histoire religieuse des etats-unis - numilog

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Histoire religieuse des États-Unis

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Dans la même collection

Alessandro Barbero, La Bataille des trois empires. Lépante, 1571.Michael Barry, Le Royaume de l’insolence. L’Afghanistan 1504-2011.Jean-Paul Bertaud, Les Royalistes et Napoléon.Jean-Paul Bertaud, L’Abdication. 21-23 juin 1815.Olivier Chaline, L’Année des quatre dauphins.Liliane Crété, Les Tudors.R. M. Douglas, Les Expulsés.Richard Evans, Le Troisième Reich (3 volumes).Victor Davis Hanson, La Guerre du Péloponnèse.Françoise Hildesheimer, La Double Mort du roi Louis XIII.Julian Jackson, La France sous l’Occupation.Eric Jager, Le Dernier Duel.Ian Kershaw, La Chance du diable. Le récit de l’opération Walkyrie.Paul Payan, Entre Rome et Avignon. Une histoire du Grand Schisme (1378-

1417).Jonathan Phillips, Une histoire moderne des croisades.Marie-Pierre Rey, L’Effroyable Tragédie. Une nouvelle histoire de la campagne

de Russie.Guy Walters, La Traque du mal.

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Lauric Henneton

Histoire religieuse des États-Unis

Flammarion

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© Flammarion, 2012ISBN : 978-2-0813-4597-3

www.centrenationaldulivre.fr

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À la mémoire de Naomi Wulf

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Prologue

Où que l’on regarde aux États-Unis, la religion n’est jamais bienloin : on la trouve dans la politique, bien entendu ; les faits divers,souvent ; les affiches le long des routes, rappelant à l’automobilistel’imminence du retour du Christ ou simplement son amour ; la pro-fusion de lieux de culte de toutes les sensibilités imaginables et, defaçon plus insolite, jusque dans les rubriques sportives des médias.Ainsi, en décembre 2011, même la presse française s’est étonnée dela célébrité quasi instantanée de Tim Tebow, un joueur de footballaméricain des Denver Broncos à la religiosité particulièrement osten-tatoire et décomplexée. En février 2012, ce fut le tour de Jeremy Lin,jeune joueur de basket-ball des New York Knicks, d’origine taïwa-naise, diplômé de Harvard, mais aussi protestant évangélique, quienvisage de devenir pasteur à la fin de sa carrière

1.La question de la religion aux États-Unis, « à la fois familière et

difficilement compréhensible », est un « objet étrange, exotique », sourcede confusions et de jugements à l’emporte-pièce souvent dus à unegrille de lecture trop franco-française

2. Globalement, la vision desFrançais qui ne se rendent pas régulièrement aux États-Unis dépendde la couverture médiatique. Ceci dit, l’intérêt croissant des médiasfrançais pour les élections américaines est remarquable : même l’obscurcaucus de l’Iowa, point de départ de la course à l’investiture dans les

premiers jours de janvier, est parvenu à mobiliser les correspondantspermanents des médias français, et ce en dépit des redoutables frimashivernaux du Midwest. Chacun à sa manière, Bill Clinton, GeorgeW. Bush et Barack Obama n’ont pas manqué d’alimenter la curiositéet, par conséquent, d’étendre l’espace médiatique consacré à la politique
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américaine dans son ensemble et aux incessantes et interminables cam-pagnes électorales en particulier. Tous les quatre ans pour la prési-dentielle, tous les deux ans pour la Chambre des représentants, cescampagnes sont un moment privilégié pour parler de religion auxÉtats-Unis, qu’un médecin pratiquant des avortements tombe sous lesballes de quelque fondamentaliste, que le school board d’un État duSud ou du Midwest promulgue une loi interdisant l’enseignement del’évolution, ou encore qu’un sportif célèbre se déclare born again.

Selon un présupposé largement répandu, la moralité d’un candidatà la Maison Blanche est fonction de sa religiosité, laquelle peut doncdifficilement échapper à l’espace public. Des candidats démocratesmalheureux comme l’orthodoxe Michael Dukakis (1988) et le catho-lique John Kerry (2004), pour qui la foi était une affaire privée, enont souffert. L’idée que la moralité dépend de la ferveur religieusesemble disqualifier les candidats agnostiques et athées, ceux dont lapratique est discrète ou peu assidue, ou encore ceux dont la croyancen’est pas conforme à celle de la population majoritaire. Le mormo-nisme du républicain Mitt Romney a fait couler beaucoup d’encre :nombre de protestants évangéliques conservateurs considèrent en effetle mormonisme comme une foi non chrétienne, voire comme unesecte (cult). Les temps changent, pourtant, et le catholicisme, long-temps anathème, ne semble plus être rédhibitoire. On est loin de ladéferlante antipapiste qui accompagna la candidature du démocrateAl Smith en 1928 et des pressions subies par John F. Kennedy, obligéde promettre devant les caméras et un parterre de pasteurs évangé-liques qu’il ne serait pas aux ordres du Vatican s’il l’emportait ennovembre 1960. La position d’un candidat sur l’avortement, consi-dérée comme l’illustration concrète de sa rectitude morale, est déter-minante : un candidat républicain n’a pratiquement aucune chancede passer le cap des primaires s’il n’est pas pro-life. Ce qui a valuchez certains des conversions sûrement plus opportunistes que sin-cères. Chez les démocrates, c’est l’inverse : il vaut mieux être pro-choice. Lors de la convention de son parti à l’été 1992, Bob Casey,sénateur démocrate pro-life de Pennsylvanie, s’est vu interdire de

parole à cause de ses opinions sur la question. Sans parler de l’insolite« Wafer Watch » de l’été 2004, quand les évêques catholiques amé-ricains voulurent priver John Kerry de la communion en raison deses prises de position pro-choice. Messe après messe, la noria de jour-nalistes qui suivaient la campagne de Kerry scrutaient les mandibules
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PROLOGUE 11

du candidat pour déterminer si le desservant lui avait ou non donnél’hostie (wafer) 3.

Les statistiques permettent de quantifier l’impression généraled’omniprésence du religieux. Dans la grande enquête nationale duPew Forum on Religion and Public Life, publiée en mars 2008, 92 %des quelque 35 000 Américains sondés se disaient croyants, 71 %étaient « absolument certains » de l’existence de Dieu, 56 % consi-déraient que la religion joue un rôle « très important » dans leur vie,39 % assistaient à un office religieux au moins une fois par semaine,une proportion qui s’élève à 60 % chez les protestants évangéliqueset à 75 % chez les mormons. Trois quarts des sondés croyaient enl’existence d’un paradis (91 % dans les églises noires, 95 % chez lesmormons), 59 % à celle de l’enfer (82 % chez les protestants évan-géliques et dans les églises noires) 4. De même, 75 % des sondésdisaient prier au moins une fois par semaine, et 60 % quotidienne-ment.

Malgré la surreprésentation d’athées et d’agnostiques au sein duParti démocrate et dans le monde universitaire, les États-Unis sem-blent être un îlot de religiosité dans un Occident largement déchris-tianisé, au moins sécularisé. En a-t-il toujours été ainsi ? L’Amériquea-t-elle toujours été puritaine, pour peu qu’elle le soit encore – etqu’elle l’ait jamais été ? Aux États-Unis, comme l’a récemment mon-tré Denis Lacorne, deux conceptions de l’histoire s’affrontent : l’unehéritée de la période coloniale et de la poussée évangélique duXIXe siècle, qui se représente le pays comme une « nation chrétienne »par essence ; l’autre dérivée des Lumières, rationaliste, pour laquellela religion n’a pas sa place dans l’espace public 5. Ces deux interpré-tations antagonistes de l’identité américaine et les héritages sur les-quelles elles s’appuient montrent la pertinence d’une exploration del’histoire des phénomènes religieux aux États-Unis depuis les fonda-tions coloniales.

L’intérêt des universitaires français pour la question ne se démentpas. On distingue essentiellement deux grandes catégories : l’étudede la période coloniale et révolutionnaire et celle de la période

contemporaine. Dans la première, les travaux majeurs concernent dif-férents groupes : les puritains (Jean-Pierre Martin, Liliane Crété

6),les quakers (Jeanne-Henriette Louis 7), les huguenots et l’anglicanismedes colonies du Sud (Bertrand Van Ruymbeke 8) ou encore la piété fémi-nine (Lucia Bergamasco

9). La période contemporaine est davantage

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le terrain des juristes, des politologues et des sociologues, qui se pen-chent volontiers sur les rapports entre politique et religion, la sépa-ration des Églises et de l’État, la laïcité (Denis Lacorne, CamilleFroidevaux-Metterie, Isabelle Richet 10), les fondamentalistes et lesformes du conservatisme religieux, ou encore les méga-églises, oumegachurches (Mokhtar Ben Barka et Sébastien Fath dans les deuxcas 11). Enfin, Nathalie Caron s’inscrit dans les deux groupes puisque,après des travaux consacrés à Thomas Paine et plus largement auxLumières américaines et au déisme, ses dernières publications portentsur les manifestations contemporaines des faits religieux

12. Il man-quait cependant un traitement panoramique permettant d’appréhen-der l’ensemble de la période, depuis les fondations jusqu’à nos jours,au moins jusqu’au milieu du XXe siècle.

Un mot sur l’économie du présent ouvrage. Dans la mesure oùla période contemporaine (après 1945) est la plus fréquemment étu-diée, notamment du fait de ses implications politiques et sociolo-giques immédiates, nous avons choisi de ne pas la traiter dans lecorps du livre mais dans un épilogue plus succinct que les neuf cha-pitres qui le précèdent ; y sont abordés tout de même les implicationsreligieuses de la guerre froide, le mouvement pour les droits civiques,la montée en puissance de la droite chrétienne à partir des années1970 et, plus récemment, d’une « gauche religieuse » héritière desréformateurs évangéliques du XIXe

siècle, du Social Gospel (évangilesocial) et du mouvement des droits civiques lui-même. Cette mino-ration de la période contemporaine est un parti pris assumé. Il s’agitde prendre à contre-pied la tendance inverse, qui consiste à réduirela période antérieure à la présidence de Franklin Roosevelt à quelquepréhistoire dont on ne peut faire l’économie mais qui fera l’objet d’untraitement bien plus expéditif que l’après-Pearl Harbor. La remarquevaut également pour le traitement classique de l’histoire britanniqueantérieure à 1945 ou, dans le meilleur des cas, à 1815. Malgré sesqualités indéniables, la synthèse récente du Britannique David Rey-nolds est une parfaite illustration de ce phénomène. Le premier tiersdu livre emmène le lecteur des populations précolombiennes au seuil

de la guerre de Sécession (1861) ; le deuxième tiers jusqu’à Hiroshimaet les six derniers chapitres à l’élection de Barack Obama

13. De lamême manière, l’ouvrage classique d’André Kaspi, Les Américains,comporte deux volumes : un premier, de 339 pages, de 1607 à 1945,et un second, certes récemment augmenté, de 755 pages, de 1945 à

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PROLOGUE 13

2001. Notre démarche rejoint davantage celle adoptée par BernardCottret dans son Histoire de l’Angleterre, dont seuls les deux derniersdes vingt-cinq chapitres traitent du XXe siècle 14.

