spitalul de la otranto

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  • 7/25/2019 Spitalul de La Otranto

    1/12

    Andr Jacob

    Une fondation d'hpital Andrano en Terre d'Otrante (inscription

    byzantine du Muse provincial de Lecce)In: Mlanges de l'Ecole franaise de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 93, N2. 1981. pp. 683-693.

    Rsum

    Andr Jacob, Une fondation d'hpital Andrano en Terre d'Otrante (inscription byzantine du Muse provincial de Lecce), p. 683-

    693.

    L'inscription Inv. 54 du Muse provincial de Lecce, date de 1372/73, constitue un intressant tmoignage sur la survivance de la

    langue grecque dans le Salento mridional. Elle rappelle la fondation d'un hpital Andrano, au sud-ouest d'Otrante, et son

    inauguration la prsence des vques de Castro, Alessano, Ugento et Gallipoli.

    Citer ce document / Cite this document :

    Jacob Andr. Une fondation d'hpital Andrano en Terre d'Otrante (inscription byzantine du Muse provincial de Lecce). In:

    Mlanges de l'Ecole franaise de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 93, N2. 1981. pp. 683-693.

    doi : 10.3406/mefr.1981.2621

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1981_num_93_2_2621

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_mefr_2371http://dx.doi.org/10.3406/mefr.1981.2621http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1981_num_93_2_2621http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1981_num_93_2_2621http://dx.doi.org/10.3406/mefr.1981.2621http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_mefr_2371
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    2/12

    DU GREC

    ET

    DES

    GRECS

    EN

    ITALIE

    ANDR JACOB

    UNE

    FONDATION D HPITAL

    ANDRANO EN TERRE D OTRANTE

    (INSCRIPTION

    BYZANTINE

    DU

    MUSE PROVINCIAL DE LECCE)

    Bien qu elle soit

    plutt tardive,

    l inscription qui

    fait

    l objet de

    cette

    note

    est

    loin

    d tre

    dpourvue

    d intrt.

    Conserve

    au

    Muse

    provincial

    Sigismon-

    do

    Castromediano

    de Lecce sous le numro d inventaire 54 l, elle a t publie

    rcemment

    par

    P. Rugo2, dont

    la

    transcription,

    incomplte

    et

    fautive,

    est

    dnue de valeur scientifique3. Nous voudrions, dans les

    lignes

    qui suivent,

    proposer une nouvelle lecture de cette inscription, accompagne de quelques

    mots de commentaire.

    La hauteur de

    la

    pierre est de 46,5

    cm; sa

    longueur est de 46 cm

    la

    base

    et

    marque un trs lger rtrcissement vers le haut;

    l paisseur

    est

    de

    21/21,5 cm

    environ.

    Le

    calcaire

    de teinte ocre

    dans

    lequel elle a t taille

    porte dans

    les

    Pouilles le nom

    de

    carparo. Le

    texte de l inscription

    occupe la

    partie

    antrieure

    et le ct gauche de la pierre.

    Sur

    la partie antrieure, la

    hauteur

    des lettres

    est de 32 mm et,

    sur le

    ct, de 20/25 mm

    environ. Sur la

    face, entre

    les

    cinquime

    et

    neuvime

    lignes,

    on

    distingue

    les traces

    de

    la ligne

    verticale qui

    dlimite le ct droit du

    cadre crit.

    L examen

    palographique

    montre l vidence l intervention

    de

    deux

    lapicides, dont

    l un

    a grav le texte de la partie

    antrieure

    et l autre celui du

    Nous remercions Mme Giovanna Delli

    Ponti,

    directrice du Muse,

    et M.

    Antonio

    Cassiano, conservateur, qui ont

    facilit

    notre travail

    sur

    place et ont

    bien

    voulu nous

    procurer les

    photographies

    de l inscription

    publies

    ici.

    2

    P. Rugo, Le iscrizioni dei sec. VI-VII-VIII esstenti in Italia, IV : I ducati di Spoleto e

    Benevento, Cittadella,

    1978, nos 125

    et 126, p.

    96-97.

    3

    Nous

    ne reviendrons

    plus par la suite

    sur

    cette dition, que nous reproduisons

    telle

    quelle par souci

    d objectivit.

    N

    125 : ... ,

    ...

    - ,

    ... [] ...

    -

    126:

    ()

    ,

    -

    () ()

    (les

    traits

    verticaux

    ont t

    ajouts pour marquer

    la

    division en

    lignes

    de

    l dition).

    MEFRM - 93 - 1981 -

    2,

    p. 683-693.

