le français dans le monde - numéro 370

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// MÉMO // // ÉPOQUE // Le jazz manouche hérité de Django Reinhardt a la cote La Palestine photographiée par Valérie Jouve FIPF REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS N° 370 JUILLET AOÛT 2010 le monde le français dans Un enjeu d’éducation // DOSSIER // Protection des océans Au Japon, un apprentissage en ligne dès le niveau débutant L’enseignement, pilier de la francophonie en Louisiane // MÉTIER //

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Extraits du numéro 370 - Juillet août 2010

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Page 1: Le français dans le monde - Numéro 370

// MÉMO //// ÉPOQUE //

Le jazz manouche hérité de Django Reinhardt a la cote

La Palestine photographiée par Valérie Jouve

FIP

FREVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

N° 370 JUILLET AOÛT 2010

le mondelefrançaisdans

Un enjeu d’éducation

// DOSSIER //

Protection des océans

Au Japon, un apprentissage en ligne dès le niveau débutant

L’enseignement, pilier de la francophonie en Louisiane

// MÉTIER //

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Page 2: Le français dans le monde - Numéro 370

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REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

N° 369 MAI-JUIN 2010le mondelefrançaisdans

// MÉMO //

// MÉTIER //

// ÉPOQUE //

Les femmes au cœur d’un récit duCongolais Emmanuel Dongala

À Madrid, l’apprenant a droit à sa bibliothèque

La diversité linguistique à l’honneur en Finlande

Le chorégraphe Angelin Preljocaj, ambassadeur du corps en Russie

Des banlieues françaises à Soweto

Àl’école du foot// DOSSIER //

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ISSN 0015-9395ISBN 978-2-09-037060-7

www.fdlm.org

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Page 3: Le français dans le monde - Numéro 370

Le français dans le monde // 370 // juillet - août 2010 1

Sommaire

30Les noces du théâtre et de l’apprentissage

Métier

Dossier

Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel Hovelacque – 75 013 Paris – Tél. : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax. 33 (0) 1 45 87 43 18 – Service abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax. 33 (0) 1 40 94 22 32 – Directeur de la publication Jean-Pierre Cuq(FIPF) Directeur de la rédaction Jacques Pécheur (Ministère de l’Éducation nationale – FIPF) Rédactrice en chefAlice Tillier (Ministère de l’Éducation nationale – FIPF) Secrétairegénéral de la rédaction Sébastien Langevin Relecture/correction Marie-Lou Morin Relations commerciales Sophie Ferrand Conception graphiqueMiz’enpage – Commissionparitaire : 0412T81661. Comité de rédaction Dominique Abry, Michèle Grandmangin, Isabelle Gruca, Valérie Drake, Pascale Fabre, Chantal Parpette, Jacques Pécheur, FlorencePellegrini, Nathalie Spanghero-Gaillard, Alice Tillier Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de M. Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de laFrancophonie : Jean-Pierre Cuq (FIPF), Pascale Fabre (Alliance française), Raymond Gevaert (FIPF), Michèle Jacobs-Hermès (TV5), Tristan Lecoq (CIEP), Xavier North (DGLFLF), Soungalo Ouedraogo (OIF), Florentine Petit (MEN), Jean-Paul Rebaud (MAEE), Madeleine Rolle-Boumlic (FIPF), Vicky Sommet (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).

34. ReportageLa banlieue se met en blog

36. EnquêteLa Louisiane, brillante étoile de la francophonie

38. RessourcesL’actualité en direct de la classe

44. DOSSIER

MÉMO58. À voir60. À écouter62. À lire

INTERLUDES2. Graphe« Voyage »

16. PoésieHaïkus du Québec

40. NouvelleDidier Daeninckx, « Sandrina Spice »

54. BDMarguerite Abouet et Titi, « Vue d’en face »

64. JeuxMots mêlés, etc.

Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org

ÉPOQUE4. PortraitLe roi du mbalax a conquis l’Occident

6. Regard« La guerre des sexes est terminée »

8. MédiaTélévision, quand Internet prend le relais

9. SportUn ange gardien pour les Brésiliens de l’OL

10. Grand angle« Montrer ce qu’est pour moi la Palestine »

12. ÉconomieLes généreuses cigales de l’économie solidaire

14. Librairies francophonesDes livres sur un plateau

MÉTIER 18. L’actu

20. Focus« Comment les discours de presse sont médiateurs et interagissent »

22. Mot à mot

24. ClésLa notion de test

26. ZoomNaviguer vers les rives de la Nouvelle-France...

28. Innovatione-français, dispositif d’apprentissage en ligne

30. Savoir-faireLes noces du théâtre et de l’apprentissage

32. Décryptage Une leçon atypique, la leçon zéro

Un enjeu d’éducation

• Graphe : « Voyage »• Le roi du mbalax aconquis l’Occident

• « La guerre des sexesest terminée »

• Poésie : Haïkus duQuébec

• La notion de test• Dossier : Protectiondes océans, un enjeud’éducation

• Jeux

fiches pédagogiques à télécharger sur :www.fdlm.org

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Protection des océans

Les fiches pédagogiques à télécharger

Entretien « Les scientifiques doivent tenir un discours politique » .............................46 ReportageRelever le défi de Maud............48 InitiativesSensibiliser les écoliers du mondeentier ......................................................50Mémoire Cousteau, la voix du monde du silence .................................................52

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métier // l’actu

18 Le français dans le monde // n° 370 // juillet-août 2010

ZOOM

Du Mexique aux confins de l’Argentine et du Chili,à l’initiative de la Copalc, la FAPF et la Sapfesu,toutes membres de la FIPF, 700 professeurs se sontdonné rendez-vous à Rosario en Argentine, du 19 au 23 avril 2010, pour ces xve Sedifrale, ren-contre et témoignage incontournables où se véri-fie l’engagement inépuisable des professeurs latino-américains.En cette année 2010, les symboles ne manquentpas : le choix de Rosario, la « ville du drapeau » del’unité nationale et de son initiateur, Belgrano, quicroyait aux vertus de l’éducation ; mais surtout leplus important d’entre eux, la célébration du bi-centenaire des indépendances, nourries des

Que vouliez-vous réussir en priorité dans cesSedifrale ? Elda Dagnino : D’abord le programme ! Leprogramme a fait l’objet d’une large réflexionet le choix des quatre parcours – parcours didactique, politique linguistique, dialoguesentre cultures, sciences du langage – avaitdonné lieu à de longues discussions. Il nous im-portait que ce programme puisse nous permet-tre de réunir les meilleurs spécialistes latino-américains à côté des intervenants européenset nord-américains. Enfin, il y avait bien sûr lesuccès public de ces Sedifrale : c’est un bonheurde voir quelque 700 professeurs aussi studieux,que ce soit au moment des conférences ou dansles ateliers. Aujourd’hui, nous pouvons dire queces xve Sedifrale sont un vrai succès. Il était eneffet important pour nous que tous les pays quiont une association soient représentés.

Avec ce thème du congrès, « Du françaisdes Lumières au français aujourd’hui »,quel message souhaitiez-vous fairepasser ?E. D. : Donner l’image d’une langue en mouve-ment au moment où l’on fête le bicentenaire desrévolutions latino-américaines. Montrer com-ment l’héritage des Lumières, qui a inspiré les pa-triotes de ce continent, se prolonge aujourd’hui.Faire voir comment le français bouge et com-ment il nourrit aujourd’hui l’enseignement.

Rosario, enArgentine, a accueilli, du 19 au 23 avril, la XVe session des Sedifrale, le congrès quiréunit tous les quatre ansl’ensemble de la communauté des professeurs du continentlatino-américain. Bilan avecElda Dagnino, présidente duComité d’organisation.

« Faire voir c

trois questions à

idéaux des Lumières françaises. D’où le choix duthème, « Du français des Lumières au françaisd’aujourd’hui », qui entend unir passé et présent,mais surtout signifier un dialogue jamais inter-rompu. Un dialogue qui implique de la part des au-torités françaises responsabilité, mais aussi par-tage : partage d’une langue qui, devait préciserl’ambassadeur de France, M. Asvazadourian, « ap-partient à tous ceux qui la parlent et la font vivre ».Et pas seulement la langue, mais aussi l’avenir decette langue. Sentiment de responsabilité aisément

Les xve Sedifrale et le défi de la relève des générations

700 professeurs se sont donné

rendez-vous à Rosario, la « ville du drapeau » et de son initiateur,Belgrano qui croyait auvertus de l'éducation.

© Photos : Daniel Passerini le français b  

percevable dans les choix du programme marquépar une volonté de marier politique et contenu autour de ce qui fait aujourd’hui l’attractivité d’unelangue : sa capacité à utiliser les formes artistiquespour dire le monde, son inscription dans l’espace des nouvelles technologies, son aptitude à analyser les changements qui affectent un monde en crise et à y répondre par la production de conceptsnouveaux.Pas moins de 150 tables rondes, ateliers, confé-rences, communications ont permis à un public stu-dieux et attentif de puiser de nouvelles raisons d’en-seigner et d’espérer et, surtout, de trouver les bonsarguments pour convaincre autorités politiques, ac-

teurs économiques, parents et étudiants de la né-cessité de proposer des cursus incluant l’apprentis-sage de plusieurs langues. Mais un autre défi attend la pérennité de l’ensei-gnement de notre langue, la relève des générations :un défi qu’a pris parfaitement en compte le pro-gramme de ces Sedifrale en proposant un parcourstout spécialement dédié aux étudiants et jeunes en-seignants. À eux non seulement le français d’au-jourd’hui, mais surtout le français de demain. ■Jacques Pécheur

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19Le français dans le monde // n°370 // juillet-août 2010

L’histoire plurielle du CIEPLongue histoire s’il en est puisqu’elle commenceau xvIIIe siècle, dans la Manufacture royale de Sèvres, symbole de création et surtoutd’artisanat dans l’art de la reproduction du gestepour un objet unique. Curieux destin etsingulière filiation de cette manufacturedevenue école d’excellence de la République en1881, puis Centre de recherches et d’innovationen 1945. Retrouver les fils évidents etmystérieux qui tissent cette histoire, le CIEP mé-ritait publication à la hauteur de son ambition.Ambition d’abord de son fondateur, GustaveMonod, soucieux de doter notre système éduca-tif d’un outil de veille, de comparaison et d’inno-vation. Autant de domaines qui, jusqu’àaujourd’hui, ont fait l’objet de réinterprétationsdiverses par tous ceux qui ont eu en charge de di-riger cet établis-sement : unegalerie deportraits où l’onretrouvera lesapports respec-tifs de chacun.Au final, unlivre d’histoireet un lieu demémoire. ■ J. P.