L’histoire américaine, plus généralement, a trop souvent été écritesur le mode de l’exceptionnalisme, d’une certaine insularité. UneAmérique créée ex nihilo au début du XVIIe

siècle, qui se suffirait àelle-même. L’historiographie dite « atlantique », depuis une vingtained’années, s’efforce de resituer les « treize colonies » dans un cadregéographique, culturel, politique et économique plus large, à l’échelledu bassin atlantique

15, notamment en donnant voix au chapitre àdes historiens non américains 16. D’autres synthèses salutaires ont per-mis d’élargir la focale de façon à appréhender l’histoire américainedans le cadre de l’histoire globale

17.Notre approche s’inscrit volontiers dans la continuité de celles évo-

quées à l’instant. En cela, ce livre est une histoire consciemment euro-péenne de l’Amérique, qui insiste sur l’importance parfois oubliée,négligée ou simplement ignorée des échanges avec l’Europe, notam-ment mais pas uniquement les îles Britanniques. Et pas simplementau moment des fondations : nous verrons dans les chapitres qui suiventque les échanges sont permanents, qu’ils se poursuivent longtempsaprès la période coloniale. L’historien américain Jon Butler écrivait dansles premières pages d’un ouvrage important qu’il est « impossible decomprendre les origines de la religion en Amérique sans l’Europe

18 ».Ce livre n’est pas une histoire théologique des États-Unis, ce qui

constituerait un projet complémentaire mais distinct. Il s’agit plutôtd’envisager la religion dans sa dimension sociale et politique, ce quiexplique les choix thématiques opérés ainsi que les ellipses. Nousavons choisi de privilégier les aspects de l’histoire religieuse qui eurentun impact sur l’histoire politique et sociale de leur temps et, direc-tement ou pas, sur la période actuelle, sans pour autant tomber dansla téléologie. Certains phénomènes récents, qu’ils soient chrétiens ounon, nous semblent davantage appeler le scalpel des sociologues desreligions, de même que nous préférons laisser aux ethnohistoriens lesoin de traiter des religions amérindiennes.

Ne cherchant pas l’exhaustivité, nous avons voulu nous concentrersur un certain nombre de thématiques, qui sont autant de fils rougesà travers notre exploration, autant de clés de lecture, à commencerpar un protestantisme identitaire, militant, structurant. D’où notrechoix de commencer par un chapitre sur la Réforme, afin d’y mettre

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en évidence un certain nombre des tensions et spécificités qui jalonnentl’histoire américaine. D’où, également, notre insistance sur l’anti-catholicisme militant, qui privilégie la Bible, d’inspiration divine, à latradition, création humaine, et qui opposa volontiers, pendant plu-sieurs siècles, un protestantisme par essence porteur de liberté à un« papisme » foncièrement tyrannique. L’anticatholicisme anglais fut undes moteurs de la remise en cause de l’hégémonie ibérique, dont lacolonisation de l’Amérique fut une conséquence, ce qui expliquel’attention portée à la dimension géopolitique au cours de la périodecoloniale. En effet, les nombreux conflits impériaux avec la Nouvelle-France voisine contribuèrent à pérenniser un antipapisme devenu iden-titaire, jusqu’à la guerre de Sept Ans (1754-1763 en Amérique) et àla guerre d’Indépendance (1775-1783), avec leurs accents millénaristesdirigés contre l’Antéchrist français dans le premier cas, britanniquedans le second. Au cours du XIXe siècle, l’antipapisme fut notammentfonction des vagues migratoires irlandaise et allemande. Il posait laquestion de l’allégeance des catholiques au pape : pouvait-on servirdeux maîtres ? Le protestantisme, au moins pour les nativistes, étaitun des piliers de l’américanité. Et l’histoire américaine est en grandepartie marquée au fer de l’intolérance. Celle-ci n’était jamais unique-ment confessionnelle, jamais purement doctrinale : elle était presquetoujours motivée par les implications politiques et sociales de la théo-logie et de l’ecclésiologie, ce qui explique pourquoi les préventionsà l’encontre des catholiques (concernant leur allégeance « papiste »au détriment de la nation) furent ensuite étendues à des phénomènesséculiers : le socialisme puis le communisme, par ailleurs athée, l’anti-sémitisme, l’islamisme. Tous ont en commun l’origine étrangère ettous présentent, aux yeux de leurs détracteurs, la menace d’uneconspiration de l’étranger, le risque de la subversion antiaméricaine.

Le livre pose donc, parallèlement, les questions de l’héritage puritainà travers l’histoire des (futurs) États-Unis, de la tentation théocratique,de l’intolérance et de la délicate gestion du pluralisme confessionnel,d’abord dans les « treize colonies » puis dans des États-Unis progressi-vement dépourvus de religion d’État (1818-1833 pour les derniers

« désétablissements » en Nouvelle-Angleterre). Alors que l’anglicanismejouit toujours au Royaume-Uni d’un statut privilégié, les États-Unisont établi un pluralisme total, mettant toutes les églises sur le mêmeplan, qui contribua à créer un « marché » religieux où la libre concur-rence fut un des principaux moteurs du dynamisme prosélyte. L’excep-
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PROLOGUE 15

tionnalisme, le sentiment d’être un peuple à part, choisi par Dieu, estun autre legs de la période puritaine, étendu de la Nouvelle-Angleterreaux jeunes États-Unis, pour les besoins de la cause, au moment de laRévolution, avant que les Nordistes et les Sudistes se disputent la pré-férence divine au cours de ce qui reste le conflit le plus meurtrier del’histoire du pays : la guerre de Sécession (1861-1865). Le Sud, humilié,entretint l’illusion d’une identité séparée à travers le mythe de la« Cause perdue », avant une réconciliation au moins partielle avec lesanciens frères ennemis yankee au nom de l’impérialisme (guerre contrel’Espagne, 1898) et de la germanophobie puis de l’antibolchevisme nésde la Première Guerre mondiale. L’exceptionnalisme, le providentia-lisme, le messianisme des États-Unis allaient être confortés par le rôlerédempteur du pays en 1917-1918 puis en 1944-1945, avant une nou-velle vague de « religion civile » au milieu des années 1950, au coursde la guerre froide contre l’URSS athée.

Il est en outre crucial de rappeler l’importance des communicationset de la circulation des idées aussi bien que des marchandises (la dif-férence étant parfois ténue dans le cas des supports de l’écrit, tant lettresmanuscrites qu’imprimés, à la fois cargaisons et idées), le rôle moteurdes navires ainsi que des marchands dans la construction tant de l’Amé-rique que de son paysage religieux. Vouloir établir une distinction entrela sphère séculière (le monde) et la sphère religieuse serait aussi falla-cieux que réducteur. Plus souvent qu’on l’imaginerait de prime abord,le monde fut (et est toujours) pleinement mis au service de la promo-tion de la religion, promotion au sens commercial, notamment, depuisles marchands hanséatiques établis à Londres qui passaient des livresluthériens clandestinement, jusqu’aux stratégies marketing des télévan-gélistes et à l’utilisation systématique d’Internet et des réseaux sociauxpar les pasteurs des megachurches 19. Dans le cas américain, c’est ce quel’on appelle le « dilemme puritain », à la suite d’un ouvrage classiqued’Edmund Morgan : être dans le monde sans être du monde

20.Cette promotion de la religion, c’est l’évangélisme, phénomène qui

transforma radicalement l’expérience religieuse américaine, notam-ment à travers les réveils (awakenings), qui ont contribué à margina-

liser la doctrine, si centrale au XVIIe

siècle, au profit de l’émotion, del’expérience sensible de la grâce et de la conversion, cette « nouvellenaissance » en Christ qui produit des chrétiens « régénérés » (bornagain), de nos jours plus que jamais. Les moyens de communication,puis de télécommunication évoqués à l’instant, furent notamment mis

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à profit par les évangélistes de masse, qui ont profondément marquéleurs époques respectives et suscité des disciples pour perpétuer leuraction : George Whitefield entre 1740 et 1770, Charles G. Finneyentre 1825 et 1875, Dwight Moody entre 1856 et 1899, Billy Sundayde 1890 à 1935, Billy Graham à partir des années 1940, Rick Warrendepuis les années 1990, sans parler des télévangélistes de la droitechrétienne, les Jerry Falwell et autres Pat Robertson, essentiellementdes années 1970 aux années 1990. Il ne s’agit pas, bien entendu,d’écrire l’histoire à travers ces grandes figures de l’évangélisme.Cependant, leur action fut déterminante par son ampleur, par leursefforts inlassables pour diffuser leur message au plus grand nombre.

Nous avons enfin tenu à prêter une attention particulière à la ques-tion du millénarisme, ou plutôt des millénarismes. Non pas dans unsens hollywoodien, spectaculaire et caricatural, mais en gardant àl’esprit une évidence : en plus de l’espérance du retour du Christ (ouparousie) et de la vie éternelle, qui donne une direction au christia-nisme, le canon biblique se clôt par le livre de l’Apocalypse, par labataille d’Armageddon entre les forces du Bien et celles du Mal, lapromesse du triomphe du Prince des armées sur les légions de Satan,et l’avènement de la Nouvelle Jérusalem et du règne du Christ pen-dant mille ans – le millénium. L’emploi de millénarismes au plurielpermet de distinguer le prémillénarisme, pessimiste quant à l’actionhumaine et qui postule une destruction imminente précédant laparousie, et le postmillénarisme, optimiste, qui croit au progrès dela condition humaine par la réforme sociale, notamment, par laquellel’homme peut construire le Royaume de Dieu sur terre, préalablementau retour du Christ – une séquence millénium-parousie qui expliquele post de postmillénarisme. Cette distinction prit tout son sens auXIXe

siècle, comme nous le verrons à partir du chapitre 7, puis à tra-vers des échos ultérieurs, en apportant deux rapports au monde radi-calement différents. C’est ce qui explique notamment l’abîme entremodernistes et fondamentalistes, puis entre les incarnations succes-sives de la droite chrétienne (religious right) et des libéraux et progres-

sistes qu’ils considèrent toujours comme de diaboliques « humanistesséculiers » et qu’ils accusent de vouloir déchristianiser – donc de déna-turer – des États-Unis, selon eux profondément et intrinsèquementchrétiens, ou pour le moins religieux.
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Au commencement était la Réforme(1520-1607)

Les conditions nécessaires à la Réforme

L’histoire américaine, notamment dans sa dimension religieuse,est fondamentalement une histoire européenne transplantée quis’adapte aux conditions particulières de l’Amérique dans toute sadiversité. Pour schématiser, les mouvements importés d’Europe sontsoumis à l’influence de l’environnement américain, l’interactionet les tensions entre les deux contribuant à façonner les phéno-mènes religieux outre-Atlantique pour leur donner leur caractèredistinctif 1.

Toutes les colonies anglaises, à l’exception du Maryland, furentfondées par des protestants anglais. Leur protestantisme militant etson corollaire farouchement anticatholique constituèrent un puissantciment identitaire, de la même façon qu’ils l’avaient été dans l’Angle-terre des Tudor, puis des Stuart. Puis suivirent des apports de popu-lations non anglaises mais toujours protestantes (écossaises, allemandes,néerlandaises, françaises, voire scandinaves), qui s’efforcèrent de pré-server leur identité européenne avec plus ou moins de succès. Le pré-jugé anticatholique a été si longtemps et si solidement ancré que,jusqu’à nos jours, un seul candidat catholique a été élu à la MaisonBlanche – John F. Kennedy. À présent, paradoxalement, les catho-

liques, qui représentent un quart de la population, sont une cibleélectorale particulièrement convoitée 2.

Il est donc indispensable de comprendre d’où vient le protestan-tisme anglais, en quoi il consiste et comment il se construit, maisaussi quelle relation un protestantisme américain, par essence pluriel,

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18 HISTOIRE RELIGIEUSE DES ÉTATS-UNIS

entretient avec les autres religions, et notamment le catholicismeromain longtemps dénigré sous le terme de « papisme ».