  • 7/25/2019 Spitalul de La Otranto

    3/12

    684 ANDR

    JACOB

    ct gauche de

    la

    pierre. Le premier

    se

    distingue nettement du second par

    une tendance

    marque

    transformer les lignes courbes des lettres

    arrondies

    en

    traits verticaux et leur confrer ainsi un aspect

    rectangulaire;

    cela

    vaut

    surtout

    pour l epsilon

    et

    le

    sigma,

    mais

    aussi

    pour l omga

    (particulirement

    caractristiques,

    cet

    gard,

    ceux

    de

    la lg. 8,

    trois hastes de hauteur

    gale),

    les boucles du

    bta

    et du rh et,

    dans

    une mesure moindre, pour l omicron

    (surtout

    partir

    de

    la lg. 5)

    et pour

    le thta (voir, par exemple,

    la lg. 8, le

    thta

    de

    ).

    Les

    groupes de

    lettres

    droites

    soudes l une

    l autre par le systme du

    trait

    vertical commun sont

    nombreux.

    Il

    s agit,

    en gnral,

    de groupes

    de deux

    lettres,

    mais l on relve

    galement

    six ensembles

    de trois

    lettres

    et

    un

    de

    quatre

    la lg. 9

    de

    l inscription

    de

    la partie antrieure). Le

    premier

    graveur utilise

    beaucoup

    plus

    frquemment

    ce

    genre

    de

    ligatures

    que

    le

    second. Les textes respectifs

    tant

    peu

    prs d gale

    longueur,

    la proportion

    est de vingt-sept ligatures contre sept

    en

    sa faveur. Le fait que le premier

    graveur

    peut

    aussi employer les lettres epsilon,

    omicron,

    sigma et omga pour

    former des

    ligatures

    n explique qu en partie cette forte

    diffrence.

    En

    plus des

    divergences

    que

    nous avons

    dj

    observes

    dans le trac des

    lettres

    rondes, signalons encore que l alpha,

    le delta, le kappa, le

    mu et

    le nu

    ont chez

    les

    deux graveurs des formes

    bien

    distinctes, qu il serait superflu

    de

    dcrire

    ici en

    dtail.

    Les deux parties

    de

    l inscription sont accentues,

    mais de

    faon irrgulir

    e

    e

    premier graveur ne

    met

    pas

    l esprit

    sur

    la

    voyelle

    initiale,

    qui

    reoit,

    par

    contre, l ventuel accent (,

    , ).

    Bien que

    la surface assez abme de

    la

    pierre

    ne consente pas

    des conclusions certaines,

    il

    semble bien que

    l un

    ou

    l autre

    esprit soit prsent

    dans le

    texte de l inscription latrale.

    Le

    seul

    signe

    de

    ponctuation est un point plac mi -hauteur des lettres;

    il

    apparat plus

    frquemment dans

    la

    premire partie que

    dans

    la

    seconde.

    DITION

    L une des difficults

    de l inscription de Lecce

    consiste dans la lecture

    et

    l interprtation

    de

    la lg. 10

    de

    la partie antrieure, o l on devrait trouver

    les

    dernires donnes relatives

    la date

    et qui

    renferme

    effectivement

    un

    chiffre

    se

    terminant par -, le mot

    et l indiction.

    la lumire

    de

    ce

    qui

    vient

    d tre dit sur les particularits graphiques de l inscription, on constate

    toutefois

    sans

    trop

    de

    peine que seule la mention

    de

    l indiction, aux deux tiers

    de

    la

    ligne environ, est

    due

    au premier graveur. Le second graveur, qui a fini

    par

    manquer

    de place sur

    le

    ct gauche de la pierre, a profit

    des

    espaces

    laisss

    libres

    gauche et droite de l indiction

    pour y inscrire les derniers

    mots

    de son

    texte,

    qui

    n ont

    du

    reste

    rien

    voir

    avec la

    date.

    L intervention

    du

  • 7/25/2019 Spitalul de La Otranto

    4/12

    Illustration non autorise la diffusion

    UNE

    FONDATION

    D HPITAL ANDRANO 685

    second

    graveur sur la partie

    antrieure a

    t

    marque

    dans notre transcrip

    tionar le ddoublement de la lg. 10 (=

    10a).

    A

    :

    Face

    1 [] [] -

    2 }

    3

    [

    ]

    4 -

    5

    -

    -

    6

    -

    7

    8

    () -

    9 []

    ()

    ,

    10

    ()

    10a [] [][ ] -

    .

    11 []

    -

    .

    Face

    Lecce,

    Museo

    provinciale,

    Inv.

    54.

    MEFRM 1981, 2.

