à l’Accusation les éléments de l’enquête, ainsi qu’une copie des dossiers de procédure et de tous les éléments de preuve pertinents (« l’Ordonnance du 27 mars 2009 »)27 ;

- le 7 avril 2009, en exécution de l’Ordonnance du 27 mars 2009, les autorités libanaises ont convenu de remettre le Dossier d’instruction libanais au Tribunal28 ;

- le 10 April 2009, le Juge de la mise en état a réceptionné le Dossier d’instruction libanais au Tribunal et l’a immédiatement confié au Bureau du Procureur.

15. Le Juge de la mise en état fait remarquer que la transmission à l’Accusation des éléments de l’enquête et des autres pièces pertinentes pour l’affaire Hariri est conforme à l’article 4 2) du Statut et à l’article 17 A) du Règlement. Par conséquent, l’Accusation est supposée être en possession des pièces établies par les autorités libanaises chargées de l’enquête dans l’affaire Hariri avant que le Tribunal ne se soit vu confier la compétence exclusive sur cette affaire. Le Juge de la mise en état estime donc qu’il est raisonnable que la Défense sollicite la consultation de ces documents en les demandant directement à l’Accusation.

27 TSL, CH/PTJ/2009/01, Ordonnance portant dessaisissement en faveur du Tribunal spécial pour le Liban de la juridiction libanaise saisie de l’affaire de l’attentat contre le premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, 27 mars 2009, par. 19.

28 . Voir Conseil Judiciaire du Liban, Conseil Judiciaire 2005/No. 3/Juge d’Instruction Judiciaire, « A l’Attention du Juge de la Mise en Etat Auprès du Tribunal Spécial Pour Le Liban M. Daniel Fransen »¸ 7 avril 2009 (« la Décision du Conseil judiciaire du Liban »).

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Communication du Dossier d’instruction libanais JME

16. Bien que l’Accusation argue que le Dossier d’instruction libanais ne constitue pas un « dossier » proprement dit mais un vaste recueil d’éléments de preuve29, le Juge de la mise en état conclut que les pièces qu’il contient peuvent néanmoins être considérées comme le « dossier » reçu des autorités libanaises suite à une ordonnance de dessaisissement. De fait, dans un courrier daté du 15 avril 2009 et adressé au Juge de la mise en état, le Procureur constate qu’en réponse à l’Ordonnance du 27 mars 2009, il a reçu 253 fichiers des autorités libanaises le 10 avril 2009. Il ajoute que le Dossier d’instruction libanais comprenait une enveloppe contenant une copie des toutes les listes détaillées du contenu des 253 dossiers30, qui servait ainsi d’index à tout le dossier.

17. A la différence du dossier de l’Accusation, le Dossier d’instruction libanais est essentiellement un dossier d’enquête composé de pièces recueillies et enregistrées par les juges d’instruction libanais aux fins de la manifestation de la vérité31, et établissant ainsi la culpabilité ou l’innocence de l’accusé. À ce titre, les pièces qu’il contient relèvent des régimes de communication des articles 110 et/ou 113. Par conséquent, le Juge de la mise en état conclut que la Défense a le droit de consulter l’intégralité des documents et des pièces contenus dans le Dossier d’instruction libanais, tels qu’ils ont été reçus par le Tribunal le 10 avril 2009.

18. Le Juge de la mise en état partage l’avis de l’Accusation selon lequel la Défense doit démontrer que les documents sollicités sont utiles à la préparation de sa cause, en application de l’article 110 B). Cependant, en l’espèce, il estime que la pertinence du Dossier d’instruction libanais est évidente puisqu’il contient le produit des enquêtes réalisées par les autorités libanaises concernant l’affaire Hariri.

19. Enfin, le Juge de la mise en état fait observer que l’Accusation reconnaît son obligation de communiquer ou de mettre à disposition pour examen tous les « [TRADUCTION] documents pertinents » figurant dans le Dossier d’instruction

29 La Réponse, par. 10.

30 Lettre du Procureur D. A. Bellemare au Juge de la mise en état, Transmis au Juge de la mise en état du Tribunal spécial pour le Liban, 15 avril 2009, par. 2 : « une enveloppe contenant, selon les mêmes autorités libanaises, une copie “de toutes les listes détaillées du contenu des 253 dossiers” ».

31 Voir article 61 du Nouveau Code de procédure pénale libanais.

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libanais qui relèvent du champ d’application des articles 110 B) et/ou 11332. De fait, l’Accusation a d’ores et déjà envoyé à la Défense un tableau qui dresse la liste de ces « [TRADUCTION] documents pertinents » et donne un bref résumé de leur contenu33. Par conséquent, le différend entre les parties porte exclusivement sur la communication de documents que l’Accusation a considérés comme non pertinents et donc ne relevant pas des obligations de communication des articles 110 et/ou 113.

20. Le Juge de la mise en état prend note du fait que l’Accusation a déjà communiqué une bonne partie des pièces contenues dans le Dossier d’instruction libanais et ordonne par la présente la communication de toutes les pièces restantes. Par conséquent, l’Accusation est également tenue de mettre à jour le tableau qu’elle a envoyé à la Défense afin d’y inclure les informations pertinentes (numéro d’enregistrement, titre, bref résumé) concernant tous les documents contenus dans le Dossier d’instruction libanais.

c. Application de l’article 111 au Dossier d’instruction libanais

21. Le Juge de la mise en état rejette l’argument de la Défense selon lequel la présente affaire doit être distinguée de l’affaire El Sayed au motif qu’en l’espèce, les quatre accusés ont été mis en accusation par le Tribunal et relèvent donc d’une procédure différente de celle de M. El Sayed. Le Juge de la mise en état rappelle que l’article 111 crée spécifiquement une exception au droit général de l’accusé d’obtenir les informations pertinentes afin de préparer sa défense. En effet, l’article 111 vise à protéger les informations relatives à la préparation interne du dossier34, notamment afin de permettre à l’Accusation et à l’UNIIIC de mener effectivement des enquêtes tout en respectant les droits de l’accusé.

22. Le Juge de la mise en état rejette également l’argument de la Défense selon lequel la procédure par défaut en l’espèce rend impératif que la Défense consulte les

32 La Réponse, par. 8.

33 Ibid.

34 La Décision de la Chambre d’appel, par. 81, citant le TPIY, Blagojević et consorts, Décision relative à la requête déposée en urgence par Vidoje Blagojević aux fins de contraindre l’Accusation à communiquer les notes prises lors des discussions sur le plaidoyer menées avec l’accusé Nikolić et requête aux fins de la tenue d’une audience publique en urgence, IT-02-60-T, 13 juin 2003, p. 8.

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documents et que l’article 111 ne doit donc pas s’appliquer. Il rappelle que l’accès à l’information est tout aussi crucial dans les affaires où l’accusé est présent, comme le montre l’importance accordée à la communication. De fait, la présence ou l’absence de l’accusé ne touchent en rien l’article 111 puisque le fondement de son application est lié au maintien de la confidentialité du produit du travail interne des parties lors de la préparation de leurs causes respectives.

23. Comme il est fait remarquer dans la Décision de la Chambre d’appel, le Juge de la mise en état rappelle que l’article 111 soustrait à l’obligation de communication les « documents internes » établis soit par une partie soit par l’UNIIIC35. Par conséquent, le premier critère d’exemption des pièces en question est leur qualité de « documents internes »36.

24. Le Juge de la mise en état rappelle de plus que le « contenu des documents concernés, leur fonction et leur objectif, ainsi que leur source ou auteur »37 ne sont pas les seuls critères pour qualifier ces documents d’internes. Il convient également de déterminer s’il y a eu une intervention de l’extérieur. Par exemple, une note établie par un membre de l’Accusation perdra son statut privilégié si elle est soumise à un témoin38 ou si elle est communiquée à une partie extérieure au Bureau du Procureur39. De même, comme l’a affirmé la Chambre d’appel, la correspondance envoyée au Conseil de M. El Sayed ou les documents opérationnels adressés à des acteurs externes ne peuvent être qualifiés de « documents internes » dans la mesure où ils ne sont pas « exclusivement internes »40.

25. De fait, l’article 111 « vise essentiellement à permettre aux représentants d’une partie de se concerter sans restrictions afin de prendre des décisions. [...] Pour

35 La décision de la Chambre d’appel, par. 77.

36 Également appelés « documents de travail ». Ibid., par. 79.

37 La Décision de la Chambre d’appel, par. 72 ; CPI, Le Procureur c. Bemba, affaire n° ICC-01/05-01/08, Public Redacted Version of Decision on the Defence Request for Disclosure of Pre-Interview Assessments and the Consequences of Non-Disclosure, 9 avril 2010, par. 35.

38 TPIR, Le Procureur c. Niyitegeka, affaire n° ICTR-96-14-A, Arrêt, 9 juillet 2004, par. 34.

39 TPIR, Le Procureur c. Karemera, affaire n° ICTR-98-44-T, Decision on Joseph Nzirorera’s Motion for Selective Prosecution Documents, 30 septembre 2009, par. 10.

40 La Décision de la Chambre d’appel, par. 108 [souligné dans l’original].

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ce qui est des pièces visées à l’article 111, il s’agit essentiellement d’une question d’opinion41 ». Ces échanges ne figurent généralement pas dans un dossier judiciaire destiné à être transmis à toutes les parties.

26. Le Dossier d’instruction libanais a été constitué par les juges d’instruction et contient « tous les éléments de l’enquête et copie du dossier relatifs à l’affaire Hariri »42. À ce titre, il convient de le considérer comme un dossier indivisible, qui renferme les informations soumises à l’examen des juges d’instruction libanais chargés de l’affaire Hariri, et qui est accessible aux parties.

27. Par conséquent, le Juge de la mise en état conclut que, à moins que les juges d’instruction libanais ayant constitué le dossier n’y aient inséré des pièces confidentielles par inadvertance, aucun des documents figurant dans le dit Dossier n’est protégé en vertu de l’article 111.

d. Opposition entre l’examen et la communication du Dossier d’instruction libanais

28. Le Juge de la mise en état prend note du point de vue de l’Accusation selon lequel l’article 110 B) prévoit « d’examiner » et non pas de « communiquer »43 les pièces. Cependant, il souligne qu’une interprétation libérale du terme « communiquer » comprend à la fois l’action de remettre des copies de documents et celle d’autoriser leur examen. En l’espèce, la communication du Dossier d’instruction libanais au moyen d’un examen serait irréalisable et contraire au bon sens, compte tenu notamment du volume du dossier et du fait que la plupart des documents sont en arabe.

29. De surcroît, le Juge de la mise en état a déjà conclu que le Dossier d’instruction libanais, tels qu’il a été constitué par les juges d’instruction libanais, doit être considéré comme un tout indivisible, et qu’il convient donc de le communiquer

41 Ibid., par. 100 [souligné dans l’original].

42 L’Ordonnance du 27 mars 2009, Le dispositif [souligné dans l’original]. Voir également la Décision du Conseil Judiciaire du Liban, par. 2 du dispositif : « copie de tous les éléments de l’instruction ainsi qu’une copie du dossier de même que tous les documents et objets saisis ».

43 La Réponse, par. 13.

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comme tel. La version mise à jour du tableau de l’Accusation énumérant toutes les pièces figurant dans le Dossier d’instruction libanais peut servir d’index aux fins de la communication.

PAR CES MOTIFS,

LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT,

EN APPLICATION DES articles 77 A), 89 B) et 110 B)

FAIT DROIT à la Requête, et

ORDONNE à l›Accusation de communiquer à la Défense l’intégralité du Dossier d’instruction libanais tel qu’il a été réceptionné par le Tribunal, à l’exception de toute pièce confidentielle éventuellement jointe au dossier par inadvertance par les juges d’instruction libanais, et accompagné d’un index énumérant toutes les pièces qu’il contient.

Fait en arabe, anglais et français, la version en anglais faisant foi.

Leidschendam, le 8 février 2013

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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2.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : Juge de la mise en état

Titre : Décision relative à la requête de la Défense en ajournement de la date d’ouverture du procès

Titre réduit : Ajournement de la date du procès JME

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LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ

Devant : M. le juge Daniel Fransen

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 21 février 2013

Original : Français

Type de document : Public

LE PROCUREUR c.

SALIM JAMIL AYYASH, MUSTAFA AMINE BADREDDINE,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA

DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE EN AJOURNEMENT DE LA DATE D’OUVERTURE DU PROCÈS

Procureur : M. Norman Farrell

Conseils de M. Salim Jamil Ayyash : M. Eugene O’Sullivan

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes

Conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: M. Antoine Korkmaz

Conseils de M. Hussein Hassan Oneissi: M. Vincent Courcelle-Labrousse

Conseils de M. Assad Hassan Sabra: M. David Young

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Ajournement de la date du procès JME

I. L’objet de la décision

1. Par la présente décision, le Juge de la mise en état se prononce sur la demande du 23 janvier 2013 de la défense de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi et M. Assad Hassan Sabra (la « Défense » et les « Accusés ») d’ajourner la date d’ouverture du procès conformément à l’article 91, paragraphe C) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement » et la « Requête »)1.

II. Le rappel de la procédure

2. Le 28 juin 2011, le Juge de la mise en état a rendu une décision relative à l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi par le Procureur. Aux termes de cette décision, les Accusés ont été mis en accusation dans le cadre de l’attentat du 14 février 2005 qui a entraîné la mort de M. Rafic Hariri et d’autres personnes et causé des blessures à d’autres personnes2.

3. Le 19 juillet 2012, le Juge de la mise en état a fixé provisoirement la date d’ouverture du procès au 25 mars 2013, à la lumière, notamment, de sa consultation avec les Parties lors de la conférence de mise en état du 12 juin 2012 ainsi que du Président du Tribunal, du Juge président de la Chambre de première instance et du Greffier (l’« Ordonnance fixant la date du procès »)3.

4. Le 25 octobre 2012, conformément à l’article 91, paragraphe A) du Règlement, le Juge de la mise en état a établi un plan de travail déterminant les obligations des

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Joint Defence Motion to Vacate Tentative Date for Start of Trial, confidentiel, 23 janvier 2013. Une version publique expurgée a été déposée le 24 janvier 2013.

2 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I, Décision relative à l’examen de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra, 28 juin 2011.

3 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Ordonnance fixant provisoirement la date d’ouverture du procès, 19 juillet 2012, Dispositif (« Ordonnance fixant la date du procès »).

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Ajournement de la date du procès JME

Parties et des participants à la procédure en vue de l’ouverture du procès le 25 mars 2013 (le « Plan de travail »)4.

5. Le 23 janvier 2013, la Défense a sollicité le report de la date du procès conformément aux articles 16 du Statut et aux articles 69 et 77 paragraphe A) du Règlement5.

6. Le 29 janvier 2013, le Procureur a répondu à la Requête (la « Réponse »)6.

7. Le 30 janvier 2013, les Parties ont été entendues sur la Requête lors d’une conférence de mise en état.

8. Le 15 février 2013, conformément aux instructions données par le Juge de la mise en état lors de la conférence de mise en état du 30 janvier 2013, le Procureur a déposé une notification relative à l’accomplissement de ses obligations de communication de pièces (la « Notification »)7.

III. Les arguments des Parties

A. La Requête

9. La Défense sollicite le report de la date d’ouverture du procès pour, entre autres, les motifs suivants : les communications incomplètes des pièces du Procureur, le volume des éléments de preuve communiqués, la taille du dossier du Procureur, les insuffisances du mémoire d’avant-procès du Procureur, les questions techniques et de traduction relatives aux pièces communiquées, la non-coopération des autorités libanaises, l’impact de l’éventuelle nécessité pour la Défense de devoir se préparer aux allégations portant sur une ligne de conduite délibérée des Accusés et l’absence

4 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Ordonnance relative au plan de travail et à la requête conjointe de la Défense concernant la préparation du procès, 25 octobre 2012 (l’« Ordonnance relative au plan de travail »).

5 Requête, par. 1.

6 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Response to « Joint Defence Motion to Vacate Tentative Date for Start of Trial », confidentiel, 29 janvier 2013, avec une version publique expurgée datée du même jour.

7 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution’s Notice Regarding Disclosure, confidentiel, 15 février 2013. Le Procureur a déposé une version publique expurgée de la Notification le 18 février 2013.

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Ajournement de la date du procès JME

de ces derniers. La Défense considère que l’ensemble de ces facteurs a contribué à limiter sa capacité de conduire ses enquêtes et de se préparer. Elle estime que la date du 25 mars 2013 n’est ni réaliste ni raisonnable et que le Procureur lui-même aurait dû solliciter le report du début du procès8.

10. Concrètement, le Défense soutient que le Procureur doit encore lui communiquer environ 200 documents conformément à l’article 91 du Règlement, 85 pièces étant sujettes à une requête du Procureur en amendement de sa liste des pièces à conviction et d’autres dont, certains rapports d’expert, dépendant de requêtes en protection de témoins pendantes9. La Défense précise que le Procureur a failli aux obligations de communication qui lui incombent en vertu de l’article 110, paragraphe A), alinéa ii) du Règlement en rapport avec un certain nombre de témoins10. Elle indique que la communication relative aux témoins experts est incomplète et a un sérieux impact sur sa préparation et le travail de ses propres experts11. La Défense rappelle que le Procureur a également failli à ses obligations prévues à l’article 110, paragraphe B) du Règlement comme l’atteste les demandes d’intervention qu’elle a formulées auprès du Juge de la mise en état12. Elle souligne également que les communications de pièces conformément à l’article 113 du Règlement ont été extrêmement tardives et ne sont pas finalisées13.

11. Concernant le volume des pièces communiquées au 22 janvier 2013, la Défense précise qu’elle a reçu 86 236 pièces, équivalent à environ 469 000 pages dont 92 % d’entre elles n’ont été communiquées que depuis le 13 novembre 201214. Elle ajoute qu’elle a rencontré un certains nombre de difficultés techniques afin d’accéder et de comprendre les pièces ainsi que des difficultés liées à l’absence de

8 Requête, par. 1 et 2.

9 Id., par. 17.

10 Id., par. 19.

11 Id., par. 20 et 21.

12 Id,, par. 22.

13 Id., par. 23.

14 Id., par. 25-28.

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traduction de certaines d’entre elles15. La Défense fait état d’autres difficultés liées au dossier d’instruction libanais, dont notamment l’absence d’un index des pièces communiquées par l’intermédiaire du « disque dur Z » à cet égard16. Elle rappelle que la liste des témoins du Procureur contient 557 témoins dont 128 experts et que la liste des pièces à conviction s’élève à 13 173 pièces17.

12. Eu égard au nombre de questions encore en suspens, la Défense estime qu’elle n’est pas à même de proposer une nouvelle date pour le procès. Elle considère que le Juge de la mise en état ne doit pas fixer de nouvelle date avant que le Procureur ait rempli ses obligations de communication et que les autorités libanaises ont répondu à leurs demandes de coopération18.

B. La Réponse

13. Selon le Procureur, les facteurs suivants identifiés par la Défense pourraient justifier un ajournement de la date du procès : les communications des pièces incomplètes, le volume des éléments de preuve communiqués, la taille du dossier ainsi que les questions techniques et de traduction relatives aux communications19. Néanmoins, le Procureur conteste l’affirmation suivant laquelle il porterait l’entière responsabilité du retard de la procédure et qu’il aurait dû lui-même solliciter un ajournement20. Il estime qu’il a déposé son mémoire d’avant-procès, la liste des témoins et des pièces à conviction en conformité avec l’article 91, paragraphe G), alinéa ii)21 du Règlement.

14. Le Procureur précise qu’il entend élargir l’accès de la Défense aux relevés de communications téléphoniques dans la salle d’inspection et qu’il est en consultation avec différents organes afin de trouver une solution aux pièces qui ne sont toujours

15 Id., par. 32 et suivants.

16 Id., par. 42.

17 Id., par. 30.

18 Id., par. 4 et 60.

19 Réponse, par. 1 et 2.

20 Id., par. 4 et 5.

21 Id., par. 11 et suivants.

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pas accessibles par la Défense sur le « disque dur Z ». Il estime néanmoins ne pas avoir l’obligation de fournir un « système d’organisation » du « disque dur Z » en conjonction avec les communications qu’il effectue22.

C. LaNotification

15. Le Procureur précise les points suivants : à l’exception de deux rapports d’experts, d’un addendum et de pièces à l’appui de rapports d’experts, l’ensemble des pièces visées par l’article 91, paragraphe G), alinéa iii) du Règlement a été communiqué23 ; les pièces visées aux articles 110, paragraphe A), alinéa i) et 88 du Règlement ont été communiquées depuis juin 201224 ; à l’exception de certaines déclarations de témoins sujettes à une requête déposée devant le Juge de la mise en état, l’ensemble des pièces visées par l’article 110, paragraphe A), alinéa ii) du Règlement a été communiqué25 ; en raison de difficultés techniques, certaines pièces ne seront mises à disposition pour inspection conformément à l’article 110, paragraphe B) du Règlement qu’à partir du 11 mars 201326 ; la communication de l’ensemble des éléments de preuve à décharge (article 113 du Règlement) devrait être finalisée le 17 juin 2013 au lieu du 11 mars 2013 en raison de la nature des recherches que le Procureur doit effectuer27.

IV. Le droit applicable

16. L’article 91, paragraphe C) du Règlement, applicable en l’espèce, est libellé de la façon suivante :

Le Juge de la mise en état, en consultation avec les parties, le Greffier, le Juge président de la Chambre de première instance, et, si nécessaire, le Président,

22 Id., par. 16-18.

23 Notification, par. 5.

24 Id., par. 6.

25 Id., par. 7.

26 Id., par. 8-13.

27 Id., par. 14-20.

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fixe provisoirement la date d’ouverture du procès et ce, quatre mois au moins avant la date choisie.

17. Afin de se prononcer sur une demande d’ajournement de procès, la jurisprudence des tribunaux ad hoc prescrit qu’une chambre saisie examine si les intérêts de la justice justifient une telle demande28.

V. L’exposé des motifs

18. Le 19 juillet 2012, le Juge de mise en état a décidé, dans l’intérêt de la justice, de fixer la date provisoire d’ouverture du procès au 25 mars 2013. Il a fixé cette date le plus tôt possible afin que les Parties et les autres participants à la procédure puissent anticiper les échéances à venir et préparer au mieux leur dossier29.Cette décision répondait à l’obligation du Juge de la mise en état de s’assurer que la procédure ne prenne aucun retard injustifié, notamment en imposant toutes les mesures nécessaires afin que l’affaire soit en état en vue d’un procès équitable et rapide30.

19. Pour déterminer la date provisoire d’ouverture du procès au 25 mars 2013 et le Plan de travail qui s’en est suivi, le Juge de la mise en état a pris en considération plusieurs éléments et notamment l’article 16, paragraphe 4), alinéa b) du Statut qui prévoit que l’accusé a le droit de « [d]isposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense »31. Le Juge de la mise en état a, en outre, tenu compte de la jurisprudence internationale selon laquelle « le temps minimum à octroyer aux conseils de la Défense pour préparer leur affaire et conduire leurs enquêtes ne saurait être fixé abstraitement »32. Cette durée dépend des circonstances propres au cas d’espèce et, en particulier, des critères suivants : « i) la taille et la complexité de

28 TPIY, Le Procureur c. Jovica Stanišić et Franko Simatović, Affaire n° IT-03-69-T, Reasons for Decision Partially Granting the Simatović Defence Urgent Request for Adjournment, 17 avril 2012.

29 Ordonnance fixant la date du procès, par. 19.

30 Article 18, paragraphe 2 du Statut.

31 Ordonnance fixant la date du procès, par. 14.

32 Ordonnance fixant la date du procès, par. 13 citant TPIY, Le Procureur c. Krajišnik, Affaire n° ICTY0039A, Appeal Chamber Judgement, 17 mars 2009, par. 80 ; TSSL, Le Procureur c. Taylor, Affaire n° SCSL-2003-01-T, Decision on Defence Notice of Appeal and Submissions Regarding the 4 May 2009 Oral Decision Requiring the Defence to Commence Its Case on 29 June 2009, 23 juin 2009, par. 19.

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l’affaire en cause ; ii) le nombre et la nature de chefs d’inculpation visés ; iii) la gravité des crimes concernés ; iv) le nombre et l’importance des pièces communiquées par le Procureur ; et v) les ressources dont les conseils de la Défense disposent »33.

20. Le Juge de la mise en état constate à présent que certaines obligations prévues dans le cadre du Plan de travail n’ont pas été remplies dans les délais fixés, comme le reconnaît d’ailleurs le Procureur. Parmi celles-ci figure le fait que ce dernier n’a pas communiqué l’ensemble des pièces du dossier à la Défense comme le prévoient les articles 91, paragraphe G), alinéa iii) et 110, paragraphe A), alinéa ii) du Règlement. Il convient, par ailleurs, de noter que la Défense a rencontré et rencontre toujours des difficultés techniques pour accéder à certaines de ces pièces et pour les analyser. À l’évidence, de tels problèmes, ainsi que les demandes pendantes de coopération aux autorités libanaises, qui n’avaient pas pu être anticipés dans l’Ordonnance fixant la date du procès, auquel s’ajoute le volume des éléments de preuve communiqués, sont de nature à justifier et à légitimer la demande de report de la date provisoire d’ouverture du procès formulée par la Défense. En effet, ces éléments ne permettent pas à cette dernière de disposer effectivement du temps et des facilités nécessaires à sa préparation, mettant ainsi en péril l’équité de la procédure et le respect des garanties fondamentales reconnues par les principes généraux du droit34.

21. Dans les circonstances actuelles de la cause, le Juge de la mise en état considère que maintenir la date d’ouverture du procès au 25 mars 2013 privilégierait excessivement l’impératif de rapidité au détriment de celui d’équité de la procédure. Comme l’a rappelé la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (« TPIY ») « [p]our s’acquitter de son devoir de veiller à la tenue d’un procès équitable et rapide, la Chambre […] a souvent la tâche délicate de concilier les intérêts en présence. Cela est particulièrement vrai dans un procès d’une envergure et d’une complexité dont il existe peu de précédents35 ». En l’espèce, il

33 Id., citant TPIR, Le Procureur c. Ngirabatware, Affaire n° ICTR-99-54-A, Decision on Augustin Ngirabatware’s Appeal of Decisions Denying Motions to Vary Trial Date, 12 mai 2009, par. 28 ; V. également TPIY, Le Procureur c. S. Milošević, Affaire n° IT-02-54-AR73.6, Decision on the Interlocutory Appeal by the Amici Curiae against the Trial Chamber Order Concerning the Presentation and Preparation of the Defense Case, 20 janvier 2004, par. 8-19 ; V. également, CEDH, Affaire Twalib c. Grèce (42/1997/826/1032), Arrêt du 9 juin 1998, par. 40.

34 Articles 16 et 18, paragraphe 2 du Statut.

35 TPIY, Le Procureur c. Prlić et consorts, Affaire nº IT-04-74-AR73.4, Décision relative à l’appel interjeté par

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est de l’intérêt de la justice et de l’équité des procédures de fixer une nouvelle date provisoire d’ouverture du procès.

22. Par souci d’économie des ressources financières et humaines liées à l’organisation du procès, le Juge de la mise en état estime opportun d’informer, dès maintenant, toutes les personnes intéressées de l’ajournement de la date d’ouverture du procès.

23. Par ailleurs, il convient de fixer dès que possible une nouvelle date provisoire d’ouverture du procès afin de veiller à ce que la procédure ne prenne aucun retard injustifié. À cette fin, il y lieu d’entamer dès à présent la procédure de consultation des Parties et des participants à la procédure prévue par l’article 91, paragraphe C) du Règlement. À cet égard, le Juge de la mise en état considère que, même si certaines pièces n’ont pas encore été déposées par le Procureur, les informations actuellement disponibles, notamment celles fournies par le Procureur le 15 février 2013 dans la Notification, permettent aux Parties et aux participants à la procédure de procéder d’ores et déjà à une évaluation du temps qu’ils estiment nécessaires à leur préparation. Conformément à l’article 91, paragraphe C) du Règlement, le Juge de la mise en état consultera par la suite le Président du Tribunal, le Juge président de la Chambre de première instance et le Greffier.

24. À l’issue de ce processus de consultation, le Juge de la mise en état établira un nouveau plan de travail explicitant clairement les obligations des Parties et des participants en vue de la préparation du procès ainsi que les délais pour y satisfaire et fixera une nouvelle date provisoire du début du procès compte tenu des impératifs d’efficacité, de rapidité et d’équité du procès. Le Juge de la mise en état considère que, dans l’intervalle, tous les efforts doivent être consentis pour remplir les obligations fixées dans le Plan de travail et les diverses décisions fixant des délais. À cet effet, il rappelle que si les Parties estiment qu’elles ne sont pas en mesure de respecter les délais fixés, elles ne peuvent en solliciter de nouveaux qu’en adressant au Juge de la mise en état une requête à cette fin. Cette requête, dûment motivée et déposée en

l’Accusation contre la Décision par laquelle la Chambre de première instance a réduit la durée de présentation des moyens à charge, 6 février 2007, par. 16.

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Ajournement de la date du procès JME

temps utile, doit justifier de manière détaillée et précise les raisons pour lesquelles la partie requérante estime être dans l’incapacité de respecter les délais impartis36.

VI. Le dispositif

PAR CES MOTIFS,

En application des articles 77 et 91, paragraphe C) du Règlement,

LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT,

DÉCLARE la Requête recevable et fondée ;

ORDONNE l’ajournement de la date provisoire d’ouverture du procès ;

ORDONNE à la Défense et au Représentant légal des victimes de lui communiquer une note détaillée contenant une estimation précise du temps dont ils ont besoin pour leur préparation au procès, ainsi qu’une proposition motivée de date provisoire d’ouverture du procès pour le 8 mars 2013 au plus tard ;

ORDONNE au Procureur de lui communiquer une note détaillée contenant une proposition motivée de date provisoire d’ouverture du procès pour le 8 mars 2013 au plus tard ; et

RAPPELLE à tous les participants à la procédure qu’ils sont tenus de respecter leurs obligations conformément au Plan de travail.

Fait en anglais, arabe et français, la version française faisant foi.

Leidschendam, le 21 février 2013

Daniel Fransen Juge de la mise en état

36 Ordonnance relative au plan de travail, par. 22.

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3.Nom de l’affaire : En l’Affaire El Sayed

Devant : Chambre d’appel

Titre : Version publique expurgée de la décision relative à l’appel interjeté par le Procureur contre la décision rendue par le Juge de la mise en état le 11 janvier 2013

Titre réduit : Communication de documents CA

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LA CHAMBRE D’APPEL

Affaire n° : CH/AC/2013/01

Devant : M. le juge David Baragwanath, Président M. le juge Ralph Riachy M.lejugeAfifChamseddine M. le juge Daniel David Ntanda Nsereko MmelejugeIvanaHrdličková

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 28 mars 2013

Original : Anglais

Type de document : Public expurgé

EN L’AFFAIRE EL SAYED

VERSION PUBLIQUE EXPURGÉE DE LA DÉCISION RELATIVE À L’APPEL INTERJETÉ PAR LE PROCUREUR CONTRE LA

DÉCISION RENDUE PAR LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT LE 11 JANVIER 2013

Conseil de M. El Sayed : M. Akram Azoury

Le Procureur : M. Norman Farrell

Chef du Bureau de la Défense : M. François Roux

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Communication de documents CA

INTRODUCTION

1. Dans le cadre de la procédure relative à une demande de M. El Sayed aux fins de communication de documents placés sous la garde du Procureur, la Chambre d’appel est saisie d’un appel déposé par le Procureur contre une décision rendue par le Juge de la mise en état en date du11 janvier 20131. Dans ladite décision, le Juge de la mise en état considère que certains documents doivent être communiqués à M. El Sayed, conformément à la jurisprudence de la Chambre d’appel2. La Chambre d’appel déclare ledit appel recevable. L’appel est également accueilli quant au fond, au motif que les trois documents en question ne sont pas soumis à l’obligation de communication. De ce fait, la Chambre d’appel renverse la décision du Juge de la mise en état.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

2. Le Procureur a en sa possession trois documents qu’il n’est pas certain de devoir communiquer à M. El Sayed. La Chambre d’appel a précédemment statué sur l’étendue des obligations de communication du Procureur envers M. El Sayed. En particulier, nous avons précisé dans quelle mesure les documents de travail internes ne sont pas soumis à l’obligation de communication à M. El Sayed3. À la lumière de cette décision, le Procureur a demandé au Juge de la mise en état d’apporter des clarifications quant aux obligations de communication qui lui incombent en ce qui concerne ces trois documents. Faisant référence à ladite décision, le Procureur fait valoir de façon générale que les documents en questions, à savoir des échanges

1 TSL, En l’affaire El Sayed, OTP/AC/2013/01, Prosecution Appeal of the Pre-Trial Judge’s “Décision portant sur la Demande du Procureur de Suspendre la Communication de Certains Documents” of 11 January 2013, confidentiel et ex parte, 7 février 2013 (l’« Appel »).

2 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2013/01, Décision portant sur la demande du Procureur de suspendre la communication de certains documents, confidentiel et ex parte, 11 janvier 2013 (la « Décision attaquée »).

3 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2011/01, Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011, 19 juillet 2011 (la « Décision du 19 juillet 2011 ») ; voir également ci-dessous, par. 25 et 26.

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Communication de documents CA

de correspondance entre la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (l’« UNIIIC ») et les autorités libanaises, constituent des documents de travail internes, au sens de l’article 111 du Règlement de procédure et de preuve ( le « Règlement »), et ne font, par conséquent, pas l’objet d’une obligation de communication4.

3. Dans la Décision attaquée, bien qu’il n’ordonne pas la communication sans réserve, le Juge de la mise en état conclut que les trois documents en question contiennent des admissions de faits qui, selon la décision de la Chambre d’appel, doivent être communiquées5. Toutefois, il précise également que cette clarification est indépendante d’autres conditions susceptibles d’empêcher leur communication éventuelle6.

4. Dans son Appel, l’Accusation soutient que l’interprétation trop large de la décision de la Chambre d’appel par le Juge de la mise en état est erronée, et que celui-ci aurait dû conclure que les documents sont protégés par leur qualité de documents de travail internes au sens de l’article 1117. M. El Sayed conteste l’Appel, arguant principalement de son irrecevabilité8.

EXAMEN DES ARGUMENTS

I. Le caractère public de la procédure

5. En l’espèce, la procédure devant le Juge de la mise en état a été menée à titre confidentiel et ex parte, à savoir sans la participation de M. El Sayed. Cela

4 TSL, En l’affaire El Sayed, OTP/PTJ/2012/10, Prosecution’s Submissions on the Status of Certain Documents, confidentiel et ex parte, 1er novembre 2012.

5 Décision attaquée, p. 8 ; par. 11 et 15.

6 Décision attaquée, par. 16.

7 Appel, par. 6 et 9.

8 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2013/02, Observations du General Jamil El Sayed sur « Prosecution Appeal of the Pre-Trial Judge’s “Décision portant sur la Demande du Procureur de Suspendre la Communication de Certains Documents » en exécution de la Décision de la Chambre d’appel du 14 mars 2013, 18 mars 2013 (la « Réponse de El Sayed“ ») ; voir également TSL, En l’affaire El Sayed, OTP/AC/2013/01, Prosecution Reply to the Observations of Jamil El Sayed, 25 mars 2013.

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signifie que M. El Sayed n’a pas été en mesure de répondre à la requête du Procureur adressée au Juge de la mise en état. De même, l’appel a initialement été déposé sans avoir été communiqué à M. El Sayed. Toutefois, par une ordonnance provisoire, la Chambre d’appel a permis à M. El Sayed d’avoir accès à des versions publiques expurgées de l’Appel, de la Décision attaquée, et de la demande du Procureur devant le Juge de la mise en état, afin qu’il puisse participer, dans la mesure du possible, à la procédure en l’espèce9. Pour rendre sa décision, la Chambre d’appel s’est fondée sur deux considérations : le principe selon lequel une juridiction doit entendre les deux parties avant de rendre une quelconque décision, et l’obligation qui nous incombe de mener les procédures devant le Tribunal publiquement.

A. Le principe audi alteram partem

6. Le Tribunal doit se conformer aux normes les plus élevées en matière de procédure pénale internationale10. En effet, « tout organe judiciaire [a le devoir] d’entendre au préalable la partie susceptible d’être lésée par la décision en question »11. Le principe selon lequel l’autre partie doit être entendue (audi alteram partem) est reconnu par tous les systèmes juridiques à travers le monde, y compris au Liban12. Il est étayé par un certain nombre de considérations. L’une d’entre elles est le risque potentiel d’erreurs judicaires entrainées par l’absence d’arguments13. Une autre est l’acceptation des décisions judiciaires, à la fois de la part des parties concernées et du grand public en général14. Ces raisons ont été résumées comme suit :

9 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2013/01, Interim Order on Prosecutor’s Appeal, 14 mars 2013.

10 Article 28 2) du Statut du TSL.

11 TPIY, Le procureur c. Jelisić, IT-95-10-A, Arrêt, 5 juillet 2001, par. 27.

12 Voir articles 372, et 373 du Code de procédure civile libanais.

13 Voir Royaume-Uni, Chancery Division, John v Rees, [1970] Ch 345 (1968), Megarry J, p. 402 : « [traduction] Il se peut que certaines personnes dénigrent l’importance accordée par les tribunaux au respect des règles de la justice naturelle. “Lorsque quelque chose paraît évident, diraient-elles, pourquoi imposer à tous la perte de temps fastidieuse que représente la formulation des accusations, et le fait de donner à chacun la possibilité d’être entendu ? L’issue est claire dès le départ”. Ceux qui sont de cet avis ne se font pas, à mes yeux, justice. Toute personne ayant eu quelque chose à voir avec la justice le sait bien, le chemin du droit est parsemé d’affaires dont la cause semble entendue dès le départ, et qui, d’une manière ou d’une autre, ne l’est pas ; d’accusations irréfutables, qui, le moment venu, se révèlent pleinement réfutées ; de comportements inexplicables qui sont entièrement expliqués ; et de conclusions immuables et inaltérables, qui, après débat, ont été modifiées. »

14 Ibidem : « [traduction] Pas plus que ceux qui ont une quelconque connaissance de la nature humaine et qui

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[traduction] La tâche qui incombe aux tribunaux de rendre un jugement définitif au regard d’une situation factuelle spécifique ne peut normalement s’accomplir sans que les parties concernées ne soient entendues. Ainsi, leur audition représente la condition préalable à une décision correcte. En outre, la dignité des personnes exige que les droits individuels ne soient pas expédiés sommairement par les autorités ; une personne ne doit pas être uniquement l’objet d’une décision judiciaire, mais doit plutôt pouvoir s’exprimer avant qu’une décision susceptible d’avoir une incidence sur ses droits soit rendue, et ce, afin d’avoir une influence sur la procédure et le résultat définitif15.

7. Toutefois, le principe audi alteram partem connaît des exceptions. En effet, la Chambre d’appel a précédemment statué dans cette même affaire qu’une procédure menée ex parte peut se révéler appropriée dans certaines circonstances définies. Nous avons conclu que la participation de M. El Sayed au processus visant à déterminer si la communication des informations relatives à certaines personnes pourrait constituer un risque pour la sécurité des personnes concernées mettrait en échec l’objectif général de l’évaluation des risques16. De façon plus générale, cette approche est conforme aux dispositions des articles 116, 117 et 118 qui autorisent de façon explicite la conduite de procédures ex parte dans les cas où une partie

prennent le temps de réfléchir, ne sont susceptibles de sous-estimer le ressentiment qu’éprouvent ceux contre qui une décision a été rendue sans qu’ils n’aient eu la possibilité d’influencer le cours des événements » ; voir aussi, Royaume-Uni, Chambre des Lords, Secretary of State for the Home Department v AF (No 3) [2010] 2 AC 269 (2009), Lord Phillips, p. 355 : « Ce point va plus loin. Du ressentiment sera naturellement éprouvé par la personne qui se trouve contrôlée, ainsi que par sa famille et son entourage, si des sanctions lui sont imposées du fait des motifs qui ont conduit à ce qu’il soit suspecté de participation à des actes de terrorisme, sans aucune forme d’explication quant à la nature de ces motifs. En effet, pour que le grand public ait confiance en la justice, il faut qu’il puisse voir que justice est rendue, et non être obligé de le croire sur parole. »

15 Allemagne, Bundesverfassungsgericht [Cour fédérale constitutionnelle], BVerfGE 9, 89(95) : “Die Aufgabe der Gerichte, über einen konkreten Lebenssachverhalt ein abschließendes rechtliches Urteil zu fällen, ist in aller Regel ohne Anhörung der Beteiligten nicht zu lösen. Diese Anhörung ist daher zunächst Voraussetzung einer richtigen Entscheidung. Darüber hinaus fordert die Würde der Person, daß über ihr Recht nicht kurzerhand von Obrigkeits wegen verfügt wird; der einzelne soll nicht nur Objekt der richterlichen Entscheidung sein, sondern er soll vor einer Entscheidung, die seine Rechte betrifft, zu Wort kommen, um Einfluß auf das Verfahren und sein Ergebnis nehmen zu können.”

16 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2012/02, Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed de la décision du Juge de la mise en état du 8 octobre 2012, 23 novembre 2012 (la « Décision du 23 novembre 2012 »), par. 12.

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demande à être relevée de tout ou partie de l’obligation de communication pour l’un des motifs importants énoncés dans les articles du Règlement susmentionnés17.

8. La question dont nous sommes saisis est celle de savoir si, en définitive, les trois documents en question font l’objet d’une obligation de communication à M. El Sayed. Le fait d’accorder à M. El Sayed accès auxdits documents afin qu’il puisse formuler des observations quant à leur contenu irait à l’encontre de l’objet du litige et le viderait de son sens. Ainsi, nous rejetons les griefs qu’il a formulés à cet égard18. Toutefois, en l’espèce, il n’existe aucun motif exceptionnel justifiant l’exclusion complète de M. El Sayed de la totalité du processus d’appel, pour l’un ou l’autre des motifs énoncés dans les articles 116 à 118. En premier lieu, M. El Sayed a connaissance du fait qu’une procédure de communication est en cours, et que le Procureur pourrait solliciter de ne pas communiquer certaines pièces. En outre, M. El Sayed peut soulever, et a soulevé, des arguments qui ne sont pas strictement liés au contenu des documents. Nous remarquons que c’est également la position adoptée par le Procureur19.

B. Le principe de publicité des débats

9. Dans de précédentes décisions, la Chambre d’appel a expliqué que notre Statut et notre Règlement exigent que toute procédure devant le Tribunal soit publique, sauf décision contraire d’une Chambre :

« Nous sommes attentifs au besoin de transparence des procédures devant le Tribunal de céans et mettons l’accent sur celle-ci, du fait notamment que les accusés ont droit à ce que “leur cause soit entendue équitablement et publiquement” aux termes des articles 16 2) et 20 3) du Statut. Les articles 96 et 136 du Règlement rappellent ce principe important et ne permettent d’exceptions que dans des circonstances particulières et limitées. Or les

17 Article 116 du RPP du TSL, la communication est : de nature à compromettre l’enquête en cours ou une enquête ultérieure ; susceptible de menacer gravement la sécurité d’un témoin ou de sa famille ; susceptible, pour toute autre raison, d’être contraire à l’intérêt général ou aux droits de tiers ; article 117, la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité nationale d’un État ou à la sécurité d’une entité internationale ; article 118 : le consentement d’une source d’informations en vue de communiquer lesdites informations n’est pas obtenu.

18 Voir la Réponse de El Sayed, par. 9 à 11.

19 Appel, par. 30.

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présentations et décisions confidentielles, (bien que parfois nécessaires) sont contraires par leur nature même à ce principe d’ouverture. Elles doivent être aussi peu nombreuses que possible et seules des raisons exceptionnelles peuvent les justifier, telles que, le cas échéant, la protection des victimes et des témoins et la protection d’une enquête en cours du Procureur »20.

Bien que ces principes aient été énoncés dans le cadre de l’affaire Ayyash et autres — une procédure pénale — ils doivent également être applicables au regard de la question dont nous sommes saisis, qui, nous l’avons conclu, est de nature « civile ou administrative »21. Par conséquent, bien que le contenu des trois documents en cause doive demeurer confidentiel, au regard à la fois de M. El Sayed et du public, il n’y a aucune raison pour que l’existence du litige reste confidentielle. En sus d’ordonner l’expurgation des documents concernés, la Chambre d’appel ordonne également que soit publiée une version publique de la présente décision, gardant les expurgations au strict minimum.

II. La recevabilité de l’Appel

A. L’Appel a-t-il été déposé hors délai ?

10. Le Procureur a déposé son Appel le 7 février 2013, presque un mois après la décision attaquée. Il avance que la Chambre d’appel n’a fixé aucun délai pour le dépôt de recours dans l’Affaire El Sayed. Toutefois, si l’Appel était considéré comme étant hors délai, il pourrait cependant être reçu en application de l’article 9 du Règlement, parce qu’il existe des motifs valables22. M. El Sayed n’a pas répondu sur ce point.

20 TSL, Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC, Version corrigée de la Décision relative à la requête du Juge de la mise en état en application de l’article 68 G), 29 mars 2012, par. 12 ; voir aussi la Décision du 23 novembre 2012, par. 12.

21 Décision du 19 juillet 2011, par. 28 ; voir aussi TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2010/02, Décision en appel concernant l’ordonnance de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, 10 novembre 2010, par. 70 : La […] requête [de M. El Sayed] doit être considérée selon les préceptes de l’article 3, y compris les normes internationales des droits de l’homme et les principes généraux de la procédure et du droit pénaux internationaux, et conformément à l’esprit du Statut et du Règlement.

22 Appel, par. 15.

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11. Nous avons précédemment clarifié que « [b]ien que la présente procédure se déroule en dehors du champ d’application du Règlement, la Chambre d’appel tient à centrer ses efforts sur l’équité et l’efficacité de la procédure »23. Le Procureur aurait par conséquent dû se conformer aux délais prescrits par le Règlement pour les appels de ce type. La Chambre d’appel observe qu’en application de l’article 126 E) du Règlement, un appel doit être déposé dans un délai de sept jours après que la certification a été accordée. Nous disons que, dorénavant, ledit délai s’applique à tous les recours formulés en la présente affaire, qu’ils nécessitent certification ou non.

12. Même en l’absence de délais spécifiques, nous sommes d’avis que le procureur aurait dû agir avec plus de diligence dans le dépôt dudit appel. Néanmoins, nous faisons preuve de tolérance à l’égard de ce dépôt par ailleurs tardif, et nous admettons l’appel, car c’est la première fois en l’espèce que la Chambre d’appel prescrit un délai réglementaire pour le dépôt d’un recours dans la procédure qui nous concerne. S’il est exact que le Procureur aurait dû faire preuve de davantage de diligence, la Chambre d’appel ne permettra pas qu’il soit lésé en raison du manque de clarté qui a existé jusqu’à présent24.

C. LeProcureurpeut-ilinterjeterappelsansdemandedecertification?

13. Le Procureur fait valoir que l’appel qu’il a formulé est recevable sans certification du Juge de la mise en état25. Il avance que bien que le Juge de la mise en état « [TRADUCTION] dans la Décision attaquée, n’ordonne pas la communication, il a néanmoins tranché la question desdits documents de manière définitive, puisque l’article 111 était le seul fondement de leur non-communication, point sur lequel le Procureur a sollicité l’avis du Juge de la mise en état »26.

14. Nous rappelons qu’en l’espèce, un appel peut être formé devant la Chambre d’appel sans certification si la décision dont il est fait appel « tranche potentiellement

23 Décision du 19 juillet 2011, par. 20.

24 Voir TPIY, Le Procureur c. Marijačić et Rebić, IT-95-14-R77.2-A, Jugement, 27 septembre 2006, par. 14.

25 Appel, par. 11 à 14.

26 Appel, par. 12.

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de manière définitive » la demande de M. El Sayed aux fins de communication de documents. Autrement, la certification est nécessaire27. Nous devons par conséquent trancher la question du caractère définitif ou seulement interlocutoire de la Décision attaquée.

15. À titre liminaire, la Chambre d’appel rejette l’argument du Procureur selon lequel il est en droit d’interjeter appel de la Décision attaquée en raison de son incidence sur l’application de l’article 111 du Règlement28. La question de la nécessité éventuelle des « [traduction] clarifications par la Chambre d’appel concernant la bonne application de cette exception soient […] nécessaires » n’est pas pertinente afin de décider si la décision est définitive (autorisant un accès direct à la Chambre d’appel), ou non (nécessitant une certification par le Juge de la mise en état).

16. Toutefois, la Chambre d’appel convient avec le Procureur que, quoi qu’il en soit, la Décision attaquée est, à tous égards, définitive29. La Chambre d’appel a conclu précédemment que toute décision du Juge de la mise en état ordonnant la communication de documents est définitive car « une fois les pièces communiquées, il ne reste plus rien à décider »30. Bien qu’il soit possible de soutenir que le Juge de la mise en état a seulement conclu que lesdits documents ne relèvent pas de l’article 111 et qu’il n’a pas ordonné leur communication, il apparaît clairement que, en l’absence de motifs supplémentaires de non-communication, le Juge de la mise en état rend une telle ordonnance en s’appuyant sur le raisonnement qu’il applique dans la décision attaquée. Le fait de requérir une nouvelle décision du Juge de la mise en état serait excessivement formaliste et nuirait à l’économie judiciaire, étant donné que l’issue d’une telle décision est évidente. L’appel ne nécessite par conséquent pas la certification de la Décision attaquée.

27 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2012/03, Décision relative à l’appel partiel interjeté par le Procureur contre l’ordonnance du Juge de la mise en état rendue le 20 février 2012, 18 avril 2012 (la Décision du 18 avril 2012), par. 15 (avec d’autres références aux précédentes décisions de la Chambre d’appel) ; voir aussi la Décision du 23 novembre 2012, par. 5.

28 Appel, par. 14.

29 Appel, par. 12 et 13.

30 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2012/02, Ordonnance faisant droit en partie et rejetant en partie l’appel interjeté par le Procureur de la décision du Juge de la mise en état du 2 septembre 2011 ordonnant la communication de pièces, 7 octobre 2011, par. 5 ; voir également la Décision du 18 avril 2012, par. 15.

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D. Autres motifs susceptibles de proscrire l’appel du Procureur

17. M. El Sayed soutient que le Procureur ne peut interjeter appel parce qu’il a précédemment fait valoir que les documents ne relevaient pas de l’article 111, et qu’il a aujourd’hui révisé sa position. M. El Sayed s’appuie spécifiquement sur le principe de l’estoppel31. Le Procureur répond que ledit principe ne s’applique pas en l’espèce32.

18. La Chambre tient à souligner tout d’abord que le contexte procédural de ce litige est complexe33. La difficulté découle en partie du fait que le Procureur a adopté tout au long de la procédure des positions apparemment contradictoires concernant les trois documents en question. En effet, lorsque le Juge de la mise en état a ordonné au Procureur de lui « soumettre les documents susceptibles d’être communiqués [à M. El Sayed] »34, le Procureur a initialement communiqué les trois documents en avançant qu’ils « [TRADUCTION] contiennent des propos relevant de l’article 111 et exprimés de telle façon qu’ils représentent des “admissions de faits”, susceptibles d’être communiqués en application de la décision de la Chambre d’appel du 19 juillet 2011 »35. Il s’en est suivi un litige prolongé concernant certains aspects du processus de communication des pièces, qui a mené jusqu’au dépôt des appels dont nous sommes saisis. Toutefois, les trois documents en question n’ont jamais fait l’objet de ces différends36. Ce n’est qu’un an après le dépôt des observations du Procureur selon lesquelles lesdits documents pouvaient être communiqués, et après avoir reçu l’ordre de communiquer les pièces restant en sa possession37, que

31 Réponse de El Sayed, par. 18 à 21.

32 Réplique du Procureur, par. 2, et 5 à 15.

33 Voir le rappel de la procédure figurant dans la Décision attaquée pour un aperçu détaillé, Décision attaquée, par. 7.

34 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2011/17, Ordonnance en exécution de la décision de la Chambre d’appel du 19 juillet 2011, 17 octobre 2011, Dispositif.

35 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2011/17, Prosecution’s Submissions Following the Pre-Trial Judge’s Order for Enforcement of the Appeals Chamber Decision of 19 July 2011, 15 novembre 2011, par. 11.

36 Voir Décision attaquée, par. 7.

37 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2012/04, Décision relative à la fixation d’un délai au Procureur pour la remise à M. El Sayed des documents visés par l’ordonnance du Juge de la mise en état du 21 mai 2011, 8 octobre 2012, par. 13. Le titre de la Décision attaquée contenait initialement une erreur, corrigée ultérieurement, voir

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le Procureur a changé d’avis et a demandé au Juge de la mise en état de confirmer que les documents ne faisaient pas l’objet d’une obligation de communication38. Le Procureur a fait cette demande sans préciser qu’il avait communiqué ces mêmes pièces un an auparavant, et sans évoquer les raisons qui ont motivé son changement d’opinion concernant la nature de ces pièces39. À cet égard, nous partageons la surprise du Juge de la mise en état devant la demande du Procureur40.

19. Toutefois, la Chambre d’appel estime que le changement de position du Procureur concernant les trois pièces en question, ainsi que son retard à en informer le Juge de la mise en état, ne lui interdisent pas de formuler sa demande. Le recours de M. El Sayed au principe de l’estoppel est dénué de fondement à cet égard. Tout d’abord, M. El Sayed ne précise pas sur quels éléments dudit principe il s’appuie. En effet, le principe de l’estoppel est juridiquement complexe, il est interprété différemment par différents systèmes juridiques, et son application précise dépend d’un certain nombre de facteurs41. La Chambre d’appel considère qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la question de l’applicabilité dudit principe dans une procédure relative à la communication de documents. La raison en est qu’il n’existe aucun élément attestant que M. El Sayed a agi d’une quelconque façon en se fondant sur la position initiale du Procureur.

20. À notre connaissance, aucun principe, à une exception près, ne nous a été présenté, qui, en l’absence des éléments susmentionnés, serait susceptible d’interdire au Procureur de modifier sa décision initiale. L’exception est, en common law, le principe de l’estoppel par acte écrit — qui interdit à une personne ayant souscrit un engagement solennel par écrit de se contredire, et aucun comportement subséquent,

TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2012/05, Rectificatif de la « Décision relative à la fixation d’un délai au Procureur pour la remise à M. El Sayed des documents visés par l’ordonnance du Juge de la mise en état du 21 mai 2011 », 11 octobre 2012.

38 TSL, En l’affaire El Sayed, OTP/PTJ/2012/10, Prosecution’s Submission on the Status of Certain Documents, confidentiel et ex parte, 1er novembre 2012 (« Observations de l’Accusation du 1er novembre 2012 »), par. 14 et 15.

39 Observations de l’Accusation du 1er novembre 2012.

40 Décision attaquée, par. 9 et 12.

41 Voir Royaume-Uni, Queens Bench, McIlkenny v Chief Constable, [1980] 1 QB 283, Lord Denning, p. 317 (où figurent au moins 11 types d’estoppel différents).

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ou autre acte fondé sur la position de la partie adverse n’est requis de la part de la partie invoquant l’estoppel42. Cependant, aucune formalité de ce type n’a été effectuée ; le Procureur a uniquement déposé un acte de procédure dans lequel il déclare que les trois pièces en question constituaient une « admission de faits », susceptibles d’être communiqués en exécution de la décision de la Chambre d’appel du 19 juillet 201143.

21. Mis à part l’estoppel par acte écrit, les sources du droit que nous avons examinées exigent de la part de la partie invoquant l’estoppel soit un comportement subséquent, soit d’autres actes fondés sur la position de la partie adverse, ou l’existence d’une iniquité44. Par exemple, si la renonciation est affirmée45, le principe applicable veut que, si

[traduction][...] une négociation qui a pour effet d’amener une des parties à supposer que les droits [de la partie adverse] [...] ne seront pas mis en application [et si ] […] une injustice est susceptible d’en résulter, au regard des échanges qui se sont déroulés jusqu’alors entre les parties, [la personne cherchant à se prévaloir desdits droits ne sera pas autorisée à le faire]46.

22. Il en va de même dans le cas où M. El Sayed entend invoquer l’estoppel par choix, à savoir que le Procureur avait délibérément opéré un choix entre deux cas de figure incompatibles (en déclarant que les pièces faisaient l’objet d’une obligation de communication) qui désormais interdit au Procureur de bénéficier du cas de figure non sélectionné (à savoir, contester l’obligation de communication des pièces)47. Il en est ainsi parce que l’estoppel par choix suppose également que l’autre partie (M. El Sayed) se soit appuyée sur l’option choisie et subisse à présent un préjudice du

42 Royaume-Uni, Chancery Division, PW & Co v Milton Gate Investments Ltd, [2004] 1 Ch 142, (30 juin 2003) Neuberger J, p. 148 et 149.

43 Observations de l’Accusation du 15 novembre 2011, par. 11.

44 Royaume-Uni, Chancery Division, PW & Co v Milton Gate Investments Ltd, [2004] 1 Ch 142, (30 juin 2003) Neuberger J, p. 149 à 159, 195, 205, 209 à 211, 221 à 222 et 227.

45 Voir, par exemple, Royaume-Uni, Queens Bench, Brikom Investments Ltd v Carr, [1979] 1 QB 467, (1979) Roskill L.J, p. 488 et 489.

46 Royaume-Uni, Chambre des Lords, Hughes v Metropolitan Railway Co, (1877) 2 App Cas 439 (5 juin 1877), Lord Cairns, p. 448.

47 Voir Royaume-Uni, Privy Council, Meng Leong Ltd v Jip Hong Ltd, [1985] 1 AC 511 (1984), p. 521.

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fait du changement de position48. La Chambre d’appel observe que s’il prétend que le changement de position du Procureur s’effectue à son détriment49, Mr El Sayed ne justifie d’aucun préjudice qu’il aurait subi à la suite des agissements du Procureur. En effet, M. El Sayed peut difficilement s’appuyer sur une quelconque position du Procureur à cet égard, étant donné qu’il n’avait pas connaissance du contenu desdits documents.

23. Ainsi, la Chambre d’appel conclut que le Procureur pouvait à bon droit revenir sur la catégorisation initiale des documents concernés, et rejette les arguments de M. El Sayed à cet égard. Toutefois, nous ne nous expliquons pas que le réexamen des trois pièces par le Procureur ait pris autant de temps. Nous soulignons que ni le Juge de la mise en état ni la Chambre d’appel n’ont reçu d’explications à cet égard. Nous avons précédemment précisé que le Procureur devait remplir ses obligations à cet égard rapidement et sans délai50. La Chambre d’appel lui rappelle une nouvelle fois qu’il est primordial de conclure la communication des documents en l’espèce, et lui enjoint de le faire avec diligence en ce qui concerne tout document restant à communiquer.

III. Sur le fond de l’appel

24. La question dont nous sommes saisis est celle de savoir si le Juge de la mise en état a commis une erreur en statuant que les trois documents qui sont en la possession du Procureur constituaient « des admissions de faits au sens de la Décision [de la Chambre d’appel] du 19 juillet 2011 ». Nous concluons que c’est le cas et renversons en conséquence la Décision attaquée.

A. Les critères établis par la Chambre d’appel

25. Dans la Décision du 19 juillet 2011, nous avons rappelé que l’article 111 prévoit une exception à l’obligation générale de communication visée à l’article 113,

48 Ibidem.

49 Réponse de El Sayed, par. 21.

50 Décision du 18 avril 2012, par. 44.

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aux termes duquel le Procureur est tenu de communiquer à la Défense « toute information dont il dispose ou a connaissance qui peut raisonnablement tendre à disculper l’accusé, atténuer sa responsabilité pénale ou affecter la crédibilité des éléments de preuve à charge »51. L’article 111 dispose que :

Les rapports, mémoires ou autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants, dans le cadre de l’enquête ou de la préparation afférentes à un dossier n’ont pas à être communiqués ni signifiés en vertu du présent Règlement. S’agissant du Procureur, ces documents comprennent les rapports, mémoires et autres documents internes établis par la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (UNIIIC), ses assistants ou ses représentants, dans le cadre de ses enquêtes.

Nous avons conclu qu’aux termes de l’article, « les échanges de correspondance entre l’UNIIIC et le Procureur général libanais constituaient des documents “internes”, dans la mesure où la correspondance relève de la coordination d’une même enquête pénale52 ».

26. Cependant, nous avons également précisé que l’application de l’article 111 n’était pas sans limite. Il a été statué comme suit :

99. Les articles 111 et 113 accordent chacun une certaine importance à la publicité des débats.

100. En effet, l’article 111 vise essentiellement à permettre aux représentants d’une partie de se concerter sans restrictions afin de prendre des décisions. L’intérêt porté à la liberté d’expression consacrée dans la jurisprudence illustre ce point. La franchise est essentielle pour garantir la qualité. Pour ce qui est des pièces visées à l’article 111, il s’agit essentiellement d’une question d’opinion.

101. En revanche, l’article 113 se rapporte principalement aux faits. Le principe énoncé à l’article 113 porte essentiellement sur les faits à décharge. Les deux articles sont par conséquent généralement complémentaires.

102. Cependant, il est possible que les débats relatifs à l’article 111 soient abordés i) de manière si catégorique ; ii) par une personne chargée de prendre

51 Voir Décision du 19 juillet 2011, par. 76 à 78.

52 Décision du 19 juillet 2011, par. 92.

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des décisions ; iii) dans des circonstances conduisant à penser que ce qui se passe « en interne » doit être considéré comme l’admission de faits. Dans ce cas-là, la protection prévue par l’article 111 disparaît pour être remplacée par l’obligation prévue à l’article 113 (sous réserve des limitations établies aux articles 116 à 118, cela va de soi).

103. Il convient également de déterminer si, au sens de l’article 113, « la responsabilité » ou « l’innocence » renvoient non seulement au crime qui aurait été commis, selon M. El Sayed, par d’autres personnes ayant fourni des faux éléments de preuve, mais également aux soupçons de participation à l’assassinat qui pesaient au départ sur M. El Sayed (cette question est actuellement sans rapport avec le pouvoir de décision judiciaire du présent Tribunal, compte tenu de la déclaration du Procureur en 2009, dans laquelle il indiquait ne retenir aucune charge à l’encontre de M. El Sayed dans le cadre de l’assassinat).

104. Une telle distinction est sans intérêt. Il s’agit des deux faces d’une même médaille. L’argument de M. El Sayed selon lequel il affirme son innocence dans le cadre de l’assassinat n’est qu’un aspect de l’affirmation de la responsabilité pénale des « faux témoins » présumés.

105. En bref, si dans le cadre du discours de personnes dont le comportement est imputable à une partie au sens de l’article 111, on observe i) une acceptation sans équivoque ; ii) par une personne chargée de prendre des décisions ; iii) pouvant être qualifiée à juste titre de décision relative à la responsabilité ou à l’innocence susmentionnées, les débats relevant de l’article 111 doivent alors être examinés à la lumière de l’article 113, puis soumis à l’obligation de communication, sous réserve de l’application de toute disposition des articles 116 à 11853.

27. Nous tenons à préciser que la question dont nous sommes saisis n’est pas de l’ordre de la « clarification », de « l’interprétation » ou même du « réexamen » de notre décision précédente. Il s’agit plutôt de « l’application » de notre jurisprudence à un ensemble de documents. Ainsi nous est-il demandé de déterminer si le Juge de la mise en état a commis une erreur en concluant que les documents ne relevaient pas de l’exception à l’obligation de communication prévue à l’article 111. Autrement

53 Décision du 19 juillet 2011, par. 99 à 105.

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dit, la Chambre d’appel ne détermine pas une fois de plus quel est le droit applicable, à savoir le champ d’application de l’exception visée à l’article 111. Cela a déjà été fait54, avec l’assistance du Procureur et de M. El Sayed qui ont tous deux donné leur point de vue sur cette question juridique précise55. Il n’est pas nécessaire de rouvrir le débat à ce sujet. Ce que nous devons faire maintenant, c’est examiner les trois documents et décider s’ils relèvent ou non de l’exception.

B. L’application de ces critères aux trois documents en litige

28. Avant d’examiner les trois documents individuellement, nous remarquons que dans son analyse, le Juge de la mise en état se fonde apparemment sur une lecture trop large de la Décision du 19 juillet 2011. Il est rappelé que toute dérogation à la règle de l’article 111 doit être de nature limitée et ne saurait nuire au but poursuivi par l’article, à savoir protéger le libre échange des idées et un débat ouvert au sein des équipes du Procureur ou de la Défense. Inversement, les obligations de communication visées à l’article 113 ne s’appliquent que si des faits de nature à disculper l’accusé sont en jeu. Dans le contexte de l’article 111, cela ne signifie pas que toute « admission de faits » soit susceptible de faire tomber la protection de l’article 111. Comme il a été expliqué, ce n’est que « si dans le cadre du discours de personnes dont le comportement est imputable à une partie au sens de l’article 111, on observe i) une acceptation sans équivoque ; ii) par une personne chargée de prendre des décisions ; iii) pouvant être qualifiée à juste titre de décision relative à la responsabilité ou à l’innocence susmentionnées, les débats relevant de l’article 111 doivent alors être examinés à la lumière de l’article 113, puis soumis à l’obligation de communication, sous réserve de l’application de toute disposition des articles 116 à 11856 ».

54 Décision du 19 juillet 2011.

55 Voir TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2010/01, Appel partiel de la décision du Juge de la mise en état portant sur la remise de pièces du dossier pénal de M. El Sayed du 12 mai 2011, 20 mai 2011 ; TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2010/01, Réponse du Procureur à l’« Appel partiel de la décision du Juge de la mise en état portant sur la remise de pièces du dossier pénal de M. El Sayed du 12 mai 2011 », 10 juin 2011 ; TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2010/01, Réplique à “Prosecution’s response to « partial appeal of the pre-trial judge’s decision on the disclosure of materials from the criminal file of Mr El Sayed of 12 May 2011 »”, 21 juin 2011.

56 Décision du 19 juillet 2011, par. 105.

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29. À cet égard, nous rejetons l’argument du Procureur, contesté par M. El Sayed57, selon lequel la Décision du 19 juillet 2012 serait « [TRADUCTION] rédigée en termes ambigus » et que « la Chambre d’appel a donné deux versions différentes de l’exception » à la règle de l’article 11158. Comme le Procureur le reconnaît ailleurs, les paragraphes pertinents de la Décision ne doivent pas être lus isolément. Le paragraphe 105 de ladite Décision notamment, comme il a été dit précédemment, est le résumé de l’analyse que la Chambre d’appel a développée dans les paragraphes précédents. Ainsi, la Décision doit être envisagée dans sa globalité.

[EXPURGÉ]

30. [EXPURGÉ].

31. [EXPURGÉ]59. C’était une erreur. [EXPURGÉ] ne permet pas de les considérer comme des admissions de faits. Nous rappelons que par « la responsabilité ou l’innocence » de M. El Sayed, nous entendions le fait qu’il affirmait être innocent de l’attentat du 14 février 2005 qui coûta la vie à l’ancien Premier ministre Hariri, et être injustement accusé par de présumés « faux témoins » d’avoir participé à l’attentat60. Il serait donc excessif de qualifier [EXPURGÉ]61 [EXPURGÉ]. Nous soulignons une nouvelle fois que toute exception à la règle de l’article 111 doit être interprétée étroitement, faute de quoi les effets de l’article seraient réduits à néant.

[EXPURGÉ]

32. [EXPURGÉ].

33. Le Juge de la mise en état a conclu que cette [EXPURGÉ], « n’en demeur[ait] pas moins une déclaration catégorique au sujet de l’innocence ou de la culpabilité, notamment du Requérant, effectuée par une personne ayant un pouvoir de décision »

57 Réponse d’El Sayed, par. 14.

58 Appel, par. 17 et 18 (renvoyant aux par. 102 et 105 de la Décision du 19 juillet 2011) ; voir également par. 3 et 4.

59 Décision attaquée, par. 15.

60 Décision du 19 juillet 2011, par. 104.

61 [EXPURGÉ].

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et qu’il s’agissait « [e]n ce sens, [...] d’une admission de faits »62. C’était là encore une erreur. [EXPURGÉ], l’intention [EXPURGÉ] n’était pas d’exprimer une opinion sur la culpabilité ou l’innocence [EXPURGÉ].

C. Conclusion

34. Les trois documents sont protégés en vertu de l’article 111. Le Juge de la mise en état a commis une erreur en statuant qu’ils ne l’étaient pas. Sa décision est, par conséquent, renversée.

62 Décision attaquée, par. 11.

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DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS ;

LA CHAMBRE D’APPEL, à l’unanimité ;

DÉCLARE l’appel recevable ;

RENVERSE la Décision attaquée ;

CONCLUT que les trois documents sont protégés en vertu de l’article 111 ;

ORDONNE au Juge de la mise en état de déposer une version publique expurgée de la Décision attaquée, en suivant les expurgations effectuées par la Chambre d’appel dans le document figurant à l’annexe B de l’Ordonnance provisoire ;

ORDONNE au Procureur de déposer des versions publiques expurgées des écritures du Procureur du 1er novembre 2012 et de l’Appel, en suivant les expurgations effectuées par la Chambre d’appel dans les documents figurant aux annexes A et C de l’Ordonnance provisoire.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi. Le 28 mars 2013, Leidschendam, Pays-Bas

David Baragwanath, président

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4.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : Chambre d’appel

Titre : Arrêt relatif à l’appel du représentant légal des victimes contre la décision du Juge de la mise en état concernant les mesures de protection

Titre réduit : Anonymat total des victimes CA

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LA CHAMBRE D’APPELAffaire n° : STL-11-01/PT/AC/AR126.3Devant : M. le juge David Baragwanath, Juge président

M. le juge Ralph Riachy M.lejugeAfifChamseddine M. le juge Daniel David Ntanda Nsereko MmelejugeIvanaHrdličková,JugeRapporteur

Le Greffier : M. Herman von HebelDate : 10 avril 2013Original : AnglaisType de document : Public

LE PROCUREUR c.

SALIM JAMIL AYYASH, MUSTAFA AMINE BADREDDINE,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA

ARRÊT RELATIF À L’APPEL DU REPRÉSENTANT LÉGAL DES VICTIMES CONTRE LA DÉCISION DU JUGE DE LA MISE EN

ÉTAT CONCERNANT LES MESURES DE PROTECTION

Bureau du Procureur : M. Norman Farrell

Conseils de M. Salim Jamil Ayyash : M. Eugene O’Sullivan M. Emile Aoun

Représentants légal des victimes : M. Peter Haynes Mme Nada Abdelsater-Abusamra M. Mohammad Mattar

Conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: M. Antoine Korkmaz M. John JonesConseils de M. Hussein Hassan Oneissi: M. Vincent Courcelle-Labrousse M. Yasser Hassan

Chef du Bureau de la Défense : M. François Roux

Conseils de M. Assad Hassan Sabra: M. David Young M. Guénaël Mettraux

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Anonymat total des victimes CA

INTRODUCTION

1. Le représentant légal des victimes (le « RLV ») a interjeté appel d’une décision du Juge de la mise en état relative aux mesures de protection concernant les victimes participant à la procédure (les « VPP »)1. Ledit recours vise la conclusion du Juge de la mise en état selon laquelle les VPP ne peuvent pas participer de façon anonyme à la procédure2. Le RLV demande à la Chambre d’appel de renverser ladite décision et de le dispenser de communiquer l’identité des VPP à la Défense et au Procureur.

2. La Chambre d’appel conclut à la majorité, les juges Riachy et Nsereko joignant des opinions dissidentes, que l’Appel est recevable. Toutefois, nous rejetons l’Appel à l’unanimité, et confirmons la décision du Juge de la mise en état selon laquelle les VPP ne peuvent garder l’anonymat total.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

3. Dans sa première décision relative à la participation des victimes à la procédure, le Juge de la mise en état a accordé la qualité de VPP à 58 demandeurs, et a invité les VPP qui souhaitaient conserver l’anonymat ou bénéficier d’autres mesures de protection à faire une demande en ce sens devant le Juge de la mise en état3. Par la suite, 10 victimes supplémentaires se sont vu reconnaître la qualité de VPP4. Le RLV a présenté trois demandes dans lesquelles un certain nombre de VPP

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC/AR126.3, Appeal of the Legal Representative of Victims Against the Decision of the Pre-Trial Judge Refusing Protective Measures, 8 février 2013 (l’Appel), par. 2. Toute reférence ultérieure à des actes déposés ou à des décisions se rapporte à la présente affaire, sauf indications contraires.

2 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative aux première, deuxième et troisième requêtes du Représentant légal des victimes aux fins de mesures de protection pour les victimes participant à la procédure, 19 Décembre 2012 (la « Décision attaquée »), par. 27, Dispositif ; voir Appel, paragraphes 2, 74 et 75.

3 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la participation des victimes à la procédure, 8 mai 2012 (La « Décision sur la participation des victimes »), par. 131.

4 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Seconde décision relative à la participation des victimes à la procédure, 3 septembre 2012 ; Troisième décision relative à la participation des victimes à la

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sollicitent la non-communication de leur identité, et ce, non seulement au regard du public, mais également vis-à-vis des parties pendant toute la durée de la procédure et après le jugement définitif (« anonymat total »)5. Le juge de la mise en état a refusé de reconnaître la validité de l’anonymat total en tant que mesure de protection, et a relevé qu’il ne figurait ni dans le Statut, ni dans le Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »)6. Le RLV a obtenu la certification aux fins d’appel de ce point spécifique de ladite décision7. Il conteste à présent en appel les conclusions du Juge de la mise en état8. L’Accusation9 et les conseils de Sabra10 et Badreddine11 ont répondu, contestant la qualité du RLV pour interjeter appel, et avançant que l’anonymat total devait être refusé ou, autrement, être strictement restreint. Le RLV a déposé une demande d’autorisation aux fins de réplique, y joignant, dans le même temps, sa réplique.12 La Section de participation des victimes (la « SPV ») a

procédure, 28 novembre 2012.

5 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ: First Motion of the Legal Representative of Victims for Protective Measures (Anonymity) of Seventeen Victims Participating in the Proceedings, 29 October 2012; Second Motion of the Legal Representative of Victims for Protective Measures (Anonymity) of Six Victims Participating in the Proceedings, 2 November 2012; Third Motion of the Legal Representative of Victims for Protective Measures (Confidentiality) of Eight Victims Participating in the Proceedings, 2 novembre 2012.

6 Décision attaquée, paragraphes 22 à 27.

7 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la requête du représentant légal des victimes en certification aux fins d’appel de la décision du 19 décembre 2012 relative aux mesures de protection, 30 janvier 2013 (la « Décision relative à la certification »), paragraphes 24 à 26. Avant que la certification ne soit accordée, le Juge de la mise en état a demandé au RLV d’identifier les VPP au nom desquels il a déposé la requête aux fins de certification (TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Ordonnance provisoire relative à la requête du représentant légal des victimes en certification aux fins d’appel de la décision du 19 Décembre 2012 relative aux mesures de protection, 18 janvier 2013). Le RLV a précisé qu’il interjetait appel au nom de toutes les VPP actuelles (STL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Notice of the Legal Representative of Victims Pursuant to the Pre-Trial Judge’s Interim Order of the 18 January 2013, 24 janvier 2013).

8 Appel, par. 2.

9 Prosecution Response to the Legal Representatives of Victims Appeal against the Decision of the Pre-Trial Judge Refusing Protective Measures, 28 février 2013 (la “Réponse du Procureur”).

10 Sabra Response to the Appeal of the Legal Representative of Victims against the Decision of the Pre-Trial Judge Refusing Protective Measures, 26 février 2013 (La “Réponse de Sabra”).

11 Réponse de la Défense de M. Mustafa Badreddine au mémoire du Représentant légal des victimes à l’encontre de la décision du Juge de la mise en état refusant l’octroi de mesures de protection, 28 février 2013 (la « Réponse de Badreddine »).

12 Application for Leave to Reply and Consolidated Reply of the Legal Representative of Victims to the Responses of the Prosecution and Counsel for Sabra and Badreddine to his Appeal against the Decision of the Pre-Trial Judge Refusing Protective Measures, 8 mars 2013 (la « Demande d’autorisation aux fins de réplique »).

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déposé des écritures dans lesquelles elle avance que l’anonymat total est une mesure applicable13.

EXAMEN DES ARGUMENTS

I. La Réplique du RLV

4. Plus de sept jours après le dépôt des réponses à son acte d’appel, le RLV a déposé une demande aux fins d’autorisation de dépôt d’une réplique, accompagnée de la réplique proposée. Nous observons que l’article 8 B) du Règlement a récemment été modifié, et qu’il prévoit désormais que toute demande d’autorisation de dépôt d’une réplique doit être déposée dans les deux jours suivant le dépôt de la réponse. Étant donné que les réponses ont été déposées avant la modification du Règlement, nous estimons que l’ancienne version du Règlement, qui ne prescrit aucun délai pour le dépôt d’une demande, s’applique, et que la demande du RLV n’a pas été présentée hors délai14.

5. Toutefois, le RLV a agi de façon irrégulière en joignant le contenu de sa réplique à la demande d’autorisation de dépôt y afférente. Bien que la pratique adoptée par les autres juridictions à cet égard ne soit pas systématique, nous concluons que le versement de facto de ladite réplique au dossier de l’affaire sans obtention d’une autorisation à cet effet revient à tourner l’article 8 B)15. À l’avenir, sauf décision contraire, les conseils doivent attendre l’autorisation de la Chambre, fondée sur les

13 Submission from the Victims’ Participation Unit on Protective Measures for Victims Participating in the Proceedings, Confidential and Ex Parte, 1er mars 2013 (l’« Avis de la SPV »). Une version publique et expurgée a été déposée le même jour. Le Greffier a, précédemment, sollicité l’autorisation de déposer des observations au nom de la SPV (Registrar’s Request to Permit Submissions from the Victims’ Participation Unit Regarding Victim Anonymity, 1 February 2013), autorisation que nous avons accordée (Ordonnance relative aux arguments de la section de participation des victimes, 12 février 2013).

14 La version modifiée du Règlement est entré en vigueur le 6 mars 2013.

15 Voir TPIY, Le Procureur c. Milutinović et autres, IT-05-87-T, Order Re Exhibit 5D1312, 22 avril 2008, par. 3 (faisant référence à l’ordonnance générale de la Chambre selon laquelle « [TRADUCTION] une demande aux fins de dépôt de réplique, ne doit pas contenir le fond de la réplique, qui doit faire l’objet de la décision de la Chambre quant à l’octroi de l’autorisation dudit dépôt »).

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motifs présentés par les conseils dans la demande d’autorisation, avant de déposer une réplique.

6. Néanmoins, en l’espèce et dans l’intérêt de l’économie judiciaire, la Chambre d’appel accepte, à titre exceptionnel, de statuer sur la demande d’autorisation en examinant les motifs avancés dans la partie de ladite demande consacrée au fond16. Il convient d’abord de se pencher sur la norme applicable en matière d’octroi d’autorisation de dépôt d’une réplique. La Chambre d’appel a conclu qu’une réplique « se justifie lorsque le mémoire de l’intimé soulève de nouveaux points » et « [qu’une réplique] ne constitue pas un moyen pour à l’appelant de simplement répéter ou affiner les arguments développés dans le mémoire d’appel »17. S’agissant de la qualité du RLV pour interjeter appel, ce point n’est pas soulevé dans la réponse en tant que point nouveau. De fait, le RLV consacre environ quatre pages à ce sujet dans son Appel18. L’autorisation de répliquer est rejetée à cet égard19. De même, les garanties avancées par le RLV selon lesquelles il n’entend pas solliciter l’anonymat pour les VPP qui prévoient de témoigner sont redondantes et ne justifient pas le dépôt d’une réplique20. Bien qu’ils ne figurent pas dans l’Appel, les autres arguments avancés par le RLV21 ne portent pas non plus sur des questions nouvelles— le fait que le RLV ait omis de présenter des arguments à cet égard dans l’Appel ne justifie pas le dépôt d’une réplique22. En conclusion, La Chambre d’appel n’accorde pas l’autorisation de déposer la réplique.

16 Voir la Demande d’autorisation aux fins de réplique, premier paragraphe (demandant l’autorisation en s’appuyant sur les motifs énoncés dans la réplique).

17 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC/AR126.1, Ordonnance relative à la requête de la Défense en autorisation de dépôt d’une réplique, 8 octobre 2012 (l’« Ordonnance relative à la réplique »), par. 3 ; voir également, TSL, En l’Affaire El Sayed, CH/AC/2012/01, Order on Request by Mr El Sayed for Leave to File a Reply, 7 novembre 2012 (comportant d’autres références).

18 Appel, paragraphes 13 à 34.

19 Demande d’autorisation aux fins de réplique, paragraphes 13 à 22.

20 Voir l’Appel, par. 60 ; Demande d’autorisation aux fins de réplique, par. 28.

21 Demande d’autorisation aux fins de réplique, paragraphes 23 à 27.

22 Ordonnance relative à la réplique, paragraphe 3.

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II. La recevabilité de l’Appel

7. Le RLV soutient que les VPP ont qualité pour interjeter appel devant la Chambre d’appel23. Il avance que l’article 126 du Règlement doit être interprété comme comprenant la possibilité pour les VPP de solliciter et d’obtenir certification aux fins d’appel d’une décision, si ladite décision est relativonseils de Sabra avancent que les VPP n’ont pas qualité pour interjeter un appel interlocutoire24. Les conseils de Badreddine ne contestent pas la recevabilité de l’Appel au motif que la Décision attaquée affecte directement les intérêts personnels des VPP dans la procédure. Toutefois, ils mettent en garde contre une interprétation trop souple des dispositions de l’article 12625.

8. D’emblée, la Chambre d’appel rejette l’argument du RLV selon lequel l’Appel est recevable en raison de l’absence d’objection des parties et du Juge de la mise en état à l’égard de sa demande de certification de la Décision attaquée26. Il n’appartient ni aux parties ni au Juge de la mise en état de décider si la Chambre d’appel est valablement saisie d’une question. C’est à la Chambre de s’assurer qu’elle a compétence pour connaître de chacun des recours dont elle est saisie. Le fait que le Procureur et les conseils de Sabra — en dépit de leurs arguments selon lesquels le RLV n’a pas qualité pour interjeter appel — ne s’opposent pas à ce que la Chambre d’appel rende une décision sur le fond est également hors de propos27.

9. La Chambre d’appel rappelle qu’aux termes de notre Règlement, les décisions interlocutoires ne font pas automatiquement l’objet d’un droit d’appel. En effet, les appels contre des décisions de ce type ne peuvent être déposés que si ce droit est explicitement prévu par le Règlement, ou si la certification aux fins d’appel est accordée par un juge ou une chambre en première instance. En l’espèce, le Règlement ne prévoit pas pour les VPP un droit de recours automatique contre des décisions relatives aux mesures de protection dont ils sont l’objet. Bien que le Juge de la mise

23 Appel, paragraphes 13 à 22.

24 Réponse de Sabra, paragraphe 6 ; Réponse du Procureur, paragraphe 4.

25 Réponse de Badreddine, paragraphes 3 et 4.

26 Appel, paragraphes 23 à 26.

27 Réponse du Procureur, paragraphe 8 ; Réponse de Sabra, paragraphe 8.

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en état ait accordé la certification aux VPP, sur demande du RLV, en application de l’article 126 C), l’article 126 E) énonce clairement que seule une partie peut former un recours devant la Chambre, une fois la certification accordée. L’article 2, définit le terme « partie » comme suit : le Procureur ou la Défense. Le libellé explicite de l’article 126 E) ne prévoit donc aucunement que le RLV puisse former un recours.

10. Toutefois, nous concluons, à la majorité, qu’à titre exceptionnel, l’article 126 E) s’applique par analogie afin de conférer aux VPP le droit restreint de former un appel interlocutoire, dans des circonstances strictement limitées, et uniquement après obtention d’une certification. Les juges Riachy and Nsereko émettent une opinion dissidente à l’égard de cette conclusion, ainsi que de la suite de la présente décision concernant la recevabilité.

11. Nous sommes conscients que la compétence de la Chambre d’appel est limitée par le Statut et le Règlement. En particulier, le droit d’appel ne peut exister si l’intention explicite des rédacteurs était de l’exclure28. La Chambre d’appel considère cependant que le libellé de l’article 126 est ambigu, créant une lacune dans le Règlement qui doit être comblée afin de rendre justice.

12. Comme l’a souligné le RLV29, d’une part, l’article 126 A) mentionne toutes « les requêtes »30, ce qui vraisemblablement comprend les requêtes déposées, non seulement par les parties, mais également par le RLV, sous réserve d’obtention d’une autorisation. L’article 126 B) évoque ensuite le droit des parties de « […] déposer une requête en vue d’obtenir une décision ou une réparation appropriées ». Cette limitation ne figure pas dans l’article 126 C), mais il y est précisé que « [les] décisions relatives à toutes les requêtes relevant du présent article ne peuvent faire l’objet d’un appel interlocutoire, à l’exclusion des cas où la certification est accordée […] ». L’article 126 E) mentionne alors à nouveau « [qu’] une partie » peut former

28 Voir TSL, Le procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC/AR90.1, Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense contre la décision relative aux contestations par la Défense de la compétence et de la légalité du Tribunal, 24 octobre 2012 (la « Décision relative à la compétence »), par. 17.

29 Appel, par. 18.

30 « Le présent article s’applique à toutes les requêtes, à l’exclusion des exceptions préjudicielles, des requêtes relatives à la mise en liberté, et de toutes autres requêtes pour lesquelles le Règlement prévoit un appel de plein droit des décisions y afférentes ».

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un recours. Cette apparente incohérence peut s’expliquer par le fait que l’article 126 est essentiellement inspiré de l’article 73 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie (le « TPIY »), qui est pratiquement identique. Toutefois, contrairement au TSL, le TPIY n’accorde pas aux victimes le droit de participer à la procédure. Tandis que l’article 73 est, par conséquent, clair dans le cadre du TPIY, l’article 126 l’est moins dans celui de la procédure devant le TSL.

13. Afin de lever cette ambiguïté, il convient d’abord de nous tourner vers le Règlement pour vérifier si les appels interjetés par les VPP y sont explicitement autorisés ou interdits. Nous observons que le Règlement ne contient aucune disposition visant à exclure le droit des VPP d’interjeter des appels interlocutoires. Au contraire, l’article 86 C) permet à tout requérant dont la demande d’obtention de qualité de VPP est rejetée, d’interjeter appel de la décision du Juge de la mise en état lui refusant l’octroi de ladite qualité. En outre, l’article 86 D) interdit de façon spécifique la possibilité d’appel des décisions relatives à la répartition des victimes participant à la procédure. L’argumentation a contrario veut que si les rédacteurs du Règlement étaient partis du princidroit général de déposer des appels interlocutoires, l’interdiction expresse prescrite par l’article 86 D) en lien à un point spécifique aurait été inutile. En conclusion, le Règlement n’énonce pas d’interdiction générale d’appel d’une décision interlocutoire par les VPP, mais permet expressément aux personnes cherchant à participer à la procédure en qualité de VPP de formuler des recours.

14. La Chambre d’appel s’appuie également sur les dispositions du Statut, en particulier l’article 17, qui prévoit que :

[l’]orsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, le Tribunal permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, aux stades de la procédure que le juge de la mise en état ou la Chambre estiment appropriés et d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial.

Conformément à ce mandat, the Juge de la mise en état a accordé au RLV l’autorisation de « déposer […] des requêtes ou des mémoires sur tout point touchant aux intérêts

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personnels des victimes »31. Si le dépôt de tels actes de procédure est autorisé, alors le RLV devrait également bénéficier du droit d’interjeter appel d’une décision y afférente, à condition que les critères de certification prescrits par l’article 126 soient satisfaits. C’est indubitablement vrai dans les cas où le Statut ou le Règlement prévoient expressément que le RLV peut porter la question devant un juge ou une Chambre en première instance32. En particulier, il serait injuste de refuser aux VPP à la possibilité de saisir la Chambre d’appel si, par exemple, leurs droits en vertu de l’article 17 du Statut n’étaient pas pleinement mis en œuvre ou se trouvaient indument limités par le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance. En outre, la clarification du droit par la Chambre d’appel garantit l’interprétation et l’application cohérentes des dispositions de l’article 17 à tous les stades de la procédure.

15. Ni le Statut ni le Règlement ne définissent les « intérêts personnels » des VPP. En effet, la question de la pertinence d’un point précis au regard des intérêts personnels des VPP relève nécessairement d’un examen propre à chaque cas d’espèce33. Toutefois, lorsqu’il s’agit de déterminer si les VPP ont qualité pour solliciter l’examen en appel d’une décision interlocutoire rendue en première instance, la Chambre d’appel conclut que lesdits intérêts personnels doivent nécessairement se limiter aux situations dans lesquelles les intérêts propres des VPP

31 TSL, Le procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à l’accès de la section de participation des victimes aux pièces du dossier et aux modalités de participation des victimes à la procédure devant le Juge de la mise en état, 18 mai 2012 (la « Décision relative aux modalités »), par. 31.

32 Voir par exemple, les articles 133 A), et 87 A).

33 Voir CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-925, Décision de la Chambre d’appel sur la demande conjointe des victimes a/0001/06 à a/0003/06 et a/0105/06 du 2 février 2007, relative aux Prescriptions et décision de la Chambre d’appel, 13 juin 2007, par. 28 (« De manière plus générale, toute décision par laquelle la Chambre d’appel devrait déterminer si les intérêts personnels des victimes sont concernés dans le cadre de l’examen d’un appel particulier devra être soigneusement prise au cas par cas. Ces intérêts sont par exemple clairement concernés lorsque la protection est en cause ou dans le contexte d’une procédure en réparation. Plus largement, il faudra chaque fois déterminer si les intérêts que font valoir les victimes ne dépassent pas leurs intérêts personnels et ne relèvent pas plutôt du rôle assigné au Procureur. Même lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés au sens de l’article 68-3 du Statut, cet article exige encore expressément de la Cour qu’elle détermine s’il est approprié que leurs vues et préoccupations soient exposées à ce stade de la procédure et qu’elle s’assure que cette participation ne soit ni préjudiciable ni contraire aux droits de la Défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial. »).

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en tant que participants à la procédure sont fondamentalement concernés. Nous pouvons discerner trois situations spécifiques de ce type :

• Les décisions relatives aux demandes d’obtention de la qualité de VPP (l’article 86 C prévoit déjà un droit d’appel).

• Les décisions relatives au mode de participation des victimes à la procédure (à savoir, les décisions relatives à la communication de documents au RLV, et celles relatives au droit éventuel des victimes de demander la citation de témoins ou la production d’éléments de preuve et de présenter des écritures).

• Les décisions relatives aux mesures de protection destinées aux VPP, et à leur modification.

16. La Chambre d’appel conclut également que le droit de solliciter un examen en appel dans ces circonstances limitées, ne porte pas préjudice aux accusés. En l’absence de préjudice, nous devons veiller à l’application pleine et entière des droits des victimes, en application de l’article 17 du Statut. En tout état de cause, si un quelconque préjudice est démontré, la Chambre d’appel conserve le pouvoir discrétionnaire de rejeter un appel pour cette raison.

17. Le Procureur et les conseils de Sabra renvoient à la jurisprudence de la Cour pénale internationale (la « CPI »), qui n’a pas autorisé les victimes à former des appels interlocutoires. Toutefois, nous ne sommes pas tenus par cette jurisprudence. En outre, il existe un certain nombre de différences entre le cadre juridique de la CPI et celui de notre Tribunal. Par exemple, tandis que la CPI n’autorise pas les victimes à faire appel d’une décision d’une chambre leur refusant la qualité de victime, le Règlement du Tribunal les y autorise expressément. De surcroît, s’agissant de la CPI, nous observons que, les victimes participantes n’ayant jusqu’à présent pas été autorisées à interjeter appel d’une décision interlocutoire, cette question spécifique n’a jamais fait l’objet d’une décision définitive de la Chambre d’appel de la CPI.

18. Ainsi, la Chambre d’appel conclut à la majorité de ses membres, les juges Riachy et Nsereko joignant une opinion dissidente, que l’Appel est recevable par analogie avec l’article 126 E).

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III. Le fond de l’Appel

A. Critères applicables à l’examen en appel

19. Dans la Décision attaquée, le Juge de la mise en état conclut que « devant ce Tribunal, l’anonymat total des VPP vis-à-vis des parties pendant la durée de la procédure ne peut pas être juridiquement reconnu »34. Le RLV fait valoir que cette conclusion constitue une erreur de droit. La Chambre d’appel a précédemment appliqué les principes dégagés par d’autres juridictions internationales pour l’examen en appel d’erreurs de droit alléguées :

Une partie qui allègue une erreur de droit doit identifier l’erreur alléguée, présenter des arguments étayant sa prétention et expliquer en quoi l’erreur invalide la décision. Une allégation d’erreur de droit qui n’a aucune chance de modifier une décision contestée peut être rejetée pour ce motif. Toutefois, même si les arguments de la partie sont insuffisants pour étayer ses prétentions, la Chambre d’appel peut conclure, pour d’autres motifs, qu’une erreur de droit a été commise. [...]La Chambre d’appel examine les conclusions de droit de la Chambre de première instance afin d’établir si elles contiennent ou non des erreurs35.

20. La Chambre d’appel relève que toutes les erreurs ne conduisent pas nécessairement à invalider ou à renverser une décision de la Chambre de première instance, et qu’elle n’examinera donc que les erreurs de droit susceptibles d’invalider ladite décision36.

B. Champ de l’Appel

21. Le point que le Juge de la mise en état a certifié aux fins d’appel concerne la validité de « l’anonymat total » des VPP en tant que mesure de protection37 lors de

34 Décision attaquée, par. 22.

35 Décision relative à la compétence, par. 10, comportant des références à la jurisprudence du TPIY, du Tribunal pénal international pour le Rwanda (le « TPIR »), du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (le « TSSL ») et de la CPI.

36 Décision relative à la compétence, par. 10 (comportant d’autres références).

37 Décision relative à la certification, paragraphes 24 à 26.

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la procédure devant lui. Dans la Décision attaquée, le Juge de la mise en état conclut que l’anonymat total des VPP est « par principe, contraire aux droits de l’accusé »38, contraire aux dispositions de l’article 25 du Statut39, et n’est couvert par aucune autre exception dans le Règlement40. En conséquence, il ne fait pas droit à la demande du RLV aux fins d’examen du bien-fondé de ladite mesure de protection pour ce qui concerne certaines VPP41.

22. Le Juge de la mise en état définit l’anonymat total comme la non-communication de l’identité des VPP vis-à-vis des parties pendant la durée de la procédure42. L’Appel ne s’intéresse donc pas à d’autres mesures de protection des VPP, telles que l’anonymat vis-à-vis du public, ou la non-communication des identités aux parties à titre provisoire, ni aux questions liées à la communication en générale des informations que détiennent les VPP. En outre, l’unique point certifié aux fins d’appel est celui de savoir s’il est possible, à titre de mesure de protection, de ne pas communiquer aux parties l’identité des VPP pendant toute la durée de la procédure43. Ainsi que le Procureur et les conseils de la Défense de Sabra l’ont souligné44, le RLV tente de tourner cette limitation en formulant la question de l’anonymat, non pas comme une question relative aux mesures de protection des VPP, mais plutôt aux obligations de communication que leur impose l’article 112 bis du Règlement45. La Chambre conclut que cela sort du cadre de la certification accordée, et rejette les arguments à cet égard.

38 Décision attaquée, par. 23.

39 Décision attaquée, par. 24.

40 Décision attaquée, par. 26.

41 Décision attaquée, paragraphes 22, 27, 37.

42 Décision relative à la certification, paragraphes 25 à 26 ; voir également Décision attaquée, par. 22.

43 Décision relative à la certification, para. 24.

44 Réponse du Procureur, paragraphes 13 à 16 ; Réponse de Sabra, par. 11.

45 Appel, paragraphes 35 à 41; voir également Observations de la SPV, paragraphes 10 et 11.

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C. Le droit applicable

23. L’article 17 du Statut et les articles 86 et 87 du Règlement posent les principes de base de la participation des victimes à la procédure devant le Tribunal. En substance, les victimes sont autorisées à faire connaître leurs « vues et préoccupations » à toutes les phases de la procédure, s’il est porté atteinte à leurs intérêts personnels, sous réserve qu’il ne soit pas porté préjudice aux droits des accusés.

24. Le Statut et le Règlement disposent également que les procédures devant le Tribunal sont publiques, à moins que des raisons exceptionnelles ne justifient une dérogation à ce principe46. L’article 16 2) du Statut prévoit que l’accusé a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des mesures ordonnées par le Tribunal pour veiller au respect de la vie privée et à la protection des victimes et des témoins. L’article 12 4) prévoit la création au sein du Greffe d’une section d’aide aux victimes et aux témoins en vue de « garantir la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes et des témoins ». Les articles 115 et 133 énoncent précisément certaines mesures de protection destinées à la protection des victimes et des témoins, y compris la non-communication provisoire de l’identité des victimes, et la confidentialité de l’identité des victimes vis-à-vis du public et des médias. Ni le Statut, ni le Règlement ne prévoient explicitement l’anonymat total vis-à-vis des parties pour les victimes exerçant leur droit de participer à la procédure en cette qualité.

D. Le Juge de la mise en état a-t-il commis une erreur en concluant que l’anonymat total des VPP est préjudiciable dans la procédure devant le Tribunal

25. Le Juge de la mise en état a conclu qu’ « il n’est pas concevable de condamner une personne pour un crime commis à l’encontre d’une VPP qui participe à la

46 Voir par exemple, les articles 16, 20, et 23 du Statut du TSL ; les articles 73, 96, et 136 du RPP du TSL ; voir TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2012/02, Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed de la décision du Juge de la mise en état du 8 octobre 2012, 23 novembre 2012, par. 12 ; TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC, Version corrigée de la décision relative à la requête du Juge de la mise en état en application de l’article 68 G), 29 mars 2012, par. 12 ; TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la participation des victimes à la procédure, 8 mai 2012, par. 129 ; voir aussi la Réponse du Procureur, par. 9.

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procédure judiciaire, mais qui en conservant l’anonymat, ne donne pas à l’accusé les moyens d’assurer pleinement sa défense »47. Le RLV soutient que cela constitue une erreur48. Il avance que les VPP peuvent opter pour différents degrés de participation à la procédure, en choisissant, par exemple d’être un participant « entièrement passif » ou un « observateur silencieux », et soutient que certaines de ces méthodes de participations ouhaitées ne causent pas de préjudice aux accusés si l’identité des victimes ne leur a pas été communiquée49. Les conseils de Badreddine et de Sabra avancent que le Juge de la mise en état n’a pas commis d’erreur50.

26. La Chambre d’appel a pris note des références faites par le RLV et par les parties aux pratiques pertinentes de la CPI. En effet, les dispositions des instruments de la CPI relatives à la participation des victimes sont les plus proches de celles du Tribunal51. La Chambre préliminaire et la Chambre de première instance de la CPI n’ont pas explicitement interdit l’anonymat total des victimes participant au procès, et ont rejeté la notion selon laquelle les victimes anonymes ne doivent jamais être autorisées à participer à la procédure au motif d’iniquité envers l’accusé52. Au contraire, les victimes sont autorisées à garder l’anonymat, sauf si elles sollicitent un degré de participation qui rendrait l’anonymat incompatible avec les droits de l’accusé53. Les chambres préliminaires de la CPI ont appliqué ces principes et ont

47 Décision attaquée, par. 23.

48 Appel, paragraphes 42 à 63 ; voir Observations de la SPV, paragraphes 20 à 31.

49 Appel, paragraphes 53 à 58.

50 Réponse de Badreddine, par. 5 ; Réponse de Sabra, par. 19.

51 Article 68 3) du Statut de la CPI. Les dispositions ce cet article reflètent celles de l’article 17 du Statut du TSL. Le TPIY, le TPIR et TSSL n’accordent pas de droits de participation aux victimes. Les Chambres extraordinaires au sein des Tribunaux cambodgiens autorisent la participation sur un mode plus proche de celui des parties civiles dans les systèmes de droit romano-germanique.