Pas plus que les colonies américaines, la Réforme protestante nesurgit ex nihilo ; elle est aboutissement autant que point de départ.La Réforme (voire les réformes) s’inscrit dans un mouvement deréforme(s) de l’Église qui commence avec le Grand Schisme de 1378,lequel trouve ses racines dans l’élection de Clément V et le transfertde la papauté en Avignon dans la première décennie du XIVe siècle.

Quelques grandes dynamiques contribuent à expliquer l’émergencede la Réforme, de sa dimension anglaise, et son exportation dans lescolonies anglaises d’Amérique du Nord. Commençons par les évoquerbrièvement avant d’y revenir plus en détail. Le XIVe siècle fut marquépar une perte d’influence de la papauté, notamment pendant sonintermède avignonnais (1309-1376), mais également au moment duGrand Schisme (1378-1417), soit pendant un long siècle. C’est dansce contexte que se révélèrent des réformateurs aussi décisifs que JohnWycliffe et Jan Hus. Deux phénomènes concomitants, la montée enpuissance des États-nations et la fragilisation du Saint Empire au pro-fit des princes allemands, soulignent l’importance du cadre politique,condition sine qua non de l’application d’une réforme, de l’adhésionofficielle d’une entité politique à la Réforme protestante. Ce à quois’ajoute l’affirmation des marges géographiques : Angleterre, Bohème,Saxe et plus généralement Allemagne du Nord.

Sur un plan plus religieux et moins politique, le mélange de ferveuret d’anticléricalisme, loin d’être incompatibles, constitue un autrepuissant facteur explicatif, de même que l’apport du nominalisme deGuillaume d’Ockham, d’Oxford († 1347), et sa dissociation de l’expé-rience sensible de la foi et de la raison spéculative. Cette via modernanominaliste, qui constituait une sérieuse remise en cause de la sco-lastique médiévale (et de l’influence d’Aristote via Thomas d’Aquin),eut suffisamment de poids pour que l’on puisse affirmer que « sansOckham, pas de Luther ». Pour Ockham (ou Occam), la vérité setrouvait dans la Bible, dans la communion que les individus entre-tenaient avec Dieu. Il ne s’agissait pas tant de refuser les dogmes

chrétiens que d’en proposer une nouvelle approche 3.

Enfin, l’émergence de la Réforme fut le fruit de quatre révolutions.Une révolution des sensibilités, tout d’abord, avec l’émergence del’individu dans une quête du salut jusque-là conçue comme uneentreprise collective et à un moment où ce salut collectif se trouvait

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AU COMMENCEMENT ÉTAIT LA RÉFORME 19

largement compromis par la corruption de l’Église médiévale. C’estl’irruption d’un nouveau courant, la devotio moderna. Deuxièmement,une révolution épistémologique, l’humanisme, et le primat qu’ilaccorde à l’expérience sensible des phénomènes, par lequel il donnele coup de grâce à une scolastique desséchée 4. Une révolution tech-nologique, l’imprimerie – le « surmultiplicateur de l’imprimerie »comme l’écrivait Pierre Chaunu –, qui permit à la Réforme protes-tante d’avoir un écho que n’avaient pas eu les mouvements deréforme antérieurs 5. Une révolution économique et commerciale,enfin, qui vit l’essor de l’économie monétaire, des villes, de la banque(notamment italienne – vénitienne, florentine et génoise – sanslaquelle les expéditions dans l’Atlantique n’auraient jamais pu êtrefinancées au XVe siècle). Cette révolution contribua à l’émergence denouveaux groupes sociaux, notamment une classe moyenne mar-chande, dont l’importance fut décisive dans la diffusion de la Réformeprotestante 6.

Des réformes à la Réforme

L’histoire religieuse des États-Unis ne commence donc pas en 1607à Jamestown (Virginie) avec la fondation de la première colonieanglaise permanente, encore moins en 1620 à Plymouth (Nouvelle-Angleterre) avec l’arrivée de ceux qui deviendront les « Pères pèlerins »dans la mythologie américaine. Elle ne commence pas davantage cefameux 12 octobre 1492, quand Christophe Colomb ne découvritpas la Chine, comme il l’espérait, mais quand le monde découvritChristophe Colomb, ni même, comme auraient pu le prétendre cer-tains apologistes protestants, le 31 octobre 1517, quand MartinLuther se serait mis en tête de clouer ses Quatre-vingt-quinze Thèsesà la porte de l’église de Wittenberg. L’histoire religieuse des (futurs)États-Unis commence en Avignon au début du XIVe siècle.

Le 9 mars 1309, Bertrand de Got, devenu le pape Clément Vquatre ans plus tôt, décida de s’installer non pas à Rome, ville poli-

tiquement instable et donc dangereuse, mais dans le Comtat Venais-sin, qui était une terre papale depuis 1274 7. Ce choix était plusneutre que celui de sa Guyenne natale – il était auparavant arche-vêque de Bordeaux –, alors aux mains des Anglais pour encore unsiècle et demi. S’il n’avait pas été véritablement imposé par Philippe
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20 HISTOIRE RELIGIEUSE DES ÉTATS-UNIS

le Bel, il savait que le roi de France avait fait comprendre à sonprédécesseur qui était l’homme fort de la Chrétienté occidentale. Eneffet, en 1302, Boniface VIII avait promulgué la bulle Unam sanctam,qui déclarait la supériorité du pouvoir spirituel sur le pouvoir tem-porel et par conséquent la supériorité des papes sur les rois, princesou empereurs. Cela, Philippe ne pouvait l’accepter. Aussi avait-ilenvoyé son chancelier Guillaume de Nogaret à Rome pour capturerBoniface. L’émissaire le trouva seul et résigné dans son château d’Ana-gni. Le pape n’opposa pas de résistance, et il mourut quelque tempsplus tard.

La délocalisation avignonnaise était compréhensible d’un point devue strictement logistique : Avignon était « mieux placée que Rome,plus proche des routes qui irriguent le monde plein », alors queRome, plus éloignée, était « un peu en bout de circuit 8 ». Pourtant,on retint surtout la bureaucratisation, l’inflation fiscale et une sécu-larisation de la curie qui suscitèrent le mécontentement, notammenten Angleterre, où Avignon, c’était la France, une France qui devenaitl’ennemi héréditaire à mesure que les deux royaumes s’enfonçaientdans la guerre de Cent Ans (1337-1453). Pierre Chaunu a parlé d’une« crise de la structure supérieure de l’Église visible 9 ». Le mécontente-ment de ce que l’on pourrait appeler la Chrétienté « d’en bas » venaitdu fait que, surtout en ces temps d’omniprésence de la mort (la Pestenoire apparut en 1347 et vida l’Europe d’un tiers de sa population),le commun des fidèles prenait très au sérieux la religion – l’instrumentde son salut – et que l’Église ne remplissait précisément plus cettefonction d’instrument du salut collectif et individuel. C’est ici uninvariant de l’anticléricalisme et de la volonté de réformer l’Église,qui justifia que l’on pût affirmer, plus tard, que « la Réforme [était née]de l’exigence du salut 10 ».

On assista alors, dans une frange qui recouvrait « le bas de la hié-rarchie ecclésiale et le sommet du monde laïc », à un retrait du col-lectif et à un refuge dans l’individuel. La relation à Dieu, à défautd’une Église-médiatrice satisfaisante, se faisait plus personnelle. Unenouvelle sensibilité commençait à émerger, et avec elle un courant

mystique, la devotio moderna, qui contournait le problème de l’Église,faute de pouvoir le régler 11. Selon les termes de Pierre Chaunu, ladevotio moderna fut « un moyen de répondre à la crise de l’Église enévacuant l’Église 12 ». En effet, elle éclipse le prêtre au profit des laïcset préfigure en cela de manière troublante de nombreux aspects de
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la piété puritaine (à défaut de sa théologie) ainsi que certains réflexesvolontiers anticléricaux qui jalonneront la vie religieuse outre-Atlantique (notamment l’ascendant des laïcs dans les consistoires, ouvestries).

Le fait que la devotio moderna n’était pas cantonnée au milieumonastique lui garantissait une diffusion plus large, même si lerecours à l’écrit de cette piété réflexive impliquait un niveau d’ins-truction et d’alphabétisation qui en réduisait le public à une élitealphabétisée encore largement minoritaire. Le best-seller du courantétait le De Imitatione Christi, attribué à Thomas a Kempis (v. 1418),qui sera interdit dans le Massachusetts en 1669 13. Néanmoins,l’importance de l’écrit, de la vie intérieure, de l’individualisation, del’introspection, qui s’accompagne volontiers de la tenue d’un journalspirituel, relègue au second plan la liturgie et le formalisme.

Wycliffe et les lollards

La période du Grand Schisme (1378-1417), que Pierre Chaunuvoit comme « le clivage le plus important de toute l’histoire del’Église 14 », vit émerger deux immenses figures réformatrices : JohnWycliffe, « génie précurseur », à Oxford, et Jan Hus à Prague.L’Angleterre de l’époque occupait en Europe une position marginaleet son statut était, depuis le règne de Jean sans Terre († 1216), celuide colonie spirituelle, qui vivait mal l’important prélèvement fiscalque cela supposait 15. Au cours de la seconde moitié du XIVe siècle,le Parlement vota plusieurs lois connues sous le nom latin de Depraemunire qui « assimilai[en]t à une trahison le fait, pour un Anglais,de se pourvoir auprès d’un tribunal étranger, ou d’accepter son auto-rité ». Ce qui, précise Bernard Cottret, portait « un coup fatal à laplenitudo potestatis du pape 16 ».

Wycliffe était un propagandiste au service de son roi, qui partici-pait à un grand mouvement de sacralisation, d’affirmation et d’éman-cipation de l’État, réalité politique montante dont la progression était

inversement proportionnelle à la perte d’influence de la papauté.Nombre de ses principes se retrouvèrent indirectement dans les fon-dations communes aux protestantismes des colonies anglaises d’Amé-rique du Nord. Si sa dénonciation de la richesse excessive de l’Églisepréfigure plutôt l’ascétisme de la Contre-Réforme, il ne manqua pas
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d’attaquer l’ingérence du clergé dans le domaine temporel, donc poli-tique : pour Wycliffe, ce domaine devait être réservé à l’autorité civile.Au risque d’un raccourci, il inventait la séparation de l’Église et del’État. La sécularisation, mal vécue, de la papauté « avignonnaise »ne fit que renforcer Wycliffe dans ses convictions. Si l’on descenddu niveau institutionnel à celui des individus, Wycliffe prônait lasupériorité de la vie active (au cœur du monde) sur la vie contem-plative (en retrait du monde, la fuga mundi, notamment monastique),la supériorité du mariage sur le célibat, considéré comme une sourcede perversion, ainsi que la supériorité de l’autorité de l’Écriture surcelle de l’Église (autrement dit la tradition). Dans le même sens, ilrecommandait, comme Geoffrey Chaucer, l’accès au texte par la tra-duction de la Bible en langue vulgaire, dans le contexte de la guerrede Cent Ans, propice à l’affirmation de l’anglais dans une Angleterreencore trilingue – français à la Cour, latin chez les clercs, anglais ausein du peuple. Or, « si le vulgaire même lisait le texte, n’était-il pastenté de le commenter à son tour ? Voire de contester les interpré-tations qu’en donnait l’Église ? » Voilà qui annonçait le sacerdoceuniversel et posait la question centrale de l’autorité légitime : autoritéecclésiastique (du prêtre-médiateur), autorité civile (de l’État surl’Église) et autorité de l’Écriture 17.