  • 7/25/2019 Spitalul de La Otranto

    5/12

    Illustration non autorise la diffusion

    686

    ANDR JACOB

    : Ct gauche

    1

    2

    3

    () [] -

    4

    5 -

    6

    7 -

    8

    -

    -

    9

    () -

    10

    ()

    11

    -

    12

    () ()

    13 -

    (le texte

    se

    poursuit aux

    lignes

    A, 10a-ll).

    B.

    Ct

  • 7/25/2019 Spitalul de La Otranto

    6/12

    UNE FONDATION

    D HPITAL ANDRANO

    687

    Traduction

    Le

    prsent

    xenonas ou

    hpital

    a t difi par

    les

    efforts et aux frais

    de

    Georges

    Longo (ou Longou

    ou

    Longos) et

    de son

    pouse Gemma. Si jamais

    d aventure quelqu un

    s avisait de soustraire

    des biens

    l hpital,

    qu il reoive

    la maldiction des 318 Pres thophores et du

    pape

    cumnique de Rome.

    Cela se passa (ou se

    passait) en

    l an 6881

    (= 1372/73)

    durant

    la 11e indiction.

    Georges

    Longou a fait (cet)

    hpital

    par la

    volont de

    Dieu et a invit

    Dieudonn,

    vque de

    Castro, Jean,

    vque

    d Ugento,

    et Jean,

    vque

    d Alessa-

    no,

    et Cyriaque,

    vque

    de Gallipoli. Et alors

    il

    lui accorda quarante

    jours

    d indulgence.

    La lecture

    ne

    prsente

    pas

    de gros problmes. Lg. A, 2 :

    la

    barre intrieure

    de

    l ta final du mot

    se devine

    peine (mais

    c est

    aussi le

    cas pour

    juste

    avant) et l on pourrait donc

    la

    rigueur lire un iota

    la place.

    Lg. A,8-9 :

    aprs s tre aperu

    qu il

    n avait

    crit que

    au

    dbut de

    la

    lg.

    9,

    le graveur

    a

    remdi

    sa distraction en ajoutant le

    initial

    la fin

    de

    la

    ligne

    prcdente, droite de

    la

    ligne

    verticale

    de justification;

    le -v-

    est ajout

    dans

    la

    marge

    gauche

    de la

    lg.

    9,

    en

    ligature

    avec

    l ta

    de

    ;

    la

    syllabe

    --

    n est plus

    visible

    aujourd hui,

    mais se

    trouvait sans doute tout au

    dbut de

    la

    mme marge

    (plutt qu la fin

    de

    la lg. 8).

    Lg.

    A,9 : on

    distingue

    au-dessus

    de

    () le signe d abrviation

    de

    la syllabe ;

    il

    n est pas impossible qu il y

    ait

    un accent sur l epsilon

    initial.

    Lg.

    B,l

    : le bord

    suprieur de

    la pierre

    est

    endommag et

    rend

    quelque peu hypothtique la

    lecture

    des accents sur le

    prnom et le nom de famille de Georges Longou. Lg. B,3-4 : l accent de

    []

    est normal si

    l on

    tient

    compte de la prononciation. Lg. B,13 : dans le

    mot

    ,

    seuls

    les groupes de lettres -- et -ov sont srs; la premire lettre

    pourrait tre

    un

    omicron

    ou

    un

    lambda, voire

    mme

    un

    delta

    ou

    un

    thta;

    comme l on n aperoit aucune trace de trait horizontal intrieur,

    il

    semble

    bien qu il

    faille

    exclure

    ces

    deux

    dernires

    lettres, et l omicron

    ne donnant

    aucune

    solution plausible, il ne

    reste

    plus que le lambda, dont la

    forme est

    semblable celle

    du lambda

    de

    la

    lg. B,l (ailleurs,

    le

    second graveur

    emploie un lambda

    lgrement

    diffrent dans la

    mesure

    o ses

    deux tiges,

    attaches

    un petit trait transversal, ne

    se rejoignent

    pas leur sommet). Le

    trac du pi

    de

    n apparat pas

    de faon

    claire; il

    semblerait

    premire

    vue qu il

    y

    ait trois jambages verticaux, ce qui ferait penser un mu identique

    celui de (Ig. ,

    3)

    de plus, on a l impression qu un omga de

    petites

  • 7/25/2019 Spitalul de La Otranto

    7/12

    688 ANDR JACOB

    dimensions,

    aux boucles recourbes vers l extrieur,

    a

    t grav dans un

    second temps sur la partie suprieure gauche du pi et que la barre horizontale

    de

    ce dernier

    a

    t prolonge

    jusqu

    l omicron;

    nous pensons malgr

    tout

    qu il

    s agit

    effectivement

    d un

    pi,

    un

    peu

    plus large

    que

    le

    pi

    habituel

    du

    graveur et

    dont

    l aspect a t modifi par des interventions postrieures.

