lumiere du thabor no. 16, mars 2004

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LUMIÈRE DU THABOR Bulletin des Pages Orthodoxes La Transfiguration Numéro 16 ● mars 2004 1 / Jeûner : Avoir Faim de Dieu 7 / Guide du Jeûne dans l’Église Orthodoxe 9 / Sur le Jeûne Continuel par saint Isaac le Syrien 12 / L’Utilité et les Dangers de l’Ascèse Corporelle par saint Ignace Briantchaninov 14 / La Tiédeur Spirituelle par S.S. Shedouda III 18 / Canonisation de Mère Marie Skobtsov 20 / Saint Jean Maximovitch 22 / Le Symbole de Foi – VII Mgr Pierre L’Huillier 24 / La Prière du Publicain JEÛNER : AVOIR FAIM DE DIEU LE JEÛNE COMME COMBAT SPIRITUEL Qu'est-ce que le jeûne pour nous, chrétiens ? C'est notre incorporation à cette expérience du Christ lui- même, par laquelle il nous libère de notre entière dépendance envers la nourriture, la matière et le monde. Jeûner ne signifie qu’une chose : avoir faim, jusqu’à la limite de la condition humaine qui dépend entièrement de la nourriture, et là, ayant faim, découvrir que cette dépendance n’est pas toute la vérité au sujet de l’homme, que la faim elle-même est avant tout un état spirituel et que, finalement, elle est en réalité la FAIM DE DIEU... Nous avons besoin avant tout d'une préparation spirituelle à cet effort du jeûne. Elle consiste à demander aide à Dieu et à centrer notre jeûne sur Dieu. C'est par amour de Dieu que nous devrons jeûner. I1 nous faut redécouvrir notre corps comme temple de la divine présence, retrouver un respect religieux du corps, de la nourriture, du rythme même de la vie. Père Alexandre Schmemann ________________________________________________________ ___________ DU FOND DU CŒUR Les portes de la divine pénitence s’ouvre devant nous, entrons joyeusement et purifions nos corps ; de nourriture abstenons-nous ainsi que de nos passions, nous conduisant comme des serviteurs du Christ, qui appelle le monde au royaume des cieux ; offrons la dîme de toute l’année au Roi de l’univers pour contempler avec amour sa sainte Résurrection. (Matines du lundi de la Tyrophagie) En ce début du Carême, acquérons la componction et de toute notre âme chantons au Seigneur : Reçois notre prière comme l’encens, sauve-nous de la fétide corruption, ainsi que du redoutable châtiment, toi qui

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Jeûner : Avoir Faim de Dieu. Le jeûne comme combat spirituel.

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LUMIRE DU THABOR

Lumire du ThaborNumro 16 mars 2004 Page 7

LUMIRE DU THABOR

Bulletin des Pages Orthodoxes La TransfigurationNumro 16 mars 2004

1 / Jener:Avoir Faim de Dieu

7 / Guide du Jenedans lglise Orthodoxe9 / Sur le Jene Continuelpar saint Isaac le Syrien12/ LUtilit et les Dangersde lAscse Corporellepar saint Ignace Briantchaninov14 / La Tideur Spirituellepar S.S. Shedouda III18 / Canonisation deMre Marie Skobtsov 20 / Saint Jean Maximovitch22 / Le Symbole de Foi VIIMgr Pierre LHuillier

24 / La Prire du PublicainMditation avecpre Lev Gillet

24 / propos de Lumire du Thabor

Visitez-nous: www.pagesorthodoxes.netContacter-nous: [email protected] / [email protected] JENER: AVOIR FAIM DE DIEULE JENE COMME COMBAT SPIRITUEL

Qu'est-ce que le jene pour nous, chrtiens ? C'est notre incorporation cette exprience du Christ lui-mme, par laquelle il nous libre de notre entire dpendance envers la nourriture, la matire et le monde.

Jener ne signifie quune chose : avoir faim, jusqu la limite de la condition humaine qui dpend entirement de la nourriture, et l, ayant faim, dcouvrir que cette dpendance nest pas toute la vrit au sujet de lhomme, que la faim elle-mme est avant tout un tat spirituel et que, finalement, elle est en ralit la FAIM DE DIEU...Nous avons besoin avant tout d'une prparation spirituelle cet effort du jene. Elle consiste demander aide Dieu et centrer notre jene sur Dieu. C'est par amour de Dieu que nous devrons jener. I1 nous faut redcouvrir notre corps comme temple de la divine prsence, retrouver un respect religieux du corps, de la nourriture, du rythme mme de la vie.

Pre Alexandre Schmemann ___________________________________________________________________

DU FOND DU CURLes portes de la divine pnitence souvre devant nous, entrons joyeusement et purifions nos corps; de nourriture abstenons-nous ainsi que de nos passions, nous conduisant comme des serviteurs du Christ, qui appelle le monde au royaume des cieux; offrons la dme de toute lanne au Roi de lunivers pour contempler avec amour sa sainte Rsurrection. (Matines du lundi de la Tyrophagie)

En ce dbut du Carme, acqurons la componction et de toute notre me chantons au Seigneur: Reois notre prire comme lencens, sauve-nous de la ftide corruption, ainsi que du redoutable chtiment, toi qui seul es capable dexercer le pardon. (Matines du lundi de la premire semaine du Grand Carme)

Commenons ce Carme dans la joie, rayonnants des prceptes du Christ notre Dieu, dans la lumire de la charit et lclat de loraison, dans la puret de cur et lnergie des forts, afin de nous hter noblement le troisime jour vers la sainte Rsurrection, qui rpand sur lunivers son immortelle clart. (Matines du lundi de la premire semaine du Grand Carme)

Toute bnie est la grce du jene: par lui Mose fut glorifi et reut les tables de la Loi; grce lui, les Jeunes Gens furent plus forts que le feu, en lui nous teindrons lardeur de nos charnelles passions, en disant au Christ notre Sauveur: Accorde-nous la conversion et sauve-nous des enfers. (Matines du mardi de la premire semaine du Grand Carme)

Sur nos mes a brill la lumire de ta grce, Seigneur; voici le temps favorable, celui de la conversion; rejetons les uvres de tnbres et revtons-nous des armes de lumire, afin que, traversant locan du Carme, nous atteignons le havre de la Rsurrection le troisime jour, avec notre Seigneur Jsus Christ, le Sauveur de nos mes. (Vpres du dimanche du Pardon)

QUATRE PAROLES DE JSUS SUR LE JENE

Alors Jsus fut emmen au dsert par l'Esprit, pour tre tent par le diable. Il jena durant quarante jours et quarante nuits, aprs quoi il eut faim. Et, s'approchant, le tentateur lui dit : Si tu es Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent des pains. Mais il rpondit : Il est crit : Ce n'est pas de pain seul que vivra l'homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. (Matthieu 4, 1-4)Jsus, voyant qu'une foule affluait, menaa l'esprit impur en lui disant : Esprit muet et sourd, je te l'ordonne, sors de lui et n'y rentre plus. Aprs avoir cri et l'avoir violemment secou, il sortit et l'enfant devint comme mort, si bien que la plupart disaient : Il a trpass ! Mais Jsus, le prenant par la main, le releva et il se tint debout. Quand il fut rentr la maison, ses disciples lui demandaient dans le priv : Pourquoi nous autres, n'avons-nous pu l'expulser ? Il leur dit : Cette espce-l ne peut sortir que par la prire et le jene. (Marc 9, 25-29)Quand vous jenez, ne vous donnez pas un air sombre, comme font les hypocrites : ils prennent une mine dfaite pour que les hommes voient bien qu'ils jenent. En vrit, je vous le dit : ils tiennent dj leur rcompense. Pour toi, quand tu jenes, parfume ta tte et lave ton visage, pour que ton jene soit connu, non des hommes, mais de ton Pre qui est l, dans le secret ; et ton Pre, qui voit dans le secret, te le rendra. (Matthieu 6, 16-18)Les Pharisiens et leurs scribes dirent Jsus : Les disciples de Jean jenent frquemment et font des prires, ceux des Pharisiens pareillement, et les tiens mangent et boivent ! Jsus leur dit : Pouvez-vous faire jener les compagnons de l'poux pendant que l'poux est avec eux ? Mais viendront des jours... et quand l'poux leur aura t enlev, alors ils jeneront en ces jours-l. (Luc 5, 33-35)

LES ENSEIGNEMENTS DE JSUS SUR LE JENELenseignement de Jsus concernant le jene est trs important pour nous assurer que nos efforts de jene porteront fruit. Car le jene nest pas sans danger ; il peut devenir lui-mme occasion de chute et, plutt que dtre un moyen de sapprocher de Dieu, le jene peut mme nous en loigner.

Les juifs pratiquaient le jene comme ascse personnelle et collective, comme nous lapprennent lAncien et le Nouveau Testament. Dans le Nouveau Testament, nous voyons que les disciples de Jean le Baptiste, ainsi que ceux des Pharisiens, jenaient et que Jsus lui-mme, avant dentreprendre sa vie publique a jen pendant quarante jours. la suite de ce jene il a t tent par Satan (Mt 4, 1-11; Lc 4, 1-13). Voil donc la premire leon retenir des rcits vangliques concernant le jene : Jsus nous enseigne limportance du jene par lexemple de son propre jene avant de commencer sa vie publique. Ce nest pas par hasard que la premire tentation de Jsus concerne justement la nourriture, car le Malin cherche prouver Jsus l o il peroit un point faible, l o Jsus a volontairement affaibli son corps humain ; l'vangile nous dit qu'aprs avoir jen pendant quarante jours, Jsus eut faim. Et le Tentateur suggre Jsus de combler sa faim en exerant son pouvoir divin de changer des pierres en pain. La rplique de Jsus pour carter la tentation est tire du Deutronome : Ce nest pas de pain seul que vivra lhomme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Dt 8, 3).

Ici, le pain ne signifie pas seulement la nourriture dont l'homme a besoin pour la vie de son corps, mais plutt tout ce qui nourrit les sens, tout ce qui convient au corps. Dans son sens plus large le pain est galement tout ce qui est cr, toute crature, tout ce qui nourrit l'affectivit et l'intellect de l'homme. Bref, tout ce qui nest pas Dieu lui-mme. Ainsi que le corps de lhomme se nourrit daliments physiques pour survivre, lesprit de lhomme, cr l'image de Dieu, se nourrit de la parole de Dieu, donc de Dieu lui-mme. Pour accder toute la noblesse de sa nature humaine cre l'image et faite la ressemblance de Dieu (Gn 1,...) l'homme a besoin de la nourriture spirituelle que constitue la parole de Dieu.

La rponse de Jsus Satan dnonce le mensonge du Malin, que lhomme peut se nourrir des cratures, quil peut trouver la vie ternelle pour laquelle il a t cr ailleurs quen Dieu lui-mme. Cest le mme mensonge que le Tentateur profra Adam : Vous ne mourrez pas! Dieu le sait: le jour o vous en mangerez, vos yeux souvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent ce qui est bon ou mauvais (Gn 3, 5). Alors quAdam, le premier homme, a mang du fruit interdit linvitation du Malin, esprant ainsi trouver la vie ternelle sans Dieu, et quil a entran la chute de lhumanit, le Christ, le nouvel Adam, refoule le mensonge du Malin et expie la faute dAdam, rtablissant lhumanit sur la bonne voie, celle voulue par Dieu depuis toute ternit : que lhomme trouve sa nourriture en Dieu lui-mme, devenant vritablement enfant de Dieu, partageant la vie divine.