52 CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-1119, Décision relative à la participation des victimes, 18 janvier 2008, par. 130 ; CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-1191, Décision relative aux requêtes, introduites parla Défense et l’Accusation, aux fins d’autorisation d’interjeter appel de la Décision relative à la participation des victimes rendue le 18 janvier 2008, par. 27 ; voir aussi CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-1556, Decision on the applications by victims to participate in the proceedings, 15 décembre 2008 ; CPI, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07-1788-tFR, Décision relative aux modalités de participation des victimes au stade des débats sur le fond, 22 janvier 2010, par. 92 et 93.

53 Voir CPI, Prosecutor v. Bemba, ICC-01/05-01/08-2027, Second order regarding the applications of the legal representatives of victims to present evidence and the views and concerns of victims, 21 décembre 2011, par. 19;

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rejeté l’anonymat total dans les cas où leur mode de participation à la procédure inclut la production d’éléments de preuve à charge (au motif que cela constituerait une violation du principe de prohibition des accusations anonymes), et l’interrogatoire de témoins54. Les chambres de première instance de la CPI n’autorisent pas les victimes à témoigner en qualité de témoin ou à exposer leurs « vues et préoccupations » à moins qu’elles ne renoncent à leur anonymat vis-à-vis des parties55. Une chambre de première instance a observé que, compte tenu de la nécessité de garantir l’équité de la procédure, le degré de participation d’une victime doit être considérablement limité si celle-ci garde l’anonymat56. Nous avons examiné cette jurisprudence qui, malgré certaines limites, n’interdit pas explicitement l’anonymat total des victimes participantes, et ne l’estimons pas convaincante car, selon nous, elle ne prend pas pleinement en considération préjudice potentiel que peut subir l’accusé si l’identité des victimes participantes lui est dissimulée, comme indiqué ci-après. Nous relevons également que, jusqu’à présent, aucune décision définitive n’a été rendue par la Chambre d’appel de la CPI sur ce point57.

CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-1119, Décision relative à la participation des victimes, 18 janvier 2008, par. 131 ; voir aussi CPI, Prosecutor v. Bemba, ICC-01/05-01/08-699, Decision defining the status of 54 victims who participated at the pre-trial stage, and inviting the parties’ observations on applications for participation by 86 applicants, 22 février 2010, paragraphes 27, 31.

54 Voir CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-462-tFR, Décision sur les modalités de participation des victimes a/0001/06, a/0002/06 et a/0003/06 à l’audience de confirmation des charges, 22 septembre 2006 pages 7 et 8. Cette liste a été citée dans plusieurs décisions ultérieures ; voir, par exemple, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07-474, Décision relative à l’ensemble des droits procéduraux associés à la qualité de victime dans le cadre de la procédure préliminaire en l’espèce, 13 mai 2008, par. 180 à 183 ; voir aussi CPI, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07-1788-tFR, Décision relative aux modalités de participation des victimes au stade des débats sur le fond, 22 janvier 2010, par. 92 et 93.

55 CPI, Prosecutor v. Bemba, ICC-01/05-01/08-2027, Second order regarding the applications of the legal representatives of victims to present evidence and the views and concerns of victims, 21 décembre 2011, par. 19 ; voir aussi, par exemple, CPI, Prosecutor v. Bemba, ICC-01/05-01/08-2220, Decision on the presentation of views and concerns by victims a/0542/08, a/0394/08 and a/0511/08, 24 mai 2012, par. 12 ; Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07-1788-tFR, Décision relative aux modalités de participation des victimes au stade des débats sur le fond, 22 janvier 2010, par. 92 et 93 ; CPI, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, ICC-01/04-01/07-1665-Corr, Instructions pour la conduite des débats et les dépositions conformément à la règle 140, 1er décembre 2009, par. 22 c).

56 CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-1191, Décision relative aux requêtes, introduites parla Défense et l’Accusation, aux fins d’autorisation d’interjeter appel de la Décision relative à la participation des victimes rendue le 18 janvier 2008, 26 février 2008, par. 37.

57 Lors de la procédure en appel dans l’affaire Lubanga, la question de l’anonymat des victimes participantes a été soulevée par la Défense, du moins en relation avec la question des réparations. CPI, Le Procureur c. Thomas

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27. Le RLV soutient que le Juge de la mise en état amalgame erronément le rôle des VPP et celui des témoins, en supposant, à tort, que le droit général d’un accusé de connaître l’identité d’un témoin déposant à son encontre, s’applique également aux VPP58. Il attire aussi particulièrement l’attention sur le fait qu’une victime souhaitant garder l’anonymat ne sera pas citée comme témoin par le RLV59. Nous observons d’abord que le Règlement prévoit de nombreux autres modes de participation des VPP, dont la production d’éléments de preuve et l’interrogatoire de témoins cités par les parties60. En tout état de cause, la Chambre d’appel dit qu’il est inutile d’aborder la question du préjudice découlant de formes de participation spécifiques, car la participation sou anonymat total, porte intrinsèquement préjudice à l’accusé, indépendamment du degré d’activité ou de passivité associé au mode de participation souhaité, y compris lorsque les victimes ne souhaitent pas témoigner ou produire des éléments de preuve.

28. Afin d’obtenir la qualité de VPP, une personne doit avoir subi un préjudice physique, matériel ou moral résultant directement d’un attentat relevant de la compétence du Tribunal61. En acceptant la demande d’une victime et en accordant la qualité de VPP, le Juge de la mise en état décide qu’il existe, de prime abord, des éléments attestant que ladite victime a subi un préjudice résultant des faits dont les accusés sont tenus pour responsables dans l’acte d’accusation ; cette décision est alors confirmée ou infirmée par le jugement définitif62. Par conséquent, nous estimons que lors du procès, l’existence même de VPP peut être considérée comme constituant une accusation spécifique, distincte, qui vient s’ajouter à celles formulées par le Procureur. L’accusé est généralement en droit de préparer une défense contre

Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2972, Mémoire de la Défense de M. Thomas Lubanga relatif à l’appel à l’encontre de la Décision fixant les principes et procédures applicables en matière de réparations, rendue par la Chambre de première instance le 7 août 2012, 5 février 2013, par. 48 à 60 (en particulier).

58 Appel, paragraphes 42 à 52 ; voir aussi Observations de la SPV, paragraphes 4 à 7.

59 Appel, par. 60.

60 Voir articles 87 B) et D), 171 B) du RPP du TSL ; Décision attaquée, par. 25.

61 Articles 25 du Statut du TSL ; articles 2 et 86 du RPP du TSL ; voir aussi Décision relative à la participation des victimes.

62 Décision relative à la participation des victimes, par. 3.

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de telles accusations63. Si les VPP ne sont aucunement tenues de communiquer leur identité, cela équivaut à une accusation anonyme à l’encontre de l’accusé, en violation du principe de l’équité du procès visé à l’article 16 du Statut64.

29. S’ils ignoraient l’identité des VPP, les conseils de la Défense ne seraient vraisemblablement pas en mesure de contester effectivement la qualité de chaque victime avant le jugement définitif de la Chambre de première instance les identifiant en tant que telles65. Par exemple, la Défense serait dans l’impossibilité de contester la véracité des déclarations faites par les victimes dans leur demande de participation. Elle ne disposerait pas non plus des informations nécessaires pour révéler d’éventuelles fausses déclarations ou fausse identités avant la décision définitive66. Il est concevable qu’une telle situation puisse entraîner un préjudice pour l’accusé. En outre, les conseils de la défense seraient limités dans leur capacité à contester le

63 Conformément au principe du contradictoire (audi alteram partem), une décision qui n’est pas pleinement et inconditionnellement en faveur d’une personne, ne doit pas être rendue sans que ladite personne ait eu la possibilité de faire entendre sa position sur la question. Lors d’une procédure pénale, le droit à un procès contradictoire signifie que « [TRADUCTION] l’Accusation comme la Défense doivent être en mesure de prendre connaissance et de faire des commentaires quant aux observations déposées et aux éléments de preuve invoqués par la partie adverse » (CEDH, Laukkanen et Manninen c. Finlande, 50230/99, Judgment, 3février 2004, par. 34). Cela va au-delà des éléments de preuve relatifs à l’infraction alléguée (CEDH, Affaire Kaminski c. Autriche, 9783/82, Arrêt, 19 décembre 1989, par. 102). En outre, une personne accusée a le droit de [TRADUCTION] “prendre connaissance, afin de préparer sa défense, des résultats des enquêtes menées au cours de la procédure” dans le cadre du droit dont bénéficie toute personne accusée d’une infraction pénale de disposer des moyens suffisants pour sa défense (CEDH, Jespers v. Belgium, App. No. 8403/78, 29 septembre 1982, par. 56). Ce principe est un corollaire de plusieurs droits en matière de procès équitable, voir Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, vol. 999, p. 171 (« PIRDCP »); Art. 14 1) ([toute personne a] droit à ce que sa cause soit entendue [publiquement]); Art. 14 3) a) ([droit] à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle) ; Art. 14 3) b) ([droit] à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense).

64 L’accusé a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, conformément à l’article 16 2) du Statut du TSL. Lors d’une procédure pénale, toute personne accusée a également droit à être informée, dans le plus court délai, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui et à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense : article 16 4) a) et b) du Statut du TSL.

65 Voir l’article 86 G) du Règlement de procédure et de preuve du TSL.

66 Dans le jugement Lubanga, la Chambre de première instance a réfuté les droits de neufs personnes en matière de participation en qualité de victimes, concluant qu’il existait de réelles possibilités que certaines d’entre elles avaient fait de fausses déclarations dans leur demande d’obtention de qualité de victime, ou avaient, à l’instigation et encouragées par d’autres personnes, dérobé l’identité d’autrui afin de recevoir les bénéfices de la participation en qualité de victime. Cette situation a été découverte lorsque les victimes ont comparu devant la Chambre de première instance en qualité de témoins, voir CPI, Prosecutor v. Lubanga, ICC-01/04-01/06-2842, Judgment pursuant to Article 74 of the Statute, 14 mars 2012, paragraphes 484 et 502.

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degré de participation de la victime, n’étant pas en mesure d’évaluer comme il se doit si la participation proposée est, ou non, en rapport avec les intérêts personnels de la victime.

30. Nous convenons également, comme l’ont soutenu les conseils de Sabra devant le Juge de la mise en état, que l’anonymat total pourrait sérieusement limiter la capacité de la Défense de solliciter du RLV la communication d’informations à décharge, car elle serait incapable d’identifier des pièces pertinentes susceptibles d’être en la possession des VPP, et de formuler leurs demandes en conséquence67. De même, l’anonymat des VPP pourrait empêcher la Défense d’identifier et de présenter devant la cour d’autres contestations, relatives par exemple aux témoins qui sont, d’une façon ou d’une autre, liés aux VPP. À ce stade, il n’est pas possible de prévoir toutes les questions relatives à l’équité pouvant potentiellement découler de l’octroi de l’anonymat aux victimes participant à la procédure. Nous dirons simplement que celles que nous avons évoquées sont fortement susceptibles de porter préjudice aux accusés. La Chambre d’appel considère ainsi que le Juge de la mise en état n’a commis aucune erreur en concluant que l’anonymat des VPP vis-à-vis des accusés ne permettrait pas à ces derniers de se défendre pleinement.

31. Ainsi, bien que nous reconnaissions les droits des victimes et l’importance de leur participation à la présente procédure, nous concluons que l’anonymat total est à ce point préjudiciable aux droits des accusés et à la tenue d’un procès équitable, que cette mesure exceptionnelle ne doit pas être autorisée dans la présente procédure, compte tenu, en particulier, de l’existence de mesures de protection importantes par ailleurs (expurgation d’informations confidentielles, communication différée, confidentialité vis-à-vis du public, etc.).

67 Voir TSL, Le procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Sabra’s Consolidated Response to the Motions of the Legal Representative of Victims for Protective Measures (Anonymity) of Twenty-Three Victims Participating in the Proceedings, 16 novembre 2012, par. 34.

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Anonymat total des victimes CA

E. Le Juge de la mise en état a-t-il eu tort de conclure que l’anonymat total de VPP est préjudiciable à la procédure devant les juridictions nationales ?

32. Dans sa décision rejetant l’anonymat total des VPP, le Juge de la mise en état dit également que, en application de l’article 25 qui régit l’indemnisation des victimes, « [l’accusé] est en droit de connaître l’identité de la VPP requérante afin de pouvoir contester que la victime requérante a effectivement subi un préjudice en raison du crime allégué de l’accusé, et est ainsi en droit de demander réparation68 ». Le RLV affirme que le Juge de la mise en état a commis une erreur en rendant cette conclusion69. Il soutient que le Juge de la mise en état fait fi des dispositions de l’article 86 G), qui autorise également toute personne autre que les VPP à demander une copie certifiée conforme du jugement aux fins d’obtenir réparation devant les tribunaux nationaux. Il ajoute qu’aucun préjudice ne serait par ailleurs causé dans la présente procédure pénale, distincte d’une procédure civile tenue devant une autre juridiction. Le droit d’une victime de demander ou non réparation en conservant l’anonymat doit donc être laissé à l’appréciation des tribunaux nationaux compétents70.

33. En application de l’article 25 du Statut et de l’article 86 G) du Règlement, les personnes ayant subi des préjudices à la suite de la perpétration de crimes par un accusé déclaré coupable par le Tribunal peuvent intenter une action devant une juridiction nationale afin d’obtenir réparation, dès lors qu’elles sont identifiées comme des victimes dans le jugement définitif ou qu’elles se considèrent autrement comme telles. L’article 25 1) confère au Tribunal le pouvoir spécifique d’identifier les victimes ayant subi des préjudices à la suite de la perpétration de crimes par un accusé déclaré coupable par le Tribunal.

34. Il appartient aux tribunaux nationaux de décider dans quelle mesure ils peuvent s’appuyer sur la détermination de la qualité de victimes dans un jugement définitif du Tribunal. Ils sont notamment appelés à établir tout préjudice causé à l’accusé du fait

68 Décision attaquée, par. 24.

69 Appel, par. 62-63 ; voir aussi Conclusions de la SPV, par. 8.

70 Appel, par. 63.

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de l’anonymat des requérants dans les actions civiles en réparation. Nous concluons dès lors que le Juge de la mise en état a commis une erreur, dans la mesure où il fonde sa décision sur les préjudices pouvant découler d’une procédure engagée devant un tribunal national. Nous relevons par ailleurs que la qualité de VPP n’est pas une condition qui doit nécessairement être remplie pour qu’une victime puisse demander réparation devant un tribunal national en application de l’article 25 du Statut et de l’article 86 G) du Règlement. Cependant, nous faisons observer que le refus du Juge de la mise en état de reconnaître la validité de l’anonymat total comme mesure de protection pour les VPP devant le Tribunal n’est pas exclusivement fondé sur cette conclusion spécifique. Son erreur ne saurait par conséquent invalider la Décision attaquée.

F. Le Juge de la mise en état a-t-il commis une erreur en concluant que l’article 93 du Règlement ne s’applique pas aux VPP

35. Le Juge de la mise en état reconnaît que le Règlement prévoit l’anonymat total des témoins dans des circonstances spécifiques. Se référant à l’article 93 pertinent, il relève qu’« une procédure spéciale limite le recours à ces dispositions, lesquelles ne s’appliquent pas aux VPP71 ». Le RLV affirme que cette conclusion est erronée. Il soutient que l’anonymat de VPP ne peut pas être considéré comme un préjudice inadmissible causé à la Défense puisque les témoins sont autorisés à témoigner sous couvert d’anonymat en vertu de l’article 9372.

36. Nous ne sommes pas convaincus par l’argument du RLV. La question de l’anonymat des témoins n’a aucun rapport avec le point qui nous occupe. En ce qui concerne les témoins, l’anonymat total peut être justifié exceptionnellement lorsque c’est la seule manière pour un témoin de déposer sans courir de risque. Or, contrairement aux témoins, qui peuvent être contraints de témoigner73, les victimes choisissent librement de participer à la procédure afin d’obtenir un droit de participation et d’autres droits attachés à la qualité de VPP. L’exercice de ces droits

71 Décision attaquée, par. 26.

72 Appel, par. 68-70 ; voir aussi Conclusions de la SPV, par. 24.

73 Voir articles 78, 130, 150, 151, 165 du RPP du TSL.

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est expressément subordonné à la condition que la participation des victimes soit compatible avec les droits des accusés et l’équité de la procédure conformément à l’article 17 du Statut. Pour cette raison, l’anonymat des victimes et l’anonymat des témoins doivent être envisagés comme des questions séparées et distinctes. Il n’est pas non plus « absurde » qu’une VPP qui témoigne aussi en qualité de témoin puisse obtenir l’anonymat s’il est satisfait aux conditions exceptionnelles et impérieuses de l’article 9374. En effet, la protection offerte à cette personne serait liée aux risques encourus du fait de sa déposition, qu’elle n’aura pas nécessairement souhaitée. En revanche, les VPP qui ne témoignent pas en qualité de témoins ne peuvent se prévaloir de la même exception.

G. Le Juge de la mise en état a-t-il procédé de façon équilibrée ?

37. Dans la Décision attaquée, le Juge de la mise en état conclut, s’agissant de la mise en place de mesures de protection pour les VPP, qu’« il ne s’agit pas de déterminer s’il est porté préjudice aux droits des accusés en raison de la mesure, mais plutôt si l’intérêt de la justice commande que les accusés soient privés de leurs droits, ou d’une partie de leurs droits, à cet égard, et, dans l’affirmative, si un équilibre entre les intérêts en présence peut être établi75 ». Le RLV affirme que si les critères retenus par le Juge de la mise en état sont correctement exposés, ils ne sont pas appliqués car il n’a pas mis en balance les divers intérêts en présence76.

38. Nous remarquons premièrement que, contrairement à ce qu’affirme le RLV, la Décision attaquée dans son ensemble montre clairement que le Juge de la mise en état ne s’est pas contenté d’examiner les intérêts des accusés isolément. De fait, s’agissant des mesures de protection spécifiquement exposées dans le Règlement, il se réfère expressément aux principes de proportionnalité77. Toutefois, s’agissant de la question de l’anonymat vis-à-vis des parties, le Juge de la mise en état met en garde contre le fait qu’une telle mesure « risque fondamentalement d’aller à l’encontre des

74 Contra Appel, par. 70.

75 Décision attaquée, par. 18.

76 Appel, par. 64-72.

77 Décision attaquée, par. 19, 28-31.

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droits des accusés78 ». Quant à l’anonymat total, il déclare avec force qu’il ne serait « pas concevable de condamner une personne pour un crime commis à l’encontre d’une VPP qui participe à la procédure judiciaire mais qui, en conservant l’anonymat, ne donne pas à l’accusé les moyens d’assurer pleinement sa défense79 ». En d’autres termes, aucune mesure compensatoire ne permettrait de remédier au préjudice causé aux accusés. En particulier, comme indiqué ci-dessus, la simple participation de VPP « passives » ou « silencieuses » serait intrinsèquement préjudiciable. Dans ces conditions, le Juge de la mise en état aurait examiné en vain les intérêts des VPP, si l’on considère notamment que, selon les dispositions de l’article 17 du Statut, la participation des VPP n’est autorisée que dans la mesure où elle ne porte pas préjudice aux droits des accusés. Nous avons pris acte des vives préoccupations exprimées par le RLV selon lesquelles certaines VPP pourraient décider de ne plus participer si leur identité était divulguée à la Défense et au Procureur80. Cependant, si le Statut nous impose de protéger les droits des victimes et, en particulier, leur droit de participer à la procédure, il attache une importance capitale au droit de l’accusé à un procès équitable81. Les droits de l’accusé doivent donc l’emporter.

H. Conclusion

39. En résumé, nous affirmons que la participation totalement anonyme de VPP dans la procédure est généralement préjudiciable et contraire aux droits des accusés et à l’équité de la procédure, et qu’elle n’est pas une forme valable de participation des victimes au sens de l’article 17 du Statut. Cela s’entend également de la participation « passive » des VPP ou de leur participation en tant qu’ « observateurs silencieux ». Le Juge de la mise en état a dès lors conclu à bon droit que la participation totalement

78 Décision attaquée, par. 20.

79 Décision attaquée, par. 23.

80 Appel, par. 73 ; voir aussi Conclusions de la SPV, par. 27-29.

81 Voir, par ex., TPIY, Le Procureur c. Simić, IT-95-9-A, Arrêt, 28 novembre 2006, par. 71 (« Tout accusé devant le Tribunal international dispose du droit fondamental à un procès équitable et les chambres sont tenues de veiller au respect de ce droit ») ; TPIY, Le Procureur c. Aleksovski, IT-95-14/1-A, Arrêt, 24 mars 2000, par. 104 (« […] évidemment, le droit à un procès équitable est exigé par le droit international coutumier ») ; voir aussi TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/I, Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, 16 février 2011, par. 32 (se référant au « principe fondamental d’un procès équitable »).

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Anonymat total des victimes CA

anonyme de victimes est intrinsèquement préjudiciable dans la présente procédure et que l’identité des VPP doit être divulguée suffisamment à l’avance pour laisser à la Défense le temps de préparation nécessaire82.

40. Nous faisons observer que le présent Appel ne porte pas atteinte aux nombreuses autres mesures de protection pouvant être demandées par les victimes en vertu du Statut et du Règlement.

41. En conséquence, nous rejetons l’Appel.

82 Décision attaquée, par. 30-31.

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Anonymat total des victimes CA

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS ;

LA CHAMBRE D’APPEL ;

DÉCLARE l’Appel recevable, les juges Riachy et Nsereko ayant une opinion dissidente ;

REJETTE À L’UNANIMITÉ l’Appel.

M. le juge Baragwanath joint une opinion concordante.

MM. les juges Riachy et Nsereko joignent une opinion conjointe partiellement dissidente.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi.

Fait le 10 avril 2013, À Leidschendam, Pays-Bas

M. le juge David Baragwanath, président

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Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath)

OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE BARAGWANATH

I. Introduction

1. Mes raisons pour accepter de connaître de cet appel, même s’il convient de le rejeter, diffèrent de celles de mes collègues de la majorité sur la recevabilité. J’expliquerai donc ici, séparément, pourquoi je suis d’accord avec eux s’agissant du bien-fondé de l’appel.

2. La justice exige de respecter scrupuleusement les droits légitimes des personnes soupçonnées ou accusées de crimes, tout comme elle se doit de protéger les victimes de ces crimes. C’est là en effet la raison d’être du droit pénal et de ce Tribunal. Le Statut du Tribunal (le « Statut ») prévoit des mesures pour préserver la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et la vie privée des victimes et des témoins. Toute décision rendue par une Chambre doit être fondée sur ce principe, dans les limites de l’exigence d’un procès équitable et rapide. Ce principe s’inscrit dans le droit fil de la Charte des Nations Unies qui, en réaffirmant les droits fondamentaux de la personne ainsi que la dignité et la valeur de la personne humaine1, a trouvé une résonance particulière auprès des victimes des crimes graves qui ont entraîné la création du Tribunal en vertu de son chapitre VII2. Si ce principe n’était pas appliqué, les victimes risqueraient de subir de nouveaux préjudices.

3. C’est pourquoi, s’agissant de la première question, portant sur la procédure, je suis d’accord avec les Juges Chamseddine et Hrdličková pour dire que cette Chambre doit connaître de cet important appel certifié interjeté contre la décision du Juge de la mise en état, selon laquelle une victime participant à la procédure ne peut bénéficier de l’anonymat à titre permanent en tant que mesure de protection. S’agissant de la deuxième question, portant sur le fond, je souscris toutefois à la conclusion de l’ensemble de mes collègues, selon laquelle l’anonymat permanent ne doit pas être ordonné comme mesure de protection. Je dois ici expliquer pourquoi,

1 Préambule de la Charte des Nations Unies (« Charte des Nations Unies »).

2 Résolution 1757 adoptée par le Conseil de Sécurité, doc. des Nations Unies S/RES/1757 (30 mai 2007), (deuxième paragraphe, « [c]ondamnant à nouveau dans les termes les plus vigoureux l’attentat terroriste à l’explosif du 14 février 2005 [ ... ] »).

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en dépit de ma position sur la première question, j’ai conclu que refuser l’anonymat à une victime n’est pas simplement un principe auquel il est possible de déroger dans des circonstances bien précises, mais bien un principe absolu, comme il a été décidé par le Juge de la mise en état et ainsi que cette Chambre le conçoit.

II. La question de procédure

4. Ce principe transparaît clairement dans les articles 12 4), 17 et 22 du Statut, qui doivent être interprétés dans le contexte de la Charte des Nations Unies. L’article 12 4) du Statut prévoit la création d’une Section d’aide aux victimes et aux témoins chargée de prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes et des témoins. Il peut être interprété comme prévoyant uniquement des procédures administratives. Mais cet article peut également être lu, et c’est ainsi que je l’interprète, comme l’expression d’une politique de portée plus large et plus conforme à l’esprit du Statut dans son ensemble. L’article 17 du Statut dispose que lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, le Tribunal permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, « aux stades de la procédure que le juge de la mise en état ou la Chambre estiment appropriés » et d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable. Son article 22 va jusqu’à autoriser la conduite du procès en absence de l’accusé, dans l’intérêt des victimes ainsi que du public. Partant, l’article 12 4) du Statut reconnaît les intérêts de la victime ; son article 17 accorde aux victimes ainsi reconnues un droit important : celui d’être entendues ; l’article 22 garantit aux victimes et au public que les affaires seront jugées et non enfouies dans des archives, sous réserve que les conditions très strictes prévues pour procéder en l’absence de l’accusé soient remplies3, et l’accusé absent a droit à ce que sa cause soit rejugée devant le Tribunal s’il décide de comparaître de son plein gré ou s’il est appréhendé. Les articles 86 et 87 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement ») développent, quant à eux, les procédures

3 TSL, Le Procureur c. Ayyash et consorts, STL-11-01/PT/AC/AR126.1, version corrigée de l’Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense de la décision de la Chambre de première instance relative au réexamen de la décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er novembre 2012, par. 31.

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régissant l’octroi, par le juge de la mise en état, de la qualité de victime participant à la procédure (« VPP ») et l’exercice des droits spécifiques qui en découlent. Ces articles viennent confirmer le principe énoncé à l’article 12 4) du Statut s’agissant du raisonnement devant être suivi par les juges pour interpréter la qualité de victime devant le Tribunal.

5. Les VPP sont aussi bien des victimes directes, qui ont été blessées et dont le nom figure dans l’acte d’accusation, que des victimes indirectes, qui ont subi la perte ou la blessure d’un être cher et qui ne sont pas nommées dans l’acte d’accusation.

6. Pour trancher la première question, il convient sans doute de garder à l’esprit l’opinion dissidente exprimée par Lord Clarke dans l’affaire Al Rawi et al. v Security Service et al. :

[TRADUCTION] L’un des problèmes soulevés dans le présent appel est que la déclaration en question est formulée dans l’absolu, sans faire référence aux circonstances particulières d’un cas d’espèce. Je suis convaincu qu’il est généralement préjudiciable de se prononcer ainsi sur une question de droit. J’estime qu’une juridiction doit exiger que toute question de droit soit tranchée dans un contexte factuel précis4.

7. Étant confrontés au même problème, nous devons tenir compte tant des affaires qui ne présentent aucune difficulté, dans lesquelles la présomption de transparence peut s’appliquer sans risque, mais aussi des affaires potentiellement plus complexes, lorsqu’il est fait valoir (devant une vive préoccupation due à la gravité des faits incriminés et à leurs effets) qu’une VPP souffrira de troubles psychologiques si on lui refuse cette qualité, mais subira néanmoins une atteinte physique ou morale grave ou risquera, elle-même ou un proche, de perdre la vie si sa demande d’anonymat est rejetée5.

8. Ni le Statut ni le Règlement n’autorisent expressément la possibilité d’interjeter appel de la décision du juge de la mise en état. En droit interne cela exclurait tout

4 Cour suprême du Royaume-Uni, [2011] UKSC 34, [2012] 1 AC 531 (13 juillet 2011), (« Al Rawi ») par. 125.

5 Les termes de l’article 93 du Règlement concernant l’anonymat des témoins ont été ici reformulés.

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recours. Mais comme nous l’avons décidé dans l’affaire El Sayed6, le Statut et le Règlement ne doivent pas être lus comme la codification exhaustive des règles de ce tribunal international. En l’espèce, nous ne pouvions pas attribuer au Conseil de sécurité ou aux juges qui ont adopté le Règlement en plénière, l’intention de refuser tout recours dans un cas qu’ils n’avaient tout simplement jamais envisagé avant cela, si une injustice fondamentale pouvait en résulter.

9. De telles conséquences pourraient découler des cas visés au paragraphe 7 ci-avant. J’estime que ces cas qui, logiquement, relèvent du possible, doivent être tranchés comme dans l’affaire El Sayed, c’est-à-dire en concluant que le droit d’interjeter appel doit, par analogie avec l’article 126 du Règlement, être déduit de l’esprit du Statut et des conséquences d’une décision erronée en première instance7.

III. La question de fond

10. D’une manière générale, pour les raisons exprimées par mes collègues, je conviens que l’identité d’une VPP doit normalement être communiquée à l’accusé. En outre, cette perte de son anonymat est forcément supposée lorsqu’une VPP prend la décision de participer à la procédure d’une manière active autorisée par l’article 87 du Règlement, en demandant notamment à la Chambre de première instance de citer des témoins ou de l’autoriser à produire des éléments de preuve, à interroger ou contre-interroger des témoins et à déposer des requêtes et des mémoires ou encore à présenter des observations écrites ou orales relatives à la peine. Cette exigence, imposée par le Statut et par le Règlement, reflète les principes de droit établis régissant la protection d’un accusé, principes communs aux normes les plus rigoureuses de la justice internationale auxquelles nous sommes tenus de nous conformer8. Le précepte que l’on doit connaître son accusateur est séculaire et profondément ancré dans toute notion d’équité procédurale. C’est pourquoi les décisions récemment

6 TSL, À propos de l’affaire El Sayed, Décision en appel concernant l’ordonnance du juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, CH/AC/2010/02, 10 novembre 2010, notamment par. 54 à 57.

7 Voir aussi TSL, Le Procureur c. Ayyash et consorts, STL-11-01/PT/AC/AR90.1, Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense contre la décision relative aux contestations par la Défense de la compétence et de la légalité du Tribunal, Opinion séparée et dissidente de M. le Juge Baragwanath, 24 octobre 2012, par. 14 à 28.

8 Voir en particulier l’article 28 2) du Statut.

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rendues en dernier ressort ont souligné l’importance du principe de transparence de la justice9, selon lequel sous réserve d’exceptions précises et limitées, les procès doivent se dérouler, et les sentences être rendues, en audiences publiques, et celui du principe audi alteram partem, selon lequel une partie à le droit de connaître la nature des accusations portées contre elle, les éléments de preuve sur lesquels elles reposent et l’identité de son accusateur10. Une VPP qui est un accusateur actif ne peut donc, en aucun cas, se voir octroyer l’anonymat à titre permanent ou à long terme.

11. Mais l’appel porte sur une déclaration formulée dans l’absolu : le Juge de la mise en état a en effet conclu qu’aucune circonstance ne justifie d’ordonner l’anonymat total. Il est dit que ce principe s’applique également aux VPP qui ne participent pas activement à la procédure. La question qui se posait à nous était donc de savoir si le Juge de la mise en état était fondé à se prononcer en des termes si absolus11.

A. Le Juge de la mise en état a-t-il commis une erreur en concluant que l’anonymat total des VPP porte préjudice aux accusés dans les procédures portées devant le Tribunal ?

12. Comme le reconnaissent mes collègues, les VPP peuvent demander à participer à la procédure de différentes manières, notamment en qualité de participant passif ou d’observateur silencieux.

9 Voir Al Rawi, par. 10 et 11.

10 Al Rawi, par. 12 ; Royaume-Uni, Chambre des Lords, R v Davis, [2008] UKHL 36, [2008] AC 1128 (18 juin 2008) (« R v Davis »).

11 Voir infra, la discussion portant sur les témoignages anonymes, par. 21 à 25. Dans les procédures en cours, six des neuf membres de la Cour suprême du Royaume-Uni ont assoupli le caractère absolu de la justice publique en jugeant que lorsque le Parlement avait autorisé la tenue d’une audience ex parte afin de protéger la confidentialité des pièces qui ne devaient pas être divulguées au nom de l’intérêt public et de la sécurité nationale, la juridiction d’appel devait disposer d’un pouvoir équivalent. Le principe selon lequel « il ne faut jamais dire jamais » semble donc avoir été appliqué, voir Cour suprême du Royaume-Uni, Bank Mellat v HM Treasury, UKSC 2011/0040, Déclaration de Lord Neuberger : « [TRADUCTION] Nouveau point sur les procédures » (21 mars 2013) (disponible en anglais à l’adresse suivante : http://www.supremecourt.gov.uk/news/bank-mellat-v-hm-treasury.html). Cette affaire fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel du Royaume-Uni, Bank Mellat v HM Treasury, [2010] EWCA Civ. 483, [2012] QB 91 (4 mai 2010).

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13. Pour les raisons exposées par mes collègues, il ne fait aucun doute, à mon avis, que seuls les VPP appartenant à ces dernières catégories sont susceptibles de pouvoir bénéficier de l’anonymat total. J’admets que même si les victimes qui souhaitent rester anonymes ne seront pas appelées à la barre par le Représentant légal des victimes (sous réserve que les dispositions de l’article 93 du Règlement ne s’appliquent exceptionnellement) et qu’elle pourraient ne pas être autorisées à participer à la procédure de manière directe, en demandant notamment aux juges de citer des témoins ou de les autoriser à contre-interroger ces derniers, les VPP peuvent opter pour d’autres modes de participation.

14. Je préfère réserver mon opinion sur la question de savoir si la présence purement passive d’un VPP au procès constitue en elle-même une accusation spécifique supplémentaire et distincte de celles portées par le Procureur, et à laquelle l’accusé doit pouvoir répondre, et si cette situation risquerait d’enfreindre le droit à un procès équitable garanti par l’article 26 du Statut. Quelle que soit l’opinion de chacun sur ce point, il est d’une importance capitale, en droit pénal, que non seulement justice soit faite à l’accusé, mais que l’on perçoive qu’il en est ainsi.

15. On pourrait soutenir que si l’anonymat des VPP était préservé, les conseils de la Défense ne seraient pas en mesure de contester effectivement leur statut avant qu’elles ne soient identifiées comme telles dans le jugement définitif12 et qu’on voit mal, si le rôle de ces VPP était purement passif, comment le droit de l’accusé à un procès équitable pourrait en pâtir concrètement. Mais la réponse à cette question , implicite dans la présente décision, est simplement que l’on ne sait pas. Le principe favor rei (« favorable à l’accusé »), adopté dans la décision que nous avons rendue concernant le droit applicable13, signifie que tout doute réel doit profiter à l’accusé.

12 Voir article 86 G) du Règlement.

13 TSL, Le Procureur c. Ayyash et consorts, STL-11-01/I, Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, 16 février 2011, par. 32.

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16. J’ai conclu que ce principe s’appliquait même en l’espèce, lorsque la Défense a :

(1) été notifiée dans l’Acte d’accusation du nom de chacune des personnes tuées ou blessées dans l’attentat du 14 février 2005 ;

(2) formellement accepté de ne pas contester ces accusations14 ;

et que, partant, les seules VPP non identifiées sont des victimes « indirectes », c’est-à-dire des personnes ayant souffert en raison du décès ou des blessures d’une autre victime15. Bien entendu, il peut s’agir de victimes directes qui ont été identifiées comme telles, mais qui ne souhaitent pas demander le statut de VPP, car cela impliquerait de prendre position contre les intérêts des Accusés. Mais le fait que la Défense de M. Sabra connaisse l’identité de toutes les victimes directes atténue le poids de l’argument qu’elle a développé devant le Juge de la mise en état, selon lequel l’anonymat total l’empêcherait de solliciter la communication de toutes les informations à décharge pertinentes en possession du Représentant légal des victimes16. Lorsque, comme en l’espèce, l’identité des principales victimes est connue, l’anonymat ne risque pas véritablement, même si cela reste logiquement possible, d’empêcher la Défense d’identifier et de soulever d’autres arguments, notamment en ce qui concerne les témoins liés dans une certaine mesure aux VPP.

17. Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec mes collègues pour dire qu’il est impossible, à ce stade, de prévoir toutes les questions d’équité qui pourraient se poser si les victimes étaient autorisées à participer anonymement à la procédure.

18. Il découle du principe fondamental de l’équité envers l’accusé que l’iniquité est possible, de même que les principes selon lesquels l’audience est publique et

14 TSL, Le Procureur c. Ayyash et consorts, STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution’s Notice on the Implementation of the Pre-Trial Judge’s Order Regarding Narrowing Issues Contested at Trial, 19 mars 2013, par. 5 (renvoyant à l’annexe D confidentielle [lettre des conseils de la Défense adressée au chef des poursuites par intérim, 21 février 2013]).

15 TSL, Le Procureur c. Ayyash et consorts, STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la participation des victimes à la procédure, 8 mai 2012, par. 35 à 84.

16 Voir TSL, Le Procureur c. Ayyash et consorts, STL-11-01/PT/PTJ, Sabra’s Consolidated Response to the Motions of the Legal Representative of Victims for Protective Measures (Anonymity) of Twenty-Three Victims Participating in the Proceedings, 16 novembre 2012, par. 34.

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l’autre partie doit être entendue (audi alteram partem) suggèrent l’existence d’un principe général selon lequel les noms des victimes doivent être communiqués. En effet, l’anonymat des VPP vis-à-vis des accusés pourrait priver ces derniers des moyens d’assurer pleinement leur défense.

19. Reste à savoir si le respect des droits de l’accusé peut être uniquement garanti en refusant catégoriquement aux VPP toute possibilité d’anonymat. Je reviendrai sur ce point au paragraphe 27, après avoir examiné l’article 93 du Règlement.

B. Le Juge de la mise en état a-t-il commis en erreur en concluant que l’article 93 du Règlement relatif à l’anonymat des témoins ne saurait s’appliquer aux VPP ?

20. Aux termes de l’article 93 du Règlement, les témoins peuvent être auditionnés sous couvert d’anonymat s’« il existe […] un risque grave que le témoin ou une personne proche du témoin perde la vie ou subisse une atteinte physique ou morale grave à la suite de la divulgation de son identité », et que des mesures de protection des témoins telles que celles énoncées à l’article 133 ne suffiraient pas à empêcher un tel danger.

21. Le Juge de la mise en état a reconnu que cet article prévoit des cas où l’anonymat total des témoins peut être accordé, tout en soulignant qu’« une procédure spéciale limite le recours à ces dispositions, lesquelles ne s’appliquent pas aux VPP17 ». Le Représentant légal des victimes estime que cette conclusion est erronée. Il soutient que puisque l’article 93 du Règlement autorise les témoins à déposer sous couvert d’anonymat, l’anonymat des VPP ne peut être considéré comme indûment préjudiciable à la Défense18.

Arguments opposés à l’applicabilité de l’article 93 du Règlement

22. On peut soutenir que l’article 93 est une autorisation réglementaire explicite prévoyant une exception au principe selon lequel un accusé doit être en mesure

17 Décision attaquée, par. 26.

18 Appel, par. 68 à 70 ; voir aussi Argumentation de la Section de participation des victimes, par. 24.

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de faire face à ses accusateurs. Aucune exception de ce type n’est prévue pour les VPP. Partant, puisque la mention explicite d’un élément exclut tout autre élément (expressio unius est exclusio alterius), le fait qu’il a été nécessaire d’inscrire cette exception explicite pour les témoins à l’article 93 du Règlement donne à penser qu’aucune autre personne, hormis les témoins, ne peut être visée par cette exception. De plus, l’article 159 B) du Règlement dispose qu’une déclaration de culpabilité ne peut être fondée uniquement ou de manière décisive sur la déclaration d’un témoin recueillie en application de l’article 93. Ainsi, même l’exception prévue à l’article 93 du Règlement est très limitée. Elle ne saurait donc être utilisée pour accorder l’anonymat à une VPP, surtout quand celui-ci n’est pas prévu par le Règlement.

Arguments en faveur de l’applicabilité de l’article 93 du Règlement

23. Par définition, un témoin est une personne dont le témoignage est pertinent et tend à prouver ou à réfuter le point considéré. Un tel statut risque davantage de porter préjudice à un accusé que celui de simple victime indirecte, dont l’identification pourrait, ou non, permettre à la Défense de soulever des questions le cas échéant.

Commentaire

24. J’estime qu’il importe peu que, contrairement aux témoins qui peuvent être contraints de témoigner19, les victimes choisissent librement de participer à la procédure dans le but d’obtenir les droits et les avantages que leur confère le statut de VPP. Je ne parle pas ici des personnes qui souhaitent participer à la procédure de manière active, car j’ai déjà exclu cette catégorie. La qualité de VPP doit être compatible avec les droits des accusés et avec les exigences d’un procès équitable garantis par l’article 17 du Statut. Mais il va de soi que l’ensemble de la procédure est soumis à cette même condition. Pour cette raison, j’estime que l’anonymat des victimes et l’anonymat des témoins ne doivent pas être traités comme des questions séparées et distinctes. Il semblerait étrange qu’une VPP comparaissant également en qualité de témoin, et participant donc activement à la procédure, puisse bénéficier de l’anonymat (sous réserve de satisfaire aux conditions rigoureuses et exceptionnelles prévues à l’article 93 du Règlement), à la différence d’une VPP jouant un rôle

19 Voir articles 78, 130, 150, 151 et 165 du Règlement.

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purement passif20. Trois facteurs clés sont ici en jeu : i) la nature et la gravité du risque encouru par la victime (ou le témoin) ; ii) la nature et la gravité du risque que l’accusé soit privé d’un procès équitable ; et iii) le fait que le droit pénal doit être appliqué non seulement dans le respect de l’équité, mais sans perdre de vue les considérations pratiques qui découlent de ce principe.

C. Le raisonnement suivi par le Juge de la mise en état

25. Dans la Décision attaquée, le Juge de la mise en état a conclu, au sujet des mesures de protection demandées par les VPP, qu’« [i]l ne s’agit pas de déterminer s’il est porté préjudice aux droits des accusés en raison de la mesure, mais plutôt si l’intérêt de la justice commande que les accusés soient privés de leurs droits, ou d’une partie de leurs droits, à cet égard, et, dans l’affirmative, si un équilibre entre les intérêts en présence peut être établi21 ». En d’autres termes, l’accusé est de fait considéré comme ayant été privé de certains droits, et la question est de savoir si cette perte est compensée par d’autres considérations. Le Représentant légal des victimes fait valoir que si le Juge de la mise en état a correctement énoncé le critère qui doit être utilisé, il ne l’a pas appliqué car il n’a pas établi un équilibre entre les intérêts en présence22.

26. Il me semble possible de pousser plus loin l’argument avancé par les VPP : en toute logique, un examen des faits pourrait suffire, dans certains cas, à convaincre le juge ou la Chambre que les droits de l’accusé ne sont pas exposés à un réel danger. Ainsi, l’on pourrait contester la conclusion du Juge de la mise en état, selon laquelle l’octroi de l’anonymat permanent « risque fondamentalement d’aller à l’encontre des droits des accusés23 » et qu’il ne serait « pas concevable de condamner une personne pour un crime commis à l’encontre d’une VPP qui participe à la procédure judiciaire

20 Appel, par. 70.

21 Décision attaquée, par. 18.

22 Appel, par. 64 à 72.

23 Décision attaquée, par. 20.

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mais qui, en conservant l’anonymat, ne donne pas à l’accusé les moyens d’assurer pleinement sa défense24 ».

D. Le raisonnement que j’ai suivi

27. J’ai déjà conclu (voir paragraphe 10) que les principes de transparence de la justice et audi alteram partem exigent de communiquer l’identité des personnes qui participent activement à la procédure. J’ai également affirmé (au paragraphe 18) que l’on doit partir du principe que même la participation « passive » ou « silencieuse » d’une VPP serait intrinsèquement préjudiciable. Reste à savoir si cette présomption doit être considérée comme irréfragable.

28. J’ai pris note des vives inquiétudes exprimées par le Représentant légal des victimes, qui craint que certaines VPP ne se désistent si leur identité était communiquée à la Défense et au Procureur25. Cependant, si le Statut nous impose de protéger les droits des victimes, il accorde également la plus haute importance au droit fondamental de l’accusé à un procès équitable. Je le répète, le droit l’accusé à un procès équitable doit toujours prévaloir.

29. Outre la question du droit de l’accusé à un procès équitable, il convient également de déterminer, dans le cas où une VPP joue un rôle passif dans la procédure, si les intérêts de la victime justifient de faire exception à la présomption de communication et d’accepter les coûts et les retards qu’engendrerait toute investigation sur la question de savoir si cette présomption peut être combattue.

30. Pour trancher cette question, j’ai tenu compte de la mise en garde exprimée par Lord Hope dans l’affaire Al Rawi :

[TRADUCTION] Ainsi que la Cour d’appel l’a affirmé […], il est malheureusement vrai qu’une procédure ou une démarche sanctionnée par la Cour au motif qu’elle est uniquement applicable dans des circonstances exceptionnelles finit souvent par devenir pratique courante. L’avertissement donné par Lord Shaw de Dunfermline dans l’affaire Scott v Scott [1913] AC

24 Décision attaquée, par. 23.

25 Appel, par. 73 ; Voir aussi Argumentation de la Section de participation des victimes, par. 27 à 29.

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417, 477 à 478 contre la lente érosion des droits fondamentaux sous le couvert du Règlement reste aussi vrai aujourd’hui qu’il l’était alors26.

31. J’ai longuement réfléchi au cas extrême d’une victime pouvant souffrir de troubles psychologiques si elle n’obtenait pas le statut de VPP et où cependant elle risquerait (selon les critères énoncés à l’article 93 du Règlement) de perdre la vie ou encore de subir une atteinte physique ou morale grave à la suite de la divulgation de son identité et faute de protection.

32. On pourrait simplement rétorquer que cette personne doit s’accommoder du fait qu’elle n’a aucun statut formel de VPP. Une position qui semblerait faire fi des concepts de « bien-être physique et psychologique, [] dignité et [] respect de la vie privée » mis en avant dans l’article 12 4) du Statut. Les victimes demandent à être reconnues en tant que VPP parce que cette qualité leur importe. Les personnes qui n’ont pas été identifiées dans l’acte d’accusation comme victimes directes veulent être associées à l’affaire si un de leurs proches a été tué ou blessé. Faut-il systématiquement leur répondre que ce statut ne peut pas leur être accordé, car, autrement, l’accusé ne pourrait pas bénéficier d’un procès équitable ?

33. L’analogie faite avec l’article 93 du règlement vient logiquement étayer cet argument. Il est certain qu’il existe des raisons extrêmement convaincantes pour refuser tout témoignage anonyme. Elles ont été exposées avec clarté par Lord Bingham dans l’affaire R v Davis portée devant la Chambre des Lords (Royaume-Uni)27. Cependant, tant le Règlement que les législations étrangères reconnaissent qu’il est possible, dans certains cas, de concilier les droits des accusés et un certain degré d’anonymat des témoignages28. Si un témoin peut parfois être autorisé à déposer sous

26 Al Rawi, par. 73.

27 Voir R v Davis, Lord Bingham, par. 5 et 34.

28 À titre d’exemple, l’expérience néozélandaise a débuté avec l’affaire R v Hughes, Cour d’appel de Nouvelle-Zélande [1986] 2 NZLR 129 (19 juin 1986), dans laquelle trois de ses cinq juges ont ordonné à un agent de police en mission d’infiltration de révéler sa véritable identité ; deux juges se sont prononcés contre à moins qu’il ne soit démontré que son identité était d’une pertinence telle que sa non-communication serait contraire aux intérêts de la justice. Dans : Cour d’appel de Nouvelle-Zélande, R v Hines [1997] 3 NZLR 529 (15 août 1997) (suivi par la Chambre des Lords dans l’affaire R v Davis), trois juges ont conclu qu’un témoin est tenu de communiquer son nom et son adresse et que toute exception à cette règle doit être autorisée par le Parlement ; deux juges se sont déclarés en désaccord. Un juge de la majorité a déclaré que s’il s’était avéré nécessaire de réexaminer la décision prise dans l’affaire R v Hughes, la Cour

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Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath)

couvert d’anonymat, une victime indirecte ne pourrait-elle pas, a fortiori, bénéficier quelquefois d’une autorisation similaire ?

34. En dépit de l’analogie avec l’article 93 du Règlement, j’ai répondu par la négative. Cette règle est très exceptionnelle29. Bien que l’importance des intérêts des victimes soit clairement soulignée dans le Statut, son article 17 reconnaît qu’ils sont subordonnés à ceux des accusés. Ces derniers ont droit à un procès non seulement équitable mais également rapide. L’argumentation logique que j’ai développée aux paragraphes 29 et 31 n’est qu’une succession d’hypothèses qui ne ferait que compliquer et retarder une procédure qui tout en restant équitable doit aussi s’efforcer d’être raisonnablement rapide. De la même manière que le droit d’un accusé à un procès équitable n’exige pas la perfection, la présente décision requiert un examen pratique plutôt que théorique. Je considère que le cas extrême présenté plus haut a si peu de chance de se produire qu’il est de peu de poids face aux arguments avancés par la Chambre dans le présent arrêt. Je suis donc d’accord avec elle pour rejeter cet appel et je partage les motifs sous-tendant son arrêt, à l’exception seulement des points mineurs pour lesquels j’ai suivi un raisonnement différent.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi.

Le 10 avril 2013, À Leidschendam (Pays-Bas)

M. le Juge David Baragwanath

aurait pu conclure que le droit de l’accusé à connaître l’identité d’un témoin à charge n’était pas un droit absolu ou quasi absolu. Lorsque la New Zealand Law Commission a publié le rapport préliminaire n° 29 : Evidence Law: Witness Anonymity (septembre 1997) (disponible en anglais à l’adresse suivante : http://www.nzlii.org/nz/other/nzlc/pp/PP29/PP29.pdf) et le rapport n° 42 : Evidence Law: Witness Anonymity (octobre 1997) (disponible en anglais à l’adresse suivante : http://www.lawcom.govt.nz/sites/default/files/publications/1997/10/Publication_43_84_R42.pdf), le Parlement néozélandais a donné suite à la décision prise dans l’affaire R v Hines en adoptant l’amendement Evidence (Witness Anonymity) Amendment Act 1997 (Nouvelle-Zélande), qui permet à la Haute Cour de Nouvelle-Zélande d’octroyer l’anonymat à un témoin à des conditions très strictes. La Cour d’appel a confirmé les ordonnances rendues en ce sens par la Haute Cour dans : Cour d’appel de Nouvelle-Zélande, R v Atkins [2000] 2 NZLR 46 (9 février 2000).

29 Voir supra, note de bas de page 28.

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Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko)

OPINION CONJOINTE PARTIELLEMENT DISSIDENTE DES

JUGES RIACHY ET NSEREKO

1. Si nous respectons les vues de la majorité sur la recevabilité de cet appel, nous sommes en désaccord avec la décision rendue et considérons que l’appel n’est pas recevable pour les motifs exposés ci-après.

I. Le pouvoir de la Chambre d’appel de connaître des appels

2. Le pouvoir de la Chambre d’appel de connaître des appels tient à la fois à la qualité de l’appelant (partie à la procédure ou tierce partie, c’est-à-dire s’il a qualité pour intenter un recours) et à la nature de l’appel (recours contre une décision définitive ou recours contre une décision préjudicielle). Selon un principe général de droit et d’équité de la procédure, les parties au litige ont toujours le droit de faire appel de décisions définitives1. Cela ne s’applique pas aux appels interlocutoires ou à ceux interjetés par des personnes qui ne sont pas parties au litige (qu’il s’agisse d’appels formés contre une décision définitive ou d’un appel interlocutoire).

3. Dans ces deux derniers cas, la Chambre d’appel exerce ses pouvoirs d’appel en se fondant uniquement sur les pouvoirs qui lui sont expressément conférés par les dispositions réglementaires — le Statut et le Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») — à cet effet. Par conséquent, en l’absence de telles dispositions, la Chambre d’appel ne peut se déclarer compétente pour connaître de l’appel, que ce

1 Voir par. 47 ci-dessous.

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Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko)

soit par déduction ou autrement. La jurisprudence d’autres tribunaux, tant nationaux2 qu’internationaux, regorge de précédents en ce sens3.

4. Tel était antérieurement le point de vue du TSL. Dans notre décision du 24 octobre 2012, la majorité a conclu que la Chambre d’appel ne pouvait connaître des appels non prévus par le Règlement lorsqu’un article est rédigé en des termes

2 Voir par ex. Royaume-Uni, Chambre des Lords, Attorney-General c. Sillem, 11 ELR 1200 (1864), p. 1207-1208 (Lord Westbury déclarant que « [TRADUCTION] la création d’un nouveau droit d’appel est un acte relevant clairement du pouvoir législatif. Le tribunal dont émane l’appel et le tribunal qui le reçoit doivent tous deux être liés, et ce doit être l’acte d’une autorité supérieure. Il ne revient pas à l’un ou l’autre de ces tribunaux ou aux deux collectivement de créer un tel droit ») ; voir aussi Ghana (anciennement Colonie de la Côte de l’Or), Conseil privé (en appel de la Cour d’appel de l’Afrique de l’ouest), Moore c. Tayee [1935] A.C. 72 (26 octobre 1934), par. 75-76 (« [TRADUCTION] Après tout, il ne faut pas oublier que tous les appels interjetés dans ce pays et ailleurs existent uniquement en vertu de la loi et, à moins que les conditions réglementaires ne soient remplies, aucun tribunal n’est compétent pour connaître de ces appels ».) ; voir aussi Australie, Cour suprême d’Australie du sud, James c. Keogh, 102 SASR 51 (2008), juge Layton (juge dissident), par. 156 (« [TRADUCTION] La compétence de la Cour suprême pour connaître d’un appel ne peut remonter plus haut que sa source »).

3 Voir par ex., CPI, Le Procureur c. Lubanga, ICC-01/04-01/06-2799, Décision relative à la Demande urgente d’instructions présentée par le Royaume des Pays-Bas le 17 août 2011, 26 août 2011, par. 7, 8 (annulant une décision de la Chambre de première instance accordant au Royaume des Pays-Bas l’autorisation d’interjeter appel) ; CPI, Le Procureur c. Lubanga, ICC-01/04-01/06-2823, Decision on the “Registrar’s Submission under Regulation 24bis of the Regulations of the Court In Relation to Trial Chamber I’s Decision ICC-01/04-01/06-2800” of 5 October 2011, 21 novembre 2011, par. 14 (dans laquelle la Chambre d’appel a indiqué que « [TRADUCTION] La Chambre d’appel a toujours déclaré que sa compétence était clairement et exhaustivement définie dans le Statut et dans le Règlement de procédure et de preuve et, de la même manière, a toujours rejeté toute tentative d’interjeter appel hors du champ de compétence ainsi défini ») ; voir aussi CPI, Situation en République démocratique du Congo, ICC-01/04-168, Arrêt relatif à la requête du Procureur aux fins d’obtenir l’examen extraordinaire de la décision rendue le 31 mars 2006 par laquelle la Chambre préliminaire I a rejeté une demande d’autorisation d’interjeter appel, 13 juillet 2006 (dans lequel la Chambre d’appel rejette la tentative du Procureur de faire appel d’une décision pour laquelle il n’a pas obtenu l’autorisation de faire appel) ; voir aussi TPIY, Le Procureur c. Delić, IT-04-83-Misc.1, Decision on Prosecution’s Appeal, 1er novembre 2006, p. 3 (dans laquelle la Chambre d’appel a décidé qu’il n’existait pas de droit d’appel contre une décision rejetant la modification de l’acte d’accusation en vertu du fait que « [TRADUCTION] le Règlement ne présente aucune lacune justifiant que la Chambre d’appel examine cet appel d’office » et que « la Chambre d’appel ne possède pas le pouvoir inhérent d’intervenir dans une décision préjudicielle d’une Chambre de première instance, non susceptible d’appel et qui n’a pas obtenu la certification requise [...] sur la base d’une allégation de l’Accusation selon laquelle la Chambre de première instance a abusé de son pouvoir discrétionnaire en n’autorisant pas l’Accusation à modifier l’acte d’accusation ») ; voir aussi TSSL, Le Procureur c. Norman et autres, SCSL-04-14-T, Decision on Prosecution Appeal Against the Trial Chamber’s Decision of 2 August 2004 Refusing Leave to File an Interlocutory Appeal, 17 janvier 2005, par. 32, 41 (dans laquelle la Chambre d’appel a déclaré qu’elle « [TRADUCTION] peut avoir recours à sa compétence inhérente, lorsqu’il s’agit d’une affaire dont elle est dûment saisie, lorsque le Règlement ne dit mot et lorsqu’un tel recours est nécessaire afin que justice soit faite. La compétence inhérente ne peut être invoquée à l’effet de contourner une règle expresse. [...] Lorsque le Règlement prévoit une situation donnée, le tribunal ne peut exercer sa compétence inhérente à bon droit en substituant sa propre idée de ce qu’aurait dû être le Règlement à ce qu’il est ».) ; mais voir contra TPIY, Le Procureur c. Šešelj, IT-03-67-R33B, Version publique expurgée de la décision du 8 avril 2011 relative aux observations présentées par le Greffe en application de l’article 33 B) du Règlement à la suite de la décision relative au financement de la défense rendue par la Chambre de première instance, 17 mai 2011, par. 16.

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« spécifiques et précis » et que la question n’est pas de celles que les rédacteurs du Règlement ne pouvaient pas anticiper. Dans ces circonstances, on ne peut dire que l’appel est exceptionnellement recevable en raison d’une lacune dans le Règlement4.

5. En l’espèce, notre Règlement ne confère pas de droit d’appel aux victimes participant à la procédure (« VPP ») sur la question des mesures de protection. En ce qui concerne les appels interlocutoires qui ne sont pas interjetés de droit, les pouvoirs de la Chambre d’appel sont définis par les dispositions de l’article 126 du Règlement. Selon nous, cet article n’est pas applicable à la présente espèce, que ce soit directement ou par analogie.

II. L’article 126 ne peut être aucunement interprété comme conférant un droit d’appel aux victimes

6. L’article 126 est rédigé en des termes s’appliquant généralement à toutes les décisions requérant une certification avant d’être susceptibles d’appel. Cependant, cet article ne peut être interprété comme reconnaissant, directement ou par analogie, l’existence d’un droit d’appel pour les VPP.

A. L’article 126 est dépourvu d’ambiguïté

7. Les paragraphes A) et C) de l’article 126 renferment des dispositions générales concernant la certification des appels interlocutoires. Les paragraphes B) et E) de cet article précisent néanmoins que seule une partie peut, dans certaines conditions, interjeter appel devant la Chambre d’appel. Nous avons précédemment conclu que l’interprétation d’un document juridique devait non seulement tenir compte de ses termes mais aussi de son contexte5. Les paragraphes B) et E) exposent le contexte de l’article 126. Ces dispositions doivent être lues de façon à assurer la cohérence interne de l’article 126 et à permettre son interprétation cohérente. Ainsi, contrairement aux vues de la majorité sur ce point, nous considérons que les paragraphes A) et C) de

4 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC/AR90.1, Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense contre la décision relative aux contestations par la Défense de la compétence et de la légalité du Tribunal, 24 octobre 2012, par. 16-18.

5 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/I, Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, 16 février 2011, par. 19-20.

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l’article 126 doivent être interprétés conformément aux paragraphes B) et E), qui disposent que seule une partie peut faire appel. En ce sens, l’article 126 ne contient aucune ambiguïté et le Règlement ne présente dès lors pas de lacune.

B. Les victimes ne sont pas des parties

8. L’article 2 de notre Règlement définit « les parties » comme étant le Procureur et la Défense. La Défense est quant à elle définie comme désignant l’accusé, le suspect et/ou son conseil. L’article 2 définit les VPP de façon séparée. Cette référence explicite aux VPP montre clairement qu’elles ne sauraient être caractérisées comme des parties au sens de notre Statut et de notre Règlement. Elles ont un statut distinct qui signifie qu’elles ne jouissent pas des mêmes droits que les parties.

9. Contrairement aux parties, les VPP au TSL disposent d’un droit limité de présenter leurs vues et préoccupations6. Ce droit est soumis aux limitations prévues dans notre Statut et notre Règlement, qui tendent à montrer que l’esprit de ces derniers ne leur permet pas de participer en tant que parties à part entière et de jouir ainsi de droits analogues à ceux des parties.

10. En application de l’article 17 du Statut par exemple, la participation des victimes est soumise à l’autorisation d’un juge ou d’une chambre, si le juge ou la chambre en question conclut que cette participation est appropriée et ne porte pas atteinte aux droits de la Défense. L’article 87, qui expose plus avant les modes de participation des victimes au TSL, montre que leur participation est soumise à de strictes conditions7. À titre d’exemple, les victimes n’ont pas le droit de citer des témoins à comparaître, mais peuvent demander à la Chambre de première instance de le faire en leur nom. L’autorisation de la Chambre est également requise pour

6 Art. 17 du Statut du TSL.

7 Nous relevons que l’article 87 D) prévoit que la Chambre d’appel peut autoriser les victimes à participer à la procédure tenue devant elle. Cela ne peut être interprété comme la reconnaissance d’un droit d’appel généralement conféré aux victimes participant à la procédure. Il permet seulement à la Chambre d’appel d’autoriser les victimes à participer, ce qui exige que la Chambre soit déjà saisie d’un appel soumis par les parties. On peut considérer aussi que l’article 87 D) s’applique uniquement au stade de l’appel à l’issue d’un jugement définitif rendu par la Chambre de première instance. En d’autres termes, cet article est une simple application de l’article 17 du Statut qui permet au Juge de la mise en état ou à une Chambre d’autoriser les victimes participant à la procédure à présenter leurs vues et préoccupations dans certaines conditions.

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l’interrogatoire et le contre-interrogatoire de témoins, pour la présentation d’éléments de preuve et le dépôt de conclusions par les VPP. Tel n’aurait pas été le cas si le Statut et le Règlement considéraient que les victimes avaient la même qualité que les parties. En effet, contrairement aux systèmes juridiques de tradition romano-germanique tel que celui en vigueur au Liban, les VPP au TSL ne sont pas parties civiles (parties, au civil, considérées comme des parties dans un procès pénal).

11. Nous faisons par ailleurs observer que la Cour pénale internationale (la « CPI »), ayant examiné le point de savoir si les victimes étaient des parties, a conclu, sur la base de dispositions similaires, qu’elles ne l’étaient pas8.

12. Dès lors, il nous apparaît que l’article 126 ne saurait être directement appliqué aux VPP, ces dernières n’étant pas considérées comme des parties.

C. Pas d’application possible aux victimes par analogie

13. Contrairement à ce qu’affirme la majorité, le Statut et le Règlement ne garantissent pas aux VPP le droit de former un appel interlocutoire devant cette Chambre d’appel. En application de l’article 26 du Statut, seuls les accusés et le Procureur peuvent interjeter appel. Cette disposition est conforme aux principes généraux de droit pénal et du droit international des droits de la personne, qui reconnaissent le droit d’appel d’un accusé9, mais ne confèrent pas de droit comparable

8 CPI, Situation en République démocratique du Congo, ICC-01/04-437, Decision on Application for Leave to Appeal the Decision on Requests of the OPCV, 18 janvier 2008, p. 3-4 (concluant que le Bureau du conseil public pour les victimes n’avait pas qualité pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel) ; CPI, Le Procureur c. Lubanga, ICC-01/04-01/06-1432, Arrêt relatif aux appels interjetés par le Procureur et la Défense contre la Décision relative à la participation des victimes rendue le 18 janvier 2008 par la Chambre de première instance I, 11 juillet 2008, par. 93 (concluant qu’une victime n’est pas une « partie ») ; CPI, Le Procureur c. Katanga et Chui, ICC-01/04-01/07-675, Motifs de la Décision relative aux « Observations de l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins relatives au système de protection des témoins et à la pratique de la « réinstallation préventive » et à la « Requête de l’Accusation sollicitant l’autorisation de déposer une réponse aux observations de l’Unité d’aide aux victimes et aux témoins relatives au système de protection des témoins et à la pratique de la « réinstallation préventive », 11 juillet 2008, Opinion dissidente du juge G.M. Pikis, par. 4 (concluant qu’en vertu des dispositions pertinentes, les « parties » sont uniquement l’Accusation et la Défense) ; CPI, Situation au Darfour, Soudan, ICC-02/05-192, Decision on the Application for Leave to Appeal the Decision on Application under Rule 103, 19 février 2009, p. 5 (refusant d’accorder l’autorisation d’interjeter appel au motif que le requérant n’était pas une partie).

9 Par exemple, l’article 14 (5) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (adopté le 16 décembre 1966, 999 U.N.T.S. 171) reconnaît uniquement le droit d’appel d’une personne reconnue coupable

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aux victimes qui n’ont pas la qualité de partie civile10. Dès lors, nous considérons que, de manière générale, en vertu du Statut, seules les parties ont le droit de faire appel. Toute exception à ce principe doit être clairement exposée dans le Règlement et strictement appliquée à la situation qui y est envisagée.

14. Le Règlement est explicite lorsqu’il accorde un droit d’appel aux victimes. L’article 86 C), par exemple, confère explicitement à « un requérant dont la demande d’obtention de la qualité de victime à la procédure est rejetée » le droit de faire appel de la décision du juge ou de la chambre concerné(e). Il ne confère pas pareil droit aux victimes dans les conditions de la présente espèce. Ce droit limité accordé aux personnes sollicitant la qualité de victime ne doit pas être étendu à toutes les autres victimes participant à la procédure qui peuvent être lésées par la décision d’un juge ou d’une chambre. Étendre ce droit aux VPP, comme le suggère la majorité, contreviendrait clairement à l’esprit des dispositions du Règlement et du Statut.

15. En outre, nous ne partageons pas les vues de la majorité selon lesquelles ces appels sont admissibles argumentum e contrario11 au motif que l’article 86 D) interdit expressément les recours contre les décisions relatives à la répartition de victimes à la procédure et ne prive généralement pas les victimes participantes du « droit de former des appels interlocutoires ». Nous considérons que le Règlement contient cette interdiction expresse par souci de clarté. En effet, l’article 86 C) autorise les appels de droit. Et compte tenu du lien étroit existant entre la qualité des VPP et leur répartition, il était important de préciser que seuls les requérants dont la demande avait été rejetée pouvaient faire appel de décisions relatives à la qualité de victime, tandis que les décisions relatives à leur répartition n’étaient pas susceptibles de recours.

16. Il ne suffit donc pas que le Règlement ne contienne aucune disposition interdisant aux VPP de former des appels interlocutoires. Le Statut contient, par

d’un crime. L’article 2 (1) du Protocole additionnel n°7 de la convention européenne des droits de l’homme (Conseil de l’Europe, adopté le 22 novembre 1984, E.T.S. 117, tel que modifié par le Protocole n° 11, adopté le 11 mai 1994, E.T.S. 155) fait également état de ce droit conféré à une personne déclarée coupable.

10 Cour européenne des droits de l’homme, Garimpo c. le Portugal, 66752/01, Décision finale sur la recevabilité, 10 juin 2004.

11 Voir Opinion de la majorité, par. 13.

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contre, une présomption générale selon laquelle les non-parties ne sont pas autorisées à interjeter appel, et le Règlement ne renferme aucune disposition explicite conférant aux VPP le droit de faire appel de décisions relatives à des mesures de protection. Un tel droit n’est donc nullement fondé en droit.

17. Appelée à répondre à une question similaire à celle qui nous occupe, la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a déclaré ce qui suit :

Si le point de vue sur cette affaire semble par trop formaliste, toute autre décision conduirait au recours à la procédure d’appel du Tribunal par des tiers autres que les parties – qu’il s’agisse de témoins, conseils, amicus curiae, ou même de membres du public qui trouveraient à redire à une Décision de la Chambre de première instance. C’est inenvisageable. Le tribunal dispose d’une compétence d’appel limitée, qui ne peut en aucun cas être invoquée par des tiers12.

18. Par conséquent, nous considérons que la Chambre d’appel ne peut invoquer l’article 126, soit directement soit par analogie, à l’appui de sa décision affirmant la recevabilité de l’appel. Invoquer cet article reviendrait à étendre sans justification les pouvoirs de la Chambre d’appel.

VII. L’article 17 du Statut ne saurait fonder la compétence de la Chambre d’appel

19. Nous ne sommes pas d’accord avec l’avis de la majorité selon lequel l’appel peut être déclaré recevable au vu de l’article 17 du Statut. Cet article dispose simplement que le Tribunal doit autoriser les victimes à présenter leurs vues et préoccupations aux stades de la procédure existante devant une Chambre lorsque cette Chambre l’estime approprié. Le fait de présenter des vues et préoccupations n’inclut pas notamment le droit d’engager une nouvelle procédure ou, comme le soutient la majorité en l’espèce, de former un appel devant la Chambre d’appel. Selon nous, la procédure devant la Chambre d’appel constitue un stade séparé de

12 TPIY, En l’affaire Dragan Opacić, IT-95-7-Misc.1, Décision sur la demande d’interjeter appel, 3 juin 1997, par. 6.

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la procédure, distinct de celle devant le Juge de la mise en état ; les deux stades ne doivent pas être réunis13. Ainsi, autoriser l’appel reviendrait à permettre au Représentant légal des victimes (« RLV ») d’engager une nouvelle procédure14. Ni le Statut ni le Règlement ne l’autorisent.

20. La majorité invoque également la notion d’« intérêt personnel », comme mentionné à l’article 17, et considère que les VPP ont qualité pour interjeter appel devant la Chambre d’appel lorsque leurs intérêts sont « fondamentalement concernés15 ». Selon nous, ce critère crée une nouvelle norme qui n’existe pas dans le Statut. En règle générale, un appelant doit toujours démontrer qu’il a qualité pour former un appel16, faute de quoi celui-ci est irrecevable. Cependant, la majorité déclare en l’espèce que l’existence d’« intérêts fondamentalement concernés » fondent également le droit d’appel. Rien ne permet selon nous de justifier l’ajout d’un tel critère.

21. Il en est de même pour les articles du Statut ou du Règlement qui permettent au RLV de saisir la chambre de première instance d’une requête portant sur un point spécifique en rapport avec leurs intérêts personnels17. Ces dispositions ne confèrent pas expressément aux victimes un droit d’appel sur ces points et ne doivent donc pas être interprétées de façon à étendre la compétence de la Chambre d’appel.

13 Cet avis est solidement étayé dans l’affaire de la CPI intitulée Le Procureur c. Lubanga, ICC-01/04-01/06-2823, Decision on the “Registrar’s Submission under Regulation 24bis of the Regulations of the Court In Relation to Trial Chamber I’s Decision ICC-01/04-01/06-2800” of 5 October 2011, 21 novembre 2011, par. 13 ; CPI, Le Procureur c. Lubanga, ICC-01/04-01/06-824, Arrêt relatif à l’appel interjeté par Thomas Lubanga Dyilo contre la décision de la Chambre préliminaire I intitulée « Décision sur la demande de mise en líberté [sic] provisoire de Thomas Lubanga Dyilo », 13 février 2007, par. 43.

14 Il en est ainsi nonobstant le fait que les victimes participant à la procédure ont été parties à la procédure devant le Juge de la mise en état.

15 Voir Opinion de la majorité, par. 14-18.

16 Sur la question de la qualité pour ester en justice voir TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2010/02, Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, 10 novembre 2010, par. 60-65.

17 Voir Opinion de la majorité, par. 14.

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IV. La certification octroyée par le Juge de la mise en état ne vaut pasreconnaissance d’un droit d’appel pour les victimes participant à la procédure

22. Enfin, nous souscrivons à l’avis de la majorité rejetant l’argument du RLV selon lequel la recevabilité de l’appel est fondée sur le fait que ni les parties ni le Juge de la mise en état n’ont soulevé d’objections à la demande de certification18. Nous ajoutons que la certification octroyée par le Juge de la mise en état est sans rapport avec la recevabilité de l’appel. La décision relative à la question du droit d’appel pour les VPP relève résolument de la compétence de la Chambre d’appel, seul organe compétent pour statuer sur cette question.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi.

Le 10 avril 2013, À Leidschendam (Pays-Bas)

Juge Ralph Riachy Juge Daniel David Ntanda Nsereko

18 Voir Opinion de la majorité, par. 8.

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5.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : Juge de la mise en état

Titre : Décision relative aux requêtes du Procureur du 8 novembre 2012 et du 6 février 2013 aux finsdedéposerunacted’accusationmodifié

Titre réduit : Autorisationdemodifierl’acted’accusationJME

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LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ

Devant : M. le juge Daniel Fransen

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 12 avril 2013

Original : Français

Type de document : Public

LE PROCUREUR c.

SALIM JAMIL AYYASH, MUSTAFA AMINE BADREDDINE,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA

DÉCISION RELATIVE AUX REQUÊTES DU PROCUREUR DU 8 NOVEMBRE 2012 ET DU 6 FÉVRIER 2013 AUX FINS DE

DÉPOSER UN ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ

Bureau du Procureur : M. Norman Farrell

Conseils de M. Salim Jamil Ayyash : M. Eugene O’Sullivan

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes

Conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: M. Antoine Korkmaz

Conseils de M. Hussein Hassan Oneissi: M. Vincent Courcelle-Labrousse

Conseils de M. Assad Hassan Sabra: M. David Young

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Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME

I. L’objet de la décision

1. Par la présente décision, le Juge de la mise en état se prononce sur la requête du Procureur du 8 novembre 2012 sollicitant l’autorisation de déposer un acte d’accusation modifié (respectivement la « Requête du 8 novembre 2012 » et l’ « Acte d’accusation du 8 novembre 2012 »), conformément à la décision du Juge de la mise en état du 25 octobre 2012 (la « Décision du 25 octobre 2012 ») et l’émission de mandats d’arrêt portant ordre de transfèrement et de détention à l’encontre des accusés qui y sont visés1. Le Juge de la mise en état se prononce également sur la requête du Procureur du 6 février 2013 afin d’autoriser des modifications supplémentaires à l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012, à laquelle est joint un nouvel acte d’accusation modifié (respectivement la « Requête du 6 février 2013 » et l’« Acte d’accusation du 6 février 2013 ») 2.

II. Le rappel de la procédure

2. Le 28 juin 2011, le Juge de la mise en état a confirmé les chefs d’accusation contenus dans l’acte d’accusation du 10 juin 2011 et a autorisé la mise en accusation de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra (respectivement, la « Décision du 28 juin 2011 », l’ « Acte d’accusation du 10 juin 2011 » et les « Accusés »)3.

3. Le 17 août 2012, le Procureur a saisi le Juge de la mise en état d’une requête aux fins de déposer un acte d’accusation modifié (la « Requête du 17 août 2012 »)4.

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Filing of the Amended Indictment in Compliance with the Decision of 25 October 2012 & Request for Amended Arrest Warrants and Orders/Requests for Transfer and Detention, confidentiel, 8 novembre 2012.

2 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Request for Leave to Include Further Amendments to its Proposed Amended Indictment, 6 février 2013.

3 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Décision relative à l’examen de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra, confidentiel, 28 juin 2011. Une version publique expurgée datée du même jour a été déposée le 16 août 2011. Cette décision confirme les chefs d’accusation contenus dans l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 à l’exception de la tentative de causer la mort de 231 autres personnes qui ne rentre pas dans les éléments constitutifs de l’acte de terrorisme mais dans ceux de la tentative d’homicide intentionnel.

4 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Request for Leave to Amend the

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Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME

Le Procureur a joint à celle-ci un acte d’accusation modifié (l’« Acte d’accusation du 17 août 2012 »).

4. Le 4 octobre 2012, le Juge de la mise en état a adressé au Procureur une ordonnance aux fins de clarification de certaines modifications figurant dans la Requête (l’« Ordonnance du 4 octobre 2012 »)5.

5. Le 15 octobre 2012, le Procureur y a répondu en soumettant un mémoire en clarification (le « Mémoire en clarification »)6.

6. Le 25 octobre 2012, le Juge de la mise en état s’est prononcé sur la Requête du 17 août 20127. Il a fait droit à cette requête, sous réserve de certaines modifications, et a invité le Procureur à déposer un nouvel acte d’accusation intégrant celles-ci8.

7. Conformément à la Décision du 25 octobre 2012, le Procureur a déposé l’Acte d’accusation du 8 novembre 20129. Il a par ailleurs ajouté deux modifications supplémentaires à celles autorisées par cette décision. Il a également demandé au Juge de la mise en état d’émettre des mandats d’arrêt portant ordre/demande de transfèrement et de détention à l’encontre des Accusés10. Enfin, le Procureur a sollicité l’autorisation d’expurger certaines parties jugées confidentielles de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 et des pièces A) et B) qui y sont jointes11.

Indictment Pursuant to Rule 71(A)(ii), confidentiel, 17 août 2012, avec une version publique expurgée datée du 18 septembre 2012.

5 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Ordonnance aux fins de clarification de certaines propositions présentées par l’accusation dans sa requête du 17 août 2012 sollicitant l’autorisation de modifier l’acte d’accusation, 4 octobre 2012.

6 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Submissions Pursuant to the “Order for Clarification of Certain Proposed Amendments in the Prosecutor’s Request for Leave to Amend the Indictment of 17 August 2012”, confidentiel, 15 octobre 2012.

7 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-01/PT/PTJ, Décision relative à la requête du Procureur du 17 août 2012 aux fins de déposer un acte d’accusation modifié, 25 octobre 2012.

8 Id., Dispositif.

9 Requête du 8 novembre 2012, par. 4 et 7 à 8.

10 Id., par. 9 et 10.

11 Id., par. 3.

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8. Le 13 novembre 2012, les Conseils de la Défense de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra (les « Conseils de la Défense ») ont été invités à répondre à la Requête du 8 novembre 201212, ce qu’ils n’ont pas fait.

9. Le 19 décembre 2012, le Procureur a demandé au Juge de la mise en état de suspendre sa décision relative à l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 afin qu’il puisse examiner à nouveau ce dernier, et, le cas échéant, le compléter ou le modifier13.

10. Le 6 février 2013, le Procureur a sollicité l’autorisation de modifier l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 et a déposé l’Acte accusation du 6 février 2013 reprenant l’ensemble des modifications proposées14.

11. Le 12 février 2013, les Conseils de la Défense ont été invités à répondre à la Requête du 6 février 201315.

12. Les 19 et 20 février 2013, les Conseils de la Défense de MM. Sabra16 et Oneissi17 ont répondu à la Requête du 6 février 2013 (respectivement la « Réponse de M. Sabra » et la « Réponse de M. Oneissi »).

13. Le 6 mars 2013, le Juge de la mise en état a autorisé le Procureur à déposer une réplique à la réponse des Conseils de la Défense. Il lui a également enjoint de fournir des éléments de preuve supplémentaires à l’appui des modifications demandées le 6 février 2013 et a en invité les Conseils de la Défense à répondre à la réplique du

12 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-01/PT/PTJ, Scheduling Directive from the Pre-Trial Judge, confidentiel, 13 novembre 2012.

13 CR, p. 33-34 (30 janvier 2013).

14 Requête du 6 février 2013, Annexe A).

15 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-01/PT/PTJ, Scheduling Directive from the Pre-Trial Judge, confidentiel, 12 février 2013.

16 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Sabra Response to Prosecution Motion to Amend the Amended Indictment, 19 février 2013.

17 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Réponse de la Défense à la « Prosecution Request for Leave to Include Further Amendments to its Proposed Amended Indictment », confidentiel, 20 février 2013.

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Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME

Procureur (l’ « Ordonnance du 6 mars 2013 »)18. Par ailleurs, le Juge de la mise en état a demandé au Procureur de lui fournir des explications au sujet des allégations contenues aux paragraphes 3 b) et 17 c) de l’Acte d’accusation du 8 novembre 201219 portant sur les relations entre M. Ayyash et l’utilisateur du téléphone « violet 231 » au sujet des fausses revendications de responsabilité.

14. Le 14 mars 2013, le Procureur a déposé une réplique (la « Réplique du Procureur »)20 à laquelle les Conseils de la Défense n’ont pas répondu.

III. L’exposé des motifs

15. Après avoir statué sur sa compétence (A) et rappelé le droit applicable (B), le Juge de la mise en état examinera successivement la Requête du 8 novembre 2012 (C) et la Requête du 6 février 2013 (D). Il se prononcera enfin sur l’émission de mandats d’arrêt portant ordre/demande de transfèrement et de détention (E) et sur les exigences de confidentialité (F).

A. La compétence

16. L’article 71, paragraphe A), alinéa ii) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») prévoit qu’entre le moment où un acte d’accusation a été confirmé et celui où l’affaire est confiée à la Chambre de première instance, le Procureur ne peut modifier l’acte d’accusation que sur autorisation du Juge de la mise en état. Dans la mesure où l’acte d’accusation initial a été confirmé le 28 juin 2011 et que la Chambre de première instance n’a pas encore été saisie du dossier conformément à l’article 95 du Règlement, le Juge de la mise en état est compétent pour statuer sur la Requête du 8 novembre 2012 et sur la Requête du 6 février 2013.

18 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Ordonnance autorisant le dépôt d’une réplique de l’Accusation aux réponses de la Défense relatives aux modifications supplémentaires de l’Acte d’accusation modifié proposé, confidentiel, 6 mars 2013.

19 Les paragraphes 3 b) et 17 c) de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 sont identiques à ceux de l’Acte d’accusation du 6 février 2013.

20 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Reply to “Sabra Response to Prosecution Motion to Amend the Amended Indictment”, confidentiel, 14 mars 2013.

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B. Le droit applicable

17. L’article 71, paragraphe B) du Règlement prévoit qu’un acte d’accusation ne peut être modifié que s’il existe « de prime abord des moyens de preuves à l’appui de la proposition de modification » et si « […] ladite modification n’entraîne aucun préjudice indu pour l’accusé ». Comme il l’a rappelé dans la Décision du 25 octobre 2012, le Juge de la mise en état doit, d’abord et avant tout, tenir compte de l’incidence d’une modification sur les droits de l’accusé, notamment de préparer adéquatement sa défense ou d’être jugé sans retard21. Pour ce faire, lorsqu’une modification est substantielle, il doit s’assurer qu’elle est fondée sur des éléments de preuve de prime abord. Si une modification ne concerne que des éclaircissements, le Juge de la mise en état doit veiller à ce qu’elle renforce bel et bien la précision de l’acte d’accusation et, partant, clarifie le contenu de l’affaire et permette aux accusés de mieux l’appréhender22. Ceux-ci pourront alors préparer et, le cas échéant, adapter leur défense en fonction des éclaircissements reçus23. Dans cet esprit, le Juge de la mise en état a souligné que deux éléments devaient être mis en perspective : d’une part, les retards de la procédure susceptibles de résulter d’une modification de l’acte d’accusation et, d’autre part, le bénéfice que pourrait en retirer l’accusé et les juges24.

C. La Requête du 8 novembre 2012

18. Le Juge de la mise en état rappelle tout d’abord que les modifications proposées dans l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 ont été reprises dans l’Acte d’accusation du 6 février 2013. Il constate par ailleurs qu’elles reflètent, en partie, celles autorisées par la Décision du 25 octobre 2012 relativement à l’Acte d’accusation du 17 août 2012.

19. Toutefois, le Juge de la mise en état note que dans l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 le Procureur a souhaité apporter deux nouvelles « clarifications ». D’une part, il a entendu compléter la dernière ligne du paragraphe 14 a) de l’Ace

21 Décision du 25 octobre 2012, par. 21.

22 Id., par. 22.

23 Ibid.

24 Ibid.

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d’accusation du 8 novembre 2012 par les mots figurant en souligné au paragraphe 7 de la Requête du 8 novembre 201225. D’autre part, il a demandé que, conformément aux analyses des éléments de preuves qu’il a effectuées, le nombre de communications téléphoniques visées au paragraphe 20 b) de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 soit réduit de 213 à 21226.

20. Le Juge de la mise en état observe que ces clarifications sont des modifications de l’Acte d’accusation du 17 août 2012 qui n’ont pas été autorisées par la Décision du 25 octobre 2012. Elles auraient donc dû, en principe, faire l’objet d’une demande de modification déposée conformément à l’article 71, paragraphe A), alinéa ii) du Règlement et, en tout état de cause, elles doivent respecter les critères prévus par l’article 71, paragraphe B) du Règlement27. En particulier, les modifications ne doivent pas porter préjudice aux droits des accusés à préparer adéquatement leur défense et à être jugés sans retard excessif.

21. Le Juge de la mise en état considère que le paragraphe 14 a) de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 mentionné ci-dessus est de nature à apporter un éclaircissement renforçant la précision de cet acte. Il est, dès lors, dans l’intérêt des Accusés. La seconde modification indiquée ci-dessus contenue au paragraphe 20 b) de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012, rectifie une erreur matérielle et est sans incidence sur les droits des Accusés. En conséquence, ces deux modifications sont acceptées. La Requête du 8 novembre 2012 est fondée sur ce point.

22. Toutefois, dans la mesure où l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 a fait l’objet d’une demande de modifications le 6 février 2013, sur laquelle il y a lieu de se prononcer, le Juge de la mise en état considère que l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 doit être rejeté.

25 Requête du 8 novembre 2012, par. 7.

26 Id., par. 8.

27 Décision du 25 octobre 2012, par. 19-21.

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D. La Requête du 6 février 2013

1. Les arguments des Parties

23. Dans la Requête du 6 février 2013, le Procureur a sollicité l’autorisation de procéder à deux catégories de modifications aux fins de clarifier certaines allégations figurant dans l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012.

24. La première catégorie de modifications vise à supprimer les mots ‘et/ou’ des paragraphes 15 c), 20 a) et 38 de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 et à les remplacer par les mots figurant en surligné aux paragraphes 12, 15 et 17 de la Requête du 6 février 201328. En outre, pour harmoniser les paragraphes 15 c) et 15 d), le Procureur propose de modifier le paragraphe 15 d) comme indiqué en souligné au paragraphe 13 de la Requête du 6 février 201329. Le Procureur indique que ces modifications ne portent pas préjudice aux droits des Accusés, qu’ils renforcent la précision de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 et sont fondés sur des éléments de preuve qui ont déjà été soumis dans le cadre du processus de confirmation de l’Acte d’accusation du 10 juin 201130.

25. La seconde catégorie de modifications porte sur la période durant laquelle le complot en vue de commettre un acte de terrorisme – à savoir l’assassinat de M. Hariri – s’est effectivement matérialisé31. Ainsi, selon le Procureur, MM. Badreddine et Ayyash se sont accordés pour commettre l’attaque contre M. Hariri à un moment donné dans la période allant du 11 novembre 2004 – date des premières activités de surveillance des déplacements de M. Hariri – au 14 février 2005 – date de l’attaque perpétrée contre celui-ci32. S’agissant de MM. Oneissi et Sabra, le Procureur indique qu’ils se sont joints au complot à une date située entre le 22 décembre 2004 – date de leur première visite effectuée à la mosquée de l’université arabe de Beyrouth pour y trouver l’individu appelé à effectuer les fausses revendications de responsabilité de

28 Requête du 6 février 2013, par. 9-17.

29 Id., par. 13.

30 Id., par. 11.

31 Id., par. 18-32.

32 Id., par. 20.

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l’attentat – et le 14 février 200533. Dans cette perspective, le Procureur propose de modifier les paragraphes 42, 42 a), 42 c) et 48 de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 comme indiqué aux paragraphes 26, 27, 28 et 29 de la Requête du 6 février 2013, respectivement34. En conséquence, il suggère également de modifier les chefs d’accusation 6 à 9 de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 et, en particulier, les paragraphes 58, 60, 62 et 64 tels que figurant au paragraphe 32 de la Requête du 6 février 201335. Le Procureur ajoute, à cet égard, que, étant par nature secrète, l’existence d’un complot ne doit pas être établie formellement mais peut se déduire de l’ensemble des éléments de preuve de l’affaire en cause36. Par ailleurs, le fait que le Procureur élargisse la période au cours de laquelle le complot a pris cours n’est pas susceptible de causer de préjudice à la Défense qui doit, en tout état de cause, se préparer à débattre des faits allégués dans l’Acte d’accusation 8 novembre 201237.

26. Le Conseil de la Défense de M. Oneissi s’oppose à la Requête du 6 février 2013 pour les raisons suivantes. Le Procureur a omis d’identifier précisément les faits et les éléments de preuve sur lesquels il s’appuie pour proposer de nouvelles modifications38. En outre, autoriser les modifications demandées porterait atteinte aux droits des Accusés en ce qu’il les priverait de préparer adéquatement leur défense – la date du début du procès étant provisoirement fixée au 25 mars 2013 – et étendrait considérablement le champ des allégations portées à l’encontre des Accusés39.

27. Le Conseil de la Défense de M. Sabra a également invité le Juge de la mis en état à rejeter la Requête du 6 février 2013 au motif notamment que : i) en sollicitant des modifications de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012, le Procureur reconnaît de facto qu’il n’est pas en mesure de prouver les charges qui y sont alléguées40 ; ii) le

33 Id., par. 21.

34 Id., par. 26-30.

35 Id., par. 31-32.

36 Id., par. 23-24.

37 Id., par. 24.

38 Réponse de M. Oneissi, par. 16-19.

39 Id., par. 20-32.

40 Réponse de M. Sabra, par. 21.

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Procureur est incapable d’établir à quel moment précis M. Sabra a été impliqué dans le complot41 ; iii) les amendements proposés constituent de nouvelles allégations étendant la période du complot auquel M. Sabra aurait participé et ne reposent pas sur des actes concrets qui lui seraient imputables42 ; iv) dans ce contexte, le Conseil de la Défense de M. Sabra n’est pas en mesure de préparer adéquatement la défense de ce dernier43 ; et i) le Procureur devrait identifier précisément les éléments de preuve sur lesquels il s’appuie pour soutenir ces nouvelles allégations44.

28. Dans la Réplique du Procureur, ce dernier fait valoir les principaux arguments suivants à l’appui de la Requête du 6 février 2013 : i) les Conseils de la Défense n’ont pas démontré qu’ils souffriraient d’un préjudice au cas où les modifications proposées dans la Requête du 6 février 2013 étaient accordées45 ; ii) les Conseils de la Défense ont déjà contesté devant la Chambre de première instance des vices de forme portant sur les paragraphes 38 et 42 c) de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 à propos desquels le Juge de la mise en état s’est déclaré incompétent46 ; iii) en contestant, sur base de pures spéculations, les modifications de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 portant sur la date du complot, les Conseils de la Défense cherchent, en réalité, à obtenir l’annulation du chef d’inculpation nº 1, lequel a déjà été confirmé par le Juge de la mise en état47 ; iv) les propositions d’amendements des paragraphes 15 c) et d) ainsi que 20 a) ne portent pas sur des éléments substantiels : elles sont seulement destinées à fournir des clarifications ou des détails supplémentaires à propos des paragraphes concernés48 ; v) les amendements du paragraphe 38 ne constituent pas de nouvelles allégations factuelles : ils se fondent sur des informations figurant dans d’autres paragraphes de l’Acte d’accusation du 8 novembre 201249 ; vi) les

41 Id., par. 27-29.

42 Id., par. 27 et 35.

43 Id., par. 15 et 22.

44 Ibid.

45 Réplique du Procureur, par. 5.

46 Id., par. 4-8.

47 Id., par. 9-15.

48 Id., par. 16.

49 Id., par. 18.

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changements de dates contenus dans le chef d’inculpation nº 1 s’appuient sur des allégations figurant dans l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 confirmé par le Juge de la mise en état50 et sur des éléments de preuve présentés à l’appui de celles-ci51 ; et v) les changements de dates contenus dans les chefs d’inculpation nº 6 à nº 9 se fondent sur des allégations figurant dans l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 confirmé par le Juge de la mise en état et sur des éléments de preuve déposés à l’appui de celles-ci52.

29. Par ailleurs, à la suite de demande de précision du Juge de la mise en état sur les rapports entre M. Ayyash et l’utilisateur du téléphone « violet 231 », le Procureur indique que les paragraphes 3 b) et 17 c) de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 qui s’y rapportent sont conformes à la Décision du 25 octobre 201253. De plus, le Procureur considère que la seule conclusion raisonnable pouvant être tirée de l’enchaînement des événements qui ont précédé l’attaque contre M. Hariri – à savoir l’identification de M. Abu Adass (en décembre 2004), l’achat des téléphones « rouges » (le 4 janvier 2005), la disparition de M. Abu Adass (le 16 janvier 2005), l’achat du véhicule Mitsubishi (le 25 janvier 2005), la préparation de l’enregistrement vidéo (entre le 16 janvier et le 14 février 2005 et l’achat de la télécarte (en février 2005) – est que M. Ayyash – en tant que coordinateur des activités de surveillance de M. Hariri et de l’achat du véhicule Mitsubishi – a nécessairement dû être informé de l’évolution des progrès accomplis au sujet de la préparation de la fausse revendication de responsabilité54. En outre, M. Ayyash et l’utilisateur du téléphone « violet 231 » se sont contactés, à plusieurs reprises, entre le 23 janvier 2005 et le 7 février 2005. Par ailleurs, le 6 février 2005, entre 17 h 21 et 18 h 46, M. Oneissi, M. Sabra et l’utilisateur du téléphone « violet 231 » ont activé la même borne téléphonique à huit occasions, ce qui indique qu’ils auraient pu se rencontrer55. C’est durant cette période que la

50 Ces allégations sont reprises aux pages 7 à 11 de la Réplique du Procureur.

51 Réplique du Procureur, par. 19-23.

52 Id., par. 24.

53 Id., par. 25-27.

54 Id., par. 30.

55 Id., par. 31-32.

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vidéocassette destinée à la fausse revendication devait avoir été préparée56. Même si aucun élément de preuve n’indique qui a participé à ces activités de préparation, les individus impliqués dans l’attaque devaient en avoir été informés57. Autrement, ils n’auraient pas pu finaliser l’attaque ni le plan destiné à appeler les médias concernés et à leur délivrer la cassette vidéo58. Enfin, les téléphones attribués à M. Ayyash et à l’utilisateur du téléphone « violet 231 » se trouvaient aux mêmes endroits pendant les périodes pertinentes, ce qui indique qu’il aurait pu communiquer autrement que par voie téléphonique59.

2. L’analyse des amendements proposés

30. Deux catégories doivent êtres distinguées parmi les amendements proposés. Les amendements qui visent à renforcer la précision des allégations soutenues à l’encontre des Accusés et ne sont donc pas de fond, et ceux qui sont susceptibles d’avoir une incidence notable sur les droits des Accusés.

31. La première catégorie contient les modifications qui visent la suppression des mots ‘et/ou’ des paragraphes 15 c), 20 a) et 38 de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 et les remplacer par les mots figurant en souligné aux paragraphes 12, 15 et 17 de la Requête du 6 février 201360. Pour harmoniser les paragraphes 15 c) et 15 d), le Procureur propose également de modifier le paragraphe 15 d) comme indiqué en souligné au paragraphe 13 de la Requête du 6 février 2013. Le Juge de la mise en état considère que ces modifications visent à renforcer la précision des charges à l’encontre des Accusés, notamment quant aux activités préparatoires présumées à l’attaque contre M. Hariri et à la fausse revendication de responsabilité alléguée. Il estime, en conséquence, que ces modifications satisfont aux critères visés à l’article 71, paragraphe B) du Règlement, qu’elles ne sont pas susceptibles de porter atteinte aux droits des Accusés et qu’il convient, dès lors, de les autoriser.

56 Id., par. 32.

57 Ibid.

58 Ibid.

59 Réplique du Procureur, par. 33.

60 Requête du 6 février 2013, par. 9-17.

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Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME

32. La seconde catégorie de modifications demandées contient celles relatives à la date du complot en vue de commettre un acte de terrorisme. Le Juge de la mise en état constate que la période figurant au chef d’accusation nº 1 de l’Acte d’accusation du 6 février 2013 au cours de laquelle s’est formé le complot en vue de commettre un acte de terrorisme – à savoir l’assassinat de M. Hariri – a été étendue puisque celle-ci ne se termine plus le 16 janvier 2005 mais le 14 février de la même année61. En revanche, le début de cette période – à savoir le 11 novembre 2004 – a été circonscrit puisque les mots « au moins » qui la précédaient dans l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 ont été supprimés dans l’Acte d’accusation du 6 février 201362.

33. Le Juge de la mise en état considère que l’extension de la période visée au paragraphe précédent constitue une modification de fond de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 qui doit être précisément étayées par des éléments de preuve prima facie. Ainsi, par Décision du 6 mars 201363, le Juge de la mise en état a demandé au Procureur des clarifications au sujet des éléments sur lesquels s’appuyaient les modifications proposées et, notamment, l’extension de la période susvisée. Dans la Réplique du Procureur, celui-ci y a identifié précisément une série de faits qui se sont déroulés entre le 16 janvier et le 14 février 2005 inclus64. Le Juge de la mise en état prend acte du fait que ces faits figuraient déjà dans l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 et que les éléments de preuve sur lesquels ils s’appuient lui ont déjà été soumis lors du processus de confirmation de cet acte65. Au vu de ces précisions, le Juge de la mise en état considère que les modifications relatives à l’extension de la période au cours de laquelle s’est formé le complot en vue de commettre un acte de terrorisme à savoir l’assassinat de M. Hariri reposent bel et bien, de prime abord, sur des moyens de preuves qui lui ont été remis. Comme les actes invoqués à l’appui de ces modifications et les éléments de preuve qui les sous-tendent ne sont pas neufs, celles-ci ne sont, en principe, pas susceptibles de porter préjudice aux droits des Accusés à la préparation de leur défense. Il considère, en conséquence,

61 Id., par. 18-30.

62 Id., par. 26-27.

63 Décision du 6 mars 2013, par. 11-16 et Dispositif.

64 Réplique du Procureur, par. 22.

65 Id., par. 20-21.

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que les modifications proposées aux paragraphes 42, 42 a), 42 c), et 48 a) à h) de l’Acte d’accusation du 6 février 2013 et qui sont relatifs au chef d’accusation nº 1 de cet acte satisfont aux critères visés à l’article 71, paragraphe B) du Règlement. Il convient, dès lors, de les autoriser.

34. Dans la seconde catégorie figurent également les modifications qui font suite à la demande du Procureur d’étendre la période relative à la commission des actes de complicité aux crimes visés dans les chefs d’inculpation nº 6 à nº 9 de l’Acte d’accusation du 8 novembre 201266. En effet, selon cet acte, cette période ne débuterait plus le 16 janvier 2005 mais le 22 décembre 200467. Le Juge de la mise en état considère que l’extension de cette période constitue une modification substantielle de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 qui doit être précisément étayée par des éléments de preuve prima facie. Comme le précise le Procureur, ces modifications s’inscrivent dans la continuité de celles du chef d’accusation nº 1 de l’Acte d’accusation du 8 novembre 201268. Le Juge de la mise en état prend acte du fait que les faits à l’appui de ces modifications figuraient déjà dans l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 et que les éléments de preuve sur lesquels ils s’appuient lui ont déjà été soumis lors du processus de confirmation69. Au vu de ces précisions, le Juge de la mise en état considère que les modifications des chefs d’inculpation nº 6 à nº 9 proposées dans l’Acte d’accusation du 6 février 2013 reposent bel et bien sur des moyens de preuve de prime abord qui lui ont été remis. Comme les faits invoqués et les éléments de preuve à l’appui de ces modifications ne sont pas nouveaux, celles-ci ne sont, en principe, pas susceptibles de porter préjudice aux droits des Accusés. En conséquence, les modifications proposées aux paragraphes 58, 60, 62 et 64 de l’Acte d’accusation du 6 février 2013 et qui sont relatives aux chefs d’accusation nº 6 à nº 9 de cet acte satisfont aux critères visés à l’article 71, paragraphe B) du Règlement. Il convient, dès lors, de les autoriser.

