these de doctorat

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LE VECU DE L’ANNONCE DIAGNOSTIQUE DU CANCER DU SEIN CHEZ DES PATIENTES SUIVIES A LINSTITUT JOLIOT CURIE DU C.H.N.U. ARISTIDE LE DANTEC DE DAKAR THESE DE MEDECINE POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR (Diplôme d’état) PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT Le 01/12/2010 PAR EL HADJI MAKHTAR BA INTERNE DES HOPITAUX DE DAKAR

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Vécu de l'annonce diagnostique du cancer du sein chez des patientes suivies à l'Institut Joliot Curie du CHNU Aristide Le Dentec.

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Page 1: These de doctorat

LE VECU DE L’ANNONCE

DIAGNOSTIQUE DU CANCER DU SEIN

CHEZ DES PATIENTES SUIVIES A

L’INSTITUT JOLIOT CURIE DU C.H.N.U.

ARISTIDE LE DANTEC DE DAKAR

THESE DE MEDECINE

POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR

(Diplôme d’état)

PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT

Le 01/12/2010

PAR

EL HADJI MAKHTAR BA

INTERNE DES HOPITAUX DE DAKAR

Page 2: These de doctorat

SOMMAIRE

INTRODUCTION PREMIERE PARTIE

1- Le cancéreux et sa maladie

1.1-Image du sein

1.1.1-Symbole de maternité

1.1.2-Symbole de l’identité féminine

1.1.3-Symbole de sexualité

1.2-Image du cancer

2-Psychologie du cancer

2.1-Le terrain

2.2-Les mécanismes de défense

2.3-Le vécu de l’annonce diagnostique du cancer du sein

2.4-Le cancéreux, son entourage et ses possibilités de réadaptation

3-Les enjeux psychiques

4-Les enjeux éthiques

5-Le cadre de l’annonce

5.1-Le cadre légal

Page 3: These de doctorat

5.2-Les préalables

5.3-Qui annonce ?

5.4-A qui annoncer ?

5.5-Les techniques de communication

5.5.1-La communication verbale

5.5.1.1-La reformulation

5.5.1.2-La pause dans le discours

5.5.1.3-L’écoute

5.5.1.3.1-L’écoute participante

5.5.1.3.2-L’écoute active

5.5.2-La communication non verbale

5.5.2.1-Le contact visuel

5.5.2.2-L’expression faciale

5.5.2.3-La posture et la distance interpersonnelle

5.5.2.4-La voix

6-L’annonce diagnostique du cancer du sein en pratique

6.1-Les préliminaires

6.2-Ecouter la patiente

6.3-La communication de l’information

6.4-Quelles sont les informations importantes à fournir ?

6.5-Réponses aux sentiments des patientes

6.6-Préparer l’avenir

7-Expressions autour de l’expérimentation du dispositif d’annonce

7.1-Les bénéfices pour les professionnels

Page 4: These de doctorat

7.2-Les bénéfices pour les patients

DEUXIEME PARTIE

1-Matériel clinique et méthodologie

1.1-Cadre de l’étude

1.2-Type d’étude

1.3-Population d’étude

1.4-Méthodologie

1.5-Contraintes

2-Résultats

3-Synthèse des observations

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXES

Page 5: These de doctorat

INTRODUCTION

Page 6: These de doctorat

L’annonce d’un diagnostic grave ou fatal tel que le cancer, c’est l’énoncé

d’une réalité que la médecine a tout fait pour établir et confirmer, parfois à son

corps défendant, parfois dans une certaine excitation.

C’est l’annonce d’une mauvaise nouvelle, nouvelle qui modifie radicalement et

négativement l’idée que se fait le patient de son avenir et qui provoque chez

celui qui la reçoit des mouvements émotionnels puissants selon Buckman [8].

Ou selon Nicole Alby, c’est ce qu’un médecin n’a pas envie de dire à un malade

qui n’a pas envie d’entendre [8].

Pour le malade, l’adaptation ultérieure à la maladie dépend en grande partie de

la manière dont il vivra le moment de l’annonce du diagnostic.

Pour le médecin, annoncer un diagnostic de cancer est l’un des aspects les plus

difficiles de sa fonction. C’est un stress qui sera répété tout au long de sa

carrière, mais qui ne fait pourtant l’objet d’aucune formation. Chacun apprend

sur le tas, se situant entre deux extrêmes que sont : cacher ou cracher la vérité.

L’annonce d’un diagnostic de maladie potentiellement létale, telle qu’un cancer,

n’est jamais une situation facile tant pour le patient que pour le médecin

généraliste ou spécialiste. Toutefois, chaque annonce est singulière. Elle dépend

principalement de la localisation tumorale, de l’extension de la maladie, de son

agressivité, de la pratique du médecin et de la demande du patient.

Symboliquement, cette annonce représente une nomination de la maladie, et

pour le patient, son entrée dans le monde du cancer. C’est une nouvelle qui va

complètement bouleverser l’image qu’il se faisait de son futur. Elle va changer

sa représentation de l’avenir. C’est par conséquent, une modification radicale de

l’existence du sujet et de son entourage avec des repères compromis et une

précipitation dans l’incertitude.

Ces dernières années, l’évolution des mentalités a mis une pression sur le corps

médical, sommé de dire et de bien dire [28].

L’annonce d’un diagnostic de cancer reste une épreuve traumatique tant pour le

patient et sa famille que pour le médecin annonceur de la mauvaise nouvelle.

La réalité du patient et ses préoccupations du moment, à cet instant de la

révélation sont souvent très différentes de la réalité scientifique du médecin.

Page 7: These de doctorat

En effet, il s’agit d’un moment de vérité pour le patient mais aussi pour le

médecin annonceur. Cette révélation n’est jamais anodine et confronte le

médecin, le patient et son entourage à une violence insoupçonnée. Violence des

mots, des non-dits, du contenu de l’information et parfois même dans la manière

et le moment choisis pour cette révélation.

L’impact émotionnel intense généré chez le patient et son entourage n’est pas à

négliger. En effet, la confirmation d’un diagnostic de cancer reste associée pour

les patients à une sentence de mort et à un futur peuplé de catastrophes, de

souffrances et d’effets indésirables des traitements et redouté.

Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers féminins. En 2002, en France

42000 nouveaux cas sont diagnostiqués. Il représente aussi la première cause de

décès dus au cancer avec 11127 décès la même année [2].

L’impact psychologique du cancer du sein a une double origine.

D’une part, il est lié à l’image du cancer qui renvoie à la souffrance, à la mort.

Et d’autre part, il est associé à l’image des seins, symbole de féminité, de

maternité et de sexualité.

L’annonce d’un diagnostic de cancer du sein est un moment important dans

l’instauration de la relation médecin /malade. Elle doit s’accompagner d’une

communication de qualité dans la mesure du possible. Elle doit en permanence

osciller entre juste distance et proximité, tout en respectant l’autonomie, la

dignité et le libre arbitre des patientes.

En France, l’amélioration des conditions d’annonce du diagnostic de cancer est

l’objectif que poursuivent la Ligue contre le cancer et son réseau de malades, le

ministère de la santé et l’Institut national de lutte contre le cancer depuis les

premiers états généraux des malades du cancer en 1998 [3]. En effet, de 2000 à

2005, des échanges, des enquêtes et des expérimentations ont été faits auprès de

Page 8: These de doctorat

58 établissements de santé. Ceci a permis à des malades, à des professionnels de

la santé et aux pouvoirs publics français de formaliser des recommandations.

Ces dernières ont concouru à la mise en œuvre d’un dispositif d’annonce du

cancer dans les établissements de santé.

Le dispositif d’annonce est contenu dans la mesure 40 du Plan cancer.

Le Plan cancer est articulé autour de 70 mesures. L’objectif visé est d’améliorer

sensiblement la prévention, la prise en charge, la qualité et la durée de vie des

patients.

Le dispositif a été mis en place à la demande des patients lors des premiers états

généraux des malades atteints de cancer. Son but est d’améliorer les conditions

d’annonce du diagnostic de leur maladie.

En effet, les patients qui ont pris la parole à propos de l’annonce lors des

premiers états généraux avaient mis en avant trois revendications :

-la nécessité d’inscrire l’annonce du diagnostic dans un cadre : un cadre humain

et un temps spécifique.

-le besoin de recevoir des informations claires et compréhensibles dans un

champ relationnel.

-le souhait que la prise de décision thérapeutique soit associée à une discussion

pluridisciplinaire [6].

La mesure 40 s’articule autour de deux grands principes.

Le premier est que tout patient atteint de cancer doit pouvoir bénéficier, au début

de sa maladie et /ou en cas de récidive, d’un dispositif d’annonce organisé et mis

en place dans tous les établissements où la prise en charge de patients cancéreux

se fait.

Page 9: These de doctorat

Le second souligne que la coordination interprofessionnelle, la communication

relationnelle avec les patients et leurs proches ainsi que la souplesse dans la

mise en œuvre sont essentielles à la réussite du dispositif.

Le dispositif se construit autour de quatre temps [15].

-Le temps médical fait d’une ou plusieurs consultations. Elles sont dédiées à

l’annonce du diagnostic puis à l’annonce de la proposition thérapeutique définie

en réunion de concertation pluridisciplinaire. Cette proposition thérapeutique est

présentée par le médecin et remise sous forme d’un programme personnalisé de

soins.

-Le temps d’accompagnement soignant qui permet au malade et à ses proches

d’accéder, selon leurs choix, à des soignants disponibles à cet effet. Ils écoutent,

reformulent, donnent de l’information et peuvent orienter le patient vers

d’autres professionnels impliqués dans certains soins de support.

-L’accès à des équipes impliquées dans les soins de support et notamment le

service social, les psychologues et/ou psychiatres ; les associations de type

Espaces Rencontres Information.

-Le temps d’articulation avec la médecine de ville au cours duquel le dispositif

s’appuie sur un travail de liaison et de coordination entre les professionnels

concernés.

La mise en œuvre du dispositif fait partie intégrante de la prise en charge des

patients. Elle donne lieu à une évaluation annuelle au sein de l’établissement et

prend en compte l’avis des patients.

En Afrique, et particulièrement dans notre pays le Sénégal, un tel dispositif

n’existe pas. L’annonce du diagnostic de cancer en général et de cancer du sein

en particulier est un exercice auquel les soignants se livrent sans aucune

Page 10: These de doctorat

préparation. La dimension psychologique de l’annonce d’un tel diagnostic est

souvent non prise en compte, donnant lieu à des insuffisances.

L’intérêt majeur de ce travail que nous nous proposons de faire est de contribuer

à l’amélioration des conditions d’annonce diagnostique de cancer du sein dans

notre pays.

Ce travail est présenté selon le canevas suivant.

Dans la première partie, nous abordons la revue de la littérature. Nous

envisageons d’évoquer l’image du cancer du sein chez la femme, la personnalité

et les différents mécanismes de défense psychique. Puis, notre intérêt se

focalisera sur les enjeux psychiques et éthiques de l’annonce de cette affection.

Enfin, nous présentons le cadre de l’annonce diagnostique de cancer du sein,

les expressions des praticiens et patients suite à une expérimentation du

dispositif d’annonce en France.

Dans la seconde partie ou travail personnel, nous comptons vous faire part du

contexte de notre étude, puis nous vous livrons les observations de 11 patientes

interviewées au centre hospitalo-universitaire de Dantec. Nous terminons cette

partie par une synthèse discutée de ces observations.

Page 11: These de doctorat

1-Le cancéreux et sa maladie

La dimension psychologique du cancer dépend de la représentation que le

patient se fait de l’organe atteint mais aussi de la maladie cancéreuse.

1.1- Image du sein

Le sein est un organe fortement investi.

Il est l’image de la femme et de la mère. C’est un objet de désir sexuel et un

attribut maternel. Mais encore, il est un organe nourricier et un symbole de vie.

1.1.1-Symbole de maternité

Le sein est lié à la fécondité et au lait qui est la première nourriture du nouveau-

né. Il s’ouvre en premier à l’enfant comme source de vie et de chaleur.

Dans l’Antiquité, les nombreux seins engorgés du lait divin d’Artémis d’Ephèse,

déesse de la fécondité, de la fertilité et mère nourricière allaitent l’humanité

entière.

Dans la mythologie grecque, les seins sont le symbole de l’immortalité. Hercule,

fils de Zeus, fruit des amours illégitimes avec une mortelle, accéda à

l’immortalité en tétant le lait du sein d’Héra [2].

La maternité et l’allaitement apportent à une femme une autre dimension, celle

de pouvoir donner la vie et de s’épanouir dans le don de l’amour. Le nourrisson

posé sur la poitrine de sa mère s’engage dans la reconnaissance de l’univers qui

l’entoure.

1.1.2- Symbole de l’identité féminine

Quand la jeune fille devient femme, quand la poitrine se développe, la femme

découvre son corps et réalise ses potentialités féminines.

Les seins jouent un grand rôle dans l’image que la femme a de son corps et de sa

féminité. Mais la féminité ne se limite pas aux caractéristiques physiologiques.

La façon de percevoir son corps, ses seins, est influencée par des déterminants

culturels et sociaux du milieu dont elle provient.

La femme vit dans un corps physique mais aussi dans un corps imaginaire avec

lequel elle s’adresse aux autres. Le corps physique, c’est le schéma corporel qui

est le même pour tous les individus de la même ethnie et du même âge. L’image

Page 12: These de doctorat

du corps par contre, est propre à chacun. Elle est liée au sujet et à son histoire,

c’est la synthèse de nos expériences émotionnelles. Elle permet la relation à

autrui [2].

Ainsi, la féminité n’est pas seulement une représentation culturelle de la femme

ni un caractère biologique quant à une fonction de la femme par rapport à

l’homme. Elle est une essence qui ne se laisse rencontrer que dans la dimension

de l’intérioté. Elle est intemporelle et fait de chaque femme un être unique.

1.1.3- Symbole de la sexualité

Le sentiment identitaire est fortement marqué par les indices d’apparence

sexuelle. Les seins sont porteurs d’une fonction érotique tant d’un point de vue

symbolique que physiologique.

Zone érogène primaire, ils sont l’un des moteurs de la libido.

Pour l’homme, Ils expriment les beautés et les avatars de l’existence. Ils

renvoient aux plaisirs érotiques et entretiennent les rêveries fantasmées.

Pour la femme, ils expriment la sensualité, les élans maternels, mais aussi un

moyen de conquérir une source de désir sexuel.

Ils sont un objet de convoitise et de désir d’identification pour la femme qui tend

à se rapprocher de la perfection du modèle, un objet de désir et de fantasme

sexuel pour l’homme.

Le recours à la chirurgie esthétique souligne les impératifs plus ou moins

fantasmés de correspondre à des modèles de société ou reprécise

l’investissement primordial du corps pour la constitution du soi.

La femme dont le sein est atteint par un cancer se voit comme défaillante. Elle

est renvoyée à l’image de sa propre mère et à l’image qui les unit. La maladie

vient alors raviver les conflits de la relation mère-fille [24].

En raison de l’ampleur de l’investissement du sein et de sa valeur symbolique, le

cancer du sein représente l’une des maladies les plus redoutées de la femme,

indépendamment de la sévérité de l’affection.

Page 13: These de doctorat

1.2- Image du cancer

Les tumeurs malignes sont décrites par Hippocrate (460-370 avant Jésus Christ).

Il parle de « carcinos » qui signifie crabe.

Cette définition est reprise ultérieurement par Galien (131-201 avant Jésus

Christ) dans son traité des tumeurs où il décrit avec précision le cancer du

sein : « Maintes fois, nous avons vu aux mamelles une tumeur exactement

semblable à un crabe. En effet, de même que chez cet animal, il existe des pattes

des deux cotés du corps, de même, dans cette affection, les veines étendues sur

cette tumeur contre nature présentent une forme semblable à celle d’un crabe »

[2].

Au XVIIème siècle, le cancer est vu comme une maladie contagieuse et les

patients sont exclus des hôpitaux [2].

Au début du XXème siècle, dans les sociétés occidentales le cancer a pris rang

de fléau. Ce terme vient du mot latin « fouet avec lequel on flagelle ». Il

désignait une personne ou une chose funeste, paraissant à l’origine émaner de la

colère divine. Il désigne aujourd’hui une calamité redoutable qui s’abat de façon

incontrôlable [8].

De nos jours, la spécificité du cancer reste liée non pas à la technique mais à la

représentation de cette maladie.

En Algérie, le cancer se dit de façon familière khenzir [8]. Ce mot signifie

cochon. Ceci permet de le rejeter hors des pratiques religieuses musulmanes.

L’assimilation du cancer à l’animal honni transforme malheureusement chaque

malade en déviant et surtout en coupable. En effet, il est vu comme porteur

d’une marque infamante, traitre à sa religion. Les femmes algériennes porteuses

de cancer ont dès lors des raisons de se cacher.

L’image du cancer reste liée à la peur de la mutilation, de la souffrance et de la

mort.

La spécificité du cancer du sein se retrouve certes dans sa représentation mais

aussi dans sa répercussion sur la psyché de la patiente, de son entourage, du

médecin.

Page 14: These de doctorat

2-PSYCHOLOGIE DU CANCER

2. 1-Terrain

Certains auteurs ont parlé de personnalité du cancéreux.

Goldfarb a tenté d’établir un profil psychologique caractérisé par les traits

suivants : domination par la mère, immaturité, blocage de l’hostilité, incapacité

de supporter une perte d’objet, sentiment pré néoplasique de découragement et

de l’impuissance [29].

Tarlan parle de dominance maternelle et d’une attitude négative vis-à-vis de la

sexualité [29].

Béatrix Cobbson évoque l’existence d’une opposition avec la famille, une

tendance à éviter le stress et les difficultés à s’adapter aux relations sociales

[29].

Le Shan a tenté de résumer l’opinion générale des auteurs américains. Il affirme

qu’une perte d’objet majeure précède l’apparition du cancer. Pour lui, il existe

une relation entre la structure de personnalité et la localisation dans le corps de

la tumeur [29].

Bacon et Renneker, chez 40 femmes atteintes de cancer du sein, ont trouvé un

conflit non résolu avec la mère et des structures masochistes [29].

En définitive, il ne se dégage pas un profil psychologique bien établi et admis

par tous les auteurs. Seulement, nous nous rendons compte que toutes les études

se rejoignent sur le fait que le cancer survient sur une personnalité «fragilisée».

Par ailleurs, l’existence de facteurs aggravants ou déclenchants est envisagée

par certains auteurs notamment Le Shan. Ce dernier a classé les femmes

atteintes de cancer du sein en quatre catégories : les veuves, les divorcées, les

mariées et les célibataires. Il prétend que la morbidité va en décroissant dans

l’ordre donné.