Les circonstances du jene de Jsus nous aident galement comprendre le sens spirituel du jene. Le jene de Jsus eut lieu au dsert, cest--dire dans un lieu aride, solitaire, loign des villes et des hommes, l o il ny a que peu de vgtation et deau. Aujourdhui, on dirait quil y a peu de distractions - ce qui nous distrait de Dieu. Cest ainsi que doit tre le lieu de notre jene, loin des distractions, nous permettant dentrer dans le dsert, la fois le dsert physique, ne serait-ce que notre chambre, et le dsert spirituel, celui de notre cur, afin de nous prparer la rencontre avec Dieu: le dsert est le lieu o je suis seul avec Dieu.

Le dsert est aussi le lieu de la tentation : le moment le plus propice la rencontre avec Dieu est aussi le moment o le Malin cherche nous faire chuter, car il sait que cest au dsert que nous avons la possibilit de rejoindre la grce divine. Si Jsus a t tent suite son jene, comment pensons-nous nous chapper de la tentation ? Le jene, la privation des plaisirs des sens, est accompagn de tentations, non seulement celle dabandonner le jene, mais dautres encore - il ne faut pas oublier que Jsus subit deux autres tentations aprs celle du pain.

Si donc le jene entrane de tels risques, comment pouvons-nous nous prparer pour la lutte invitable? Jsus nous donne une rponse dans le texte de lvangile de Marc (Mc 9, 25-29) : Cette espce-l ne peut sortir que par la prire et le jene. Jsus nous enseigne ici associer la prire au jene, si nous voulons expulser les esprits impurs qui cherchent sinstaller en nous. Nous acqurons les bnfices du jene seulement si le jene est complt par la prire, un effort de prire supplmentaire pendant la priode du jene - se nourrir en Dieu, sunir lui par la prire. Leffort asctique, la matrise de soi, de ses passions comme diraient les Pres du dsert, doit tre associ la prire ; les deux sont essentiels pour le progrs spirituel.

Le deuxime texte de lvangile de Matthieu (Mt 6, 16-18), qui fait partie du Sermon sur la Montagne, est une mise en garde concernant une des tentations accompagnant le jene. Le jene nest pas un but en soi et de nos jours on pratique le jene pour toute sorte de raisons qui ne relvent pas du domaine spirituel. Le jene peut devenir lui-mme une occasion de chute. Jsus souligne en particulier le risque de vaine gloire en faisant allusion ceux qui s'assurent que leur jene soit remarqu par les hommes. Notre jene doit tre un acte devant Dieu et non devant les hommes, pas mme nos confrres dans la foi. Celui qui jene se place devant Dieu, son jene est une offrande Dieu, et non aux hommes.

Dans le texte de lvangile de Luc (Lc 5, 33-35), les Pharisiens essaient dembarrasser Jsus en lui reprochant que ses disciples ne jenent pas, alors que ceux de Jean le Baptiste et des Pharisiens jenent souvent. Sans rpondre directement, Jsus demande sil est appropri que les compagnons de lpoux jenent pendant que lpoux est avec eux - cest--dire loccasion du mariage proche. La rponse qui simpose est non, le jene nest pas appropri ce moment-l, mais, comme lindique Jsus en disant quils jeneront lorsque lpoux ne sera plus avec eux. Lpoux cest Jsus lui-mme, et pendant quil est avec ses disciples, ils sont nourris et rassasis par sa prsence ; ils les comble du pain de vie de sa parole. Quand l'poux leur aura t enlev, alors ils jeneront en ces jours-l. Le jene n'a de sens que pour celui qui sait ce qui est la nourriture ou y aspire de tout son tre, et qui, dans la privation, souffre de l'absence de ce qui le rassasie.

Donc il y a des moments pour jener, et des moments pour ne pas jener - quand lpoux est avec nous. L'anne liturgique tant un rappel de la vie de Jsus, de la Mre de Dieu et des saints, lglise orthodoxe indique certains jours et certaines priodes pour le jene, quand nous sommes dans l'attente de l'poux, et certaines priodes o le jene nest pas indiqu - quand lpoux est avec nous, surtout les jours des grandes ftes liturgiques, mme chaque dimanche, le jour de la Rsurrection du Christ. Mme pendant le Grand Carme, le jene nest pas total tous les jours, car il y un allgement du jene les samedis et dimanches.

Lenseignement le plus important retenir est peut-tre la ncessit dassocier la prire au jene, la prire afin de pouvoir accomplir leffort ncessaire, mais encore plus important, la prire en tant que rapprochement de Dieu - le jene nous prsente la possibilit de nous unir davantage Dieu par la prire : La prire est une conversation de lintelligence avec Dieu (vagre le Pontique, Chapitres).

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Gravissons la montagne des bonnes actions * et par le jene librons-nous de nos terrestres impulsions * et de l'aiguillon du plaisir; * pntrons dans l'obscure nuit de la sublime contemplation * pour ne plus voir que l'aimable beaut du Christ * sur la mystique voie de la divine ascension. (Aux Matines du mardi de la premire semaine du Grand Carme)DEUX FAONS DE JENERpar pre Alexandre Schmemann

Il y a deux faons de jener, enracines toutes deux dans l'criture et la Tradition, et qui correspondent deux besoins distincts, deux tats de l'homme. Le premier peut tre appel jene total, car il consiste en une totale abstinence de nourriture et de boisson. On peut dfinir le second comme un jene asctique, car il consiste surtout en l'abstinence de certaines nourritures et en une rduction substantielle du rgime alimentaire.

Le jene total, de par sa nature mme, est de courte dure et gnralement limit un jour ou mme une partie de la journe. Ds le dbut du Christianisme, il fut compris comme un tat de prparation et d'attente, de concentration spirituelle sur ce qui va arriver. La faim physique correspond ici l'attente spirituelle de l'accomplissement, l'ouverture de tout l'tre la joie qui approche.

C'est pourquoi, dans la tradition liturgique de l'glise, nous trouvons ce jene total comme dernire et ultime prparation une grande fte, un vnement spirituel dcisif, par exemple aux veilles de Nol et de l'piphanie ; et surtout, c'est ce jene qui constitue le jene eucharistique, mode essentiel de notre prparation au banquet messianique, la table du Christ dans son Royaume. L'Eucharistie est toujours prcde de ce jene total, qui peut varier dans sa dure, mais qui, pour l'glise, constitue une condition ncessaire la sainte Communion.

Le jene total n'est pas seulement un jene des membres de l'glise, c'est l'glise elle-mme qui jene, en attente du Christ qui vient elle dans l'Eucharistie, dans les grandes ftes clbrant l'uvre du salut, et qui viendra en gloire la consommation des sicles.

Tout a fait diffrent est le sens spirituel du second type de jene que nous avons dfini comme asctique . Ici, le but du jene est de librer lhomme de la tyrannie drgle de la chair, qui s'tablit lorsque l'esprit cde devant le corps et ses apptits, rsultat tragique du pch et de la chute originelle de l'homme.

C'est seulement par un lent et patient effort que l'homme dcouvre qu'il ne vit pas seulement de pain, et restaure en lui-mme la primaut de l'esprit. C'est ncessairement et par sa nature mme un long effort soutenu. Le facteur temps est essentiel, car il faut du temps pour draciner et gurir la maladie commune et universelle que les hommes ont fini par considrer comme leur tat normal. Le succs de ce jene asctique dpend prcisment de l'application de certaines rgles fondamentales dont la principale se trouve tre l'ininterruption du jene, sa continuit dans le temps.____________________________________________________________________________________________

Aux Matines du lundi de la premire semaine du Grand Carme (1)Cathisme II: En ce dbut du Carme, acqurons la componction * et de toute notre me chantons au Seigneur:m* Reois notre prire comme lencens, * sauve-nous de la ftide corruption * ainsi que du redoutable chtiment, * toi qui seul es capable dexercer le pardon.

Thotokion: Source de misricorde , Mre de Dieu, * rends-nous dignes de ta compassion; * regarde vers le peuple pcheur, * manifeste ta puissance de toujours; * en toi nous mettons notre espoir * et te crions: Rjouis-toi! * comme le fit jadis larchange Gabriel.

Cathisme III: Commenons ce Carme dans la joie, * rayonnants des prceptes du Christ notre Dieu, * dans la lumire de la charit et lclat de loraison, * dans la puret de cur et lnergie des forts, * afin de nous hter, * le troisime jour, vers la sainte Rsurrection, * qui rpand sur lunivers son immortelle clart.

Thotokion: Assur que je suis de ton invincible prire, Mre de Dieu, * contre tout espoir je suis sauv de mes oppresseurs; * tu viens en aide tes fidles suppliants * et tu chasses les tnbres du pch; * aussi te rendons-nous grce en chantant: * Agre nos pauvres remerciements pour ta constante protection.(Suite la page 8)

LA JOIE DE L'ME :PAROLES DES PRES DU DSERT SUR LE JENE

Abba Joseph interrogea abba Pmen : Comment faut-il jener? Abba Pmen lui dit : Pour ma part, je prfre que celui qui mange chaque jour mange peu afin de ne pas se goinfrer. Abba Joseph lui dit : Lorsque tu tais plus jeune, ne jenais-tu pas deux jours de suite, abba ? Et le vieillard lui dit : En vrit, mme trois jours, et quatre, et toute la semaine. Et tout cela, les Pres lprouvrent comme ils en taient capables ; et ils trouvrent prfrable de manger chaque jour, mais en petite quantit ; et ils nous livrrent la voie royale, qui est lgre.

Un samedi de fte, il arriva que les frres mangent lglise des Kellia. Et comme on prsentait le plat de bouillie, abba Helladios lAlexandrin se mit pleurer. Abba Jacques lui dit : Pourquoi pleures-tu, abba? Il rpondit : Parce que cen est fini de la joie de lme, c'est--dire le jene, et que voil maintenant le contentement du corps.

Un jour Sct fut donn ce commandement : Jenez cette semaine. Or il se trouva que des frres vinrent dgypte chez abba Mose et il fit pour eux un peu de cuisine. Voyant la fume, les voisins dirent aux clerc : Voici que Mose a viol le commandement en faisant cuire quelque chose chez lui. Ceux-ci dirent : Quand il viendra, nous-mmes lui parlerons. Le samedi venu, les clercs, sachant la pratique excellente de Mose, lui dirent devant tout le monde : abba Mose, tu as laiss tomber le commandement des hommes et gard celui de Dieu!

Abba Euloge disait son disciple : Enfant, exerce-toi rtrcir peu peu ton ventre par le jene. Car de mme quune outre tire devient plus mince, ainsi galement le ventre quand il reoit beaucoup daliments. Mais sil en reoit peu, il se rtrcit et exige toujours peu.

Abba Isidore le prtre dit : Si vous pratiquer rgulirement le jene, ne vous gonflez pas dorgueil, mais si vous vous glorifiez de cela, mangez plutt de la viande. Il vaut mieux pour lhomme de manger de la viande que se gonfler dorgueil et se glorifier.COMMENT JENE-T-ON ?

Pour le Grand Carme, l'glise orthodoxe propose une prparation progressive et pdagogique au jene. Ainsi, une semaine avant l'entre dans le Grand Carme, elle indique de faire abstinence d'abord de viande, puis au dbut du Grand Carme, les laitages, les ufs, les graisses et le vin seront leur tour supprims de l'alimentation et le rgime de croisire sera ainsi en place pour toute la Sainte Quarantaine.

Pendant le Grand Carme, tous les jours, on s'abstient en principe de tout produit animal (viande, poisson, ufs, laitage...), de graisses et de vin (sauf le samedi et le dimanche, tant le sabbat et le jour de la Rsurrection).