■ Tristan Lecoq, Annick Le-derlé, Le Centre interna-tional d’études pédago-giques à Sèvres. Une histoire plurielle d’un lieu singulier, 2010.

en bref

Prix de la Francophonie pour le « French Heritage LanguageProgram »Remis par le groupe des ambassadeurs de laFrancophonie, le prix de la Francophonie 2010récompense les initiatives prises par le « FrenchHeritage Language Program » pour permettreaux milliers d’enfants haïtiens, réfugiés sur leterritoire américain depuis le tremblement deterre du 12 janvier 2010, de poursuivre leursétudes en français. Ces nouveaux cours ont étéd’abord créés à Miami en raison de la présenced’une forte diaspora haïtienne dans la ville, avecle soutien de l’Alliance haïtienne de Miami, del’Alliance française et du Consulat de France àMiami. Cette action devrait toucher New York,Boston et Washington. ■ J. P.

Dès l’automne, laFIPF va mettre àvotre service unoutil qui risquefort de vous devenir très vite indispensa-ble. Il s’agit d’une plate-forme collabora-tive destinée à remplacer le site actuel dela Fédération. Elle assurera à tous les adhérents des as-sociations un accès facile et personnaliséà toutes sortes de contenus profession-nels et offrira à chacun un bureau virtuelévolutif et performant.Les associations pourront y créer ou yhéberger gratuitement leur site. Descommunautés virtuelles de travail per-mettront à des groupes de professeursde partager des documents, de créer unagenda commun et d’échanger des idéesau sein de forums. Elle comprendra aussiune grande bibliothèque en ligne et unespace de formation à distance.La partie en accès libre de la plate-formesera destinée à faire connaître la FIPF etses actions. Elle permettra d’accéder à lapartie mise en ligne du Français dans lemonde, à Francparler.org et au bulletinÉchanges.Sa partie à accès limité proposera une logithèque en ligne, une banque de ressources pédagogiques figées (littéra-ture, ouvrages didactiques de référence)et une banque de ressources vivantes oùs’opèrera la mutualisation des expé-riences pédagogiques des adhérents.Enfin, les possibilités d’accès à la banquede données de la Fédération, de partagede données et de fichiers, de paiementdes cotisations en ligne, de votes électro-niques, etc., permettront une gestionplus moderne de la FIPF. ■

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Billet du président

Jean-Pierre Cuq, président de la FIPF

Une plate-formeprofessionnelle etassociative

« Le vrai défi aujourd’hui,c’est la relève des générations :d’où le paracours jeune quenous avons aménagé dans cesSedifrale. »

Vous êtes optimiste sur la situation du fran-çais en Amérique latine ? E. D. : Il n’y a pas de problème grave, le fran-çais reste demandé et enseigné. Il y a une dy-namique forte… La question de la formationdes professeurs reste une préoccupation per-manente. Regardez ici, en Argentine, nous dis-posons d’un réseau encore dense d’instituts deformation et nous nous donnons les moyens dedévelopper d’autres modes de formation, quece soit la formation à distance ou l’autoforma-tion. Les services culturels continuent aussi àjouer leur rôle, en particulier par leur soutien àla formation continue. Le vrai défi aujourd’hui,c’est la relève des générations : d’où le parcoursjeune que nous avons aménagé à l’intérieur deces Sedifrale à l’attention des professeurs endébut de carrière. Ce qui est sûr, c’est que nousne manquons pas de candidats pour le profes-sorat de français car ça reste pour les postulantsune possibilité de trouver du travail. ■

Propos recueillis par Jacques Pécheur

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Par Jacques Pécheurmétier // focus

20 Le français dans le monde // n° 370 // juillet-août 2010

Pourquoi cette passion pour lapresse ?Sophie Moirand : Cela tient à monhistoire personnelle : le projet de devenir journaliste qui m’a conduiteà faire pendant plus d’un an un stageà La Presse de la Manche en mêmetemps que je commençais mes étu -des à l’université ; le choc que j’aiéprouvé quand, adolescente en Algérie, j’ai découvert le journal Le Monde avec des articles censurés.Et puis, quotidiennement, je lis plu-sieurs journaux.Cela dit, tout le monde est exposéaux médias et leurs discours sonttrès présents. D’où la place que mesemble devoir leur réserver l’ensei-gnement des langues, aussi bien ma-ternelle qu’étrangère, compte tenude leur importance politique, éduca-tive, culturelle, et du rôle qu’ilsjouent dans la formation des ci-toyens.Quant à mon travail universitaire,s’il porte sur les discours des mé-dias et sur l’exposition à ces dis-cours, il a aussi porté sur le discoursuniversitaire, le discours scienti-

fique et le discours de vulgarisa-tion, discours pour lesquels j’ai éla-boré, avec d’autres, des outils théo-riques d’analyse.

Pour étudier la presse, vous avezfait de l’analyse de discours votreprincipal instrument. Vous insistezsur la spécificité des instrumentset des orientations de l’analysede discours à la française :comment la caractériseriez-vous ? S.M. : L’analyse de discours enFrance est fortement liée à l’essor dessciences humaines au début des an-nées 1970. Par rapport à l’analyse dediscours telle qu’elle s’est dévelop-pée en Europe du Nord sous le nomde Critical Discourse Analysis, l’ana-lyse de discours à la française ac-corde une importance très grandeaux formes de la langue. Les théoriesde Michel Pêcheux, l’idée que le sensne vient pas du sujet mais qu’il secrée dans le discours et dans l’his-toire à travers le travail de la mé-moire, ont favorisé cette approche.Elles ont conduit à ne pas se conten-ter d’une description, qu’elle soit lin-

La presse constitue l’objetauquel Sophie Moirandaccorde toute son attention.Avec une approcheparticulière, celle de l’analysede discours. Entretien.

sont médiateurs et interagissent »

Sophie Moirand est pro-fesseur en Sciences dulangage à l’universitéSorbonne nouvelle-Paris 3 et membre duCentre de recherche surles discours ordinaireset spécialisés(Cediscor). Elle a publiéde nombreux ouvragesdont certainsconstituent encoreaujourd’hui desréférences pour la didac-tique du FLE. C’est àpartir du Français dansle monde, utilisé commecorpus, qu’elle a fondéson approche spécifiquede l’analyse dediscours.

L’enseignementdes langues doit

réserver une placeimportante à lapresse, compte

tenu du rôleessentiel qu’elle

joue dans laformation des

citoyens.

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« Comment les discours de presse

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21Le français dans le monde // n°370 // juillet-août 2010

« Le rôle du médiateur,c’est d’arriver à mettreen dialogue différentstypes de discoursempruntés à descommunautéslangagières, sociales oudiscursives. »

Observer, analyser,comprendre la pressequotidienneComment la presse construit-ellel’évènement et comment celui-ciconstitue-t-il un moment discursif àpart entière ? À partir de corpus tou-chant différents évènements (OGM,grippe aviaire), Sophie Moirands’attache, au fil des chapitres, à déga-ger les « récurrences, répétitions, refor-mulations de mots » ; à rendre comptedes opérations de désignation et decaractérisation qui sont autant demanières de représenterverbalement l’évènement ; àanalyser les « manières de dire » parlesquels les locuteurs disent ce qu’ilsen perçoivent ; enfin à s’aventurer, au-delà de la description, vers ce qui estconstitutif du discours, non pas lamais lesmémoires desmots quiconstruisent,« au fil du traite-ment des évène-ments, une mé-moire collectivemédiatique ».

Sophie Moirand, LesDiscours de la pressequotidienne, PUF,2008.

guistique, pragmatique ou énoncia-tive, des formes de la langue mais àregarder du côté des autres scienceshumaines, que ce soit les sciences del’information et de la communica-tion, la psychologie sociale, la philo-sophie ou l’histoire avec la viséescientifique de produire une explica-tion. On ne va pas s’attacher seule-ment au contenu, à l’environnementsocial des discours, mais aussi auxmanières de dire. Cela est dû biensûr à la place tenue par les théoriesénonciatives à travers les travaux deBailly, Benveniste ou Culioli, par la redécouverte des théories deBakhtine sur le dialogisme et lesgenres de discours et par les théories

sémantiques qui ont permis ces der-nières années de nouveaux travauxempruntant à la sémantique discur-sive et à l’énonciation.

Qu’il s’agisse du discoursuniversitaire, de vulgarisation oude la presse quotidienne, lesmédiateurs sont au cœur de vospréoccupations. S.M. : C’est vrai que les médiateurssont au centre de mes travaux maisplutôt que de m’intéresser aux acteurs, j’ai mis l’accent sur les dis-cours, et plus précisément sur lesrencontres des discours entre eux. Le rôle du médiateur, c’est d’arriverà mettre en dialogue, de manièreparfois consciente et parfois incons-ciente, différents types de discoursempruntés à des communautés lan-gagières, sociales ou discursives. Cequi m’intéresse, c’est donc moins lesacteurs que le dialogue entre les dis-cours, la manière dont les discourssont médiateurs et interagissent.Dans la presse, un médiateur, par ledialogue qu’il organise entre les dis-cours, va ainsi faire se rencontrer desparoles prononcées par des per-sonnes qui, dans l’espace public, nese rencontrent jamais.

Vous vous intéressez aussibeaucoup au rôle de la mémoire.S.M. : Dans l’analyse de discours à lafrançaise, la mémoire est placée endehors du sujet, dans les mots. Il y adonc une mémoire discursive. Halb-wachs, à qui l’on doit l’idée de mé-moire collective, nous dit que ce sontles autres qui nous rappellent dessouvenirs. Et je pense que là, les mé-dias jouent un rôle important : à par-tir d’un évènement, ils vont faire allusion à d’autres évènements anté-rieurs mais aussi aux acteurs et créerainsi des échos mémoriels. Ce quim’intéresse ici, c’est la relation entremémoire cognitive, mémoire inter-discursive et mémoire collective.J’entrevois un champ de recherchesprometteur autour de la notion deculture discursive.