De plus, il serait intéressant à notre avis de jeter un regard sur l’impact

psychologique de la maladie.

Le cancer évoque une mort terrifiante puisqu’elle est annoncée. Il s’oppose à

l’idée de mort idéale, celle qui passe inaperçue.

Page 15: These de doctorat

La conscience du cancer chez les patientes augmenterait avec la durée

d’évolution. Cette notion est généralement intégrée après un an d’évolution.

Selon Shands, au début, le malade est plongé dans un état vertigineux. Le choc

moral est trop traumatisant. La vérité n’est assimilée que partiellement et par

intermittence. L’anxiété est intense et c’est à cette période que l’on rencontre

des réactions suicidaires brutales ou des refus thérapeutiques de même

signification. Puis, peu à peu le malade intègre sa maladie [21].

Des mécanismes de défense se constituent. Ils sont destinés à lutter contre

l’angoisse mais peuvent être débordés. Des réactions psychopathologiques, soit

dépression ou auto-agressivité, soit régression avec dépendance et passivité

peuvent en effet apparaitre.

2.2-Les mécanismes de défense

A l’annonce du diagnostic de cancer du sein, la patiente se sent vulnérable. Son

existence physique devient incertaine. La valeur des choix destinés à donner un

sens à sa vie est remise en question. Simultanément, les statuts sociaux,

conjugaux (harmonie du couple, sexualité), familiaux (perte d’autorité) et

professionnels seront ébranlés. Cette annonce génère chez le patient une crise

identitaire, accentuée par son sentiment de fragilité.

Face à l’annonce diagnostique, la patiente peut interpréter ce qui lui arrive à

deux niveaux sur le plan cognitif :

-Le premier niveau est la prise de conscience d’une perte pour elle même

concernant sa santé, ses projets d’avenir, socioprofessionnels et familiaux, et à

l’extrême sa vie.

-Le second niveau est la plongée dans l’inquiétude et l’incertitude, avec toute la

difficulté à gérer les évènements et la maîtrise temporelle.

L’annonce diagnostique entraîne chez les patientes toute une série de réactions

psychologiques.

Le refoulement est possible. Le malade refuse de toutes ses forces de reconnaitre

la réalité traumatisante. Il préfère refouler sa souffrance et enfouir ce savoir

encore trop douloureux. En entretien, il ressort une angoisse profonde malgré

que la patiente semble détachée de sa pathologie. En dépit de l’évidence et de la

multiplication d’indices manifestes, certaines patientes s’acharneront à récuser

Page 16: These de doctorat

la menace pour tenter le plus longtemps possible, d’assourdir le choc de

l’inconcevable certitude [30].

La pseudo-rationalisation permet d’introduire une logique dans l’absurdité de la

maladie. Il arrive que les malades soient plus scandalisés par l’absence de cause

à leur maladie que par la maladie elle-même. Ils recourent à un système

explicatif. La notion d’hérédité est parfois invoquée : « Ma mère est morte d’un

cancer du sein ; j’ai toujours pensé que j’aurais un cancer du sein, c’est idiot

mais c’est arrivé ». La notion de fatalité revient souvent : « Qu’est ce qu’on y

peut ; ça devait arriver ; c’est le destin ». Cette acceptation apparente devant une

destinée implacable n’est pas exempte de révoltes et de réactions agressives.

Parfois, elle permet d’écarter le diagnostic : « Je n’ai pas mal, donc ça ne peut

pas être grave ; j’ai eu de la chance, ça a été pris au début ; ma maladie ce n’est

pas un cancer mais ça aurait pu devenir cancéreux » [21].

La culpabilité recourt à une intellectualisation plus irrationnelle encore. La

maladie, le mal s’intègre dans une atmosphère de culpabilité. Elle est imposée

comme punition d’une faute passée. D’autres fois, la culpabilité est rejetée sur

un tiers, le médecin notamment : « C’est la faute de mon médecin, il ne me

prenait pas au sérieux » ou « Mon médecin m’a laissé trainer ». Ce qui au

demeurant est peut-être vrai. Enfin, par un mécanisme plus arbitraire, le

sentiment de culpabilité peut-être imposé de l’extérieur.

La sublimation peut être retrouvée. Elle est la transformation des pulsions en

une activité socialement valorisée et, par extension, l’acceptation de la

souffrance et de l’angoisse dans une perspective, généralement religieuse, qui

transcende l’individu. La patiente peut nous dire : « J’ai la foi, je fais mon

calvaire, c’est Dieu qui l’a voulu… ». Ce mécanisme est plus retrouvé chez les

femmes âgées. La sublimation dans le travail est possible surtout chez les

patientes jeunes.

La dénégation est le mécanisme le plus fréquent. Elle signifie que le sujet

constate en même temps et nie la réalité. Il peut s’agir d’une patiente qui au lieu

de parler de ses troubles, se lance dans un monologue intarissable où défilent sa

vie, son passé, ses projets.

Les différents mécanismes s’intriquent les uns les autres chez le même malade.

L’un deux est souvent dominant. Cela tient de la structure de personnalité

préexistante.

Page 17: These de doctorat

Par ailleurs, les soignants aussi élaborent des mécanismes de défense.

Dans la maladie cancéreuse, les soignants sont les référents privilégiés de la

patiente et incarnent pour elle jusqu’au bout, cet espoir d’une possible guérison.

De ce fait, ils se trouvent confrontés en permanence à des situations difficiles et

éprouvantes. Souvent, démunis face à la souffrance psychique du malade, ils

sont désemparés par leur propre impuissance à accepter l’échec thérapeutique et

les limites de la médecine.

Pour se prémunir de ce désarroi et des angoisses conjuguées dont ils demeurent

la cible, ils instaurent des mécanismes.

Ces derniers s’apparentent souvent à des mécanismes de fuite.

Ainsi, ils peuvent user de mensonge. Ce mode de défense s’avère être le plus

dommageable à l’équilibre psychique du malade [30].

En effet, certes la violence de l’impact de la vérité dévoilée sans préalable

engendre toujours, par sa soudaineté, un effet de traumatisme insoutenable pour

le patient. Au contraire, en voulant l’apaiser par le mensonge, le soignant

neutralisera la montée progressive de l’angoisse, qui est protectrice par le biais

des contre-tensions qu’elle génère. L’angoisse permet au malade de s’ajuster

progressivement à la menace qui se profile.

La fuite en avant est aussi un mode de défense possible chez le thérapeute. Ce

dernier ne parvient pas à s’adapter au rythme du malade, ni à suivre les

bouleversements de son cheminement intérieur. Devançant toutes les questions

et brulant sans cesse les étapes, il s’empressera de tout dire. Il est comme

oppressé par le poids d’un secret non partagé dont il veut se libérer sur le champ.

Le retranchement derrière son savoir médical est également possible chez le

praticien. En adoptant un discours hermétique, il tente de neutraliser

l’expression de la souffrance de la patiente et pallie par là, même sa propre

Page 18: These de doctorat

angoisse. Ainsi, il parvient à établir un dialogue sans dialogue. Il apporte aux

questions trop embarrassantes de la patiente des réponses plus obscures qui ne

font qu’accroitre son malaise et sa détresse.

La réduction de la patiente à un simple cas clinique et à un dossier qu’il

consultera sans même un regard pour l’«Homme». Ainsi, il parviendra à oublier

ce dernier et sa souffrance.

Le soignant se doit d’identifier ses propres mécanismes, savoir les reconnaitre et

les accepter en tant que réponses légitimes à un surcroit d’angoisse. Ceci

engendre un certain assouplissement de l’intensité de ces derniers. En acceptant

de cheminer avec ses forces et ses failles, il va se révéler plus apte à reconnaitre

les mécanismes de défense du malade.

2.3-Le vécu de l’annonce diagnostique du cancer du sein

L’annonce diagnostique d’un cancer du sein ébranle la vie des patientes, elle

provoque une rupture dans la continuité de leur existence. (« Ma vie s’est arrêtée

à l’annonce de ma maladie… »). En effet, cette annonce agit comme « un

cataclysme ». Elle saisit la patiente et lui inflige « une douleur d’une extrême

violence ». C’est un traumatisme psychique qui « frappe l’individu au plus

profond de son être et fait résonner les blessures du passé ». Le retentissement

de cette annonce reste « imprévisible » [25].

Le vécu de cette annonce dépend de la personnalité de la patiente, de sa

représentation du cancer et du sein, de son histoire, de ses expériences et de la

période qu’elle est entrain de traverser. Plus rien ne sera comme avant.

Le mot « cancer » véhicule l’idée d’un « mal intérieur, d’un mal qui ronge et

incontrôlé par la médecine » [27]. Cette maladie est à la fois un fait et une

représentation. La patiente peut porter en elle cette maladie sans que cette

dernière ne se manifeste par des symptômes visibles. Face à cette situation

Page 19: These de doctorat

paradoxale, nous comprenons à quel point le diagnostic peut devenir iatrogène.

Le médecin annonce à la personne qu’elle est atteinte d’une affection

potentiellement létale, qu’elle devra subir divers traitements sans qu’elle ne

puisse se sentir malade. Le médecin devient l’ambassadeur de la réalité

médicale, légitimant la maladie. Cette annonce met à la fois la patiente et le

médecin dans une situation paradoxale. La patiente qui, pourtant se sent en

bonne santé, entre dans la maladie et le médecin qui par cette annonce fait du

mal à sa patiente alors que sa fonction première est de soigner et de soulager les

souffrances. (« J’ai cru qu’il parlait d’une étrangère…Je n’ai pas assimilé ni vu

la gravité de la situation »)

Le cancer bouleverse tant la dynamique que l’économie psychique de la

patiente, plus particulièrement son économie psychosomatique. Le gel des

processus de pensée est inhérent à l’annonce de la maladie et la sidération

émotionnelle qui suit, empêche pour un temps, le travail d’élaboration psychique

du traumatisme.

Face à l’annonce diagnostique du cancer du sein, la patiente et son entourage

sont « abasourdis. Certains disent même avoir eu le sentiment que le ciel

s’écroulait sur leur tête » [27]. De nombreux quiproquos peuvent perturber cet

entretien diagnostique ainsi que les futures relations soignant-soigné. Cette

situation particulière confronte alors la patiente mais aussi son entourage et les

équipes soignantes à une angoisse profonde.

2.4-Le cancéreux, son entourage et ses possibilités de réadaptation

La patiente atteinte de cancer est confrontée à la perte du sentiment

d’invulnérabilité et à la perte du sentiment identitaire sur le plan psychique.

Cette rencontre avec le cancer induit une rupture dans la vie du sujet et met en

jeu ses capacités d’adaptation [8]. Elles peuvent être débordées ponctuellement

ou durablement. Ceci donne lieu à différentes manifestations de détresse

émotionnelle.

Page 20: These de doctorat

Le cancer du sein requiert un effort continu d’adaptation tout au long de la

maladie. Le terme « adaptation » renvoie à l’idée d’une temporalité, d’une

réorganisation psychique nécessaire pour intégrer la représentation

bouleversante de la maladie. Il s’agit donc d’un processus dynamique, évolutif, à

ne pas rabattre du coté de la normalisation.

Les progrès de la science ont permis d’augmenter le nombre de patients en

rémission du cancer. Cette phase apparait comme une autre étape qui nécessite

aussi des efforts d’adaptation. Ces mêmes progrès ont permis de transformer le

cancer, de maladie bien souvent et rapidement fatale, en affection chronique

avec un avenir incertain.

Face à une réalité nouvelle, à un traumatisme, l’individu développera une série

de réactions cognitives, émotionnelles et comportementales. Elles lui

permettront d’évaluer les difficultés et d’y réagir. Soit elles favoriseront

l’adaptation de la personne, soit elles seront tenues en échec. Ces réactions

individuelles sont extrêmement diversifiées et dépendantes de facteurs multiples

tant sur le plan physique, psychologique que social.

En 1954, Clark soulignait le rôle de trois facteurs favorisant l’adaptation du

malade : l’attitude du médecin et de l’entourage, la psychologie antérieure du

patient, les facilités de soin et de traitement offertes [21].

L’entourage du cancéreux se sent souvent atteint dans sa sécurité affective,

s’identifie au malade ou au contraire se réfugie dans une attitude de refus,

d’inacceptation globale ou de démission.

La réadaptation du malade cancéreux dépend fortement de l’environnement

familial, du cadre socio-économique, des soins à domicile, de la rééducation au

travail et enfin de la psychothérapie. Cette dernière aura pour finalité

d’accompagner psychologiquement le cancéreux dans le vécu de ce

traumatisme.

3-Les enjeux psychiques

L’exigence en information des malades a beaucoup augmenté durant ces

dernières années.

D’un point de vue psychologique, l’information diminue l’angoisse générée par

l’incertitude et le sentiment de solitude engendré par le silence ou le mensonge.

Elle contribue à installer un climat de confiance entre le malade et le médecin.

Page 21: These de doctorat

Elle favorise l’adaptation aux traitements et l’anticipation des problèmes

susceptibles de se poser : nutrition, escarres par exemples.

Une bonne information permet d’éviter les confusions relatives aux sources

diverses que sont les médias, les amis ou les lectures personnelles.

Annoncer un cancer, c’est annoncer une mauvaise nouvelle et ne peut donc pas

être anodin.

L’annonce d’une maladie sollicite massivement l’imaginaire du malade et le

renvoie à des représentations qui lui sont propres, spécifiques de sa personnalité

et de son histoire de vie, mais aussi caractéristiques d’une époque, d’une société,

d’une culture.

A chaque époque, une maladie est venue cristalliser les angoisses d’une société,

une maladie le plus souvent insidieuse et toute puissante, irrémédiablement

porteuse de mort.

Le cancer est venu détrôner les figures du passé que représentaient les grandes

épidémies. Il véhicule une angoisse qui fait taire son nom, le mot est tabou.

La condition de l’être humain est d’être par essence mortelle. Dès que nous

venons au monde, nous sommes engagés dans un processus de vie que la mort

ordonne. Pourtant, la mortalité n’est pas éprouvée de l’intérieur. Elle ne nous est

pas représentable. Au fond, personne ne croit à sa propre mort. Dans notre

inconscience, « chacun de nous est persuadé de son immortalité » dira Freud

[10].

Le cancer, comme toutes les grandes affections, est bien une métaphore qui fait

se rencontrer vision archaïque et moderne du mal, une métaphore qui donne à

voir notre relation au monde d’aujourd’hui autant qu’elle met en évidence notre

fragilité d’individu.

L’annonce du diagnostic de cancer du sein agit comme un séisme. Elle saisit le

malade et lui inflige une douleur d’une extrême violence. C’est toujours un

traumatisme psychique.

La révélation de la maladie frappe l’individu au plus profond de son être et fait

résonner les blessures du passé. C’est pourquoi le retentissement de l’annonce

est imprévisible. Il dépend de la personnalité du sujet, de la représentation qu’il

se fait de la maladie et du sein, de son histoire, de ses expériences et de la

période de vie qu’il est entrain de traverser.

Page 22: These de doctorat

Que le diagnostic tombe brutalement sans que le malade n’ait été alerté par des

signes avant-coureurs, ou qu’il s’insinue au fil d’un tableau clinique plus ou

moins évocateur, c’est toujours l’idée d’une mort possible qui fait irruption dans

l’imaginaire du malade.

Plus rien ne sera désormais comme avant.

C’est dire à quel point le temps des premiers mots échangés autour de la

maladie, entre le médecin et le malade, est important. Ils marquent la relation

médicale d’une empreinte indélébile, qui conditionne l’histoire de la maladie en

train de s’écrire.

Il n’existe pas de bonnes façons d’annoncer une mauvaise nouvelle. Mais

certaines sont pires que d’autres, celles qui enferment le malade dans une

confusion par rapport à sa maladie, qui l’empêchent d’y réagir à sa façon, avec

ses propres défenses, celles qui assènent une vérité crue et brutale, inadaptée à

ses ressources du moment, celles qui ne tiennent pas compte de sa demande

implicite et du respect de sa personne.

Il appartient à chaque médecin, à chaque soignant, face à chaque malade de

saisir ce que celui-ci veut et peut entendre, à chaque instant, jour après- jour, car

il n’en a jamais fini avec l’annonce d’un cancer (annonce de la maladie, du

traitement, de l’arrêt du traitement, d’une récidive [24] ), de l’écouter et de

l’entendre, de s’ajuster au plus près à sa demande, de le suivre.

Le malade montre souvent la voie pour traverser ensemble l’épreuve en tant que

partenaires de soins et ouvrir vers un avenir et un espoir réalistes.

4- Les enjeux éthiques

Communiquer, mais surtout bien communiquer, dans une volonté de soutien

apparait comme un enjeu éthique. Le cancer envahit l’existence du sujet et le

soignant se doit de jouer un rôle de soutien au-delà de la compétence technique.

Le médecin qui délivre le diagnostic doit préserver l’autonomie de la patiente. Il

se met à l’écoute de tout ce qui est susceptible de préserver sa qualité de vie en

matière d’options thérapeutiques. Il préserve ainsi l’observance de la patiente et

donc ses chances de survie.

Il s’agit encore d’une écoute et non d’une délégation à la patiente de ce qui est

de l’ordre de la seule responsabilité médicale.

Page 23: These de doctorat

L’éthicien Geets rappelle que « la vérité assénée acquiert une signification

comparable au mensonge, impliquant le même refus d’accompagner le malade

dans son cheminement. Dans ce contexte, dire la vérité est une manière subtile

d’éviter l’angoisse de la rencontre de soi à soi au sein de la relation à l’autre »

[31].

L’inégalité, entre un médecin qui sait et un patient qui ne sait pas ou qui croit

savoir, est souvent responsable de difficultés éthiques avec des conséquences

parfois très préjudiciables sur le plan relationnel. Il appartient au praticien de

s’interroger tant sur les paramètres sous tendant cette verticalité (attitude de

paternalisme par exemple) que ceux permettant de réduire celle-ci (connaissance

et application de la législation concernant l’information à la patiente si elle

existe, implication des associations de malades, formation aux techniques de

communication).

Le repérage des dysfonctionnements de la communication tels que les messages

paradoxaux de type injonction ou le paralangage (mimiques, gestuelles,

euphémismes) lors des phénomènes d’annonce participe à la réflexion éthique. Il

a pour but de minimiser ou du moins, tenter de réguler l’impact traumatique de

l’annonce. Plusieurs niveaux éthiques peuvent être distingués lors de l’annonce

diagnostique :

-la divulgation d’une information respectant l’estime de soi, de la patiente et son

droit à l’information ;

-le respect et le maintien de l’autonomie de la patiente en lui faisant partager la

responsabilité des décisions la concernant (consentement informé ou choix

informé) ;

-la création d’une alliance thérapeutique fondée sur une confiance réciproque ;

-la délivrance d’une information optimale, c’est-à-dire adaptée à la patiente,

cohérente dans le temps, progressive et partagée, et surtout non désespérante ;

-le respect de la réticence de la patiente à recevoir une information pronostique.