    Lg.

    A, 11 :

    en-dessous

    de

    l omga

    de

    ,

    on distingue

    la

    partie

    suprieure du

    rh de [];

    la

    fin du

    mot

    [] se trouve au

    bout

    de

    la

    ligne

    prcdente, aprs le

    chiffre de l indiction.

    La langue

    est

    intressante

    plus d un titre, mais, ici

    aussi,

    il

    convient de

    distinguer

    soigneusement les deux parties de

    l inscription.

    La premire partie

    est

    correctement

    compose

    et

    a

    probablement pour

    auteur

    un

    lettr de

    l endroit.

    L itacisme et la

    confusion

    entre omicron et

    omga,

    qui peuvent

    tre

    aussi

    bien

    attribus

    l auteur du

    texte

    qu au

    graveur,

    n ont

    rien

    d tonnant

    en

    Italie

    mridionale

    cette poque, mais dnotent tout de

    mme

    une certaine

    baisse du niveau culturel dans cette rgion du Salente La chute de

    l un

    des

    dans le groupe

    (lg. A,4)

    est frquente dans

    les manuscrits

    mdivaux,

    en

    particulier dans

    ceux

    de provenance

    italienne.

    La simplification

    de

    la gmine dans le

    prnom Gemma (lg.

    A,5),

    normal

    du point

    de vue

    phontique, reste

    curieuse

    car le prnom est bien attest dans les documents

    grecs

    de l Italie mridionale4, o

    il

    a

    joui d une

    assez grande

    diffusion, tout au

    moins

    depuis la priode normande. On

    notera

    la lg. A,

    1-2

    le mot

    (), qui n est

    pas

    connu

    des

    dictionnaires :

    il

    s agit d un vulgarisme

    form

    partir

    du

    classique

    sur

    le

    modle

    de

    ,

    5;

    la

    conjonction

    ()

    introduit

    l quivalence de signification du mot grec

    avec le mot

    italien

    ou

    (lat. hospital) et l on ne peut

    s empcher

    de

    citer

    ce

    propos un

    acte

    grec

    d Aeta, en Calabre, qui parle de

    6. Le mot ()7, qui

    se

    rattache

    la famille smantique

    de

    (hospitium),

    se

    rencontre ds le XIIe

    sicle

    en

    4

    Voir,

    par

    exemple,

    G.

    Robinson,

    History

    and

    Cartulary

    of

    the

    Greek Monastery

    of

    Sl

    Elias and

    S Anastasius

    of

    Carbone, dans Orientalia Christiana, XV,2, 1929,

    p. 150,

    180-181,

    et ,, 1930, p. 92,

    101.

    On

    rencontre

    galement la forme , comme

    dans

    le

    Laurentianus

    72,14

    (A.

    M. Bandini,

    Catalogus codicum

    graecorum Bibliothecae Lauren-

    tianae, 3, Florence, 1770, c. 34).

    5

    Cf.

    R. Browning, Medieval

    and Modem

    Greek, Londres, 1969 {Modern Languages,

    136), p.

    64.

    6

    F.

    Trincher, Syllabus graecarum

    membranarum,

    Naples, 1865, p. 545 (le document

    n est

    pas dat).

    7 Sur ce mot et sur le

    suivant,

    voir Ch. Du

    Cange,

    Glossarium ad scriptores mediae et

    infimae graecitatis, Lyon, 1688, c. 1060-1061,

    s.v.

    ;

    poux spedale,

    cf.

    C.

    Battisti

    et

    G.

    Alessio,

    Dizionario etimologico italiano,

    V,

    Florence, 1957, p. 3583,

    s.v.

  • 7/25/2019 Spitalul de La Otranto

    8/12

    UNE FONDATION D HPITAL

    A ANDRANO

    689

    Italie

    mridionale, o il semble avoir

    dsign

    d abord

    l Ordre

    des Hospitaliers

    de Saint- Jean de

    Jrusalem, ainsi qu on peut le

    voir

    dans des

    documents dats

    de

    1165 (

    )8 et 1189 ( )9;

    au

    XIIIe sicle,

    il

    semble

    y

    tre

    utilis

    normalement

    comme

    synonyme

    de

    10.

    Signalons enfin l emploi de

    la conjonction va

    suivie

    du

    subjonct

    i

    our marquer le souhait (lg. A,7) et du plus-que-parfait ( = ,

    la

    lg. A,

    9)

    au lieu de l aoriste ou de l imparfait11.