Les mercredi et vendredi hors temps de Carme on s'abstient de tout produit animal et drivs ainsi que de d'huile et de vin. Les mercredi et vendredi de Carme on s'abstient de toute nourriture jusqu'au coucher du soleil, mercredi tant le jour o Judas trahit le Seigneur et vendredi le jour o le Seigneur fut crucifi.

chacun aussi de trouver le lieu de son jene et de retrancher parmi les plaisirs et les dpendances qui le tyrannisent et l'loignent de Dieu : aliments, sommeil, tlvision, bavardage, mdisance...

chacun aussi de trouver de quelle faon son jene sera nourri dans la prire ainsi que dans la charit. Pendant le Grand Carme, l'glise propose des offices, en particulier le Canon de Saint Andr de Crte et la Liturgie des Prsanctifis, qui aident les fidles vivre le Carme comme exprience spirituelle d'ascse personnelle en prparation de la Semaine Sainte. La prire personnelle est ainsi renforce par la participation en communaut chrtienne la prire de l'glise.

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De quels biens me sui-je priv, malheureux que je suis, de quel royaume me suis-je exil; jai dpens le trsor que javais reu de toi, loin de ta loi jai chemin. Hlas, ma pauvre me, tu seras livr au feu ternel, mais avant la fin dis au Christ notre Dieu: Comme le Fils prodige accueille-moi, Seigneur, et prends piti de moi. (Vpres du dimanche du Fils prodigue)

Frres, ne prions pas la manire du pharisien, car celui qui slve devra shumilier; humilions-nous plutt devant Dieu, la manire du publicain et disons comme lui: Seigneur, aie piti du pcheur que je suis. (Stichre du Lucernaire, dimanche du Pharisien et du Publicain)

QUAND JENE-T-ON DANS L'GLISE ORTHODOXE ?

L'glise propose de jener :

le mercredi et le vendredi de chaque semaine (sauf aux semaines de Pques, de Pentecte, de Nol, du Pharisien et du Publicain, et de Carnaval)

durant le Grand Carme et la Semaine Sainte

durant le Carme des Saints aptres (du lundi qui suit le premier dimanche aprs la Pentecte au 28 juin)

durant le Carme de la Dormition (du ler au 14 aot)

durant le Carme de Nol (l'Avent) (du 15 novembre au 24 dcembre)

la veille de la Thophanie (5 janvier), le jour de la dcollation de Saint Jean Baptiste (29 aot), et le jour de l'Exaltation de la Croix (14 septembre).

Les jours recommands pour le jene total sont la veille de la Thophanie (5 janvier), le Vendredi Saint, le Samedi Saint, le jour de la dcollation de Saint Jean Baptiste (29 aot), et le jour de l'Exaltation de la Trs Sainte Croix (14 septembre).

Le vin et lhuile sont permis :

les samedis et les dimanches du Grand Carme

les mardis, les jeudis, les samedis et les dimanches pendant les jenes des Aptres et de Nol

les samedis et les dimanches pendant le jene de la Dormition.

Le poisson, le vin et lhuile sont permis :

les samedis et les dimanches pendant les jenes des Aptres et de Nol

le jour de lAnnonciation et le dimanche des Rameaux.

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L'glise orthodoxe, en gnral, donne des directives plutt que des prescriptions littrales. Elle indique des buts, elle montre des modles, elle dit ce quoi l'on doit tendre; mais elle laisse chaque conscience juge de ce que, en prsence d'une tradition devenue rgle, l'adaptation aux circonstances personnelles commande ou permet.

Pre Lev Gillet

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LES CONSQUENCES DU JENE

Notre jene, si limit soit-il, s'il est un vrai jene, conduira la tentation, la faiblesse, au doute et l'irritation. En d'autres termes, il sera un rel combat et probablement nous succomberons bien des fois. Mais l'aspect essentiel du jene est justement la dcouverte de la vie chrtienne en tant que lutte et effort. Une foi qui n'a pas surmonte les doutes et la tentation est rarement relle. Aucun progrs n'est, hlas, possible dans la vie chrtienne sans l'amre exprience de l'chec. Cest prcisment lors de cette premire chute que se situe le vritable test: si, aprs avoir faibli et donn libre cours nos apptits et nos passions, nous nous remettons courageusement la tche, sans abandonner, quel que soit le nombre de fois o nous faiblissons, tt ou tard, notre jene produira ses fruits spirituels. Il n'y a pas de raccourci pour aller la saintet ; on doit payer le prix de chaque pas en avant. Pre Alexandre Schmemann

POUR ALLER PLUS LOINAlexandre Schmemann, Le Grand Carme : Ascse et liturgie dans l'glise orthodoxe, Bellefontaine, 1977.Pages Mtanoa: http://www.pagesorthodoxes.net/metanoia/metanoia.htm

GUIDE DU JENE DANS LGLISE ORTHODOXE

PRODUITS

PRIODESDE JENEVIANDE

Buf, poulet, ufs, agneau, porc, veau, lapin etc.PRODUITS LAITIERS

Lait, fromage, beurre,yoghourt, crme etc.POISSON

Tout poisson ayant un arte Sont permis: crustaces et autres fruitsde mer sans osVIN(ALCOOL)

Vin (certains incluent bire et tout alcool) Permis les samedis et dimanchesHUILE

Huile dolive(ou touteshuiles vgtales)Permis les samedis et dimanches

Carme de Nol

15 novembre au 24 dcembreSabstenirSabstenirPermis les samedis et dimanches avant le 20 dcembrePermis les mardis et jeudis avant le 20 dcembrePermis les mardis et jeudis avant le 20 dcembre

Grand Carme et Semaine Sainte

Du lundi aprs le dimanche du Pardon au Samedi SaintSabstenirSabstenirPermis lAnnonciation et le Dimanche des RameauxPermis lAnnonciation et le Jeudi SaintPermis lAnnonciation et le Jeudi Saint

Jene des Aptres

Du lundi aprs le Toussaint (dimanche aprs la Pentecte) au 28 juinSabstenirSabstenirPermis les samedis et dimanchesPermis les samedis et dimanchesPermis les samedis et dimanches

Jene de la Dormition

1er au 15 aotSabstenirSabstenirPermis la TransfigurationPermis la TransfigurationPermis la Transfiguration

Jene hebdomadaire

Chaque mercredi et vendrediSabstenirSabstenirSabstenirSabstenirSabstenir

JOURS DE JENE STRICT OU COMPLET

Certains ne prennent ni nourriture ni boisson (sauf eau ou tisane, si ncessaire pour shydrater) avant la clbration des vpres ou le coucher du soleil, et dautres ne mangent point les jours suivants:

les trois premiers jours du Grand Carme

le 14 septembre (fte de l'Exaltation de la Croix), mais l'huile est permise

le 24 dcembre (veille de Nol), mais l'huile est permise

le 5 janvier (veille de la Thophanie), mais l'huile est permise

le Vendredi Saint et le Samedi Saint

le 29 aot (Dcollation de saint Jean-Baptiste), mais l'huile est permise.JENE EUCHARISTIQUE

Jene complet depuis minuit pour communier une Liturgie clbre le matin ou aprs un djeuner lger pour communier une Liturgie clbre en aprs-midi ou en soire (minimum 6 heures).

PRIODES SANS JENE

Entre Nol et lavant-veille de la Thophanie (25 dcembre au 4 janvier)

La semaine qui suit le dimanche du Publicain et du Pharisien

La semaine qui suit le dimanche du Jugement Dernier (semaine des laitages): on sabstient de la viande, mais il ny a pas de jene

La semaine de Pques

La semaine aprs la Pentecte

AUTRES CONDITIONS O LE JENE NEST PAS INDIQU

En cas de grossesse ou dallaitement

Sans prire

Selon sa volont propre, sans le conseil du pre spirituel

CONCERNANT LE JENE

Le but du jene est de nous permettre de nous concentrer sur Dieu et les choses den-haut, tant librs de la dpendance envers les choses de ce monde.

Le jene nest pas en soi un moyen de plaire Dieu.

Le jene nest pas une forme de punition pour nos transgressions, ni une souffrance subie volontairement comme rparation de nos manquements: le Christ a souffert sur la Croix, pour nous, une fois pour toutes; le salut, un don gratuit de Dieu, ne dpend pas des mrites de notre faim et de notre soif.

Nous jenons afin de matriser nos passions, afin de faire fructifier en nous le salut offert par Dieu.

Nous jenons en orientant nos esprits vers Dieu par lglise; le jene et la prire, personnelle et communautaire, vont ensemble.

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Aux Matines du lundi de la premire semaine du Grand Carme (2)Ode 1

Hirmos: Venez, tous les peuples, chantons pour notre Dieu, * le Christ qui divisala mer * pour le peuple quil a soustrait * la servitude des gyptiens, * car il sest couvert de gloire.

Comment pleurerai-je mon bannissement, * par quelle action commencerai-je mon salut, * moi qui ai men une vie insense? * Sauve-moi, Seigneur, dans ta bont, * par les moyens que tu connais.

Voici le temps salutaire, voici le jour du salut, * du Carme voici le commencement: * sois vigilante, mon me, * ferme la porte des passions et tourne-toi vers le Seigneur.

Secou par la houle de mes pchs, j'enfonce dans le gouffre du dsespoir, * mais j'accours vers l'ocan de ton amour: * sauve-moi, Seigneur. Moi seul, je suis devenu l'esclave du pch, * moi seul, j'ai ouvert * la porte aux passions: * Verbe, dans ta misricorde, * sauve-moi qui retourne vers toi.Thotokion: Vierge qui as enfant l'impassible divinit, * guris mon me blesse par les passions, * arrache-moi au feu ternel, * toi qui possdes pleinement la grce de Dieu.

Venez, tous les peuples, et recevons la grce du Carme commenant * et, comme un don de Dieu, ce temps de pnitence, * pour nous rconcilier avec le Sauveur.(Suite la page 13)

SUR LE JEUNE CONTINUEL

ET LE RECUEILLEMENT EN UN SEUL LIEU

par Saint Isaac le Syrien

Longtemps tourment droite et gauche, souvent prouv sur ces deux voies, couvert de plaies innombrables par ladversaire, mais secrtement combl de grands secours, jai recueilli en moi lexprience de tant dannes, et dans lpreuve et par la grce de Dieu jai appris ceci: deux modes constituent le fondement de tous les biens, le rappel de lme hors de la captivit que lui impose lennemi, et la voie qui mne vers la lumire et la vie: se recueillir en un seul lieu et toujours jener. Cest--dire: se plier soi-mme avec sagesse et prudence la rgle de la temprance et de limmobilit, dans la recherche et la mditation continuelles de Dieu. Cest par l quon atteint la soumission des sens. Par l quon acquiert la vigilante sobrit de lintelligence. Par que sapaisent les passions sauvages qui se lvent dans le corps. Par l que nous viennent la douceur des penses. Par l que la rflexion se fait lumineuse. Par l quon sapplique aux oeuvres de la vertu. Par l quon peut concevoir ce quil y a de plus haut et de plus fin. Par l quen tout temps coulent les larmes sans mesure, et que nous est donne la mmoire de la mort. Par l quon porte la pure chastet, parfaitement dgage de toute imagination qui tourmente lintelligence. Par l quon voit avec acuit et pntration les choses qui sont au loin. Par l quon dcouvre la profondeur des significations secrtes que lintelligence comprend au cur des paroles divines; quon dcouvre galement les mouvements intrieurs lme, et le discernement de ce qui distingue les esprits du mal et les saintes puissances, les vraies visions et les imaginations vaines. Par l quon acquiert la crainte que donnent les voies et les chemins de Dieu, cette crainte en pleine mer des penses, qui rompt avec la ngligence et la nonchalance; quon acquiert aussi la flamme de la ferveur qui passe sur tout pril et qui surmonte toute peur; enfin quon porte en soi la chaleur dgage de tout dsir, cette chaleur qui efface de la rflexion la convoitise et plonge dans loubli tout souvenir des choses passes. Pour tout dire dun mot, cest par l quon parvient la libert de lhomme vrai, la joie de lme et la rsurrection avec le Christ dans le Royaume.

