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Supplément LLB du 22 mai 2014TRANSCRIPT
© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.
Supplément réalisé par Christian Laporte
LAGRANDEGUERRE
ÀHAUTEURD’HOMMETroisième partie : Bruxelles occupée,le Brabant wallon terrorisé.
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Un seul coup de feu : dixhuit millions de morts28 JUIN 1914 L’archiduc FrançoisFerdinand, héritier du trône d’Autriche, est assassiné à Sarajevo par un
idéaliste de 19 ans. L’attentat débouche sur un conflit mondial, aussi simplement que s’effondre un jeude château de cartes. Pour l’expliquer, il faut évoquer l’effritement du grand Empire ottoman au coursdu 19e siècle. La Grèce s’en est détachée pour proclamer son indépendance dès 1830. Puis la Bulgarie. Etla Serbie, capitale Belgrade. Ensuite, en 1909, l’Empire autrichien s’empare de la Bosnie, capitale Sarajevo. Impuissant, le gouvernement de Constantinople laisse faire.Les Serbes sont furieux. Le professeur Tixhon, de l’Université de Namur : “Comme tous les États européensde l’époque, la Serbie développe un nationalisme extrême. On y rêve d’une Grande Serbie qui irait jusqu’auxfrontières de la Grèce. De plus, la Bosnie offrirait aux Serbes l’accès à laMéditerranée. Belgrade, en s’appuyantsur les nombreux Serbes vivant en Bosnie, alimente une espèce de terrorisme et développe l’agitation et un sentiment antiautrichien. L’assassinat de Sarajevo s’est déroulé dans ce contextelà. L’auteur est un Serbe de Bosnie, membre d’un groupe révolutionnaire. Les Autrichiens sont persuadés qu’il a été téléguidé par le gouvernement serbe.”Le professeur Balace, de l’Université de Liège : “L’arme du crime est un pistolet automatique BrowningF1903provenant d’un lot qui avait été livré par la FNdeHerstal à la Serbie deuxmois avant l’attentat. C’est cequi a fait penser que Belgrade avait organisé l’assassinat.” D’où l’exigence des Autrichiens : ils entendentaller euxmêmes mener l’enquête à Belgrade. Les Serbes refusent au nom de l’intégrité nationale. Les Allemands incitent les Autrichiens à la plus grande fermeté.
23 JUILLET L’Autriche pose un ultimatum et, le 28, elle déclare la guerre à la Serbie. Le 29, la Russie, défenderesse de la Serbie, déclare la guerre à l’Autriche.
28 JUILLET Il y a déjà des bombardements sur Belgrade. C’est le vrai début de la guerre.31 JUILLET À Paris, Jean Jaurès, prêcheur du pacifisme, est assassiné et, le lendemain, 1er août, l’Allemagne
déclare la guerre à la Russie; la France, alliée des tsars, décrète la mobilisation générale. La Belgique, paysneutre mais craignant l’invasion, le fait également.
2 AOÛT L’Allemagne envahit le Luxembourg et exige que la Belgique laisse passer ses troupes.3 AOÛT La Belgique refuse. L’Allemagne déclare la guerre à la France et à la Belgique.4AOÛT À l’aube, les Allemands pénètrent sur le sol belge. À 10 h, à Thimister, Antoine Fonck est le premier
soldat belge tué. À midi, discours du roi Albert devant le Parlement. Appel à l’aide des Britanniques, garants de notre neutralité, et des Français. La GrandeBretagne déclare la guerre à l’Allemagne.
5 AOÛT Sur la route de Liège, l’armée belge oppose aux Allemands une résistance inattendue qui provoque en retour une brutalité terrifiante des envahisseurs. Les maisons de Battice sont incendiées le 6 etcelles de Herve le 8.
6 AOÛT Les Allemands sont à Liège. Ils peuvent prendre à revers les 12 forts censés protéger la ville. Flémalle et Hollogne tiendront jusqu’au 16. Les Allemands entreront dans Bruxelles le 19.Les armées belges se replient vers Anvers.
15 et 16 AOÛTÀ Dinant, l’armée française subit le baptême du feu.22AOÛTCette fois, la guerre éclate. Grandes batailles près de Virton : à Rossignol (plus de 15.000 morts), à
Éthe, mais aussi à Namur, à Charleroi et à Mons. Les Français perdront, ce jourlà, plus d’hommes qu’enhuit ans de guerre d’Algérie. Le 23, ça se bat à Dinant où 674 civils sont abattus. Il y aura d’autres tueries: à Andenne, à Seilles, à Tamines... Vaincus, les Français ont ordre de se replier vers la Marne.
25 AOÛT Première des trois sorties des troupes belges d’Anvers assiégée. Notre armée occupe ainsi150000 soldats allemands alors que se prépare la grande bataille de la Marne.
9 SEPTEMBRE Sur la Marne, les 150000 soldats allemands retenus en Belgique manquent cruellementaux envahisseurs. C’est la victoire française et la retraite générale de l’armée allemande pour qui l’objectif change : contourner Paris par le nord et prendre les ports de Dunkerque, de Boulogne et de Calais afinde contrarier les débarquements britanniques. On appellera cela la Course à la Mer. Ainsi, l’Yser et leNord de la France deviendront les principaux champs de bataille de 1418.
9OCTOBRE L’armée belge quitte Anvers et se replie audelà de l’Yser La Bataille de l’Yser débute le 19.7 MAI 1915 Depuis février, les Allemands ont lancé les premiers sousmarins. Ils torpillent tous les ba
teaux qui font route vers l’Angleterre, y compris ceux des pays neutres. Ce 7 mai, le Lusitania, un paquebot transatlantique, est coulé : 1.200 morts dont 128 ressortissants américains. Ce fait tragique influence l’entrée en guerre des ÉtatsUnis.
2 AVRIL 1917 Entrée en guerre des ÉtatsUnis. Les premiers corps militaires américains débarquent àNantes et La Rochelle à partir d’octobre 1917. Mais les troupes n’entrent pas tout de suite dans la bataille. On prend le temps de rassembler deux millions d’hommes.
6 JUILLET 1917 Lawrence d’Arabie entre dans Aqaba. Au début de la guerre, l’immense Empire ottomanhésitait. Plusieurs archéologues britanniques, occupés sur des chantiers en Turquie, servirent d’espionsafin de convaincre Constantinople de rejoindre les alliés. Thomas Lawrence était l’un d’eux. Les prétentions françaises en Algérie et anglaises en Égypte, décidèrent le sultan à choisir l’Allemagne. Lawrence,promu colonel, fut envoyé dans les déserts arabes afin de retourner les tribus contre les Turcs. La victoire d’Aqaba précipitait la chute de l’Empire ottoman.
PRINTEMPS 1918 Sur la côte Atlantique, les Américains arrivent à raison de 200.000 hommes par mois.L’Empereur et le haut commandement allemand s’installent à Spa et préparent, avant que ne se metteen marche l’armée amércaine, une offensive de la dernière chance.
AVRIL 1918 La grande offensive américaine commence. Les Allemands comprennent très vite que laguerre est perdue. Mais l’Empereur sait que la défaite signifie son abdication. Il retarde sa signature.
11NOVEMBRE1918 Les Allemands signent un armistice avant que leur pays ne soit envahi. Bilan : le coupde feu du 28 juin 1914 à Sarajevo aura causé la mort de 18 millions de personnes. En Belgique, 42700militaires ou assimilés ont perdu la vie. On compte aussi 24.500 victimes civiles.
La Grande guerre à hauteur d’homme. Supplément gratuit à La Libre Belgique et à La Dernière Heure.Rédaction : Christian Laporte. Conception graphique : Jean-Pierre Lambert. Coordination rédactionnelle :Gilles Milecan. Infographie : Astrid ‘t Sterstevens, Didier Lorge et Etienne Scholasse.Réalisation : IPM Press Print. Administrateur délégué – éditeur responsable : François le Hodey.
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Un seul coup de feu : dixhuit millions de mortsTout le monde le sait : la Première Guerremondiale trouve ses origines à Sarajevo. Mais toutde suite, les armes se sont tournées vers la Belgique
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l Témoignage
“Mystérieux etfantomatique”Richard Harding Davis fut ungrand correspondant deguerre américain. Il a couvertle conflit hispanoaméricain,la Seconde Guerre des Boerset la Grande Guerre pour desgrandes publications américaines.