    La seconde

    partie

    de

    l inscription,

    grave

    aprs

    l inauguration de

    l hpital

    et

    la

    visite des

    vques,

    trahit nettement l influence de l italien du Sud. Le

    redoublement

    de

    la dentale

    dans

    (lg.

    B,5-6),

    transposition un peu

    mcanique

    du latin Donadeus (italien : Donadeo, Donadio, Donaddio,

    etc.),

    en

    est

    un

    premier indice, comme le passage

    du

    son

    au

    son

    u

    (ou)

    dans le mme

    nom

    ou,

    la

    lg.

    B,12,

    dans

    (au

    lieu

    de

    Gallipoli

    :

    cf.

    Napoli

    Napule). Le graveur emploie six fois le gnitif

    l

    o l on attendrait l accusatif

    (, quatre fois ,

    );

    cela

    dnote

    coup

    sr

    un

    sensible recul dans le maniement du grec,

    mais

    vraisemblablement aussi une

    influence de

    la

    finale

    en

    -u

    des

    dialectes italiens mridionaux, finale

    que

    l on

    retrouve

    d ailleurs dans le nom du bienfaiteur :

    ,

    au

    lieu de

    Longos

    ou

    Longo

    (lg.

    B,l); enfin,

    l accent de est l accent italien.

    Alors

    qu il

    existe des noms grecs traditionnels pour

    dsigner les

    villes

    de

    Castro (-

    )12,

    Ugento ()13

    et surtout

    Gallipoli

    ( ou ),

    le graveur

    leur

    a

    prfr les

    toponymes

    italiens, ce

    qui

    montre

    bien,

    notre

    avis,

    le recul de la

    culture

    hellnique dans cette rgion. Pour en revenir au

    grec,

    la lg. B,13, (= ), li

    ,

    marque

    d abord

    la

    simple

    succession, l enchanement avec la

    proposition qui

    prcde

    (cet emploi de

    est

    frquent

    chez Malalas),

    tout en exprimant

    une

    nuance

    de cons-

    8 S. G. Mercati,

    C.

    Giannelli

    et

    A. Guillou, Saint- Jean-Thrists

    (1054-1264), Cit

    du

    Vatican, 1980

    {Corpus des actes grecs d Italie

    du

    Sud

    et

    de

    Sicile.

    Recherches

    d histoire

    et

    de

    gographie, 5), p.

    177.

    9

    A. Guillou,

    Les

    actes

    grecs

    de S. Maria di

    Messina.

    Enqute

    sur

    les populations

    grecques d Italie du Sud

    et de Sicile

    (XIe-XIVe s.),

    Palerme,

    1963 (Istituto siciliano di studi

    bizantini e

    neoellenici. Testi

    e monumenti. Testi, 8), p. 121.

    10 Trincher, Syllabus, p. 401.

    11

    Cf.

    S. B.

    Psaltes,

    Grammatik der byzantinischen Chroniken, Gttingen, 1913 Fo

    rschungen

    zur

    griechischen und lateinischen Grammatik,

    2), p.

    230.

    12

    Sur ce nom, voir A.

    Jacob,

    Le Vat. gr. 1238 et le diocse de

    Palocastro,

    dans Rivista

    di

    storia

    della

    Chiesa

    in

    Italia,

    25, 1971,

    p. 516-519.

    13

    Voir A.

    Jacob,

    Une mention

    d Ugento dans la Chronique

    de

    Skylitzs, dans Revue

    des

    tudes byzantines, 35, 1977, p. 233-234.

  • 7/25/2019 Spitalul de La Otranto

    9/12

    690

    ANDR JACOB

    quence logique, que

    a

    du reste conserv en

    grec

    moderne14; on

    pourrait

    donc

    traduire aussi

    en

    forant un

    peu

    les

    termes

    :

    Et

    il

    lui accorda

    pour cela quarante jours d indulgence. La forme (lg. B,13) s explique

    autant

    par

    la

    confusion du

    datif

    et

    du gnitif

    dans

    le

    grec

    de

    la basse

    poque

    et

    par la

    disparition progressive

    du datif dans la langue parle15 que par la

    confusion

    entre

    les

    sons et ou,

    courante

    dans

    les manuscrits

    italo-grecs.

    Le

    manque

    d assimilation

    dans

    (lg. A,10a) est un phnomne assez

    commun en

    Italie mridionale.

    Le

    ne

    peut tre que le village d Andrano, situ une

    vingtaine

    de km

    au

    sud-ouest d Otrante, quelque deux km de

    l Adriatique16.

    Les

    Registres angevins

    des annes

    1269-1278

    mentionnent

    plusieurs

    reprises

    Andrano, qu ils qualifient

    de casale11.