Que celui qui nglige ces deux choses sache que non seulement il se fait du mal lui-mme en se privant de tout ce que nous venons de dire, mais quil branle ainsi le fondement de toutes les vertus. Car de mme quelles sont le commencement, la tte de loeuvre divine dans lme, la porte et le chemin qui mnent au Christ, si on les garde et si on demeure en elle, de mme si on les quitte et si on sloigne delles on tombe dans ces deux maux: la divagation du corps et la gourmandise impudente, qui sont loppos de ce que nous avons dit et crent dans lme un lieu pour les passions.

Le premier mal affranchit des liens de la rserve les sens qui staient soumis. Et quarrive-t-il? Ce sont les rencontres extravagantes, improvises, qui ctoient la chute. Cest le trouble des vagues profondes, que la vue veille en nous. Cest la fivre des yeux, qui domine le corps et fait aisment dfaillir le cur. Ce sont les penses intemprantes, qui nous poussent jusqu ce que nous tombions. Cest la tideur du dsir des oeuvres de Dieu, le relchement progressif de la tension de lhsychia, et le total abandon des lois de la vie monastique. Cest le retour des vices quon avait oublis, et linitiation dautres quon ne savait pas, et qui ne cessent de nous investir par toutes les choses que nous voyons et qui nous assaillent ds lors que nous allons de pays en pays et de lieu en lieu. Ce sont les passions, que la grce de Dieu avait fait prir et avait chasses de lme, perdues sous loubli de leur souvenir dans lintelligence, qui de nouveau se soulvent et obligent lme les servir. Je nen finirais pas de tout dire. Ces choses et bien dautres, viennent ainsi de la premire cause, cest--dire de la divagation du corps et du refus de supporter la souffrance de lhsychia.

Mais quen est-il de lautre mal, ce mal qui nous porte faire ce que font les porcs? Or que font les porcs, sinon dbrider le ventre, lemplir sans relche, et ne pas avoir un temps dtermin pour satisfaire le besoin du corps, comme font les tres de raison? Et quarrive-t-il? Cest le vertige, la lourdeur, les paules tombantes, qui nous obligent dlaisser la liturgie de Dieu et engendrent la paresse qui dlaisse les prosternations. Cest la ngligence des prires continuelles. Cest la froideur de la rflexion entnbre. Cest lintelligence paisse, que les troubles et lobscurcissement des penses empchent de discerner. Cest le lourd nuage de tnbres tendu sur toute lme. Cest lacdie, lindiffrence toute loeuvre de Dieu et la lecture, car on a cess de goter la douceur des paroles divines. Cest linertie o plonge la satisfaction des besoins. Cest lintelligence drgle, qui divague par toute la terre. Le plaisir des excitations enflamme tout le corps dun feu continu et insupportable. Des penses trompeuses lui viennent, qui projettent devant lui limage dune beaut, ne cessent de le provoquer et excitent lintelligence force de sinsinuer. Les cultivant et les dsirant, il sunit elles sans la moindre rserve, et il entnbre son discernement. Le Prophte la dit: Cest l ce que recevra la fille de Sodome, qui a fait ses dlices de manger son pain jusqu satit (z 16,49) Un grand sage la dit aussi: Si quelquun met ses dlices dans labondante nourriture du corps, il expose au combat son me. Mais si jamais il revient lui-mme et cherche de toute sa force se retenir, il ne peut pas, cause du feu dbordant qui enflamme les mouvements du corps, et cause de la violence et de la ncessit des provocations et des excitations qui captivent lme sous leurs volonts. Vois-tu ici la finesse de ces sages athes? Le mme dit encore: Les dlices du corps dans la mollesse et la moiteur portent lme aux passions de la jeunesse et lentourent de mort. Lhomme qui sabandonne ainsi tombe sous le jugement de Dieu.

Mais quand lme ne cesse de se vouer au souvenir de ce quelle doit faire, elle se repose dans sa libert. Ses soucis sont minces. Elle ne regrette rien. Pourvoyant la vertu, ne gardant que celle-ci et rfrnant les passions, elle est tendue vers la croissance, la joie sans inquitude, la vie bonne et le port dgag de tout pril. Car non seulement les jouissances du corps confortent les passions et leur donnent de sattaquer lme, mais elles la dracinent. Elles enflamment le ventre dans lintemprance et le dsordre de lextrme dbauche. Elles le forcent satisfaire contretemps les besoins du corps. Lhomme qui est ainsi battu en brche par les jouissances est incapable de supporter la moindre faim et de se dominer. Car il est prisonnier des passions.

Tels sont les fruits de honte que porte la gourmandise. Mais avant eux viennent les fruits de la patience, les fruits de la vie mene dans un seul lieu et dans lhsychia. Cest pourquoi lennemi, qui connat les temps des besoins naturels que notre nature est appele satisfaire, et qui sait combien notre intelligence est gare par la distraction des yeux et le confort du ventre, sefforce de nous exciter pour que nous ajoutions au besoin naturel, et de semer ainsi en nous ce moment l des ombres de penses mauvaises, afin que les passions autant que possible lemportent sur la nature en sunissant davantage nous, et engloutissent lhomme dans la chute. Ds lors que lennemi connat les temps, il nous fallait donc nous aussi connatre notre faiblesse et savoir que notre nature est incapable de rsister aux impulsions et aux mouvements qui nous emportent dans ces moments-l, non plus qu la subtilit des penses qui ont la lgret de lcume nos yeux. II nous fallait discerner que nous sommes incapables de nous voir nous-mmes et daffronter ce qui nous arrive. Mais lennemi nous a trop prouvs, il nous a trop souvent tourments, pour que nous nayons pas dsormais la sagesse de ne pas nous laisser aller vouloir notre confort et de ne pas succomber la faim. Bien plutt, mme si la faim nous tenaille et nous presse, ne quittons pas le lieu de notre hsychia, ne nous portons pas l o de telles choses nous arrivent si facilement, ne cherchons pas des prtextes et des moyens de sortir du dsert. Car cest l ce que veut lennemi. Si tu demeures dans le dsert tu ne seras pas tent. Tu ny vois ni femme ni rien qui nuise ta vie, et tu ny entends rien de malsant.

Quas-tu faire daller en gypte pour y boire leau du Nil? (Jr 2,18). Comprends ce que je te dis. Montre lennemi ta patience et ton exprience dans les petites choses, pour quil ne te demande rien dans les grandes. Que ces petites choses te soient une frontire o tu pourras par elles renverser ladversaire. Ne cesse pas de veiller, et il ne te tendra pas de plus grands piges. Celui que lennemi ne peut persuader de faire cinq pas hors de son ermitage, comment peut-il le forcer sortir du dsert, ou sapprocher dun bourg? Celui qui naccepte pas de se pencher par la fentre de son ermitage, comment peut-il le persuader den sortir? Celui qui ne prend quun peu de nourriture chaque soir, comment se laissera-t-il sduire par ses penses au point de manger avant le temps? Celui qui a honte de se rassasier des aliments les plus communs, comment dsirera-t-il les riches nourritures? Et celui qui ne prte nulle attention son propre corps, comment se laissera-t-il sduire jusqu rechercher la beaut des autres?

II est donc bien clair que celui qui au dpart mprise les petites choses se laisse vaincre et donne ainsi lennemi loccasion de le combattre dans les grandes choses. Mais celui qui ne sattache pas la vie temporelle et ne cherche en rien sy tablir, comment pourrait-il avoir peur des tourments et des afflictions qui le mnent la mort quil aime? Un tel combat est tout entier dans le discernement. Ainsi les sages ne font rien pour livrer de grandes batailles. Cest la patience dont ils font preuve dans les petites choses qui les garde de tomber dans les grandes peines.

Le diable sefforce donc tout dabord deffacer du cur lattention continuelle. Puis il persuade le moine de ngliger les temps dvolus la prire et les rgles destines au corps. Ainsi la pense du moine commence se glorifier elle-mme. Il se met prendre de la nourriture, trs peu, presque rien, mais avant le temps. Et quand il est tomb, quand il a cess de se retenir, il glisse dans lintemprance et la dbauche. Ds lors il est vaincu, surtout sil pose ses yeux, si peu soit-il, sur sa nudit ou sur la beaut de ses membres quand il enlve ses vtements ou quand il sort dehors pour les besoins du corps, ou sil passe la main sous ses habits et se touche lui-mme. Alors lui arrivent dautres choses, et dautres encore. Et celui qui au dbut gardait son intelligence et saffligeait pour la moindre chose, ouvre grandes contre lui-mme les portes de la perdition. Car les penses sont pour ainsi dire comme leau. Quand elles se rassemblent de partout, elles suivent leur chemin. Mais si elles sortent un tant soit peu de leur lit, elles rompent les berges et dvastent tout. Car lennemi est l, qui regarde, observe, attend nuit et jour en face de nous et guette par quelle porte ouverte de nos sens il va pouvoir entrer. la moindre ngligence dans lune des choses que nous venons de dire, ce chien trompeur et impudent nous lance ses flches, Tantt cest notre nature elle-mme qui aime le confort, la familiarit, le rire, la distraction, la nonchalance, et devient source de passions et ocan de troubles. Tantt cest ladversaire qui introduit ces choses dans lme. Laissons donc les grandes peines et attachons nous aux petites que nous tenons pour rien. Car si comme nous lavons vu, ces petites peines que nous ddaignons dbouchent sur de tels combats, sur les souffrances insupportables, les luttes confuses et les plaies les plus graves, qui nirait au plus vite trouver la douceur du repos en assumant demble les petites peines?

sagesse, que tu es merveilleuse, et comme tu prvois de loin toute chose. Bienheureux celui qui ta dcouverte. Il est dlivr de la ngligence de la jeunesse. Celui qui fait venir en lui petit petit la gurison des grandes passions fait bien. Un jour un philosophe qui stait conduit avec prsomption et qui lavait senti, se corrigea sur-le-champ. Un autre, le voyant, rit de ce quil faisait. Il rpondit: Ce nest pas la chose elle-mme que je crains. Mais jai peur de la ddaigner. Car souvent le petit ddain engendre de grands dangers. En me corrigeant tout de suite davoir manqu lordre, jessaie de demeurer sobre et vigilant et de ne pas ddaigner mme ce qui ne mrite pas quon le craigne. Tel est lamour de la sagesse toujours tre sobre et attentif aux moindres choses qui arrivent. Ainsi le sage porte en lui comme un trsor un grand repos. Mais il ne dort pas, pour que rien ne vienne le renverser. Il monde les causes avant le temps. Il safflige pour la moindre chose. Mais cette petite affliction lui pargne la grande.

Les fous prfrent le petit confort immdiat au Royaume lointain, ignorant quil est meilleur de souffrir en combattant que de se prlasser sur la couche du royaume terrestre et dtre condamn pour ngligence. Les sages prfrent la mort laccusation davoir accompli sans tre vigilants ce quils avaient faire. Le sage dit: Sois sobre, sois veill, veille sur ta vie. Car le sommeil de la rflexion est proche de la vraie mort, il en est limage mme. Basile qui portait Dieu dit: Celui qui est paresseux dans les petites choses, ne crois pas quil va se distinguer dans les grandes.Ne sois pas abattu quand tu es devant les choses pour lesquelles tu dois vivre. Ne crains pas de mourir pour elles. Le signe de lacdie est la bassesse dme. Et la mre des deux est le ddain. Un homme vil est un homme qui souffre de deux maladies 7 lamour du corps et le peu de foi. Car lamour du corps est un signe dincroyance. Mais celui qui sest guri de ces deux maux a trouv la certitude: il croit en Dieu de toute son me et il attend le sicle venir.