Il était à Bruxelles le 20 août1914 : “pendant deux heures, jeles regardai, et après, lassé parla monotonie de tout cela, jerentrai à l’hôtel. Après uneheure, sous ma fenêtre, je pouvais toujours les entendre; uneheure encore passa, puis uneautre. Ils défilaient toujours.L’ennui faisait place à l’émerveillement. La chose vous fascinait, contre votre propre volonté, vous ramenait sur le trottoir et vous tenait là, les yeuxouverts. Ce n’étaient plus desrégiments d’hommes défilant,mais quelque chose de troublant, d’inhumain, une force dela nature, commeunglissementde terrain, un razdemarée ouune coulée de lave. Ce n’étaitpas de cette planète, mais mystérieux, fantomatique. Celaportait tout le mystère et lamenace d’un brouillard s’étendantvers vous à travers la mer”.UExtrait : Bruxelles, lamémoire et la guerre (19142014), Renaissance du Livre
l Témoignage
“Fais ton devoir”Pour des milliers de soldats belges, le destin bascule début août 14. Fin juillet, malgré la crainte d’une guerre,ils vaquent encore à leurs occupations mais les ordresde rejoindre leur régiment les ramènent à la réalité. Letémoignage du futur caporal Désiré Malet repris dans“Apocalypse en Belgique, récits de patriotes” (RTBFRacine) atteste de surprise puis d‘émotion lorsque le3 août, son père vient le saluer une dernière fois avec unpaquet de chaussettes et de linge essayant de l’encourager. Les larmes aux yeux, il lui dit : “Fais ton devoir, advienne que pourra”. Peu après le colonel ordonne le départ par la rue Brederode, la place du Trône et l’avenuede la Couronne. Son odyssée prit fin le 30 juillet 1916.
“Ce seraterrible!”CharlesWoesteMINISTRE D’ETATL’homme fort ducatholicisme politiquebelge dans le dernierquart du XIXe sièclerestait très influent à laveille de la GrandeGuerre. Lorsqu’éclatale conflit, il avait misen garde contre unetrop grande euphoriepatriotique.
Le 20 août 1914 Bruxelles
L’inévitable occupationh Adolphe Max avaittenté d’apaiser lecourroux allemand.
n Plus de deux semainesaprès l’invasion du pays, lapresse s’efforçait toujours deremonter le moral des Belges.
Mais les lecteurs n’étaientplus vraiment dupes : ils savaient bien que la censure faisait son œuvre. Aussi fort quepeu d’entre eux prirent encore pour argent comptant ceque leur rapportait “Le Soir”daté 20 août 1914.
A en croire le quotidien vespéral, les troupes alliées françaises et britanniques étaientquasiment à pied d’œuvre etl’armée allemande à deuxdoigts d’être vaincue.
Hélas, ce “wishful thinking”n’était plus de mise lorsque lejournal fut distribué : les trou
pes allemandes faisaient leurentrée dans la capitale. Enréalité, les Bruxellois s’y attendaient, voyant affluernombre deréfugiés et deblessés.
D’emblée,la reine Elisabeth eutl’idée detransformerune partie duPalais royalen hôpital dela CroixRouge. Deuxcents litsavaient été installés et on yavait aussi improvisé des salles d’opération et prévu desinstallations radiographiques.
Le bourgmestre AdolpheMax a lui aussi tenté de prendre les devants. Il avait été informé des massacres de civilsdepuis le 4 août et il ne pouvait être question de laisser
les Allemands s’emparer del’administration.
Difficile cependant de résister aux injonctions du général
von Bülowqui, dansune lettreaux autorités de laVille, mettait la populationbruxelloiseen garde :toute formede résistance “de lapart des
bourgeois” ne manquerait pasd’être immédiatement sanctionnée.
Plus directement encore,von Bülow mit en garde lesnotables de la Ville : si la population levait ne fûtcequ’un petit doigt contre sessoldats, cent autorités bruxelloises seraient automatique
ment prises en otage.Le même jour, le 19 août
1914, Adolphe Max s’efforçaaussi de montrer sa bonne volonté à la plus haute autoritéde l’empire allemand. Dans untélégramme à l’Empereur, il luidemanda que les troupes neprennent possession que duPalais et du Parc du Cinquantenaire et cela “afin deménagerla possibilité dans l’avenir d’uneréconciliation du peuple allemand et du peuple belge”.
En témoignage de sa bonnevolonté, le premier magistratde la Capitale avait fait disparaître les tranchées creuséesdès les premiers jours du conflit et aussi demandé à laGarde civique de disparaîtredu paysage urbain.
Dans d’autres villes et communes, les membres de cettedernière avaient été pris pourdes francstireurs ce qui suscita des réactions extrêmement violentes à leur égard.
Une démonstration de force déterminée
Le 20 août 1914, peu aprèsmidi, l’occupant allemand afait son entrée dans la capitale “dans un silence pesant”car “la ville attendait l’invasion”, comme le rapporteSophie De Schaepdrijverdans son ouvrage toujoursunique à tous les égards sur“la Belgique dans la Première Guerre mondiale”,Cette fois, plus de flonflons.Depuis le début de la guerre,il régnait une drôle d’ambiance à Bruxelles. On n’yavait visiblement pas envied’entendre de mauvaisesnouvelles. Nombre de citoyens croyaient dur commefer que la guerre seraitcourte.Mais ces “bulletins de victoire” à répétition furentchaque fois rafraîchis par lesinformations qui venaientdu front.Plus rien de tel le 20 août.Les Allemands avaient faitleur entrée par l’est de laville et passèrent très symboliquement sous les arcades du Cinquantenaire avantde descendre la rue de la Loi.Une vraie marée déferlantevertdegris. Le bruit desbottes sur les pavés de la
capitale allait se poursuivrependant72 heures non stop.A proximité du Palais de laNation, les envahisseursmirent le cap sur la place desPalais et sur la Grand’place.Pour Laurence van Ypersele,Emmanuel Debruyne etChantal Kesteloot, cet itinéraire n’avait rien d’innocent : “il s’agissait d’autantde lieux symboliquementchargés pour les Bruxellois”.Et de préciser que “la démonstration de force fut
impressionnante, tant auplan visuel qu’au plan sonore”.Qui plus est, ils entraient enuniformes de campagne,gardant, par exemple, lahousse de camouflage surleur casque à pointe pourprendre possession de lieuxidentitaires forts pour lesBruxellois.Les officiers supérieurs sedétachaient dans le cortègepar leurs tenues impressionnantes – culotte d’équitation
et cape – mais aussi par leurposition à cheval d’où ilstoisaient la population avechauteur voire à bord d’automobiles noires…Autre contraste : “l’infanterie, le pantalon dans lesbottes chantait à pleinspoumons le ‘Heil dir in Siegerkranz” suivie par l’artillerielourde silencieuse et donc“menace muette”.D’après les témoins, toutcela était parfaitementorganisé : “les cuisines decampagnes roulaient tandisque les cuistots touillaient lasoupe”. Et “assis sur deschariots, des cordonniersréparaient des bottes”.Pour Sophie De Schaepdrijver, “il ne manquait pas unbouton, pas une allumette,pas une ration de survie àl’équipement des soldats. Cesderniers disposaient en outrede téléphones de campagnes,d’appareils télégraphiques,d’hôpitaux roulants.Le journaliste américainRichard Harding Davis en fitle constat non sans une réelleappréhension : cette arméelàétait sans doute l’organisation la plus efficace du mondemoderne”…
h La démonstration de “l’organisation la plus efficace du monde moderne”…
“Afin de ménager lapossibilité d’uneréconciliation”Adolphe MaxLe bourgmestre de Bruxellesvoulait amener l’occupant àaccepter de cantonner sestroupes au parc de Bruxelles.
4-5 La Grande guerre à hauteur d’homme
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ARCH
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LLB
A Bruxelles, on n’avait visiblement pas envie d’entendre de mauvaises nouvelles. Nombre de citoyens croyaient dur comme fer que laguerre serait courte. En voyant les Allemands défiler dans les rues de la capitale, ils ont rapidement déchanté.
ARCH
IVES
LLB
l Patriotisme
Albert Ier se mueen Roi-Chevalier
n Le mardi 4 août, l’Allemagneavait déclaré la guerre à la Francemais pas encore à la Belgique.Reste que le discours voulu apaisant à l’égard de notre pays nel’était plus tout à fait : après avoirmis notre pays en garde contreune invasion française et fait des“propositions bien intentionnées”pour le protéger, les Allemandsespéraient que la Belgique les laisserait passer. Ce n’était pas l’intention du gouvernement et le roiAlbert avait écrit une lettre à son“cher cousin”, l’empereurGuillaume afin d’avoir l’assurancequ’il n’envahirait pas le pays.
Mais le 4 août, le statu quo n’enétait plus un : à 9 heures du matin,les Allemands avaient franchi lafrontière belge et se dirigeaientvers Liège. A Bruxelles, les chambres réunies allaient accueillir leroi Albert pour confirmer qu’iln’était pas question d’accepterl’ultimatum allemand. Le chef del’Etat se mue en RoiChevaliersuscitant le mythe qu’on sait.
Chauvinismemal placé ?n Le Roi entra dans l’hémicycle.Une longue ovation le salua. Le silence revint lorsqu’il prit la parolemais ce fut pour le saluer ensuiteavec encore davantage de détermination. Lorsque le souveraindemanda si les élus de la Nation etle peuple étaient prêts et “décidésinébranlablement à maintenir intact le patrimoine sacré de nos ancêtres”, des “oui, oui” enthousiastes fusèrent de tous les bancs.