Respecter ces différentes règles lors de l’annonce apparait comme le garant du

maintien de ce pacte de confiance entre le médecin annonceur et la patiente. Il

permet de rechercher, selon Paul Ricœur, « la juste distance entre points de vue

singuliers sur le front d’une compréhension partagée ». Régis Aubry nous

Page 24: These de doctorat

rappelle que « respecter l’autonomie d’un malade, c’est respecter son droit de

savoir » [28].

Le respect d’autrui et le maintien des valeurs humaines sont autant de piliers

éthiques guidant le praticien dans sa délicate mission d’annonce. C’est à ce prix

que le médecin pourra établir avec sa patiente une relation plus égalitaire, de

solidarité et de respect réciproque.

5- Le cadre de l’annonce

Pour beaucoup de malades, pour leurs proches aussi, l’annonce diagnostique de

cancer et la période qui l’entoure, constituent un traumatisme majeur.

Annoncer un diagnostic de cancer du sein revient à confronter la femme à une

double agression : celle de la maladie et souvent celle de l’acte chirurgical. Cette

situation couplée au fait que les seins sont le symbole de l’identité féminine,

engendre une détresse émotionnelle importante.

La représentation du cancer dépend de la représentation de l’organe atteint et de

son investissement par le malade. Le traumatisme psychique est d’autant plus

grand que l’organe est exposé au regard d’autrui. Peut-être, plus que n’importe

quel autre cancer, le cancer du sein menace la femme dans son intégrité

physique, psychique et sociale.

L’annonce du diagnostic va entrainer une situation de crise personnelle et

relationnelle. L’annonce de la maladie s’accompagne forcément d’un sentiment

de perte de sens dans le rapport avec l’avenir et devant l’existence. Cette

annonce peut s’avérer délicate pour le médecin, puisqu’il est lui aussi confronté

à la mort, mort de la patiente qui le renvoie à sa propre finitude. Il met

légitimement en place des mécanismes de défense.

En France, l’enquête « Parcours de femmes » a porté sur l’analyse de 2874

questionnaires adressés à des femmes ayant eu un cancer du sein pour 88% ou

un autre cancer gynécologique pour les autres [2]. Ce travail, bien que

comportant des biais méthodologiques, apporte plusieurs informations sur le

vécu des femmes lors de l’annonce sur le diagnostic.

L’annonce était vécue pour 78% d’entre elles comme un choc brutal qui les

confrontait à l’angoisse de leur propre mort. Parmi les femmes opérées, 26%

avaient l’impression qu’une partie de leur féminité leur avait été enlevée et que

leur image était altérée. Le sentiment de perte de féminité et de séduction était

Page 25: These de doctorat

bien plus présent chez les personnes jeunes. A l’annonce du diagnostic, deux

tiers des femmes estimaient que le médecin leur avait dit la vérité, leur avait

donné de l’espoir quant à l’évolution de la maladie et leur avait correctement

expliqué le traitement. Cependant, plus de 50% des femmes souhaitaient des

améliorations sur les informations et des explications sur les décisions

thérapeutiques. Un tiers des femmes désiraient participer aux choix

thérapeutiques. Leur demande de participation était plus fréquente si elles

étaient jeunes et actives et habitaient dans de grandes villes ou vivaient dans un

milieu moyen ou aisé.

Cette enquête concluait que l’amélioration de la prise en charge et de l’accueil

passe par l’information des malades et la formation des équipes soignantes.

De nombreuses études ont en effet montré que les patientes souhaitaient, la

plupart du temps, avoir des informations précises sur le diagnostic, le traitement,

le pronostic de la maladie et désiraient participer aux décisions thérapeutiques

[2].

L’annonce est un moment clé dans la relation médecin/malade qui déterminera

profondément les rapports de confiance mais aussi la compliance aux

traitements et le vécu de la maladie.

Les insuffisances dans la façon dont il est encore souvent procédé à cette

annonce ont été soulignées avec force par les malades et leurs représentants au

cours des dernières années, notamment lors des premiers états généraux des

malades du cancer, en 1998 [15]. Les malades avaient pointé l’absence

d’organisation et de formation de beaucoup d’équipes hospitalières. C’est dire

l’importance du cadre.

5. 1- Le cadre légal

En France, la loi du 4 Mars 2002 trouve sa genèse dans les états généraux de la

santé de 1998. En effet, ce message quasi unanime des malades « nous voulons

être considérés comme des personnes », mais aussi, et déjà, une crainte des

professionnels qui ont constaté une exigence croissante de qualité et de non

risque des « usagers »ont eu écho favorable auprès des décideurs.

Cette loi est relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Elle est appelée « démocratie sanitaire ». Elle précise et explicite les droits des

malades. En qualité de personnes, elles ont droit à la dignité, à la non

discrimination et au secret médical. En qualité d’usagers, ils doivent devenir

Page 26: These de doctorat

partie prenante de manière active au système de santé : l’information a priori et à

postériori et le consentement en font de véritables partenaires de la décision

médicale [22].

Dans notre pays le Sénégal, beaucoup d’avancées sont à faire dans ce domaine

pour arriver au patient, partenaire du système de santé et à une relation

médecin/malade plus humanisée. En effet, le médecin et de façon générale

l’acteur de santé ne devrait plus se positionner en détenteur d’un savoir absolu

qu’il impose au demandeur de soins, être humain en souffrance. Il devrait plutôt

accepter de perdre son pouvoir et l’associer à la démarche de soins.

5.2-Les préalables

L’annonce se prépare. Elle nécessite certains préalables.

Les conditions matérielles de l’annonce sont très importantes :

- disposer d’un bureau fermé, calme et confortable

- pouvoir annoncer sans être dérangé

- avoir relu correctement le dossier et avoir connaissance du prénom et du nom

de la patiente

-consacrer à cet entretien un temps suffisant (au moins 30 minutes)

Un bureau est, en effet, l’endroit le mieux adapté car une pièce isolée permet le

respect de la vie privée de la patiente. La patiente doit pouvoir s’approprier

l’espace, calme et silencieux, propre et confortable afin que ce lieu libère et

favorise les échanges. La patiente est habillée, assise confortablement sur un

siège dont la hauteur est équivalente au fauteuil du médecin. Le fait de s’asseoir

face ou à coté de la patiente favoriserait une perception positive du médecin. Le

malade y verrait un comportement bienveillant. La compréhension de la patiente

serait améliorée par la proximité du médecin dans l’espace [5].

Elle peut être accompagnée par un proche si elle le désire.

Le temps de l’annonce doit être suffisant pour que la patiente perçoive que le

praticien à du temps à lui consacrer. En France, la Ligue Nationale Contre le

Cancer recommande que le temps d’annonce d’une mauvaise nouvelle soit d’au

moins 30 minutes [5]. Il ne doit, non plus être trop long car ceci augmenterait

l’anxiété : « Il m’a consacré beaucoup de temps, alors ma maladie doit être

grave ».

Page 27: These de doctorat

En définitive, ce qui compte c’est la qualité de la relation, l’intensité de l’instant

partagé.

5.3-Qui annonce?

Le médecin référent ou un responsable permanent du service où la patiente est

suivie. Il pourra ainsi revoir la famille à la demande.

Il est préférable de se donner le temps de connaitre un peu la famille (niveau

social, expérience de la maladie en général, du cancer du sein en

particulier…) Des liens devraient déjà exister avec le médecin.

5.4- A qui annoncer?

L’annonce est faite à la patiente seule ou accompagnée d’une personne proche

de son choix

5.5- Techniques de communication

Elles sont des outils facilitant l’annonce. Elles ne remplacent en aucun cas la

qualité de la relation. Cette dernière est basée sur notre sincérité (authenticité,

congruence), notre mode de communication et notre savoir être (la façon d’être

dans le monde ici et maintenant).

La préoccupation majeure est de mener à bien une bonne communication. Une

communication est pertinente lorsque le message émis correspond au message

reçu. Il y a distorsion quand le message exprimé par une personne ne correspond

pas à celui reçu par l’autre ou les autres. Cet état de distorsion peut déjà exister

entre ce que le locuteur pense et ce qu’il dit, puis entre ce que l’interlocuteur

reçoit comme message et ce qu’il en comprend.

5.5.1-La communication verbale

Elle est basée sur le langage verbal qui correspond au contenu du discours. Elle

obéit à un vocabulaire et des règles de grammaire précis. Toute la difficulté de

ce langage est de s’adapter à l’interlocutrice-patiente.

Il est nécessaire d’utiliser des mots appropriés dans un vocabulaire adéquat, qui

permettront à la patiente de comprendre les propos de l’annonceur. Pour ce faire,

il faut se mettre au niveau de compréhension de la patiente tout en ne perdant

pas la pertinence de l’information à transmettre. D’autre part, il est important de

s’adapter au diagnostic et à la conduite à tenir. Enfin, il faut tenir compte des

circonstances de l’entretien.

Page 28: These de doctorat

Les phrases brèves et la présence de pauses sont nécessaires à une bonne

transmission du message. D’une manière générale, l’interlocutrice ne retient pas

tout ce qui lui est transmis quand plus de trois informations sont communiquées

dans un temps relativement court. A ceci s’ajoute le contexte anxiogène de

l’entretien qui peut augmenter considérablement les risques de distorsion du

message.

5.5.1.1- La reformulation

Une composante majeure de la communication verbale vient renforcer la

compréhension du langage verbal durant l’entretien médecin-patiente. La

reformulation est une reprise des mots de la patiente par le médecin. Cette action

de reprendre, de reformuler laisse au médecin le temps de réfléchir, et à la

patiente de ressentir en elle comme un accord entre le sens qu’elle donne aux

paroles entendues et son expérience sensible.

Elle peut prendre plusieurs aspects comme par exemple la reformulation-reflet

qui est une paraphrase du discours de la patiente, ou bien encore la

reformulation-clarification proprement dite qui consiste à mettre en lumière et à

renvoyer au sujet le sens même de son discours. Il y a ainsi congruence et

consonance entre ce qui est dit et ressenti.

Elle ne peut constituer la seule forme de communication médecin/patiente.

Durant l’entretien, des questions ouvertes et fermées sont posées.

Ces dernières sont formulées de telle sorte que la réponse ne peut être donnée

que sur un mode dichotomique (par exemple oui /non, toujours/jamais…). Ce

type de questions à l’avantage de fournir une réponse claire et précise. Mais, il

ne permet en aucun cas à la patiente de pouvoir exprimer ses émotions, son

ressenti ou même d’introduire spontanément une question dans son discours.

Les questions ouvertes laissent à la patiente la possibilité d’une réponse plus

longue et non dichotomique.

Il convient donc durant l’entretien d’associer des questions ouvertes et fermées

afin d’une part de ne pas avoir un entretien qui ressemble à un

interrogatoire « policier » et d’autre d’avoir une idée heuristique de la patiente,

de sa compréhension de ce qui a été changé et de son vécu affectif et

émotionnel.

Page 29: These de doctorat

5.5.1.2- La pause dans le discours

Il s’agit d’un moment délicat, mais nécessaire dans la communication verbale

car faire une pause induit un temps de silence, de non-parole.

Il est difficile de supporter un silence car il est toujours chargé de sens. Cette

peur du silence dans une relation duelle peut être polysémique.

Ainsi, elle semble vécue comme une peur du vide, un phénomène du néant,

générateur alors d’angoisse. Mais le silence peut également induire une

impression de perdre son temps, et engendrer de l’impatience.

Il est parfois identifié à un sentiment d’inefficacité personnelle et déclencher la

sensation d’anéantissement personnel ou de culpabilité. La patiente peut avoir

peur d’être jugée par le praticien et s’enfermer dans ses pensées, son mutisme et

cela sans explications.

Mucchielli décrit le silence comme « une peur magique », comme si le silence

« portait en lui une menace, le signe précurseur d’une explosion prochaine ou

d’une catastrophe cosmique » [4].

Laisser place au silence est essentiel car son utilité et son sens seront différents

selon les situations.

Il permet à la patiente de mettre de l’ordre dans ses idées et de libérer ses

émotions. Respecter ce silence est nécessaire car c’est un élément facilitateur de

compréhension et de mémorisation. Le praticien séquence alors son discours

pour mettre en exergue les informations principales de la consultation.

Le silence est un modulateur de la communication. Paroles et silences

s’entrelacent pour concourir à la respiration de l’échange. Lorsque la personne

se tait, elle n’en communique pas moins.

5.5.1.3- L’écoute

Elle est associée en communication à la qualité de réception d’un message.

Elle est pertinente lorsque le message reçu par une personne correspond au

message émis.

Un médecin, en relation avec son patient, ne reçoit pas passivement son

discours. Il va, de façon consciente ou pas, mettre en place un ensemble

Page 30: These de doctorat

d’attitudes verbales et non verbales qui vont favoriser ou pas l’expression de son

interlocutrice.

5.5.1.3.1- L’écoute participante

Il s’agit d’une écoute qui facilite la communication grâce à des encouragements

verbaux (petits mots) ou non verbaux (hochements de tête). Cette écoute va

inciter la parole de la patiente et l’aider à exprimer ses demandes et ses ressentis.

Ce type d’écoute permet d’améliorer qualitativement et quantitativement les

informations reçues en mettant à l’aise son interlocutrice.

5.5.1.3.2- L’écoute active

Elle est fondée sur trois attitudes :

-l’attitude facilitatrice permet à la patiente d’exprimer ce qu’elle ressent par la

reformulation ;

-l’attitude impliquée souligne que le médecin est concerné par les propos de la

patiente, qu’il est centré sur la patiente et sur sa vie ;

-l’attitude compréhensive montre au patient que nous sommes proche de lui, que

nous sommes au plus près de sa réalité.

Elle permet de s’assurer que les pensées exprimées par la patiente correspondent

à sa perception des faits. Elle est aussi éclairante de la composante non verbale

perçue (moue de la patiente, regard, etc.).

Le praticien peut vérifier le contenu de son message en reformulant et en faisant

un résumé. Il peut aussi demander à la patiente de répéter ce qu’elle a compris,

de verbaliser les perceptions du langage non verbal exprimé afin d’éviter les

déformations ou les interprétations erronées.

Cette phase est très importante car les insatisfactions des patientes sont

généralement dues à un dialogue et à une écoute inadéquats qui entrainent une

incompréhension.

L’écoute a une fonction évaluative, informative et régulatrice de la relation. Elle

permet de laisser du temps à la patiente pour entendre ce qui lui est dit, de poser

des questions.

Ce don de temps permet réellement une construction de l’échange dans

l’interaction et non plus uniquement dans un but d’information.

Page 31: These de doctorat

Elle permet au praticien d’adapter son discours par un effort de synthèse et de

mise en exergue des messages importants à retenir pour la patiente. La clôture

d’un entretien doit s’effectuer par un résumé de ces informations majeures afin

d’être dans une réelle interaction avec l’autre.

5.5.2- La communication non verbale

Lors de la relation médecin-patiente, il y a des paroles qui sont échangées et de

nombreux signes sans paroles qui sont aussi un langage.

La patiente a tendance à chercher des informations via la communication non

verbale du médecin. Ce type de communication aurait comme fonction de

faciliter et de favoriser une relation directe et intime qui induit un sentiment

d’affiliation, d’empathie et de confiance. Il a un rôle sur la compréhension et la

mémorisation des informations.

La communication non verbale augmente la compliance de la patiente et son

niveau de satisfaction.

Le langage non verbal est constitué par un ensemble d’éléments.

5.5.2.1. Le contact visuel

Il est à privilégier pour souligner une information importante, lors de l’écoute et

lorsque le médecin désire donner la parole.

Il est chargé d’émotions, il est donc important de ne pas fixer des yeux

longtemps afin d’éviter de gêner son interlocutrice. Un contact visuel soutenu

est intrusif et peut donc augmenter l’anxiété. Une cause d’échec lors de la

communication est l’évitement du contact visuel du médecin vis-à-vis de sa

patiente. Des patientes ont tendance « à lire dans le regard du praticien » [5].

Ceci les amène à créer des perceptions et des représentations personnelles. Ces

interprétations peuvent induire une distorsion de l’information.

5.5.2.2. L’expression faciale

Elle est recherchée par la patiente, notamment avant l’annonce du résultat afin

d’anticiper le diagnostic.

Le sourire est un moyen d’entrer en contact avec une personne. Il doit être à la

situation, ne pas être stéréotypé mais naturel, sincère, empathique. La présence

d’expressions faciales et un hochement de tête pendant le discours d’une

Page 32: These de doctorat

patiente sont des signes d’encouragement à la communication verbale et des

marques probantes d’empathie et d’écoute.

5.5.2.3. La posture et la distance interpersonnelle

Elles vont interférer sur la relation directe et intime. Les postures les mieux

adaptées sont celles dites ouvertes. Elles comportent l’orientation du visage et

du corps vers la patiente, une inclinaison discrète du buste en avant, les

membres symétriques non croisés et un contact visuel fréquent.

Les comportements d’affiliation comme le regard, le sourire, l’émission de

signes d’attention, l’inclinaison de la tête seraient des renforçateurs positifs de la

communication.

Une gestuelle importante du praticien peut témoigner de l’anxiété d’être débordé

par ses propres affects ou par les émotions de la patiente.

La distance interpersonnelle varie en fonction des cultures.

En Europe, elle se situe entre 1m et 1,5m [5]. Au Sénégal, l’expérience nous

montre que cette distance est beaucoup moindre.

Elle est un langage à part entière car toucher ou ne pas toucher, être distant ou

proche, est un élément facilitant ou bloquant la relation. Elle est optimale

lorsque nous sommes à l’aise avec notre interlocutrice mais elle dépend aussi de

la situation et de la patiente.

Il est important de s’assurer que celle-ci est satisfaite de la distance choisie.

Dans certains cas, il est utile d’aller jusqu’à toucher la patiente, par exemple

pour montrer son empathie dans un moment difficile pour elle. A l’inverse, des

contacts corporels excessifs auraient comme effet de rendre la patiente moins

satisfaite et induiraient une diminution de la compréhension.

5.5.2.4. La voix

Elle transmet des émotions et exprime des sentiments à notre insu. Les éléments

les plus prégnants qui caractérisent la voix sont : le volume sonore, le timbre ou

hauteur tonale, le débit verbal et l’articulation.

Dans notre culture sénégalaise, une personne parlant avec un volume sonore

suffisant pour être entendue sera considérée comme sûre d’elle. A contrario,

quelqu’un s’exprimant avec un faible volume sonore sera jugé peu sûr de lui. Le

volume sonore doit toujours être adapté à la situation.