66 Requête du 6 février 2013, par. 31-32.

67 Ibid.

68 Requête du 6 février 2013, par. 31.

69 Réplique du Procureur, par. 24.

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Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME

35. Enfin, le Juge de la mise en état prend acte des précisions fournies par le Procureur au sujet des modifications proposées dans les paragraphes 3 b) et 17 c) de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 et repris dans l’Acte d’accusation du 6 février 2013 au sujet des communications supposées entre M. Ayyash et l’utilisateur du téléphone « violet 231 » en rapport avec la fausse revendication de responsabilité présumée. Il note que le Procureur confirme que ces deux personnes n’ont passé aucun coup de téléphone entre eux entre le 22 décembre 2004 et le 17 janvier 2005 – période de l’identification et du recrutement présumés de M. Abu Addass – et le 14 février 2005 lors de la fausse revendication de responsabilité présumée70. Le Juge de la mise en état observe que ces modifications se fondent, en réalité, sur des déductions liées au rôle de coordinateur des activités de surveillance de M. Hariri et d’achat du véhicule Mitsubishi de M. Ayyash, et, à ce titre, la nécessité pour lui d’être informé de l’évolution des démarches liées à la fausse revendication de responsabilité présumée. Ceci se serait matérialisé par des communications passées notamment entre M. Ayyash et l’utilisateur du téléphone « violet 231 » entre le 23 janvier 2005 et le 7 février 2005 et par le fait que ceux-ci auraient pu se trouver aux mêmes endroits à des périodes cruciales71. Le Juge de la mise en état considère que ces modifications sont fondées, de prime abord, conformément aux critères requis en matière de confirmation d’un acte d’accusation rappelés dans la Décision du 28 juin 2011 dans la mesure où le raisonnement du Procureur se fonde sur des présomptions suffisamment crédibles. Le Juge de la mise en étant rappelle toutefois que dans ce contexte, ses pouvoirs sont limités. Il ne saurait en aucun cas se substituer aux juges du fond à qui seuls incombe la responsabilité de déterminer si, à l’issue d’un débat contradictoire, les preuves sont établies à l’encontre des Accusés et s’ils sont coupables, au-delà de tout doute raisonnable, des crimes qui leur sont reprochés. À ce stade de la procédure, le Juge de la mise en état a pour unique mission d’examiner les modifications proposées de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 au regard des éléments rassemblés et soumis par le Procureur pour déterminer si, de prime abord, des poursuites peuvent être engagées à l’encontre des Accusés en tenant compte de

70 Ordonnance du 6 mars 2013, par. 15.

71 Réplique du Procureur, par. 30-33.

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ces modifications72. Dans cette perspective, le Juge de la mise en état estime qu’il n’y a pas lieu de revenir sur ces modifications qui ont déjà été approuvées dans la Décision du 25 octobre 201273.

36. Le Juge de la mise en état considère, en conséquence, que la Requête du 6 février 2013 est fondée.

E. Les mandats d’arrêt

37. Le 28 juin 2011, le Juge de la mise en état a délivré des mandats d’arrêt portant ordre de transfèrement et de détention à l’encontre des Accusés74. Le 8 juillet 2011, il a délivré des mandats d’arrêt internationaux portant demande de transfèrement et de détention à l’encontre des mêmes accusés75.

38. Dans la Requête du 8 novembre 2012, le Procureur demande au Juge de la mise en état d’adapter ces mandats d’arrêt aux modifications apportées dans l’Acte d’accusation du 8 novembre 201276.

39. Dans la mesure où l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 a été rejeté77, le Juge de la mise en considère qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur cette demande.

72 Décision du 28 juin 2011, par. 26.

73 Décision du 25 octobre 2012, par. 34-35.

74 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I, Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash portant ordre de transfèrement et de détention, 28 juin 2011 ; TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I, Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Mustafa Amine Badreddine portant ordre de transfèrement et de détention, 28 juin 2011 ; TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I, Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Hussein Hassan Oneissi portant ordre de transfèrement et de détention, 28 juin 2011 ; TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I, Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Assad Hassan Sabra portant ordre de transfèrement et de détention, 28 juin 2011.

75 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I, Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash portant demande de transfèrement et de détention, 8 juillet 2011 ; TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I, Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Mustafa Amine Badreddine portant demande de transfèrement et de détention, 8 juillet 2011 ; TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I, Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Hussein Hassan Oneissi portant demande de transfèrement et de détention, 8 juillet 2011 ; TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I, Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Assad Hassan Sabra portant demande de transfèrement et de détention, 8 juillet 2011.

76 Requête du 8 novembre 2012, par. 11 c) et d).

77 Cf. par. 22 ci-dessus.

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F. Lesexigencesdeconfidentialité

40. Comme il l’a fait pour l’Acte d’accusation du 10 juin 2011, le Procureur sollicite des expurgations dans la version publique de l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 afin d’assurer le bon déroulement des enquêtes en cours et garantir la protection des témoins.

41. Dans la mesure où l’Acte d’accusation du 8 novembre 201278 a été rejeté le Juge de la mise en état considère qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur cette demande.

78 Ibid.

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Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,

En application des articles 71, paragraphe A), alinéa ii) et paragraphe B) et 74 du Règlement,

LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT,

FAIT DROIT à la Requête du 8 novembre 2012 concernant les modifications de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 ;

DÉCLARE la Requête du 8 novembre 2012 non fondée pour le surplus ;

REJETTE l’Acte d’accusation du 8 novembre 2012 ;

FAIT DROIT à la Requête du 6 février 2013 ;

AUTORISE les modifications de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 telles qu’elles figurent dans l’Acte d’accusation du 6 février 2013 ;

DÉCLARE que l’Acte d’accusation du 6 février 2013 annule et remplace l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 ; et

ORDONNE au Procureur de déposer une version signée de l’Acte d’accusation du 6 février 2013 pour le 17 avril 2013 à 16 heures au plus tard.

Fait en anglais, arabe et français, la version française faisant foi. Leidschendam, le 12 avril 2013

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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6.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : Chambre de première instance

Titre : Décision relative à l’admissibilité de déclarations de témoins présentées en vertu de l’article 155 du règlement, au regard de leur conformité avec la directive pratique

Titre réduit : Admissibilité de déclaration de témoins CPI

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LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCEAffaire n° : STL-11-01/PT/TCDevant : M. le juge Robert Roth, juge président

Mme le juge Micheline Braidy M. le juge David Re Mme le juge Janet Nosworthy, juge suppléant M. le juge Walid Akoum, juge suppléant

Le Greffier : M.DarylMundis,greffierparintérimDate : 30 mai 2013Original : AnglaisType de document : Public

LE PROCUREUR c.

SALIM JAMIL AYYASH, MUSTAFA AMINE BADREDDINE,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA

DÉCISION RELATIVE À L’ADMISSIBILITÉ DE DÉCLARATIONS DE TÉMOINS PRÉSENTÉES EN VERTU DE L’ARTICLE 155 DU RÈGLEMENT, AU REGARD DE LEUR CONFORMITÉ AVEC LA

DIRECTIVE PRATIQUE

Bureau du Procureur : M. Norman Farrell

Conseils de M. Salim Jamil Ayyash : M. Eugene O’Sullivan M. Emile Aoun

Chef du Bureau de la Défense : M. François Roux

Conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: M. Antoine Korkmaz M. John Jones

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes

Conseils de M. Hussein Hassan Oneissi: M. Vincent Courcelle-Labrousse M. Yasser HassanConseils de M. Assad Hassan Sabra: M. David Young M. Guénaël Mettraux

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Admissibilité de déclaration de témoins CPI

Introduction

1. L’Accusation a demandé à la Chambre de première instance de se prononcer sur la possibilité d’admettre à titre d’éléments de preuve sans contre-interrogatoire, certaines déclarations écrites qui ne répondent pas en tous points aux critères requis aux fins de leur admission, tels qu’énoncés dans la Directive pratique y afférente. La Défense admet que, dans certaines circonstances, des déclarations non conformes peuvent être versées au dossier. La Chambre doit déterminer si et dans quelles circonstances l’admission de telles déclarations est possible.

Rappel de la procédure

2. Le 20 février 2013, l’Accusation a prié le Juge de la mise en état de transmettre à la Chambre de première instance la question de l’admission, sans contre-interrogatoire, de dix déclarations de témoins, au titre de l’article 155 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »)1. En outre, l’Accusation a expressément demandé à la Chambre d’admettre ces dépositions. La Défense des Accusés Salim Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi, et Assad Hassan Sabra s’est opposée à la Requête, et notamment à la demande de l’Accusation visant l’admission des déclarations à ce stade de la procédure2.

3. Statuant sur la Requête le 15 avril 2013, conformément à l’article 89 E) du Règlement3, le Juge de la mise en état a décidé de ne transmettre à la Chambre de

1 STL-11-01/PT/PTJ, Le Procureur c. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, Prosecution’s Motion Requesting the Pre-Trial Judge to Refer its Rule 155 Application to the Trial Chamber Pursuant to Rule 89 (E), confidentiel, 20 février 2013 (« Requête »).

2 Response on behalf of Mr. Ayyash to “Prosecution’s Motion Requesting the Pre-Trial Judge to Refer its Rule 155 Application to the Trial Chamber Pursuant to Rule 89(E), confidentiel, 4 mars 2013 ; Response to Prosecution Motion Requesting the Pre-trial Judge to Refer its Rule 155 Application to the Trial Chamber Pursuant to Rule 89 (E), confidentiel, 4 mars 2013 (« Observations Badreddine ») ; Réponse à la « Prosecution’s Motion Requesting the Pre-trial Judge to Refer its Rule 155 Application to the Trial Chamber Pursuant to Rule 89 (E) », confidentiel, 4 mars 2013 (« Observations Oneissi ») ; Sabra Defence Response to Prosecution Motion Requesting the Pre-trial Judge to Refer its Rule 155 Application to the Trial Chamber Pursuant to Rule 89 (E), confidentiel, 27 février 2013 (« Observations Sabra »).

3 STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la requête du Procureur aux fins de transfert à la Chambre de première instance de demandes d’admission de déclarations écrites de témoins conformément aux articles 89, paragraphe E) et 155 du Règlement de procédure, 15 avril 2013.

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première instance que la question plus étroite du statut général des déclarations qui ne remplissent pas les conditions de forme requises pour l’admission de déclarations écrites en application de l’article 155 du Règlement, telles que définies dans la « Directive pratique relative à la procédure de prise de dépositions en application des articles 123 et 157 et à la prise de dépositions en vue de leur admission au Tribunal en vertu de l’article 155 du Règlement de procédure et de preuve4 ».

4. Le 29 avril 20135, la Chambre de première instance a invité les parties à faire connaître leur position quant à l’incidence possible du non-respect de la Directive pratique sur l’admissibilité des déclarations au titre de l’article 155 du Règlement6. Le Procureur et les Conseils des quatre accusés ont donc déposé leurs arguments7.

Arguments des parties

5. L’article 155 du Règlement intitulé « Admission de déclarations écrites et de comptes rendus de dépositions en lieu et place d’un témoignage oral » autorise l’admission de déclarations de témoins sans contre-interrogatoire. Aux termes de l’article 155 A), « la Chambre de première instance peut admettre, en lieu et place d’un témoignage oral, les éléments de preuve présentés par un témoin sous la forme d’une déclaration écrite ou d’un compte rendu d’une déposition faite dans le cadre d’une procédure engagée devant le Tribunal et permettant de démontrer un point autre que les actes et le comportement de l’accusé tels qu’énoncés dans

4 STL-PD-2010-02, publiée le 15 janvier 2010.

5 Les arguments déposés le 4 mars 2013 respectivement par la Défense de M. Badreddine et celle de M. Oneissi en réponse à la requête de l’Accusation du 20 février 2013 n’abordaient pas spécifiquement les questions faisant l’objet de la décision de la Chambre de première instance du 20 avril 2013.

6 STL-11-01/PT/TC, Ordonnance portant calendrier relative à l’incidence du non-respect des conditions de forme des déclarations écrites de témoins sur leur admissibilité, 29 avril 2013.

7 STL-11-01/PT/TC, Prosecution’s Submissions Regarding the Admission of Statements under Rule 155 which do not Comply with the Practice Direction, 10 mai 2013 ; Response on Behalf of Mr. Ayyash to Prosecution’s Submissions Regarding the Admission of Statements under Rule 155 which do not Comply with the Practice Direction, 21 mai 2013 ; Defence for Mr Badreddine’s Submissions Regarding the Admissibility of Statements under Rule 155 which do not Comply with the Applicable Practice Direction, 21 mai 2013 ; Jonction à la « Response on behalf of Mr. Ayyash to Prosecution’s Submissions Regarding the Admission of Statements under Rule 155 which do not comply with the Practice Direction », 21 mai 2013 ; Response on Behalf of Mr. Sabra to Prosecution’s Submissions Regarding the Admission of Statements under Rule 155 which do not Comply with the Practice Direction, 21 mai 2013.

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l’acte d’accusation ». La Directive pratique énonce les préconditions requises pour l’admission de déclarations à ce titre.

6. Dans leurs observations, l’Accusation et la Défense conviennent que, dans certaines circonstances, des déclarations qui ne sont pas en conformité avec la Directive pratique peuvent néanmoins être admises comme éléments de preuve. Elles divergent quant au statut de la Directive pratique et aux circonstances précises dans lesquelles la Chambre de première instance peut admettre de telles déclarations non conformes.

7. Selon l’Accusation, les Directives pratiques ne sont que des recommandations administratives sans force contraignante. Si elles étaient contraignantes, elles porteraient atteintes au pouvoir discrétionnaire de la Chambre de première instance de déterminer l’admissibilité des déclarations au procès. La fiabilité des dépositions doit être évaluée au cas par cas. La question essentielle est de savoir si la déclaration est fiable et non si elle est strictement conforme à la Directive pratique. Les déclarations qui ne respectent pas l’ensemble des critères définis dans la Directive pratique peuvent néanmoins être admises dès lors qu’elles présentent des indices de fiabilité suffisants. Les déclarations qui sont fondamentalement fiables, de par la nature des éléments de preuve qu’elles contiennent, doivent être admises en dépit de leur non-conformité8.

8. Dans leurs arguments respectifs, les Conseils des quatre accusés conviennent que bien que la Directive pratique soit censée avoir force contraignante, la Chambre de première instance peut néanmoins, dans certaines circonstances, admettre des déclarations qui n’en respectent pas strictement les termes. Tous contestent l’affirmation de l’Accusation selon laquelle la Directive pratique n’aurait qu’une valeur indicative. Les quatre Conseils conviennent en outre avec l’Accusation que toute dérogation à l’application de la Directive pratique doit être appréciée au cas par cas.

8 Par exemple, les témoins qui ne reconnaissent pas des numéros de téléphone, des données relatives à un abonnement ou des téléphones portables obtenus de manière illicite avec leurs coordonnées et qui leur ont donc été faussement attribués — faits qu’il n’y a pas raisonnablement matière à contester ; Observations de l’Accusation, par. 16.

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9. Pour la Défense de M. Sabra (la « Défense Sabra »), l’argument de l’Accusation selon lequel la Directive pratique est une ligne directrice non contraignante est erroné. En principe, toutes les dépositions doivent être conformes à l’esprit et à la lettre de la Directive pratique mais, en pratique, des exceptions peuvent être admises, sous réserve du consentement de la partie adverse, et à condition que « le préjudice que la Directive pratique relative à l’article 155 vise à prévenir, existe »9. Bien que le respect de la Directive pratique soit obligatoire, des déclarations non conformes pourraient être admises dans deux circonstances : d’une part, lorsque toutes les parties y consentent ; d’autre part, lorsqu’une partie adverse de celle qui a recueilli la déclaration souhaite la présenter comme élément de preuve (par exemple, la Défense présente une déclaration d’un enquêteur de l’Accusation). Celle-ci serait ainsi admissible sous le régime de l’article 155 car « lorsqu’une telle déclaration renforce la position et le dossier de la partie adverse, les inquiétudes quant à la fiabilité de déclarations ainsi déficientes se dissipent »10. La Défense Sabra établit une analogie avec l’exception à la règle du ouï-dire dans certaines juridictions de common law, reflétant le principe de la déclaration incriminante. Selon elle, la fiabilité de la déclaration s’en trouve nécessairement renforcée.

10. La Défense de M. Badreddine (la « Défense Badreddine ») fait valoir que la Directive pratique est censée être contraignante et non simplement indicative. Elle affirme, en s’appuyant sur la jurisprudence des juridictions internationales, que les directives pratiques sont des documents juridiques contraignants que les parties ne peuvent ignorer11. La Chambre de première instance conserve, cependant, le pouvoir discrétionnaire d’admettre des pièces en vertu de l’article 149 C) du Règlement et peut admettre des déclarations non conformes. Elle ne saurait, cependant, le faire à la légère, et ne le peut qu’avec le consentement des parties ou dans des circonstances exceptionnelles. Le non-respect de certaines modalités de la Directive pratique, telles que l’absence de déclaration attestant de la véracité des propos recueillis, de la notification au témoin des conséquences encourues en cas de faux témoignage, et de la date à laquelle la déclaration a été faite, serait, néanmoins, « intolérable ». La

9 Observations Sabra, par. 1.

10 Observations Sabra, par. 23.

11 L’Accusation n’essaye pas, cependant, en déposant sa requête, d’ignorer la Directive pratique.

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Chambre devrait déclarer qu’elle ne tolérera aucune déclaration qui ne respecterait pas les critères de la Directive pratique ou, subsidiairement, ces « critères fondamentaux » (tels que décrits)12.

11. La Défense de M. Ayyash (la « Défense Ayyash ») affirme également que les directives pratiques ont force contraignante et que la Directive pratique vise à préserver la fiabilité et l’intégrité des éléments de preuve. Les garanties procédurales qui y sont inscrites sont nécessaires en cas d’admission d’éléments de preuve sans contre-interrogatoire. Deux exceptions sont admises (celles évoquées par la Défense Sabra). La Défense de M. Oneissi s’est jointe aux observations de la Défense Ayyash.

Examen

La raison d’être de l’article 155 et de ses équivalents internationaux

12. L’article 155 A) du Règlement autorise la Chambre de première instance à admettre des déclarations écrites de témoins en lieu et place d’un témoignage oral et sans contre-interrogatoire. L’admission de tels éléments peut notamment se justifier s’ils ont un caractère cumulatif, se rapportent au contexte, à l’effet des crimes sur les victimes ou portent sur la personnalité de l’accusé.

13. L’admission de déclarations de témoins sans possibilité de les contre-interroger impose la mise en œuvre de garanties procédurales ; en particulier les déclarations écrites ou comptes rendus de dépositions ne doivent pas contenir d’éléments tendant à prouver les actes et le comportement de l’accusé. Les éléments contenus dans les déclarations doivent également satisfaire aux critères essentiels requis pour l’admission des éléments de preuve, à savoir être pertinents et probants, et le préjudice subi ne doit pas l’emporter sur leur valeur probante13. Après audition

12 Observations Badreddine, par. 20.

13 Article 155 A) ii) b) ; voir aussi, par exemple : TPIY, Le Procureur c. Stanislav Galić, IT-98-29-AR73.2, Décision relative à l’appel interlocutoire interjeté en vertu de l’article 92 bis C), 7 juin 2002, par. 12 ; Le Procureur c. Radovan Karadžić, IT-95-5/18-PT, Décision relative à la troisième requête de l’Accusation aux fins de l’admission, en vertu de l’article 92 bis du Règlement, de déclarations écrites et de comptes rendus de dépositions au lieu et place de témoignages oraux (témoins de la municipalité de Sarajevo), 15 octobre 2009, par 4 ; TPIR, Le Procureur c. Bagosora et autres, ICTR-98-41-T, Decision on Prosecutor’s Motion for the Admission of Written Witness Statements under Rule 92 bis, 9 mars 2004, par. 12.

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des parties, la Chambre de première instance demande ou non la comparution du témoin aux fins de contre-interrogatoire, à La Haye ou par voie de vidéoconférence.

14. Cette disposition vise à réduire le temps d’audience nécessaire aux parties pour présenter leurs moyens, améliorant ainsi la rapidité et l’efficacité des procès. Elle permet aux parties de présenter des déclarations ou d’anciens comptes rendus d’audience en lieu et place de témoignages directs, tout en protégeant leurs droits procéduraux.

15. L’article 155 du Règlement procède de dispositions similaires initialement inscrites à l’article 92 bis du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), puis adoptées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda et, sous une forme modifiée, par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone14. La première version du Règlement du TPIY15 ne prévoyait cependant pas d’autre mode de déposition que le témoignage oral devant le Tribunal (comme dans de nombreux systèmes de droit interne). Or, les procédures pénales internationales présentent de nombreuses différences avec les procédures pénales nationales, notamment en termes de durée, de gravité des crimes, de complexité, de coût ou du fait de l’éloignement des juridictions des scènes de crimes. Par conséquent, les circonstances imposant à tous les témoins, ou presque, de faire le voyage depuis l’étranger jusqu’au siège du Tribunal à La Haye, aux Pays-Bas, pour ne présenter, dans de nombreux cas, que des éléments de preuve non litigieux, incontestés ou cumulatifs, se rapportant au contexte ou d’un intérêt purement historique, la durée (et par conséquent le coût) des premiers procès menés par le TPIY paraissait excessive et injustifiée.

16. Ultérieurement, en 2001, l’article 92 bis a été ajouté au Règlement du TPIY en vue de réduire la longueur des procès, tout en s’efforçant simultanément de préserver

14 L’article 92 bis B) du Règlement du Tribunal spécial pour la Sierra Leone dispose que « [TRADUCTION] les informations présentées peuvent être versées au dossier… si elles sont pertinentes aux fins de ce pour quoi elles sont présentées et si leur fiabilité est susceptible d’être confirmée ». Sa Chambre d’appel a déclaré que « [TRADUCTION] la fiabilité n’a pas à être prouvée aux fins de l’admission ; la seule condition est que les informations puissent être corroborées en temps utile » », Prosecutor v. Sam Hinga Norman, Moinina Fofaana, Allieu Kondewa, SCSL-2004-14-AR73, Decision on Appeal Against “Decision on Prosecution’s Motion for Judicial Notice and Admission of Evidence”, 16 mai 2005, par. 26.

15 IT/32, 14 mars 1994, adoptée le 11 février 1994.

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les droits fondamentaux des parties. Le Rapport annuel du TPIY aux Nations Unies publié en septembre 2001 expliquait que le nouvel article avait été créé dans le but « de permettre de verser, sous forme de déclaration écrite, des preuves se rapportant au contexte de l’affaire afin d’accélérer la procédure tout en respectant les droits de l’accusé garantis par le Statut »16. Le même principe sous-tend l’article 155 du Règlement du TSL.

La Directive pratique et son rapport au Statut et au Règlement

17. L’article 28 du Statut du Tribunal précise que le Règlement est adopté par les juges du Tribunal spécial. L’article 32 E) du Règlement dispose que le Président du Tribunal peut, « en consultation avec le Conseil des juges, le Greffier, le Chef du Bureau de la Défense et le Procureur, émettre des Directives pratiques, conformes au Statut et au Règlement, et portant sur des points précis de la conduite de la procédure devant le Tribunal ». Dans l’exercice de cette fonction, le Président a publié plusieurs Directives pratiques.

18. Les Directives pratiques visent à aider le Tribunal et ses Chambre à régler des questions de procédure qui ne figurent pas dans le Statut ou le Règlement. Elles sont subordonnées au Statut et au Règlement, les complètent et s’y conforment. Elles sont produites à la discrétion du Président, dans le cadre de ses fonctions administratives ; elles ne sont ni adoptées ni approuvées par les juges du Tribunal siégeant en session plénière.

19. Une directive pratique serait sans effet si elle était en contradiction avec le Statut ou le Règlement. La Directive pratique relative à la procédure de prise de dépositions en application des articles 123 et 157 et à la prise de dépositions en

16 Huitième rapport annuel du Tribunal international chargé de juger les personnes accusées de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991, A/56/352, S/2001/865, 17 septembre 2001, p. 17 ; voir aussi TPIY, Le Procureur c. Jadranko Prlić et consorts, IT-04-74-AR73.6, Décision relative aux appels interjetés contre la décision d’admission de la transcription de l’audition de l’interrogatoire de Jadranko Prlić, 23 novembre 2007, par. 43. Examinant les raisons qui ont présidé à la modification du Règlement, la Chambre d’appel du TPIY a déclaré que le souci d’économie judiciaire pouvait être pertinent pour apprécier l’opportunité d’admettre des déclarations écrites dans l’intérêt de la justice, mais en vertu de l’article 89 F), Le Procureur c. Slobodan Milošević, IT-02-54-AR73.4, Décision relative à l’appel interlocutoire formé par l’Accusation contre la décision relative à l’admissibilité de déclarations écrites présentées dans le cadre de l’exposé de ses moyens, 30 septembre 2003, par. 20.

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vue de leur admission au Tribunal en vertu de l’article 155 fixe les préconditions requises pour l’admission de déclarations au titre de ce dernier article. La Chambre de première instance est convaincue qu’en précisant les critères qui réglementent les conditions d’admission de déclarations sous le régime de l’article 155 du Règlement, cette Directive pratique est en conformité avec le Statut et le Règlement ; qu’elle s’applique conjointement à l’article 155 du Règlement ; et qu’elle n’affaiblit pas le pouvoir discrétionnaire de la Chambre d’admettre ou non des éléments de preuve.

20. Cette Directive pratique est formulée en termes impératifs, énonçant à l’article 2.1 : « [p]our que la Chambre de première instance examine la déposition écrite d’un témoin en vue de l’admission de celle-ci en vertu de l’article 155 du Règlement, les exigences ci-dessous doivent être respectées ». Bien que les Directives pratiques soient des documents juridiquement contraignants auxquels les Parties sont tenues de se conformer, une Chambre ne doit pas exiger de manière rigide le strict respect de leurs termes et doit conserver le pouvoir discrétionnaire général de s’écarter de leur application stricte lorsqu’une injustice ou un préjudice pourrait en résulter pour l’une des parties17.

21. La Chambre de première instance est donc convaincue qu’il est permis de s’écarter des termes formels d’une Directive pratique si l’intérêt de la justice le commande.

Critères d’admissibilité des déclarations présentées en vertu de l’article 155 du Règlement

22. L’Accusation et la Défense conviennent que dans certaines circonstances, des dépositions peuvent être admises en vertu de l’article 155 du Règlement, bien qu’elles ne soient pas entièrement conformes à la Directive pratique. Elles reconnaissent que ceci doit être apprécié au cas par cas. Toutes les parties admettent dans leurs observations que le critère fondamental pour l’admission des déclarations

17 Voir par exemple, sur la question du statut des Directives pratiques, en général : TPIY, Le Procureur c. Dario Kordić et Mario Čerkez, IT-95-14/2-A, Décision autorisant les mémoires de l’appelant à dépasser la limite imposée par la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes, 29 août 2001, par. 6.

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en vertu de cet article est d’établir les indices de fiabilité nécessaires. La Chambre de première instance souscrit à chacune de ces propositions.

23. L’article 155 du Règlement fixe des critères stricts pour l’admission de dépositions sans contre-interrogatoire. Il ne peut en être autrement puisque la raison d’être dudit article et de ses équivalents internationaux — accélérer les procédures de droit pénal international — implique de limiter les droits normaux d’une partie à contre-interroger les témoins cités par une partie adverse. Une Chambre de première instance doit donc mettre soigneusement en balance l’intérêt public de garantir un procès rapide et efficace et le préjudice que pourrait subir une partie en ne contre-interrogeant pas un témoin déposant contre ses intérêts. Elle doit user de ce pouvoir avec circonspection, et fournir des motifs convaincants pour ce faire.

24. La Directive pratique qui complète l’article 155 vise à assurer que — dans les circonstances où le droit à un contre-interrogatoire est limité — les dépositions présentent l’indice de fiabilité nécessaire pour être admises au titre de l’article 155 du Règlement. La Chambre de première instance doit donc se livrer à un exercice de pondération similaire en déterminant s’il existe des circonstances dans lesquelles le respect à la lettre de la Directive pratique causerait une injustice (ou un préjudice irrémédiable) à l’une des parties en excluant l’admission d’une déclaration, par ailleurs fiable, en tant qu’élément de preuve.

25. La Chambre de première instance doit décider si elle peut admettre une déclaration qui n’est pas conforme à la Directive pratique. La question est donc de savoir si un critère quelconque de celle-ci est si fondamental pour la garantie des indices de fiabilité que son non-respect interdira l’admission de la déclaration en vertu de l’article 155 du Règlement. Et, à l’inverse, s’il est possible d’établir une liste ou une catégorie de critères dont le non-respect serait si « mineur » ou « négligeable » qu’il ne pourrait entamer la fiabilité d’une déclaration.

26. Parmi les nombreux critères énoncés par la Directive pratique aux fins de l’admissibilité, une déclaration doit comporter en première page une fiche de renseignements sur le témoin précisant les éléments suivants (dans l’ordre

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descendant) : nom de famille et prénom(s) ; noms du père et de la mère ; surnom(s) ; date et lieu de naissance ; langue(s) parlée(s) ; langue(s) écrite(s) si différentes de celles parlée(s) ; langue(s) utilisée(s) pour l’audition ; profession actuelle et précédente ; date(s), heure et lieu de la ou des auditions ; nom de la ou des personnes ayant recueilli la déposition ; nom de l’interprète ou des interprètes ; et noms des autres personnes présentes pendant la ou les auditions. Certains critères sont évidemment moins importants que d’autres pour donner à une déclaration l’indice de fiabilité nécessaire autorisant son versement au dossier sans contre-interrogatoire.

27. À l’examen de cette liste, la Chambre de première instance ne pense pas qu’il serait dans l’intérêt de la justice de refuser d’admettre une déclaration présentée sous le régime de l’article 155 du Règlement, au seul motif qu’un critère technique mineur de la Directive pratique n’a pas été respecté. À titre d’illustration, le fait de ne pas préciser une profession antérieure ou un lieu de naissance peut n’avoir aucune incidence sur la fiabilité de la déclaration, comme celui de faire figurer ces informations en dernière page plutôt qu’en couverture. De même, comme l’Accusation le fait valoir, la signature manquante d’un interprète ou le fait que le témoin n’ait pas signé le certificat ne remet pas forcément en cause la fiabilité de la déclaration18. Ce type d’infractions mineures aux Directives pratiques peut donc être ignoré sans risque aux fins d’établir la fiabilité de la déclaration et de la verser au dossier. Dès lors que la Chambre juge qu’une infraction à la Directive pratique est de caractère mineur, elle apprécie si la déclaration peut être admise au titre de l’article 155 et se prononce au cas par cas après audition des parties.

28. 2La Chambre de première instance conclut donc que lorsque l’intérêt de la justice l’exige, elle peut juger une déclaration « conforme » aux fins de son admissibilité sous le régime de l’article 155 du Règlement, en dépit d’une infraction mineure à la Directive pratique. Les raisons justifiant de s’écarter des exigences formelles de la Directive pratique doivent cependant être impérieuses. En outre, la Chambre doit toujours être convaincue par ailleurs de la valeur des indices de fiabilité de la déclaration, notamment de ceux qui concernent l’identité, constatent

18 L’Accusation avance également, cependant, qu’un oubli de vérification de l’identité d’un témoin au moyen d’une carte d’identité n’aura pas d’incidence sur la fiabilité de la déclaration ; Observations de l’Accusation, par. 16.

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la véracité de la déclaration et confirment que le déposant l’a lue ou en a eu lecture dans sa propre langue.

29. À l’inverse, cependant, certains critères énoncés aux articles 1 et 2 de la Directive pratique s’avèrent si essentiels pour établir l’indice de fiabilité qu’il est difficile d’envisager d’accepter qu’ils ne soient pas respectés. Ainsi de l’obligation d’identifier convenablement un témoin, ou de le prévenir qu’il pourra faire l’objet de poursuites pour outrage au Tribunal ou faux témoignage s’il fait intentionnellement et sciemment une fausse déclaration qu’il sait être susceptible de servir de preuve dans une procédure devant le Tribunal (voir paragraphe 2 d) de l’article 2). (Cette liste n’est pas exhaustive). Dans pareils cas, la Chambre examinera également chaque demande sur le fond, ainsi que les circonstances individuelles de chaque déclaration.

30. La Chambre de première instance ne souscrit pas à l’observation de la Défense évoquant deux possibles exceptions — à savoir, lorsque toutes les parties consentent au versement de la déclaration et lorsqu’une partie souhaite présenter la déclaration d’un témoin d’une partie adverse comme élément de preuve. Le consentement des parties n’est qu’un élément dont la Chambre tiendra compte lorsqu’elle déterminera s’il convient d’admettre une déclaration sous le régime de l’article 155 (ou d’une autre disposition). La Chambre se trouve également en désaccord avec l’argument selon lequel le simple fait qu’une partie présente une déposition recueillie par une partie adverse lui confère l’indice de fiabilité nécessaire aux fins de son admission. Qui plus est, le règlement du Tribunal n’interdit pas les témoignages par ouï-dire et la règle de common law invoquée dans les observations de la Défense n’a qu’une application restreinte dans certains systèmes juridiques nationaux. La situation n’est pas analogue aux principes des procédures pénales internationales en général ni, en particulier, aux principes inscrits dans le Règlement du Tribunal spécial.

31. La Chambre de première instance adoptera donc les principes ci-après pour statuer sur les demandes d’admission, sous le régime de l’article 155 du Règlement, de déclarations non conformes à la Directive pratique :

a) Premièrement, le principe prédominant est de déterminer la fiabilité d’une déclaration ;

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b) Deuxièmement, la Chambre ne s’écartera des termes stricts de la Directive pratique qu’à raison de motifs impérieux ;

c) Troisièmement, la détermination se fera au cas par cas. Chaque demande sera examinée individuellement et soigneusement étudiée ;

d) Quatrièmement, certaines infractions seront considérées comme si lourdes de conséquences ou si fondamentales pour établir la fiabilité d’une déclaration qu’elles ne pourront être ignorées. Il est impossible de fournir une liste exhaustive de telles infractions ; et

e) Cinquièmement, en cas d’infractions mineures, s’il existe des indices de fiabilité suffisants pour ne pas en tenir compte, certaines déclarations pourront être déclarées conformes au regard des critères d’admissibilité.

Inapplicabilité de l’article 155 B) du Règlement

32. L’article 155 B) du Règlement autorise l’admission de déclarations non signées, « dans des circonstances exceptionnelles », à titre d’exception à la règle générale selon laquelle « la déclaration écrite doit avoir été signée par la personne qui la recueille et qui conduit l’interrogatoire… ». Toutefois, cette disposition concerne strictement l’absence de signature sur une déclaration et ne peut être interprétée comme l’octroi d’un pouvoir discrétionnaire général au regard de l’ensemble des cas de non-respect de la Directive pratique.

Réparation des vices et autres conséquences dans les cas de non-respect

33. La raison pour laquelle cette question a été transmise à la Chambre de première instance avant que celle-ci soit saisie du dossier en application de l’article 95 du Règlement était de faire savoir aux parties (et notamment à l’Accusation), avant le procès, si des déclarations qui n’étaient pas pleinement conformes à la Directive pratique pouvaient néanmoins être versées au dossier. La priorité devrait donc être à présent de tenter de rectifier les déclarations qui ne respecteraient pas les exigences de la Directive pratique.

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34. L’Accusation devrait donc — si elle souhaite présenter des déclarations en vertu de l’article 155 du Règlement, sans demander aux témoins de comparaître aux fins de contre-interrogatoire — faire son possible pour corriger toute déclaration non conforme avant de solliciter son admission. La Chambre de première instance invite instamment l’Accusation à le faire dans les meilleurs délais.

35. En cas d’impossibilité — et si l’Accusation souhaite toujours présenter la déclaration comme élément de preuve — et lorsque l’infraction est si importante qu’en l’absence de toute rectification, elle introduirait un doute quant à la fiabilité de la déclaration, la Chambre de première instance demandera au témoin de comparaître aux fins de contre-interrogatoire (à La Haye ou par voie de vidéoconférence).

36. Subsidiairement, dans des circonstances appropriées, l’Accusation pourrait demander l’autorisation de présenter une telle déclaration sous le régime de l’article 158 du règlement (personnes non disponibles). La Chambre de première instance devra néanmoins toujours être convaincue de la fiabilité de la déclaration en application de l’article 158 A) ii) du règlement.

Admission de déclarations en vertu de l’article 155 du Règlement au stade actuel de la procédure

37. La Chambre de première instance n’est pas saisie de l’affaire en application de l’article 95 du règlement et n’a pas encore suffisamment d’éléments pour se prononcer sur le versement au dossier des dix déclarations de l’Accusation, que ce soit sous le régime de l’article 155 ou d’une autre disposition. La Chambre se prononcera sur l’admissibilité de toute déclaration présentée aux fins de son versement au dossier (sous n’importe quel régime) au cas par cas et en temps utile, sachant que toute partie est autorisée à présenter des déclarations en application de cet article à tout stade du procès.

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PAR CES MOTIFS, la Chambre de première instance :

i) Reporte au moment opportun l’examen de la demande de l’Accusation aux fins de l’admission de déclarations en vertu de l’article 155 du règlement ; et

ii) invite instamment l’Accusation à prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier à ou corriger toute absence de conformité avec la Directive pratique identifiée dans les déclarations présentées aux fins de leur admission sous le régime de l’article 155 du règlement.

Fait en arabe, anglais et français, la version en anglais faisant foi.

Le 30 mai 2013, Leidschendam (Pays-Bas)

Robert Roth, Juge Président

Juge Micheline Braidy Juge David Re

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7.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : Chambre de première instance

Titre : Décision relative aux vices de forme allégués del’acted’accusationmodifiédu21juin2013

Titre réduit : Vices de forme de l’acte d’accusation CPI

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DEVANT LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Affaire n° : STL-11-01/PT/TC

Devant : M. le juge David Re, président Mme le juge Janet Nosworthy Mme le juge Micheline Braidy M. le juge Walid Akoum, juge suppléant

Le Greffier : M. Daryl Mundis

Date : 13 septembre 2013

Original : Anglais

Type de document : Public

LE PROCUREUR c.

SALIM JAMIL AYYASH, MUSTAFA AMINE BADREDDINE,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA

DÉCISION RELATIVE AUX VICES DE FORME ALLÉGUÉS DE L’ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ DU 21 JUIN 2013

Bureau du Procureur : M. Norman Farrell

Conseils de M. Salim Jamil Ayyash : M. Eugene O’Sullivan M. Emile Aoun

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes

Conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: M. Antoine Korkmaz M. John JonesConseils de M. Hussein Hassan Oneissi: M. Vincent Courcelle-Labrousse M. Yasser HassanConseils de M. Assad Hassan Sabra: M. David Young M. Guénaël Mettraux

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Vices de forme de l’acte d’accusation CPI

INTRODUCTION

1. Les conseils de la défense de trois des accusés, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra, ont contesté l’acte d’accusation modifié daté du 21 juin 2013, au motif qu’il serait entaché de vices de forme. L’Accusation s’est opposée aux requêtes soulevant cette exception préjudicielle.

2. La Chambre de première instance conclut que l’exception pour vice de forme soulevée par la Défense est dénuée de fondement, et rejette les trois requêtes. Elle conclut que l’acte d’accusation modifié donne aux conseils des accusés suffisamment de précisions pour les informer clairement de la nature et des motifs des accusations, et pour leur permettre de préparer la défense de leur cause au procès.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

3. Le 10 juin 2011, l’Accusation a déposé un acte d’accusation à l’encontre de Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, leur imputant des crimes liés à la mort de Rafic Hariri et d’autres personnes à Beyrouth, le 14 février 20051. L’acte d’accusation a été confirmé par le Juge de la mise en état le 28 juin 20112.

4. Le 25 juin 2012, les conseils de la défense de Badreddine, Oneissi et Sabra ont soulevé des exceptions préjudicielles en application de l’article 90 A) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement »), au motif que l’acte d’accusation serait entaché de vices de forme3.

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Acte d’accusation, confidentiel, 10 juin 2011. Une version publique expurgée datée du même jour a été déposée le 16 août 2011.

2 STL-11-01/I/PTJ, Décision relative à l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra, confidentiel, 28 juin 2011. Une version publique expurgée a été déposée le 16 août 2011.

3 STL-11-01/PT/TC, Sabra’s Preliminary Motion Challenging the Form of the Indictment, confidentiel, 25 juin 2012, avec une version publique expurgée datée du même jour ; Exception préjudicielle présentée par la Défense de M. Mustafa Amine Badreddine sur le fondement de l’article 90-A-ii du Règlement de procédure et de preuve, 25 juin 2012 ; The Defence for Hussein Hassan Oneissi Preliminary Motion on Defects in the Form of the Indictment, 25 juin 2012. L’Accusation a répondu en déposant un document intitulé « Prosecution Consolidated

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Vices de forme de l’acte d’accusation CPI

5. Le 17 août 2012, l’Accusation a cependant demandé au Juge de la mise en état l’autorisation de modifier l’acte d’accusation4. Reconnaissant que la modification de l’acte d’accusation pourrait avoir une incidence sur les exceptions soulevées par la Défense pour vice de forme dudit document, la Chambre de première instance a, le 12 septembre 2012, reporté son examen des requêtes de la Défense jusqu’à ce que le Juge de la mise en état se prononce sur ladite modification5.

6. Le 25 octobre 2012, le Juge de la mise en état a fait droit à la requête de l’Accusation aux fins de modification de l’acte d’accusation6 et, le 8 novembre 2012, l’Accusation a déposé un acte d’accusation modifié. Toutefois, elle a également demandé au Juge de la mise en état l’autorisation d’y apporter deux éclaircissements supplémentaires7. Les conseils de Sabra ont ensuite déposé une requête soulevant des vices de forme de l’acte d’accusation modifié8.

7. Le 5 décembre 2012, relevant que le Juge de la mise en état n’avait pas encore tranché la requête de l’Accusation visant à procéder à des « éclaircissements » dans l’acte d’accusation modifié, la Chambre de première instance a reporté l’examen de la requête de la Défense9. Les conseils de Sabra ont également déposé une requête devant le Juge de la mise en état aux fins de « complément d’information » concernant l’acte d’accusation modifié10. Au vu des similitudes entre cette requête et les exceptions préjudicielles fondées sur des vices de forme de l’acte d’accusation, qui étaient pendantes devant la Chambre de première instance, le Juge de la mise

Response to the Defence Motions Alleging Defects in the Form of the Indictment », confidentiel, 25 juillet 2012.

4 Article 71 A) ii), STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Request for Leave to Amend the Indictment Pursuant to Rule 71(A) (ii), confidentiel, 17 août 2012, une version publique expurgée a été déposée le 18 septembre 2012.

5 STL-11-01/PT/TC, Décision avant dire droit relative aux vices de forme allégués de l’acte d’accusation, confidentiel, 12 septembre 2012.

6 STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la requête du Procureur du 17 août 2012 aux fins de déposer un acte d’accusation modifié, 25 octobre 2012.

7 STL-11-01/PT/PTJ, Filing of the Amended Indictment in Compliance with the Decision of 25 October 2012 & Request for Amended Arrest Warrants and Orders/Requests for Transfer and Detention, confidentiel, 8 novembre 2012.

8 STL-11-01/PT/TC, Sabra’s Second Preliminary Motion Challenging the Form of the Indictment, 26 novembre 2012.

9 STL-11-01/PT/TC, Décision relative à la deuxième requête de Sabra soulevant l’exception préjudicielle fondée sur un vice de forme de l’acte d’accusation, 5 décembre 2012.

10 STL-11-01/PT/PTJ, Motion for Particulars, 30 novembre 2012.

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en état s’est déclaré incompétent pour se prononcer sur la requête aux fins de complément d’information11.

8. Le 6 février 2013, l’Accusation a une nouvelle fois demandé au Juge de la mise en état l’autorisation de modifier l’acte d’accusation — mais cette fois s’agissant de l’acte d’accusation modifié déposé le 8 novembre 201212. Le 12 avril 2013, le Juge de la mise en état a autorisé l’Accusation à remanier l’acte d’accusation modifié, et déclaré que l’acte d’accusation du 6 février 2013 remplaçait les précédents13. L’Accusation a ensuite (le 17 avril 2013) déposé une version signée de cet acte d’accusation modifié14.

9. Le lendemain, la Chambre de première instance a déclaré sans objet les requêtes précédemment déposées par la Défense soulevant un vice de forme de l’acte d’accusation, et a invité les conseils de la défense à déposer toute nouvelle requête au plus tard le 3 mai 201315. Les 2 et 3 mai 2013, les conseils de Badreddine, Oneissi et Sabra ont soulevé des exceptions préjudicielles, en application de l’article 90 A) du Règlement, fondées sur un vice de forme de l’acte d’accusation modifié16. L’Accusation a déposé une réponse consolidée le 24 mai 201317.

11 STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la requête de la Défense de M. Sabra aux fins de complément d’information, 22 janvier 2013.

12 STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Request for Leave to Include Further Amendments to its Proposed Amended Indictment, 6 février 2013.

13 STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative aux requêtes du Procureur du 8 novembre 2012 et du 6 février 2013 aux fins de déposer un acte d’accusation modifié, 12 avril 2013.

14 STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution’s Filing of the Signed Version of the Amended Indictment in Compliance with the Pre-Trial Judge’s Decision of 12 April 2013 & Request for Amended Arrest Warrants and Orders/Requests for Transfer and Detention, 17 avril 2013.

15 STL-11-01/PT/TC, Ordonnance autorisant la Défense à déposer des exceptions préjudicielles fondées sur un vice de forme de l’acte d’accusation modifié du 6 février 2013, 18 avril 2013.

16 STL-11-01/PT/TC, Consolidated Motion on Form of the Indictment, 2 mai 2013 (la « Requête de Sabra ») ; Exception préjudicielle formée contre l’Acte d’accusation du 6 février 2013 par la Défense de M. Oneissi en vertu de l’article 90(A)(ii), confidentiel, 3 mai 2013 (la « Requête de Oneissi ») ; Double exception préjudicielle présentée par la Défense de M. Badreddine à l’encontre de la « Décision relative aux requêtes du Procureur du 8 novembre 2012 et du 6 février 2013 aux fins de déposer un acte d’accusation modifié » et de « l’Acte d’accusation modifié », 3 mai 2013 (la « Requête de Badreddine »).

17 STL-11-01/PT/TC, Prosecution Consolidated Response to Preliminary Defence Motions Alleging Defects in the Amended Indictment, 24 mai 2013 (la « Réponse de l’Accusation »).

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Vices de forme de l’acte d’accusation CPI

10. La Chambre de première instance a rejeté ces requêtes le 12 juin 201318. Le 19 juin 2013, les conseils de MM. Oneissi et Sabra ont déposé une requête en certification en vue d’interjeter appel de la décision, et les conseils de M. Badreddine ont déposé une requête en certification et réexamen19. Le juge président de la Chambre de première instance a rejeté la requête en réexamen20 et, le 5 juillet 2013, la Chambre de première instance a fait droit aux requêtes en certification aux fins d’appel21. Les conseils de MM. Badreddine, Oneissi et Sabra ont ensuite déposé des appels distincts22. Le 21 juin 2013, avant que la Chambre de première instance ne certifie sa décision aux fins d’appel, le Procureur a déposé une nouvelle requête en modification de l’acte d’accusation modifié du 6 février 201323. Le Juge de la mise en état a accueilli cette requête le 17 juillet 201324 et, le 2 août 2013, le Procureur a déposé l’acte d’accusation modifié.25

11. Le 5 août 2013, la Chambre d’appel a rejeté les trois appels interjetés contre la Décision de la Chambre de première instance comme étant ‘sans objet’, et déclaré

18 STL-11-01/PT/TC, Décision relative aux vices de forme allégués de l’Acte d’accusation modifié, 12 juin 2013.

19 STL-11-01/PT/TC, Requête de la Défense de M. Oneissi aux fins de la certification de l’appel de la décision de la Chambre de première instance «Decision on Alleged Defects in the Form of the amended Indictment», 19 juin 2013 ; Sabra Defence Request for Leave to Appeal the Decision on Alleged Defects in the Form of the Amended Indictment, 19 juin 2013 ; Requête de la Défense de M. Badreddine en autorisation aux fins de réexamen et/ou en certification aux fins d’appel de la Décision du 12 juin 2013 relative aux exceptions préjudicielles fondées sur un vice de forme de l’acte d’accusation, 19 juin 2013.

20 STL-11-01/PT/TC, Décision refusant à la Défense de M. Badreddine l’autorisation de déposer une requête en réexamen, 2 juillet 2013.

21 STL-11-01/PT/TC, Décision sur les requêtes aux fins de certification en vue d’interjeter appel contre la décision de la Chambre de première instance du 12 juin 2013, 5 juillet 2013.

22 STL-11-01/PT/AC/AR90.2, Oneissi Defence Appeal of the Decision on the Alleged Defects in the Form of the Amended Indictment, 22 juillet 2013 ; Sabra Defence Appeal of the Decision on Alleged Defects in the Form of the Amended Indictment, 16 juillet 2013 ; Mémoire d’appel de la Défense de M. Badreddine à l’encontre de la Décision de la Chambre de première instance du 12 juin 2013 relative aux exceptions préjudicielles fondées sur des vices de forme de l’Acte d’accusation, 17 juillet 2013.

23 STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Further Request for Leave to Amend the Indictment, 21 juin 2013.

24 STL-11-01/PT/PTJ, Ordonnance faisant droit à la Requête de l’Accusation aux fins d’autorisation de répliquer aux réponses de la Défense au document intitulé « Prosecution further request for leave to amend the indictment », 17 juillet 2013.

25 STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution’s Filing of the Signed Version of the Amended Indictment in Compliance with the Pre-Trial Judge’s Decision of 31 July 2013 & Request for Amended Arrest Warrants and Orders/Requests for Transfer and Detention, 2 août 2013.

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que la Défense pouvait déposer des requêtes devant la Chambre de première instance visant l’acte d’accusation modifié du 21 juin 2013.26

12. Le 13 août 2013, la Chambre de première instance a émis une ordonnance aux fins de dépôt de nouvelles requêtes27 et, le 19 août 2013, les conseils de la Défense de MM. Badreddine, Oneissi et Sabra ont déposé des requêtes révisées soulevant l’exception préjudicielle fondée sur des vices de forme de l’acte d’accusation modifié28. Le Procureur a déposé une réponse globale le 30 août 201329. Les requêtes et la réponse sont très semblables dans leur forme, bien que plus succinctes que celles déposées en mai 2013. La présente décision est par conséquent similaire à celle du 12 juin 2013 rejetant les requêtes soulevant l’exception préjudicielle fondée sur des vices de forme de l’acte d’accusation précédemment modifié déposées auparavant.

DROIT APPLICABLE

13. L’article 16 du Statut du Tribunal (« Droits de l’accusé ») énonce les droits de l’accusé à un procès équitable, y compris à ce que « sa cause soit entendue équitablement et publiquement ». Les instruments internationaux relatifs aux droits de la personne exigent que les personnes accusées aient le droit d’être informées des

26 STL-11-01/PT/AC/AR90.2, Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense contre la décision relative aux vices de forme allégués de l’acte d’accusation rendue par la Chambre de première instance, (l’« Arrêt de la Chambre d’appel »), 5 août 2013.

27 STL-11-01/PT/TC, Ordonnance fixant la date-limite de dépôt par la défense d’exceptions préjudicielles pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié du 21 juin 2013, 13 août 2013.

28 STL-11-01/PT/TC, The Defence for Hussein Hassan Oneissi Preliminary Motion on the Defects in the Form of the Amended Indictment of 21 June 2013, confidentiel (la « Requête de la Défense de M. Oneissi »), 19 août 2013, une version publique expurgée a été déposée le 20 août 2013 ; Preliminary Motion on the Form of the Indictment, confidentiel (la « Requête de la Défense de M. Sabra »), 19 août 2013, avec une version publique expurgée déposée le 23 août 2013 ; Nouvelle exception préjudicielle présentée par la Défense de M. Badreddine a l’encontre de l’Acte d’accusation modifié du 21 juin 2013 (la « Requête de Badreddine »), 19 août 2013.

29 STL-11-01/PT/TC, Prosecution Consolidated Response to Preliminary Motions on the Form of the Indictment, confidentiel (« Réponse du Procureur »), 30 août 2013, avec une version publique expurgée déposée le 13 septembre 2013.

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accusations retenues à leur encontre30, et l’article 16 4) A) se fait l’écho de ces droits en disposant comme suit :

Lors de l’examen des charges portées contre lui conformément au présent Statut, l’accusé a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

a) Être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui.

14. L’article 68 D) du Règlement détaille ce droit en disposant qu’un acte d’accusation doit préciser « le nom du suspect et les renseignements personnels le concernant, et énonce[r] de manière concise les faits qui lui sont reprochés et le crime dont il est accusé ».

15. L’article 3 A) du Règlement dispose que celui-ci doit être interprété conformément à l’esprit du Statut et, pertinemment en l’espèce, conformément aux normes internationales en matière de droits de la personne et aux principes généraux du droit international pénal. Le droit des accusés d’être informés des accusations portées contre eux en vertu du droit international relatif aux droits de la personne est énoncé dans le Statut et le Règlement. En outre, nombre de décisions rendues par d’autres juridictions pénales internationales ont interprété et développé ce droit.

16. Les articles 21 4), 20 4) et 17 4) a) (respectivement) du Statut du Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie (TPIY), du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et du Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) sont identiques à l’article 16 4) a) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban. Les articles 47 C) des Règlements de procédure et de preuve des deux tribunaux ad hoc sont également identiques à l’article 68 D) du Règlement du Tribunal spécial pour le

30 Voir par exemple, le paragraphe 3.a de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, et l’alinéa a) du paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, lequel consacre le droit d’une personne d’« être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle » ; voir aussi l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 8 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, lequel prévoit la « notification préalable et détaillée à l’accusé des charges portées contre lui ». Selon la jurisprudence de la CEDH, un procès équitable exige des actes d’accusation qu’ils énoncent les accusations et la forme de responsabilité retenues ; voir par exemple, Affaire Penev c. Bulgarie, Requête n° 20494/04, 7 janvier 2012, par. 44 ; Affaire Varela Geis c. Espagne, Requête n° 61005/09, 5 mars 2013, par. 42.

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Liban31. Les Chambres de première instance et d’appel des deux tribunaux ad hoc, ainsi que celles du TSSL, ont interprété de manière approfondie les équivalents, dans leurs textes fondamentaux, de l’article 16 4) a) du Statut et de l’article 68 D) du Règlement du Tribunal spécial pour le Liban.

17. Un examen de cette jurisprudence internationale permet de dégager les principes généraux du droit pénal international suivants :

• l’Accusation doit circonstancier les faits essentiels qui sous-tendent les accusations portées avec suffisamment de précision pour informer clairement un accusé de la nature et des motifs des accusations retenues à son encontre afin qu’il puisse préparer sa défense32 ;

• il existe une différence claire entre les faits essentiels (qui doivent être exposés) et les éléments de preuve présentés pour les établir33 ;

• l’Accusation n’est pas tenue de présenter les éléments de preuve utilisés pour établir les faits essentiels exposés34 ;

31 Bien que son libellé soit légèrement différent, la règle 47 C) du TSSL est identique sur le fond en ce qu’elle énonce que « [traduction] l’acte d’accusation doit contenir, et est réputé suffisant le cas échéant, le nom du suspect et les renseignements personnels le concernant, un exposé de chacun des crimes spécifiques reprochés au suspect en question ainsi qu’une brève description des éléments de ces infractions. Il doit être accompagné d’un résumé des moyens de l’Accusation décrivant brièvement les allégations que le Procureur entend prouver en plaidant sa cause ».

32 TPIY, Le Procureur c/ Furundzija, Affaire n° IT-95-17/1-A, Arrêt, 21 juillet 2000 (« l’Arrêt Furundzija »), par. 61 et 147 ; Le Procureur c/ Kupreškić, Affaire n° IT-95-16-A, Arrêt, 23 octobre 2001 (« l’Arrêt Kupreškić »), par. 88 ; Le Procureur c/ Blaškić, Affaire n° IT-95-14-A, Arrêt, 29 juillet 2004 (« l’Arrêt Blaškić »), par. 209 ; Le Procureur c/ Stakić, Affaire n° IT-97-24-A, Arrêt, 22 mars 2006 (« l’Arrêt Stakić »), par. 116 ; Le Procureur c/ Simić, Affaire n° IT-95-9-A, Arrêt, 28 novembre 2006 (« l’Arrêt Simić »), par. 20 ; voir aussi, Ntabakuze c. Le Procureur, Affaire No. ICTR-98-41A-A, Judgement, 8 mai 2012, par. 30 et la jurisprudence du TPIR à laquelle il y est fait référence.

33 Arrêt Blaškić, par. 210 ; Arrêt Stakić, par. 116.

34 Arrêt Furundzija, par. 61, 147 et 153 ; TPIR, Le Procureur c. Ntagerura, Affaire No. ICTR-99-46-A, Arrêt, 7 juillet 2006 (« l’Arrêt Ntagerura »), par. 21 ; Arrêt Simić, par. 20 ; Uwinkindi c. Le Procureur, Affaire No. ICTR-01-75-AR72(c), Décision relative à l’appel de la Défense contre la décision rejetant l’exception préjudicielle fondée sur un vice de forme de l’acte d’accusation, 16 novembre 2011 (« la Décision Uwinkindi »), par. 4.

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• un acte d’accusation ne saurait manifestement énoncer tous les éléments de preuve que le Procureur compte produire lors du procès35 ;

• un acte d’accusation doit être considéré comme un tout, et les paragraphes sélectionnés doivent être lus du point de vue de l’ensemble du document36 ;

• le caractère essentiel ou non d’un fait particulier ne peut être décidé dans l’abstrait et dépend de la nature de la cause de l’Accusation37 ;

• le comportement criminel reproché constitue un élément décisif pour déterminer le degré de précision nécessaire dans l’acte d’accusation38 ;

• s’agissant de l’identité des auteurs des actes qui sont imputés à un accusé sans qu’il lui soit reproché de les avoir personnellement commis, il suffit d’identifier ces auteurs en précisant la catégorie ou le groupe pour un lieu de crime en particulier39 ;

• une date peut être considérée comme un fait essentiel si elle est nécessaire pour informer clairement un accusé des accusations retenues contre lui et lui permettre ainsi de préparer sa défense40 ;

• un intervalle de temps raisonnable peut être invoqué lorsqu’on ne peut indiquer précisément les dates auxquelles la conduite criminelle présumée a eu lieu41 ;

35 Arrêt Furundzija, par. 153.

36 Rutaganda c. Le Procureur, Affaire No. ICTR ICTR-96-3-A, Arrêt, 26 mai 2003, par. 304 ; Gacumbitsi c. Le Procureur, Affaire No. ICTR-2001-64-A, Arrêt, 7 juillet 2006, par. 123 ; Le Procureur c. Seromba, Affaire No. ICTR-2001-66-A, Arrêt, 12 mars 2008, par. 27.

37 Arrêt Kupreškić, par. 89 ; Arrêt Blaškić, par. 210 ; voir aussi, Décision Uwinkindi, par. 4 et la jurisprudence à laquelle il y est fait référence.

38 Arrêt Kupreškić, par. 89 ; Arrêt Blaškić, par. 210.

39 Le Procureur c/ Krnojelac, Affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de l’acte d’accusation, 24 février 1999, par. 46 ; Arrêt Blaškić, par. 218 ; Simba c. Le Procureur, Affaire No. ICTR-01-76-A, Arrêt, 27 novembre 2007, par. 71 et 72 ; Muvunyi c. Le Procureur, Affaire No. ICTR-2000-55-A-A, Arrêt, 29 août 2008 (« l’Arrêt Muvunyi ») par. 55 ; Renzaho c. Le Procureur, Affaire No. ICTR-97-31-A, Arrêt, 1er avril 2011, par. 64.

40 Ndindabahizi c. Le Procureur, Affaire No. ICTR- 01-71-A, Arrêt, 16 janvier 2007 (« l’Arrêt Ndindabahizi ») par. 19.

41 Le Procureur c/ Brđanin et Talić, Affaire n° IT-99-36-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle soulevée

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• un intervalle de temps largement défini ne suffit pas à lui seul à invalider un paragraphe d’un acte d’accusation42 ;

• le degré de précision avec lequel les dates doivent être indiquées varie d’une affaire à l’autre43 ;

• l’Accusation doit rendre compte de l’état du dossier à charge au mieux de ses capacités44, ou fournir « [traduction] la meilleure information dont elle dispose45 » ;

• lorsqu’elle est connue, l’identité des parties à l’entente doit être spécifiée46 ; et

• une chambre doit établir une distinction entre un désaccord sur les faits allégués (litige qui sera tranché au procès) et un vice de forme de l’acte d’accusation47, ainsi qu’entre les faits essentiels et les moyens de preuve qui permettent d’établir lesdits faits48.

18. La Chambre de première instance fait siens ces principes généraux du droit pénal international tels que décidés, auxquels elle souscrit pleinement, et les

par Momir Talić pour vices de forme de l’acte d’accusation, 20 février 2001, par. 22 ; Arrêt Ndindabahizi, par. 19 et 20 ; Arrêt Muvunyi, par. 58.

42 Arrêt Muvunyi, par. 58 ; Rukundo c. Le Procureur, Affaire No. ICTR-2001-70-A, Arrêt, 20 octobre 2010, par. 163 ; Bagosora et Nsengiyumva c. Le Procureur, Affaire No. ICTR-98-41-A, Judgement, 14 décembre 2011, par. 150.

43 Arrêt Ndindabahizi, par. 20.

44 Arrêt Kupreškić, par. 92 et 95 ; Le Procureur c/ Kvočka, Affaire n° IT-98-30/1-A, Arrêt, 28 février 2005, par. 30.

45 TSSL, Le Procureur c. Sesay, SCSL-04-15-T, Judgement, 2 mars 2009, par. 398.

46 Le Procureur c. Nahimana, Affaire No. ICTR-96-11-T, Décision sur la requête du Procureur en modification de l’acte d’accusation, 5 novembre 1999, par. 19 ; Le Procureur c. Barayagwiza, Affaire No. ICTR-97-19-I, Décision relative à la requête du Procureur en modification de l’acte d’accusation, 11 avril 2000, p. 3 ; Le Procureur c. Nyiramasuhuko, Affaire No. ICTR-97-21-T, Decision on Nyiramashuko’s Preliminary Motion based on Defects in the Form and the Substance of the Indictment, 1er novembre 2000, para. 58 et 60 ; Le Procureur c. Bikindi, Affaire No. ICTR-2001-72-I, Décision relative à la requête de la Défense intitulée « Motion by the accused Simon Bikindi challenging the temporal jurisdiction of the Tribunal and objecting to the form of the indictment » et à la requête du Procureur intitulée « Prosecutor’s motion for leave to file an amended indictment », 22 septembre 2003, par. 38 i).

47 Le Procureur c/ Kvočka, Affaire n° IT-98-30-PT, Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de l’acte d’accusation, 12 avril 1999, par. 40.

48 Arrêt Furundzija, par. 153.

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Vices de forme de l’acte d’accusation CPI

appliquera lors de l’examen des exceptions préjudicielles de la Défense fondées sur un vice de forme de l’acte d’accusation.

EXAMEN

19. La principale question à trancher est celle de la présence, dans l’acte d’accusation modifié, d’un exposé concis de l’action intentée contre les accusés, indiquant les faits essentiels avec suffisamment de précision pour permettre aux conseils de préparer leur défense au procès.

20. La prétention consistant à « ne pas annuler » l’acte d’accusation du 10 juin 2011, ne relève pas d’une requête dûment introduite en vertu de l’article 90 A) ii). La présente Décision se penche dans un premier temps sur cette question, puis examine les vices de forme spécifiques reprochés à l’acte d’accusation, soit individuellement soit, pour des raisons pratiques, de manière thématique.

Rejet de la demande visant à « ne pas annuler » l’acte d’accusation du 10 juin 2011

21. Les conseils de M. Badreddine demandent à la Chambre de première instance de :

a) déclarer que l’acte d’accusation du 10 juin 2011 n’est « pas annulé », et de « lui donner acte de ses réserves quant à l’inopposabilité à l’Accusé du maintien d’une telle annulation, laquelle ne saurait porter préjudice à l’exercice de ses droits dans la présente procédure ou dans toute éventuelle procédure à venir » ;

b) de dire que l’acte d’accusation modifié est vague à l’excès et par conséquent vicié, et

c) de suspendre la procédure et les poursuites (ou, subsidiairement, d’ordonner au Procureur de remanier l’acte d’accusation modifié de la manière souhaitée).

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Vices de forme de l’acte d’accusation CPI

22. Cependant, la Chambre de première instance ne peut pas faire ce qui lui est demandé au paragraphe 21 a). L’acte d’accusation du 21 juin 2013 est en vigueur ; l’acte d’accusation initial du 10 juin 2011, qui a été remplacé successivement par des actes d’accusation modifiés déposés ultérieurement, n’est plus en vigueur. Étant donné que la Chambre de première instance n’a pas à se prononcer sur une décision du Juge de la mise en état, elle n’est pas compétente pour déclarer qu’un acte d’accusation qui n’est plus en vigueur n’est « pas annulé ». De surcroît, la Chambre d’appel – relativement à l’appel interjeté pour vice de forme de l’acte d’accusation modifié du 6 février 2013 – n’a pas « [TRADUCTION] accueilli les appels lorsque les bases qui les sous-tendent – à savoir l’existence de l’acte d’accusation antérieur – ont été fondamentalement altérées » (par la confirmation de l’acte d’accusation à nouveau modifié du 21 juin 2013)49. La Chambre de première instance rejette par conséquent la mesure sollicitée.

23. En ce qui concerne la demande de « lui donner acte de ses réserves quant à l’inopposabilité à l’Accusé du maintien d’une telle annulation, laquelle ne saurait porter préjudice à l’exercice de ses droits dans la présente procédure ou dans toute éventuelle procédure à venir » ; les conseils de Badreddine n’ont démontré aucun préjudice ou iniquité à l’égard de leur client. La Chambre de première instance rejette par conséquent la requête.

24. En ce qui concerne la mesure sollicitée à titre subsidiaire, la Chambre de première instance a statué aux paragraphes 25 à 50 que l’acte d’accusation était suffisamment précis. De ce fait, la Chambre de première instance ne « suspendra pas » (ou « n’ajournera pas ») la procédure ou les poursuites.

Une affaire reposant sur la preuve indiciaire jugée par défaut requiert un degré de précision plus élevé de l’acte d’accusation

25. Les conseils de la Défense de MM. Oneissi et Sabra ont avancé qu’un degré de précision plus élevé était requis dans l’acte d’accusation modifié, étant donné que le procès se tiendra par défaut et que le Procureur se fonde en grande partie

49 Arrêt de la Chambre d’appel, par. 20.

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sur des éléments de preuve indiciaires50. L’Accusation a répondu que ni les procès par défaut ni la nature indirciaire des éléments de preuve n’exigeaient un degré de précision plus élevé dans l’acte d’accusation, et que la Défense n’avait fourni aucun fondement juridique à l’appui de cet argument51.

26. La Chambre de première instance n’a pas connaissance d’un fondement juridique à l’appui de l’argument de la Défense et n’est pas convaincue par les arguments selon lesquels les procédures par défaut et les éléments de preuve indiciaires, soit isolément, soit conjointement, imposeraient au Procureur l’obligation d’être plus précis lorsqu’il dépose un acte d’accusation. Au moment du dépôt, un Procureur n’a pas à s’efforcer de prévoir si le procès se tiendra ultérieurement par défaut. Ce sont la qualité et la suffisance des éléments figurant dans un acte d’accusation, et non la catégorie d’affaire ou le type de moyens de preuve, qui sont décisives pour trancher si un acte d’accusation est entaché d’un vice de forme.

27. En outre, l’intégralité des moyens à charge présentés à l’encontre de ces Accusés est comprise à la fois dans l’acte d’accusation modifié, dans le mémoire d’avant-procès du Procureur et dans les éléments de preuve qu’il entend utiliser au procès, pris conjointement – et ces derniers ont été communiqués à leurs conseils. C’est cet ensemble d’informations, plutôt que celles qui sont mentionnées dans l’acte d’accusation lui-même, qui informe les conseils de la Défense de la nature et des motifs nécessaires pour leur permettre de défendre convenablement leurs clients. Par conséquent, même si le Procureur est tenu de fournir des informations plus circonstanciées aux conseils assurant la défense des accusés dans le cadre d’une procédure par défaut, et lorsque les éléments de preuve consistent en des indices, les conseils de la Défense sont informés par l’ensemble de ces informations, et non uniquement par celles figurant dans un acte d’accusation. Cet argument est par conséquent rejeté.

50 Requête de Badreddine, par. 21 à 25 ; Requête de Sabra, par. 7 et 8 ; Requête de Oneissi, par. 13.

51 Réponse de l’Accusation, par. 30 et 31.

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Vices de forme de l’acte d’accusation CPI

Recours au Code de procédure pénale libanais

28. Les conseils de la Défense de M. Oneissi ont fait valoir que l’article 68 D) devrait être interprété en cohérence plus étroite avec l’article 131 du Code de procédure pénale libanais, parce que les dispositions du Statut et du Règlement relatives au degré de précision requis dans un acte d’accusation sont insuffisament précises. Un acte d’accusation plus précis aiderait la Défense à se préparer52. Le Procureur a répondu que le Tribunal spécial devrait statuer sur les conditions de validité d’un acte d’accusation « [TRADUCTION] conformément aux mêmes principes bien établis qui régissent les actes d’accusation » au TPIY et au TPIR53, et que les conseils de la Défense de M. Oneissi n’étaient pas parvenus, en l’absence d’ambiguïté, à justifier la nécessité de se référer au code libanais54.

29. La Chambre de première instance estime que l’article 68 D) énonce clairement les conditions de validité d’un acte d’accusation, et que la jurisprudence des autres tribunaux internationaux aide à son interprétation. En outre, il n’y a pas d’incohérence entre l’article 131 du Code libanais et l’article 68 D), notamment à la lumière du fait que le Procureur du Tribunal spécial doit déposer un mémoire d’avant procès complet venant compléter un acte d’accusation, condition qui n’est pas exigée par le Code libanais. Il n’y a de surcroît aucune lacune dans le Règlement qui exigerait de recourir au Code libanais.

Vicesspécifiques

30. Les requêtes de la Défense font valoir des vices de forme spécifiques dans l’articulation de l’acte d’accusation modifié. Ceuxci sont examinés ciaprès de façon thématique :

52 Requête de Oneissi, par. 10 et 12.

53 Réponse de l’Accusation, par. 5. En résumant ces « principes bien établis », l’Accusation affirme qu’elle « [TRADUCTION] doit faire figurer dans l’acte d’accusation les accusations portées contre un accusé et les faits essentiels sur lesquels se fondent ces accusations avec une précision suffisante qui lui permettra d’être informé de la nature et des motifs des accusations portées contre lui. Le Procureur doit présenter sa thèse en fonction de la meilleure information dont il dispose. Il n’a pas pour obligation d’indiquer les éléments de preuve sur lesquels il entend s’appuyer pour établir les faits essentiels, ou des faits essentiels dont il n’a pas connaissance ».

54 Réponse de l’Accusation, par. 6, 25 à 29.

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Articulation de l’allégation de complot

31. Il est prétendu au paragraphe 3 de l’acte d’accusation modifié que les quatre accusés ont, avec d’autres personnes, participé à un complot dans le but de commettre un acte de terrorisme visant à assassiner Rafic Hariri. Le document décrit ensuite en termes généraux le rôle de chacun des accusés dans le complot allégué.

32. Le paragraphe 48 affirme que les quatre accusés « de concert avec d’autres personnes non encore identifiées, y compris l’équipe d’exécution de l’assassinat, sont convenus de commettre un acte de terrorisme au moyen d’un engin explosif afin d’assassiner HARIRI ». Vient ensuite une énumération du rôle qu’aurait joué chacun des accusés dans le complot allégué.

33. Les dates du complot allégué sont mentionnées dans les éléments de l’infraction concernant le premier chef d’accusation, au paragraphe 54. Il y est dit que les accusés auraient participé au complot entre le 11 novembre 2004 et le 14 février 2005 — s’agissant de Badreddine et Ayyash — et entre le 22 décembre 2004 et le 14 février 2005, s’agissant de Oneissi et Sabra55.

34. Les conseils de chacun des trois accusés contestent la démonstration de l’allégation de complot dans l’acte d’accusation modifié. Leurs griefs portent principalement sur les dates du complot allégué. D’autres griefs sont formulés quant au manque d’informations détaillées concernant le complot allégué.

Dates du complot allégué

35. Les conseils de Badreddine font valoir que les allégations relatives à la période au cours de laquelle le complot se serait déroulé est « de plus en plus ambigües » et contradictoires par rapport à la date à laquelle il est supposé avoir débuté et à la participation présumée de Badreddine. Ils soutiennent également que la période spécifiée « est incompatible avec l’affirmation selon laquelle Badreddine aurait fait partie des premiers membres (early members) du complot » ; en effet, comment

55 Et, s’agissant de Oneissi et Sabra au titre des sixième, septième, huitième et neuvième chefs d’accusation, entre le 22 décembre 2004 et le 14 février 2005.

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pourrait-il figurer parmi les premiers membres s’il est possible qu’il n’ait en fait rejoint le complot prétendu que le 14 février 200556 ?

36. Les conseils de la Défense de M. Oneissi avancent que la période indiquée pour le complot n’est pas raisonnable étant donné que la nature des accusations portées contre l’Accusé ne peut être vérifiée57. Et, plus généralement, l’acte d’accusation modifié ne renferme aucune information détaillée relativement à sa participation alléguée à la planification et à l’exécution du complot58. Les conseils de la Défense de M. Sabra soutiennent que l’acte d’accusation modifié n’est pas suffisamment détaillé relativement à la période du complot allégué et à la responsabilité de M. Sabra en tant que complice, ce qui porte ainsi atteinte à leur capacité de se préparer pour le procès59.

37. L’Accusation répond en renvoyant à la jurisprudence du droit international pénal, selon laquelle la période retenue dans un acte d’accusation ne doit pas être définie de manière excessivement large. Elle affirme que les dates mentionnées dans l’acte d’accusation modifié éclairent suffisamment la Défense sur la période durant laquelle le complot allégué a eu lieu60.

38. La Chambre de première instance se range à cet avis. Il est permis, et même normal, d’alléguer dans un acte d’accusation la perpétration d’un acte dans un intervalle de temps si sa date précise n’est pas connue. La Chambre d’appel du TPIR a ainsi jugé, en résumant la jurisprudence internationale pertinente sur ce point, que61 :

« [TRADUCTION] un intervalle de temps largement défini n’est pas un élément suffisant pour invalider un paragraphe d’un acte d’accusation. L’un des éléments décisifs pour déterminer le degré de précision avec lequel l’Accusation doit exposer les faits de l’espèce dans l’acte d’accusation est la

56 Requête de Badreddine, par. 34 à 37.

57 Requête de Oneissi, par. 21 à 23.

58 Requête de Oneissi, par. 19.

59 Requête de Sabra, par. 10 u) et v).

60 Réponse de l’Accusation, par. 45 à 48.

61 Arrêt Bagosora, par. 150.

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nature du comportement criminel reproché à l’accusé. À l’évidence, il peut exister des cas où l’ampleur même des crimes prétendus exclut que l’on puisse exiger un degré de précision élevé quant à l’identité des victimes et à la date de perpétration des crimes ».

39. Les conseils de Badreddine se trompent lorsqu’ils avancent que cet intervalle de temps est « incompatible » avec l’affirmation selon laquelle l’Accusé aurait fait partie des premiers membres du complot. Sur ce point, l’Accusation a allégué l’existence d’un complot et la participation de chacun des Accusés à ce complot, dans un intervalle de temps spécifique. Cet exposé des faits est tout à fait recevable, la Chambre d’appel du Tribunal spécial pour le Liban ayant elle-même jugé, au sujet de la durée d’un complot, qu’« aucun délai n’est expressément requis en ce qui concerne la validité de l’entente. Celle-ci reste valable, même si elle couvre une longue période ou même si elle n’a pas de terme précis ou prévisible62 ».

40. Un acte d’accusation doit être envisagé dans sa totalité. Arguer qu’un acte lié à un complot a été commis au cours d’une période de trois mois ne saurait être considéré – au vu de l’ensemble des circonstances alléguées en l’espèce – comme disproportionné ou excessivement imprécis. Les circonstances dans lesquelles les deux accusés auraient pris part au complot allégué doivent être tranchées en fonction des éléments de preuve produits au procès et n’ont nul besoin d’être énoncées en tant que faits essentiels dans l’acte d’accusation, même si la Défense doit en être informée en temps opportun avant l’ouverture du procès.

L’identité des co-auteurs du complot

41. Les conseils de Sabra soutiennent que l’acte d’accusation modifié est entaché d’un vice de forme car le nom des coauteurs présumés du complot n’y figure pas et qu’il n’est pas suffisamment précis sur certains aspects de leur participation au complot prétendu, tout en arguant que le complot ne concerne que les quatre accusés63.

62 STL-11-01/I, Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications (« Décision relative au droit applicable »), 16 février 2011, par. 196.

63 Requête de Sabra, par. 10 b) et t).

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42. Un principe général régissant les actes d’accusation en droit international pénal prescrit que le procureur y indique le nom de chacun des coauteurs d’un complot s’il est connu64. L’Accusation s’y est conformée65. De plus, « il n’est pas nécessaire […] de connaître l’identité de tous les participants66 » ; le Procureur n’a aucune obligation à cet égard, pas plus qu’il n’est tenu de spécifier le nom des personnes dont l’identité est inconnue.

43. La Chambre de première instance est donc convaincue que l’acte d’accusation modifié énonce suffisamment de faits essentiels pour permettre à la Défense de préparer sa cause.

La fausse revendication de responsabilité

44. Il est allégué aux paragraphes 3 c) et d), 23 et 44 de l’acte d’accusation modifié que Oneissi et Sabra ont participé au repérage et à l’instrumentalisation d’une personne identifiée comme Abu Adass afin de revendiquer faussement, dans un enregistrement vidéo, la responsabilité de l’attentat perpétré contre Rafic Hariri, enregistrement qui fut diffusé par Al-Jazeera le 14 février 2005.

45. L’acte d’accusation modifié énonce les faits essentiels suivants, auxquels Oneissi et Sabra auraient participé :

• le repérage d’un individu répondant à leurs besoins (Abu Adass) afin de revendiquer faussement l’attentat,

• la diffusion, après l’attentat, de déclarations attribuant faussement la responsabilité de celui-ci,

64 Par exemple, Le Procureur c. Nahimana, ICTR-96-11-T, Decision on the Prosecutor’s Request for Leave to File an Amended Indictment, 5 novembre 1999, par. 19 ; Le Procureur c. Barayagwiza, ICTR-97-19-I, Décision relative à la requête du Procureur en modification de l’Acte d’accusation, 11 avril 2000, p. 4 ; Le Procureur c. Bikindi, ICTR-2001-72-I, Décision relative à la requête de la Défense intitulée « Motion by the Accused Simon Bikindi Challenging the Temporal Jurisdiction of the Tribunal and Objecting to the Form of the Indictment » et à la requête du Procureur intitulée « Prosecutor’s Motion for Leave to File an Amended Indictment », 22 septembre 2003, par. 38 i).

65 Réponse de l’Accusation, par. 38

66 Décision relative au droit applicable, par. 195.

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• les opérations visant à s’assurer de la remise à Al-Jazeera de la vidéo, accompagnée d’une lettre, contenant la fausse revendication de responsabilité, en appelant Al-Jazeera le 14 février 2005, et

• les menaces proférées vis-à-vis de Al-Jazeera pour exiger que la chaîne diffuse la vidéo (c’est-à-dire afin de s’assurer qu’elle serait diffusée).

Plus précisément, il y est allégué que Oneissi (qui se faisait appeler « Mohammed ») aurait rencontré Abu Adass le 16 janvier 2005 et que, le 14 février 2005, il aurait observé les employés de Al-Jazeera alors qu’ils récupéraient la cassette vidéo qui avait été cachée dans un arbre à proximité des bureaux de la chaîne à Beyrouth. L’Accusation affirme également que Sabra aurait appelé Al-Jazeera peu avant pour indiquer auxdits employés où trouver la cassette vidéo.

46. Les conseils de Oneissi soutiennent que ces allégations ne délimitent pas suffisamment les rôles respectifs de Oneissi et Sabra dans cette fausse revendication de responsabilité. Lesdits conseils affirment avoir besoin de plus de détails concernant la participation présumée de leurs clients au repérage de Abu Adass. Ils font valoir que la description de l’opération visant à s’assurer de la remise de la cassette vidéo, notamment des appels téléphoniques passés à Al-Jazeera pour revendiquer faussement la responsabilité de l’attentat67, sont d’une imprécision inacceptable et ne permettent pas d’établir la participation des Accusés.

47. L’Accusation répond que l’acte d’accusation modifié détaille tous les faits essentiels nécessaires s’agissant des événements allégués, et non les éléments de preuve à même d’établir ces faits au procès68.

48. Les arguments de l’Accusation sont bien fondés. L’Accusation a précisé les faits essentiels requis pour formuler de telles allégations dans un acte d’accusation. En outre, et plus généralement, l’acte d’accusation modifié fournit suffisamment d’informations aux conseils des accusés pour les informer clairement de la nature et

67 Requête de Oneissi, par. 26 à 29, 32 à 33. Requête de Sabra, par. 10 e) et f), i), r), s).Dans ce contexte, la Défense de Sabra soutient, dans sa requête, que le terme « ou » employé dans la phrase « ONEISSI et SABRA ont effectué au total quatre appels » n’est pas suffisamment clair et que cette allégation doit être retirée si l’Accusation n’est pas en mesure de préciser qui a effectué chacun de ces appels, par. 10 s).

68 Réponse de l’Accusation, par. 16, 32, 57 à 64, 72 et 73.

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des motifs des accusations portées contre leurs clients et leur permettre de préparer efficacement leur défense. Les questions soulevées dans les écritures des équipes de la défense traitent essentiellement des éléments de preuve qui seront produits au procès (et des informations échangées entre les parties) plutôt que de ce qui doit figurer dans un acte d’accusation.

Les accusations portées seraient imprécises

49. Les conseils de Sabra ont relevé 23 imprécisions dans l’acte d’accusation modifié. Celles-ci concernent notamment l’emploi des termes « individuellement et collectivement, de » ; « a participé, avec » ; « s’assurer de la remise de la cassette vidéo » ; « pour coordonner la fausse revendication de responsabilité » ; « téléphones ... ont été utilisés durant une période courant au moins du 1er janvier 2005 » ; « un certain nombre de jours précédant l’attentat » ; « Ces opérations de surveillance ont été conduites à au moins 15 reprises » ; « L’activité [...] est mise en évidence, entre autres » ; « à proximité de la mosquée » ; « repérer » ; « choisi » ; « chercher une personne répondant à leurs besoins » ; « de concert avec d’autres personnes non encore identifiées » ; « au moins entre le 11 novembre 2004 et le 16 janvier 2005 » et « en identifiant […] et en […] instrumentalisant »69. Les conseils de la Défense de M. Badreddine soutiennent que l’acte d’accusation modifié est imprécis relativement à 20 points distincts : ils considèrent comme imprécis l’usage de mots tels que « contrôler » (monitor), « moments clés », « coordonner » et « souvent »70. En outre, ils s’opposent à la distinction établie entre faits essentiels et éléments de preuve telle qu’énoncée dans la décision rendue par la Chambre de première instance le 12 juin 2013, et font valoir qu’une telle distinction est nécessairement arbitraire étant donné que les accusations reposent sur des éléments de preuve indiciaires71. Les conseils de M. Oneissi soutiennent qu’en raison de vices de forme et d’imprécisions (relativement, par ex., au complot allégué ou à la fausse revendication de responsabilité), l’acte

69 Requête de Sabra, par. 10.

70 Requête de Badreddine, par. 29 à 33, 38 à 42.

71 Requête de Badredinne, par. 23, se référant au par. 14 de la Décision.

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d’accusation modifié est bien trop vague et doit être purgé de tout vice de forme afin qu’ils puissent se préparer efficacement pour le procès72.

50. La Chambre de première instance ne souscrit à aucun de ces arguments. L’acte d’accusation modifié expose les faits essentiels requis pour assurer sa validité ; et chacune des circonstances dénoncées par les équipes de la défense se rapporte aux éléments de preuve qui seront produits au procès. La totalité des allégations formulées contre ces accusés figurent dans l’acte d’accusation modifié et le mémoire d’avant procès de l’Accusation, ainsi que dans les éléments de preuve qui ont été communiqués à la Défense et ceux qui seront produits au cours du procès. Ces documents doivent être considérés comme un dossier fournissant à l’accusé toutes les pièces nécessaires pour dûment préparer sa défense, l’acte d’accusation proprement dit devant uniquement énoncer les faits essentiels, ce qu’il fait.

CONCLUSION

51. L’acte d’accusation modifié fournit donc suffisamment d’informations aux conseils des accusés pour les informer clairement de la nature et des motifs des accusations formulées et leur permettre de préparer leur défense. Il est exempt de vice de forme.

CERTIFICATION AUX FINS D’APPEL

52. La Chambre de première instance demande aux conseils de la Défense, s’ils le souhaitent, de déposer une requête en certification de cette décision à des fins d’appel conformément à l’article 126 du Règlement, afin d’énoncer clairement et de dresser une liste succincte de tous les points de la décision qu’ils souhaitent certifier aux fins d’appel. Cette requête devra se référer aux différents paragraphes de la décision portant sur les questions pour lesquelles la certification est sollicitée. Le Procureur

72 Par ex., Requête de Oneissi, par. 25, 27, 30, 34.

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devra répondre à toutes requêtes en certification le vendredi 27 septembre 2013 au plus tard.

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS, la Chambre de première instance :

1) Rejette les requêtes en exception préjudicielle fondées sur des vices de forme de l’acte d’accusation modifié présentées par les conseils représentant Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra ; et

2) Ordonne à l’Accusation de répondre aux requêtes de la Défense en certification de la présente décision aux fins d’appel, le cas échéant, le 27 septembre 2013 au plus tard.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi.

À Leidschendam (Pays-Bas) le 13 September 2013

Juge David Re, président

Juge Janet Nosworthy Juge Micheline Braidy

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8.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : Chambre d’appel

Titre : Version publique expurgée de l’arrêt relatif à l’appel interjeté par la Défense de M. Oneissi contre la décision du Juge de la mise en état intitulée : « Décision concernant des questions relatives à la salle de consultation des pièces et aux registres des données d’appel »

Titre réduit : Consultation des registres des données d’appel CA

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LA CHAMBRE D’APPELAffaire n° : STL-11-01/PT/AC/AR126.4Devant : M. le juge David Baragwanath, président

M. le juge Ralph Riachy M.lejugeAfifChamseddine M. le juge Daniel David Ntanda Nsereko MmelejugeIvanaHrdličková,jugerapporteur

Le Greffier : M. Daryl MundisDate : 2 octobre 2013Original : AnglaisType de document : Public

LE PROCUREUR c.

SALIM JAMIL AYYASH, MUSTAFA AMINE BADREDDINE,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA

VERSION PUBLIQUE EXPURGÉE DE L’ARRÊT RELATIF À L’APPEL INTERJETÉ PAR LA DÉFENSE DE M. ONEISSI CONTRE LA DÉCISION DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT INTITULÉE : « DECISION CONCERNANT DES

QUESTIONS RELATIVES À LA SALLE DE CONSULTATION DES PIÈCES ET AUX REGISTRES DES DONNÉES D’APPEL »

Le Procureur : M. Norman Farrell

Conseils de M. Salim Jamil Ayyash : M. Eugene O’Sullivan M. Emile Aoun

Représentants légaux des victimes : M. Peter Haynes M. Mohammad Mattar Mme Nada Abdelsater-Abusamra

Conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: M. Antoine Korkmaz M. John JonesConseils de M. Hussein Hassan Oneissi: M. Vincent Courcelle-Labrousse M. Yasser Hassan

Chef du Bureau de la Défense : M. François Roux

Conseils de M. Assad Hassan Sabra: M. David Young M. Guénaël Mettraux

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Consultation des registres des données d’appel CA

INTRODUCTION

1. La Chambre d’appel est saisie d’un appel déposé par les conseils de M. Oneissi1 contre deux points d’une décision du Juge de la mise en état2. Dans la décision attaquée, le Juge de la mise en état rejette, en partie, la requête conjointe de la Défense aux fins de consultation de certains registres des données d’appel (les « CDR »), en application de l’article 110 B) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal spécial pour le Liban (respectivement, le « Règlement » et le « Tribunal »), registres dont les conseils affirment qu’ils se trouvent en la possession du Procureur et qu’ils sont essentiels à la préparation de leur défense. Le premier point se rapporte à l’application des trois premiers éléments de l’article 110 B), qui consacre le droit de la Défense d’avoir accès à des documents qui sont essentiels à sa préparation en vue du procès. Le second point concerne l’application de l’article 121 A) au regard du format de la communication des CDR. S’il est possible que le Juge de la mise en état ait appliqué l’article 110 B), les motifs de la décision ne démontrent pas clairement qu’il l’a fait correctement. La décision n’établit pas non plus clairement que l’ordonnance aux fins de communication est conforme à l’article 121 A). En conséquence, la Chambre d’appel renvoie la requête de la Défense aux fins de consultation des CDR devant le Juge de la mise en état pour réexamen, conformément à la présente décision.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

2. Étant donné que l’appel qui nous concerne porte sur un certain nombre de questions d’ordre technique, s’agissant, en particulier, des éléments dénommés

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC/AR126.4, The Defence for Hussein Hassan Oneissi Appeal to the Pre-Trial Judge’s “Decision on Issues Related to the Inspection Room and Call Data Records” Dated 18 June 2013, Confidential, 19 août 2013 (l’ « Appel »).

2 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Décision concernant des questions relatives à la salle de consultation des pièces et aux registres des données d’appel, Confidentiel, 18 juin 2013 (la « Décision attaquée »).

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CDR, il est utile de faire référence à l’aperçu fourni par le Juge de la mise en état dans la décision attaquée :

4. Le terme « CDR » désigne des informations en la possession de l’Accusation relatives aux communications effectuées au moyen d’un téléphone, fixe ou mobile, et englobe les registres des services de messages courts (les « SMS »). L’objectif premier d’un CDR est la création de registres dans lesquels figurent la date, l’heure et la durée des appels effectués, le type d’appel (vocal ou SMS), les appelants et les destinataires, ainsi que l’identifiant des stations de base ayant servi à relayer l’appel (dans le cas de la téléphonie mobile). Ces registres fournissent des indications sur l’emplacement du combiné au moment de l’appel. En fonction du fournisseur de services, le CDR peut également contenir d’autres informations techniques, telles que les numéros IMEI correspondant aux combinés utilisés pour passer et recevoir les appels. Le contenu des SMS ne figure pas dans les CDR. Les CDR qui se rapportent aux numéros de téléphone fixes sont similaires à ceux des téléphones mobiles, mais ils contiennent généralement moins d’informations.

5. Dans la mesure où les CDR sont en lien avec le dossier à charge de l’Accusation, ils ont été transmis à la Défense dans deux formats différents.

6. Le premier format est celui des informations initiales, les « Données brutes » qui ont été fournies à l’Accusation par les fournisseurs de services concernés au Liban, en application d’une série de Demandes d’assistance. Les Données brutes contiennent des registres concernant un ou plusieurs numéros de téléphone et/ou stations de base, ainsi que d’autres informations techniques. Les Données brutes sont volumineuses et en grande partie inintelligibles sans une analyse plus approfondie.

7. Le second format correspond à des informations traitées ou analysées sous forme de base de données, ce qui permet d’en faciliter la recherche et l’analyse. Étant donné que le langage de programmation utilisé par l’Accusation pour le traitement des Données brutes en l’espèce est un « langage de requête structurée », ou SQL, la base de données obtenue est désignée dans les présentes sous le nom de « Base de données SQL ».

8. Aux fins de la présente décision, il est entendu que des copies des CDR dans les deux formats sont disponibles à trois emplacements. Le premier est le Bureau où sont conservés les éléments de preuve recueillis par l’Accusation.

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Le deuxième est la Salle de consultation. Le troisième est le Disque Z:\, dont la nature est détaillée au paragraphe 10 ci-dessous.

9. La Base de données SQL est créée et gérée par l’Accusation. La Défense y a accès depuis la Salle de consultation, une installation créée au sein du Tribunal à cette fin. Il convient de noter que la Base de données SQL concerne un sous-ensemble des Donnée brutes plus réduit que celui dont l’Accusation dispose. La raison en est que l’Accusation a uniquement analysé et/ou téléchargé les CDR qu’elle considère être pertinents au regard de sa cause, et dont elle considère que le Règlement prescrit qu’elle en permette la consultation. En outre, les données [EXPURGÉ].

10. Les parties ont également utilisé un disque dur à accès restreint faisant partie du réseau du Tribunal et appelé Disque Z:\, qui remplit deux fonctions. Premièrement, le Disque Z:\ permet à l’Accusation de communiquer à la Défense des pièces, outre les CDR, qui du fait de leur taille ne peuvent être transmises de façon habituelle au moyen du système Legal Workflow. Cela tient au fait que le Legal Workflow ne permet pas le transfert de données au-delà d’un certain volume. Par ailleurs, le Disque Z:\ est l’emplacement de stockage des Données brutes qui alimentent les Bases de données SQL et que l’Accusation a fourni à la Défense. Par conséquent, le Disque Z:\ contient deux catégories de pièces : les CDR d’une part, et d’autres pièces que l’Accusation a communiquées ou mises à disposition aux fins de consultation en application des articles 91, 110 et 113, d’autre part3.

3. La Décision attaquée rappelle dans le détail l’historique de la procédure4. En substance, à la suite de négociations entre les parties, la Défense a déposé devant le Juge de la mise en état une requête conjointe sollicitant auprès du Procureur l’accès à certains CDR, en application des articles 91 et 110 B)5. Dans la Décision attaquée,

3 Décision attaquée, par. 4 à 10 (notes de bas de page omises) ; voir également TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC, Prosecution Response to the Oneissi Defence’s Appeal of the Pre-Trial Judge’s “Decision on Issues Related to the Inspection Room and Call Data Records” of 18 June 2013, Confidentiel, 30 août 2013, (la « Réponse du Procureur »), par. 8 à 10.

4 Décision attaquée, par. 11 à 22.

5 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Defence Submissions Regarding the Prosecution’s Inspection Room and Call Data Records on the “Z Drive”, Confidential, 18 mars 2013 (les « Conclusions de la Défense du 18 mars »), par. 20 à 25.

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le Juge de la mise en état fait droit à la demande, mais uniquement en partie6. Les conseils de M. Oneissi ont sollicité et reçu certification aux fins d’interjeter appel d’un point seulement de la décision, à savoir :

si 1) la décision du Juge de la mise en état délimitant du 1er janvier 2003 au 1er octobre 2005 la période pour laquelle il convient que la Défense ait accès aux CDR au format SQL était correcte ; et si, 2) dans l’affirmative, lorsque l’Accusation n’est pas en possession de CDR en langage SQL correspondant à la période pertinente, elle peut être tenue de les fournir au format SQL7.

4. Les conseils de M. Oneissi ont ultérieurement déposé un mémoire d’appel dans le délai prescrit par le Règlement, précisant les deux moyens d’appel8. Dans sa réponse, le Procureur soutient que l’appel doit être rejeté9.

EXAMEN DES ARGUMENTS

I. Confidentialité

5. Nous observons que l’appel a été déposé à titre confidentiel « [traduction] dans l’attente d’une décision du Juge de la mise en état concernant la confidentialité de tous les documents déposés ayant donné lieu à l’appel qui nous concerne10 ». À ce jour, aucune ordonnance à cet égard n’a été rendue par le Juge de la mise en état. Nous soulignons l’importance du caractère public de la procédure devant le Tribunal11. En effet, dans la Décision attaquée, le Juge de la mise en état fait

6 Décision attaquée, Dispositif.

7 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la requête de la Défense de Hussein Hassan Oneissi aux fins de réexamen et de certification de la « Décision concernant des questions relatives à la salle de consultation et aux registres de données datée du 18 juin 2013, Confidentiel, 9 août 2013 (la « Décision relative à la certification »), Dispositif.

8 Appel, par. 2.

9 Réponse du Procureur, par. 50.

10 Appel, par. 49

11 Voir TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2013/01, Public Redacted Version of Decision on Appeal by the Prosecutor Against Pre-Trial Judge’s Decision of 11 January 2013, Dated 28 March 2013, 28 mars 2013, par. 9 (avec des références supplémentaires).

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référence à la nécessité de transparence12. Cependant, il considère que la Décision attaquée « renvoi[e] au fonctionnement interne de l’Accusation et de la Défense » et demande aux parties de déposer des écritures à cet égard13. Nous concluons que, au vu des circonstances, il est prudent que nous attendions les conclusions du Juge de la mise en état en l’espèce avant de rendre une version publique de notre décision, le cas échéant expurgée.

II. Critères applicables à l’examen de l’appel

6. L’article 176 A) prévoit la possibilité de former un appel pour les motifs suivants : 1) « [une] erreur sur un point de droit qui invalide la décision ; » ou 2) « [u]ne erreur de fait qui a entraîné un déni de justice »14. Les conseils de M. Oneissi avancent qu’en l’espèce nous devrions appliquer les critères d’examen applicables aux erreurs de droit15. D’autre part, le procureur soutient que

[traduction] l’appel concerne la décision du Juge de la mise en état visant l’accès de la Défense aux CDR sous format SQL. Les Chambres d’appel du TPIY et du TPIR, tribunaux dont les règlements qui régissent la communication des pièces sont pratiquement identiques à ceux du Tribunal spécial pour le Liban, ont reconnu que les décisions relatives à la communication des pièces se rapportent à la conduite générale de la procédure en première instance, et relèvent donc du pouvoir discrétionnaire de la chambre ou du juge de première instance […]. Par conséquent, les critères qu’il convient d’appliquer en l’espèce sont ceux qui s’appliquent aux décisions discrétionnaires, et non aux erreurs de droit16.

Nous convenons en effet avec le Procureur que l’appel n’est pas limité à des erreurs de droit, et que la Décision attaquée procède à l’évaluation de divers facteurs. La

12 Décision attaquée, par. 101.

13 Ibidem.

14 Voir Article 176 A) du Règlement du TSL.

15 Appel, par. 11 à 13.

16 Réponse du Procureur, par. 11.

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question de savoir si certains fichiers sont essentiels à la préparation de la Défense17 exige un examen plus approfondi des circonstances factuelles de l’espèce.