Ses positions se radicalisèrent avec les années et ses soutiens s’éloi-gnèrent de lui. Il opposait l’Église visible et l’Église invisible des élus :Dieu, selon lui, conserve le dominium, il ne le délègue pas à l’Églisevisible, à l’Église-institution. Il devançait également les réformateurssuisses et rhénans du XVIe siècle en mettant en doute la présence réelledu Christ dans le pain de la communion – ou transsubstantiation.Si ses thèses furent condamnées par le pape, rentré à Rome, en 1377,Wycliffe mourut pourtant sans être véritablement inquiété, en 1384.

Si l’on cherche une descendance à Wycliffe, on la trouve d’aborddans un mouvement dit « lollard » aux contours assez flous. Onzeans après sa mort, un groupe de parlementaires présenta aux Com-munes une pétition connue sous le nom de « Douze conclusions »,

qui dénonçait comme usages abusifs le célibat ecclésiastique, la pré-sence réelle et l’eau bénite (idolâtrie), les pouvoirs politiques desclercs, les prières pour les morts, les pèlerinages, les reliques, la confes-sion auriculaire, le vœu de chasteté, la guerre et la croisade – unelourde remise en cause 18. Le mouvement lollard resta cependant assez
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disparate et les persécutions le forcèrent à demeurer relativement sou-terrain.

Hus et la Bohème

La descendance de Wycliffe se trouve également en Bohème, autremarge de la Chrétienté. Wycliffe et Hus, Oxford et Prague, deuxmilieux universitaires en réseau, deux marges géographiques, poli-tiques et culturelles. Pourtant, malgré une claire influence wycliffite,Hus demeurait le fruit du schisme et d’une Bohème dont la situationmarginale renforçait la spécificité 19.

Sans entrer dans le détail, Hus poursuivit l’œuvre contestataire,ou réformatrice, de Wycliffe et finit brûlé vif en 1415 par le concilede Constance (1414-1418) qui mit fin au Grand Schisme, rétablitl’unité de l’Église et condamna rétrospectivement les thèses deWycliffe. Cependant, le mouvement conciliaire, en affirmant la supé-riorité de l’autorité des conciles sur celle du pape, notamment parla voix de théologiens de la Sorbonne (Pierre d’Ailly, Jean Gerson),contribua au processus d’affirmation nationale et de sécularisation quis’effectuait au détriment immédiat de la papauté. Ainsi, en 1438, laFrance obtint la Pragmatique Sanction, qui permettait au roi de nom-mer les évêques et mettait un terme à l’immunité fiscale des biensdu clergé 20.

Quand Hus était à Constance, un de ses compagnons, Jakoubek,incita les fidèles de Prague à communier sous les deux espèces 21 (painet vin, ou utraquisme), ce qui revenait à affirmer l’égalité entre lesprêtres, qui avaient le monopole de cet usage, et les laïcs, quin’avaient droit qu’au pain. Ainsi était annoncé une fois encore lesacerdoce universel au nom de la supériorité de la lettre de l’Évangilesur les traditions, canons et ordonnances de l’Église 22. Puis des hus-sites fondèrent la ville de Tabor, du nom de la colline de la Trans-figuration du Christ. Cette communauté fait partie des référencesdes colons de Plymouth, de même que les Vaudois, mentionnés allu-

sivement dans un sermon laïc de John Winthrop, premier gouverneurdu Massachusetts puritain, ce qui dénote une familiarité de son audi-toire avec ce mouvement qui le dispensait de toute explication. Lespremiers colons de Nouvelle-Angleterre emportèrent avec eux unefiliation qui, à défaut d’être absolument exacte, n’en est pas moins
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revendiquée par les protagonistes 23. Et cette filiation spirituelle està l’échelle européenne.

Luther, Zwingli, Calvin

Ces filiations peuvent être dénoncées comme des reconstructionsd’historiens. Ainsi, Pierre Chaunu voit en Wycliffe un précurseur deLuther et en Hus celui de Calvin 24. Pourtant, les filiations sont aussirevendiquées par les acteurs et Luther a déclaré que « Nous sommestous hussites 25 ». Luther, comme Calvin, fait partie des hommes quiont changé l’histoire à eux seuls. Et pourtant il est lui aussi abou-tissement autant que point de départ.

L’influence directe de Luther et du luthéranisme sur le protestan-tisme anglophone est très brève ; elle sera en réalité plus importantedans les siècles suivants, à la suite de l’immigration de nombreuxAllemands dans les colonies américaines au XVIIIe siècle, puis de Scan-dinaves au XIXe. On peut résumer la Réforme protestante en troisaxiomes : la grâce seule, la foi seule et l’Écriture seule – sola gratia,sola fide, sola scriptura 26. Ce sont les trois grands piliers qui soutien-nent le temple de l’ordo salutis protestant, qui jalonnent la voie dusalut, car c’est bien la question du salut et des moyens de l’obtenirqui est au centre de tous les débats, toutes les querelles, toutes lespolémiques.

La grâce seule, ou sola gratia : Luther était torturé par une questionexistentielle : comment l’Homme pécheur pouvait-il se tenir deboutdevant Dieu ? Il en vint à penser que la réponse ne pouvait se trouverque dans le don gratuit de la grâce salvatrice par Dieu, par amourpour sa création, et non dans les œuvres humaines, qui perdaientainsi tout rôle dans l’ordo salutis. Contrairement à ce qu’affirme ledogme catholique, l’Homme ne peut rien faire pour son salut, Dieuseul le peut en lui donnant la grâce.

La foi seule, ou sola fide : l’Homme, toujours pécheur mais justifiépar la grâce, reçoit par le Saint-Esprit la foi, lien intime qui unitl’Homme et Jésus-Christ. À nouveau, il s’agit d’un don gratuit de

Dieu, auquel l’Homme ne peut rien. Les (bonnes) œuvres sont à laportée de tout un chacun : il suffit d’être aimable avec son prochain,ou mieux, de donner de l’argent à l’Église : tout le monde peut lefaire. La foi n’est pas un acte de volonté, elle ne se commande pas,elle est un don de Dieu.
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L’Écriture seule, ou sola scriptura : les réformateurs du XVIe sièclene sont pas les premiers à poser la primauté de l’Écriture puisquec’est une revendication que l’on trouve déjà chez Wycliffe. Cepen-dant, deux nouveaux paramètres changent irrémédiablement ladonne : la révolution épistémologique que constitue l’humanismechrétien, et la révolution technologique de l’imprimerie. La fonctionde l’Église, et donc du pasteur, est de prêcher la Parole et d’admi-nistrer les sacrements, mais débarrassés de tout soupçon d’idolâtrieou de paganisme : seuls le baptême et l’eucharistie subsistent parcequ’ils ont une origine scripturaire 27. La Réforme est, au fond, uneaffaire de traçabilité. Le sacrement se doit d’être d’origine contrôlée.Cette rationalisation du nombre des sacrements ouvrira la porte, lemoment venu, à des interprétations divergentes qui seront à l’originede scissions. Ainsi, le courant antipédobaptiste, ou plus simplementbaptiste, s’oppose au baptême des enfants : l’entrée dans l’Église doitêtre un acte conscient et volontaire, un acte de foi, réservé aux adultesconsentants.

Autre grand principe du protestantisme : à Dieu seul la Gloire,soli Deo gloria. C’est l’affirmation d’un Dieu Un, d’une absolue trans-cendance et puissance. Dieu seul, sans aucun médiateur que le FilsJésus-Christ. Dieu peut tout et l’homme ne peut rien par lui-même.À lui seul revient la Gloire, à lui seul le salut de l’homme. Voilà quirevient à mettre sur la touche, à court-circuiter l’Église médiévale,médiatrice entre Dieu et l’Homme. C’est à la fois une profonderemise en cause du rôle de l’Église-institution, du pouvoir des papes,rabaissés au rang de simples « évêques de Rome », du pouvoir desconciles, et une redéfinition non moins considérable du rôle duprêtre, qui devient pasteur, ministre de la Parole, de l’Écriture sainte,de la Bible, dont les réformateurs estimaient qu’elle était intelligibleà tout fidèle 28. Cette dernière implication du soli Deo gloria entraînele sacerdoce universel.

Cependant, la réforme (ou Réforme) protestante n’est pas réduc-tible à la réforme luthérienne qui peut paraître limitée, notammentau niveau sacramentaire et liturgique, par rapport à d’autres mouve-

ments de réforme que l’on n’appelait pas encore « protestants » maisévangéliques. Parmi ces mouvements, essentiellement concentrés enSuisse et dans la vallée du Rhin, se distingue l’influence du ZurichoisZwingli, qui, dès 1523, alla bien plus loin que Luther, par exempledans sa conception entièrement symbolique de l’Eucharistie 29. Un
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observateur avisé qualifia même la Réforme suisse de « révolutionanticléricale 30 ». Elle avait des origines politiques, territoriales et iden-titaires, et de ce fait était plus ou moins indépendante de Luther.Quant à Calvin, malgré son immense stature, il ne fut qu’uneinfluence parmi d’autres aux yeux des protestants anglais des XVIe etXVIIe siècles. C’est pour cette raison, et parce que Calvin arrive plustard, que nombre d’historiens, notamment américains, préfèrent àl’étiquette « calvinisme » celle de « tradition réformée 31 ». En somme,ce sont les réformes suisse et rhénane, bien davantage que luthérienne,qui ont marqué le plus durablement le protestantisme anglophone,voire les protestantismes anglophones.

Réforme catholique ou Contre-Réforme ?

La Réforme protestante, par ailleurs, n’est qu’un des aspects de laréforme du christianisme entreprise au XVIe siècle : il exista égalementune réforme catholique, connue à tort ou à raison comme la Contre-Réforme 32. Bien avant que Luther ne se fasse connaître, Jérôme Savo-narole († 1498) avait fait frémir Florence en mettant en avant la jus-tification par la foi d’Augustin 33. Érasme, l’immense humaniste, futà son corps défendant l’un des agents de la révolution épistémolo-gique qui favorisa le protestantisme ; il publia en 1509 un Éloge dela folie où il ridiculisait le clergé, ce qui ne l’empêcha pas se querelleravec Luther sur la question du libre arbitre (le « serf arbitre », selonLuther) 34.

Les premières années de la contestation luthérienne – avant quele protestantisme n’acquière son nom – virent le développement desordres ascétiques (en réaction contre la corruption du sommet de lahiérarchie de l’Église), notamment au sein des franciscains avec lesobservants (fondés en 1517, précisément) et les capucins (en 1525)que l’on retrouvera en Nouvelle-France. Entre-temps, Ignace deLoyola fonda la Société de Jésus en 1521, qui s’imposera comme lefer de lance de la Contre-Réforme. La Compagnie de Jésus fut offi-ciellement reconnue par Paul III en 1540 et ses membres, connus

comme « jésuites », reçurent pour mission de reconquérir les terri-toires perdus au profit des protestants (un prolongement d’une recon-quista qui n’avait cessé qu’une génération avant la fondation de laSociété) et d’évangéliser les terres nouvellement découvertes à l’est(en Asie) comme à l’ouest (dans les Amériques) 35.
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Les jésuites furent les instruments d’une véritable géopolitique dela Contre-Réforme, géopolitique car elle obéit à des logiques terri-toriales ou spatiales de conquête ou de reconquête spirituelle. Ils jouè-rent un rôle majeur dans l’Amérique ibérique, bien entendu, maiségalement en Nouvelle-France. Ainsi, ils devinrent, par la force dela contiguïté géographique, les voisins des plus radicaux des protes-tants anglais, les puritains de Nouvelle-Angleterre, qui constituaient,comme eux, un mouvement militant au sens étymologique de soldatsdu Christ 36.