Quel rôle ces outils d’analysepeuvent-ils jouer dans la formationà la lecture de la presse ?S.M. : Les Anglais ont conçu pourl’enseignement de l’anglais unData-Driven Learning : il s’agit d’unebanque de données qui permet demettre en ligne, à la disposition desétudiants, des corpus sur lesquels ilspeuvent repérer eux-mêmes des

formes, des références à la mémoire,qui font qu’ils vont travailler à la foissur la presse, sur la langue et sur lediscours. À nous de mettre à disposi-tion pour le français des corpusconstruits d’évènements qui permet-tent aux étudiants de repérer les dif-férents contextes des mots, voir com-ment le sens se construit, repérerl’épaisseur du mot mais aussi appré-hender sur un même évènementcomment on va désigner des acteursde manière différente ou encore observer comment le sens s’inscritdans l’acte de nommer. ■

à lire

La presse, par le dialogue qu’elleorganise entre les discours, fait serencontrer des paroles prononcées par despersonnes qui, dans l’espace public, ne serencontrent jamais.

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Par Bernard Cerquiglinimétier // mot à mot

22 Le français dans le monde // n° 370 // juillet-août 2010

Bernard Cerquiglini, éminentlinguiste et spécialiste reconnude la langue française, révèle et

explique chaque jour surTV5Monde une curiosité

verbale : origine des mots etexpressions, accords pièges etorthographes étranges… Il aaussi accepté de régaler de sesexplications gourmandes la

curiosité des lecteurs duFrançais dans le monde.

Merci Professeur !

Ne  craignons  pas  d’être  un  peu puriste. À bon escient du moins. Jen’aime  pas  que  l’on  confonde  laconjoncture et la conjecture. Certesles deux mots sont savants, et ils seressemblent. Mais leur emploi et leursens n’ont aucun rapport.Dans conjoncture, il y a fondamenta-lement l’idée de joindre. La conjonc-ture, c’est au départ une liaison d’évè-nements  concomitants,  dans  unesituation donnée. On parlera de fataleoud’heureuse conjoncture, comme dela conjoncturepolitique, syndicale, etc.

Cependant, depuis le xxesiècle, le sensde conjoncture s’est précisé. Ce termedésigne habituellement la situationéconomique ou financière : fléchisse-ment de la conjoncture. C’est un motsavant. Les romanciers du Moyen Âgenommaient conjointure l’art d’arran-ger habilement un récit. Au xve siècle,le terme a été refait sur le latin conjuc-tura pour désigner une conjointured’évènements.Rien à voir avec la conjecture, qui futempruntée  au  xiiie siècle  au  latinconjectura, de cum (« avec ») et jacere

Conjoncture et conjecture(« jeter »), c’est-à-dire « le fait de jeterensemble »,  et  donc  de  combinerdans l’esprit, d’imaginer. Une conjec-ture,  c’est  une  idée  que  l’on  s’est formée. Elle n’est pas vérifiée, les em-plois n’en sont pas toujours favora-bles : conjectures chimériques ou gra-tuites. La conjecture en somme, c’estune hypothèse que l’on forme quandon est dans l’incertitude.La conjoncture est donc claire : cesdeux  termes  sont  bien  distincts.Pourquoi  les  confond-on ?  Je meperds en conjectures.

Bon usage

Dites-moi Professeur…

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Page 9: Le français dans le monde - Numéro 370

23

On me demande souvent s’il convient de sabrer oude sabler le champagne. Certes, au xIxe siècle, des officiers de cavalerie, passablement éméchés, offraient du champagne aux pensionnaires de cer-taines « maisons », en sabrant le col des bouteilles.Mais laissons cela aux nostalgiques de la BelleÉpoque. Normalement, on sable le champagne.Le verbe sabler possède plusieurs sens, tous dérivésdu mot sable. « Répandre du sable » tout d’abord :on sable une autoroute verglacée. « Polir à l’aided’un jet de sable » ensuite. Enfin, dans le vocabu-laire de la fonderie, « couler du métal en fusion dans un moule fait de sable ».On comprend que du sens « verser promptement un(métal) liquide », on soit passé, dès le xVIIe siècle, àla signification « boire d’un trait ».

L’expression est des plus courantes au xVIIIe siècle.J’ai relevé dans Jacques le fataliste de Diderot :« Tout en balbutiant, Jacques, en chemise et pieds nus,avait sablé deux ou trois rasades. » De bon matin,Jacques est déjà en train de boire… du champagne !Car, dès cette époque, sablerau sens de « boire » sem-ble se restreindre à l’usage de cette boisson. C’est l’em-ploi actuel, qui s’est ailleurs précisé : on sablele cham-pagne en compagnie, à l’occasion d’une cérémonieou d’une réjouissance. Le côté festif a remplacé la ra-pidité, voire l’abondance de la consommation.Évolution curieuse : pourquoi sablers’est-il restreintau champagne ? À dire vrai, je n’en sais rien. Un lec-teur de la région de Reims et d’Épernay possèdepeut-être la réponse. Qu’il me l’envoie ! Nous fête-rons cela ensemble !

L’orthographe française fait un emploi subtil de lalettre t, suivie d’un trait d’union ou d’une apostrophe. Tout d’abord, afin d’éviter un hiatus, on intercaleun t, précédé et suivi de traits d’union, entre unverbe qui finit par une voyelle et un pronom quicommence également par une voyelle (il, elle, on).Ces pronoms sont postposés au verbe dans le casd’une interrogation, dans une incise, ou quand laphrase commence par un adverbe comme peut-être. On écrira donc : « Arrivera-t-on ce soir ? Oui,a-t-il répondu. Et peut-être pense-t-elle de même. »Jusqu’au xVIIe siècle, la langue n’employait pas tou-jours ce tanalogique. C’est le grammairien Vaugelas,qui en a fixé l’emploi, entre deux traits d’union,

condamnant aussi bien « aime-il » que « aime-t’il ».En effet, t suivi d’une apostrophe possède un toutautre usage. Il est une forme élidée du pronomcomplément te devant un verbe ou un pronomcommençant par une voyelle : « Je t’attends »,« Garde-t’en ». La langue parlée et familière élideégalement le pronom sujet tu : « Non mais, t’es pasun peu dingue ? » Quand on écrit une telle forme,par exemple dans un dialogue de roman, on utiliseaussi l’apostrophe. Ne confondons pas ces deux emplois de la lettre t. Exer-cice pratique : on distinguera l’interrogation « Va-t-on ? », qui relève du premier cas, et l’impératif « Va-t’en ! », qui appartient au second. C’est tout simple.

T’écoute-t-il ?

Orthographe

Sabler le champagne

expression

Le français dans le monde // n°370 // juillet-août 2010

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Par Paola Bertocchini et Edvige Costanzo (Italie)métier // clés

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La notion de testLe mot test, désignant

un examen ou unesimple épreuve de

contrôle, peut recouvrirdes réalités différentes,qu’il évalue des savoirs

ou des performances.

Le mot test fait son appari-tion en didactique duFrançais langue étrangèreà l’époque des méthodesstructuro-globales-audio -

visuelles (SGAV). Identifié commeépreuve « objective », il affiche alorsune valeur d’évaluation scientifique.Aujourd’hui, alors que l’approchecommunicative et la perspective actionnelle entendent évaluer lacommunication à travers des épreu -ves « authentiques », le mot test sem-ble avoir récupéré en français le senslarge qu’il a en anglais.

Les tests discretsD’après la définition que Jean-ClaudeMothe donnait du test comme

« épreuve à questions nombreuses,contraignantes, standardisées et né-cessitant une réponse brève », un testserait une épreuve censée s’appro-cher le plus possible de l’objectivité.Il doit obéir à des critères de validité,de fiabilité et d’objectivité. Un test estvalide s’il mesure réellement ce qu’ilest censé mesurer, c’est-à-dire s’il esten adéquation avec les objectifsfixés ; fiable/fidèle si les résultatsqu’il donne sont reproductibles dansdes moments et des contextes diffé-rents ; objectif si les résultats obtenuspar les apprenants sont les mêmes,quel que soit l’examinateur. Pour que ce dernier critère soit res-pecté, il faut que l’objectivité soit assurée au moment de la passation(les conditions doivent être lesmêmes pour tous les apprenants :nature de l’épreuve, consignes,durée, etc.), du dépouillement (le ba-rème et le seuil de réussite doiventêtre fixés à l’avance), et de l’interpré-tation (le rapport entre les notes par-

Un test doit obéir à descritères de validité, defiabilité et d’objectivité.

Paola Bertocchini etEdvige Costanzo sontenseignantes etformatrices. Elles sontles auteures duManuel de formationpratique pour leprofesseur de FLE(CLE International).

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D’après la définition de J.-Cl. Mothe, un test est une épreuve censée s’approcherle plus possible de l’objectivité.

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La fiche pédagogiqueà télécharger sur :www.fdlm.org

Impossible, quand onévalue des performances,d’éliminer complètement lapart de subjectivité...

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tielles et la note globale doit être fixéà l’avance). Un test qui obéit à ces caractéristiques évalue les savoirs etse présente comme une épreuve discrète, indirecte et analytique. À l’heure actuelle, où le débat autourde la nécessité d’une évaluation« authentique » de la communica-

tion/interaction est loin d’être ter-miné, ce genre de tests reste impor-tant car il garantit, à côté de l’écono-mie de passation, la fiabilité desrésultats, surtout quand il s’agitd’évaluer la compétence linguis-tique. Ainsi n’est-il pas inutile d’enrappeler les typologies les plusconnues, telles que :■ les tests d’appariement (ou de miseen correspondance), où l’on demandeà l’apprenant d’associer des élé-ments qui vont ensemble (des motsisolés aux parties de phrases) ;■ les questionnaires vrai/faux (oubinaires, ou à questions fermées), uti-lisés pour contrôler la compréhen-sion orale ou écrite ;■les textes lacunaires (ou à trous), oùl’apprenant doit remplir des blancscréés par l’enseignant dans un textesuivi et qui conviennent à uncontrôle grammatical ou lexical ;■ les puzzles, qui peuvent aller de lareconstitution d’une phrase (pourdes débutants) à celle d’un textedont les parties sont données en dés-ordre. C’est une épreuve intéres-sante pour la compréhension écrite,car elle demande la mise en placed’une compétence textuelle à géo-métrie variable (du fait divers autexte argumentatif) ;

■ les questionnaires à choix multiples(QCM), qui présentent une suite dequestions ou de débuts de phrases,suivie chacune de trois à cinq propo-sitions de réponse ou de complète-ment de phrases parmi lesquellesl’apprenant doit choisir l’uniquebonne solution ; ■ les tests de closure, où les trous pré-sents dans le texte ne dépendent pasdu choix de l’enseignant, mais sontfixés de façon automatique (tous lesx mots).