Applaudissementsfrénétiquesn Après un moment de silence solennel, Albert Ier conclut en se disant confiant dans le sort de laBelgique. Car “un pays qui se défend s’impose au respect de tous : cepays ne périt pas. Dieu sera avecnous dans cette juste cause ? Vive laBelgique indépendante !” Des applaudissements frénétiques saluèrent son départ alors que lechef du Cabinet, Charles de Broqueville confirmait que les autorités feront tout pour “repousser, partous lesmoyens en son pouvoir touteatteinte à son droit.”
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l Justice
Thémis a faitdes concessionsn La coexistence n’était pas évidente au Palais de Justice deBruxelles. Au propre comme au figuré. Dès le 4 septembre 1914, lestroupes allemandes s’y étaient installées dans l’aile nordest mais, parallèlement, l’autre partie du mastodonte de Poelaert était toujoursoccupée par la magistrature belge.
Dans sa thèse de doctorat sur lamagistrature belge face à l’occupant allemand présentée à l’UCL,Mélanie Bost parle du “modus vivendi” entre la Justice belge et l’occupant : une cohabitation physiquecomme dans l’agenda judiciaire.
Les Allemands n’entendaient pas,disaientils, nuire à l’indépendancede la justice chez nous, mais le Parquet n’en dut pas moins s’incliner.
Les juges belges pouvaient continuer à travailler mais ils ne pouvaient statuer juridiquement quesur des faits qui ne pouvaient fairede l’ombre à l’administration allemande.
A la fin de la guerre, la magistrature bruxelloise se rebiffa toutefoiscontre ce contrôle lors de l’affaireBorms. Elle se mit en grève amenant le gouverneur général à substituer les tribunaux allemands auxtribunaux belges…
“Ce n’est plus la guerre,pas plus qu’un assassinatn’est un duel, mais uneeffroyable accumulation decrimes de droit commun etd’atrocités sanglantes,complétée ,tout au longd’une occupation de 4interminables années, parla mise en œuvre d’unepolitique de terreur, derapine et de perfidie.”Henri Carton de Wiart
PREMIER MINISTREMais aussi écrivain, observateur de sonépoque.
l Organisation l Un régime d’exception
Un envahisseur sans foi ni loi(s)h La violence allemandefut vite qualifiée debarbarie.
n Si les troupes allemandes suscitèrent tant d’hostilité voiremême de haine pendant et longtemps après la guerre en Belgique, c’est sans conteste en raisonde leur brutalité mais aussi deleur nonrespect presque atavique de la vie et des biens des citoyens.
Un comble : sept ans avant ledébut du conflit une (seconde)Convention avait été signée àLa Haye sous le titre on ne peutplus explicite de “Lois et Coutumes de la guerre sur terre”.
Une première conférence deLa Haye également appelée Conférence internationale de la Paixy avait été organisée en 1899 àl’initiative du tsar Nicolas II deRussie. Elle avait permis de faitconsidérablement avancer lacause du droit international humanitaire.
Il faut dire que les promoteursde la Conférence avaient mis l’ac
cent sur le désarmement et laprévention de la guerre, créantaussi pour l’occasion la Cour permanente d’arbitrage de La Haye.
Parmi les différents traitésadoptés par ls deux Conférences,la Convention concernant les loiset coutumes de la guerre sur terreavait comme objectif de “civiliser” la guerre.
L’invasion des troupes de l’Empereur n’en tint en aucune manière compte dès les premièresheures du 4 août 1914.
Ministre de la Justice dans legouvernement de guerre de
Charles de Broqueville, le comteHenry Carton de Wiart qui devait devenir un éphémère Premier ministre au début des années 1920 était aussi un écrivainprolixe.
Figurant parmi les tout premiers membres de l’Académieroyale de langue et de littératurefrançaises de Belgique, il avaitévoqué ces exactions allemandesdans “L’épopée belge dans laGrande Guerre”, sorti en 1922avec, excusez du peu, une préfacemanuscrite du roi Albert en personne.
Une ville de soldats et de fonctionnaires allemands
Le régime de l’occupation allemanden’était pas identique sur l’ensemble duterritoire belge. Bien sûr, à partird’octobre 1914 et jusqu’à l’Armistice,un bout de terre belge resta nationalderrière l’Yser. Mais en dehors de cettepartie du Westhoek, nos compatriotesconnurent des sorts particulièrementéclectiques.L’occupant était conscient qu’il devaitfiger les zones dont il s’était emparé,afin de ne pasouvrir la voie àune résistancerecomposée etainsi ouvrir despoches d’incertitude dans seslignes arrières.En mêmetemps, il fallaitrécupérer lesrichesses économiques desterritoires conquis au bénéfice del’Empire.C’est pourquoi les territoires occupésfurent divisés en plusieurs zones. Il yavait les “Etapes” soumises directement aux armées allemandes : la IVe
avait la charge des Flandres, la Ve
s’occupait du sudLuxembourg alorsque la VIe serait responsable du Hainaut occidental à partir de 1916.Il y avait ensuite le territoire confié augouvernement général dirigé donc parun gouverneur général et, enfin, lazone du littoral qui dépendait, elle ,dela Marine allemande.Bruxelles dépendait donc du gouvernement général mais aussi de la Zivilverwaltung qui devait normalement
rendre des comptes au chancelierimpérial mais quidans la pratiquese retrouvait aussisous la houlettedu gouverneurgénéral.Bruxelles fut plusparticulièrementinvestie comme lesouligne SophieDe Schaepdrijver :
“dès les premiers jours de septembre,l’occupant instaura un ‘gouvernementallemand’pour le territoire occupé. Il sedégageait de ces mesures une inquiétante impression de permanence. Lamachine d’occupation obéissait à la loide la dynamique bureaucratique en ceci
qu’un nombre croissant de nouvellesZentralen et Abteilungen (départements) remplirent bientôt les ministèreset les bâtiments réquisitionnés”.Avec une répercussion directe sur lavie de certains quartiers : les nouveauxdirigeants et de nombreux fonctionnaires devaient être logés conformément à leur rang. Ce qui amena l’occupant à confisquer les hôtels de maîtredu côté de la Porte Louise. En 1915, sedoutant que la guerre pourrait êtrelongue, on leur permit d’y accueillirleurs épouses.Comme la méfiance était de rigueur,ces dirigeants ne recrutèrent pas depersonnel belge mais firent importerdes boyscouts d’outreRhin pours’occuper de l’intendance.Les contribuables belges contribuèrentau paiement des salaires des agents del’Etat allemand.On puisa directement dans les impôtset dans les amendes. Et la Ville deBruxelles fut aussi très largementsollicitée pour “financer” plusieursstructures nouvelles dont la “Sittenpolizei”, la police des mœurs qui devaitjeter plus qu’un œil sur les distractionssexuelles des soldats allemands casernés ou de passage dans la capitale.
h L’occupation de Bruxelles a été largement financée, malgré eux, par les citoyens.
12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme
Épinglé
Un extrait significatif qui reflète son temps : “A peine leurs arméeseurent-elles forcé notre territoire qu’elles se ruèrent au massacre et àl’incendie. Singées par les chefs militaires ou civils, leurs proclamationsérigèrent en systèmes d’atroces punitions collectives. Par milliers, desnon-combattants, et parmi eux des prêtres, des vieillards, des femmes etdes enfants ont été fusillés et torturés. Plus tard d’autres par milliersfurent emprisonnés”. Décrivant ensuite les bombardements ou les incen-dies des bâtiments publics ou de “sanctuaires célèbres” voire d’“établis-sements scientifiques ou charitables” ou de “merveilles d’art”, le ministre-écrivain en déduisait : “ce n’est plus la guerre, pas plus qu’un assassinatn’est un duel mais une effroyable accumulation de crimes de droit com-mun et d’atrocités sanglantes, complétée tout au long d’une occupation dequatre interminables années par la mise en oeuvre d’une politique deterreur, de rapine et de perfidie.”
“Il se dégageait de cesmesures une inquiétanteimpression depermanence.”Sophie De Schaepdrijver
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L’occupant s’est emparé progressivement des lieux de pouvoir dans la capitale. Des olsdats allema nds prennent position devant lesiège du gouvernement.
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DELA
VILLEDE
BRUX
ELLES
Les Bruxellois voient débarquer les troupes allemandes sur la Grand-Place. Une longue occupation allait bouleverser leur vie.
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l Communautaire
La flamandisationscolaire malvenuen La question linguistique s’estaussi invitée pendant l’occupation de Bruxelles. Comme l’Allemagne avait clairement choisi desoutenir le séparatisme flamand– diviser pour régner eut aussicours bien sûr en 1418 lescommunes bruxelloises allaientêtre soumises à une politique deflamandisation tous azimuts quiheurta les bourgmestres.
Une “commission des affairesflamandes” lancée dès le débutde 1915 veilla à l’applicationstricte de la législation sur l’emploi des langues dans l’administration mais aussi dans l’enseignement. Beaucoup de familles“mixtes” mettaient leurs enfantsdans l’enseignement francophone mais l’occupant voulaitimposer le principe que la languematernelle de l’enfant devaitaussi être celle de son enseignement.