7. Toutefois, étant donné que les deux éléments de notre décision sont en définitive fondés sur des points de droit, nous utilisons les critères suivant déjà adoptés par la présente Chambre, et appliqués à des erreurs prétendues :

Une partie qui allègue une erreur de droit doit identifier l’erreur alléguée, présenter des arguments étayant sa prétention et expliquer en quoi l’erreur invalide la décision. Une allégation d’erreur de droit qui n’a aucune chance de modifier une décision contestée peut être rejetée pour ce motif. Toutefois, même si les arguments de la partie sont insuffisants pour étayer ses prétentions, la Chambre d’appel peut conclure, pour d’autres motifs, qu’une erreur de droit a été commise. [...] La Chambre d’appel examine les conclusions de droit de la Chambre de première instance afin d’établir si elles contiennent ou non des erreurs18.

III. Droit applicable

8. Il est question, ici, de l’interprétation et de l’application de l’article 110 B). Nous reproduisons ici le paragraphe de l’article en ajoutant des numéros entre parenthèses et en faisant figurer certains mots en italiques [l’ordre d’énumération a été modifié aux fins de la traduction de la présente décision, par souci de cohérence avec l’original] :

Sur demande, le Procureur permet à la Défense d’examiner tout livre, document, photographie et objet qui se trouve sous sa garde ou son contrôle et [1] qui est essentiel à la préparation de la défense, [2] qu’il entend utiliser comme moyen de preuve au procès, ou [3] qui a été obtenu de l’accusé ou lui appartient.

17 Voir Article 110 B) du Règlement du TSL.

18 Voir TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC/AR126.3, Arrêt relatif à l’appel du représentant légal des victimes contre la décision du Juge de la mise en état concernant les mesures de protection, 10 avril 2013, par. 19 (citations internes omises). Nous observons en outre que, si nous devions suivre les critères énoncés en matière d’examen en appel des décisions à forte teneur factuelle, la question, en l’espèce, serait celle de savoir si le Juge de la mise en état a « [traduction] fondé sa décision sur une interprétation erronée du droit applicable ». Voir TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC/AR126.1, Version corrigée de l’Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense de la Décision de la Chambre de première instance relative au réexamen de la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er novembre 2012, par. 5.

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Les documents que la Défense a le droit d’examiner se répartissent clairement en trois catégories distinctes. En l’espèce, la demande de la Défense concerne la première catégorie. La question est de savoir si la Décision attaquée fait apparaitre que le premier élément a été dûment appliqué.

A. Premier moyen d’appel – Période pour laquelle les CDR doivent être communiqués

9. Le premier point que le Juge de la mise en état a certifié aux fins d’appel est celui de savoir si la période, délimitée par le Juge de la mise en état, pour laquelle il convient de communiquer les CDR au format SQL, est valable19.

10. Dans la requête présentée au Juge de la mise en état, les conseils de la Défense sollicitent qu’en application du premier élément de l’article 110 B)20, le Procureur soit tenu de mettre à leur disposition aux fins d’examen certains CDR essentiels à la préparation de la Défense au format brut et au format SQL21. Le Juge de la mise en état a répondu à la requête en ordonnant la production de CDR, à la fois au format brut et au format SQL, pour ce qu’il considère comme étant la « période pertinente » au regard de la communication, à savoir du 1er janvier 2003 au 1er octobre 200522. Il a déterminé ce laps de temps en utilisant les dates spécifiques les plus avancées et les plus reculées alléguées par le Procureur dans l’acte d’accusation relativement à « l’existence [d’un des divers] réseaux de téléphones […] qui ont servi lors de l’attentat du 14 février 200523 ».

11. Les conseils de M. Oneissi contestent ce qu’ils considèrent comme étant le raisonnement du Juge de la mise en état, à savoir que les seuls CDR que la Défense est habilitée à recevoir au format SQL seraient, selon les conseils, « [traduction] ceux

19 « Décision relative à la certification », Dispositif.

20 « Sur demande, le Procureur permet à la Défense d’examiner tout[e pièce] qui se trouve sous sa garde ou son contrôle […] qui est essentiel à la préparation de la défense » Article 110 B) du Règlement du TSL (non souligné dans l’original).

21 Conclusions de la Défense du 18 mars, par. 22 et 23.

22 Décision attaquée, par. 51 et 52.

23 Ibidem.

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compris dans la période couverte par l’acte d’accusation et sur lesquels l’Accusation entend s’appuyer […] au cours du procès24 ». Nous constatons qu’il ne s’agit pas des termes utilisés par le Juge de la mise en état et qu’il convient que nous interprétions précisément les motifs de sa décision. Les conseils avancent qu’un tel raisonnement découle du fait que le Juge de la mise en état « n’a pas opéré de distinction entre les critères définis par les premier et deuxième éléments de l’article 110 B)25 ». Ils soutiennent que le Juge amalgame le premier élément, celui portant sur le caractère essentiel (qui se rapporte en fait à la préparation de la Défense), et le deuxième (qui concerne l’utilisation prévue par le Procureur). Dans sa réponse, le Procureur affirme que « [traduction] l’appel ne démontre pas que le Juge de la mise en état a commis une erreur en définissant un laps de temps pour la mise à disposition par l’Accusation de CDR aux fins d’examen sous format SQL26 ». Le Procureur soutient que le Juge de la mise en état a correctement appliqué l’article 110 B)27.

12. Étant donné que l’article 110 B) prévoit la communication par le Procureur de toute pièce qui se trouve sous sa garde ou son contrôle, et qui relève de l’un quelconque de ses trois éléments28, si les conseils de M. Oneissi ont raison d’affirmer que le Juge de la mise en état a amalgamé les premier et deuxième éléments, une erreur de droit a bien été commise. De même, s’il ne ressort pas clairement de la Décision attaquée que les premier et deuxième éléments ont été dûment distingués, ou que l’article 110 B) n’a pas été dûment pris en considération, une erreur de droit a bien été commise. La Chambre d’appel conclut que le raisonnement de la Décision attaquée n’est pas clair et que, par conséquent, une erreur de droit est établie, ce qui justifie le renvoi de l’affaire devant le Juge de la mise en état.

13. Les parties de la Décision attaquée pertinentes aux fins de l’appel considéré ne font pas spécifiquement référence au premier élément de l’article 110 B). Dans la mesure où les écritures des parties portent sur les conclusions que chacune tire des

24 Appel, par. 17 (non souligné dans l’original).

25 Idem, par. 23.

26 Réponse du Procureur, par. 1.

27 Idem aux par. 21 et 26.

28 Voir article 110 B) du Règlement du TSL.

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termes du Juge de la mise en état, nous reproduisons ci-après les extraits pertinents. La Décision attaquée spécifie :

Discussion

40. La thèse de l’Accusation est en grande partie fondée sur l’utilisation de téléphones mobiles, ainsi que sur leur attribution présumée. Les parties sont toutefois en désaccord quant à la période pour laquelle les CDR doivent être mis à la disposition de la Défense en langage SQL.

[. . .]

43. Le Juge de la mise en état conclut que la détermination de la période pertinente pour laquelle des CDR doivent être mis à disposition aux fins de consultation au format SQL requiert d’établir une distinction entre deux objectifs distincts pour lesquels ces registres ont été utilisés par l’Accusation, à savoir : l’analyse et l’attribution.

44. Dans les cas où l’Accusation a analysé les CDR afin d’enquêter sur les schémas d’appel récurrents entre des téléphones spécifiques, ou des groupes de téléphones en particulier, ce qui lui a permis d’identifier certains réseaux de téléphones utilisés à des moments donnés et en des endroits donnés, les CDR correspondant à la période de ladite analyse — ainsi que leur présence dans la base de données SQL — sont exigés.

45. Par contre, l’attribution d’un numéro de téléphone à une personne repose sur des éléments de preuve qui étayent l’affirmation qu’un numéro de téléphone spécifique a été utilisé par une personne spécifique, durant une période donnée, ou lors d’une occasion particulière. L’attribution de numéros de téléphone spécifiques à certaines personnes est une opération simple consistant habituellement à établir une relation entre des données exactes et fiables se rapportant à un abonné, et le numéro de téléphone concerné. Lorsque les données se révèlent inexactes ou peu fiables, l’attribution peut nécessiter le recours à des informations supplémentaires.

[. . .] LapériodeconcernéeparlesCDRauxfinsd’analyse

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46. Conformément au Règlement, l’Accusation est tenue de mettre à la disposition de la Défense des copies des pièces suivantes :

a. Les pièces justificatives jointes à l’acte d’accusation lors de la demande de confirmation (en application de l’article 110 A) i)) ; et

b. la liste des pièces à conviction que le Procureur entend présenter au procès, accompagnée des copies des pièces à conviction en question, ou l’accès auxdites pièces (en application de l’article 91 G) iii)).

47. Ainsi, dans la mesure où l’Accusation s’est fondée sur des CDR lors de la demande de confirmation de l’acte d’accusation, ou dans la mesure où elle entend s’appuyer dessus lors du procès, les données relatives aux CDR en question devraient déjà avoir été communiquées à la Défense. De fait, l’Accusation affirme avoir satisfait à cette obligation.

48. Le Juge de la mise en état observe que, s’agissant de l’analyse des CDR, l’Accusation a soit communiqué, soit mis à disposition aux fins de consultation, au format SQL, tous les CDR dont elle dispose et qui sont nécessaires concernant une période spécifique. L’Accusation a donc rempli son obligation ; la Défense doit bénéficier d’un accès effectif, au format SQL, à tous les CDR correspondant à la période pertinente, ce qui lui permettra d’effectuer ses propres analyses.

49. Par contre, lorsque l’Accusation s’est appuyée sur des CDR pour des dates non comprises dans la période d’analyse pertinente afin d’étayer l’attribution de numéros de téléphone à certaines personnes, elle a fourni à la Défense les données brutes, ainsi que le ou les CDR pertinents au cas par cas.

50. Les questions soulevées sont donc les suivantes : quelle est la période pertinente, et l’Accusation a-t-elle l’obligation d’inclure les CDR au format SQL dans la Salle de consultation, lorsque ceux-ci correspondent à des dates non comprises dans la période pertinente ?

51. Dans [s]es conclusions sur ce point, l’Accusation ne précise pas ce qu’elle considère être la période pertinente. Le Juge de la mise en état

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remarque néanmoins que, dans l’acte d’accusation, l’Accusation argue de l’existence de plusieurs réseaux de téléphones mobiles qui ont servi lors de l’attentat du 14 février 2005, dont au moins un a été mis en place au plus tard le 30 septembre 2004, et dont au moins un est resté en activité jusqu’au 1er octobre 2005 ; un autre groupe de téléphones a été utilisé durant la période allant au minimum du 1er janvier 2003 au 16 février 2005. Dans sa lettre du 20 février 2013, l’Accusation avance qu’elle « [traduction] ne s’appuie pas sur les CDR étendus pour [une période déterminée] ».

52. À partir de cette information, le Juge de la mise en état conclut que la période pertinente court du 1er janvier 2003 au 1er octobre 2005. Toutefois, cette conclusion est soumise à deux réserves. Premièrement, le Juge de la mise en état a précisé précédemment que l’Accusation n’est pas tenue de procéder à des analyses, ou de créer des documents produits en interne qui ne se trouvent pas sous sa garde, son contrôle ou en sa possession, ou dont elle n’a pas connaissance. L’Accusation ne peut pas communiquer des informations qu’elle ne possède pas, ni en permettre la consultation. Lorsque l’Accusation n’est pas en possession de CDR, ou d’analyses de données brutes en langage SQL correspondant à la période pertinente, elle ne peut pas être tenue d’en effectuer la communication29.

14. En particulier, le paragraphe 40 de la Décision attaquée caractérise le désaccord entre les parties comme portant sur « la période pour laquelle les CDR doivent être mis à la disposition de la Défense en langage SQL ». Les paragraphes 43 et 44, qui traitent de la détermination de la période en question, portent sur les « objectifs distincts pour lesquels [les CDR] ont été utilisés par l’Accusation ». Il peut s’agir d’une référence implicite au deuxième élément de l’article 110 B), ou à un article différent. Cependant, si une telle référence peut se révéler indirectement pertinente à l’égard du premier élément de l’article 110 B) — le caractère essentiel pour la préparation de la défense — elle ne porte pas spécifiquement sur ledit élément.

15. Ensuite, le paragraphe 46 de la Décision attaquée — qui concerne les pièces que l’Accusation est « tenue de mettre à la disposition de la Défense » — fait

29 Décision attaquée, par. 40 et 43 à 52 (citations internes omises).

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uniquement référence aux articles 110 A) et 91 G), et ne contient aucune référence spécifique à l’article 110 B). Le paragraphe 46 ne fait pas non plus clairement allusion au premier élément de l’article 110 B) sur lequel s’appuie la Défense. En outre, on peut considérer que le paragraphe 47 fait référence soit au paragraphe 46, soit au deuxième élément de l’article 110 B) — les pièces « qu[e le Procureur] entend utiliser comme moyen de preuve au procès ». Le paragraphe 48 précise, en partie, que

s’agissant de l’analyse des CDR, l’Accusation a soit communiqué, soit mis à disposition aux fins de consultation, au format SQL, tous les CDR dont elle dispose et qui sont nécessaires concernant une période spécifique. L’Accusation a donc rempli son obligation ; la Défense doit bénéficier d’un accès effectif, au format SQL, à tous les CDR correspondant à la période pertinente, ce qui lui permettra d’effectuer ses propres analyses30.

Il est possible de faire valoir, en tenant compte à la fois des termes du paragraphe 47 qui précède, se rapportant peut-être au deuxième élément de l’article 110 B), ainsi que des termes même du paragraphe 48, que ce dernier pourrait viser le premier élément de l’article 110 B). Mais si cela est le cas, nous sommes en présence d’un manque de clarté. Le paragraphe 48 fait référence à une « période spécifique », qui n’est pas définie, ainsi qu’à la « période pertinente, ce qui […] permettra [à la Défense] d’effectuer ses propres analyses ». De telles références pourraient être considérées comme une allusion à une période qui comprend des documents « essentiel[s] à la préparation de la Défense ». On peut dire de même des paragraphes 51 et 52, qui se rapportent étroitement à des réseaux téléphoniques dont l’existence est alléguée dans l’Acte d’accusation. L’équité de la procédure commande toutefois qu’il ne subsiste aucun doute raisonnable quant au respect des droits des accusés dans ce domaine crucial.

16. Le point essentiel est qu’en déterminant la période pertinente pour la communication des CDR par l’Accusation, le Juge de la mise en état ne fait jamais référence à l’article 110 B)31, bien que la Défense se soit expressément appuyée

30 Idem, par. 48.

31 Le juge de la mise en état a fait référence à cet article dans un contexte différent. Voir Décision attaquée, par. 59 et 60.

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sur l’article en question dans sa demande32. Le Juge de la mise en état n’examine pas non plus la question du caractère essentiel des CDR sollicités à l’égard de la préparation de la Défense. Tout doute sérieux concernant la question de savoir si des pièces « essentiel[les] à la préparation de la Défense » ont été dûment communiquées requiert une résolution claire. La Décision attaquée ne satisfait pas à cette exigence. Elle ne précise pas clairement si la communication de « tous les CDR [dont elle dispose et] qui sont nécessaires concernant une période spécifique » se rapporte à l’obligation du Procureur de communiquer les CDR sur lesquels il s’appuie d’une manière ou d’une autre, ou à l’obligation de mettre à disposition les CDR essentiels à la préparation de la Défense en application de l’article 110 B). Il en va de même concernant la « période pertinente » évoquée par le Juge de la mise en état. En effet, en ce qui concerne ce dernier point, il semblerait qu’afin de déterminer ladite période, le Juge de la mise en état a simplement pris en considération les registres que le Procureur dit, explicitement ou implicitement, avoir examinés, ou ceux sur lesquels il entend ou non s’appuyer au cours du procès33. La Décision attaquée ne nous permet pas de régler les questions essentielles mentionnées ci-dessus. En termes simples, la Décision attaquée n’indique pas clairement quelle est la norme juridique appliquée.

17. Dans sa réponse, le Procureur soutient qu’ « [traduction] [i]l faut comprendre la décision du Juge de la mise en état sur la période pertinente […] en fonction du contexte posé par la requête [de la Défense] relative à l’article 110 B) »34. Le Procureur affirme que le Juge de la mise en état ne s’est pas fondé sur l’utilisation que fera l’Accusation des documents sollicités car :

[TRADUCTION] au cours du procès, l’Accusation n’entend pas s’appuyer sur tous les CDR au format SQL dont elle dispose et qui correspondent à la période allant du 1er janvier 2003 jusqu’en octobre 2005. En outre, L’Accusation n’entend pas utiliser la base de données SQL en tant qu’instrument de

32 Conclusions de la Défense du 18 mars, par. 21 et 22 ([TRADUCTION] La pertinence de l’intégralité des registres téléphoniques détenus est clairement essentielle à la préparation de la Défense face aux chefs d’accusations énoncés dans l’Acte d’accusation […] Les accusés doivent avoir accès, de façon effective, à ces données afin de pouvoir étudier et examiner les registres pour préparer leur défense respective [non souligné dans l’original]).

33 Voir par exemple la Décision attaquée aux par. 9, 43 à 44 et 51 à 52.

34 Réponse du Procureur, par. 20 (non souligné dans l’original).

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présentation des éléments de preuve lors du procès, car elle n’est pas adaptée à cet usage35.

18. Le Procureur ajoute que « [TRADUCTION] le Juge de la mise en état a rendu la Décision attaquée en sachant que l’Accusation avait mis à la disposition de la Défense des CDR au format SQL qui allaient au-delà de la période pertinente, et qu’elle avait communiqué de nombreux CDR de 2003 [EXPURGÉ] sous leur forme originelle »36. Relevant les propos du Juge de la mise en état qui conclut, dans la section consacrée à « la période concernée par les CDR étayant l’attribution », que « l’Accusation continue de répondre aux requêtes de la Défense, présentées en application de l’article 110 B), concernant les CDR de téléphones spécifiques durant des périodes non comprises dans celle couverte par les CDR disponibles de la Salle de consultation, mais qui sont ‘essentiels à la préparation de la défense’ », l’Accusation soutient en outre que

[TRADUCTION] [i]l s’ensuit que si le Juge de la mise en état a considéré que certaines requêtes concernant des téléphones spécifiques pouvaient revêtir le caractère essentiel visé à l’article 110 B), il n’a pas considéré que la Défense avait démontré que tous les CDR afférents à [EXPURGÉ] pour lesquelles l’Accusation possédait des CDR étaient essentiels à la préparation de la Défense37.

19. Nous ne pouvons, après examen, approuver l’interprétation contextuelle de la Décision attaquée présentée par le Procureur. Il est simplement impossible de conclure, à la lecture de l’ensemble de la Décision attaquée, que la « période pertinente » fixée par le Juge de la mise en état a été déterminée en se fondant sur le caractère « essentiel » des pièces demandées, norme juridique applicable visée à l’article 110 B). Même si, comme l’affirme le Procureur, le Juge de la mise en état avait en tête l’article 110 B), rien n’indique explicitement ou implicitement dans la Décision attaquée les raisons pour lesquelles certains CDR demandés, ne relevant pas de la « période pertinente », ne sont pas essentiels à la préparation de la Défense.

35 Idem, par. 21 (citation interne omise).

36 Id. par. 26.

37 Id. par. 25.

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Nous considérons qu’« [o]n ne saurait exiger [de la Chambre d’appel] ni des parties qu’elles se livrent à ce type de conjectures pour distinguer dans le Jugement les conclusions des vagues propos du [Juge de la mise en état] » concernant l’article appliqué et ses modalités d’application38. À la lecture de la Décision attaquée, nous pouvons uniquement conclure que le Juge de la mise en état n’a pas tenu compte du « caractère essentiel » visé à l’article 110 B) et a donc commis une erreur de droit. Nous soulignons que nous ne nous prononçons pas sur la justesse de la « période pertinente », mais concluons plutôt qu’il n’a pas appliqué l’article en question.

20. Ayant conclu à l’erreur du Juge de la mise en état, pour les motifs exposés ci-dessus, nous ne pouvons appuyer l’ordre donné

à l’Accusation de communiquer à la Défense tous les CDR sous la forme de Données brutes et en format SQL pour la période courant du 1er janvier 2003 au 1er octobre 2005, ou de faire savoir qu’elle n’est pas en possession de CDR relevant de cette période qui n’ont pas été communiqués ou mis à sa disposition pour consultation dans ces formats39.

Nous annulons par conséquent cet ordre et renvoyons la requête de la Défense concernant les CDR devant le Juge de la mise en état aux fins de réexamen, sur la base du caractère « essentiel » visé à l’article 110 B). Nous sommes d’avis que le Juge de la mise en état est le mieux placé pour rendre cette décision d’ordre factuel en premier ressort. Conscients qu’il est de notre responsabilité de définir la norme juridique applicable, et considérant que cette question a été soulevée dans l’appel, et que le Procureur y a répondu40, nous abordons la question du caractère « essentiel » visé à l’article 110 B) dans les paragraphes qui suivent afin d’aider le Juge de la mise en état à statuer sur la requête.

38 Voir TPIY, Le Procureur c. Krajišnik, IT-00-39-A, Judgement, 17 mars 2009, par. 176 ; TPIY, Le Procureur c. Orić, IT-03-68-A, Arrêt, 3 juillet 2008, par. 56 ; voir aussi TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2012/02, Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed de la décision du Juge de la mise en état du 8 octobre 2012, 23 novembre 2012, par. 15 (notant qu’il appartient à l’organe le mieux placé en terme d’expertise de rendre les premières conclusions).

39 Décision attaquée, Dispositif.

40 Voir Appel, par. 20, 24 à 34 ; Réponse de l’Accusation, par. 28 à 39.

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21. Nous reconnaissons que la question de l’espèce est inédite. Ni l’article 110 B) ni aucun autre article ne donnent d’indication sur l’interprétation de la notion de « caractère essentiel » dans ce contexte. Par conséquent, l’article 110 B) étant identique ou, pour l’essentiel, similaire aux articles correspondants des règlements du Tribunal pénal international pour le Rwanda (« TPIR »), du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (« TPIY ») et de la Cour pénale internationale (« CPI »)41, nous nous référons à la jurisprudence pertinente de ces tribunaux. Nous estimons que l’approche constante retenue par ces tribunaux fait autorité, à savoir que : 1) la Défense doit démontrer de prime abord que ce qu’elle demande est « essentiel à [s]a préparation »42 ; et que 2) le « caractère essentiel » visé à l’article 110 B) est déterminé par le caractère essentiel des livres, documents, photographies ou objets tangibles quant à la préparation de la Défense43.

22. La Chambre d’appel et la Chambre de première instance du TPIY, du TPIR et de la CPI ont reconnu que « [l]e concept de préparation est large44 » et que les éléments pertinents, dans ce contexte, ne doivent pas nécessairement être « liés directement à des éléments de preuve à charge ou à décharge45 » ou être « relatifs à la présentation des moyens de preuve du Procureur46 ». Nous prenons acte de la

41 Article 66 B) du RPP du TPIR ; Article 66 B) du RPP du TPIY ; Article 77 du RPP de la CPI.

42 Voir TPIR, Le Procureur c. Karemera et consorts, ICTR-98-44-AR73.11, Decision on the Prosecution’s Interlocutory Appeal Concerning Disclosure Obligations, 23 janvier 2008 (la « Première Décision Karemera »), par. 12 ; TPIR, Karemera et consorts c. Le Procureur, ICTR-98-44-AR73.18, Decision on Joseph Nzirorera’s Appeal from Decision on Alleged Rule 66 Violation, 17 mai 2010, par. 12-13 ; TPIY, Le Procureur c. Karadžić, IT-95-5/18-T, Decision on Motion to Compel Inspection of Items Material to the Sarajevo Defence Case, 8 février 2012 (la « Décision Karadžić »), par. 6 à 9.

43 Voir TPIR, Le Procureur c. Bagosora et consorts, ICTR-98-41-AR73, Décision relative à l’appel interlocutoire concernant la communication de pièces en application de l’article 66 B) du Règlement de procédure et de preuve, 25 septembre 2006 (la « Décision Bagosora »), par. 9 ; voir aussi CPI, Le Procureur c. Lubanga, ICC-01/04-01/06 OA 11, Arrêt relatif aux appels interjetés par le Procureur et la Défense contre la Décision relative à la participation des victimes rendue le 18 janvier 2008 par la Chambre de première instance I, 11 juillet 2008 (l’ « Arrêt Lubanga »), par. 77 ; Première Décision Karemera, par. 14 ; CPI, Le Procureur c. Banda et Jerbo, ICC-02/05-03/09, Decision on the Defence’s Request for Disclosure of Documents in the Possession of the Office of the Prosecutor, 23 janvier 2013 (la « Décision Banda et Jerbo »), par. 12 ; Décision Karadžić, par. 9.

44 Voir par ex., Décision Karadžić, par. 9 ; Décision Lubanga, par. 77 et 78 ; Première Décision Karemera, par. 14 ; Décision Bagosora, par. 9.

45 Voir Décision Lubanga, par. 77.

46 Voir Décision Karadžić, par. 9 ; Décision Bagosora, par. 8 et 9.

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jurisprudence du TPIY et du TPIR pertinemment citée par les conseils de M. Oneissi47, ainsi que d’autres décisions allant dans le même sens, et convenons que la notion de caractère essentiel, telle qu’exposée à l’article 110 B), n’est pas nécessairement limitée par « [TRADUCTION] la période visée dans l’acte d’accusation », ni ne se limite nécessairement aux « pièces permettant de réfuter les éléments de preuve à charge48 ». Les conseils de M. Oneissi donnent des exemples pertinents de pièces « essentielles », telles que celles susceptibles d’influer sur la décision de la Défense de citer un témoin à comparaître ou d’aider à mettre au point une stratégie de contre-interrogatoire49. Cela étant, l’article 110 B) n’autorise pas non plus les parties à aller « à la pêche aux informations ». Par conséquent, nous reprenons (en supprimant le mot « nécessairement ») la conclusion de la Chambre de première instance de la CPI qui a précisé que « [TRADUCTION] L’article 77 [du Règlement de procédure et de preuve de la CPI, correspondant à l’article 110 B) du Règlement du Tribunal,] ne [. . .] prévoit pas de “droit de consultation” illimité, dont la Défense pourrait se prévaloir sans justifier la pertinence de l’élément en question50 ». Plus exactement, l’article 110 B) doit être appliqué en tenant compte du contexte par un organe statuant en premier ressort, particulièrement bien placé pour dire si la défense a suffisamment établi le caractère essentiel de l’élément en question, ayant dûment démontré qu’il était pertinent à l’égard de la préparation de la Défense51. Nous faisons observer que cette approche est également corroborée par la jurisprudence nationale pertinente52.

47 Appel, par. 25, notes de bas de page 28 à 31.

48 Idem, par. 25.

49 Ibidem.

50 Voir Décision Banda et Jerbo, par. 15 ; voir aussi TPIY, Le Procureur c. Karadžić, IT-95-5/18-PT, Decision on Accused’s Second Motion for Inspection and Disclosure: Immunity Issue, 17 décembre 2008, par. 23, 26.

51 Voir Décision Bagosora, par. 9.

52 Par exemple, interprétant une règle de procédure pénale pour l’essentiel similaire à l’article 110 B), la cour d’appel du onzième circuit a déclaré dans États-Unis c. Jordanie, « [TRADUCTION] Une pièce n’a pas à être communiquée [. . .], à moins que le défendeur ne démontre qu’elle est essentielle à la préparation de la défense. Il ne suffit pas d’en donner une description générale ; ni d’affirmer que la pièce demandée est essentielle pour la défense. [. . .] Le défendeur doit plus exactement formuler une requête spécifique concernant cette pièce en expliquant en quoi celle-ci sera ‘utile à la défense.’ [. . .] ‘[U]tile signifie en rapport avec la préparation de la défense et pas nécessairement à décharge ». États-Unis, cour d’appel du onzième circuit, États-Unis c. Jordanie, 316 F.3d 1215, 1250 (6 janvier 2003) (citations internes omises). Dans un contexte analogue, saisie de la question des requêtes en communication présentées par la défense et de leur contenu, la Chambre des Lords a déclaré dans R. c. H que, « les affaires respectives ne doivent pas être analysées de manière restrictive. Au contraire,

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23. En conséquence, nous renvoyons la question du « caractère essentiel » visé à l’article 110 B) au Juge de la mise en état, qui doit réexaminer la requête de la Défense selon la démarche exposée dans les deux paragraphes ci-dessus.

B. Second moyen d’appel – accès aux CDR au format SQL

24. Après avoir fixé l’étendue de la « période pertinente » des CDR devant être communiqués, le Juge de la mise en état conclut que, pour les CDR inclus dans la période en question, l’Accusation n’est « pas tenue de procéder à des analyses, ou de créer des documents produits en interne qui ne se trouvent pas sous sa garde, son contrôle ou en sa possession, ou dont elle n’a pas connaissance »53. Par conséquent, « [l]orsque l’Accusation n’est pas en possession de CDR, ou d’analyses de données brutes en langage SQL correspondant à la période pertinente, elle ne peut pas être tenue d’en effectuer la communication54 ». En conséquence, le Juge de la mise en état ordonne à l’Accusation de communiquer tous les CDR en sa possession compris dans la « période pertinente » qui n’avaient pas encore été communiqués55.

25. Après lecture des conclusions déposées par les conseils de M. Oneissi et l’Accusation, le Juge de la mise en état a certifié la Décision en vue d’un appel touchant la question de savoir si : [l]orsque l’Accusation n’est pas en possession de CDR en langage SQL correspondant à la période pertinente, elle peut être tenue de les fournir au format SQL56.

elles doivent faire l’objet d’une analyse approfondie, afin d’établir les faits spécifiques que l’accusation cherche à prouver ainsi que les motifs spécifiques de contestation des accusations. Le fait d’autoriser la Défense à formuler des allégations générales et imprécises et à solliciter un grand nombre de pièces dans l’espoir que celles-ci tourneront à leur avantage dessert la procédure ». Royaume-Uni, Chambre des Lords, R. c. H, 2 A.C. 134 (5 février 2004) (« R. c. H 2004 »), par. 35. Pour d’autres exemples, voir États-Unis, cour d’appel du neuvième circuit, États-Unis c. Mandel, 914 F.2d 1215, 1219 (14 septembre 1990) ; Royaume-Uni, Court of Appeal (Division criminelle), R. c. Keane, 1 W.L.R. 746, 752 (14 mars 1994) ; Canada, Cour suprême du Canada, R c. Taillefer, 2003 CarswellQue 2765 (12 décembre 2003), par. 79-70 ; Australie, High Court, Mallard c. R, 224 C.L.R. 125 (15 novembre 2005), par. 81 ; Nouvelle-Zélande, Human Rights Review Tribunal, Andrews c. Commissioner, NZHRRT 6 (4 mars 2013), par. 41. 49-51.

53 Décision attaquée, par. 52.

54 Ibidem.

55 Idem. p. 27.

56 Décision relative à la certification, Dispositif.

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26. Les conseils de M. Oneissi affirment que « [TRADUCTION] le Juge de la mise en état a commis une erreur de droit en concluant que lorsque l’Accusation n’est pas en possession de CDR au format SQL, elle ne peut pas être tenue de les communiquer au format SQL »57. Les conseils insistent sur le fait que, en application de l’article 121 A), lorsque l’Accusation communique des pièces sous forme électronique, elle doit également fournir « les logiciels nécessaires » à leur consultation58. Ils affirment que « SQL » est un logiciel au sens de l’article 121 A), dont la fourniture n’exige pas de procéder à des analyses ou de créer un document produit en interne59. Dans sa réponse, le Procureur soutient que le Juge de la mise en état « [TRADUCTION] n’a pas outrepassé son pouvoir discrétionnaire en concluant que l’Accusation ne pouvait être tenue de mettre à la disposition de la Défense des CDR correspondant à la période pertinente au format SQL lorsque l’Accusation ne les possédait pas au format SQL »60. Le Procureur affirme également que « [l]a Défense de M. Oneissi interprète [. . .] l’article 121 de manière erronée »61. Fait important, il relève également que, puisqu’il « aura traité l’ensemble des CDR en sa possession correspondant à la période pertinente et les aura remis à la Défense au format SQL [avant la fin du mois de septembre 2013] », cette question est sans objet62.

27. À titre préliminaire, nous souscrivons pour l’essentiel à l’affirmation du Juge de la mise en état – non contestée par les conseils de M. Oneissi ou le Procureur – selon laquelle l’Accusation « n’est [généralement] pas tenue de procéder à des analyses, ou de créer des documents produits en interne qui ne se trouvent pas sous sa garde, son contrôle ou en sa possession, ou dont elle n’a pas connaissance » et que l’Accusation « ne peut pas communiquer des informations qu’elle ne possède pas, ni en permettre la consultation63 ». Cela vaut certainement pour l’article 110 B) et est conforme à la pratique constante d’autres tribunaux internationaux ayant adopté des

57 Appel, par. 36.

58 Idem, par. 39.

59 Id. par. 42 et 43.

60 Réponse de l’Accusation, p. 13.

61 Idem, par. 44.

62 Id. par. 41.

63 Décision attaquée, par. 52 (sans préciser à quel article il se référait).

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dispositions similaires et dont les Chambres ont affirmé que les pièces demandées devaient être sous la garde ou le contrôle du Procureur.

28. À titre d’exemple, dans l’affaire Bagilishema, la Chambre de première instance du TPIR a fait observer dans ce contexte que les termes avoir « connaissance » et « possession » utilisés dans d’autres articles pouvaient être assimilés à « garde ou contrôle ». S’agissant de l’article 68 du Règlement de procédure et de preuve du TPIR (correspondant à l’article 113 du Tribunal), elle a déclaré qu’« il faudrait donc que le moyen de preuve propre à décharger l’accusé soit effectivement en la possession ou sous le contrôle du Procureur pour que ce dernier soit tenu de le communiquer. Le Procureur ne saurait communiquer ce qu’il ne détient pas »64.

29. Ainsi ne peut-on être normalement tenu de créer de nouveaux documents. Dans l’affaire Halilović, la Chambre de première instance a rejeté une requête aux fins de production de certains index de documents communiqués, déclarant que « [TRADUCTION] le Règlement n’exige pas de fournir à la Défense un index des documents communiqués ou des documents pertinents mis à sa disposition »65. Dans l’affaire Stanišić et Simatović, la Chambre de première instance a rejeté une requête de la Défense tendant à obtenir, en application de l’article 66 B) du Règlement de procédure et de preuve du TPIY (correspondant à l’article 110 B) du Tribunal), certains documents en copie papier, tenant compte de la charge inéquitable alléguée par l’Accusation, « étant donné qu’elle ne conserve pas de copie papier des documents qu’elle communique en application de cet article66 ».

30. Dans l’affaire Popović et consorts, la Chambre de première instance du TPIY a également déclaré que « [TRADUCTION] les documents détenus par une tierce partie indépendante de l’Accusation ne sauraient en aucun cas être considérés comme se

64 TPIR, Le Procureur c. Bagilishema, ICTR-95-1A-T, Décision sur la requête de la Défense pour que la Chambre ordonne au Procureur de communiquer les aveux de culpabilité des témoins Y, Z et AA, 8 juin 2000, par. 7 ; voir aussi TPIR, Le Procureur c. Kajelijeli, ICTR-98-44A-T, Decision on Kajelijeli’s Urgent Motion and Certification with Appendices in Support of Urgent Motion for Disclosure of Materials Pursuant to Rule 66(B) and Rule 68 of the Rules of Procedure and Evidence, 5 juillet 2001, par. 13 et 14.

65 TPIY, Le Procureur c. Halilović, IT-01-48-T, Decision on Motion for Enforcement of Court Re Electronic Disclosure Suite, 27 juillet 2005, p. 4.

66 TPIY, Le Procureur c. Stanišić et Simatović, IT-03-69-PT, Décision relative à la requête de la Défense aux fins de recevoir des copies papier de documents relevant de l’article 66 du Règlement, 11 mars 2005, p. 3.

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trouvant ‘sous la garde ou le contrôle’ de l’Accusation. Le fait que l’Accusation entretienne de bonnes relations avec la tierce partie n’est pas pertinent sauf à établir que l’Accusation est en mesure de diriger et de contrôler la personne ou l’organisation concernée »67.

31. Les juridictions internes ayant édicté des règles comparables adoptent une approche analogue. Interprétant le sens des termes « possession, garde ou contrôle », les cours fédérales des États-Unis ont rejeté des requêtes de la Défense aux fins de communication de documents inexistants ou de nouvelles analyses68. La Haute Cour de Nouvelle-Zélande a elle aussi rejeté une requête aux fins de communication d’informations qui n’étaient pas disponibles sous forme enregistrée69. De la même façon, des juridictions canadiennes ont déclaré que l’Accusation n’avait pas l’obligation de communiquer des documents qu’elle ne possédait pas, ni de les fournir sous la forme spécifique préconisée par la Défense70.

32. Comme indiqué plus haut, le principe juridique sous-jacent n’est pas en cause en l’espèce. Le Procureur ne peut généralement être tenu de fournir ce qu’il n’a pas. Mais d’autres considérations entrent en ligne de compte. Le Juge de la mise en état peut par exemple considérer que, pour des raisons d’équité, le Procureur doit fournir certains CDR au format SQL.

33. De plus, l’article 121 A) décrit la procédure de communication des informations à la Défense qui permet à une partie « de communiquer tout ou partie des pièces sous forme électronique, et [de] fourni[r] les logiciels nécessaires à leur consultation »71.

67 TPIY, Le Procureur c. Popović et consorts, IT-05-88-T, Decision on Popović’s Motion for Disclosure Pursuant to Rule 66 (B) and Request to File an Addendum to Professor Stojković’s Expert Report, 6 octobre 2008, par. 11.

68 Voir par ex., États-Unis, cour d’appel du quatrième circuit, États-Unis c. Caro, 597 F.3d 608, 621 note de bas de page 13 (17 mars 2010) ; États-Unis, cour d’appel du premier circuit, États-Unis c. Amaya-Manzanares, 377 F.3d 39, 42-43 (27 juillet 2004) ; États-Unis, cour d’appel du cinquième circuit, États-Unis c. Kahl, 583 F.2d 1351, 1354 (16 novembre 1978) ; États-Unis, cour de district d’Arizona, États-Unis c. Rigmaiden, 2012 WL 1150532, *1 (5 avril 2012) ; États-Unis, cour de district du Maine, États-Unis c. Cameron, 672 F. Supp. 2d 133, 137 (7 octobre 2009).

69 Nouvelle-Zélande, High Court, Drew c. Police, NZHC 1009 (14 mai 2012), par. 24.

70 Canada, Cour d’appel d’Alberta, R. c. Diaz, 2010 CarswellAlta 2426 (14 décembre 2010), par. 41 ; Canada, Cour provinciale de Saskatchewan, R. c. Akinchets, 2011 SKPC 88 (20 juin 2011), par. 21.

71 Non souligné dans l’original.

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La question se pose alors de savoir si les données au « format SQL » constituent en réalité un nouveau produit ou, comme l’affirment les conseils de M. Oneissi dans l’appel, un simple outil de consultation. Cette distinction pourrait déterminer l’applicabilité de l’article 121 A) qui, de prime abord, ne crée pas de nouvelle obligation de communication, et qui permet simplement au Procureur de s’acquitter efficacement d’obligations existantes72, consistant notamment en la fourniture de logiciels déjà en sa possession permettant de consulter les documents communiqués. Nous rappelons que la Défense n’a pas soulevé la question de l’applicabilité de l’article 121 A) dans sa demande de CDR. Il nous apparaît toutefois que le Juge de la mise en état aurait dû néanmoins l’examiner explicitement.

34. Le Juge de la mise en état semble avoir considéré que les données SQL constituent un nouveau document produit en interne, ce qui l’amène à conclure que lorsque le Procureur « n’est pas en possession de CDR, ou d’analyses de données brutes en langage SQL correspondant à la période pertinente », ces éléments ne peuvent pas être communiqués à la Défense73. Par contraste, les conseils de M. Oneissi affirment que les données SQL sont une base de données conçue pour stocker et consulter des données en nombre. Ils soutiennent donc qu’il s’agit simplement d’« [TRADUCTION] un type de logiciel au sens de l’article 121 A) » et que le Procureur « ne procéderait à aucune analyse ni ne créerait de document produit en interne »74. Le Procureur répond que :

[TRADUCTION] [l’]obligation faite aux parties à l’article 121 de fournir les logiciels nécessaires à la consultation des pièces vise à s’assurer que les pièces

72 Cf. TPIR, Le Procureur c. Bizimungu et consorts, ICTR-99-50-T, Decision on the Motion of Bicamumpaka and Mugenzi for Disclosure of Relevant Material, 1er décembre 2004, par. 9 ([TRADUCTION] « L’article 68 B) [RPP du TPIR, l’équivalent de l’article 121 A) du RPP du TSL] ne crée pas de nouvelle obligation de communication à l’égard de l’Accusation [. . .] Cet article permet simplement à l’Accusation de faire usage de la technologie moderne dans l’exécution de ses obligations de communication prévues à l’article 68 A) [RPP du TPIR, l’équivalent de l’article 113 A) du RPP du TSL) et dans tout autre article tel que l’article 66 [RPP du TPIR, l’équivalent de l’article 110 du RPP du TSL]) ».) ; voir aussi TPIR, Le Procureur c. Karemera et consorts, ICTR-98-44-AR73.7, Decision on Interlocutory Appeal Regarding the Role of the Prosecutor’s Electronic Disclosure Suite in Discharging Disclosure Obligations, 30 juin 2006, par. 12 ([TRADUCTION] « L’article 68 B) ne crée pas d’obligation de communication distincte. Plus exactement, il prévoit simplement un moyen possible de communiquer des éléments à décharge à la défense, sous forme électronique [...] »).

73 Voir Décision attaquée, par. 52.

74 Appel, par. 42 et 43.

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Consultation des registres des données d’appel CA

communiquées électroniquement sont accessibles et consultables. Elle n’exige pas que l’Accusation manipule des éléments de preuve reçus sous une forme spécifique (CDR sous la forme de Données brutes) et les présente sous une autre forme (sous la forme d’une base de données SQL) afin de faciliter les enquêtes de la Défense. L’article 121 ne prévoit pas non plus que l’Accusation crée une base de données permettant à la Défense de manipuler ou de comparer les éléments de preuve communiqués. Il prévoit simplement la fourniture de logiciels permettant la lecture et la consultation des éléments de preuve. [. . .] La Défense de M. Oneissi n’a pas démontré qu’elle ne pouvait accéder aux CDR sous forme de données brutes ou les consulter. Les CDR existant sous cette forme sont des fichiers textes qui peuvent être lus et consultés avec des logiciels de lecture de texte appropriés, tels que Microsoft UltraEdit, qui a été fourni à la Défense. De plus, il est possible de comparer des CDR sans les convertir en base de données SQL au moyen d’un logiciel facilement disponible tel qu’Excel75.

35. Ne possédant ni les compétences ni les informations d’un juge du fait statuant en premier ressort, nous considérons d’abord qu’il ne nous appartient pas de trancher cette question factuelle – portant sur le point de savoir si les données communiquées au format SQL constituent un nouveau produit – en appel, pour la première fois. Il incombait au Juge de la mise en état de rendre cette décision. Or ce dernier n’a pas examiné l’article 121 A) ni ses effets potentiels sur la question portée devant lui.

36. Nous relevons à cet égard que la Décision attaquée est parfois ambiguë concernant la nature et l’état des données en question. Par exemple, tout en déclarant que « l’Accusation n’est pas tenue de procéder à des analyses, ou de créer des documents produits en interne qui ne se trouvent pas sous sa garde, son contrôle ou en sa possession », et que « [l]orsque l’Accusation n’est pas en possession […] d’analyses de données brutes en langage SQL correspondant à la période pertinente, elle ne peut pas être tenue d’en effectuer [l’analyse] »76, le Juge de la mise en état ordonne apparemment à l’Accusation de fournir certains CDR au format SQL qui n’existent pas déjà sous cette forme77. De fait, ni la Décision attaquée ni les

75 Réponse de l’Accusation, par. 45 et 46.

76 Décision, par. 52.

77 Voir idem, par. 55 ; Réponse de l’Accusation, par. 18, 41.

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Consultation des registres des données d’appel CA

conclusions des parties ne précisent très clairement la forme sous laquelle existe telle ou telle pièce. Le Juge de la mise en état fait référence à une lettre adressée par l’Accusation à la Défense le 15 janvier 2013, qui semble contenir davantage d’informations à cet égard78. Toutefois, cette lettre n’est pas versée au dossier.

37. Nous concluons que la Décision attaquée est trop imprécise quant à la nature des CDR existant au format SQL, et que le Juge de la mise en état est mieux placé que la Chambre d’appel pour trancher cette question en premier ressort et identifier l’article ou les articles applicable(s). Dans ces conditions, nous renvoyons devant le Juge de la mise en état la question de savoir si le Procureur doit fournir les CDR en langage SQL lorsque les CDR qu’il doit communiquer n’existent que sous la forme de données brutes, afin qu’il statue dans le respect de la présente décision. Le Juge de la mise en état doit clarifier la nature des données au format SQL par rapport aux données brutes, puis indiquer si les données brutes jugées nécessaires à la préparation de la Défense en application de l’article 110 B) doivent être mises à la disposition de la Défense au format SQL en vertu de l’article 110 B) ou de l’article 121 A), en tant que « logiciel nécessaire à leur consultation ».

CONCLUSION

38. En résumé, sur les premier et second points, nous accueillons l’appel dans la mesure où nous infirmons les conclusions du Juge de la mise en état. Nous rejetons néanmoins la mesure sollicitée dans l’appel, car il ne nous paraît pas opportun en l’espèce d’ordonner la communication des CDR demandés. Nous renvoyons cette partie de la requête devant le Juge de la mise en état aux fins de réexamen dans le respect de la présente décision.

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS ;

78 Décision attaquée, note de bas de page 57.

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Consultation des registres des données d’appel CA

LA CHAMBRE D’APPEL, statuant à l’unanimité ;

ACCUEILLE l’Appel, dans la mesure où :

(1) le Juge de la mise en état a commis une erreur de droit en n’appliquant pas ou en appliquant de manière erronée l’article 110 B) ;

(2) le Juge de la mise en état a omis de clarifier la nature des CDR au format SQL lorsqu’il a appliqué l’article 110 B) et d’envisager l’applicabilité de l’article 121 A) à la requête en communication de CDR présentée par la Défense ;

REJETTE l’Appel pour le surplus ;

RENVOIE la requête spécifique de la Défense concernant la communication des CDR devant le Juge de la mise en état, aux fins de réexamen dans le respect de la présente décision.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi.

Fait le 02 octobre 2013 À Leidschendam (Pays-Bas)

M. le juge David Baragwanath Président

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9.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : Président

Titre : Décision relative à la requête de la Défense auxfinsderéexamenetd’annulationdel’ordonnance portant composition de la Chambre de première instance

Titre réduit : Composition de la Chambre de première instance PRES

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LE PRÉSIDENT

Affaire n° : STL-11-01/PT/PRES

Devant : M. le juge David Baragwanath, Président

Le Greffier : M. Daryl Mundis

Date : 4 octobre 2013

Original : Anglais

Type de document : Public

LE PROCUREUR c.

SALIM JAMIL AYYASH, MUSTAFA AMINE BADREDDINE,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA

DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE AUX FINS DE RÉEXAMEN ET D’ANNULATION DE L’ORDONNANCE

PORTANT COMPOSITION DE LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Bureau du Procureur : M. Norman Farrell

Conseils de M. Salim Jamil Ayyash : M. Eugene O’Sullivan M. Emile Aoun

Chef du Bureau de la Défense : M. François Roux

Conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: M. Antoine Korkmaz M. John Jones

Représentants légaux des victimes : M. Peter Haynes Mme Nada Abdelsater-Abusamra M. Mohammad Mattar

Conseils de M. Hussein Hassan Oneissi: M. Vincent Courcelle-Labrousse M. Yasser HassanConseils de M. Assad Hassan Sabra: M. David Young M. Guénaël Mettraux

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Composition de la Chambre de première instance PRES

INTRODUCTION

1. Je suis saisi d’une requête1 déposée conjointement par la Défense en l’affaire Ayyash et autres me demandant « [TRADUCTION] de réexaminer et d’annuler2 » l’ordonnance que j’ai rendue le 10 septembre 20133 en vue de la recomposition de la Chambre de première instance.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

2. Après que le Secrétaire général de l’ONU a décidé que les juges de la Chambre de première instance devaient prendre leurs fonctions4, le Président, M. Antonio Cassese, a initialement convoqué la Chambre de première instance à compter du 20 septembre 20115, conformément à l’article 8 3) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban (respectivement, le « Statut » et le « Tribunal »).

3. L’article 8 3) du Statut énonce qu’« [à] la demande du Président de la Chambre de première instance, le Président du Tribunal spécial peut, si l’intérêt de la justice le commande, désigner les juges suppléants qui seraient présents à tous les stades de la procédure et siégeraient en remplacement de tout juge qui se trouverait dans l’impossibilité de siéger ».

4. En vertu de cette disposition, le Président Cassese a désigné trois juges et deux juges suppléants pour siéger à la Chambre de première instance6. Les juges

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PRES, Motion for Reconsideration and Rescission of the President’s “Order on Composition of the Trial Chamber” of 10 September 2013, 23 septembre 2013 (« la Requête »). Sauf mention contraire, toute référence ultérieure à des écritures et décisions se rapporte à ce numéro d’affaire.

2 Requête, par. 13.

3 Ordonnance relative à la composition de la Chambre de première instance, 10 septembre 2013 (l’ « Ordonnance »).

4 Voir article 17 b) de l’Annexe à la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité de l’ONU.

5 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/I/PRES, Ordonnance portant composition de la Chambre de première instance, 8 septembre 2011 (l’« Ordonnance du 8 septembre 2011 »).

6 Ordonnance du 8 septembre 2011.

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Composition de la Chambre de première instance PRES

suppléants — M. le juge Walid Akoum et Mme le juge Janet Nosworthy — ont donc été tenus d’assister à toutes les audiences et à tous les débats de la Chambre de première instance au cours des deux dernières années7.

5. À la suite de la démission, le 9 septembre 2013, de M. le juge Robert Roth, juge président de la Chambre de première instance, les quatre autres juges m’ont adressé une lettre ce jourlà pour me demander de « [TRADUCTION] prendre toutes les mesures nécessaires conformément à l’article 8 3) du Statut du Tribunal afin de garantir la nomination, en tant que juge de la Chambre de première instance, de Mme le juge Janet Nosworthy, juge international suppléant » de façon à ce que « la Chambre de première instance puisse poursuivre ses activités »8.

6. L’article 10 1) du Statut dispose que le Président « est responsable du bon fonctionnement du Tribunal et de la bonne administration de la justice9 ». L’article 16 4) c) garantit le droit des accusés d’être « jugé[s] sans retard excessif ». Les articles 18 2) et 28 2) soulignent la nécessité d’assurer un « procès rapide et équitable ». L’article 21 impose au Tribunal de prendre « des mesures strictes pour éviter toute action qui entraînerait un retard non justifié ».

7. Compte tenu de ce mandat clair que confère le Statut au Tribunal, j’ai pris en considération, aux fins de l’Ordonnance, le fait que la Chambre de première instance était saisie de plusieurs questions au titre de l’article 89 E) du Règlement10, et que le Juge de la mise en état avait provisoirement fixé l’ouverture du procès en l’affaire qui nous occupe au 13 janvier 201411. J’ai expressément rappelé que la Chambre de première instance était alors saisie de requêtes déposées par les conseils de la Défense alléguant des vices de forme de l’acte d’accusation, le principal instrument accusatoire en l’espèce12. J’ai notamment souligné « l’importance vitale de la

7 Voir article 27 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »).

8 Confidential letter from Judge Janet Nosworthy (Alternate Judge), Judge Walid Akoum (Alternate Judge), Judge Micheline Braidy and Judge David Re to the President, 9 septembre 2013.

9 Voir aussi article 32 B) du Règlement. Ces dispositions sont conformes à des dispositions similaires en vigueur dans plusieurs autres tribunaux pénaux internationaux.

10 Ordonnance, p. 3.

11 Ordonnance, p. 3.

12 Ordonnance, p. 3.

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Composition de la Chambre de première instance PRES

poursuite des activités de la Chambre de première instance de la manière la plus efficace et la plus rapide possible13 ».

8. J’ai également renvoyé au fait que la nomination d’un nouveau juge, en remplacement de Mme le juge Nosworthy en tant que juge international suppléant, relève du Secrétaire général de l’ONU14. Cette procédure n’est pas du ressort du Tribunal, et j’étais tenu par le Statut et le Règlement du Tribunal de statuer rapidement et de veiller à ce que la Chambre de première instance puisse examiner les questions dont elle est saisie en vue de la préparation du procès.

9. Dans ce contexte, j’ai conclu que l’article 8 3) du Statut ne peut s’entendre que comme suit : le Président, après avoir désigné les juges suppléants « qui seraient présents à tous les stades de la procédure » (comme ils l’ont fait en l’espèce), doit ensuite choisir un de ces juges « en remplacement de tout juge qui se trouverait dans l’impossibilité de siéger ». Le Président ne dispose d’aucune marge de discrétion quant au choix de procéder, ou non, à ce remplacement15. Dans la droite ligne de l’article 8 3) du Statut, l’article 26 C) du Règlement prévoit le remplacement automatique d’un juge — « [s]i un juge ne peut continuer à siéger pendant une période prolongée ou de manière définitive, le procès se poursuit avec le juge suppléant qui remplace le juge empêché ». Par conséquent, j’ai désigné, avec effet immédiat, Mme le juge Nosworthy — juge international suppléant — en remplacement de M. le juge Robert Roth (également juge international).

13 Ordonnance, p. 3.

14 Voir article 2 3) b) de l’Annexe à la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité de l’ONU et article 28 du Règlement.

15 Comme je le souligne dans l’Ordonnance, les versions en français et arabe de l’article 8 3) du Statut indiquent clairement que l’expression anglaise « each stage of trial » peut renvoyer à tous les stades de la procédure après que les juges de la Chambre de première instance ont été convoqués et que la Chambre de première instance est saisie de questions judiciaires. Je renvoie également à la formulation employée dans la version en français (« remplacement de tout juge »).

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Composition de la Chambre de première instance PRES

ANALYSE

10. La Défense allègue que par l’Ordonnance portant désignation du juge international suppléant en remplacement du juge président, j’ai outrepassé les pouvoirs que me confèrent le Statut et le Règlement, et que je dois par conséquent réexaminer et annuler ma décision, et ce, afin d’éviter une injustice à l’encontre des quatre accusés16. Le Procureur répond que ces allégations sont fausses et que la Requête doit être rejetée17.

11. Je relève tout d’abord que ni le Statut ni le Règlement ne prévoient que les parties puissent contester une ordonnance du Président portant composition ou recomposition d’un collège des chambres du Tribunal18. L’article 140 du Règlement, tel qu’invoqué par la Défense19, prévoit simplement qu’une chambre peut réexaminer les décisions judiciaires rendues par l’une des trois chambres du Tribunal. Le Président n’est pas une « chambre » au sens où l’entend cette disposition. En outre, l’Ordonnance que j’ai rendue aux fins de recomposition de la Chambre de première instance n’était pas une décision judiciaire.

12. Je ne suis pas non plus convaincu par l’argument de la Défense selon lequel la Requête visant à annuler l’Ordonnance peut trouver son fondement dans un pouvoir inhérent et implicite de réexamen20. En effet, la question n’est pas de savoir si un tel pouvoir existe dans l’abstrait, mais de savoir si les parties peuvent contester les mesures administratives que je prends en vertu des responsabilités que me confère l’article 10 du Statut.

13. Hormis la responsabilité de coordonner les travaux des chambres, l’article 10 du Statut et l’article 32 du Règlement me confient un certain nombre d’autres

16 Requête, par. 1.

17 Prosecution Response to Motion for Reconsideration and Rescission of the President’s “Order on Composition of the Trial Chamber” of 10 September 2013, 2 octobre 2013.

18 Au titre de l’article 25 du Règlement, un conseil peut solliciter qu’un juge soit récusé, conformément à la procédure prévue dans cette disposition. Toutefois, la Requête en question ne conteste la qualification d’aucun des juges amenés à siéger à la Chambre de première instance.

19 Requête, par. 2 et 3.

20 Voir Requête, par. 4.

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fonctions administratives, comme émettre des Directives pratiques portant sur des points précis de la conduite de la procédure devant le Tribunal, représenter le Tribunal dans ses relations internationales, et présenter des rapports annuels au Secrétaire général de l’ONU et au Gouvernement du Liban. Rien dans le Statut ou le Règlement ne permet aux parties de s’opposer à des mesures que je prends dans l’exercice de ces fonctions.

14. D’autres tribunaux pénaux internationaux, où le Président est tenu de s’acquitter de fonctions similaires, ont systématiquement réaffirmé le même principe. Comme la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda l’a relevé, « [TRADUCTION] [l]a composition et la recomposition des Chambres de première instance par le Président relève de ses fonctions d’administration judiciaire, conformément au Statut et au Règlement, qui ont été articulés aux fins du bon fonctionnement de l’administration judiciaire du Tribunal21 ». La Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie (« le TPIY ») a conclu que « l’ordonnance fixant la composition du collège de juges de la Chambre d’appel dans chaque affaire est prise par le Président en vertu de son pouvoir de “coordonne[r] les travaux des Chambres”, et qu’il s’agit donc d’une mesure d’administration judiciaire22 ».

15. En effet, lorsqu’il s’est prononcé sur une requête semblable à celle qui nous occupe, le Président par intérim du TPIY a déclaré que « la composition d’un collège des Chambres du Tribunal international n’est pas du ressort d’un Conseil23 ».

21 TPIR, Le Procureur c. Kanyabashi, affaire n° ICTR-96-15-A, Arrêt relatif à la requête de la Défense déposée aux fins d’appel interlocutoire sur la compétence de la Chambre de première instance I, 3 juin 1999 (« la Décision Kanyabashi »), Joint and Separate Opinion of Judge McDonald and Judge Vohrah, par. 19 ; voir aussi, ibid., par. 46 ; Décision Kanyabashi, Opinion individuelle et concordante des juges Wang Tieya et Rafael Nieto-Navia, par. 19 (qui estiment que les dispositions du Statut et du Règlement du TPIR concernant l’affectation des juges « traitent tou[tes] de l’administration judiciaire ») ; mais voir CPI, Le Procureur c. Katanga et autres, ICC-01/04-01/07, Décision relative à la requête de Germain Katanga en date du 14 novembre 2008 aux fins de modification de la composition de la Chambre de première instance II, 21 novembre 2008 (la Présidence, assujettie à un cadre statutaire différent de celui du Tribunal, était saisie d’une requête aux fins de l’examen de la composition du collège au motif qu’un juge ne pouvait prétendument se prévaloir des qualifications et de l’expérience nécessaires ; la Présidence a toutefois rejeté la requête sur le fond).

22 TPIY, Le Procureur c/ Lukić et autres, affaire n° IT-98-32/1-AR11bis.1, Décision relative à la « requête aux fins d’empêcher le Président et le Vice-Président de fixer la composition de la Chambre d’appel et le Président et le Juge Meron d’y siéger », 4 mai 2007, p. 1.

23 TPIY, Le Procureur c/ Delalić et autres, affaire n° IT-96-21-A, Ordonnance relative à la requête adressée au

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En résumé, si les parties peuvent contester la compétence et d’autres questions préjudicielles — ainsi que toute autre décision pour laquelle le Statut, le Règlement ou tout autre instrument connexe prévoit un droit de recours —, le Président n’est pas habilité à connaître d’une requête aux fins de réexamen ou d’annulation de décisions administratives de l’ordre de celle qui est contestée en l’espèce. Par conséquent, la Requête est irrecevable.

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS ;

LE PRÉSIDENT ;

REJETTE la Requête.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi.

Le 4 octobre 2013 À Leidschendam (PaysBas)

M. le juge David Baragwanath Président

Président concernant la composition d’un collège de la Chambre d’appel, 12 février 1999.

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10.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Merhi

Devant : Juge de la mise en état

Titre : Version publique expurgée de la « Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 5 juin 2013 établi à l’encontre de M. Hassan Habib Merhi » datée du 31 juillet 2013

Titre réduit : Acte d’accusation visant M. Merhi JME

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LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Affaire n° : STL-13-04/I/PTJ

Devant : M. le juge Daniel Fransen

Le Greffier : M. Daryl Mundis

Date : 11 octobre 2013

Original : Français

Type de document : Public

LE PROCUREUR c.

HASSAN HABIB MERHI

VERSION PUBLIQUE EXPURGÉE DE LA « DÉCISION RELATIVE À L’EXAMEN DE L’ACTE D’ACCUSATION DU 5 JUIN 2013 ÉTABLI À L’ENCONTRE DE M. HASSAN HABIB MERHI »

DATÉE DU 31 JUILLET 2013

Bureau du Procureur : M. Norman Farrell

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

I. L’objet de la décision

1. Par la présente décision, le Juge de la mise en état du Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal ») se prononce sur les mérites de l’acte d’accusation daté du 5 juin 2013 (l’ « Acte d’accusation du 5 juin 2013 ») établi par le Procureur à l’encontre de M. Hassan Habib Merhi (« M. Merhi » ou le « suspect ») dans le cadre de l’affaire concernant l’attentat commis le 14 février 2005 contre M. Hariri et d’autres personnes1 (l’ « affaire Hariri ») auquel il a apporté deux rectificatifs les 5 juin et 25 juillet 2013. Il statue également sur la requête du Procureur de ne pas divulguer l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 au public et de l’expurger afin de le signifier à M. Merhi conformément à l’article 18, paragraphe 2) du Statut et aux articles 61, alinéa iv), 74, 77, paragraphe A) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »).

2. Le Juge de la mise en état statuera séparément sur la requête du Procureur lui demandant conformément à l’article 18, paragraphe 2) du Statut et aux articles 14, 61, alinéa iv), 68, paragraphe J), alinéa i), 76, 77, paragraphe A), 79, 84 et 101, paragraphe G) du Règlement, de délivrer : i) dès la confirmation de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013, un mandat d’arrêt national et international portant ordre/demande de transfèrement de M. Merhi au Tribunal ; et ii) une ordonnance de mise en détention de celui-ci au quartier pénitentiaire du Tribunal au Royaume des Pays-Bas.

II. Le rappel de la procédure

3. Le 17 janvier 2011, conformément à l’article 68 du Règlement, le Procureur a transmis au Juge de la mise en état un acte d’accusation à l’encontre de M. Ayyash

1 Le terme « attentat » provient de l’article 1 du Statut. Il n’emporte aucune qualification juridique dans le cadre de la présente décision.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

relatif à l’affaire Hariri2. Les 11 mars3, 6 mai4 et 10 juin 20115, le Procureur a déposé de nouvelles versions de l’acte d’accusation au terme desquelles trois nouveaux suspects, M. Badreddine, M. Oneissi et M. Sabra, ont été ajoutés.

4. Le 28 juin 2011, le Juge de la mise en état a rendu une décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi par le Procureur (l’ « Acte d’accusation du 10 juin 2011 ») et a autorisé la mise en accusation de M. Ayyash, M. Badreddine, M. Oneissi et M. Sabra (la « Décision du 28 juin 2011 »)6. Cette affaire intitulée « le Procureur c. Ayyash et autres » porte la référence « STL-11-01 ».

2 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Submission of an Indictment for Confirmation (Rule 68); and (1) Motion for an Arrest Warrant and Order for Transfer (Rule 79); (2) Urgent Motion for the NonDisclosure of the Indictment (Rule 74); and (3) Urgent Motion for an Order for Interim Non-Disclosure of the Identities of Witnesses Pending the Implementation of Appropriate Witness Protection Measures (Rules 77 and 115), confidentiel et ex parte, 17 janvier 2011, (l’ « Acte d’accusation du 17 janvier 2011 »). Une version publique expurgée de la requête groupée (sans les annexes) a été déposée le 5 avril 2012 sur ordonnance du Juge de la mise en état du 8 février 2012.

3 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Submission of an Amended Indictment for Confirmation (Rules 68 and 71) and Motion for Arrest Warrants and Orders for Transfer (Rule 79), confidentiel et ex parte, 11 mars 2011. Cette requête (sans les annexes) a été rendue publique en application de l’ordonnance du Juge de la mise en état du 6 décembre 2011.

4 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Requête groupée du Procureur (1) Présentation d’un acte d’accusation en vue de sa confirmation (article 68), (2) Requête aux fins de prolongation de l’ordonnance du Juge de la mise en état datée du 19 janvier 2011 et rendue conformément à l’article 96 B), et (3) Requêtes en cas de confirmation de l’acte d’accusation conformément aux articles 74, 77 et 79, confidentiel et ex parte, 6 mai 2011. Des versions publiques expurgées de la requête groupée et de l’Annexe A ont été déposées le 16 février 2012 conformément à l’ordonnance du Juge de la mise en état rendue le 8 février 2012. L’Annexe C a été rendue publique conformément à l’ordonnance du Juge de la mise en état rendue le 6 décembre 2011.

5 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Présentation d’un acte d’accusation modifié aux fins de confirmation conformément à l’article 71 et en réponse à l’ordonnance du Juge de la mise en état datée du 9 juin 2011, confidentiel et ex parte, 10 juin 2011 (l’ « Acte d’accusation du 10 juin 2011 »). Ce document a été rendu public (hormis l’Annexe A) sur ordonnance du Juge de la mise en état datée du 6 décembre 2011. L’Annexe A a été déposée à titre confidentiel conformément à la décision du Juge de la mise en état rendue le 10 février 2012.

6 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Décision relative à l’examen de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra, confidentiel, 28 juin 2011. Une version publique expurgée datée du même jour a été déposée le 16 août 2011. Cette décision confirme les chefs d’accusation contenus dans l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 à l’exception de la tentative de causer la mort de 231 autres personnes qui ne rentre pas dans les éléments constitutifs de l’acte de terrorisme mais dans ceux de la tentative d’homicide intentionnel. Voir par. 53.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

5. Le 8 février 2012, le Procureur a demandé l’autorisation du Juge de la mise en état de modifier l’Acte d’accusation du 10 juin 20117. Parmi les modifications principales apportées à cet acte d’accusation, le Procureur proposait la mise en accusation d’une cinquième personne, M. Merhi.

6. Le 13 mars 2012, le Juge de la mise en état a rejeté la requête du 8 février 2012 du Procureur, considérant que ce dernier ne pouvait pas demander, par voie de modifications, la mise en accusation d’une personne qui n’était pas initialement poursuivie dans l’Acte d’accusation du 10 juin 20118.

7. Le 8 octobre 2012, le Procureur a transmis au Juge de la mise en état, pour confirmation, un acte d’accusation, accompagné de pièces justificatives additionnelles, établi à l’encontre de M. Merhi dans le cadre de l’affaire Hariri (l’ « Acte d’accusation du 8 octobre 2012 »)9.

8. Le 27 novembre 2012, le Juge de la mise en état a tenu une réunion avec le Procureur conformément à l’article 68 du Règlement au cours de laquelle certaines questions relatives à l’Acte d’accusation du 8 octobre 2012 ont été abordées.

9. Le 7 décembre 2012, le Procureur a retiré l’Acte d’accusation du 8 octobre 201210.

10. Le 5 juin 2013, le Procureur a signé un acte d’accusation établi à l’encontre de M. Merhi. Cette affaire intitulée « le Procureur c. Merhi » porte la référence « STL-13-04 ».

7 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Request for Leave to Amend the Indictment Pursuant to Rule 71(A)(ii), Submission of an Amended Indictment, and Related Prosecution Applications, confidentiel et ex parte, 8 février 2012.

8 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la requête du Procureur du 8 février 2012 aux fins de déposer un acte d’accusation modifié, confidentiel, 13 mars 2012.

9 TSL, Le Procureur c. Merhi, Affaire n° STL-12-03/I/PTJ, Prosecution’s Submission of an Indictment for Confirmation and Order to Keep the Filing and its Annexes Confidential and Ex Parte; and Motion for an Arrest Warrant, Order for Transfer and Detention; and Order for non-Disclosure, confidentiel et ex parte, 8 octobre 2012.

10 TSL, Le Procureur c. Merhi, Affaire n° STL-12-03/I/PTJ, Withdrawal of the Indictment against Hasan (sic) Habib Merhi, confidentiel et ex parte, 7 décembre 2012.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

11. Le 24 juin 2013, le Juge de la mise en état a été saisi de la requête du Procureur en confirmation de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 ainsi que des pièces justificatives qui l’accompagnent (la « Requête »)11. Le même jour, le Juge de la mise en état a également été saisi d’un rectificatif apporté à l’Acte d’accusation du 5 juin 201312.

12. Le 26 juin 2013, le Procureur a demandé le retrait de deux pièces à conviction de la liste des pièces justificatives déposées à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 201313. Le 25 juillet 2013, le Juge de la mise en état a autorisé ce retrait14.

13. Le 26 juin 2013, le Juge de la mise en état a sollicité des explications du Procureur concernant l’Acte d’accusation du 5 juin 201315.

14. Le 3 juillet 2013, en vertu des pouvoirs découlant de l’article 68, paragraphes E) et F) du Règlement, le Juge de la mise en état a tenu une réunion avec le Procureur afin d’obtenir certaines clarifications ainsi que des informations au sujet de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013. Le 16 juillet 2013, le Procureur a complété ses réponses verbales à ces questions par une note écrite16.

11 TSL, Le Procureur c. Merhi, Affaire n° STL-13-04/I/PTJ, Prosecution’s Submission of an Indictment for Confirmation and Order to Keep this Filing and its Annexes Confidential and Ex Parte; and Motion for an Arrest Warrant, Order for Transfer and Detention; and Order for Non-Disclosure, confidentiel et ex parte, 5 juin 2013.

12 TSL, Le Procureur c. Merhi, Affaire n° STL-13-04/I/PTJ, Corrigendum to Annex A of “Prosecution’s Submission of an Indictment for Confirmation and Order to Keep this Filing and its Annexes Confidential and Ex Parte; and Motion for an Arrest Warrant, Order for Transfer and Detention; and Order for Non-Disclosure”, confidentiel et ex parte, 20 juin 2013.

13 TSL, Le Procureur c. Merhi, Affaire n° STL-13-04/I/PTJ, Prosecutor’s Request to Withdraw Two Internal Memoranda from Supporting Materials, confidentiel et ex parte, 26 juin 2013.

14 TSL, Le Procureur c. Merhi, Affaire n° STL-13-04/I/PTJ, Décision autorisant le retrait de deux mémorandums internes de la liste des pièces justificatives, confidentiel et ex parte, 25 juillet 2013.

15 Correspondance adressée par le Juge de la mise en état au Procureur, Questions relatives à l’acte d’accusation du 5 juin 2013 dans l’affaire STL-13-04, confidentiel et ex parte, 26 juin 2013.

16 Correspondance adressée par le Procureur au Juge de la mise en état, référence IOP/O/L/NF/2013/0083, confidentiel, 16 juillet 2013.

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15. Le 15 juillet 2013, le Procureur a déposé un rectificatif à l’annexe F de la Requête par lequel il a ajouté à la liste des pièces à conviction déposées à l’appui de cette dernière huit dossiers qui avaient été omis par erreur17.

16. Le 16 juillet 2013, le Juge de la mise en état a sollicité des explications du Procureur concernant certaines pièces justificatives à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 201318 auxquelles le Procureur a répondu le 22 juillet 201319.

17. Le 19 juillet 2013, à la demande du Procureur20, le Juge de la mise en état a ordonné au Greffe de déposer un certificat indiquant que les pièces justificatives déposées les 6, 11 et 20 mai 2011 dans le dossier STL-11-01 font également partie des pièces justificatives du dossier STL1304 sans qu’il soit nécessaire qu’elles soient redéposées dans celui-ci (les « pièces justificatives à l’appui de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 »)21. Le 23 juillet 2013, le Juge de la mise en état a reçu ce certificat22.

18. Le 25 juillet 2013, le Procureur a déposé un nouveau rectificatif de l’Acte d’accusation du 5 juin 201323.

17 TSL, Le Procureur c. Merhi, Affaire n° STL-13-04/I/PTJ, Corrigendum to Annex F to “Prosecution’s Submission of an Indictment for Confirmation and Order to Keep this Filing and its Annexes Confidential and Ex Parte; and Motion for an Arrest Warrant, Order for Transfer and Detention; and Order for Non-Disclosure”, confidentiel et ex parte, 15 juillet 2013 (le « Rectificatif du 15 juillet 2013 »).

18 Correspondance adressée par le Juge de la mise en état au Procureur, Questions to the Office of the Prosecutor related to the documents filed in support of the Prosecution’s Submission of an Indictment of 5 June 2013, confidentiel et ex parte, 16 juillet 2013.

19 Correspondance adressée par le Procureur au Juge de la mise en état, Response to Pre-Trial Judge’s Questions related to documents filed in support of the Prosecution’s Submission of an Indictment of 5 June 2013, référence IOP/O/L/2013/NF/0086, 22 juillet 2013.

20 TSL, Le Procureur c. Merhi, Affaire n° STL-13-04/I/PTJ, Prosecution’s Request for a Certificate to be Filed in Lieu of Filing the Supporting Materials from Case IT-01-11 (sic) Ayyash et al in the Present Case, confidentiel et ex parte, 15 juillet 2013.

21 TSL, Le Procureur c. Merhi, Affaire n° STL-13-04/I/PTJ, Decision on “Prosecution’s Request for a Certificate to be Filed in Lieu of Filing the Supporting Materials from Case IT-01-11 (sic) Ayyash et al in the Present Case, confidentiel et ex parte, 19 juillet 2013.

22 TSL, Le Procureur c. Merhi, Affaire n° STL-13-04/I/PTJ, Certificate, confidentiel et ex parte, 22 juillet 2013.

23 TSL, Le Procureur c. Merhi, Affaire n° STL-13-04/I/PTJ, Second Corrigendum to the Merhi Indictment, confidentiel et ex parte, 25 juillet 2013 (le « Rectificatif du 25 juillet 2013 »).

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19. Le 29 juillet 2013, le Procureur a sollicité l’autorisation de déposer 12 nouvelles pièces justificatives à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 201324. Parmi celles-ci, il considère que trois pièces remplacent celles qu’il avait déposées précédemment.

III. La Requête

20. Le Procureur sollicite la confirmation de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 à l’encontre de M. Merhi relatif à l’affaire Hariri. Il sollicite également la non-divulgation au public de cet acte d’accusation et des pièces justificatives jusqu’à ce qu’une ordonnance ultérieure soit rendue à sa demande, conformément aux articles 18, paragraphe 2 du Statut et 61, paragraphe iv), 77, paragraphe A) et 96, paragraphe B) du Règlement.

21. Le Procureur requiert l’émission d’un mandat d’arrêt national et international à l’encontre de M. Merhi si l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 était confirmé et annonce son intention de solliciter la jonction de cette affaire avec l’affaire « le Procureur c. Ayyash et autres ».

IV. La compétence du Juge de la mise en état

22. Conformément aux articles 18 du Statut et 68 du Règlement, le Juge de la mise en état examine l’acte d’accusation qui lui est transmis par le Procureur en vue, le cas échéant, de le confirmer. En outre, conformément à l’article 74 du Règlement, à la demande du Procureur, il peut ordonner, dans l’intérêt de la justice et dans des circonstances exceptionnelles, la nondivulgation au public d’un acte d’accusation.

23. En conséquence, le Juge de la mise en état est compétent pour statuer sur la Requête.

24 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al. (sic), Affaire n° STL-13-04/I/PTJ, Prosecution Application to Present Additional Material in Support of the Indictment filed on 5 June 2013, confidentiel et ex parte, 29 juillet 2013 (la « Requête du 29 juillet 2013 »).

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V. Le droit applicable

24. Le Juge de la mise en état rappelle que, dans le cadre de l’examen de l’Acte d’accusation du 17 janvier 2011, il a adressé à la Chambre d’appel des questions préjudicielles portant sur les crimes et les modes de responsabilité visés dans cet acte ainsi que sur le concours de qualifications25.

25. Le 16 février 201126, la Chambre d’appel a répondu aux questions susvisées en développant le droit applicable à propos de l’acte de terrorisme27, de l’homicide intentionnel28, de la tentative d’homicide29, des modes de responsabilité30, du cumul de qualifications31 ainsi que des circonstances aggravantes32.

26. Dans la mesure où les infractions et les modes de responsabilité retenus par le Procureur dans l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 sont similaires à ceux visés dans l’acte d’accusation initial dans l’affaire « Le Procureur c. Ayyash et autres », il convient, pour les besoins de la présente décision, de rappeler que la Chambre d’appel a conclu :

i) À propos de l’acte de terrorisme :

L’article 314 du Code pénal libanais et l’article 6 de la loi de 1958, interprétés à la lumière des règles de droit international qui s’imposent au Liban, pour autant que leur interprétation n’aille pas à l’encontre du principe de la légalité, exigent, en ce qui concerne le crime de terrorisme, les éléments constitutifs suivants […] :

25 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Ordonnance relative aux questions préjudicielles adressées aux Juges de la Chambre d’appel conformément à l’article 68, paragraphe G) du Règlement de procédure et de preuve, 21 janvier 2011.

26 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I/AC/R176bis, Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, 16 février 2011 (la « Décision préjudicielle de la Chambre d’appel »).

27 Id., Dispositif, par. 1-4.

28 Id., Dispositif, par. 9-12.

29 Ibid.

30 Id., Dispositif, par. 13.

31 Id., Dispositif, par. 14-15.

32 Id., par. 59, 145, 170 et 175.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

a. l’accomplissement volontaire d’un acte ou la menace vraisemblable de commettre un acte ;

b. par des moyens susceptibles de produire un danger commun33 ; et

c. avec l’intention spécifique de créer un état d’alarme ;

L’auteur d’un acte de terrorisme, lorsqu’il se sert, par exemple, de matières explosives visant à tuer un individu déterminé mais tue ou blesse, au cours de cette opération, des personnes qui n’étaient pas directement prises pour cibles, peut être tenu responsable, dans ce cas, d’un acte de terrorisme et d’un homicide intentionnel (ou d’une tentative d’homicide), dès lors qu’il a prévu l’éventualité que surviennent davantage de pertes de vie humaine et de blessures et qu’il a néanmoins pris volontairement le risque qu’il en aille ainsi (dolus eventualis, à savoir négligence délibérée ou intention présumée) […]34.

ii) À propos du complot :

L’article 270 du Code pénal libanais et l’article 7 de la loi du 11 janvier 1958 prévoient que le crime de complot est constitué par les éléments suivants […] :

a. la présence de deux ou plusieurs individus ;

b. qui concluent une entente répondant aux caractéristiques décrites au paragraphe 196 [de la Décision préjudicielle de la Chambre d’appel] ou y adhèrent ;

dans le but de commettre des crimes contre la sûreté de l’État (la commission d’un acte de terrorisme, si l’on s’en tient à la mission du Tribunal spécial, doit constituer le but du complot) ;

33 La Chambre d’appel « relève notamment que les moyens susceptibles de créer un danger commun au sens de l’article 314 doivent toujours faire l’objet d’un examen au cas par cas, compte tenu du fait que ledit article en dresse une liste qui n’est pas exhaustive et qu’il y a lieu de prêter attention au contexte et aux circonstances dans lesquelles le comportement incriminé se situe. On peut ainsi être assuré d’interpréter l’article 314 d’une manière conforme aux obligations internationales qui pèsent sur le Liban » (Id., Dispositif, par. 3).

34 Id., Dispositif, par. 3-4.

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c. les moyens devant être utilisés pour commettre le crime faisant l’objet d’une entente (ce qui signifie que le complot en vue de commettre un acte de terrorisme doit correspondre à l’élément portant sur les « moyens » qui est visé à l’article 314 [du Code pénal libanais]) ; et

d. avec une intention criminelle liée à l’objet du complot35.

iii) À propos de l’homicide intentionnel :

Aux termes des articles 547 à 549 du Code pénal libanais, le crime d’homicide intentionnel est constitué par les éléments suivants […] :

a. un acte, ou une omission coupable, visant à porter atteinte à la vie d’autrui ;

b. qui entraîne le décès d’une personne ;

c. qui établit l’existence d’un lien causal entre l’acte perpétré et le décès qui en est la conséquence ;

d. qui montre que l’auteur de l’acte connaît les tenants et aboutissants de l’infraction commise (y compris que l’acte est dirigé contre une personne vivante et qu’il est exécuté par des moyens susceptibles de provoquer la mort) ; et

e. l’intention de provoquer la mort, qu’elle soit directement liée à l’acte ou bien qu’il s’agisse d’un dolus eventualis36.

iv) À propos de la tentative d’homicide :

Aux termes des articles 200 à 203 du Code pénal libanais, le crime de tentative d’homicide est constitué par les éléments suivants […] :

a. un acte préliminaire visant à commettre le crime (assorti d’un commencement d’exécution du crime) ;

b. l’intention subjective requise de commettre le crime ; et

c. le défaut de renonciation volontaire à commettre l’infraction en cause avant qu’elle ne soit perpétrée37.

35 Id., Dispositif, par. 7.

36 Id., Dispositif, par. 11.

37 Ibid.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

v) À propos des modes de responsabilité :

Il appartient au Tribunal de comparer les mérites respectifs du droit international pénal et du droit interne libanais lorsqu’il procède à l’application de tel ou tel mode de responsabilité. S’il n’existe aucun point de désaccord entre les deux ordres juridiques, il convient d’appliquer le droit libanais. Toutefois, en cas de divergence, et en tenant compte des circonstances de l’affaire, il y a lieu d’appliquer le régime juridique le plus favorable à l’accusé […]38.

vi) À propos du cumul de qualifications :

Le cumul de qualifications ne doit être admis que lorsque, en raison des éléments distincts qui les constituent, de véritables différences séparent les infractions incriminées et que lorsque les règles s’appliquant à chaque type d’infraction correspondent à des valeurs profondément diverses. Le Tribunal doit retenir de préférence les chefs d’accusation alternatifs lorsqu’un comportement ne saurait donner lieu à plusieurs condamnations. Les modes de responsabilité qui ont trait à la même infraction doivent toujours faire l’objet de chefs d’accusation alternatifs […]39.

vii) À propos des circonstances aggravantes :

En tenant compte du fait que le résultat visé par le crime de terrorisme est de répandre la terreur, et pas nécessairement de provoquer la mort ou des blessures, les morts entraînées par des actes terroristes deviennent des circonstances aggravantes, conformément à l’article 6 de la loi du 1l janvier 195840.

[…] en droit libanais, les résultats de l’acte de terrorisme, tels que la mort de personnes, la destruction de biens et autres conséquences visées à l’article 6 de la loi du 11 janvier 1958 en constituent les circonstances aggravantes (et non pas un élément matériel de ce crime) […]41.

38 Id., Dispositif, par. 13.

39 Id., Dispositif, par. 15.

40 Id., par. 59.

41 Id., par. 145.

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Ce raisonnement découle du fait que la préméditation, telle que prévue à l’article 549 du Code pénal libanais, n’est pas un élément du crime mais une circonstance aggravante de la peine. En conséquence, elle n’entre pas dans l’évaluation du crime mais devient pertinente à une étape ultérieure, à savoir celle de la détermination de la peine42.

En résumé, l’homicide intentionnel fondé sur une intention directe entraînant le décès de la victime visée relève des articles 547 et 188 du Code pénal libanais. L’homicide intentionnel reposant sur un dol éventuel ayant entraîné le décès de victimes qui n’étaient pas visées relève des articles 547 et 189 du Code. La préméditation est applicable à titre de circonstance aggravante aux deux formes de crime (avec intention directe ou avec dol éventuel) et à tous les auteurs et complices que réunit l’élément de préméditation43.

27. Le Juge de la mise en état renvoie à ces définitions du droit applicable pour les besoins de l’examen de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013.

VI. Les critères d’examen de l’acte d’accusation

28. Conformément aux termes des articles 18 du Statut et 68 du Règlement, au contexte dans lequel s’inscrivent ces dispositions, à l’objet et au but de celles-ci, aux fins de confirmer un acte d’accusation, le Juge de la mise en état doit s’assurer que :

i. les crimes qui sont visés dans l’acte d’accusation relèvent de la com-pétence du Tribunal, telle que définie aux articles 1 à 3 du Statut ;

ii. au vu d’un examen des pièces jointes à l’acte d’accusation, celui-ci repose de prime abord sur des éléments suffisants et crédibles pour engager des poursuites à l’encontre du suspect ; et

iii. l’acte d’accusation est suffisamment précis et motivé pour permettre

42 Id., par. 170.

43 Id., par. 175.

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au suspect de comprendre les allégations portées contre lui44.

VII. Lespiècesjustificativesàl’appuidel’Acted’accusationdu5juin2013

29. Dans la Requête, le Procureur se fonde sur 2524 dossiers constituant les pièces justificatives fournies à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 (annexe F de la Requête) ainsi que sur les pièces justificatives fournies à l’appui de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 dans l’affaire « le Procureur c. Ayyash et autres »45.

30. Par souci de rationalité, le Procureur n’a cependant pas déposé ces dernières pièces justificatives au motif que le Juge de la mise en état les avaient déjà reçues dans le cadre de l’affaire « le Procureur c. Ayyash et autres ». En revanche, comme indiqué précédemment46, le 22 juillet 2013, un certificat indiquant que les pièces justificatives à l’appui de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 faisaient partie du dossier STL-13-04 a été déposé47.

31. Le Juge de la mise en état considère que, compte tenu des termes du certificat, les pièces justificatives déposées à l’appui de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 font partie de l’ensemble des pièces justificatives à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 conformément à l’article 68, alinéa F) du Règlement et devront être traitées comme telles pour les besoins de la procédure.

VIII. L’examen de la Requête

A. Observations préliminaires

32. Le Juge de la mise en état autorise par la présente le dépôt des versions corrigées de l’Acte d’accusation du 5 juin 201348.

44 Décision du 28 juin 2011, par. 28.

45 Requête, par. 9-11 et Rectificatif.

46 Supra, par. 17.

47 Cf. note de bas de page 22 ci-dessus.

48 Toute référence à l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 dans ce document est relative à l’acte d’accusation ayant fait l’objet de deux rectificatifs.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

33. Le Juge de la mise en état considère également que les demandes du Procureur des 15 et 29 juillet 2013 d’ajouter et de remplacer des pièces justificatives sont fondées. En effet, le Procureur a indiqué les raisons précises pour lesquelles ces pièces sont pertinentes par rapport à l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 et n’avaient pas été déposées précédemment. En outre, il a précisé que les trois pièces49 remplaçant celles qui ont été déposées initialement à l’appui de la Requête ont été modifiées, notamment à la suite des remarques formulées par le Juge de la mise en état au cours du processus d’examen de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013. Par conséquent, le Juge de la mise en état autorise le dépôt de ces pièces conformément à l’article 68, paragraphe I) du Règlement. Les pièces justificatives déposées à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 ainsi que les pièces justificatives déposées à l’appui de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 sont composées, entre autres, de rapports de témoins qualifiés d’experts par le Procureur, de notes d’enquêteurs, de listes de communications téléphoniques, de procès-verbaux d’auditions de témoins, de rapports de police scientifique, d’enregistrements vidéo, de photographies, de cartes géographiques et de certificats de décès.

34. Parmi les pièces justificatives déposées en juin 2013 et dont certaines ont été remplacées le 29 juillet 2013, le Procureur a déposé plusieurs rapports préparés notamment par différents membres de son Bureau portant sur des sujets thématiques spécifiques50, dont :

i. la déclaration de témoin de [EXPURGÉ] du 28 mai 2013 qui porte sur le profil de M. Merhi51 ;

49 Selon le Procureur, il s’agit des rapports suivants : « Indictment Report –Attribution of Phone numbers to Hassan Habib MERHI », du « Communications Evidence concerning the Assassination of Rafik Hariri: Chronology Report » et du « Co-location report number 3 written by [EXPURGÉ] regarding the single person use of mobile telephone numbers 3150071 and 375231 by suspect 3 », Requête du 29 juillet 2013, par. 4.

50 Contrairement à ce que le Procureur a fait à l’appui de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 pour lequel il a déposé un rapport unique relatif aux communications téléphoniques passées entre les personnes impliquées dans l’attentat perpétré à l’encontre de M. Hariri.

51 ERN 60280895-60280907.

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ii. le rapport intitulé « Indictment Report - Attribution of Phone Numbers to Hassan Habib Merhi » de [EXPURGÉ], du 29 juillet 2013, qui porte sur l’attribution des téléphones au suspect52 ;

iii. le rapport intitulé « Communications Evidence Concerning the Assassination of Rafik Hariri: Chronology Report-Hassan Habib Merhi » de [EXPURGÉ], du 29 juillet 2013 (le « Rapport de chronologie »), qui porte sur la participation du suspect au déroulement des événements menant à l’attaque du 14 février 200553 ; et

iv. la déclaration de témoin de [EXPURGÉ] du 26 juillet 2013 relative au positionnement coïncident des téléphones Vert 3150071 et Violet 357523154.

35. Ces rapports s’appuient à leur tour sur une série d’autres documents qui sont essentiels à la compréhension de l’affaire :

i. quatre notes d’enquêteurs portant respectivement sur l’attribution de téléphones à MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra55 ;

ii. un rapport intitulé « Communications Evidence Concerning the Assassination of Rafik Hariri: Chronology Report » de [EXPURGÉ], du 13 novembre 2012, qui porte sur la participation des quatre accusés au déroulement des événements menant à l’attaque du 14 février 200556 ;

52 ERN D0327911-D0328017.

53 ERN D0328018-D0328115.

54 ERN D0327905-D0327910. Cette déclaration s’appuie également sur les pièces suivantes qui ont été ajoutées le 29 juillet 2013 : Maps provided to [EXPURGÉ] on 12-12-2012 for use in [EXPURGÉ] report entitled‘Single person use of 2 mobiles-Suspect 3’, ERN D0327447-D0327453 ; CST for Phone Number 3150071 provided to [EXPURGÉ] on 11-12-2012 for use in [EXPURGÉ] report entitled ‘Single person use of 2 mobiles-Suspect 3’, ERN D0327454-D0327545 ; CST for Phone Number 3575231 provided to [EXPURGÉ] on 11-12-2012 for use in [EXPURGÉ] report entitled ‘Single person use of 2 mobiles-Suspect 3’, ERN D0327546-D0327766 ; Ayyash co-location report - Issue 01’ containing report ‘Demonstration of single person use of multiple mobile phones using Cell Site Analysis, ERN D0216976-D0217258 ; et, Report: Demonstration of single person use of multiple mobile phones using Cell Site Analysis Suspect 2 written by [EXPURGÉ], ERN D0221699-D0221944.

55 M. Ayyash : ERN D0205729-D0205934, 4 novembre 2012 ; M Badreddine : ERN D0187748-D0188040, 31 octobre 2012 ; M. Oneissi : ERN 60275071-60275087, 24 octobre 2012 : M. Sabra : ERN 60274581-60274624, 19 octobre 2012.

56 ERN D0225397-D0225786.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

iii. un rapport intitulé « Network Analysis Report: Red, Green, Blue and Yellow Phones », analysant les réseaux téléphoniques préparé par [EXPURGÉ], du 2 novembre 201257 ;

iv. le rapport de « Présentation de l’analyse de site cellulaire appliquées aux réseaux GSM » préparé par [EXPURGÉ], du 24 septembre 201258 ; et

v. une note d’enquêteur intitulée « Acquisition of SIM Cards Report » portant sur l’acquisition des cartes téléphoniques présentes dans l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 préparé par [EXPURGÉ], du 4 octobre 201259.

36. Le Juge de la mise en état considère que ces rapports et documents mettent en perspective les éléments rassemblés par le Procureur dans le cadre de ses enquêtes. Ils permettent de vérifier de façon intelligible et ordonnée l’existence de preuves prima facie à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013.

37. Le Juge la mise en état estime que l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 étant fondé sur des preuves circonstancielles de même nature que celles justifiant l’Acte d’accusation du 10 juin 2011, les mêmes remarques que celles formulées dans la Décision du 28 juin 2011 s’appliquent60. En effet, le rôle du suspect a été déterminé par le Procureur essentiellement sur la base de l’analyse de communications téléphoniques ainsi que de l’usage de téléphones mobiles. À cet égard, le Juge de la mise en état avait précisé que :

Seule une vue globale de ces éléments [de preuve] permet de comprendre l’attentat du 14 février 2005, les évènements qui l’ont précédé et qui lui ont succédé ainsi que l’implication présumée des suspects dans ceux-ci. Au vu des vérifications qu’il a effectuées, le Juge de la mise en état estime que ces éléments sont suffisamment crédibles et pertinents pour un examen de prime abord de l’Acte d’accusation. Pour pouvoir entraîner une condamnation, ils devront néanmoins être, le cas échéant,

57 ERN D0200399-D0200571.

58 ERN D0136125-D0136305.

59 ERN 60271149-60271206.

60 Décision du 28 juin 2011, par. 37 et 38.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

déclarés établis au-delà de tout doute raisonnable par la Chambre de première instance61.

Enfin, le Juge de la mise en état souligne que la responsabilité présumée des suspects, en tant que coauteurs ou complices, a été examinée en tenant exclusivement compte des critères établis par la Chambre d’appel. Aussi n’a-t-il pas estimé devoir se prononcer sur leur « niveau hiérarchique » tel qu’il est décrit par le Procureur au paragraphe 5 de l’Acte d’accusation62.

38. Enfin, le Juge de la mise en état note que les modifications du Rapport de chronologie déposé dans la présente affaire visent notamment à ne plus désigner les utilisateurs non identifiés de téléphones de différents réseaux par les pseudonymes « S5 », « S6 », S7 », etc (« numéro de sujet »63) et à ne plus leur attribuer un ou plusieurs numéros de téléphone appartenant à différents réseaux64. Le Juge de la mise en état considère cependant que les allégations relatives à ces utilisateurs non identifiés, qui figurent dans l’Acte d’accusation 5 juin 2013, se fondent sur d’autres pièces justificatives et notamment celles à l’appui du Rapport relatif aux communications téléphoniques passées par les personnes impliquées dans l’attentat perpétré contre M. Hariri du 2 mai 2011 de [EXPURGÉ]65.

B. Les chefs d’accusation et la compétence du Tribunal

39. Conformément aux articles 2 et 3 du Statut ainsi qu’aux dispositions pertinentes du Code pénal libanais66 et de la loi libanaise du 11 janvier 1958 « renforçant les

61 Id., par. 37, note infrapaginale omise.

62 Id., par. 38.

63 Acte d’accusation du 5 juin 2013, par. 19

64 Requête du 29 juillet 2013, Annexe C, p. 2.

65 Le Rapport relatif aux communications téléphoniques passées par les personnes impliquées dans l’attentat perpétré contre M. Hariri du 2 mai 2011 de [EXPURGÉ] – ERN 60218475-60218992 – a été déposé dans l’affaire le « Procureur c. Ayyash et autres » et joint à la présente procédure par le certificat du 22 juillet 2013. Cf. note de bas de page 22 ci-dessus.

66 Art. 188, 189, 200, 212, 213, 219, paragraphes 4) et 5), 270, 314, 547 et 549, paragraphes 1) et 7) du Code pénal libanais.

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peines relatives à la sédition, à la guerre civile et à la lutte confessionnelle » (la « Loi du 11 janvier 1958 »)67, le Procureur a accusé M. Merhi :

i. en tant que coauteur, de complot en vue de commettre un acte de terrorisme (chef d’accusation n°1) ;

ii. en tant que complice, de commission d’un acte de terrorisme, au moyen d’un engin explosif, contre Rafic Hariri (chef d’accusation n°2) ;

iii. en tant que complice, d’homicide intentionnel avec préméditation, au moyen de matières explosives, de Rafic Hariri (chef d’accusation n°3) ;

iv. en tant que complice, d’homicide intentionnel avec préméditation, au moyen de matières explosives, de 21 personnes listées à la pièce A jointe à l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 (chef d’accusation n°4) ;

v. en tant que complice, de tentative d’homicide intentionnel avec préméditation, au moyen de matières explosives, de 226 personnes listées à la pièce B jointe à l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 (chef d’accusation n°5).

40. Les faits visés dans l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 sont relatifs à l’attentat perpétré le 14 février 2005 à l’encontre de M. Hariri et d’autres personnes. Conformément à l’article 1 du Statut, ces faits relèvent de la compétence du Tribunal68.

41. En l’espèce, l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 retient à l’encontre du suspect les crimes de complot en vue de commettre un acte de terrorisme, de complicité de commission d’un acte de terrorisme, de complicité d’homicide intentionnel et de complicité de tentative d’homicide intentionnel qui sont tous visés à l’article 2, paragraphe a) du Statut et à l’article 3, paragraphe 1), alinéa a) du Statut, aux articles 188, 189, 200, 212, 213, 219, paragraphes 4) et 5), 270, 314, 547, 549, paragraphes 1) et 7) du Code pénal libanais et aux articles 6 et 7 de la Loi du 11 janvier 1958.

67 Art. 6 et 7 de la Loi libanaise du 11 janvier 1958.

68 Décision du 28 juin 2011, par. 32-33.

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42. Par conséquent, le Juge de la mise en état estime que les faits, les incriminations et les modes de responsabilité visés relèvent effectivement de la compétence du Tribunal.

C. L’évaluation des chefs d’accusation

1. Les éléments factuels pertinents

43. Parmi les éléments factuels avancés par le Procureur et qui sont établis prima facie, le Juge de la mise en état relève ci-après ceux qu’il considère les plus pertinents pour se prononcer sur les chefs d’accusation69.

a. L’attentat, sa revendication et l’analyse des données téléphoniques

44. Le 14 février 2005 à 12 h 55, M. Hariri, ancien Premier ministre du Liban, est décédé à la suite de la détonation d’une importante quantité d’explosifs – équivalent approximativement à 2.500 kg de TNT – qui aurait été dissimulée dans une camionnette de marque « Mitsubishi Canter », dans le centre de Beyrouth, au Liban. Cet attentat-suicide aurait également causé la mort de 21 autres personnes et aurait infligé des blessures à au moins 226 personnes tout en provoquant la destruction partielle de plusieurs édifices.

45. Peu après l’attentat, une cassette vidéo accompagnée d’une lettre de revendication aurait été reçue à Beyrouth par l’agence de presse Al-Jazeera. Cette cassette vidéo, diffusée dans la journée à la télévision par cette agence de presse, montrerait une personne inconnue du public, le dénommé M. Abu Adass, revendiquant l’attentat au nom d’un groupe fondamentaliste présumé fictif dénommé « Victoire et Jihad en Grande Syrie » et annonçant de nombreuses actions de même nature à venir. L’enquête aurait cependant démontré que l’auteur de l’attentat-suicide ne serait pas M. Abu Adass, sans pour autant qu’il ait été identifié.

69 Ces éléments factuels reposent principalement sur les mêmes pièces justificatives que celles qui ont conduit le Juge de la mise en état à considérer établis prima facie les éléments factuels contenus dans l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 dans l’affaire Ayyash et autres.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

46. Le relevé et l’analyse des registres des données d’appel du 14 février 2005 auraient permis au Procureur de découvrir six téléphones mobiles qui auraient été en communication à des moments et à des lieux-clés en rapport avec l’attentat. Ces six téléphones, dont les utilisateurs seraient enregistrés sous des noms d’emprunt, auraient été utilisés exclusivement pour communiquer entre eux durant toute la période de leur activation. Par souci de compréhension, le Procureur a dénommé le réseau secret formé par ces téléphones le « Réseau Rouge ».