Si quelquun a pu approcher Dieu en dehors de tout danger. de tout combat, de toute tentation, imite-le. Laudace du cur et le mpris des prils viennent de lune de ces deux causes la duret intrieure, ou la force de la foi en Dieu. Mais lorgueil suit la duret, et lhumilit suit la foi. Nul homme ne peut acqurir lesprance en Dieu, sil na pas dabord mis fin partiellement sa volont. Car lesprance en Dieu et le courage du cur viennent du martyre de la conscience. Cest par le vrai tmoignage de notre intelligence que nous avons confiance en Dieu. Et tel est le tmoignage de lintelligence : que nul ne soit condamn par sa conscience pour avoir nglig ce quil devait faire la mesure de sa force. Si notre cur ne nous condamne pas, nous sommes libres et confiants devant Dieu. La libert confiante vient donc de la juste action des vertus et de la bonne conscience. Certes il est dur dasservir le corps. Mais celui qui a tant soit peu senti lesprance en Dieu na pas besoin dtre persuad davantage quil lui faut asservir ce matre cruel quest le corps.Saint Isaac le Syrien, 26e Discours, uvres spirituelles, Descle de Brouwer, 1981.____________________________________________________________________________________________

La convoitise nous a valu notre premire nudit, lamertume du fruit nous a perdus, nous nous sommes loigns de Dieu; vers la pnitence retournons maintenant, purifions lardeur de nos sens, et que le jene nous tienne lieu de repas; dans lesprance de la grce affermissons nos curs, et non dans la viatique des mortels, car notre nourriture sera lAgneau de Dieu, dans la sainte nuit de sa lumineuse Rsurrection, lagneau qui pour nous sest offert en victime, la Cne mystique o les aptres prirent part, lAgneau qui a dissip les tnbres de la nuit par la lumire de sa sainte Rsurrection. (Apostiches des Vpres du dimanche du pardon)

lutilit et Les dangersde lascse corporellepar saint Ignace BriantchaninovAu Paradis, aprs la transgression du commandement de Dieu par nos anctres, la maldiction de la terre figure parmi les punitions auxquelles lhomme fut soumis. Maudit soit le sol cause de toi dit Dieu Adam. force de peines tu en tireras subsistance, tous les jours de ta vie. Il produira pour toi pines et chardons, et tu mangeras lherbe des champs. la sueur de ton visage tu mangeras ton pain (Gn 3, 17-19).

Cette maldiction pse jusqu prsent sur la terre, comme chacun peut sen rendre compte. La terre ne cesse de produire de livraie bien quelle ne serve de nourriture pour personne. La terre est arrose par la sueur du paysan, et ce nest quau prix dun labeur ardu, qui souvent mme fait couler le sang, quelle produit ces herbes dont les graines nourrissent lhomme, ce bl dont est fait pain.

Le chtiment prononc par Dieu a aussi un sens spirituel. En effet, le dcret divin punissant lhomme saccomplit tout aussi rigoureusement sur le plan spirituel que sur le plan matriel (Cf. (1) Cf. Marc lAscte, Traits, 70, Sur le jene et lhumilit; Isaac le Syrien Discours asctiques 19; Macaire le Grand, Homlies, XXVI, 21). Les saints Pres comprennent le mot terre dans le sens de cur ,i En raison de la maldiction qui la frappe, la terre ne cesse produire delle-mme, de par sa nature corrompue, des pines et des chardons; de mme le cur, empoisonn par le pch, ne cesse dengendrer de lui-mme, de par sa nature corrompue, des sentiments et des penses pcheurs. De mme que personne ne se soucie de semer ou de planter de livraie mais que la nature pervertie la produit spontanment, de mme les penses et les sentiments pcheurs sont conus et croissent deux-mmes dans le cur de lhomme. Si le pain matriel sobtient la sueur du front, cest par un labeur ardu de lme et du corps quest sem dans le cur de lhomme le bl cleste qui nous procure la vie ternelle; cest encore par intense effort quil crot, quon le moissonne, quon le rend propre la consommation et quon le conserve.

Le bl cleste, cest la Parole de Dieu. Le travail pour semer la parole de Dieu dans le cur exige de tels efforts quon lappelle exploit asctique. Lhomme est vou manger de la terre au milieu des afflictions tous les jours de sa vie terrestre et son pain la sueur de son front. Ici, par le mot terre, on doit comprendre la sagesse charnelle par laquelle lhomme spar de Dieu se dirige habituellement durant sa vie sur terre; guid par elle, il est soumis de continuels soucis et rflexions concernant les choses terrestres, dincessantes afflictions et dceptions, une constante agitation. Seul un serviteur du Christ se nourrit durant sa vie sur terre du pain cleste la sueur de son front, en luttant continuellement contre la sagesse charnelle et en travaillant sans cesse cultiver les vertus.

Pour cultiver la terre, on a besoin de divers outils de fer - charrues, herses et bches - avec lesquels le sol est retourn, ameubli et amolli; de mme notre cur, sige des sentiments et de la sagesse charnels, a besoin dtre travaill par le jene, les veilles, les agenouillements et autres accablements du corps pour que la prdominance des sentiments charnels et passionnels cde le pas celle des sentiments spirituels, et que linfluence des penses charnelles et passionnelles sur lesprit perde cet irrsistible pouvoir quelle a chez ceux qui rejettent lascse ou la ngligent.

Qui aurait lide de semer dans une terre non travaille? Ce serait tout simplement perdre ses semences, sans en retirer le moindre profit, et se causer un dommage certain. Tel est celui qui, avant davoir refrn les impulsions charnelles de son cur et les penses charnelles de son esprit par une ascse corporelle adquate, saviserait de vaquer loraison mentale et de planter dans son cur les commandements du Christ. Non seulement il ferait des efforts vains, mais il courrait encore le risque de subir un dsastre psychique, de tomber dans laveuglement spirituel et dans lillusion dmoniaque, et de sattirer la colre divine, comme lhomme qui tait all un festin nuptial sans porter le vtement de noce (cf. Mt 22, 12).

Une terre trs soigneusement cultive, bien fume, finement ameublie, mais laisse non ensemence, produira de livraie avec une vigueur redouble. De mme un cur cultiv par, des pratiques asctiques corporelles mais qui ne sest pas assimil les commandements vangliques, fera pousser encore plus vigoureusement livraie de la vanit, de lorgueil et de la luxure. Plus la terre est cultive et fume, plus elle est capable de produire de livraie touffue et pleine de sve. Plus intense est lascse corporelle du moine qui nglige les commandements de lvangile, plus grande et plus incurable sera la prsomption.

Un paysan qui possde de nombreux et dexcellents outils agricoles et qui en est enchant, mais qui ne les utilise pas pour cultiver la terre, ne fait que saveugler et se leurrer, sans en retirer le moindre profit; de mme lascte qui pratique le jene, les veilles et dautres observances corporelles, mais qui nglige de sexaminer et de se guider la lumire de lvangile, se trompe en fondant vainement et tort tous ses espoirs sur ses labeurs asctiques. Il ne rcoltera aucun fruit, namassera aucune richesse spirituelle.

Lhomme qui se mettrait dans la tte de cultiver sa terre sans utiliser ses outils agricoles aurait fournir un grand travail, et le ferait en vain. De mme celui qui prtend acqurir les vertus sans efforts asctiques corporels, travaille en vain; il perd irrvocablement son temps qui ne reviendra plus, puise ses forces psychiques et physiques, et il ne gagnera rien du tout. Lhomme qui est toujours en train de labourer sa terre sans jamais rien y semer ne rcoltera rien. De mme celui qui ne soccupe que de lascse d - corps perd la possibilit de vaquer celle de lme, de planter dans son cur les commandements vangliques qui, en leur temps produiraient des fruits spirituels.

Lascse corporelle est ncessaire pour rendre la terre du cur apte recevoir les semences spirituelles et produire des fruits de 1a mme espce. Abandonner ou ngliger les labeurs asctiques, cest rendre le sol impropre tre ensemenc et produire du fruit: Les exagrer ou placer son esprance en eux est tout aussi nuisible ou mme davantage que de les abandonner. Labandon des observances asctiques corporelles rend lhomme semblable un animal, donnant libre cours et offrant un vaste champ daction aux passions du corps, mais leur exagration le rend semblable aux dmons, car elle favorise et renforce la prdisposition aux passions de lme. Ceux qui relchent lascse corporelle sasservissent la gloutonnerie, la luxure et la colre dans ses formes grossires. Ceux qui pratiquent une ascse corporelle excessive, qui en font un usage draisonnable ou qui mettent en elle toute leur esprance avec lide quelle leur confre mrite et dignit au regard de Dieu, tombent dans la vanit, la prsomption, la fiert, lorgueil, lendurcissement, dans le mpris de leur prochain, le dnigrement et la condamnation des autres, dans la rancune, la haine, dans le blasphme, dans le schisme, dans lhrsie, dans laveuglement spirituel et lillusion dmoniaque.

Estimons leur juste valeur les pratiques asctiques corporelles - elles sont des instruments indispensables pour acqurir les vertus - mais gardons-nous de prendre ces outils pour des vertus, de peur de tomber dans laveuglement et de nous priver de progrs spirituels par une fausse conception de lagir chrtien.

Lascse corporelle est ncessaire mme aux saints qui sont devenus les temples du Saint-Esprit, afin que, laiss sans frein, leur corps ne revienne des mouvements passionnels et ne soit la cause de lapparition chez un homme sanctifi de sentiments et de penses obscnes, si malsants pour un temple spirituel de Dieu, non fait de main dhomme. Cest ce dont a tmoign le saint aptre Paul lorsquil dit de lui-mme: Je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur quaprs avoir proclam le message aux autres je ne sois moi-mme limin (1 Co 9,27).

Saint Isaac le Syrien dit que la dispense, cest--dire le fait dabandonner le jene, les veilles, le silence de la solitude et les autres observances corporelles - ces aides pour la vie spirituelle - et de saccorder constamment du repos et du plaisir, nuit mme aux vieillards et aux parfaits (Discours asctiques, 90).

Saint Ignace Briantchaninov,Introduction la tradition asctique de lglise dOrient: Les miettes du festin. XXXV,ditions Prsence, 1978.____________________________________________________________________________________________

Aux Matines du lundi de la premire semaine du Grand Carme (3)Voici qu'arrive maintenant * le temps des combats: * commenons d'un coeur ardent * le cycle du Carme, en portant nos vertus comme don au Seigneur.

Gloire: Triple clart de l'unique Seigneurie,* Pre tout-puissant, Seigneur et Dieu de vie, * Fils du Pre et Saint-Esprit, * sauve ceux dont tu connais la pit.

Maintenant: Chantons la sainte montagne de la divinit, * Marie, la toute pure, de laquelle s'est lev * sur ceux qui taient dans les tnbres * le Christ, soleil de justice et notre vie.

Gloire toi, notre Dieu, gloire toi.

Un char de feu emporta le prophte lie, * merveilleusement par le jene cuirass; * Mose le jene procura d'ineffables visions; * et nous-mmes, en jenant, nous verrons le Christ.

Gloire toi, notre Dieu, gloire toi.

Adam, ayant got la nourriture dfendue, * par sa gourmandise fut chass du Paradis; * Seigneur ami des hommes, * puisse le jene nous porter * les dignes fruits du repentir! (Suite la page 17)

La tideur spirituelle

par S.S. Shedouda III, Pape et Patriarche dAlexandrie

Je ne prtends pas avoir atteint le but ni tre parvenu la perfection, mais je le poursuis pour tcher de le saisir, comme moi-mme jai t saisi par le Christ Jsus.