12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme
Obstruction de la partdes édilesn Les édiles firent de l’obstruction à la mise en œuvre de cesmesures. Ce qui a valu à l’échevinde l’Instruction publique de laVille, Emile Jacqmain d’être arrêté et déporté au printemps de1917. Pourquoi lui ? Il y avait destensions depuis longtemps entrele libéral et les autorités allemandes et il était le fer de lance del’opposition à la politique allemande en matière scolaire. LesAllemands entendaient ainsi decalmer la classe politique bruxelloise, comme ils l’espéraient déjàaprès l’arrestation d’AdolpheMax. En vain, car un rapport de1918 précise que “la résistancecontre l’introduction du flamanddans les écoles flamandes duGrandBruxelles s’est poursuivie”.Et ni la commission du ministèrede l’Instruction publique qui entendait imposer l’enseignementprimaire en néerlandais ni lescommissaires spéciaux quis’étaient substitués aux administrations communales réfractairesn’ont pu changer cette situation.Il fallait éviter une confrontationouverte mais les Allemands nedésespéraient pas de ramener àl’ordre “les éléments fransquillonsrebelles” (sic).
Aux yeux des décideurs francophones bruxellois, le seul usagedu français était aussi une manière d’affirmer son patriotisme.
Dans leur “Cinquante moisd’occupation allemande” paruaprès la guerre, Louis Gille, Alphonse Ooms et Paul Delandsheere parlaient du “Moniteur allemand” qui s’était substitué au vrai, le belge par sontrilinguisme mais aussi parce quele français était “rejeté avecméprisà la queue.”
Moritz von Bissing, le gouverneur militaire belge avait découvert l’oeuvre de Constantin Meunier pendant son séjour bruxellois.
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l La Libre Belgique
“Régulièrement irrégulièrement”
A partir de 1915, la presse clandestine est de moins en moins “internationale”, de plus en plus belge. “La Libre Belgique” qui reprit clandestinementle travail du “Patriote” – on aura l’occasion d’y revenir ! – occupa là une placeexceptionnelle. En dépit de plusieurs vagues d’arrestations, le clandestin catholique bruxellois publia 171 numéros de février 1915 à novembre 1918,dont certains à plus de 20000 exemplaires qui furent diffusés dans pratiquement tout le pays. La plupart des clandestins n’eurent qu’une existencebrève et une diffusion limitée. Des titres comme “L’Âme belge”, “La Revuede la Presse”, “De Vrije Stem” ou “De Vlaamsche Leeuw” se sont certesmaintenus mais leur diffusion fut moins étendue que celle de “La Libre Belgique”.
Résistance quotidienne
Une “distance patriotique”h Des petits gestesqui énervent l’occupantprié de rester coi.
n Au baromètre de la résistance, lesBruxelles n’étaient pas plus des hérosque les habitants des autres villes belges qui avaient bien davantage subi lesassauts allemands au tout début duconflit.
Mais dans leur immense majorité –car la capitale comptait aussi ses traîtres attirés par l’appât du gain ou, pireencore, croyant un peu trop naïvement aux sirènes allemandes qui leurpromettaient une indépendance certaine… sous tutelle – les Bruxellois s’efforcèrent également selon la belle expression des historiens contemporanistes de “garder une certaine distancepatriotique à l’égard de l’occupant”.
Ils apprécièrent à leur juste valeur larésistance de leurs élus locaux, à commencer par celle du bourgmestreAdolphe Max qui allait lourdementpayer son jusqu’auboutisme de ne passe laisser dominer par les Allemands.
Le 19 août 1914, soit la veille de l’ar
rivée des Allemands à Bruxelles touten essayant encore d’arrondir les angles, la grande personnalité libéraleavait été très claire : “aussi longtempsque je serai en vie et en liberté, je protégerai de toutes mes forces les droits et la dignité de mes concitoyens”.
Un très grand monsieur qui pratiqua à lafois le patriotisme,l’égalité dans la justiceet l’amour de la libertécomme le précisent desinscriptions latines surson mémorial installéen 1958 à l’ombre del’Atomium à Bruxelles…
Sans aller aussi loindans la bravoure, nombre de citoyens bruxellois ne cachaient pasleurs sympathies pourles couleurs nationalesqu’ils arboraient debien des manières partoutes sortes d’objets qu’on ne nommait pas encore des gadgets.
Le modèle de la résistance non pointactive – on l’évoquera ailleurs – maismorale était le primat de Belgique, le
cardinal Mercier.Même les noncatholiques purent se
rallier à ses messages très engagés.Telle cette première lettre pastorale“Patriotisme et endurance” du1er janvier 1915.
Le grand historienHenri Haag n’hésita pasà parler d’“une politique de résistance morale ouverte”. Il y avaitselon lui un lien étroitentre patriotisme et religion : un parfait patriote se devait d’êtrechrétien et inversement. Après avoir évoqué la barbarie de l’invasion, le prélat recommandait l’obéissanceextérieure au pouvoirde l’occupant mais “cepouvoir n’est pas uneautorité légitime”. Etdonc les catholiques nelui devaient “ni estime,
ni attachement, ni obéissance”.La population avait bien compris le
message : pas nécessaire d’entrer dansle maquis pour marquer son opposition aux Allemands : il suffisait de po
ser des actes symboliques qui les ennuieraient bien davantage.
Comme, par exemple, ne pas fêter laBelgique le 21 juillet 1915 et lui substituer “un jour de deuil des fêtes nationales”.
Succès assuré : les magasins restèrentfermés et les volets clos dans les maisons des particuliers. Mais en mêmetemps, un rassemblement silencieuxse déroula devant le monument desmartyrs de la révolution belge de1830, sur la place éponyme au cœurdu cœur de Bruxelles…
L’occupant pensait avoir trouvé laparade en imposant que tous les magasins restent ouverts le 21 juillet suivant… Ouverts ? Tous verts… Cette foisles Bruxellois s’habillèrent de fait envert, faisant grincer les dents de leursencombrants occupants…
Les églises devinrent aussi des lieuxd’expression patriotique. En toutesimplicité, elles se remplissaient detous ceux qui savaient que là au moins,ils pourraient exprimer leur attachement au pays et à la monarchie. Et puisaussi que l’occupant n’oserait jamaisfranchir le seuil de la Maison de Dieupour y intervenir. Les temps ont bienchangé depuis.
Passeurs d’hommes et de nouvelles utiles
Les Belges et a fortiori les Bruxelloisn’aiment pas vraiment ceux quiviennent les occuper et brader oubrider leur(s) liberté(s) fondamentales…Gare toutefois à l’exaltation résistensialiste : pas plus que pendant laSeconde Guerre mondiale, tous noscompatriotes n’ont “combattu leBoche” en 1418 mais la minorité quis’est engagée l’a fait avec détermination et panache et souvent au sacrifice de sa vie.Précision linguistique liminaire aussi :pendant la Première Guerre, on neparlait pas (encore) de résistants maisde patriotes…Des hommes et des femmes auxactivités très interchangeables réunisdans des réseaux dont la plupart necomprenaient pas plus de 20 personnes et qui ne couvraient qu’une zonelimitée mais il y en eut aussi quis’étendirent jusqu’en France commecelui dont fit partie Edith Cavell.Il y avait donc des filières de passeursd’hommes et des traqueurs de renseignements de tous ordres. Passeursd’hommes ? Oui pour leur permettrede gagner des terres encore libresd’où ils repartiraient au combat.Et puis aussi des auteurs et des transmetteurs de la presse devenue clan
destine après que l’occupant aitfinalement entraîné la fermeture desjournaux. Certains reparurent toutefois mais sous strict contrôle allemand et subissaient donc la censure.L’occupant finit par en créer luimême comme “La Belgique” ouencore “Le Bruxellois”. Mais très vite,l’aspiration à la liberté d’opinionentraîna le développement d’unepresse de l’ombre très éclectique.Beaucoup de nos compatriotesavaient envie de savoir ce qui se
passait réellement face à l’information tronquée ou aux rumeurs. Certesdes journaux des pays alliés parvenaient en Belgique mais c’était encontrebande et ils s’arrachaient à desprix d’or.D’où la volonté des “patriotes” d’avoirles leurs. Les premiers “clandestins”(ou encore “prohibés” virent très vitele jour dans cette perspective. Leurspromoteurs s’étaient assignés commemission première de reproduire lesarticles de la presse alliée.
“La Soupe” apparue à Bruxelles dèsseptembre 1914 se spécialisa dans cetype d’informations.En un an d’existence, elle a sorti plusde 500 numéros dont l’ossature étaitconstituée par la reproduction dedéclarations politiques.“La Revue hebdomadaire de la Pressefrançaise” ou “Revue de la Presse” àpartir de 1917 avait une forme plusélaborée. Créée à Louvain en février 1915, elle proposait trois ouquatre 4 numéros par mois avec unesélection d’articles des grands titresde la presse française qu’elle complétait par des écrits de ses propresrédacteurs.Certains journaux eurent une existence plus qu’éphémère – quelquesnuméros seulement… – mais restequ’il y avait là un courant de fondpuisqu’on dénombra pas moins de 76titres différents dont “La Libre Belgique”…“Cette presse clandestine reflétait aussila courbe dumoral des populationsdurant la guerre” explique Laurencevan Ypersele. “Il y eut un pic en 1915,une chute à partir de l’automne de1916 et on assiste à une remontée en1918. Cela dit, il est vrai que la presse,par nature, reflète autant l’opinionqu’elle la suscite”.
h La résistance à l’ennemi prit diverses formes dans la capitale.