47. Par la suite, en utilisant la technique du « positionnement coïncident » de téléphones70, le Procureur aurait identifié d’autres téléphones mobiles qui auraient également été utilisés par les utilisateurs de téléphones du « Réseau Rouge ». Ces téléphones auraient également été enregistrés sous des noms d’emprunt et certains auraient été connectés exclusivement, ou en grande partie, entre eux, permettant leur usage clandestin. Le Procureur aurait ainsi identifié quatre autres groupes de téléphones qu’il a dénommés « Vert », « Bleu », « Jaune » et « Violet ».

48. Afin de connaître l’identité des utilisateurs des téléphones de l’ensemble de ces groupes de téléphones, en poursuivant l’exploitation de la technique du « positionnement coïncident » de téléphones, le Procureur aurait identifié les téléphones mobiles personnels de certains de ces utilisateurs. Ces téléphones auraient été utilisés pour les affaires quotidiennes, pour appeler des personnes dont l’identité peut plus aisément être décelée car elles n’agissent pas clandestinement. Le Procureur a dénommé ces téléphones mobiles personnels « TMP ».

49. L’identité des utilisateurs de ces « TMP » a été recherchée [EXPURGÉ]. Une fois qu’un téléphone personnel a été attribué à un individu, les autres téléphones appartenant à un ou plusieurs groupe(s) en situation de « positionnement coïncident » avec ce téléphone ont pu être attribués à cette même personne.

50. Aux termes de ses investigations, le Procureur a considéré, au vu de l’ensemble de ces éléments et de ce raisonnement que :

70 D’après la pièce justificative intitulée « Indictment report, Attribution of phone numbers to Hassan Habib Merhi », ERN D0321658 déposée à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013, [EXPURGÉ].

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

i. M. Ayyash aurait été l’utilisateur des téléphones mobiles personnels « TMP 165 », « TMP 091 », « TMP 170 », « TMP 935 » et par voie de conséquence des téléphones « Rouge 741 », « Vert 300 », « Bleu 233 » et « Jaune 294 » ;

ii. M. Badreddine aurait été l’utilisateur des téléphones mobiles personnels « TMP 663 », « TMP 354 », « TMP 944 », « TMP 195 », « TMP 683 », « TMP 486 », « TMP 593 » (dont certains ont été utilisés de façon consécutive) et par voie de conséquence, du téléphone « Vert 023 » ;

iii. M. Merhi aurait été l’utilisateur des téléphones « Violet 231 » et « Vert 071 » ;

iv. M. Oneissi aurait été l’utilisateur du téléphone « Violet 095 » ; et

v. M. Sabra aurait été l’utilisateur du téléphone « Violet 018 ».

b. L’identité et le rôle du suspect

51. Aux termes de ses enquêtes, le Procureur a considéré que M. Merhi :

i. serait un citoyen libanais né le 12 décembre 1965 à Beyrouth (Liban), ayant résidé à l’adresse suivante : Section 27, façade est, numéro du bien immobilier : 2501, zone du bien immobilier : Bourj-El-Barajneh, District : Baabda, Gouvernorat du Mont-Liban, Beyrouth-sud et dont l’adresse présente est inconnue ;

ii. aurait participé avec d’autres personnes, parmi lesquelles les accusés MM. Badreddine, Ayyash, Oneissi et Sabra, à un complot dans le but de commettre un acte de terrorisme visant à assassiner M. Hariri ; et

iii. aurait coordonné, avec M. Badreddine par le biais des téléphones « Verts », la préparation de la fausse revendication de responsabilité diffusée le 14 février 2005 après l’attentat contre M. Hariri ; il aurait ainsi coordonné, en utilisant son téléphone « Violet 231 », les activités de MM. Oneissi et Sabra afin de repérer M. Abu Adass, qui aurait faussement revendiqué, dans

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

un enregistrement vidéo, la responsabilité de l’attentat ainsi que la diffusion de cet enregistrement par Al-Jazeera.

c. La préparation de la fausse revendication de responsabilité

52. Selon le Procureur, les utilisateurs de téléphones « Violets » seraient, de prime abord, impliqués dans la fausse revendication de l’attentat sur la base notamment des éléments suivants :

i. les téléphones « Violet » attribués à MM. Oneissi et Sabra auraient été actifs pendant 10 jours en décembre 2004 et janvier 2005 aux alentours du domicile de M. Abu Adass et de la mosquée universitaire arabe de Beyrouth que celui-ci aurait fréquentée. M. Oneissi, sous l’alias « Mohammed », aurait approché M. Abu Adass et aurait par la suite entretenu des contacts avec lui avant que celui-ci ne disparaisse le 16 janvier 2005. Ce dernier aurait ensuite revendiqué l’attentat dans un enregistrement vidéo diffusé à la télévision par AlJazeera après l’attentat ;

ii. MM. Oneissi, Sabra et Merhi, par l’intermédiaire de leur téléphone « Violet », auraient été en contact de 2003 à début 2005 : MM. Oneissi et Sabra entre le 12 janvier 2003 et le 16 février 2005 à 84 reprises ; MM. Sabra et Merhi entre le 7 janvier 2003 et le 14 février 2005, 212 fois ; et MM. Merhi et Oneissi entre le 25 juin 2003 et le 26 janvier 2005 à 195 reprises ;

iii. Plus spécifiquement et d’après les pièces justificatives, entre le 22 décembre 2004 et le 14 février 2005 M. Merhi et MM. Oneissi et Sabra auraient été en contact téléphonique 45 fois par le biais de leur téléphone « Violet » ;

iv. les téléphones « Vert » attribués à MM. Merhi, Badreddine et Ayyash auraient communiqué exclusivement entre eux du 13 octobre 2004 au 14 février 2005 ;

v. entre le 6 novembre 2004 au plus tard et le 7 février 2005, M. Merhi, par le biais de son téléphone « Vert 071 », aurait été en contact avec M. Badreddine sur son téléphone « Vert 023 » ;

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

vi. M. Merhi aurait été en contact avec M. Ayyash par le biais de son téléphone « Vert 071 » sur le téléphone « Vert 300 » de M. Ayyash, et par le biais de son téléphone « Violet 231 » sur le téléphone mobile personnel « TMP 091 » de M. Ayyash ;

vii. plus spécifiquement, pendant la période de repérage de M. Abu Adass, les 22 décembre 2004 et 7 janvier 2005, alors que M. Oneissi était à proximité de la mosquée qu’aurait fréquentée M. Abu Adass, MM. Merhi et Oneissi auraient été en contact téléphonique par l’intermédiaire de leur téléphone « Violet ». Les 1er et 4 janvier 2005, alors que M. Sabra aurait été à proximité de la même mosquée, MM. Merhi et Sabra auraient été en contact téléphonique par l’intermédiaire de leur téléphone « Violet ». Pendant la même période, MM. Oneissi et Sabra auraient été en contact téléphonique à six reprises par l’intermédiaire de leur téléphone « Violet » alors que l’un ou l’autre ou les deux se seraient trouvés à proximité de la mosquée. Les 23 et 27 décembre 2004 ainsi que le 2 janvier 2005, MM. Merhi et Badreddine auraient été en contact téléphonique par l’intermédiaire de leur téléphone « Vert » ;

viii. Entre le 12 et le 16 janvier 2005, jour de la disparition présumée de M. Abu Adass, MM. Merhi et Badreddine auraient été en contact téléphonique quotidiennement par l’intermédiaire de leur téléphone « Vert » tel qu’établi prima facie par les pièces justificatives. Entre le 14 et le 15 janvier 2005, MM. Merhi et Sabra auraient été en contact téléphonique trois fois par l’intermédiaire de leur téléphone « Violet » et MM. Oneissi et Sabra auraient été en contact téléphonique deux fois par l’intermédiaire de leur téléphone « Violet ». Le 16 janvier 2005, jour de la rencontre supposée entre M. Oneissi - alias « Mohammed » - et M. Abu Adass, MM. Merhi et Badreddine auraient été en contact téléphonique cinq fois par l’intermédiaire de leur téléphone « Vert ». Le 17 janvier 2005, [EXPURGÉ], M. Oneissi, [EXPURGÉ], aurait contacté M. Merhi par l’intermédiaire de son téléphone « Violet » ; et

ix. M. Hariri aurait quitté le Liban le 4 février 2005 et y serait revenu le 7 février 2005. Entre le 5 et le 6 février 2005, M. Merhi sur le téléphone « Violet 231 » aurait été en contact téléphonique avec M. Ayyash sur son « TMP 091 » à

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cinq reprises. Le matin du 7 février 2005, jour du retour supposé de M. Hariri, MM. Merhi et Ayyash auraient été en contact avec M. Badreddine sur leur téléphone « Vert ».

d. La diffusion de la fausse revendication de responsabilité

53. Concernant la diffusion de la fausse revendication de responsabilité par le biais de la remise de la cassette vidéo, les éléments avancés par le Procureur sont les suivants :

i. le 14 février 2005 avant, entre et après les quatre appels que M. Oneissi ou M. Sabra auraient passés à Al-Jazeera et à Reuters à partir de la même carte téléphonique, utilisée dans plusieurs cabines téléphoniques à Beyrouth, M. Sabra, en utilisant le téléphone « Violet 018 » aurait été en contact à sept reprises avec M. Merhi par le biais du téléphone « Violet 231 » ;

ii. le 14 février 2005, M. Oneissi se serait trouvé à proximité de l’arbre où la cassette vidéo contenant la revendication de responsabilité aurait été placée pour être récupérée [EXPURGÉ] ; et

iii. le 15 février 2005, le téléphone « Violet 231 » attribué à M. Merhi aurait cessé d’être utilisé et le 16 février 2005, le téléphone « Violet 095 » attribué à M. Oneissi et le téléphone « Violet 018 » attribué à M. Sabra auraient également cessé définitivement d’être utilisés.

2. Les chefs d’accusation

54. Par souci de logique, le Juge de la mise en état examinera tout d’abord les chefs d’accusation n° 2, 3, 4 et 5 et terminera par l’examen du chef d’accusation n° 1 portant sur le complot en vue de commettre un acte de terrorisme. En effet, la compréhension de ce dernier nécessite une vue d’ensemble des éléments repris dans les autres chefs d’accusation, notamment celui concernant l’acte de terrorisme.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

a. Le chef d’accusation n° 2 : complicité de commission d’un acte de terrorisme

55. Le Juge de la mise en état observe que le chef d’accusation n° 2 contient les éléments constitutifs de l’infraction d’acte de terrorisme tels qu’ils sont définis par la Chambre d’appel, à savoir : l’accomplissement volontaire d’un acte par des moyens susceptibles de produire un danger commun, avec l’intention spécifique de créer un état d’alarme71.

56. S’agissant de la responsabilité du suspect dans l’acte de terrorisme, le Juge de la mise en état note que, selon le chef d’accusation n° 2, M. Merhi assume la responsabilité pénale individuelle en tant que complice de l’acte de terrorisme. Selon la Chambre d’appel72, un complice doit avoir agi par un des moyens prescrits à l’article 219 du Code pénal libanais73 et être animé de la connaissance de l’intention des auteurs principaux de commettre le crime et de l’intention d’aider ces auteurs à le perpétrer.

57. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation du 5 juin 2013, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, C) de la présente décision, le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que74 :

i. le 14 février 2005, à 12 h 55, un engin explosif de forte puissance dissimulé dans une camionnette « Mitsubishi Canter », a explosé sur la voie publique, rue Minet el Hos’n à Beyrouth (Liban) au passage du convoi de M. Hariri, ancien Premier ministre et personnalité politique influente du Liban ;

ii. l’attentat a causé la mort de M. Hariri et de 21 autres personnes et infligé des blessures à 226 personnes tout en endommageant plusieurs immeubles aux alentours ;

71 Décision préjudicielle de la Chambre d’appel, Dispositif, par. 3.

72 Id., par. 218-228.

73 Tel que modifié par l’article 11 du décret-législatif n° 112 du 16 septembre 1983.

74 Ces présomptions devront, le cas échéant, être confirmées et les preuves déclarées établies par la Chambre de première instance.

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iii. par son ampleur, cet acte a créé un état d’alarme, aggravé par une revendication publique et une menace de commettre à l’avenir de nombreux autres faits de même nature. Cette revendication était également destinée à créer une fausse piste en vue de soustraire les auteurs de l’attentat à la justice ;

iv. MM. Ayyash et Badreddine ont participé, en tant que coauteurs, à l’attentat : ils étaient impliqués dans les opérations de repérage et de surveillance de M. Hariri et étaient également en contact entre eux lors du repérage et de l’achat à Tripoli de la camionnette « Mitsubishi Canter » utilisée pour dissimuler l’engin explosif et réaliser l’attentat ;

v. MM. Oneissi et Sabra, ont participé au recrutement de M. Abu Adass qui a revendiqué la responsabilité de l’acte de terrorisme dans un enregistrement vidéo diffusé peu après celuici ;

vi. M. Merhi était en contact téléphonique direct par l’usage des téléphones « Vert » avec M. Badreddine à différentes périodes dans les mois précédant l’attentat et lors du recrutement, par MM. Oneissi et Sabra, de M. Abu Adass. Ce dernier aurait revendiqué la responsabilité de cet acte dans un enregistrement vidéo diffusé peu après l’attentat et aurait également été en contact avec M. Ayyash avant l’attentat ;

vii. M. Merhi a supervisé la transmission par MM. Oneissi et Sabra de la cassette vidéo à l’agence de presse Al-Jazeera le 14 février 2005, après l’attentat ;

viii. M. Merhi est donc impliqué dans la revendication de l’attentat du 14 février 2005, dont le but était de créer une fausse piste afin d’en soustraire les auteurs à la justice et d’aggraver l’état d’alarme ;

ix. en préparant la revendication de l’attentat visé au chef d’accusation n° 2 avant son exécution, M. Merhi connaissait l’intention de MM. Ayyash et Badreddine de commettre cet acte de terrorisme et il avait personnellement la volonté d’y contribuer par ces actes préparatoires ; et

x. ce faisant, M. Merhi a prêté son concours à la préparation et à la réalisation de l’acte terroriste visé au chef d’accusation n° 2.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

58. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Merhi en tant que complice d’acte de terrorisme. Par conséquent, il convient de confirmer le chef d’accusation n° 2 à l’encontre de M. Merhi.

59. Le Juge de la mise en état observe que même si les éléments de preuve déposés à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 permettent de justifier prima facie le mode de responsabilité retenu par le Procureur à l’encontre de M. Merhi, à savoir la complicité d’acte de terrorisme, ils auraient également permis de retenir une autre forme de participation dans l’acte de terrorisme, celle d’un coauteur, au même tire que MM. Badreddine et Ayyash. En effet, le Procureur soutient que M. Merhi a participé à l’établissement du complot en vue de commettre un acte de terrorisme au même moment que MM. Badreddine et Ayyash, que ce complot avait pour but de commettre un acte de terrorisme en faisant détonner une importante quantité d’explosifs et que M. Merhi aurait été en contact avec MM. Badreddine et Ayyash avant la préparation de la fausse revendication de responsabilité dans le cadre d’actes préparatoires. Dès lors, la distinction entre la forme de responsabilité de M. Merhi et celle de MM. Badreddine et Ayyash n’est pas apparente. Néanmoins, la responsabilité des poursuites incombant au Procureur, le Juge de la mise en état considère qu’il ne lui appartient pas d’imposer au Procureur de requalifier les faits, dans la mesure où la position adoptée par ce dernier n’est pas susceptible de causer de préjudice au suspect75.

b. Le chef d’accusation n° 3 : complicité d’homicide intentionnel avecpréméditationdeRaficHariri

60. Le Juge de la mise en état observe que le chef d’accusation n° 3 de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 n’énumère pas les éléments constitutifs de l’homicide intentionnel tels qu’ils ont été définis par la Chambre d’appel. Néanmoins, le Juge de la mise en état considère que l’exposé concis des faits de l’Acte d’accusation du 5 juin

75 En vertu de l’article 68, paragraphe I, alinéas iii) et iv) du Règlement, à l’issue de l’examen de l’acte d’accusation présenté par le Procureur, le Juge de la mise en état peut confirmer ou rejeter un ou plusieurs chefs d’accusation. Par conséquent, au stade de la confirmation des charges, le Juge de la mise en état n’a pas le pouvoir, reconnu aux juges de la Cour pénale internationale par la norme 55 du Règlement de la Cour, de modifier la qualification juridique des faits.

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2013 contient les éléments sur la base desquels le Procureur a fondé la qualification juridique d’homicide intentionnel, à savoir l’attentat le 14 février 2005 qui a causé le décès de M. Hariri, commis dans l’intention et avec des moyens susceptibles de provoquer la mort76. Le Juge de la mise en état estime que cet exposé des faits, leur qualification juridique ainsi que la référence aux dispositions pertinentes du Statut et du droit libanais figurant dans le chef d’accusation n° 3 garantissent que M. Merhi est suffisamment informé des charges qui pèsent à son encontre.

61. S’agissant de la responsabilité du suspect dans l’homicide intentionnel, le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’analyse du chef d’accusation n° 2 s’appliquent également à l’examen du chef d’accusation n° 3.

62. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation du 5 juin 2013, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, C), le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que :

i. pour les mêmes motifs que ceux mentionnés à propos du chef d’accusation n° 2, M. Merhi a prêté son concours à la préparation et à la réalisation de l’homicide intentionnel de M. Hariri visé au chef d’accusation n° 3 ; et

ii. M. Merhi connaissait à tout le moins l’intention de MM. Ayyash et Badreddine de commettre l’homicide intentionnel de M. Hariri et avait personnellement la volonté d’y contribuer par ces actes préparatoires77.

63. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Merhi en tant que complice d’homicide intentionnel perpétré contre M. Hariri. Par conséquent, il convient de confirmer le chef d’accusation n° 3 à l’encontre de M. Merhi.

76 Acte d’accusation du 5 juin 2013, par. 5.

77 Sans préjudice des observations relatives à la qualité de coauteur de l’acte de terrorisme telles qu’exprimées au par. 57.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

c. Le chef d’accusation n° 4 : complicité d’homicide intentionnel avec préméditation de 21 personnes

64. Le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’analyse du chef d’accusation n° 3 à propos des éléments constitutifs de l’homicide intentionnel s’appliquent mutatis mutandis à l’examen du chef d’accusation n° 4.

65. S’agissant de la responsabilité du suspect dans l’homicide intentionnel, le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’analyse du chef d’accusation n° 2 s’appliquent également à l’examen du chef d’accusation n° 4.

66. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation du 5 juin 2013, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, C), le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que :

i. pour les mêmes motifs que ceux mentionnés à propos du chef d’accusation n° 2, M. Merhi aurait prêté son concours à la préparation et à la réalisation de l’homicide intentionnel de 21 personnes autres que M. Hariri visé au chef d’accusation n° 4 ; et

ii. M. Merhi connaissait l’intention de MM. Ayyash et Badreddine de commettre l’homicide intentionnel des 21 autres personnes et avait personnellement la volonté d’y contribuer par ces actes préparatoires.

67. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Merhi en tant que complice d’homicide intentionnel perpétré contre les 21 personnes listées à la pièce A, jointe à l’Acte d’accusation du 5 juin 2013. Par conséquent, il convient de confirmer le chef d’accusation n° 4 à l’encontre de M. Merhi.

d. Le chef d’accusation n° 5 : complicité de tentative d’homicide intentionnel avec préméditation de 226 personnes

68. Le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’analyse du chef d’accusation n° 3 à propos des éléments constitutifs de l’homicide intentionnel s’appliquent mutatis mutandis à l’examen du chef d’accusation n° 5.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

69. S’agissant de la responsabilité du suspect dans l’homicide intentionnel, le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’analyse du chef d’accusation n° 2 s’appliquent également à l’examen du chef d’accusation n° 5.

70. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation du 5 juin 2013, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, C), le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que :

i. pour les mêmes motifs que ceux mentionnés à propos du chef d’accusation n° 2, M. Merhi aurait prêté son concours à la préparation et à la réalisation de la tentative d’homicide intentionnel de 226 personnes visées au chef d’accusation n° 5 ; et

ii. M. Merhi connaissait l’intention de MM. Ayyash et Badreddine de tenter de commettre l’homicide intentionnel des 226 autres personnes et avait personnellement la volonté d’y contribuer par ces actes préparatoires.

71. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Merhi en tant que complice de tentative d’homicide intentionnel perpétré contre les 226 personnes listées à la pièce B, jointe à l’Acte d’accusation du 5 juin 2013. Par conséquent, il convient de confirmer le chef d’accusation n° 5 à l’encontre de M. Merhi.

e. Le chef d’accusation n° 1 : complot en vue de commettre un acte de terrorisme en tant que coauteur

72. Le Juge de la mise en état observe que le chef d’accusation n° 1 contient les éléments constitutifs de l’infraction de complot tels qu’ils sont définis par la Chambre d’appel, à savoir : la présence de deux ou plusieurs individus ; la conclusion d’une entente ou l’existence d’une adhésion à celle-ci dans le but de commettre un crime contre la sûreté de l’État selon les moyens exigés par la loi pour commettre ce crime ; et l’intention criminelle liée à l’objet du complot78.

78 Décision préjudicielle de la Chambre d’appel, Dispositif, par. 7.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

73. S’agissant de la responsabilité du suspect dans le complot, le Juge de la mise en état note que, selon le chef d’accusation n° 1, il est « coauteur animé d’une intention commune »79. Selon la Chambre d’appel, un coauteur doit contribuer à la réalisation des éléments objectifs et subjectifs constitutifs de l’infraction de complot en vue de commettre un acte de terrorisme80.

74. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 et de l’analyse des chefs d’accusation n° 2 à n° 5 ci-dessus, le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que :

i. MM. Merhi, Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra ainsi que d’autres personnes non identifiées, étaient en contact, directement ou indirectement, pendant une période significative précédant l’attentat du 14 février 2005, notamment à des momentsclés en rapport avec cet acte, sa préparation et sa revendication ;

ii. par son ampleur, par la personne qu’il visait et par l’état d’alarme qui en a résulté, cet acte terroriste a porté atteinte à la sureté de l’État libanais ; et

iii. les actes de M. Merhi et des quatre accusés et les contacts qu’ils ont entretenus directement entre eux, suggèrent qu’ils ont agi dans le cadre d’une entente préalable en vue de commettre l’acte de terrorisme du 14 février 2005.

75. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Merhi en tant que coauteur d’un complot destiné à commettre un acte de terrorisme. Par conséquent, il convient de confirmer le chef d’accusation n° 1 à l’encontre de M. Merhi.

76. Le Juge de la mise en état observe que même si les éléments de preuve déposés à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 permettent de justifier prima facie la date du complot destiné à commettre un acte de terrorisme retenue par le Procureur, à savoir le 11 novembre 2004, ils auraient également permis de retenir une date antérieure. En effet, d’après ces éléments, des activités d’observation de M. Hariri se sont déroulées sur une période de 10 jours entre le 20 octobre et le 10 novembre

79 Acte d’accusation du 5 juin 2013, par. 54, alinéa c).

80 Décision préjudicielle de la Chambre d’appel, par. 213-217.

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2004. En outre, des communications téléphoniques auraient été passées entre MM. Merhi, Badreddine, Ayyash, Sabra et Oneissi dès le 1er septembre 2004. Néanmoins, la responsabilité des poursuites incombant au Procureur, le Juge de la mise en état considère qu’il ne lui appartient pas d’imposer au Procureur de requalifier les faits en avançant la date qu’il a retenue, dans la mesure où la position adoptée par ce dernier n’est pas susceptible de causer de préjudice au suspect.

f. Leconcoursdequalifications

77. D’après la Décision préjudicielle de la Chambre d’appel, rien ne s’oppose à ce que le Procureur cumule les crimes de complot en vue de commettre un acte de terrorisme, de complicité de perpétration d’un acte de terrorisme, d’homicide intentionnel et de tentative d’homicide intentionnel même si, à l’exception du complot, ces crimes trouvent tous leur origine dans les mêmes faits81.

3. Lesexigencesdemotivation,deprécisionetlesmodificationsàapporter à l’Acte d’accusation du 5 juin 2013

78. Le Juge de la mise en état considère que l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 répond aux exigences de motivation et de précision requises par la jurisprudence internationale, le Statut et le Règlement. Sous réserve d’une décision rendue sur les exceptions préjudicielles82, l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 est suffisamment clair et précis pour permettre au suspect de comprendre les allégations portées à son encontre et, en conséquence, lui permettre notamment de préparer sa défense et, le cas échéant, de contester la légalité de sa détention.

IX. Lesexigencesdeconfidentialité

79. Le Procureur invoque plusieurs raisons à l’appui de sa demande de non-divulgation qui sont principalement liées à la nécessité de tout mettre en œuvre pour

81 Décision du 28 juin 2011, par. 92-93.

82 Art. 90 du Règlement.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

faciliter l’arrestation du suspect, assurer le bon déroulement des enquêtes en cours et garantir la protection des témoins.

80. Conformément à l’article 74 du Règlement, il est justifié de maintenir l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 et les pièces qui l’accompagnent confidentiels afin de « préserver l’intégrité du processus judiciaire et notamment l’effectivité de la recherche et, le cas échéant, l’interpellation »83 de M. Merhi. La confidentialité devrait également « contribuer à garantir la protection des témoins concernés en ne révélant pas leur identité et à assurer le bon déroulement des enquêtes en cours en ne dévoilant pas les techniques utilisées et les informations rassemblées»84. L’Acte d’accusation du 5 juin 2013 pourra cependant être communiqué aux autorités compétentes de la République libanaise et à celles d’autres États à qui le Procureur transmettrait l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 en vertu de l’article 74 du Règlement.

81. La demande du Procureur d’expurger certaines informations de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 en vue de le signifier à M. Merhi lors de son éventuelle interpellation est également fondée dans la mesure où celles-ci pourraient mettre en péril des témoins potentiels. Par conséquent, une version expurgée de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 devra être déposée par le Procureur dans les plus brefs délais aux fins de sa signification à M. Merhi.

82. Pour les mêmes raisons, le Juge de la mise en état estime proprio motu que la présente décision doit être maintenue confidentielle jusqu’à nouvel ordre et qu’une version expurgée de celle-ci sera déposée aux fins de sa signification à M. Merhi lors de son éventuelle interpellation.

83. La présente décision et l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 non expurgés seront signifiés à M. Merhi dès son éventuel transfert au siège du Tribunal.

84. L’ensemble des pièces justificatives à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 sera quant à lui communiqué à M. Merhi conformément aux dispositions pertinentes du Règlement.

83 Décision du 28 juin 2011, par. 101.

84 Ibid.

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

LE DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,

En application de l’article 18, paragraphe 1) du Statut, et des articles 68 et 74 du Règlement,

LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT,

AUTORISE le dépôt des rectificatifs des 24 juin et 25 juillet 2013 à l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 ;

AUTORISE le dépôt des pièces visées par le Rectificatif du 15 juillet 2013 et des pièces justificatives visées par la Requête du 29 juillet 2013 ;

CONFIRME à l’encontre de M. Merhi les chefs d’accusation visés dans l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 de :

1. en tant que coauteur, complot en vue de commettre un acte de terrorisme (chef d’accusation n° 1) ;

2. en tant que complice :

i. commission d’un acte de terrorisme (chef d’accusation n° 2) ;

ii. homicide intentionnel avec préméditation (de M. Hariri) (chef d’accusation n° 3) ;

iii. homicide intentionnel avec préméditation (de 21 personnes listées à la pièce A, jointe à l’Acte d’accusation du 5 juin 2013) (chef d’accusation n° 4) ; et

iv. tentative d’homicide intentionnel avec préméditation (de 226 personnes listées à la pièce B, jointe à l’Acte d’accusation du 5 juin 2013) (chef d’accusation n° 5) ;

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

ORDONNE que l’ensemble des pièces justificatives soumises à l’appui de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 soit communiqué à M. Merhi conformément aux dispositions pertinentes du Règlement ;

ORDONNE que la présente décision ainsi que l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 soient maintenus confidentiels, jusqu’à la signification effective de celui-ci à M. Merhi ou jusqu’à nouvel ordre, excepté l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 qui pourra être communiqué aux autorités compétentes de la République libanaise et à celles d’autres États à qui le Procureur le transmettrait en vertu de l’article 74 du Règlement ;

ORDONNE au Procureur de déposer une version expurgée de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 aux fins de sa signification à M. Merhi lors de son éventuelle interpellation pour le 6 août 2013 au plus tard ; et

DIT qu’une version expurgée de la présente décision sera déposée aux fins de sa signification à M. Merhi lors de son éventuelle interpellation ; et

DIT que la présente décision et de l’Acte d’accusation du 5 juin 2013 non expurgés seront signifiés à M. Merhi dès son éventuel transfert au siège du Tribunal.

Fait en anglais, arabe et français, la version française faisant foi.

Leidschendam, le 11 octobre 2013

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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Acte d’accusation visant M. Merhi JME

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11.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : Chambre d’appel

Titre : Décision relative au recours formé par les Conseils de MM. Badreddine et Oneissi contre l’ordonnance du Président concernant la composition de la Chambre de première instance du 10 septembre 2013

Titre réduit : Recours contre une décision du Président CA

243

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LA CHAMBRE D’APPELAffaire n° : STL-11-01/PT/AC

Devant : M. le juge Ralph Riachy, président M.lejugeAfifChamseddine M. le juge Daniel David Ntanda Nsereko MmelejugeIvanaHrdličková

Le Greffier : M. Daryl Mundis

Date : 25 octobre 2013

Original : Anglais

Type de document : Public

LE PROCUREUR c.

SALIM JAMIL AYYASH, MUSTAFA AMINE BADREDDINE,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA

DÉCISION RELATIVE AU RECOURS FORMÉ PAR LES CONSEILS DE MM. BADREDDINE ET ONEISSI CONTRE L’ORDONNANCE

DU PRÉSIDENT CONCERNANT LA COMPOSITION DE LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE DU 10 SEPTEMBRE 2013

Bureau du Procureur : M. Norman Farrell

Conseils de M. Salim Jamil Ayyash : M. Eugene O’Sullivan M. Emile Aoun

Chef du Bureau de la Défense : M. François Roux

Conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: M. Antoine Korkmaz M. John Jones

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes Mme Nada Abdelsater-Abusamra M. Mohammad F. Mattar

Conseils de M. Hussein Hassan Oneissi: M. Vincent Courcelle-Labrousse M. Yasser HassanConseils de M. Assad Hassan Sabra: M. David Young M. Guénaël Mettraux

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Recours contre une décision du Président CA

INTRODUCTION

1. La Chambre d’appel est saisie d’un recours formé conjointement par les équipes de la défense de MM. Badreddine et Oneissi (la « Défense »)1 contre une ordonnance du Président (l’« Ordonnance du Président ») dans laquelle celui-ci modifie la composition de la Chambre de première instance après la démission du juge qui la présidait2.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

2. À la suite de la décision du Secrétaire général des Nations unies relative à l’entrée en fonctions des juges de la Chambre de première instance3, le président de l’époque, M. Antonio Cassese, a convoqué pour la première fois la Chambre de première instance le 20 septembre 2011, et désigné deux juges suppléants (en sus des trois juges siégeant à la Chambre), en application de l’article 8 3) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban (le « Statut » et le « Tribunal », respectivement)4.

3. Le 9 septembre 2013, M. le juge Robert Roth, président de la Chambre de première instance, a démissionné. Les quatre juges restants ont demandé au Président, M. le juge David Baragwanath, de « prendre toutes les mesures nécessaires conformément à l’article 8 3) du Statut du Tribunal afin de garantir la nomination, en tant que juge de la Chambre de première instance, de Mme le juge Janet Nosworthy, juge international suppléant », de façon à ce que « la Chambre de première instance puisse poursuivre ses activités »5.

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC, Recours pour excès de pouvoir à l’encontre de l’Ordonnance du Président du Tribunal du 10 septembre 2013, 21 octobre 2013 (le « Recours »).

2 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PRES, Ordonnance relative à la composition de la Chambre de première instance, 10 septembre 2013 (l’« Ordonnance »).

3 Voir article 17 b) de l’Annexe de la résolution 1757 du Conseil de sécurité des Nations unies (2007).

4 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PRES, Ordonnance portant composition de la Chambre de première instance, 8 septembre 2011.

5 Lettre confidentielle de Mme le juge Micheline Braidi, M. le juge David Re, Mme le juge Janet Nosworthy (juge

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Recours contre une décision du Président CA

4. Le 10 septembre 2013, le Président a rendu l’Ordonnance et nommé Mme le juge Nosworthy – jusque-là juge international suppléant – en qualité de juge siégeant à la Chambre de première instance.

5. Trois équipes de la Défense ont ensuite demandé au Président de réexaminer l’Ordonnance6. Ce dernier a décidé qu’il n’en avait pas le pouvoir7. Le 22 octobre 2013, les équipes de la défense de MM. Badreddine et Oneissi ont formé le présent Recours. Le 24 octobre 2013, le Procureur a fait savoir à la Chambre d’appel qu’il n’y répondrait pas8.

EXAMEN

I. Composition de la Chambre d’appel

6. Le président de la Chambre, M. le juge Baragwanath, a décidé de se récuser dans la présente procédure, l’Ordonnance ayant été rendue par lui en qualité de Président du Tribunal9.

suppléant), M. le juge Walid Akoum (juge suppléant), 9 septembre 2013.

6 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PRES, Motion for Reconsideration and Rescission of the President’s “Order on Composition of the Trial Chamber” of 10 September 2013, 23 septembre 2013.

7 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/PRES, Décision relative à la requête de la Défense aux fins de réexamen et d’annulation de l’ordonnance portant composition de la Chambre de première instance, 4 octobre 2013 (la « Décision aux fins de réexamen »).

8 Courrier électronique adressé au Chef de cabinet du Président le 24 octobre (avec copie à la Défense).

9 Lettre adressée par M. le Président Baragwanath au Vice-président Riachy, 24 octobre 2013. Le texte intégral de cette lettre indique : « [TRADUCTION] Monsieur le Vice-président, la Chambre d’appel a été saisie d’un appel interjeté contre la décision que j’ai rendue en qualité de Président du Tribunal, en application de l’article 8 3) du Statut du Tribunal, tendant à désigner Mme le juge Nosworthy, nommée par le Secrétaire général des Nations unies en qualité de juge suppléant en vertu de l’article 8 1) d), en remplacement de M. le juge Roth comme membre de la Chambre de première instance, en application de l’article 8 1) b). Il est bien établi qu’un juge ne peut participer à la résolution d’un litige quand il est effectivement de parti pris ou lorsque le fait de siéger pourrait raisonnablement faire naître chez un observateur dûment informé une crainte de partialité. La seule exception concerne le cas où une décision judiciaire ne peut être rendue si le juge en question ne siège pas. Je suis convaincu que le fait de siéger en appel de ma propre décision serait manifestement contraire au principe d’impartialité et aux critères qui permettent de l’apprécier. La Chambre d’appel a déjà statué qu’elle pouvait siéger en l’absence de son président lorsqu’une décision qu’il a prise est contestée dans l’appel dont elle est saisie. Il est donc de mon devoir de vous informer par la présente que je me récuse en qualité de juge de la Chambre d’appel appelée à statuer sur le recours qui nous occupe. »

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7. En application de l’article 8 1) c) du Statut, la Chambre d’appel est composée de cinq juges dont le président (qui, de droit, est Président du Tribunal), et ne dispose pas de juge suppléant désigné. La récusation du président réduit la formation de la Chambre d’appel à quatre juges10.

8. Nous avons déjà statué que, dans ces circonstances, le principe de nécessité exigeait que les quatre juges restants exercent la compétence de la Chambre d’appel11, et nous ne voyons en l’espèce aucune raison de déroger à ce principe. La Chambre d’appel est valablement saisie d’une affaire, même lorsqu’elle n’est composée que de quatre juges, car aucun de ses membres ne peut être remplacé par un juge suppléant. En outre, à la différence d’autres tribunaux internationaux, le Statut de ce Tribunal ne prévoit pas la nomination d’un juge issu des autres chambres en qualité de juge temporaire de la Chambre d’appel12. Nous considérons par conséquent la solution précédemment adoptée comme étant le seul moyen de sortir de l’impasse et d’éviter un déni de justice13. Nous faisons par ailleurs observer que la Défense, en l’espèce, reconnaît elle-même au Président la possibilité de se récuser14.

II. Recevabilité du recours

9. Premièrement, nous relevons que ni le Statut ni le Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») du Tribunal n›accordent aux parties le droit explicite de contester une décision du Président. De fait, comme il l’a affirmé, dans la droite ligne de la pratique d’autres juridictions internationales dotées de dispositions similaires, une ordonnance du Président relative à la composition ou la recomposition d’une chambre du Tribunal est une question purement administrative et ne peut être

10 TSL, En l’affaire El Sayed, CH-AC-2010-01, Décision relative au recours interjeté à l’encontre de l’Ordonnance du président de la Chambre d’appel concernant la suspension de l’Ordonnance du Juge de la mise en état et faisant recours à l’Amicus Curiae, 8 novembre 2010, par. 14 (la « Décision El Sayed du 8 novembre 2010 »).

11 Idem aux par. 14 à 17, se référant à d’autres éléments de la jurisprudence internationale ; voir également Grant Hammond, Judicial Recusal – Principles, Process and Problems (Hart 2009), p. 84 et 85 (quant aux pratiques de diverses juridictions de dernier degré, telles que la Cour suprême des États-Unis et la Haute Cour d’Australie).

12 Voir par exemple l’article 27 C) du Règlement de procédure et de preuve du TPIY.

13 Décision El Sayed du 8 novembre 2010, par. 15 à 17.

14 Recours, par. 7.

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contestée par les parties15. Ceci vaut à la fois pour les requêtes en réexamen de l’ordonnance rendue par le Président et pour toutes les requêtes en réexamen par la Chambre d’appel.

10. Reconnaissant cette position du droit, les conseils de la Défense comptent que la Chambre d’appel s’appuiera sur ses pouvoirs inhérents pour conclure à la recevabilité de leur recours. Ils soutiennent en effet que la Défense doit être capable de garantir le respect de l’ensemble des droits fondamentaux de l’Accusé et que s’en tenir à une interprétation formaliste des dispositions applicables conduirait à un déni de justice16. Si nous avons affirmé par le passé que la chambre disposait de pouvoirs inhérents limités, nous avons néanmoins également conclu que le pouvoir de la Chambre d’appel d’entendre des appels non prévus par le Règlement était exceptionnel et limité aux affaires où se présentait une situation qui n’avait pas été prévue par le Règlement17.

11. Nous avons en effet conclu que « la compétence de la Chambre d’appel est limitée par le Statut et le Règlement » et que « le droit d’appel ne peut exister si l’intention explicite des rédacteurs était de l’exclure »18. Telle est aussi l’approche adoptée par les juridictions nationales et d’autres juridictions internationales19. Même à supposer que la Chambre d’appel connaisse, à titre exceptionnel, des appels ou d’autres demandes non prévus par le Règlement, elle ne le fera que lorsque l’erreur commise « donnerait lieu à une injustice si ladite erreur alléguée n’était pas

15 Décision aux fins de réexamen, par. 12 à 15 (avec d’autres références à la jurisprudence d’autres juridictions).

16 Recours, par. 6.

17 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC/AR90.1, Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense contre la Décision relative aux contestations par la Défense de la compétence et de la légalité du Tribunal, 24 octobre 2012 (la « Décision relative à la compétence Ayyash et autres »), par. 17 ; TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2010/02, Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, 10 novembre 2010, par. 54.

18 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC/AR126.3, Arrêt relatif à l’appel du représentant légal des victimes contre la décision du Juge de la mise en état concernant les mesures de protection, 10 avril 2013, par. 11.

19 Décision relative à la compétence Ayyash et autres, notes de bas de page 54, 55 (indiquant les références).

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corrigée20 ». En d’autres termes, la compétence inhérente ne s’exerce que lorsque notre régime juridique présente une lacune. Ce qui n’est pas le cas ici.

12. Dans le présent contexte, la décision du Tribunal pénal international pour le Rwanda (« TPIR ») invoquée par les conseils, qui répondait à une situation de fait complètement différente, n’est pas pertinente. Dans cette décision et dans d’autres, la Chambre d’appel du TPIR a conclu qu’elle avait le pouvoir inhérent de réexaminer les décisions du président de ce tribunal qui concernaient des questions telles que le statut des conseils ou le régime de détention, mais uniquement lorsque celles-ci portaient sur « [TRADUCTION] l’équité de la procédure en appel »21. La Chambre d’appel était en effet « [TRADUCTION] tenue conformément aux dispositions réglementaires » de protéger la procédure d’appel22. Ces affaires doivent donc être distinguées de ce cas d’espèce.

13. En résumé, le Recours n’est pas recevable. Il nous paraît toutefois nécessaire de formuler une observation supplémentaire. Les moyens de la Défense semblent reposer sur l’idée fausse que, sans la possibilité de contester l’Ordonnance du Président en tant que telle, la Défense (ou, d’ailleurs, le Procureur) ne serait pas réellement en mesure de s’élever contre les conséquences d’une composition irrégulière de la Chambre de première instance. Nous ne pouvons souscrire à une telle interprétation.

20 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2010/02, Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, 10 novembre 2010, par. 54 et 55.

21 TPIR, Nahimana et autres. c. Le Procureur, ICTR-99-52-A, Decision on Appellant Jean-Bosco Barayagwiza’s Motion Contesting the Decision of the President Refusing to Review and Reverse the Decision of the Registrar Relating to the Withdrawal of Co-Counsel, 23 novembre 2006, par. 9 ; TPIR, Nahimana et autres c. Le Procureur, ICTR-99-52-A, Decision on “Appellant Hassan Ngeze’s Motion for Leave to Permit his Defence Counsel to Communicate with him during Afternoon Friday, Saturday, Sunday and Public Holidays”, 25 avril 2005, p. 3 ; TPIR, Nshogoza c. Le Procureur, ICTR-2007-91-A, Decision on Request for Judicial Review of the Registrar’s And President’s Decisions Concerning Payment of Fees and Expenses, 13 avril 2010, par. 14 ; voir également TPIY, Le Procureur c. Milutinović et consorts, IT-99-37-AR.73.2, Decision on Interlocutory Appeal on Motion for Additional Funds, 13 novembre 2003, par. 19 et 20 (portant sur l’obligation réglementaire similaire des chambres de première instance, mais avertissant que « [TRADUCTION] l’exercice d’un tel pouvoir devrait être néanmoins étroitement lié à l’équité du procès, et ne saurait se substituer à un pouvoir général de réexamen ») ; TPIY, Le Procureur c. Galić, IT-98-29-AR54, Decision on Appeal from Refusal of Application for Disqualification and Withdrawal of Judge, 13 mars 2003, par. 8.

22 TPIR, Nahimana et autres c. Le Procureur, ICTR-99-52-A, Decision on Appellant Ferdinand Nahimana’s Motion for Assistance from Registrar in the Appeals Phase, 3 mai 2005, par. 4 et 7.

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14. En effet, la Défense avait tout loisir de contester directement devant la Chambre de première instance la composition prétendument irrégulière de celle-ci. Les conseils auraient pu solliciter la certification de cette question dans leurs requêtes en certification aux fins d’appel de la décision de la Chambre de première instance du 9 octobre 2013, relative aux requêtes de la Défense en certification aux fins d’appel de la « Décision relative aux vices de forme allégués de l’acte d’accusation modifié » rendue par la Chambre de première instance le 13 septembre 201323. Ils ont choisi de ne pas le faire.

15. Nous relevons que la Défense s’appuie sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme pour fonder un droit d’appel à l’encontre de l’Ordonnance du Président. Néanmoins, en Lettonie (d’où est issue l’une des affaires citées par la Défense, portant sur la composition irrégulière de la chambre), le code de procédure pénale exige que toute requête contestant la composition de la chambre soit tranchée par la même chambre, sans participation du juge dont la récusation est demandée24.

16. Qui plus est, s’agissant de ce Tribunal, le droit libanais ne contient pas de dispositions prévoyant un recours direct tel que celui formé par la Défense. Au Liban, la contestation de la composition d’une chambre prétendument irrégulière se fait par saisine de la Cour de cassation aux fins de contestation d’une décision pénale sur le fond prise par la chambre en question25. Aucune disposition n’autorise une partie à interjeter directement appel ou à exercer un quelconque recours contre la nomination des juges d’une chambre – cela ne signifiant toutefois pas, naturellement, que les parties au Liban ne sont pas autorisées à contester les décisions rendues par une chambre prétendument composée de manière irrégulière.

23 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/TC, Décision relative aux requêtes de la Défense en certification aux fins d’appel de la « Décision relative aux vices de forme allégués de l’acte d’accusation modifié » rendue par la Chambre de première instance le 13 septembre 2013, 9 octobre 2013 (voir note de bas de page 2 pour les références aux requêtes déposées par les trois équipes de la Défense).

24 Voir CEDH, Lavents c. Lettonie, 58442/00, Arrêt, 28 novembre 2002 (cité par la Défense dans la note de bas de page 8 du Recours), par. 49.

25 Hormis les cas de requêtes en récusation (qui de toute façon ne sont pas déposées devant l’autorité nommant les juges d’une chambre) ; se reporter notamment à l’article 296 a) du Nouveau Code de procédure pénale libanais disposant qu’un jugement peut être attaqué s’il a été rendu « par une cour composée de manière non conforme à la loi » (le texte en français est disponible sur le site Internet du Tribunal).

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17. Nous concluons en outre à la futilité du Recours. Nous avons de fait déjà averti les conseils que « nous ne tolérerons pas les actions en appel dépourvues de tout fondement sérieux en fait ou en droit26 », ce qui est le cas en l’espèce. Par conséquent, nous ordonnons au Greffier, en application de l’article 126 G), de surseoir au paiement des honoraires relatifs à la production du Recours et des frais y afférents, les informations nécessaires devant être obtenues auprès de l’Unité de l’aide juridictionnelle du Bureau de la Défense.

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS ;

LA CHAMBRE D’APPEL

CONCLUT que le Recours est irrecevable ;

ORDONNE au Greffier de surseoir au paiement des honoraires relatifs à la production du Recours.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi.

Le 25 octobre 2013, À Leidschendam (Pays-Bas)

M. le juge Ralph Riachy Président

26 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01/PT/AC/AR126.2, Arrêt relatif à l’appel interjeté de la Décision du Juge de la mise en état relative à la requête des conseils de M. Badreddine alléguant le défaut de pouvoir du Procureur, 13 novembre 2012, par. 22.

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12.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : Chambre d’appel

Titre : Décision relative à la requête des conseils deMM.BadreddineetOneissiauxfinsduréexamen de la Décision de la Chambre d’appel du 25 octobre 2013

Titre réduit : Réexamen d’une décision CA

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LA CHAMBRE D’APPELAffaire n° : STL-11-01/PT/AC

Devant : M. le juge Ralph Riachy, président M.lejugeAfifChamseddine M. le juge Daniel David Ntanda Nsereko MmelejugeIvanaHrdličková

Le Greffier : M. Daryl Mundis

Date : 10 décembre 2013

Original : Anglais

Type de document : Public

LE PROCUREUR c.

SALIM JAMIL AYYASH, MUSTAFA AMINE BADREDDINE,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA

DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DES CONSEILS DE MM. BADREDDINE ET ONEISSI AUX FINS DU RÉEXAMEN DE

LA DÉCISION DE LA CHAMBRE D’APPEL DU 25 OCTOBRE 2013

Procureur : M. Norman Farrell

Conseils de M. Salim Jamil Ayyash : M. Eugene O’Sullivan M. Emile Aoun

Chef du Bureau de la Défense : M. François Roux

Conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: M. Antoine Korkmaz M. John Jones

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes Mme Nada Abdelsater-Abusamra M. Mohammad F. Mattar

Conseils de M. Hussein Hassan Oneissi: M. Vincent Courcelle-Labrousse M. Yasser HassanConseils de M. Assad Hassan Sabra: M. David Young M. Guénaël Mettraux

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Réexamen d’une décision CA

INTRODUCTION

1. Dans une récente décision (la « Décision »), nous avons conclu à la futilité du recours formé conjointement par les équipes de la défense de MM. Badreddine et Oneissi (la « Défense ») et, en application de l’article 126 G) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal spécial pour le Liban (le « Règlement »), ordonne au Greffier de surseoir au paiement des honoraires relatifs à la production dudit recours et des frais y afférents1. La Défense nous prie maintenant de bien vouloir réexaminer la Décision au regard de l’article 140 du Règlement2.

2. Nous rejetons la Requête au motif que la Défense n’a pas démontré que la Décision était erronée et a entraîné une injustice.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

3. Dans la Décision, nous avons rejeté le recours formé par la Défense contre une ordonnance du Président dans laquelle celui-ci modifiait la composition de la Chambre de première instance après la démission du juge qui la présidait3. Nous avons conclu que ledit recours était non seulement irrecevable, mais également futile, et enjoint au Greffier de « surseoir au paiement des honoraires relatifs à la production du Recours4 ».

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et consorts, affaire no STL-11-01/PT/AC, Décision relative au recours formé par les conseils de MM. Badreddine et Oneissi contre l’ordonnance du Président concernant la composition de la Chambre de première instance du 10 septembre 2013, 25 octobre 2013, par. 17, Dispositif. Les dépôts et décisions auxquels il est renvoyé ci-après concernent cette affaire, sauf indication contraire.

2 Requête en réexamen de la Décision de la Chambre d’appel du 25 octobre 2013, 18 novembre 2013 (« Requête »), par. 1.

3 TSL, Le Procureur c. Ayyash et consorts, affaire no STL-11-01/PT/PRES, Ordonnance relative à la composition de la Chambre de première instance, 10 septembre 2013 ; Décision, par. 13, Dispositif.

4 Décision, par. 17, Dispositif. Nous croyons comprendre que, pour un certain nombre de raisons techniques, la Décision n’a pas encore été intégralement appliquée (voir les courriels que le Greffier adjoint a adressé au juriste de la Chambre d’appel les 27 novembre 2013 et 9 décembre 2013). Par souci de clarté, nous rappelons qu’une demande de réexamen, tout comme un appel, ne suspend pas l’exécution d’une ordonnance, à moins que cette suspension ne soit explicitement accordée par la Chambre (voir TPIY, Le Procureur c/ Prlić, affaire no IT-04-

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Réexamen d’une décision CA

4. La Défense a ensuite demandé au Président de la Chambre d’appel, M. le Juge Riachy, l’autorisation de solliciter le réexamen de la Décision en ce qu’elle ordonne de surseoir au paiement des honoraires5. Cette autorisation a été accordée, mais seulement en partie. En particulier, le juge président a estimé qu’un certain nombre d’arguments soulevés par la Défense étaient « manifestement infondés6 ». Partant, il a autorisé

les conseils de la Défense de MM. Badreddine et Oneissi à déposer une requête aux fins de réexamen de la décision de la Chambre d’appel en date du 25 octobre 2013, aux seuls motifs que i) l’application de l’article 126 G) entraînerait une inéquité du fait qu’il semble s’appliquer uniquement aux conseils de la Défense, et que ii) les conseils n’ont pas été entendus avant que la Chambre d’appel ne rende sa décision7[.]

Le juge président a également permis au Procureur, au Chef du Bureau de la Défense et au Greffier de déposer chacun une réponse à la requête en réexamen de la Défense8.

5. La Défense a ensuite déposé la Requête à laquelle le Chef du Bureau de la Défense et le Procureur ont répondu9. Le Greffier a informé la Chambre d’appel qu’il ne présenterait aucune observation10.

74-T, Décision portant sur la demande de reconsidération, ou dans l’alternative de certification d’appel de la décision du 1er février 2010 portant application de l’article 73 D) du Règlement à la Défense Prlić, 28 juin 2010, p. 4 et 6 ; voir aussi TPIR, Le Procureur c. Munyagishari, affaire no ICTR-05-89-AR11bis, Décision faisant suite à la requête de Munyagishari aux fins de réexamen des décisions antérieures rendues sur ses demandes en réexamen, 24 juillet 2013, p. 3).

5 Demande d’autorisation aux fins du réexamen de la Décision de la Chambre d’appel du 25 octobre 2013, 1er novembre 2013.

6 Décision relative à la demande d’autorisation déposée par les conseils de la Défense de MM. Badreddine et Oneissi aux fins de réexamen de la décision de la Chambre d’appel du 25 octobre 2013, 13 novembre 2013 (« Décision portant autorisation »), par. 7 à 9 et 12.

7 Ibidem, Dispositif.

8 Ibid.

9 Requête ; Observations du Bureau de la Défense relatives à la requête en réexamen de la décision de la Chambre d’appel du 25 octobre 2013, 25 novembre 2013 (« Observations du Bureau de la Défense ») ; Prosecution Response to “Requête en réexamen de la Décision de la Chambre d’appel du 25 octobre 2013”, 25 novembre 2013 (« Réponse du Procureur »).

10 Courriel du Bureau des affaires juridiques du Greffe adressé au juriste de la Chambre d’appel, 25 novembre 2013.

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Réexamen d’une décision CA

EXAMEN

I. Questions préliminaires

A. Composition de la Chambre d’appel

6. La Décision visée par la requête en réexamen a été prise par la Chambre d’appel siégeant avec quatre juges. En effet, le Président de la Chambre d’appel, M. le juge Baragwanath, avait décidé de se récuser dans la procédure, l’ordonnance contestée ayant été rendue par lui en sa qualité de Président du Tribunal11. La Requête, par laquelle la Défense demande le réexamen de la Décision, doit donc être tranchée par la Chambre d’appel avec la même composition de quatre juges, sans la participation de M. le Juge Baragwanath.

B. Champ de la requête en réexamen

7. Comme il est dit plus haut, le juge président a seulement autorisé la Défense à demander le réexamen de deux points de la Décision portant sur l’application de l’article 126 G) du Règlement12. Il a explicitement rejeté, au motif qu’ils étaient manifestement infondés, les arguments des conseils relatifs à une violation présumée de l’immunité de juridiction dont jouit la Défense13. Ces arguments s’appuyaient sur l’article 13 du Document joint en annexe de la résolution 1757 du Conseil de sécurité, qui régit, entre autres, les relations entre le Tribunal et le Liban14.

8. Les conseils de la Défense tentent maintenant de reprendre l’argument de l’immunité en usant d’un subterfuge, c’est-à-dire en camouflant leur demande en se fondant sur l’article 22 de l’Accord de siège entre l’Organisation des Nations Unies

11 Voir Décision, par. 6 à 8.

12 Décision portant autorisation, Dispositif.

13 Décision portant autorisation, par. 7.

14 L’article 13 dispose notamment ce qui suit : « 2) Le conseil jouit en particulier : […] c) De l’immunité de juridiction pénale ou civile à raison des actes accomplis par lui en sa qualité de conseil (y compris ses paroles et écrits). Il conserve cette immunité après qu’il a cessé ses fonctions de conseil d’un suspect ou d’un accusé; […] ».

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et les Pays-Bas, qui est similaire15. Or, comme le Procureur l’a aussi fait remarquer16, ils n’ont pas été autorisés à demander le réexamen en se fondant sur la question de l’immunité. En conséquence, et conformément à l’article 140 du Règlement, nous ne pouvons pas connaître de ce point. Nous considérons également que tenter ainsi de contourner la Décision portant autorisation tient de l’artifice et frise l’abus de procédure. Les requêtes en réexamen présentées devant la Chambre d’appel ne sauraient servir à développer des arguments sur des points que le juge président n’a pas autorisés, ou à soulever de nouveaux arguments qui ne figuraient pas dans la demande d’autorisation initiale. Nous récusons une telle pratique et rejetons la Requête sur ce point sans l’examiner.

II. Droit applicable

9. L’article 140 du Règlement prévoit ce qui suit :

Une chambre peut, d’office ou à la demande d’une partie, et sur autorisation du juge président, réexaminer une décision, exception faite d’un jugement ou du prononcé d’une peine, si cela s’avère nécessaire afin d’éviter une injustice.

10. Nous avons déjà jugé que le réexamen est une voie de recours exceptionnelle, soumise à des conditions strictes17. Une partie qui demande réparation doit démontrer que le réexamen est nécessaire pour éviter une injustice. Ce qui constitue une injustice dépend des circonstances de l’espèce mais demande, « au minimum, l’existence d’un préjudice18 ». La partie doit se fonder sur des motifs spécifiques et peut notamment arguer que la décision visée est « erronée ou constitu[e] un abus de pouvoir de la part

15 Requête, par. 3, 5 et 7 (renvoyant à l’accord conclu entre l’Organisation des Nations unies et le Royaume des Pays-Bas concernant le siège du Tribunal, 21 décembre 2007). L’article 22 dudit accord dispose notamment ce qui suit : « Les conseils jouissent des … immunités … ci-après : c) l’immunité absolue de juridiction pour leurs paroles et écrits, ainsi que pour tous les actes accomplis par eux dans l’exercice de leurs fonctions officielles».

16 Réponse du Procureur, par. 2

17 TSL, Le Procureur c. Ayyash et consorts, affaire no STL-11-01/PT/AC/R176bis, Décision relative aux requêtes de la Défense en réexamen de la décision de la Chambre d’appel du 16 février 2011, 18 juillet 2011 (« Décision 176 bis relative au réexamen »), par. 23 ; voir aussi TSL, Le Procureur c. Ayyash et consorts, affaire no STL-11-01/PT/AC/AR126.1, Rectificatif de l’arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense de la décision de la Chambre de première instance relative au réexamen de la décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er novembre 2012, par. 19.

18 Décision 176 bis relative au réexamen, par. 24.

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de la Chambre » ou encore que « des faits nouveaux ou un changement matériel des circonstances » se sont fait jour une fois la décision rendue19. Nous rappelons que « l’existence de ces motifs ne suffit pas en soi. La partie sollicitant le réexamen doit également démontrer qu’il en résulte un préjudice20 ».

11. Aux termes de l’article 126 G) du Règlement :

Lorsqu’une chambre conclut qu’une requête ou toute autre demande est futile ou constitue un abus de procédure, le Greffier sursoit au paiement des honoraires relatifs à la production de ladite requête ou demande et des frais y afférents.

III. Bien-fondé de la Requête

12. La Défense se fonde sur deux motifs pour demander le réexamen de la décision dans laquelle nous avons conclu à la futilité de son recours et ordonné conséquemment qu’il soit sursis au paiement de ses honoraires. En premier lieu, elle relève que les sanctions financières prononcées en vertu de l’article 126 G) du Règlement sont uniquement applicables aux conseils commis d’office (c’est-à-dire rétribués par le système d’aide juridictionnelle du Tribunal) et ne visent pas les conseils choisis par les accusés (c’est-à-dire rémunérés par ces derniers) ni les conseils de l’Accusation21. Elle fait valoir que cela « viole manifestement le principe de l’égalité devant la loi » et est « de nature discriminatoire »22. Le Procureur n’est pas d’accord et soutient que « [TRADUCTION]le Règlement habilite le Tribunal à sanctionner tout conseil qui présente des requêtes futiles23 ».

13. En second lieu, les conseils font valoir que la Décision enfreint le « principe du contradictoire », car ils n’ont pas été entendus par la Chambre d’appel avant

19 Ibidem, par. 25.

20 Ibid., par. 26.

21 Requête, par. 9 à 12.

22 Requête, par. 13.

23 Réponse du Procureur, par. 3 ; voir aussi par. 4 à 6. Le Chef du Bureau de la Défense n’a pas fait d’observation sur ce point.

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Réexamen d’une décision CA

d’être sanctionnés financièrement24. Le Chef du Bureau de la Défense se range à cet avis25.

A. L’article- 126 G) du Règlement est-il discriminatoire ?

14. Pour affirmer que l’article 126 G) — et, par extension, la Décision — est discriminatoire, la Défense part du principe que cet article s’applique uniquement aux conseils commis d’office. Or, il n’en est rien. Tout d’abord, nous n’avons jamais dit cela dans la Décision. En effet, nous avons simplement examiné la question portée à notre attention, à savoir la demande futile déposée par des conseils rétribués par le système d’aide juridictionnelle. Les écritures d’autres conseils n’étaient pas en cause.

15. En outre, l’article 126 G) du Règlement ne saurait être interprété comme limitant, aux seuls conseils commis d’office, le pouvoir de sanction dont une chambre peut user envers les conseils exerçant devant le Tribunal. Nous notons tout d’abord que cet article porte sur le pouvoir inhérent des Chambres de contrôler leurs propres procédures26. L’article 21 du Statut précise que le Tribunal prend « des mesures strictes pour éviter toute action qui entraînerait un retard non justifié ». L’article 28 du Statut autorise les juges à adopter un Règlement de procédure et de preuve de nature à leur permettre de remplir ce mandat. Partant, l’article 126 G) du Règlement accorde aux Chambres le pouvoir de garantir la bonne administration de la justice en imposant des sanctions financières lorsqu’il est fait usage de manœuvres dilatoires ou abusives. Le dépôt d’une requête ou de toute autre demande considérée comme futile, ou constituant un abus de procédure, fait partie de ce type de manœuvre27.

24 Requête, par. 14 à 16.

25 Observations du Bureau de la Défense, par. 2. La Procureur n’a pas formulé de réponse sur ce point.

26 Voir TPIY, Le Procureur c/ Delalić et consorts, affaire no IT-96-21-A, Ordonnance relative à la requête aux fins de révocation de Conseil motivée par un conflit d’intérêt, 24 juin 1999, p. 3 (où la Chambre de première instance réaffirme « le pouvoir inhérent du Tribunal [pénal international pour l’ex-Yougoslavie] découlant de sa fonction judiciaire et des dispositions des articles 20 et 21 de son Statut, de faire en sorte que ses instances se déroulent de manière que justice soit faite et, en particulier au plan procédural, que le procès soit équitable et rapide ») ; voir aussi la norme 29 du Règlement de la Cour pénale internationale (qui habilite les Chambres à rendre toute ordonnance qui se révèle nécessaire pour faire respecter les dispositions du Règlement ou les ordonnances de la Cour, sans préjudice des pouvoirs inhérents de ces chambres).

27 À cet égard, nous rejetons les arguments soulevés ailleurs par les conseils et le Chef du Bureau de la Défense

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16. De plus, si le libellé de l’article 126 G) du Règlement peut laisser entendre que seuls les conseils commis d’office qui déposent des écritures futiles ou constituant un abus de procédure sont susceptibles d’être sanctionnés, il n’en est rien dans la pratique. Cet article reconnaît simplement que le Tribunal est tenu de s’assurer que les ressources publiques financées par le contribuable et allouées à une équipe de la Défense au titre de l’aide juridictionnelle ne sont pas gaspillées pour produire des requêtes futiles ou abusives. Il ne signifie pas, cependant, que le pouvoir inhérent dont les Chambres sont investies pour sanctionner de telles écritures ne s’applique pas aux autres conseils.

17. Dans ce contexte, nous rappelons que d’autres tribunaux pénaux internationaux ont prévu des dispositions juridiques équivalentes. En particulier, les règlements de procédure et de preuve en vigueur au Tribunal pénal international pour le Rwanda, au Tribunal spécial pour la Sierra Leone et au Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux affirment clairement que tous les conseils qui déposent des écritures futiles ou constituant un abus de procédure peuvent être sanctionnés28. Les juridictions

au sujet d’un potentiel « effet dissuasif » du Règlement (Requête, par. 15 ; Observations du Bureau de la Défense, par. 4). Le juge président a rejeté cet argument plus général, par lequel la Défense remet en cause l’article 126 G) en tant que tel (voir Décision portant autorisation, par. 9). En tout état de cause, la liberté d’expression des conseils et/ou leur liberté et indépendance professionnelles s’exerce dans les limites de leurs obligations en tant qu’auxiliaires de justice. La liberté d’expression n’autorise pas le dépôt de requêtes ou de demandes considérées comme futiles ou constituant un abus de procédure.

28 Voir article 73 F) du Règlement de procédure et de preuve du TPIR (« […] [U]ne Chambre peut sanctionner un conseil si ce dernier dépose une requête, y compris une exception préjudicielle, qui, de l’avis de la Chambre, est fantaisiste, ou constitue un abus de procédure. La Chambre peut demander qu’il soit sursis au paiement d’une partie ou de la totalité des honoraires qui sont dus au titre de la requête déposée, et/ou des frais y relatifs. ») ; article 46 C) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (« [TRADUCTION] Les conseils qui déposent des requêtes ou adoptent un comportement qui, de l’avis de la Chambre, est fantaisiste, ou constitue un abus de procédure, pourront être sanctionnés par les Chambres de la manière qui leur semble nécessaire. Les Chambres peuvent ainsi imposer des amendes aux conseils ; demander qu’il soit sursis au paiement d’une partie ou de la totalité des honoraires qui sont dus au titre de la requête déposée, et/ou des frais y afférents ; ou toute autre sanction qu’elles pourraient décider. ») ; article 73 D) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (« [TRADUCTION] […] Lorsqu’une Chambre conclut qu’une requête est futile ou constitue un abus de procédure, le Greffier sursoit au paiement d’une partie ou de la totalité des honoraires relatifs à la production de ladite requête ou demande et des frais y afférents. ») ; article 80 D) du Règlement de procédure et de preuve du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (« […] [U]ne Chambre de première instance peut sanctionner un conseil si ce dernier dépose une requête, y compris une exception préjudicielle, qui, de l’avis de la Chambre, est abusive, ou constitue un abus de procédure. La Chambre peut demander qu’il soit sursis au paiement d’une partie ou de la totalité des honoraires qui sont dus au titre de la requête déposée, et/ou des frais y relatifs. ») ; mais voir article 73 D) du Règlement de procédure et de preuve du TPIY (« […] [L]orsqu’une Chambre estime qu’une requête est abusive ou constitue un abus de procédure, le Greffier doit s’abstenir de régler les honoraires se rapportant à la production de ladite requête et/

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nationales ont également adopté une approche similaire29. L’article 126 G) du Règlement ne saurait donc être interprété comme limitant le pouvoir des Chambres en épargnant les conseils commis d’office ou les conseils de l’Accusation de toute sanction pour le dépôt de requêtes futiles ou constituant un abus de procédure30. Les moyens employés pour exécuter ces sanctions doivent nécessairement être de nature différente, car ces conseils ne sont pas rétribués par le biais du système d’aide juridictionnelle. Ce cas de figure concerne notamment les conseils rémunérés directement par les accusés. Toute sanction doit donc être adaptée aux circonstances spécifiques de chaque affaire31.

18. En résumé, l’article 126 G) du Règlement n’est pas discriminatoire. Ni notre décision. Nous rejetons les arguments avancés par la Défense sur ce point.

B. Les conseils ont-ils droit à ce que leur cause soit entendue ?

19. La Défense relève également que l’article 126 G) du Règlement autorise la suspension du versement des honoraires des conseils sans donner à ces derniers la possibilité d’être entendus32. Cependant, comme il a été dit, la Décision était fondée sur notre pouvoir inhérent de contrôler les procédures dont nous sommes saisis afin

ou aux frais y relatifs. »). La formulation précédemment employée dans le Règlement de procédure et de preuve du TPIY, à l’article 46 C), était identique à celle actuellement employée dans le Règlement de procédure et de preuve du TPIR (voir article 46 C) du Règlement de procédure et de preuve du TPIY avant le 28 juillet 2004).

29 Voir, par exemple, le code de procédure pénale adopté aux États-Unis, 18 U.S.C. § 3162.

30 Cf. CPI, Le Procureur c. Kenyatta, affaire no ICC-01/09-02/11, Decision on the Defence application concerning professional ethics applicable to prosecution lawyers, 31 mai 2013, par. 16 (affirmant, en vertu des pouvoirs inhérents de la Chambre, que le code de conduite de la Cour applicable aux conseils de la Défense doit « [TRADUCTION] le cas échéant et dans la mesure du possible, s’appliquer également aux membres de l’Accusation »).

31 Voir TPIY, Le Procureur c/ Šešelj, affaire no IT-03-67-PT, Décision relative à la requête aux fins de dessaisissement, 10 juin 2003, par. 5 (où la Chambre de première instance a rappelé qu’un accusé qui assure lui-même sa défense ne peut être sanctionné financièrement, mais qu’elle peut néanmoins ordonner d’autres sanctions, notamment s’opposer au dépôt de la requête en question) ; cf. TPIY, Le Procureur c/ Stakić, affaire no IT-97-24-AR73.4, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Chambre de première instance II ordonnant la tenue d’une séance d’identification, 28 juin 2002, p. 3 (dans laquelle la requête de l’Accusation a été jugée « abusive »). Ces deux décisions s’appuient sur la formulation de l’article du Règlement de procédure et de preuve du TPIY alors en vigueur (voir plus haut, note de bas de page 28).

32 Requête, par. 14 à 16.

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Réexamen d’une décision CA

notamment d’empêcher le dépôt de requêtes que nous considérons dépourvues de mérite. À cet égard, la Décision était subordonnée à notre appréciation du bien-fondé du recours formé par la Défense33. Or, les conseils n’ont pas démontré que la Chambre était tenue de les entendre avant de se prononcer comme elle l’a fait.

20. Comme l’a fait remarquer le juge président, la Défense n’a pas contesté le rejet de son recours en raison de son caractère futile34. Elle fait maintenant valoir que « si elle avait été entendue préalablement, elle aurait naturellement contesté cette qualification, et c’est bien là la question de principe qui est posée »35 ». Cependant, les conseils passent sous silence le fait que la Chambre d’appel a rendu son ordonnance après avoir déterminé que le recours formé par la Défense était non seulement dénué de fondement mais également futile. Il ne lui servirait donc à rien d’entendre les observations des conseils sur la question de savoir si leur recours était futile ou non. Cette question est indissociable de celle du bien-fondé de leur recours, sur laquelle la Chambre s’est déjà prononcée. Entendre les conseils équivaudrait donc tout simplement à réexaminer le recours en question. Il en va de même des sanctions financières imposées en conséquence. Les conseils n’ont a fortiori aucun droit à être entendu sur ce point.

21. Le Chef du Bureau de la Défense se fonde sur les articles 57 H) et 60 du Règlement, arguant que puisque les dispositions de ces articles prévoient que les conseils de la Défense doivent être entendus avant toute décision prise à leur encontre, il doit en être de même de l’article 126 G)36. Nous ne sommes pas d’accord. Lesdits articles portent sur des questions différentes relatives, d’une manière générale, à la prestation ou à la conduite des conseils. Pour être en mesure d’apprécier d’éventuels problèmes de prestation ou de conduite tombant sous le coup de ces articles, les décideurs ont généralement besoin d’informations qui ne sont pas en leur possession.

33 Voir TPIR, Le Procureur c. Karemera et consorts, affaire no ICTR-98-44-PT, Decision on Joseph Nzirorera’s Motion for Order Finding Prior Decisions to be of “No Effect”, 24 mai 2005, par. 12 (« [TRADUCTION] Les sanctions ordonnées ne touchent pas au fond. Elles découlent simplement de la proposition de fond. Elles reflètent la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle le dépôt d’une telle demande était futile ou constituait un abus de procédure. »)

34 Décision portant autorisation, par. 6.

35 Requête, par. 16.

36 Observations du Bureau de la Défense, par. 5 à 7.

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Réexamen d’une décision CA

Pour sa part, l’article 126 G) traite uniquement de la question des dépôts. Comme expliqué ci-avant, la Chambre dispose, dans ce cas, de tout ce dont elle a besoin pour prendre sa décision, à savoir des écritures en question.

22. En résumé, les conseils n’ont aucun droit à être entendus au sujet des sanctions imposées en vertu de l’article 126 G) du Règlement.

IV. Conclusion

23. Nous rejetons la Requête de la Défense. Les conseils n’ont pas démontré que la Décision est entachée d’une erreur qui leur a causé un préjudice. D’une manière plus générale, nous tenons à souligner que notre décision d’imposer une sanction n’a pas été prise à la légère37. Lorsque cela se justifie, comme en l’espèce, ces sanctions sont nécessaires pour garantir le déroulement équitable et rapide de nos procédures.

37 Voir, par exemple, TPIR, Le Procureur c/ Kanyarukiga, affaire no ICTR-2002-78-R11bis, Decision on Request to Admit Additional Evidence of 1 August 2008, 1er septembre 2008, par. 12 (où il est rappelé que « [TRADUCTION] le pouvoir d’imposer des sanctions doit être exercé avec circonspection ») ; voir aussi TPIR, Le Procureur c. Karera, affaire no ICTR-01-74-A, Decision on the Appellant’s Request to Admit Additional Evidence Pursuant to Rule 115 of the Rules of Procedure and Evidence, 29 octobre 2008, par. 14 ; TPIR, Le Procureur c. Karemera et consorts, affaire no ICTR-98-44-AR73.15, Decision on Joseph Nzirorera’s Appeal Against a Decision of Trial Chamber III Denying the Disclosure of a Copy of the Presiding Judge’s Written Assessment of a Member of the Prosecution Team, 5 mai 2009, par. 21.

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Réexamen d’une décision CA

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,

LA CHAMBRE D’APPEL, à l’unanimité,

REJETTE la Requête.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi.

Le 10 décembre 2013, À Leidschendam (Pays-Bas)

M. le Juge Ralph Riachy Président

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13.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : Juge de la mise en état

Titre : Version expurgée de la version corrigée du rapport du Juge de la mise en état établi conformément à l’article 95, paragraphe a) du Règlement de procédure et de preuve

Titre réduit : Rapport de mise en état JME

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LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ

Devant : M. le juge Daniel Fransen

Le Greffier : M. Daryl Mundis

Date : 11 décembre 2013

Original : Français

Type de document : Public

LE PROCUREUR c.

SALIM JAMIL AYYASH, MUSTAFA AMINE BADREDDINE,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA

VERSION EXPURGÉE DE LA VERSION CORRIGÉE DU RAPPORT DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT ÉTABLI

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 95, PARAGRAPHE A) DU RÈGLEMENT DE PROCÉDURE ET DE PREUVE

Chambre de première instance Conseil de M. Salim Jamil Ayyash : M. Eugene O’Sullivan

Bureau du Procureur : M. Norman Farrell

Conseil de M. Mustafa Amine Badreddine: M. Antoine Korkmaz

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes

Conseil de M. Hussein Hassan Oneissi: M. Vincent Courcelle-Labrousse

Conseil de M. Assad Hassan Sabra: M. David Young

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Rapport de mise en état JME

Table des matières

I. Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272

II. La compétence du Juge de la mise en état . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273

III. Les principales étapes de la procédure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273

IV. Le droit applicable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277

A. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277

B. Le sens ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279

C. Le contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279

D. L’objet et le but. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281

E. En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282

V. L’analyse du dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282

A. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282

B. Les Accusés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2831. M. Ayyash . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2832. M. Badreddine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2853. M. Oneissi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2884. M. Sabra . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290

C. Le descriptif des réseaux téléphoniques et l’attribution des téléphones . . . . . 2921. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2922. Les réseaux téléphoniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2923. L’attribution des téléphones aux Accusés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 300

D. Les activités antérieures à l’attentat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3091. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3092. Les activités d’observation et de surveillance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3103. Les activités relatives à la fausse revendication de responsabilité . . . . . . . . 3134. L’achat du véhicule utilisé pour commettre l’attentat . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316

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E. L’attentat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3181. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3182. Le déroulement de l’attentat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318

F. Les activités postérieures à l’attentat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324

G. L’existence d’une ligne de conduite délibérée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3281. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3282. Les attentats commis contre [EXPURGÉ] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3293. Les attentats commis au Koweït . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332

H. Les victimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3331. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3332. M. Hariri et les autres victimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334

VI. Observations conclusives au sujet des listes de témoins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337

A. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337

B. Les listes du Procureur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3381. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3382. Les rapports médico-légaux et criminalistiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3403. L’attribution et l’usage des téléphones . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3414. Les Accusés et M. Merhi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3425. La personne de M. Hariri et le contexte libanais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3436. Le véhicule Mitsubishi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3447. Les caméras de surveillance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3448. M. Abu Adass . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3449. La « fausse revendication de responsabilité de l’attentat » . . . . . . . . . . . . . . 34410. Les victimes de l’attentat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34511. La « ligne de conduite délibérée » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34512. La catégorie résiduelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345

C. Les listes du Représentant légal des victimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3461. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3462. La liste des témoins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3463. La liste des pièces à conviction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348

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Rapport de mise en état JME

I. Préambule

1. Le présent rapport est établi conformément à l’article 95, paragraphe A), alinéa vii) du Règlement de procédure et de preuve (respectivement le « Rapport » et le « Règlement ») dans le cadre de l’affaire Ayyash et al. dans laquelle MM. Salim Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra (les « Accusés ») ont été mis en accusation pour leur implication présumée dans l’attentat1 qui a entraîné la mort de M. Rafic Hariri et d’autres personnes et causé des blessures à d’autres personnes (l’« attentat »).

2. Après avoir rappelé les dispositions qui fondent sa compétence (II) et les principales étapes de la procédure (III), le Juge de la mise en l’état précisera les conditions juridiques d’établissement du Rapport (IV). Il analysera ensuite les éléments de l’affaire à la lumière du mémoire d’avant procès du Procureur du 23 août 2013 (le « Mémoire du Procureur »)2, des pièces à conviction soumises à l’appui de celui-ci et des mémoires d’avant procès des conseils de la défense (la « Défense » ou les « Conseils de la Défense ») de M. Salim Jamil Ayyash du 6 septembre 2013 (le « Mémoire de M. Ayyash »)3, de M. Mustafa Amine Badreddine du 6 septembre 2013 (le « Mémoire de M. Badreddine »)4, de M. Hussein Hassan Oneissi du 6 septembre 2013 (le « Mémoire de M. Oneissi »)5 et de M. Assad Hassan Sabra du 5 septembre 2013 (le « Mémoire de M. Sabra »)6 (V). Le Juge de la mise en état terminera le Rapport par une analyse des listes des témoins qu’entendent présenter le Procureur et le Représentant légal des victimes (« RLV ») (VI).

1 Le terme « attentat » provient de l’article 1 du Statut. Il n’emporte aucune qualification juridique dans le cadre du présent Rapport.

2 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution’s Updated Pre-Trial Brief, dated 23 August 2013, 23 août 2013. Toute référence ultérieure à des documents déposés et décisions se rapporte à ce numéro d’affaire sauf indication contraire.

3 Updated Defence Pre-Trial Brief on Behalf of Mr. Ayyash, 6 septembre 2013.

4 Updated Pre-Trial Brief Submitted by the Defence for Mr. Mustafa Badreddine Pursuant to Rule 91(I), 6 septembre 2013.

5 Second Mémoire d’Avant Procès pour la Défense de M. Hussein Hassan Oneissi, 6 septembre 2013.

6 Updated Sabra Pre-Trial Brief, 5 septembre 2013.

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Rapport de mise en état JME

3. Le Rapport contient également 10 annexes, à savoir : une liste des décisions rendues au cours de la mise en état (annexe A), une liste des correspondances échangées dans ce cadre (annexe B), un tableau relatif aux témoins cités par le Procureur (annexe C), une liste des requêtes en suspens transférées à la Chambre de première instance (annexe D), deux listes des requêtes confidentielles et ex parte en suspens transférées à la Chambre de première instance (annexes E et F), une liste des requêtes en suspens portant sur des questions relevant de la compétence exclusive du Juge de la mise en état (annexe G), une liste des requêtes confidentielles et ex parte en suspens portant sur des questions relevant de la compétence exclusive du Juge de la mise en état (annexe H), une liste des documents placés sous scellés et ex parte avec distribution restreinte (annexe I) et une liste des comptes rendus des réunions tenues en vertu de l’article 68 du Règlement (annexe J).

II. La compétence du Juge de la mise en état

4. Le Juge de la mise en état est compétent pour établir le Rapport et le transmettre à la Chambre de première instance en vertu de l’article 95, paragraphe A) du Règlement. À la réception du dossier, constitué du Rapport et d’autres documents visés par l’article 95, paragraphe A) du Règlement, la Chambre de première instance est saisie de l’affaire Ayyash et al. conformément à l’article 95, paragraphe B) du Règlement. En conséquence, à partir de ce moment et à l’exception de questions qui relèvent de sa compétence exclusive en vertu du Règlement, le Juge de la mise en état est dessaisi de l’affaire et est sans compétence pour connaître des requêtes tant en suspens que futures.

III. Les principales étapes de la procédure

5. Le 28 juin 2011, le Juge de la mise en état a rendu une décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi par le Procureur à l’encontre des Accusés (l’« Acte d’accusation du 10 juin 2011 » et la « Décision de confirmation du 28 juin 2011 »). Au terme de cette décision, les Accusés ont été mis en accusation dans le cadre de l’attentat perpétré contre M. Hariri et d’autres personnes7.

7 TSL, Le Procureur c. Ayyash et al., Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Décision relative à l’examen de l’Acte

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6. Le 19 juillet 2012, le Juge de la mise en état a fixé provisoirement la date d’ouverture du procès au 25 mars 20138.

7. Le 17 août 2012, le Procureur a demandé l’autorisation de modifier l’Acte d’accusation du 10 juin 20119.

8. Le 25 octobre 2012, le Juge de la mise en état a fait droit à la requête du 17 août 2012, sous réserve de certaines modifications. Il a également invité le Procureur à déposer un nouvel acte d’accusation intégrant celles-ci10.

9. Le 8 novembre 2012, le Procureur a déposé l’acte d’accusation modifié en ajoutant deux modifications supplémentaires à celles autorisées par la décision du 25 octobre 201211.

10. Le 23 janvier 2013, la Défense a demandé le report de la date du procès12.

11. Le 6 février 2013, le Procureur a sollicité l’autorisation de modifier l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 (l’« Acte d’accusation du 6 février 2013 »)13.

d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra, confidentiel, 28 juin 2011. Une version publique expurgée datée du même jour a été déposée le 16 août 2011. Cette décision confirme les chefs d’accusation contenus dans l’Acte d’accusation du 10 juin 2011, à l’exception de la tentative de causer la mort de 231 autres personnes qui ne rentre pas dans les éléments constitutifs de l’acte de terrorisme mais dans ceux de la tentative d’homicide intentionnel (cf. par. 53).

8 Ordonnance fixant provisoirement la date d’ouverture du procès, 19 juillet 2012, Dispositif.

9 Prosecution Request for Leave to Amend the Indictment Pursuant to Rule 71(A)(ii), confidentiel, 17 août 2012.

10 Décision relative à la Requête du Procureur du 17 août 2012 aux fins de déposer un Acte d’accusation modifié, 25 octobre 2012.

11 Filing of the Amended Indictment in Compliance with the Decision of 25 October 2012 & Request for Amended Arrest Warrants and Orders/Requests for Transfer and Detention, confidentiel, 8 novembre 2012.

12 Joint Defence Motion to Vacate Tentative Date for Start of Trial, confidentiel, 23 janvier 2013, avec une version publique expurgée datée du 24 janvier 2013.

13 Prosecution Request for Leave to Include Further Amendments to its Proposed Amended Indictment, 6 février 2013.

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12. Le 21 février 2013, le Juge de la mise en état a ajourné la date provisoire d’ouverture du procès. Il a également sollicité les observations du Procureur et de la Défense (les « Parties ») et du RLV sur la fixation d’une nouvelle date14.

13. Le 12 avril 2013, le Juge de la mise en état a autorisé les modifications de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011 sollicitées par le Procureur les 8 novembre 2012 et 6 février 2013 et a déclaré que l’Acte d’accusation du 6 février 2013 annule et remplace l’Acte d’accusation du 10 juin 201115.

14. Le 21 juin 2013, le Procureur a sollicité du Juge de la mise en état de nouvelles modifications de l’Acte d’accusation du 6 février 201316.

15. Le 5 juillet 2013, le Juge de la mise en état a ordonné au Procureur et à la Défense de soumettre respectivement les 15 juillet 2013 et 15 août 2013 des mémoires d’avant procès se rapportant à l’Acte d’accusation du 6 février 201317. Il a également demandé à la Défense de soumettre des mémoires d’avant procès conformes aux exigences de l’article 91, paragraphe I) du Règlement.

16. Le 10 juillet 2013, le Procureur a déposé une note dans laquelle il proposait d’amender ses listes de témoins et de pièces à conviction18. Le 15 juillet 2013, il a déposé un rectificatif de cette note19 accompagné d’une note corrigée20. Dans la note corrigée, le Procureur a indiqué qu’il n’entendait plus se fonder sur 6511 pièces à conviction ni sur 68 témoins figurant sur ses listes initiales. Pour l’essentiel, les

14 Décision relative à la requête de la Défense en ajournement de la date d’ouverture du procès, 21 février 2013.

15 Décision relative aux requêtes du Procureur du 8 novembre 2012 et du 6 février 2013 aux fins de déposer un Acte d’accusation modifié, 12 avril 2013.

16 Prosecution Further Request for Leave to Amend the Indictment, confidentiel, 21 juin 2013. Une version publique expurgée de cette requête a été déposée le 1er juillet 2013.

17 Décision relative à la requête de l’Accusation intitulée « Prosecution Motion Regarding the Defence PreTrial Briefs », 5 juillet 2013.

18 Prosecution’s Notice of Intention in Relation to Exhibits and Witnesses and Notice of Reclassification, 10 juillet 2013.

19 Corrigendum to “Prosecution’s Notice of Intention in Relation to Exhibits and Witnesses and Notice of Reclassification” and to the Confidential Annex B, 15 juillet 2013.

20 Corrected Version of “Prosecution’s Notice of Intention in Relation to Exhibits and Witnesses and Notice of Reclassification,” filed on 10 July 2013, 15 juillet 2013.

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pièces et les témoins qu’il souhaitait retirer des listes de pièces à conviction et de témoins concernaient des analyses de police scientifique.

17. Le 15 juillet 2013, conformément à la décision du 5 juillet 2013, le Procureur a déposé un mémoire d’avant procès révisé avec de nouvelles listes de témoins et de pièces à conviction en vertu de l’article 91 du Règlement21.

18. Le 31 juillet 2013, le Juge de la mise en état a autorisé22 les modifications de l’Acte d’accusation du 6 février 2013 sollicitées le 21 juin 2013 par le Procureur (l’« Acte d’accusation »)23.

19. Le 2 août 2013, le Juge de la mise en état a fixé provisoirement la date du début du procès au 13 janvier 201424.

20. Le 5 août 2013, le Juge de la mise en état a autorisé les modifications des listes des témoins et des pièces à conviction sollicitées par le Procureur les 10 et 15 juillet 201325.

21. Le 7 août 2013, le Juge de la mise en état a modifié les dates de dépôt des mémoires d’avant procès à la demande de la Défense26. Il a ordonné le dépôt du

21 Prosecution’s Submission Pursuant to Rule 91, confidentiel, 15 juillet 2013. Dans ces écritures, le Procureur a sollicité l’autorisation d’ajouter trois témoins et 115 pièces à conviction et de retirer 37 pièces à conviction en plus de celles qui étaient visées le 10 juillet 2013. Parmi les pièces à conviction dont le Procureur a demandé le retrait figurent certains des rapports déposés en tant que pièces justificatives à l’appui de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011. Le rapport en trois parties portant sur les éléments de preuve relatifs aux communications téléphoniques passées par les personnes impliquées dans l’attentat visé dans la Décision du 28 juin 2011 constitue un de ces rapports.

22 Version corrigée, Décision portant sur la requête du 21 juin 2013 du Procureur en modification de l’Acte d’accusation du 6 février 2013, confidentiel, 31 juillet 2013, avec une version publique expurgée datée du 2 août 2013.

23 Prosecution Further Request for Leave to Amend the Indictment, confidentiel, 21 juin 2013. La requête a été officiellement déposée auprès de la Section d’appui et d’administration judiciaires le 21 juin 2013, date mentionnée sur la page de garde. Le Procureur a cependant signé la requête le 18 juin 2013. Le Procureur a déposé une version publique expurgée de la requête le 1er juillet 2013.

24 Ordonnance fixant provisoirement une nouvelle date d’ouverture du procès, 2 août 2013.

25 Decision on Two Prosecution Submissions in Relation to Amending the Prosecution Rule 91 Filings, 5 août 2013.

26 Order on the Defence Request for a Variance of the Deadline for Re-filing the Defence Pre-Trial Briefs, 7 août 2013.

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mémoire d’avant procès du Procureur pour le 19 août 2013 et ceux des Conseils de la Défense pour le 2 septembre 2013.

22. Le 12 août 2013, le Juge de la mise en état a transmis à la Chambre de première instance une partie du dossier prévu par l’article 95 du Règlement, contenant les pièces à conviction déposées par le Procureur dans l’affaire Ayyash et al. en vertu de l’article 91 du Règlement27.

23. Le 16 août 2013, le Juge de la mise en état a accordé, à la demande du Procureur28, des délais supplémentaires au Procureur et aux Conseils de la Défense pour déposer leurs mémoires d’avant procès29.

24. Conformément à la décision du 16 août 2013, le Mémoire du Procureur a été déposé le 23 août 2013, le Mémoire de M. Sabra, le 5 septembre 2013 et les Mémoires de MM. Ayyash, Badreddine et Oneissi, le 6 septembre 2013.

25. Le 23 octobre 2013, à la demande du Juge de la mise en état, le Procureur a déposé une liste actualisée de témoins30.

IV. Le droit applicable

A. Introduction

26. En vertu de l’article 95, paragraphe A), alinéa vii) du Règlement, le Juge de la mise en état transmet à la Chambre de première instance :

un rapport détaillé précisant : a) les arguments des parties et des victimes participant à la procédure concernant les faits et le droit applicable ; b) les points d’accord et de désaccord ; c) les éléments de preuve produits par chaque partie

27 Ordonnance relative à la transmission d’une partie du dossier à la Chambre de première instance conformément à 95 du Règlement, 12 août 2013.

28 Prosecution Request for Extension of Time to Comply with Order of 7 August 2013, confidentiel, 13 août 2013. Une version publique expurgée a été déposée le même jour.

29 Décision relative aux Requêtes du Procureur sollicitant 1) l’autorisation de déposer des pièces modifiées à l’appui de l’Acte d’accusation confirmé le 31 juillet 2013 et 2) une prorogation de délai aux fins de dépôt de son mémoire d’avant procès actualisé, 16 août 2013.

30 Prosecution Submission Pursuant to Rule 91(G)(ii)(f), annexe A, confidentiel, 23 octobre 2013.

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et par les victimes participant la procédure ; d) un résumé de ses décisions et ordonnances ; e) des indications quant au nombre de témoins devant être cités à comparaître par le Procureur, et quant au nombre de ceux dont les victimes participant à la procédure entendent demander la comparution à la Chambre, ainsi que sur la pertinence de leur déposition ; et f) les points de fait et de droit qui, selon lui, sont litigieux [...]

27. Avant de procéder à l’analyse du dossier, le Juge de la mise en état entend préciser les contours de la notion de « rapport détaillé » reprise dans ce texte ainsi que l’étendue de son pouvoir dans la préparation de celui-ci. En effet, s’il énumère les éléments que doit contenir le Rapport, l’article 95, paragraphe A), alinéa vii) du Règlement ne circonscrit pas clairement le rôle du Juge de la mise en état en la matière, notamment quant à la possibilité d’évaluer les éléments de preuve qui lui ont été soumis et de tirer des conclusions à propos des éléments contestés par les Parties. Dans ce contexte, le sens exact des termes « rapport détaillé » doit être déterminé à la lumière des principes généraux d’interprétation des dispositions du Règlement. À ce titre, l’article 3 du Règlement prévoit que :

A) Le Règlement est interprété conformément à l’esprit du Statut et, par ordre de priorité, i) aux principes d’interprétation établis en droit international coutumier, tels que codifiés aux articles 31, 32 et 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), ii) aux normes internationales en matière de droit de l’homme, iii) aux principes généraux de droit international pénal et de procédure et, le cas échéant, iv) au Code de procédure pénale libanais.

B) Toute ambiguïté qui n’aura pas été levée selon les modalités prévues au paragraphe A) est résolue en suivant l’interprétation considérée comme la plus favorable au suspect ou à l’accusé au vu des circonstances de l’espèce.

28. Ainsi, conformément aux dispositions de la Convention de Vienne susvisées, la signification précise des termes « rapport détaillé » doit être déterminée en tenant compte de leur sens ordinaire (B), interprété à la lumière du contexte dans lequel ils s’inscrivent (C) ainsi que de l’objet et du but du Statut et du Règlement (D). Elle doit également être ancrée dans le respect des droits fondamentaux de l’homme, à savoir, en l’espèce, du droit des Accusés à un procès équitable et rapide.

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B. Le sens ordinaire

29. La version française de l’article 95, paragraphe A) du Règlement prévoit que la transmission du dossier complet doit être accompagnée d’un « rapport détaillé ». La version anglaise reprend, quant à elle, les mots semblables de « detailed report ». Selon leur définition juridique usuelle, ces termes recouvrent l’exposé des éléments d’une affaire présenté par un juge – en l’occurrence, le Juge de la mise en état – à une autre instance – en l’occurrence, la Chambre de première instance – pour en faciliter l’action – en l’occurrence, la tenue d’un procès équitable et rapide31.

30. En outre, l’article 95, paragraphe A), alinéa vii) du Règlement donne quelques précisions sur la notion de « rapport détaillé » en énumérant les éléments qu’il doit contenir. Ainsi, les points a) à d) de cette disposition renvoient à une série d’éléments à caractère objectif, dont les arguments des Parties, leurs points d’accord et de désaccord ainsi que les éléments de preuve que celles-ci ont recueillis. Les points e) et f) requièrent, en revanche, une analyse plus subjective. En effet, le premier fait référence aux « indications » – dans le texte anglais « suggestions » – que doit fournir le Juge de la mise en état à propos du nombre de témoins à comparaître et de la pertinence de leur déposition. Le second évoque les points de fait et de droit qui « selon lui [le Juge de la mise en état] » – dans le texte anglais « in his view » – sont litigieux. Ces deux éléments appellent donc une évaluation de la part du Juge de la mise en état.

C. Le contexte

31. L’exercice de la fonction de préparation du Rapport doit également être évalué à la lumière du contexte dans lequel il s’inscrit, à savoir dans le cadre des responsabilités générales confiées, par le Statut et le Règlement, au Juge de la mise en état ainsi qu’à la Chambre de première instance. Dans cette perspective, il convient de rappeler que le Juge de la mise en état est un juge neutre et indépendant – n’appartenant donc pas à la formation de jugement32 – tenu, selon l’article 18 du Statut, de prendre toutes

31 Cf. à ce propos G. Cornu, Vocabulaire Juridique, Presses Universitaires de France, Paris, 1987, p. 760.

32 Article 8, par. 1 du Statut.

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les mesures nécessaires à « la préparation d’un procès équitable et rapide ». Dans la même optique, selon l’article 89, paragraphe B) du Règlement, ce juge prend, après la confirmation de l’acte d’accusation, « toutes les mesures nécessaires afin que l’affaire soit en état en vue d’un procès équitable et rapide ». Ces fonctions de préparation sont intimement liées aux responsabilités incombant à la Chambre de première instance conformément aux articles 20 et 21 du Statut, à savoir : i) « limite[r] strictement le procès […] à un examen rapide des questions soulevées par les charges […] » ; ii) « prend[re] des mesures strictes pour éviter toute action qui entraînerait un retard non justifié » ; et iii) interroger les témoins (sauf circonstances dictées par l’intérêt de la justice). En effet, ce n’est que si le Juge de la mise en état prend toutes les mesures qui s’imposent – dont l’élaboration d’un rapport détaillé mettant en évidence les principaux enjeux du dossier – que la Chambre de première instance pourra, à son tour, exercer, avec efficacité et équité, les tâches de gestion du procès qui lui appartiennent.

32. L’exercice de la fonction de préparation du procès, et plus précisément, d’élaboration du Rapport, doit toutefois être tempéré par le fait que, comme le souligne le Président du Tribunal, dans son Mémoire explicatif du Règlement, le Juge de la mise en état ne s’apparente pas à un magistrat instructeur appelé à récolter les éléments de preuve33. En effet, hormis dans des circonstances exceptionnelles34, c’est au Procureur et à la Défense, voire au RLV, qu’incombe cette responsabilité. Dans cette perspective, la préparation du Rapport est, par définition, conditionnée et limitée par le travail d’enquête et d’analyse des Parties tel que reflété dans leurs Mémoires et matérialisé dans les pièces soumises à l’appui de ceux-ci. Il en résulte que, plus les Mémoires du Procureur et de la Défense sont élaborés et étayés par des pièces, plus le Rapport pourra, lui aussi, être détaillé et, ainsi, offrir aux juges de la Chambre de première instance des indications précises susceptibles de les aider dans la conduite du procès.

33. Enfin, la préparation du Rapport s’inscrit dans un contexte différent de celui de la confirmation des charges à l’égard des Accusés ou de la détermination de leur

33 Mémoire explicatif par le Président du Tribunal, Règlement de procédure et de preuve, 12 avril 2012, par. 11.

34 Article 92 du Règlement.

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culpabilité éventuelle à l’issue du procès au fond. En effet, il ne s’agit pas d’apprécier s’il existe des éléments de preuve suffisants démontrant qu’un suspect a commis un crime relevant de la compétence du Tribunal ni s’il existe des éléments de preuve permettant de convaincre la Chambre de première instance de la culpabilité d’un accusé au-delà de tout doute raisonnable. Il ne s’agit également pas d’évaluer, en tant que tels, les éléments de preuve rassemblés par les Parties, mais seulement de proposer des suggestions susceptibles de faciliter le travail de conduite de la procédure et de jugement de la Chambre de première instance. Ces suggestions n’empiètent pas sur le pouvoir souverain de cette chambre d’admettre et d’apprécier les éléments de preuve ni sur le droit des Parties de contester ces éléments durant le procès.

D. L’objet et le but

34. La préparation du dossier et, en particulier, la transmission, avant le début du procès, des pièces qui y figurent à la Chambre de première instance, visent à permettre à la procédure de ne prendre aucun retard injustifié et de se dérouler de façon juste et équitable. C’est également dans cet esprit que l’idée de préparer un rapport détaillé a été conçue. Comme indiqué précédemment, celui-ci est destiné à permettre à la Chambre de première instance, sur base des conclusions tirées par le Juge de la mise en état, d’être mieux à même de cerner les enjeux, de diriger les débats entre les Parties et d’exercer un contrôle effectif sur le déroulement de ceux-ci. En établissant le Rapport – qui se fonde essentiellement sur les Mémoires des Parties –, le Juge de la mise en état doit toutefois inscrire son action dans le respect des droits des Accusés. Or, si, conformément à l’article 91, paragraphe I) du Règlement, ils doivent préciser : « i) en termes généraux, la nature de [leur] défense ; ii) les points du mémoire d’avant procès du Procureur qu’[ils] contestent ; et iii) pour chacun des points visés à l’alinéa ii), [leurs] motifs de contestation », les Mémoires de la Défense sont, par essence, souvent succincts. En effet, les enquêtes conduites par les Conseils de la Défense ne sont généralement pas clôturées au moment de la soumission de leurs Mémoires. Par ailleurs, ces conseils ne sont pas tenus de révéler l’ensemble de leur stratégie à ce stade préliminaire de la procédure. Aussi, ces éléments sont autant de limites et de contraintes auxquelles est confronté le Juge de la mise en état dans son travail d’évaluation du nombre de témoins à comparaître,

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de la pertinence de leur déposition et des éléments légaux et factuels litigieux et, plus généralement, dans l’établissement de son Rapport.

E. En conclusion

35. Il découle de ce qui précède que le Rapport constitue une analyse de l’affaire Ayyash et al. effectuée par le Juge de la mise en état sur la base principalement du Mémoire du Procureur, des Mémoires de la Défense, du Mémoire du RLV et des pièces soumises à l’appui de ceux-ci tels qu’ils lui ont été présentés. Le degré de précision de cette analyse, destinée à faciliter la tenue d’un procès équitable et rapide par la Chambre de première instance, est dès lors fonction de ces mémoires et pièces.