Le concile de Trente, dont les travaux durèrent de 1545 à 1563,constitua le point culminant de la réforme catholique, ou « Contre-Réforme », qui devait encadrer le catholicisme occidental jusqu’àVatican II quatre siècles plus tard 37. C’était, en réalité, l’aboutisse-ment d’une longue série de conciles, dont le siècle précédent avaitété si friand, du moins dans sa première moitié. En 1541, à Regens-burg, soit quatre ans avant l’ouverture du concile de Trente, la ten-tative de réconciliation entre catholiques et protestants s’était soldéepar un échec 38 : les protestants (qui protestaient depuis la diète deSpire de 1529 39) avaient claqué la porte. À Trente, les catholiquesla fermèrent à double tour.

La Réforme en Angleterre

Depuis les propagandistes de l’époque élisabéthaine jusqu’à uneépoque très récente, l’histoire de la conversion de l’Angleterre au pro-testantisme, si cruciale pour nous à cause de ses répercussions ultra-marines, fait état d’un mouvement populaire qui s’est propagé assezrapidement jusqu’à devenir irréversible en 1553, en s’appuyantnotamment sur le terreau lollard et un climat d’anticléricalisme géné-ralisé dont nous avons vu qu’il n’est pas synonyme d’indifférentisme.

Cette thèse dite classique, défendue notamment par Geoffrey Eltonet A. G. Dickens, fut vigoureusement remise en cause par l’école« révisionniste » représentée en particulier par Christopher Haigh et

J. J. Scarisbrick, qui décrivent au contraire un processus à la fois long,difficile, et principalement opéré par le haut, par le pouvoir, les élites.Ce débat, notamment entre Dickens et Haigh, a donné lieu àquelques passes d’armes historiographiques musclées dont la vertu futd’enrichir le débat par une meilleure connaissance des archives et
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une réflexion méthodologique plus fine 40. S’il semble généralementadmis de nos jours que certains effets grossissants aient pu faire croireà une « protestantisation » rapide, alors qu’une première phase de« décatholicisation » orchestrée par le pouvoir Tudor avait été néces-saire, il n’en demeure pas moins que certains paramètres observéspar les tenants de l’école Dickens demeurent incontestables.

L’Angleterre à la veille de l’irruption protestante

Autour de 1520, le protestantisme fit son entrée dans une Angle-terre caractérisée par la ferveur de sa piété populaire 41. La fin de lafratricide guerre des Deux-Roses (1455-1485) et l’avènement de ladynastie des Tudor avaient été synonymes de réconciliation et deconsolidation nationales. Par ailleurs, il existait, au moins à Londres,un anticléricalisme favorisé par l’immunité du clergé, de plus en pluslimitée par le Parlement, et par une fiscalité papale jugée excessive,dans un contexte de refus croissant de la vassalité imposée à l’Angle-terre par la papauté sous le règne de Jean sans Terre 42. Cette vassalitéavait déjà été contestée à l’époque de Wycliffe, et ne semblait pascompatible avec la montée en puissance de l’État-nation qui marquaitl’Angleterre comme tous les pays d’Europe. C’est dans cette atmos-phère, sûrement plus caractéristique de Londres que de l’Angleterredans son ensemble, qu’eut lieu « l’affaire Hunne ».

Richard Hunne, bourgeois de Londres, était un marchand-tailleuraisé qui jouissait d’une excellente réputation. À la mort de son jeunefils, en 1511, il refusa de s’acquitter du linceul que demandait leprêtre en paiement de l’inhumation. Condamné par un tribunalecclésiastique, il fit appel devant un tribunal laïc, en invoquant ledécret de praemunire. Soupçonné d’hérésie, comme tout esprit unpeu trop libre, il fut emprisonné. On trouva chez lui des écrits lollardset, ce qui aggravait son cas, une Bible en anglais. Il fut interrogé parl’évêque de Londres en personne le 2 décembre 1514. Le lendemainmatin, on le retrouvait pendu dans sa cellule. Poids de la culpabilitéou exécution politique maquillée en suicide ? Une enquête policière

minutieuse digne des meilleurs polars historiques révéla rapidementque Hunne avait été pendu sur ordre du chancelier de l’évêque, cequi ne manqua pas de transformer le mouvement de solidarité en safaveur en un anticléricalisme virulent, d’autant que les coupables, vitedémasqués, ne furent pas inquiétés 43.
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L’affaire Hunne est importante notamment parce qu’elle est lethéâtre d’une opposition entre droit canon et droit coutumier (com-mon law) ainsi qu’entre pouvoir ecclésiastique et pouvoir laïc. Unélément de l’histoire familiale de Hunne mérite d’être précisé : safille épousa un certain Adam Winthrop en 1527, et devint la grand-mère du célèbre John Winthrop, chef de file de la « grande migra-tion » puritaine de 1630 et gouverneur emblématique du Massachu-setts. Richard Hunne était donc son arrière-grand-père 44.

Cet épisode, par ailleurs, met en évidence certains des facteursde propagation de la Réforme en Angleterre. En premier lieu,Hunne appartenait à la communauté marchande et était implantéà Londres, point de convergence des marchandises et des idées.Les milieux marchands de Londres, et plus largement du sud-estde l’Angleterre, avaient par leur activité des contacts fréquents avecl’Allemagne (les villes hanséatiques) et les Pays-Bas. D’ailleurs, desmarchands hanséatiques ne furent-ils pas inquiétés à Londres dansles années 1520 pour avoir importé sous le manteau des imprimésluthériens 45 ? Le Sud-Est fut toujours à la pointe de l’innovationreligieuse, que ce soit au moment de la percée luthérienne, aumoment des « persécutions » sous le règne de Marie Tudor (le Kentdétient le funeste record des victimes des bûchers) ou au momentde l’activisme puritain du début du siècle suivant, puisqu’il estétabli que l’East Anglia fournit l’essentiel des colons de Nouvelle-Angleterre.

Deuxième foyer de la propagation de la Réforme : la communautédes lollards, malgré ses contours flous et son manque certain d’unité.Elle constitua un public réceptif qui facilita la pénétration des idéesnouvelles 46. La Réforme se diffusa par le biais d’imprimés (livres,fascicules) qui, ne l’oublions pas, étaient des marchandises. Commedans tout marché, il faut des fournisseurs, des vendeurs, et des ache-teurs.

Le troisième milieu qui contribua à la diffusion de la Réforme enAngleterre était la communauté universitaire, et plus particulièrementCambridge, qui succédait à cet égard à l’Oxford de Wycliffe et

d’Ockham. Les théologiens apportèrent une cohérence, une systéma-tisation des idées qui leur donnèrent la force qu’elles n’auraient paseue au seul contact de lollards aux idées disparates et qui véhiculaientdiverses versions simplifiées des conceptions de Wycliffe. Les premiersuniversitaires de Cambridge convertis à la Réforme se réunissaient à
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la White Horse Tavern, connue à l’époque comme Little Germany 47.Les universitaires avaient besoin des marchands pour se fournir enlectures d’abord luthériennes, puis plus largement réformées (suisseset rhénanes), qu’ils commentèrent et/ou traduisirent, et ils trouvèrentleur premier public chez les lollards, de même que dans les milieuxmarchands du Sud-Est et dans les villes (les campagnes étant plusconservatrices). La diffusion de la Réforme a donc une sociologie etune géographie 48.

L’interaction entre les érudits et les milieux marchands, sur fondde cosmopolitisme humaniste, apparaît dans les traductions succes-sives de la Bible en anglais, ce véhicule si déterminant de la pro-pagation de la Réforme, et qui constitue encore aujourd’hui l’undes principaux piliers de la culture anglo-américaine, littéraire, poli-tique et cinématographique. Le père fondateur, hormis Wycliffe,est ici William Tyndale (v. 1494-1536), placé sous la protectiond’un riche marchand luthérien de Londres et d’Anvers, HumphreyMonmouth. Quand le besoin s’en fit sentir, Tyndale trouva natu-rellement refuge chez les Marchands aventuriers anglais établis àAnvers, ce point cardinal du commerce entre l’Angleterre et lecontinent. Sa traduction du Nouveau Testament, qui devait beau-coup au travail sur le grec du Néerlandais Érasme (effectué à Cam-bridge), fut d’abord publiée en 1526 à Cologne, puis à Worms,cité protestante plus sûre, avant que des éditions pirates apparaissentaux Pays-Bas 49.

L’ancien augustinien Miles Coverdale (1488-1569) fut le dignesuccesseur de Tyndale. Il publia la première traduction intégrale dela Bible en 1535, à Zurich, où il était exilé. Éminent germaniste, ilutilisa la traduction de Luther, ainsi qu’une autre version alle-mande publiée à Zurich en 1531 et indépendante de Luther. LaBible de Coverdale fut en concurrence avec la Matthew Bible attri-buée à Thomas Matthew, pseudonyme de John Rogers, aumônierdes Marchands aventuriers anglais d’Anvers, et en cela un autre suc-cesseur de Tyndale. La Bible de « Matthew », plus onéreuse que celle

de Coverdale – le Livre est un livre, une marchandise avec un prix,un format, un poids – s’inspirait largement de celle de Coverdale(on ne connaissait pas le droit d’auteur) mais aussi des traductionsfrançaises de Lefèvre d’Étaples (Anvers, 1530) et d’Olivétan (Neu-châtel, 1535) – qui n’était autre que le cousin de Calvin. La Bible
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en anglais est donc le produit d’une authentique et très humaniste« Europe de la Bible 50 ».

Henri VIII, ou les tergiversations du national-catholicisme

En 1516, au lendemain de l’affaire Hunne et à la veille de l’affi-chage des Quatre-vingt-quinze Thèses de Luther sur la porte del’Église de Wittenberg, qui marqua le début de la Réforme, Érasmepubliait à Bâle son Nouveau Testament grec, modèle de philologiehumaniste auquel il avait travaillé à Cambridge entre 1511 et 1514 51.La même année, François Ier obtenait du pape la signature du concor-dat de Bologne, qui donnait naissance à un gallicanisme un peu plusautonome encore de la papauté 52. Pas plus François Ier qu’Érasmene se firent protestants, mais ces deux événements montrent dansquel contexte s’opéra la percée protestante en Angleterre : importancede l’écrit, importance de l’Écriture, importance d’un sentiment natio-nal jalousement distinct que le schisme henricien de la décennie sui-vante allait habilement cultiver.

Pour l’heure, cependant, Henri VIII demeurait « un bon fils del’Église 53 ». En 1521, sa réfutation des thèses luthériennes poussaLéon X à lui conférer le titre de Défenseur de la foi (defensor fidei)que les souverains britanniques portent toujours – en dépit de l’inter-diction légale qui leur est faite depuis maintenant trois siècles d’êtrecatholiques romains 54. Rien, donc, ne laissait soupçonner la ruptureavec Rome. Et pourtant…

Le schisme henricien ne fut aucunement motivé par des questionsreligieuses. Henri avait épousé en 1502 Catherine d’Aragon, la veuvede son frère aîné, le chétif Arthur. Catherine d’Aragon n’était autreque la fille d’Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, les « Roiscatholiques ». Charles Quint, qui plus est, était son neveu. En 1527,il apparaissait de plus en plus clairement que Catherine n’allait plusapporter d’héritier au royaume. Il faudrait se contenter de la petiteMarie, née en 1516. À moins que la jeune Anne Boleyn, dont s’étaitentiché Henri, ne prît le relais pour tenter de donner un fils au roi.