BERN
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8-9 La Grande guerre à hauteur d’homme
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Le Musée de la Ville comparera les grandes villes allemandes à Bruxelles. Ici, la réalité d’une cantine pour enfants à Hambourg.
DEUT
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La pénurie alimentaire frappa durement les villes allemandes. Environ 750.000 civilsmoururent de faim et demalnutrition. Ici une filedevant un magasin d’alimentation à Berlin. L’image du Musée historique allemand de Berlin sera aussi visible fin août.
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l Contre-espionnage
Répression sans merci
n Très sévères dès leur entrée enBelgique avec les populations locales, accusées à tort d’aider desfranctireurs, les Allemands semontrent d’une rare intransigeance avec les patriotes qui s’opposaient à eux.
Ils mirent en place après la stabilisation du front un contreespionnage, ce qui nécessitait lacollaboration d’indicateurs belges. La police secrète de l’Empereur fit appel à des personnes facilement malléables ou en état dedépendance : des gens modestesmais aussi des nécessiteux voiredes délinquants. Et, hélas, aussisans doute des patriotes quiavaient été arrêtés et qui ne purent s’opposer à la pression violente qui était exercé sur eux.
8-9 La Grande guerre à hauteur d’homme
Des collaborateurs ?
n Y avaitil des collaborateursplus idéologiques, comme cela sevit pendant la Seconde Guerremondiale ? La réponse est négative, selon des travaux publiésvoici déjà dix ans. S’ils ont clairement tourné le dos à l’Etat belge,les activistes flamingants n’ontpas participé au démantèlementdes groupes de patriotes. On relèvera aussi que contrairement à cequi s’est vu en 4045, ils ne portèrent pas l’uniforme allemand.
Résistants
n En s’en prenant aux patriotes,il s’agissait pour l’occupant decouper l’élan de la résistance enarrêtant un plus grand nombred’opposants, que l’on exécuteraitaprès un procès sommaire.
Les prisonniers étaient amenésà la prison de SaintGilles d’où onles extrayait pour être jugés parun tribunal allemand installé auSénat. Afin que l’opinion s’enrende bien compte, les exécutions étaient largement annoncées par voies d’affiches trilingues.
Ce désir de semer la terreur futcontreproductif : les patriotesfusillés devinrent des héros quiméritaient le respect, voire unecertaine vénération.
La répression allemande necessa vraiment qu’en 1917. Le bilan n’en fut pas moins terrible : sisur l’ensemble des territoires occupés, on dénombrait 277 résistants fusillés, ils étaient 35 dansla capitale de la Belgique.
Parmi eux, trois noms émergent toujours un siècle après :Edith Cavell, Philippe Baucq etGabrielle Petit. Il est vrai que lamémoire collective a largementrelayé leurs exécutions.
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“Montrerl’expériencesingulière dela capitale belgeen 14-18 dansla perspectived’une histoirerésolumenteuropéennedu premierconflit mondial”GonzaguePluvinage
HISTORIENIl est le commissaire del’exposition “1418Bruxelles à l’heure allemande” qui aura lieu auMusée de la Ville.
Vie quotidienne l Exposition
Une ville à l’heure allemandeh La capitale illustraque 1418 fut uneguerre des peuples.
n Bruxelles n’a pas eu “sa”bataille en 1418 mais la population locale n’en a pasmoins payé un lourd écot ensouffrant particulièrementde l’occupation allemandependant quelque 50 mois.“Loin du front, les Bruxellois
tentent de survivre et de résister à un régime d’occupationoppressant et humiliant” explique l’historien GonzaguePluvinage.“La paralysie de l’économie
les plonge dans la précaritémais en outre, ils vivent vraiment aussi à l’heure allemande. Entendez : avec une àdeux heures d’avance surl’heure belge selon les saisons.Mais les jours sont aussi rythmés par les multiples ordresde l’occupant.”
Pour sa participation audébut des commémorations, le Musée de la Ville de
Bruxelles a opté pour unedémarche originale puisqu’il permettra de faire unecomparaison avec ce que vécurent au même momentles villes du Reich…“Dans les villes allemandes
on s’organise pour soutenirl’effort de guerre. L’heure est àla défense du pays qu’on aréussi à protéger de l’invasion” poursuit GonzaguePluvinage.“L’économie y est tout en
tière dévouée aux besoins militaires. Il faut remplacer leshommes qui sont partis combattre. On vit ensuite dansl’attente de leurs lettres etl’angoisse de leur disparition.Rapidement, le blocus britannique et une crise de la distribution des vivres provoquentune grave pénurie”.
Si la Grande Guerre fut synonyme d’une “boucherie”militaire jusquelà unique,on ne peut perdre de vuequ’en Europe, elle fut toutautant une guerre des peuples qu’une guerre des combattants.“De fait, les populations civi
les furent directement impliquées dans le conflit qui devait profondément bouleverser leur vie quotidienne. D’oùquelques grandes questionsqui ne cessèrent de les habiter… Comment faire face àcette situation exceptionnelle ? Comment se nourrir, sevêtir ou se chauffer mais aussiservir sa patrie ? Voilà lesprincipales préoccupationsdes Bruxellois comme des habitants des villes allemandestout au long de ces quatre années qui se révéleront très tôtcomme une rupture majeuredans l’évolution des sociétéseuropéennes”.
A partir du 21 août prochain et jusqu’au 3 mai2015, cette facette nonmoins essentielle sera miseen exergue à partir des collections des Archives de laVille de Bruxelles, du Muséedu Costume et de la Dentelle de Bruxelles, mais aussidu Musée historique allemand de Berlin (Deutscheshistorisches Museum), desArchives de l’Etat de Hambourg (Staatsarchiv Ham
burg) et d’archives privées,Objectif ? “Notre exposition
vise à montrer l’expériencesingulière de la capitale belgeen 1418 mais dans la perspective d’une histoire résolument européenne du premierconflit mondial” poursuitGonzague Pluvinage.
Si quelque 50 nationalitésseront finalement partiesprenantes d’une manière oud’une autre, conséquenced’alliances et de dépendances diverses, on ne peut perdre de vue que la Grandeguerre est avant tout celleque se font les sociétés européennes. “En proposant decomparer la vie quotidiennedes Bruxellois avec celle deshabitants d’autres grandesvilles allemandes, le Musée dela Ville souhaite ne plus réduire l’ennemi au rôle uniqued’occupant mais bien plutôt,en utilisant l’exemple de la société allemande en guerre,d’éclairer les mentalités dudébut du siècle et les mécanismes à l’œuvre dans le déclenchement du conflit ainsi queles raisons de sa longévité”.
L’esprit frondeur toujours bien là par les caricatures
De gré ou de force, les soldats remplissent leur mission avec des étatsd’âme très contrastés mais que diredes populations civiles ? Ontellesconsenti à la guerre ?Dans les traces de toute guerre contemporaine, il y a – forcément – unepart importante d’objets, de pièces etd’archives militaires. Qui tournentautour des grands et petits faits dufront. Mais à l’arrière de celuici, leszones occupées ou non ont aussi unmessage à livrer.Ce sera l’originalité de l’exposition dela Ville de Bruxelles qui approcherales “cultures de guerre” que les historiens Antoine Prost et Jay Winterdéfinissaient voici 10 ans dans “Penser la Grande Guerre. Un essai d’historiographie” comme “les représentations, les sentiments, les émotions deshommes et des femmes pendant laguerre”.L’histoire culturelle parce qu’elle estune histoire de l’intime, au sein del’expérience la plus forte qui soitd’une collectivité nationale permetd’avancer ici que la Première Guerremondiale a été totale. D’où l’intérêtd’étudier également celle des sociétésde l’arrière.