V. L’analyse du dossier

A. Introduction

36. En guise d’introduction, le Juge de la mise en état souligne que dans la Décision de confirmation du 28 juin 2011, il avait formulé des remarques au sujet de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011, dont certaines restent valables, notamment celles portant sur les éléments de preuve circonstanciels35 ou sur le (ou les) mobile(s) de l’attentat36.

37. Après avoir analysé les données personnelles relatives aux Accusés (B), le Juge de la mise en état examinera successivement les éléments suivants : le descriptif des réseaux téléphoniques et l’attribution des téléphones (C), les activités antérieures à l’attentat (D), l’attentat (E), les activités postérieures à l’attentat (F), l’existence d’une ligne de conduite délibérée (G) et les questions suscitées par la participation des victimes (H). Dans un souci d’objectivité, le Juge de la mise en état distinguera pour chacun de ces points les allégations des Parties de son appréciation des enjeux posés par celles-ci. Ces enjeux sont les points que le Juge de la mise en état a souhaité

35 Décision de confirmation du 28 juin 2011, par. 37.

36 Id., par. 96.

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mettre en exergue. Ils ne peuvent être considérés comme les seuls qui se posent dans le cadre de chaque thème abordé.

B. Les Accusés

38. Cette section est relative aux données personnelles concernant successivement MM. Ayyash (1), Badreddine (2), Oneissi (3) et Sabra (4).

1. M. Ayyash

Les allégations des Parties

39. Le Procureur fournit deux types d’informations concernant l’identité de M. Ayyash : des données biographiques et des éléments relatifs à son appartenance religieuse et politique37.

40. À propos des données biographiques, se fondant sur une copie du registre officiel de l’état civil38, le Procureur précise que M. Ayyash serait né le 10 novembre 1963 à Harouf au Liban et qu’il serait le fils de M. Jamil Dakhil Ayyash et de Mme Mahasen Issa Salameh. En outre, selon une copie du formulaire de demande de carte d’identité – qui devrait être déposée en tant que pièce à conviction par [EXPURGÉ] « PRH539 »39 – M. Ayyash serait citoyen libanais inscrit au registre d’état civil sous la mention « 197/Harouf ». De plus, selon un extrait de la déclaration du témoin « PRH395 » – [EXPURGÉ] –, M. Ayyash serait titulaire d’un document de voyage pour le Hajj, pèlerinage de la Mecque, portant le numéro « 059386 »40. Par ailleurs, une fiche de paie, qui devrait être déposée en tant que pièce à conviction par le témoin « PRH391 » – [EXPURGÉ] –, permettrait d’établir que le numéro de sécurité sociale de M. Ayyash serait le « 63/690790 »41. La Défense de M. Ayyash estime que, en

37 Mémoire du Procureur, par. 16.

38 R91-801004.

39 R91-801136.

40 R91-801134.

41 R91-100615. Cette information serait confirmée par la pièce R91-801122.

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l’absence de l’accusé, elle n’est pas en mesure de confirmer les détails biographiques fournis par le Procureur42.

41. À propos de l’appartenance religieuse et de l’affiliation politique de M. Ayyash, le Procureur déclare que ce dernier serait musulman chiite et sympathisant43 du Hezbollah44. La Défense conteste ces allégations. Elle précise à cet égard que les pièces à conviction soumises par le Procureur ne le prouvent pas au-delà de tout doute raisonnable45.

Les observations du Juge de la mise en état

42. Le Juge de la mise en état identifie les deux enjeux suivants au sujet de l’identité de M. Ayyash :

- les informations relatives à M. Ayyash sont relativement succinctes46. Par exemple, il y a très peu d’indications au sujet de ses activités professionnelles ; et

- concernant la religion et les affiliations politiques de M. Ayyash, le Procureur s’appuie sur différentes pièces pour soutenir qu’il serait musulman, de confession chiite et sympathisant du Hezbollah. Il s’agit, en particulier, des déclarations : i) du témoin « PRH385 » – [EXPURGÉ]47 ; ii) d’un des [EXPURGÉ] de « PRH385 » [EXPURGÉ] ; iii) du témoin « PRH112 » qui précise qu’il ne peut témoigner de l’affiliation de M. Ayyash à un parti politique, tout en présumant que ce dernier est un sympathisant du Hezbollah

42 Mémoire de M. Ayyash, par. 12.

43 Le Procureur utilise le terme de « supporter of Hezbollah » dans la version anglaise, langue originale des documents, de l’Acte d’accusation (par. 49) et du Mémoire du Procureur (par. 10, 12, 16, 17, 18). Cependant, dans leur version française, ces documents parlent de « sympathisant du Hezbollah » et de « partisan du Hezbollah » respectivement. Afin de respecter les termes de l’Acte d’accusation, ce rapport utilisera la terminologie de « sympathisant du Hezbollah ».

44 Mémoire de M. Ayyash, par. 12.

45 Ibid.

46 Mémoire du Procureur, par. 16.

47 R91-100318.

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car il est chiite48 ; iv) du témoin « PRH096 » – [EXPURGÉ]– qui pense que M. Ayyash a des affiliations politiques avec le Hezbollah, [EXPURGÉ]49 ; ainsi que v) d’un extrait d’une publication portant sur le Hezbollah50 ne contenant pas d’information à propos de M. Ayyash [EXPURGÉ]. Il se fonde également sur : i) la déclaration du témoin « PRH385 » visé ci-dessus, [EXPURGÉ]51, et ii) une lettre [EXPURGÉ]52. [EXPURGÉ].

2. M. Badreddine

Les allégation des Parties

43. Le Procureur fournit deux types d’informations concernant l’identité de M. Badreddine : des données biographiques et des éléments relatifs à son appartenance religieuse et politique53.

44. À propos des données biographiques, le Procureur précise que M. Badreddine serait né le 6 avril 1961 à Beyrouth au Liban et qu’il serait le fils de M. Amine Badreddine et de Mme Fatima Jezeini. M. Badreddine serait citoyen libanais inscrit au registre d’état civil sous la mention « 341/Al-Ghbeiry ». À l’appui de cette allégation, le Procureur invoque le certificat de naissance de M. Badreddine, deux certificats de mariage, le registre de l’état civil libanais54 et une candidature qu’il aurait déposée à l’Université américaine de Beyrouth55. Pour établir que M. Badreddine est un musulman chiite et sympathisant du Hezbollah56, le Procureur s’appuie également

48 R91-100319.

49 R91-801070.

50 R91-801766, « New Introduction Hizbullah The Story from Within » de Naim Qassem, p. 60217343-60217344.

51 R-91-801112 ; R91-100391.

52 R91-801143.

53 Mémoire du Procureur, par. 10

54 R91-801010. Le Juge de la mise en état note que cette pièce n’est pas reliée à un témoin.

55 R91-801008, p.60230562. Le Juge de la mise en état note que cette pièce n’est pas reliée à un témoin.

56 Mémoire du Procureur, par. 10.

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sur ces documents57 ainsi que sur la déposition du témoin « PRH329 »58 qui aurait déclaré que M. Badreddine était membre actif du Hezbollah et avait été emprisonné au Koweït pour des raisons politiques59. Par ailleurs, le Procureur allègue que M. Badreddine utiliserait plusieurs pseudonymes dont « Safi Badr », « Sami Issa », et « Elias Fouad Saab »60. Le témoin « PRH577 » – [EXPURGÉ] – devrait témoigner à ce sujet. Par ailleurs, plusieurs témoignages [EXPURGÉ] devraient être produits à cet égard, dont ceux des témoins « PRH273 »61, « PRH243 »62, « PRH244 »63, « PRH089 »64, « PRH359 »65, « PRH531 »66, « PRH264 »67, « PRH423 »68, « PRH556 »69, « PRH470 »70, « PRH306 »71 et « PRH523 »72. Le Procureur s’appuie notamment sur ces témoignages ainsi que sur le fait que M. Badreddine et M. Sami Issa partageraient des traits physiques, caractéristiques personnelles et habitudes similaires, pour conclure que ces individus ne forment qu’une seule et même personne73. Il note également que M. Badreddine et M. Sami Issa étaient de même confession religieuse et affiliés politiquement au Hezbollah74. S’agissant

57 R91-801008 p.60230562 ; R91-801010.

58 R91-801009.

59 R91-801009, p. 60236244. Cf. également p. 60236245

60 Mémoire du Procureur, par. 11.

61 R91-300094, p. 60228566-6022857.

62 R91-300193, compte rendu p. 4 et p. 60223303-60223307

63 R91-300195, par. 5-66 ; R91-801023, compte rendu, p. 1-35.

64 R91-801024, compte rendu, p. 4.

65 R91-300257, p. 60267198-60267202.

66 R91-801027, p. 60229603-60229609.

67 R91-801025, p. 60222600-60222605.

68 R91-801026, compte rendu, p. 11 et p. 60228615-60228619.

69 R91-801028, p. 60222483-60222492.

70 R91-300232, p. 60254598-60254607.

71 R91-300093, p. 60220462-60220475.

72 R91-300179.

73 Mémoire du Procureur, par. 12.

74 Ibid.

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du pseudonyme « Elias Fouad Saab », le Procureur allègue que M. Badreddine a été condamné sous ce nom pour des attentats perpétrés au Koweït75. Pour conclure que M. Badreddine et M. Elias Fouad Saab sont une même personne, le Procureur s’appuie notamment sur [EXPURGÉ]76 ainsi que sur un jugement rendu par une juridiction de cet État qui relèverait la similarité des traits physiques entre ces deux personnes77.

45. La Défense conteste de manière générale les allégations relatives aux données personnelles de M. Badreddine78. Elle met également en cause le fait que ce dernier serait membre du Hezbollah, qu’il aurait agi sous le couvert de différents pseudonymes et que M. Elias Fouad Saab aurait commis des attentats au Koweït79.

Les observations du Juge de la mise en état

46. Le Juge de la mise en état identifie les six enjeux suivants au sujet de l’identité de M. Badreddine :

- la Défense de M. Badreddine ne justifie pas en quoi les pièces avancées par le Procureur portant sur les caractéristiques personnelles de M. Badreddine ne seraient pas crédibles ;

- l’attribution à M. Badreddine de pseudonymes dont « Safi Badr », « Sami Issa » et « Elias Fouad Saab » est essentielle pour déterminer sa responsabilité ;

- la déposition du témoin « PRH329 » semble particulièrement importante pour établir que M. Badreddine partagerait les mêmes caractéristiques physiques que MM. Sami Issa et Elias Fouad Saab ;

- la déposition du témoin « PRH273 » semble particulièrement importante pour établir que Sami Issa serait un pseudonyme utilisé par M. Badreddine ;

75 Id., par. 15.

76 R91-300064.

77 R91-300595.

78 Mémoire de M. Badreddine, annexe A confidentielle, p. 2.

79 Ibid.

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- le Procureur semble principalement s’appuyer sur la déposition du témoin « PRH329 » pour affirmer que M. Badreddine est sympathisant du Hezbollah ; par ailleurs, tous les éléments tendant à prouver que M. Sami Issa est sympathisant du Hezbollah n’ont de pertinence que s’il est démontré que ce nom était un des pseudonymes utilisé par M. Badreddine ; et

- la Défense de M. Badreddine allègue que M. Elias Fouad Saab n’aurait pas été impliqué dans des activités terroristes au Koweït en dépit [EXPURGÉ] présentés par le Procureur à ce sujet.

3. M. Oneissi

Les allégations des Parties

47. Le Procureur fournit deux types d’informations à propos de M. Oneissi : des données biographiques et des éléments relatifs à ses convictions religieuses et à son affiliation politique80.

48. À propos des données biographiques, le Procureur précise que M. Oneissi serait né le 11 février 1974 à Beyrouth au Liban et qu’il serait le fils de M. Hassan Oneissi (aussi connu sous le nom de « Hassan Issa ») et de Mme Fatima Darwish. M. Oneissi serait citoyen libanais inscrit au registre d’état civil sous la mention « 7/Shhour ». À l’appui de ces allégations, le Procureur produit la carte d’identité de M. Oneissi qui devrait être déposée en tant que pièce à conviction par le témoin « PRH468 »81. Il s’appuie également sur le certificat de naissance de M. Oneissi ainsi que sur des certificats de naissance, de mariage et de décès de membres de sa famille82. Le Procureur se fonde, par ailleurs, sur des copies de décisions judiciaires rendues par un tribunal civil à Jouaiya pour affirmer que M. Oneissi s’appelait jusqu’en janvier 2004 « M. Issa » et que son nom ainsi que celui de ses enfants a changé à cette date83. À propos de l’affiliation politique de M. Oneissi, le Procureur

80 Mémoire du Procureur, par. 17.

81 R91-300068.

82 R91-300006.

83 R91-300007.

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affirme qu’il est sympathisant du Hezbollah et en donne pour preuve un discours de M. Nasrallah, Secrétaire général du Hezbollah, au cours duquel celui-ci aurait affirmé que les Accusés étaient des « frères de résistance »84. Enfin, il se fonde sur le certificat de naissance de M. Oneissi pour affirmer que celui-ci est de confession chiite85.

49. La Défense de M. Oneissi ne se prononce pas spécifiquement sur les données biographiques, politiques et religieuses évoquées par le Procureur86. Elle conteste, de manière générale, les allégations factuelles et juridiques contenues dans le Mémoire du Procureur arguant qu’elles ne peuvent être prouvées au-delà de tout doute raisonnable87.

Les observations du Juge de la mise en état

Le Juge de la mise en état identifie les deux enjeux suivants au sujet de l’identité de M. Oneissi :

- hormis la carte d’identité et le certificat de naissance de M. Oneissi, les autres éléments avancés par le Procureur ne concernent pas directement l’accusé mais des membres de sa famille ; et

- s’agissant de l’appartenance politique de M. Oneissi, le Procureur s’appuie sur une déclaration générale faite à l’occasion d’une conférence de presse tenue après la mise en accusation des Accusés et qui ne mentionne pas spécifiquement le nom de M. Oneissi.

84 R91-300056 p. 60223025.

85 R91-300006.

86 Mémoire du Procureur, par. 17.

87 Mémoire de M. Oneissi, par. 19 et 45.

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4. M. Sabra

Les allégations des Parties

50. Le Procureur fournit deux types d’informations à propos de l’identité de M. Sabra : des données biographiques et des éléments relatifs à ses convictions religieuses et à son affiliation politique88.

51. À propos des données biographiques, se fondant sur une copie du registre officiel de l’état civil, le Procureur précise que M. Sabra serait né le 15 octobre 1976 à Beyrouth au Liban et qu’il serait le fils de M. Hassan Sabradi « Tahan » et de Mme Leila Saleh89. M. Sabra serait citoyen libanais inscrit au registre d’état civil sous la mention « 1339/Zqaq Al-Blat »90. Au sujet de l’appartenance religieuse et de l’affiliation politique de M. Sabra, le Procureur allègue qu’il serait de confession musulmane chiite et sympathisant du Hezbollah91. Il se fonde à cet égard sur : i) le compte rendu d’un entretien avec [EXPURGÉ] – le témoin « PRH024 » – et des notes [EXPURGÉ] y relatives92 ; ii) le compte rendu d’un entretien avec [EXPURGÉ] – le témoin « PRH106 » – et des notes [EXPURGÉ] y relatives93 ; et iii) la déclaration du [EXPURGÉ] – le témoin « PRH106 »94. Par ailleurs, le registre d’état civil mentionne qu’il serait de confession chiite musulmane95.

52. La Défense de M. Sabra indique qu’elle n’entend contester ni l’âge ni le lieu de naissance de M. Sabra96. Elle considère par contre qu’il n’existe pas d’élément de preuve crédible concernant l’adresse attribuée à M. Sabra dans l’Acte d’accusation97.

88 Mémoire du Procureur, par. 18.

89 Mémoire du Procureur, par. 18 ; R91-300006, p. 60210589.

90 R91-300006, p. 60210589.

91 Mémoire du Procureur, par. 18.

92 R91-800969.

93 R91-800972.

94 R91-800966.

95 R91-300006, p. 60210589. Le Juge de la mise en état note que cette pièce n’est pas reliée à un témoin.

96 Mémoire de M. Sabra, par. 5.

97 Ibid.

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Rapport de mise en état JME

La Défense de M. Sabra n’évoque pas explicitement les données relatives à l’appartenance religieuse de M. Sabra98. En revanche, elle conteste les allégations relatives à ses affiliations politiques99. Elle note à cet égard que le Juge de la mise en état n’a pas confirmé les références faites au Hezbollah dans la décision du 28 juin 2011 de confirmation de l’Acte d’accusation du 10 juin 2011100 et que le Procureur les a retirées dans le cadre du troisième amendement de l’Acte d’accusation101. Selon la Défense de M. Sabra, ces références, qui ne reposent pas sur des éléments de preuve établis au-delà de tout doute raisonnable, ne font donc pas partie du dossier du Procureur.102

Les observations du Juge de la mise en état

53. Le Juge de la mise en état identifie les deux enjeux suivants au sujet de l’identité de M. Sabra :

- le Procureur fait bien référence au fait que l’accusé serait un sympathisant du Hezbollah non seulement dans l’Acte d’accusation103 mais également dans son Mémoire104. Cependant, ce dernier ne fait qu’un bref résumé des données personnelles de M. Sabra105. Par exemple, le Procureur ne donne aucune information relative à ses antécédents professionnels ni de détails précis sur ses liens avec le Hezbollah, comme il l’a fait en revanche pour M. Badreddine ; et

- pour conclure que M. Sabra est un musulman chiite et un sympathisant du Hezbollah106, le Procureur s’appuie sur trois témoins qui indiquent tous ne pas avoir entretenu de relations étroites avec lui. Le témoin « PRH024 »

98 Id., par. 1 et 7.

99 Id., par. 25-27.

100 Id., par. 25.

101 Ibid.

102 Id., par. 27.

103 Acte d’accusation, par. 49.

104 Mémoire du Procureur, par. 10, 16, 17 et 18.

105 Id., par. 18.

106 Ibid.

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[EXPURGÉ]107 [EXPURGÉ]108. Le témoin « PRH106 », déclare, quant à lui, que M. Sabra est lié au Hezbollah, mais ne sait pas de quelle manière109. Il ne fournit aucun détail à ce propos. Le témoin « PRH079 » affirme que M. Sabra est pro-Hezbollah [EXPURGÉ]110. Ce témoin ajoute qu’il n’est pas aisé d’obtenir des détails à propos des personnes qui seraient membres du Hezbollah111.

C. Le descriptif des réseaux téléphoniques et l’attribution des téléphones

1. Introduction

54. Cette section traite de la question des différents réseaux téléphoniques impliqués dans la préparation et l’exécution de l’attentat perpétré contre M. Hariri (2) et de la problématique de l’attribution des téléphones aux Accusés (3).

2. Les réseaux téléphoniques

55. En guise d’introduction, il convient d’indiquer que les réseaux téléphoniques sont des liens que le Procureur a établis entre différents téléphones mobiles en se fondant sur des caractéristiques semblables (périodes d’activation, lieux et moments d’utilisation, modes de communication, etc.). Ayant établi l’existence de réseaux, le Procureur a tiré des conclusions lui permettant d’identifier les numéros de téléphone de personnes susceptibles d’être impliquées dans l’attentat.

Les allégations des Parties

56. Le Procureur allègue que les Accusés ainsi que d’autres personnes ont utilisé des téléphones mobiles, regroupés en quatre réseaux différents, pour perpétrer et exécuter l’attentat contre M. Hariri. Pour en faciliter la présentation, le Procureur

107 R91-800969.

108 Ibid.

109 R91-800966.

110 R91-800972.

111 Ibid.

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a attribué des couleurs aux quatre réseaux téléphoniques, à savoir112 : rouge, vert, bleu et jaune113. D’après le Procureur, ces réseaux téléphoniques ont partagé deux caractéristiques communes : premièrement, ils ont été utilisés pour réaliser des activités spécifiques en lien avec l’attentat et, deuxièmement, la grande majorité des appels provenant des téléphones issus de ces réseaux a été passée à destination d’autres téléphones appartenant au même réseau dans le cadre de ces activités114. À ces quatre réseaux de téléphones, il convient d’ajouter un cinquième groupe de téléphones, constitué des téléphones dits violets, des téléphones mobiles personnels (« TMP ») et des téléphones mobiles successifs (« TMS »). Les TMP sont des téléphones qui n’appartiennent pas à un groupe ni à un réseau115 utilisés personnellement par des personnes concernées par l’affaire, sur une longue période de temps, pour contacter de nombreux destinataires, notamment par l’envoi de SMS116. Les TMS sont, quant à eux, des téléphones qui, comme leur nom l’indique, ont été utilisés successivement avec des lignes téléphoniques différentes, ce qui signifie que chaque téléphone est utilisé pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois, puis remplacé par un autre.

57. À propos du réseau de téléphones rouges, le Procureur affirme qu’il était constitué de huit téléphones qui communiquaient presque exclusivement entre eux durant la période de préparation et d’exécution de l’attentat117. Par ailleurs, le Procureur souligne que leurs utilisateurs n’ont pas fait usage du service des messages courts (« SMS »)118. En outre, toujours selon le Procureur, ces téléphones ont été activés le 4 janvier 2005 et ont fonctionné à partir du 14 janvier 2005 jusqu’au 14 février 2005, deux minutes avant l’attentat119.

112 Mémoire du Procureur, par. 22.

113 Mémoire du Procureur, par. 21 ; R91-200273.

114 Mémoire du Procureur, par. 21.

115 ERN-60196228-60196753.

116 R91- 801452.

117 Mémoire du Procureur, par. 23 ; R91-200273, p. 41, par. 158-160.

118 Mémoire du Procureur, par. 23.

119 Ibid.

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58. Pour étayer ces allégations, le Procureur s’appuie sur deux rapports [EXPURGÉ] – témoin expert « PRH147 », [EXPURGÉ] – intitulés « Network Analysis Report: Red, Green, Blue and Yellow Phones » (le « Rapport d’analyse des réseaux »)120 et « Communications Evidence Concerning the Assasination of Rafik Hariri: Chronology Report » (le « Rapport relatif à la chronologie des évènements »)121. Le premier décrit en détail le fonctionnement des quatre réseaux téléphoniques impliqués dans l’attentat122. Quant au second, il comporte une chronologie détaillée de l’activité téléphonique pertinente de ces réseaux du 13 octobre 2004 au 16 février 2005. Cette analyse est fondée sur des tableaux séquentiels des appels (appelés en anglais « Call Sequence Tables ») (« CST ») ainsi que d’autres rapports et notes d’enquêteurs123. Les CST sont les données relatives à un appel téléphonique comprenant notamment, le numéro d’appel, le numéro appelé, la date et l’heure de l’appel, sa durée ainsi que les antennes cellulaires qui l’ont relayé124.

59. En outre, le Procureur s’appuie sur le Rapport d’analyse des réseaux pour conclure que : i) les téléphones appartenant au réseau rouge ont été activés le 4 janvier 2005, à 15 minutes l’un de l’autre, dans la région de Tripoli125 ; ii) leur compte a été rechargé avec des crédits additionnels durant un laps de temps de 45 minutes dans la région de Tripoli le 2 février 2005126 ; iii) des échanges de combinés ont eu lieu entre les utilisateurs des huit téléphones appartenant au réseau rouge127 ; et iv) M. Ayyash et les autres membres de l’équipe d’exécution de l’attentat ont utilisé six des téléphones appartenant au réseau rouge pour communiquer lors de la préparation et l’exécution de l’attentat128. Enfin, le Procureur indique que l’acquisition des téléphones appartenant au réseau rouge s’est faite sur la base de pièces d’identité utilisées frauduleusement.

120 R91-200273, p. 39, par. 151-156.

121 R91-200334, p. 156, par. 464 et 978-980.

122 R91-200273.

123 R91-200334, p. 17-20.

124 ERN-60196228-60196753, p. 43.

125 R91-200273, p. 39, par. 152.

126 R91-200273, p. 39, par. 153.

127 R91-200273, p. 46, par. 176 et 180.

128 R91-200273.

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Pour aboutir à cette conclusion, le Procureur s’appuie sur le rapport de [EXPURGÉ] – témoin « PRH528 », [EXPURGÉ] – intitulé « Acquisition of SIM Cards Report » (le « Rapport relatif à l’acquisition des cartes SIM ») (module d’identité de l’abonné à un numéro de téléphone)129 – lui-même fondé sur des entretiens avec des témoins et sur des documents frauduleux utilisés lors de l’acquisition des téléphones130.

60. À propos du réseau de téléphones verts, le Procureur affirme que celui-ci était constitué de trois téléphones utilisés au moins depuis le 13 octobre 2004 jusqu’au 14 février 2005 – environ une heure avant l’attentat – et qui faisaient partie d’un groupe de 18 téléphones verts (désactivés en août 2005)131. Selon le Procureur, à partir du 13 octobre 2004, les utilisateurs de ces téléphones ont communiqué exclusivement entre eux et n’ont pas utilisé de SMS132. Ces affirmations s’appuient sur le Rapport d’analyse des réseaux, lequel se fonde sur la déclaration de [EXPURGÉ] – témoin « PRH064 », [EXPURGÉ] –, l’analyse des CST, le Rapport relatif à l’acquisition des cartes SIM et le rapport de [EXPURGÉ] – témoin « PRH377 », [EXPURGÉ]– intitulé « Examination of Red and Green Network Handset Usage Introduction »133. Le Procureur indique, par ailleurs, que M. Badreddine était en contact au travers du réseau vert avec M. Ayyash et avec M. Merhi134 pour préparer et réaliser l’attentat, comme il en ressort du Rapport relatif à la chronologie des évènements135, des rapports de [EXPURGÉ] – témoin expert « PRH230 », [EXPURGÉ] – intitulés « Evidence of Telephone Attribution – Mustafa Amine Badreddine »136 et « Indictment Report Attribution of Phone Numbers to Hassan Habib Merhi »137 ainsi que d’une déclaration

129 R91-801461, p. 3, par. 10.

130 R91-801461, p. 4-10.

131 R91-200273, p. 72-73.

132 Mémoire du Procureur, note 45 ; R91-200273, p. 73, par. 340 ; p. 76, par. 361 ; p. 78, par. 377 ; p. 80, par. 394.

133 R91-200273, p. 72-75.

134 Le Procureur a identifié M. Merhi comme étant impliqué dans l’attentat et l’a mis en accusation le 31 juillet 2013.

135 R91-200334.

136 R91-801452, p. 264.

137 ERN : D0327911-D0328017, p. 48-72, par. 114-192.

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de [EXPURGÉ] – témoin « PRH435 », témoin expert138. Enfin, le Procureur note que les téléphones appartenant au réseau vert ont été acquis en utilisant frauduleusement des pièces d’identité139. Pour aboutir à cette conclusion, le Procureur s’appuie sur le Rapport relatif à l’acquisition des cartes SIM140, lui-même fondé sur des entretiens avec des témoins et sur des documents frauduleux utilisés lors de l’acquisition des téléphones141.

61. À propos du réseau de téléphones bleus, le Procureur affirme que celui-ci était constitué de 18 téléphones utilisés entre le 18 octobre 2004 et le 1er octobre 2005. Le Procureur se fonde sur le Rapport d’analyse des réseaux pour conclure que : i) les utilisateurs de ces téléphones communiquaient presque exclusivement entre eux et n’ont pratiquement pas envoyé ni reçu de SMS ; ii) M. Ayyash et les autres membres de l’équipe responsable de l’exécution de l’attentat ont utilisé six téléphones appartenant à ce réseau ; et iii) des échanges de combinés ont eu lieu entre des utilisateurs de téléphones du réseau bleu et des utilisateurs de téléphones issus du réseau jaune142. Par ailleurs, le Procureur s’appuie sur le Rapport relatif à la chronologie des évènements pour affirmer que 15 téléphones appartenant au réseau bleu ont été utilisés pour les préparatifs de l’attentat, y compris la surveillance exercée sur M. Hariri entre le 18 octobre 2004 et le 14 février 2005143. Enfin, se fondant sur le Rapport relatif à l’acquisition des cartes SIM, le Procureur allègue qu’aucun des prétendus abonnés des téléphones du réseau bleu n’a pu être identifié144.

62. À propos du réseau de téléphones jaunes, le Procureur affirme que celui-ci était constitué de 18 téléphones mis en service entre 1999 et 2003 et actifs au moins jusqu’au 7 janvier 2005. Selon lui, parmi ces 18 téléphones, 13 ont servi entre le 1er

138 ERN : D0327905-D0327910.

139 R91-801461, p. 25-36.

140 Ibid.

141 Ibid.

142 R91-200273.

143 Mémoire du Procureur, par. 27-28 ; R91-200334.

144 Mémoire du Procureur, par. 28 ; R91-801461, p. 10-25.

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septembre 2004 et le 7 janvier 2005145. Pour parvenir à cette conclusion, le Procureur se fonde sur le Rapport d’analyse des réseaux146. Par ailleurs, le Procureur s’appuie sur le Rapport relatif à la chronologie des évènements pour conclure que M. Ayyash et trois membres de l’équipe responsable de l’exécution de l’attentat ont utilisé quatre des téléphones issus du réseau jaune au cours des préparatifs de l’attentat147. Le Procureur se fonde également sur le Rapport d’analyse des réseaux pour affirmer que : i) les utilisateurs de ces quatre téléphones jaunes communiquaient presque exclusivement entre eux et n’ont pratiquement pas envoyé ni reçu de SMS148 ; et ii) les utilisateurs de certains téléphones de ce réseau se sont servis des combinés qui ont également été utilisés par des utilisateurs des téléphones appartenant au réseau bleu ainsi que pour deux des TMP appartenant à M. Ayyash149. De plus, s’appuyant sur le rapport de [EXPURGÉ] intitulé « Evidence of Telephone Attribution – Salim Jamil Ayyash », le Procureur soutient qu’un des numéros de téléphones issus du réseau jaune est par la suite devenu un des TMP de M. Ayyash150. Enfin, se fondant sur le Rapport relatif à l’acquisition des cartes SIM, le Procureur allègue qu’aucun des prétendus abonnés des téléphones du réseau jaune n’a pu être identifié151.

63. À propos des téléphones violets, le Procureur affirme que celui-ci était constitué d’un groupe de trois TMP ayant servi au moins entre janvier 2003 et le 16 février 2005152. Selon le Procureur, MM. Oneissi, Sabra et Merhi ont utilisé ces téléphones pour communiquer entre eux lors de la fausse revendication de responsabilité153. Pour étayer ces affirmations, le Procureur se fonde sur le Rapport relatif à la chronologie des évènements154 et sur les rapports de [EXPURGÉ]

145 Mémoire du Procureur, par. 29 ; R91-200273, p. 144-150.

146 Ibid.

147 Mémoire du Procureur, par. 29 ; R91-200334.

148 Mémoire du Procureur, par. 29 ; R91-200273, p. 144-150.

149 Mémoire du Procureur, par. 30 ; R91-200273, p. 149.

150 Mémoire du Procureur, par. 30 ; R91-801194, p. 76, par. 182, 185-186.

151 Mémoire du Procureur, par. 30 ; R91-801461, p. 36-46.

152 Mémoire du Procureur, par. 35.

153 Id., par. 31.

154 R91-200334, p. 68-367.

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intitulés « Evidence of Telephone Attribution – Assad Hassan Sabra » et « Evidence of Telephone Attribution – Hussein Hassan Oneissi »155. Ces rapports s’appuient sur des données extraites des CST, des témoignages et des documents. Par ailleurs, selon le Procureur, le Rapport relatif à l’acquisition des cartes SIM démontre que les personnes enregistrées comme étant les abonnés correspondant aux téléphones violet 095 et violet 231 n’ont acheté aucun de ces téléphones156.

64. À propos des TMP et des TMS, le Procureur observe que, outre MM. Oneissi, Sabra et Merhi, dont les téléphones violets étaient des TMP, MM. Badreddine et Ayyash ont également utilisé des TMP en plus de leurs téléphones faisant partie des réseaux téléphoniques157. Par ailleurs, pour étayer les conclusions selon lesquelles M. Ayyash a utilisé des TMP pour contacter M. Merhi, le Procureur s’appuie sur le Rapport relatif à la chronologie des évènements, les rapports de [EXPURGÉ] intitulés « Evidence of Telephone Attribution – Salim Jamil Ayyash »158 et « Indictment Report Attribution of Phone Numbers to Hassan Habib Merhi »159. Ce dernier rapport est élaboré à partir d’informations issues de données téléphoniques, de déclarations de témoins, de documents officiels, de données provenant des listes « Hajj », de notes d’enquêteurs ainsi que d’autres documents. Enfin, le Procureur affirme que M. Badreddine a également utilisé des TMP pour contacter sa famille et des amis ainsi qu’à des fins professionnelles160. Il a utilisé neuf TMS entre janvier 2003 et août 2006161. Ces allégations se fondent sur le rapport de [EXPURGÉ] intitulé « Evidence of Telephone Attribution – Mustafa Amine Badreddine »162, lequel s’appuie sur différents contacts entre des numéros de téléphone attribués à M. Badreddine et à

155 R91-801568, p. 3.

156 Mémoire du Procureur, par. 32 ; R91-801461, p. 46-49.

157 Mémoire du Procureur, par. 33.

158 R91-801194.

159 ERN D0327911-D0328017, par. 43.

160 Mémoire du Procureur, par. 33.

161 Ibid.

162 R91-801452.

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Rapport de mise en état JME

des personnes [EXPURGÉ], des notes d’enquêteurs, des déclarations de témoins et d’autres documents163.

65. Pour sa part, la Défense conteste de façon générale les allégations du Procureur relatives à l’existence des réseaux téléphoniques164. Ainsi, la Défense de M. Ayyash récuse le fait que celui-ci a utilisé des téléphones appartenant à un de ces prétendus groupes165. La Défense de M. Oneissi considère qu’aucune des allégations fondées sur ces données téléphoniques ou leur analyse n’est établie au-delà de tout doute raisonnable166. Elle ajoute qu’en conséquence, l’existence du groupe de trois téléphones violets est contestée ainsi que l’attribution de l’un d’entre eux à M. Oneissi, notamment aux dates et lieux allégués par le Procureur167. Poursuivant la même argumentation, la Défense de M. Sabra conteste toutes les allégations relatives à l’existence de téléphones violets ou d’un réseau violet168. En effet, selon cette dernière, ces allégations seraient contestées aux motifs qu’elles ne sont pas vérifiées et ne peuvent être prouvées au-delà de tout doute raisonnable et encore moins être considérées comme la seule conclusion raisonnable possible169. Quant à la Défense de M. Badreddine, elle remet en cause l’ensemble des éléments avancés par le Procureur relatifs aux réseaux, et à leur implication supposée dans la préparation et l’exécution de l’attentat170.

Les observations du Juge de la mise en état

66. Tout d’abord, l’identification des différents réseaux téléphoniques susceptibles d’être impliqués dans la préparation et l’exécution de l’attaque et composés de téléphones communiquant quasi exclusivement au sein de chaque réseau constitue

163 R91-801452, p. 12, par. 22-23, p. 22-24, par. 64, b),

164 Mémoire de M. Ayyash, par. 19 ; Mémoire de M. Badreddine, par. 15, vii) et annexe A confidentielle au Mémoire de M. Badreddine, p.3-5, par. 21-30 ; Mémoire de M. Oneissi, par. 22-24 ; Mémoire de M. Sabra, par. 1 et 7.

165 Mémoire de M. Ayyash, par. 17.

166 Mémoire de M. Oneissi, par. 23.

167 Mémoire de M. Oneissi, par. 24

168 Mémoire de M. Sabra, par. 7.

169 Ibid.

170 Mémoire de M. Badreddine, annexe A confidentielle.

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Rapport de mise en état JME

la clef de voûte de la thèse du Procureur pour conclure à la responsabilité de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra dans l’attentat. Les éléments de preuve présentés à l’appui tant de l’existence que de l’analyse de ces réseaux téléphoniques et les débats qu’ils suscitent sont donc d’une importance capitale pour l’issue du procès au fond. À cet égard, le Rapport d’analyse des réseaux, le Rapport relatif à la chronologie des évènements et les différents rapports de [EXPURGÉ] en matière d’attribution sont particulièrement pertinents.

67. La Défense rejette systématiquement l’existence de réseaux téléphoniques et nie l’implication des Accusés dans ceux-ci, estimant que ces éléments n’ont pas été prouvés au-delà de tout doute raisonnable. À l’exception du Conseil de la Défense de M. Badreddine, les Conseils de la Défense ne spécifient pas les points de l’Acte d’accusation qu’ils réfutent. Par ailleurs, aucun Conseil de la Défense n’expose en détail les raisons justifiant sa position. Certes, à ce stade de la procédure, la Défense demeure libre de ne pas révéler la stratégie qu’elle souhaite mener dans le cadre du procès au fond. Cette approche réservée n’est cependant pas de nature à faciliter le travail d’évaluation du Juge de la mise en état qui, comme souligné précédemment, est tributaire des écritures et de la position des Parties. Dans ce contexte, les points précis de contestation entre le Procureur et la Défense et les enjeux posés par ceux-ci peuvent difficilement être identifiés au-delà des remises en cause générales évoquées ci-dessus.

3. L’attribution des téléphones aux Accusés

68. En guise d’introduction, il convient de mentionner que l’attribution d’un téléphone mobile à une personne consiste en l’identification de l’utilisateur de ce téléphone. Cette section traite de la méthodologie utilisée en matière d’attribution des téléphones (a), des considérations générales relatives aux Accusés (b), et des principales questions soulevées par l’attribution des téléphones aux Accusés (c).

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Rapport de mise en état JME

a. La méthodologie utilisée

Les allégations des Parties

69. Le Mémoire du Procureur s’appuie sur le rapport de [EXPURGÉ] intitulé « Evidence of Telephone Attribution – Mustafa Amine Badreddine »171 pour expliquer comment les divers téléphones identifiés ont été attribués aux Accusés. Pour ce faire, le Procureur se réfère à des CST et à différentes techniques d’attribution qui, elles-mêmes, se fondent sur des témoignages, des preuves documentaires, l’analyse de SMS et de numéros fréquemment appelés ainsi que sur la technique dite du « positionnement coïncident » (appelée en anglais « co-location »). Cette technique est expliquée ci-après172. Par ailleurs, le rapport de [EXPURGÉ] susvisé fournit des indications concernant l’emplacement et les déplacements des utilisateurs de téléphones portables à partir des CST relatifs à l’utilisation de ces téléphones173.

70. Les Conseils de la Défense de MM. Ayyash, Oneissi et Sabra contestent, de manière générale, les allégations du Procureur sans se référer aux techniques utilisées par ce dernier. La Défense de M. Badreddine réfute, pour sa part, la validité de l’ensemble des méthodes d’analyse utilisées par le Procureur174.

Les observations du Juge de la mise en état

71. Le Juge de la mise en état met en exergue l’importance des aspects techniques relatifs à la téléphonie dans le cadre de cette affaire et la nécessité pour les juges d’avoir une parfaite compréhension de ceux-ci. À cet égard, il réitère l’invitation adressée à la Chambre de première instance de considérer la possibilité de désigner un expert spécialisé susceptible de lui donner des avis sur les questions d’ordre technique en matière de téléphonie dans l’Ordonnance du 12 août 2013 relative à la transmission d’une partie du dossier à la Chambre de première instance conformément à l’article 95 du Règlement175.

171 R91-801452.

172 Cf. par. 72.

173 R91-800173.

174 Mémoire de M. Badreddine, annexe A confidentielle, p. 5, par, 34-36

175 Ordonnance relative à la transmission d’une partie du dossier à la Chambre de première instance conformément

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Rapport de mise en état JME

72. Le rapport de [EXPURGÉ] intitulé « Evidence of Telephone Attribution – Mustafa Amine Badreddine » – sur lequel s’appuie le Mémoire du Procureur pour décrire les techniques d’attribution utilisées – ne détaille pas ces techniques. Celles-ci sont examinées dans le rapport de – témoin « PRH435 », [EXPURGÉ] – intitulé « L’analyse de site cellulaire appliquée aux réseaux GSM »176. Il en découle que les éléments importants relatifs aux techniques d’attribution, cités à l’appui des paragraphes 34, 35 et 36 du Mémoire du Procureur ne figurent pas, en tant que tels, dans le rapport de [EXPURGÉ]177.

73. Le rapport de [EXPURGÉ] précise que les termes de « positionnement coïncident » qualifient deux (ou plusieurs) téléphones mobiles « dont l’analyse de site cellulaire montre qu’ils sont situés dans une même zone et/ou se déplacent conjointement, à savoir qu’ils effectuent le même trajet au cours de la même période, de telle façon que les utilisateurs des téléphones mobiles pourraient être ensemble ». Selon ce témoin, il peut ainsi être démontré que ces téléphones sont utilisés soit par deux personnes différentes se déplaçant ensemble, soit par une seule et même personne178. [EXPURGÉ] définit l’analyse de sites cellulaires comme étant l’examen « des registres des données d’appel relatifs à un téléphone mobile en particulier, à une date et à des heures précises, afin d’obtenir un aperçu de l’emplacement et des mouvements du téléphone mobile en question »179. Il note, à ce titre, que cette analyse « repose essentiellement sur une « présentation visuelle » des données d’appel et que cette opération implique la cartographie de sites cellulaires/cellules utilisés par des téléphones mobiles et du nombre de fois où ceux-ci sont utilisés par le(s) téléphone(s) portable(s) »180.

à l’article 95 du Règlement, 12 août 2013, par. 24.

176 R91-801452, par. 3, p. 7 qui renvoie au rapport de [EXPURGÉ].

177 R91-800173.

178 R91-800173, p. 142, par. 10.4.9.1.1.1.

179 R91-800173, p. 108, par. 10.1.1.1.1.1.

180 R91-800173, p. 119, par. 10.3.2.1.1.1.

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b. Les considérations générales relatives aux Accusés

Les allégations des Parties

74. Le Mémoire du Procureur se fonde sur le Rapport d’analyse des réseaux pour établir que MM. Ayyash et Badreddine ainsi que d’autres personnes possédaient et utilisaient plusieurs téléphones appartenant aux différents réseaux décrits dans la section précédente ainsi que des TMP181. Le Procureur présente ensuite, sous forme de tableau, une compilation des téléphones attribués à différentes personnes – dont les quatre Accusés et M. Merhi – pendant une « période considérée », composée de tous les téléphones pertinents appartenant aux réseaux jaune, bleu, vert et rouge, des téléphones violets, des TMP et des TMS.

75. Ce tableau, qui figure également dans l’Acte d’accusation – et qui ne comporte pas de référence précise182 – est fondé sur un ensemble volumineux de pièces : le Rapport d’analyse des réseaux, les rapports de [EXPURGÉ] intitulés « Evidence of Telephone Attribution – Salim Jamil Ayyash »183, « Evidence of Telephone Attribution – Mustafa Amine Badreddine »184, « Evidence of Telephone Attribution – Assad Hassan Sabra »185 et « Evidence of Telephone Attribution – Hussein Hassan Oneissi »186.

76. Comme mentionné précédemment, la Défense conteste l’existence de réseaux ou de groupes de téléphones. La Défense de M. Oneissi conteste l’existence du groupe de trois téléphones violets187, la Défense de M. Badreddine, l’existence de tous les réseaux téléphoniques188, la Défense de M. Ayyash, le fait que les téléphones

181 R91-200273.

182 Il renvoie à des parties de rapports qui comptent parfois une dizaine de pages.

183 R91-801194.

184 R91-801452.

185 R91-801568.

186 R91-801738.

187 Mémoire de M. Oneissi, par. 24.

188 Mémoire de M. Badreddine, annexe A confidentielle, par. 21-30.

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fonctionnaient en réseaux189 et la Défense de M. Sabra, toutes les allégations relatives aux téléphones – ou au groupe de téléphones – violets190.

Les observations du Juge de la mise en état

77. Le Juge de la mise en état observe que :

- l’allégation selon laquelle MM. Ayyash et Badreddine ainsi que d’autres personnes détenaient et utilisaient plusieurs téléphones appartenant à différents réseaux et des TMP n’est pas étayée par les informations figurant dans la référence faite en note de bas de page du Mémoire du Procureur concernant ce point191. Cette allégation devra donc être examinée par la Chambre de première instance à la lumière de l’ensemble du Mémoire du Procureur et des pièces qui le sous-tendent ;

- les hypothèses relatives à l’attribution des téléphones aux Accusés concernés présentées dans le Mémoire du Procureur sont fondées sur une structure pyramidale d’informations. En effet, le Rapport d’analyse des réseaux et les rapports de [EXPURGÉ] s’appuient, euxmêmes, sur un ensemble de pièces, dont certaines se basent, à leur tour, sur d’autres pièces ; et

- la période d’attribution considérée n’est pas identique pour tous les téléphones mentionnés dans le tableau récapitulatif figurant en pages 18 et 19 du Mémoire du Procureur.

c. Les attributions individuelles

Les allégations des Parties

78. Le Procureur attribue à M. Ayyash quatre TMP – les TMP 165, 935, 091 et 170 – et quatre téléphones appartenant aux réseaux – le jaune 294, le bleu 233, le vert 300 et le rouge 741. Le Procureur précise que les TMP lui ont été attribués

189 Mémoire de M. Ayyash, par. 19.

190 Mémoire de M. Sabra, par. 7.

191 R91-200273, p. 5, par. 9 référencé au par. 37 du Mémoire du Procureur.

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en se fondant sur des témoignages, des preuves documentaires, l’analyse de sites cellulaires, les caractéristiques des contacts téléphoniques entretenus et la technique du positionnement coïncident. Cette dernière technique a été utilisée pour lui attribuer des téléphones appartenant aux réseaux. À l’appui de ces affirmations, le Procureur se fonde sur le rapport de [EXPURGÉ] intitulé « Evidence of Telephone Attribution – Salim Jamil Ayyash »192 et sur le rapport de [EXPURGÉ] intitulé « Demonstration of Single Person Use of Multiple Mobile Phones Using Cell Site Analysis Suspect 1 »193. Pour sa part, la Défense de M. Ayyash estime que le Procureur ne prouve pas audelà de tout doute raisonnable que M. Ayyash a utilisé des téléphones appartenant aux cinq groupes susvisés194 ni les huit téléphones qui lui ont été attribués195.

79. Le Procureur attribue à M. Badreddine et ses noms d’emprunt présumés « Sami Issa » et « Safi Badr », deux TMP – les TMP 663 et 354 –, neuf TMS – dont les TMS 128 et 944 – et un téléphone vert – le vert 023. À l’appui de ces allégations, le Procureur s’appuie essentiellement sur le rapport de [EXPURGÉ] intitulé « Evidence of Telephone Attribution – Mustafa Amine Badreddine »196. Ce rapport se fonde sur des registres de données d’appel, des déclarations de témoins, des analyses de contenus de SMS, des analyses d’utilisation de sites cellulaires, des personnes contactées par ces téléphones, des preuves documentaires ainsi que des éléments résultant de l’analyse du positionnement coïncident de deux ou plusieurs téléphones. [EXPURGÉ] précise que ce rapport doit être lu conjointement avec celui de [EXPURGÉ], intitulé « L’analyse de site cellulaire appliquée aux réseaux GSM »197. Le Procureur s’appuie également sur le rapport de [EXPURGÉ] intitulé « Demonstration of Single Person Use of Multiple Mobile Phones Using Cell Site Analysis Suspect 2 »198 portant sur les quatre téléphones attribués à M. Badreddine. L’analyse des SMS pertinents de ce dernier est présentée par [EXPURGÉ] –

192 R91-801194.

193 R91-802651.

194 Mémoire de M. Ayyash, par. 17.

195 Id., par. 25.

196 R91-801452.

197 R91-800173.

198 R91-802650.

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témoin « PRH236 », [EXPURGÉ]199. Le Procureur s’appuie encore sur des preuves documentaires spécifiques, dont des informations relatives à un numéro de téléphone précis (le numéro « 01833354 ») provenant de la compagnie de téléphone [EXPURGÉ]200, un dossier d’inscription à l’Université américaine de Beyrouth de Sami Issa (comme indiqué précédemment, un des noms d’emprunt présumés de M. Badreddine)201, des extraits portant sur le dossier judiciaire d’Elias Fouab (autre nom d’emprunt présumé de M. Badreddine) qui aurait été condamné au Koweït en 1983 pour des faits de terrorisme comme mentionné précédemment202. En revanche, la Défense de M. Badreddine conteste l’attribution des 12 téléphones à ce dernier ainsi que toutes les attributions en rapport avec les autres Accusés203. Elle réfute également le fait que MM. Badreddine, Issa et Badr seraient la même personne204.

80. Le Procureur attribue à M. Oneissi le téléphone violet 095. Pour ce faire, il se fonde sur des témoignages, des preuves documentaires, des caractéristiques de contacts téléphoniques (plusieurs membres de la famille et associés connus ainsi que deux autres utilisateurs de téléphones violets) et une analyse des sites cellulaires. À l’appui de ces affirmations, le Procureur se fonde sur un rapport de [EXPURGÉ] intitulé « Evidence of Telephone Attribution – Hussein Hassan Oneissi »205. Pour sa part, la Défense de M. Oneissi estime qu’aucune des allégations relatives à l’existence d’un groupe de trois téléphones violets ni l’attribution du téléphone violet 095 à M. Oneissi n’est établie au-delà de tout doute raisonnable206.

81. Le Procureur attribue à M. Sabra le téléphone violet 018 sur la base de l’analyse de SMS et des sites cellulaires ainsi que des caractéristiques de ses contacts téléphoniques. À l’appui de ces affirmations, le Procureur se fonde sur le rapport de

199 R91-801016.

200 R91-804366.

201 R91-801749.

202 R91-300052.

203 Mémoire de M. Badreddine, par. 15 (vi).

204 Id., annexe A confidentielle, p. 2, 5, 6, par. 11-15 et 39-46.

205 R91-801738.

206 Mémoire de M. Oneissi, par. 21 à 24.

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[EXPURGÉ] intitulé « Evidence of Telephone Attribution – Assad Hassan Sabra »207. La Défense de M. Sabra ne se prononce pas sur la question de l’attribution des téléphones à M. Sabra.

82. Le Procureur attribue à M. Merhi les téléphones vert 071 et violet 231 et à la famille de M. Merhi le TMP 3686091. Il précise que l’attribution du téléphone vert 071 à M. Merhi se fonde sur son profil géographique et la technique du positionnement coïncident. Quant au téléphone violet 231, son attribution est basée sur son profil géographique, les caractéristiques de ses contacts téléphoniques et la technique du positionnement coïncident. À l’appui de ces affirmations, le Procureur se fonde sur le rapport de [EXPURGÉ] intitulé « Indictment Report Attribution of Phone numbers to Hassan Habib Merhi »208 et la note de [EXPURGÉ] intitulée « Single Person Use of 2 Mobiles-Suspect 3 »209. Il s’appuie également sur certains relevés d’appels téléphoniques des téléphones vert 071210 , violet 231211 et du TMP 3686091212, analysés par [EXPURGÉ] figurant à l’appui du « Indictment report »213. En outre, pour attribuer le TMP 3686091 à M. Merhi, le Procureur s’appuie sur certaines preuves documentaires et sur des analyses de SMS.

Les observations du Juge de la mise en état

83. Le Juge de la mise en état fera les quatre observations suivantes par rapport aux questions d’attribution individuelle évoquées ci-dessus :

- les divers rapports rappelés ci-dessus n’ont été ni examinés ni pris en compte dans le cadre de l’examen des différents actes d’accusation car ils n’ont pas été présentés en tant que pièce à conviction ;

207 R91-801568.

208 ERN D0327911-D0328017.

209 ERN D0327905-D0327910.

210 R91-804322, D0317148-D0317156.

211 R91-804318, D0317027-D0317147.

212 ERN D0317492-D0317832.

213 ERN D0327911-D0328017.

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- la question de l’attribution des téléphones aux Accusés est fondamentale puisqu’elle constitue le lien entre ceux-ci et les téléphones, qui, selon le Procureur, ont été utilisés par les responsables des activités criminelles en rapport avec l’attentat ;

- cette attribution ne s’appuie pas sur des preuves documentaires ni sur des témoignages directs, mais sur une analyse croisée d’un ensemble de preuves et un processus de déductions logiques que la Défense de M. Oneissi qualifie de « preuves circonstancielles »214. Cette analyse repose sur certaines données brutes, à savoir les registres des données d’appel fournis par les compagnies de téléphones ayant opéré durant les périodes concernées par l’attentat. Ces données ont été analysées par le Procureur au regard d’autres éléments de preuve – déclarations de témoins, documents ou analyse de positionnements coïncidents de téléphones – et d’un examen de la couverture des sites cellulaires. Cet examen lui a notamment permis d’émettre l’hypothèse selon laquelle un téléphone a été utilisé par une personne spécifique pendant une période donnée ; et

- les éléments suivants méritent une attention particulière de la part de la Chambre de première instance : i) la méthodologie mise en œuvre par le Procureur pour analyser les données téléphoniques dont la collecte des registres de données d’appel, le positionnement coïncident et la couverture des sites cellulaires ; ii) les éléments de preuves recueillis pour attribuer les divers téléphones aux Accusés, en particulier les rapports de [EXPURGÉ] intitulés « Evidence of Telephone Attribution – Salim Jamil Ayyash »215, « Evidence of Telephone Attribution – Mustafa Amine Badreddine »216, « Evidence of Telephone Attribution – Hussein Hassan Oneissi »217, « Evidence of Telephone Attribution – Assad Hassan Sabra »218, « Indictment Report Attribution

214 Mémoire de M. Oneissi, par. 15.

215 R91-801194.

216 R91-801452.

217 R91-801738.

218 R91-801568.

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of Phone numbers to Hassan Habib Merhi »219 ainsi que les rapports de [EXPURGÉ] intitulés « L’analyse de site cellulaire appliquée aux réseaux GSM »220, « Demonstration of Single Person Use of Multiple Mobile Phones Using Cell Site Analysis Suspect 1 »221, « Demonstration of Single Person Use of Multiple Mobile Phones Using Cell Site Analysis Suspect 2 »222 et la note de [EXPURGÉ] intitulée « Single Person Use of 2 Mobiles-Suspect 3 »223.

D. Les activités antérieures à l’attentat

1. Introduction

84. Cette section relative aux activités qui précèdent l’attentat est consacrée aux activités d’observation et de surveillance (2), à la fausse revendication de responsabilité (3) et à l’achat du véhicule utilisé pour commettre l’attentat (4).

85. De manière générale, le Procureur allègue que M. Badreddine a assuré le contrôle et, avec M. Ayyash, la coordination de l’observation des lieux stratégiques, de la surveillance des mouvements de M. Hariri et de l’achat du véhicule ayant été utilisé comme véhicule piégé pour commettre l’attentat224. Par ailleurs, selon le Procureur, MM. Oneissi et Sabra ont participé au recrutement de M. Abu Adass qui aurait été instrumentalisé en vue de revendiquer faussement la responsabilité de l’attentat225. M. Oneissi aurait également participé à l’organisation de la disparition de M. Abu Adass226. Enfin, le Procureur soutient que M. Badreddine a contrôlé et, de

219 ERN D0327911-D0328017.

220 R91-800173.

221 R91-802651.

222 R91-802650.

223 ERN D0327905-D0327910.

224 Mémoire du Procureur, par. 62.

225 Ibid.

226 Ibid.

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Rapport de mise en état JME

concert avec M. Merhi, coordonné les préparatifs en vue de la fausse revendication de responsabilité227.

86. À l’appui de ces affirmations, et notamment de celles concernant les échanges téléphoniques effectués entre les personnes impliquées dans la préparation de l’attentat, le Procureur invoque essentiellement le Rapport relatif à la chronologie des évènements228. En outre, pour déterminer les lieux et moments où M. Hariri se trouvait durant la période incriminée, le Procureur se fonde principalement sur les déclarations de [EXPURGÉ] – témoin « PRH066 » – [EXPURGÉ].

87. Les Conseils de la Défense de MM. Ayyash229, Badreddine230, Oneissi231 et Sabra232 contestent, en général, les allégations du Procureur au sujet des activités antérieures à l’attentat et de l’implication des Accusés dans celles-ci.

2. Les activités d’observation et de surveillance

Les allégations des Parties

88. Selon le Procureur, du 20 octobre 2004 au 14 février 2005, M. Ayyash, accompagné de plusieurs personnes non identifiées, a effectué des opérations d’observation minutieuses de sites stratégiques en préparation de l’attentat, tels que les résidences de M. Hariri, le Parlement et le lieu de l’attentat lui-même233. Selon le Procureur, M. Ayyash, accompagné de plusieurs personnes non identifiées,

227 Ibid.

228 R91-200334 : p. 23-43 ; p. 42-48, par. 77-98 ; p. 59-66, par. 128-158 ; p. 98-104, par. 260-280 ; p. 124-130, par. 351-375 ; p. 150-151, par. 442-451 ; p. 156-160, par. 263-475 ; p. 161-164, par. 481-506 ; par. 512, 514 et 515; p. 167-168, par. 516-523 ; p. 169-171, par. 524-536 ; p. 172-173, par. 537-545 ; p. 174-177, par. 546-555 ; p. 183, par. 577-584 ; p. 189-193, par. 595-606 ; p. 203-213, par. 633-663 ; p 217-221, par. 679-690; p. 222-228, par. 692-714 ; p. 251-266, par. 772-808 ; p. 297-300, par. 809-829 ; et, de façon générale, p. 59-167 et p. 113-346.

229 Mémoire de M. Ayyash, p. 4-7.

230 Mémoire de M. Badreddine, p. 4.

231 Mémoire de M. Oneissi, p. 10-13.

232 Mémoire de M. Sabra, p. 9.

233 Mémoire du Procureur, par. 63.

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a également procédé à la surveillance des déplacements de M. Hariri234. Pour ce faire, M. Ayyash, accompagné de plusieurs personnes non identifiées, a communiqué avec des téléphones appartenant au réseau bleu et, à partir du 15 janvier 2005, des téléphones appartenant au réseau rouge235. À cet égard, le Procureur relève au moins 50 jours de surveillance entre au plus tard le 20 octobre 2004 – jour où M. Hariri a démissionné de ses fonctions de Premier ministre – et le jour de l’attentat236. Selon le Procureur, cette surveillance a permis à MM. Badreddine et Ayyash, accompagnés d’autres personnes, de déterminer le lieu et la méthode les plus appropriés pour réaliser l’attentat. Le Procureur soutient également que M. Ayyash a eu des contacts fréquents avec M. Badreddine pendant toute la période d’observation, à savoir : entre le 1er janvier et le 14 février 2005, M. Badreddine – utilisant le téléphone vert 023 – a été en contact 59 fois avec M. Ayyash – qui utilisait le téléphone vert 300237. Enfin, le Procureur affirme que, durant cette même période, M. Ayyash – avec des TMP – a aussi entretenu des contacts avec M. Merhi – qui utilisait le téléphone violet 231238.

89. Dans son Mémoire, le Procureur détaille les activités quasi quotidiennes d’observation et de surveillance, depuis le 20 octobre 2004 jusqu’au jour de l’attentat239 qui lui permettent de conclure de l’intention homicide préméditée de MM. Ayyash et Badreddine240.

90. Comme indiqué ci-dessus, la Défense conteste, de manière générale, toutes les allégations du Procureur relatives aux activités d’observation et de surveillance qu’auraient menées les Accusés. Plus spécifiquement, la Défense de M. Ayyash considère que les éléments de preuve fournis par le Procureur ne permettent pas d’établir au-delà de tout doute raisonnable que : i) une équipe responsable de la mise en œuvre de l’assassinat de M. Hariri existerait et qu’elle aurait été coordonnée

234 Ibid.

235 Ibid.

236 Ibid.

237 Id., par. 65.

238 Id., par. 66.

239 Id., par. 67-103.

240 Mémoire du Procureur, par. 104.

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par M. Ayyash241 ; ii) MM. Badreddine et Ayyash auraient coordonné les activités d’observation et de surveillance242 ; iii) M. Ayyash aurait coordonné la préparation de l’attentat243 ; et iv) M. Ayyash aurait été en contact avec M. Merhi au sujet de la préparation de l’attentat244.

91. La Défense de M. Badreddine conteste également le fait que ce dernier ait pu être impliqué dans des activités d’observation et de surveillance245 et qu’il ait pu jouer un rôle dans la préparation de l’attentat246.

92. La Défense de M. Oneissi, comme il a été souligné précédemment, observe que les charges portées à l’encontre des Accusés reposent pour l’essentiel sur des preuves circonstancielles247 et, notamment, que « [l]e Procureur ne traite d’aucune des conclusions alternatives qui pourraient même être raisonnablement tirées des éléments de preuve dont il entend se prévaloir »248.

93. Enfin, la Défense de M. Sabra relève que les éléments de preuve avancés par le Procureur ne permettent pas de conclure au-delà de tout doute raisonnable que les allégations qu’il invoque au sujet des activités de complicité précédant le déroulement de l’attentat sont fondées249.

Les observations du Juge de la mise en état

94. Le Juge de la mise en état réitère les observations qu’il a faites précédemment en matière d’attribution des téléphones. La thèse du Procureur concernant les activités précédant le déroulement de l’attaque s’appuie en grande partie sur des éléments de preuve circonstanciels qui opèrent par déduction logique et par inférence. Ainsi,

241 Mémoire de M. Ayyash, par. 20.

242 Id., par. 21.

243 Id., par. 23.

244 Id., par. 24.

245 Mémoire de M. Badreddine, par. 15, iii).

246 Id., par. 15, iv).

247 Mémoire de M. Oneissi, par. 15.

248 Id., par. 18, c).

249 Mémoire de M. Sabra, par. 13 à 15.

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Rapport de mise en état JME

seule une vue globale de ces éléments permet de se faire une opinion sur la thèse du Procureur relative au déroulement de l’attentat, et en particulier aux activités qui ont conduit à sa réalisation ainsi que sur les contestations de la Défense à ce sujet.

3. Les activités relatives à la fausse revendication de responsabilité

Les allégations des Parties

95. Selon le Procureur, parallèlement aux activités de contrôle et de surveillance en vue de la perpétration de l’attentat, entre le 22 décembre 2004 et le 17 janvier 2005, MM. Oneissi et Sabra, de concert avec M. Merhi, ont recruté une personne – en l’occurrence M. Abu Adass – destinée à être instrumentalisée pour effectuer une fausse revendication de responsabilité de l’attentat250. Cette allégation se fonde principalement sur la fréquence des contacts entretenus entre les téléphones violets attribués à ces personnes, à savoir entre MM. Sabra et Merhi, MM. Oneissi et Merhi ainsi qu’entre MM. Sabra et Oneissi251. Ainsi, selon le Procureur, MM. Oneissi et Sabra ont été en contact par l’intermédiaire de leurs téléphones violets 84 fois entre le 12 janvier 2003 et le 16 février 2005252. M. Sabra a été en contact 212 fois avec M. Merhi sur le téléphone violet 231 entre le 26 décembre 2002 et le 14 février 2005, et M. Oneissi 194 fois avec M. Merhi sur le téléphone violet 231 entre le 25 juin 2003 et le 26 janvier 2005253. Enfin, toujours d’après le Procureur, entre le 4 décembre 2003 et le 6 février 2005, M. Merhi, utilisant le téléphone violet 231, a été en contact 32 fois avec M. Ayyash utilisant les TMP 165, 935 et 091 et, en particulier, sept fois sur le TMP 091 entre le 23 janvier 2005 et le 6 février 2005254.

96. Le Procureur indique que M. Abu Adass est un musulman sunnite d’origine palestinienne qui se rendait souvent à la mosquée de l’université arabe de Beyrouth. Celle-ci était proche de son domicile255. Selon le Procureur, M. Abu Adass a disparu

250 R.91-200282, par. 12.

251 Mémoire du Procureur, par. 115.

252 Ibid.

253 Ibid.

254 Ibid.

255 Id., par. 116 et 124.

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le 16 février 2005256. Il invoque plusieurs éléments qui, selon lui, attesteraient du fait que la disparition de ce dernier a été orchestrée par les Accusés : [EXPURGÉ]257.

97. En outre, le Procureur allègue que les 22, 29, 30 et 31 décembre 2004 ainsi que les 3 et 7 janvier 2005, M. Oneissi se trouvait à proximité de la mosquée de l’université arabe de Beyrouth258. Pendant deux de ces jours, soit les 22 décembre 2004 et 7 janvier 2005, M. Oneissi – utilisant le téléphone violet 095 – a été en contact avec M. Merhi – utilisant le téléphone violet 231259. En outre, pendant trois de ces jours soit les 30 et 31 décembre 2004 ainsi que le 7 janvier 2005, M. Oneissi – utilisant le téléphone violet 095 – a été en contact avec M. Sabra – utilisant le téléphone violet 018260. De plus, le Procureur indique que, selon le témoignage de [EXPURGÉ] – le témoin « PRH056 » –, M. Oneissi s’est présenté sous le nom de « Mohammed » et a rencontré [EXPURGÉ] à la mosquée en prétextant qu’il cherchait à apprendre à prier261. Les deux hommes se sont rencontrés à plusieurs reprises au cours des jours qui ont suivi262.

98. Le Procureur se fonde également sur le témoignage de [EXPURGÉ]263 – témoin « PRH073 » – [EXPURGÉ]264.

256 Id., par. 124.

257 Id., par. 117.

258 Id., par. 118.

259 Ibid.

260 Ibid.

261 Id., par. 122.

262 Id., par. 123.

263 R91-100284, par. 76 ; R91-100329.

264 Mémoire du Procureur, par. 123.

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99. Le Procureur soutient aussi que, [EXPURGÉ]265. Toujours selon le Procureur, le 16 janvier 2005, M. Abu Adass a quitté son domicile pour rencontrer M. Oneissi et n’a pas plus été revu depuis lors266. [EXPURGÉ]267. [EXPURGÉ]268.

100. Par ailleurs, le Procureur s’appuie notamment sur le Rapport relatif aux communications téléphoniques269 pour affirmer que, le 16 janvier 2005 – jour de la disparition de M. Abu Adass – MM. Merhi et Badreddine ont été en contact à cinq reprises entre 6h19 et 19h270. Le Procureur note une anomalie dans l’utilisation des téléphones à cette date. En effet, hormis un appel de M. Sabra à 00h03, aucun des trois téléphones violets attribués à MM. Oneissi, Sabra et Merhi n’a été utilisé271. Bien qu’il ne l’affirme pas expressément, le Procureur sous-entend que ces trois personnes étaient ensemble à ce moment, et n’avaient donc pas besoin de se téléphoner.

101. La Défense de M. Ayyash272 et celle de M. Badreddine273 contestent que ceux-ci ont joué le moindre rôle dans la fausse revendication de responsabilité et ont communiqué avec d’autres personnes à ce sujet. La Défense de M. Oneissi estime à cet égard que tant la supposée disparition de M. Abu Adass que l’implication présumée de MM. Oneissi, Sabra et Merhi dans celles-ci ne sont établies et encore moins qu’elles constituent les seules conclusions raisonnables possibles274.

102. Enfin, la Défense de M. Sabra soutient que les allégations invoquées au sujet des activités qui précèdent le déroulement de l’attentat ne sont pas établies au-delà de tout doute raisonnable275.

265 Id., par. 124.

266 Ibid.

267 R91-800075 ; R-91-800076 ; R91-800077.

268 Mémoire du Procureur, par. 128.

269 R91-800075 ; R91-800076 et R91-800077.

270 Mémoire du Procureur, par. 125.

271 Ibid.

272 Mémoire de M. Ayyash, par. 16.

273 Mémoire de M. Badreddine, par. 15, iv).

274 Mémoire de M. Oneissi, par. 33 et 34.

275 Mémoire de M. Sabra, par. 13 à 15.

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Les observations du Juge de la mise en état

103. Le Juge de la mise en état relève que :

- les auditions de [EXPURGÉ] sont particulièrement importantes pour se prononcer sur la prétendue disparition de ce dernier et sur les rôles supposés des Accusés dans les préparatifs relatifs à la fausse revendication de responsabilité ; et

- le Mémoire du Procureur ne fournit pas d’indication précise sur le rôle qu’aurait joué M. Ayyash dans les préparatifs relatifs à la fausse revendication de responsabilité, hormis le fait que celui-ci, et M. Badreddine, coordonnaient et contrôlaient les opérations d’observation et de surveillance. En outre, le Procureur reproche à MM. Sabra et Merhi ainsi qu’à M. Oneissi d’avoir joué un rôle dans le recrutement d’un individu pouvant servir leur fin. Il observe également que seul M. Oneissi est tenu responsable d’avoir « participé » à la disparition proprement dite de M. Abu Adass.

4. L’achat du véhicule utilisé pour commettre l’attentat

Les allégations des Parties

104. Le Procureur allègue que, alors que les opérations d’observation, de surveillance et de recrutement de M. Abu Adass étaient bien avancées, MM. Badreddine et Ayyash se sont occupés de choisir et d’acquérir un véhicule pour servir d’engin piégé dans le cadre de l’attentat276. C’est ainsi que, se fondant sur le Rapport relatif à la chronologie des évènements277, le Procureur conclut que le 11 janvier 2005, M. Ayyash s’est rendu à Tripoli où un véhicule de marque Mitsubishi Canter était exposé à la vente278. À cette date, de cette ville, M. Ayyash a appelé M. Badreddine à deux reprises sur le réseau vert279. Ce même jour, un utilisateur du

276 Mémoire du Procureur, par. 105.

277 R91-200334, par. 442 à 451, 481 à 506 et 577 à 584.

278 Mémoire du Procureur, par. 106.

279 Id., par. 107.

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réseau bleu non identifié, se trouvant à Tripoli – désigné sous le pseudonyme « S8 » – a appelé un autre utilisateur de ce même réseau situé au sud de Beyrouth – désigné sous le pseudonyme « S6 » – qui, lui-même, a contacté M. Ayyash qui a, à son tour, contacté M. Badreddine280. Par ailleurs, le 11 janvier 2005 également, M. Merhi a appelé M. Badreddine à deux reprises via le réseau vert281.

105. Selon le Procureur, le 25 janvier 2005, alors qu’il se trouvait à Beyrouth, M. Ayyash est entré en contact à trois reprises avec S6 qui était dans la région de Tripoli, puis a appelé M. Badreddine282. Ensuite, S6 – utilisant le téléphone bleu 610 – ainsi qu’une autre personne non identifiée – se présentant sous de faux noms, ont acheté le véhicule Mitsubishi Canter283. Des fragments de ce véhicule ont été retrouvés sur les lieux de l’attentat284. Le Procureur allègue également qu’au cours de la négociation de l’achat dudit véhicule, S6 a appelé M. Ayyash285. Ces éléments permettent au Procureur de conclure que l’achat du véhicule Mitsubishi démontre la volonté d’utiliser une grande quantité d’explosifs ainsi que l’existence d’une entente entre MM. Ayyash et Badreddine en vue de commettre l’attentat286.

106. Pour leur part, la Défense de M. Ayyash287 et la Défense de M. Badreddine288 contestent le fait que ceux-ci ont coordonné ou ont été impliqués dans l’achat du véhicule susvisé.

Les observations du Juge de la mise en état

107. Le Juge de la mise en état fait les deux observations suivantes :

280 Ibid.

281 Ibid.

282 Id., par. 108.

283 Ibid.

284 Mémoire du Procureur, par. 108.

285 Ibid.

286 Id., par. 111.

287 Mémoire de M. Ayyash, par. 22.

288 Mémoire de M. Badreddine, par. 15, iv).

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- les activités d’achat du véhicule sont cruciales pour apprécier l’existence d’un complot préétabli en vue de commettre l’attentat ; et

- le Juge de la mise en état observe que, pour prouver que le véhicule Mitsubishi Canter a été acheté le 25 janvier 2005, le Procureur se réfère dans son Mémoire à la page 12 d’un document référencé R91-200002 (ERN 60000510-60000511_D_EN) intitulé « Information concerning the Mitsubishi Canter van [EXTRACT] ». Or ce document ne contient pas la page 12 susvisée. Celle-ci figure, en réalité, dans une autre pièce à conviction référencée R91-200289 (ERN 60000486-60000676_D_EN). À première vue, elle ne permet cependant pas de conclure que ce véhicule a bien été acheté le 25 janvier 2005 précisément, mais entre les 17 et 26 janvier 2005.

E. L’attentat

1. Introduction

108. Cette section est consacrée au déroulement de l’attentat perpétré contre M. Hariri. Pour démontrer l’implication des Accusés dans celui-ci, le Procureur se fonde sur divers types de preuves dont des données téléphoniques, des enregistrements de caméras fonctionnant en circuit fermé et des analyses médico-légales. De façon générale, la Défense réfute l’ensemble des allégations du Procureur à ce sujet.

2. Le déroulement de l’attentat

Les allégations des Parties

109. Pour conclure à la responsabilité des Accusés dans l’attentat, le Procureur se fonde essentiellement sur l’analyse des éléments suivants : les déplacements effectués par M. Hariri, l’usage des téléphones mobiles par les membres de l’équipe impliquée dans l’exécution de l’attentat, des enregistrements de caméras fonctionnant en circuit fermé et des expertises médico-légales.

110. À propos des déplacements de M. Hariri, le Procureur se réfère principalement à trois dépositions de témoins – les témoins « PRH291 », « PRH076 » et « PRH009 »

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– pour conclure que : i) le convoi était composé de six véhicules ; ii) dans le premier véhicule figuraient quatre membres de l’équipe de protection rapprochée des forces de sécurité intérieure (« FSI ») ; iii) le véhicule personnel de M. Hariri était blindé ; iv) le véhicule de M. Hariri était suivi par deux véhicules équipés de systèmes de brouillage d’ondes289 ; v) ces systèmes fonctionnaient le jour de l’attentat et avaient été activés ; et vi) le fonctionnement des systèmes de brouillage d’ondes avait été vérifié deux jours avant l’attaque290. Par ailleurs, le Procureur invoque la déposition du témoin « PRH017 » pour affirmer que M. Hariri était à sa résidence, le Palais de Quraitem – où il avait assisté à plusieurs réunions – avant de partir pour le Parlement entre 10h30 et 11h291. M. Hariri y serait arrivé à 10h54292. Une heure plus tard, vers 11h54, M. Hariri aurait quitté le Parlement pour se rendre au café Place de l’Étoile et y rencontrer [EXPURGÉ] 293. Vers 12h25, M. Hariri est sorti du café pour s’entretenir pendant cinq minutes avec [EXPURGÉ], puis est retourné à l’intérieur du café294. Selon le Procureur, à 12h49, M. Hariri a quitté le café Place de l’Étoile et regagné sa voiture blindée295 pour retourner au Palais de Quraitem, où il était attendu à déjeuner. Le convoi a emprunté la route passant au bord de la mer296. Les appareils de brouillage se trouvant dans les véhicules composant le convoi fonctionnaient lorsque M. Hariri a quitté le Parlement297.

111. À propos de l’analyse des données téléphoniques, le Procureur déduit des lieux et moments où certains appels téléphoniques ont été passés certaines conclusions quant à la responsabilité de MM. Badreddine et Ayyash ainsi que de certains utilisateurs du réseau rouge. Le Procureur affirme en particulier que « Ayyash et

289 R91-602917, par. 37.

290 Mémoire du Procureur, par. 133.

291 Mémoire du Procureur, par. 132 ; R91-200088, par. 48.

292 Mémoire du Procureur, par. 134 ; R91-200334, par. 962 (à la lire en conjonction avec les par. 15 et 936 et le tableau 160)

293 Mémoire du Procureur, par. 137.

294 Mémoire du Procureur, par. 139 ; R91-200061, par. 21 ; R91-200087, par. 21.

295 Mémoire du Procureur, par. 140.

296 Mémoire du Procureur, par. 140 ; R91-200088, par. 62.

297 Mémoire du Procureur, par. 133 ; R91-400177, p. 4.

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les autres membres de l’Equipe d’exécution de l’assassinat se sont positionnés à des endroits d’où ils pouvaient suivre et observer le convoi d’HARIRI au Palais de Quraitem, au Parlement, et sur son trajet de retour jusqu’à l’hôtel Saint-Georges, et avaient ainsi la possibilité d’exécuter l’attentat »298. Pour se faire, le Procureur s’appuie principalement sur le Rapport relatif à la chronologie des évènements. En particulier, il indique que l’analyse des données téléphoniques – combinée avec les déplacements de M. Hariri rappelés dans les paragraphes qui précèdent – révèlent que :

- sur la base de l’analyse des données des téléphones appartenant au réseau bleu, à 04h55 le 14 février 2005, l’équipe d’exécution de l’attentat a commencé à opérer dans le sud de Beyrouth, puis s’est rendue à proximité du Parlement et du lieu de l’attentat299 ;

- à 11h48, les membres de l’équipe d’exécution de l’attentat ont cessé d’utiliser leurs téléphones appartenant au réseau bleu au profit de ceux du réseau rouge et se trouvaient à proximité du Parlement, du lieu de l’attentat ou sur le trajet entre ces deux endroits300. Les téléphones appartenant au réseau bleu n’ont plus été utilisés ce jour-là, avant de redevenir actifs après l’attentat301 ; et

- les utilisateurs des téléphones appartenant au réseau rouge suivent les mouvements de M. Hariri comme en attestent les éléments suivants : i) à 11h57, au moment où le camion Mitsubishi Canter semble quitter la route principale à la sortie du tunnel du Président Solaiman Franjiye, près du lieu du crime, M. Ayyash a reçu un appel de S5 ; tous deux étaient présents dans la zone du lieu du crime302 ; ii) entre 12h00 et 12h16, 11 appels ont été passés au sein du réseau rouge entre des membres de l’équipe de l’exécution de l’attentat qui étaient situés dans des endroits situés entre le lieu de l’attentat

298 Mémoire du Procureur, par. 131.

299 Mémoire du Procureur, par. 131 ; R91-200334, par. 929-951.

300 Mémoire du Procureur, par. 135 ; R91-200334, par. 945, 950.

301 Mémoire du Procureur, par. 135 ; R91-200334, par. 952.

302 Mémoire du Procureur, par. 136 ; R91-200334, par. 959.

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et le Parlement303 ; iii) à 12h25 environ, quand M. Hariri est sorti du Café Place de l’Étoile pour s’entretenir avec [EXPURGÉ], S9 – situé à proximité du Parlement – a appelé S6 – situé au sud-est du Parlement304 ; iv) quand M. Hariri a quitté le Café Place de l’Étoile, le réseau rouge est redevenu actif, ce qui signifie, selon le Procureur, que tous les membres de ce réseau étaient au courant qu’il se déplaçait305 ; v) à 12h53, S9 – situé à proximité du Parlement – a passé le dernier appel du réseau rouge à S6 – se trouvant non loin de là306 ; vi) M. Ayyash a contacté M. Badreddine sur le réseau vert à 11h58, et ce fut la dernière fois qu’un téléphone du réseau vert fut utilisé307 ; et vii) les activités téléphoniques de M. Badreddine sur tous les téléphones qui lui ont été attribués étaient inhabituelles durant cette période308.

112. En outre, selon le Procureur, des caméras d’enregistrement en circuit fermé se trouvant à proximité du lieu de l’attentat révèlent que le camion Mitsubishi Canter a emprunté le tunnel Président Solaiman Franjiye309 vers 11h56, et, plus tard, s’est dirigé vers l’hôtel SaintGeorges310. Toujours selon le Procureur, à 12h55, au passage du convoi de M. Hariri, l’auteur de l’attentat-suicide a fait détoner l’engin explosif improvisé, placé dans le véhicule Mitsubishi311. D’après le Procureur, il ressort des analyses de la taille du cratère, des dégâts matériels causés au voisinage immédiat, y compris aux bâtiments et véhicules, que la quantité d’explosif utilisée représenterait l’équivalent de 2500 kg à 3000 kg de TNT312. En outre, d’après le Procureur, l’attentat avait été minutieusement préparé comme il ressort du rapport d’experts [EXPURGÉ]

303 Mémoire du Procureur, par. 138 ; R91-200334, par. 964.

304 Mémoire du Procureur, par. 139 ; R91-200334, par. 967.

305 Mémoire du Procureur, par. 141.

306 Mémoire du Procureur, par. 142 ; R91-200334, par. 978.

307 Mémoire du Procureur, par. 137 ; R91-200334, par. 962.

308 Mémoire du Procureur, par. 137 ; R91-800098, CST-0201.

309 Mémoire du Procureur, par. 136 ; R91-100150.

310 Mémoire du Procureur, par. 142 ; R91-100050, par. 166-168.

311 Mémoire du Procureur, par. 143.

312 Mémoire du Procureur, par. 144 ; R91-607201.

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intitulé « Interim Expert Report of EOD [EXPURGÉ] » – respectivement témoins experts « PRH200 », « PRH201 » et « PRH202 » »313.

113. En ce qui concerne l’auteur de l’attentat-suicide, le Procureur précise qu’il s’agit d’un homme, non identifié et qu’aucun échantillon de « matériel biologique » (en anglais « biological materials ») prélevé sur le lieu de l’attentat n’appartient à M. Abu Adass314.

114. La Défense de M. Ayyash souligne qu’il n’a pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que M. Ayyash avait coordonné la préparation de l’attentat315. La Défense de M. Badreddine conteste notamment le mode opératoire de l’attentat, à savoir l’attentat-suicide ou le fait que les explosifs aient été contenus dans un camion Mitsubishi Canter stationné le long de la route316.

115. Comme souligné précédemment, la Défense de M. Oneissi considère qu’aucune des allégations factuelles ne peut être établie au-delà de tout doute raisonnable317.

116. Enfin, la Défense de M. Sabra observe que le Procureur n’implique pas ce dernier dans les actes préparatoires à l’attentat ni dans l’attentat lui-même ni qu’il ait eu connaissance de ces activités préparatoires318.

Les observations du Juge de la mise en état

117. Le Juge de la mise en état note, tout d’abord, que les Conseils de la Défense n’étayent pas leurs affirmations quant à l’absence de responsabilité des Accusés dans l’attentat. Il ne peut donc tirer de conclusions détaillées à propos des allégations du Procureur en la matière. Le Juge de la mise en état attire toutefois l’attention de la Chambre de première instance sur les enjeux suivants posés par le déroulement des évènements susvisés :

313 R91-607107.

314 Mémoire du Procureur, par. 145 ; R91-606416.

315 Mémoire de M. Ayyash, par. 23.

316 Mémoire de M. Badreddine, par. 15, ix), annexe A confidentielle, p. 17.

317 Mémoire de M. Oneissi, par. 19.

318 Mémoire de M. Sabra, par. 32.

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- les moments et les lieux de déplacements de M. Hariri précédant l’attentat. En effet, le Procureur allègue que les activités téléphoniques des réseaux doivent être évaluées par rapport à ces mouvements auxquels elles sont directement liées. L’analyse des mouvements de M. Hariri requiert un examen simultané et complexe de nombreuses pièces à conviction. Une note de [EXPURGÉ] – témoin « PRH424 »319 – est destinée à faciliter cet examen ;

- selon le Procureur, à 11h58, M. Badreddine a été contacté sur le téléphone vert 023 par M. Ayyash, utilisant le téléphone vert 300320. Le Procureur note toutefois que, de manière très inhabituelle pour M. Badreddine, ses téléphones sont restés inactifs pendant les trois heures qui ont précédé cet appel321. En outre, le Procureur souligne que, entre 11h59 et 12h02, M. Badreddine a passé des appels à destination de téléphones non identifiés au moyen du TMS 944. À cet égard, le Procureur observe également que pendant les deux heures et demie suivantes, M. Badreddine n’a passé ni reçu aucun appel et n’a reçu que des SMS, ce qui était là encore très inhabituel pour lui322. Ces prétendues anomalies méritent d’être clarifiées notamment compte tenu du rôle majeur assigné à M. Badreddine qui consiste à avoir contrôlé l’attentat à travers ses contacts avec M. Ayyash323 ; et

- le Procureur souligne dans son Mémoire que, parmi les échantillons de matériel biologique prélevé sur le lieu du crime, aucun n’appartenait à M. Abu Adass324. Cette affirmation doit être évaluée à la lumière de l’Acte d’accusation qui déclare que « [d]es fragments de l’auteur de l’attentat-suicide ont été retrouvés sur les lieux, et les analyses médico-légales ont établi à la fois que : a) les restes étaient ceux d’un homme ; et b) que cet homme n’était pas ABU

319 R91-200559.

320 Mémoire du Procureur, par. 137.

321 Ibid.

322 Ibid.

323 Id., par. 147.

324 Id., par. 145

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ADASS. L’identité de l’auteur de l’attentat-suicide demeure inconnue »325. Cette seconde allégation précise donc que l’attentat a été déclenché par un homme qui ne serait pas M. Abu Adass. Il appartiendra en conséquence à la Chambre de première instance de se prononcer sur le fait de savoir si, parmi les fragments humains trouvés sur les lieux de l’attentat, certains appartiennent à l’auteur présumé de l’attentat-suicide d’une part et ne sont pas ceux de M. Abu Adass d’autre part.

F. Les activités postérieures à l’attentat

Les allégations des Parties

118. Selon le Procureur, la remise de la cassette vidéo contenant la prétendue fausse revendication de responsabilité au nom d’une organisation fictive dénommée « Groupe Nusra et Jihad en Grande Syrie » parachève l’attentat contre M. Hariri. Elle prouverait l’implication de MM. Oneissi et Sabra dans le complot en vue de commettre un acte de terrorisme. En effet, le contenu de la cassette vidéo indiquerait que ces derniers connaissaient le crime commis contre M. Hariri et les moyens utilisés pour y parvenir.326

119. À l’appui de ces allégations, le Procureur se fonde essentiellement sur des informations relatives à l’usage des téléphones violets et d’une carte téléphonique utilisée uniquement le 14 février 2005, de déclarations [EXPURGÉ] relatifs à la revendication de responsabilité de l’attentat [EXPURGÉ] ainsi que sur le contenu de la cassette vidéo elle-même.

120. Lorsqu’il examine les activités relatives à la fausse revendication de responsabilité de l’attentat, le Procureur évoque la déclaration de [EXPURGÉ], témoin « PRH048 ». [EXPURGÉ] la carte téléphonique numéro 616569327 qui aurait été utilisée pour revendiquer l’attentat.

325 Acte d’accusation, par. 43.

326 Mémoire du Procureur, par. 166.

327 R91-100298, par. 24, 28 et 52 et R91-100237, p. 2.

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121. D’après le Rapport relatif à la chronologie des évènements, cette carte téléphonique aurait été utilisée le 14 février 2005 pour passer quatre appels à deux agences de presse, à partir de quatre cabines téléphoniques différentes situées à Beyrouth. Un appel a été donné à l’agence Reuters, les trois autres à Al-Jazeera328. D’après les CST, ce même jour, par le biais de leur téléphone violet, MM. Oneissi et Sabra se seraient contactés cinq fois alors que MM. Sabra et Merhi se seraient appelés sept fois329.

122. D’après le Rapport relatif à la chronologie des évènements330 et sur la base de la localisation de MM. Oneissi et Sabra par rapport à celle de l’utilisateur de la carte téléphonique numéro « 616569 », le Procureur conclut que : i) les deux premiers appels aux agences Reuters et Al Jazeera auraient été passés par M. Oneissi ou par M. Sabra ; ii) le deuxième appel à Al Jazeera aurait été passé par M. Sabra ; iii) M. Oneissi surveillait l’arbre dans lequel était placé la cassette vidéo ; et iv) le quatrième appel, exigeant que Al Jazeera diffuse le contenu de la cassette vidéo, aurait été passé par M. Oneissi ou M. Sabra331.

123. Pour étayer ces conclusions, le Procureur se fonde également sur les éléments suivants :

- la déclaration de [EXPURGÉ] – témoin « PRH012 » [EXPURGÉ]332 ;

- la déclaration de [EXPURGÉ] – témoin « PRH020 » [EXPURGÉ] . [EXPURGÉ]333. [EXPURGÉ]334

- la déclaration de [EXPURGÉ] – témoin « PRH115 », [EXPURGÉ]335.

328 R91-200334, par. 1004.

329 R91-800075 ; R91-800076; R91-800077.

330 R91-200334, p.17.

331 R91-200334, par. 1004.

332 R91-200262, par. 38.

333 R91-200263, par. 42, 58, 66, 72, 82.

334 R91-500004

335 R91-200267, par. 60.

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Rapport de mise en état JME

124. Le Procureur s’appuie également sur le Rapport relatif à la chronologie des évènements pour établir un lien entre les activités de M. Sabra et de M. Oneissi après l’attentat et les appels entre M. Sabra et M. Merhi. Le dernier contact téléphonique entre les téléphones violets a eu lieu à 17h24 le jour de l’attentat.336 La dernière utilisation du téléphone violet 231 attribuée à M. Merhi a eu lieu le 15 février 2005 et les téléphones violet 095 de M. Oneissi et violet 018 de M. Sabra ont été utilisés pour la dernière fois le 16 février 2005.337

125. Dans la cassette vidéo diffusée par Al Jazeera, M. Abu Adass revendique la responsabilité de l’attentat-suicide commis contre M. Hariri, tandis que la lettre accompagnant la cassette vidéo indique que l’attentat a été commis au nom du « Groupe Nusra et Jihad en Grande Syrie »338.

126. Enfin, le Procureur se fonde sur les CST des Accusés et de M. Merhi pour démontrer que ces derniers se sont tous trouvés dans le même secteur du sud de Beyrouth le 14 février 2005, après l’attentat339.

127. De façon générale, la Défense de M. Ayyash conteste le fait que ce dernier a joué le moindre rôle dans la diffusion de la fausse revendication de responsabilité, même par l’intermédiaire de M. Merhi340. En outre, la Défense de MM. Ayyash, Badreddine et Oneissi estime qu’il n’existe aucun élément de preuve à l’appui de l’affirmation suivant laquelle le groupe ayant revendiqué l’attentat n’existe pas ni que la revendication de responsabilité était fausse341. Toutefois, la Défense de M. Badreddine ne prend pas position au sujet du retrait de la cassette vidéo dans l’arbre par [EXPURGÉ] Al-Jazeera342.

336 R91-200334, par. 1038.

337 R91-200334, par. 1044, 1047 et 1049.

338 R91-500004.

339 R91-800051 ; R91-800042 ; R91-800050 ; R91-800054 ; R91-800055 ; R91-800057 ; R91-800098 ; R91-800075 ; R91-800076 ; R91-800077.

340 Mémoire de M. Ayyash, par. 15 et 16.

341 Mémoire de M. Ayyash, par. 15 ; Mémoire de M. Oneissi, par. 42 ; Mémoire de M. Badreddine, par. 15 (x) et annexe A confidentielle, p. 1.

342 Mémoire de M. Badreddine, annexe A confidentielle, p. 19.

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Rapport de mise en état JME

128. La Défense de M. Oneissi considère que les rôles respectifs de MM. Oneissi et Sabra relativement aux appels et au placement de la cassette vidéo dans l’arbre ne sont pas précisés. En outre, selon elle, le Procureur n’a pas établi que ces derniers avaient connaissance du contenu de la lettre et de la cassette vidéo343.

129. La Défense de M. Sabra conteste, elle aussi, l’ensemble des allégations du Procureur relatives aux faits postérieurs à l’attentat344. Plus précisément, elle souligne que le Procureur n’indique pas qui est l’auteur de trois des quatre appels passés. Quant au troisième appel, effectué à 15h27 et que le Procureur attribue à M. Sabra, le Procureur ne détermine pas clairement le rôle des Accusés, si ce n’est que M. Oneissi aurait surveillé l’arbre lors de ce troisième appel effectué par M. Sabra. La Défense de M. Sabra considère que ce manque d’information viole le droit de l’accusé à connaître avec précision les charges qui lui sont reprochées. En effet, considérant que, si M. Sabra n’est pas l’auteur des appels susvisés, aucun fait ne peut lui être imputable après l’attentat. La Défense conteste, en particulier, l’affirmation du Procureur suivant laquelle « tandis que Sabra effectuait l’appel téléphonique de 15h27, Oneissi surveillait l’arbre ». Elle souligne que cette allégation n’est pas contenue dans l’Acte d’accusation345.

Les observations du Juge de la mise en état

130. Le Juge de la mise en état attire l’attention de la Chambre de première instance sur le fait que l’attribution à M. Sabra et/ou M. Oneissi des appels téléphoniques passés à partir de la carte téléphonique « 6162569 » repose sur les hypothèses suivantes : i) l’attribution des téléphones violets à MM. Sabra et Oneissi ; ii) une analyse qui s’apparente à celle menée dans le cadre du positionnement coïncident de l’utilisateur ou des utilisateurs de cartes téléphoniques dans plusieurs cabines téléphoniques au cours d’une période de temps limitée de quelques heures ; iii) la « proximité » des Accusés de certains lieux qui se déduit de la couverture cellulaire de leur téléphone ; et iv) les téléphones violets attribués aux Accusés n’ont pas été

343 Mémoire de M. Oneissi, par. 39 à 41.

344 Mémoire de M. Sabra, par. 19.

345 Mémoire de M. Sabra, par. 17 et 18.

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Rapport de mise en état JME

utilisés au même moment que les appels téléphoniques relatifs à la revendication passés à partir de quatre cabines téléphoniques différentes.

131. En outre, le Juge de la mise en état attire l’attention de la Chambre de première instance sur plusieurs autres éléments relatifs aux utilisateurs de la carte téléphonique « 6162569 » à savoir M. Oneissi et/ou à M. Sabra : [EXPURGÉ]346 ; et ii) [EXPURGÉ]347.

G. L’existence d’une ligne de conduite délibérée

1. Introduction

132. Cette section traite des allégations du Procureur relatives à l’existence d’une ligne de conduite délibérée de certains accusés en se fondant sur les attentats commis dans le cadre des affaires dites « connexes » à l’encontre de [EXPURGÉ] (2) ainsi que d’autres attentats commis au Koweït (3)348.

133. Dans son mémoire d’avant procès du 15 novembre 2012, le Procureur fait référence aux affaires « connexes »349. Ceci a donné lieu, le 9 janvier 2013, au dépôt par la Défense de M. Badreddine d’une requête devant le Juge de la mise en état sollicitant le retrait de toutes références aux affaires « connexes »350 de ce mémoire dès lors que, notamment, ces références reviennent à invoquer des faits qui auraient dû figurer dans un acte d’accusation confirmé selon la procédure en vigueur351. Les Conseils de la Défense de MM. Ayyash, Oneissi et Sabra se sont joints à cette requête352. Le 7 février 2013, le Juge de la mise en état s’est déclaré incompétent

346 R91-100237, p. 2.

347 R91-200263, p. 8-12.

348 Mémoire du Procureur, par.167-185.

349 Prosecution Submission Pursuant to Rule 91, Annex A: Prosecution Pre-Trial Brief Pursuant to Rule 91, 15 novembre 2012, confidentiel, par. 160-168 et 172-174.

350 Motion of the Defence for M. Badreddine Seeking an Order to Strike out Sections of the Prosecutor’s Pre-Trial Brief, 9 janvier 2013.

351 Id., par. 8.

352 Ayyash Joinder to “Motion of the Defence for Mr. Badreddine Seeking an Order to Strike out Sections of the Prosecutor’s Pre-Trial Brief”, 14 janvier 2013 ; Jonction de la Défense de M. Hussein Hassan Oneissi à la

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Rapport de mise en état JME

pour trancher la question et l’a renvoyée à la Chambre de première instance, conformément à l’article 89, paragraphe E) du Règlement353. Le 8 mars 2013, celle-ci a rejeté la requête tout en invitant les Conseils de la Défense à déposer pour le 9 avril 2013 leurs « arguments sur le fond relatifs à l’admissibilité des éléments de preuve » portant sur des attentats commis dans des affaires connexes354. En exécution de cette décision, les Conseils de la Défense de MM. Ayyash355 et Badreddine356 ont déposé des écritures le 9 avril 2013 et le Procureur y a répondu le 24 avril 2013357. La question est actuellement pendante devant la Chambre de première instance.

2. Les attentats commis contre [EXPURGÉ]

Les allégations des Parties

134. Sur le plan juridique, le Procureur invoque, dans son Mémoire, l’article 149, paragraphe C) du Règlement à l’appui de l’admission d’éléments de preuve permettant d’établir l’existence d’une ligne de conduite délibérée358. Il invoque également la jurisprudence des juridictions nationales et des Tribunaux pénaux internationaux, en particulier, celle du Tribunal pénal international pour le Rwanda359. Il rappelle que, selon cette jurisprudence, de tels éléments peuvent être admis lorsqu’ils :

i. démontrent une propension caractérisée ou proprement identifiée de l’accusé à commettre l’acte criminel ;

requête de la Défense de M. Badreddine aux fins d’obtenir l’exclusion de sections du Mémoire d’avant procès du Procureur, confidentiel, 15 janvier 2013 ; Sabra Joinder to Badreddine Motion to Strike Sections of the Prosecution Pre-Trial Brief, confidentiel, 15 janvier 2013.

353 Décision relative à la requête de la Défense de M. Badreddine aux fins de la suppression de certaines sections du mémoire d’avant procès du Procureur, 7 février 2013.

354 Décision relative à la requête de la Défense aux fins de retrait d’une partie du mémoire d’avant procès du Procureur, 8 mars 2013, Dispositif, p. 10-11.

355 Defense Submissions Pursuant to “Decision on Defence Motion to Strike Out Part of the Prosecutor’s Pre-Trial Brief”, 9 avril 2013.

356 Submissions on Behalf of Mr Badreddine Seeking Exclusion of “Pattern of Conduct” Evidence, 9 avril 2013.

357 Prosecution Consolidated Response to Badreddine and Ayyash Defence Motions Seeking Exclusion of Evidence, 24 avril 2013.

358 Mémoire du Procureur, par. 167.

359 Id., par. 168.

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Rapport de mise en état JME

ii. démontrent un élément particulier de l’affaire ; et

iii. augmentent sensiblement la valeur probante des moyens à charge invoqués par le Procureur360.

135. Sur le plan factuel, [EXPURGÉ]361 [EXPURGÉ]362. [EXPURGÉ] :

- [EXPURGÉ]363. [EXPURGÉ]364 ; [EXPURGÉ]365. [EXPURGÉ]366 ; [EXPURGÉ]367[EXPURGÉ] 368. [EXPURGÉ]369 [EXPURGÉ]370 [EXPURGÉ]

- [EXPURGÉ]371. [EXPURGÉ]372 [EXPURGÉ]373.

136. La Défense de M. Ayyash considère que les éléments de preuve invoqués par le Procureur pour établir l’existence d’une ligne de conduite délibérée – dont elle conteste l’admissibilité374 – ne permettent pas de prouver au-delà de tout doute raisonnable que : i) M. Ayyash a été impliqué dans les trois affaires connexes ; et ii) ces affaires permettent de démontrer l’existence d’une ligne de conduite délibérée375.

360 Ibid.

361 Id., par. 170.

362 Ibid.

363 Id., par. 171.

364 Id., par. 172.

365 Ibid.

366 Id., par. 173.

367 Ibid.

368 Ibid.

369 Id., par. 174.

370 Id., par. 175.

371 Id., par. 176-178.

372 Id., par. 176.

373 Id., par. 177.

374 Mémoire de M. Ayyash, par. 26.

375 Ibid., par. 27.

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Rapport de mise en état JME

137. La Défense de M. Badreddine invoque, quant à elle, les deux arguments suivants :

« [e]n application de l’article 91 I) iii), les motifs pour lesquels la Défense conteste le fondement juridique sur lequel l’Accusation entend s’appuyer pour produire les Eléments de preuve relatifs aux affaires connexes sont que, dans les circonstances, la production de ces éléments de preuve sans mise en accusation des Accusés i) viole la présomption d’innocence consacrée à l’article 16 3) du Statut, en abaissant la norme d’administration de la preuve, qui doit normalement être apportée au-delà de tout doute raisonnable; et ii) constitue en toute hypothèse un abus de procédure.