Ainsi commençait l’affaire du « divorce ». Ou plus exactement del’annulation. Henri avait besoin d’une dispense du Saint-Père pourannuler son mariage avec Catherine et convoler légitimement avecAnne. Or Catherine, l’Espagne et Charles Quint, à la tête du SaintEmpire depuis 1519, ne l’entendaient pas de cette oreille. Cette

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même année 1527, les troupes de Charles prirent Rome, qui fut miseà sac, notamment avec l’aide enthousiaste des lansquenets allemandsluthériens, toujours prêts à en découdre avec l’Antéchrist romain.Charles contrôlait donc le pape et Henri ne pouvait rien en attendre.Une grande consultation fut lancée à travers toute l’Europe univer-sitaire, qui se trouva très divisée sur la question. Le mariage d’Henriavec la veuve de son frère était-il légitime, après tout ? Henri se disaitfort troublé par la lecture du Lévitique, qui stipulait qu’une telleunion ne saurait être 55.

Finalement, en 1534, la rupture avec Rome fut consommée avecle concours bienveillant d’un Parlement où régnait encore un certainanticléricalisme 56. Henri devenait chef suprême d’une Église d’Angle-terre qui restait fondamentalement catholique dans sa structure, saliturgie et sa doctrine. C’était simplement une Église catholique sanspape et restreinte, géographiquement, au territoire anglais. Ce qu’unbiographe du roi a appelé un national-catholicisme 57. Quant aumariage avec Anne Boleyn, il ne donna encore au roi qu’une fille,Élisabeth, dont la mère fut mise en cause dans une sombre histoired’adultère qui lui coûta la tête. Vint ensuite Jane Seymour, qui eutle bon goût, en 1537, d’accoucher d’un petit Édouard. Certes, Janemourut des suites de l’accouchement, mais au moins avait-elle faitson devoir d’épouse royale. Elle pouvait partir la tête haute.

L’année précédente (1536), les monastères avaient commencé à êtredémantelés, dissous, ou encore « nationalisés 58 ». Cependant, larevendication théologique, que l’on avait pu trouver chez un Wycliffeou un Luther, n’avait pas sa place ici. Ce fut bien plutôt l’occasionde renflouer les caisses du royaume sans passer par de nouveauximpôts. À l’exception des quelque 9 000 religieux directement concer-nés, tout le monde était donc censé y trouver son compte. Il futprétendu que ces lieux clos étaient le théâtre de moult paillardises,intolérables en terre chrétienne. On n’en avait pas fini d’associerclaustration et perversion de part et d’autre de l’Atlantique… QuandHenri envisagea d’épouser Anne de Clèves en 1540, ce n’était pastant pour ses charmes que dans l’optique d’un rapprochement stra-

tégique avec les protestants allemands contre les puissances catho-liques. Cette diplomatie matrimoniale n’avait pas de fondementsconfessionnels profonds mais répondait à des contingences purementpolitiques : Henri craignait en fait une alliance entre François Ier etCharles Quint, à la suite de l’entrevue d’Aigues-Mortes en 1538.
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Il ne s’agissait donc aucunement de mettre en place un systèmed’alliances explicitement protestant ou même anticatholique. Dureste, les années suivantes et plus généralement la fin du règne furentmarquées par une réaction conservatrice à l’encontre des protestantsanglais qui se solda par la promulgation des Six articles (juin 1539),par des exécutions et l’exil sur le continent de certains chefs de fileréformés 59. Cette réaction ne se fit pas à l’encontre d’un peuple quiavait déjà été largement protestantisé. Au contraire, un certainnombre d’études ont montré que seules quelques enclaves, quelquespoches essentiellement concentrées au sud-est, avaient été convertiesjusque-là. Ces quelques arbres protestants ne devaient pas masquerce qui, dans les années 1540, était encore une immense forêt catho-lique, même si la rupture avec Rome, la mise à disposition, finale-ment, d’une version anglaise de la Bible (autorisée en 1538) et ledémantèlement des monastères avaient initié une première phase de« décatholicisation » qui se manifestait par une perte de repères dansla population et la montée d’un certain indifférentisme.

Édouard VI et Marie Tudor : une décennie troublée (1547-1558)

À la mort d’Henri en 1547, c’est son jeune fils qui lui succédasous le nom d’Édouard VI. Il avait été éduqué par des précepteursprotestants, et l’on voulut voir en lui un « nouveau Josias 60 ». Dufait de sa minorité, c’est le « Protecteur » Somerset (puis Northum-berland après sa chute en 1549) qui orchestra la calvinisation d’État,notamment par le biais d’un premier Livre de prières communes, ouBook of Common Prayer, œuvre de l’archevêque Cranmer, en 1549,destiné à être remplacé par une nouvelle version, plus clairementréformée en 1552. Calvin lui-même avait pris sa plume pourconseiller autant Édouard que Somerset 61. D’éminents réformateurs« continentaux » fuirent les persécutions impériales et trouvèrentrefuge à Londres et dans les universités anglaises, Oxford et Cam-bridge (le Strasbourgeois Bucer), ce qui contribua à donner à laRéforme anglaise sa coloration non pas luthérienne mais clairement

helvéto-rhénane. Au-delà des élites dirigeantes et des prescriptionsofficielles, la population ne s’opposa pas de façon brutale et frontaleaux nouvelles mesures mises en place dans les paroisses, mais plutôten traînant les pieds. Ces résistances, malgré d’évidentes exceptions,sont à présent assez largement documentées pour remettre en cause
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l’hypothèse d’une Angleterre irrémédiablement protestante en 1553,quand Édouard, à la santé fragile, rendit l’âme et que lui succéda sademi-sœur Marie, l’ombrageuse fille de l’infortunée Catherine d’Ara-gon, si fière de ses origines espagnoles (et catholiques) foulées aupied par son père.

Marie, d’après les propagandistes protestants, aurait bien méritéson surnom de « Bloody Mary » – Marie la Sanglante –, puisque sonrègne est devenu synonyme de réaction catholique, de persécutionset de bûchers qui firent près de 300 victimes, alors que 800 protes-tants plus chanceux purent se réfugier sur le continent, où ils radi-calisèrent leurs positions au contact des grands noms de la Réformesuisse et rhénane 62. À ce récit protestant, à cette histoire des « vain-queurs », s’opposent des voix catholiques, comme celle de l’historienEamon Duffy, qui présente le règne de Marie comme une « restau-ration » sage et modérée à laquelle la grande majorité de la populationaurait adhéré 63.

Comme beaucoup de royaux enfants, Marie portait en elle deuxidentités nationales, en l’occurrence anglaise et espagnole, mais elleavait clairement choisi son camp. Elle commit sa plus grande erreuren épousant son cousin Philippe en 1554, le fils et bientôt successeurde Charles Quint. Une décision qui ne manqua pas d’alimenter unehispanophobie appelée à attiser, le moment venu, un anticatholicismesuffisamment virulent pour constituer un véritable ciment identitaire,aussi bien en Angleterre que dans les colonies américaines. Avant deprendre une coloration religieuse, l’hispanophobie traduisait la peurd’une mise sous tutelle de l’Angleterre par une puissance étrangère,l’Espagne, plus que par une puissance catholique. C’est l’étranger quel’on craignait, davantage que le catholique 64. Le mariage espagnol etl’alliance militaire malencontreuse qui l’accompagna, soldée par laperte de Calais, dernier bastion anglais en France, jouèrent contre lerétablissement durable du catholicisme en Angleterre à la mort deMarie, sans descendance, en novembre 1558.

Élisabeth face aux revendications puritaines

Une fois Édouard et Marie enterrés, il ne restait plus parmi lesenfants d’Henri que la pauvre Élisabeth – un rôle de dernière rouedu carrosse Tudor qui ne l’empêcha pas de régner près d’un demi-siècle. Sous son règne, l’anticatholicisme se greffa sur l’hispanophobie,

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à la faveur, si l’on peut dire, de deux événements majeurs : sonexcommunication par le pape en 1570 dans la bulle Regnans in excel-sis, qui déliait ses sujets de leur allégeance, autorisait son assassinatet faisait donc des catholiques des terroristes potentiels, et l’écheccuisant de l’Armada réputée invincible, envoyée en 1588 par Phi-lippe II, dispersée par un « vent protestant » providentiel, qui mon-trait bien que Dieu était anglais… et accessoirement protestant !L’Armada, composée de 130 navires, 7 000 marins et quelque 17 000soldats, avait pour but de punir l’insolence de l’Angleterre, qui avaitexécuté la catholique Marie Stuart l’année précédente, qui fournissaitdepuis plus de quinze ans de l’aide aux insurgés calvinistes néerlandaiset dont les corsaires (Sir Francis Drake et Sir Walter Raleigh étaientles plus fameux) multipliaient les attaques humiliantes contre les naviresespagnols. Par ailleurs, depuis 1585, les catholiques anglais, notam-ment les prêtres séculiers et les jésuites, étaient considérés commepassibles de haute trahison, un crime associé à une mort aussi cruellequ’infamante : pendaison, émasculation, éventration 65. Le raisonne-ment, simple, reposait sur l’indivisibilité de l’allégeance : le catho-lique, s’il était fidèle au pape, ne pouvait pas être fidèle à sasouveraine. Nul ne peut servir deux maîtres 66. Si Élisabeth se voulaitextrêmement prudente, ses ministres et une frange sans cesse crois-sante de la population assimilaient l’anglicité à une hispanophobiede plus en plus indissociable de l’anticatholicisme 67.

Ce processus de construction identitaire autour du paramètre pro-testant fut conforté au cours du règne suivant, d’abord par l’échecde la conspiration des Poudres (1605), qui montrait que les catho-liques n’étaient plus seulement des terroristes potentiels, puis par l’échecdu projet de mariage entre le futur Charles Ier et l’Infante d’Espagne(1623). L’anticatholicisme, également dirigé contre la France, maisdans une moindre mesure, se manifesta dans la culture populaire àtravers une protestantisation du calendrier (commémorations de vic-toires protestantes, abolition de fêtes considérées comme illégitimesà l’instar de Noël) 68.

« Le compte n’y est pas ! » Ce slogan syndical classique résume

parfaitement les revendications de la frange la plus réformiste de lagrande famille protestante anglaise face aux conditions d’établisse-ment d’une religion nationale dans les premières années du règned’Élisabeth. En effet, il serait faux de croire qu’à peine Marie décédée,l’Angleterre s’en retourna comme si de rien n’était au protestantisme
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qu’elle avait dû abandonner à la mort d’Édouard. Tout d’abord, lagrande majorité de la population, assez conservatrice, n’avait guèred’autre choix que de suivre la volonté royale. À ce stade, après lestergiversations d’Henri VIII, un avant-goût de Réforme à la modecontinentale, puis un bref mais sanglant retour au catholicisme, lesfidèles anglais voulaient bien se conformer à une foi, mais à conditionque celle-ci ne changeât pas tous les cinq ans.