Page 33: These de doctorat

La hauteur tonale correspond à l’utilisation des graves, des aigus et à leur

modulation. Un timbre de voix grave est généralement plus sécurisant. Il induit

une perception de calme et de sérénité par rapport à un timbre de voix plus aigu.

L’art est donc dans la modulation des graves et des aigus en fonction du

contexte. La production d’un changement d’intonation entraîne une meilleure

attention et améliore la compréhension de la patiente.

Le débit verbal est le plus souvent lié à l’articulation des mots. Si l’articulation

est précise, les mots sont plus distincts et le débit verbal plus adapté, la

communication sera ainsi facilitée et la compréhension meilleure. Il est

influencé souvent par les émotions, ainsi le praticien se doit de garder un affect

le plus neutre possible dans sa relation. Nous évoquons ainsi le concept de

neutralité positive. Ceci ne témoigne pas d’un manque d’empathie mais d’une

attention particulière à l’autre.

Par la communication non verbale, le médecin et la patiente négocient leur

participation active ou non à la relation.

L’empathie est la capacité à être branché à la réalité de l’autre c’est-à-dire avoir

une idée concrète de sa vie, et la capacité de pénétrer dans l’univers subjectif de

l’autre tout en gardant son sang-froid et la possibilité d’être objectif. Elle est la

clé de voûte de l’échange et de la communication patient/médecin. Elle doit être

étayée avec de l’authenticité c’est-à-dire le fait de se sentir à l’aise tant avec la

patiente et ses émotions, qu’avec ses propres émotions et son propre malaise.

Etre authentique dans une relation permet au médecin de ne pas être paralysé par

les affects de sa patiente.

La connaissance de tous ses facteurs permettrait d’améliorer la qualité de la

communication et de la relation médecin /patient.

6- L’annonce de cancer du sein en pratique

6.1- Les préliminaires

La période d’investigation doit permettre d’instaurer un lien avec le malade et

d’apprécier avec lui ce qu’il souhaite savoir du diagnostic quand celui-ci pourra

être posé. Le médecin doit garder à l’esprit que la volonté du malade est

rarement claire et définitive. Son sentiment par rapport à l’envie de savoir est

souvent ambivalent et fluctuant.

Page 34: These de doctorat

Quand cela est possible, nous demandons à la patiente si elle souhaite la

présence d’un proche à ses côtés, en tant que soutien affectif. Ce dernier pourra

relayer l’information auprès du malade et reprendre plus tard les paroles du

médecin et les explications. Lors de l’annonce du diagnostic, le malade souvent

saisi par la nouvelle, n’entend plus les mots du médecin, les explications et les

commentaires. L’émotion envahit tout, il est dans la sidération. Le médecin

choisit un lieu et un moment adaptés pour annoncer le diagnostic afin de ne pas

être dérangé. Il évite les veilles de week-end et les fins de journées, toujours plus

anxiogène pour les malades [24].Quelque soit le contexte, le médecin s’assied

pour parler en essayant de se situer au même niveau que le malade (niveau du

regard) et de supprimer les objets qui pourraient créer une barrière entre lui et le

malade (éviter d’être séparés par le bureau). Il est préférable d’éteindre une

éventuelle télévision ou radio et le téléphone portable. Ces préliminaires servent

à montrer la disponibilité du médecin pour sa patiente.

Des études montrent en effet que le patient a l’impression d’être mieux écouté et

entendu et que l’entretien dure plus longtemps lorsque le médecin est assis [24].

Certains médecins prendront l’initiative d’un contact physique, serrer la main ou

toucher une épaule, pour signifier leur empathie, leur engagement auprès du

malade.

6.2- Ecouter la patiente : le questionnement

-Que sait-elle déjà ? Que connait-il de sa maladie, de son évolution possible ?

Comment s’exprime-t-il, avec quelles émotions, celles exprimées verbalement

et celles exprimées par le corps : il se tord les mains, il est crispé ou détendu sur

son siège, pleure…

-Que veut-elle savoir? C’est l’un des moments les plus délicats de l’entretien.

La patiente souhaite-t-elle ou non connaître la vérité ? Et à quel niveau désire-t-

elle obtenir l’information ? La réponse du thérapeute ne peut que s’ajuster à sa

demande.

Face à une patiente qui exprime le désir de ne pas être informée sur son état de

santé, nous gardons la possibilité de communiquer sur les traitements

envisageables et les soins dont elle peut bénéficier.

-Comment l’écouter? Assis et aussi détendu que possible, pour préparer

l’écoute, le médecin commence par interroger le malade. Il le laisse parler sans

Page 35: These de doctorat

l’interrompre, l’encourage à continuer. Il s’agit là d’une écoute active qui

développe l’empathie avec la patiente.

Pour que celui-ci comprenne qu’il a été entendu, le praticien peut répéter ou

reformuler ce que vient d’exprimer le malade. Il lui adresse ainsi des signes de

compréhension. Il le laisse formuler sa demande, ses interrogations, ses

émotions, sans jugement ni commentaires. Parfois, le respect du silence est

salutaire.

Quand le médecin a perçu la demande et les besoins du malade, il est prêt à

communiquer l’information.

6.3- La communication de l’information

Il est préférable, avant de donner des informations à la patiente, d’avoir une idée

précise des objectifs à atteindre en fin d’entretien.

A ce moment, le professionnel de santé a déjà pris connaissance de l’état

d’information du malade et de sa demande. Il est en mesure de s’aligner sur le

point de vue de la patiente et de reprendre ses termes. Il lui montre ainsi que ses

propos sont pris au sérieux, entendus. Ceci éveille chez cette dernière un

sentiment de proximité et l’envie de faire confiance à son interlocuteur.

Le médecin va procéder par petites étapes pour diffuser l’information. Il va

donner à la patiente des bouts d’information « digérables ».

L’utilisation d’un langage aisément compréhensible favorise la communication.

Le recours au jargon médical exclut la patiente. Il n’est pas inutile de contrôler

la compréhension du malade, de répéter les messages, éventuellement d’écrire

ou d’éclaircir les explications par un dessin, de s’enquérir de questions

éventuelles, de le laisser prendre la parole, faire des pauses, exprimer ses

émotions.

En même temps que le praticien divulgue l’information, il reste à l’écoute

constante du malade et ajuste son discours à la demande implicite de son

interlocutrice. Il se laisse diriger par lui. Il guette la question dissimulée et incite

le malade à exprimer ses préoccupations « inavouables ». Certaines patientes

sont, par exemple, plus préoccupées par la perte de leurs cheveux à l’occasion

d’une chimiothérapie que par l’évolution de la maladie elle-même.

Il convient de rechercher ses préoccupations et de les reconnaître ouvertement

pour renforcer la confiance du malade et sa réassurance.

Page 36: These de doctorat

6.4- Quelles sont les informations importantes à fournir ?

Ceux sont celles que demande la patiente et celles qui la concernent surtout à

court terme.

Envahie par l’émotion, la patiente ne retiendra de ce premier entretien

d’annonce diagnostique qu’une infime partie. Il est inutile de la noyer de détails

qu’elle n’entendra pas. Elle se souviendra, en revanche, avec plus de précision

de la communication non verbale, celle des postures, des gestes, de l’expression,

de l’environnement : « le médecin était distant », « le téléphone n’a pas arrêté de

sonner »…

Elle ne se souvient pas forcément des paroles, mais elle retiendra toujours la

« musique » de cet instant où le cancer lui a été annoncé.

Un deuxième rendez-vous s’impose, lorsque cela est possible, pour compléter

l’information de l’annonce.

La patiente a besoin de temps pour intégrer la nouvelle, s’adapter, discuter et

réfléchir sur son traitement, en connaissance de causes.

6.5- Réponses aux sentiments des patientes

La verbalisation des émotions est une étape déterminante de l’entretien. La

phrase clé pourrait être : « Que ressentez-vous en ce moment ? »

Il s’agit de comprendre la réaction de la patiente, parfois agressive, sans la

prendre pour soi, le but est de valider ses émotions, sans les juger, sans tenter de

les réprimer et ensuite de les nommer « Je vois à quel point c’est difficile pour

vous ». Cette connotation positive est indispensable pour montrer à la patiente

que ses ressentis sont respectés.

Le malade peut exprimer toutes sortes de sentiments, froideur, révolte,

tristesse…et souvent culpabilité. Son image est dévalorisée et il craint souvent le

regard des autres, de ses proches, conjoint, enfants, mais aussi des collègues de

bureau.

En exprimant ses émotions face au soignant, qui sait les accueillir, il peut

reprendre une forme de confiance.

Par des gestes simples, tendre un mouchoir à un malade qui pleure, le toucher,

se rapprocher de lui, le médecin donne au malade l’autorisation d’exprimer sa

souffrance.

Page 37: These de doctorat

6.6- Préparer l’avenir

La patiente attend de son médecin qu’il l’aide à mettre de l’ordre et peut-être du

sens, dans tout ce trouble, et qu’il propose une marche à suivre.

A ce stade, l’alliance passée entre soignants et malade est déterminante. La

patiente a besoin d’être accompagnée et écoutée pour envisager son avenir.

Le rôle de soutien du médecin ne s’arrête pas à l’issue de l’annonce

diagnostique de cancer. Le praticien n’en finit jamais avec les annonces,

chacune des étapes clés de l’histoire d’un cancer peut susciter un traumatisme

psychique, que le médecin doit être en mesure d’anticiper et d’accompagner.

Un contrat est à sceller entre médecin et patiente afin de repenser la vie de cette

dernière, et d’élaborer un futur. Le médecin s’adresse à la personne non plus en

tant que « patient » mais partenaires de soins.

7-Expressions autour de l’expérimentation du dispositif d’annonce

En France, en 2003 une enquête a été réalisée sous forme d’entretiens avec des

professionnels de santé ayant développé de bonnes pratiques en matière

d’annonce du cancer [6].

Elle a permis d’identifier un certain nombre de critères qui contribuent à la

qualité de l’annonce.

Pour ces professionnels interrogés, l’amélioration de la qualité de l’annonce

passe par la nécessité d’améliorer les communications des praticiens en amont

des consultations d’annonce. Une prise de contact avec le médecin traitant ou

référent peut permettre de prendre en compte les dimensions personnelles du

malade. Ces dernières peuvent influencer les choix thérapeutiques. Dans notre

contexte sénégalais, ceci peut s’avérer dans certains cas très difficile voire

impossible. En effet, beaucoup de patientes n’ont pas de médecin traitant

identifié mais aussi les références sont parfois anonymes ou incomplètes (le

contact du référent).

Cette amélioration passe aussi par la formation et la recherche dans le domaine

de la communication avec les malades du cancer en général. Pour le moment,

dans notre formation de praticien sénégalais un tel module n’y est pas encore

intégré alors qu’en France cette connaissance est exigée à l’examen national

classant en fin d’études médicales.

Page 38: These de doctorat

Le dispositif d’annonce a été expérimenté dans 58 établissements français

volontaires entre juin 2004 et mai 2005. Le témoignage des équipes hospitalières

souligne l’impact très positif du dispositif d’annonce, tant pour ce qu’il apporte

aux professionnels que pour ce qu’il procure aux patients [33].

7.1- Les bénéfices pour les professionnels

Le dispositif permet de renforcer la collaboration entre soignants. Il facilite la

communication interne, donne de la cohérence aux actions engagées par une

meilleure répartition des tâches entre les différents acteurs. Il permet aussi la

reconnaissance de certains acteurs de la prise en charge dont l’action était mal

identifiée. Le travail du psychologue ou psychiatre dans l’équipe permet

d’évoluer dans l’écoute et la communication avec le malade. Enfin, il reconnaît

et valorise le temps relationnel avec le patient.

7.2- Les bénéfices pour les patients

Il permet d’établir une plus grande relation de confiance entre praticiens et

patients. Il donne aux patients un sentiment de sécurité et contribue à ré-

humaniser les soins.

La concertation, l’information, la disponibilité, l’écoute, le calendrier de soins,

l’identification des personnes ressources sont des points de repères essentiels

pour le patient.

Il atténue le choc de l’annonce lorsqu’il a permis d’établir une relation de

confiance, lorsque les consultations sont réalisées dans un cadre sécurisant,

lorsque l’information donnée tient compte de l’envie et de la capacité de savoir

du patient, enfin lorsque l’annonce est reliée à un traitement possible.

Page 39: These de doctorat

DEUXIEME PARTIE:

NOTRE ETUDE

Page 40: These de doctorat

1. METHODOLOGIE

1.1-Cadre de l‘étude

L’étude s’est déroulée à l’Institut Curie du Centre Hospitalier National

Universitaire Aristide Le Dantec de Dakar sur une période de deux mois : 9

mars – 13 mai 2009.Il s’agit d’un hôpital général. Le service de cancérologie

comporte une unité de consultations externes, une unité de chimiothérapie, une

unité de radiothérapie, des salles d’hospitalisation et un bloc opératoire.

1.2-Type d’étude

Il s’agit d’une étude qualitative.

1.3- Population d’étude

Elle est constituée par un échantillon de 11 patientes de différents âges qui

consultent dans le cadre de leur suivi de cancer du sein. Nous nous sommes

présenté comme médecin psychiatre réalisant une enquête avec l’accord de

l’institut Curie. L’objectif de la recherche a été présenté aux patientes :

permettre aux professionnels de santé impliqués dans le processus d’annonce de

mieux connaître le vécu et les attentes des patientes lors de l’annonce

diagnostique du cancer du sein. Nous ne connaissions pas les patientes. Leur

profil obéit aux critères suivants :

Avoir bénéficié d’une annonce de sa pathologie

Accepter de participer à l’étude

Pouvoir être joignable par téléphone

Pouvoir venir un jeudi seule ou accompagnée par une à deux

personnes pour l’entretien

1.4- Méthodologie

Elle est axée sur une approche par des entretiens. Nous nous sommes aidé d’un

guide d’entretien afin de sécuriser le cadre de l’entretien. Ce guide comporte 38

items. Il s’agit d’entretiens semi-directifs avec la patiente elle-même, seule ou

Page 41: These de doctorat

accompagnée, permettant de recueillir sa perception de la relation avec le

praticien lors de l’annonce diagnostique du cancer du sein. Ils permettent

également d’identifier leurs attentes, leurs satisfactions, leurs déceptions et leurs

souhaits. Les patientes n’ont été vues qu’une seule fois en entretien. Nous avons

opté pour la conduite d’entretiens semi-directifs car nous souhaitons privilégier

l’expression spontanée des patientes.

Les patientes ont été choisies au hasard. Nous assistions aux consultations de

cancérologie de patientes suivies en ambulatoire et nous nous rendions aussi en

unité de chimiothérapie. Nous donnons aux patientes une information éclairée

sur notre étude et ses finalités à court et moyen terme. Nous garantissions aux

patientes la confidentialité et le caractère anonyme de l’étude. Après le recueil

de leur consentement, nous convenions d’un rendez-vous avec elles au

téléphone selon leur disponibilité. Elles pouvaient venir seules ou accompagnées

d’un ou de deux proches si elles le souhaitaient.

1.5- Contraintes

La première difficulté à laquelle nous avons été confronté est l’éloignement de

beaucoup de patientes par rapport à l’hôpital. Aussi, elles avaient des difficultés

à revenir à l’hôpital pour l’entretien. En effet 02 patientes n’ont pas pu venir à

cause de l’éloignement (Mauritanie, Richard Toll).

Ensuite, la disponibilité de cadre approprié pour l’entretien a aussi constitué un

écueil. Pour certaines patientes la lourdeur de la chimiothérapie les empêchait de

pouvoir revenir pour l’entretien. Nous avions convoqué 01 patiente qui n’ont pu

venir le jour, suite aux effets secondaires des médicaments.

Pour d’autres patientes le contact téléphonique n’a pas été possible, soit elles ne

disposaient pas elle-même de téléphone et ont donné le numéro d’une autre

personne, soit le contact téléphonique ne passait pas. 02 patientes n’ont pu être

jointes au téléphone.

Un autre obstacle a été la peur de certaines que leur identité soit dévoilée aux

médias malgré que nous leur ayons garanti la confidentialité. 01 patiente a

refusé de participer à l’étude par crainte que son nom soit divulgué malgré nos

assurances de confidentialité.

Page 42: These de doctorat

Au total, des 18 patientes initialement sélectionnées, nous n’avons pu nous

entretenir qu’avec 11 patientes.

2- Résultats

Entretien 1 M.C.

Notre premier entretien s’est déroulé avec la dame M.C. Elle est âgée de 58 ans.

Elle est née d’un ménage monogamique. Ses parents étaient de confession

musulmane. Elle est l’aînée d’une fratrie utérine de 07 enfants dont 04 garçons

et 03 filles. Elle vit dans le village de Gabou dans le département de Bakel. Ses

parents sont respectivement décédés en 1990 et en 1999. Les frères et sœurs de

M.C. sont respectivement :

Samba est marié et vit en France avec sa femme depuis plusieurs années. Il

garde un contact régulier avec la patiente. Il est un soutien financier et

affectif pour la dame M.C.

Demba est marié et vit au village. Il ne travaille pas.

Issa est marié et vit en France avec sa femme. Il maintient également un

contact régulier avec sa sœur aînée.

Tapa est célibataire et vit à Dakar. Il est animateur radio.

Kanthouma est mariée et vit au village. Elle ne travaille pas.

Maabe est mariée et vit au village.

M.C. est mariée depuis 1974. Elle est la première épouse de son mari, bigame.

Elle est la mère de 09 enfants.

Elle est venue ce jour accompagnée de la femme d’un cousin et du frère de

son mari. Elle est bien habillée. Elle est grande de taille et de teint noir. Sa

mimique est expressive. Elle s’exprime de façon très posée. Elle réside à

Grand Yoff quelques jours au moment des rendez-vous avec son médecin

traitant ou pour ses séances de chimiothérapie. Elle est ménagère. Elle n’a

jamais été à l’école occidentale par contre elle a appris le coran.

Elle considère les seins comme symbole de féminité et de maternité. Dans son

discours, elle dit d’abord ignorer sa maladie puis elle revient dessus.

Page 43: These de doctorat

Elle nous dit «…C’est une aide infirmière qui m’en a parlé dans l’enceinte

même de l’hôpital Dantec, le médecin ne m’avait rien expliqué. Pourtant,

j’aurais voulu que ce soit le médecin qui m’explique tout, me le dise

clairement lors des premières consultations. » . Elle serait au courant de sa

maladie depuis Août 2009, avant qu’elle n’est débuté sa chimiothérapie.