En application de l’article 91 I) iii), les motifs pour lesquels la Défense conteste l’admissibilité des Éléments de preuve relatifs aux affaires connexes sont que i) les éléments de preuve relatifs à une ligne de conduite délibérée ne peuvent généralement pas être admis devant ce Tribunal, ii) les éléments de preuve ne démontrent pas véritablement de ligne de conduite spécifique, iii) ils ne peuvent être admis car ils ne sont pas pertinents, et iv) dans tous les cas, leur effet préjudiciable est largement supérieur à leur valeur probante »376.

Les observations du Juge de la mise en état

138. Sans préjudice des questions qui sont, à l’heure actuelle, pendantes devant la Chambre de première instance – et, en particulier, de la possibilité d’admettre des éléments de preuve relatifs à des affaires « connexes » concernant des personnes qui n’ont pas été formellement mises en accusation dans le cadre de ces affaires – le Juge de la mise en état attire l’attention de la Chambre sur trois enjeux factuels posés par les allégations du Procureur :

- [EXPURGÉ]

376 Mémoire de M. Badreddine, par. 18 et 19.

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Rapport de mise en état JME

3. Les attentats commis au Koweït

Les allégations des Parties

139. Selon le Procureur, M. Badreddine aurait été condamné au Koweït le 27 mars 1984, sous le pseudonyme de « Elias Fouad Saab », pour une série d’attentats perpétrés dans cet État le 12 décembre 1983377. M. Badreddine aurait notamment élaboré et mis à exécution le plan de ces attentats commis à l’aide de véhicules chargés d’explosifs378. Selon le Procureur, « un des attentats, un attentat-suicide, a été perpétré par un homme qui, au volant d’un camion chargé d’explosifs, est venu percuter l’Ambassade américaine »379 et « [l]a Cour du Koweït a conclu que SAAB avait choisi les véhicules et préparé les engins explosifs, ce qui nécessitait ‘une grande expérience technique de la fabrication et de l’usage d’explosifs’ »380. D’après le Procureur, « la Cour du Koweït a conclu que ‘Saab’ était un expert en explosifs, métier qu’il avait appris dans son pays, le Liban »381 et « […] avait coordonné l’achat de véhicules et d’explosifs, ainsi que la préparation des attentats »382.

140. La Défense de M. Badreddine conteste ces allégations dans les termes suivants :

« [e]n application de l’article 91 I) iii), les motifs pour lesquels la Défense conteste l’admissibilité des Éléments de preuve relatifs au Koweït sont que i) les éléments de preuve relatifs à une ligne de conduite délibérée ne peuvent généralement pas être admis devant ce Tribunal, ii) les éléments de preuve en question ne démontrent pas véritablement de ligne de conduite spécifique, iii) ils ne peuvent être admis car il est fort possible que la condamnation de Saab au Koweït résulte de violations de ses droits fondamentaux, iv) ils ne peuvent

377 Mémoire du Procureur, par. 179.

378 Ibid.

379 Ibid.

380 Ibid. Citations internes omises.

381 Id., par. 180.

382 Ibid. Citation interne omise.

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Rapport de mise en état JME

être admis car ils ne sont pas pertinents, et iv) dans tous les cas, leur effet préjudiciable est largement supérieur à leur valeur probante »383.

Les observations du Juge de la mise en état

141. Sans préjudice des questions qui sont, à l’heure actuelle, pendantes devant la Chambre de première instance, le Juge de la mise en état attire l’attention de la Chambre sur deux enjeux factuels posés par les allégations du Procureur :

- la question de savoir si M. Badreddine et M. Elias Fouad Saab forment une seule et même personne ; et

- la similarité des modalités de préparation et d’exécution des attentats au Koweït et de celles utilisées dans le cadre de l’attentat voire des affaires connexes. Dans l’affirmative, les conclusions à en tirer, tant sur le plan factuel que juridique.

H. Les victimes

1. Introduction

142. Cette section aborde la question des victimes. En effet, le Procureur indique que l’attentat a causé la mort de M. Hariri et de 21 autres personnes ainsi que causé des blessures à 226 personnes384. Cette question a également fait l’objet d’un échange entre les Parties dans le cadre de la procédure prévue à l’article 122 du Règlement relative aux faits non contestés385.

383 Mémoire de M. Badreddine, par. 20.

384 Mémoire du Procureur, par. 19, 20 et 145.

385 Prosecution’s Notice on the Implementation of the Pre-Trial Judge’s “Order Regarding Narrowing Issues Contested a Trial”, 19 mars 2013 ; annexe D, Letter from the Defence Counsel to the Acting Chief of Prosecutions, confidentiel, 21 février 2013.

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Rapport de mise en état JME

2. M. Hariri et les autres victimes

Les allégations des Parties

143. Le Procureur distingue M. Hariri des autres victimes. Il fournit deux types d’informations à propos de M. Hariri : des données biographiques et des éléments relatifs à son appartenance politique et sa confession religieuse. À cet égard, le Procureur expose que M. Hariri était musulman de confession sunnite, né le 1er

novembre 1944 à Sidon au Liban386, comme l’atteste un certificat de décès délivré par le ministère de l’intérieur libanais387. En outre, selon le Procureur, M. Hariri demeurait au palais de Quraitem à Beyrouth et séjournait également dans sa résidence familiale de Faqra, située à Faraya, au nord-est de Beyrouth388, comme le déclarent le témoin « PRH017 » – [EXPURGÉ]389 – et le témoin « PRH407 » – [EXPURGÉ]390. Ces deux témoins fournissent des informations à propos des activités de M. Hariri [EXPURGÉ]. À propos des activités politiques de M. Hariri, le Procureur indique que M. Hariri a été Premier ministre de cinq gouvernements libanais entre le 31 octobre 1992 et le 24 décembre 1998, ainsi que du 26 octobre 2000 jusqu’à sa démission, le 26 octobre 2004391, comme en témoignent des décrets officiels émanant du Gouvernement libanais392. En outre, le Procureur souligne qu’après avoir démissionné, M. Hariri a entamé la préparation de sa campagne électorale en vue des élections législatives qui devaient débuter en mai 2005393 selon les déclarations du témoin « PRH031 »394 – [EXPURGÉ]– et du témoin « PRH080 »395 – [EXPURGÉ] – et selon un décret du ministère de l’intérieur précisant la date des élections parlementaires.

386 Mémoire du Procureur, par. 19.

387 R91-602957.

388 Mémoire du Procureur, par. 19.

389 R91-200088.

390 R91-200129.

391 Mémoire du Procureur, par. 19.

392 R91-400002. Le Juge de la mise en état note que cette pièce n’est pas reliée à un témoin.

393 Mémoire du Procureur, par. 19.

394 R91-200081, p. 20.

395 R91-200098.

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335

Rapport de mise en état JME

144. En ce qui concerne les autres victimes que M. Hariri, le Procureur allègue que 21 personnes ont été tuées396. Il s’agit de sept personnes qui faisaient partie du convoi, comme le déclare le témoin « PRH256 »397 [EXPURGÉ], de M. Fuleihan, un membre du Parlement qui accompagnait M. Hariri dans sa voiture398 et de 13 passants. Pour établir les décès de ces 21 personnes, le Procureur fournit leur certificat de décès399, [EXPURGÉ], un rapport médicolégal de la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (la « Commission d’enquête ») de 2008400, présenté par le témoin « PRH120 », ainsi qu’un rapport d’expert médico-légal ayant examiné la dépouille [EXPURGÉ], présenté par le témoin « PRH287 » 401.

145. Le Procureur allègue enfin que l’attentat a fait 226 blessés402. Il se fonde, à cet égard, sur des rapports de police403, [EXPURGÉ]404, des entretiens [EXPURGÉ]405, [EXPURGÉ]406, des déclarations de témoins407, des données hospitalières et

396 Mémoire du Procureur, par. 20.

397 R91-100222.

398 R91-400175. Le Juge de la mise en état note que cette pièce n’est pas reliée à un témoin.

399 R91-602957. Le Juge de la mise en état note que cette pièce n’est pas reliée à un témoin.

400 R91-606416.

401 R91-600023.

402 Mémoire du Procureur, par. 20.

403 R91-400005 ; R91-400015-R91-400016 ; R91-400023. Le Juge de la mise en état note que cette pièce n’est pas reliée à un témoin.

404 R91-400011. Le Juge de la mise en état note que cette pièce n’est pas reliée à un témoin.

405 R91-400012- R91-400014 ; R91-400022 ; R91-400024 ; R91-400026 ; R91-400032- R91-400149 ; R91-400178.

406 R91-400151.

407 R91-400167, « PRH463 » ; R91-400152, « PRH378 » ; R91-400018, « PRH401 »; R91- 400019, [EXPURGÉ], « PRH353 »; R91-400020, « PRH530 » ; R91-400021, « PRH235 » ; R91-400027, « PRH239 » ; R91-400028, « PRH284 » ; R91-400029, « PRH285» ; R91-400030, « PRH148 ».

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Rapport de mise en état JME

médicales408, des photos409 ainsi que des enregistrements audio410 et vidéo411 [EXPURGÉ].

146. La Défense de M. Badreddine ne conteste pas les allégations du Procureur au sujet des victimes de l’attentat412. La Défense de M. Sabra adopte la même position413. La Défense de M. Ayyash ne répond pas aux diverses allégations du Procureur concernant les victimes mais s’en remet aux réponses données par les autres Défenses414 alors que la Défense de M. Oneissi ne se prononce pas sur la question415.

Les observations du Juge de la mise en état

147. Le Juge de la mise en état note que les éléments de preuve invoqués au soutien des diverses allégations susvisées sont de diverses natures : certificats de décès, témoignages, expertises médico-légales, rapports, etc.

148. Le Juge de la mise en état indique à la Chambre de première instance que, le 19 mars 2013, le Procureur l’a informé que la Défense avait identifié neuf faits qu’elle n’entendait pas contester dans le cadre du procès416. Parmi ceux-ci figurent certains faits relatifs aux victimes, à savoir :

« En plus de causer la mort de M. Hariri, l’explosion a causé le décès de 21 autres personnes dont le nom figure en Annexe A de l’acte d’accusation ;

408 R91-400017 ; R91-400153-R91-400154. Le Juge de la mise en état note que cette pièce n’est pas reliée à un témoin.

409 R91-400169. Le Juge de la mise en état note que cette pièce n’est pas reliée à un témoin.

410 R91-400168.

411 R91-400171- R91-400172.

412 Mémoire de M. Badreddine, annexe A confidentielle, par. 19-20.

413 Mémoire de M. Sabra, par. 9.

414 Mémoire de M. Ayyash, par. 3.

415 Mémoire de M. Oneissi.

416 Prosecution’s Notice on the Implementation of the Pre-Trial Judge’s “Order Regarding Narrowing Issues Contested a Trial”, 19 mars 2013, par. 5.

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L’explosion a fait 226 blessés, dont le nom figure en Annexe B de l’acte d’accusation ;

M. Hariri est né le 1er novembre 1944 à Sidon, Liban ;

M. Hariri a occupé les fonctions de Premier ministre du Liban au sein de cinq gouvernements, du 31 octobre 1992 au 4 décembre 1998, et du 26 octobre 2000 jusqu’à sa démission, le 26 octobre 2004 ; et

Après sa démission, M. Hariri a commencé à se préparer pour les élections législatives, qui devaient débuter à la fin du mois de mai 2005 » 417.

149. Enfin, le Juge de la mise en état attire l’attention de la Chambre de première instance sur le fait que le Procureur a évalué le temps (25 heures) qui pourrait être gagné s’il était dispensé de présenter les éléments de preuve relatifs à ces faits non contestés et d’appeler les témoins concernés à témoigner418.

VI. Observations conclusives au sujet des listes de témoins

A. Introduction

150. En guise de conclusion du Rapport, et conformément à l’article 95, paragraphe A), alinéa vii) du Règlement, certaines observations au sujet de la liste des témoins que le Procureur (B) et le Représentant des victimes (C) entendent citer au procès peuvent être formulées.

151. Seule la Défense de M. Oneissi a pris position, de façon générale, sur cette question, ce qui limite la portée des évaluations du Juge de la mise en état. Celle-ci expose, en effet, que les nombreuses modifications apportées aux instruments accusatoires, aux listes des témoins et des pièces à conviction ont contribué à affecter gravement sa capacité à se préparer et à déposer un mémoire répondant aux conditions de l’article 91, paragraphe I) du Règlement419.

417 Ibid.

418 Prosecution submission on the impact on Court time of the Prosecution not having to lead evidence on facts the Defence has agreed upon not to contest at trial, incluant les annexes confidentielles 1, 2, 4, 5 et 7, 19 avril 2013.

419 Mémoire de M. Oneissi, par. 3.

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B. Les listes du Procureur

1. Introduction

152. À la suite des demandes successives du Juge de la mise en état, le Procureur a déposé trois listes de témoins, conformément à l’article 91, paragraphe G), alinéa i) du Règlement. La première liste date du 15 novembre 2012, la deuxième du 19 août 2013 et la troisième du 23 octobre 2013 (la « Liste de témoins du Procureur »). Comme souligné dans le rappel de la procédure, ces listes ont fait l’objet de multiples modifications420. À l’heure actuelle, la Liste de témoins du Procureur compte 540 témoins. L’estimation de la durée totale des interrogatoires au principal de ces témoins s’élève à 687 heures et demie alors que la liste du 15 novembre 2012 indiquait une durée de 457 heures et demie pour l’interrogatoire principal de 557 témoins. Le Juge de la mise en état observe que lors de la dernière modification de cette liste, le Procureur a ajouté le témoin « PRH058 » et retiré le témoin « PRH619 » sans avoir sollicité ni a fortiori obtenu son autorisation.

153. Outre cette estimation de la durée totale de la présentation des moyens à charge, la Liste de témoins du Procureur contient, pour chaque témoin, les éléments suivants : i) leur nom et pseudonyme éventuel ; ii) un résumé des faits contenus dans leur déposition ; iii) les points de l’acte d’accusation au sujet desquels ils sont censés déposer ; iv) une estimation de la durée de leur interrogatoire principal ; v) des indications sur les modalités de leur déposition, à savoir en personne, conformément à l’article 150 du Règlement ou d’une autre manière, en application d’autres dispositions, notamment des articles 155, 156 ou 158 du Règlement. Toutefois la Liste de témoins du Procureur ne contient pas le nombre de témoins censés déposer à

420 Prosecution Request to Amend the Witness and Exhibit Lists and Authorization for Further Disclosure, confidentiel avec les annexes confidentielles A jusque I, 21 décembre 2012; Prosecution’s Notice of Intention in Relation to Exhibits and Witnesses and Notice of Reclassification, annexes confidentielles B et C, 10 juillet 2013; Corrected Version of Prosecution’s Notice of Intention in Relation to Exhibits and Witnesses and Notice of Reclassification, 15 juillet 2013 et la Corrected version of “ANNEX B - LIST OF WITHDRAWN WITNESSES,”filed 10 July 2013 déposée le même jour; Prosecution’s Submission Pursuant to Rule 91, annexe confidentielle « Annex E – Proposed Additional Witnesses », 15 juillet 2013; Prosecution’s Submission Pursuant to Rule 91(G)(ii) and (iii), confidentiel, annexe confidentielle « Annex C – Proposed Additional Witnesses », 19 août 2013 ; Prosecution Submission Pursuant to Rules (sic) 91(G)(ii) and (iii), confidentiel, annexes confidentielles A, C et E, 10 septembre 2013, Decision on the Prosecution Submission Pursuant to Rule 91(G)(ii) and (iii), 18 septembre 2013.

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l’égard de chaque accusé et de chaque chef d’accusation, comme le prescrit l’article 91, paragraphe G), alinéa ii), d) du Règlement.

154. La Liste de témoins du Procureur répertorie les 540 témoins par ordre alphabétique. Pour faciliter la lecture de cette liste, et mieux cerner les enjeux posés par celle-ci, le Juge de la mise en état a classé les témoins, dans un tableau annexé au présent document par thématique (Annexe C), et, le cas échéant, mentionné des informations supplémentaires à leur égard, tels que les fonctions occupées par les témoins au moment des faits ou un résumé des éléments pertinents de leur déposition. Ces thématiques ont, elles-mêmes, été subdivisées en sous-catégories afin de mettre en évidence les similitudes des sujets abordés ou les spécificités de certains témoignages. Le Juge de la mise en état tient, néanmoins, à souligner que cet exercice de réorganisation ne vise pas à présenter de façon exhaustive la thèse du Procureur ni à substituer sa propre liste à celle que ce dernier présentera à la Chambre de première instance et aux participants à la procédure avant le début du procès. Par ailleurs, cette analyse est sans préjudice de l’appréciation que les Parties pourront porter ultérieurement sur la Liste de témoins du Procureur.

155. Le Juge de la mise en état attire l’attention de la Chambre de première instance sur le fait que le Procureur entend solliciter, pour la grande majorité des témoins, l’admissibilité de leurs déclarations écrites en lieu et place de leur témoignage oral, conformément à l’article 155, paragraphe A) du Règlement. Pour rappel, cette disposition prévoit que des dépositions écrites peuvent être admises à condition qu’elles permettent « de démontrer un point autre que les actes et le comportement de l’accusé tels qu’énoncés dans l’acte d’accusation ». Or, le Juge de la mise en état constate, comme il l’a relevé précédemment concernant la structure pyramidale des éléments de preuves du Procureur, que certains rapports d’analyse établis par des experts – qui, d’après le Procureur, seront entendus de vive voix – s’appuient, eux-mêmes, sur un ensemble de témoignages dont l’admission écrite sera demandée conformément à l’article 155 du Règlement et qui ne portent dès lors pas sur les actes et comportements des Accusés. Cette particularité mériterait d’être prise en compte dans la détermination de l’audition des témoins dont les témoignages portent directement sur les actes et le comportement des Accusés.

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156. Les thèmes abordés par les témoins dans leur déposition, et brièvement commentés ciaprès, sont: les rapports médico-légaux et criminalistiques (2), l’attribution et l’usage des téléphones (3), les Accusés et M. Merhi (4), la personne de M. Hariri et le contexte libanais (5), le véhicule Mitsubishi (6), les caméras de surveillance (7), M. Abu Adass (8), la « fausse revendication de responsabilité de l’attentat » (9), les victimes de l’attentat (10), la « ligne de conduite délibérée » (11) ainsi qu’une catégorie résiduelle (12).

2. Les rapports médico-légaux et criminalistiques

157. Ce thème comporte de très nombreux rapports qui sont organisés en plusieurs catégories, dont la plus volumineuse est relative à l’inspection du site de l’attentat. Un grand nombre [EXPURGÉ] sont cités dans ces rapports. Selon le Procureur, ils devraient déposer en vertu de l’article 155 du Règlement, à l’exception d’un d’entre eux qui devrait être entendu. Parmi les autres [EXPURGÉ], cinq témoins, qui seraient entendus de vive voix pendant six heures chacun, appartiennent à un collège d’experts et ont participé à la rédaction du même rapport. Il convient de s’interroger sur la pertinence d’entendre tous ces témoins. Par ailleurs, plusieurs équipes d’experts nationaux ont été impliquées dans la préparation de rapports relatifs à la scène de l’attentat. Selon le Procureur, neuf experts [EXPURGÉ], quatre experts [EXPURGÉ], cinq experts [EXPURGÉ]et trois experts [EXPURGÉ]ayant rédigé des rapports conjoints devraient déposer conformément à l’article 155 du Règlement.

158. Les analyses d’échantillons d’ADN retrouvés sur le lieu de l’attentat ont été effectuées par 16 personnes dont, selon le Procureur, une seule sera entendue de vive voix.

159. Deux experts en sismologie ont également préparé un rapport conjoint portant sur l’heure de l’attentat. Le Procureur sollicite l’admission de ce rapport sous forme de déclaration écrite, conformément à l’article 155 du Règlement.

160. Enfin, le Procureur sollicite que les déclarations de neuf témoins relatifs à des expériences de reconstitution des explosions soient admises par écrit, conformément

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à l’article 155 du Règlement. En outre un [EXPURGÉ] devrait témoigner pendant 18 heures notamment d’une reconstitution de l’attentat réalisée en 2010.

3. L’attribution et l’usage des téléphones

161. Cette catégorie se subdivise en plusieurs thèmes : les attributions injustifiées de numéros de téléphone à certaines personnes (a), l’attribution de numéros de téléphone à certaines personnes (b), la vente de combinés et de recharges de crédits téléphoniques et l’utilisation de lignes téléphoniques (c) ainsi que l’analyse des télécommunications (d).

a. Lesattributionsinjustifiéesdenumérosdetéléphoneàcertainespersonnes

162. Cette catégorie de témoins regroupe 26 personnes dont le témoignage porte exclusivement sur le fait qu’une ligne téléphonique aurait été ouverte à leur nom à leur insu. Le Procureur entend solliciter pour tous ces témoins – à l’exception de deux d’entre eux – l’admissibilité de leurs déclarations écrites en lieu et place de leur témoignage oral, conformément à l’article 155 du Règlement.

b. L’attribution de numéros de téléphone à certaines personnes

163. Cette catégorie comprend 62 personnes dont le témoignage porte sur des lignes téléphoniques qu’ils utilisaient ou dont ils connaissaient les utilisateurs. Parmi ces témoignages figurent ceux [EXPURGÉ] des deux compagnies de téléphonie mobile actives au Liban en 2005 : [EXPURGÉ] – témoin « PRH064 » – [EXPURGÉ] – témoin « PRH011 » – [EXPURGÉ]. Ces deux compagnies ont fourni au Procureur les relevés des données d’appel qui auraient permis l’identification des réseaux téléphoniques impliqués dans l’attentat.

164. Parmi les autres personnes figurant dans cette catégorie, un certain nombre d’entre elles auraient été en contact téléphonique avec certains téléphones attribués aux Accusés ou aux membres de la famille de ces derniers. Selon le Procureur,

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Rapport de mise en état JME

16 témoins devraient déposer de vive voix et 44 conformément à l’article 155 du Règlement.

c. La vente de combinés et de recharges de crédits téléphoniques et l’utilisation de lignes téléphoniques

165. Cette catégorie inclut 15 personnes qui devraient témoigner de la vente des combinés téléphoniques (numéros d’identité internationale d’équipement mobile (IMEI)), des lignes téléphoniques (constituées du module d’identité de l’abonné (SIM)) et des recharges de crédits téléphoniques qui auraient été impliqués dans les activités de préparation et d’exécution de l’attentat ainsi que celles postérieures à l’attentat, dont la « fausse revendication de responsabilité » de celui-ci. Le Procureur entend solliciter pour tous ces témoins l’admissibilité de leurs déclarations écrites en lieu et place de leur témoignage oral conformément à l’article 155 du Règlement.

d. L’analyse des télécommunications

166. 33 témoins sont compris dans cette catégorie. Il s’agit essentiellement [EXPURGÉ].

167. Selon le Procureur, dix témoins devront être entendus de vive voix. Parmi ceux-ci figurent les trois témoins les plus fréquemment cités à l’appui du Mémoire du Procureur : [EXPURGÉ] – témoin « PRH435 » –, dont l’interrogatoire au principal devrait durer 20 heures ; [EXPURGÉ] – témoin « PRH147 », – dont la durée de l’interrogatoire au principal est également fixée à 20 heures ; et [EXPURGÉ] – témoin « PRH230 » – dont la durée de l’interrogatoire au principal serait de 15 heures.

4. Les Accusés et M. Merhi

168. Cette catégorie regroupe les témoignages de personnes qui possèderaient des informations spécifiques concernant les Accusés et M. Merhi, dans le cas de M. Badreddine, de ses noms d’emprunt.

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169. L’examen de cette catégorie permet de constater que la plupart des informations disponibles sont relatives à MM. Ayyash et Sami Issa (alias présumé de M. Badreddine). 24 témoignages concernent M. Ayyash. [EXPURGÉ] Selon le Procureur, environ la moitié de ces témoins devrait être entendue de vive voix.

170. 35 témoignages sont relatifs à M. Sami Issa ou M. Badreddine. [EXPURGÉ] Selon le Procureur, tous les témoins de cette catégorie, à l’exception d’un d’entre eux, sont appelés à témoigner de vive voix.

171. En outre, deux témoins disposeraient d’informations relatives à MM. Ayyash et Badreddine et deux autres relatives à M. Merhi. Selon le Procureur, trois d’entre eux devraient témoigner de vive voix.

172. Enfin, selon le Procureur, trois témoins sont censés déposer à propos de M. Sabra. Parmi eux, un seul devrait témoigner de vive voix.

5. La personne de M. Hariri et le contexte libanais

173. Cette catégorie est subdivisée en cinq thèmes. Les premier et deuxième d’entre eux portent respectivement sur les activités de certaines personnes le 14 février 2005 avant l’attentat (six témoins) et sur des informations et matériaux fournis par des journalistes et photographes (sept témoins). Le Procureur entend solliciter pour tous ces témoins, l’admissibilité de leurs déclarations écrites en lieu et place de leur témoignage oral, conformément à l’article 155 du Règlement.

174. Le troisième thème concerne les activités et les déplacements de M. Hariri. 26 personnes sont censées témoigner sur cette question. Pour toutes ces personnes, à l’exception d’un [EXPURGÉ], celui-ci entend faire application de l’article 155 du Règlement.

175. Le quatrième thème traite des mesures de sécurité prises afin de protéger M. Hariri. Selon le Procureur, cinq témoins sont censés déposer à ce sujet, dont un de vive voix.

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176. La dernière thématique concerne la situation politique libanaise antérieure et postérieure à l’attentat. Deux personnes sont censées témoigner à ce propos, dont une serait entendue de vive voix.

6. Le véhicule Mitsubishi

177. Cette catégorie comprend 16 témoignages portant sur le camion « Mitsubishi Canter ». Ceux-ci contiennent notamment ceux de quatre [EXPURGÉ] témoignant du vol du véhicule au Japon, [EXPURGÉ] qui auraient reconstitué le parcours du camion depuis ce pays et [EXPURGÉ]

7. Les caméras de surveillance

178. Cette catégorie regroupe huit témoignages portant sur les analyses des caméras de surveillance de la banque « HSBC », de l’hôtel « Phoenicia » et du tunnel « Solaiman Franjiye » situées à proximité du lieu de l’attentat. Selon le Procureur, parmi ces témoins, deux de [EXPURGÉ] seront entendus de vive voix.

8. M. Abu Adass

179. Cette catégorie comprend les témoignages de sept personnes qui auraient connu M. Abu Adass. Selon le Procureur, deux de ces témoignages devraient être introduits sur la base de l’article 158 du Règlement, les autres témoins devraient être entendus de vive voix.

9. La « fausse revendication de responsabilité de l’attentat »

180. Huit personnes constituent cette catégorie. [EXPURGÉ] Selon le Procureur, tous les témoins, sauf un, devraient être entendus de vive voix.

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Rapport de mise en état JME

10. Les victimes de l’attentat

181. Cette catégorie regroupe 57 personnes. [EXPURGÉ] Il y est également fait mention d’indications concernant les 10 témoins présents à la fois sur la Liste de témoins du Procureur et celle du RLV421.

182. Le Procureur indique que, pour tous ces témoins, il entend solliciter l’admissibilité de leurs déclarations écrites en lieu et place de leur témoignage oral, conformément à l’article 155 du Règlement.

11. La « ligne de conduite délibérée »

183. Cette catégorie regroupe les témoignages présentés à l’appui de la thèse du Procureur selon laquelle MM. Ayyash et Badreddine ont adopté une « ligne de conduite délibérée » démontrée par leur implication dans plusieurs attentats. [EXPURGÉ]422.

184. [EXPURGÉ] Ces nombreux témoignages (73) peuvent être répartis en fonction de chaque affaire. Comme indiqué précédemment, ces allégations ne sont pas contenues dans l’Acte d’accusation mais sont présentées à la section X du Mémoire du Procureur. Celui-ci sollicite pour la majorité de ces témoins que leurs déclarations écrites soient admises conformément à l’article 155 du Règlement. 26 témoins devraient toutefois témoigner de vive voix, [EXPURGÉ].

12. La catégorie résiduelle

185. 21 témoignages qui ne semblent pas concerner spécifiquement les thèmes évoqués ci-dessus ont été classés dans une catégorie résiduelle. Elle inclut des résumés de leurs témoignages tels que le Procureur les a présentés dans la Liste de témoins du Procureur. D’après le Procureur, seul un de ces témoins devrait être entendu de vive voix.

421 Amended and Updated Lists of Witnesses and Exhibits of the Legal Representative of Victims, 29 août 2013.

422 Mémoire du Procureur, section X, pp. 64 à 73.

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Rapport de mise en état JME

C. Les listes du Représentant légal des victimes

1. Introduction

186. Le 13 décembre 2012, le RLV a déposé une première liste de témoins et de pièces à conviction en application de l’article 91, paragraphe H) du Règlement423. Le 29 août 2013, il a déposé des versions modifiées et actualisées de ces documents424. La Défense n’a pas pris position à leur sujet.

2. La liste des témoins

187. Le Juge de la mise en état relève que le RLV prévoit de citer 60 témoins au total, pour une durée estimée à 55 heures et 45 minutes. Le RLV anticipe que, parmi ces témoins, 33 témoigneront de vive voix et 27 en application de l’article 155 du Règlement. Certains de ces témoins devraient présenter de nombreuses pièces. Par ailleurs, 14 de ces personnes figurent également sur la Liste de témoins du Procureur425. Néanmoins, dans l’intervalle, deux de ces témoins ont été retirés de cette liste426. Sur les 60 témoins précités, 44 sont des victimes participant à la procédure (« VPP ») à la suite des décisions rendues par le Juge de la mise en état les 8 mai427, 3 septembre428 et 28 novembre 2012429.

188. Les témoins peuvent être regroupés en fonction du préjudice qu’ils ont subi du fait de la mort d’une même victime de l’attentat. Chaque membre des groupes

423 List of Witnesses and Exhibits Filed on Behalf of the Participating Victims with Confidential & Ex Parte Annexes, annexe confidentielle et [EXPURGÉ], 13 décembre 2012.

424 Amended and Updated Lists of Witnesses and Exhibits of the Legal Representative of Victims, annexes confidentielles A et C, 29 août 2013.

425 [EXPURGÉ]

426 [EXPURGÉ] ont été retirés de la Liste du Procureur le 10 juillet 2013. Ce retrait a été approuvé par le Juge de la mise en état le 5 août 2013. Décision relative à deux notes présentées par l’Accusation afin de modifier les pièces déposées par elle en application de l’Article 91 du règlement, 5 août 2013.

427 Décision relative à la participation des victimes à la Procédure, 8 mai 2012.

428 Seconde Décision relative à la participation des victimes à la Procédure, 3 septembre 2012.

429 Troisième Décision relative à la participation des victimes à la Procédure, 28 novembre 2012.

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Rapport de mise en état JME

concernés devrait individuellement témoigner des préjudices qu’il a, lui-même et sa famille, subi du fait du décès d’un membre de sa famille. Ces groupes sont :

- l’épouse, la mère, le frère et deux filles de [EXPURGÉ], décédé des suites de l’attentat430. Ces cinq témoins devraient déposer en application de l’article 155 du Règlement pour une durée estimée à une heure et quart ;

- l’épouse et le fils de [EXPURGÉ], décédé des suites de l’attentat431. L’épouse devrait témoigner en application de l’article 155 du Règlement et le fils de vive voix pour une durée estimée à une heure ;

- la mère, le frère, la sœur et le père de [EXPURGÉ] - décédé des suites de l’attentat432. Les parents et la sœur devraient témoigner conformément à l’article 155 du Règlement et le frère de vive voix pour une durée estimée à une heure ;

- l’épouse et deux filles de [EXPURGÉ], décédé des suites de l’attentat433. Le témoignage des deux filles [EXPURGÉ]. L’épouse et l’une des filles devraient témoigner en application de l’article 155 du Règlement et la seconde fille de vive voix, pendant une durée estimée à une heure ;

- l’épouse, la mère, deux sœurs et deux frères de [EXPURGÉ], décédé dans l’attentat434. Cinq d’entre eux devraient témoigner en application de l’article 155 du Règlement et le sixième de vive voix pour une durée estimée à une heure ;

- cinq frères, le père, la mère et la sœur de [EXPURGÉ], décédé des suites de l’attentat435. Sept d’entre eux devraient témoigner en application de

430 Respectivement : [EXPURGÉ].

431 Respectivement : [EXPURGÉ].

432 Respectivement : [EXPURGÉ].

433 Respectivement : [EXPURGÉ].

434 Respectivement : [EXPURGÉ].

435 Respectivement : [EXPURGÉ].

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l’article 155 du Règlement et un témoignera de vive voix pour une durée estimée à une heure ;

- la sœur et le frère de [EXPURGÉ], décédé des suites de l’attentat436. Tous deux devraient témoigner de vive voix pour une durée estimée à une heure.

189. Pour assurer l’efficacité des procédures, il conviendra d’examiner la nécessité de faire témoigner individuellement tous les membres d’un groupe de témoins ayant subi des préjudices résultant du décès d’une seule et même personne. À cet égard, il convient de constater que, pour la plupart des membres d’une même famille, le RLV a déjà privilégié la procédure prévue à l’article 155 du Règlement. Cette approche semble opportune et devrait être privilégiée dans la mesure du possible.

190. Enfin, le RLV prévoit d’appeler [EXPURGÉ] victimes qui ont subi un préjudice direct du fait de l’attentat. Parmi celles-ci, neuf devraient témoigner de vive voix et trois en application de la procédure prévue à l’article 155 du Règlement. Chacune de ces victimes devrait présenter de multiples pièces à conviction. [EXPURGÉ] d’entre elles figurent également sur la Liste de témoins du Procureur437.

191. Les 16 témoins présentés par le RLV qui n’ont pas la qualité de VPP sont :

- [EXPURGÉ].

192. Au sujet de ces quatre derniers témoins, il conviendra d’examiner dans quelle mesure leurs témoignages respectifs ne couvrent pas le même champ d’expertise.

3. La liste des pièces à conviction

193. Le RLV prévoit de présenter 373 pièces à conviction comme éléments de preuve438. Celui-ci n’a pas précisé le nombre des pièces qui font également partie de la Liste de pièces à conviction du Procureur. Toutefois 82 pièces portent les mêmes numéros que ceux figurant sur cette liste. Il semble néanmoins que la liste

436 Respectivement : [EXPURGÉ].

437 V034 ; V018 ; V013 ; V012 ; V033.

438 Amended and Updated Lists of Witnesses and Exhibits of the Legal Representative of Victims, 29 août 2013, annexe B, confidentiel “Amended Exhibit List of the Legal Representative of Victims”.

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des pièces à conviction du RLV n’a pas été mise à jour à la suite des modifications récemment apportées par le Procureur à sa propre liste. Par conséquent, le nombre de pièces susceptible de faire double emploi doit également être actualisé. La majorité des pièces à conviction du RLV semble constituée de déclarations de témoins, de rapports médicaux, de pièces d’identité et de coupures de presse.

Fait en anglais, arabe et français, la version française faisant foi.

Leidschendam, le 11 décembre 2013

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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14.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Merhi

Devant : Chambre de première instance

Titre : Décision portant engagement d’une procédure par défaut

Titre réduit : Procédure par défaut CPI

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LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Affaire n° : STL-13-04/I/TCDevant : M. le juge David Re, président

Mme le juge Janet Nosworthy Mme le juge Micheline Braidy M. le juge Walid Akoum, juge suppléant

Le Greffier : M. Daryl Mundis

Date : 20 décembre 2013

Original : Anglais

Type de document : Public

LE PROCUREUR c.

HASSAN HABIB MERHI

DÉCISION PORTANT ENGAGEMENT D’UNE PROCÉDURE PAR DÉFAUT

Bureau du Procureur : M. Norman Farrell

L’Accusé : M. Hassan Habib Merhi

Bureau de la Défense : M. François Roux

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INTRODUCTION

1. Le 31 juillet 2013, Hassan Habib Merhi a été mis en accusation pour son rôle présumé dans l’explosion survenue à Beyrouth le 14 février 2005, qui a causé la mort de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri et de 21 autres personnes, et fait plus de 200 blessés. Le 28 juin 2011, le Juge de la mise en état a confirmé un acte d’accusation modifié en l’affaire du Procureur c. Salim Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra en rapport avec ces événements1, et le procès des quatre accusés s’ouvrira par défaut le 16 janvier 20142.

2. La Chambre de première instance est à présent saisie d’une ordonnance du Juge de la mise en état en application de l’article 105 bis A) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement »), afin qu’elle statue sur l’ouverture d’une procédure par défaut contre M. Merhi3, comme l’y autorise l’article 22 du Statut du Tribunal spécial.

3. La Chambre de première instance a analysé – au vu de la situation de sécurité prévalant au Liban – chacune des mesures prises par les autorités libanaises et le Tribunal spécial afin de notifier à M. Merhi en personne les charges retenues contre lui et de garantir sa comparution devant le dit Tribunal. Elle a également examiné la question de savoir si la campagne d’information lancée dans les médias libanais sur son rôle présumé, avant et après la confirmation de l’acte d’accusation, l’avait informé des charges retenues contre lui et des différentes façons dont il pourrait participer au procès. L’importante couverture accordée dans les médias libanais à

1 TSL, Le Procureur c. Salim Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra, STL-11-01/PTJ, Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra, 28 juin 2011 ; STL-11-01/PTJ, Version publique expurgée, Acte d’accusation, 10 juin 2011. Le Procureur avait présenté un acte d’accusation accompagné de pièces justificatives au Juge de la mise en état le 17 janvier 2011.

2 STL-11-01/PT/TC, Ordonnance portant calendrier, 10 décembre 2013.

3 TSL, Le Procureur c. Hassan Habib Merhi, STL-13-04/I/PTJ, Ordonnance de saisine de la Chambre de première instance conformément à l’article 105 bis, paragraphe A) du Règlement de procédure et de preuve aux fins de statuer sur l’engagement d’une procédure par défaut, 25 novembre 2013.

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l’acte d’accusation établi contre les quatre Accusés en l’affaire Ayyash a également été prise en compte.

4. La Chambre de première instance a conclu que M. Merhi avait pris la fuite ou était autrement introuvable et que toutes les mesures raisonnables avaient été prises en vue de garantir sa comparution devant le Tribunal spécial et de l’informer des accusations confirmées par le Juge de la mise en état. L’ensemble des mesures ainsi prises satisfait aux conditions juridiques requises pour engager une procédure par défaut à son égard et la Chambre de première instance a décidé, pour les motifs exposés ci-dessous, d’engager pareille procédure contre M. Merhi.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

5. Le 14 février 2005, une violente explosion s’est produite près de l’hôtel St George, dans le centre de Beyrouth, au Liban. Plusieurs personnes, dont l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, ont été tuées et de nombreuses autres blessées. Salim Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra ont été accusés le 30 juin 2011 de neuf chefs en rapport avec ces événements, parmi lesquels l’accusation de complot en vue de commettre un acte de terrorisme, la perpétration d’un acte de terrorisme au moyen d’un engin explosif ainsi que l’homicide intentionnel de Rafic Hariri et de 21 autres personnes4.

6. Le 5 juin 2013, le Procureur a présenté un acte d’accusation au Juge de la mise en état fondé sur la participation présumée de M. Merhi à ces événements5. L’acte d’accusation retient cinq chefs contre M. Merhi, celui-ci étant accusé de complot en vue de commettre un acte de terrorisme, de complicité de perpétration d’un acte de terrorisme au moyen d’un engin explosif, de complicité d’homicide intentionnel avec préméditation de Rafic Hariri, de complicité d’homicide intentionnel de 21 autres

4 Un acte d’accusation et des pièces justificatives ayant été initialement présentés au Juge de la mise en état le 17 janvier 2011.

5 Prosecution’s Submission of an Indictment for Confirmation and Order to Keep this Filing and its Annexes, Confidential and Ex Parte; and Motion for an Arrest Warrant, Order for Transfer and Detention; and Order for Non-Disclosure, Confidential and Ex Parte, 5 juin 2013.

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personnes et de complicité de tentative d’homicide intentionnel de 226 personnes au moyen de matières explosives6.

7. Le 31 juillet 2013, le Juge de la mise en état a confirmé l’acte d’accusation7 et délivré des mandats d’arrêt nationaux et internationaux afin d’appréhender M. Merhi8. Le 6 août 2013, l’acte d’accusation et le mandat d’arrêt ont été transmis au Gouvernement libanais aux fins de signification et d’exécution. Le 6 septembre 2013, le Procureur général par intérim de la Cour de cassation libanaise9 a présenté un rapport au Président du Tribunal en application de l’article 76 C) du Règlement, décrivant les tentatives des autorités libanaises pour faire exécuter le mandat d’arrêt. Il indique au Président qu’il n’a pas été possible de trouver M. Merhi ou une personne répondant aux critères requis par l’article 147 7) du Code de procédure pénale libanais et de lui signifier les documents à ses lieux de résidence ou domiciles connus10. Le 16 septembre 2013, le Président a sollicité des éclaircissements du Procureur général par intérim11, qui lui a obligeamment remis quatre autres rapports, les 24 et 26 septembre ainsi que les 3 et 4 octobre 201312.

6 Acte d’accusation, confidentiel et ex parte, 5 juin 2013. Une version confidentielle expurgée a été déposée le 31 juillet 2013 et une version publique expurgée l’a été le 11 octobre 2013 en exécution d’une ordonnance du Juge de la mise en état du 10 octobre 2013. Version publique expurgée de la « Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 5 juin 2013 établi à l’encontre de M. Hassan Habib Merhi » datée du 31 juillet 2013, 11 octobre 2013.

7 Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 5 juin 2013 établi à l’encontre de M. Hassan Habib Merhi, confidentiel, 31 juillet 2013 ; Version publique expurgée datée du 11 octobre 2013.

8 Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Hassan Habib Merhi portant ordre de transfèrement et de détention, confidentiel, 31 juillet 2013 ; Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Hassan Habib Merhi portant demande de transfèrement et de détention, confidentiel, 31 juillet 2013.

9 Le « Procureur général par intérim ».

10 Rapport du Procureur général, 6 septembre 2013.

11 Letter from the President to the Acting Public Prosecutor at the Lebanese Court of Cassation Judge Samir Hammoud, 16 septembre 2013.

12 Report of the Acting Prosecutor-General of 24 September 2013 (« Rapport du Procureur général par intérim du 24 septembre 2013 ») (Annexe C confidentielle et ex parte de « l’Ordonnance rendue en application de l’article 76 E) ») ; Report of the Acting Prosecutor-General of 26 September 2013 (« Rapport du Procureur général par intérim du 26 septembre 2013 ») (Annexe D confidentielle et ex parte de « l’Ordonnance rendue en application de l’article 76 E) ») ; Report of the Acting Prosecutor-General of 3 October 2013 (« Rapport du Procureur général par intérim du 3 octobre 2013 ») (Annexe E confidentielle et ex parte de « l’Ordonnance rendue en application de l’article 76 E) ») et Report of the Acting Prosecutor-General of 4 October 2013 (« Rapport du Procureur général par intérim du 4 octobre 2013 ») (Annexe F confidentielle et ex parte de « l’Ordonnance rendue en application de l’article 76 E) »).

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8. Le 10 octobre 2013, le Président du Tribunal a rendu une ordonnance en application de l’article 76 du Règlement dans laquelle il se déclare convaincu que « des efforts raisonnables ont été faits par le Tribunal et les autorités libanaises pour signifier l’acte d’accusation et le mandat d’arrêt délivré à l’encontre de l’Accusé13 ». En conséquence, il a ordonné que la signification de l’acte d’accusation soit effectuée d’une autre manière, au moyen de la procédure d’annonce publique, et a demandé au Greffier de transmettre une annonce aux autorités libanaises. Il a enjoint aux dites autorités de prendre toutes les mesures raisonnables afin de notifier publiquement à M. Merhi l’existence de l’acte d’accusation et de l’appeler à se livrer au Tribunal14. Le même jour, le Juge de la mise en état a levé la confidentialité de l’acte d’accusation, autorisant la publication d’une version expurgée15.

9. À la suite de l’ordonnance du Président, le Greffier a écrit au Procureur général par intérim du Liban, lui demandant de faire publier une annonce dans cinq journaux : trois journaux arabes, un anglais et un franco-libanais – en application de l’article 76 bis16. Le Tribunal a également publié un communiqué de presse sur son site Internet rendant public l’acte d’accusation visant M. Merhi17. À la demande du Président, le Greffier a informé la Chambre de première instance des efforts entrepris en vue de signifier l’acte d’accusation à M. Merhi18.

10. Le 25 novembre 2013, en application de l’article 105 bis A) du Règlement, le Juge de la mise en état a rendu une ordonnance de saisine de la Chambre de première instance afin qu’elle statue sur la question de l’engagement d’une procédure par défaut à l’endroit de M. Merhi, indiquant qu’il n’avait pas été arrêté, n’avait pas

13 Ordonnance portant calendrier en application de l’article 76 E), 10 octobre 2013, paragraphe 30.

14 Ordonnance rendue en application de l’article 76 E), 10 octobre 2013, Dispositif.

15 STL-13-04/I/PTJ, Ordonnance portant levée partielle de la confidentialité de l’acte d’accusation à l’encontre de M. Hassan Habib Merhi, 10 octobre 2013.

16 Correspondence from the Registrar to the Prosecutor-General, réf. EXT\SUP\LB\MJ\20131010_REG2404_ss, 10 octobre 2013.

17 « Le TSL met en accusation Hassan Habib Merhi dans l’affaire de l’attentat du 14 février 2005 à Beyrouth », 10 octobre 2013.

18 Mémorandum interne, réf. : JUD/CAS/HM/20131111_REG2469_um, Report on the steps undertaken by the Registry to advertise the indictment against Mr. Hassan Habib Merhi, 11 novembre 2013.

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comparu volontairement devant le Tribunal ni ne se trouvait d’une quelconque autre manière sous sa juridiction19.

Significationd’unacted’accusationàunAccuséconformémentauRèglementdu Tribunal et au droit libanais

11. Les modalités de signification d’un acte d’accusation à un accusé sont exposées à l’article 76 du Règlement intitulé « Signification de l’acte d’accusation ». L’article 76 A) précise qu’une copie conforme de l’acte d’accusation « est transmis[e] officiellement aux autorités de l’État sur le territoire duquel l’accusé réside ou a eu sa dernière résidence connue, ou sur le territoire ou sous la juridiction duquel il est susceptible de se trouver ». En application de l’article 76 B), « [c]ette signification se fait par la remise à l’accusé en personne d’une copie de l’acte d’accusation, ainsi que de la citation à comparaître ou du mandat d’arrêt ».

12. Selon les informations dont disposait le Juge de la mise en état au mois d’août 2013, M. Merhi est un citoyen libanais dont la dernière résidence connue et la famille se trouvent au Liban. Sur la base de ces informations, le Juge de la mise en état a enjoint au Greffier de transmettre l’acte d’accusation et le mandat d’arrêt au Gouvernement libanais aux fins de notification et d’exécution. Le Procureur général par intérim a alors tenté de signifier plusieurs fois l’acte d’accusation à M. Merhi en personne selon les procédures énoncées au Chapitre V du Code de procédure pénale libanais intitulé « Des modalités de signification des pièces et décisions de justice »20.

13. Ces modalités prévoient, comme l’article 76 B) du Règlement, la signification à personne de l’acte d’accusation, et l’article 147 6) du Code libanais décrit en détail la procédure usuelle de notification en droit libanais. « L’auxiliaire de justice [...] fait toutes diligences pour parvenir à remettre l’exploit à la personne même du destinataire ». En application de l’article 147 7),

19 Il prie également le Greffier, dans l’ordonnance, de transmettre à la Chambre de première instance les documents pertinents. Ordonnance de saisine de la Chambre de première instance conformément à l’article 105 bis A) du Règlement de procédure et de preuve aux fins de statuer sur l’engagement d’une procédure par défaut, 25 novembre 2013, Dispositif.

20 Articles 147, 148 et 149.

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Si le destinataire est absent de son lieu de résidence ou domicile, la signification est effectuée par l’intermédiaire d’un parent, d’un serviteur ou d’une personne résidant à ce domicile, à condition que son apparence porte à croire qu’il s’agit d’une personne majeure, et qu’aucun conflit d’intérêts ne l’oppose au destinataire. Si l’intéressé refuse de mentionner son nom et son lien avec le destinataire ou d’accuser réception de la copie de l’acte, l’auxiliaire de justice en fait mention sur l’exploit, dont il lui remet copie.

14. Le Règlement du Tribunal et le Code de procédure pénale libanais prévoient que la signification des actes d’accusation et mandats d’arrêt peut être effectuée d’une autre manière. Aux termes de l’article 76 E) du Règlement,

Si le Président établit que des tentatives raisonnables ont été faites pour signifier à l’accusé l’acte d’accusation, la citation à comparaître ou le mandat d’arrêt, mais qu’elles ont échoué, il peut, après consultation du Juge de la mise en état, ordonner que la signification soit effectuée d’une autre manière, notamment par la voie de la procédure d’annonce publique.

15. Le Règlement du Tribunal ne définit pas plus avant l’expression « d’une autre manière ». En droit libanais, lorsqu’il n’est pas possible d’effectuer la signification à personne d’un acte d’accusation de la manière indiquée à l’article 147 du Code libanais, l’article 148 prévoit qu’il peut l’être autrement :

Si la personne visée par l’exploit est sans résidence ou domicile ou si l’auxiliaire de justice ne trouve au lieu de résidence ou au domicile aucune personne à qui remettre son exploit, la signification s’effectue par voie d’affichage d’une copie de l’exploit sur la porte du dernier domicile connu, une deuxième copie étant remise au mokhtar de la localité en question et une troisième affichée sur la porte de la juridiction requérante. L’auxiliaire de justice décrit ses diligences sur l’original de l’exploit et l’adresse à la juridiction à la requête de laquelle il a été délivré.

Si le destinataire est sans dernier domicile connu, l’auxiliaire de justice chargé de la signification se contente d’afficher une copie de l’exploit sur la porte de la juridiction à la requête de laquelle il a été délivré.

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Mesures prises en vue de garantir la comparution de M. Merhi devant le Tribunaletdel’informerdeschargesconfirméesparleJugedelamiseenétat

16. La signification de l’acte d’accusation à M. Merhi en personne, telle que prévue par l’article 76 B) du Règlement, n’a donc pu être effectuée jusqu’ici. Les mesures prises en vue de le lui signifier en personne sont exposées en détail ci-dessous, et sont documentées dans les rapports adressés par le Procureur général par intérim au Président et au Greffier du Tribunal. Le Procureur général par intérim a travaillé avec la Division des investigations criminelles centrales libanaise (DICC) pour tenter d’effectuer la signification à personne mentionnée à l’article 76.

17. Le Procureur général par intérim a d’abord tenté de notifier les charges à l’Accusé selon les procédures de l’article 147 du Code de procédure pénale libanais. D’après les informations dont dispose le Procureur du Tribunal spécial21, le dernier lieu de résidence ou domicile connu de M. Merhi est un appartement situé à Bourj-El-Barajneh, Dahyieh, Beyrouth-sud22.

18. Aux fins d’exécution du mandat d’arrêt et de signification de l’acte d’accusation, le Procureur général par intérim a tenté de retrouver M. Merhi et obtenu les informations suivantes auprès des autorités libanaises compétentes :

• la Direction générale du statut personnel du Ministère de l’intérieur et des municipalités ne dispose pas de certificat de décès au nom de M. Merhi, ce qui signifie qu’il est vivant d’après les registres23 ;

• un « extrait de statut personnel individuel » délivré par la Direction générale du statut personnel mentionne le prénom de M. Merhi, son nom de famille, le nom de son père, les prénoms et le patronyme de sa mère, ses lieu et date de naissance, sa religion, son sexe, sa situation de famille, sa date de naissance et sa date d’enregistrement24 ;

21 Request for assistance from the Prosecutor of the Special Tribunal for Lebanon to the Government of Lebanon, 5 juin 2012.

22 Au 7ème étage de l’immeuble Gardenia, route El-Abiyad à El-Roueiss.

23 Rapport du Procureur général par intérim du 26 septembre 2013 et réponse annexée de la Direction générale du statut personnel, 23 septembre 2013.

24 Rapport du Procureur général par intérim du 26 septembre 2013 et extrait annexé de statut personnel individuel de M. Merhi délivré par la Direction générale du statut personnel, 23 septembre 2013.

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• un « extrait de statut personnel familial » délivré par la Direction générale du statut personnel mentionne les noms de M. Merhi et des membres de sa famille directe, le nom de leur père, le nom de jeune fille de leur mère, leurs lieux et dates de naissance, leur religion, leur situation de famille, leur sexe et leur date d’enregistrement25 ;

• la « liste électorale (hommes) » de la municipalité de Zqaq-El-Blat à Beyrouth mentionne le nom de M. Merhi pour la période électorale 2013-201426 ;

• les registres du Service d’immatriculation des véhicules indiquent qu’aucun véhicule n’est enregistré au nom de M. Merhi27 ;

• le Directeur général par intérim des affaires immobilières a confirmé que M. Merhi possède des biens immobiliers figurant au cadastre des propriétés immobilières sous les numéros suivants :

˚ 352 à Ain Qana, Nabatiyeh, et

˚ 2501 (section 27) à Baabda, Bourj-El-Barajneh, Beyrouth28 ;

• le Bureau des archives et documents de la Direction générale de la sûreté générale n’a aucune trace de M. Merhi29 ;

• M. Merhi n’est pas enregistré à la caisse de sécurité sociale nationale30 ;

• le Ministère du travail n’a aucune trace d’une demande d’emploi de femme de ménage effectuée par M. Merhi31 ;

25 Rapport du Procureur général par intérim du 26 septembre 2013 et extrait annexé de statut personnel familial de M. Merhi délivré par la Direction générale du statut personnel, 23 septembre 2013.

26 Rapport du Procureur général par intérim du 26 septembre 2013 et copie annexée de la liste électorale (Hommes) de Zqaq-El-Blat pour la période électorale 2013-2014 délivrée par la Direction générale du statut personnel, 23 septembre 2013.

27 Rapport du Procureur général par intérim du 24 septembre 2013 et réponse annexée du Bureau d’immatriculation des véhicules (Service de gestion du trafic, des poids lourds et des véhicules au Ministère de l’intérieur et des municipalités), 18 septembre 2013.

28 Rapport du Procureur général par intérim du 24 septembre 2013 ; réponse annexée du Directeur général par intérim des affaires immobilières, 18 septembre 2013 ; et fiche d’information sur les propriétés immobilières annexée délivrée par la Direction générale des affaires immobilières, 18 septembre 2013.

29 Rapport du Procureur général par intérim du 24 septembre 2013 et réponse annexée du Chef du Bureau des archives et documents, 18 septembre 2013.

30 Rapport du Procureur général par intérim du 24 septembre 2013 et réponse annexée de la Direction des statistiques et méthodes de travail de la Caisse de sécurité sociale nationale 19 septembre 2013.

31 Rapport de la DICC, n° 1455/302, 18 septembre 2013, joint au rapport du Procureur général par intérim

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• M. Merhi a obtenu deux passeports, délivrés les 22 septembre 1993 et 19 octobre 200732 ; et

• les registres d’entrée et de sortie officiels du Liban concernant M. Merhi indiquent qu’il n’a pas officiellement quitté le pays depuis qu’il est rentré au Liban le 18 octobre 2002 après un séjour en Syrie33.

19. Le 12 août 2013, le Procureur général par intérim a envoyé le mandat d’arrêt de M. Merhi au chef de la DICC. Le lendemain, la DICC a fait diffuser un avis de recherche de M. Merhi34. En temps normal, des agents de la DICC auraient tenté d’appréhender celui-ci à sa dernière résidence connue. Or, le 15 août 2013, un véhicule piégé contenant une centaine de kilogrammes d’explosifs a détoné à Dahyieh, Beyrouth. Selon un rapport de la DICC, le Hezbollah a ensuite procédé au déploiement à grande échelle de ses forces de sécurité dans cette zone et installé des barricades fixes à l’entrée de chaque rue menant à Dahyieh35.

20. Le Procureur général par intérim a indiqué que des agents de la DICC avaient tenté de pénétrer dans Dahyieh à plusieurs reprises afin de rechercher M. Merhi, mais que ces mesures de sécurité les en avaient empêchés. Les barricades, selon les déclarations desdits agents de la DICC, leur interdisaient l’accès à l’appartement de Dahyieh, résidence déclarée de M. Merhi. Des agents de la DICC ont contacté le Comité de sécurité du Hezbollah afin de négocier l’accès à la zone mais, après plusieurs appels, on leur a répondu qu’ils ne pourraient s’acquitter de leur mission concernant M. Merhi à Dahyieh ou à Ain Qana, au Sud-Liban, en raison de ces mesures de sécurité36.

du 24 septembre 2013.

32 Rapport du Procureur général par intérim du 4 octobre 2013 ; réponse annexée du Directeur général de la sûreté générale, 4 octobre 2013 ; et copie annexée de la demande de passeport.

33 Rapport du Procureur général par intérim du 4 octobre 2013 ; réponse annexée du Directeur général de la sûreté générale, 4 octobre 2013 ; et registre des entrées/sorties délivré par la Direction générale de la sûreté générale.

34 Rapport de la DICC, n° 1249/302, 13 août 2013, joint au rapport du Procureur général par intérim du 6 septembre 2013.

35 Rapport de la DICC, n° 1249/302, 13 août 2013, joint au rapport du Procureur général par intérim du 6 septembre 2013.

36 Rapport de la DICC, n° 1249/302, 13 août 2013, joint au rapport du Procureur général par intérim du Liban du 6 septembre 2013.

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21. Selon les informations de la Chambre de première instance tirées des rapports du Procureur général par intérim, les mesures de sécurité prises à Dahyieh ont empêché la DICC de pénétrer dans les environs pour tenter de retrouver M. Merhi dans sa dernière résidence connue à Dahyieh, jusqu’au 6 décembre 201337. Lorsque des agents ont pénétré dans cette zone à cette date, on leur a indiqué que M. Merhi ne se trouvait pas dans l’appartement38. Ils sont revenus et ont poursuivi leurs recherches et investigations le 10 décembre 2013, mais ces opérations sont restées vaines39. Des agents de la DICC se sont également rendus à Ain Qana, au Sud-Liban, les 7 décembre 2013 et 15 décembre 2015, mais on leur a fait savoir que M. Merhi ne se trouvait pas dans son village natal et qu’il n’y habitait pas40.

Signification par d’autres moyens – en droit libanais

22. Réagissant au rapport du Procureur général par intérim du 6 septembre 201341, le Président du Tribunal a déclaré, le 10 octobre 2013, qu’il était convaincu que « des efforts raisonnables [avaient] été faits par le Tribunal et les autorités libanaises pour signifier l’acte d’accusation et le mandat d’arrêt délivré à l’encontre de l’Accusé ». Le Président a ordonné que l’acte d’accusation soit signifié par d’autres moyens.

23. La signification à personne prévue par l’article 76 du Règlement et l’article 147 du Code de procédure pénale libanais n’ayant pu être effectuée, comme en témoignent les tentatives infructueuses d’aller directement à la dernière résidence connue de M. Merhi, à l’appartement de Dahyieh, le Procureur général par intérim a appliqué

37 Rapport de la DICC, n° 1249/302, 13 août 2013 (examiné le 6 septembre 2013), joint au rapport du Procureur général par intérim du Liban du 6 septembre 2013 ; Rapport de la DICC, n° 1663/302, 28 octobre 2013 (examiné le 6 novembre 2013), joint à Report of the Acting Prosecutor-General, 6 novembre 2013 (« Rapport du Procureur général par intérim du 6 novembre 2013 ») ; et Rapport de la DICC, n° 1800/302, 10 décembre 2013, joint à Report of the Acting Prosecutor-General, 16 décembre 2013 (« Rapport du Procureur général du 16 décembre 2013 »).

38 Report of the Acting Prosecutor-General, 18 décembre 2013(« Rapport du Procureur général par intérim du 18 décembre 2013 »).

39 Rapport du Procureur général par intérim du 18 décembre 2013.

40 Rapport du Procureur général par intérim du 18 décembre 2013.

41 Report dated 6 September 2013 from Judge Samir Hammoud, Acting Public Prosecutor at the Court of Cassation adressed to Daryl Mundis, Registrar of the Special Tribunal for Lebanon (référence : 100/I.T./2013), Annexe A confidentielle et ex parte de l’Ordonnance rendue en application de l’article 76 E).

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l’article 148 du Code libanais, selon lequel la signification d’un acte d’accusation visant une personne sans domicile connu s’effectue par i) affichage d’une copie sur la porte du dernier domicile connu de cette personne ; ii) communication d’une copie au mokhtar ; et iii) affichage d’une copie sur la porte de la juridiction requérante.

24. Le Procureur général par intérim a enjoint à la DICC de convoquer les mokhtars des quatre lieux de résidence possibles de M. Merhi, à Bourj-El-Barajneh, Haret-Hreik, Zqaq-El-Blat à Beyrouth et dans le village de Ain Qana au Sud-Liban. La DICC a convoqué les quatre mokhtars, mais aucun d’entre eux ne s’est présenté le jour prévu pour son audition42.

25. Des copies de l’acte d’accusation et du mandat d’arrêt de M. Merhi ont aussi été affichées sur la porte d’entrée du Bureau de Beyrouth du Tribunal spécial à Monteverde, Beyrouth. Le Procureur général par intérim a également enjoint à la DICC de mettre en place un numéro d’appel 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 afin de recevoir toutes informations éventuelles concernant M. Merhi.

26. Le Procureur général par intérim a aussi demandé que des agents de la DICC affichent des copies de l’acte d’accusation et du mandat d’arrêt de M. Merhi à son dernier lieu de résidence connu, de consigner leurs actions et de prendre des photographies de chaque tentative de signification. À la demande du même Procureur et dans le cadre de leur mission, des agents de la DICC ont rencontré à plusieurs reprises des membres du Comité central de sécurité du Hezbollah.

27. Le 5 novembre 2013, la DICC a rencontré de nouveau un représentant du Hezbollah dans les bureaux du Comité central de sécurité du Hezbollah à Beyrouth. Selon le rapport de la DICC, ce représentant a contacté le chef du Comité, et a ensuite empêché les agents de la DICC de se rendre aux adresses de M. Merhi afin d’exécuter la demande de signification des documents par voie d’affichage sur la porte de son appartement et de prendre des photographies. Des agents de la DICC ont rapporté que le représentant du Hezbollah leur avait signalé l’impossibilité de se rendre aux adresses indiquées, la famille de M. Merhi étant vivement contrariée par

42 Rapport de la DICC, n° 1455/302, 18 septembre 2013, joint au rapport du Procureur général par intérim du 24 septembre 2013.

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le fait que son nom ait été diffusé dans les médias comme celui d’un accusé dans l’affaire de l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri et de ses compagnons43. Les agents de la DICC ont indiqué qu’il s’agissait selon eux d’un « prétexte » visant à les empêcher d’entrer dans Dahyieh.

28. Prenant note de l’impossibilité pour le Procureur général par intérim de remettre aux mokhtars l’acte d’accusation et le mandat d’arrêt établis contre M. Merhi, le Greffier a, le 17 décembre 2013, envoyé ces documents par courrier recommandé via la Poste libanaise aux mokhtars de Bourj-El-Barajneh, Haret-Hreik, Zqaq-El-Blat et du village de Ain Qana au Sud-Liban. Le 20 décembre 2013, le Greffier a fait savoir à la Chambre de première instance que : i) les mokhtars de Haret-Hreik et Ain Qana avaient reçu le courrier recommandé le 18 décembre 2013, que ii) par deux fois, on avait tenté de remettre la lettre au mokhtar de Zqaq-El-Blat, sans succès, à la suite de quoi un avis de passage avait été laissé à son adresse, et que iii) au 20 décembre 2013, la remise de la lettre au mokhtar de Bourj-El-Barajneh n’avait pu être effectuée44.

Autres moyens d’effectuer la signification – Article 76 du Règlement

29. Le 10 octobre 2013, le Président du Tribunal a, pour les besoins de l’article 76 E) du Règlement, procédé à un examen d’ensemble des tentatives faites par les autorités libanaises pour signifier l’acte d’accusation et les documents connexes à M. Merhi et pour exécuter le mandat d’arrêt. Il a conclu qu’elles avaient été raisonnables45. Prenant note des tentatives infructueuses de signification de l’acte d’accusation à M. Merhi en personne, il a ordonné que la signification de l’exploit soit effectuée d’une autre manière, notamment par voie d’annonce publique. Il a demandé au Greffier de prendre toutes mesures raisonnables afin de transmettre une forme d’annonce aux autorités libanaises, plus particulièrement au Procureur général par intérim, pour qu’elles prennent toutes mesures raisonnables afin de notifier au public

43 Rapport de la DICC, n° 1602/302, 18 octobre 2013, joint au rapport du Procureur général par intérim du 6 novembre 2013.

44 Courriel du Greffier aux juristes de la Chambre de première instance, 20 décembre 2013.

45 Ordonnance rendue en application de l’article 76 E), 10 octobre 2013.

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l’existence de l’acte d’accusation et appellent M. Merhi à se livrer au Tribunal ou, en tout état de cause, à se soumettre à sa compétence, conformément, notamment, aux procédures libanaises pertinentes

30. L’article 76 bis dispose que l’annonce sera transmise « à des fins de publication dans les journaux et/ou de diffusion à la radio, à la télévision et/ou dans d’autres médias, notamment l’internet ». Le Président a également demandé au Greffier d’étudier d’autres moyens de diffuser l’annonce au Liban, le cas échéant, et dans d’autres pays, et d’appeler M. Merhi à se soumettre à la compétence du Tribunal46. Le Tribunal spécial dispose d’un compte Twitter – qui, au 20 décembre 2013, était suivi par 12 011 personnes – d’un compte Facebook et d’un site Scribd47.

31. Le même jour, à la demande de l’Accusation48, le Juge de la mise en état a partiellement levé la confidentialité de l’acte d’accusation49. À la suite de cela, le Bureau de presse du Tribunal spécial a également publié deux communiqués de presse, l’un portant sur l’ordonnance rendue en application de l’article 76, l’autre sur la levée de la confidentialité de l’acte d’accusation50.

32. Le 11 octobre 2013, le Tribunal a publié une annonce de l’acte d’accusation sous forme d’affiche (voir ci-dessous) dans un communiqué de presse. Cette affiche a également été placardée sur le tableau d’affichage judiciaire situé à l’entrée des chambres pénales de la Cour de cassation de Beyrouth51. Le Bureau de presse du Tribunal a fait paraître ces annonces sur Facebook et envoyé trois tweets en anglais

46 STL-13-04/I/PRES, Ordonnance rendue en application de l’article 76 E), 10 octobre 2013, Dispositif.

47 www.scribd.com/STLebanon.

48 STL-13-04/PT/PTJ (sic), Prosecution Request for Partially Lifting the Confidentiality of the Indictment, Confidential and Ex Parte with Confidential and Ex Parte Annex A, 4 octobre 2013.

49 STL-13-04/I/PTJ, Ordonnance portant levée partielle de la confidentialité de l’acte d’accusation à l’encontre de M. Hassan Habib Merhi, 10 octobre 2013.

50 « Le TSL met en accusation Hassan Habib Merhi dans l’affaire de l’attentat du 14 février 2005 à Beyrouth », http://www.stl-tsl.org/en/media/press-releases/10-10-2013-stl-indicts-hassan-habib-merhi-in-14-february-2005-beirut-attack et « Le Procureur Norman Farrell se félicite des décisions du Juge de la mise en état confirmant l’acte d’accusation visant Hassan Habib Merhi et le rendant public », http://www.stl-tsl.org/en/media/press-releases/10-10-2013-prosecutor-farrell-welcomes-the-pre-trial-judges-decisions-confirming-the-indictment-against-hassan-habib-merhi-and-lifting-confidentiality.

51 Rapport de la DICC, n° 1602/302, 18 octobre 2013, joint au rapport du Procureur général par intérim du 6 novembre 2013.

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comportant des liens vers la version de l’affiche en langue arabe. Le Procureur général par intérim a fait paraître l’annonce dans cinq journaux : L’Orient Le Jour52, As-Safir53, Al-Mustaqbal54, The Daily Star55 et An Nahar56.

33. Le même jour, le Greffier a envoyé l’affiche du mandat d’arrêt au Procureur général par intérim afin qu’il la diffuse. Le mandat d’arrêt est intitulé comme suit :

MANDAT D’ARRÊT DÉLIVRÉ PAR LE TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LE LIBAN

Il contient deux photographies de M. Merhi, ses nom, portrait, renseignements biographiques ainsi que les charges retenues contre lui. Au bas de l’affiche figure la mention suivante,

SI VOUS AVEZ DES INFORMATIONS SUR CET INDIVIDU, VEUILLEZ CONTACTER :

Sous cette mention figurent trois cases contenant notamment le numéro de téléphone dédié du Tribunal aux Pays-Bas et de son bureau local à Beyrouth57.

52 « Le Liban sollicité par le TSL pour la publication de l’affiche publique de Hassan Merhi », 12 octobre 2013 et « Le TSL demande aux autorités libanaises de publier des affiches sur lesquelles figure Hassan Merhi », 14 octobre 2013.

53 « [TRADUCTION] Le tribunal international confirme l’acte d’accusation établi contre Merhi », 11 octobre 2013.

54 « [TRADUCTION] Un cinquième membre du Hezbollah accusé dans l’assassinat de Hariri », 11 octobre 2013.

55 « [TRADUCTION] Le TSL publie des affiches du cinquième suspect du Hezbollah », 11 octobre 2013.

56 An Nahar, 12 octobre 2013.

57 « Avis aux médias – Le TSL demande aux autorités libanaises de prendre des mesures additionnelles aux fins d’annonce publique d’un nouvel accusé », http://www.stl-tsl.org/en/media/press-releases/11-10-2013-stl-requests-that-the-lebanese-authorities-take-further-steps-to-advertise-new-accused .

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34. Ce communiqué de presse a été repris par divers médias. L’affiche a été publiée dans son intégralité dans des journaux libanais, dont L’Orient Le Jour58 et An Nahar59. NOW Lebanon Media60, Naharnet61, The Daily Star62, Aliwaa63, Al-Mustaqbal64, As-Safir65 et Al-Wasat66 (un journal bahreïni) ont publié les parties de l’affiche contenant notamment la photographie de M. Merhi, ou bien sa photographie.

58 « Le Liban sollicité par le TSL pour la publication de l’affiche publique de Hassan Merhi », 12 octobre 2013 et « Le TSL demande aux autorités libanaises de publier des affiches sur lesquelles figure Hassan Merhi », 14 octobre 2013.

59 An Nahar, 12 octobre 2013.

60 « [TRADUCTION] Le TSL rend public le mandat d’arrêt délivré contre Merhi », 14 octobre 2013.

61 « [TRADUCTION] Le TSL met en accusation un cinquième “partisan du Hezbollah” dans l’assassinat de Hariri », 10 octobre 2013 et « [TRADUCTION] Le TSL demande aux autorités libanaises de publier des affiches sur lesquelles figure Merhi dans les médias », 11 octobre 2013.

62 « [TRADUCTION] Le TSL publie des affiches du cinquième suspect du Hezbollah », 11 octobre 2013.

63 « [TRADUCTION] Le Tribunal met en accusation un cinquième accusé dans l’assassinat de Hariri », 11 octobre 2013.

64 « [TRADUCTION] Un cinquième membre du Hezbollah accusé dans l’assassinat de Hariri », 11 octobre 2013.

65 « [TRADUCTION] Le tribunal international confirme l’acte d’accusation établi contre Merhi », 11 octobre 2013.

66 « [TRADUCTION] Le tribunal spécial pour le Liban demande aux autorités libanaises de prendre des mesures additionnelles en vue d’annoncer l’existence d’un nouvel accusé dans l’affaire de l’assassinat de Hariri », 14 octobre 2013.

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Diffusion et publication de l’identité de M. Merhi en rapport avec l’acte d’accusation

35. Le bureau de presse du Tribunal spécial a publié deux communiqués le 10 octobre 2013 intitulés « Le TSL met en accusation Hassan Habib Merhi dans l’affaire de l’attentat du 14 février 2005 à Beyrouth67 » et « Le Procureur Norman Farrell se félicite des décisions du Juge de la mise en état confirmant l’acte d’accusation visant Hassan Habib Merhi et le rendant public68 », annonçant que « [l]e Juge de la mise en état du Tribunal spécial pour le Liban a confirmé un acte d’accusation à l’encontre de Hassan Habib Merhi, qui est accusé d’avoir été impliqué dans l’attentat du 14 février 2005 à Beyrouth ». Le bureau de presse du Tribunal a publié ces annonces sur Facebook et envoyé huit tweets comprenant des liens vers les deux annonces en anglais.

67 « Le TSL met en accusation Hassan Habib Merhi dans l’affaire de l’attentat du 14 février 2005 à Beyrouth », http://www.stl-tsl.org/en/media/press-releases/10-10-2013-stl-indicts-hassan-habib-merhi-in-14-february-2005-beirut-attack.

68 « Le Procureur Norman Farrell se félicite des décisions du Juge de la mise en état confirmant l’acte d’accusation visant Hassan Habib Merhi et le rendant public », http://www.stl-tsl.org/en/media/press-releases/10-10-2013-prosecutor-farrell-welcomes-the-pre-trial-judges-decisions-confirming-the-indictment-against-hassan-habib-merhi-and-lifting-confidentiality.

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36. L’ensemble des principaux médias libanais en ont fait état, dont Al-Akhbar69, As-Safir70, An Nahar71, Al-Mustaqbal72, Al Liwa73, The Daily Star74, L’Orient Le Jour75, Al-Hayat76, Ad-Diyar77, National News Agency (NNA)78, Al-Joumhouria79, NOW Lebanon Media80 et Naharnet81. Le contenu du communiqué de presse a également

69 « [TRADUCTION] Le tribunal lève la confidentialité d’un acte d’accusation “public” : un cinquième accusé dans l’assassinat de Hariri », 11 octobre 2013.

70 « [TRADUCTION] Le tribunal international confirme l’acte d’accusation visant Merhi », 11 octobre 2013, et « [TRADUCTION] Un nouveau mandat d’arrêt délivré par le tribunal international contre Merhi », 15 octobre 2013.

71 « [TRADUCTION] Le tribunal international révèle que l’accusé a fabriqué “Abu Adas” », 11 octobre 2013 ; « [TRADUCTION] Le tribunal ajoute un nouvel accusé aux quatre autres, Farrell : L’Accusation travaille afin de présenter des éléments de preuve fiables et crédibles », 11 octobre 2013 et « [TRADUCTION] Mandat d’arrêt international délivré contre Merhi », 15 octobre 2013.

72 « [TRADUCTION] Un cinquième membre du Hezbollah accusé dans l’assassinat de Hariri », 11 octobre 2013.

73 « [TRADUCTION] Le Tribunal met en accusation un cinquième accusé dans l’assassinat de Hariri », dans deux autres pages il publie la version complète en langue arabe de l’acte d’accusation public expurgé sous le titre « [TRADUCTION] L’acte d’accusation établi contre le cinquième accusé Hassan Habib Merhi dans l’assassinat de Hariri », 11 octobre 2013 et « [TRADUCTION] Un nouveau mandat d’arrêt délivré contre Hassan Merhi dans l’affaire de l’assassinat de Hariri », 15 octobre 2013.

74 « [TRADUCTION] Le TSL désigne un “partisan” du Hezbollah comme cinquième suspect », 11 octobre 2013 et « [TRADUCTION] Les avocats du dernier suspect du TSL demandent la suspension du procès », 14 octobre 2013.

75 « TSL : un cinquième suspect inculpé dans le procès Hariri », 11 octobre 2013 et « Malvoyance » (éditorial), 13 octobre 2013.

76 « [TRADUCTION] Un cinquième accusé dans l’assassinat de Hariri », 11 octobre 2013.

77 « [TRADUCTION] Le Tribunal international délivre un mandat d’arrêt contre Hassan Merhi et l’accuse d’avoir (fabriqué) la “cassette vidéo” Abu Adas, 11 octobre 2013, et « [TRADUCTION] Le Tribunal international : Un nouveau mandat d’arrêt délivré contre Merhi qui a été impliqué dans l’attentat du 14 février », 15 octobre 2015.

78 « Le TSL demande aux autorités libanaises de prendre des mesures additionnelles aux fins d’annonce publique d’un nouvel accusé », 11 octobre 2013, et « TSL : Mandat d›arrêt émis à l›encontre de Hassan Habib Merhi », 14 octobre 2013.

79 « [TRADUCTION] Le Tribunal international ajoute un cinquième accusé, 11 octobre 2013 ; « Le TSL délivre un mandat d’arrêt contre Hassan Habib Mehri », 14 octobre 2013, et « [TRADUCTION] Mandat d’arrêt international émis contre le cinquième accusé », 15 octobre 2015.

80 « [TRADUCTION] Qui est Hassan Merhi? », 10 octobre 2013 ; « [TRADUCTION] Le TSL met en accusation un nouveau suspect dans le meurtre de Hariri », 10 octobre 2013, et « [TRADUCTION] Le TSL rend public un mandat d’arrêt contre Merhi », 14 octobre 2013.

81 « [TRADUCTION] Le TSL met en accusation un cinquième ‹partisan du Hezbollah› dans l’assassinat de Hariri », 10 octobre 2013.

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été diffusé le même jour sur LBC TV82, MTV83, Télé Liban84, OTV85, Future TV86 et Al Jadeed87. Ces informations ont aussi été relayées le 10 octobre 2013 par des médias panarabes dont Al-Hayat88, Al-Arabiya89, Kuwait News Agency (KUNA)90 et Al-Rai91, et, le 11 octobre 2013, par Al-Jazeera92 et Asharq Al-Awsat93. Ces communiqués de presse ont également été repris par des médias internationaux94.

82 « [TRADUCTION] REPORTAGE : Le tribunal pour le Liban publie un mandat d’arrêt pour un nouveau suspect dans l’assassinat de Hariri en 2005 », 10 octobre 2013.

83 « [TRADUCTION] Hassan Habib Merhi, le cinquième accusé dans l’assassinat de Hariri », 10 octobre 2013, et « [TRADUCTION] Quel rôle le cinquième suspect mis en accusation a-t-il joué dans l’assassinat de Hariri ? », 11 octobre 2013.

84 Télé Liban, 10 octobre 2013.

85 OTV, 10 octobre 2013.

86 Future TV, 10 octobre 2013.

87 Al Jadeed, 10 octobre 2013.

88 « [TRADUCTION] Un cinquième accusé dans l’assassinat de Hariri », 10 octobre 2013.

89 « [TRADUCTION] Le tribunal mis en place par l’ONU met en accusation un cinquième suspect », 10 octobre 2013.

90 « [TRADUCTION] Le Tribunal pour le Liban met en accusation Hassan Habib Merhi pour l’attentat commis à Beyrouth en 2005 », 10 octobre 2013.

91 « [TRADUCTION] Le Tribunal pour le Liban annonce qu’un acte d’accusation a été établi contre un cinquième membre du Hezbollah impliqué dans le meurtre de Hariri », 10 octobre 2013.

92 « [TRADUCTION] Le Tribunal met en accusation un nouveau suspect dans le meurtre de Hariri », 11 octobre 2013 (Al-Jazeera anglais).

93 « [TRADUCTION] Le Tribunal international délivre un mandat d’arrêt contre un cinquième accusé membre du Hezbollah dans l’assassinat de Hariri », 10 octobre 2013.

94 The New York Times (« [TRADUCTION] Un cinquième suspect est mis en accusation dans l’assassinat de l’ex-premier ministre libanais en 2005 », 10 octobre 2013) ; AP (« [TRADUCTION] Le Tribunal met en accusation un cinquième suspect dans le meurtre de Hariri », 10 octobre 2013), Reuters (« [TRADUCTION] Le tribunal pour le Liban désigne un nouveau suspect dans l’assassinat de Hariri en 2005 », 10 octobre 2013, et « Nouveau suspect dans le procès du meurtre de Rafic Hariri », 10 octobre 2013) ; AFP (« [TRADUCTION] Un tribunal mis en place par l’ONU met en accusation un cinquième suspect », 10 octobre 2013) ; BBC (« [TRADUCTION] Liban Hariri : un cinquième suspect mis en accusation pour meurtre », 10 octobre 2013) ; UPI (« [TRADUCTION] Un cinquième suspect désigné dans l’assassinat de Hariri », 10 octobre 2013); RTT (« [TRADUCTION] Mandat d’arrêt délivré contre un cinquième suspect dans l’assassinat du Premier ministre libanais Hariri », 10 octobre 2013) ; The Washington Post (« [TRADUCTION] Un tribunal créé par l’ONU met en accusation un cinquième suspect dans le meurtre de l’ancien Premier ministre libanais Hariri en 2005 », 10 octobre 2013) ; Le Monde (« Un cinquième suspect inculpé pour l’assassinat de Rafic Hariri », 10 octobre 2013) ; Deutsche Welle (« [TRADUCTION] Le Tribunal spécial pour le Liban met en accusation un cinquième suspect dans l’assassinat de Hariri », 10 octobre 2013) ; Le Nouvel Observateur (« Nouveau suspect dans le procès du meurtre de Rafic Hariri », 10 octobre 2013) ; France 24 (« Un cinquième membre du Hezbollah suspecté du meurtre de Rafic Hariri », 10 octobre 2013) ; et La Presse (« Liban: un cinquième suspect inculpé dans le procès Hariri », 10 octobre 2013).

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37. Entre le 10 et le 30 octobre 2013, le porte-parole du Tribunal spécial a organisé des entretiens en arabe et en anglais avec la presse écrite et audiovisuelle et les médias électroniques, dont le Daily Star au Liban95, le média panarabe Al Hayat96 et des médias internationaux dont The New York Times97. Le nom de M. Merhi et ses liens présumés avec l’attentat du 14 février 2005 ont été mentionnés lors de chaque entretien. Les entretiens ont également été couverts par les agences de presse AFP98, Associated Press99 et Reuters100, dont les dépêches sont publiées dans le monde entier par de nombreux organes d’information. Le porte-parole a aussi été interviewé le 13 octobre 2013 dans Ousbou Bi Saa, une émission d’actualités populaire de la chaîne de télévision libanaise Al Jadeed, lors de laquelle le nom complet de M. Merhi ainsi que l’acte d’accusation lié à sa participation présumée à l’attentat du 14 février 2005 ont été mentionnés.

38. Le 28 octobre 2013, le Tribunal a publié un « Bulletin d’actualité judiciaire » résumant les activités judiciaires du Tribunal. Ce bulletin, distribué en arabe, français et anglais, aux médias, à la communauté diplomatique et au grand public, fait notamment largement référence à l’acte d’accusation visant M. Merhi, contient sa photographie, des renseignements biographiques et énonce les charges retenues contre lui. Il peut également être consulté sur le site Internet du Tribunal spécial101.

Diffusion d’un enregistrement audio des chefs d’accusation

39. Le 14 octobre 2013, le Tribunal spécial a publié un communiqué de presse intitulé « Annonce publique du Tribunal spécial pour le Liban » et comportant

95 « [TRADUCTION] Le TSL désigne un “partisan” du Hezbollah comme cinquième suspect », 10 octobre 2013.

96 « [TRADUCTION] Le Tribunal spécial pour le Liban délivre un mandat d’arrêt contre un cinquième accusé dans l’assassinat de Hariri », 10 octobre 2013.

97 « [TRADUCTION] Un cinquième suspect est mis en accusation dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais en 2005 », 10 octobre 2013.

98 « [TRADUCTION] Un tribunal mis en place par l’ONU concernant Hariri met en accusation un cinquième suspect, 13 octobre 2013.

99 « [TRADUCTION] Le Tribunal met en accusation un cinquième suspect dans le meurtre de Hariri, 10 octobre 2013.

100 « [TRADUCTION] Le Tribunal pour le Liban désigne un nouveau suspect dans le meurtre de Hariri en 2005 », 10 octobre 2013.

101 https://www.stl-tsl.org/en/media/judicial-brief.

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un lien vers un enregistrement audio des chefs d’accusation visant M. Merhi en arabe, français et anglais102. Cette annonce publique, destinée à être diffusée à la radio, précise en outre que ce message « s’inscrit dans le cadre d’une campagne d’annonce publique dont le but est d’informer l’accusé de ses droits et d’encourager la population à fournir aux autorités libanaises toute information concernant le lieu où il serait susceptible de se trouver ». Ce message audio invite également M. Merhi à participer à la procédure car « l’accusé [pourra ainsi] se défendre … pleinement contre les accusations portées à son encontre et les moyens de preuve présentés contre lui ». Le bureau de presse du Tribunal a publié ce message sur Facebook et envoyé trois tweets en anglais accompagnés de liens vers l’annonce radiophonique en arabe et anglais.

40. Ce message radio a été diffusé par les médias dont : NNA103, Naharnet104, Lebanese Broadcasting Corporation International (LBCI)105, An Nahar106, Al Jadeed107, Al-Mustaqbal108, Al Kalima online109, Sada el Balad,110 et The Tower111 le

102 « Annonce publique du Tribunal spécial pour le Liban » http://www.stl-tsl.org/en/media/press-releases/14-10-2013-a-public-service-announcement-by-the-special-tribunal-for-lebanon.

103 « [TRADUCTION] Le TSL fait une annonce publique concernant l’accusé Hassan Merhi », 14 octobre 2013.

104 « [TRADUCTION] Le TSL délivre un mandat d’arrêt public contre le cinquième suspect dans l’assassinat de Hariri », 14 octobre 2013.

105 « [TRADUCTION] Le TSL délivre un nouveau mandat d’arrêt contre Hassan Habib Merhi », 14 octobre 2013.

106 « [TRADUCTION] Le Tribunal international révèle que l’accusé a « fabriqué » Abu Adas’ », 14 octobre 2013.

107 Al Jadeed, 14 octobre 2013.

108 « [TRADUCTION] Le Tribunal international délivre un nouveau mandat d’arrêt contre Hassan Habib Merhi », 14 octobre 2013.

109 « [TRADUCTION] Le Tribunal international délivre un mandat d’arrêt contre Hassan Habib Merhi dans l’affaire de l’assassinat de Hariri », 14 octobre 2013.

110 « [TRADUCTION] Le Tribunal international délivre un mandat d’arrêt contre un membre potentiel du Hezbollah dans l’assassinat de Hariri », 14 octobre 2013.

111 « [TRADUCTION] Les critiques grandissantes à l’égard de la déstabilisation menée par le Hezbollah conduisent à un cinquième acte d’accusation dans l’affaire de l’assassinat », 14 octobre 2013.

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14 octobre 2013, et, le 15 octobre 2015, par le Daily Star112, L’Orient Le Jour113 et As-Safir114.

Diffusion de la déclaration publique du Président du Tribunal du 21 octobre 2013

41. Le 21 octobre 2013, le Tribunal a publié une déclaration de son Président appelant M. Merhi à se livrer au Tribunal spécial115. Le bureau de presse du Tribunal a également diffusé la déclaration sur Facebook et envoyé 14 tweets en arabe et en anglais comportant un lien vers la déclaration dans ces deux langues, dont voici un extrait :

Le Tribunal spécial pour le Liban a annoncé la confirmation d’un acte d’accusation établi à l’encontre de Hassan Habib Merhi en raison de sa participation à l’attentat du 14 février 2005 à Beyrouth, pour lequel quatre autres accusés doivent être jugés par défaut ; la date provisoire d’ouverture du procès a été fixée (13 janvier 2014).

Les autorités libanaises n’ont jusqu’ici pas réussi à retrouver M. Merhi. J’ai donc ordonné que la signification de l’acte d’accusation soit effectuée par d’autres moyens, notamment par voie d’annonce publique. Si, malgré les efforts déployés, M. Merhi n’était pas amené sous l’autorité du Tribunal, il sera demandé à la Chambre de première instance de décider de l’ouverture éventuelle d’un procès par défaut contre lui.

Je m’adresse à M. Merhi mais aussi au peuple libanais. M. Merhi, je vous invite à envisager la possibilité de vous présenter devant le Tribunal spécial, assisté du Bureau de la Défense dirigé par Maître François Roux et des conseils qu’il pourrait nommer pour vous représenter, si tel est votre souhait.

112 « [TRADUCTION] Le TSL invite le suspect du Hezbollah à participer à la procédure », 15 octobre 2013.

113 « Annonce publique du TSL pour informer l’accusé Merhi de ses droits », 15 octobre 2013.

114 « [TRADUCTION] Un nouveau mandat d’arrêt délivré par le Tribunal international contre Merhi », 15 octobre 2013.

115 « Déclaration de M. le juge Baragwanath, Président du Tribunal spécial pour le Liban », http://www.stl-tsl.org/en/media/press-releases/21-10-2013-statement-of-judge-baragwanath-president-of-the-special-tribunal-of-lebanon.

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42. Cette déclaration a été reprise dans les médias libanais le 21 octobre 2013 par : An Nahar116, NNA117, Naharnet118, KUNA119, Now Lebanon Media120, Lebanon Files121, Al-Watan Al-Arabi122 et United Press International (UPI)123. Le lendemain, elle a été publiée par The Daily Star124, L’Orient Le Jour125, As-Safir126, Al-Mustaqbal127, Al-Joumhouria128, Al-Khabar129 et Al-Wafed130.

43. Le 13 décembre 2013, le site Internet du Tribunal a publié un nouvel appel à M. Merhi émanant du Président du Tribunal spécial, comme suit,

Il y a sept semaines, le 21 octobre 2013, je vous ai invité à envisager votre comparution devant le Tribunal spécial pour le Liban afin de répondre des accusations formulées dans l’acte d’accusation vous visant. Ces accusations sont très graves et comprennent notamment la perpétration d’actes de terrorisme et d’homicide. Je vous recommande vivement de vous faire

116 « [TRADUCTION] Le Tribunal spécial pour le Liban confirme l’acte d’accusation contre Merhi », 21 octobre 2013.

117 « Le TSL annonce la confirmation d’un acte d’accusation à l’encontre de Hassan Merhi », 21 octobre 2013.

118 « [TRADUCTION] TSL : Le cinquième suspect dans l’assassinat de Hariri peut être jugé par défaut s’il n’est pas retrouvé », 21 octobre 2013.

119 « [TRADUCTION] Le Tribunal pour le Liban invite le nouvel accusé dans l’affaire Hariri à comparaître devant le tribunal », 21 octobre 2013.

120 « [TRADUCTION] Le Tribunal spécial pour le Liban confirme l’acte d’accusation contre Hassan Merhi », 21 octobre 2013.

121 « [TRADUCTION] Le Président du Tribunal spécial pour le Liban : Nous ne pouvons pas intervenir dans la politique du Liban et je demande aux Libanais de nous aider », 21 octobre 2013.

122 « [TRADUCTION] Le Tribunal dans l’affaire Hariri met en accusation un cinquième (membre) du Hezbollah », 21 octobre 2013.

123 « [TRADUCTION] Le Tribunal a besoin d’aide en ce qui concerne le cinquième suspect dans l’affaire Hariri », 21 octobre 2013.

124 « [TRADUCTION] Le Président du Tribunal invite le cinquième suspect à se livrer à la justice », 22 octobre 2013.

125 « Baragwanath envisage le procès par défaut pour le cinquième accusé dans l’affaire Hariri », 22 octobre 2013.

126 « [TRADUCTION] Le Tribunal pour le Liban invite Merhi à comparaître devant lui », 22 octobre 2013.

127 « [TRADUCTION] Le Tribunal confirme la mise en accusation de Merhi pour sa participation à l’assassinat de Hariri », 22 octobre 2013.

128 « [TRADUCTION] TSL : La déclaration de Baragwanath n’est pas considérée comme étant un nouvel acte d’accusation », 22 octobre 2013.

129 « [TRADUCTION] L’affaire Hariri sera examinée le 13 janvier », 22 octobre 2013.

130 « [TRADUCTION] Le tribunal international examinera l’affaire Hariri le 13 janvier », 22 octobre 2013.

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conseiller juridiquement et d’avoir recours aux services d’un avocat pour vous représenter devant le Tribunal. Plutôt que de comparaître en personne aux Pays-Bas, vous pouvez également bénéficier du droit de participer aux audiences par vidéoconférence.

44. Ce nouvel appel a été diffusé dans les médias, notamment par : Naharnet131, El-Nashra132, Al-Mustaqbal133, Al-Dostoor134, MTV135, Al Yawm Al-Sabeh136, Al Jareeda137, Tayyar.org138, KUNA139, NNA140 et L’Orient Le Jour141.

Diffusion et couverture médiatique de l’acte d’accusation en l’affaire Ayyash

45. L’acte d’accusation dans l’affaire Ayyash est pour l’essentiel identique à celui visant M. Merhi, les chefs d’accusation qui y sont exposés découlant des mêmes allégations factuelles concernant les mêmes événements du 14 février 2005. M. Merhi y est présenté comme un coaccusé avec les quatre Accusés en l’affaire Ayyash, et l’acte d’accusation établi contre lui montre à l’évidence qu’il est la personne dénommée « S3/S15 » dans l’acte d’accusation modifié en l’affaire Ayyash.

131 « [TRADUCTION] Le président du TSL invite de nouveau Merhi à comparaître devant le tribunal, à engager un avocat », 14 décembre 2013.

132 « [TRADUCTION] Baragwanath par lettre adressée à Merhi : ayez recours aux services d’un avocat et faites-vous représenter », 13 décembre 2013.

133 « [TRADUCTION] Baragwanath invite l’accusé Merhi à nommer un avocat », 14 décembre 2013.

134 « [TRADUCTION] Le Tribunal international invite un accusé dans l’assassinat de Hariri à comparaître par vidéoconférence », 13 décembre 2013.

135 « [TRADUCTION] Baragwanath invite Hassan Habib Merhi à se faire conseiller juridiquement et à nommer un avocat », 13 décembre 2013.

136 « [TRADUCTION] Le Tribunal international invite un accusé dans l’assassinat de Hariri à comparaître par vidéoconférence », 13 décembre 2013.

137 « [TRADUCTION] Le Tribunal international invite un accusé dans l’assassinat de Hariri à comparaître par vidéoconférence », 13 décembre 2013.

138 « [TRADUCTION] Quel est le contenu de la lettre adressée par le Président du Tribunal spécial à l’accusé dans l’assassinat de Hariri ? », 13 décembre 2013.

139 Sur ses sites Internet en anglais et en arabe : « Le Tribunal spécial pour le Liban invite l’accusé Habib Merhi à nommer un avocat », 13 décembre 2013.

140 « Baragwanath à Hassan Merhi : Je vous recommande vivement de vous faire conseiller juridiquement et d’avoir recours aux services d’un avocat », 13 décembre 2013.

141 « TSL : 2e appel du juge Baragwanath à Hassan Habib Merhi l’invitant à se livrer à la justice », 14 décembre 2013.

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La principale différence procédurale réside dans le fait que M. Merhi est mis en accusation deux ans après les quatre coaccusés.

46. La Chambre de première instance a rendu sa décision portant ouverture d’une procédure par défaut à l’encontre de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra le 1er février 2012. Toutefois, avant d’en décider ainsi, la Chambre a examiné cette question dans le contexte de la publicité très large accordée à la possible mise en accusation des quatre accusés avant leur mise en accusation, concluant, au paragraphe 63 de la décision :

Le public libanais est ainsi informé depuis au moins le 17 janvier 2011 de l’existence d’un acte d’accusation relatif aux événements du 14 février 2005 et, de façon non officielle (mais néanmoins exacte), depuis le 30 juin 2011, du nom des personnes soupçonnées d’être accusées du crime. Et, officiellement, depuis le 29 juillet 2011, il connaît les identités précises des personnes effectivement mises en accusation. Chaque phase de cette procédure a été largement commentée dans les médias libanais. Aucun des quatre Accusés ne peut ignorer, au vu de l’ampleur de la couverture médiatique – au moins non officiellement depuis le 30 juin 2011 – qu’il est un possible accusé.

47. Et, au paragraphe 60 :

Après avoir examiné la couverture médiatique ainsi assurée, la Chambre de première instance peut conclure sans risque d’erreur que, dans un pays de la taille et du degré d’urbanisation du Liban, il était à cette date pratiquement impossible à quiconque d’ignorer a) les événements du 14 février 2005 ; b) l’existence de l’acte d’accusation du 30 juin 2011 ; et c) le lien établi entre les identités des quatre Accusés et l’acte d’accusation.

48. Après la publication de l’acte d’accusation et le retentissement qui en a résulté, la Chambre de première instance a conclu, au paragraphe 71, qu’« entre le 17 et le 19 août 2011, la quasi-totalité des médias de langue arabe au Liban ont diffusé l’acte d’accusation sous forme écrite, lors d’émissions télévisées et radiophoniques, ainsi que sur des sites Internet d’information ». Ayant analysé la pénétration des médias dans la société libanaise, elle statuait, au paragraphe 59 :

La Chambre de première instance a examiné quantité de documents, publiés dans la presse ainsi que dans les médias audiovisuels et électroniques libanais

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et internationaux, liant l’acte d’accusation aux noms et visages de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra. Afin d’établir si les quatre Accusés auraient pu être indépendamment avisés, par de telles informations, de leur mise en accusation, la Chambre de première instance a tenu compte de la concentration des médias et, partant, des possibilités de propagation de telles informations dans un pays géographiquement compact de la taille et de la population du Liban. Les « médias libanais » comptent environ trente-deux magazines et quatorze quotidiens, huit stations de télévision nationales largement regardées, et seize stations de radios nationales. Beaucoup disposent de leurs propres sites Internet qui diffusent également des informations. En outre, les foyers libanais ont accès à de nombreuses chaînes de télévision câblées et par satellite.

49. Ces données statistiques restent inchangées. S’agissant de l’ampleur de la couverture médiatique dont l’acte d’accusation en l’affaire Ayyash a fait l’objet, la Chambre de première instance a conclu, au paragraphe 106 :

Les éléments de preuve démontrent qu’aussi bien l’acte d’accusation proprement dit, que la relation de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra avec l’acte d’accusation, ont fait l’objet d’une couverture médiatique au Liban, sinon globale, du moins à très grande échelle. Étant donné l’ensemble de ces circonstances, il est inconcevable qu’ils puissent ignorer leur mise en accusation.

50. De même, les médias libanais ont largement couvert la décision de la Chambre de première instance d’engager une procédure par défaut contre les quatre accusés, puis la désignation de conseils chargés de les représenter. Les médias libanais Naharnet142, L’Orient Le Jour143, An Nahar, El Balad, Al Liwa144, Al Joumhouria, As-Safir, Al-Akhbar145, NNA, NOW Lebanon146 et The Daily Star147 ont rendu compte

142 « [TRADUCTION] La Chambre de première instance décide de juger les accusés par défaut », 1er février 2012.

143 « Le TSL décide de juger par défaut les accusés du Hezbollah », 2 février 2013 et « TSL : les avocats des accusés commis d’office », 8 février 2012.

144 « [TRADUCTION] La Chambre de première instance du Tribunal international décide de juger par défaut les quatre accusés dans l’affaire de l’assassinat de Hariri » (traduction non officielle), 2 février 2012.

145 « [TRADUCTION] Le Tribunal international décide d’engager des procédures par défaut », 2 février 2012.

146 « [TRADUCTION] Le TSL décide d’engager une procédure par défaut », 2 février 2012 et « [TRADUCTION] Le TSL commet d’office des avocats pour défendre les hommes du Hezbollah », 3 février 2012.