    Il ne faut toutefois pas

    donner

    ce mot

    une

    acception

    trop

    restreinte

    puisque dans

    les

    Rationes

    decimarum

    de

    1373,

    Caprarica di Lecce, Giuggianello, Miggianello, Cursi, Uggiano la Chiesa et

    Martano,

    villages

    du

    diocse

    d Otrante

    qui

    comptent un protopape

    et

    divers

    clercs, apparaissent comme des casali1*.

    Ceci

    dit, la

    population

    d Andrano ne

    devait

    pas

    tre trs leve au Moyen ge : l on

    n y

    dnombre encore que 13

    feux en 1532 et 1545, 18 en 1561 et 26 en 1595 19. Andrano faisait partie du

    diocse de Castro, rig par les

    Byzantins

    comme

    suffragant

    de Santa

    Severi-

    na, selon

    toute vraisemblance dans le courant du

    Xe sicle20;

    avec

    l avnement

    14

    Sur

    l volution

    smantique de

    ce

    mot,

    voir

    A.

    Cavallin,

    ()

    .

    Eine

    bedeu

    tungsges hi htl i he

    Untersuchung,

    dans

    Eranos, 39, 1941, p. 121-144;

    D.

    Tabachovitz,

    tudes sur

    le

    grec

    de

    la

    basse

    poque, Uppsala-Leipzig, 1943

    (Skrifter utgivna

    av K. Huma-

    nistiska

    Vetenskaps-Samfundet

    i

    Uppsala, 36,3), p.

    29-32.

    15 Browning,

    Medieval and Modem

    Greek,

    p.

    42-43.

    16 Dans

    sa

    traduction, Rugo, Le iscrizioni, p. 97, l identifie avec Andria, dans la

    province

    de

    Bari.

    On

    notera que

    le

    toponyme

    dans le

    Scorialensis

    R I

    18

    ne

    peut

    en

    aucune manire dsigner Andrano, comme l a propos A. Guillou, Production

    and Profits in the

    Byzantine Province

    of Italy

    (Tenth

    to Eleventh

    Centuries)

    : an

    Expanding

    Society, dans

    Dumbarton

    Oaks

    Papers,

    28, 1974, p.

    106

    et note 46; contre cette interprtat

    ion,oir A. Jacob,

    L anne

    1255

    Nardo

    d aprs une note du Scorialensis R

    I 18,

    dans

    Quellen

    und

    Forschungen

    aus

    italienischen

    Archiven und Bibliotheken,

    58,

    1978,

    p.

    616-

    617.

    17 /

    registri della cancelleria angioina,

    d.

    R. Filangieri, Naples, 1950 suiv.,

    Ill,

    p. 184,

    n

    451; IV,

    p. 57, n 362

    et

    137 n

    909; VI,

    p.

    138,

    n

    686; VIII,

    p. 282, n 35; IX, p.

    268,

    n 309; XVIII,

    p. 417, n 868;

    XIX,

    p. 47,

    n 163; XXI,

    p. 323,

    n 484.

    18

    D. Vendola,

    Rationes

    decimarum

    Italiae nei

    secoli XIII e

    XIV.

    Apulia-

    Lucania-

    Calabria (con tre grandi

    carte topo

    grafiche),

    Cit du

    Vatican, 1939

    (Studi

    e testi, 84),

    p. 109-110, ns 1513-1519.

    19

    L. Giustiniani, Dizionario

    geografico-ragionato

    del

    Regno

    di

    Napoli,

    I, Naples, 1797,

    p. 185-186.

    20

    Sur l origine

    byzantine du

    diocse,

    voir Jacob,

    Le

    Vat.

    gr.

    1238

    et le

    diocse

    de

    Palocastro,

    op. cit., p.

    516-523.

  • 7/25/2019 Spitalul de La Otranto

    10/12

    UNE FONDATION

    D HPITAL ANDRANO

    691

    des Normands, l vch

    de

    Castro

    fut rattach

    la

    mtropole d Otrante.

    La

    population grecque semble avoir connu une

    implantation

    assez forte sur le

    territoire

    du

    diocse de

    Castro : les

    cryptes byzantines de

    Poggiardo

    et

    Vaste

    sont

    parmi

    les

    plus

    imposantes

    du

    Salento21;

    les

    manuscrits

    de

    Saint-Nicolas

    de

    Casole

    ont circul Castro, Poggiardo, Vaste, Surano, Vignacastrisi et

    Marittima22; en 1370, le protopape Stphane copie

    Depressa

    XAmbrosianus S

    62 sup.23; on

    n oubliera pas

    non

    plus que le monastre grec de Sainte-Marie

    de Lomito (ou de

    Mito), le seul dans la

    rgion,

    avec Casole,

    jouir encore

    d une grande

    prosprit

    conomique au XIVe sicle24, se trouve certes dans le

    diocse voisin d Alessano,

    mais

    deux km

    peine au

    sud d Andrano.