Cela se fait à travers l’analyse denombreux documents (photographies, journaux, affiches, tickets derationnement, etc.)et des objets insolitessouvent émouvants.Plus originale estl’approche de l’étatd’esprit de la population à partir descaricatures réaliséesà Bruxelles entre 1914 et 1918. Onconnaît certes l’esprit frondeur bruxellois dont MannekenPis est l’icône la plusvisible. Mais l’humour comme armede résistance fut detoutes les époques àBruxelles. Commel’expliquent les historiens de la Ville,“les artistes résistent par l’humour.Parce que rire de ses propres malheurspermet sans doute de mieux les vivre,leurs caricatures s’amusent des difficultés vécues par la population : pénurie, problèmes de ravitaillement, changement d’heure, réquisitions, etc”. Maisles artistes se font nettement politi
ques : ils cultivent l’autodérision maisdésignent aussi les coupables… C’estl’occupant mais – hélas ! – aussi des
Bruxellois qui, àpetite ou grandeéchelle, tirent profitde l’occupation ettrahissent leurpatrie… Ces caricatures ont eu une vie ensoi : vendues pourpermettre à leursauteurs de (sur)vivre à de richesmécènes, elles ontatteint discrètementcertains groupes dela population ou ontété, ce fut plus rare…,publiées clandestinement.Nombre d’entre elles
ont été sauvées grâce à Eugène Keym,échevin à Watermael en août 1914.Ayant pris la charge de bourgmestreaprès la déportation de ce dernier, iladministra la commune jusqu’en1918 tout en s’efforçant comme sesautres collègues de résister à l’occupant. Malgré plusieurs arrestations, ilpersévéra, collaborant avec le Comité
national de Secours et d’Alimentation(CNSA) qui permet d’éviter au paysde connaître la famine et présidant“La Grande Famille” une oeuvre quiaida les familles des soldats belgestout en s’occupant des invalides etdes orphelins de guerre.Parallèlement à ses engagementssociaux et patriotiques, il collectionnait une multitude d’objets ayant unrapport avec la guerre et l’occupationde Bruxelles. Une partie de sa collection fut montrée en juin 1919 auPalais d’Egmont. En 1929, son fils,l’architecte Maurice Keym, en faitdon aux Archives de la Ville.Ses caricatures allemandes et belgessouvent en couleurs et en excellentétat de conservation, bien que d’unegrande fragilité, décrivent de manièrehumoristique les contraintes del’occupation : le passage à l’heureallemande, le couvrefeu, les réquisitions, les difficultés de l’approvisionnement, les falsifications alimentaires, la résistance passive, la joie dela libération, etc. Des visions décaléesde la vie quotidienne dans une villeoccupée et, on l’a déjà dit, le reflet del’état d’esprit des Bruxellois de ne pascourber l’échine…
h La résistance par l’humour permet aussi de saper le moral de l’occupant et de ses séides.
10-11 La Grande guerre à hauteur d’homme
“Les artistesrésistentpar l’humour.Parce que rire de sespropres malheurspermet sans doutede mieuxles vivre.”
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ARCH
IVES
LLB
Les officiers allemands n’ont pas manqué de s’enliser dans les délices gastronomiques de Bruxelles. Il n’y a pas eu d’embargo pour eux
ARCH
IVES
LLB
l Héros
Un maïeur patriote
n Durant toute la PremièreGuerre mondiale, les bourgmestres des 16 communes qui formaient l’agglomération bruxelloise firent montre d’un patriotisme sans faille. Le Parlement seretrouvant au chômage forcéalors que le gouvernement étaiten exil, les “maïeurs” ne manquaient jamais de prendre leursresponsabilités face à l’occupant.
Même l’imposition d’un“Grand Bruxelles” ne parvint pasà tempérer leurs ardeurs. Au contraire, ils utilisèrent cette coupoleallemande pour parler d’uneseule voix tout en s’affirmant ausein de la Conférence des bourgmestres créée dès 1874.
L’un des leurs allait leur servird’exemple : le bourgmestre deBruxelles, Adolphe Max, qui avaitceint l’écharpe tricolore le 6 décembre 1909 suite à la mort inattendue d’Emile De Mot. Celui quideviendrait sans conteste lebourgmestre le plus populaire deBruxelles ignorait qu’il exerceraitce mandat pendant pas moins detrente années consécutives.
Il avait, selon la belle expressionde Joseph Tordeur, acquis aussiune stature de “héros national”dès le début de la Grande Guerre.En effet, au péril de sa vie, il avaitdécidé de continuer à assumerses fonctions sans accepter de semettre sous l’autorité du gouverneur militaire de la ville deBruxelles. Il récidivait dans l’obstruction : ayant déjà refusé certaines démarches administrativesallemandes ce qui lui valut d’êtrearrêté à différentes reprises, ils’opposa clairement au paiementd’une nouvelle contribution deguerre imposée à la Ville et allajusqu’à donner l’ordre aux banques de ne pas honorer les bonsde caisse qui devaient servir à larégler.
10-11 La Grande guerre à hauteur d’homme
Déporté
n Pour l’occupant, c’en étaittrop : le 26 septembre 1914, ilavait été une nouvelle fois arrêtémais plus question cette fois delui donner une chance supplémentaire. Il fut déporté en Allemagne et resterait pendant toutela durée de la guerre dans les geôles d’outreRhin. Mais il regagnaquand même sa bonne ville etson pays tant aimé avant l’entréetriomphale d’Albert et Elisabeth.Le 13 novembre, il s’était en effetéchappé de la prison de Goslareet avec l’aide de ses amis avait rejoint Bruxelles quatre jours plustard. A peine revenu, il futnommé ministre d’Etat par le roiAlbert. Un an plus tard, c’est à luiqu’on dut l’instauration d’un jourde fête nationale le 11 novembre.
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l Week-end d’étoilés
Partie de chasse auchâteau de Vieusartn Ce n’est pas parce qu’onest en guerre qu’on n’a plusle droit de s’amuser, ni de seprendre un petit weekendde repos ! Le propos est ironique : en ce mois d’août 14,l’occupant a pris de sérieuses licences avec l’éthique etla morale.
Dans la matinée du 21,une centaine d’officiers allemands débarque au châteaude Vieusart, présenté parnotre confrère PhilippeFarcy comme “un sommetbelge de l’art romantique”. Ilporte la griffe de JeanPierreCluysenaer, l’architecte aux200 projets qui ont, notamment, marqué le paysagebruxellois. On ignore si lesofficiers ont admiré son travail mais il est certain qu’ilsen ont exploré le parc puisqu’ils se sont livrés à unepartie de chasse !
Parmi les officiers, un hôtede marque : le 4e fils de l’Empereur. Ses exploits militaires ont visiblement laissémoins de traces que son côtéNemrod. A Vieusart, on sesouvint surtout de la priseen otage du bourgmestre, ducuré et de 4 fermiers. Et desvols commis au départ desAllemands, qui avaient faitmain basse sur des calèches,des harnais, etc.
Bra bant wallon l L’invasion
Une litanie de violences gratuitesh L’est et le centredu Roman Païs souffrirenten août 14.
n Contrairement à d’autres régions, leBrabant wallon fut relativement! épargné au début de la PremièreGuerre. Ce qui ne l’empêcha pas desubir elle aussi de plein fouet l’invasion allemande et son cortège de souffrances.
Le petit village de Linsmeau fut ainsile plus sinistré en terme de pertes devies humaines. Ici comme en d’autresparties du pays, les quasi seules sources officielles de ces tragiques événements restent les comptesrendus descommissions d’enquête mises enplace pendant et après le conflit. Desdonnées exploitées par les associations d’Histoire locale comme le Cercle historique, archéologique généalogique de Wavre et du Brabant wallon
et des historiens régionaux passionnéscomme Joseph Tordoir.
Un point commun à tous les cantonsdu Roman Païs de Brabant: partout oùelles sont passées, les troupes allemandes ont commis des vols et despillages. Et lorsqu’elles procédèrent àdes réquisitions de bétail, de paille ouencore de vivres, ils n’en laissèrentguère de traces ne remettant, évidemment, pas de bons et ils ne s’engagèrent pas davantage à rembourserd’une manière ou d’une autre leurs“emprunts”...
Dans un certain nombre de cas lespillages entraînèrent des pertes humaines. On évoque ainsi le cas d’unfermier de Thines retrouvé mort le 21août 1914 dans le champ où il étaitallé surveiller ses bêtes en pâture. Soncorps fut retrouvé juste après le passage d’une patrouille allemande.
Dans le canton de Genappe, l’occupant frappa aussi aveuglément. A Loupoigne Louis Godart, un père de 14enfants tombait sous les balles alle
mandes. Là encore, rien ne justifiaitl’acte de la sentinelle allemande.
Dans le canton de Perwez, un fermier fut emmené par les Allemandsqui étaient à la recherche de soldatsfrançais. On n’appritson sort que deuxmois plus tard: il avaitété fusillé à Bouffioulx!
Autre technique: laprise d’otages retenusprisonniers lorsqu’onn’en faisait pas desboucliers humains.
Lorsqu’il y avait lemoindre doute, lessoldats allemandsexécutaient les citoyens sans sommation.
Ce fut le cas à Beauvechain où le gardechampêtre avait retrouvé des armes abandonnées par des soldats belges. Ayant été interceptés, le policierlocal et l’homme chez qui elles avaient
été retrouvées furent abattus entre lelieu de leur cachette et la maison communale...où le bourgmestre avait demandé de les ramener.
A Mélin, le bourgmestre Lambert Jamar fut abattu à la sortie de sa ferme alorsqu’il voulait aller serendre compte des incendies allumés parl’occupant. Des faits similaires se présentèrent aussi dans le canton de Wavre. Unexemple de brutalitéextrême parmid’autres: à ChaumontGistoux, un civil étaitrentré se cacher danssa ferme. Finalementrepéré, il fut abattu par
deux coups de fusil à bout portant ettranspercé d’un coup de lance. Ils vandalisèrent ensuite la maison non sansinsulter et brutaliser la maman trèsâgée du fermier...