L’accession au trône d’Élisabeth sonnait clairement le retour auprotestantisme. Mais lequel ? Et sous quelle forme ? Le fameux « com-promis » élisabéthain n’était pas tant une opération de conciliationentre catholicisme et protestantisme qu’entre un protestantismemodéré et un désir de réforme beaucoup plus aboutie, plus radicale,telle que les exilés avaient pu la goûter dans les villes du continentoù ils avaient trouvé refuge, Genève notamment. L’établissementd’une religion nationale fut l’œuvre du Parlement : en avril 1559furent votés les Actes de Suprématie et d’Uniformité (Élisabeth deve-nait « gouverneur suprême » de l’Église d’Angleterre), le Livre deprières communes de 1552 fut adopté avec quelques gommages cos-métiques pour le rendre moins polémique, et ce n’est que onze annéesplus tard qu’une véritable doctrine religieuse fut officialisée sous laforme des Trente-huit articles, appelés à être augmentés d’une unitéen 1571 69. Credo de l’Église d’Angleterre, les Trente-neuf articlesmontrent qu’elle avait adopté les trois grands principes fondateursde la Réforme (sola gratia, sola fide, sola scriptura), fait sienne leconcept de la prédestination et conservé deux sacrements seulement :le baptême et la Cène. L’intelligence de ce dosage se mesure à salongévité, puisqu’il est toujours en vigueur de nos jours, sous uneforme à peine modifiée, jusque chez les épiscopaliens et les métho-distes américains.

Le débat tournait autour de points assez techniques, qui nous sem-blent aujourd’hui des détails sans importance, mais qui pour la frangela plus radicale s’apparentaient à des résidus « papistes », païens etantichrétiens (ce qui revenait souvent au même) et constituaient

autant d’obstacles sur la route du salut collectif. Nous retrouvons, àgrands traits, les conditions d’émergence de la devotio moderna. L’idéegénérale était celle d’une traçabilité scripturaire : si l’on pouvait trou-ver une justification pour tel ou tel point de l’organisation de l’Égliseou du rituel, alors il était acceptable. Dans le cas contraire, il était
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infondé, c’était une invention. Ce qui nécessitait un recours constantau texte biblique.

Ceux qui voulaient ainsi purifier le protestantisme anglais de sescorruptions papistes furent appelés « puritains » par leurs détracteursplus modérés ou catholiques. C’est donc d’abord un terme d’opprobre– tout comme « quaker », du reste 70. Le port du surplis était-il sanc-tionné par la Bible ? Le signe de croix au moment du baptême ? Lagénuflexion au moment de recevoir la communion ? Dans certainscas, c’était la structure de l’Église qui posait problème. Au plus hautniveau. On avait jadis attaqué le pape, c’était maintenant au tourdes évêques – dont la fonction fut finalement abolie par le Parlementen 1641, et ne fut exportée outre-Atlantique qu’après la Révolutionaméricaine 71. Les presbytériens, par exemple, l’un des courants dupuritanisme, prônaient une structure nationale et pyramidale, avecun synode national à son sommet et des synodes régionaux au niveauintermédiaire.

Plus radicaux, les indépendants ou congrégationalistes, selon leurnom anglais ou américain, estimaient que chaque communauté(congregation) était indépendante et n’avait de compte à rendre à per-sonne. Ses membres élisaient leur pasteur et leurs anciens. C’était làun modèle inspiré des Églises de réfugiés établies à Londres sous lerègne d’Édouard, notamment celle du Polonais Jean a Lasco. Cetteconception autonomiste, autosuffisante, de l’Église, assez inévitabledans le cas du refuge et plus ou moins dictée par le fait minoritaire,fit des émules au sein des Églises anglaises réfugiées sur le continentpendant le règne de Marie Tudor. Une fois rentrés en Angleterre, leursdirigeants voulurent étendre le modèle à l’Église nationale – majori-taire. Par ailleurs, ces communautés étaient composées de volontaires,qui devaient en outre démontrer à leurs membres qu’en plus d’êtreorthodoxes en matière doctrinale, ils avaient en eux la foi salvatrice.Il ne s’agissait plus d’églises paroissiales amenées à recevoir tous leshabitants d’un lieu donné. À ce modèle inclusif, englobant connucomme le « type église », les congrégationalistes voulaient substituerle « type secte », bien plus exclusif – une sorte de club réservé aux

authentiques « athlètes de la foi 72 ». Or, ce qui peut être compré-hensible à un niveau très local pour se protéger d’éventuels trouble-fête, apparaît irréaliste et inapplicable au niveau national. C’est làle drame du congrégationalisme : il ne pouvait survivre du fait desa pureté. Plus généralement, la ferveur des puritains en faisait un
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courant élitiste et exigeant, notamment au niveau moral. Les puritainsétaient une élite de la foi qui n’était pas comparable à une élitesociale : les jeunes serviteurs étaient les bienvenus à la table de com-munion, pourvu qu’ils eussent la foi.

À bien des égards le puritanisme, lui-même diversifié, s’inscrivaitdans la lignée de courants initiés bien plus tôt : Wycliffe et le lol-lardisme, mais aussi, par certains aspects, la devotio moderna : onpense notamment à l’introspection et à une certaine comptabilité spi-rituelle qui devait prendre la forme du journal et de l’autobiographiespirituelle 73. Ils accordaient une importance particulière à l’éducationet notamment à l’alphabétisation : tout le monde, même les plushumbles, devait pouvoir lire la Parole, laquelle devait être prêchée,aussi sobrement que possible, par un clergé éduqué. D’où l’impor-tance des universités comme Cambridge, vivier de pasteurs puritains,et la fondation de Harvard en 1636 – soit à peine six ans après cellede Boston ! La fondation d’une université (à l’époque un centre deformation pour pasteurs) était jugée indispensable à la vie d’une colo-nie puritaine.

Malgré tous les points de désaccord avec les protestants plus modé-rés, les puritains étaient une des composantes de l’Église d’Angleterre,qu’ils entendaient réformer de l’intérieur. Cependant, un groupe depuritains londoniens, sous l’impulsion du pasteur Robert Browne,lassé d’attendre que la reine et son Parlement procèdent à la purifi-cation de l’Église nationale par voie législative – hypothèse, du reste,très improbable –, décida de s’en « séparer ». Ces séparatistes, ou« brownistes », entendaient mener à bien eux-mêmes la réforme qu’ilsappelaient de leurs vœux 74. Cette frange aussi radicale qu’ultrami-noritaire ne fut pas tolérée en Angleterre. Ses membres durent serésoudre à la clandestinité ou à l’exil. Un exil d’abord néerlandais,par commodité géographique, avant de devenir américain en 1620.Quand la Nouvelle-Angleterre naquit, cette année-là, l’Amériqueanglaise existait depuis treize ans, plus au sud, dans la baie de laChesapeake, sous le nom de Virginie.

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2

Jamestown et Plymouth : naissance religieuse de l’Amérique

(1607-1624)

Avant Jamestown : les « vaines tentatives

1 »

Quand les Anglais fondèrent en Virginie ce qui devait être leurpremière colonie permanente outre-mer, et plus précisément sur lesol des futurs États-Unis, ils étaient loin d’être des pionniers. En1607, en effet, l’Amérique espagnole était depuis bien longtemps sub-divisée en archevêchés, évêchés et paroisses, et les grands centresurbains pouvaient s’enorgueillir d’une cathédrale et souvent d’uneuniversité 2. Mexico, par exemple, avait sa cathédrale, son universitéet deux séminaires 3. De l’autre côté de l’Atlantique, le Congo étaitun royaume officiellement chrétien qui ne comptait pas moins detreize paroisses, alors que l’Église du São Salvador avait son orgue etson clocher 4. Au-delà du bassin atlantique, aux Philippines, laconstruction de l’église San Agustin de Manille, débutée vingt ansplus tôt, s’achevait. L’installation anglaise en Virginie était donc unépisode aussi tardif que modeste dans l’histoire de l’expansion euro-péenne, par rapport aux précédents espagnol et portugais tant dansles Amériques qu’en Afrique et en Asie.

L’Amérique du Nord avait été largement délaissée par les Espa-gnols. Sa côte orientale avait été brièvement explorée, notam-

ment en 1497 par les Cabot, des Vénitiens au service d’Henri VIId’Angleterre, et par le Florentin Verrazzano en 1524 pour le comptede François Ier, mais aucune implantation durable n’avait suivi.L’exemple le plus connu reste celui de Jacques Cartier, qui menatrois expéditions au Canada entre 1534 et 1543 5. Les côtes qui
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NEWYORK

NEWHAMPSHIRE

MASSA-CHUSETTS

(MASSACHUSETTS)

PENNSYLVANIE

VIRGINIE

GEO

RGIE

(Espagne)

CAROLINEDU NORD

CAROLINEDU SUD W

Charles Town

Baltimore

Philadelphie

Montréal(France)

MON

TS A

PPAL

ACH

ES

NEWYORK

RHODE ISLAND

CONNECTICUT

NEW JERSEY

DELAWARE

MARYLAND

NEWHAMPSHIRE

MASSA-CHUSETTS

(MASSACHUSETTS)

PENNSYLVANIE

VIRGINIE

GEO

RGIE

(Espagne)

CAROLINEDU NORD

CAROLINEDU SUD

OcéanAtlantique

Portsmouth

New York

Norfolk

Wilmington

Charles Town

Savannah

Baltimore

Philadelphie

Montréal(France)

Boston

MON

TS A

PPAL

ACH

ES

Régions colonisées en 1660

Régions colonisées en 1700

Régions colonisées en 1760

Saint-Augustine250 km

Carte : Édigraphie

La colonisation de la côte est

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JAMESTOWN ET PLYMOUTH : NAISSANCE RELIGIEUSE DE L’AMÉRIQUE 41

s’étendent de la Floride actuelle à Terre-Neuve étaient donc fréquen-tées, notamment par les pêcheurs, mais encore inhabitées par lesEuropéens.

Le sud-ouest des États-Unis actuels fit l’objet d’incursions espa-gnoles, comme l’expédition de Francisco Vásquez de Coronado versles sept cités de Cibola, plus connues sous le nom d’El Dorado. En1630, on comptait jusqu’à une cinquantaine de prêtres, vingt-cinqmissions et pas moins de 60 000 convertis dans quelque 90 pueblos– à en croire les sources espagnoles, évidemment sujettes à caution.Pour autant, il nous semble que ces épisodes n’ont pas d’importancedans le développement politique, culturel et identitaire des futursÉtats-Unis, d’abord unis par leur anglicité et le ciment du pro-testantisme, sinon de l’antipapisme, ce qui rend le précédent duNouveau-Mexique culturellement significatif uniquement à un niveaupurement local 6. Pour les mêmes raisons, nous ne traiterons pas icides croyances des divers groupes amérindiens présents sur le sol desfuturs États-Unis. Si certains Européens, à l’époque des premierscontacts, prirent le temps d’observer et de décrire, avec plus ou moinsde préjugés chrétiens, les croyances et les pratiques des autochtonesqu’ils rencontrèrent, celles-ci n’étaient généralement pas analyséespour elles-mêmes, car elles n’intéressaient pas l’immense majorité descolons. On s’efforçait plutôt d’y trouver des similitudes avec les dif-férentes formes du christianisme, pour pouvoir affirmer que la conver-sion n’en serait que plus facile. L’intérêt s’arrêtait là : montrer auxinvestisseurs, réels ou potentiels, que les Indiens pouvaient être gagnésà la « vraie » foi 7.