    L inscription du Muse de Lecce

    n est pas la

    seule inscription byzantine

    qui nous ait

    conserv le

    souvenir

    d une

    fondation

    d hpital dans le

    Salento.

    Une inscription

    date

    de

    1148/49

    rappelait

    la

    construction par

    un

    protopape

    Thodore d un

    Fulcignano,

    prs

    de Nardo25, et une

    autre

    de 1455

    celle d une

    glise

    et

    d un

    hpital

    Alliste, toujours au

    diocse de Nardo26;

    le

    texte de

    ces

    inscriptions, aujourd hui disparues, n est pas trs

    sr27.

    La cra

    tion de

    l hpital

    d Andrano s insre facilement dans l histoire des institutions

    charitables

    en

    Terre d Otrante, qui

    connut dans

    la

    seconde

    moiti

    du

    XIVe

    sicle

    des dveloppements d une certaine importance. Que l on pense, par

    exemple, l hpital de Sainte-Catherine de

    Galatina fond en

    1385

    par

    Raimondello del

    Balzo

    Orsini28 o

    celui du

    Saint-Esprit de

    Lecce

    rig

    par

    Jean d Aymo

    en

    139229.

    21 C. D. Fonseca, A. R. Bruno, V. Ingrosso

    et

    A. Marotta, Gli insediamenti rupestri

    medioevali

    nel

    Basso Salento,

    Galatina,

    1979 (Saggi e

    ricerche,

    5), p.

    155-166

    et 227-243.

    22 Jacob, Le Vat. gr. 1238 et le diocse de Palocastro, op. cit., p. 518.

    23 Dcrit dans

    A. Turyn,

    Dated

    Greek Manuscripts of the

    Tirtheenth

    and Fourteenth

    Centuries in the

    Libraries

    of

    Italy, I Text, Urbana-Chicago-Londres, 1972, p. 236-237.

    24 J.

    M. Hoeck et R.

    J.

    Loenertz,

    Nikolaos-Nektarios von

    Otranto, Abt

    von Casole.

    Beitrge

    zur

    Geschichte

    der

    o

    st-

    westlichen

    Beziehungen

    unter

    Innozenz III.

    und Frie

    drich

    II.,

    Ettal, 1965 (Studia

    patristica et

    byzantina,

    11), p.

    20.

    25

    E. Aar, Gli studi storici in Terra d Otranto,

    dans Archivio

    storico italiano, 4a Serie, 6,

    1880, p. 326, note 83, et

    9,

    1882, p.

    238.

    26

    E. Aar, Gli studi storici, ibid., 6, p. 329 et 9, p.

    238.

    27 La

    source

    de

    L.

    De Simone, qui crivait

    sous

    le

    pseudonyme

    de

    Ermanno

    Aar, est

    la

    visite

    pastorale

    du

    diocse de Nardo effectue en

    1719

    par Antonio Sanfelice

    (sur

    cette

    visite, voir

    E. Mazzarella,

    La sede

    vescovile di

    Nardo, Galatina, 1972,

    p.

    241).

    28

    . F.

    Perrone,

    Neofeudalesimo e civiche universit in

    Terra d Otranto.

    Saggio

    storico

    sui

    feudi

    della chiesa e

    dell ospedale

    di S. Caterina in Galatina

    nel

    quadro degli istituti

    feudali

    e civici salentini, I, Galatina, 1978 (Biblioteca di cultura

    pugliese,

    19), p. 157-159.

    29

    P.

    Palumbo,

    Storia di Lecce, Lecce,

    1910,

    p.

    127-128.

  • 7/25/2019 Spitalul de La Otranto

    11/12

    692 ANDR JACOB

    Les

    vques

    invits par Georges Longo

    l inauguration de son hpital

    sont

    ceux des

    quatre diocses

    mridionaux

    de la province ecclsiastique

    d Otrante.

    Dieudonn, chanoine

    de

    la cathdrale

    de

    Castro,

    a

    t lu le 4 juin

    136630.