Chemin creux fatal et frontal à SartRisbart
En Brabant wallon, il n’y eut, à vraidire, pas de bataille au début de laPremière Guerre mais un combatacharné le 16 août. Un combat decavalerie et d’artillerie qui se déployaentre SartRisbart, Chaumont etLongueville.Les connaisseurs des affrontementsmilitaires auraient sans contesteétabli un lien avec la bataille de Waterloo, 99 ans et deux mois auparavant.C’est l’histoire de plus d’une centainede cavaliers du 1er régiment de Chasseurs à cheval belge qui se sont retrouvés bloqués dans un chemincreux reliant SartRisbart à Chaumont et au fond duquel leurs montures avaient été prises au piège. Enjuin 1815, la cavalerie française avaitété arrêtée dans un chemin creux àOhain.En ce 16 août 1914, les Chasseurs àcheval belge se sont retrouvés face au13e régiment de Uhlans, appuyé pardes hommes du 10e régiment d’artillerie et de la 7e unité de mitrailleuses.Comme le précise l’historien brabançon, Joseph Tordoir “ce fut un terribleengagement au cours duquel six cavaliers belges furent tués alors qu’entre30 et 50 autres étaient blessés ou faitprisonniers par les troupes allemandes”.“Dès le 2 août” poursuit Joseph Tordoir “le régiment qui était en garnisonà Tournai avait été mis en observation
à la frontière française près de Templeuve et de Rumignies. Après l’invasion du pays par les Allemands, lerégiment avait été transféré par le railà Ramillies pour prendre position dansla région jusqu’à ChaumontGistoux etGrezDoiceau où ils’installa en cantonnement dès le 7août 1914.En tant qu’élément decavalerie de la 6e Division d’armée du général Lantonnois vanRode, le régiment devait retarder l’avancedes troupes allemandeset recueillir des informations sur ses mouvements.”Selon le témoignage,publié en 1935, ducapitaine de cavalerieLaurent : “SartRisbartfut le premier engagement importantdes Chasseurs et aussi une terribleleçon.”Son analyse sur une confrontationqui a tout de même mis hors combatquelque 180 soldats allemands estsans pitié pour la classe politique : “lapolitique, la plus sale chose que jeconnaisse, s’était abattue sur l’arméepour la dépecer. Tous les crédits militaires demandés étaient âprementcritiqués, sabotés […] Les partis partaient du principe qu’une Belgiqueindépendante et neutre n’avait pas
besoin de se payer le luxe de dépensesmilitaires”. Pourtant “voilà que leBoche sanguinaire submergeait déjà letiers de la Patrie, le couvrant de sang,de ruines et d’horreurs”.Une critique sévère qui visait tant
l’organisation quel’équipement : “lesChasseurs à chevaln’avaient qu’un sabreet une mauvaise carabine abusivementraccourcie et quelquescartouches”. Certes, ily avait eu 4 mitrailleuses pour 10régiments lors de ladéclaration de guerre.Certes, les Chasseursà cheval avaient reçudeux de ces fusilsautomatiques, maison les lui reprit pour
les donner aux Guides.Le capitaine Laurent était aussi trèssévère à propos du recrutement,survenu très – trop ! – vite après levote sur le service militaire personnelmais il entendait surtout montrerque l’on avait trop improvisé audébut de la guerre, même si c’était demanière un peu contrainte et forcée.Mais le lyrique capitaine qui connaissait forcément la fin du film ajoutaitque si “SartRisbart fut la leçon, l’Yserserait la grande offensive libératrice,la revanche et la gloire”.
h Un bilan négatif pour les Chasseurs à cheval imputable surtout à l’improvisation politique ?
12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme
14ORPHELINSA Loupoigne Louis Godart,père de 14 enfants esttombé sous les ballesallemandes. Rien nejustifiait l’acte de lasentinelle allemande.
46000GARDE CIVIQUEEn 1913, à la veille de laPremière Guerre mondiale,la Garde civique comptait46000membres.A Ottignies, en août 14,ils provenaient de Morlanwelz ayant été misà la disposition du gouverneur du Brabant.
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Le 12 octobre 1915, Edith Cavell - photo de dessus -était fusillé au Tir national à Schaerbeek. Un endroit hélasu négligé aujourd’hui.
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l Héros
Figure de proue de larésistance moralen Le Brabant wallon ne comptepas beaucoup d’icônes, de hérosde la Grande Guerre sur son territoire. Mais ils sont hors normes…
Avec d’abord, à tout seigneurtout honneur, le cardinal DésireJoseph Mercier qui est né à Brainel’Alleud le 21 novembre 1851.Le prélat n’est pas allé sur le frontmais son influence sur les esprits,y compris non catholiques futtrès grande. Notamment par salettre pastorale “Patriotisme etEndurance” distribuée le jour deNoël1914,lueetpubliéele1er janvier suivant sous le manteau.
Une conviction forgé par cequ’il avait vu d’abord au Havre,de retour du conclave qui avaitchoisi Benoît XV où il avait découvert l’ampleur des dégâts humains puis aussi à Malines où ildécouvrit que 13 de ses prêtresavaient été tués… En l’absence dugouvernement et du Roi, le cardinal avait acquis une forte légitimité, s’imposant comme la figurede la résistance morale. Ce qui luivalut d’être arrêté un momentpour sa propagande. Il entra aussien collision frontale avec le gouverneur allemand de la Belgiqueà propos des cultivateurs quiétaient envoyés dans des usinesallemandes.
l Héros
Un acte qui coûta lavie à Trésignies
n Jusqu’en 1963, Bierghes – prèsde Rebecq – faisait partie de l’arrondissement de Bruxelles. Lacommune ne fut intégrée danscelui de Nivelles que dans la foulée des lois linguistiques de l’époque. Le Roman Païs put dès lorsintégrer dans son panthéon le caporal Trésignies qui y était né en1886.
Trésignies perdit la vie lorsd’une contreoffensive belge àPontBrûlé (Vilvorde), le 26 août1914. Un peloton du 2e régimentde Chasseurs à Pied – le sien –était chargé de marcher sur PontBrûlé pour y traverser le canal deWillebroek. Le peloton occupaune tranchée sur la berge du canal. Le tablier du pont était relevé. Il fallait traverser le canal,manœuvrer la roue pour abaisserle pont et ainsi permettre à l’armée d’atteindre la rive occupéepar les Allemands. Léon Trésignies se porta volontaire et traversa le canal à la nage. Sur l’autrerive, il entama les manoeuvres dedescente du pontlevis mais futabattu par les Allemands. Le15 septembre 1914 il fut cité àl’Ordre de la Nation par Albert Ier
et nommé caporal à titre posthume.
12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme
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l Document
La réplique-orante-des Clarisses
n Les Pauvres Clarisses Coletinnes de Wavre avaient beauavancer leur statut religieux,elles n’en furent pas moinsdans le collimateur des Allemands. “Sous le prétexte quenous avions tiré sur eux, les Allemands tirèrent sur notre couvent, les vitres furent briséesdans lamaison de nos sœurs externes et les murs furent percésà plusieurs endroits”. Qu’à celane tienne “notre Mère Abbessemit sa confiance en JésusHostie, elle réunit ses filles au chœuret là, serrées auprès du Tabernacle, nous nous sentions calmes malgré tout. Inutile de direque pendant cette nuit commependant les jours qui précédèrent et pendant tout le temps dela guerre, des prières ardentesmontèrent vers le Ciel pourcrier pardon et miséricorde.”
Il fut décidé de communier,peutêtre une ultime fois.“Après nous être demandé
mutuellement pardon et nousêtre donné le baiser de paix quenous croyions être le dernier,chacune s’approcha pour prendre les saintes hosties”. Elles furent sauvées même si “un moment, la chapelle extérieurenous parut en feu mais enfintout se calma.”
“J’ai entendu unsergent ou uncaporal du 3e deligne dire au chefet aux soldats dela Garde civiquede Liège qu’ilvenait de tuer unofficier allemandà Linsmeau”.
Charles Colon
TÉMOINIl fit une déposition assermentée après les incidentsde Linsmeau.
Le 10 août 1914 Linsmeau
Un scénario déjà trop vuh La bonne volontédu maïeur n’arrêtapas les Allemands.
n Dans l’histoire de la Première Guerre, le Brabantwallon apparaît comme unezone moins marquée par lesévénements. Cela dit, lenombre de victimes civiles etmilitaires reste en tout étatde cause beaucoup tropélevé. On n’insistera pourtant jamais assez sur le courage des édiles locaux quis’exposèrent en première ligne et furent euxmêmesvictimes de la barbarie.