Les tentatives espagnoles et françaises

C’est sur le littoral atlantique que l’essentiel de la colonisationeuropéenne devait se produire. En 1526, soit une génération aprèsles premiers voyages américains, alors qu’ils avaient déjà atteint lePacifique (1513) et fait chuter l’empire aztèque (1521), les Espagnolsfondèrent une colonie qu’ils appelèrent San Miguel sur le site qui

devient plus tard Jamestown. Un hiver rigoureux, des mutineries, desrévoltes d’esclaves et des attaques indiennes eurent raison de la fragiletête de pont et les colons trouvèrent refuge à Hispaniola. Cependant,une église aurait été construite et la messe (catholique) avait été ditepour la première fois sur le territoire des futurs États-Unis 8.
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L’initiative devait ensuite passer aux Français, qui entendaientcontester le monopole ibérique sur le nouveau continent et dont lapremière implantation eut lieu au Brésil, entre 1555 et 1560, dansla baie de Rio de Janeiro, sous la conduite de Nicolas Durand deVillegagnon 9. Certains y ont vu un refuge protestant, à cause dusoutien de l’amiral de Coligny et de l’envoi de Genevois avec l’appro-bation de Calvin, mais il semble anachronique de parler de refugeavant la Saint-Barthélemy (1572), voire avant le début des guerresde Religion (1562) 10. En outre, on y trouvait des catholiques, commele cosmographe franciscain André Thévet, connu notamment pourses Singularitez de la France antarctique (1557). En tout cas, la coloniefut déchirée par les querelles religieuses, notamment autour de lanature de la Sainte Cène. Villegagnon, chevalier de Malte un tempsconverti au protestantisme, s’en éloigna finalement, et s’opposa vio-lemment aux pasteurs qui avaient fait la traversée. Les Portugais, ins-tallés à proximité et qui voyaient d’un mauvais œil la présence deFrançais, mais aussi d’« hérétiques », finirent par s’emparer du Fort-Coligny, venant ainsi à bout du premier établissement français outre-mer 11.

L’étape suivante, toujours sous l’impulsion de l’amiral de Coligny,fut la Floride, dans une acception plus généreuse que l’État actuel –une remarque qui vaudra également pour la Virginie. Ici encore,l’expérience fut aussi éphémère que mouvementée : Charlesfort, àl’endroit de l’actuelle Jacksonville, fut fondé par le corsaire dieppoisJean Ribault en 1562, juste avant qu’éclate la première guerre deReligion. Ribault rentra en France, fut pris dans le conflit et se retrouvaprisonnier aux mains des Anglais. Pendant ce temps, Charlesfort, enproie aux dissensions, fut abandonné. En 1564, René de Laudonnière,protestant comme Ribault, fonda Fort Caroline, un peu plus au sud,mais les Espagnols mirent un terme sanglant à l’aventure françaisel’année suivante 12.

La Floride était une entreprise presque exclusivement huguenote,qui présentait un double danger pour les Espagnols. Tout d’abord,elle était peuplée d’« hérétiques » aux yeux des sujets de Philippe II.

Pedro Menéndez de Avilés, nouveau gouverneur (adelantado) de Flo-ride, avait reçu pour mission d’en chasser les « luthériens », commel’on disait alors abusivement. Une tâche qu’il exécuta avec autantd’ardeur que de conviction. Les Français qui ne parvinrent pas às’échapper furent presque tous massacrés – ils périrent d’ailleurs en
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JAMESTOWN ET PLYMOUTH : NAISSANCE RELIGIEUSE DE L’AMÉRIQUE 43

chantant des psaumes. Menéndez avait fait apposer un écriteau expli-quant qu’il ne s’agissait pas de rivalités nationales mais d’intoléranceconfessionnelle : « Je ne fay cecy comme à François mais comme àLuthériens 13. » Il avait également écrit à Philippe II pour justifierson geste : « Il m’a semblé que je servais bien Dieu et Votre Majestéen les châtiant ainsi ; car au moins cette mauvaise secte n’entraveraplus nos efforts pour semer la bonne parole dans ces contrées 14. »Deux ans plus tard, le gentilhomme catholique Dominique de Gour-gues arma à ses frais des navires pour laver l’affront subi par sesconcitoyens. Il s’allia avec les Indiens de la région de Fort Caroline,rebaptisé San Mateo, qui détestaient les Espagnols. Pour s’identifierauprès d’eux, ils durent d’ailleurs entonner des psaumes car les Indiensassociaient les Français à cette pratique protestante. Les forcesconjointes de Gourgues et des Indiens réussirent à s’emparer de SanMateo, massacrèrent presque tous les Espagnols et rasèrent leurs forts.Gourgues répondit à Menéndez en faisant poser un écriteau sur lequelétait écrit : « Je ne fays cecy comme a Espagnols ni comme à Mari-niers, mais comme à Traistres, Voleurs et Meurtriers. » Puis, sa mis-sion accomplie et l’honneur de la France lavé, il fit voile vers LaRochelle, qu’il atteignit en juin 1568 15.

En plus de son caractère protestant, la présence française gênaitcar elle occupait un endroit particulièrement stratégique. En effet,les galions chargés d’or et d’argent qui faisaient voile vers Sévilleétaient obligés de se réunir à La Havane pour ensuite passer le détroitdes Bahamas, le long de la côte orientale de la Floride. Quiconques’y implanterait serait donc idéalement placé pour intercepter lesnavires espagnols chargés des richesses qui contribuaient à faire deCharles Quint puis de Philippe II les souverains les plus puissantsde l’Europe de la Renaissance 16. C’était quasiment le seul intérêtd’une implantation en Floride 17, comme le montre le fait que Coli-gny et le corsaire huguenot Jacques de Sores aient envisagé à la findes années 1560 de s’emparer de l’île de Madère : l’important n’étaitpas de s’établir en Floride mais en n’importe quel point du bassinatlantique qui permettait de se mettre à la portée des galions ibé-

riques 18. Si les richesses espagnoles étaient de toute évidence un enjeuéconomique et politique, on ne peut tout à fait en occulter la dimen-sion religieuse dans la mesure où, au XVIe comme au XVIIe siècle, lesrivalités nationales, ici clairement en jeu, se cristallisaient volontiersautour des revendications identitaires à caractère confessionnel. Ainsi,
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l’hostilité à l’encontre de l’hégémonie espagnole se focalisa de plusen plus sur sa dimension catholique, de bras armé de Rome, alorsque l’Angleterre, de plus en plus, s’identifiait au protestantisme. Dansce processus qui s’étala sur une génération, elle lia son destin à celuides rebelles néerlandais calvinistes contre l’occupant espagnol – mal-gré la prudence d’Élisabeth 19.

Peu de temps après le raid vengeur de Gourgues, les jésuites espa-gnols, déçus du peu de conversions qu’ils avaient suscitées en Floride,tentèrent d’implanter une mission plus au nord, dans la baie de laChesapeake, dans les environs de ce qui devait devenir Jamestownun demi-siècle plus tard. L’histoire avait commencé en 1561, quandun Amérindien connu sous le nom de Paquiquineo se retrouva – onne sait comment exactement – sur une caravelle espagnole, la SantaCatalina. Après un passage par la cour de Philippe II, à Madrid, ilsemble avoir passé les années suivantes à Mexico, avec les domini-cains, où il apprit l’espagnol, reçut une instruction chrétienne, et futbaptisé du nom de Don Luís de Velasco. En 1566, il était à LaHavane, où il fit partie d’une première tentative d’implantation demission dans sa Chesapeake natale, mais il ne parvint pas à trouverl’entrée de la baie et le navire fut repoussé par une tempête. Il repassaen Espagne l’année suivante avec Pedro Menéndez de Avilés avec quiil retraversa l’Atlantique en 1569 ou 1570 pour tenter d’installer unenouvelle mission jésuite dans la Chesapeake, tant vantée par DonLuís, et qui promettait un passage vers la « Tartarie ». La missionfut fondée en septembre 1570 sur les rives de la rivière Pamunkey.Les Espagnols déchantèrent vite : le paradis qu’avait dépeint Don Luísvenait de subir plusieurs années de famine qui avaient entraîné uneimportante dépopulation.

Par ailleurs, les relations entre jésuites et populations locales setendirent rapidement. Appelés au chevet d’un garçon mourant, lesmissionnaires baptisèrent l’enfant qui succomba malgré tout. Il estdonc fort possible que les Indiens aient perçu les jésuites comme dessorciers qui auraient en réalité achevé l’enfant. De plus, des mala-dresses espagnoles compromirent le principe de réciprocité dans les

échanges avec les Indiens. Don Luís, enfin, abandonna rapidementles jésuites pour retourner vivre avec les siens, à quelques dizainesde kilomètres de là. Il revint quelques mois plus tard, avec des ren-forts, pour massacrer les huit jésuites, sauf Alonso, un garçon qui lesaccompagnait.
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TABLE

Prologue.......................................................................................... 9

1. Au commencement était la Réforme .................................... 17Les conditions nécessaires à la Réforme, 17 – Des réformes à laRéforme, 19 – La Réforme en Angleterre, 27

2. Jamestown et Plymouth : naissance religieuse de l’Amérique 39Avant Jamestown : les « vaines tentatives », 39 – Jamestown et laVirginie (1606-1624), 50 – Plymouth et la Nouvelle-Angleterre,61

3. L’âge d’or des puritains : Pères fondateurs ou croquemitaines ? ............................................................. 67

Une mémoire encombrante, 67 – Refuge religieux ou migrationéconomique ?, 70 – Le mythe de la théocratie puritaine, 74 –L’intolérance comme projet de société, 82 – Virginie et Maryland :les puritains entre tolérance et intolérance, 99

4. Diversité et tolérance : la christianisation de l’Amérique ....... 103De la Nouvelle-Amsterdam à New York, 105 – La Nouvelle-Angleterre en transition : l’illusion du déclin, 117 – L’anglica-nisme sur le marché de la foi, 125

5. Le « premier Grand Réveil » évangélique .............................. 143Des réveils au Réveil ?, 150 – Évangélisme et innovation sur le

marché de la foi, 166 – Réveil et Révolution, 171 – L’héritage du« réveil », 175

6. La nation providentielle : Révolution et indépendance ......... 179D’un Antéchrist à l’autre, 180 – L’américanisation de Dieu, 186– La religion dans la nouvelle nation, 194 – Jefferson et le spectrede l’athéisme français, 200

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448 HISTOIRE RELIGIEUSE DES ÉTATS-UNIS

7. La crise de croissance des États-Unis .................................... 207Expansion et effervescence : la conquête religieuse de l’Ouest,210 – L’Empire du Bien, 225 – Nativisme et antipapisme :l’Amérique aux Américains, 236

8. Renaissances d’une nation .................................................... 249La guerre de Sécession (1861-1865) : « Apocalypse américaine »,252 – La Reconstruction du Sud, 257 – L’Amérique industrielle :l’« Âge doré », 271 – Race, destinée, mission et impérialisme, 285

9. À l’épreuve des temps modernes ........................................... 289La Première Guerre mondiale : entre croisade morale et cataly-seur culturel, 291 – Le retour des puritains ?, 293 – Une dépres-sion religieuse ?, 310

Épilogue ................................................................................... 321La guerre froide : gérer l’apocalypse, 321– Les droits civiques : lesparadoxes de l’égalité, 326 – La droite religieuse : restaurer uneAmérique chrétienne (mythique), 329 – Résurgence de la « gauchereligieuse » et tendances actuelles, 333 – Que reste-t-il des puri-tains ?, 338

Notes ......................................................................................... 345Chronologie .................................................................................... 403Bibliographie sélective ..................................................................... 409Index ......................................................................................... 429Remerciements ........................................................................... 443Table des cartes .......................................................................... 445

Composition et mise en page par Nord CompoNo d’édition : L.01EHBN000272.N001

Dépôt légal : septembre 2012