Les tests directs et l’évaluation« authentique »L’ambition aujourd’hui est d’évaluerdes performances, comme le montrecet exemple tiré du Cadre européencommun de référence (p.  136) :« Lors de l’élaboration de la spécifica-tion des épreuves d’une évaluationcommunicative, […] un test conçurécemment illustre ce point en ce quiconcerne l’évaluation de l’expressionorale. On y trouve d’abord une conver-sation simulée […] ; ensuite une discussion informelle sur des sujetsd’ordre général […] ; suivie d’unephase de transaction, […] soit en faceà face, soit en conversation télépho-nique simulée. »Il s’agit là, de toute évidence, de

L’ambition estaujourd’hui d’évaluer des performances.

tâches évaluatives contextualisées,bien proches de l’authentique. Maison sait bien que ces tâches se situentplutôt du côté des épreuves subjec-tives et que l’élaboration d’épreuvesdirectes, fiables et valides, présentedeux inconvénients majeurs : un investissement lourd en termes detemps et de supports à prévoir, etune correction dont il est impossibled’éliminer complètement la part desubjectivité. Que faire alors pour pallier ces inconvénients ? Toujours d’après leCadre, on peut pratiquer une dé-marche de « réduction de la subjecti-vité » qui peut être ainsi résumée :préciser les contenus de l’évaluationsur la base de paramètres de réfé-rence communs au contexte dont ilest question ; travailler en équipepour la sélection des contenus etl’évaluation des performances ; éta-blir les mêmes procédures pour lapassation des épreuves ; établir descritères de correction univoquespour les épreuves d’évaluation directe ; utiliser l’analyse des résul-tats des épreuves pour en vérifier lavalidité et la fiabilité.Mais si cette démarche est justifiéed’un point de vue instrumental (voirla standardisation des certifica-tions), elle n’est pas dépourvue decontradictions, surtout en contextescolaire. Si la didactique des languesest, en effet, de plus en plus orientéevers l’approche par les tâches suggé-rée par la perspective actionnelle,« cela ne va pas simplifier le pro-blème », comme le dit ChristianPuren1. « Puisque c’est principalementle produit final d’une activité person-nelle ou en petits groupes qui devradésormais être évalué, […] commentfaire la part, dans l’exposé collectifd’un groupe d’élèves, entre les compé-tences langagières et les compétencesculturelles de chacun, la maîtrise desressources documentaires, ou encorel’efficacité du travail de groupe ? »Tests objectifs ou évaluation surtâche, le problème reste ouvert. ■

1. Puren, Ch., « La problématique de l’évaluation endidactique scolaire des langues », in Les Languesmodernes, n° 2, 2001, p. 15.

Bibliographie■ Lussier, D., Évaluer les apprentissages dans

une approche communicative, Hachette,coll. F, Paris, 1992.

■Mothe,J.-Cl., L’Évaluation par les tests dansla classe de français, Hachette/Larousse,Paris, 1975.

■Noël-Jothy, F., Sampsonis, B., Certificationset outils d’évaluation en FLE, Hachette, coll. F, Paris, 2006.

■Tagliante, Ch., L’Évaluation et le Cadre euro-péen commun,CLE International, coll. Tech-niques de classe, Paris, 2005.

■Veltcheff, C., Hilton, S., L’Évaluation en FLE,Hachette, coll. F, Paris, 2003.

Les certifications cherchent,par leur standardisation, à rendrel’évaluation plus objective.

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Par Manfred Overmann (Allemagne)métier // ZOOM

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Naviguervers les rives

Au départ, il y avait son intérêt pour lemultimédia et le désir de baliser les

ressources accessibles aux enseignantsde français sur Internet. Manfred

Overmann en est venu à la créationd’un portail collaboratif consacré au

Québec. Récit d’un projet au long cours.

Du courage, mes amis !Ne craignez ni les pirates, ni les tempêteset la puissance duvent, ni le naufrage ou

le risque du scorbut lorsque la mer setransforme en une nappe d’huile etque le voyage s’éternise ! Je vais vousparler de mon projet sur le Québec etvous inciter à naviguer avec vosélèves vers les rives de la Nouvelle-France pour y découvrir les vrais dia-mants que Jacques Cartier n’a jamaistrouvés et dont le trésor s’est accrudepuis plusieurs siècles : l’histoire etla culture québécoises. C’est en 1608

que Samuel de Champlain, aprèsavoir exploré le Saint-Laurent, a fondéla ville de Québec. En 2008, 400 ansaprès, j’ai créé un portail multimédiaconsacré au Québec.À l’origine de mon aventure se trou-vent l’amour pour le monde franco-phone et l’envie commune à tous leshommes d’être utile. J’avais com-mencé en 1997 à créer un site-portail qui pourrait servir de guide, repère et point de départ à une na-vigation sur Internet adaptée auxbesoins des cours de FLE. Il fallaitprocéder à un « défrichage » afin deconstituer une sorte de manuel

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de la Nouvelle -

Manfred Overmann enseignele Français langue étrangèreà l’École supérieure depédagogie de Ludwigsburg.

aller sur■www.cours-quebec.info un site « auquel vous pouvez aussi ajouter votreperle précieuse afin devenir habiter ce pays de laquébécitude »■ http://portail-du-fle.info

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électronique pour l’organisationd’un cours de langue, de littératureou de civilisation.

Perspective actionnelle,multimédia et francophonieMais la mise à disposition de textesauthentiques et de ressources péda-gogiques reste insuffisante tant quela réflexion sur les passerelles méthodologiques ne conduit pas directement à l’élaboration de coursprêts à l’emploi, malléables et cen-trés sur l’élève apprenant. J’ai doncvoulu créer des modules multimé-dia didactisés pour les apprenants

de FLE, tout en conjuguant lesatouts d’un cartable électronique etla nouvelle perspective actionnelleprônée par le Cadre européen com-mun de référencedepuis 2001. L’idéeétait donc de mettre à la dispositiondes apprenants, acteurs sociaux internautes, des matériaux didac-tiques différenciés, des pistes d’ex-ploitation multiples et des scénariosd’apprentissage multidimension-nels afin de favoriser le travail en autonomie dans le contexte d’une pédagogie de projet.Et le Québec dans tout cela ? Aprèsavoir élaboré des modules pour les

niveaux B1 à C1, j’ai été amené, pardes discussions avec des collègues etsuite à la demande d’un éditeur, àtravailler sur la colonisation et lespremiers explorateurs. C’était là unebelle occasion de combler mes lacunes en histoire ! Et il était aussigrand temps de quitter l’Hexagonepour enrichir les cours grâce à la récolte des fruits que je trouveraisdans l’espace francophone…

Didactisation hypertextuelleLe site s’est construit peu à peu, au-tour d’une première didactisationhypertextuelle : celle de la chansondu Québécois Michel Rivard « Lecœur de ma vie ». Ce premier travailm’a conduit à la création des ru-briques « Histoire », « Géographie »,« Langue » et « Littérature » sur lesite pour mettre en place un réseauintertextuel et faciliter une approcheinterdisciplinaire, puis à un abécé-daire de la civilisation québécoiseévoquant, pour prendre l’exemple dela lettre C, aussi bien les coureurs desbois que le canot à glace, les cajuns,le caribou, la cabane, Cartier ouChamplain ! Avec leurs fiches péda-gogiques multiples, les modules enligne sont destinés soit à une étudeen classe, soit à un travail en autono-mie en salle multimédia.Le site s’est enrichi progressivement,à l’aide notamment des travaux demes étudiants qui se préparaient àl’enseignement du français. J’avaisen effet conçu mon travail sur lachanson de Michel Rivard commeun modèle de didactisation. Lesmeilleures de leurs exploitations pédagogiques ont été intégrées auportail, conçu dès le départ commeun espace collaboratif. Mon projet a reçu le soutien de diffé-rentes institutions québécoises : leBureau du Québec à Munich, le mi-nistère des Relations internationaleset le ministère de l’Éducation duQuébec, et l’Association internatio-nale des études québécoises. J’ai pu

présenter mon site lors du congrèsmondial de la Fédération internatio-nale des professeurs de français àQuébec en juillet 2008. Je suis alorsdéfinitivement tombé en amour de cepays que je ne connaissais que parmes aventures livresques ! Notre charmante chambre d’hôtesdans l’une des plus anciennes ruesdu Vieux-Québec, à l’intérieur desfortifications, l’effervescence d’uneville qui attendait Paul McCartneypour un immense concert gratuit surles plaines d’Abraham, nos rencon-tres – notamment avec le photo-graphe François Rivard qui a acceptéde mettre quelques-unes de ses photos à ma disposition pour embel-lir mon projet –, le voyage en charavec ma blonde pour parcourir les forêts en direction du Grand Nord yont été pour beaucoup ! Le congrèsa aussi été l’occasion d’assister à uneprésentation de l’histoire de la Nouvelle-France à travers la chan-son identitaire, souverainiste et indépendantiste – idée que j’ai reprise pour l’illustration de la rubrique « Histoire ». Mon projet a suscité beaucoup d’in-térêt et j’ai été invité à venir le pré-senter à San José, aux États-Unis, àBangalore, en Inde, et à Podebrady,en République tchèque. Quelque40 000 internautes sont, à ce jour,venus visiter le site. Pour mieux sen-tir et comprendre la beauté et la vitalité de la langue québécoise,nous avons commencé début avril2010, avec le soutien du directeur du Bureau du Québec de Berlin, à enre-gistrer les textes de la page d’accueildans un français québécois authen-tique. Le module sur la géographie etune partie de l’abécédaire serontaussi enregistrés prochainement. Du Québec, je suis passé à la franco-phonie. Et je travaille astheure à desmodules multimédia prêts à l’emploisur le sujet. À vous de mettre lesvoiles et bon voyage au pays de laquébécitude ! ■

France...Au Québec, Manfred Overmann a rencontré le

photographe François Rivard, qui a accepté de mettrequelques-unes de ses photos à sa disposition pourillustrer le site.

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Par Sébastien Jaffrédométier // innovation

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dispositif d’apprentissage

L’Institut franco-japonais de Tokyovient d’ouvrir un dispositif

d’apprentissage en ligne, e-français.Retour d’expérience sur ce projet.

Sébastien Jaffrédoest responsable descours en ligne àl’Institut franco-japonais de Tokyo.