Ce jour, nous a-t-elle expliqué elle avait ressenti un énorme choc et se

demandait si elle allait guérir. Elle a beaucoup pleuré et a aussitôt pensé à ses

enfants. Elle ne connaissait pas le cancer du sein auparavant mais pourtant

elle savait que c’est une maladie grave. Elle aurait aimé que son médecin lui

en parle d’abord et lui explique la maladie, les traitements et les effets

désagréables de ces derniers. Elle ne croit pas qu’elle puisse guérir ni avec la

médecine traditionnelle, ni avec la médecine moderne. Elle s’en remet à Dieu.

Elle n’aurait pas souhaité, si le médecin devait le lui annoncer, qu’il le dise

d’abord à son mari car dit-elle « c’est ma santé… ». Elle ne regrette pas,

même dans ces conditions, d’avoir appris sa maladie car « c’est tout à fait

normal de connaître ce que l’on a pour pouvoir se traiter ». Elle se dit

chanceuse car sa famille la soutient énormément sur le plan financier mais elle

souhaiterait être soutenue psychologiquement aussi.

Commentaire 1

La dame M.C évolue dans une famille avec une bonne dynamique

relationnelle. La patiente est soutenue à la fois financièrement et affectivement

par ses frères et sœurs. Elle vient à l’entretien accompagnée d’un beau frère et

d’un cousin. Nous avons senti une mobilisation de la famille autour d’elle,

peut-être là, la source de cette assurance qui l’anime. Son élocution est posée,

elle est élégamment habillée.

Elle tente de refouler sa maladie. Elle déclare l’ignorer dans un premier

temps. Puis secondairement, la réalité émerge, alors nous la sentons

soucieuse. Est-ce que cette maladie l’amputerait d’une partie de sa féminité et

même de sa nature de mère, elle qui a 58 ans ? Ce terme renvoie à une certaine

dimension surnaturelle mais peut-être que tout comme le diable, ce mal serait

insidieux et cherche à la perdre.

A l’annonce de sa maladie, une annonce intempestive, elle entrevoit aussitôt sa

mort. Nous voyons cette dame démunie devant cette dure réalité voire ce

diable contre qui ni la médecine traditionnelle, ni la médecine moderne ne

peuvent faire face. Elle s’en remet à Dieu, le seul qui pourrait contrecarrer ce

Page 44: These de doctorat

mal. Malgré tout, nous sentons derrière, une femme de forte personnalité,

autonome ; elle refuse que l’annonce soit faite d’abord à une tierce personne et

elle déclare «…c’est ma santé… ». Elle a envie pourtant d’être renforcée

positivement.

Nous finissons par nous dire que le refoulement de cette choquante réalité

contribue dans son attitude si apaisée à son arrivée.

Entretien 2 M.N

M.N. est âgée de 47 ans. Elle est née dans une famille monogamique de

confession musulmane. Elle est la troisième d’une fratrie utérine de 05 enfants

dont 02 garçons et 03 filles. Scolarisée à l’âge de 07 ans, elle abandonne les

études au collège car elle ne voulait pas. A l’âge de 25 ans, ses parents

divorcent. Elle dit ignorer les soubassements de cette rupture. Le père s’est

remarié mais cette seconde épouse est présentement décédée. Ce dernier est un

chauffeur à la retraite, et la mère n’exerce pas d’activité salariale.

Les frères et sœurs de M.N. sont respectivement :

Henry Amadou est le deuxième de la fratrie. Il a émigré en France

depuis 1985. La famille a perdu tout contact avec lui.

Birame Pathé est le quatrième de la fratrie. Il est célibataire, père de 02

enfants. Il n’a pas de profession. Il entretient de bonnes relations avec

M.N.

L’ainée Marie est mariée. Elle est la mère de 02 enfants. Elle est

ménagère. Elle s’entend bien avec la patiente.

La cadette Ngoné est divorcée. Elle est la mère de 03 enfants. Elle est

ménagère. Elle aussi s’entend bien avec sa sœur.

M.N habite dans la maison familiale à Fatick. Elle y vit avec sa mère. Elle est

célibataire et mère d’un jeune garçon de 21 ans. Ce dernier est en classe de 5ème

du collège. La patiente a été jusqu’au collège puis elle a abandonné, faute de

moyens financiers.

Elle voit les seins comme un symbole de féminité et de maternité. Elle

connaissait déjà le cancer du sein car sa sœur aussi en a souffert. Elle serait

guérie actuellement selon elle. La dame M.N. a cherché à savoir ce qu’elle

avait car dit-elle « j’étais inquiète, je voulais connaître ma maladie, le

Page 45: These de doctorat

traitement qu’il faudrait mais surtout quel est mon pronostic et de plus ils nous

disent rien si nous ne demandons pas. » Elle a été édifiée sur sa pathologie en

Janvier 2010 à l’hôpital Aristide Le Dantec à l’Institut Curie. «Après mes

interrogations, le médecin est resté longtemps silencieux… J’ai pensé qu’il me

cachait la vérité, c’est sûrement plus grave ».

Elle aurait aimé que cette annonce soit faite autrement. En effet, « j’aurais

aimé qu’il me dise tout avant même de prescrire des traitements car je pense

quand on soigne quelqu’un, on doit l’informer de sa maladie. » Par contre, elle

n’aurait pas aimé que l’annonce soit faite d’abord à quelqu’un de son

entourage.

La patiente est consciente de sa maladie. Elle la désigne en serere, sa langue

maternelle, sous l’expression « oute no dene ». Dans cette expression, le terme

« oute » désigne « une plaie ou un gonflement » et « no dene » du sein.

Elle a informé les autres membres de sa famille. Cependant, sa famille et même

sa sœur aînée qui aurait eu une tumeur du sein refusent de la croire. « ça me

fait mal qu’ils ne me croient pas…Ils m’appellent pour demander comment je

vais, je leur réponds bien…Je ne leur dis plus rien…Je ne leur en veux pas pour

l’absence de soutien financier mais pour l’absence de soutien moral. »

Elle est habillée en grand boubou traditionnel. Elle est de teint noir avec un bon

état général. Son visage est sérieux mais pas triste plutôt résigné. Elle parle

beaucoup de son fils à qui, elle n’arrive pas à dire sa maladie « Il est si jeune, je

ne veux pas lui en parler…Je ne pleure jamais devant lui, je m’en remets à

Dieu…J’ai deux amies. L’une me soutient énormément. C’est une amie

d’enfance chez qui je loge lors des cures ou des bilans. Je me sens bien dans sa

famille. Elle sait que ma maladie n’est pas contagieuse et je me sens proche de

ses enfants. Par contre, ma seconde amie, même si elle semble me comprendre,

elle me culpabilise. Elle n’a aucun projet ; elle veut seulement attendre la fin

du traitement pour voir ce qu’il adviendra d’elle. Elle souhaiterait que l’équipe

médicale la soutienne.

Commentaire 2

Cette patiente est mère célibataire. Elle ne s’est jamais mariée. Elle a 47 ans

présentement. Nous sentons sa famille chaotique avec un frère père célibataire,

un autre perdu de contact, une sœur divorcée. Les liens dans cette famille

semblent ténus ; la patiente trouve dans la famille de son amie, une famille

Page 46: These de doctorat

d’adoption. Elle arrive seule à notre entretien. A sa mimique, nous devinons

qu’elle transporte un fardeau très lourd. Elle a subi le divorce de ses parents

alors qu’elle était âgée de 25 ans. Un an après cet évènement, elle est enceinte

de son seul et unique fils, aujourd’hui âgé de 21 ans. Ce fils est énormément

investi. Elle cherche à protéger ce « petit garçon ». Elle a cherché à connaître

sa maladie. Elle pense qu’elle n’avait pas à le faire «ils ne nous disent rien si

nous ne demandons pas » Elle ne s’est pas sentie soutenue par sa famille.

Financièrement, ils n’arrivent pas à lui venir en aide. De même

psychologiquement, ils minimisent sa maladie. Elle n’arrive pas à comprendre

l’attitude de sa sœur qui aurait souffert de la même pathologie.

M.N vit mal le fait que ses frères et sœurs aient occulté la réalité de ce mal. Il

pourrait pourtant s’agir d’une réaction collective de défense de cette famille

face à une maladie devant laquelle ils sont complètement démunis.

Apparemment, c’est la négation d’une réalité trop horrible pour être admise.

Le médecin annonceur est fort mal à l’aise devant cette pathologie qui le

renvoie à sa propre finitude. Il perd sa certitude, hésite avant de brosser une

vérité qu’il se sent obligé d’atténuer avant de la livrer. Ce faisant, il inquiète

davantage la patiente qui perçoit son malaise.

Ce mal atteint le symbole de sa féminité et de sa maternité. Et son amie qui lui

insinue que c’est parce qu’elle n’a pas assumé sa sexualité qu’elle est devenue

malade. L’idée d’une sanction par rapport à un manquement émerge. Elle n’a

pas été une femme suffisamment épanouie. Elle a renoncé à sa sexualité et elle

serait punie pour cela. Pourtant, elle est forgée dans une société où la

préservation de la chasteté est une vertu. Elle en veut à cette amie qui remet en

cause ses certitudes et surtout l’a fait apparaître fautive, coupable de son sort.

Cette « plaie » qui la mutile fait qu’elle met quasiment en suspension sa vie :

elle n’a plus aucun projet d’avenir.

Observation 3 K.S

Il s’agit d’une patiente aux initiales de K.S. Elle est âgée de 30 ans. Elle est née

d’un ménage monogame. Ses parents sont de confession musulmane. Le père

est un policier à la retraite et la mère est femme au foyer. Elle est l’aînée d’une

fratrie utérine de 07 enfants dont 03 filles et 04 garçons.

Elle est mariée depuis une vingtaine d’années. Le mari est technicien dans un

quotidien de la place. Le couple a 06 enfants avec 03 filles et 03 garçons.

Page 47: These de doctorat

L’aîné Alouine a 20 ans. Il est mécanicien. Il est célibataire.

Deguène, âgée de 15 ans est élève au collège en classe de 5ème

.

Fatou a 12 ans. Elle suit des études en arabe.

Mame Diarra âgée de 09 ans; elle est élève à l’élémentaire.

Les jumeaux Serigne Fallou et Serigne Bara suivent des études en arabe.

Le couple demeure aux Parcelles Assainies, dans la banlieue dakaroise. Le

mari est monogame et musulman. K.S. a fréquenté l’école élémentaire puis elle

a abandonné les études occidentales.

La dame K.S. est venue seule. Elle est de teint noir, un peu élancée. Elle se

représente les seins comme symbole de sexualité et de féminité. Elle

connaissait auparavant le cancer du sein de par les campagnes de

sensibilisation. Elle n’a pas cherché à savoir ; elle n’a pas demandé au

médecin qui l’a reçue sa maladie. Selon elle, « c’est un droit du patient, je n’ai

pas à demander…J’aurais aimé qu’il me parle de la nature de ma maladie, des

traitements nécessaires, de leurs effets secondaires et aussi de mon

pronostic… » Pourtant, elle poursuit « Mais le médecin disait toujours après.

K.S. sait qu’elle a le cancer du sein et que c’est une maladie grave. Elle ignore

comment ce mal est désigné en Ouolof, sa langue maternelle.

Elle est consciente que c’est une maladie que la médecine traditionnelle ne

soigne pas. Le médecin le lui a dit au courant de l’année 2009 à l’hôpital, elle

ne se rappelle plus la date exacte.

« Le médecin ne m’a pas dit quelque chose de clair ;il a seulement dit : ça peut

être un cancer du sein...Après ces mots, je n’ai pas pu me contenir, j’ai

beaucoup pleuré…C’était un choc immense…J’aurais aimé être mise au

parfum de ma maladie autrement…J’aurais aimé qu’il soit plus clair dans ses

propos, qu’il ne refuse pas de me répondre ». Elle aurait préféré que le médecin

en parle d’abord à son mari parce que dit-elle « Lui, il sait comment me le dire

pour que je souffre moins… »

Depuis ce jour, elle pleure très souvent et surtout après les cures. Elle se

demande si c’est nécessaire qu’elle continue « ces cures désagréables et

coûteuses. Je ne croyais pas que la chimiothérapie durerait autant. Je veux être

opérée et en finir avec cette maladie ». Elle en a parlé avec ses quatre premiers

enfants, mais ils le vivent très mal de même que le mari. « Mon mari souffre

Page 48: These de doctorat

énormément de ma maladie…, il dépense énormément ; la maladie nous

appauvrit…Mes enfants pleurent quand ils me voient si fatiguée …Je pense à

cette maladie continuellement ; je me demande ‟vais-je guérir ?, quand vais-je

guérir ? »

Elle se sent coupable et se demande « pourquoi suis-je la seule de ma famille à

souffrir de cette maladie ?...Parfois, je me dis que je dois être coupable de

quelque chose pour mériter ça…D’autres fois, je pense qu’une personne a dû

me jeter un sort…J’ai appelé dans toute la famille pour savoir s’il y avait un

parent dans la même situation que moi. »

Elle estime avoir besoin d’un énorme soutien psychologique si bien qu’elle

s’en est ouverte à ses voisins.

Elle éprouve beaucoup de souffrance ; les larmes coulent lorsqu’elle

s’entretient avec nous ; elle a perdu l’appétit et trouve difficilement le sommeil.

Nous avons dû lui prescrire un anxiolytique. Malgré tout, elle ne regrette pas

de savoir qu’elle a le cancer du sein car dit-elle « je ne suis plus dans le doute,

je sais que je ne suis pas maraboutée ».

Commentaire 3

Cette patiente est mariée depuis l’âge de 18 ans et est la mère de 06 enfants.

Elle a une vie de couple épanouie. Son mari serait très présent à ses côtés et

très soutenant.

Elle est confrontée à un médecin qui a du mal à faire face à ses angoisses. Ce

dernier cherche à se dérober, il est dans la fuite. Il se contredit en mettant un

doute sur la nature cancéreuse de la maladie et en proposant une

chimiothérapie. Il semblerait qu’il pense qu’en suscitant le doute chez la

patiente sur la nature de son mal, il pourrait minimiser sa souffrance. Mais le

doute n’est-il pas plus dévastateur que la vérité dite dans le respect de la

dimension humaine de cette dame ? Elle s’est sentie si mal après cette annonce

qu’elle estime que son mari aurait dû être son annonceur. Ceci remet à jour la

question de la qualité relationnelle indispensable à une bonne annonce.

Nous retrouvons dans le discours de notre patiente les différentes conceptions

culturelles de la maladie retrouvées en Afrique de l’Ouest. Elle s’interroge

d’abord sur une culpabilité éventuelle, une faute commise ayant engendré une

punition ou une revenge de force surnaturelle. La thématique de la persécution

émerge également de son propos avec la notion de « maraboutage ».

Page 49: These de doctorat

Elle cherche à se consoler en recherchant une autre personne dans la même

situation qu’elle ; à notre avis c’est là qu’il faudrait envisager des groupes de

paroles pour ces personnes qui ont besoin de savoir qu’elles ne sont pas les

seules sur terre à porter un fardeau aussi lourd.

Elle est épuisée, elle cherche désespérément de l’aide, elle se confie aux

voisins pour que ces derniers aussi puissent la réconforter. Mais le traumatisme

qu’elle a subi est tel qu’elle n’arrive pas à se détacher de ses pensées. Elle est

envahie par le doute et des interrogations du style « vais-je guérir ? » la

submergent. Nous retrouvons quasiment des signes de la sphère dépressive

avec une insomnie, une perte d’appétit et une anxiété massive.

De notre cohorte, elle était la 2ème

plus jeune et la première à décéder des

suites de sa maladie. Ceci met en évidence l’intérêt d’une annonce de qualité et

la mise en place de soutien psychologique organisé pour ces patientes dans

l’espoir de prolonger leur espérance de vie.

Entretien 4 F.K.

F.K. est une patiente âgée de 29 ans. Elle est issue d’un ménage monogame.

Les parents sont de confession musulmane. Elle est deuxième d’une fratrie

utérine de 07 enfants dont 03 garçons et 04 filles. La grand-mère maternelle est

décédée des suites d’un cancer du sein aux environs de 1985.

Les frères et sœurs de la patiente sont respectivement :

L’aîné Abdoulaye est marié. Il est le père de 02 enfants et est technicien.

Moussa, le cinquième de la fratrie est célibataire et encore élève.

Idrissa, le sixième de la fratrie est aussi élève et célibataire.

Amie, la troisième de la fratrie est mariée et est mère de 02 enfants. Elle

est sans activité professionnelle.

Oumou, la quatrième de la fratrie est également élève et célibataire.

Aïcha, la benjamine est à la préscolaire.

Elle a été scolarisée à l’âge de 07 ans à l’école occidentale puis elle abandonne

en classe de C.E.1, suite à des difficultés à suivre en classe. Elle a aussi suivi

des études coraniques. Les parents ont émigré en Arabie Saoudite en 1998. Ses

petites sœurs y sont nées. Elle a été confiée à sa tante paternelle. Elle décrit

Page 50: These de doctorat

cette période comme difficile. Elle avait une grande charge de travail

domestique.

Elle est mariée depuis novembre 2007 avec un électricien sans lien de parenté.

Le couple vit dans un appartement à Grand-Mbao, dans la banlieue dakaroise.

F.K. est la mère d’un petit garçon de 03 ans.

Elle est venue accompagner de son mari. Elle est jeune, de teint clair, le visage

souriant. Elle est élégamment vêtue. Elle apparaît très vivante. Elle voit au

travers du sein, un symbole de féminité, de sexualité mais aussi de maternité.

Elle ne connaissait pas le cancer du sein auparavant. Elle ignore même

comment désigner ce mal dans sa langue, le « Ouolof ». Elle savait cependant

que c’est une maladie grave. Elle ignore si c’est une malade curable mais elle

est sûre que la thérapie traditionnelle n’aboutit à rien. Elle n’a pas eu besoin de

chercher à savoir. Ce fut un choc indescriptible pour elle.

C’était en janvier 2010, dans le service de cancérologie de l’hôpital. Elle

n’avait encore commencé aucun traitement. « Le médecin essayait son

ordinateur, il appelait ou répondait à chaque instant…cela ne m’a pas du tout

plu. J’aurais aimé qu’il m’écoute, qu’il soit attentif à moi…Malgré tout, j’ai

apprécié sa franchise mais aussi le fait qu’il m’ait dit ‟ ici, tu peux pleurer

autant que tu veux”. J’ai senti qu’il me comprenait… »

Elle n’aurait pas aimé que le médecin en parle d’abord à son mari. Elle estime

qu’elle est la seule qu’il faille informer en première. Même si le choc de

l’annonce a été énorme, elle préfère savoir plutôt que d’être dans l’ignorance.