Frres, je ne pense pas encore lavoir saisi, mais je nai quun souci: oubliant ce qui est derrire, tendu vers lavant de tout mon tre, je cours droit au but.Ph 3,12-14

LA FERVEUR ET LA TIDEUR

LEsprit Saint descendit le jour de la Pentecte sous la forme de langues de feu (Ac 2, 3) qui embrasrent les saints aptres. Dieu de mme apparut au prophte Mose dans une flamme de feu dans le buisson (Ex 3, 2), et Saint Paul dit aussi : Notre Dieu est un feu dvorant (H 12, 29).

Celui qui est habit par lEsprit de Dieu doit tre dans la ferveur de lEsprit. Celle-ci imprgne son cur, son amour, ses prires, ses dvotions, son service. Cette ferveur embrase toute sa vie, et tout lieu o il se trouve sembrase par sa ferveur, par ses activits et par le saint zle qui lanime.

Lamour de Dieu et celui du prochain remplissent le cur de lhomme spirituel. Or, la Sainte Bible compare lamour un feu, et lcriture dit ce propos: Les grandes eaux ne peuvent teindre lamour (Ct 8, 7).

Cest pour cette raison que le serviteur de Dieu anim par lamour sembrase de feu, comme le signale lAp-tre en parlant de son ministre : Que lautre trbuche et cest un feu qui me brle ? (2 Co 11, 29). Or cette ferveur de lhomme spirituel se transmet aux autres.

Des saints anges qui excutent loeuvre de Dieu avec ferveur et ardeur le psalmiste dit:

Il fait des souffles ses anges,Des flammes de feu ses serviteurs (Ps 103, 4).

Cependant, cette ferveur spirituelle ne dure pas toujours chez bien des enfants de Dieu et ils sont alors envahis par la tideur... Ils ne persvrent pas dans leur amour dantan pour beaucoup de raisons.

Ils prient, mais plus avec le mme amour, ni avec la mme profondeur, ni avec le mme esprit. Ils lisent la Sainte Bible sans en tre touch et il en est de mme des runions spirituelles et de la sainte liturgie qui nmeuvent plus leur cur comme jadis.

Leurs dvotions deviennent comme un corps sans esprit, ayant les apparences de la pit, mais reniant ce qui en est la force (2 Tm 3, 5). Ils parlent Dieu sans sentir sa prsence devant eux et dans leur vie.

Oh comme Dieu ne supporte pas cette tideur! Ainsi cest exprim dans lApocalypse, il dit lange de lglise de Laodice:

Tu nes ni froid ni chaud. Que nes-tu lun ou lautre!Ainsi, puisque te voil tide, et que tu nes ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche (Ap 3, 15-16).Cependant la tideur est un tat relatif. Ce que lon peut considrer comme tideur chez les grands saints peut tre considr comme ferveur chez des personnes ordinaires. Ces saints peuvent avoir rgress quelque peu de leur niveau spirituel mais il demeure pourtant bien suprieur celui des autres, malgr leur rgression.

LES STYLES DE TIEDEUR

Dans ce domaine on peut dceler trois catgories : Une tideur naturelle qui peut atteindre tous les hommes, mme les saints, une tideur grave qui menace toute la vie spirituelle et risque dentraner la chute de lhomme, et une tideur relative, si lon compare la vie spirituelle dune personne deux poques diffrentes de sa vie, toutes deux jouissant dun niveau spirituel lev.

La tideur naturelle est un phnomne de notre nature sujette la dviation et qui est incapable de suivre constamment une ligne solide continuellement ascendante.

Quant la tideur grave cest celle qui persiste longtemps et qui sapprofondit sans que lon prouve aucun blme intrieur. Lhomme peut sy habituer et ne point chercher sen dbarrasser, parce quelle peut se revtir de lhabit des agneaux.

Il en est ainsi de lhomme qui tant habitu latmosphre de lglise, y pntre sans vnration ni respect, sans humilit ni motion. Il peut y donner des ordres et interdire, lever la voix et crier. Il peut prendre le maintien de lordre comme prtexte pour rprimander et rudoyer, comme il peut interrompre la prire du prtre ou du diacre pour corriger un faute de grammaire. Arriv ce stade, ou bien il cherche retrouver sa spiritualit parce quil dcouvre quil la perdue, ou bien il ny pense plus, estimant quil a bien agi.

L, il passe de la tideur au pch, sans sen rendre compte, ou il peut sen rendre compte et chercher alors sen justifier.

Dans cet tat de tideur, il perd sa douceur et son humilit aussi bien que la vnration du lieu saint et le respect envers autrui.LES ASPECTS DANGEREUX DE LA TIDEUR

La tideur est une chute. Comment pourrait-elle ne pas ltre ? La tideur est une chute du niveau de lamour celui de la routine, ou de celui de lesprit celui du rationalisme, cest une chute des vertus de lesprit celles du matrialisme ou de lintrt qui le rapproche de Dieu celui qui le rattache aux hommes.

La tideur constitue un arrt du mouvement; cest une relation extrieure et non plus une relation intrieure avec Dieu; cest lintrt accord aux vertus en ce souciant du critre de la longueur (la quantit), et non de la profondeur (la qualit).

Chacun de ces lments exige un long dveloppement que nous essaierons de rsumer en exposant non seulement les aspects de la tideur, mais aussi ses causes ...

DE LAMOUR LA ROUTINE

La vie spirituelle de lhomme doit tre anime par lamour pour Dieu qui doit imprgner toute vertu. Vous priez parce que vous aimez Dieu et vous dites :

Dieu, mon Dieu, je te cherche ds laurore mon me a soif de toi!Aprs toi languit ma chair,comme une terre dserte, sans eau (Ps 62, 2).Combien jaime ta loi:tout le jour elle fait mes dlices (Ps 118, 97).

Mais dans ltat de tideur, la prire se transforme en un devoir et en une obligation que vous remplissez, pour que votre conscience ne vous reproche rien et ne vous accuse pas davoir manqu vos devoirs.

Vous pouvez prier sans dsir sincre, sans sentiment, sans ferveur et peut-tre encore sans comprhension. Votre prire dans ce cas perd tous les lments qui en font une prire spirituelle; ds lors, elle sera dpourvue de componction, de pit, de foi, de mditation et damour. Vous priez et cela vous suffit, alors que votre prire est devenue une simple routine.

Ce que lon dit de la prire dans ltat de tideur pourrait sappliquer aux autres disciplines spirituelles. De mme, votre lecture de la Sainte Bible devient routinire. Vous lisez sans comprendre ni mditer, sans appliquer ce que vous lisez votre propre vie ni recourir aux exercices spirituels et surtout sans savourer les paroles de Dieu, comme les savourait le prophte David qui disait :

Je trouve la joie dans tes paroles,autant que celui qui dcouvre un grand trsor (Ps 118, 162).

Votre lecture nest quune simple routine et un simple devoir. Peut-tre avez-vous commenc votre vie spirituelle par lamour pour Dieu, mais vous ny avez pas persvr. Pourquoi ?

Cest peut-tre lintrt accord la quantit plus qu la qualit qui vous a conduit au ritualisme cultuel et, partant, la tideur. Vous voulez rciter un certain nombre de psaumes et de prires, lire un certain nombre de chapitres de la Sainte Bible, et faire un certain nombre de prosternations. En tout cela, peu importe pour vous le comment ? Vous ne vous souciez plus de lesprit mais du nombre. Et si vous atteignez le nombre requis, vous tes, hlas ! satisfait de vous-mme. Peu importe pour vous quel point Dieu est satisfait de votre mthode!

Lorsque saint Isaac aborda cette question, il conseilla de se dire soi-mme dans un tel cas : Je ne me tiens pas devant Dieu pour compter des mots.Saint Paul, lui, prfra cinq paroles avec intelligence dix mille paroles en langue (1 Co 14, 19).

Pour accomplir vos devoirs vous pouvez prier rapidement, mais la rapidit conduit lincomprhension et au manque de mditation. Ds lors votre objectif sera, non de jouir dun entretien avec Dieu tout empreint damour, mais de vous acquitter de cette obligation que les moines appellent loffice.

La dviation de lobjectif loin du chemin spirituel vous conduit invitablement la tideur, car elle vous loigne de la spiritualit de la prire qui est lorigine de la ferveur. Nombreux sont ceux qui en apprenant les hymnes liturgiques ne peuvent pas les tudier par cur et il en est de mme des psalmodies, aussi prient-ils avec ces hymnes et ces psalmodies lentement et, partant, avec mditation et spiritualit. Mais avec la pratique, ils atteignent le stade de ltude par cur et la vitesse avec laquelle ils chantent ces prires saccrot en proportion, tel point quils chantent les louanges si vite quil est difficile de distinguer les paroles.

Avec la vitesse et ltude par cur, la comprhension, les sentiments, la mditation diminuent et les hymnes deviennent une simple musique dpourvue de lesprit de prire.

CAUSES ET REMEDES DE LA TIDEUR

Si vous tes assailli par un ou par toutes ces faiblesses, dites-vous : Je voudrais prier, je voudrais madresser Dieu de tout mon cur, mme en quelques paroles, comme lont fait le collecteur dimpts et le bon larron sur la croix, qui ne lui ont dit quune seule phrase.Lune des causes de votre tideur est peut-tre que vous vous contentez des prires tudies, que vous les rcitez sans quelles ne soient imprgnes par lesprit de prire, sans ajouter des prires personnelles manant des profondeurs de votre cur.

Pourtant elles sont profondes les prires des psaumes et les autres prires de lEglise si vous les priez avec comprhension et de tout votre cur... Ce sont des trsors spirituels. Mais en plus de ces prires vous avez besoin davoir des prires personnelles o vous exprimez tout ce qui anime votre me, en employant vos propres paroles et o vous vous adressez Dieu avec amour et en toute franchise, comme si vous vous teniez devant lui et que vous le voyiez.

Exercez-vous ces prires personnelles toutes les fois que vous tes assailli par la tideur, comme dans les priodes de ferveur spirituelle, et constatez lefficacit de telles prires dans votre vie.

Affranchissez-vous de lesclavage de la quantit et de la vitesse, de celui de la routine et de lobligation et cherchez prier avec esprit, comprhension et sentiments; agissez de la sorte avec tous les exercices spirituels. Gardez-vous de la chute!

Si vous souffrez de la tideur, rduisez le nombre de psaumes, mais priez avec profondeur tout en cherchant augmenter le nombre en gardant la mme profondeur. Sinon, tenez-vous un petit nombre, la profondeur tant la plus importante, car cest elle qui remdie la tideur.Or la tideur nattaque pas seulement la prire, les lectures, les mditations et tous les autres moyens spirituels, mais elle peut aussi envahir tous les sentiments intrieurs du cur, les divers fruits de lEsprit et toute la vie spirituelle en gnral... Le saint zle dans le service de Dieu peut ntre plus aussi ardent quauparavant, le dsir de se consacrer Dieu peut faiblir ou sattidir, la ferveur dans lexamen de conscience et dans la vie de conversion peut perdre sa force.

Dans ltat de tideur les aspects et les causes peuvent se ressembler. Par exemple, se dtourner de Dieu en se proccupant dautre chose peut tre un aspect de la tideur comme il peut en tre une cause. La satisfaction prouve lgard dun niveau spirituel atteint avec larrt de la croissance peut tre une cause de la tideur aussi bien quun de ses aspects. Nous avons dj signal que le passage de lamour la routine est un des aspects de la tideur et nous pouvons aussi le considrer comme une de ses causes. LES PROCCUPATIONS QUI DETOURNENT DE DIEUParmi les causes les plus graves de la tideur figurent les proccupations qui empchent de trouver du temps pour Dieu et pour sa vie spirituelle. Lintrt profond nest plus accord Dieu, mais aux proccupations; la place de Dieu dans notre vie nest plus la premire mais la dernire ... Ainsi, lon voit disparatre les moyens spirituels suscitant la ferveur dans le cur, qui est alors envahi par la tideur.