C’est vrai que le bourgmestre de Linsmeau d’alors, Victor Minsart n’a pas pu empêcher l’exécution de 18 citoyens pris au hasard nil’incendie de 7 maisons etpas davantage des pillages
mais ses actions préventivesont permis de limiter le bilannégatif. Lorsque le 10 août1914, une escarmouche opposa les troupes allemandeset belges, le “maïeur” avaitdéjà pris ses précautions. Ilressort en effet de sa déposition assermentée que troisjours auparavant, il avaitdonné des ordres pour quetoutes les armes soient remises à la maison communale.“J’avais visité la population
et lui avais fait comprendrel’inutilité et le danger d’organiser la moindre résistance”.Victor Minsart se disait “certain qu’il n’y avait plus d’armes en possession des jeunesgens qui faisaient partie de laGarde civique”.
Le premier magistrat affirma aussi avec certitudequ’“il n’y a pas eu la moindretentative de résistance de lapopulation civile contre les Allemands”.
Que s’étaitil passé ? Ducôté d’Opheylissem, sur leterritoire de Linsmeau il yavait des soldats belges enpatrouille. Ce sont eux quefrôla un groupe de uhlans.C’est alors que leur chef futabattu. Il est exact qu’attiréspar ce qui venait de se passerdes civils se rendirent ensuite sur place pour découvrir le cadavre. Très vite, lescompagnons de l’uhlanabattu accusèrent les civilsavant d’en emmener un certain nombre pour les exécuter. Des représailles visèrentaussi leurs biens : sept maisons avaient brûlé, plusieursautres habitations avaientété sérieusement endommagées.
Entretemps, le bourgmestre Minsart avait été luimême capturé et retenu jusqu’à 11 heures du soir.
Un certain Charles Colonqui avait assisté aux escar
mouches vint confirmer quece n’étaient pas les villageoismais bien un des soldats belges qui avait tué son visàvisallemand.“J’ai entendu un sergent ou
un caporal du 3e de ligne belgeraconter au chef et aux soldatsde la Garde civique de Liègequ’il venait de tuer un officierallemand sur le territoire deLinsmeau”. Et d’expliquerqu’il avait montré le browning et les jumelles de l’officier abattu.
Mais l’occupant n’avait luipas attendu un moindre début d’enquête…
Des exactions similaires furent commises dans d’autrescommunes qui n’avaientpourtant pas connu d’incidents semblables. Quelquesjours plus tard, le corps decavalerie français Sordet vinten renfort des troupes belges. Jusqu’au 21 août, la tension restait vive…
Une semaine de tensions à Wavre
Wavre fut sous tension pendant une semaine à la fin dumois d’août 1914. Dès lemoment où il avait été décidéde faire replier les troupesbelges sur Anvers, une voieimpériale s’ouvrait à l’envahisseur.Le 6 août, le roi Albert Ier étaitvenu se rendre compte de lapréparation mais surtout desmoyens dont disposeraientles unités belges sur place.D’après le rapport du généralGalet, ce fut loin d’être optimal et peu encourageantmais bon, la guerre étaitarrivée et il fallait faire face.Le chef de l’Etat avait été reçupar le bourgmestre ConstantDe Raedt dont la cote montait dans les milieux officielscar il était parvenu à fédérerla majorité et l’oppositionpour le plus grand bien de lapopulation locale.La situation qu’il géra aprèsl’arrivée des Allemands futbien plus délicate.La 20 août, dès 7 heures dumatin, les troupes de l’Empire faisaient leur entrée maisplusieurs témoins pensaientd’abord sur base d’informations empreintes d’un grand
“wishful thinking” qu’ils’agissait de l’armée française.Si la patrouille “inaugurale”stupéfia les Wavriens déstabilisés par la langue et l’alluredes envahisseurs, ils allaientêtre littéralement glacés au filde la progression des fantassins dans la cité.C’est que ces derniers n’hésitèrent pas à entrer dans lesmaisons et à réclamer tout cequi pouvait être mangé oubu. Ils forçaient les habitantsà déposer sur les trottoirs desseaux et des cuvettes d’eaupour en boire euxmêmes oupour donner à boire à leurschevaux. La méfiance absolueétait de mise : l’occupantcraignait en effet des empoisonnements.
Alors que la première journées’était passée dans un calmerelatif, le lendemain, et malgré qu’un couvrefeu avait étéinstauré à partir de 21 heures, des coups de feu furententendus vers ce moment unpeu partout dans la ville.Comme cela s’est vu ailleurs,les Allemands arrêtèrent lebourgmestre De Raedt,prétextant que des civils leuravaient tiré dessus.Afin de tenter de ramener lecalme, les Allemands demandèrent aux échevins de lessuivre et de demander à lapopulation de cesser les tirs.Un témoin évoque des personnalités locales “ignominieusement promenées partoute la ville et malmenées.”
Cela n’empêcha pas les Allemands de piller puis d’incendier 54 maisons. Ni de forcerde nombreux Wavriens àrester toute la nuit sur laplace de la ville.Le lendemain, le commandant allemand Willebrandtimposait à la ville une amendecontribution de guerre de100000 francs. Une sommetrop élevée que pour êtrerassemblée aussi vite. Ce quine calma pas les ardeursallemandes. Un avis officielmenaçait d’un incendie totalde la ville si les tirs n’arrêtaient pas. Un avertissementqui entraîna un autre avisofficiel, du bourgmestreceluilà, demandant à sapopulation de cesser touterésistance.La tension demeura vivejusqu’au 27 août car plusieurs notables restaient sousle contrôle direct des troupesd’occupation à l’hôtel de ville.L’arrivée de nouvelles unitésraviva les craintes mais peu àpeu le calme, tout relatif,d’une ville occupée s’emparade ce qui est aujourd’hui lecheflieu de la province duBrabant wallon.
h Les troupes allemandes étaient prêts à incendier la ville face à la résistance locale.
Incendie organisé
Comment les troupes allemandes procédèrent-elles pourincendier les maisons en guise de représailles ? Un témoi-gnage d’Arthur Everaerts de Céroux-Mousty éclaira cettequestion : “l’incendie se faisait par un corps organisé : cer-tains hommes jetaient des grenades, d’autres projetaient dupétrole ou du benzine au moyen de pompes”. D’autres témoinsoculaires parlent de pastilles ou de capsules incendiaires.Comme le souligne M.Grégoire “le modus operandi des incen-dies mériterait à lui seul une étude approfondie”.
14-15 La Grande guerre à hauteur d’homme
© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.
Dès les premiers jours de la guerre, les troupes allemandes firent de nombreux prisonniers civils.
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Les prisonniers civils furent affectés à bien des tâches dont le creusement de tranchées. Un grand nombre d’entre eux furent aussi dé-portés progressivement en Allemagne.
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l Nivelles
Un bourgmestrecourageux
n Pendant la Première Guerre,plusieurs bourgmestres furentdéportés pour insubordinationaux ordres de l’occupant. Si celuide Bruxelles, Adolphe Max, futarrêté très vite après l’arrivée desAllemands, celui de Nivelles, ledéputébourgmestre Emile deLalieux de la Rocq a été arrêté le6 avril 1915.
Ses fautes ? Il avait aidé en leurdonnant des vivres des ouvriersdu chemin de fer qui refusaientde travailler pour l’occupant etn’avait pas livré aux Allemands laliste des chômeurs de la ville.Émile de Lalieux fut emprisonnéquelques mois à Nivelles et futensuite déporté en Allemagnecomme “indésirable”. Il tombagravement malade et fut transféré en Suisse, à OuchyLausanne,où il décéda le 7 septembre 1918.
La Première Guerre mondialel’avait profondément marquéaussi par la perte d’un enfant. Sonfils, Louis avait intégré le serviceinfirmier de Nivelles. Il s’engageacomme volontaire de guerre etfut blessé au front le 18 juillet1916. Après un mois d’hospitalisation, il avait repris le combat.Hélas, un jour après sa premièreblessure, il fut mortellement touché. Il est mort le 14 septembre1917, âgé à peine de 23 ans.
l Ces journées-là
Rue du Poilu
n S’il n’est pas rare de trouverdes rues “du Poilu” en France,c’est très rare chez nous. Il enexiste une à Bierges dans l’entitéde Wavre. Il s’agit d’un hommageaux soldats français qui ont combattu aux côtés des soldats belgespendant la Première Guerre.
Mais pourquoi des “Poilus” ?Dans “L’Argot de la guerre,d’après une enquête auprès desofficiers et soldats” paru en1918, Albert Dauzat expliquaitqu’“avant d’être le soldat de laMarne, le poilu est le grognardd’Austerlitz, ce n’est pas l’homme àla barbe inculte, qui n’a pas letemps de se raser, ce serait trop pittoresque, c’est beaucoup mieux :c’est l’homme qui a du poil au bonendroit, pas dans la main !” Bref,un symbole de virilité. Dans lesautres armées, les surnoms fleurirent aussi pour désigner les soldats… En Allemagne : les Michel’sou Landsers; en Angleterre : lesTommies; en Australie : les Diggers (ceux qui creusent); auxÉtatsUnis : les Doughboys ou lesSammies. Chez nous, on parlaitdes Jass… Le surnom qualifialongtemps l’équipe nationale defoot militaire.
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