147 « 2012 le procès est un “objectift” pour le TSL », 2 février 2012.

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de la décision. Les médias panarabes148 et internationaux149 s’en sont également fait l’écho.

51. Quelques jours après ladite décision, le Procureur de l’époque, M. Daniel Bellemare, a annoncé qu’il déposerait prochainement un nouvel acte d’accusation incluant un cinquième accusé. Là encore, les principaux journaux et médias libanais, tels que L’Orient Le Jour150, Al Liwa151, Al-Akhbar (anglais)152, An Nahar153, Naharnet154 et Central News Agency155 ont abondamment diffusé les déclarations du Procureur concernant ce cinquième accusé.

52. Le 8 février 2012, le Procureur a déposé à titre confidentiel une requête en modification de l’acte d’accusation en question afin d’y ajouter M. Merhi. En mars 2012, un mois après la décision y afférente, au moins huit médias libanais ont annoncé que M. Merhi était le cinquième accusé en l’affaire Ayyash ayant également participé à l’attentat contre Hariri. Ces annonces ont consisté en un reportage diffusé le 8 mars 2012 sur la chaîne Al Jadeed TV, et présenté en ces termes : « Al Jadeed découvre le cinquième accusé », information qui fut reprise ensuite par au moins six

148 Al Jazeera, « [TRADUCTION] Un procès par défaut pour les suspects dans l’affaire Hariri », 1er février 2012, et KUNA, « [TRADUCTION] Le Tribunal spécial pour le Liban jugera les suspects dans l’affaire de l’assassinat de Hariri par défaut », 1er février 2012.

149 AFP, « [TRADUCTION] Le Tribunal pour le Liban va juger les hommes soupçonnés du meurtre d’Hariri par », 1er février 2012 et « [TRADUCTION] Le Tribunal pour le Liban choisi des avocats pour les accusés dans l’affaire Hariri », 2 février 2012 ; CNN, « [TRADUCTION] Les suspects dans l’affaire Hariri seront jugés par défaut », 2 février 2012 ; AP, « [TRADUCTION] Le TSL engage une procédure par défaut », 2 février 2012 ; Jerusalem Post, « [TRADUCTION] Le Tribunal pour le Liban jugera les suspects dans l’affaire Hariri par défaut », 1er février 2012 ; Reuters ; Policy Point, « Hezbollah vs. The World: The STL Announces it Will Conduct In Absentia Trial », 8 février 2012.

150 « TSL : bientôt un cinquième accusé ? », 7 février 2012.

151 « [TRADUCTION] Un cinquième accusé dans l’assassinat de Hariri ? », 2 février 2012.

152 « Bellemare to Siniora: Fifth STL Suspect to be Named », 6 février 2012.

153 « [TRADUCTION] Bellemare a informé Mikati qu’il s’est engagé à soumettre un deuxième acte d’accusation avant la fin de février », 6 février 2012 et « [TRADUCTION] Youssef à An Nahar : le Règlement autorise Bellemare à déposer un acte d’accusation confidentiel quant au contenu et à la date », 9 février 2012.

154 « [TRADUCTION] Bellemare a informé Saniora que le deuxième acte d’accusation dans l’affaire Hariri serait pour février », 5 février 2012.

155 « [TRADUCTION] Bellemare prépare un rapport sur les résultats de ses investigations pour son successeur… bientôt un cinquième accusé, et le Tribunal est convaincu de l’impossibilité d’appréhender les quatre accusés », 7 février 2012.

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autres médias libanais, et dans un article sur le même sujet paru le 28 mars 2012 dans le journal Al-Akhbar. On ne montrait pas la photographie de l’accusé. Le reportage est détaillé ci-après aux paragraphes 54 à 57.

Spéculations des médias au sujet de l’implication de M. Merhi dans l’attentat de février 2005 avant que l’acte d’accusation ne soit rendu public

53. En vue de se prononcer sur l’engagement d’une procédure par défaut visant M. Merhi, la Chambre de première instance a aussi examiné l’intérêt manifesté par les médias pour le rôle qu’il aurait joué dans les événements du 14 février 2005 avant que l’acte d’accusation ne soit rendu public le 10 octobre 2013.

54. En mars 2012, soit 17 mois avant la confirmation de l’acte d’accusation, au moins huit médias libanais ont annoncé que dans l’affaire Le Procureur c. Ayyash, Badreddine, Sabra et Oneissi, M. Merhi était un cinquième suspect, ne faisant pas l’objet d’une mise en accusation, à qui l’on reprochait d’avoir participé à l’attentat contre Hariri. Le 8 mars 2012, la chaîne de télévision libanaise Al Jadeed a diffusé dans son journal du soir un reportage intitulé « Al Jadeed découvre le cinquième accusé ». Le journaliste annonçait que :

[TRADUCTION] Des sources internes au Tribunal ont informé Al Jadeed que « H.M. » sont les initiales que le Tribunal spécial utilise pour désigner le cinquième accusé dans l’assassinat du Premier Ministre Hariri. Il est Libanais, son père s’appelle également H.M., et sa mère Latifa A. Il est né en décembre 1965, originaire de Zekak El Blat, et son numéro d’inscription au registre de l’état civil comprend quatre chiffres.

55. Le journaliste déclarait ensuite que « la mission, maintenant, est facile » et, après examen de la liste électorale, il concluait : « [TRADUCTION] Il apparaît clairement que H.M. est Hassan Merhi, son père est Habeeb Merhi, sa mère Latifa Abbas, et son numéro d’inscription au registre de l’état civil est le 1126. » Il ajoutait : « Il semble que Hassan appartienne au Hezbollah, mais qu’il n’y occupe pas un poste de direction ou de rang très élevé156. »

156 Al Jadeed TV, « [TRADUCTION] Al Jadeed découvre le cinquième accusé », 8 mars 2012.

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56. Selon de récentes mesures d’audience, la chaîne Al Jadeed est regardée par 45% des téléspectateurs libanais et ses journaux du matin et du soir ainsi que ses émissions politiques obtiennent les meilleurs indices d’écoute de leur catégorie au Liban157. Le reportage d’Al Jadeed a également été repris par d’autres médias : An Nahar, Al Liwa, Al-Seyassah, l’Orient Le Jour158, El-Nashra, Only Lebanon et 14 March159.

57. Le 28 mars 2012, le journal Al-Akhbar a publié un court article intitulé « Hassan Merhi au TSL : le chef du “Réseau violet160 ». Al-Akhbar rapportait que « [TRADUCTION] les informations dont on dispose indiquent que le nom que l’ancien Procureur Daniel Bellemare a demandé d’ajouter à la liste de ceux qu’on accuse d’avoir participé à l’assassinat de Hariri est celui de Hassan Merhi » et « Merhi était à la tête du réseau de téléphones mobiles “violet” dont le travail se limitait à des tâches concernant Abu Adas ». En outre, le journal détaillait le rôle de M. Merhi et ses liens avec les autres accusés. L’article a été publié in extenso par quelques sites Internet d’information tel Al Bawaba161, et mentionné et analysé par d’autres, tel Al-Akhbar Secrets qui émettait l’hypothèse que le Tribunal spécial avait dû être infiltré par le journal Al-Akhbar162.

58. L’acte d’accusation visant M. Merhi, rendu public seulement le 10 octobre 2013, prétend effectivement que celui-ci était impliqué dans le « réseau violet », tout comme l’acte d’accusation modifié que l’ancien Procureur, M. Daniel Bellemare, a déposé le 8 février 2012 en vue de modifier l’acte d’accusation en l’affaire Ayyash

157 Mesure du Beirut Centre for Research and Information rapportée dans « [TRADUCTION] Qui regarde quoi au Liban ? Une télévision hors des tranchées est nécessaire », Al-Akhbar, 13 octobre 2013, et « [TRADUCTION] Al Jadeed est la première et la plus regardée », 13 octobre 2013. D’après cette étude, 81% des téléspectateurs chiites libanais regardent cette chaîne.

158 An Nahar, 9 mars 2012 ; Al Liwa, 9 mars 2012, et Al-Seyassah, 9 mars 2012.

159 El-Nashra, « [TRADUCTION] Al Jadeed : le cinquième accusé dans l’affaire de l’assassinat de Hariri est Hassan Merhi », 8 mars 2012 ; 14 March (site Internet d’information), « [TRADUCTION] Les sources du Tribunal : Le cinquième accusé dans l’affaire Hariri est Hassan Merhi et il appartient au Hezbollah », 8 mars 2012 ; Only Lebanon, 8 mars 2012.

160 Al-Akhbar, « [TRADUCTION] Enquête Hariri : Un témoin star est né », 28 mars 2012.

161 « [TRADUCTION] Le Tribunal dans l’affaire Hariri a un nouveau témoin clé », 5 avril 2012.

162 « [TRADUCTION] Le TSL a été infiltré : Le journal Al-Akhbar et Ahmad Libdeh », 29 mars 2012.

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afin d’y ajouter un cinquième accusé en la personne de M. Merhi. Cette requête en modification du Procureur demeure confidentielle et ex parte, mais elle a fait l’objet d’une décision de la Chambre d’appel de mars 2012, qui déclarait irrecevables les questions préjudicielles soumises par le Juge de la mise en état en vertu de l’article 68 G)163. Le fait que l’Accusation avait sollicité l’autorisation de modifier l’acte d’accusation dans l’affaire Ayyash pour y ajouter un cinquième accusé était public, mais l’identité de ce cinquième accusé potentiel n’était pas officiellement publique.

59. Le 13 août 2013, treize jours après la confirmation de l’acte d’accusation visant M. Merhi, alors confidentiel, la chaîne de télévision Al Jadeed a annoncé que le Tribunal spécial pour le Liban était sur le point de mettre en accusation une cinquième personne dont elle donnait le nom, à savoir M. Merhi164. L’annonce de Al Jadeed fut reprise par Al Liwaa165, L’Orient Le Jour166, El Nashra167 et Janoubia168.

Tentatives effectuées par le Procureur en juin 2012 en vue d’interroger M. Merhi en tant que suspect

60. En juin 2012 – après s’être vu refuser l’autorisation de modifier l’acte d’accusation dans l’affaire Ayyash en vue d’y ajouter un cinquième accusé en la personne de M. Merhi – et plusieurs mois après les spéculations exactes des médias sur l’identité du cinquième accusé, le Procureur a sollicité l’assistance des autorités libanaises en vue d’interroger M. Merhi en tant que suspect169.

163 TSL, Le Procureur c. Ayyash, Badreddine, Oneissi and Sabra, STL-11-01/PT/AC, Décision relative à la requête du Juge de la mise en état en application de l’article 68 G), 29 mars 2012.

164 Al Jadeed TV, journal télévisé, 13 août 2013.

165 « [TRADUCTION] Le tribunal international : un cinquième accusé dans l’acte d’accusation modifié », 14 août 2013.

166 « TSL: “Des révélations sensationnelles” l’an prochain, promet Youssef », 14 août 2013.

167 « [TRADUCTION] Al Jadeed : Le tribunal international accuse Hussein Merhi de l’assassinat de Hariri », 13 août 2013.

168 « [TRADUCTION] Le tribunal international : un cinquième accusé appartenant au Hezbollah dans l’affaire Hariri », 13 août 2013.

169 Request for assistance from the Prosecutor of the Special Tribunal for Lebanon to the Government of Lebanon, 5 juin 2012.

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61. Agissant sur ordre du Procureur général du Liban, des membres de la DICC ont cherché à joindre M. Merhi à son dernier domicile connu à Dahyieh, Bourj-El-Barajneh, à Beyrouth, les 20, 22 et 27 juin 2012, mais sans succès. Selon le rapport du Procureur général par intérim :

• Le 20 juin 2012, après s’être entendus avec le Comité central de sécurité du Hezbollah, des agents de la DICC se sont rendus à l’adresse susmentionnée. Arrivés sur place, ils sont entrés dans l’immeuble et sont montés au septième étage où réside M. Merhi. Ils ont frappé à la porte et sonné plusieurs fois ; ils sont restés devant la porte une dizaine de minutes mais personne n’a ouvert. Ensuite, ils ont quitté l’immeuble pour enquêter afin de chercher à savoir où il se trouvait170.

• Le 22 juin 2012, les agents de la DICC se sont à nouveau présentés au domicile de M. Merhi à Bourj-El-Barajneh. Ils ont frappé à la porte plusieurs fois sans obtenir de réponse. Ils ont vérifié que personne ne se trouvait à son domicile171.

• Le 27 juin 2012, les agents de la DICC se sont à nouveau rendus au domicile de M. Merhi à l’adresse susmentionnée, au septième étage de l’immeuble Gardenia. Ils ont frappé à la porte plusieurs fois sans obtenir de réponse. Il ressort de l’enquête qu’ils ont menée dans le voisinage que personne n’habite actuellement cet appartement172.

• Les agents de la DICC se sont ensuite rendus, le même jour, au bureau du mokhtar de Bourj-El-Barajneh, et ont recueilli ses déclarations. Aux dires du mokhtar, M. Merhi était un résident de l’immeuble Gardenia situé à El-Roueiss, derrière l’Association Sayyed Al Shuhada. Il a déclaré ne pas le connaître personnellement. Selon les informations qu’il a pu acquérir grâce à ses fréquentes visites dans le quartier, administrativement rattaché à Bourj-El-Barajneh, et à sa connaissance personnelle de nombre de ses résidents, Hassan Habib Merhi ne réside pas actuellement dans l’immeuble Gardenia. Le

170 Rapport de la DICC, N° 1005/302, 21 juin 2012, joint au rapport du Procureur général par intérim du 3 octobre 2013.

171 Rapport de la DICC, N° 1005/302, 21 juin 2012, joint au rapport du Procureur général par intérim du 3 octobre 2013.

172 Rapport de la DICC, N° 1005/302, 21 juin 2012, joint au rapport du Procureur général par intérim du 3 octobre 2013.

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Procédure par défaut CPI

mokhtar ne sait ni où il habite ni où il se trouve. Il a déclaré aux agents de la DICC que M. Merhi ne vote pas à Bourj-El-Barajneh173.

62. La Chambre de première instance est donc convaincue qu’à partir du 27 juin 2012, quelque trois mois après qu’il eut été largement annoncé dans les médias libanais qu’il était le cinquième accusé dans l’affaire Ayyash, M. Merhi était introuvable à son dernier domicile connu à Dahyieh.

DROIT APPLICABLE À L’ENGAGEMENT DE POURSUITES

63. L’article 22 du Statut du Tribunal autorise la Chambre de première instance à conduire un procès par défaut :

1. Le Tribunal conduit le procès en l’absence de l’accusé si celui-ci :

a) A renoncé expressément et par écrit à son droit d’être présent ;

b) N’a pas été remis au Tribunal par les autorités de l’État concerné ;

c) Est en fuite ou est introuvable, et tout ce qui était raisonnablement possible a été fait pour garantir sa comparution devant le Tribunal et l’informer des charges confirmées par le Juge de la mise en État.

64. Avant d’engager une procédure par défaut, la Chambre de première instance doit déterminer s’il est satisfait aux conditions de l’article 106 du Règlement, à savoir174 :

173 Rapport de la DICC, N° 1005/302, 21 juin 2012, joint au rapport du Procureur général par intérim du 3 octobre 2013.

174 STL-11-01/I/TC, Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er février 2012, note de bas de page 38 : « Il existe une différence entre la version en anglais et la version en français de l’article 106. La version en anglais emploie les termes : “shall conduct proceedings in absentiaˮ tandis que la version en français prévoit que la Chambre “peut décider d’engager une procédure par défautˮ. La version en anglais de l’article 106 reprend les termes de l’article 22 du Statut dans ses versions en anglais, français (“le Tribunal conduit le procès en l’absence de l’accuséˮ) et arabe. Les versions en anglais et arabe de l’article 106 sont donc plus conformes à l’article 22, tel que rédigé dans les trois langues officielles du Tribunal. En application des règles d’interprétation des textes rédigés dans différentes langues, il convient d’adopter “le sens qui, compte tenu de l’objet et du but du traité, concilie le mieux ces textesˮ conformément à l’article 33-4 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. Par conséquent, la Chambre de première instance renvoie aux versions en anglais et arabe de l’article 106 et non à sa version en français (voir également les arguments présentés dans la décision de la Chambre d’appel STL-11-01/I/AC/R 176bis, Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot,

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Procédure par défaut CPI

A) Lorsque l’accusé :

i) a renoncé expressément et par écrit à son droit d’être présent à la procédure devant le Tribunal ;

ii) n’a pas été remis au Tribunal par les autorités de l’État concerné dans un délai raisonnable ; ou

iii) a pris la fuite ou est introuvable, et que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour garantir sa comparution devant le Tribunal et l’informer des charges confirmées par le Juge de la mise en état ;

la Chambre de première instance peut décider d’engager une procédure par défaut.

B) Lorsque l’absence de l’accusé résulte du refus ou du manquement de l’État concerné à son obligation de remettre l’accusé, la Chambre de première instance, avant de décider d’engager une procédure par défaut : i) consulte le Président et s’assure que celui-ci a pris toutes les mesures nécessaires pour que l’accusé puisse participer à la procédure de la manière la plus appropriée ; et ii) s’assure que toutes les conditions visées à l’article 22 2) du Statut sont remplies.

65. L’article 106 A) iii) énonce plusieurs conditions qui se recoupent. La première est que la Chambre de première instance doit être convaincue du fait qu’un accusé a pris la fuite ou est introuvable. La deuxième impose que toutes les mesures raisonnables soient prises pour garantir la comparution de l’accusé devant le Tribunal. La troisième, qui doit être lue en conjonction avec la deuxième, impose que toutes les mesures raisonnables soient prises pour informer l’accusé des chefs d’accusation figurant dans l’acte d’accusation175.

homicide, commission, concours de qualifications, 16 février 2011, par. 26, notes de bas de page 40 et 41, mentionnant le TPIY et le TPIR qui ont renvoyé à la Convention pour interpréter leurs Statuts et Règlements respectifs. »

175 STL-11-01/I/TC, Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er février 2012, note de bas de page 41 : « La Chambre de première instance résout l’ambigüité des termes utilisés dans la version en anglais du Règlement, qui peuvent donner à penser que c’est le Juge de la mise en état qui est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la comparution de l’accusé et l’informer des charges, et attribue à l’article son sens naturel, à savoir que les charges ont été confirmées par le Juge de la mise en état, tel que l’indiquent clairement les versions en français et arabe du Règlement. »

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Procédure par défaut CPI

66. S’agissant de l’obligation d’informer la personne accusée des chefs d’accusation portés contre elle, la Chambre d’appel a interprété ces dispositions conformément aux normes internationales des droits de la personne et a conclu qu’un procès par défaut n’était possible que dans la seule mesure où :

i) des mesures raisonnables ont été prises pour notifier les accusés en personne ;

ii) les éléments de preuve relatifs à la notification convainquent la Chambre de première instance que les accusés ont effectivement eu connaissance de l’engagement d’une procédure à leur encontre ; et

iii) ces éléments sont suffisamment spécifiques pour que l’absence des accusés signifie qu’ils ont très vraisemblablement choisi de ne pas assister à l’audience et donc qu’ils ont renoncé à leur droit d’être présents176.

67. De plus, la Chambre d’appel a expressément indiqué que « [n]i le Statut ni le Règlement du Tribunal ni le droit relatif aux droits de la personne n’exigent que la Chambre de première instance reçoive une preuve positive attestant de la connaissance de l’accusé, ou que la notification soit effectuée officiellement et en personne. Elle doit s’assurer plutôt, sur la base de tous les éléments de preuve dont elle dispose, que les trois conditions énumérées plus haut sont réunies, ce qui peut être déduit des circonstances177 ».

176 STL-11-01/PT/AC/AR126.1, Version corrigée de l’Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense de la décision de la Chambre de première instance relative au réexamen de la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er novembre 2012, par. 31.

177 Version corrigée de l’Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense de la décision de la Chambre de première instance relative au réexamen de la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er novembre 2012, par. 32.

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ARGUMENTS DES PARTIES

68. En vue de l’aider à déterminer si l’engagement d’une procédure par défaut était possible, la Chambre de première instance a demandé, le 3 décembre 2013, au Bureau du Procureur, à M. Merhi et au Bureau de la Défense de lui soumettre leurs conclusions écrites au plus tard le 9 décembre 2013178.

Conclusions de l’Accusation concernant l’article 106 du Règlement

69. L’Accusation a déposé des conclusions écrites dans lesquelles elle indique que des mesures sont prises depuis juin 2012 pour rechercher M. Merhi, mais que les autorités libanaises n’ont pas réussi à le trouver179. L’Accusation fait valoir que, vu les conditions actuelles de sécurité au Liban, les autorités de ce pays ont pris toutes les mesures qu’il était raisonnable de prendre pour garantir la comparution de l’accusé et que celles-ci sont conformes à ce qui a été entrepris eu égard aux quatre accusés de l’affaire Ayyash180.

70. En outre, des annonces ont été publiées dans les grands journaux nationaux, régionaux et internationaux, et diffusées par les radios et sur les médias sociaux181. Selon l’Accusation, rien ne permet de penser que M. Merhi a renoncé par écrit à son droit d’être présent et, qu’il ait pris la fuite ou non, il reste qu’il n’a pas été retrouvé et que l’on ignore à l’heure actuelle où il se trouve182.

71. L’Accusation a fait état de la dégradation des conditions de sécurité au Liban depuis février 2012, lorsque la Chambre de première instance a décidé d’engager un procès par défaut dans l’affaire Ayyash, élément dont il faudrait tenir compte

178 TSL, Le Procureur c. Hassan Habib Merhi, STL-13-04/I/TC, Ordonnance portant calendrier en application de l’article 106 du Règlement de procédure et de preuve, 3 décembre 2013.

179 Prosecution submissions pursuant to Rule 106, confidentiel, 9 décembre 2013, par. 2, 12 et 13. Version publique expurgée datée du 18 décembre 2013 (les « Conclusions de l’Accusation »).

180 Conclusions de l’Accusation, par. 3.

181 Conclusions de l’Accusation, par. 4.

182 Conclusions de l’Accusation, par. 7, 8, 11 et 13.

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dans l’évaluation des mesures prises par les autorités libanaises pour garantir la comparution de M. Merhi devant le Tribunal183.

72. Quant à savoir si M. Merhi connaît les chefs d’accusation qui le visent, l’Accusation affirme que les efforts entrepris par les autorités libanaises pour l’en informer sont suffisants. Tout en acceptant que les autorités libanaises n’aient pu afficher l’acte d’accusation à aucune des adresses associées à M. Merhi, l’Accusation fait valoir qu’elles ont pris des mesures raisonnables pour lui signifier l’acte d’accusation en personne en se rendant sur place et en enquêtant sur les adresses pertinentes184. Des mesures importantes ont également été prises pour informer M. Merhi des chefs d’accusation retenus contre lui par voie d’annonce publique185, et par le Tribunal lui-même au moyen de communiqués de presse, d’avis aux médias et d’interviews, du recours aux médias sociaux et d’un message direct du Président du Tribunal186.

73. L’Accusation a conclu que les conditions de sécurité qui prévalent actuellement au Liban ont empêché les autorités de ce pays de prendre des mesures dans certaines zones où la sécurité est précaire. Par conséquent, la Chambre de première instance devrait statuer que, dans les circonstances actuelles, toutes les mesures raisonnables ont été prises pour informer M. Merhi des chefs d’accusation qui pèsent contre lui. La Chambre devrait donc décider d’engager un procès par défaut à son encontre187.

Conclusions du Bureau de la Défense concernant l’article 106 du Règlement

74. À la différence de l’Accusation, le Bureau de la Défense n’a présenté aucun argument de fond, déclarant qu’il avait besoin, au préalable, de consulter quatre documents supplémentaires, à savoir trois mémorandums internes du Tribunal et la version non expurgée de la décision confidentielle du Juge de la mise en état confirmant l’acte d’accusation à l’encontre de M. Merhi. À cette exception près, le Bureau de

183 Conclusions de l’Accusation, par. 20 à 23.

184 Conclusions de l’Accusation, par. 28 et 33.

185 Conclusions de l’Accusation, par. 26 à 29.

186 Conclusions de l’Accusation, par. 30 et 31.

187 Conclusions de l’Accusation, par. 34 à 37.

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Procédure par défaut CPI

la Défense a disposé des mêmes documents que ceux sur lesquels l’Accusation s’est fondée pour présenter ses arguments de fond. Le Bureau de la Défense a demandé les quatre documents en question par requête en date du 9 décembre 2013. La Chambre de première instance a ensuite envoyé les trois mémorandums internes par courriel, au Bureau de la Défense et à l’Accusation, en précisant qu’ils étaient de peu d’importance et qu’elle ne sollicitait aucune observation à leur propos.

75. Les trois documents sont de simples mémorandums internes échangés entre le Greffe et le Bureau du Président, ou la Chambre de première instance, demandant et faisant suivre des documents à l’intérieur du Tribunal. Cependant, la Chambre avait déjà fourni au Bureau de la Défense les documents joints aux mémorandums (à savoir les informations concernant les médias auxquelles il est fait référence ci-dessus) afin, précisément, qu’il lui soumette ses observations. Ces mémorandums sont sans importance et sans pertinence. De même, la décision non expurgée par laquelle le Juge de la mise état confirme l’acte d’accusation est sans rapport avec l’application de l’article 106. Les expurgations portent sur des noms de victimes et une technique d’enquête. Le Bureau de la Défense dispose de la version publique expurgée de la décision où la nécessité de préserver sa confidentialité est spécifiée aux paragraphes 79 à 82188. Le 9 décembre 2013, le Bureau de la Défense a déposé quelques observations, « sans préjudice » du droit d’en formuler d’autres s’il recevait les documents demandés189. Cependant, les observations ne portaient pas sur le fond et n’ont pas aidé la Chambre de première instance à se prononcer sur la question. Le Bureau de la Défense n’a déposé aucune autre observation et la Chambre déplore le cours inutile de ces événements.

Conclusions de M. Merhi concernant l’article 106 du Règlement

76. La Chambre de première instance a ordonné au Greffier de prendre les mesures nécessaires pour notifier à M. Merhi l’ordonnance portant calendrier sollicitant ses

188 STL-13-04/I/PTJ, Version publique expurgée de la « Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 5 juin 2013 établi à l’encontre de M. Hassan Habib Merhi » datée du 31 juillet 2013, 11 octobre 2013.

189 STL-13-04/I/TC, Observations du Bureau de la Défense relatives à l’application de l’article 106 A) du Règlement de Procédure et de Preuve, 9 décembre 2013.

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Procédure par défaut CPI

conclusions190. Le 5 décembre 2013, le Greffe a informé la Chambre de première instance que le Procureur général par intérim avait reçu la lettre du Greffier lui demandant de signifier l’ordonnance à M. Merhi191.

77. Le 16 décembre 2013, le Procureur général par intérim a rapporté que des agents de la DICC avaient tenté de signifier l’ordonnance portant calendrier à M. Merhi, à Dahyieh. Avant de tenter de se rendre à son appartement, le rapport signale qu’ils ont consulté un représentant du Comité central de sécurité du Hezbollah, Abou-Ali Diab, qui leur a déclaré qu’ils ne pouvaient pas, « pour l’instant, [signifier les documents à M. Merhi] en les affichant à la porte de l’immeuble Gardenia, parce que les parents de l’accusé Hassan Merhi étaient vivement contrariés par le fait que son nom soit associé à l’affaire de l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri192 ».

78. Le 14 décembre 2013, ils ont rencontré le mokhtar de Bourj-El-Barajneh pour lui remettre les documents à signifier à M. Merhi. Cependant, selon le rapport de la DICC, le mokhtar « a déclaré qu’il ne pouvait les accepter du fait du caractère délicat de la situation présente, et qu’il ne pouvait pas remettre une déclaration écrite sur la question » . Le mokhtar a néanmoins signé le procès-verbal de cette rencontre193.

79. La Chambre de première instance n’a pas reçu d’écritures de la part de M. Merhi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

80. L’article 22 du Statut du Tribunal prévoit que la Chambre de première instance engage une procédure par défaut dans des circonstances qui sont spécifiées. La Chambre n’a reçu aucune pièce qui permette d’affirmer que, aux termes de

190 Ordonnance portant calendrier en application de l’article 106 du Règlement de procédure et de preuve, 3 décembre 2013, par. 3 iii).

191 Courriel du Greffe au juriste près la Chambre de première instance, 9 décembre 2013.

192 Rapport de la DICC N° 1800/302, 10 décembre 2013 (révisé le 16 décembre 2013), joint au rapport du Procureur général par intérim du 16 décembre 2013.

193 Rapport de la DICC, N° 1800/302, 10 décembre 2013, joint au rapport du Procureur général du 16 décembre 2013.

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Procédure par défaut CPI

l’article 106 A) i) du Règlement, M. Merhi « a renoncé expressément et par écrit à son droit d’être présent », ni que, aux termes de l’article106 A) ii), il « n’a pas été remis au Tribunal par les autorités de l’État concerné ». De même, la Chambre ne dispose d’aucune information qui indiquerait que, aux termes de l’article 106 B), « l’absence de l’accusé résulte du refus ou du manquement de l’État concerné à son obligation de remettre l’accusé ».

81. Pour que la Chambre de première instance soit convaincue que M. Merhi « n’a pas été remis au Tribunal par les autorités de l’État concerné », il faudrait qu’elle croie sincèrement que les dites autorités savaient au moins où il pouvait se trouver. Les éléments de preuve dont elle dispose, tels que détaillés dans les rapports du Procureur général par intérim, suggèrent le contraire. La Chambre peut donc attester que M. Merhi « n’a pas été remis au Tribunal par les autorités de l’État concerné », aux termes de l’article 106 A) ii). Il en résulte que l’article 106 B) est inapplicable.

82. Il ressort également de l’ensemble des éléments de preuve disponibles que, aux termes de l’article 106 A) i), M. Merhi n’a pas « renoncé expressément et par écrit à son droit d’être présent ». Il n’existe tout simplement aucun élément de preuve à cet effet.

83. Il ne reste plus que l’article 106 A) iii) du Règlement – pendant de l’article 22 1) c) du Statut aux termes duquel il « est en fuite ou est introuvable, et tout ce qui était raisonnablement possible a été fait pour garantir sa comparution devant le Tribunal et l’informer des charges confirmées par le juge de la mise en état » – sur lequel la Chambre de première instance puisse se fonder pour ordonner l’engagement d’une procédure par défaut.

84. La Chambre de première instance ne dispose d’aucune information lui permettant de savoir où se trouve M. Merhi, mais aucun élément de preuve en sa possession ne semble indiquer ni n’établit qu’il ait quitté le Liban depuis que l’acte d’accusation a été transmis aux représentants du Gouvernement libanais, le 6 août 2013. La Chambre estime donc qu’elle doit limiter son analyse de l’application de l’article 106 au cas prévu à l’alinéa iii) du paragraphe A), lorsque l’accusé « a pris la fuite ou est introuvable, et que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour

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Procédure par défaut CPI

garantir sa comparution devant le Tribunal et l’informer des charges confirmées par le Juge de la mise en état ». Comme les informations dont dispose la Chambre ne semblent pas indiquer que M. Merhi ne se trouve pas au Liban, l’analyse se limitera aux mesures prises dans ce pays.

85. Ces mesures, détaillées aux paragraphes 16 à 44, comprennent des tentatives pour joindre M. Merhi à son dernier domicile connu, des recherches approfondies dans les registres publics, la diffusion d’un avis de recherche et la publication dans les médias libanais d’une affiche portant des renseignements biographiques et des photographies de l’accusé ainsi que la description des chefs d’accusation. En outre, afin de déterminer si M. Merhi a connaissance de l’acte d’accusation, la Chambre de première instance a examiné la couverture médiatique de son lien avec l’acte d’accusation, avant et après la publication officielle de celui-ci par le Tribunal spécial en octobre 2013. La Chambre a également tenu compte de la couverture médiatique considérable consacrée au Liban, en 2011 et 2012, à l’acte d’accusation visant MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, dans lequel les chefs d’accusation retenus contre les quatre accusés avaient été rapportés par la quasi-totalité des médias.

86. La Chambre de première instance a examiné en détail les efforts déployés par les autorités libanaises pour appréhender M. Merhi et lui notifier les chefs d’accusation portés contre lui au moyen des méthodes de notification en personne et exceptionnelles prévues par le code de procédure pénale libanais. La Chambre relève avec grande inquiétude que l’on a empêché la DICC d’accomplir sa mission lorsqu’elle a tenté de signifier l’acte d’accusation à M. Merhi en personne en se rendant à son dernier domicile connu dans la banlieue-sud de Beyrouth.

87. La Chambre de première instance a considéré toutes les mesures prises pour informer M. Merhi des chefs d’accusation figurant dans l’acte d’accusation et confirmés par le Juge de la mise en état, aux fins notamment qu’ils lui soient dûment notifiés, en application de l’article 76 du Règlement, par une signification à personne ou, lorsque c’est impossible, par une signification effectuée d’une autre manière, comme le prévoit l’article 76 E).

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Procédure par défaut CPI

88. La Chambre de première instance a également appliqué les critères énoncés au paragraphe 31 de l’arrêt de la Chambre d’appel du 1er novembre 2012, à savoir :

i) des mesures raisonnables ont été prises pour notifier les accusés en personne ;

ii) les éléments de preuve relatifs à la notification convainquent la Chambre de première instance que les accusés ont effectivement eu connaissance de l’engagement d’une procédure à leur encontre ; et,

iii) ces éléments sont suffisamment spécifiques pour que l’absence des accusés signifie qu’ils ont très vraisemblablement choisi de ne pas assister à l’audience et donc qu’ils ont renoncé à leur droit d’être présents194.

« des mesures raisonnables ont été prises pour notifier les accusés en personne »

89. Pour apprécier le caractère « raisonnable » des mesures prises, il faut tenir compte de toutes les circonstances. Il peut s’agir d’un ensemble de mesures associant celles qui mettent en œuvre les mécanismes de la procédure pénale libanaise, celles que requièrent le Statut et le Règlement du Tribunal spécial, et d’autres qui, bien qu’elles ne soient pas prévues par les instruments légaux du Liban ou du Tribunal peuvent néanmoins être envisagées dans le contexte de l’espèce. Celles-ci pourraient comprendre des annonces de tous ordres, des avis de recherche et des informations diffusées sur les médias sociaux. Les mesures doivent être raisonnables ; la remise en main propre à l’accusé n’est pas exigée.

90. Les mesures suivantes ont été prises en application de l’article 147 du code de procédure pénale libanais pour tenter d’effectuer une signification à l’accusé en personne prescrite par l’article 76 B) du Règlement :

194 TSL, Le Procureur c. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, STL-11-01/PT/AC/AR126.1, Version corrigée de l’Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense de la décision de la Chambre de première instance relative au réexamen de la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er novembre 2012, par. 31.

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• Les agents de la DICC libanaise, agissant sur ordre du Procureur général par intérim du Liban, ont tenté de se rendre au dernier domicile connu de M. Merhi à Dahyieh, Bourj-El-Barajneh, à Beyrouth ;

• Les agents de la DICC se sont rendus à cette adresse une première fois en juin 2012, mais le mokhtar local les a informés que M. Merhi n’y habitait plus ;,

• Les agents de la DICC ont tenté d’y retourner en septembre et novembre 2013, mais l’accès au quartier leur a été refusé en raison des mesures de sécurité mises en place par le Hezbollah. On les a avertis que la famille de M. Merhi ne voulait pas que la DICC se rende à son appartement car elle était vivement contrariée par le fait que son nom avait été associé à l’assassinat de Rafic Hariri ;

• Les agents de la DICC sont revenus à Dahyieh le 6 décembre 2013, à la recherche de M. Merhi. Ils n’ont pas pu le trouver à son dernier domicile connu et ont été informés qu’il ne s’y trouvait pas195 ;

• Les agents de la DICC se sont rendus une nouvelle fois à Dahyieh le 10 décembre 2013, à la recherche M. Merhi, sans réussir à le trouver196 et ;

• Le 7 décembre 2013, des agents de la DICC se sont rendus à Ain Qana dans le Sud-Liban pour tenter de savoir où se trouvait M. Merhi. Leurs recherches et enquête leur ont permis d’apprendre que M. Merhi ne se trouvait pas dans son village d’origine et qu’il n’y habitait pas. Ils sont retournés au village le 15 décembre 2013 avec le même résultat197.

91. Les mesures supplémentaires suivantes ont été prises en application de l’article 148 du code de procédure pénale libanais après que le Président du Tribunal a rendu une ordonnance aux fins de recours à d’autres méthodes de signification en vertu de l’article 76 E) du Règlement :

• L’acte d’accusation a été placardé sur un tableau d’affichage de la Cour de cassation à Beyrouth et à l’entrée du Bureau du Tribunal spécial à Beyrouth ;

195 Rapport du Procureur général par intérim du 18 décembre 2013.

196 Rapport du Procureur général par intérim du 18 décembre 2013.

197 Rapport du Procureur général par intérim du 18 décembre 2013.

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Procédure par défaut CPI

• Le Procureur général par intérim a vainement tenté de notifier les mokhtars des lieux de résidence possibles de M. Merhi dans la banlieue-sud de Beyrouth et au Sud-Liban. Cependant, les mokhtars ne se sont pas présentés pour les entretiens fixés ; et

• Le 17 décembre 2013, le Greffier du Tribunal spécial a fait parvenir l’acte d’accusation et le mandat d’arrêt par courrier recommandé aux quatre mokhtars.

92. En outre, la Chambre de première instance considère que les mesures suivantes pourraient être considérées comme des « mesures raisonnables » de notification à l’accusé en personne :

• l’acte d’accusation a fait l’objet d’une large diffusion dans les médias libanais ;

• un enregistrement audio des chefs d’accusations retenus contre M. Merhi, réalisé par le Tribunal, a été largement diffusé par les médias libanais ;

• une annonce sous forme d’avis de recherche, a été publiée par le Tribunal, largement reprise dans les médias libanais et affichée à la Cour de cassation ; et

• deux messages du Président du Tribunal spécial, le 21 octobre 2013 et le 13 décembre 2013, appelant M. Merhi à « envisager sa comparution devant le Tribunal » ainsi qu’à « se faire conseiller juridiquement et à avoir recours aux services d’un avocat », ont été largement diffusés sur les chaînes de radio et de télévision libanaises.

93. La Chambre de première instance doit envisager les mesures prises par le Procureur général par intérim comme un tout et compte tenu des circonstances du moment. Les autorités libanaises n’ont pas pu mener à bien certaines des formalités de notification normalement prescrites par le code de procédure pénale libanais pour notifier à un accusé les accusations dont il fait l’objet. Ce manquement aux obligations des articles 147 et 148 dudit code n’implique pas nécessairement que la Chambre ne puisse pas se convaincre que « des mesures raisonnables ont été prises pour notifier les accusés en personne ». L’expression « mesures raisonnables » doit s’interpréter à la lumière de ce qu’il est possible de faire dans la situation du moment, mais en conjonction avec l’appréciation de la connaissance que M. Merhi peut réellement avoir des accusations portées contre lui.

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Procédure par défaut CPI

94. La Chambre de première instance rappelle les explications données par l’ancien Procureur général du Liban au Président du Tribunal à propos de ses tentatives de notification de l’acte d’accusation aux quatre accusés de l’affaire Ayyash198. Il décrivait ce qu’il qualifiait de « situation délicate et sensible en termes de politique et de sécurité au Liban », et « les difficultés auxquelles sont confrontées les autorités libanaises dans l’exécution de milliers de mandats d’arrêt délivrés par défaut il y a des dizaines d’années à l’encontre de personnes ayant commis divers crimes, et qui se sont déplacées en secret d’une région à une autre. Il est plus que probable qu’elles reçoivent de l’aide venant des membres de leur famille et d’autres qui partagent leur opinion politique, leur appartenance religieuse ou encore leur origine régionale ».

95. La Chambre de première instance est donc convaincue que toutes ces mesures prises en vertu du Règlement du Tribunal et des lois libanaises constituent ensemble des « mesures raisonnables » tendant à signifier à M. Merhi en personne les chefs d’accusations qui le visent.

« les éléments de preuve relatifs à la notification convainquent la Chambre de première instance que les accusés ont effectivement eu connaissance de l’engagement d’une procédure à leur encontre »

96. Dans sa décision du 1er février 2012 rendue en l’affaire Ayyash, la Chambre de première instance a estimé que, compte tenu de la publicité considérable donnée à l’acte d’accusation dans cette affaire, il était « pratiquement impossible à quiconque » au Liban d’ignorer que quatre hommes étaient accusés, en vertu de la loi libanaise, d’actes de terrorisme pour l’explosion qui avait causé la mort de Rafic Hariri et de 21 autres personnes, et avait fait plus de 200 blessés. La très large publicité donnée à l’acte d’accusation de l’affaire Ayyash à partir du second semestre de 2011, et encore après la décision du 1er février 2012, a également servi à avertir M. Merhi, au moins de manière générale, qu’un acte d’accusation visait quatre hommes dont on présumait qu’ils étaient des sympathisants du Hezbollah.

97. M. Merhi a été mis en accusation le 31 juillet 2013. En février 2012, le Procureur Bellemare avait annoncé publiquement qu’il souhaitait modifier l’acte d’accusation

198 STL-11-01/I/TC, Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er février 2012, par. 116.

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Procédure par défaut CPI

pour y ajouter un cinquième accusé. En mars 2012, un mois après que le Procureur ait déposé un acte d’accusation modifié en l’affaire Ayyash, en vue notamment d’y ajouter M. Merhi en tant qu’accusé, la nouvelle a commencé à se répandre dans les médias libanais que M. Merhi était le cinquième accusé et qu’il était associé aux crimes liés au 14 février 2005. Cette publicité a consisté notamment en un reportage détaillé diffusé sur l’une des chaînes de télévision les plus populaires du Liban, qui présentait M. Merhi comme le cinquième accusé dans l’affaire. Trois semaines plus tard, un journal libanais a publié un article désignant M. Merhi comme le « chef du réseau violet », tel qu’avancé dans l’acte d’accusation de l’affaire Ayyash.

98. Dix-sept mois plus tard, le 13 août 2013, et treize jours seulement après que le Juge de la mise en état eut confirmé l’acte d’accusation, alors confidentiel et ex parte, à l’encontre de M. Merhi, son nom apparaissait de nouveau dans les médias libanais en tant que cinquième accusé. Le Procureur général par intérim a rapporté au Président du Tribunal que des membres du Comité central du Hezbollah avaient interdit à des agents de la DICC d’accéder au quartier de Beyrouth où M. Merhi avait son dernier domicile connu. Les membres du Comité central de la sécurité du Hezbollah auraient également déclaré aux agents de la DICC que la famille de M. Merhi était vivement contrariée par le fait que son nom ait été cité dans les médias en tant qu’accusé dans l’affaire de l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri.

99. Depuis le 11 octobre 2013, les médias libanais ont largement couvert la mise en accusation officielle de M. Merhi en lien avec les crimes imputés dans l’affaire Ayyash, d’une part, et ce qu’on lui reprochait, d’autre part. Ces comptes rendus comprennent : à partir du 10 octobre, des informations sur l’acte d’accusation après qu’il a été rendu public ; à partir du 11 octobre, des avis de recherche largement publiés dans les médias ; à partir du 14 octobre, l’enregistrement audio ; et, à partir du 21 octobre, puis du 13 décembre, le message du Président à propos des accusations visant M. Merhi.

100. La Chambre de première instance est convaincue que la publicité considérable accordée au Liban au lien entre M. Merhi et l’affaire Ayyash a nécessairement porté à la connaissance de celui-ci le fait qu’il était mis en accusation en tant que coaccusé dans la susdite affaire. Cette conclusion ressort de la conjonction de : a) la

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Procédure par défaut CPI

publicité considérable donnée à l’acte d’accusation dans l’affaire Ayyash à partir de février 2011 ; b) le fait que cette publicité, en mars et juin 2012, puis de nouveau en août 2013, associait M. Merhi en tant que cinquième accusé, et c) à partir du 10 octobre 2013, la diffusion dans les médias de son nom en tant qu’accusé et de ce qu’on lui reprochait.

101. De plus, le mokhtar de Bourj-El-Barajneh savait que les agents de la DICC avaient tenté de joindre M. Merhi à son dernier domicile connu à Bourj-El-Barajneh, à Dahyieh, en juin 2012, trois mois seulement après qu’il avait été largement diffusé dans les médias libanais qu’il était un cinquième accusé possible dans l’affaire Ayyash. La Chambre de première instance est fondée à en déduire raisonnablement que le mokhtar a associé les visites des agents de la DICC à l’appartement de Dahyieh à la publicité en question, et que les visites avaient un lien avec les événements du 14 février 2005. Les membres du Hezbollah ont activement empêché les agents de la DICC de tenter de signifier l’acte d’accusation à M. Merhi en personne entre août 2013 et le 6 décembre 2013 à Dahyieh, et jusqu’au 7 décembre 2013 à Ain Qana, au Sud-Liban. Lorsque les agents de la DICC ont finalement pu se rendre aux derniers domiciles connus possibles de M. Merhi dans ces deux endroits, où il possède officiellement des biens immobiliers – en décembre 2013 – on les a informés qu’il n’habitait dans aucun des deux. La Chambre est fondée à tirer de cette suite d’événements les déductions nécessaires pour conclure que M. Merhi « a pris la fuite ou est introuvable ».

« ces éléments sont suffisamment spécifiques pour que l’absence des accusés signifie qu’ils ont très vraisemblablement choisi de ne pas assister à l’audience et donc qu’ils ont renoncé à leur droit d’être présents »

102. Cette condition n’exige pas la renonciation expresse visée à l’article 106 A) i) du Règlement. Elle fait plutôt référence à une renonciation découlant de l’analyse des éléments de preuve disponibles et de la conclusion, au vu de l’ensemble des circonstances, qu’une personne accusée doit avoir délibérément décidé de ne pas assister à l’audience, et avoir ainsi renoncé à son droit d’être présente.

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Procédure par défaut CPI

103. La Chambre de première instance est arrivée à cette conclusion. La publicité dont les accusations visant M. Merhi ont fait l’objet au Liban a été telle qu’il ne peut pas ne pas en avoir été informé. Le fait qu’il ne se soit pas présenté pour y répondre, soit en personne soit par l’entremise d’un avocat, porte à conclure qu’il a choisi de ne pas assister à l’audience et donc qu’il a renoncé à son droit d’être présent.

104. Les agents de la DICC ont pu se rendre à l’appartement de M. Merhi à Dahyieh, à Beyrouth, en juin 2012, avant sa mise en accusation, et rencontrer les mokhtars compétents, qui les ont informés qu’il n’habitait plus à cet endroit. Or, à cette époque, les médias libanais avaient abondamment fait état de son lien présumé avec l’acte d’accusation dans l’affaire Ayyash en tant que cinquième accusé, et il était introuvable à cet endroit. Le mokhtar avait dû apprendre par la publicité qui en était faite dans les médias libanais que M. Merhi était présumé être le cinquième accusé.

105. Quatorze mois plus tard, et après que M. Merhi ait été mis en accusation, ces mêmes mokhtars ne se sont pas présentés à l’entretien auquel la DICC les avait convoqués. C’était avant que l’acte d’accusation ne soit rendu public, en octobre 2013, mais après que les agents de la DICC eurent essayé de revenir au même appartement en août 2013. Ces agents avaient pu se rendre à l’appartement de Dahyieh en juin 2012, mais l’accès au quartier leur fut interdit à partir d’août 2013 et jusqu’au 6 décembre de la même année.

106. La Chambre de première instance est convaincue que Hassan Habib Merhi a nécessairement connaissance de sa mise en accusation en tant que coaccusé dans l’affaire qui a pour origine l’attentat du 14 février 2005. Il ne peut ignorer qu’il a été accusé de complot en vue de commettre un acte de terrorisme en lien avec l’explosion qui s’est produite ce jour-là et qui a fait des morts, parmi lesquels Rafic Hariri, et des blessés. Selon la DICC, sa famille était vivement contrariée par le fait qu’il ait été mis en accusation et ne voulait pas que les agents de la DICC s’approchent de leur appartement à Dahyieh. Que la raison invoquée ne soit en réalité qu’un « prétexte », comme le pensent lesdits agents, pour leur interdire l’accès à Dahyieh est sans importance. La DICC avait été informée en juin 2012 par le mokhtar que M. Merhi

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n’habitait plus à Dahyieh et, à partir de cette date et jusqu’en décembre 2013, on a empêché ses agents d’aller vérifier ce fait par eux-mêmes.

107. De plus, l’annonce que le procès des personnes accusées d’avoir commis l’attentat s’ouvrait à Leidschendam, aux Pays-Bas, et qu’il se tiendrait en l’absence des quatre accusés, a eu un retentissement si énorme au Liban que M. Merhi a nécessairement su que s’il ne se présentait pas pour se défendre contre les accusations, l’affaire qui le visait pouvait également être jugée en son absence. Dans ces circonstances, la seule conclusion raisonnable que la Chambre de première instance puisse tirer est que M. Merhi a délibérément choisi de ne pas être présent au procès. Considérant la taille du Liban et la concentration de ses médias, et attendu que les commentaires sur le rôle présumé de M. Merhi en tant que cinquième accusé dans l’affaire Ayyash avant sa mise en accusation ont été si nombreux et si exhaustifs, il est impossible qu’il ait ignoré qu’on le soupçonnait d’avoir participé à l’attentat du 14 février 2005 et qu’il pouvait être mis en accusation.

CONCLUSION

108. M. Merhi est citoyen libanais. Il est inscrit sur le registre d’état civil de Zqaq-El-Blat en tant que domicilié dans un appartement de Bourj-El-Barajneh, à Dahyieh, dans la banlieue sud de Beyrouth. Les registres libanais des entrées et sorties du territoire ne font état d’aucune sortie du pays depuis son retour d’un séjour en Syrie en octobre 2002. La Chambre de première instance ne dispose d’aucune information qui indiquerait qu’il a quitté le Liban. Toutes les tentatives effectuées en vue de lui signifier en personne l’acte d’accusation et le mandat d’arrêt ont échoué. D’autres méthodes de signification ont été employées, telles que la remise de l’acte d’accusation et du mandat d’arrêt aux mokhtars compétents ainsi que l’affichage et la diffusion d’avis de recherche de M. Merhi. Le Liban est un pays géographiquement compact doté de médias dynamiques et indépendants qui rapportent les événements relatifs au Tribunal spécial. L’acte d’accusation visant M. Merhi et les chefs d’accusation portés contre lui ont été largement couverts par les médias au Liban. D’abondants

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Procédure par défaut CPI

commentaires médiatiques ont lié son nom à l’acte d’accusation en l’affaire Ayyash et à l’attentat du 14 février 2005.

109. La Chambre de première instance est donc convaincue, conformément à l’interprétation de l’article 22 du Statut et de l’article 106 du Règlement donnée par la Chambre d’appel, que des mesures raisonnables ont été prises pour informer M. Merhi en personne, que les éléments de preuve relatifs à la notification sont tels qu’il a effectivement eu connaissance de l’engagement d’une procédure à son encontre, et que ces éléments sont suffisamment spécifiques pour que l’absence de M. Merhi signifie qu’il a très vraisemblablement choisi de ne pas assister à l’audience et donc qu’il a renoncé à son droit d’être présent.

110. Les mokhtars de Bourj-El-Barajneh, Haret-Hreik, Zqaq-El-Blat et du village de Ain Qana au Sud-Liban ont refusé de coopérer avec le Procureur général par intérim, comme le prescrit l’article 148 du code de procédure pénale libanais, dans ses tentatives pour signifier à M. Merhi l’acte d’accusation et les mandats d’arrêt. M. Merhi était introuvable à Dahyieh en juin 2012, plusieurs mois après que son nom ait été publié en tant que cinquième accusé dans l’affaire Ayyash. La DICC a rapporté que, d’août à décembre 2013, le Hezbollah a empêché ses agents d’accéder à l’appartement de Bourj-El-Barajneh à Dahyieh et au village de Ain Qana, mais que lorsqu’ils se sont rendus à deux reprises dans ces localités en décembre 2013, on les a informés que M. Merhi n’habitait dans aucune des deux. La conjonction de ces événements permet à la Chambre de première instance de conclure que M. Merhi « a pris la fuite ou est introuvable ».

111. La Chambre de première instance est donc convaincue que, aux termes de l’article 22 1) c) du Statut, M. Merhi « est en fuite ou est introuvable, et tout ce qui était raisonnablement possible a été fait pour garantir sa comparution devant le Tribunal et l’informer des charges confirmées par le Juge de la mise en État ». Elle ordonnera donc, en application de l’article 106 A) du Règlement, l’engagement d’une procédure par défaut.

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Procédure par défaut CPI

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS, la Chambre de première instance :

DÉCIDE, en application de l’article 22 du Statut du Tribunal spécial et de l’article 106 du Règlement de procédure et de preuve d’engager une procédure par défaut contre Hassan Assad Merhi.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi.

Leidschendam (Pays-Bas) Le 20 décembre 2013

M. le juge David Re, président

Mme le juge Janet Nosworthy Mme le juge Micheline Braidy

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INDEX 2013

Les nombres utilisés renvoient aux numéros de paragraphe des décisions. Les titres abrégés des décisions figurent par commodité de référence et ne sont pas des titres officiels.

THÈME EMPLACEMENTAbus, de pouvoir Réexamen d’une décision CA, 10.

Abus, de procédure Réexamen d’une décision CA. 11, 15.

Accès à l’information Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 22.

Accord de siège entre l’Organisation des Nations Unies et les Pays Bas, Article 22

Réexamen d’une décision CA, 8.

Accusé, absence de l’ Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 22 ; Ajournement de la date du procès JME, 9 ; Procédure par défaut CPI, 63, 107 ; Rapport de mise en état JME, 40.

Accusé, droits de l’ Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 6, 9, 12, 17, 21, 22; Ajournement de la date du procès JME, 19; Anonymat total des victimes CA, 14, 21, 23-27, 31, 36-39 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 4-5, 15, 25-26, 28-29; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 13; Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 17, 20-21, 24, 26, 30-31, 33-34; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 16; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 13, 15, 23; Consultation des registres des données d’appel CA, 15; Recours contre une décision du Président CA, 10; Rapport de mise en état JME, 28, 34,129.

Accusés, données personnelles relatives aux

Rapport de mise en état JME, 37, 38-53.

Acte d’accusation, annulation Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 20-23.

Acte d’accusation, Ayyash, couverture médiatique

Procédure par défaut CPI, 45, 46, 47, 85, 108.

Acte d’accusation, confidentialité de l’

Procédure par défaut CPI, 8, 31.

Acte d’accusation, confirmation de l’

Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 2,20 ; Rapport de mise en état JME, 5 ; Procédure par défaut CPI, 7, 41, 54, 59.

Acte d’accusation, divulguer, divulgation de l’

Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 1, 20.

Acte d’accusation, en vigueur Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 8, 22.

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Index

Acte d’accusation, modification de l’

Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 1, 6, 17, 20, 27-28, 30-34, Dispositif ; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 8 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 5, 78 ; Rapport de mise en état JME, 7-9,11, 13, 14, 18, 52.

Acte d’accusation, modifié Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 1, 2, 6-12, 19, 21, 22, 25, 27, 30, 31, 34, 36, 37, 41, 43-45, 47, 49, 50-52.

Acte d’accusation, signification de l’

Procédure par défaut CPI, 11, 12, 15, 16, 18, 22, 23, 41.

Acte d’accusation, vices de forme

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 49.

Acte de terrorisme Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 25, 26, 39, 41, 51, 54-59, 72-77.

Admissibilité, à titre d’éléments de preuve

Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 1-3, 6-9, 13, 19, 22, 24-27, 30, 31, 33, 34, 37 ; Rapport de mise en état JME, 133, 134, 136, 137, 140.

Admissibilité, critères d’ Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 22, 23, 26.

Admissibilité, de déclarations Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 4, 7, 19, 22, Rapport de mise en état JME, 155.

Admissions de faits Communication de documents CA, 3, 18, 20, 24, 31.

Affaire Bagilishema (TPIR) Consultation des registres des données d’appel CA, 28.

Affaire Bemba (CPI) Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 24 ; Anonymat total des victimes CA, 26.

Affaire El Sayed Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 8, 21 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 8,9.

Affaire Halilović (TPIY) Consultation des registres des données d’appel CA, 29.Affaire Popović et consorts (TPIY)

Consultation des registres des données d’appel CA, 30.

Affaire Stanišić et Simatović (TPIY)

Consultation des registres des données d’appel CA, 29.

Affaires connexes Rapport de mise en état JME, 132,133, 136-138, 140.Ajournement (ouverture du procès)

Ajournement de la date du procès JME, 5, 9, 13, 15, 20, 22.

Al-Jazeera Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 44-45-46 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 45, 51-53, 57 ; Rapport de mise en état JME, 121-127.

Analyse de site cellulaire Rapport de mise en état JME, 72, 73, 78-81, 83.

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Index

Analyses de police scientifique, rapports médico-légaux et criminalistiques

Rapport de mise en état JME, 16, 108, 109, 117, 144, 147, 156-160.

Analyses médico-légales Rapport de mise en état JME, 117.Annonce publique, notifié publiquement, procédure d’annonce publique

Procédure par défaut CPI, 8, 14, 29, 32, 39, 41, 70, 72.

Annuler, annulation Composition de la Chambre de première instance PRES, 1, 10, 15.Anonymat, définition de Anonymat total des victimes CA, 22, 30.

Anonymat, des témoins Anonymat total des victimes CA, 35-36 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 21, 24.

Anonymat, des victimes Anonymat total des victimes CA, 3, 6, 19, 21, 22, 24, 26, 32, 34 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 3, 13, 16, 18-19, 21, 24.

Anonymat, permanent Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 3, 26.

Appel interlocutoire Anonymat total des victimes CA, 7, 10, 12-13, 17 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 2, 5, 7, 13, 15-16.

Appel, examen en, qualité pour solliciter, droit de solliciter

Anonymat total des victimes CA, 15-16, 19.

Appel, nature de l’ Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 2.

Application de la jurisprudence

Communication de documents CA, 27.

Argumentum e contrario Anonymat total des victimes CA, 13 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko) ,15.

Attentat du 14 février 2005 Communication de documents CA,31; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 16; Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 25; Consultation des registres des données d’appel CA,10; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 1, 34-35, 37, 57, 60, 74; Rapport de mise en état JME, 1, 5, 36, 37, 54-62, 65, 66, 83-95, 102-129, 146, 156-160, 163, 165, 173, 176, 178-180, 183, 188-190; Procédure par défaut CPI,5,35,96-97,106-108.

Attentats, Koweït Rapport de mise en état JME, 44-46, 132, 139-141.

Attribution des téléphones Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 34(ii), 35 ; Rapport de mise en état JME, 37, 54, 60, 62-65, 68-69, 72, 75, 77-83, 94,130, 156, 161-162.

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Auteur de l’attentat-suicide Rapport de mise en état JME, 112, 117, 139.Autorisation aux fins de réplique, de dépôt d’une réplique

Anonymat total des victimes CA, 3, 6.

Autorités libanaises Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 11, 14, 16 ; Ajournement de la date du procès JME, 9, 12, 20 ; Communication de documents CA, 2 ; Procédure par défaut CPI, 3, 7, 8, 18, 22, 29, 39, 41, 60, 69, 71-73, 86, 93, 94.

Bulletin d’actualité judiciaire Procédure par défaut CPI, 38.Bureau de la Défense Recours contre une décision du Président CA, 17 ; Admissibilité de

déclarations de témoins CPI, 17 ; Réexamen d’une décision CA, 4, 5, 13, 21 ; Procédure par défaut CPI, 41, 68, 74, 75.

Caméras d’enregistrement en circuit fermé, Caméras de surveillance

Rapport de mise en état JME, 112, 156, 178.

Certification, interjeter appel, conditions requises

Communication de documents CA, 11, 13-16 ; Anonymat total des victimes CA, 3, 7-10, 12, 14, 22 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 22 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 3 ; Recours contre une décision du Président CA, 14.

Chambre d’appel, compétence, pouvoirs

Anonymat total des victimes CA, 8, 11 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 2-3, 5, 13, 18, 21 ; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 38-39 ; Recours contre une décision du Président CA, 10-11 ; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 9 ; Recours contre une décision du Président CA, 8, 11.

Chambre d’appel, jurisprudence

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 38-39 ; Recours contre une décision du Président CA, 10-11.

Chapitre V Procédure par défaut CPI, 12.Chefs d’accusation Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 38, 42, 43, 53-58, 60-75.Circonstances aggravantes Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 25-26.

Circonstances exceptionnelles Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 10, 32.Clarification Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 4, 5, 17, 19-21,

28-29, 33-35.Clarifications, éclaircissements au sujet de l’acte d’accusation

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 6 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 14.

Coaccusé Procédure par défaut CPI, 45, 100, 106.Coauteur Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 37, 39, 57, 59, 71, 73, 75.

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407

Index

Code de procédure pénale libanais (CPPL)

Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 9 ; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 28 ; Procédure par défaut CPI, 12, 14, 86, 90, 93.

Article 131 (CPPL) Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 28, 29.Article 147 (CPPL) Procédure par défaut CPI, 15, 17, 23, 90, 93.Article 147 (6) (CPPL) Procédure par défaut CPI, 13.Article 147 (7) (CPPL) Procédure par défaut CPI, 7, 13.Article 148 (CPPL) Procédure par défaut CPI, 15, 23, 91, 93, 110.

Code pénal libanais (CPL)Articles 188 et 189 (CPL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 26 (vii), 41.Articles 200 à 203 (CPL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 26 (iv), 41.Articles 212 et 213 (CPL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 41.Article 219 4) et 5) (CPL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 41, 56.Article 270 (CPL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 26 (ii) ,41.Article 314 (CPL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 26 (i) ,41.Articles 547, 549 1) et 7) (CPL)

Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 26 (iii), 41.

Comité central de sécurité du Hezbollah

Procédure par défaut CPI, 26, 27, 61, 77, 98.

Common law Communication de documents CA, 20 ; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 9, 30.

Communication, communication de pièces

Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 5, 7-8, 10-11, 17, 19, 22-23, 28-29; Ajournement de la date du procès JME, 8-10, 12-15, 19; Communication de documents CA, 1, 3, 8, 13-14, 16, 18-19, 27; Anonymat total des victimes CA, 22, 30-31; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 16, 18, 27, 29.

Communication, exception à l’obligation générale de

Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 7.

Communication, obligations de

Ajournement de la date du procès JME, 8, 10, 12 ; Communication de documents CA, 2, 7, 23, 25, 28 ; Anonymat total des victimes CA, 22 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 12, 33.

Communications téléphoniques

Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 13, 19, 29, 35 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 33, 37, 38,46-50, 76.

Compétence inhérente, compétence, pouvoir

Composition de la Chambre de première instance PRES, 12 ; Recours contre une décision du Président CA, 11-12 ; Réexamen d’une décision CA, 15, 16, 19 ; Rapport de mise en état JME, 117.

Compétence, Chambre d’appel

Recours contre une décision du Président CA, 8, 11-12.

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408

Index

Compétence, Juge de la mise en état

Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 16, 28 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 23 ; Rapport de mise en état JME, 1, 4, 133.

Compétence, Tribunal Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 28, 38, 40, 42.Complice Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 26, 37, 39, 55, 56, 58, 59,

63, 67, 71, 77.Complicité Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 41.Complot Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 25, 27-28, 32-33;

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI,31-37,39-41, 49; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 26, 39, 41, 51, 54, 59, 72, 73, 75-77; Rapport de mise en état JME, 107, 118; Procédure par défaut CPI, 5-6,106.

Composition de la Chambre Recours contre une décision du Président CA, 7-9, 13-16 ; Réexamen d’une décision CA, 6.

Concours, cumul, de qualifications

Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 24-26,76.

Conférence de mise en état Ajournement de la date du procès JME, 3, 7.Confidentialité Consultation des registres des données d’appel CA, 5 ; Acte

d’accusation visant M. Merhi JME, 79-80 ; Procédure par défaut CPI, 8, 31, 35, 75.

Conseil de sécurité Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 8.

Conseil de sécurité, Document joint en annexe de la résolution 1757 du Conseil de sécurité, article 13

Réexamen d’une décision CA, 7.

Consultation des registres des données d’appel (« CDR »), droit de

Consultation des registres des données d’appel CA, 1, 13, 15, 22.

Convention de Vienne sur le droit des traités

Rapport de mise en état JME, 27-28.

Convention européenne des droits de l’homme

Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 13 : Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 13

Cour de cassation libanaise Recours contre une décision du Président CA, 16 ; Procédure par défaut CPI, 7, 32, 91, 92.

Cour européenne des droits de l’homme

Recours contre une décision du Président CA, 15.

Cour pénale internationale (CPI)

Anonymat total des victimes CA, 17, 26 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 11 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 21-22.

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409

Index

Article 77 (RPP-CPI) Consultation des registres des données d’appel CA, 22.Cours fédérales des États-Unis

Consultation des registres des données d’appel CA, 31.

Critères applicables à l’examen (de l’appel)

Anonymat total des victimes CA, 19 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 6.

Date provisoire (nouvelle, d’ouverture du procès)

Ajournement de la date du procès JME, 3, 18-24 ; Rapport de mise en état JME, 6, 12, 19.

Décision administrative Composition de la Chambre de première instance PRES, 12,15 ; Recours contre une décision du Président CA, 9.

Décision attaquée Communication de documents CA, 3, 5, 10, 13-16, 24 ; Anonymat total des victimes CA, 7-8, 19, 21, 34, 37-38 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 25 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 1-3, 5, 6, 8, 12-16, 18, 19, 36, 37.

Décision judiciaire Communication de documents CA, 6 ; Composition de la Chambre de première instance PRES, 11.

Décisions préjudicielles Communication de documents CA, 14 ; Anonymat total des victimes CA, 9, 17 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 2 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 26, 77.

Délai Anonymat total des victimes CA, 4.DICC, voir Division des investigations criminelles centrales libanaiseDifficultés techniques Ajournement de la date du procès JME, 11, 20.Diffusion, diffusé, presse, médias audiovisuels

Procédure par défaut CPI, 30, 37, 39, 48, 59, 70, 99.

Directive pratique Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 1, 3-11, 17-22, 24-29, 31-33 ; Composition de la Chambre de première instance PRES, 13.

Discriminatoire, décision Réexamen d’une décision CA, 12-14,18.Division des investigations criminelles centrales (DICC), Liban

Procédure par défaut CPI, 16, 19-21, 24-27, 61, 77-78, 86, 90, 98, 101, 104-106, 110.

Documents de travail - internes

Communication de documents CA, 2, 4.

Documents frauduleux Rapport de mise en état JME, 59-60.Données brutes Consultation des registres des données d’appel CA, 2, 9, 34-36.Dossier d’instruction (libanais)

Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 1, 2, 8, 10, 11, 14, 16-20, 26-29.

Dossier d’instruction libanais Ajournement de la date du procès JME, 11.Dossier libanais Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 1-2, 5, 8, 11.

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Index

Droit applicable Communication de documents CA, 27 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 25, 27 ; Procédure par défaut CPI, 63-67.

Droit d’appel (voir Droit d’interjeter appel)

Anonymat total des victimes CA, 9, 11, 15 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 6, 13-16, 21-22 ;

Droit d’interjeter appel Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 9.

Droit libanais Recours contre une décision du Président CA, 16.Droits de l’accusé (voir Accusé, droits de l’)Droits de la personne, instruments internationaux, normes internationales

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 13, 15 ; Procédure par défaut CPI, 66.

Droits des victimes Anonymat total des victimes CA, 16, 31, 38 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 15.

Échantillons d’ADN Rapport de mise en état JME, 158.Économie judiciaire Communication de documents CA, 16 ; Anonymat total des victimes

CA, 6.Éléments de preuve relatifs aux télécommunications

Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 35-37 ; Rapport de mise en état JME, 58.

Éléments de preuve, analyse des

Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 19.

Éléments de preuve, de prime abord

Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 17, 33-34 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 36, 52.

Éléments de preuve, documents

Ajournement de la date du procès JME, 9 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 7, 11, 12, 16, 17,29-31, 33, 34, 38, 52, 59, Rapport de mise en état JME, 83, 90, 93, 134.

Éléments de preuve, établissement des faits

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 4, 16, 17, 25-27, 40, 47-50 ; Rapport de mise en état JME, 58, 63, 64, 66, 77.

Éléments de preuve, production d’

Anonymat total des victimes CA, 27 ; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 9.

Éléments pertinents Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 43, 57, 62, 66, 70.Équité de la procédure Ajournement de la date du procès JME, 20-21,24 ; Communication

de documents CA, 11 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 15 ; Réexamen d’une décision CA, 23 ; Rapport de mise en état JME, 34.

Erreur de droit Anonymat total des victimes CA, 19, 34 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 6-7, 12.

Essentiel, caractère Consultation des registres des données d’appel CA, 11, 14, 18-23.Essentiel, faits Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 17, 19, 40, 43, 45, 47-50.

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411

Index

Essentiel, préparation de la défense

Consultation des registres des données d’appel CA, 1, 6, 8, 10, 15, 16,18, 19, 21, 37.

Estoppel (principe) Communication de documents CA, 17, 19-22.Estoppel par acte écrit Communication de documents CA, 20-21.Estoppel par choix Communication de documents CA, 22.Examiner, examen, inspection Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 10, 19, 28 ;

Ajournement de la date du procès JME, 15.Expurgation Communication de documents CA, 9 ; Anonymat total des victimes

CA, 31 ; Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 40 ; Procédure par défaut CPI, 75.

Faits allégués Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 17.

Faits de nature à disculper l’accusé, éléments de preuve à décharge

Ajournement de la date du procès JME, 15 ; Communication de documents CA, 26, 28.

Faits, relatifs aux victimes, non contestés

Rapport de mise en état JME, 148.

Fausses revendications de responsabilité

Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 13, 25, 29, 31, 35 ; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 44,46, 49 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 51-53, 59 ; Rapport de mise en état JME, 63, 84, 85, 95-103, 105, 118, 120, 127,156, 165, 180.

Fiable, fiabilité Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 7, 9, 11, 22, 24-31, 35, 36.

Format SQL (langage de requête structurée), CDR au format SQL

Consultation des registres des données d’appel CA, 2, 9-11, 13, 24-27, 32-37.

Fuite, prendre la/être en Procédure par défaut CPI, 4, 63-65, 70, 83, 84, 101, 110, 111.

Futile, recours, écriture ou requête

Recours contre une décision du Président CA, 17 ; Réexamen d’une décision CA, 1, 3, 11-12,14-17-20.

Gouvernement libanais Composition de la Chambre de première instance PRES, 13 ; Procédure par défaut CPI, 7,12, 84.

Haute Cour de Nouvelle-Zélande

Consultation des registres des données d’appel CA, 31.

Homicide, avec préméditation, intentionnel

Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 25, 26, 39, 41, 60, 61-71, 77 ; Procédure par défaut CPI, 6.

Homicide, tentative d’ Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 25, 26, 41 ; Procédure par défaut CPI, 6.

Identité d’un témoin Anonymat total des victimes CA, 27 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 20.

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Index

Identité d’une victime Anonymat total des victimes CA, 22, 24-26, 28, 32, Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 10, 16.

Immunité Réexamen d’une décision CA, 7-8.Immunité de juridiction Réexamen d’une décision CA, 7.Indépendant, juge Rapport de mise en état JME, 31.Indices de fiabilité Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 7, 22, 24-26, 29, 30,

31.Injustice Composition de la Chambre de première instance PRES, 10 ;

Recours contre une décision du Président CA, 11.Intention homicide Rapport de mise en état JME, 89.Intérêts de la justice Ajournement de la date du procès JME, 17, 21 ; Admissibilité de

déclarations de témoins CPI, 21, 27, 28 ; Anonymat total des victimes CA, 37 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 25 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 22 ; Recours contre une décision du Président CA, 8, 10.

Internet Procédure par défaut CPI, 30.Juges d’instruction libanais Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 1, 7, 17, 26-

27, 29.Juridictions canadiennes Consultation des registres des données d’appel CA, 31.

Juridictions internes Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 9.Jurisprudence Ajournement de la date du procès JME, 17, 19 ; Communication

de documents CA, 1, 27 ; Anonymat total des victimes CA, 17 ; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 10 ; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 17, 29, 52 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 21, 22 ; Rapport de mise en état JME, 134.

Jurisprudence du droit international pénal

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 37.

Ligne de conduite Rapport de mise en état JME, 37, 132, 134, 136-137, 140, 156, 183-184.

Liste de pièces à conviction Ajournement de la date du procès JME, 10, 13 ; Rapport de mise en état JME, 16, 17, 20, 151, 193.

Litige Communication de documents CA, 8-9, 18.Loi libanaise du 11 janvier 1958

Article 6 (loi du 11 janvier 1958)

Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 26 (vii), 41.

Article 7 (loi du 11 janvier 1958)

Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 26(ii), 41.

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Index

Mandats d’arrêt Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 1, 7, 17, 37-38 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 2, 21 ; Procédure par défaut CPI 12, 14, 18, 26, 28, 32-34, 85, 89, 91, 92, 99, 108.

Médias, couverture accordée dans les médias libanais, campagne d’information

Procédure par défaut CPI, 3, 30-31,35, 45-49, 53, 85, 89, 96-100, 103-104, 107-108.

Médias internationaux Procédure par défaut CPI, 36, 37, 50.Médias libanais Procédure par défaut CPI, 3, 36, 40-44, 46, 48-52, 54, 62, 85, 92,

97-99, 101, 104.Mémoire d’avant procès Ajournement de la date du procès JME, 9,13 ; Vices de forme de

l’acte d’accusation CPI, 27, 29, 50 ; Rapport de mise en état JME, 2, 15, 17, 21, 23, 34, 133.

Mémoires du Procureur, des conseils de la défense, du RLV

Rapport de mise en état JME, 1-2,15, 21, 23, 24, 32, 34, 35.

Merhi, informations concernant

Rapport de mise en état JME, 168-171 ; Procédure par défaut CPI, 1, 18, 25, 35, 54-55.

Mesures de protection Anonymat total des victimes CA, 1, 3, 9, 15, 20-22, 24, 31, 34, 37- 40 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 3, 25 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 5, 16.

Méthodologie, d’attribution Rapport de mise en état JME, 68-73, 83.Modes de responsabilité Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 24-26, 42.Modus operandi Rapport de mise en état JME, 114.Nations Unies, Charte des Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge

Baragwanath), 2.Nations Unies, Commission d’enquête internationale indépendante des (UNIIIC)

Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 7-8, 11, 21, 23 ; Communication de documents CA, 2, 25.

Nations Unies, Secrétaire général

Composition de la Chambre de première instance PRES, 2, 8, 13.

Neutre, juge Rapport de mise en état JME, 31.Non-communication Communication de documents CA, 13, 16.Norme juridique Consultation des registres des données d’appel CA, 16, 19, 20.Normes internationales des droits de la personne

Procédure par défaut CPI, 66.

Notification Ajournement de la date du procès JME, 8, 23.Notification, procédures Procédure par défaut CPI, 11-15, 17, 23, 29, 41, 66, 67, 86, 88, 93,

95, 109.

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Index

Ordonnance portant calendrier, notifier, signifier à M. Merhi

Procédure par défaut CPI, 76-77.

Ordre, demande, de transfèrement et de détention

Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 1, 7, 15, 37.

Ouverture du procès Ajournement de la date du procès JME, 4, 9, 19, 22 ; Composition de la Chambre de première instance PRES, 7 ; Rapport de mise en état JME, 6, 12, 19.

Par défaut, procès, procédure (voir Procès par défaut)

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 25-27 ; Procédure par défaut CPI, 1, 2, 4, 10, 41, 46, 50, 53, 63-66, 68, 71, 73, 80, 83, 94, 107, 111.

Parties civiles Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 10, 13.

Parties, droits des Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 2, 8-9, 13.

Période Consultation des registres des données d’appel CA, 13-14, 18.Période pertinente Consultation des registres des données d’appel CA, 3, 9, 13, 15-19,

24-26, 34, 36.Période pour laquelle des CDR doivent être mis à disposition

Consultation des registres des données d’appel CA, 13.

Plan de travail Ajournement de la date du procès JME, 4, 19-20, 24.Plénière (juges) Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge

Baragwanath), 8.Positionnement coïncident Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 34 (iv), 47-49 ; Rapport de

mise en état JME, 69,73, 78, 79, 82-83, 130.Pouvoir discrétionnaire Composition de la Chambre de première instance PRES, 9 ;

Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 7, 10, 18-20.Pouvoirs, outrepasser Composition de la Chambre de première instance PRES, 10.Préjudice, absence de Anonymat total des victimes CA, 16.Préjudice, aux accusés Anonymat total des victimes CA, 25-26, 29, 34, 37-38 ; Anonymat

total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 23, 25 ; Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 17, 25-26, 28, 31, 33-34 ; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 21, 23.

Préjudice, dans la procédure Anonymat total des victimes CA, 32 ; Réexamen d’une décision CA, 10, 23.

Préjudice, pour l’une des parties

Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 20, 23-24.

Préjudiciable Anonymat total des victimes CA, 14, 27, 30-31, 35, 38-39 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 4, 21, 27.

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Index

Preuves indiciaires, circonstancielles

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 25, 26 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 37 ; Rapport de mise en état JME, 36, 83, 92, 94.

Principe audi alteram partem Communication de documents CA, 6, 7 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 10,18, 27.

Principe de l’égalité devant la loi

Réexamen d’une décision CA, 12.

Principe de nécessité Recours contre une décision du Président CA, 8.Principe du contradictoire Réexamen d’une décision CA, 13.

Principe expressio unius est exclusion alterius

Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 22.

Principe favor rei Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 15.

Principes de droit international pénal

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 15, 17, 18 ; Rapport de mise en état JME, 27.

Principes généraux du droit, du droit international pénal

Ajournement de la date du procès JME, 20 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 13 ; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 15, 17-18.

Procédure, équité, rapidité, efficacité

Ajournement de la date du procès JME, 20, 21, 24 ; Communication de documents CA, 11 ; Anonymat total des victimes CA, 26, 36 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 10, 24 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 15 ; Recours contre une décision du Président CA, 12.

Procédure pénale internationale – normes de

Communication de documents CA, 6 ; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 23, 30.

Procédure pénale libanaise Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 6, 12.Procédure, procès, par défaut, conduire, engager, engagement

Procédure par défaut CPI, 10, 41, 63, 64, 67, 68.

Procédure, publicité de la Communication de documents CA, 5, 9 ; Anonymat total des victimes CA, 24.

Procédure, retard de la Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 17 ; Composition de la Chambre de première instance PRES, 6 ; Réexamen d’une décision CA, 15.

Procédures ex parte Communication de documents CA, 5, 7.Procès équitable et rapide Ajournement de la date du procès JME, 18 ; Anonymat total des

victimes CA, 2, 34 ; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 23 ; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 13 ; Composition de la Chambre de première instance PRES, 6 ; Rapport de mise en état JME, 28, 29, 31, 35 ; Réexamen d’une décision CA, 23.

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Index

Procès équitable, droit de l’accusé à un

Anonymat total des victimes CA, 24, 28, 31, 38 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 4, 14-15, 28-29, 32, 34 ; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 23 ; Composition de la Chambre de première instance PRES, 6.

Processus de consultation Ajournement de la date du procès JME, 24.Procureur général libanais Communication de documents CA, 25.Proportionnalité Anonymat total des victimes CA, 38.Protection d’un accusé Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge

Baragwanath), 2, 10.Protection des victimes, témoins

Anonymat total des victimes CA, 22, 24, 36.

Publication Procédure par défaut CPI, 9, 30, 48, 85.Publicité des débats Communication de documents CA, 9.Qualifications, concours, cumul de

Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 24-26, 77.

Qualité de l’appelant Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 2.

Radio, message, diffusion, diffusé

Procédure par défaut CPI, 30, 36-40, 48, 54, 59, 70, 92, 99, 101.

Rapidité du procès Ajournement de la date du procès JME, 21, 24 ; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 14, 23.

Rapport relatif à la chronologie des événements

Rapport de mise en état JME, 58, 60-64, 66, 86, 104, 111, 121, 122, 124.

Rapport relatif aux communications téléphoniques

Rapport de mise en état JME, 100.

Rapports d’experts Ajournement de la date du procès JME, 10, 15.Recevabilité, recours Anonymat total des victimes CA, 7, 10 ; Anonymat total des victimes

CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath) 1 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 1, 22 ; Recours contre une décision du Président CA, 10.

Réexamen, réexaminer Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 10 ; Composition de la Chambre de première instance PRES, 1,10-11,15 ; Réexamen d’une décision CA, 1, 4, 6,7, 8-10, 12.

Registres des données d’appel, relevés d’appels téléphoniques, relevés de communications téléphoniques (en anglais « CDR »)

Ajournement de la date du procès JME, 14 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 2 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 46 ; Rapport de mise en état JME, 73, 82, 83, 163.

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Index

Registres des SMS (services de messages courts)

Consultation des registres des données d’appel CA, 2.

Règlement de procédure et de preuve du TSL (RPP-TSL)

Article 2 (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 9, Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 8 ;

Article 3 (RPP-TSL) Rapport de mise en état JME, 27.Article 3 A) (RPP-TSL) Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 15.Article 8 B) (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 4-5.Article 9 (RPP-TSL) Communication de documents CA, 10.Article 14 (RPP-TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 2.Article 32 (RPP-TSL) Composition de la Chambre de première instance PRES, 13.Article 32 E) (RPP-TSL) Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 17.Article 57 H) (RPP-TSL) Réexamen d’une décision CA, 21.Article 60 H) (RPP-TSL) Réexamen d’une décision CA, 21.Article 61 iv) (RPP-TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 1-2.Article 68 D) (RPP-TSL) Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 14, 16, 29.Article 68 E) (RPP-TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 14.Article 68 F) (RPP-TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 31.Article 68 G) (RPP-TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 24.Article 68 J) (RPP-TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 2.Article 69 (RPP-TSL) Ajournement de la date du procès JME, 5.Article 71 A) ii) (RPP-TSL)

Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 16, 20, Disposition.

Article 71 B) (RPP-TSL) Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 17, 20, 31, 33-34.Article 74 (RPP-TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 1, 80.Article 76 (RPP-TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 2 ; Procédure par défaut

CPI, 8, 11, 16, 23, 31, 87.Article 76 A) (RPP-TSL) Procédure par défaut CPI, 11.Article 76 B) (RPP-TSL) Procédure par défaut CPI, 11,16, 90.Article 76 bis (RPP-TSL) Procédure par défaut CPI, 9, 30.Article 76 C) (RPP-TSL) Procédure par défaut CPI, 7.Article 76 E) (RPP-TSL) Procédure par défaut CPI, 14, 29, 87, 91.Article 77 A) (RPP-TSL) Ajournement de la date du procès JME, 5 ; Acte d’accusation visant

M. Merhi JME, 1-2.Article 79 (RPP-TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 2.Article 84 (RPP-TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 2.

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Index

Article 86 (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 4.

Article 86 C) (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 13, 15 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 14-15.

Article 86 D) (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 13 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 15.

Article 86 G) (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 32-34.Article 87 (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 23 ; Anonymat total des victimes

CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 10 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 10.

Article 88 (RPP-TSL) Ajournement de la date du procès JME, 15.Article 89 B) (RPP-TSL) Rapport de mise en état JME, 31.Article 89 E) (RPP-TSL) Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 3 ; Composition de

la Chambre de première instance PRES, 7 ; Rapport de mise en état JME, 133.

Article 90 A) (RPP-TSL) Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 4, 9, 20.Article 91 (RPP-TSL) Consultation des registres des données d’appel CA, 2-3 ; Rapport de

mise en état JME, 17, 22.Article 91 A) (RPP-TSL) Ajournement de la date du procès JME, 4, 10.Article 91 C) (RPP-TSL) Ajournement de la date du procès JME, 1, 10, 16, 23.Article 91 G) (RPP-TSL) Consultation des registres des données d’appel CA, 15.Article 91 G) ii) (RPP-TSL)

Ajournement de la date du procès JME, 13 ; Rapport de mise en état JME, 153.

Article 91 G) iii) (RPP-TSL)

Ajournement de la date du procès JME, 15,20.

Article 91 I) (RPP-TSL) Rapport de mise en état JME, 15, 34, 152.Article 93 (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 35-36 ; Anonymat total des

victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 13, 20-24, 31, 33-34.

Article 95 (RPP-TSL) Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME, 16 ; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 33, 37 ; Rapport de mise en état JME, 22, 71.

Article 95 A) (RPP-TSL) Rapport de mise en état JME, 4, 29.Article 95 A) vi) (RPP-TSL)

Rapport de mise en état JME, 1.

Article 95 A) vii) (RPP-TSL)

Rapport de mise en état JME, 26-27,30, 150.

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Index

Article 95 B) (RPP-TSL) Rapport de mise en état JME, 4.Article 101 G) (RPP-TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 2.Article 105 bis A) (RPP-TSL)

Procédure par défaut CPI, 2, 10.

Article 106 (RPP-TSL) Procédure par défaut CPI, 64, 69, 74, 76, 109.Article 106 A) i) (RPP-TSL)

Procédure par défaut CPI, 80, 82, 102.

Article 106 A) iii) (RPP-TSL)

Procédure par défaut CPI, 65, 83, 84, 111.

Article 106 B) (RPP-TSL) Procédure par défaut CPI, 80-81.Article 110 (RPP-TSL) Consultation des registres des données d’appel CA, 2.Article 110 B) (RPP-TSL) Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 2, 10, 18-19,

28; Ajournement de la date du procès JME, 10,15; Consultation des registres des données d’appel CA, 1-3,8,10-16, 19-23, 27, 29, 37.

Article 110 A) i) (RPP-TSL)

Ajournement de la date du procès JME, 15.

Article 110 A) ii) (RPP-TSL)

Ajournement de la date du procès JME, 10, 15, 20.

Article 111 (RPP-TSL) Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 6-8, 11, 21-23, 25, 27; Communication de documents CA, 2, 13, 15, 25-29, 34.

Article 112 bis (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 22.Article 113 (RPP-TSL) Ajournement de la date du procès JME, 10,15 ; Communication

de documents CA, 25-26 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 2, 28.

Article 115 (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 24.Article 116 (RPP-TSL) Communication de documents CA, 7-8, 26, 28.Article 117 (RPP-TSL) Communication de documents CA, 7-8, 26, 28.Article 118 (RPP-TSL) Communication de documents CA, 7-8, 26, 28.Article 121 A) (RPP-TSL) Consultation des registres des données d’appel CA, 1, 26, 33-35, 37,

Disposition.Article 122 (RPP-TSL) Rapport de mise en état JME, 142.Article 123 (RPP-TSL) Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 19.Article 126 (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 7, 11, 14 ; Anonymat total des

victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 9 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 5-7, 12, 18.

Article 126 A) (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 12.Article 126 B) (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 12.Article 126 C) (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 9, 12

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Index

Article 126 E) (RPP-TSL) Communication de documents CA, 11 ; Anonymat total des victimes CA, 9-10, 12, 18.

Article 126 G) (RPP-TSL) Recours contre une décision du Président CA, 17 ; Réexamen d’une décision CA, 1, 7, 11-19, 21-22.

Article 133 (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA, 24.Article 140 (RPP-TSL) Composition de la Chambre de première instance PRES, 11 ;

Réexamen d’une décision CA, 1,8-9.Article 149 C) (RPP-TSL) Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 10 ; Rapport de mise

en état JME, 134.Article 150 (RPP-TSL) Rapport de mise en état JME, 153.Article 155 (RPP-TSL) Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 2, 3-5, 9, 12, 15, 16,

19, 20, 22-25, 27, 28, 30, 31, 34, 37 ; Rapport de mise en état JME, 153, 155, 157-160, 162, 164, 165, 173, 174, 182, 184, 187-190.

Article 155 A) (RPP-TSL) Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 5, 12 ; Rapport de mise en état JME, 155.

Article 155 B) (RPP-TSL) Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 32.Article 156 (RPP-TSL) Rapport de mise en état JME, 153.Article 157 (RPP-TSL) Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 3, 19.Article 158 (RPP-TSL) Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 36 ; Rapport de mise

en état JME, 153, 179.Article 158 A) ii) (RPP-TSL)

Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 36.

Article 159 B) (RPP-TSL) Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 22.

Article 176 A) (RPP-TSL) Consultation des registres des données d’appel CA, 6.Règlement de procédure et de preuve du TPIR (RPP-TPIR)

Article 47 C) (RPP-TPIR) Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 16.Article 68 (RPP-TPIR) Consultation des registres des données d’appel CA, 28.

Règlement de procédure et de preuve du TPIY (RPP-TPIY)

Article 47 C) (RPP-TPIY) Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 16.Article 66 B) (RPP-TPIY) Consultation des registres des données d’appel CA, 29.Article 73 (RPP-TPIY) Anonymat total des victimes CA, 12.Article 92 bis (RPP-TPIY) Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 15-16.

Réparation devant les tribunaux nationaux

Anonymat total des victimes CA, 32-34.

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Index

Représentant légal des victimes (RLV)

Anonymat total des victimes CA, 1, 3-9, 12, 14-15, 19, 21-22, 25-27, 30, 32, 35-38 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 13, 16, 21, 25, 28 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 19, 21-22 ; Rapport de mise en état JME, 2, 12, 32, 35, 181, 186-193.

Requête supplétive Communication du Dossier d’instruction libanais JME, 5, 13.Réseaux, rapport d’analyse des

Rapport de mise en état JME, 58-62, 66, 74, 75, 77.

Réseaux, secrets, téléphones Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 35, 38, 46-50 ; Rapport de mise en état JME, 37, 54-67, 76, 117, 163.

Réseaux, téléphoniques Consultation des registres des données d’appel CA, 15 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 35 (iii) ; Rapport de mise en état JME, 54-58, 65-67, 76, 163.

Saisie de l’affaire Rapport de mise en état JME, 4.Salle de consultation Ajournement de la date du procès JME, 14 ; Consultation des

registres des données d’appel CA, 2.Sanctions Réexamen d’une décision CA, 12, 13,15-17, 20, 22-23.Signification à personne Procédure par défaut CPI, 23, 87.Statut du TSL

Article 2 (statut du TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 39, 41.Article 2 2) d) (statut du TSL)

Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 29.

Article 3 (statut du TSL) Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 39, 41.Article 8 1) C) (statut du TSL)

Recours contre une décision du Président CA, 7.

Article 8 3) (statut du TSL)

Composition de la Chambre de première instance PRES, 2-3, 9.

Article 10 (statut du TSL) Composition de la Chambre de première instance PRES, 12-13.icle 10 1) (statut du TSL) Composition de la Chambre de première instance PRES, 6.Article 12 4) (statut du TSL)

Anonymat total des victimes CA, 24 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 4, 32.

Article 16 (statut du TSL) Ajournement de la date du procès JME, 5, 28 ; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 16.

Article 16 2) (statut du TSL)

Anonymat total des victimes CA, 24.

Article 16 4) a) (statut du TSL)

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 13, 16.

Article 16 4) b) (statut du TSL)

Ajournement de la date du procès JME, 19.

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422

Article 16 4) c) (statut du TSL)

Composition de la Chambre de première instance PRES, 6.

Article 17 (statut du TSL) Anonymat total des victimes CA, 14, 16, 23, 36, 38-39 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 4, 24, 34 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 10, 19-20.

Article 18 (statut du TSL) Rapport de mise en état JME, 31.Article 18 2) (statut du TSL)

Composition de la Chambre de première instance PRES, 6 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 1-2, 20, 28.

Article 20 (statut du TSL) Rapport de mise en état JME, 31.Article 21 (statut du TSL) Composition de la Chambre de première instance PRES, 6 ;

Réexamen d’une décision CA, 15.Article 22 (statut du TSL) Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge

Baragwanath), 4 ; Procédure par défaut CPI, 2, 63, 64, 80, 109.Article 22 1) c) (statut du TSL)

Procédure par défaut CPI, 83, 111.

Article 25 (statut du TSL) Anonymat total des victimes CA, 21, 32-34.Article 28 (statut du TSL) Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 17.Article 28 2) (statut du TSL)

Composition de la Chambre de première instance PRES, 6.

Statut du TPIRArticle 20 4) (Statut du TPIR)

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 16.

Statut du TPIYArticle 21 4) (Statut du TPIY)

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 16.

Surveillance, et observation Rapport de mise en état JME, 61, 84-95, 103, 104.Système d’aide juridictionnelle, du Tribunal

Réexamen d’une décision CA, 12, 14-17.

Tableaux séquentiels des appels (en anglais « Call Sequence Tables » - CST)

Rapport de mise en état JME, 58.

Téléphonie, aspects techniques

Rapport de mise en état JME, 71.

Témoignage oral, en lieu et place

Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 5,12 ; Rapport de mise en état JME, 155, 162, 165, 173, 182, 184, 185.

Témoigner, déposer, sous couvert d’anonymat, audition des témoins

Anonymat total des victimes CA, 35 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 21 ; Rapport de mise en état JME, 155, 162, 164, 165, 173, 182, 184, 185, 187, 188

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423

Index

Témoins, anonymat des Anonymat total des victimes CA, 35-36 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 24.

Témoins, déclarations de témoins, admission à titre d’éléments de preuve

Ajournement de la date du procès JME, 15 ; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 1-3, 5, 7, 9, 13, 19, 22-24, 37.

Témoins, déclarations non conformes

Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 1, 3, 6, 9, 10, 25, 28, 31, 34

Témoins, experts Ajournement de la date du procès JME, 10.Témoins, liste des Ajournement de la date du procès JME, 13 ; Rapport de mise en état

JME, 16-17, 20, 25, 150-155, 185, 187, 190.Témoins, protection des Ajournement de la date du procès JME, 10 ; Autorisation de modifier

l’acte d’accusation JME, 40.Transfèrement et détention, ordre (voir Ordre de transfèrement et de détention)Transmission du dossier Rapport de mise en état JME, 71.Transparence Communication de documents CA, 9 ; Consultation des registres des

données d’appel CA, 5.Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)

Ajournement de la date du procès JME, 21 ; Anonymat total des victimes CA, 12 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 17 ; Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 15-16 ; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 16, 28 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 6, 21, 22,29, 30 ; Composition de la Chambre de première instance PRES, 14-15.

Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)

Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 15 ; Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 16, 28,38 ; Consultation des registres des données d’appel CA, 6, 21, 22, 28 ; Composition de la Chambre de première instance PRES, 14 ; Recours contre une décision du Président CA, 12 ; Réexamen d’une décision CA, 17 ; Rapport de mise en état JME, 134.

Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL)

Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 15 ; Réexamen d’une décision CA, 17.

Article 17 4) e) (Statut TSSL)

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 16.

Article 47 C) (RPP-TSSL) Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 16.

Unité de l’aide juridictionnelle, Bureau de la Défense

Recours contre une décision du Président CA, 17.

Véhicule piégé Procédure par défaut CPI, 19.

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Index

Victime, anonymat Anonymat total des victimes CA, 1, 36 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 3, 24.

Victimes participant à la procédure (VPP) - qualité

Anonymat total des victimes CA, 3, 13, 15, 28-29, 34, 36 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 4, 7, 15, 23-24, 32 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 8, 10, 13-15, 20.

Victimes participant à la procédure (VPP) – (non-)communication de l’identité

Anonymat total des victimes CA, 3, 22, 24 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 10, 18.

Victimes participant à la procédure (VPP) – intérêts personnels

Anonymat total des victimes CA, 7, 14-15, 17, 23, 29 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 4 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion partiellement dissidente des Juges Riachy et Nsereko), 20-21.

Victimes, Section d’aide aux victimes et aux témoins

Anonymat total des victimes CA, 24 ; Anonymat total des victimes CA (Opinion concordante du Juge Baragwanath), 4.

Victimes, Section de participation des (SPV)

Anonymat total des victimes CA, 3.

Vidéo, enregistrement, cassette

Vices de forme de l’acte d’accusation CPI, 44-46 ; Acte d’accusation visant M. Merhi JME, 45, 51, 53, 57 ; Rapport de mise en état JME, 118, 119, 122, 125, 127, 128.

Vidéoconférence Admissibilité de déclarations de témoins CPI, 13, 35.

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Tribunal spécial pour le Libanwww.stl-tsl.org

Principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban en 2013

1 Ordonnance relative à la requête de la Défense visant à obtenir le dossier d’instruction libanais (« Communication du Dossier d’instruction libanais JME »)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, 8 février 2013

2 Décision relative à la requête de la Défense en ajournement de la date d’ouverture du procès (« Ajournement de la date du procès JME »)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, 21 février 2013

3 Version publique expurgée de la décision relative à l’appel interjeté par le Procureur contre la décision rendue par le Juge de la mise en état le 11 janvier 2013 (« Communication de documents CA »)

En l’Affaire El Sayed, Chambre d’appel Affaire n° : CH/AC/2013/01, 28 mars 2013

4 Arrêt relatif à l’appel du représentant légal des victimes contre la décision du Juge de la mise en état concernant les mesures de protection (« Anonymat total des victimes CA »)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel Affaire n° : STL-11-01/PT/AC/AR126.3, 10 avril 2013

5 Décision relative aux requêtes du Procureur du 8 novembre 2012 et du 6 février 2013 aux fins de déposer un acte d’accusation modifié (« Autorisation de modifier l’acte d’accusation JME »)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, 12 avril 2013

6 Décision relative à l’admissibilité de déclarations de témoins présentées en vertu de l’article 155 du règlement, au regard de leur conformité avec la directive pratique (« Admissibilité de déclarations de témoins CPI »)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre de première instance Affaire n° : STL-11-01/PT/TC, 30 mai 2013

7 Décision relative aux vices de forme allégués de l’acte d’accusation modifié du 21 juin 2013 (« Vices de forme de l’acte d’accusation CPI »)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre de première instance Affaire n° : STL-11-01/PT/TC, 13 septembre 2013

8 Version publique expurgée de l’arrêt relatif à l’appel interjeté par la Défense de M. Oneissi contre la décision du Juge de la mise en état intitulée : « Décision concernant des questions relatives à la salle de consultation des pièces et aux registres des données d’appel » (« Consultation des registres des données d’appel CA »)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel Affaire n° : STL-11-01/PT/AC/AR126.4, 2 octobre 2013

9 Décision relative à la requête de la Défense aux fins de réexamen et d’annulation de l’ordonnance portant composition de la Chambre de première instance (« Composition de la Chambre de première instance PRES »)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Président Affaire n° : STL-11-01/PT/PRES, 4 octobre 2013

10 Version publique expurgée de la « Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 5 juin 2013 établi à l’encontre de M. Hassan Habib Merhi » datée du 31 juillet 2013 (« Acte d’accusation visant M. Merhi JME »)

Le Procureur c. Merhi, Juge de la mise en état Affaire n° : STL-13-04/I/PTJ, 11 octobre 2013

11 Décision relative au recours formé par les Conseils de MM. Badreddine et Oneissi contre l’ordonnance du Président concernant la composition de la Chambre de première instance du 10 septembre 2013 (« Recours contre une décision du Président CA »)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel Affaire n° : STL-11-01/PT/AC, 25 octobre 2013

12 Décision relative à la requête des conseils de MM. Badreddine et Oneissi aux fins du réexamen de la Décision de la Chambre d’appel du 25 octobre 2013 (« Réexamen d’une décision CA »)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel Affaire n° : STL-11-01/PT/AC, 10 décembre 2013

13 Version expurgée de la version corrigée du rapport du Juge de la mise en état établi conformément à l’article 95, paragraphe a) du Règlement de procédure et de preuve (« Rapport de mise en état JME »)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, 11 décembre 2013

14 Décision portant engagement d’une procédure par défaut (« Procédure par défaut CPI »)

Le Procureur c. Merhi, Chambre de première instance Affaire n° : STL-13-04/I/TC, 20 décembre 2013

9 789490 651121

ISBN 978-94-90651-12-1