Faire des cours en ligne ?La question est devenueobsédante pour toutes lesinstitutions d’enseigne-ment du français. S’il

existe beaucoup d’excellentes raisonsde s’y lancer, il y en a sans doute plusencore pour y renoncer…Au Japon, il était tentant, dans unmarché aux perspectives globales decroissance faibles ou négatives, demettre à profit le haut niveau d’équi-pement informatique du pays pours’adresser à des publics négligés :zones géographiques isolées et actifsurbains en demande de flexibilité. Àl’Institut franco-japonais, l’objectifétait de renouveler l’audience et doncde toucher de nouveaux publics. Il adonc imposé d’opter pour le françaisgénéral et le niveau débutant. Au commencement du projet, deuxfacteurs ont été déterminants : lacompétence interne et la prioritéstratégique qui lui a été accordée.Pour la compétence : l’existenced’une cellule de cours par corres-pondance bien rôdée ; des profes-seurs-concepteurs connaissant àfond leur public ; un responsable informatique capable et disponible ;et, pour le chef de projet, l’expé-rience de projets d’ingénierie péda-gogique. Quant aux choix stratégiques, ils reposaient au départ sur un postulatsimple : donner à l’apprenant devraies chances de réussite. Il s’agis-sait de dépasser l’autoapprentissagehabituel en le complétant par le

tutorat, le contact synchrone et, sipossible, la rencontre en présentiel.D’où la nécessité de prévoir, pourl’apprenant à distance, un réseauserré d’obligations et de sollicita-tions qui permettent de surmonter lesentiment d’isolement ou les blo-cages, et de soutenir sa motivation. C’est dans ce but qu’ont été définisau départ des éléments essentiels :cours en présentiel, rendez-vous téléphoniques, rendus réguliers,évaluation personnelle, carnet denotes pour piloter la progression del’apprenant. Le tuteur s’est vu confé-rer un rôle de pivot dans le système :

c’est à lui qu’est transférée la compé-tence de gestion de classe.

De l’étude des besoins au lancement commercialÀ partir de ces choix initiaux, la miseen place du projet s’est faite en plu-sieurs étapes. Dans un premiertemps, une étude des besoins qui apermis de tester des hypothèses de dé-part, d’identifier attentes et craintes.Sur cette base, une définition finedu dispositif (fonctionnalités,rythmes). Puis, une étude techniquepour la sélection des outils logiciels etmatériels. Ensuite, en association

Le tuteur a un rôle de pivot dans lesystème : c’est à lui qu’est transféréela compétence de gestion de classe.

e-français,

en ligne Les cours en présentielrestent malgré tout un élémentessentiel du dispositifd’apprentissage en ligne.

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avec les concepteurs, l’établissementd’un curriculum, c’est-à-dire, sur labase du Cadre commun européen deréférence, la définition d’un plan dé-taillé des contenus et de la progres-sion qui tienne compte des difficultéset des besoins spécifiques du publiclocal. Enfin, la mise en place d’uneméthodologie et d’un calendrier deréalisation (conception, prise de son,développement, mise en ligne).Quant à la réalisation d’une leçonmodèle complète, elle a permisd’identifier et de résoudre la plupartdes difficultés pédagogiques et tech-niques. Dans un second temps,l’équipe de concepteurs a commencéla rédaction des leçons, qui ont étéensuite intégrées à la plate-forme parun développeur, possédant des com-pétences à la fois techniques et di-dactiques. Le lancement d’un pilote, à savoir untrimestre d’études en conditionsréelles, s’est opéré sur un échantillonlimité d’apprenants pour tester ledispositif, l’organisation administra-tive et le rôle d’un tuteur de réfé-rence : il sera par la suite un relais decompétence. L’étude de satisfactionqui a accompagné ce lancement,puis la commercialisation ontconduit à certaines modifications dudispositif et permis de passer à unesystématisation du développementet à un élargissement progressif del’offre de leçons.

Un modèle reproductible ?Aujourd’hui, e-français comprendtrois parcours actifs, et de nouveauxparcours sont programmés pour cou-vrir les niveaux allant de A1 à B1. Si sapérennité n’est pas encore assurée, lesrésultats très positifs de l’enquête desatisfaction montrent que le dispositifmis en place fonctionne et répond auxbesoins et attentes de notre public.Cette formule est-elle pour autant reproductible ailleurs ? Certains élé-ments peuvent poser des difficultés detransposition, notamment les contenusbilingues qui doivent être retraduits, laréférence à des réalités culturelles locales, les activités de phonétiqueconçues ici en fonction du crible pho-

L’Institut franco-japonais de Tokyo a choisi pour son enseignement en ligne des cours de français général dès le niveau débutant.

nologique japonais et une progressiongénérale fondée sur un rythme d’ap-prentissage qui ne conviendrait pas àdes apprenants de langue premièreindo-européenne. Surtout, les condi-tions particulières à chaque institutiond’apprentissage du français exigentdes solutions différentes. Pour autant, cette expérience pour-rait servir de base pour la créationd’une « boîte à outils », méthodolo-gique et technique, reprenant et sys-tématisant la démarche du projet etcomplétée par des outils organisa-tionnels ou logiciels. Un nouveauchantier en perspective ? ■

aller sur■ http://e-francais.jp Pour voir une leçon type : ■ http://moodle.institut.jp

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Deux facteurs ont été déterminantspour la mise en place du dispositif :la compétence interne et la prioritéstratégique donnée au projet.

UN DISPOSITIF COMPLET ET COMPLEXEL’apprenant d’e-français s’inscrit pour un trimestre. Avec son identifiant, il seconnecte à la plate-forme, qui lui donneaccès à cinq leçons, contenant environquarante heures de contenus d’appren-tissage. Il peut suivre sa progressiongrâce à un tableau de bord personnel.Chaque leçon se termine par une partie« devoir » qu’il doit compléter à date fixe.Les activités de production écrite et orale(enregistrées par l’apprenantdirectement dans la plate-forme) sontévaluées et commentées par le tuteur.Une fois par trimestre, il doit rendre un devoir manuscrit pour s’entraîner àécrire sur le papier. Le trimestre est également rythmé pardes rendez-vous « synchrones » : trois regroupements présentiels endébut, milieu et fin du trimestre, et trois rencontres de quinze minutes partéléphone ou grâce au logiciel Skype, individuelles et évaluées. En fin detrimestre, l’apprenant reçoit une note globale et, souhaitons-le lui, un certificatde réussite. Il dispose aussi d’un « délaide grâce » de trois mois supplémentairespendant lesquels il peut continuer à voirles contenus en ligne. ■

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métier // savoir-faire

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Les noces du théâtre

Adrien Payet estanimateur de théâtre

pour des apprenants deFrançais langue

étrangère dans desétablissements

aragonais, en Espagne.Il anime également des

formations deformateurs en théâtre

FLE. Témoignage.

Tout a commencé à Chypre lorsque j’étaisétudiant en anthropolo-gie. J’ai profité de l’occa-sion d’un stage pratique

pour réaliser un documentaire sur lesfêtes de Pâques selon le rite ortho-doxe dans l’île. Pendant le tournage,je me suis passionné pour ce lieu,tant et si bien que j’ai décidé de m’yinstaller. Ne parlant ni grec ni turc, jeme suis dirigé vers l’Alliance fran-çaise de Limassol pour proposer desateliers de théâtre en français.Oh ! Je ne l’ai pas fait par hasard : àla base, je suis comédien et metteuren scène. Je me suis passionné pourle théâtre en le pratiquant au collègedès l’âge de 11 ans. Je suis ce qu’onappelle « un mordu de la scène »,bien décidé à persévérer dans lemonde du théâtre. À 16 ans, j’ai crééma première association, nomméeKino, dont le but était de promouvoirl’expression artistique comme moyend’extériorisation chez les adoles-cents. Nous avions élaboré plusieursprojets, entre autres théâtraux et

audiovisuels. L’été, je partais en tour-née pour faire des spectacles de café-théâtre dans les campings des Alpes-Maritimes, avec deux copains, mamobylette et une guitare ! J’ai passéun bac option Théâtre, tout en tra-vaillant comme comédien dans unecompagnie niçoise. J’ai fait ensuitemes premiers pas dans la réalisationaudiovisuelle, et je suis entré dans lecursus Art, communication, langageà l’université de Nice. À l’Alliance française, j’ai d’abord eu une approche anthropologique.Grâce au caractère spontané des im-provisations, mes élèves s’expri-maient naturellement et me dévoi-laient un peu de leur personne et de

leur culture. J’obtenais là ce que jen’avais pas réussi à atteindre avecmon documentaire car les personnesinterviewées, se sachant enregistrées,changeaient de comportement dèsqu’elles étaient face à la caméra.

De l’accompagnement ludiquede l’apprentissage…L’atelier-théâtre a créé un fortéchange culturel et humain dans lequel j’apportais ma culture fran-çaise tout en apprenant à connaîtreles habitants du pays dans lequel jevivais. Mes principaux objectifs pédagogiques : faire découvrir laculture francophone et apprendre leplaisir de s’exprimer pleinement enlangue étrangère. Au cours de l’ate-lier, les apprenants progressaient enfrançais. On les sentait plus à l’aiseau moment de prendre la parole et,chez certains, le théâtre a provoquéun déblocage important. J’ai doncdécouvert l’enseignement du FLEpar et avec le théâtre. Mes interven-tions prenaient cependant toujoursplace dans un cadre extrascolaire : je

Comédien et metteur enscène, Adrien Payet dirigela compagnie Théâtre sansfrontière, spécialisée dansles spectacles pour lesapprenants de Français langue étrangère.

et de l’apprentis

Par Adrien Payet (Espagne)

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Au cours de l’atelier, onsentait les élèves plus àl’aise au moment deprendre la parole et, chezcertains, le théâtre aprovoqué un déblocageimportant.

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La fiche pédagogique àtélécharger sur :www.fdlm.org

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voyais l’atelier-théâtre comme un ac-compagnement ludique de l’appren-tissage du français. C’est aussi cette année-là que j’aifondé l’association Théâtre sansfrontière : l’objectif était la mise enplace d’activités théâtrales en fran-çais et l’échange interculturel à tra-vers de l’évènementiel. Nous avonsouvert de nombreux ateliers-théâtreau Centre culturel français, à l’Écolefrançaise et à l’université de Chypre. Ces ateliers ont été d’un grand ensei-gnement pour mes recherches tantthéâtrales que pédagogiques. J’aiconstaté combien l’activité théâtraleétait un facteur de motivation etcomment la représentation était à lafois un défi et une récompense pourles apprenants. Parmi les plus chan-

ceux, les étudiants de l’université deChypre ont présenté leur pièce auFestival de théâtre de jeunes de Tou-louse. C’était leur premier voyage enFrance et l’occasion d’une rencontreculturelle mêlant des jeunes de divers pays autour de leur passioncommune : le théâtre.