En effet, elle dit « connaître ma maladie me permet de pouvoir me soigner et

guérir ».

Dans leur discours, elle et son mari, ils apparaissent fatalistes. Elle dit « je sais

que c’est une maladie et c’est Dieu qui inflige aux personnes des maladies… ».

Le mari poursuit dans la même lancée « nous nous en remettons à Dieu… »

Elle n’estime pas avoir besoin d’un soutien psychologique de la part de

l’équipe médicale mais plutôt celui de la famille. Le couple a annoncé la

maladie à toute la famille « nous en avons discuté avec toute la famille ; tous

nous soutiennent énormément. Ils nous aident financièrement et nous

réconfortent moralement… ».

Page 51: These de doctorat

Elle ne veut pas que le regard des gens autour d’elle soit rempli de pitié. Aussi,

à part la famille, elle refuse de partager avec les voisins ou autres « je ne veux

pas que les gens me regardent avec des yeux de pitié… La maladie n’a pas

influé sur ma vie de tous les jours…J’arrive à vivre… ».

Commentaire 4

Cette patiente est une jeune mariée et mère d’un petit garçon de 03ans. Elle a

une vie de couple stable et son mari est très prévenant à son égard. Il est un

soutien. Le médecin auquel elle est confrontée est angoissé. Il s’empresse de

tout lui dire sans même tenir compte de sa demande mais aussi en tentant

d’afficher une fausse décontraction. Il évite quasiment le regard de la patiente

dans un premier temps. Débarrassé de son fardeau, il se ressaisit et offre à la

dame un temps à elle, le temps de pleurer.

Il s’agit d’une dame avec une forte personnalité. Elle est la seule à qui cette

nouvelle doive être délivrée. Elle ne supporte pas de lire de la compassion dans

les yeux des autres. Elle est dans la fatalité. Elle responsabilise le surnaturel en

l’occurrence Dieu ce qui a pour effet de la déculpabiliser. Elle nous arrive

quasiment apaisée pourtant l’idée d’un cancer meurtrier ne lui est pas étranger.

En effet, un cancer du sein aurait emporté sa grand-mère.

Cette observation a le mérite de nous rappeler que même lorsque les règles de

l’annonce ne sont pas entièrement respectées, il faut primordialement éviter de

plonger la patiente dans le doute. Mais aussi que la consultation d’annonce est

dynamique, nous pouvons faire un faux pas et tenter de nous rattraper. Le

temps que nous accordons à la personne à laquelle nous annonçons une

mauvaise nouvelle est crucial.

Entretien 5 M.G

La patiente M.G est une femme âgée de 45 ans. Elle est née dans un ménage

monogame. Le père et la mère étaient de confession musulmane. Elle est

l’aînée d’une fratrie utérine de 12 enfants. Elle a perdu 01 frère et 06 sœurs,

tous décédés des suites de maladies à évolution foudroyante.

Elle est analphabète. Elle s’était mariée très jeune, nous dit-elle, sans autre

précision.

Elle a eu avec son mari 02 enfants, une fille et un garçon. Ils ont divorcé, il y a

plusieurs années. Elle ignore l’âge de ses enfants.

Page 52: These de doctorat

L’aînée, la fille est mariée. Elle a 03 enfants. Elle est ménagère.

Le fils est cultivateur. Il est également marié. Il n’a pas encore

d’enfants.

Elle s’est remariée avec un homme, paysan de profession et mari d’une

première femme. Elle n’a pas eu d’enfants avec lui. Elle a divorcé avec ce

dernier. Elle vit habituellement avec son jeune frère à Ngaye Mékhé, un village

situé dans la région de Thiès. Elle loge chez des parents à Médina lorsqu’elle

vient pour ses rendez-vous.

Elle rentre dans le bureau seule. Elle a le teint noir foncé. Elle est habillée en

boubou traditionnel. Elle est maigre. Sa mimique apparaît douloureuse.

Pour elle, le sein symbolise la féminité, la maternité mais aussi l’esthétique

féminine.

Elle ne connaissait pas le cancer du sein auparavant. Elle savait tout de même

que c’est une maladie grave. C’est au cours de l’année 2006, orientée à

l’hôpital par un généraliste, elle y apprend qu’elle a un cancer du sein. « Le

médecin m’a dit que ce n’est pas le grand cancer… »

Elle ne sait pas si ce mal, qu’elle désigne dans sa langue, le Ouolof par

« fébbaru wéne » (maladie du sein), est curable. Mais, elle est convaincue que

la médecine traditionnelle est impuissante devant ce mal.

Elle a interrogé le médecin cherchant à savoir la nature du mal qui la rongeait,

mais aussi la nature du traitement éventuel, les effets secondaires du traitement

et même le pronostic. Elle estime que le personnel de l’hôpital est accessible et

disponible. Cependant, pour elle, l’annonce a été brutale. Elle ne parle pas de

choc, même si à l’évocation de ce moment, nous sentons les émotions

submergeaient sa voix. Elle dit, quand nous lui avons demandé qu’avez-vous

ressenti au moment de l’annonce, «… je suis musulmane, je sais que c’est Dieu

qui m’inflige cette épreuve… » De longs silences ponctuaient son discours.

Elle ne sait même pas si elle aurait préféré que l’annonce soit faite autrement,

mais elle apprécie néanmoins la franchise du médecin. Elle n’aurait pas aimé

que la nouvelle soit d’abord donnée à son mari. Elle ne regrette pas d’avoir été

informée de sa maladie car nous dit-elle « cela me permet de me rappeler de

Dieu… »

Page 53: These de doctorat

Elle ne s’est pas sentie soutenue par son mari, qui au contraire l’aurait

délaissée, l’abandonnant presque. « Nous avons officiellement divorcé le

vendredi passé mais en réalité depuis qu’il connaît ma maladie, il s’est

totalement éloigné de moi… Quant à mes enfants, ils me soutiennent comme

ils peuvent… » Elle souhaiterait être soutenu psychologiquement par l’équipe

médicale.

Commentaire 5

M.G est une dame divorcée issue d’une famille qui avait été confrontée à

plusieurs fois à l’expérience de la mort. Elle a perdu 07 membres de sa famille

de maladies foudroyantes. Elle s’est remariée plusieurs années après son

premier divorce. Elle n’a pas d’enfant avec ce second époux, ce qui peut être

un facteur de fragilité de son couple.

Elle a rencontré un médecin plutôt disponible. Ce dernier cherche à évacuer sa

propre angoisse en usant d’euphémisme et en rejetant entièrement l’idée de

mort qui pourrait être attachée à cette maladie « petit cancer… cancer qui ne

tue pas ». Nous sentons qu’il doute de la capacité de compréhension de cette

dame. Nous autres praticiens, du moins ici dans ce pays qu’est le Sénégal,

avons tendance à confondre le niveau de scolarisation et la capacité de

compréhension. En milieu ouest africain, la maladie découle soit d’une force

surnaturelle, soit de la persécution d’un autre être humain vivant ou décédé.

Dans ce cas, c’est Dieu qui est mis en cause. Ainsi la tendance à un sentiment

de culpabilité devrait être minimisée.

Le mari, en se dérobant après avoir été mis au parfum de la maladie de son

épouse, la disqualifie. Son épouse serait devenue défaillante. Le sein, pour

cette dame, est le reflet de la féminité, de la maternité et de la beauté féminine.

Le mari, en renonçant à M.G, renonce à une personne amputée d’une partie de

sa féminité, de sa beauté mais surtout de ce qui donnait espoir qu’elle

enfanterait de nouveau.

M.G communique difficilement ses émotions dans le verbal. Elle répond à une

interrogation sur ses sentiments au moment de l’annonce par une esquive toute

faite et acceptée dans une société à la fois traditionnaliste et d’inspiration

musulmane. En effet, c’est dans ce moule que cette dame a été façonnée. En

Afrique traditionnelle musulmane, des sentiments comme la tristesse, le

désarroi et même la colère chez les femmes doivent être tus, la vertu est dans

l’absence de plaintes. Tout ce qui nous ébranle est une épreuve divine qu’il faut

Page 54: These de doctorat

impérativement accepter sous risque d’être un mécréant. Aussi, elle reste dans

le non verbal. Tous ses silences à la fois si lourds et si expressifs, ce visage si

chargé et même sa demande à être soutenue psychologiquement sont le reflet

de sa tristesse, de son désarroi et ce poids énorme qu’elle supporte.

Chez une personne pareille avec un discours très formaté par des réalités

culturelles très présentes, nous pouvons nous demander si son appréciation de

la franchise du médecin ne serait plutôt une invite à plus de franchise chez ce

dernier. L’exemple de la femme que sa belle mère loue à son baptême en ne

disant pas ses défauts mais plutôt les qualités qu’elle aimerait que cette

dernière ait.

Cette observation nous rappelle la nécessité de tenter de se connaître d’abord

mais aussi de tenter de connaître l’autre, en face de soi, à qui nous annonçons

une nouvelle qui aura des implications sur toute sa vie.

Entretien 6 S.N

S.N est âgée de 40 ans. Elle est issue d’un ménage musulman. Le père était

bigame, la mère étant la seconde épouse. Elle est 5ème

d’une fratrie utérine de

07 enfants dont 05 filles et 02 garçons. Elle n’a jamais fréquenté l’école

occidentale. Elle a fréquenté l’école coranique.

Elle s’est mariée depuis 1980 avec un cousin germain. Le mari est horloger. Il

a pris une seconde épouse depuis une vingtaine d’années. S.N est la mère de 07

enfants dont l’aîné, étudiant à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et

soutien de la famille est décédé en Avril 2010. Il est décédé des suites d’un

accident de la voie publique. Elle réside avec son mari, sa coépouse et leurs

enfants à Diourbel.

Elle vient à l’entretien, accompagnée de son mari. C’est une femme de taille

moyenne, de teint noir d’ébène. Sa mimique trahit son inquiétude. Nous la

rassurons par rapport à cette entrevue.

Le sein, pour notre patiente, est le reflet de l’esthétique féminine. Elle

connaissait le cancer du sein auparavant. Elle en parle comme d’une affection

certes grave mais curable par la médecine moderne. Elle juge la pharmacopée

traditionnelle complètement impuissante face à ce mal. Elle désigne cette

affection dans sa langue maternelle, le ouolof, par « febbaru wéne » (maladie

du sein).

Page 55: These de doctorat

L’annonce de sa maladie lui a été faite par un médecin de spécialité non

précisée à l’hôpital régional de Diourbel en Mai 2009. A l’époque, elle n’avait

encore initié aucun traitement. Elle ne sait plus si c’est elle qui avait cherché à

savoir ou non son diagnostic. Elle sait seulement qu’elle aurait aimé être

informée de la nature de son mal et de son pronostic. Elle a vécu ce moment

comme un immense choc. Pourtant, elle souligne que le médecin lui a parlé de

son cancer comme d’une affection curable.

Elle n’aurait pas aimé que l’annonce soit faite autrement. Elle a apprécié la

disponibilité de l’équipe, la clarté et la franchise du médecin. Elle a eu le

sentiment d’avoir été écoutée. Elle ne regrette pas pour autant d’être au courant

de son diagnostic car, pour elle « être malade sans connaître son diagnostic, ce

n’est pas bien…c’est parce que je sais que je peux me soigner… »

Tout au long de l’entretien, nous sentons son inquiétude par rapport à son

avenir. Par moments, elle a la voix saccadée et essaie de réprimer ses larmes

mais à l’évocation de son fils, elle n’y parvient plus « …je pense énormément à

mon fils…il me manque…il me soutenait tant…la nuit même, je ne trouve pas

le sommeil…j’ai peur que mon mari ne puisse plus payer mes frais

médicaux…il fait vraiment tout ce qu’il peut… » Elle estime avoir besoin d’un

soutien psychologique et financier si possible me dit-elle de l’équipe médicale

même si elle se sent énormément soutenue par son mari.

Commentaire 6

S.N est une femme analphabète de la quarantaine mariée dans un ménage

bigamique. Le couple est cependant stable et le mari très présent aux côtés de

sa femme. La famille a été ébranlée par le décès du fils aîné, soutien de famille.

Nous sentons que le deuil n’est pas encore fait. Ce jeune homme absent

symboliquement, reste aussi, voire plus présent actuellement, qu’il ne l’avait

été auparavant.

Le médecin qui annonçait à cette dame sa pathologie s’est montré disponible

avec beaucoup de franchise dans son propos. Il a su se mettre à l’écoute de

cette personne qui se trouvait en face de lui. Nous nous interrogeons seulement

sur la place qu’à eu l’empathie dans cette consultation lorsque la patiente nous

confie qu’elle aurait préféré être informé par son mari. Elle déclare « …il aurait

Page 56: These de doctorat

su me le dire sans me faire trop de mal… » Ceci relance la nécessité de se

donner le temps de connaître celle qui est en face de soi.

Le décès brutal du fils remet en question toutes ses perspectives d’avenir. Elle

croyait à la guérison tant que le fils était là, à ses côtés. Nous retrouvons des

signes d’anxiété massive dans son discours : insomnie, beaucoup de questions

sur son devenir, sur les limites du mari. Elle pouvait reposer et sur son mari et

sur son fils, maintenant il ne lui reste que le mari, lui-même ébranlé par le

décès de son fils. D’autant plus que, pour cette dame, le sein est l’essence de la

beauté féminine, ce mal l’enlaidit et la rend défaillante devant son mari.

S’interroge-t-elle en silence sur l’avenir de son couple ? En Afrique

traditionnelle, la notion de coépouse est certes acceptée, mais il s’installe une

rivalité qui est tue. Est-elle dans cette dynamique ? Elle ne parle pas de sa

coépouse, même si elles habitent ensemble, c’est comme si elle l’avait gommée

par ce silence. Quelle est la nature de leur relation ?

Elle exprime le souhait d’être accompagné dans cette épreuve. Le mari rappelle

Dieu à sa femme à chaque fois qu’elle se laisse submerger par les émotions.

Nous l’avons senti quasiment dépassé et impuissant, cherchant un soutien dans

la religion.

Cette observation met en exergue la place prépondérante de l’empathie dans la

relation médecin malade et dans la consultation d’annonce en particulier.

Entretien 7 A.G

A.G est une femme âgée de 36 ans. Elle est née d’un ménage monogame

musulman. Elle est 7ème

d’une fratrie utérine de 08 enfants dont 03 garçons et

05 filles. Elle a une brève scolarisation à l’école française. Elle a arrêté ses

études à l’école élémentaire. Elle n’a pas fréquenté l’école coranique.

Elle s’est mariée depuis 2003 avec un employé des chemins de fer comme

deuxième épouse. Le couple a 02 enfants (01 garçon et 01 fille). Notre patiente

réside à Thiaroye/Gare, dans la banlieue dakaroise, dans la maison familiale

avec sa mère, ses sœurs et ses frères. Le père est décédé en 2008.

Elle entre dans le bureau, elle est seule. Elle est de teint noir, de taille moyenne

et est voilée. Les seins représentent, pour A.G, le symbole de la féminité. Elle

connaissait auparavant le cancer du sein. Elle aurait 02 de ses sœurs aînées qui

Page 57: These de doctorat

ont souffert de la même affection. Elle décrit cette maladie comme grave et non

curable par la médecine traditionnelle. Par contre, elle dit ignorer si la

médecine moderne guérit ou non cette affection.

Elle a appris pour sa maladie en 2009. Un cancérologue, à l’hôpital Dantec lui

a annoncé son diagnostic. C’est elle qui a cherché à savoir. Elle a été

encouragée dans sa démarche par l’accessibilité du personnel d’une part et

d’autre part parce qu’elle estime être dans son droit. Elle a cherché à connaître

la nature de sa maladie uniquement « je connaissais déjà le traitement car mes

02 sœurs ont souffert de la même pathologie…Pour ce qui est du pronostic, je

ne demande pas aux médecins… »

Elle nous dit, la voix tremblante, qu’elle a vécu le moment de l’annonce avec

indifférence « cela ne m’a rien fait…Nous sommes une famille très pieuse…Je

n’ai pas peur de la mort… » Elle n’arrive plus, nous dit-elle, à se souvenir avec

précision des mots du médecin. Elle se souvient seulement qu’elle avait

apprécié la disponibilité, la clarté et la franchise du médecin. Elle s’était sentie

écoutée. Elle n’aurait pas aimé que l’annonce soit faite autrement. Elle ne

regrette pas non plus d’être au courant pour sa maladie car, nous dit-elle,

« savoir permet de clarifier les choses… » Cela, malgré que son mari l’ait

abandonné après avoir appris pour sa maladie «…mon mari s’est fait

rembourser les ordonnances et les analyses par sa mutuelle, il ne m’a rien

donné…depuis même, il ne vient plus me voir ; pourtant, il sait que j’aie dû

arrêter mon travail de femme de ménage après avoir démarré la

chimiothérapie…Il ne vient même pas voir ses enfants…Il préfère rester avec

sa première épouse… »

Durant tout son propos, elle revient sans cesse sur l’expérience de ses sœurs

« elles vont bien, elles vaquent à leurs occupations donc tout va bien…j’ai

beaucoup d’espoir car elles sont guéries… »

Commentaire 7

A.G est une jeune femme, mère de 02 enfants et abandonnée par son mari après

la découverte de sa maladie. Le cancer vient ébranler ce couple. Il vient révéler

une crise de couple profonde antérieure à l’annonce du diagnostic.

Le sein pour cette dame est le reflet de l’esthétique féminine. C’est ce même

sein qui loge ce mal qu’elle ne parvient pas à nommer dans sa langue. En

Afrique noire musulmane, les coépouses se tolèrent mais restent en rivalité

Page 58: These de doctorat

perpétuelle. Le poids de cette maladie qui ampute une partie de la beauté de

cette femme fait pencher la balance en son défaveur « il préfère rester avec la

première ».

Elle refoule ce moment, ces mots qui ont provoqué la rupture dans la continuité

de sa vie. Elle ne se souvient plus que de la présence de l’équipe autour d’elle.

Nous notons une communication paradoxale chez cette patiente. Le décalage

est net entre l’analogique et le digital. Cette voix chargée d’émotions,

tremblante et cette indifférence déclamée. L’annonce réveille les traumatismes

antérieurs et le père dans le discours semble très présent. Le processus de deuil

est-il en suspension ? La courbe du temps s’est-elle inversée ?

Elle s’accroche « bec et griffe » à l’expérience de ses sœurs, lui permettant de

nourrir un espoir sans faille devant une maladie si « grave ».