    Jean,

    trsorier

    de

    l vch

    de

    Corfou,

    a

    t

    plac

    le

    21

    juillet

    1363

    la

    tte du

    diocse

    d Ugento31. Jean Anglicus

    a t nomm vque

    d Alessano

    le

    3

    novembre

    1362 32, aprs avoir t chanoine

    de

    la cathdrale; il

    est

    mort peu de

    temps aprs

    sa

    visite

    Andrano puisque

    son

    successeur, le

    frre mineur

    Barthlmy

    de San Germano,

    fut lu le 19 dcembre 137333. Cyriaque n est pas

    connu par ailleurs et, dans

    la liste

    fort incomplte des

    pasteurs

    de

    Gallipoli,

    il

    prend place entre Pierre Dominicus

    (1348)

    et Hugolin

    (1379) 34;

    il

    reste peut-

    tre

    cette

    poque

    le

    seul

    vque

    grec

    en

    Terre d Otrante35.

    Georges Longo, dont on peut supposer qu il

    suivait

    le rite

    byzantin,

    reoit

    de son

    vque

    quarante jours

    d indulgence.

    Il

    s agit

    l

    d un bel exemple

    de

    pntration

    des

    usages latins dans

    la

    vie des communauts grecques de l Italie

    mridionale. En

    fixant

    son tarif, Dieudonn

    de

    Castro s en est tenu scrupuleu

    sementu can. 62

    du

    Concile

    du

    Latran de 1215, qui recommande aux

    vques de

    ne pas

    accorder

    plus d un

    an d indulgence

    pour une ddicace

    d glise et plus

    de

    quarante jours pour son anniversaire et d impartir le mme

    nombre de jours

    dans toute autre circonstance36.

    La soumission sans rticence du

    fondateur de l hpital

    la hirarchie

    latine transparat dans

    la

    formule de maldiction que renferme la premire

    partie

    de

    l inscription. On

    n y

    invoque pas seulement contre les voleurs la

    traditionnelle

    maldiction des

    318

    Pres de

    Nice, atteste

    aussi

    bien

    dans

    les

    inscriptions37 que dans

    les

    colophons

    et

    notes de

    possession

    des manuscrits38,

    30 C. Eubel,

    Hierarchia

    catholica

    medii

    aevi, I, 2e d., Munster-en-Westph., 1913,

    p.

    173.

    31 Eubel, I, p. 375.

    32 Eubel,

    I, p.

    83.

    33 Eubel,

    ibid.

    34 Eubel,

    I, p.

    259.

    35

    Cf.

    P. Rodot, Dell origine,

    progresso,

    e

    stato

    presente del rito greco in Italia, I,

    Rome,

    1758, p.

    387.

    36 Conciliorum

    oecumenicorwn

    decreta,

    2e

    d., Bale

    etc.,

    1962, p. 240;

    cf.

    E. Magnin,

    art. Indulgences,

    dans Dictionnaire

    de thologie catholique, VII, e.

    1609,

    et .

    Paulus,

    Geschichte

    des

    Ablasses im Mittelalter vom Ursprnge bis zur Mitte

    des

    14.

    Jahrhunderts, I,

    Paderborn,

    923, p.

    176.

    37 Voir, par exemple, CIG IV, n 8766, p. 353 ;

    W.

    Speyer, art. Fluch, dans

    Reallexi

    konr Antike

    und Christentum,

    VII,

    e. 1264.

    38

    V. Gardthausen,

    Griechische Palaeographie,

    2e

    d.,

    II, Leipzig, 1911, p. 433-434.

  • 7/25/2019 Spitalul de La Otranto

    12/12

    UNE

    FONDATION D HPITAL ANDRANO 693

    mais encore celle

    du pape de Rome, que

    l auteur

    du texte n hsite pas

    qualifier d cumnique,

    titre

    normalement rserv aux

    patriarches de

    Const

    antinople39.

    Fonds

    national de la recherche scientifique Andr Jacob

    Louvain

    39 II est difficile d y voir un

    cho

    de la

    crmonie organise le 16

    janvier

    1275 par

    Michel

    VIII

    pour

    clbrer l union avec Rome et pendant laquelle le diacre invita les

    prsents

    prier

    pour

    Grgoire , ,

    (Pachymre,

    De

    Michaele et Andronico

    Palaeologis, d.

    I.

    Bekker, Bonn, 1835, p. 399);

    cf. H. Wolter

    et

    H.

    Holstein,

    Lyon

    I

    et

    Lyon

    II,

    Paris,

    1966

    (Histoire

    des

    conciles

    cumniques,

    7),

    p.

    212.

    Sur l attitude des pontifes romains

    l gard de ce

    titre,

    voir

    l article

    tout rcent de

    S. Kuttner,

    Universal

    pope

    or

    servant

    of God s

    servants: The canonists,

    papal titles, and

    Innocent III,

    dans Revue

    de

    droit canonique,

    32, 1981, p. 110-124.