… à l’intégration du théâtre encoursC’est alors que j’ai souhaité aller plusloin, passer de l’extérieur à l’inté-rieur de la classe. C’est au Mexique,où j’ai eu l’opportunité de travaillercomme professeur de Françaislangue étrangère, que j’ai pu le faire.J’ai d’abord été confronté au manquede temps consacré à l’oral dans leprogramme d’enseignement. Puiscomme un acteur qui s’adapte à sonpublic, j’ai appris à gérer la modifi-cation du rapport professeur/élève,jonglant entre une approche clas-sique et une approche communica-tive. Une autre difficulté a été de relier de manière cohérente la gram-maire et l’expression écrite aux acti-vités théâtrales. J’ai eu la chance de travailler dansdes contextes éducatifs variés, ce quim’a permis de tester ces activités enclasse. Ces expériences d’enseigne-ment m’ont convaincu de l’intérêt pédagogique du théâtre et de sa fai-

sabilité en classe : l’activité théâtralepermet de travailler ponctuellementles notions du programme de ma-nière ludique et créative. Aux professeurs désireux de com-mencer un projet théâtral, je conseil-lerais de commencer avec quelquesactivités en classe pour habituer lesélèves à cette nouvelle forme d’ex-pression et de rapport aux autres. Etpuis seulement après, de se lancerdans un projet de mise en scène, quece soit pendant le cours ou en extrascolaire. L’avantage de l’atelierextrascolaire tient à ce que les ap-prenants sont volontaires. Le plus important est de bien mesu-rer l’ampleur du projet et de l’adapteren fonction du niveau et des attentesdes apprenants. Faire du théâtre,c’est s’exposer à un public et doncprendre des risques, mais c’est en allant jusqu’au bout du projet que l’ondonne aux apprenants la possibilitéde vivre une expérience unique à tra-vers le théâtre et la langue française.Certes, l’activité demande beaucoupde travail et d’investissement, mais lejeu en vaut la chandelle !■

Activités théâtrales enclasse de langue (CLEInternational, 2010)est l’aboutissementde six années derecherches et de pra-tiques du théâtre enFrançais langue étran-gère. Il cherche àrépondre aux crainteset aux doutes des en-seignants, au-delà del’enthousiasme qu’ilspeuvent avoir, et pro-pose une méthodolo-gie qui les guide verscette pratique declasse.

aller sur■www.theatre-fle.blogspot.com pour avoir des informations sur les forma-tions de formateurs en théâtre FLE.  

à lire sageAdrien et ses élèves d e lycée, pour un salut final.

Adrien Payet anime aussi des formations deformateurs en théâtre FLE, notamment pour le réseaudes Alliances françaises du Mexique.

L’activité théâtrale permetde travailler ponctuel-lement les notions duprogramme de manièreludique et créative.

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Par Pierre Montillau (Mexique)métier // décryptage

32 Le français dans le monde // n° 370 // juillet-août 2010

la leçon zéroD’où vient l’idée de la leçon

zéro ? Comment est-elleconstruite ? Qu’attendent lesapprenants de leur premier

cours de langue ? Lesenseignants utilisent-ils les

activités proposées dans cetteleçon zéro ? Cette leçon est-elle un déclencheur en tout

début d’apprentissage d’unelangue ? Enquête au centre

de ce commencement des commencements. R

ien de vraiment enga-geant dans ce zéro : ducôté de l’étymologie,c’est un vrai saut dans levide puisque « zéro »

vient de l’italien zero, une contrac-tion de zefiro, de l’arabe sifr, venantlui-même du sanscrit sunya qui veutdire « vide ». Qu’importe cette vacuité, les métho-dologies d’apprentissage tiennent à leur zéro. Et c’est réellement à par-tir des années 1990 qu’apparaît,même de manière non systéma-tique, une « leçon zéro », leçon aty-pique en ouverture de manuels quine s’intègre pas de la même façondans la progression établie, structu-

rée elle-même en unités didactiques.Cette leçon atypique prend diffé-rentes désignations dans les ma-nuels et peut s’intituler : « Premierséchanges » (Libre Échange, 1991),« La séquence zéro du dossier 1 »(Cadences, 1994), « Leçon zéro »(Tempo, 1996), « Bienvenue ! » (CaféCrème, 1997), « Dossier zéro, vousêtes français » (Reflets, 1999), pourn’en citer que quelques-uns. Au-jourd’hui, les manuels de FLE proposent pratiquement tous des leçons zéro. On retrouve ainsi uneunité zéro « Bonjour » dans Forum(2000), une séquence zéro « Pre-miers contacts », dans Studio 60(2001). Alors que dans Connexions

■ Bertocchini, P., Costanzo, E.,Manuel de formation pratique pour le professeurde FLE, CLE International,2008.

■ Courtillon, J., Élaborer un cours de FLE, Hachette,Coll. F, 2003.

■ Lemeunier, V., « Élaborerune unité didactique à par-tir d’un document authen-tique », sur www.francpar-ler.org/dossiers/lemeunier2006.htm

BIBLIOGRAPHIE

Une leçon atypique,

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Depuis les années 1990, les manuels de FLE proposent pour la plupart une « leçon zéro ».

Professeur au Québec puis auMexique, Pierre Montillau estactuellement délégué pédagogique enfrançais langue étrangère.

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33Le français dans le monde // n°370 // juillet-août 2010

des questionnaires, différents selonles publics, sur les objectifs de laleçon zéro, les stratégies d’appren-tissage et le type de public visé, ontété présentés à des apprenants ayantdéjà eu un certain nombre d’heuresde Français langue étrangère et à desprofesseurs de diverses institutionséducatives.

Après analyse statistique des enquêtes,on constate un intérêt évident en faveur de l’utilisation d’un manuel enclasse de langue. Celui-ci permet de faciliter l’apprentissage. Cinq objectifsessentiels de la leçon zéro ont été misen évidence par les apprenants : pou-voir distinguer le français parmi d’au-tres langues ; étudier l’alphabet ; savoir épeler son nom et son prénom ;pouvoir compter ; définir les objectifsà atteindre dans l’apprentissage dufrançais ; connaître ses camarades.

Pour qualifier les premières heuresde cours, les termes et expressionssuivants reviennent : facile, amu-sant, intéressant, dynamique, com-préhensible, avoir déjà des connais-sances, agréable, présenter le Delf,apprendre l’essentiel, connaître lessons et la prononciation, connaîtreles services de l’institution, connaî-tre le processus d’apprentissage.Les professeurs, eux, débutent tousleur classe par les activités de la leçonzéro. Cependant, on remarque quetoutes les activités de cette leçon nesont pas travaillées systématique-ment. Les activités les plus travailléessont : repérer le français parmi d’au-tres langues, faire connaissance entreapprenants, étudier l’alphabet, savoirsaluer, savoir épeler, comprendre lesconsignes des activités, s’initier auxchiffres. Cinq objectifs pour eux revê-tent une importance capitale dès lespremières heures de cours  : faireconnaissance ; vaincre la difficulté etla peur face à l’apprentissage d’unenouvelle langue ; éveiller les connais-sances déclaratives (et culturelles) del’apprenant lui permettant de prendreconfiance en lui ; initier au français.De quoi aborder ensuite la leçon 1 etles suivantes…■

Deux méthodologiesdifférentes : l’une orientéevers des activités decompréhension orale ;l’autre vers l’alternanceentre locuteur et auditeur.

(2004), une première leçon intitulée« Pour commencer » est expliquéedans le guide pédagogique, maisinexistante dans le manuel. On retrouve un dossier zéro « Fenêtresur » dans Alter Ego (2006), et enfinune unité zéro dans Tout va bien !et Écho (2009), où elle prend des allures de parcours d’initiation.On peut expliquer cette systématisa-tion par le fait que non seulementl’apprenant participe à son propreapprentissage, mais aussi qu’il de-vient un acteur social indépendant etque l’amplification d’une démarchedidactique centrée sur le sujet aconduit à intégrer une leçon zéro.

L’importance d’un bon débutd’apprentissageMais à quoi servent ces « ouvertures »de manuels ? Un bon début d’ap-prentissage revêt une importance ca-pitale. Le premier cours de françaisest déterminant pour la suite. C’estpeut-être là que la leçon zéro concen-tre tout son intérêt. Les objectifs quireviennent le plus souvent dans lesguides pédagogiques à son propossont les suivants : prendre contactavec la France et la langue française ;rassurer les élèves ; prendre contactles uns avec les autres/apprendre àse connaître ; amener les apprenantsà s’appuyer sur leurs connaissancesantérieures pour émettre des hypo-thèses et construire du sens ; adapterune démarche de type déductive ; acquérir des compétencescommunicatives de base  ;mettre en place une approche progressiveet implicite de savoirslinguistiques.Quelles genres d’activitéslangagières trouve-t-ondans ces leçons zéro ?Si Alter Ego et Tout va bien ! mettent l’ac-cent sur la réception

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Le premier cours defrançais est déterminant pour la suite.

Un des objectifs de la leçon zéro : faire connaissance,entrer en contact les uns avec les autres.

orale (11 activités recensées dans l’unet l’autre) et sur la production orale(cinq et quatre activités recensées res-pectivement), tous deux accordentpeu de place à l’interaction orale. Échoet Latitudes privilégient, quant à eux,l’interaction orale (quatre et cinq acti-vités, respectivement) : durant cetteactivité langagière, au moins deux acteurs participent à un échange oralet alternent les moments de produc-tion et de réception orale. La leçon zéro s’inscrit ainsi dansdeux méthodologies différentes :d’un côté, une approche orientéevers des activités de compréhensionde l’oral, où l’utilisateur de la languereçoit et traite un message parlé, pro-duit soit par le professeur soit par desvoix enregistrées sur CD audio ; del’autre, une approche pédagogiquefondée sur l’alternance entre locu-teur et auditeur visant dès le départun principe de coopération et de négociation du sens du discours.

L’intérêt manifeste desapprenants et des enseignants Qu’en pensent les apprenants et lesprofesseurs ? À l’Institut françaisd’Amérique latine (Ifal), à Mexico,

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Par Sébastien Langevinmétier // reportage

34 Le français dans le monde // n° 370 // juillet-août 2010

La banlieue se met Excellent moyen pour

motiver les jeunes à écrire, le blog est devenu un moyen

d’expression très apprécié, etpas seulement par les classes

d’apprenants de français. À mi-chemin entre blog

amateur et journalprofessionnel, le Bondy Blog,

près de Paris, s’est imposécomme un véritable porte-

parole des banlieues.