Les mécanismes de défense chez cette dame s’entremêlent. Du refoulement,

elle passe à la sublimation. Elle est fataliste, elle impute la responsabilité de ce

mal à Dieu. Elle échappe ainsi à un sentiment de culpabilité. Elle n’est pas

seule en cause, ses sœurs aussi sont là, atteintes et « guéries ». Ceci devient

une épreuve qui la rapproche de ces dernières. Construisant ainsi sa théorie

étiologique de la maladie, elle cherche à lui donner un sens. Cela lui permet

d’entreprendre des réaménagements psychiques. Elle qui n’avait pas fait

d’études religieuses, était devenue voilée avec un discours quasiment de

prêche.

Entretien 8 D.W.

D.W est une femme peule âgée de 52 ans. Elle est issue d’un ménage

polygamique musulman. Le père avait 03 épouses, la mère étant la deuxième.

Elle est l’aînée d’une fratrie utérine de 03 enfants dont 02 filles et 01 garçon.

Elle n’a jamais fréquenté ni l’école française, ni l’école coranique.

Elle s’est mariée à l’âge de 18 ans avec un cousin de la famille. Son époux est

décédé il y a une dizaine d’années. Ce dernier était bigame. Le couple a eu 06

enfants dont 03 filles et 03 garçons.

L’aîné Elimane a 30 ans. Il est enseignant et célibataire.

Le second Moustapha est décédé à l’âge de 03 ans.

La troisième, Aïssatou a 22 ans. Elle est étudiante et célibataire.

Page 59: These de doctorat

La quatrième Mina a 21 ans. Elle est étudiante et célibataire.

Le cinquième, Daouda a 18 ans. Il est scolarisé à l’école coranique.

La sixième, Dieyna a 15 ans. Elle est mariée.

Elle réside habituellement à Fouta. Elle s’installe au moment des rendez-vous

à la rue Marchant chez des parents. Elle vient à l’entretien accompagnée de sa

fille Aïssatou. C’est une femme de teint clair, de taille moyenne. Elle est

habillée en boubou traditionnel. La fille par contre est vêtue de façon

occidentale.

Les seins, selon D.W, sont le reflet de l’identité et de l’esthétique féminine.

Mais, ils sont aussi un symbole de sexualité et de maternité. Elle ne connaissait

pas le cancer du sein auparavant. Présentement, elle en parle comme d’une

maladie grave mais curable aussi bien par une approche thérapeutique

traditionnelle que moderne. Elle le désigne dans sa langue traditionnelle, le

peul par « ouri baleri » (abcès noir).

Un cancérologue lui a annoncé sa maladie en 2009, avant tout traitement

médicamenteux. Cela s’est déroulé à l’hôpital, au service de cancérologie.

C’est elle qui avait cherché à savoir. Elle voulait être édifiée sur la nature de

son mal, du traitement et de ses effets secondaires mais aussi sur son

pronostic. Elle a été encouragée dans cette démarche par l’accessibilité du

personnel mais aussi par le fait qu’elle estime que c’est son droit de savoir.

Elle nous parle de ce moment de l’annonce en ces termes « le médecin a été

brutal…Je lui avais posé beaucoup de questions…J’ai beaucoup pleuré…C’est

Dieu qui l’a voulu ainsi…j’ai pensé à mes enfants, ils sont si jeunes, ils ne sont

même pas mariés… » Elle a apprécié toute fois la franchise du médecin. Elle

n’aurait pas aimé que la maladie soit annoncée d’abord à son entourage. « Je ne

veux pas que ma mère et mes 02 plus jeunes enfants apprennent pour ma

maladie… »

Elle ne regrette pas d’avoir été informée de son état même si sa fille nous dit

« ma mère vit très difficilement sa maladie ; elle y pense tout le temps… »

D.W déclare « savoir permet de mieux vivre avec sa maladie. En étant au

courant de la nature de ma maladie, je me soigne mieux… » Tout de même,

elle aimerait être soutenue psychologiquement par l’équipe médicale, en plus

de sa famille.

Page 60: These de doctorat

Tout au long de l’entretien, son discours a été ponctué de pauses, de silences,

de soupirs. Nous sentions toute la lourdeur de cet entretien pour elle.

Commentaire 8

D.W est une veuve de 58 ans, mère de 06 enfants. L’annonce de sa maladie a

été « brutale », une nouvelle venue lui rappeler la mort, sa mort « mes enfants

sont si jeunes… ». Elle lui a ravi son sentiment d’immortalité, d’éternité. En

effet, l’homme refoule l’idée de mort, de finitude.

Cette annonce réactive aussi toutes les angoisses antérieures liées à la mort de

ce qui nous sont proches. En effet, l’annonce diagnostique de cancer fait

résonance avec les pertes traumatiques antérieures. Elle avait subi le décès de

son mari, une dizaine d’années plutôt.

Dans la société sénégalaise, les cadettes sont très proches de leur mère. Ainsi

c’est la plus jeune des enfants qui « réalise en premier le souhait » apparent de

la mère, voir ses enfants se marier. Mais cette mère semble avoir même oublié

que son enfant s’est mariée dans son propos « mes enfants ne sont même pas

encore mariés… » C’est tout simplement que son véritable désir c’est de

demeurer encore. Pour cela, il faut que cet « abcès noir » imputable à Dieu

puisse être guéri par l’homme aussi bien par le biais de la médecine

traditionnelle que moderne. Au début de son propos cette note de colère qui

émerge. Elle la refreine, puis nous la sentons dans une dynamique de se forger

sa théorie étiologique de ce mal : Dieu lui a envoyé cette maladie.

Le sein, qui était jusqu’alors la marque de la femme-mère qu’elle est, s’est

transformé en une étrangeté. Il est porteur d’un « abcès noir ». Le noir, dans la

croyance populaire sénégalaise, est attaché à l’obscurité, aux ténèbres, au

surnaturel. La nuit est le domaine des esprits, des « rab » et autres. La personne

avec un cœur « noir » est méchante, elle est capable des pires choses.

Cette observation brosse l’importance pour la patiente que le médecin se mette

à son niveau et y va à son rythme. Pour cela, le temps doit devenir flexible,

maniable épousant les besoins de l’autre qui voit sa vie immuablement changée

par une nouvelle qui surprend. Elle pointe aussi toute la richesse du sens dont

peut être chargé le cancer du sein dans nos sociétés africaines.

Page 61: These de doctorat

Entretien 9 H.D.

H.D est une femme de 37 ans. Elle est née d’un ménage monogamique

musulman. Son père était bigame, la mère étant la première. Elle est la 2ème

d’une fratrie utérine de 06 enfants dont 03 garçons et 03 filles. Elle a été

scolarisée jusqu’en classe de CM2. Elle a aussi bénéficié d’une instruction

coranique.

Elle est en ménage depuis une vingtaine d’années. Son mari est paysan

pendant l’hivernage et électricien le reste de l’année. Le couple a 04 enfants.

Ils sont âgés de 02 ans à 23 ans. Ils vivent à Dagana, dans la région de Saint-

Louis. Au moment des rendez-vous de chimiothérapie, elle et son mari

s’installent à Front de Terre (Dakar) chez un beau frère de la dame.

Elle vient à l’entretien accompagnée de son mari et de son beau frère. Elle est

noire, de petite taille, assez coquette. Sa mimique n’est pas douloureuse, ni

même triste. Elle voit dans le sein une marque d’identité et d’esthétique

féminines. Il joue, selon elle, un rôle important dans la sexualité du couple

mais aussi dans la maternité. Elle connaissait le cancer du sein auparavant. Elle

y voit une maladie grave. Elle ne sait pas si la médecine moderne pourrait

guérir cette affection mais elle est sûre que la médecine traditionnelle y est

impuissante. Elle désigne ce mal dans sa langue, le ouolof par « febbaru

wéne » (maladie du sein).

Elle ne connaît plus la période à laquelle le médecin lui a annoncé sa maladie.

Elle sait seulement qu’elle avait déjà initié le traitement. C’était à l’hôpital,

dans le service de cancérologie. Elle a eu des échos des infirmières. Elle a

cherché alors à savoir ce qu’il en était avec le médecin. L’accessibilité du

personnel l’a encouragée dans cette entreprise, de même que le fait qu’elle

estimait avoir le droit de savoir. Elle voulait connaître seulement son

diagnostic, rien de plus.

Le moment de l’annonce fut difficile pour elle « je ne croyais pas que j’avais

cette maladie…j’avais été déjà opérée pour kyste…je ne pouvais pas le

croire… » Elle a les yeux embués de larmes à ses propos. Par moment, c’est

comme si sa voix s’éteignait. Elle reprenait après un temps de silence « Depuis

ce jour, j’ai du mal à dormir…Je pense beaucoup à cette maladie… » Elle ne

sait pas si elle aurait aimé que le médecin lui annonce autrement sa maladie.

Par contre, elle aurait préféré que cette annonce soit d’abord faite à son

entourage, en l’occurrence à son mari. Tout de même, elle ne regrette pas

Page 62: These de doctorat

d’avoir été informée de sa maladie car « je voulais vraiment savoir ce que

j’avais ». Seulement, elle aimerait être soutenue psychologiquement par

l’équipe médicale, en plus du soutien de sa famille.

Commentaire 9

Il s’agit d’une femme de 37 ans, mère de 04 enfants évoluant dans un couple à

première vue stable avec un mari très présent.

Nous entendons dans sa symbolisation du sein qu’une défaillance de ce dernier

pourrait retentir sur le couple. En effet, elle y voit une marque de l’identité

même de la femme. Ainsi, le cancer qui vient métamorphoser cet organe fait

perdre à la femme de son identité propre. Elle ne se reconnaît plus, elle habite

un corps qui n’est plus sien. Mais encore le sein est toujours pour cette dame

un reflet de la capacité quasi divine de la femme à donner la vie. Une femme

amputée symboliquement de cet organe perd de sa « divinité » Le sein est au

cœur de la sexualité pour H.D impliquerait que ce sein transformé,

méconnaissable qu’est devenu le sien, la priverait de son attrait et ferait poser

aussitôt la question de la sexualité dans son couple. Son mari va devoir faire

face à une présence pesante, celle d’une autre, inconnue et porteuse de l’idée

de mort.

Nous entendons ses questionnements par rapport à sa guérison comme des

interrogations sur sa capacité à retrouver tout ce que ce mal lui aurait

« amputé ».

L’annonce diagnostique chez cette dame nous apparaît chaotique avec une

totale méconnaissance de toutes les règles. Elle refoule ce moment

traumatique. Elle ne se souvient plus, ses instants sont enfouis dans la

profondeur de son subconscient. Le déni s’est installé « j’avais été opéré pour

kyste, je ne pouvais le croire… » Les émotions sont si présentes à l’évocation

des brides de souvenir de ce moment où sa vie bascule. Sa voix qui s’éteint

nous renvoie à l’image du cancer éteignant le « souffle de la vie ». Tout cela

l’angoisse. Elle est anxieuse et l’insomnie s’installe. Elle se sent dépassée et

elle exprime une demande d’être accompagnée.

Cette observation est l’exemple type d’une annonce chaotique faite au mépris

de toutes les règles. La vie de cette patiente semble suspendue dans le temps.

Page 63: These de doctorat

Entretien 10 D.B

D.B est une femme de 51 ans. Elle est née d’un ménage polygamique,

musulman. Le père est bigame et la mère est la 2ème

épouse. Elle est l’aînée

d’une fratrie utérine de 06 enfants dont 03 filles et 03 garçons. Elle a été

scolarisée à l’âge de 07 ans à l’école occidentale. Elle a poursuivi sans

difficulté ses études jusqu’à être enseignante. Elle a également fréquenté

l’école coranique.

Elle s’est mariée à l’âge de 19 ans. Elle n’a aucun lien de consanguinité avec

son mari. Son mari est bigame, elle est la première femme. Elle est la mère de

02 enfants.

L’aîné est un homme de 30 ans, il est médecin.

La seconde est une journaliste de 24 ans.

Elle réside habituellement en Guinée Conakry dans une localité du nom de

Koloma. Elle réside pour les besoins de son suivi à Grand Yoff.

Elle vient à l’entretien, en compagnie de son fils médecin. Ce dernier la laisse

seule avec nous après nous avoir demandé les raisons de cette rencontre. D.B

est une femme de teint clair, de forte corpulence, bien habillée. Elle voit dans

les seins un symbole de maternité. Elle connaissait le cancer du sein avant

l’annonce de sa maladie. Elle le décrit comme une affection certes grave mais

curable par la médecine moderne. Par contre, la médecine traditionnelle y

serait impuissante. Elle ne sait pas comment désigner cette affection dans sa

langue, le peul.

Son diagnostic lui a été révélé vers la fin de l’année 2006. C’était avant qu’elle

n’entame son traitement. Elle avait cherché à connaître la nature de sa maladie

et de son traitement de même que son pronostic. Devant ses interrogations, le

cancérologue qui l’a reçue à l’hôpital lui a révélé son diagnostic. Ainsi, durant

tout son périple dans les structures de santé guinéennes, elle était maintenue

dans l’ignorance de son mal.

Le moment de l’annonce fut difficile pour elle. Ce fut un immense choc. Elle a

ressenti que le médecin s’est évertué à ne pas être brutal dans sa manière de lui

annoncer sa maladie. Elle s’est sentie écoutée. Elle a même apprécié sa

disponibilité, sa clarté et sa franchise. Elle ne sait pas si elle aurait préféré que

l’annonce soit faite d’abord à son entourage. Elle ne regrette pas du tout d’être

Page 64: These de doctorat

informée de sa maladie car dit-elle « depuis que je sais que j’ai cette maladie,

je ne sens plus la douleur…Je dors bien la nuit…J’y pense rarement… elle me

fait du bien dans ce sens…et enfin le fait d’être informé m’a permis de me

traiter. » Elle n’estime pas avoir besoin d’un soutien psychologique de l’équipe

médicale en plus de celui de sa famille.

Commentaire 10

D.B est une enseignante de 51 ans mariée, mère de 02 enfants. Nous la sentons

plus imprégnée d’une éducation occidentale que traditionnelle. Dans sa

symbolisation du sein, elle l’assimile à la maternité, au don de la vie. Est-ce

une façon d’évoquer cette position singulière de la femme-mère, position qui la

rapproche du divin ? Cette maladie « mutilante », innommable dans sa langue

maternelle est venue la détrôner de son piédestal.

Elle a rencontré un médecin avenant qui s’est évertué à lui donner du temps et

à l’écouter. Elle réagit au choc de l’annonce en refoulant l’idée de mort

pouvant être contenue dans le cancer du sein. Ainsi en Guinée, elles meurent

mais pas au Sénégal où elle se trouve présentement. Elle s’est construite une

réalité du cancer plus acceptable pour elle, un cancer qui ne la tue pas tant

qu’elle est au Sénégal.

Le fait que ses douleurs antérieures à l’annonce de la maladie aient disparu est

singulier. Peut-être que ce cancer dépourvu de son potentiel mortifère est venu

rappeler la valeur de la vie à cette femme, qui en Guinée s’est vue confronter à

sa propre mort ?

Cette observation rend compte de la richesse des réaménagements

psychologiques qui peuvent se façonner pour faire face au cancer du sein chez

une femme ayant bénéficié d’une annonce diagnostique de qualité.

Entretien 11 D.S.

D.S est une femme âgée de 45 ans. Elle est née d’un ménage musulman

polygamique, la mère étant la 3ème

épouse. Elle est 3ème

d’une fratrie utérine de

quatre enfants. Les parents ont divorcé il y a plusieurs années. La mère s’est

remariée. Elle est analphabète. Elle s’est mariée à l’âge de 37 ans. Son mari est

monogame. Il exerce la profession de gardien. Le couple a 04 jeunes enfants

dont une fille et trois garçons. L’aîné a 08 ans et la benjamine 02 ans. Ils

résident à Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise.

Page 65: These de doctorat

Elle vient à l’entretien seule. Elle est élancée, de teint noir. Elle est maigre. Elle

assimile le sein à la maternité. Elle connaissait le cancer du sein auparavant.

Elle le présente comme une affection certes graves mais curable par la

médecine occidentale. Elle remarque l’impuissance de la médecine

traditionnelle. Elle le désigne dans sa langue, le ouolof par «fébbaru wéne »

(maladie du sein).

Elle ne sait plus à quelle période l’annonce de sa maladie lui a été faite. Mais

elle se souvient qu’à l’époque, le traitement avait été déjà amorcé. Elle a appris

qu’elle avait le cancer à l’hôpital mais c’est d’abord dans le couloir qu’elle

l’apprend. Une infirmière le lui aurait dit brutalement. « C’était si soudain…Je

ne lui avais rien demandé…Un instant, j’ai pensé qu’elle s’était trompée…cela

ne pouvait être… Mais quand je suis rentrée dans le bureau du médecin, il m’a

confirmé ce jour là cette maladie…Les autres médecins ne m’avaient rien

dit…Je n’étais plus en colère…C’est Dieu qui l’a voulu ainsi…Je n’ai pas

pleuré… Il semblait m’écouter attendant que je réagisse, mais je ne pouvais

rien dire…toutes mes pensées se sont tournées vers mes enfants…Ils sont si

jeunes…J’avais beau écouter, j’entendais plus rien… »

Elle ne sait plus si elle avait apprécié quelque chose durant ce moment. Elle ne

sait pas non plus si elle aurait voulu que cette annonce soit faite autrement.

Tout de même, elle aurait préféré que l’annonce soit faite d’abord à son mari.

Pour autant, elle ne regrette pas d’avoir été informée de sa maladie.

Elle estime avoir besoin d’un soutien psychologique de l’équipe médicale, en

plus de celui de la famille.

Tout au long de son propos, elle semblait par moment absente, plongée dans

des pensées lointaines. Elle semblait par moment avoir des difficultés

d’audition, elle nous demandait de nous répéter. D’autres moments, nous

aurions dit qu’elle perdait le sens des mots, tâtonnant, cherchant

laborieusement ses mots. Beaucoup de silences entrecoupaient son discours.

Commentaire 11

D.S est une dame de 45 ans, mariée et mère de 04 jeunes enfants. L’âge moyen

des enfants est de 05 ans.

Le sein chez cette dame renvoie à la maternité, cette singularité de la femme.

Le cancer qui rend «malade » cet organe prive la femme symboliquement de

ce qui fait son unicité, sar « surhumanité ». Elle devient défaillante,

Page 66: These de doctorat

indifférenciée de l’homme. Ainsi le choc de cette réalité nouvelle est

insupportable pour cette dame. L’amnésie de ce moment rend compte du

refoulement de cet instant insoutenable. L’annonce est si brutale ne lui laissant

pas le temps de digérer ses ressentis. Elle passe en un court instant par la

sidération, la colère, la fatalité, la résignation, et l’impossibilité d’assimiler

une information quelconque. Elle est prise dans un grand tourbillon

émotionnel.