Les proccupations sont diverses : les unes sont mondaines, les autres sont dans le cadre du service religieux ... Lhomme peut tre proccup par des questions familiales, par les tudes, par une activit quelconque, par un divertissement, par un hobby ou un travail, tel point quil ne trouve plus de temps pour sa propre vie spirituelle.

Pour un tel homme nous prsentons deux conseils :

1. Il faut organiser votre temps.

2. Que servira-t-il donc lhomme de gagner le monde entier, sil doit perdre son me (Mt 16, 26).

Pour organiser votre temps de telle sorte que vous en consacriez une partie votre vie spirituelle, il faut reconnatre la valeur des moyens spirituels pour votre vie terrestre et pour votre vie dans lternit. Si vous les apprciez comme ils le mritent, vous leur accorderez lintrt requis et vous consacrerez un temps pour votre vie spirituelle, quelles que soient vos proccupations.

Gardez-vous de celles qui concernent le service de lglise, car elles constituent parfois une entrave votre vie spirituelle, dune faon qui satisfait votre conscience. Sachez bien que si votre vie spirituelle faiblit, votre service de Dieu sen ressent et ne porte aucun fruit. Car le service de Dieu nest pas une activit quelconque, mais cest un esprit qui se transmet dune personne lautre; cest la vie du serviteur de Dieu qui est assimile par le fidle. Sachez que le service de Dieu nest pas un prtexte vous empchant de jouir de Dieu et de son intimit. Dailleurs Dieu nexige pas de vous un service qui vous loigne de la prire, de la mditation et de la vie intime avec lui. Vous avez donc besoin dorganiser les diverses activits quexige le service de Dieu.

Souvenez-vous du fils an dans la parabole de lenfant prodigue qui dit son pre : Voil tant dannes que je te sers ... et moi tu ne mas jamais donn un chevreau pour festoyer avec mes amis (Lc 15, 29).

Bien quil servait son pre depuis de longues annes, sa volont sopposait celle de son pre, son entretien avec ce dernier, ses propos concernant son frre, son refus de partager la joie qui remplissait le cur de son pre en voyant son frre se retourner, tout cela prouve la faiblesse de sa vie spirituelle.

Cherchez accepter seulement les proccupations qui ne dpassent pas vos capacits. Pour sauvegarder votre vie spirituelle, renoncez certaines proccupations. Elles sont nombreuses celles auxquelles on peut renoncer, ainsi en est-il de certains divertissements, certaines rencontres et de bien des entretiens.

Vous pouvez au moins lever votre cur vers Dieu de temps en temps lors de vos proccupations ; et mme si elles absorbent tout votre temps, quelles naccaparent pas tout votre cur. Ne vous laissez pas absorber totalement par les proccupations, vu que vous ne possdez pas tout votre temps pour le gaspiller, car o se trouve alors la part de Dieu ?!

Je ne veux pas vous dire que Dieu possde toute votre vie... Mais au moins, souvenez-vous, au milieu de vos multiples proccupations, de deux points importants quant la part de Dieu dans votre temps :

1. Souvenez-vous du jour du Seigneur pour le sanctifier.

2. Souvenez-vous quand il sagit de votre temps, du commandement concernant les prmices.

Sachez que si vous tes fidle dans lobservance du commandement du jour du Seigneur, vous y puiserez srement une rserve spirituelle qui vous permettra dviter la tideur durant toute la semaine suivante.

Si vous tes fidle dans lobservance du commandement des prmices, et que vous offrez Dieu celles de votre journe, la ferveur spirituelle que vous y puiserez subsistera toute la journe et vous poussera consacrer dautres temps votre vie spirituelle.

Un autre point est signaler : Si vous vous occupez profondment toute la journe de questions mondaines, celles-ci sempareront de votre intriorit, accapareront votre cur et votre pense, de sorte que si vous vous tenez devant Dieu pour prier, votre esprit sera proccup par ces questions et votre prire sera empreinte de tideur.

Quand nous parlons des proccupations en tant que cause de la tideur, nous nentendons pas seulement loccupation de tout le temps, mais surtout la proccupation du cur et de la pense aussi... et cest le plus grave, car elle pntre lintrieur de lhomme.

Cest pour cette raison que la Sainte glise a tabli les sept prires journalires pour rompre les multiples proccupations de la journe par une intimit avec Dieu. Ces prires ont t rparties de sorte quil ne se passe pas trois heures sans que lhomme nlve son cur vers Dieu et sentretienne avec lui, loin des proccupations et des questions de ce monde, sauvegardant ainsi sa ferveur. Si vous tes fidle dans les prires du jour, vous ne connatrez pas la tideur, car votre esprit naura cess dinvoquer Dieu durant toute la journe.

Lune des causes de la tideur cest que lhomme se tient loign de Dieu pendant un temps assez long, comme il arrive certains fidles qui prient seulement le matin et le soir et qui ne prient pas aux heures les plus occupes et les plus critiques de la journe o les combats et les causes de chute abondent.

Voulez-vous chapper la tideur? levez le cur de temps en temps vers Dieu, mme par une seule phrase, ou par une courte prire qui ne dure quune minute ou quelques secondes.

Article paru dans la revue Le Chemin, 59, 2003._____________________________________________________________________________________________

Aux Matines du lundi de la premire semaine du Grand Carme (4)Ode 8Hirmos: Le Dieu qui dans la fournaise descendit * pour venir en aide * aux enfants du peuple hbreu * et changer la flamme en une frache rose, toutes ses oeuvres, chantez-le comme Seigneur, * exaltez-le dans tous les sicles.

Les passions m'ont dvor, et les yeux de mon me sont obscurcis: renouvelle-moi par le feu de ton amour; * Christ, fais briller sur moi la lumire du salut, * afin que je te glorifie dans tous les sicles.

Des passions hassant la satit, rassasie-toi avec les dlices * du jene et de la vertu; * dlaissant l'amertume des passions, * mon me, vis pour les sicles.

L'me endurcie, obscurcie par l'ivresse des passions, * je n'ose plus regarder vers toi, mon seul Seigneur; * envoie sur moi ta grce et ta clart, * et de la pnitence entrouvre-moi la porte. (Suite la page 23)

CANONISATION DE MRE MARIE SKOBTSOVET DE SES COMPAGNONS

Mre Marie Pre Dimitri Klpinine Mre MarieCest avec une grande joie que nous pouvons maintenant prier : Sainte mre Marie Skobtsov, prie Dieu pour nous ! Le Saint-Synode du Patriarcat cumnique a inscrit au rang des saints de lglise orthodoxe mre Marie Skobtsov et trois des ses proches collaborateurs son uvre humanitaire Paris avant et pendant la deuxime guerre mondiale : le pre Dimitri Klpinine, Iuri (Georges) Skobtsov, fils de mre Marie, et Ilya Fondaminsky. Ils ont t arrt pour leurs activits en faveur des Juifs en France pendant loccupation allemande. Dports dans les camps de concentration en Allemagne, ils y sont morts mre Marie dans la chambre gaz au camp de Ravensbrck le Samedi saint 31 mars 1945.Le pre Alexis Medvedkov, dcd avant la deuxime guerre mondiale et dont les reliques ont t retrouves intactes longtemps aprs sa mort, a t canonis en mme temps que mre Marie et ses compagnons.Lannonce des canonisations a t faite Paris le 11 fvrier 2004 par le Conseil diocsain de lExarcat des glises orthodoxes russes en Europe occidentale, prsid par Son minence larchevque Gabriel (de Vyder). La fte commune des nouveaux canoniss est le 20 juillet fte du prophte saint lie et chacun sera galement ft le jour de son dcs.APERU DES VIES DES NOUVEAUX CANONISSNe dune famille aristocratique dans les dernires heures de la monarchie russe, instruite et cultive, vedette des salons littraires de Saint-Petersbourg, marie deux fois, mre de trois enfants, divorce, rvolutionnaire, menace de mort pendant la Rvolution russe autant par les Blancs que par les Rouges , exile en Turquie, en Serbie puis en France, mre Marie Skobtsov tait une passionne de la vie. Devenue moniale en 1932 lge de 41 ans, elle dirige sa passion pour la vie vers la Vie, le Crucifi-Ressuscit, et elle devient un aptre de lamour du prochain par le sacrement du frre . Elle se donne corps et me pour tous les rejets de la socit : les pauvres, les sans-abri, les handicaps, les alcooliques, les prostitues, les drogus, les criminels, les malades mentaux et, en dernier lieu, en pleine guerre mondiale, les Juifs perscuts pendant loccupation allemande de la France. Son monastre tait nul autre que le dsert du cur des hommes . Arrte par loccupant, dporte en Allemagne, elle meurt dans le chambre gaz au camp de concentration de Ravensbrck le Samedi saint 31 mars 1945. Mre Marie est morte comme elle a vcu, suivant son Matre jusquau Golgotha pour ses bien-aims.Sainte Marie Skobtsov, prie Dieu pour nous !Le pre Dimitri Klpinine, n en 1904, a t laumnier la cantine et foyer tabli par mre Marie la rue de Lourmel Paris. Mari et pre de deux enfants, Hlne et Paul, le pre Dimitri a collabor avec mre Marie cacher des Juifs pendant loccupation allemande de la France. Arrt le 9 fvrier 1943, quelques jours avant mre Marie, il a t dport en Allemagne et est mort au camp de Dora le 9 fvrier1944.Saint pre Dimitri Klpinine, prie Dieu pour nous !Iuri (Georges) Skobtsov, n en 1920, tait le fils de mre Marie. Il servait comme sous-diacre la chapelle de la rue de Lourmel et se destinait la prtrise. Arrt le 8 fvrier 1943, il a t emprisonn quelque temps avec pre Dimitri Klpinine Compigne puis dport au camp de Dora en Allemagne, o il est mort le 6 fvrier 1944.Saint martyr Iuri Skobtsov, prie Dieu pour nous !Ilya Fondaminsky, juif dorigine, collaborait, avec mre Marie et dautres, dans lAction orthodoxe. Arrt par les nazis, il a t baptis dans le camp de dtention de Compigne peu avant dtre dport Auschwitz, o il est mort.Saint martyr Ilya Fondaminsky, prie Dieu pour nous !Le bienheureux pre Alexis Medvedkov (1867-1934), prtre desservant la paroisse d'Ugine, o il passait presque tout son temps en prire dans l'glise- Il mourut d'un cancer. Quand le cimetire d'Ugine fut dsaffect quelques annes aprs sa mort, on retrouva son corps absolument intact, ce qui fut interprt comme un signe de saintet et son corps fut transport la crypte de lglise Notre-Dame de l'Assomption Ste-Genevive-des-Bois, prs de Paris. Biographie (en anglais): www.orthodoxengland.btinternet.co.uk/alexisu.htm.Saint pre Alexis Medvedkov, prie Dieu pour nous !_____________________________________________________________________________________________

POMES ET VERS DE SAINTE MARIE SKOBTSOVNous sommes en ce mondenus et misrables,nous avons t sparsdu monde cleste.Mais gardant le souvenirde sa gloire et du bien,nous portons la croixqui nous a t donne.

* * *

De la saintet, du labeur, de la dignit,on nen trouve pas chez moi. Pourquoi mavoir choisie,f ait our le bruit dune tout autre arme,inond lme dune grce divine?Jcarte les bras dun geste impuissant car jignorequi frappe ma porte et comment,qui mappelle lutter contre tous les maux,me pousse terrasser la mort. cur, connais ta devise,quelle se grave sur mon tendard: Jexulterai dans le Seigneur ! Car cest dans lexultation et la flammeque tu reois la grce, mon coeur.