«Vous n’êtes pastrès nombreux !C’est importantde venir auxréunions de ré-

daction : c’est là que se fait le journalet que se forgent les caractères, carvous devez défendre vos sujets ! » An-cien rédacteur en chef du BondyBlog, Nordine motive ses troupes.Comme chaque mardi soir, unequinzaine de rédacteurs de ce siteInternet se retrouvent pour discu-ter des prochains articles à rédiger,puis à mettre en ligne. L’actuel rédacteur en chef étant absent,c’est exceptionnellement Nordineet Adrien, le rédacteur en chef adjoint, qui animent la réunion de rédaction dans un local mis àdisposition par l’ESJ-Lille. Cettegrande école française de journa-lisme a ouvert une classe prépara-toire à Bondy, au nord-est de Paris,en septembre 2009. « Il y a encoreun an, nous n’avions pas de local :nous nous réunissions chez les uns etles autres, souligne Adrien. La mai-rie de Bondy prête ce lieu à l’ESJ-

Lille : c’est sa seule implication dansle Bondy Blog. »

Hobby ou formation professionnelleIndépendant, réactif, impertinent : leBondy Blog s’est forgé une sacrée réputation depuis sa naissance, il y acinq ans. En novembre 2005, des jour-nalistes du magazine suisse L’Hebdochoisissent de s’installer quelquetemps à Bondy pour suivre au plusprès la violente crise qui secoue lesbanlieues françaises. Située à une dizaine de minutes du centre de Parisen transport en commun, Bondy estune commune du département deSeine-Saint-Denis, le fameux « 9.3 »,épicentre des émeutes des banlieues.Au mois de février suivant, leur travailterminé, les journalistes helvètes don-nent les clés du Bondy Blog à une as-sociation, en lui offrant les droits d’au-teur du livre né de ces trois moispassés en banlieue*.Ces pros de l’info gardent le contactavec l’équipe actuelle et une constantevolonté de produire des articles debonne qualité d’un point de vue jour-nalistique anime l’équipe d’encadre-

ment. « C’est un contexte associatif,nous sommes peu payés, mais le degréd’exigence est très élevé, commenteSandrine, blogueuse depuis près d’unan. Nous devons respecter nos engage-ments. Pour ma part, je fais cette acti-vité comme un hobby, car j’aime beau-coup partir en reportage et écrire desarticles, mais cette exigence de profes-sionnalisme est l’une de mes principalesmotivations. »Et ce professionnalisme est reconnu etrécompensé par de très bons résultatsd’audience : trois articles sont mis enligne par jour, 10 à 15 000 personnesconsultent le site quotidiennement, etle Bondy Blog a fêté ses 2 millions devisiteurs début 2010. « Nous avons une

« Nous avons une vraieligne éditoriale, unedéontologie et unrythme de parution àtenir. C’est un parfaitlaboratoire du petitjournaliste. »

© Photos Léo-Paul Ridet

▲ Adrien anime la réunion derédaction avec une partie

des blogueurs.

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35Le français dans le monde // n°370 // juillet-août 2010

en blog dans la profession. Ainsi Idir et Chouont intégré la Fondation de la chaînede télévision TF1, où ils ont décrochéun contrat de deux ans, en parallèled’une formation. D’origine algérienne,Idir raconte qu’avec son master en His-toire, il était auparavant surveillantdans une école primaire. Devenir« journaliste citoyen » au Bondy Bloglui a ouvert les portes de TF1. Mais ilreste attaché au journal amteur pourlequel il continue d’écrire. En confé-rence de rédaction, Idir propose unsujet en or : « J’ai grandi dans une citéoù vivent de nombreux employés deschemins de fer. Beaucoup vont bientôtêtre à la retraite : les Français et les Marocains ne vont pas toucher lesmêmes sommes d’argent, alors qu’ils ontfait le même métier... »À cette conférence de rédaction, lesidées d’articles fusent : le championnatdu monde de slam ; le langage desjeunes de banlieue qui se disent« Salam » au lieu de « Salut » ; unétrange trafic de billets de 50 euros quis’effaceraient au bout de six mois ; unétudiant qui devrait être reconduit à lafrontière, mais que l’on empêche deprendre l’avion… « Nous sommes uneparole des quartiers,commente Adrien.Nous privilégions l’angle des banlieues,mais nous traitons aussi bien des infor-mations locales que les évènements àGaza. »Collégiens ou trentenaires, ori-

ginaires du Maghreb, d’Afrique subsa-harienne ou d’Asie, pros ou amateurs,les journalistes citoyens du Bondy Blogpartagent, échangent et offrent à leurslecteurs une certaine image du monde,vu de Bondy. ■*Serge Michel, Bondy Blog, des journalistes suissess’installent dans le 9.3, Seuil, 2006.

UNE GALAXIE BONDY BLOGPRÊTE À S’AGRANDIRAu départ simple site Internet, leBondy Blog s’est développé dans denombreuses directions. Une école aété créée et invite ainsi chaquesemaine à Bondy des journalistes reconnus à parler de leur métier. Ou-verte à tous, cette « école du blog »propose également des formations àl’écriture et à la pratique du son, del’image vidéo ou de la photographie.À l’initiative de Serge Michel,premier journaliste suisse à s’êtreinstallé à Bondy en 2005, le site estdevenu un réseau international deblogueurs : il existe un Bondy Blog à Lyon et Marseille en France, à Lausanne et Verne en Suisse et à Dakar au Sénégal. Une rubrique« Bondy Monde » a fait sonapparition sur le Bondy Blog « origi-nel » : elle est prête à accueillir lespropositions d’articles venues dumonde entier. Une bonne façon d’in-citer de jeunes apprenants à rédigeren français…

Trois articles sont misen ligne par jour, 10 à 15 000 personnesconsultent le sitequotidiennement, et le Bondy Blog a fêtéses 2 millions devisiteurs début 2010.

http://yahoo.bondyblog.fr/aller sur

vraie ligne éditoriale, une déontologie etun rythme de parution à tenir, expliqueAdrien. C’est un parfait laboratoire dupetit journaliste. » L’équipe d’encadre-ment est ainsi constituée de journa-listes professionnels qui commandentles sujets en réunion de rédaction, ré-ceptionnent les articles, les retravail-lent si besoin est, puis les mettent enligne. Adrien souligne que la rédactionest un vrai lieu de formation : « Nousproposons des sujets, et chaque blogueurvient avec des idées. Comme le BondyBlog est ouvert à tous, les blogueurs fontd’énormes progrès. À leurs débuts, nouspublions des articles qui ne sont pas to-talement satisfaisants d’un point de vuejournalistique, nous autorisons qu’ilsutilisent le “je”, par exemple. »

Une parole des quartiersAttirés par cette bonne réputation, desétudiants en journalisme viennentfaire ici leurs premières armes,comme Sarah et Joanna. Des blo-gueurs préparent les concours desécoles de journalisme, d’autres sontdéjà en formation et, parmi les plusanciens, certains sont d’ores et déjà

Le Bondy Blog, un vrai lieu de formation et d’échange.

L’annexe de l’ESJ-Lille à Bondy hébergematériel et réunions de rédaction.

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métier // enquête

36 Le français dans le monde // n° 370 // juillet-août 2010

La Louisiane, c’est une myriade de petites com-munautés qui, au-delà desgrands centres, La Nouvelle-Orléans, Bâton-Rouge ou

Lafayette, s’essaient à faire vivre la fran-cophonie, comme à Ruston, Opelou-sas, Thibodaux, Kaplan ou Abbeville.Ici, trois guitares, trois tambours, unfrottoir, un ’tit fer (un triangle), unetrompette et le temps d’entonner« Allons à Lafayette » suffisent pourfaire, ce soir-là, sous le ciel étoilé, de lacommunauté de Thibodaux l’étoile la plus brillante. Là, c’est un profes-seur louisianais qu’on honore du prixde Professeur exceptionnel. Ailleurs encore, ce sont des étudiants qui sedéfient à l’occasion d’un concoursd’affiche pour la promotion du fran-çais dans l’État.Rien d’extraordinaire dans tout cela,juste des petits faits qui témoignent

que la francophonie louisianaise a lavie dure et qu’elle n’est pas prête derendre les armes. Et pourtant, elle abien failli sombrer. C’est grâce à la volonté et à la clairvoyance de James Domengeaux qu’elle a survécu. En

1968, il obtient des chambres législa-tives louisianaises le vote de la loi 409qui crée le Codofil, le Conseil pour le développement du français en Loui-siane, seule agence d’État aux États-Unis consacrée à la défense d’unelangue minoritaire. Installé à Lafayette, au cœur de la région acadienne et au carrefour descultures créole et cajun, le Codofil

lance alors un vaste programme demesures destinées à préserver et pro-mouvoir le patrimoine français : en-seignement du français dans les écolesprimaires, programmes d’échanges etde bourses d’études, organisation decongrès nationaux et internationaux,festivals, émissions de radio et de télé-vision, publications bilingues. Ces ac-tions provoquent une prise deconscience de la valeur du français etréinstaurent la fierté d’être cajun.

Priorité à l’enseignement du françaisLa grande majorité des francophonesde Louisiane n’avait pas eu l’opportu-nité d’apprendre à lire et à écrire lefrançais. La priorité a donc été l’ensei-gnement de la langue. Elle a été intro-duite dans les écoles élémentaires àpartir de 1969. Avec l’appui du gou-vernement français se met en place un

La Louisiane,Ils sont à peu près 200 000 à avoir répondu, à l’occasion

du recensement de 2000,que le français est la langueprincipale parlée chez eux –y compris les créolophones.

En Louisiane, la francophonie résiste.

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L’enseignement dufrançais est dispensé à70 000 élèves et étudiantsfrancophones louisianais.