L’annonce bouleverse le cours du temps. Il est suspendu. La patiente est

plongée au cœur des doutes. Elle doute de son avenir, de celui de ses enfants.

Le cancer nous replonge dans notre réalité de mortel. Cette dame voit sa mort

imminente, la finitude de son existence, la séparation d’avec ses enfants. Elle

qui était mère, ne le sera-t-elle plus ? Elle cherche à continuer à se rattacher à

ce monde mais rien n’y fit, tout lui échappe « j’avais beau écouter…j’entendais

plus rien… »

Son processus de pensée est gelé par cette nouvelle qui provoque une

distorsion de la continuité temporelle. Le travail psychique ne peut alors

logiquement se concevoir qu’après un temps d’appropriation de ce nouveau

soi. Ses absences, ses silences rendent compte du non amorçage de ce

processus. La demande de soutien psychologique de cette dame est plus que

légitime. Elle a été victime d’un système où encore la dimension humaine des

malades n’est pas encore suffisamment intégrée. Il ne s’agit pas d’un simple

dossier mais d’une personne avec son histoire propre, ses craintes, ses doutes et

ses ressentis.

3-Synthèse des entretiens

Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers chez la femme [2]. Dans

notre étude, nous nous sommes aidés d’un guide d’entretien pour recueillir les

témoignages de 11 patientes ayant bénéficié d’une annonce diagnostique et

certains de leurs proches. Nous nous sommes entretenus avec un total de 18

personnes. Les patientes sont âgées de 29 à 58 ans avec un âge moyen de 42,73

ans.

Différents statuts matrimoniaux sont retrouvés. Les patientes sont célibataires,

mariées pour la plupart dans un ménage polygamique, divorcées,

« abandonnées », veuves. Elles sont toutes mères.

Page 67: These de doctorat

Le moment de l’annonce est perçu comme un énorme choc émotionnel chez la

quasi-totalité des patientes. La majorité d’entre elles ont été ébranlées :

«… c’est comme si tout s’effondrait autour de moi… ». En effet, Molley-

Massol le souligne, cette annonce agit comme « un cataclysme » qui saisit la

personne et lui inflige « une douleur d’une extrême violence » [25]. Cette

révélation frappe la patiente au plus profond de son être et fait résonner les

blessures psychiques. Ainsi, S.N et son mari ont du mal à faire le deuil de leur

fils(« …Je pense énormément à mon fils…Il me manque tant… »).

Elles ont exprimé soit dans le digital, soit dans l’analogique, pour la plupart

leur inquiétude, leur angoisse avec une émergence de nombreuses

interrogations.

«...Que vont devenir mes enfants ?...Si je devais mourir, qu’adviendra-t-il de

mes enfants…Ils sont si jeunes… ». Ces dernières mettent à nu la perte du

sentiment d’invulnérabilité de ces dames. Elles sont confrontées à une mort

« envisageable », annoncée qui mettrait à la fois un terme à leur existence

propre mais aussi à leur état de mère. Cette angoisse de séparation fait surface

avec l’annonce de cette maladie innommable pour certaines.

Le mot « cancer » a vieilli et sa représentation d’hier n’est plus celle

d’aujourd’hui. Les malades en rémission longue sont de plus en plus nombreux

et les traitements même s’ils sont lourds sont de plus en plus performants et de

mieux en mieux tolérés. Les patientes « oscillent entre le doute et l’espoir »

comme le remarque Françoise Bettevy [8]. Aujourd’hui, l’annonce du cancer

du sein ne signifie plus une mort certaine. Les patientes veulent croire à une

réalité médicale porteuse d’espoir qu’est la rémission longue.

Les attentes divergent selon les patientes. Elles veulent toutes connaître ce dont

elles souffrent. Elles ne veulent plus être dans le doute. Cela, des femmes telles

que H.D l’ont clairement exprimé « je voulais vraiment savoir ce que

j’avais ». A.G dira «…Savoir permet de clarifier les choses…Le doute aurait

pu me plonger dans la maladie mentale… » Certaines souhaitent que le

médecin communique avec elle sur leurs traitements et ses effets. D’autres

préfèrent plutôt être édifiées sur leur pronostic. Mais certaines estiment que

leur devenir n’est pas du ressort du médecin («Pour ce qui est du pronostic, je

ne demande pas aux médecins car c’est Dieu seul qui connaît le devenir du

malade… »). Dans une société islamisée comme la nôtre, la mort est

indépendante de la maladie. Elle survient à son heure sur décision divine. La

Page 68: These de doctorat

célèbre expression populaire « febbar ak dé bokkugne dara » (la maladie et la

mort n’ont rien en commun) traduit cette réalité sénégalaise.

Le cancer trouve sa singularité dans sa représentation, ce que Bézy appelle

« l’imaginaire de la maladie » [8]. Il a une charge symbolique. « Fanké…ouri

baleri…» renvoient à une dimension surnaturelle du cancer. Il est l’œuvre du

diable. Dans une conception pseudo islamisée, cela pourrait être culpabilisant ;

le diable s’en prend à celles qui ont exhibé leur sein au travers de vêtements

non convenables. Dans nos croyances ancestrales, le diable s’en prend à celles

qui n’ont pas honoré leur devoir envers les totems de la famille ou à celles sur

qui un sort est jeté.

La charge symbolique du cancer dépend aussi du symbolisme du sein. La

majorité des patientes de notre étude voient dans le sein l’image de la femme-

mère. En effet, le sein apparaît comme une marque identitaire de la femme

mais aussi reste un organe nourricier pour le bébé. La dimension sexuelle du

sein est plus abordée par les patientes les plus jeunes. Le sein occupe une place

dans les canons de beauté sénégalais. Avoir des seins fermes et assez gros est

un atout pour la sénégalaise. Le fait que cet aspect ne soit pas abordé par

toutes les patientes pourrait être lié à notre culture. Les patientes les plus jeunes

étant moins conformistes. En effet, tout ce qui est de l’ordre du sexuel est

tabou.

Cette étude aura montré la place prépondérante des proches dans

l’accompagnement des patientes. Elles souhaitent toutes être soutenues par leur

entourage. Une patiente nous déclare n’avoir pas besoin d’assistance médico-

psychologique car elle estime être suffisamment soutenue par sa famille. Une

autre cherche ce soutien au-delà de sa famille et en parle avec ses voisins. Une

autre réclame ce soutien à sa famille «…Je leur en veux pas pour l’absence de

soutien financier mais pour l’absence de soutien moral…». Ce rôle important

des proches a été souligné par Cattan « les proches assurent un soutien

psychologique, s’impliquent dans la prise en charge et accompagnent le

patient tout au long de son parcours médical. Ils apportent au médecin leur

connaissance du patient, laquelle permet habituellement de mieux comprendre

la situation. » Tout de même, dans le même article l’auteur attire l’attention

« les soignants sont assez enclin à établir un rapport de collusion avec les

proches si leur intervention s’en trouve simplifiée. Cette pratique excluant le

patient peut conduire à des annonces brutales au conjoint, plaçant ce dernier

dans une situation inadmissible d’annonceur et aboutissant à une souffrance

Page 69: These de doctorat

accrue du malade. A l’inverse, l’annonce faite au patient en l’absence de

proches le prive d’un soutien immédiat et l’oblige à devenir lui-même

annonceur. » [11]. La majorité des patientes de notre étude n’ont pas souhaité

que l’annonce soit d’abord faite à un membre de leur entourage. La présence

ou non des proches doit être une décision de la patiente. Dans notre réalité

sénégalaise, les proches sont au premier plan. Ils se cotisent pour soutenir

financièrement les patientes, chacun y met du sien. Pour ce qui est du soutien

psychologique, l’absence de dialogue avec verbalisation des ressentis peut être

une limite, certes pas dans toutes les familles. Souffrir en silence est une vertu

de la femme sénégalaise traditionnelle.

La majorité des annonces ont été faite par des médecins, certains généralistes,

d’autres cancérologues. Certains se sont montrés disponibles, capables

d’écouter la souffrance de leur patiente. A.G a apprécié la franchise, la clarté et

la disponibilité du médecin qui lui a annoncé sa maladie. Elle s’est sentie

écoutée. D’autres par contre ont adopté une fausse désinvolture, refusant de

croiser le regard de leur patiente. Ils ont même refusé de répondre à ses

interrogations. Une patiente nous dit « Le médecin essayait son ordinateur, il

appelait ou répondait à chaque instant…cela ne m’a pas du tout plu. J’aurais

aimé qu’il m’écoute, qu’il soit attentif à moi…» Une autre déclare « Le

médecin disait après…après…» Le médecin ignore le ressenti de la patiente, il

se contente de sa propre interprétation. Il imagine sans doute les

préoccupations et les craintes de la patiente. Cependant, il ne sait pas, faute de

l’avoir appris, comment et pourquoi l’inviter à dire ce qu’elle ressent. Il

instaure une distance lui garantissant une « anesthésie émotionnelle » [11]. Il

adopte une conduite de fuite.

Certaines patientes ont évoqué la brutalité de leur annonce diagnostique. Le

médecin embarrassé par le poids de sa découverte, se décharge sur la patiente

lui assenant une vérité crue. Dans la majorité des cas, les annonceurs n’ont pas

développé une connaissance mutuelle avec leur patiente préalable à l’annonce.

Ils n’ont parfois même pas tenu compte des attentes des patientes car ils n’ont

pas su les identifier. C’est comme si, ils ont rejeté la dimension humaine de

leur patiente en leur refusant le droit à la communication. D’autres ont tenté de

minimiser la charge émotionnelle de cette annonce en usant d’euphémismes.

Mais la réaction suscitée est toute autre, angoisse et doute prennent le dessus

chez ces patientes. Parfois, même le cadre est inexistant. Une patiente parle

d’une infirmière dans un couloir qui lui aurait annoncé sa maladie.

Page 70: These de doctorat

Des mécanismes de défense se constituent chez les patientes, les annonceurs et

même l’entourage. Chez certaines, leur psyché usera d’un refoulement associé

parfois à du déni, de l’ambivalence, de la pseudo-rationalisation, de la

sidération et/ou de la sublimation. Chez d’autres, de la culpabilité et de la

pseudo-rationalisation ont été retrouvées de façon isolée. Une patiente nous dit

« C’était si soudain…Je ne lui avais rien demandé…Un instant, j’ai pensé

qu’elle s’était trompée…cela ne pouvait être…J’étais en colère…Mais quand

je suis rentrée dans le bureau du médecin, il m’a confirmé ce jour là cette

maladie…Les autres médecins ne m’avaient rien dit…Je n’étais plus en

colère…C’est Dieu qui l’a voulu ainsi…Je n’ai pas pleuré…Je n’ai pas posé de

questions…Il semblait m’écouter attendant que je réagisse, mais je ne pouvais

rien dire…toutes mes pensées se sont tournées vers mes enfants…Si je devais

mourir, qu’adviendra t-ils d’eux ?…Ils sont si jeunes »

Certains médecins ont tenté de masquer leur émotion, maintenant délibérément

ou inconsciemment une distance avec la patiente. Celle-là, en face de nous,

venue nous rappeler par sa maladie, notre propre mort. Même si les avancées

de la médecine sont parvenues à diminuer la charge mortifère du cancer. La

fuite en avant s’avère être le mécanisme prédominant. L’usage d’euphémismes

et de mensonge a été moindre.

L’entourage réagit à l’intrusion du cancer. Une patiente nous rapporte que sa

famille banalise sa maladie. « Ils prennent ma maladie comme quelque chose

de légère, ça me fait mal qu’ils ne me croient pas…Ils m’appellent pour

demander comment je vais, je leur réponds bien…Je ne leur dis plus rien…Je

ne leur en veux pas pour l’absence de soutien financier mais pour l’absence de

soutien moral. » Cette famille tout entière refoule une vérité qui lui est

insupportable. La patiente le perçoit, par contre, comme du mépris. Cela traduit

la nécessité de mettre des mots sur les émotions de chacun, car tous sont

impliqués. Une autre patiente évoque son mari qui l’a abandonné après

l’annonce de son cancer. Est-ce un mécanisme de défense devant une présence

trop pesante ?

La nécessité d’une assistance médico-psychologique est apparue clairement au

travers de cette étude. La majorité des patientes l’ont exprimé et formulé la

demande. Cela a été une révélation inattendue de notre travail. Le carcan social

dans lequel les patientes sont forgées décrédibilisent la psychologie et la

psychiatrie, pourtant elles expriment ce besoin.

Page 71: These de doctorat
Page 72: These de doctorat

CONCLUSIONS ET

RECOMMANDATIONS

Page 73: These de doctorat

Cette étude, réalisée sur une période de deux mois, a porté sur 11 observations

avec un total de 18 personnes interviewées.

Nous avons tenté par cette étude qualitative de restituer aux professionnels de

santé sénégalais le vécu de ces patientes lors de leur annonce diagnostique. Nous

nous sommes évertué à recueillir leurs attentes, leurs déceptions et à faire l’écho

de leurs souhaits.

Nous avons procédé par des entretiens semi-directifs d’une heure. Pour fixer le

cadre, nous nous sommes aidé d’un guide d’entretiens comprenant 38 items. A

partir de ces entretiens nous avons retrouvé des caractéristiques communes par

rapport au vécu de cette annonce en milieu occidental. Les patientes ont toutes

ressenti ce moment comme un choc émotionnel.

Un nombre de constations ont été faites à partir de ces observations :

L’annonce diagnostique reste un énorme choc émotionnel quelque soit le

statut matrimonial et l’âge des patientes.

Les patientes ont exprimé soit de façon analogique, soit de façon digitale

leur inquiétude, leur angoisse de mort, de séparation avec les proches.

Les attentes divergent selon les patientes. Le désir d’information

diagnostique est retrouvé chez toutes ces femmes. Certaines souhaitent être

édifiées sur leur traitement et les effets occasionnés par ce dernier. Pour ce

qui est du pronostic, les avis des patientes restent partagés.

Les patientes ne veulent pas être dans l’angoisse d’un doute entretenu par

des euphémismes et/ou des mensonges.

La majorité des annonces sont faites par des médecins non préparés à cet

exercice. Aussi, ils tentent d’instaurer une distance avec les patientes.

Le cancer, dans la société sénégalaise, est porteur d’une énorme charge

symbolique.

Le sein, dans notre milieu culturel, revêt essentiellement trois dimensions :

une marque identitaire de la femme, un symbole de maternité et une

dimension sexuelle. Cette dernière serait moins évoquée du fait du tabou

social.

Page 74: These de doctorat

La place prépondérante qu’occupent les proches dans l’assistance

psychologique et financière des patientes.

La majorité des patientes n’ont pas souhaité que l’annonce soit faite

d’abord à un membre de leur entourage.

Les patientes ont formulé le souhait d’être écoutées. Elles souhaitent

également que les médecins leur accordent leur attention.

Certaines patientes ont évoqué la brutalité de leur annonce diagnostique.

Des patientes ont rapporté des annonces où il n’existait aucun cadre.

Des mécanismes de défense ont été identifiés chez les patientes, chez les

professionnels de santé de même que dans l’entourage. La pseudo-

rationalisation et le refoulement sont les mécanismes les plus rencontrés chez

les patientes. La fuite en avant et l’usage d’euphémismes sont retrouvés chez

les praticiens. Un refoulement collectif a été retrouvé chez une famille

entière.

La nécessité d’une assistance médico-psychologique est formulée

directement par certaines patientes.

L’ensemble de ces constatations amène à un certain nombre de réflexions.

Au Sénégal, le cancer du sein revêt une symbolique toute singulière. Elle n’est

pas forcément stigmatisante, en tout cas, pas forcément de la même façon

qu’elle pourrait l’être en Algérie. Cette symbolique est à la fois celle de la

maladie cancéreuse et celle du sein. Le cancer est un mal avec une dimension

« surhumaine », surnaturelle. Tout un mythe se construit autour de cette

maladie. Ce mal affecte et ronge le sein, reflet de la femme-mère mais

également de la femme érotique.

Cette maladie, très chargée symboliquement avec toute la richesse de la culture

sénégalaise, échappe à la médecine traditionnelle. Cette dernière semble

exceptionnellement disqualifiée dans la prise en charge de ce mal.

La structure singulière de la famille sénégalaise qui s’oppose à la classique

famille nucléaire occidentale. Parfois, même cette famille est élargie aux

voisins. Ce type d’organisation sociale permet de pallier le coût financier élevé

d’une pathologie appauvrissante. Mais, elle reste limitée souvent dans le soutien

psychologique des patientes. Les réalités culturelles sénégalaises valorisent le

Page 75: These de doctorat

concept de « souffrir en silence » C’est également ce mode organisationnel qui

rend quasi impossible l’évaluation des revenus des patientes.

L’annonce initiale aux proches peut s’avérer hasardeux voire catastrophique car

l’entourage, tout comme la patiente et le soignant, élabore des mécanismes de

défense pas toujours salutaire pour l’économie psychique de la patiente.

Ce travail est une invite aux professionnels de santé sénégalais, et en

l’occurrence les médecins, cancérologues ou non, à écouter les angoisses des

patientes, leurs ressentis d’un moment singulier pour eux. Nous ne cherchons

pas du tout à culpabiliser ces praticiens, mais seulement, juste inciter à la prise

de conscience.

Ce travail devrait peut-être poursuivi en recueillant les ressentis des soignants

qui occupent une chaise bien inconfortable, celle où l’annonce d’une maladie si

chargée dans l’imaginaire sociale et porteuse d’un potentiel mortifère.

Par cette étude, nous ambitionnons de contribuer à l’amélioration des

« consultations d’annonce » au Sénégal. Pour cela, le système soignant devra

s’assouplir et opérer certains changements. Aussi nous préconisons :

Les professionnels de santé, notamment les médecins cancérologues soient

formés aux techniques communicationnelles et à l’annonce de cancer ;

Le nombre de praticiens hospitaliers impliqués dans l’annonce soient

augmentés en vue d’offrir aux patientes plus de temps ;

Une annonce faite en tenant compte des attentes des patientes identifiées au

préalable ;

Une connaissance réciproque patiente/soignant comme préalable

indispensable à une annonce diagnostique ;

L’amélioration de la communication entre les différents praticiens

impliqués dans le suivi pour ne pas délivrer des messages contradictoires ;

La création d’un cadre approprié pour l’annonce en mettant à la disposition

des praticiens annonceurs des bureaux propices ;

La création de groupes de parole chez les patientes mais aussi chez les

praticiens afin de favoriser le partage des ressentis ;

Page 76: These de doctorat

La présence de travailleurs sociaux dans les équipes de prise en charge des

patientes cancéreuses ;

L’association à la prise en charge des patientes cancéreuses d’ un volet

psychologique structuré assuré par un psychiatre et/ou un psychologue.

Page 77: These de doctorat

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