* * *

chacun je voudrais donner mon mepour que mangent les affams,soient couverts les nus, se dsaltrent les assoiffset que les sourds entendent la nouvelle.Du ciel qui tonne au murmure de la brise,tout me commande: Donne jusquau dernier sou.De la plnitude grave dune exprience sacremon me est pleine dborder.Et jai oubli: sil y a parmi la multitudece que tous appellent moi,il na plus que planement damour, et pauvret,et pulsation de la totalit.

Je le sais, le bcher sallumerade la calme main dune sur et mes frres iront chercher du bois,et mme les plus douxde ma voie toute de pchdiront de cruelles paroles.Mon bcher brlera,cantiques de mes surs,paisible battement des cloches,au Kremlin, sur la place des excutionsou bien ici, sur une terre trangre,partout o il y a des gens pieux.Des branches mortes monte une mince fume,le feu apparat mes pieds,le chant funbre devient plus fort.Mais la tnbre nest pas mort, ni vide,en elle se dessine la croix.Ma fin, ma fin consume.

* * *

Tous mes cahiers oublis, mes articles, mes vers, jetez-les.Ne vous avisez pas de garder mon ancien visage dans vos curs.Je ne veux pas tre un souvenir.je serai pour vous un appel.

* * *

mort, non je ne tai pas aime, toi.Jai aim ce qui est vivant en ce monde: lternit.

* * *

En ton nom, Seigneur, je peux tout.En ton nom, la mort mest lgre.

* * *

Seigneur, ce nest pas moi,cest une poigne de cendres,cest le cercueil de mes passions et de mes dsirs.

Visitez les Pages Sainte Marie Skobtsov: www.pagesorthodoxes.net/saints/mmarie-intro.htm

SAINT JEAN (MAXIMOVITCH)vque de San Francisco et de ShanghaiN en 1896 dans le village dAdamovka de la province de Kharkov en Russie, le futur vque Jean appartenait la famille noble des Maximovitch. Baptis sous le nom de Michel, il reut son ducation secondaire lcole militaire de Poltava et tudia ensuite le droit luniversit de Kharkov. En 1921, lors de la guerre civile qui suivit la Rvolution bolchevique, sa famille fut vacue Belgrade, o il acheva ses tudes de thologie. En 1926, il fut tonsur moine par le mtropolite Antoine Khrapovitsky, un ds plus brillants hirarques russes qui avait pu chapper la tourmente rvolutionnaire. Recevant le nom de son saint parent, Jean de Tobolsk, il fut bientt plac comme tuteur et professeur au sminaire serbe de Bitol, o il influena grandement ses tudiants par sa vie asctique et sa paternelle sollicitude. Aprs avoir inspect les dortoirs, il passait la nuit en prire et ne saccordait finalement quune heure ou deux de repos, assis ou prostern devant les icnes. Il reconnaissait par la suite lui-mme que, depuis sa conscration monastique, il ne stait jamais tendu pour dormir. Il ne mangeait quune fois par jour, un peu avant minuit, et pendant le Grand Carme il ne se nourrissait que du pain de lautel, passant la premire et la dernire semaine compltement jeun.Dj douze ans, il demanda sa mre de le laisser prier toute la nuit et, depuis lors, il en arriva ne plus user de lit, se contentant dun repos veill dans son fauteuil de travail. Aussi conseillait-il, quiconque proposait de lui tlphoner, de lappeler non le jour o il tait accapar, mais vers minuit, une heure du matin.

Quand on lui parlait, il semblait parfois, la dception de linterlocuteur, enlev par le sommeil ou ravi en dautres sphres : il suivait nanmoins parfaitement tout ce quon lui disait, ne laissant chapper aucun dtail et toujours perspicace. La profondeur, la hauteur et la constance de sa prire perptuelle se manifestaient en lamour de lhumanit si intense, en une comprhension si claire et si spirituelle de lme humaine que mme ce qui dans le prjug de notre socit semble contraire ou ennemi de lglise, trouvait mesure auprs de lui : Il ne faut pas rejeter les Francs-Maons, disait-il, ce sont des hommes comme les autres ; et ils ont, comme les autres, besoin du secours divin. La pntration de son regard gnralement humble et discret, mais alors dune braise insoutenable, effrayait sur le coup ceux qui, labordant, se sentaient brusquement sonds jusquau-del de leur carapace intrieure. En lui, amour et compassion dpassaient le plan individuel et stendaient la dimension des peuples et des nations. En 1934, il fut ordonn vque malgr ses rticences et envoy Shanghai, o il se dpensa tout entier pour le soutien et la consolation des multiples rfugis russes. Le mtropolite Antoine de Kiev qui le sacra vque disait de lui : Nous, nous nous mettons en prire, lui ne se met jamais en prire parce quil est prire. En envoyant Mgr Jean Shanghai, Mgr Antoine crivait son sujet au mtropolite de cette ville : Je vous envoie un vque dont lme est celle dun enfant ; il est petit, tout petit [il tait de petite taille] comme un bb, mais sa prire perce les cieux.

Shanghai, Mgr Jean commena par rconcilier les orthodoxes de diffrentes nationalits, qui taient diviss par des querelles de juridictions, et organisa lassistance aux plus pauvres. Par tous les temps, il parcourait lui-mme les rues pour recueillir les enfants malades et les orphelins, aussi bien russes que chinois. Lorphelinat quil fonda, plac sous la protection de saint Tikhon de Zadonsk, commena avec huit enfants et en abritait 3,500 quand larrive des communistes obligea la communaut se rfugier, dabord dans une le des Philippines, puis aux tats-Unis.En raison de circonstances politiques, plusieurs enfants chinois dont il soccupait ne purent entrer en Amrique, arrts dans le port. Il se rendit alors Washington o on refusa de lintroduire la Maison Blanche. Mgr Jean sassit sur les marches de lescalier du Congrs et il pria en silence jusquau moment o les membres du Congrs, stupfis de voir chaque fois quils passaient cet vque priant sur les marches de lescalier, demandrent la raison de sa prsence et votrent aussitt une loi permettant aux enfants chinois dentrer en Amrique. Homme libre admirable, larchevque Jean neut jamais honte devant les hommes de ce monde.Malgr ses charges pastorales, saint Jean poursuivait - et tendait mme sa vie asctique - et il clbrait quotidiennement la divine Liturgie. Atteint dulcres aux jambes, il refusait dtre opr, et quand il se soumit finalement aux pressions de ses paroissiens, le soir mme de lintervention chirurgicale, il se trouvait dans lglise pour clbrer la vigile de lExaltation de la Croix. Se contentant des vtements les plus humbles, il ntait chauss que de sandales lgres, quil cdait souvent un pauvre, et clbrait toujours pieds nus, au grand dam de certains. Ainsi tendu vers Dieu par lascse, avec la mme rigueur que les Pres de jadis, il avait reu de Dieu le don de clairvoyance, quil exerait avec discernement pour le salut et ldification des mes. Il passait le plus clair de son temps visiter les malades, pour leur porter la sainte Communion et leur procurer la consolation de la prsence de Dieu, et ne ddaignait ni les prisonniers, ni les malades mentaux, qui le recevaient avec calme et joie et coutaient avec attention ses sermons.

Durant loccupation japonaise, alors que la colonie russe de Shanghai se trouvait constamment menace, le courageux prlat en assuma, au pril de sa vie, la direction et continua rendre visite ses ouailles, mme au cur de la nuit, dans les quartiers les plus dangereux. Avec larrive des communistes, en 1949, les rfugis russes de Shanghai furent vacus, au nombre de cinq mille, dans une le des Philippines, frquemment soumise des typhons. Mais, protg par les prires de son pasteur, le camp de rfugis fut pargn pendant les vingt-sept mois de leur sjour. Et peu aprs le dpart de la majorit des rfugis, un terrible typhon dtruisit totalement le camp.

Ayant russi obtenir lautorisation dmigration aux tats-Unis pour son troupeau, linfatigable pasteur fut nomm archevque de lglise russe hors-frontires pour lEurope occidentale (1951). Ayant son sige dabord Paris, il rsida ensuite Bruxelles. Loin de se limiter aux besoins pastoraux des migrs russes, il montrait un vif intrt pour la restauration de lOrthodoxie en Occident et manifestait une profonde dvotion pour les saints occidentaux antrieurs au Schisme, dont il seffora de rtablir la mmoire liturgique. En Europe, comme en Chine, et par la suite aux tats-Unis, le bienheureux continuait de rgler sa conduite uniquement sur la Loi divine, sans considration des conventions sociales, ce qui lui attirait la critique des uns, mais le faisait considrer avec admiration comme un fol-en-Christ de notre temps par les autres. Un jour, un prtre catholique de Paris, voulant assurer ses fidles que la saintet nest point chose du pass, scria dans son sermon : Voil que dans les rues de Paris, circule aujourdhui un saint Jean Nu-Pieds!

En 1963, il fut envoy durgence San Francisco pour restaurer la paix au sein de la communaut russe, divise propos de la construction de la cathdrale. Supportant sans murmure les calomnies, sans jamais juger autrui ou perdre sa paix intrieure, il accepta mme de comparatre, contrairement aux saints canons, devant un tribunal civil pour rpondre des accusations de dtournement de fonds quon lui imputait. Il tait certes strict en ce qui concernait la morale de ses fidles et la prservation de la tradition ecclsiastique, mais il rpandait profusion lamour divin sur tous ceux qui recouraient lui, en montrant toujours une sollicitude enjoue pour les enfants. Ayant prdit longtemps lavance, le jour de son trpas, il sendormit en paix, le 19 juin (2 juillet du calendrier civil) 1966 Seattle. Ce jour-l, aprs avoir visit les malades, alors quil vaquait son autel, il est tomb. Seul, doucement, sans gner personne. Ainsi, sa vie durant, il accomplit son uvre, sans bruit, comme rpondant chaque fois un besoin impratif, souvent subtil au point den tre imperceptible, dune manire inattendue. Efface, son intervention tait gnralement souveraine, sa prsence quasiment ineffable, canal dune grce qui se rpandait sur les plus affligs.

Ses funrailles dans la cathdrale de San Francisco furent un triomphe de lorthodoxie rconcilie, et parmi les milliers de fidles qui, pendant six jours, vinrent vnrer sa dpouille, nombreux furent ceux qui remarqurent quelle ne montrait aucun signe de corruption et dgageait un suave parfum. Depuis, le bienheureux hirarque a tmoign maintes reprises son assistance cleste envers les fidles de partout qui linvoquaient.

En juillet 1994, le saint vque a t glorifi par le Synode de lglise russe hors-frontires.Tropaire, ton 5

Le soin que tu pris de ton troupeau dans son errance * cest la prfiguration de tes prires * leves sans cesse pour le monde entier * telle est notre croyance, nous qui connaissons ton amour * Pontife et Thaumaturge Jean ! * Tout entier sanctifi par Dieu dans le ministre sacr des trs purs Mystres * par lesquels tu tes toi-mme sans cesse affermi * tu as visit ceux qui souffraient, trs rconfortant gurisseur; * visite-nous tous maintenant pour nous secourir, * nous qui de tout cur te vnrons. Kondakion, ton 4

Ton cur treint tous ceux qui prient avec amour, * Pontife Jean, * et commmorent lexploit de ta vie asctique. * Sans douleur fut ton paisible repos, * fidle servant de la Trs Pure Conductrice.LE SYMBOLE DE FOI ViIpar lArchimandrite Pierre LHuillier

7e article: Et il reviendra en gloire juger les vivants et les morts; son rgne naura point de fin.

La croyance en la seconde venue du Christ est absolument fondamentale dans lensemble de la doctrine chrtienne, aussi toute tentative pour ds-eschalologiser le christianisme, cest--dire pour supprimer ou minimiser cet article de foi ne petit tre considr