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Le français, langue officielle grâce au Codofil

37Le français dans le monde // n°370 // juillet-août 2010

programme de coopération etd’échanges pour les enseignants. Ce programme dure encore et il nemanque pas de bonnes fées pour veil-ler sur lui. En effet, dans le cadre desaccords de coopération linguistique etculturelle entre la France et la Loui-siane en matière d’éducation, de pro-motion de la langue et d’échanges culturels et audiovisuels, le Consulatgénéral de France à La Nouvelle-Orléans, le Département d’Éducationde Louisiane et le Codofil ont encharge de veiller ensemble à la qualitéde l’enseignement du français qui estdispensé aux 70 000 élèves et étu-diants francophones louisianais.Afin de maintenir et de développerle français, les différents partenairesdu programme Codofil organisent,entre autres actions, des échangesde professeurs avec le soutien du mi-

Le Conseil pour le développement dufrançais en Louisiane (Codofil) a étécréé en 1968 par l’Assemblée légis-lative de Louisiane. Selon la loi 409,le gouverneur de l’État est autorisé ànommer le président et les 50 mem-bres du Conseil. Le Codofil estchargé « de prendre toute initiativepour assurer le développement, l’utili-sation et la préservation de la languefrançaise comme elle existe en Loui-siane au profit culturel, économique ettouristique de l’État ». Il est à l’originedu statut officiel de la langue fran-çaise dans l’État de Louisiane et durenouveau du français dans l’éduca-tion nationale américaine, notam-ment dans les programmes d’im-

mersion en langue française (FrenchImmersion). C’est dans le but de soutenir le Codofil que William Arce-neaux et James Domengeaux ontcréé la Fondation Codofil, associationprivée à but non-lucratif poursuivantles objectifs éducatifs, culturels, etlinguistiques du Codofil.

nistère français des Affaires étran-gères, du Centre internationald’études pédagogiques (CIEP) et duministère de l’Éducation nationale.Un programme qui permet égale-ment le perfectionnement linguis-tique de professeurs français – afinqu’ils soient capables, à leur retouren France, d’assurer l’enseignementde l’anglais à l’école primaire –, etune ouverture sur une civilisation etun système pédagogique différents.Un programme « gagnant-gagnant »qui suscite le témoignage enthou-siaste de ce jeune internaute sur leforum du Codofil : « J’ai enseignédurant quatre années en Louisianepour le Codofil. Tout s’est passé à mer-veille. Il est vrai que je n’enseignais pasdans une grosse ville comme New Or-leans ou Bâton-Rouge. Quelle expé-rience de vie magnifique. Mais il fautpour cela être prêt à avoir une grandeouverture d’esprit et s’adapter ! Petitsesprits étroits s’abstenir ! »

Grandes ambitions, petit budgetDe l’ambition, de l’énergie, de l’en-thousiasme mais peu de moyens ! Le Codofil reçoit en effet un budgetannuel de moins de 400 000 dollarspour promouvoir le français en Loui-siane. L’agence multiplie pourtant lespartenariats non seulement avec laFrance, mais aussi avec la commu-nauté française de Belgique et duQuébec. Elle gère notamment un sys-tème de bourses pour les étudiants,un programme de visas pour les en-seignants étrangers et a élaboré unprogramme d’échanges avec leconsortium des universités pari-siennes (Micefa) afin de permettre àdes étudiants français de venir étu-dier en Louisiane et vice-versa.Pour le reste, le Codofil compte sur lacapacité d’initiative de la commu-nauté. Et Elaine Clément, responsabledu développement, s’enthousiasmequand elle constate qu’« ici, un groupecréole se rencontre toutes les semainespour parler en créole. C’est extraordi-naire ! »Prochain grand rendez-vous,cette fois en 2014, à l’occasion duCongrès mondial acadien. ■

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Le Vieux Carré, quartier français de La Nouvelle-Orléans.

À Bâton-Rouge, des étudiants manifestentcontre des réductions budgétaires en anglaiset en français aussi !

Par Sébastien Langevin

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L’actualité

métier // ressources

38 Le français dans le monde // n° 370 // juillet-août 2010

Du matériel pédagogique, à utiliser en classe ou à conseiller aux apprenants,sous forme imprimée ou multimédia…

Les classes bilingues, les sections euro-péennes, et autres classes d’immersion de-mandent aux enseignants de Disciplinesnon linguistiques (DNL) une attention parti-culière à la langue, vecteur d’apprentissage.La nouvelle collection DNL de CLE Interna-tional (2010) propose deux livrets de 32 pages (niveau A2) en sciences naturelleset deux en histoire-géographie. Chaque cha-pitre (l’univers, l’atmosphère ; la préhistoire,le relief, etc.) est divisé en sous-thèmes trai-tés chacun sur une double page. À gauche,le contenu du cours avec photos, schémas,tableaux ; à droite, des exercices et activités

de compréhension et d’expression écrite.Ceux-ci sont organisés de manière à faireprogresser l’élève dans la maîtrise descontenus à travers des activités intégrantles formes de travail du FLE (classement, réponses à des questions, informations àcompléter, schémas à légender), accompa-gnées de recherches sur Internet. Sur la der-nière page de chaque fascicule, l’élèveconstruit son propre lexique en listant, tra-duisant, définissant les termes appris. Lescorrigés des activités figurent sur le site del’éditeur (www.cle-inter.com). Chantal Parpette

Quel enseignant de langue ne rêve pas d’ou-vrir sa classe sur les situations réelles dumonde extérieur ? C’est sans doute ainsique l’on peut interpréter le titre donné à cetteméthode éditée par Difusión (2009 pour leniveau A1, 2010 pour les suivants). On ytrouve en effet, au-delà des thématiques ha-bituellement traitées dans les méthodes, desdémarches intéressantes de contact avecl’environnement extérieur : un DVD, dans lelivre de l’élève, proposant des activités de réflexion interculturelle à partir de reportagessur la vie quotidienne francophone ; un jour-

nal d’apprentissage qui conduit l’apprenantà élaborer une stratégie personnelle de per-fectionnement « en classe » et « à l’exté-rieur » ; des activités sur Internet qui le met-tent en contact avec d’autres utilisateurs deVersion originale de par le monde. L’ensei-gnant n’est pas oublié dans cette ouverture :il peut en effet trouver sur le site de l’éditeur(www.difusion.com) plusieurs clips vidéosdans lesquels les auteurs s’adressent di-rectement à lui pour lui présenter les aspectsles plus innovants de la méthode. C. P.

L’histoire et les sciences en français

En version originale et française

Discipline non linguistique

manuel

Traiter de l’actua-lité en classe per-met de dynamiserle cours, de réagiraux évènementsinternationaux « àchaud » et en fran-

çais, et de diversifier ses supports au-thentiques. Mais il est parfois diffi-cile de trouver localement dessources d’actualité francophones. In-ternet donne désormais accès à denombreuses ressources vidéo, audioou titres de presse en ligne. Petite sélection parmi les ressources et lesprogrammes diffusés à l’interna-tional…

L’actualité sous l’angle humoristique,avec Les Guignols de l’info, journalprésenté par la marionnette de PatrickPoivre d’Arvor.

Passer une certification en langue ne supposepas seulement des compétences linguis-tiques, cela exige également une certaine ac-coutumance aux épreuves destinées à évaluerces acquis, qui sont très strictement formatéeset souvent un peu éloignées des activités d’ap-prentissage proposées en classe, plus soupleset plus diversifiées. On comprend alors la né-cessité des exercices et activités d’entraîne-ment tels que ceux proposés dans Réussir leTCFd’Olivier Bertrand et Isabelle Schaffner (Édi-tions de l’École polytechnique, 2009). Ils per-mettent aux candidats de se préparer aux troisépreuves obligatoires du TCF, le Test de

connaissance du français mis en place par leCentre international d’études pédagogiques(compréhension orale et écrite, maîtrise desstructures de la langue) sur les six niveaux duCECR, en respectant la diversité des supportsutilisés lors des certifications (conversationsquotidiennes, émissions de radio, presseécrite, etc.). Une introduction brève et claire aufonctionnement du TCF, des conseils aux can-didats, les corrigés des épreuves, les trans-criptions des documents sonores font de cetouvrage un matériel complet, utilisable aussibien en classe qu’en autonomie. C. P.

civilisation

Préparer le TCF

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Page 25: Le français dans le monde - Numéro 370

en direct de la classe

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classe. Pas de connexion à Interneten classe ? Vous pourrez téléchargerpar exemple les quotidiennes de lachaîne d’information LCI ou de M6en baladodiffusion (podcast).

… ou en directCertaines chaînes comme Direct 8,BFM et i<Télé proposent égalementde regarder en direct leurs program -mes. Il faut cependant disposer d’uneconnexion haut débit dans la classe.Une préférence pour la radio ? Lesite de Radio France permet à la foisl’écoute des émissions en direct – le programme de la semaine est dis-ponible sur le site des différentes

L’info en différé…Les sites des grandes chaînes de télévision françaises proposent sou-vent de consulter les principauxjournaux du soir (sites de TFI ouFrance 2 par exemple) juste aprèsleur diffusion et dans leur intégra-lité. Pour aborder l’actualité par lebiais de la caricature, le site deCanal+ donne accès aux séquencesdes « Guignols », qui revisitentchaque jour l’actualité. Sur le site deTV5Monde, vous trouverez les édi-tions quotidiennes du journal, l’édi-tion Afrique et l’incontournable « 7 jours sur la planète », accompa-gné d’exercices interactifs pour la

BaladodiffusionAmalgame de iPod etbroadcast, le podcast ou,en bon français, labaladodiffusion, consisteà télécharger des fichiersaudio et/ou vidéo survotre lecteur mp3. Avecle podcast, vous pouvezgrâce notamment aulogiciel iTunes, vousabonner à des« chaînes » et recevoirautomatiquement ledernier numéro de votreémission de radio, desreportages, des micro-séries, des recettes decuisine en vidéo, desguides touristiques ouencore une leçon delangue...

radios – ou le téléchargement. Unjournal en français facile est disponi-ble sur le site de RFI en plus desémissions habituelles.

Presse électroniqueVous pensiez qu’être à l’étranger nevous permettait pas d’avoir accès ra-pidement à la presse écrite ? Il estdésormais possible de recevoir le dernier numéro des hebdos d’ac-tualité le jour de leur sortie enFrance grâce aux abonnements auxmagazines électroniques, identiquesà leur version papier et souvent téléchargeables plusieurs fois (surun ordinateur personnel, une cléUSB), via un site d’abonnements(www.relay.com/le-kiosque.htmlpar exemple, pour L’Express, Ma-rianne, Le Journal du dimanche) oudirectement sur les sites (Courrier in-ternational, Le Monde, Libération)après paiement d’un abonnementmensuel. Les quotidiens françaisgratuits (20 minutes, Métro, Directmatin), disponibles au format PDF,permettent d’aborder en classe desarticles authentiques et accessiblesdès le début de l’apprentissage(www.20minutes.fr/pdf.php ; read-metro.metrofrance.com ; directma-tin.directmedia.fr/pages-presse/archives-telechargement.aspx). n

Nina Gourevitch et Flore Benard (Alliance française Paris-Île-de-France)

Les sites des grandes chaînesde télévision françaisesproposent souvent deconsulter les principauxjournaux du soir.

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